Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 28 avril 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Bonjour, Monsieur

  7   l'Ambassadeur.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  9   LE TÉMOIN : HERBERT OKUN [Reprise]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, il y a un

 12   petit point de procédure à aborder avant de commencer.

 13   On vient de me dire que des informations confidentielles ont été

 14   révélées par le biais de notre ordonnance d'expurgation, donc la Chambre

 15   demande par la présente au greffe de modifier l'ordonnance d'expurgation

 16   publique déposée le 23 avril 2010, numéro de page D34952, pour en faire

 17   maintenant un document confidentiel afin de protéger l'identité du témoin.

 18   Monsieur Karadzic, c'est à vous.

 19   Maître Robinson.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, j'ai deux points rapides à aborder.

 21   Tout d'abord, le document D77 qui avait reçu une cote provisoire MFI,

 22   et maintenant on me dit que la traduction est arrivée, donc il faut que je

 23   fasse une demande orale pour que cette pièce devienne une pièce sans MFI,

 24   donc pièce versée au dossier.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Ensuite, au cours du témoignage de

 27   l'ambassadeur Okun, on a parlé d'une lettre qui aurait été envoyée à propos

 28   du pilonnage de l'hôpital de Sarajevo. Donc avec l'assistant de

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  1   l'Accusation, nous avons réussi à trouver une lettre, c'est une lettre du

  2   général Morillon au président Izetbegovic, et nous voudrions que cette

  3   lettre soit versée au dossier. Nous en avons parlé avec l'Accusation, et

  4   ils n'ont pas d'objection à soulever. Il s'agit de la pièce 1D900 dans le

  5   prétoire électronique.

  6   Je vous remercie.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La 1D900. Très bien. Pourriez-vous me

  8   rappeler la chose suivante : a-t-on parlé de cette lettre hier ?

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Non, on en a parlé avant-hier, en fait. Cela

 10   faisait partie des informations supplémentaires fournies par l'ambassadeur

 11   Okun à l'Accusation lorsqu'il est arrivé à La Haye.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, qu'avez-vous à dire ?

 13   M. TIEGER : [interprétation] Me Robinson a bien dit que nous ne soulevions

 14   aucune objection au versement de cette lettre. Ce n'est pas tant que cette

 15   lettre ait été abordée dans le cadre du témoignage, mais ce qui est

 16   important, en fait, ce sont les points qui ont à voir avec cette lettre, et

 17   comme Me Robinson l'a indiqué, ces points ont été soulevés dans le cadre de

 18   l'interrogatoire, et donc nous n'avons pas d'objection à ce que cette

 19   lettre soit admise.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Les deux documents sont

 21   admis.

 22   Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 23   Nous vous donnerons la cote du dernier point.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 1D900 recevra la cote D99.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Bonjour, Vos Excellences. Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur. Bonjour à tous.

 27   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 28   Q.  [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, avant que de poursuivre là où

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  1   on s'était arrêté hier, je voudrais vous demander si vous avez réussi à

  2   lire quoi que ce soit dans les deux tomes des journaux du Pr Koljevic ?

  3   Vous savez certainement qu'il a laissé derrière lui un journal très précis,

  4   qu'il a tenu à jour au quotidien.

  5   R.  Je n'étais pas au courant.

  6   Q.  Merci. Si on a le temps, on reviendra sur ce sujet. Mais comme vous ne

  7   l'avez pas lu, ce n'est pas une priorité.

  8   Je voudrais qu'on nous montre dans le prétoire électronique le 1D217

  9   maintenant. Le 1D217. Nous avons besoin de la version anglaise. On l'a.

 10   C'est la version anglaise qu'il nous faut. J'aimerais qu'on zoome un peu.

 11   Monsieur l'Ambassadeur, nous avons pas mal de correspondance entre nous et

 12   la Croix-Rouge internationale. Ici, c'est une lettre de ma part au chef du

 13   gouvernement, M. Branko Djeric, premier ministre. Je lui dis :

 14   "Monsieur le Premier Ministre, je vous communique une copie des rapports

 15   que je viens de recevoir concernant la situation dans les prisons de

 16   Manjaca et Bileca. Au sujet de ces rapports, j'ai envoyé une lettre à M.

 17   Cornelius Samaruga, le président du CICR, et au général Ratko Mladic.

 18   "Je m'attends à ce que le gouvernement, par le biais des ministères de la

 19   Justice et de l'Intérieur, partant des rapports qui ont été communiqués,

 20   prennent des mesures immédiatement aux fins d'améliorer les conditions de

 21   vie dans ces prisons qui sont tenues par nos autorités civiles sur le

 22   territoire concerné."

 23   Savez-vous, Monsieur, que nous nous sommes occupés de cela ?

 24   R.  Je savais, de la part du Comité international de la Croix-Rouge, qu'ils

 25   étaient en contact avec vous du fait qu'ils souhaitaient que les conditions

 26   de détention dans les camps soient améliorées.

 27   Q.  Merci. Je voudrais qu'on nous montre le 1D244.

 28   Oui, est-ce qu'on peut verser au dossier ce document, Monsieur le

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  1   Président, pour en faire une pièce à conviction.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote D100.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Ici, nous avons un ordre à l'attention de l'état-major principal de

  6   l'armée de la VRS, ministère -- mais je tiens d'abord, avant que de le

  7   dire, vous rappeler qu'on était tout à l'heure au 7 août, et là, on est au

  8   19 août 1992. Et nous sommes en pleine coopération et activité sur

  9   l'adoption du plan Vance-Owen.

 10   C'est indiqué à l'état-major de l'armée de la Republika Srpska,

 11   ministère de l'Intérieur, et tous les centres de services de Sécurité. Vous

 12   n'ignorez pas que les services de Sécurité couvrent, depuis une

 13   municipalité, plusieurs autres municipalités, n'est-ce  pas ?Alors, il est

 14   dit :

 15   "Conformément à notre document daté du 13 juin 1992 et qui se rapporte au

 16   respect des normes internationales en temps de guerre, une fois de plus,"

 17   je souligne "une fois de plus," "j'ordonne :

 18   "1. Que tous les intervenants se conforment à leurs obligations

 19   relevant du droit humanitaire international, en particulier les conventions

 20   de Genève numéro 3 et 4.

 21   "2. Donner instruction à tous les combattants et à tous les employés

 22   du ministère de l'Intérieur concernant le respect des individus, civils,

 23   institutions en lieux publics et privés, les insignes de la Croix-Rouge et

 24   la population, ainsi que les ressources des Nations Unies soient pleinement

 25   respectées.

 26   "3. Prévenir ou empêcher le déménagement ou les départs illégaux de la

 27   population civile, et en cas de confirmation de vente de biens ou

 28   déclaration disant que les réfugiés ne retourneraient pas, ça n'a aucune

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  1   validité légale et cela est abrogé.

  2   "4. Prendre immédiatement des mesures aux fins d'améliorer les conditions

  3   dans la totalité des prisons au sein de la République serbe, conformément

  4   aux recommandations avancées par la Croix-Rouge internationale à l'occasion

  5   de ses visites à ces sites. Conformément à la décision précédente, tous les

  6   prisonniers de guerre qui ne sont pas en bon état de santé et qui ne

  7   risquent pas de se retrouver dans les rangs d'armées ennemies doivent être

  8   tout simplement relâchés.

  9   "5. Immédiatement informer la Croix-Rouge internationale de la situation

 10   dans la totalité des prisons dans la République serbe afin qu'il soit

 11   communiqué à cette organisation-là une liste précise des gens qui sont

 12   gardés dans ces prisons."

 13   Cinquièmement :

 14   "La totalité des membres de l'armée et de la police de la République

 15   serbe sont tenus de fournir toute assistance à l'intention des membres de

 16   la Croix-Rouge internationale et du Haut-commissariat aux réfugiés auprès

 17   des Nations Unies ainsi qu'aux autres organisations humanitaires.

 18   "Toute instance de l'armée et de la police dans sa zone de

 19   responsabilité est tenue d'investiguer de façon vigoureuse toute suspicion

 20   ou signe de violation relative à la Loi humanitaire internationale."

 21   Alors, saviez-vous que nous avons réitéré à plusieurs reprises, jusqu'au 19

 22   août 1992, pour donner des ordres explicites et qui n'ont jamais été

 23   abrogés pour que les autorités se comportent de façon appropriée à l'égard

 24   des civils, des prisonniers de guerre, des organisations internationales,

 25   et cetera.

 26   R.  Nous avons été informés directement par le CICR des communications

 27   qu'elles entretenaient avec vous, comme je vous l'ai dit d'ailleurs. Ils

 28   nous ont aussi informés que les conditions dans les camps ne s'étaient pas

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  1   améliorées. D'ailleurs, le Dr Sommaruga en a parlé dans son discours du 26

  2   août 1992 à la conférence de Londres. Cela dit, la lettre que vous venez de

  3   nous lire est extrêmement recommandable, c'est sûr.

  4   Q.  Merci. Je tiens à ajouter que ceci est un ordre. Je n'ai pas envoyé des

  5   lettres à la police et à l'armée. J'ai envoyé des ordres.

  6   Est-ce qu'on peut, s'il vous plaît, verser cette pièce au dossier, le

  7   1D244.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

  9   Je tiens juste à dire que la traduction anglaise porte un intitulé,

 10   "traduction de la Défense." Or, il existe une traduction qui a déjà été

 11   faite de ce document. Elle est sur la liste 65 ter, si je ne m'abuse, et je

 12   pense qu'elle a été déjà versée. Cela dit, comme je sais que la partie

 13   adverse se plaint souvent de ne pas avoir assez de temps pour traduire et

 14   pas assez de ressources pour traduire ces documents, il faudrait peut-être

 15   qu'ils s'entretiennent avec nous pour nous assurer qu'ils ne font pas

 16   traduire des documents qui ont déjà été traduits.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il une possibilité qui permette à

 18   la Défense de savoir si le document a déjà été traduit ou pas. Possibilité

 19   technique.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Ça devait être téléchargé dans le prétoire

 21   électronique, et ça fait partie de la liste 65 ter. Je comprends qu'il y a

 22   les documents pour lesquels il faut faire des recherches supplémentaires,

 23   mais celui-ci, je pense qu'il est passé au travers du filet, c'est tout.

 24   Mais je ne veux pas dire que quelqu'un s'est trompé ou a été négligent,

 25   absolument pas, mais je pense juste que dans l'intérêt de la bonne gestion

 26   de nos ressources, il est utile de le faire savoir.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc il sera admis. Quelle

 28   sera la cote ?

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote D101.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   Je voudrais qu'on nous montre au prétoire électronique le 1D312, le 312.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  En attendant qu'on nous le montre, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais

  7   vous dire toute suite de quoi il s'agit.

  8   Comme on l'avait annoncé avant la guerre, nous avions dit que l'ordre était

  9   entre nos mains et que le chaos n'était l'intention de personne, et il y a

 10   certes eu des meurtres de commis, et voilà comment les instances de l'Etat

 11   se sont comportées lorsqu'elles ont eu vent de certains agissements. Il

 12   s'agit du ministère de l'Intérieur de la république serbe, qui dit :

 13   "Il y a des instances disant qu'à Bastezi, non loin de Celinac, il y a eu

 14   cinq Musulmans civils à être tués.

 15   "Je donne l'ordre de procéder à une investigation des plus strictes pour

 16   que les criminels soient identifiés et conduits en justice.

 17   "Les représentants du ministère, pour ce qui est du centre des services de

 18   Banja Luka et du centre des services de sécurité publique de Celinac, se

 19   doivent de prendre toutes les mesures aux fins de protéger la population

 20   civile musulmane de la municipalité de Celinac qui, d'après nous, ne

 21   dispose d'aucune organisation militaire ni est en train de se préparer à

 22   quelque intervention militaire que ce soit à l'encontre du peuple serbe."

 23   Monsieur l'Ambassadeur, lorsqu'une chose pareille se produisait dans votre

 24   pays, il est certain que le niveau central chercherait à savoir ou vous

 25   donnerait l'ordre au FBI d'intervenir, n'est-ce pas ?

 26   R.  Très certainement.

 27   Q.  Merci. Nous avions estimé que ceci était un "federal case," comme vous

 28   le dites chez vous, et nous sommes intervenus.

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  1   Est-ce que l'un quelconque de vos collaborateurs vous aurait dit, Monsieur

  2   l'Ambassadeur, que le général Galic avait informé que jusqu'au mois de

  3   septembre 1992 il y a eu 6 300 plaintes au pénal, dans la plupart des cas

  4   c'était du domaine militaire, mais il y a aussi d'autres actes qui

  5   n'impliquaient pas les militaires, et Stojan Zupljanin, le chef de la

  6   police de cette partie de la Krajina, a fait un rapport disant qu'il avait

  7   eu jusqu'à ce moment-là 2 500 ou 3 000 dépôts de plaintes an pénal ? Ils

  8   nous en ont informés dans leurs demandes qui étaient celles de renforcer

  9   les instances de la justice, parce que la police, une fois qu'elle avait

 10   déposé une plainte, avait terminé son travail, mais les activités de la

 11   justice ne pouvaient pas suivre la cadence. Donc est-ce que vous avez été

 12   informé du nombre de dépôts de plaintes qui sont encore poursuivis en

 13   justice de nos jours en Bosnie-Herzégovine ?

 14   R.  Je ne me souviens pas avoir été au courant des chiffres précis. Nous

 15   savions qu'il y avait des échanges dans chaque camp entre les leaders et

 16   les subordonnés. Il faut aussi remarquer que nous n'étions pas en mesure de

 17   vérifier si ces ordres donnés avaient été bel et bien exécutés par la

 18   police sur le terrain.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais que cette pièce soit versée

 20   au dossier.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  En attendant, je voudrais le D235.

 23   Et en attendant, Monsieur, je tiens à vous dire que les Serbes

 24   étaient assez mauvais du point de vue de la propagande ou de la publicité à

 25   faire de soi-même, ce qui fait que pendant la guerre nos activités

 26   passaient inaperçues. C'est une erreur de notre part, mais nous avions

 27   pensé que c'était plutôt de mauvais goût que de faire du ramdam au sujet de

 28   ce que nous étions de toute manière censés faire.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que dans la déclaration, on

  2   demande une réponse de la part de l'ambassadeur, s'il souhaite répondre.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas de réponse à donner. Ce qui est

  4   certain c'est que le nettoyage ethnique, c'est de très mauvais goût.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, vous ne soulevez aucune

  6   objection au versement au dossier de cet ordre ?

  7   M. TIEGER : [interprétation] En effet.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Il recevra une cote.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce serait la cote D102.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre maintenant le

 12   1D235. Il s'agit d'une lettre à l'attention du commandant de l'état-major

 13   principal, M. Ratko Mladic; M. Mico Stanisic, le ministre de la police; et

 14   Momcilo Mandic, le ministre de la Justice. Il s'agit de la date du 22

 15   octobre 1992. Nous sommes toujours encore ensemble, et vous êtes avec nous

 16   dans notre crise. Je dis :

 17   "Messieurs, comme vous le savez, à l'époque j'ai signé une autorisation

 18   officielle à l'attention des représentants du Comité international de la

 19   Croix-Rouge, et partant de cette autorisation, il doit être autorisé,

 20   conformément aux conventions de Genève, un libre accès aux prisons et

 21   prisonniers. Je vous renvoie une fois de plus une copie de ladite

 22   autorisation.

 23   "J'ai été informé que certaines autorités policières, militaires ou civiles

 24   avaient complètement ignoré le document en question et avaient fait

 25   obstruction aux activités normales des délégués du comité international.

 26   "Je vous demande d'urgence de prévenir tous vous responsables subordonnées

 27   que cette autorisation du CICR portant ma signature doit être absolument

 28   respectée.

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  1   "Donc je vais demander qu'une investigation soit diligentée dans tout cas

  2   de manque de respect à l'égard de cet ordre."

  3   Bien que la Republika Srpska et les Etats-Unis, ça ne se compare pas, mais

  4   votre président a-t-il des instances particulières ou est-ce qu'il doit

  5   passer par des autorités officielles pour réclamer le respect de la loi ?

  6   Est-ce qu'il a une communication directe ou est-ce qu'il donne des ordres à

  7   l'attention d'un niveau quelconque au niveau central ?

  8   R.  Le président utiliserait une procédure normale et pas directe, mais

  9   indirecte, comme vous l'avez dit.

 10   Q.  Merci. Est-ce que le président des Etats-Unis, en sus de ces

 11   structures, dispose d'organes d'investigation au sein de son propre cabinet

 12   ?

 13   R.  Oui, il en dispose. Comme vous l'avez dit précédemment, il y a le FBI,

 14   le "Federal Bureau of Investigations," le Bureau fédéral des enquêtes. Et

 15   au titre de notre constitution, le président des Etats-Unis et le

 16   commandant en chef des forces armées, donc tout ce qu'il demande est

 17   automatiquement exécuté par toutes les unités militaires, et ce, à tous les

 18   niveaux de la hiérarchie.

 19   Q.  Merci, c'est bien ce que je pensais.

 20   Mais à l'extérieur de ces structures il n'a pas une police secrète à soi

 21   dont personne n'aurait connaissance ?

 22   R.  Non, non, bien sûr qu'il n'en a pas.

 23   Q.  Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, est-ce que je peux demander le

 25   versement au dossier de cette pièce, 1D235.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote D103.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   Je voudrais maintenant que l'on nous montre au prétoire électronique le

  3   1D253.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Pendant que nous attendons le 1D253, je tiens à vous informer, Monsieur

  6   l'Ambassadeur, de quoi il s'agit.

  7   Il s'agit de la date du 11 mars 1993. Nous sommes toujours ensemble

  8   là-bas, c'est-à-dire vous êtes encore présent à notre conférence, et vous

  9   êtes resté, je crois, jusqu'à la mi-mai 1993 ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Il s'agit ici d'une directive. Le président de ladite république rend

 12   une directive qui se lit comme suit, c'est adressé à l'état-major principal

 13   de l'armée de la Republika Srpska. On n'avait pas Republika Srpska sans

 14   Bosnie-Herzégovine. Donc il est question de directive.

 15   L'état-major de l'armée de la Republika Srpska se doit de continuer à

 16   l'avenir aussi :

 17   "1. De rendre possible l'accès et une protection des envois,

 18   équipement, du personnel qui est censé fournir l'assistance à la population

 19   civile de la partie adverse."

 20   2 :

 21   "Interdiction d'utiliser les vivres, l'eau potable, les réservoirs à

 22   eau, et cetera, à des fins militaires."

 23   Troisièmement :

 24   "Se conformer aux conventions de Genève pour la protection des

 25   victimes de la guerre en application des protocoles 1 et 2, tout comme de

 26   la convention de La Haye portant loi et coutumes de la guerre, de 1907 et

 27   autre dispositions du droit international en temps de guerre.

 28   "4. Assurer à l'intention de toutes les unités de l'armée, une

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  1   information appropriée et un respect par leur soin de ces directives."

  2   Alors, vous savez que le 13 juin 1992, nous avions donné des

  3   instructions très détaillées à ce sujet, ainsi qu'un carton disant comment

  4   il fallait se comporter à l'égard des prisonniers de guerre. En mars 1993,

  5   cela est indiqué une fois de plus, parce que comme vous le savez, dans ce

  6   chaos de la guerre civile, il y a bien des comportements volontaristes de

  7   possibles, et on donne instruction à l'état-major principal de supprimer

  8   tout comportement volontariste et de se conformer aux instructions qui lui

  9   sont données.

 10   R.  Nous étions au courant de cette directive générale, c'était une

 11   question importante. En effet, cette directive tout à fait honorable n'a

 12   pas été respectée ni par l'armée des Serbes de Bosnie ni par les autres

 13   armées d'ailleurs, les autres parties. Les convois alimentaires sous

 14   protection -- plutôt escortés par les troupes de la force -- la FORPRONU

 15   étaient arrêtés, étaient volés ou alors on obligeait les personnes à payer

 16   leur passage, parfois à certains points de contrôle. Donc cette directive

 17   est tout à fait honorable, mais malheureusement elle était enfreinte plutôt

 18   que respectée.

 19   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Avez-vous eu connaissance de, ne serait-

 20   ce qu'un cas, où l'armée ou la police serbe aurait demandé de l'argent pour

 21   laisser passer un convoi ?

 22   R.  Oui, à de nombreuses reprises. Vous les trouvez dans les dossiers de la

 23   FORPRONU.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je demanderais à ce que le Procureur me

 25   communique ces éléments de preuve.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Saviez-vous, Monsieur l'Ambassadeur, combien de convois il est passé et

 28   combien de convois a eu à faire face à des problèmes ? Je tiens à vous dire

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  1   qu'il devait y avoir moins de 1 %, et peut-être était-ce des cas pour 1

  2   000, et non pas pour 100 à en avoir eu.

  3   R.  Je ne peux pas vous donner un chiffre exact, mais je peux répéter ce

  4   que je viens de dire.

  5   A plus d'une reprise, la FORPRONU nous a dit que les convois rencontraient

  6   des obstacles de façon routinière, et ce, obstacles présentés par toutes

  7   les parties au conflit.

  8   Q.  Je vais confirmer, Monsieur l'Ambassadeur, qu'il y a eu des

  9   inspections, parce que nous avions constaté -- enfin, nous avions déterminé

 10   comment ces inspections devaient être faites. Parce que seriez-vous

 11   d'accord avec moi pour dire qu'il y a eu des abus des convois à des fins

 12   militaires pour approvisionner nos ennemis ?

 13   R.  Oui, tous les camps avaient tendance à abuser de la situation.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à ce qu'on nous montre le 1D274.

 15   Pendant que nous attendons cette pièce, je voudrais tirer une chose au

 16   clair.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Je n'ai pas dit mauvais traitement, j'ai dit abus, contrebande

 19   d'équipement militaire dans les convois qui étaient censés transporter de

 20   l'aide humanitaire. Et cela nous a contraints à procéder à des inspections

 21   routinières de la teneur de ce qui était transporté dans les convois. Pour

 22   essayer de trouver des munitions, des armes ou autres matériels de guerre.

 23   R.  Ça je ne l'ai jamais su comme étant un fait avéré, mais j'imagine que

 24   c'était le cas. J'ai déjà témoigné, par exemple, pour expliquer que le

 25   président Tudjman m'avait escorté à l'aéroport de Zagreb, il voulait nous

 26   montrer un avion iranien, il s'agit d'un certain 747, iranien, qui

 27   apportait des équipements militaires pour l'armée des Musulmans de Bosnie.

 28   Il s'agissait principalement de masques à gaz, ce qui n'est pas très utile.

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  1   Mais enfin, il s'agissait quand même d'un avion commercial bourré de

  2   l'équipement militaire.

  3   Q.  Merci. Enfin, vous étiez plutôt préoccupé par ces masques à gaz que les

  4   uniformes, enfin, qu'ils soient vêtus ou nus, mais ils avaient ressenti le

  5   besoin d'avoir des masques à gaz, parce qu'ils avaient pensé qu'on allait

  6   utiliser des poisons à des fins militaires.

  7   Bon, mais en attendant, j'ai demandé à ce qu'on nous montre le 1D274.

  8   Tant que nous attendons cette pièce, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais

  9   vous demander si vous avez gardé le souvenir du fait que j'avais demandé à

 10   un haut responsable de la Republika Srpska, le Pr Koljevic, d'être

 11   président du comité pour coopérer avec les Nations Unies. Donc c'est du

 12   haut de son autorité qu'il pouvait intervenir même quand je n'étais pas là

 13   pour améliorer la situation s'il l'estimait nécessaire.

 14   R.  Oui, je m'en souviens. Je me souviens que le Pr Koljevic et M.

 15   Krajisnik s'occupaient de vos intérêts dans le cadre de la conférence

 16   lorsque vous n'étiez pas là. Mais je n'ai jamais eu connaissance des

 17   instructions précises que vous aviez données à Koljevic.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais qu'on nous donne une cote

 19   pour la pièce précédente, s'il vous plaît.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans l'intervalle, le document 253 sera

 21   admis, à moins qu'il y ait des objections. Quelle sera sa cote ?

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la D104.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, ceci est daté du 5 mai 1993. Il est adressé à

 27   l'état-major de l'armée de la Republika Srpska et on dit qu'il a rendu la

 28   décision suivante :

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  1   "Premièrement, stopper tout de suite les activités offensives militaires.

  2   "En cas de conduite d'actions vers l'état-major, résister avec des forces

  3   adéquates."

  4   Mais ce qui nous intéresse c'est le troisièmement :

  5   "Rendre possible la fourniture sans entrave de l'aide humanitaire dans les

  6   secteurs de la partie adverse. Le contrôle de l'aide humanitaire doit être

  7   effectué de façon complète, efficace, avec le moins de retard possible, de

  8   façon correcte. Pour cette tâche, tout de suite former le personnel de la

  9   police militaire et de la police ordinaire qui doivent disposer de

 10   ressources pour faire leur travail.

 11   "Faciliter la mise en œuvre de la résolution 824 du Conseil de sécurité des

 12   Nations Unies, et pour ce qui est des actions concrètes, les déterminer au

 13   travers de négociations."

 14   Alors ceci est encore l'un des ordres de toute une série d'ordres à

 15   l'intention de l'armée pour ce qui est de la nécessité de se conformer aux

 16   obligations qui étaient les nôtres. Vous êtes bien d'accord avec moi ?

 17   R.  Oui. La conclusion que je tire en voyant le nombre important d'ordres,

 18   de directives, de courcis [phon], et de lettres que vous avez envoyées sur

 19   ce sujet à vos militaires, c'est qu'ils ne suivaient pas vos ordres.

 20   Puisque s'ils vous avaient écouté, ils auraient obéi, vous n'auriez pas eu

 21   à envoyer autant de lettres. Donc certes ces ordres étaient extrêmement

 22   honorables dans l'esprit en tout cas, mais visiblement ils n'étaient pas

 23   suivis des faits sur le terrain.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   Je voudrais qu'on nous montre le 1D256.

 26   En attendant, je tiens à vous informer - et je ne sais pas si vous le

 27   saviez - j'ai toujours pris en considération les observations des

 28   représentants de la communauté internationale, et j'ai tout le temps mis en

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  1   garde mes officiers partant des observations dont on me faisait part, et

  2   très souvent ces informations n'étaient pas tout à fait exactes. Il

  3   arrivait aussi que je m'attaque à mes officiers, à mes subordonnés sans

  4   justification véritable.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Vous êtes d'accord aussi pour dire qu'il y a eu des cas de ce type

  7   aussi ?

  8   R.  J'imagine que des cas de ce type ont existé.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   Je voudrais pour la pièce précédente une cote, et je voudrais qu'on nous

 11   montre le 256 maintenant.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La pièce 274 est admise.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle reçoit la cote D105.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Ici nous sommes à la date du 12 mai 1993. Ministère de l'Intérieur de

 17   la Republika Srpska. A l'attention de M. Ratko Adzic en personne :

 18   "Partant de l'article 80 de la constitution de la Republika Srpska, je

 19   donne l'ordre de passer par le biais du centre des services de Sécurité de

 20   Banja Luka pour procéder à des patrouillages [phon] renforcés et sécuriser

 21   toutes les constructions religieuses dans Banja Luka.

 22   "Réaliser cet ordre tout de suite et m'informer des mesures qui auront été

 23   prises."

 24   Est-ce que quelqu'un vous aurait dit que nous avions pris soin de tout ce

 25   qui constituait édifices religieux ?

 26   R.  Oui, nous connaissions la situation épouvantable qui existait à Banja

 27   Luka où les églises étaient détruites, les mosquées étaient détruites par

 28   les forces serbes. Vous vous souviendrez sans doute, Monsieur Karadzic, que

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  1   c'est pour cela que le secrétaire Vance et Lord Owen vous ont demandé

  2   l'autorisation d'aller à Banja Luka pour voir comment éviter cette

  3   destruction aveugle de ces édifices religieux chrétiens ou musulmans, et

  4   vous leur avez d'ailleurs donné cette autorisation. Donc ils sont allés sur

  5   place avec votre accord.

  6   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Justement, je dispose de cette

  7   information qui provient de l'Accusation. J'aimerais que ceci soit placé

  8   sur le rétroprojecteur. C'est en anglais.

  9   Vous avez raison, mais je tiens à préciser que c'est moi qui avais demandé

 10   à M. Vance et M. Owen de venir à Banja Luka sur invitation de ma part. Ils

 11   sont venus, je les ai accueillis à Gradiska, au passage frontière.

 12   R.  C'est tout à fait vrai. D'ailleurs c'est consigné dans mes carnets.

 13   Q.  Un graphoscope [phon], un rétroprojecteur, j'avais mal utilisé le

 14   terme.

 15   Le document n'est pas sur la liste. Mais ce que je voudrais -- enfin,

 16   zoomez d'abord pour commencer. Merci. Alors :

 17   "Banja Luka, le 15 septembre.

 18   "Le leader des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, attend les coprésidents

 19   de la conférence sur la Yougoslavie pour dénier les allégations au sujet

 20   des nettoyages ethniques dans Banja Luka. M. Karadzic a dit vendredi qu'il

 21   croyait bien que les coprésidents de la conférence sur l'ex-Yougoslavie,

 22   Cyrus Vance et Lord Owen, allaient se rendre compte de la non-justification

 23   des allégations au sujet du nettoyage ethnique à Banja Luka - oui, on voit

 24   un peu mieux maintenant - sur les territoires contrôlés par les Serbes de

 25   Bosnie. Vance et Owen sont arrivés à Banja Luka le vendredi et ont

 26   rencontré les représentants des Musulmans et Croates dans les différentes

 27   villes. Vance et Owen ont pu se rendre compte par eux-mêmes qu'il n'y a pas

 28   de discrimination à l'encontre des Croates et des Musulmans à Banja Luka,

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  1   Karadzic a dit à la conférence de presse qui s'est tenue en ville qu'il

  2   avait ajouté qu'il croyait bien que les coprésidents étaient impartiaux.

  3   "En soulignant qu'il était contre toute forme d'expulsion forcée, Karadzic

  4   a dit que du fait de la guerre, beaucoup de Serbes, Croates et Musulmans

  5   avaient dû quitter leurs secteurs."

  6   Monsieur l'Ambassadeur, ce que je voudrais c'est que nous tirions au clair

  7   une chose qui n'est pas consignée dans vos carnets.

  8   Mais partant de vos explications, il découle le fait que nous n'avions pas

  9   nié ce que nous avions fait, M. Tieger, à l'occasion de son interrogatoire

 10   principal, de façon très habile, a placé une allégation disant que j'avais

 11   accepté le fait que mes forces à moi avaient procédé à du nettoyage

 12   ethnique, il l'a dit le premier jour. Moi, ce que je vous dis ici, c'est

 13   que nous avions pu comprendre qu'il allait y avoir de la peur auprès de la

 14   population et qu'il y aurait probablement des départs depuis des zones où

 15   ils étaient minoritaires vers des zones où ils étaient censés être

 16   majoritaires. Je l'ai prévu dans mon discours du 25 janvier qu'on a vu

 17   hier. Il est confirmé ici le fait que nous niions de façon permanente le

 18   fait que l'Etat et les instances de l'Etat aient fait quoi que ce soit pour

 19   ce qui est de déplacer de façon forcée la population.

 20   Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous voyez bien que nous avons nié le

 21   fait que l'Etat aurait à voir quoi que ce soit avec ce type de comportement

 22   ? Mais le phénomène était prévisible, je l'avais même prévu avant le début

 23   de la guerre. Et on peut envisager dans toute guerre civile qu'il y aurait

 24   des cas de figure de ce genre. Etes-vous d'accord avec moi ?

 25   R.  Je suis désolé, mais je n'ai entendu toute cette question en B/C/S

 26   uniquement, donc je vais devoir maintenant prendre connaissance du compte

 27   rendu.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Prenez votre temps, vous avez tout le

Page 1770

  1   temps pour lire le compte rendu.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- le compte rendu.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je regrette que vous n'ayez pas eu

  5   l'interprétation.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je serai très rapide. Je sais que nous n'avons

  7   pas beaucoup de temps.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Ce que je veux dire par là c'est que nous avons de fait nié les

 10   allégations aux termes desquelles l'Etat aurait procédé à des nettoyages

 11   ethniques.

 12   R.  Monsieur Karadzic, pour répondre à votre question, je dois dire que

 13   j'ai eu de longues discussions avec M. Vance lorsqu'il est revenu de Banja

 14   Luka. Or, ce qu'il m'a dit ne correspond pas à ce que vous venez de me

 15   dire. Il m'a dit avoir vu énormément d'édifices religieux chrétiens et

 16   musulmans détruits et qu'il avait eu l'impression que l'expulsion et

 17   l'intimidation des Musulmans et des Croates à Banja Luka se faisaient de

 18   façon organisée.

 19   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Mais M. Vance ne nous a jamais

 20   communiqué ce type d'information ni par écrit ni de façon orale.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le document qui n'a pas été annoncé, peut-on

 22   lui attribuer une cote aux fins d'identification au moins, Monsieur le

 23   Président ? On est arrivé à ce document, parce que M. l'Ambassadeur a

 24   initié en quelque sorte la chose.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il faudrait d'abord admettre le document

 26   256.

 27   M. TIEGER : [interprétation] En ce qui concerne le document 256, je

 28   voudrais qu'il ait juste une cote provisoire. Car j'aimerais vérifier sa

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  1   provenance avant qu'il ne soit versé définitivement au dossier.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est l'ordre, n'est-ce pas, que nous

  3   avons vu, cette pièce 256 ?

  4   M. TIEGER : [interprétation] En effet, c'est ça.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors vous --

  6   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais vérifier avec la Défense de M.

  7   Karadzic et peut-être avec d'autres personnes quelle est la source exacte

  8   de ce document avant d'autoriser son admission et de ne pas soulever

  9   d'objection.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire, pourquoi

 11   la "source" ? C'est un ordre qu'il a rédigé, votre problème c'est l'origine

 12   ?

 13   M. TIEGER : [interprétation] Oui. J'aimerais savoir par quel lien il a été

 14   obtenu. Je vois qu'il s'agit bien d'un ordre dont la date est précisée, et

 15   cetera. Mais je voudrais vraiment savoir par quel biais il a été obtenu.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez besoin de combien de temps ?

 17   M. TIEGER : [interprétation] Ce sera rapide, la prochaine audience, enfin,

 18   la semaine prochaine, quoi.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Pour l'instant il recevra une cote

 20   MFI.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote D106 MFI.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant avant de poursuivre, quel est

 23   ce document que nous avons vu sur le rétroprojecteur ? C'est un article de

 24   presse ?

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'attends l'interprétation, Excellence,

 26   c'est pour ça que je mets du retard.

 27   Il s'agit d'un aperçu publié par les agences de presse yougoslaves

 28   concernant les informations de ce jour. Le bureau du Procureur a toute une

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  1   collection d'aperçus de ce type, et cela m'a été communiqué par le bureau

  2   du Procureur sous la cote qui y est indiquée, des revues de presse.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Oui, oui, c'est le cas. Je crois, si j'ai bien

  5   compris, il s'agit d'un extrait de "Tanjug." Je n'ai pas d'objection à

  6   l'admission de cette pièce.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc elle recevra une cote.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la cote D107.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai cru comprendre que ce document

 10   n'était pas sur votre liste 65 ter, et vous avez demandé qu'il y soit

 11   ajouté, n'est-ce pas ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez raison, Excellence. Je m'étais retenu

 13   pour ce qui était de proposer son versement en sus de l'ordre prévu, mais

 14   M. l'Ambassadeur ayant l'amabilité de me rappeler cet événement de Banja

 15   Luka m'a rendu possible d'étayer ce qu'il a dit et sa bonne mémoire pour ce

 16   qui est du déplacement effectué par M. Vance et M. Owen vers Banja Luka.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Ce n'est pas quelque chose qui a été

 19   dissimulé, absolument pas. C'est juste que dans le contexte de la question

 20   posée aux questions [comme interprété] ce document a été soulevé. Très

 21   bien, je n'ai pas d'objection à cela.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 23   Poursuivons.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   Je voudrais demander à présent qu'on nous montre au prétoire électronique

 26   le 1D258. C'est bien le 12, me semble-t-il ? Ça c'est la version serbe. Je

 27   voudrais qu'on nous montre la version anglaise pour que les autres dans le

 28   prétoire puissent lire. Merci.

Page 1773

  1   Je vais donner lecture moi-même de la version serbe, mais est-ce que vous

  2   pouvez nous montrer la version anglaise sur nos écrans. Le 1D258 version

  3   anglaise. Si ça n'a pas été traduit, je vais lire, ensuite on fournira une

  4   traduction a posteriori.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Il s'agit de la date du 9 juin 1993 :

  7   "Je donne l'ordre à l'état-major de l'armée de la Republika Srpska :

  8   "Premièrement : Les soldats du Conseil croate de la Défense qui se sont

  9   abrités sur le territoire serbe à Vlasic assuraient un transport organisé

 10   avec tout leur armement par le biais des territoires serbes jusqu'à Vares."

 11   Vous vous souviendrez qu'ils avaient fui, il y a eu 10 000 civils à fuir

 12   Travnik et toute l'armée de là-bas aussi sous les frappes de l'armée

 13   musulmane. Ils sont passés à Vlasic sur le territoire serbe.

 14   "Deuxièmement : Les civils serbes qui se sont abrités sur le territoire

 15   serbe doivent disposer de la possibilité d'aller vers l'Herceg-Bosna ou

 16   vers la République de Croatie, selon leur souhait.

 17   "Troisièmement : Procéder immédiatement à l'exécution de cet ordre et

 18   m'informer de l'évolution et des aboutissements."

 19   Je tiens à vous rappeler que ces civils croates à l'époque disaient

 20   souvent, "Mais quelle FORPRONU ? L'armée serbe, pour nous, c'est la

 21   FORPRONU." Est-ce que vous saviez que nous avions accueilli un nombre

 22   énorme de Croates qui s'étaient réfugiés vers nos territoires, et nous leur

 23   avons fourni la possibilité d'aller où bon leur semblait ?

 24   Je crois que la traduction nous est fournie par le biais du

 25   rétroprojecteur. Est-ce qu'on peut faire en sorte que les autres dans le

 26   prétoire aient la possibilité de voir le texte de la traduction ?

 27   R.  Vous m'avez posé une question ?

 28   Q.  Oui, Monsieur l'Ambassadeur. Je voulais savoir si vous aviez eu vent --

Page 1774

  1   R.  Ecoutez, en ce qui concerne ce point, je n'en savais rien. Au mois de

  2   juin 1993, et le 9 particulièrement, M. Vance et moi-même ne travaillions

  3   plus en Bosnie et sur l'instruction du secrétaire général des Nations

  4   Unies, nous nous penchions maintenant sur la dispute entre les Grecs et les

  5   Macédoniens. Je vois ce document, et ce document est véridique, est fiable,

  6   je le pense. J'ai déjà déposé souvent pour dire que l'armée des Serbes de

  7   Bosnie et l'armée croate coopéraient très souvent sous de nombreux plans

  8   contre les Musulmans. D'ailleurs les dirigeants aussi coopéraient entre eux

  9   de temps en temps.

 10   Or, du printemps à l'été 1993, il y a eu des combats très intenses entre

 11   les forces des Croates de Bosnie d'un côté, et les forces des Musulmans de

 12   Bosnie de l'autre côté. Il n'est pas surprenant que l'on ait demandé à la

 13   VRS, donc à l'armée des Serbes de Bosnie d'aider les Croates de Bosnie, les

 14   soldats croates de Bosnie.

 15   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Je voudrais vous rappeler aussi - et je

 16   crois bien que vous le savez - qu'avec les Croates, du point de vue

 17   religieux, nous étions plus proches d'eux. Mais du point de vue ethnique

 18   nous considérions que nous étions plus proches d'eux parce qu'on pensait,

 19   on était convaincu que c'étaient aussi des Serbes. Enfin, c'étaient des

 20   gens qui, contre leur gré, avaient été islamisés. Et pourquoi n'y aurait-il

 21   pas de Serbes dans les trois ou quatre confessions existantes ? Les

 22   Croates, c'étaient des chrétiens comme nous, mais du point de vue ethnique,

 23   nous estimions que les Musulmans ils étaient tout à fait pareils à nous.

 24   Etes-vous d'accord avec cela ?

 25    R.  Il est incontestable que c'était ce que vous pensiez, ce que vous

 26   croyiez, je le savais d'ailleurs à l'époque. D'ailleurs, je tiens à dire

 27   que les Croates ont exactement le même discours que vous. D'après eux, les

 28   Musulmans bosniens sont des Croates, Croates qui ont été convertis à

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  1   l'Islam après la conquête ottomane de la Bosnie. C'est le président Tudjman

  2   d'ailleurs qui le disait. Mate Boban aussi a soulevé ce point. D'ailleurs,

  3   le président Tudjman a ajouté que c'était justement parce que les Musulmans

  4   de Bosnie-Herzégovine étaient en vérité des Croates, qu'au cours de la

  5   Deuxième Guerre mondiale la Bosnie-Herzégovine avait été donnée à la

  6   Croatie parce que cela faisait partie de la Croatie.

  7   Donc il est vrai, Docteur Karadzic, que les Serbes de Bosnie

  8   considéraient que les Musulmans étaient des Serbes au départ. Mais il faut

  9   aussi remarquer que les Croates avaient exactement le même discours et

 10   considéraient que les Musulmans de Bosnie étaient, en fait, des Croates.

 11   Et on doit ajouter qu'il y a eu énormément de mariages mixtes,

 12   surtout entre Serbes et Musulmans. Et dans une moindre mesure aussi, entre

 13   Croates et Musulmans. Donc Croates catholiques et Musulmans.

 14   En fait, la conclusion de tout cela c'est que la Bosnie-Herzégovine

 15   était surtout un Etat multiethnique et multireligieux au sein duquel tous

 16   ces groupes ethniques cohabitaient de façon pacifique jusqu'à 1991.

 17   Pourrais-je avoir ceci à l'écran, s'il vous plaît ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander à ce que ce 258

 19   soit versé au dossier, s'il vous plaît ?

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 21   Monsieur Tieger, qu'avez-vous à dire ?

 22   M. TIEGER : [interprétation] L'accusé a fait référence à une traduction de

 23   ce document, mais je ne l'ai pas reçue, je ne l'ai pas vue à l'écran.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, enfin, c'était sur le

 25   rétroprojecteur.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Oui. J'ai deux points mineurs à ajouter. Tout

 27   d'abord, si on pouvait nous donner les traductions à l'avance, ce serait

 28   quand même mieux.

Page 1776

  1   Ensuite, lorsqu'il y a une traduction en anglais d'un document, il

  2   faudrait mieux avoir la traduction en anglais sur l'écran pour que nous

  3   puissions -- et que la lecture se fasse à partir de l'anglais. Ainsi nous

  4   n'aurons qu'une seule traduction. Alors, que nous, nous avons la traduction

  5   qui vient aussi des cabines d'interprètes. Je ne sais pas comment les Juges

  6   de la Chambre aimeraient traiter de ce problème, mais enfin, pour

  7   l'instant, je sais que c'est quand même un problème qui existe, je sais que

  8   nous n'avons pas beaucoup de temps.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais c'est inévitable. Lorsque l'accusé

 10   lit quelque chose à partir d'une version en serbe, en B/C/S,

 11   l'interprétation est peut-être un peu différente de la traduction écrite.

 12   C'est inhérent à l'exercice.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Enfin, dans d'autres Chambres de première

 14   instance, on nous a plutôt encouragés à demander à ce que la lecture soit

 15   faite de la traduction qui déjà été faite. Enfin, bon, je ne sais pas si ça

 16   va créer un problème, mais ça pourrait éventuellement créer un problème.

 17   Mais il est vrai que nous pourrions peut-être trouver la solution à un

 18   autre moment lorsque nous avons plus de temps.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. En tout cas, je remarque que

 20   vous ne faites pas objection à l'admission de ce document.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Qui recevra la cote D208.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 24   Je crois bien que nous avions communiqué la traduction par courrier

 25   électronique, mon équipe l'a fait. Mais ce sont des documents de toute

 26   manière qui proviennent du terrain, étant donné que les archives de l'Etat

 27   là-bas ont été détruites à l'occasion des événements. Mais ça a été

 28   communiqué au bureau du Procureur pour qu'il puisse y avoir un droit de vue

Page 1777

  1   en 1997, 1998, sans obstacle aucun. Parce que nous avions pensé que c'était

  2   des enquêteurs du Tribunal, et non pas du bureau du Procureur. Alors, à

  3   deux reprises on leur a remis le tout.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allons donc de l'avant.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.   Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous êtes au courant -

  8   et j'aimerais qu'on nous montre le 1D221 au prétoire électronique.

  9   En attendant, je voudrais savoir, Monsieur l'Ambassadeur, si vous avez

 10   connaissance d'un manifeste daté du 21 août 1992, date à laquelle nous

 11   avions précisé les positions qui étaient les nôtres dans un document

 12   intitulé, "Nous acceptons, nous proposons, nous ferons." Vous allez le voir

 13   sur l'écran tout à l'heure. "Nous acceptons, nous proposons, nous ferons."

 14   Et nous avons fait savoir aux représentants de la communauté internationale

 15   sur quoi ils pouvaient compter du point de vue de la coopération, à mettre

 16   en place avec nous. Oui, nous l'avons à l'écran. Le voyez-vous ce document

 17   à l'écran, Monsieur l'Ambassadeur ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  A cette époque-là, vous étiez déjà -- ou plutôt, pardon, vous êtes

 20   devenu partie prenante à notre crise une semaine plus tard, mais ce

 21   document avait commencé à circuler. Je voudrais que nous voyions

 22   l'intégralité de ce document. Donc :

 23   "Nous acceptons avec les deux autres communautés de constituer

 24   l'association des communautés de Bosnie-Herzégovine dans les frontières

 25   existantes.

 26   "Nous admettons que les questions qui se posent soient réglées dans

 27   le cadre de la conférence entamée par la communauté internationale à cette

 28   époque."

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  1   Là c'était toujours la conférence de Carrington :

  2   "Nous n'accepterons pas les prétentions éventuelles des pays

  3   voisins."

  4   Et sous le titre, "Nous proposons," nous lisons :

  5   "Nous proposons un cessez-le-feu absolu et l'admission de la trêve

  6   sous contrôle de la FORPRONU.

  7   "Nous proposons la conclusion d'un accord relatif au retour des

  8   réfugiés et la libre circulation des civils avec plein de garanties des

  9   droits humains qui s'appliquent. Nous proposons un règlement bilatéral

 10   immédiat et des pourparlers trilatéraux entre les représentants des trois

 11   communautés ethniques sur toutes ces questions."

 12   Puis sous le titre, "Nous allons faire," nous lisons :

 13   "Nous allons rendre possible le déplacement libre et sans entrave dans

 14   toutes les directions de tous les convois humanitaires et garantirons leur

 15   sécurité sur les territoires serbes.

 16   "Nous empêcherons le nettoyage ethnique.

 17   "Nous mènerons des enquêtes chaque fois qu'il y a doute quant à

 18   l'éventualité d'un transfert forcé de population civile et sanctionnerons

 19   toutes les personnes responsables.

 20   "Nous mènerons une enquête au sujet de tout document relatif à la

 21   vente ou à la cession de propriété réalisée sous la contrainte. Ces

 22   documents seront déclarés nuls et non advenus et absolument dépourvus de

 23   valeur.

 24   "Nous sommes prêts à échanger tous les prisonniers de guerre sur la

 25   base de tous contre tous et fermerons tous les lieux de détention."

 26   Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que ceci est une série de propositions

 27   tout à fait équitables ?

 28   R.  Ceci a été fait avant la conférence de Londres. Et nous le savons tous.

Page 1779

  1   C'est une tentative manifeste de redorer son blason pour empêcher que

  2   soient connus le nettoyage ethnique, les déportations et les expulsions qui

  3   avaient largement été entrepris par les forces serbes de Bosnie. Nous avons

  4   toujours été au courant de l'offre, par exemple, d'un échange des

  5   prisonniers sur la base de "tous contre tous." Le Dr Karadzic a fait cette

  6   offre directement à la conférence internationale.

  7   Donc la situation générale s'agissant de ce document a été dépeinte de

  8   façon plus précise cinq jours plus tard par le président Sommaruga du CICR.

  9   Ce document avait déjà été discuté et présenté. Il offre une description

 10   tout à fait différente de la situation sur le terrain. Mais je n'ai aucun

 11   doute quant au fait que ce document, comme je viens de le dire, a été

 12   présenté à la conférence de Londres dans le but de redorer le blason de qui

 13   de droit dans le cadre de la situation qui avait cours et qui, en réalité,

 14   était très différente.

 15   S'agissant d'un autre point, à savoir la proposition de cessez-le-feu et la

 16   signature d'une trêve, nous en avons discuté à plusieurs reprises au

 17   Tribunal. Puisque les Serbes de Bosnie et leurs armées contrôlaient à ce

 18   moment-là à peu près 70 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine, il était,

 19   bien évidemment, dans leur intérêt de mettre un terme aux combats alors

 20   qu'ils tenaient la haute main, et ils ont fait des offres répétées de

 21   cessation des combats. Mais ils n'ont jamais proposé de revenir sur les

 22   territoires qu'ils avaient acquis.

 23   Q.  Je vous remercie. Ceci recevra réponse en temps utile.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du 1D288, document du 20

 25   avril 1992. Je dois vous le soumettre en raison de la réponse que vous

 26   venez de faire.

 27   Et je demande une cote pour le document que nous venons de voir, à savoir

 28   le 221.

Page 1780

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document

  3   devient la pièce D109.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Pendant que nous attendons l'affichage du document 1D288, Monsieur

  6   l'Ambassadeur, je dois vous rappeler que nous avons toujours proposé de

  7   revenir à un pourcentage de 53 % des territoires, car nous avons toujours

  8   admis le fait que les Musulmans devaient posséder 30 % du territoire et les

  9   Croates, 17 %. Ceci est confirmé dans tous les plans. Mais j'ai toujours

 10   dit qu'il n'y avait aucune chance que nous acceptions de nous retirer en

 11   l'absence d'un accord de paix signé et garanti, parce que dans ce cas-là

 12   nous perdrions la guerre. Nous ne pouvions pas nous retirer des positions

 13   acquises par nous et présentant un avantage stratégique, je suis sûr que

 14   vous en conviendrez.

 15   Ce document maintenant est un programme proposé par moi, en tant que

 16   président du parti, sans fonction étatique, et il date du 22 avril 1992. Je

 17   vais le lire en anglais :

 18   "Programme proposé par Radovan Karadzic dans le but de résoudre la crise en

 19   Bosnie-Herzégovine.

 20   "1. Cessez-le-feu inconditionnel et immédiat et respect de l'accord du 4

 21   avril 1992.

 22   "2. Poursuite urgente de la conférence sur la Bosnie-Herzégovine et de son

 23   travail jusqu'à solution définitive.

 24   "3. Dans le cadre de la conférence sur la Bosnie-Herzégovine, la priorité

 25   doit être accordée à la réalisation de plans de la ville de Sarajevo et de

 26   ces parties constitutives.

 27   "4. Engagement public de la part de toutes les parties présentes en Bosnie-

 28   Herzégovine quant au fait que les éléments constitutifs ne seront pas

Page 1781

  1   annexés aux Etats voisins et que les forces armées de Bosnie-Herzégovine ne

  2   seront pas envoyées à l'extérieur.

  3   "5. Engagement public de la part de toutes les parties présentes en Bosnie-

  4   Herzégovine quant au fait que la politique du fait accompli, même celle qui

  5   résulte de l'héritage communiste, ne sera pas admise et que les avantages

  6   territoriaux obtenus par recours à la force ne seront pas reconnus.

  7   "Application urgente de tous les accords constitutionnels," et cetera, et

  8   cetera.

  9   Monsieur l'Ambassadeur, ceci date de deux semaines à peu près après le

 10   début de la guerre. Savez-vous si, à votre avis, cette proposition est une

 11   proposition convenable à l'époque ?

 12   R.  Je n'étais pas en Bosnie le 22 avril et je n'ai pas eu connaissance de

 13   l'existence de ce document. Je tiens à faire remarquer que le troisième

 14   point de ce texte fait référence à ce dont nous avons déjà parlé, à savoir

 15   le désir des Serbes de Bosnie de diviser Sarajevo. Donc ce point correspond

 16   à cette position qui était déjà bien connue.

 17   Je tiens également à souligner que le 22 avril se situe dix jours environ

 18   après que l'artillerie serbe de Bosnie a commencé à pilonner Sarajevo.

 19   Donc à première vue, il me semble que l'offre que nous voyons ici est

 20   raisonnable. Mais comment elle pouvait être acceptée par des gens qui

 21   étaient pilonnés sans merci à Sarajevo, c'est, bien sûr, une autre

 22   question.

 23   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Mais il y a un point que je voudrais

 24   vous rappeler. Le 22 avril, l'armée de la Republika Srpska n'existait pas.

 25   Jusqu'au 20 mai, c'était toujours la JNA qui existait. Par ailleurs, le 22

 26   avril, la partie serbe ne contrôlait pas 70 % du territoire; on ne savait

 27   pas qui contrôlait combien de territoires. Puis cette proposition consiste

 28   à dire que des municipalités, opstina, doivent être créées en toute liberté

Page 1782

  1   à Sarajevo, il n'est pas question de diviser la ville, et nous comparons en

  2   permanence et en public la situation de Sarajevo et de Bruxelles. De toutes

  3   les municipalités de Bruxelles, aucune n'est mixte. Donc il est question de

  4   mettre en place des municipalités à Sarajevo pour que les Serbes soient

  5   minoritaires dans la plupart de ces municipalités, et les faits sont là

  6   pour le démontrer. Il n'y aurait donc pas division de la ville, parce que

  7   le 22 avril nous espérions toujours qu'il n'y aurait pas de guerre.

  8   Conviendrez-vous avec moi que le 22 avril, nous pouvions penser qu'il n'y

  9   aurait pas de guerre et que l'armée de la Republika Srpska n'existait pas

 10   encore à cette époque-là ?

 11   R.  Bien, c'est exact, et je m'excuse d'avoir utilisé l'expression "armée"

 12   de Bosnie, parce que la JNA était toujours en existence le 22 avril. Elle

 13   est devenue l'armée des Serbes de Bosnie quelques semaines plus tard au

 14   mois de mai, comme le Dr Karadzic l'a dit à juste titre.

 15   La situation militaire qui prévalait au mois d'avril, cela dit, n'a pas été

 16   correctement décrite par le Dr Karadzic, car en fait, les combats ont

 17   commencé au mois de mars, et pas au mois d'avril. J'étais à Sarajevo et en

 18   Bosnie à l'époque, je portais un gilet pare-balles et j'avais un air assez

 19   bizarre avec un casque sur la tête, mais je me souviens très bien que les

 20   combats ont commencé au mois de mars.

 21   Donc en avril, la situation était déjà assez avancée. La guerre

 22   n'avait pas encore atteint toute son intensité en Bosnie, mais des combats

 23   assez importants faisaient rage, un peu comme en septembre 1939 en Europe,

 24   voyez-vous, ce n'était pas encore l'invasion de la France, ce n'était pas

 25   encore l'invasion soviétique de la Russie, mais des combats assez

 26   importants faisaient rage à cette époque-là. Et comme je l'ai dit, les

 27   canons étaient déjà sur les collines entourant Sarajevo, et la ville était

 28   pilonnée par l'artillerie. Le siège de Sarajevo, que les Serbes de Bosnie

Page 1783

  1   ont toujours nié en disant qu'il ne s'agissait pas d'un siège, était, en

  2   fait, un siège et cela devenait une réalité de la vie quotidienne. Donc les

  3   hostilités étaient déjà bien avancées le 22 avril.

  4   Q.  Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur. Vous me contraignez à

  5   approfondir le sujet, mais permettez-moi de vous dire la chose suivante :

  6   jusqu'au 1er avril, en Bosnie-Herzégovine, seules les parties croate et

  7   musulmane attaquaient pour tuer des Serbes, et c'est le 25 -- enfin, nous

  8   allons apporter la preuve de tout cela plus tard. Nous avons tous les

  9   documents nécessaires.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, les interprètes n'ont

 11   pas pu vous suivre en raison de votre débit. Donc veuillez avoir

 12   l'amabilité de répéter la dernière partie de votre intervention.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Ma question consistait à vous demander, Monsieur l'Ambassadeur, si vous

 16   contestez le fait que le 1er avril, les attaques étaient dues exclusivement

 17   aux forces croates et musulmanes, y compris d'ailleurs à des forces croates

 18   venant de Croatie, et qu'au mois de mars, il n'y avait absolument pas de

 19   pilonnage de Sarajevo ?

 20   R.  Les attaques du mois de mars ont été principalement dues aux Serbes de

 21   Bosnie et étaient principalement dirigées contre les Musulmans. J'étais à

 22   Sarajevo et j'ai pu le voir moi-même dans la ville de Sarajevo. Il est vrai

 23   que l'armée de Croatie a pénétré elle aussi en Bosnie au mois de mars à

 24   Bosanski Brod, ceci a été un fait bien connu. Il n'est pas vrai que des

 25   attaques nombreuses aient été lancées par les forces musulmanes contre les

 26   Serbes de Bosnie ou la JNA, parce que ce qui est un fait c'est que les

 27   Musulmans n'avaient pas d'armée et qu'ils n'en étaient encore qu'au stade

 28   de l'organisation de leurs forces.

Page 1784

  1   Q.  Ceci, nous le démontrerons facilement.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier du document

  3   288, il est dans le prétoire électronique. Je ne pensais pas en demander le

  4   versement, mais j'ai été amené à devoir le faire. C'est un document bien

  5   connu, qui a été rendu public, un programme adopté le 20 avril.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Comme l'accusé vient de le signaler, ce n'est

  8   pas un document qui a été annoncé. Mais en dépit de cela, nous n'élevons

  9   pas d'objection.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc l'ajout de ce document à la liste

 11   est accordé, et ce document est admis en tant que pièce à conviction.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D110, Monsieur le

 13   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Est-ce que le document 211 a aussi été versé au dossier ? Oui. Bien.

 18   Je demande maintenant l'affichage du 1D853.

 19   Dans l'attente de l'affichage, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais appeler

 20   l'attention de chacun ici sur la position des organes d'Etat de la

 21   Republika Srpska, à savoir qu'aucune option menant à la guerre n'était une

 22   option acceptable et qu'il n'y avait pas de fait accompli. Nous avons ici

 23   une consigne qui date du 23 août 1992. Je vais donner lecture de ce texte

 24   en langue anglaise :

 25   "Consignes données à tous les présidents de municipalités.

 26   "Il est devenu courant pour la population locale d'emménager dans des

 27   appartements vides en lieu et place des réfugiés, et ils conservent même

 28   parfois une espèce de 'droit' à l'occupation de plusieurs appartements.

Page 1785

  1   "La réalité ou la question posée par les appartements abandonnés est une

  2   question liée à la guerre, tout comme la question des réfugiés. Ce qui veut

  3   dire que ces situations sont temporaires.

  4   "Veuillez respecter strictement les consignes suivantes :

  5   "1. Les appartements temporairement abandonnés peuvent être donnés pour

  6   utilisation temporaire uniquement à des réfugiés, et pas à la population

  7   locale.

  8   "2. Des registres en bon ordre doivent être tenus au sujet des appartements

  9   temporairement abandonnés et des réfugiés. Les appartements temporairement

 10   abandonnés ne peuvent être accordés pour utilisation que par une commission

 11   qui rend cette décision pour usage temporaire.

 12   "3. Tout abus, népotisme et défaut de respect de ces consignes entraînent

 13   non seulement une responsabilité politique, mais également des poursuites

 14   au pénal.

 15   "Par ailleurs, outre les obligations relatives à cette conduite, vous

 16   devez démontrer une connaissance politique et le tact nécessaire lorsque

 17   vous traitez avec les réfugiés, leur logement et leur emploi, comme ceci

 18   est exigé de vous par le programme du parti qui vous a nommé à votre

 19   poste."

 20   L'original de ce document existe également quelque part. Mais j'aimerais

 21   vous rappeler, Monsieur l'Ambassadeur, que le gouvernement a interdit le

 22   trafic de propriété immobilière au mois d'avril alors que la guerre était

 23   en cours, et qu'avec ce document la présidence a interdit l'utilisation des

 24   propriétés abandonnées par la population locale, de façon à ce que ceci ne

 25   devienne pas un motif permettant d'exercer des pressions sur les voisins

 26   musulmans et croates pour les contraindre à partir.

 27   Avez-vous eu connaissance de cette série de consignes ?

 28   R.  Je ne crois pas. Je me rappelle la discussion que nous avons eue,

Page 1786

  1   Docteur Karadzic, vous et moi, sur la question des appartements, durant

  2   laquelle vous m'avez dit que la guerre a commencé lorsque vous avez été

  3   expulsé de votre appartement de Sarajevo. Ce document est certainement un

  4   document valable par son contenu.

  5   Comme je l'ai déjà dit s'agissant d'autres documents qui ont tous une

  6   valeur intrinsèque, ils n'auraient pas été rédigés s'il n'y avait pas eu

  7   nécessité de les rédiger. Et il est certainement agréable de voir

  8   aujourd'hui que les intentions de la présidence étaient bonnes. Mais il est

  9   particulièrement dommage que la réalité eut été différente.

 10   Q.  Merci. C'est vrai, il y a eu des situations de ce genre qui se sont

 11   présentées, et c'est précisément la raison pour laquelle ces consignes ont

 12   été émises et que des personnes ont également été sanctionnées. Mais de

 13   façon générale, lorsqu'il y a nécessité d'imposer l'application du droit,

 14   de nouvelles dispositions doivent être prises pour empêcher des situations

 15   comme celles-ci.

 16   Je demande le versement au dossier du 1D853. L'original est dans le

 17   prétoire électronique, nous n'avons fait afficher sur les écrans que la

 18   traduction anglaise.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

 21   pièce à conviction D111.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Entre-temps, avant de parler du document

 23   1D211, je dois dire au préalable que nous avons effectivement évoqué le

 24   document 1D211, mais je n'ai pas le souvenir qu'il ait été admis au

 25   dossier.

 26   Nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] 221, Excellence.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Pause de 20 minutes.

Page 1787

  1   --- L'audience est suspendue à 10 heures 23.

  2   --- L'audience est reprise à 10 heures 47.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, nous demandons le

  5   versement au dossier du dernier document qui n'était pas encore versé, qui

  6   a été enregistré aux fins d'identification, car la traduction a été reçue

  7   entre-temps.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je remarque que le sténotypiste n'est

  9   pas encore dans le prétoire. Je ne crois pas que nous puissions procéder en

 10   son absence.

 11   Maître Robinson, je vous demanderais de bien vouloir répéter ce que vous

 12   avez dit.

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   Je suis informé que nous avons reçu la traduction du document enregistré

 15   aux fins d'identification MFI, donc 97. J'en demande le versement au

 16   dossier en tant que pièce D97.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Oui, Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   Je demande l'affichage du D101 grâce au prétoire électronique, rapidement.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous avons déjà vu ce document. Il date du 19

 23   août, donc d'une semaine avant que vous veniez chez nous, et j'aimerais

 24   appeler votre attention sur le paragraphe numéro 3 de ce document, qui est

 25   un ordre, n'est-ce pas ? Ce point 3 va dans le même sens que les consignes

 26   dont nous avons donné lecture avant la pause. Je cite :

 27   "Selon notre document du 13 juin, empêcher les relogements sous la

 28   contrainte et toute autre action illégale dirigée contre la population

Page 1788

  1   civile." Puis nous arrivons à cette partie qui est importante, je cite :

  2   "Ainsi que la confirmation éventuelle de cession de propriétés, ou

  3   l'acceptation de déclarations selon lesquelles les réfugiés s'engagent à ne

  4   pas revenir comme n'ayant aucune validité juridique et donc abrogées et

  5   considérées comme nulle et non avenue."

  6   Est-ce qu'on peut annuler quelque chose qui a eu lieu illégalement sur le

  7   terrain, qui a été fait par quelqu'un illégalement sur le terrain, par le

  8   président ou qui que ce soit d'autre ? Est-ce que vous êtes d'accord que ce

  9   document a force de loi et donc cet ordre correspond à une loi ?

 10   R.  J'espère que ce document avait force de loi. Il est certain que la

 11   volonté exprimée ici est digne de considération.

 12   Q.  Je vous remercie. Je peux vous informer avec satisfaction qu'aucun

 13   document ou aucun acte illégal qui ait été admis par une municipalité n'a

 14   été mise en œuvre dans la pratique.

 15   Je demande l'affichage du 1D427 à présent dans le prétoire

 16   électronique.

 17   Il s'agit de la pièce 101, donc nous n'avons pas besoin de demander une

 18   nouvelle fois le versement au dossier du document précédent.

 19   1D427 à présent. J'ai interverti les chiffres. 1D247, je vous prie.

 20   Ce document date du 1er septembre 1992, et au paragraphe 2 nous lisons, je

 21   cite :

 22   "Toutes les familles réfugiées, indépendamment de leur religion et de leur

 23   appartenance ethnique, sont tenues de retourner sur leur lieu de résidence

 24   dans la Republika Srpska dans les délais et selon les modalités stipulées

 25   dans le plan de retour des réfugiés."

 26   Ceci est un plan destiné à organiser le retour des réfugiés, et il est

 27   envoyé, ce document, à la Serbie, au ministère de l'Intérieur de la

 28   République de Serbie. Et je vous rappelle que dans votre journal, dans vos

Page 1789

  1   agendas, vous avez vous-même fait remarquer que sur les plusieurs centaines

  2   de milliers de réfugiés présents en Serbie, plus de 15 % étaient des Serbes

  3   de Bosnie qui avaient trouvé refuge en Serbie, et que des hauts

  4   responsables des Nations Unies vous ont appris qu'ils avaient été

  5   accueillis en Serbie en l'absence de toute mesure discriminatoire.

  6   R.  Quelle est la question ?

  7   Q.  La question était la suivante.

  8   Q.  Vous rappelez-vous que vous avez appris que plus de

  9   30 000 réfugiés serbes de Bosnie étaient arrivés en Serbie en provenance de

 10   Bosnie orientale, auxquels s'étaient ajoutés 15 000 Musulmans qui avaient

 11   également pris la fuite, et que ceci figure dans vos agendas où il est

 12   écrit que ces réfugiés avaient le droit de revenir à leur lieu de résidence

 13   selon le plan qui avait été adopté dans chaque municipalité ? Est-ce que

 14   vous êtes d'accord sur ce

 15   point ?

 16   R.  Oui. Je me rappelle très certainement que des réfugiés musulmans ont

 17   été accueillis en Serbie, comme ils l'ont été en plus grand nombre

 18   d'ailleurs en Croatie, et, bien sûr, que de nombreux réfugiés musulmans

 19   sont partis à l'étranger. J'ai dit hier qu'un très grand nombre d'entre eux

 20   est parti pour la Suisse.

 21   Mais un point de moindre importance, Docteur Karadzic. Le Dr Karadzic a dit

 22   que le 1er septembre la conférence sur la Yougoslavie avait déjà commencé,

 23   ce qui n'est pas exact. Elle a commencé le 3 septembre, c'était le jour de

 24   l'ouverture de la conférence internationale. Le 3 septembre. C'est un

 25   détail sans grande importance. Je ne pense pas que ce soit un point

 26   contesté.

 27   Mais revenons à ce sujet des réfugiés et des personnes déplacées à

 28   l'intérieur du pays. Il y avait, bien sûr, des centaines de milliers

Page 1790

  1   d'entre eux, et cela a été un problème majeur pendant toute la durée de la

  2   guerre.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   Je demande que l'on remplace 15 000 par 15 % dans la phrase précédente.

  5   Je demande à présent l'affichage du document 248 du prétoire électronique.

  6   C'est le même genre de descriptif, mais cette fois-ci le document est

  7   envoyé au ministère du Monténégro, et on trouve le même paragraphe que

  8   celui dont nous venons de discuter dans le texte précédent, mais cette

  9   fois-ci au paragraphe numéro 2. Le contenu de ce paragraphe est le même que

 10   celui que nous venons de discuter. Donc la même chose a été écrite au

 11   Monténégro.

 12   Est-ce que les deux documents pourraient être versés au dossier.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins qu'il y ait objection, ils

 14   seront admis au dossier en tant que pièces à conviction.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 247 devenant la pièce D112,

 16   et le document 1D248 devenant la pièce D113, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande l'affichage grâce au prétoire

 19   électronique du document 1D249 à présent.

 20   Ce document est un document adopté au niveau de l'assemblée, donc il

 21   n'émane plus de la présidence, mais de l'assemblée, et lorsqu'il apparaîtra

 22   sur les écrans c'est le point 3 qui va m'intéresser, je cite :

 23   "Nous invitons tous les citoyens qui ont quitté leurs domiciles en raison

 24   des opérations de guerre, en raison de leur sentiment personnel ou de leur

 25   insécurité à revenir sur le territoire de la Republika Srpska dès lors

 26   qu'une paix durable aura été instaurée. Tous les citoyens des autres

 27   groupes ethniques verront leurs droits pleinement reconnus dans le respect

 28   de la constitution et de la loi.

Page 1791

  1   "Tous ceux qui ont fait partie des forces ennemies mais n'ont commis aucun

  2   crime contre le peuple serbe ne seront pas poursuivis en justice."

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous voyons ici qu'au niveau de l'assemblée il

  5   s'agit de la première amnistie pour ceux qui ont participé aux combats

  6   pendant la guerre. Vous en convenez ?

  7   R.  C'est ce que signifient les mots utilisés dans ce document, oui.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande le versement au dossier de ce

  9   document.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 11   M. TIEGER : [interprétation] La Chambre a demandé hier si je ne disposais

 12   que d'une version anglaise de ce document. Je crois pouvoir dire que je

 13   n'ai reçu que la version anglaise, en effet, à moins qu'il y ait eu une

 14   erreur technique. La Chambre m'a demandé si l'original était en anglais ou

 15   en B/C/S. La même question se pose ici.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'étais sur le point de poser cette

 17   question à l'accusé.

 18   Monsieur Karadzic, pouvez-vous confirmer que ce document est l'original ou

 19   pas ? Le prétoire électronique stipule qu'il s'agit d'un document original.

 20   Est-ce que l'assemblée de Bijeljina a rédigé ce document en anglais.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, ceci est un document qui émane de

 22   l'assemblée de la Republika Srpska. C'est donc l'assemblée de la Republika

 23   Srpska qui tient séance à Bijeljina. Je crois que le procès-verbal de cette

 24   séance existe, car le Procureur est en possession de tous les procès-

 25   verbaux de toutes les séances de l'assemblée de la Republika Srpska. Ce

 26   procès-verbal a été rédigé dans les deux langues. Mais vous savez, n'est-ce

 27   pas, que nos archives ont vécu des problèmes de destructions importants,

 28   donc le seul document disponible est celui que nous avons ici.

Page 1792

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   Avec ces explications, le document est admis en tant que pièce à

  3   conviction.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D114, Monsieur le

  5   Président.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Veuillez poursuivre.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   Je demande l'affichage du document 65 ter numéro 00041 dans le prétoire

 10   électronique. C'est un numéro de référence qui a été assigné à ce document

 11   par le Procureur. C'est la page 75 de la version anglaise qui m'intéresse.

 12   Elle correspond à la page 77 de la version B/C/S. Donc numéro 41 des

 13   documents de l'Accusation. Page 75 en anglais.

 14   Ce que nous avons ici ce sont les propos tenus par Vladimir Lukic devant

 15   l'assemblée. Il était premier ministre à l'époque. C'est le premier

 16   paragraphe de son allocution qui m'intéresse.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Ma citation commence à la ligne 10 du premier paragraphe à peu près, je

 19   cite :

 20   "Dès aujourd'hui, nous devons commencer à créer les conditions permettant

 21   aux citoyens qui ont quitté leur lieu de résidence en raison des opérations

 22   de la guerre, en raison d'un sentiment d'incertitude personnel pour eux-

 23   mêmes ou pour leurs propriétés, de revenir sur le territoire de la

 24   Republika Srpska dès lors qu'aura été instaurée une paix durable. En vertu

 25   de la constitution, nous devons garantir les droits de tous les citoyens

 26   des autres groupes ethniques. Nous avons assumé ces obligations, et nous

 27   devons les respecter."

 28   Alors, ce premier ministre est en train de dire à l'assemblée ce que fera

Page 1793

  1   le pouvoir exécutif dans ce domaine. Nous sommes les 19 et 20 janvier 1993.

  2   A un moment où nous étions ensemble, n'est-ce

  3   pas ? Je pense que nous étions à New-York à ce moment-là, ou pratiquement.

  4   Vous êtes d'accord sur ce point ?

  5   R.  Je lis le document. C'est bien ce qui est écrit dans le document, oui.

  6   Q.  C'est un document qui est en possession de l'Accusation; l'Accusation

  7   possède tous les procès-verbaux des séances de l'assemblée. Je vous

  8   remercie.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc je propose le versement au dossier de ce

 10   paragraphe particulier du document 41 de l'Accusation, même si, selon moi,

 11   les procès-verbaux de l'assemblée sont normalement admis dans leur

 12   intégralité.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous demandez le versement au

 14   dossier de 82 pages en anglais, l'intégralité du document, n'est-ce pas ?

 15   Monsieur Tieger.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, le document est admis.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D115, Monsieur le

 19   Président.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 22   J'aimerais maintenant passer à un autre sujet, si possible.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, passons à un autre sujet. Il en est question

 25   assez longuement dans vos journaux personnels. J'aimerais vous demander si

 26   vous vous rappelez que toutes les sources d'approvisionnement en eau, sauf

 27   une toute petite, donc toutes les sources d'approvisionnement électrique

 28   également de la ville de Sarajevo provenaient du territoire serbe ou

Page 1794

  1   passaient par le territoire serbe. Est-ce que vous êtes d'accord sur ce

  2   point ?

  3   R.  La question de l'approvisionnement en électricité de Sarajevo était un

  4   problème, et il a été résolu pacifiquement.

  5   Q.  L'électricité, il y en avait à Tuzla et Kakanj, et nous dépendions,

  6   d'une certaine façon, de leur électricité. Mais l'eau, on en a à part

  7   entière, puisque toutes les sources se trouvaient sur le territoire serbe.

  8   Vous êtes d'accord avec moi ou pas ?

  9   R.  Oui, c'est vrai pour l'essentiel.

 10   Q.  Merci. Je voudrais maintenant demander à ce qu'on nous montre votre

 11   carnet numéro 1, 06534. Vous voyez ? En l'occurrence, c'est la page 36 qui

 12   m'intéresse. Vous --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La pièce 784.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Vous avez écrit :

 16   "Approvisionnement en eau très difficile à Sarajevo, et les convois

 17   terrestres se fraient un passage, il y en a un qui est passé aujourd'hui."

 18   C'est bien ce que vous avez consigné dans votre journal, n'est-ce pas

 19   ?

 20   R.  Je n'ai pas encore trouvé le passage dont vous venez de me donner

 21   lecture. Est-ce que ce serait la page de gauche ou la page de droite ? Une

 22   fois que je l'aurai retrouvée, je suis sûr que je serai d'accord avec vous.

 23   Q.  Celle du côté gauche : "Convois terrestres au-dessus de Kumin."

 24   R.  Oui.

 25   "L'approvisionnement en eau est difficile. La France fournit

 26   l'approvisionnement d'eau. Les convois terrestres arrivent à passer."

 27   Très bien. La question principale, ici, vous avez la suivante,

 28   Sarajevo était assiégée, assiégée par les forces des Serbes de Bosnie, et

Page 1795

  1   donc, tout l'approvisionnement se faisait par le biais de la ligne de front

  2   des Serbes de Bosnie. Donc il fallait négocier le passage et comme j'avais

  3   dit précédemment, l'aéroport avait été remis aux mains de l'HCR par les

  4   forces de Bosnie. Donc il y avait une possibilité de communication

  5   aérienne, pont aérien. Mais quand on passait par la terre, il fallait

  6   toujours passer par les lignes des Serbes de Bosnie, et c'était toujours

  7   une source de discussion incessante.

  8   En ce qui concerne l'eau, par exemple, puisque le Dr Karadzic en a

  9   parlé, il s'agissait d'une question difficile, et les gouvernements

 10   occidentaux, et les individus aussi, des personnes, ont permis

 11   l'approvisionnement d'eau à Sarajevo, approvisionnement qui allait à toutes

 12   les parties, bien sûr, en présence, et qui, grâce à l'intervention des

 13   gouvernements extérieurs -- occidentaux, a pu être augmenté.

 14   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. C'est exact en grande mesure, parce

 15   qu'on nous a donné le matériel qu'il fallait pour réparer, et nous, nous

 16   avons réparé.

 17   Alors, est-ce qu'on peut voir de l'autre côté, du côté droit, "UNICEF" :

 18   "L'eau et l'électricité sont les problèmes principaux."

 19   "Les Musulmans contrôlent la centrale hydroélectrique du principal de

 20   Tuzla."

 21   C'est ce que vous avez noté en page 36, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, les Musulmans ont toujours contrôlé Tuzla pendant toute la guerre.

 23   Bien sûr, ils étaient pilonnés, mais de façon générale, Tuzla était un

 24   endroit assez protégé au cours de la guerre.

 25   Q.  Merci. Page 46 maintenant, s'il vous plaît, pour ce qui est du même

 26   document. Pouvez-vous nous montrer cela. Page 46, on voit "Karadzic," sur

 27   le côté gauche. Karadzic semble dire :

 28   "Il y a eu coupure d'eau et d'électricité à Sarajevo. Nous allons accepter

Page 1796

  1   les approvisionnements en eau et électricité. Ça peut être fait par les

  2   gens des Nations Unies."

  3   En sus de l'aéroport, nous leur proposons les sources d'eau pour qu'ils

  4   puissent les gérer, que le personnel des Nations Unies le place sous sa

  5   propre gestion.

  6   R.  Cette conversation a eu lieu, elle a été consignée de façon fidèle dans

  7   ce carnet, pour la raison suivante : l'approvisionnement en eau sous le

  8   contrôle des Serbes de Bosnie avait été extrêmement irrégulier,

  9   pratiquement jusqu'à ne plus exister du tout. Donc c'était devenu un

 10   problème grave, et il a été soulevé, et on voit que le Dr Karadzic nie

 11   avoir coupé l'approvisionnement en eau. Il le dit à gauche :

 12   "Nous n'avons jamais coupé l'approvisionnement en eau ou

 13   l'approvisionnement en électricité."

 14   Ce qui n'est pas vrai d'ailleurs, mais en revanche, ce qui est vrai,

 15   c'est qu'après avoir été convaincu, si je puis dire, par différentes

 16   méthodes, les Serbes de Bosnie ont accepté de réapprovisionner Sarajevo en

 17   eau.

 18   Q.  Merci. Vous allez voir, Monsieur l'Ambassadeur, dans un autre

 19   document, que cela a été l'œuvre de la partie adverse pour les raisons

 20   qu'on a mentionnées hier, à savoir faire souffrir davantage encore sa

 21   propre population.

 22   Et ce qui m'intéresse maintenant, c'est le 06535. 06535, page 24.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce P785.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on a cette page 24, s'il vous plaît.

 25   Oui, on voit "Karadzic."

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Et vous avez noté :

 28   "Nous pouvons autoriser des corridors protégés, non seulement pour l'aide

Page 1797

  1   humanitaire, mais aussi pour l'aide économique. L'eau et l'électricité, ça

  2   devrait être confié à la FORPRONU."

  3   Monsieur l'Ambassadeur, nous avons constamment affirmé que la partie

  4   adverse avait eu recours à des astuces, à des ruses de guerre, pour nous

  5   mettre en accusation, et afin d'éviter ce type de choses nous avons proposé

  6   que la FORPRONU gère à part entière l'approvisionnement en eau et

  7   électricité, et que les convois terrestres ne soient pas destinés seulement

  8   à de l'aide humanitaire, mais aussi à des marchandises en matière d'échange

  9   économique. Et la FORPRONU a dit que Sarajevo n'a pas été sous blocus, mais

 10   encerclée du point de vue militaire. Et nous avons cela dans le livre

 11   d'Izetbegovic, si on n'a pas le temps de le montrer aujourd'hui, on le

 12   montrera une autre fois. Notre objectif n'était pas de bloquer Sarajevo. Il

 13   y a eu un blocus organisé depuis l'intérieur, les contrebandiers

 14   empêchaient les convois économiques pour contrôler les hauts prix qu'ils

 15   avaient mis en place là-bas, et on avait empêché aussi, depuis l'intérieur,

 16   l'approvisionnement en eau potable, aux fins de générer une intervention et

 17   de diaboliser les Serbes.

 18   Est-ce que vous avez consigné le fait que --

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est votre question ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma question --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne faites pas de commentaires, s'il vous

 22   plaît, Monsieur Karadzic.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Est-ce que vous avez bien consigné que nous avions proposé de confier à

 25   la FORPRONU l'approvisionnement en eau et en

 26   électricité ?

 27   R.  Oui, d'ailleurs, on peut le lire, c'est consigné sur ce carnet, à

 28   l'écran. Et nous avons fait pression sur vous en ce qui concerne cette

Page 1798

  1   question, parce que vous n'aviez pas autorisé l'approvisionnement régulier,

  2   le passage régulier des convois d'approvisionnement. Donc c'est devenu un

  3   problème, problème qui a été soulevé avec vous. Et vous avez convenu -  et

  4   c'est d'ailleurs consigné - que l'approvisionnement en eau et en

  5   électricité pourrait se faire. C'était en septembre 1992. Sarajevo était

  6   assiégée depuis le mois d'avril, ça faisait donc cinq mois que la ville

  7   était assiégée. Donc on comprenait bien que la question est devenue

  8   problématique, et cela dit, on a trouvé une solution. Le siège s'est

  9   poursuivi, mais l'approvisionnement en eau et en électricité a recommencé.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des commentaires à faire à

 11   propos de la déclaration faite selon laquelle des contrebandiers auraient

 12   arrêté des convois pour prendre des fusils ou d'autres équipements

 13   militaires ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait des contrebandiers partout, de

 15   toute façon, dans toutes les parties, dans tous les camps en Bosnie-

 16   Herzégovine.

 17   Cela dit, je tiens à dire - et je l'ai déjà dit - que les éléments

 18   criminels des trois communautés ethniques étaient très actifs au cours de

 19   la guerre. Ils ont rendu la vie épouvantable pour tout le monde.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais M. Karadzic semble dire que c'était

 21   les Musulmans de Bosnie qui arrêtaient les convois.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, absolument pas. Leur intérêt, c'était que

 23   les convois passent puisqu'ils tenaient Sarajevo, et Sarajevo était

 24   assiégée. Ça n'aurait aucun sens. Et c'était faux, c'est faux d'ailleurs.

 25   De plus, le HCR avait un pont aérien pour l'approvisionnement en

 26   nourriture. Dans les livres du général McKenzie, il y a toutes sortes de

 27   détails sur cette question. C'était lui qui commandait la FORPRONU à

 28   l'époque. Il habitait à Sarajevo, le général canadien McKenzie. 

Page 1799

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

  2   l'Ambassadeur.

  3   Monsieur Karadzic, poursuivez.

  4    M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  5   Q.  Je voudrais seulement attirer votre attention sur le fait que j'avais

  6   proposé, j'ai dit "should be," personne ne l'a demandé cela. Moi, je

  7   voulais qu'on enlève cette fonction de nos épaules et j'ai dit "should be,"

  8   "devrait," donc, être confié à la FORPRONU.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces carnets, ils ont déjà été versés au

 10   dossier, n'est-ce pas, Excellence, les numéros ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ils ont été admis, et en totalité.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 13   Je voudrais qu'on nous montre le 1D383.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  En attendant qu'on nous le montre, je voudrais vous rappeler, Monsieur

 16   l'Ambassadeur, qu'à chaque fois qu'il y avait un convoi humanitaire à

 17   passer, il y avait rechute de prix à Sarajevo. On a des preuves à cet

 18   effet, les contrebandiers préféraient --

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 20   M. TIEGER : [interprétation] J'avais demandé, il y a peu de temps, en me

 21   levant, pour demander que l'accusé ne fasse pas de commentaires. Et je me

 22   lève à nouveau exactement pour réitérer ma demande.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, Monsieur Tieger.

 24   Ecoutez, Monsieur Karadzic, vous perdez votre temps en faisant ce

 25   type de commentaire.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous étions en train d'attendre un

 27   document, l'affichage d'un document. Et je voulais faire de la lumière sur

 28   un point.

Page 1800

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.   Je ne sais pas si on l'a sur nos écrans. Je ne pense pas que nous

  3   l'ayons en sa version traduite, mais je vais en donner lecture. Voilà de

  4   quoi il s'agit. Présidence de la Republika Srpska, c'est envoyé au

  5   ministère. Donc c'est le ministère de l'Agriculture, des Forêts et des Eaux

  6   qui nous informe suite à une question probablement de notre part. Et

  7   l'objet du courrier, c'est fourniture d'eau potable pour Sarajevo, à la

  8   date du 18 juillet 1993.

  9   A Pale, il s'est tenu une réunion des représentants du présent

 10   ministère et des entreprises chargées de l'approvisionnement en eau potable

 11   du territoire des municipalités de la ville de Sarajevo. Le sujet de la

 12   réunion a porté sur la fourniture d'eau potable aux parties de Sarajevo qui

 13   sont habitées par une population musulmane en majorité, mais par une

 14   population assez nombreuse du groupe ethnique serbe qui se trouve

 15   pratiquement captif dans cette ville. Les conclusions principales de ladite

 16   réunion sont :

 17   "1. De notre côté, il existe de la bonne volonté pour ce qui est de

 18   la fourniture des quantités nécessaires d'eau potable. Mais dans ces

 19   circonstances-ci, cela n'est pas possible pour les raisons qui suivent :

 20   l'acheminement de l'énergie électrique vers les stations de pompage ne se

 21   fait pas en continuité; ou plutôt, les coupures d'électricité en

 22   approvisionnement des stations de pompage sont fréquentes, et cela est

 23   occasionné par les activités de combat conduites par les forces musulmanes.

 24   "Dans les zones protégées, les sources d'eau, et notamment dans la

 25   première et deuxième zone qui constituent source de pompage à Bacevo, il y

 26   a beaucoup de personnel et de matériel de guerre. Il y a eu création de

 27   nouveaux cimetières et création de décharge de détritus et il a été

 28   constaté l'apparition de plusieurs types d'épidémies."

Page 1801

  1   Ensuite :

  2   "Certaines parties du système d'approvisionnement en eau sont assez

  3   vieilles, et il faut les remplacer."

  4   Page 2, maintenant, de ce document, s'il vous plaît. Il est fait état

  5   de pénurie de moyens matériels pour l'achat de produits chimiques

  6   nécessaires.

  7   Et en page 2, on dit, paragraphe 2 :

  8   "En parallèle avec la fourniture des conditions ou la prestation des

  9   conditions nécessaires, le ministère créera un prix unitaire par mètre cube

 10   d'eau pour ce qui est de la fourniture de l'eau potable par système varié.

 11   Il convient de dire que si on ne paie pas, il ne peut pas y avoir entretien

 12   des systèmes d'approvisionnement, et donc il ne peut pas y avoir de

 13   livraison d'eau. Nous proposons donc, qu'à l'occasion, des négociations

 14   avec la FORPRONU et la partie adverse, on fasse venir les représentants

 15   professionnels du système d'approvisionnement en eau potable ainsi que les

 16   représentants du présent ministère."

 17   Et on voit, en bas, de ma main, tout à fait d'accord, "R. Karadzic."

 18   Donc les réunions étaient prévues avec la partie adverse et la

 19   FORPRONU aux fins de surmonter les problèmes. Ça a été envoyé à mon

 20   intention par le ministre Borivoje Sandic. Moi, j'ai juste dit : "Tout à

 21   fait d'accord," et j'ai signé.

 22   Le voyez-vous, ce document, Monsieur l'Ambassadeur ?

 23   R.  Oui, je l'ai lu. Je tiens aussi à faire remarquer qu'il s'agit ici du

 24   mois de septembre 1992, auquel vous aviez fait précédemment allusion. C'est

 25   à ce moment-là que vous aviez dit à M. Vance et à moi-même que vous étiez

 26   d'accord pour que ce problème soit résolu par la FORPRONU. Or, ici, dans ce

 27   document - c'est un document qui date de dix mois plus tard - le problème

 28   est toujours là, il n'a pas été résolu. Je tiens à le dire, parce que ça

Page 1802

  1   montre bien qu'il y a une divergence importante entre vos propos et ce qui

  2   est dit et ce qui est fait.

  3   Q.  Bien, je dirais, Monsieur l'Ambassadeur, entre les propos et les

  4   possibilités, parce que entre-temps, on fournissait autant d'eau que faire

  5   se pouvait. Et ici, on a entrepris des démarches aux fins d'assurer un

  6   approvisionnement continu, l'accent étant mis sur le mot continu.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement de ce

  8   document au dossier. Nous allons assurer nous-mêmes la traduction, ou le

  9   Procureur, mais nous, probablement.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Il recevra donc une cote MFI

 11   jusqu'à ce qu'il reçoive sa traduction.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D116 MFI.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] A présent, je voudrais qu'on nous montre le

 14   1D895.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  En attendant qu'on nous le montre, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais

 17   vous demander ce qui suit : est-ce que vous connaissez M. Morton Abramowitz

 18   ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  C'est quelqu'un que j'ai contacté au téléphone plusieurs fois, je ne

 21   l'ai pas connu en personne. Est-ce que vous connaissez son ami, M. Fred

 22   Cuny ou Cany ?

 23   R.  Oui, Fred est mort, il est mort en Bosnie-Herzégovine. Il s'y trouvait

 24   pour le compte de George Soros, le financier philanthrope bien connu. Il

 25   était là justement pour ce problème d'approvisionnement en eau de Sarajevo,

 26   approvisionnement difficile du fait du siège de la ville par les Serbes de

 27   Bosnie : Abramowitz, à l'époque, travaillait de façon très étroite avec

 28   Soros pour essayer de trouver une solution au problème, et c'est pour ça

Page 1803

  1   qu'ils ont envoyé Cuny qui a apporté une aide efficace jusqu'à sa mort.

  2   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Morton Abramowitz, c'est un haut

  3   fonctionnaire qui était membre du conseil de la politique étrangère, enfin,

  4   quelqu'un de très proéminent.

  5   Et dans ce document, on peut voir --

  6   R.  Un diplomate à la retraite. C'était un représentant des Affaires

  7   étrangères à la retraite. Il avait été ambassadeur en Turquie et il était à

  8   la retraite.

  9   Q.  On voit maintenant, Monsieur l'Ambassadeur, qu'il s'agit ici d'une

 10   lettre assez longue de la part de Fred Cuny à l'attention de Morton

 11   Abramowitz. C'est daté - on va vous le dire tout de suite quand est-ce

 12   qu'il l'a écrit déjà. C'est une lettre qu'on a trouvée au site internet qui

 13   est indiqué.

 14   J'aimerais qu'on nous montre la page 6 de ce document. C'est janvier 1994,

 15   page 6, s'il vous plaît, paragraphe 1 de cette page 6.

 16   "L'un des officiers de la FORPRONU affirme qu'ils avaient disposé

 17   d'information disant que certains membres du gouvernement s'opposaient à

 18   remettre de l'eau, parce que ça effacerait l'une des images les plus

 19   omniprésentes de la souffrance qui était subie par la ville. D'après cette

 20   source, les radicaux du gouvernement avaient senti qu'ils avaient ressenti

 21   le besoin de promulguer cette publicité négative qui était celle des

 22   Bosniens qui étaient assiégés à Vitez, et ce, en montrant les images des

 23   gens de Sarajevo en train de porter de l'eau, du carburant, et cetera, sous

 24   les pilonnages des Serbes. (Je pense, personnellement que cette publicité a

 25   été perçue, mais la FORPRONU estime que c'est véritablement une

 26   possibilité). "

 27   Alors, cet homme, on peut lui faire confiance, non ?

 28   R.  La personne qui a écrit la lettre ne le croit pas puisqu'il est dit : 

Page 1804

  1   "Personnellement, je rejette cette théorie…"

  2   Q.  Oui, mais à la page 5, maintenant, lui, il reçoit les informations de

  3   la FORPRONU, et la FORPRONU est plus présente que lui sur le terrain, il

  4   s'efforce d'être objectif. Donc il dit qu'il y a de telles informations qui

  5   sont communiquées par la FORPRONU.

  6   Montrez-nous la page 5, en bas :

  7   "Troisièmement, nous avons reçu des informations pour une personne proche

  8   de M. Mohammed Zlatar qui nous a indiqué que la raison pour laquelle

  9   certains représentants officiels empêchaient la remise de l'eau courante

 10   était celle de voir ces représentants officiels engagés dans une vente

 11   d'eau depuis la fabrique de l'usine de bière à Bacevo. Il y a des

 12   conteneurs qui emmènent régulièrement cette eau depuis la source pour

 13   fournir de l'eau aux entreprises, y compris l'hôtel Holiday Inn. Il y a

 14   aussi de l'eau qui est vendue aux maisons, aux familles. Et dans les

 15   périodes d'hiver, ces ventes sont très importantes. Et d'après notre

 16   informateur, la ville autorisera la remise de l'eau courante, mais une fois

 17   seulement lorsque l'eau sera, au préalable, fournie à des secteurs

 18   privilégiés (lorsque après fermeture des valves critiques), et une fois

 19   qu'il y a une grande demande et que les prix auront chuté, bien --"

 20   Vous voyez que notre aide pour ce qui est de l'approvisionnement en eau

 21   potable portait détriment au prix qu'ils avaient fixé pour cette eau ?

 22   R.  Oui, oui. J'ai déjà dit que chaque camp se livrait à des activités

 23   criminelles. Alors, c'est un document que je vois pour la première fois,

 24   Monsieur Karadzic, mais ça me confirme bien le fait qu'il y avait activités

 25   criminelles de la part de tous les camps.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur

 27   l'Ambassadeur.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai plus rien à dire.

Page 1805

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Page 6, une fois de plus, je vous prie, paragraphe 3, maintenant, qui

  4   dit :

  5   "Si on continue à nous mettre des bâtons dans les roues, il y aura

  6   plusieurs options. Je peux demander au général Rose de donner l'ordre de

  7   remettre en marche tout le système ou de le confier aux Nations Unies. Ce

  8   serait peut-être la façon la plus aisée et politiquement la meilleure des

  9   façons pour ce qui est de faire en sorte que les Bosniens s'en occupent."

 10   La lettre est longue, mais dans cette lettre, M. Cuny affirme que

 11   nous avions rendu possible la réparation du système d'approvisionnement

 12   d'eau. Ils ont demandé aux Musulmans de laisser passer l'eau. Le

 13   gouvernement musulman n'a pas accepté qu'on remette en marche l'eau. Les

 14   Nations Unies ont remis l'eau contre leur volonté, et eux, ils sont venus

 15   pour couper l'approvisionnement en eau afin qu'elle ne parvienne pas à la

 16   ville de Sarajevo. C'est ce que nous dit cette lettre, en réalité ?

 17   R.  Non, c'est plus compliqué que cela, Monsieur Karadzic. Regardez le

 18   paragraphe suivant. Il est écrit, et je cite :

 19   "J'aimerais dire que nous avons reçu énormément de soutien de la part de

 20   plusieurs secteurs du gouvernement."

 21   Ce n'est pas une surprise. Puisque le gouvernement est divisé - nous

 22   l'avons évoqué à plusieurs reprises - le gouvernement de Bosnie était très

 23   divisé puisqu'il y avait le courant laïc et le courant religieux, le

 24   courant religieux et le courant militaire, le courant civil et le courant

 25   militaire, ceux qui veulent essayer d'apaiser les Serbes qui les attaquent,

 26   alors que ceux qui veulent, en revanche, plutôt s'arranger avec eux. Donc

 27   les gouvernements étaient très divisés, c'est évident.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

Page 1806

  1   J'aimerais qu'on nous montre maintenant la page 2, paragraphe 1 -- milieu

  2   du paragraphe 1, s'il vous plaît.

  3   Le paragraphe, en haut de la page, on dit :

  4   "Toutefois, nous n'avons pas réussi à persuader les autorités de la ville à

  5   nous autoriser à remettre l'eau, pas même pendant les graves pilonnages qui

  6   se sont produits en janvier. A un moment donné, suite à la mort de

  7   plusieurs personnes qui sont mortes alors qu'elles essayaient de prendre de

  8   l'eau au robinet de l'usine de bière, j'ai donné l'ordre de leur remettre

  9   l'eau d'après mon autorité, mais les autorités sont intervenues pour couper

 10   l'eau."

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Ce n'est pas les autorités serbes, c'est les autorités musulmanes qui

 13   n'ont pas laissé que l'on remette l'approvisionnement en eau de la ville.

 14   Je ne m'intéresse pas aux factions différentes dans l'autorité, mais c'est

 15   les autorités qui avaient refermé l'approvisionnement en eau afin que les

 16   gens dans la ville continuent à souffrir ?

 17   R.  Oui, on pourrait tirer cette conclusion, en effet.

 18   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ce 1D895 soit versé au dossier.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, avez-vous des

 21   objections ?

 22   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une cote.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote D117.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais maintenant à ce qu'on nous

 26   montre à l'affichage électronique le 1D336.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Je ne sais pas si nous avons la traduction de ce texte, mais ça nous a

Page 1807

  1   été communiqué par le Procureur. Il s'agit de la République de Bosnie-

  2   Herzégovine, c'est la partie musulmane qui émet le document, état-major du

  3   commandement Suprême des forces armées, administration de la sécurité, et

  4   c'est daté du 23 octobre 1993.

  5   En page 2 -- montrez-nous, s'il vous plaît, la page 2.

  6   Le premier paragraphe dit :

  7   "Le président de l'assemblée municipalité de Novi Grad, Enes Cengic, dans

  8   son entretien avec le commandement restreint de la 101e Brigade motorisée,

  9   a présenté plusieurs renseignements intéressants du point de vue de la

 10   sécurité concernant le fonctionnement et les problèmes rencontrés par

 11   l'autorité civile dans cette municipalité. Il a souligné qu'Ismet Hadzic,

 12   entre parenthèses, le commandant de la 5e Brigade motorisée, puis Huso

 13   Cesir [phon], entre parenthèses, adjoint à Ismet pour la logistique, et un

 14   dénommé Sefkija Okelic, entre parenthèses, ex-président du conseil exécutif

 15   de la municipalité, qui, en leur qualité de représentants de la ligne dure

 16   du SDA, ont l'intention d'organiser un soulèvement de la population

 17   musulmane contre les instances élues légalement dans la municipalité de

 18   Novi Grad."

 19   Puis j'en saute, et :

 20   "Cengic souligne que les citoyens et les combattants de Dobrinja

 21   n'appuient pas le comportement et les activités du commandement de la 5e

 22   Brigade motorisée, chose qu'ils ont manifestée au travers de 500 signatures

 23   de pétition, où ils demandent la révocation dudit commandant et du

 24   commandement de la 5e Brigade motorisée, tout comme du commandement de la

 25   protection civile."

 26   Dans cette pétition que Cengic avait sur soi, il est fait état des

 27   irrégularités pour ce qui est du partage de l'aide humanitaire, parce que

 28   certains individus se sont vus privés de leur droit à cette aide, et on dit

Page 1808

  1   que l'électricité destinée aux utilisateurs prioritaires, donc hôpitaux, et

  2   cetera, a été acheminée vers les appartements des amis du commandant ?

  3   Alors, ça c'est un rapport émanant des Services secrets de l'armée,

  4   disant que leur commandant, pour ce qui est de l'électricité qui passait

  5   par les territoires serbes, plutôt que de l'acheminer vers les infirmeries

  6   et les hôpitaux, il la faisait passer vers les appartements de ses propres

  7   amis. Est-ce que vous saviez cela ?

  8   R.  Je crois que vous avez parlé du mois d'octobre 1993, c'est la date de

  9   cette lettre. Mais j'avais cessé toute activité en ce qui concerne la

 10   Bosnie-Herzégovine en mai 1993, donc je n'étais pas au courant de cela

 11   puisque, officiellement, je ne travaillais plus dans le cadre de la Bosnie-

 12   Herzégovine.

 13   Q.  Mais vous ne contestez pas la chose, Monsieur  l'Ambassadeur ?

 14   R.  Vous me l'avez présentée et je l'ai lue.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   Est-ce qu'on peut demander le versement au dossier de ce 1D366.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Comme l'a dit l'accusé, il n'y a pas de

 19   traduction, et nous aimerions jeter un œil sur la traduction avant que ce

 20   document ne soit admis, donc pourrions-nous avoir une cote MFI.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Cote MFI.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le D118 MFI.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander au service concerné maintenant

 25   de faire afficher -- ça existe à l'affichage électronique ? Oui. Le 1D899.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, en attendant qu'on nous montre ce document, je

 28   tiens à vous informer de quoi il s'agit. Il s'agit de la République serbe

Page 1809

  1   de Bosnie-Herzégovine, présidence, appel à l'attention des Musulmans pour

  2   une cessation d'hostilités. C'est daté du mois de mai 1992. 1D899, j'ai

  3   dit.

  4   Il y a aussi une version anglaise. Alors, montrez-nous l'anglais sur

  5   l'écran, et je vais donner lecture à partir du serbe.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne crois pas que ce document existe,

  7   le 1D899.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si, vous l'avez --

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon. Il s'agit d'une "Proclamation à

 11   l'attention des Musulmans, un appel pour une cessation des hostilités."

 12   "Musulmans et Musulmanes, ce déchirement malheureux de la Yougoslavie et la

 13   sécession anticonstitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine vis-à-vis de la

 14   Yougoslavie et la politique violente qui était celle de la coalition

 15   musulmano-croate vous ont poussés dans la pire des guerres civiles, une

 16   guerre interethnique et interconfessionnelle. Le démantèlement de la

 17   Yougoslavie a transformé la Bosnie-Herzégovine pour faire trois entités. En

 18   Bosnie-Herzégovine serbe, il y aura une certaine quantité de Musulmans et

 19   de Croates, tout comme un certain nombre de Serbes finira bien par vivre

 20   dans la Bosnie-Herzégovine musulmane et croate. Peut-être allez-vous

 21   résider dans la partie musulmane, mais peut-être allez-vous aussi résider

 22   dans la Bosnie-Herzégovine serbe. Cela dépendra des accords politiques qui,

 23   au final, devront bien être mis sur le tapis. Donc pour le moment, vous

 24   êtes dans la Bosnie-Herzégovine serbe et vous devez bénéficier des mêmes

 25   droits que les Serbes. Bon nombre de villages musulmans ont restitué leurs

 26   armes et bénéficient d'une protection pleine et entière de l'armée serbe et

 27   des autorités serbes. Etant donné qu'il s'agit ici d'une guerre

 28   interconfessionnelle, nous ne les obligeons pas à se battre de notre côté.

Page 1810

  1   Mais à tout autre point de vue, ils sont mis sur un pied d'égalité avec les

  2   Serbes. Les Musulmans sont traités et soignés par nos hôpitaux, cela fait

  3   de ces hôpitaux les leurs. Les Musulmanes donnent naissance à leurs enfants

  4   dans des hôpitaux serbes. Ils s'approvisionnent au même endroit en vivres,

  5   les Serbes et les Musulmans, les Musulmans qui ne se battent pas contre les

  6   Serbes, bien entendu.

  7   "Pourquoi vous battez-vous contre les Serbes ? Ne pouvons-nous pas

  8   préserver la paix et rechercher une solution politique ? Pourquoi vos

  9   familles doivent-elles avoir faim ? Pourquoi êtes-vous partis dans les

 10   forêts à la veille de l'hiver ? Combien de Serbes et de Musulmans doivent

 11   mourir encore pour les idées folles de --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, quelle est votre

 13   question ? Quelle est la finalité de cette lecture de cette déclaration ?

 14   Posez donc votre question.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que dans ce texte, tel que lu jusqu'à

 17   présent, il est aisé de voir que la partie serbe ne s'appuie pas sur le

 18   fait accompli et ne reconnaît pas le [imperceptible], donc ce qu'on

 19   possède, on doit le garder; mais prévoit aussi qu'au final, l'appartenance

 20   de telle ou telle région à une première ou une troisième Bosnie sera une

 21   solution qui sera déterminée suite à des négociations politiques ?

 22   R.  Ce document me paraît totalement fourbe. La déclaration à la fin, par

 23   exemple : 

 24   "L'Occident ne le permettra pas, parce que l'Occident veut que vous

 25   autres, les Musulmans, soyez détruits et anéantis dans le cadre d'une

 26   bataille contre les Serbes et les Croates."

 27   C'est absolument ridicule.

 28   Ceci a été dit en mai 1992. Vous l'avez dit vous-même. Or, le 12 mai,

Page 1811

  1   l'assemblée des Serbes de Bosnie a émis cette directive ou cette

  2   déclaration, je ne sais pas comment vous voulez l'appeler, là, où vous avez

  3   présenté vos objectifs de guerre. Ceci a été versé au dossier d'ailleurs.

  4   On en a parlé de façon exhaustive dans le cadre de l'affaire Krajisnik.

  5   Au vu des documents officiels, les frontières que vous souhaitiez

  6   pour votre Republika Srpska autoproclamée étaient évidentes. C'est de cela

  7   qu'on parle. Avec ces frontières, vous auriez obtenu entre deux tiers et 75

  8   % du territoire de la Bosnie-Herzégovine, et c'est d'ailleurs la question

  9   centrale de cette guerre. Donc cet appel que je lis correspond parfaitement

 10   à votre politique, à la politique des Serbes de Bosnie, puisqu'en fait,

 11   c'est un appel à se rendre. Vous demandez aux Musulmans de se rendre,

 12   puisque tout allait très bien sur le terrain pour vous, finalement. Ce

 13   n'est pas surprenant. C'est un fait avéré. Quant à la logique et le

 14   raisonnement qui sous-tendent le document, c'est totalement faux et ça en

 15   est ridicule d'ailleurs.

 16   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Je vais vous avancer plusieurs thèses

 17   que je me propose de prouver pendant que vous êtes encore ici et plus tard.

 18   Il est une thèse qui est largement répandue, une conviction parmi les

 19   intellectuels tant Musulmans que Serbes, qui dit que l'Occident avait eu

 20   pour intention de neutraliser les Musulmans de la Bosnie-Herzégovine à

 21   l'aide des Serbes et des Croates. Est-ce que vous contestez la chose ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, je suppose qu'il est en

 23   train de présenter sa thèse au témoin; c'est cela ?

 24   Monsieur l'Ambassadeur.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est parfaitement ridicule. L'Occident,

 26   justement, était en faveur des Musulmans. Que ce soit correct ou pas, je ne

 27   sais pas. Mais ça, nous l'avons déjà établi.

 28   M. Karadzic l'a déjà montré d'ailleurs, quelqu'un comme Fred Cuny avait été

Page 1812

  1   envoyé par Soros pour essayer de rétablir l'approvisionnement en eau. C'est

  2   pour ça aussi que la FORPRONU se trouvait sur place. Donc dire que le but

  3   final de l'Ouest était de neutraliser les Musulmans en Bosnie en manipulant

  4   les Serbes et les Croates, c'est, primo, incroyable, mais surtout ridicule.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Il faudra que j'ajoute de nouveaux

  7   éléments de preuve en provenance de sources musulmanes cette fois. Je

  8   voudrais vous demander si vous avez vous aussi fait partie de cette

  9   communauté internationale qui était, de façon si décisive et déterminante,

 10   du côté des Musulmans.

 11   R.  Non, absolument pas. J'étais négociateur et je travaillais pour les

 12   Nations Unies. Et vous le savez, Monsieur Karadzic, aussi bien que moi.

 13   Q.  Mais il me semble que vos carnets sont impartiaux, mais vos témoignages

 14   ne le sont pas. Ça m'oblige à demander à ce que l'on ouvre encore un sujet

 15   que j'avais voulu laisser de côté. Je voulais vous l'épargner.

 16   Nous avons ici un livre publié par Izetbegovic, où il dit que le président

 17   Tudjman lui a dit que la Communauté européenne l'avait chargé de prendre

 18   soin des Musulmans de Bosnie, et Izetbegovic s'y est opposé.Alors, est-ce

 19   que vous allez affirmer que cela n'est pas vrai ?

 20   R.  Je n'étais pas présent lorsque cette déclaration, que, selon vous, le

 21   président Tudjman aurait faite au président Izetbegovic, aurait été dite.

 22   D'ailleurs, j'ai des doutes à ce propos, à moins que ce qu'il voulait

 23   vraiment dire lorsqu'il dit "s'occuper des Musulmans de Bosnie," ça

 24   signifie les épauler dans leur lutte contre vous. Mais je trouve cette

 25   déclaration très ambiguë.

 26   Q.  Merci. Je vais vous donner lecture de ce qu'Izetbegovic a rédigé : 

 27   "Pour ce qui est de la vantardise à Tudjman disant que certains Européens

 28   lui auraient confié l'européisation [phon] des Musulmans de Bosnie aux fins

Page 1813

  1   d'empêcher la création d'un Etat musulman sur le territoire de l'Europe, je

  2   pense qu'il y a eu de la vérité dans ce que Tudjman a dit. Bon nombre

  3   d'Européens et de gens en Amérique, à quelques exceptions honorables près,

  4   avaient beaucoup de défiance à l'égard de ce qui était en train de se

  5   passer en Bosnie. Il fallait éteindre les dangers de ce qu'ils avaient

  6   considéré comme étant un renouveau islamique dans ce pays. Beaucoup de

  7   choses très vilaines ont été faites pour que l'on y aboutisse. L'une des

  8   choses c'est la criminalisation des autorités bosniennes en Bosnie-

  9   Herzégovine, qui allait s'intensifier notamment après la guerre pour

 10   atteindre son apogée dans l'article du 'New York Times' publié en 1999."

 11   Je vous assure, Monsieur l'Ambassadeur, que l'un de nos députés aussi avait

 12   dit que nous avons été désignés comme étant les exécuteurs des Musulmans,

 13   ceux qui allaient les exécuter. La thèse parmi les intellectuels serbes

 14   c'était de dire que les occidentaux avaient le plus profité des conflits

 15   entre les Serbes et les Musulmans. C'est la thèse qui est enracinée autant

 16   dans les livres d'Izetbegovic que dans les écrits de Zulfikarpasic. Est-ce

 17   que vous allez le nier cela, comme vous avez nié le tout tout à l'heure ?

 18   R.  En ce qui concerne Tudjman et la façon dont il se vantait,  puisque

 19   c'est ainsi qu'Izetbegovic avait appelé ses propos, on peut y croire, parce

 20   que comme je l'ai déjà dit - et on le voit dans mes carnets - Tudjman

 21   méprisait les Musulmans. Il ne les aimait pas. Lorsque nous parlions

 22   d'Izetbegovic en tête-à-tête, il faisait référence en disant "cet

 23   intégriste, Izetbegovic." Je ne le dispute pas. Il n'est pas à disputer

 24   aussi que l'intérêt des Serbes et des Serbes de Bosnie, ainsi que des

 25   Croates et des Croates de Bosnie était de diviser la Bosnie, de la

 26   découper. Tout ceci c'est un fait avéré.

 27   Ce qui paraît parfaitement incroyable dans les propos que vous venez de

 28   lire c'est qu'en fait, tout d'un coup, des Musulmans sont les coupables en

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  1   ce qui concerne l'Occident. Pour l'Occident, ce sont les Musulmans qui sont

  2   coupables. Alors que depuis trois jours, Monsieur Karadzic, vous êtes en

  3   train de dire que l'Occident avait toujours considéré qu'il s'agissait des

  4   Serbes qui étaient coupables et que c'était, de votre avis, parfaitement

  5   incorrect, et maintenant vous êtes en train de nous donner ce document qui

  6   déclare, de façon parfaitement incorrecte aussi, que l'Ouest voudrait voir

  7   l'anéantissement des Musulmans de Bosnie. Mais je vous assure, Monsieur

  8   Karadzic, qu'en ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, il n'y a pas un

  9   Américain sur 10 000 qui avait entendu de la Bosnie-Herzégovine avant 1992

 10   et qui savait ce qui s'y passait. Or ici, dans ce document, la Bosnie-

 11   Herzégovine serait censée occuper une place bien stratégique au sein de la

 12   politique occidentale -- enfin, non, c'est vil, c'est vraiment ridicule.

 13   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Comme partout au monde, les grandes

 14   masses qui n'ont pas entendu parler de la Bosnie-Herzégovine ne sont pas

 15   chargées de la conduite de la politique. La politique, elle est confiée aux

 16   gouvernements. Or, les gouvernements en Occident savaient fort bien tout ce

 17   qui se situait au niveau des Balkans.

 18   Mais une petite rectification, Monsieur l'Ambassadeur. M. Izetbegovic ne

 19   dit pas que c'est de la vantardise, tout cela. Il

 20   dit : Je pense qu'il y a eu de la vérité dans ce que Tudjman avait dit. Et

 21   un autre petit rectificatif, Monsieur l'Ambassadeur. Les Serbes avaient

 22   supplié les Musulmans de Bosnie de faire en sorte que la Bosnie toute

 23   entière reste en Yougoslavie. Ils ne voulaient pas la partager. Le partage,

 24   c'est Alija Izetbegovic qui l'avait proposé, et nous allons le prouver ici,

 25   cela.

 26   R.  Je vais vous rappeler votre déclaration qui est d'ailleurs consignée

 27   dans mon carnet, selon laquelle le problème pourrait être résolu, si

 28   Tudjman et Mate Boban, donc les dirigeants croates, étaient d'un côté, et

Page 1815

  1   vous étiez de l'autre côté de la table, avec Milosevic et Hadzic. Donc ce

  2   que cela signifie, vous pourrez, bien sûr, faire des remarques là-dessus,

  3   que cette déclaration signifiait -- enfin, au vu de toutes les personnes

  4   qui l'ont lue, c'est que les Serbes et les Croates voulaient la partition

  5   de la Bosnie-Herzégovine ou voulaient mettre en place une fiction légale

  6   selon laquelle l'Etat appelé Bosnie-Herzégovine existerait toujours, mais

  7   où, en fait, en coulisse, ce serait les Serbes de Bosnie et les Croates de

  8   Bosnie qui auraient le pouvoir.

  9   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Mais est-ce qu'on vous aurait dit que

 10   suite à la solution apportée à la crise en Croatie, c'est-à-dire les

 11   questions relatives à la Krajina serbe en Croatie, là, vous auriez raison.

 12   Mais ma thèse, le fondement ou l'origine de la crise yougoslave, ce sont

 13   les relations serbo-croates, et nous, en Bosnie, nous ne pouvions pas

 14   avancer, parce que nous avions une question qui n'était pas résolue qui

 15   était celle de la Krajina serbe. Et c'est la raison pour laquelle nous

 16   avions besoin de Tudjman et de Milosevic, mais pas pour la Bosnie, parce

 17   que si on avait tranché la question de la Krajina serbe, on aurait

 18   également tranché ou trouvé une solution plus aisément pour la Bosnie.

 19   Je tiens à vous rappeler aussi, Monsieur l'Ambassadeur, que jusqu'à

 20   l'éclatement de la guerre, pendant toute l'année 1991, nous avons proposé à

 21   la Bosnie de rester en Yougoslavie, et nous avions renoncé à toutes les

 22   régionalisations. Et c'est un accord que nous avions réalisé avec

 23   l'Organisation bosnienne musulmane. D'abord, c'était soutenu par

 24   Izetbegovic, puis après toutes ces opportunités sont tombées à l'eau. Est-

 25   ce que vous le niez, cela ?

 26   R.  Oui, lorsque vous dites que la question essentielle qui a entretenu le

 27   conflit était la relation entre la Serbie et la Croatie, là, vous avez

 28   raison, en effet, parce qu'il s'agit des deux plus grandes républiques de

Page 1816

  1   l'ex-Yougoslavie, et la relation entre Zagreb et Belgrade était absolument

  2   essentielle. Elle l'est encore, d'ailleurs.

  3   Alors que là, vous vous fourvoyez, Monsieur Karadzic. C'est lorsque

  4   vous dites qu'au cours de l'année 1991, vous proposiez à la Bosnie de

  5   rester au sein de la Yougoslavie. Certes, vous faisiez cette proposition,

  6   et la raison pour laquelle vous le faisiez est claire, c'est parce que la

  7   Yougoslavie était en train de s'effondrer avec le départ de la Croatie et

  8   de la Slovénie, qui étaient les deux républiques les plus riches de

  9   l'ancienne Yougoslavie. Une fois qu'elles auraient quitté le giron de la

 10   Yougoslavie, cette Yougoslavie croupion, si je puis dire, était devenue, en

 11   fait, un Etat serbe puisqu'il n'y avait plus que la Serbie, la Macédoine et

 12   le Monténégro. Or, ni les Croates ni les Musulmans ne voulaient rester dans

 13   cette Serbo-slavie, puisqu'ils l'appelaient ainsi. Ils nous en parlaient

 14   souvent, d'ailleurs, la Yougoslavie n'existe plus; maintenant, c'est la

 15   Serbo-slavie. C'est pour cela qu'ils ne voulaient pas rester dans le giron

 16   de la Yougoslavie, et c'est pour cela que lorsqu'il y a eu le 29 février et

 17  le 1er mars 1991 [comme interprété], ce référendum sur l'indépendance, votre

 18   parti donc, les Serbes ont boycotté ce référendum, et les autres partis, en

 19   revanche, y ont pris part.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] On y reviendra. Merci.

 21   Est-ce que le 1D899, on peut le verser au dossier, s'il vous plaît. Et

 22   qu'on nous le laisse, et on va voir à quel point il est sincère pour ce qui

 23   est d'affirmer quels sont les villages musulmans qui ont vécu en toute

 24   quiétude jusqu'à la fin de la guerre.

 25   Alors, on va parler des extraits du livre à Izetbegovic, cette page

 26   252. On peut peut-être tomber d'accord dessus.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, qu'en est-il du 1D899

 28   et de l'autre ?

Page 1817

  1   M. TIEGER : [interprétation] Ecoutez, je pense que là, nous n'avons pas

  2   reçu d'information de la part de l'autre partie.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, je ne pense pas.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Oui, je ne pense pas qu'il y aurait des

  5   problèmes, mais je voudrais être prudent. Donc j'aimerais quand même avoir

  6   un peu de temps, et j'aurais préféré être averti à l'avance que ce document

  7   allait être utilisé.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui -- enfin, c'est un passage -- enfin,

  9   c'est un passage d'un recueil de discours -- enfin, bon, vous préféreriez

 10   que le document reçoive une cote provisoire ?

 11   M. TIEGER : [interprétation] En effet.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence --

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote D119 MFI.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le Procureur a un recueil de six livres ou

 16   recueils d'ordres et de discours de ma part. Ça se trouve en page 233 du

 17   recueil numéro 4. Ça, c'est le recueil numéro 4. Et cela a été publié,

 18   pendant que je me dissimulais, par le comité qui se chargeait de dire la

 19   vérité.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur l'Ambassadeur --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'en est-il du livre de M. Izetbegovic

 23   ? Pouvez-vous nous donner sa cote 65 ter, son numéro sur la liste 65 ter ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, j'ai été obligé, du fait de

 25   l'évolution des témoignages faits par M. l'Ambassadeur, à avancer ces

 26   arguments que j'avais eus à l'esprit, mais je ne les ai pas proposés pour

 27   versement au dossier, parce que je n'avais pas eu l'intention d'aller avec

 28   ce témoin-ci vers ce domaine de questions. Mais ce sont des sujets entamés

Page 1818

  1   par M. l'ambassadeur Okun qui avait dit que je n'étais pas sincère, et que

  2   lui, il l'était. Or, nous en étions arrivés au point de savoir si

  3   l'Occident avait été perçu, si tant est que ce n'était pas la vérité, comme

  4   étant quelqu'un qui conduisait une politique perfide contre les Serbes et

  5   les Musulmans, et les Serbes et les Musulmans sont légion à penser que

  6   c'est effectivement le cas.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le passage pertinent a été lu et

  8   consigné au compte rendu d'audience. Donc nous n'avons pas nécessité

  9   d'admettre ce document séparément. Nous n'allons donc pas nous occuper de

 10   cet ouvrage dans les médias.

 11   Je dois l'horloge. Il est temps de faire la deuxième pause. Etant donné que

 12   vous avez déjà disposé de près de 12 heures de contre-interrogatoire de M.

 13   l'Ambassadeur, je pense que vous devriez pouvoir en terminer dans les trois

 14   quarts d'heure qui suivront la reprise des débats à midi trente.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, pourrais-je prononcer

 16   une brève déclaration en rapport avec ce que le Dr Karadzic vient de dire ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 19   Docteur Karadzic, je suis surpris de vous entendre dire que j'aurais

 20   allégué que vos appels ont été fourbes. J'ai dit le contraire. J'ai dit

 21   qu'ils étaient dignes de respect, j'ai dit qu'ils étaient respectables,

 22   qu'ils avaient du mérite. J'ai dit qu'ils n'avaient pas été respectés sur

 23   le terrain, mais je n'ai jamais accusé ces documents d'être quoi que ce

 24   soit d'autre que sincères.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une demi-heure de pause.

 27   --- L'audience est suspendue à 12 heures 04.

 28   --- L'audience est reprise à 12 heures 38.

Page 1819

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est à vous.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce que vous connaissez ce test en matière de psychologie qui

  5   s'appelle "le test des phrases inachevées." Je vous rappelle, c'est un test

  6   où on propose à un client une phrase inachevée et chacun l'achève

  7   conformément à ses besoins, ses humeurs, et son sentiment intérieur, donc

  8   il y a en somme jamais la même fin qui est donnée à même début de phrase.

  9   Est-ce que vous vous en souvenez de cela ?

 10   R.  Oui, je sais de quoi vous parlez.

 11   Q.  Merci. Alors, je trouve que dans vos carnets, que j'estime très

 12   précieux, il y a beaucoup de choses qui sont rédigées suivant cet exemple

 13   de phrases inachevées. Vous êtes d'accord avec moi pour le dire ?

 14   R.  Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire, Monsieur Karadzic.

 15   En effet, dans ce carnet je consigne les propos de différentes personnes.

 16   Et parfois et assez souvent d'ailleurs, je note aussi ce que je pensais de

 17   leurs propos, ils étaient crédibles, si je les croyais, si je ne les

 18   croyais pas, et cetera, afin qu'a posteriori je puisse bien comprendre les

 19   propos tenus. Mais je ne pense pas quand même que le concept de phrases

 20   inachevées s'applique vraiment à ces carnets. Dans le cadre des

 21   négociations les parties prennent des positions, positions qui parfois sont

 22   dignes, parfois elles ne le sont pas, parfois sont juste des ballons

 23   d'essai que l'on envoie au cas où pour savoir un petit peu pour tâter le

 24   terrain, si je puis dire. Mais je n'appellerais pas tout cela des phrases

 25   inachevées, enfin je ne pense pas pouvoir m'appesantir plus sur le sujet.

 26   Q.  Merci. Ce que j'avais surtout à l'esprit c'est les lecteurs qui

 27   prennent connaissance de vos carnets. Mais il y a une chose qui ne fait pas

 28   l'ombre d'un doute, je pense, vos carnets ont été [inaudible] et ça s'est

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  1   consigné au moment où le phénomène est apparu, donc vous avez sur le champ

  2   pris des notes ?

  3   R.  Tout à fait. En effet, et le point que vous avez précédemment soulevé,

  4   c'est-à-dire que le fait que le lecteur du carnet peut tirer des

  5   conclusions différentes, ça aussi c'est tout à fait correct, différents

  6   lecteurs peuvent tirer différentes conclusions. Mais je tiens à dire qu'il

  7   ne s'agit pas d'un carnet que j'ai tenu juste à un moment ponctuel,

  8   absolument pas, j'ai commencé en octobre 1991, et ça s'est poursuivi

  9   jusqu'en mai 1993. Donc ce sont des carnets qui portent sur une période de

 10   temps assez longue et qui m'ont permis d'affiner les jugements que j'ai

 11   passés sur les choses au fur et à mesure que le temps s'écoulait.

 12   Q.  Je vous remercie. J'espère que tous les participants ici présents ont

 13   eu un exemplaire, ou plutôt, on va faire distribuer. Alors ce qui me plaît

 14   dans tout ce que vous avez dit, c'est la partie qui se rapporte au carnet.

 15   Je suis quelque peu surpris par l'élément qui venait chez vous tout de

 16   suite après le mot "mais," et qui fait plutôt partie d'un témoignage

 17   d'expert. Je n'ai rien contre le fait de vous voir revenir en qualité

 18   d'expert, je ne vois personne qui serait à même de mieux le faire mais il y

 19   aurait donc une approche tout à fait différente à adopter. Mais j'ai

 20   procédé à une analyse, mon équipe a procédé à une analyse, élaboré une

 21   analyse pour ce qui est de vos témoignages fournis a posteriori et dans

 22   quelle mesure ceux-ci s'appuient sur ce qui a été consigné dans vos

 23   carnets.

 24   J'aimerais que nous parcourions rapidement ceci, si vous n'y voyez pas

 25   d'inconvénient. La première partie nous l'avons qualifiée Okun contre Okun

 26   - j'espère que vous ne m'en voudrez pas - et ce, pour voir le sujet le plus

 27   important, c'est-à-dire le sujet du nettoyage ethnique. Donc la première et

 28   la deuxième des allégations ou assertions vous les présentez dans votre

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  1   témoignage dans l'affaire Krajisnik, le 22 juin 2004. On peut voir quelles

  2   sont les pages dont il s'agit : 4 158, 4 204, 4 169. Ce que vous avez dit à

  3   l'occasion des témoignages, nous l'avons retrouvé nulle part dans vos

  4   carnets de notes.

  5   R.  A quoi faites-vous référence ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur l'Ambassadeur,

  7   mais les interprètes n'ont pas reçu une copie de ces documents. De ce fait,

  8   ils ont énormément de mal à suivre vos propos puisque vous lisez

  9   extrêmement vite. L'interprétation s'est arrêtée, en tout cas, pour la

 10   cabine anglaise, après vos propos sur le procès de M. Krajisnik le 22 juin

 11   2004. Donc veuillez poursuivre à partir de ce passage.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 13   L'ACCUSÉ KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, le numéro 1 et le numéro 2, pour ce qui est des

 15   assertions avancées, vous les avez prononcées le 22 juin 2004, en pages 4

 16   158 et 4 204. L'autre assertion dans l'affaire Krajisnik date du 22 juin

 17   2004, page 4 169. Voici ce qui est dit :

 18   "Les Serbes de Bosnie avaient six objectifs politiques.

 19   Troisièmement, disposer d'une entité ethniquement pure et essentiellement

 20   serbe.

 21   Dans une phase ultérieure, les Serbes de Bosnie ont fait partir les

 22   Musulmans de leur territoire aux fins de créer une Republika Srpska

 23   ethniquement pure."

 24   Nous allons prouver que ce n'est pas le cas, et nous, enfin, la Défense et

 25   moi, personnellement, je tiens énormément à ce que vous repartiez d'ici

 26   dans la conviction qui serait celle de dire : S'il n'en a pas été ainsi,

 27   pourquoi cela ne figure-t-il pas dans vos carnets de notes ?

 28   R.  Il y a deux points là à soulever, Monsieur Karadzic. Tout d'abord,

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  1   c'est bel et bien contenu dans les carnets. C'est parfaitement clair.

  2   Deuxièmement, en ce qui concerne la pureté ethnique, ou ethniquement pure,

  3   ce sont des termes qui ont été employés par M. Krajisnik lui-même lorsqu'il

  4   a fait sa présentation par vidéo de la Republika Srpska, présentation au

  5   cours de laquelle il a déclaré que la Republika Srpska occupait des

  6   territoires qui étaient serbes avant la guerre, ce qui était absolument

  7   faux et pouvait être démontré d'ailleurs, puisque la carte qu'il utilisait

  8   montrait toutes les municipalités musulmanes existant le long de la Drina.

  9   Enfin - et ce n'est pas la moindre des choses - la déclaration à propos des

 10   objectifs de guerre des Serbes de Bosnie, bien, comme je l'ai dit, ils

 11   étaient connus publiquement et aussi de façon privée, car le 12 mai 1992 -

 12   on en a parlé d'ailleurs - votre gouvernement a publié ces objectifs de

 13   guerre qui correspondaient parfaitement avec les six objectifs dont j'ai

 14   parlé dans les procès précédent et dans l'affaire Milosevic. Il était

 15   d'accord avec moi d'ailleurs pour dire qu'il s'agissait bel et bien des

 16   objectifs de guerre des Serbes de Bosnie. Vous pouvez lire le compte rendu

 17   d'ailleurs.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, veuillez

 19   regarder le compte rendu. Je ne pense pas que le début de votre réponse

 20   reflète correctement vos propos. Il est écrit en anglais :

 21   "It is clear on the point", "c'est clair."

 22   Je me souviens de vos propos en anglais. Je pense que ça n'a pas été

 23   écrit correctement.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. Je disais que c'était une conclusion

 25   que je tirais de mes carnets, qui était correcte.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Merci. Mais moi, je ne l'ai pas retrouvée dans vos carnets. Toute mon

 28   équipe n'a pas trouvé cela dans vos carnets.

Page 1823

  1   Alors, il y a deux ou trois points que j'aimerais tirer au clair.

  2   Monsieur l'Ambassadeur, les problèmes linguistiques devant ce Tribunal sont

  3   considérables pour les façons de parler idiomatiques. Je vais me référer à

  4   la nécessité pour les interprètes de vous confirmer le fait que quand nous

  5   exprimons idiomatiquement le fait que c'est un territoire purement serbe,

  6   ça ne veut pas dire que c'est pur. Quand on dit "purement serbe," ça veut

  7   dire que ce n'est pas contesté qu'il y a plus de 50 % des Serbes. Dans le

  8   témoignage dans l'affaire Krajisnik, j'ai souligné la chose, parce que si

  9   nous disons que c'est purement croate ou purement musulman, ça ne veut pas

 10   dire que c'est nettoyé ethniquement des autres, mais que ce n'est pas

 11   contesté que c'est une majorité musulmane, parce que nous avons parlé de

 12   territoires qui n'étaient pas contestés et nous avons reconnu les uns pour

 13   les autres, pour 80 % des territoires, que ce n'était pas contesté que

 14   c'était serbe, pas contesté que c'était croate ou pas contesté que c'était

 15   musulman. Pour le reste, il fallait le résoudre soit par des négociations,

 16   soit par la guerre.

 17   Alors, je crains que cette spécificité de notre langage, de notre façon de

 18   parler, a conduit à la conclusion. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi

 19   ou pas ?

 20   R.  Oui, j'aurais pu mais, en fait, non.

 21   Rappelez-vous de votre déclaration en 1993 devant le comité de

 22   coordination des Serbes de Bosnie et des Serbes. Vous avez parlé en fait de

 23   la situation à Zvornik. 50 % Serbes, 50 % Musulmans avant la guerre, et la

 24   même population. Donc, 50 000 maintenant, qui est à 100 % Serbes. Donc,

 25   toujours 50 000 personne mais cette fois-ci, 100 % Serbes. Bon, j'accepte

 26   parfaitement la distinction linguistique que vous faites en ce qui concerne

 27   les mots "pureté," "purement," "totalement pur," ce qui peut être en

 28   anglais, en effet, considéré comme incontestable. Mais vous l'avez utilisé

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  1   pour décrire le nettoyage ethnique en cours. C'est vous qui l'avez dit.

  2   Q.  Merci. Mais s'agissant de cette réunion de janvier 1993, je dois dire

  3   qu'avant cette phrase de ma part, M. Vladislav Jovanovic s'était employé en

  4   faveur de l'exclusion de tout déplacement forcé de la population, et j'ai

  5   apporté mon soutien à ce propos. J'ai dit :

  6   "Pour quoi faire ? Parce que, de toute façon, cela se passe de façon

  7   spontanée."

  8   Je n'ai pas justifié, je ne me suis pas employé en faveur des déplacements

  9   de la population. J'ai dit :

 10   "A quoi bon déplacer de façon forcée la population, alors que la population

 11   va, de toute manière, se déplacer par elle-même ?"

 12   On va le prouver lorsque le sujet sera sur la table.

 13   Je voudrais maintenant que nous revenions à l'analyse des divergences entre

 14   --

 15   R.  Puis-je faire une remarque, s'il vous plaît. Je serai rapide et serai

 16   très bref.

 17   Jovanovic il était ministre des Affaires étrangères d'abord de Yougoslavie,

 18   ensuite de Serbie. Lors d'une réunion dont nous parlons Dr Karadzic et moi-

 19   même, réunion de janvier 1993, réunion du comité de coordination, dans ses

 20   propos liminaires, il a dit qu'il n'était pas un expert. C'est Jovanovic

 21   qui parle, bien sûr. Il a dit qu'il n'était pas expert de la situation,

 22   surtout du nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine, mais en tant que

 23   diplomate chevronné, il savait ce que signifiaient les échanges pacifiques

 24   de populations, tel que cela s'était produit après la Première Guerre

 25   mondiale, entre les Grecs et les Turcs, entre la Grèce et la Turquie. C'est

 26   bien connu. Ce qu'il semblait suggérer au groupe, donc à ce comité de

 27   coordination des Serbes - je pense qu'il s'adressait principalement

 28   d'ailleurs là aux Serbes de Bosnie - il essayait de leur dire que c'était

Page 1825

  1   une façon d'atteindre leur but, leur objectif. Il n'avait pas besoin de

  2   chasser, d'expulser les gens par la force. Il pouvait très bien essayer

  3   d'obtenir ce même résultat, mais de façon pacifique. C'était sa remarque,

  4   d'ailleurs. C'est au compte rendu, vous pouvez le lire dans le document

  5   portant sur le comité de coordination qui a été versé au dossier de

  6   Krajisnik. D'ailleurs, je tiens à dire que Krajisnik n'a pas contesté la

  7   chose.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, je voudrais qu'on nous communique ces six

  9   objectifs stratégiques. Il s'agit du 00781, des pièces de l'Accusation.

 10   C'est déjà une pièce à conviction, 00781. Je voudrais montrer ici, comme

 11   pour ce qui est du témoignage dans Krajisnik, que le troisième objectif

 12   c'était de faire en sorte que la Drina ne soit pas une frontière entre deux

 13   mondes, je parlais de l'Est et de l'Ouest, parce que la frontière de la

 14   Drina avait été cela, pas entre les Serbes et les Serbes, comme on l'a dit

 15   dans l'affaire Krajisnik. Dans l'original, c'est sans contestation aucune

 16   absolument de ce qui est dit. Nulle part dans ces objectifs il n'est dit

 17   que l'unité serbe en Bosnie-Herzégovine allait être ethniquement purifiée

 18   ou essentiellement, en grande partie, serbe.

 19   On peut les afficher, ces objectifs, sur nos écrans ?

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Vous avez à un point de vue raison, Monsieur l'Ambassadeur. Ça n'était

 22   pas un secret du tout, et dès le mois de juin nous avions décidé, aux côtés

 23   de la carte, d'envoyer ces points de départ à la Communauté européenne

 24   comme étant des objectifs stratégiques. Nous avions, bien sûr, compté sur

 25   la probabilité de voir quelque chose de perdu aussi.

 26   R.  Oui, Monsieur Karadzic, je ne veux pas perdre du temps là-dessus, mais

 27   vos objectifs publiés le 12 mai 1992 étaient principalement des buts

 28   géographiques, je l'ai déjà dit. Or, si on en avait fait une réalité, ce

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  1   fer à cheval, dont on a déjà parlé d'ailleurs et qui enferrait Sarajevo,

  2   était mis en œuvre, et vous vouliez que votre frontière occidentale, c'est-

  3   à-dire que la frontière côté est du fer à cheval sur la vallée de la

  4   Neretva, serait justement placée à cet endroit-là. Les Croates, d'ailleurs,

  5   ne le voulaient pas et se sont battus. Ils ne voulaient pas que vous alliez

  6   jusqu'à la Neretva, parce que leur capitale autoproclamée, Mostar,

  7   justement, se trouvait sur la Neretva.

  8   Donc il s'agit de questions qui étaient débattues lors de la guerre,

  9   certes, mais je ne peux pas être d'accord avec vous lorsque vous dites que

 10   vos objectifs, tels qu'ils sont émis en mai 1992, ne correspondent pas aux

 11   objectifs que j'ai décrits. Moi, je trouve que cela correspond

 12   parfaitement, donc là, vraiment, je ne peux pas être d'accord avec vous.

 13   Q.  Mais enfin, Monsieur l'Ambassadeur, il n'est jamais nulle part écrit le

 14   fait que nous voulions un Etat ethniquement pur.

 15   Et ici, j'attire l'attention des Juges sur la transcription des

 16   objectifs, telle que faite ici, qui est citée comme étant une décision

 17   datant d'un an et demi après, où il y aurait eu des changements en matière

 18   de cadres dans l'administration. Je voudrais qu'il soit noté pour ce qui

 19   est du compte rendu qu'à l'occasion du discours que j'ai tenu à

 20   l'assemblée, et dont il y a une transcription qui existe ici, qui dit que

 21   la Drina ne doit pas être une frontière entre deux mondes, et c'est tout à

 22   fait conforme à ce que M. Izetbegovic disait, à savoir que l'Una n'allait

 23   pas être une frontière pour les Croates et que la Drina ne serait pas une

 24   frontière pour les Serbes. Et en 1993, dans une émission télévisée, j'ai

 25   expliqué que ce serait des frontières comme des frontières qu'on connaît en

 26   Europe.

 27   Monsieur l'Ambassadeur, vous avez ensuite dit, je me penche sur la partie 3

 28   :

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  1   "Karadzic aurait dit, Nous voulons la paix ou la guerre serait un

  2   désastre."

  3   Dans votre témoignage, alors ce troisième se trouve dans votre carnet

  4   numéro 4, 06530, page 46. S'agissant de ceci, vous en avez témoigné dans

  5   l'affaire Krajisnik le 22 juin 2004, page 4 400, c'est un avenant, et il

  6   est dit :

  7   "Okun n'a pas cru que nous étions sincères et il a quand même admis

  8   que cela serait désastreux tant pour les Musulmans que pour les Croates."

  9   Monsieur l'Ambassadeur, êtes-vous d'accord pour dire que les Serbes sont un

 10   tiers de la population, alors que la coalition antiserbe constitue les deux

 11   tiers, qu'il y avait contre les Serbes tant la Croatie en permanence -- la

 12   Croatie avec cinq millions d'habitants, ça fait déjà 1:8, et avec la

 13   participation de l'Occident contre les Serbes en Bosnie, ça fait 1 sur N,

 14   le nombre est inconnu ? Pourquoi voulez-vous alors que nous souhaitions une

 15   guerre ? Pourquoi l'avez-vous dit dans votre témoignage, or cela n'existe

 16   pas dans vos carnets ?

 17   R.  La réponse est simple. Je serai rapide et bref.

 18   Il ne faut pas prendre chaque entrée dans le carnet ou chaque déclaration

 19   venant de votre bouche de façon isolée. Vous dites la guerre serait un

 20   désastre. Mais je sais très bien lorsqu'en octobre 1991, lorsque vous avez

 21   quitté la vieille assemblée de Bosnie, vous avez dit s'ils déclarent leur

 22   indépendance, cela va emmener les Musulmans vers l'enfer. Donc moi, je

 23   prenais vos remarques en prenant en compte le contexte, et non pas en

 24   prenant chaque remarque de façon isolée.

 25   Donc lorsque vous dites que vous étiez en minorité de façon importante, ce

 26   que vous oubliez de dire c'est que vous aviez la Serbie derrière vous, avec

 27   dix millions de personnes, et aussi la JNA, l'armée populaire de

 28   Yougoslavie, avec pratiquement 500 000 hommes. Donc dire que vous étiez la

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  1   partie la plus faible, surtout au début, ça c'est faux, c'est évident,

  2   étant donné que vous aviez le soutien entier de la JNA.

  3   Q.  Bien, nous allons avoir un débat.

  4   Monsieur l'Ambassadeur, vous vous souviendrez que la Serbie avait

  5   accepté chaque plan et que l'instance de coordination avait été créée suite

  6   à suggestion de l'Ouest afin que la Serbie puisse exercer son contrôle à

  7   notre égard et influer à notre égard, et les premiers malentendus avec la

  8   Serbie sont survenus avec le plan Vance-Owen, que la Serbie a accepté et

  9   que nous n'avions pas accepté; est-ce que c'est bien exact ?

 10   R.  En effet, c'est exact. Après que les Croates ont accepté le plan Vance-

 11   Owen ainsi que les Musulmans de Bosnie, il n'a été refusé que par les

 12   Serbes de Bosnie. C'était la seule partie en présence qui n'a pas voulu

 13   l'accepter. Et les Serbes, dirigés personnellement par le président

 14   Milosevic, en ma présence d'ailleurs, ont vraiment essayé, je pense,

 15   vraiment essayé d'obliger ou de convaincre le Dr Karadzic et M. Krajisnik

 16   d'accepter ce plan Vance-Owen. Mais ils n'ont jamais réussi à les

 17   convaincre.

 18   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Et croyez-moi bien qu'ils étaient tout à

 19   fait sincères, et c'est là qu'il y a eu une divergence totale entre nous.

 20   Pourquoi y a-t-il cette divergence ? Passons au point 4, où vous y

 21   dites, dans la transcription Krajisnik, juin 2004, page 4 172, vous dites

 22   que :

 23   "…ces opstina serbes de Yougoslavie. Autrement, il y aura une

 24   guerre."

 25   R.  C'est vous qui l'avez dit, Monsieur Karadzic.

 26   Q.  Pourquoi ceci ne figure pas dans vos carnets de notes, Monsieur

 27   l'Ambassadeur ?

 28   R.  C'est dans mes carnets. On peut vérifier ? Je serais ravi de trouver la

Page 1829

  1   référence, enfin, ça pourrait être long. Mais je pense que les parties en

  2   présence, enfin, les conseils pour l'Accusation et pour la Défense,

  3   devraient vérifier, parce que je suis presque sûr que cela figure dans mes

  4   carnets.

  5   Q.  Je tiens à vous rappeler, Monsieur l'Ambassadeur, quelles sont nos

  6   priorités. La priorité c'est de garder une Yougoslavie avec six républiques

  7   en son sein. La deuxième priorité c'est de maintenir la Bosnie et les

  8   autres qui veulent. La troisième priorité, proposée par Izetbegovic, à

  9   savoir que ne quittent la Yougoslavie que les parties musulmanes de la

 10   Bosnie. Ce sera facile à démontrer cela et à prouver, parce que c'est dans

 11   les sources musulmanes que ça se trouve. Et dans ce cas-là, d'après

 12   l'exemple de la Virginie occidentale, il fallait faire en sorte que les

 13   municipalités serbes restent en Yougoslavie. La quatrième priorité c'était

 14   de faire en sorte que ces municipalités quittent aussi la Yougoslavie, mais

 15   obtiennent une unité distincte.

 16   Donc je crois que tout est fait sur le modèle des phrases inachevées.

 17   Or, tout cela, on ne le retrouve dans vos carnets.

 18   R.  Je comprends bien ce que vous me dites, et il est vrai qu'en partie

 19   vous avez raison. Vos priorités, enfin, votre première option, la

 20   préférable pour vous, c'était qu'il n'y ait pas de modification à la

 21   structure administrative yougoslave. Mais malheureusement, les choses

 22   évoluaient. La Croatie avait déclaré son indépendance et l'avait obtenue.

 23   La Slovénie avait aussi demandé son indépendance et l'avait obtenue,

 24   indépendance pleine et entière. Donc lorsque vous me parlez de la Virginie

 25   occidentale, on en a déjà parlé d'ailleurs, là, les choses sont un peu

 26   différentes. Vous dites que la Virginie occidentale a fait sécession de la

 27   Virginie pendant que la guerre de sécession était en cours, parce qu'il

 28   n'était pas un territoire où il y avait des esclaves, ce qui est vrai. Mais

Page 1830

  1   la différence entre l'affaire de la Virginie occidentale et ce qui nous

  2   occupe ici c'est que c'est vous qui avez commencé la guerre en Bosnie avec

  3   cette autoproclamation, selon laquelle, soit vous resteriez au sein de la

  4   Yougoslavie, soit vous établiriez votre propre Republika Srpska. Alors, en

  5   Virginie occidentale, le problème a résulté de la guerre, alors que vous,

  6   c'est votre propre déclaration qui a déclenché la guerre. J'imagine que

  7   vous n'allez pas être d'accord.

  8   Q.  Oui, Monsieur l'Ambassadeur. Nous allons vous montrer des preuves que

  9   vos collègues de l'Ouest, Warren Christopher, et même le président Clinton,

 10   James Bissett, Henry Kissinger, ont dit le contraire, à savoir la sécession

 11   unilatérale. Et même l'acte d'accusation dans l'affaire Milosevic dit la

 12   Slovénie a déclaré son indépendance et ça occasionné la guerre. Et après,

 13   ça a été modifié, mais même le bureau du Procureur avait admis que la

 14   déclaration d'indépendance unilatérale a donné lieu à la guerre. Moi, je le

 15   dis dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine. Cette proclamation unilatérale

 16   et anticonstitutionnelle de l'indépendance a donné lieu à la guerre. Et ce

 17   n'est pas nous, parce que nous n'avions pas besoin du tout de faire la

 18   guerre. Nous n'avons réclamé leurs territoires. On avait assez de nos

 19   territoires, et nous avions une autorité efficace en temps de paix sur ces

 20   mêmes territoires. Mais allons de l'avant. Nous allons prouver la chose

 21   très facilement ici, cette chose-là.

 22   Ce que je veux dire c'est qu'il y a d'énormes divergences au niveau des

 23   carnets, que j'accepte, et il y a vos témoignages qui divergent a

 24   posteriori, donc dix ans plus tard, qui divergent de ce que vous avez

 25   annoté. Il y a bon nombre d'exemples.

 26   Par exemple, au paragraphe 13 de la page 2, vous avez témoigné pour dire

 27   que Milosevic -- que le président grec, et Milosevic était en bons termes,

 28   non pas avec le président, mais avec le premier ministre -- à savoir que

Page 1831

  1   Milosevic accepterait 45 % de la terre de la Bosnie-Herzégovine à

  2   l'attention des Serbes de Bosnie :

  3   "Mais il est difficile d'accepter le segment accordé aux Serbes de Bosnie

  4   pour le plan Vance-Owen, parce que ce n'est pas ethniquement pur. Donc les

  5   négociateurs ont un problème, parce qu'ils ne peuvent pas appuyer un

  6   nettoyage ethnique par les soins de Milosevic qui dit qu'il accepterait 45

  7   % si cela venait à être ethniquement pur. La direction de la Republika

  8   Srpska était même plus dure et stricte à cet effet."

  9   Donc dans les journaux ça n'existe pas, Monsieur l'Ambassadeur. Nous, nous

 10   ne voulions pas avoir une pureté ethnique, parce qu'on nous avait attribué

 11   à peine dix à 15 % de toutes les ressources naturelles qui étaient

 12   communes. Est-ce que c'est bien de cela qu'il s'agissait ou pas ?

 13   R.  Non, ce n'est pas le cas, Monsieur Karadzic. Dans mes carnets, vous

 14   trouverez un grand nombre de remarques, surtout venant de votre collègue,

 15   Alexsi Buha, qui agissait en tant que ministre des Affaires étrangères de

 16   ce qui était appelé la Republika Srpska. Il y a de nombreuses remarques

 17   faites par ce Buha qui sont consignées dans mes carnets selon lesquelles le

 18   plan Vance-Owen n'était pas juste envers les Serbes de Bosnie pour

 19   plusieurs raisons, entre autres, parce qu'ils ne s'étaient pas tous

 20   rassemblés. Une accusation bien précise était que 50 % des Serbes de Bosnie

 21   ne vivaient pas dans les provinces où les Serbes de Bosnie étaient en

 22   majorité. En fait, c'était 40 %. Mais il avait raison, puisque le but même

 23   du plan de paix Vance-Owen était de remédier au nettoyage ethnique, d'y

 24   mettre une fin et de mélanger à nouveau tous les groupes ethniques pour

 25   qu'ils cohabitent à nouveau de façon pacifique en Bosnie-Herzégovine, comme

 26   ils l'avaient fait avant la guerre.

 27   Donc vous avez fait un travail d'exception en étudiant de si près mes

 28   carnets, je vois cela, mais je trouve que votre équipe de la Défense et

Page 1832

  1   vous-même avez été extrêmement sélectifs dans vos choix, et de ce fait,

  2   tout ceci est assez trompeur.

  3   Q.  Bien, Monsieur l'Ambassadeur, voilà ce que vous avez rédigé au sujet de

  4   Mitsotakis, c'est votre carnet numéro 2, 0635. Page 53 :

  5   "Mitsotakis : Nous devrons résoudre les divergences entre Serbes et

  6   Croates. Ils sont disposés à parler, à négocier. Aujourd'hui, la partie

  7   musulmane constitue le problème."

  8   Et c'est ce que vous avez rédigé à propos de M. Mitsotakis. Dans votre

  9   témoignage, par contre, vous dites que les observations de la part des

 10   Serbes c'était d'affirmer que les territoires qu'on leur avait attribués

 11   n'étaient ethniquement purs, mais c'étaient des territoires très pauvres,

 12   il n'y avait ni industrie ni ressources minières, ni infrastructures. Nous

 13   avons toute une étude qui montre les raisons pour lesquelles le plan Vance-

 14   Owen a été inacceptable. Je vais montrer cette étude, je vais la présenter

 15   aux Juges de la Chambre. C'était une étude qui a été établie à l'époque et

 16   qui vous a été montrée, qui vous montre combien d'appartements ou de

 17   maisons sont revenus aux Serbes, combien de ressources minières, et au

 18   niveau des territoires qui, depuis toujours, ont été des territoires

 19   serbes.

 20   Or, est-ce que cela constitue une divergence considérable entre ce qui est

 21   consigné dans votre carnet de notes et vos témoignages ?

 22   R.  Absolument pas, Monsieur Karadzic. Je l'ai d'ailleurs fait remarquer.

 23   Je viens juste de relever les propos de Buha, et Buha me le disait souvent.

 24   Très souvent, il me disait avec son langage très coloré, La seule chose que

 25   vous nous avez donnée c'est les serpents et les pierres.

 26   Donc je tiens à dire que le première ministre, M. Mitsotakis, le ministre

 27   de Grèce, a toujours soutenu la position des Serbes pendant toute la

 28   guerre, la position des Serbes et la position des Serbes de Bosnie. C'est

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  1   d'ailleurs lui qui avait organisé la conférence d'Athènes où vous avez

  2   signé, sous pression d'ailleurs, le plan Vance-Owen le 2 mai 1993. Et comme

  3   vous le savez et comme je le sais aussi, il s'est rendu à l'assemblée des

  4   Serbes de Bosnie avec le président Milosevic quelques semaines plus tard,

  5   en mai, pour essayer de vous convaincre de signer à nouveau et d'accepter

  6   le plan Vance-Owen, mais vous l'avez rejeté, vous n'avez pas été convaincu

  7   et vous n'avez pas non plus écouté le président Milosevic, donc la guerre

  8   s'est poursuivie pendant encore deux ans, jusqu'à ce que les Croates y

  9   mettent fin.

 10   Q.  Merci. Mais je ne sais pas si vous avez bien compris, M. Buha, dans

 11   quelle langue il vous l'aurait dit ?

 12   R.  Il nous parlait soit en anglais, soit en serbo-croate.

 13   Q.  Je crains fort que son anglais ne soit très, très mauvais de nos jours

 14   encore, il était pire encore à l'époque. Mais quand on parle de "rochers et

 15   de serpents," ce n'était pas une question de population, c'était une

 16   question ou un aspect qui était lié, une image liée à la pauvreté. Or, les

 17   ressources naturelles et l'infrastructure, par ce plan, étaient mineures

 18   pour ce qui est de ce que le plan nous laissait.

 19   Alors, nous allons voir vos notes prises à Athènes. Sur l'écran, on nous le

 20   montre. C'est vos carnets de notes du temps de la réunion à Athènes. Est-ce

 21   que vous pouvez retrouvez quelque part, Monsieur l'Ambassadeur : "Ce que

 22   les Serbes seraient disposés à accepter, à moins de 50 %, Milosevic

 23   aiderait."

 24   Donc ici, il est question des Serbes de Bosnie, qui accepteraient

 25   moins de 50 %, alors que nous avions toujours compté

 26   30 % aux Musulmans, 17 % aux Croates, et 53 % à l'intention des Serbes.

 27   Alors, ces notes que vous avez consignées dans votre carnet, est-ce que ça

 28   peut générer le type de témoignage que vous avez fait ?

Page 1834

  1   R.  Ce n'est pas contesté entre nous, et d'ailleurs je n'ai jamais

  2   dit que vous vouliez détenir tous les territoires occupés par votre armée.

  3   J'ai dit - et c'est vrai d'ailleurs - que la VRS occupait à peu près 70 %

  4   du territoire. Cela dit, il a toujours été parfaitement clair qu'il

  5   faudrait faire des petits réglages.

  6   Dans le plan Vance-Owen, vous vous êtes retrouvé avec 43 % du

  7   territoire, donc 43 % dans des provinces à majorité serbe. Ce qui vous

  8   aurait obligé à retirer vos forces d'environ 40 % des territoire occupés à

  9   l'époque. Vance et Owen trouvaient que c'était équitable. Ils étaient

 10   extrêmement critiqués par plusieurs personnes en Occident, surtout aux

 11   Etats-Unis, parce que, et je cite : "Ceci aurait légitimé le nettoyage

 12   ethnique et l'agression serbe." Moi, je n'étais pas du tout d'accord avec

 13   ça, parce qu'ils considéraient qu'en réduisant l'occupation des territoires

 14   de 70 % à 43 %, ils donnaient beaucoup. Mais ils étaient quand même

 15   agressés pour vouloir tenir ces propos. Cela dit, les Serbes de Bosnie ne

 16   sont pas la seule partie prenante qui ait rejeté ce plan Vance-Owen. Le

 17   gouvernement américain aussi l'a rejeté.

 18   Le fait que vous étiez prêt à accepter un territoire moins important que

 19   celui occupé par votre armée n'a jamais été un point contesté, étant donné

 20   que votre armée avait réussi à capturer les trois-quarts du pays.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez en terminer

 22   de votre contre-interrogatoire dans les dix minutes qui viennent.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Conviendrez-vous, Monsieur l'Ambassadeur, que dans le cadre de la

 25   conférence Cutileiro, avant la guerre et sans guerre, nous avions accepté

 26   moins encore que ce que nous obtenons, d'après ce que vous venez de dire, à

 27   savoir 45 %, et ce, sans contiguïté territoriale, au moment où il était

 28   estimé que la Bosnie ne plongerait pas dans la guerre ? C'était encore

Page 1835

  1   moins que ce que nous avons maintenant. Est-ce que vous êtes d'accord ?

  2   R.  Oui, c'est exact. Nous avons vu cela sur le projet de plan Darwin. Je

  3   suis d'accord. Cela figurait bien sur ce projet de carte.

  4   Q.  Je vous remercie. Je manque de temps, donc j'aimerais me contenter pour

  5   le moment d'appeler votre attention sur la partie 4 de ces documents. Nous

  6   ne pouvons pas passer en revue l'intégralité de ceci, mais on trouve

  7   vraiment des différences significatives entre vos carnets et le reste, vos

  8   carnets que j'apprécie hautement.

  9   Paragraphe 2, je cite :

 10   "Karadzic déclare que Trnopolje était un camp ouvert où les gens avaient la

 11   liberté d'aller et de venir, mais ceci n'est pas vrai. Interrogé au sujet

 12   de l'affaire graduée des camps, Karadzic s'est concentré sur le fait que

 13   des Serbes étaient détenus par d'autres, ce qui est vrai, mais ils étaient

 14   détenus en nombre beaucoup moins important."

 15   Donc voyons maintenant le compte rendu d'audience de votre déposition dans

 16   l'affaire Krajisnik la même année, pages 4 200 et

 17   4 201 du compte rendu.

 18   Monsieur l'Ambassadeur, il n'y a aucune référence à cela dans vos

 19   journaux personnels. Trnopolje était toujours un camp ouvert, et il y avait

 20   plus de Serbes dans les prisons, à l'exception des prisonniers de guerre

 21   qui étaient libérés très rapidement. Je crains que quelque chose ne se soit

 22   passé entre le moment où vous avez consigné vos notes dans vos carnets et

 23   le moment où vous avez témoigné. Que diriez-vous par rapport à tout cela ?

 24   R.  Je dirais que ceci n'est pas vrai, Docteur Karadzic, si nous laissons

 25   de côté le fait que, bien entendu, qu'avec le passage du temps nous

 26   apprenons tous quelque chose.

 27   Je vous renvoie au discours de Cornelius Sommaruga en 1992 à la

 28   conférence de Londres, dans lequel il énumère les centres de détention, les

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  1   mauvais centres de détention, ceux où les gens étaient horriblement

  2   maltraités, et ces centres de détention étaient tous tenus par des Bosno-

  3   Serbes. Lui aussi - et ceci figure au compte rendu - a utilisé le nombre de

  4   plusieurs centaines de milliers. Il a aussi cité en exemple - je n'en ai

  5   pas encore parlé, mais ceci figure dans l'allocution de M. Sommaruga - à

  6   Sanski Most, les Serbes de Bosnie -- il ne le dit pas aussi précisément que

  7   cela. Mais Sanski Most avait été pris par les Serbes de Bosnie, donc il est

  8   clair qu'il parle des Serbes de Bosnie. A Sanski Most, des civils ont été

  9   conduits sur le champ de bataille entre les lignes. Je trouve que dans ces

 10   conditions, Docteur Karadzic, il est très difficile d'être d'accord avec

 11   vous, même s'il est flatteur que vous ayez accordé tant d'attention à mes

 12   journaux personnels.

 13   Q.  C'est une occasion unique, Monsieur l'Ambassadeur, d'avoir une personne

 14   comme vous ici.

 15   Ce que je tiens à dire, c'est que vous venez de confirmer que

 16   certains éléments sont fondés sur des informations que vous avez obtenues

 17   ultérieurement aux faits. Je crains que M. Sommaruga ait également été mal

 18   informé, ou plutôt, incomplètement et incorrectement informé.

 19   J'aimerais appeler votre attention sur la page 2, paragraphe 3 de ce

 20   document, où nous lisons, je cite :

 21   "Karadzic : veut un règlement politique de notre situation. Nous

 22   devons parvenir à une solution. Ne pouvons abandonner la souveraineté et

 23   l'égalité de notre peuple ou de notre terre. Fermerons bientôt les derniers

 24   camps de prisonniers de guerre. Remettre les criminels de guerre entre les

 25   mains du CICR. Pas d'offensive venant de nous. Unilatéral déjà déclaré."

 26   L'INTERPRÈTE : Il y a mot illisible.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  "Prêt à discuter jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée, mais nous

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  1   pouvons accepter : 1, Un Etat intégré; petit 2, à l'état centralisé; petit

  2   3, la perte du statut national "de notre terre."

  3   Monsieur l'Ambassadeur, ceci est écrit dans votre carnet de notes. Je peux

  4   le confirmer également dans le volume numéro 6, carnet numéro 6, numéro de

  5   référence 06539, page 9. Donc vous mettez fidèlement par écrit quelle était

  6   ma position, pas d'Etat intégré, pas d'Etat centralisé, nous ne pouvons

  7   perdre notre statut de nation, et devenir une minorité nationale.

  8   Toutefois, votre déposition, elle, est différente de ceci. C'est la

  9   raison pour laquelle je crains que quelqu'un vous ait mal informé

 10   ultérieurement. Au fait, lorsque vous étiez en situation de voir les choses

 11   par vous-même, sur place, je n'ai pas d'objection à ce que vous le disiez.

 12   R.  Je ne suis pas sûr de savoir quelle est la question que vous me posez,

 13   Docteur Karadzic, mais je vais répondre selon la compréhension que j'ai de

 14   cette question.

 15   J'ai noté correctement, et je suis heureux de vous entendre en

 16   convenir, votre déclaration -- enfin, votre avis sur la situation. J'ai

 17   aussi déclaré qu'à la Chambre, un peu plus tôt - et vous y avez fait

 18   référence, donc il n'y a pas de désaccord sur ce point - que c'est bien ce

 19   que j'ai fait. Vous ne vouliez pas d'Etat intégré, vous ne vouliez pas

 20   d'Etat centralisé. Vous refusiez de vivre dans ce genre de pays. C'est la

 21   raison pour laquelle vous avez entamé une guerre pour empêcher que ceci ne

 22   se produise.

 23   Alors, sur la question de la mauvaise information éventuelle ou de

 24   l'information partielle, en tout cas, du président Sommaruga au sujet de la

 25   situation, personne ne va trouver cela facile à croire. Il disposait de

 26   tous les moyens du Comité international de la Croix-Rouge sur place, il

 27   avait des effectifs humains à sa disposition. Vous avez cité à plusieurs

 28   reprises les commentaires faits à notre intention par Thierry Germond, et

Page 1838

  1   cetera, et cetera, qui a comparu devant le Tribunal. Donc je ne crois pas

  2   que le CICR pouvait être mal informé. Le CICR est chargé, très précisément,

  3   de faire respecter les conventions de Genève dans le cadre des visites

  4   qu'il fait auprès des prisonniers, qu'il s'agisse de civils pris dans des

  5   conflits ou de militaires. Au jour d'aujourd'hui, les visites du CICR au

  6   centre de détention américain de Guantanamo Bay sont importantes, car c'est

  7   la seule organisation qui a été autorisée à s'y rendre.

  8   Donc j'ai la plus grande difficulté à croire que vous disiez qu'il

  9   ait pu être mal informé ou partiellement informé. Je pense que vous dites

 10   cela parce qu'il était très bien informé, et disait des choses qui étaient

 11   très désagréables pour les Serbes de Bosnie, en tout cas, qui leur était

 12   difficile d'entendre, s'agissant des crimes de guerre.

 13   Je ne suis pas d'accord sur le fait que ma déposition, aujourd'hui ou

 14   dans l'affaire Krajisnik, se soit écartée des commentaires provenant de

 15   moi, à l'époque des faits et des notes que vous-même et d'autres ont lu. Je

 16   répète, il est flatteur pour moi de recevoir des compliments sur mes notes.

 17   Personne n'a jamais contesté le contenu de mes journaux personnels, pas

 18   même Milosevic, pas même Krajisnik; ils correspondent à la réalité.

 19   Mais c'est également vrai, comme nous l'avons souligné, que je ne

 20   suis pas sténotypiste. Chaque mot qui a été prononcé n'est pas consigné par

 21   écrit dans mes carnets. On y trouve le sens fondamental de ce qui s'est dit

 22   pendant les réunions évoquées. Et comme nous l'avons déjà dit, il

 23   m'arrivait souvent de ne pas mettre par écrit ce que j'avais dit, parce que

 24   je savais ce que j'avais dit, et que cela ne m'intéressait pas de l'écrire

 25   dans mes journaux personnels, car cela eût été un exercice assez

 26   égocentrique. Donc je ne fais jamais cela. Par exemple, si vous ne trouvez

 27   pas dans mes journaux personnels un commentaire que je vous aurais adressé

 28   avant la guerre quant au fait que vous risquez de commettre un génocide,

Page 1839

  1   bien, je ne l'ai pas mis par écrit parce que je sais que je l'ai dit. Je ne

  2   le croyais pas à l'époque, mais je sais que je l'ai dit aujourd'hui, et

  3   c'est la raison pour laquelle, Docteur Karadzic, je l'ai rappelé, en raison

  4   de l'accent que vous mettiez sans cesse sur le génocide subi par les Serbes

  5   pendant la Seconde Guerre mondiale qui est répété à plusieurs reprises dans

  6   mes journaux personnels, y compris dans une entrée particulière où je note

  7   que j'ai été un peu surpris, parce que trois minutes se sont écoulées avant

  8   que vous n'ayez évoqué le génocide subi par les Serbes de Bosnie au cours

  9   de la Seconde Guerre mondiale. Je ne discute pas à ce sujet. Un génocide a

 10   effectivement été commis contre les Serbes de Bosnie.

 11   D'ailleurs, lorsqu'un jour j'ai parlé de cela avec le général Mladic,

 12   c'était exactement le même sujet que celui que vous aviez évoqué au sujet

 13   des Serbes, et il m'a dit que les zones principales où les Serbes de Bosnie

 14   avaient subi un génocide au cours de la Seconde Guerre mondiale étaient

 15   Sarajevo, la Krajina serbe et Srebrenica. Il est intéressant de voir qu'il

 16   a évoqué Srebrenica, compte tenu de ce qui s'y est passé plus tard.

 17   Donc le Dr Karadzic est psychiatre, je ne le suis pas. Il serait

 18   intéressant de savoir ce qu'il avait à l'esprit en juillet 1995.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 20   Je pense que ce que nous venons de voir est une démonstration de ce

 21   que les Américains appellent de l'obstruction par longues interventions. Je

 22   me demande si l'on ne pourrait pas accorder au Dr Karadzic cinq minutes

 23   supplémentaires.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je répondais aux questions, mais je veux bien

 25   continuer.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 27   M. TIEGER : [interprétation] J'ai été patient, s'agissant du temps dont je

 28   pourrais disposer pour mes questions supplémentaires. Je n'ai rien contre

Page 1840

  1   ces cinq minutes supplémentaires. Je ne pense pas que l'on puisse parler

  2   d'obstruction par longs discours. Je pense que le témoin s'efforce de

  3   répondre aux questions qui lui sont posées aux problèmes évoqués. Mais je

  4   ne souhaite pas disposer de temps du tout pour les questions

  5   supplémentaires. Il n'y a que quelques questions qui ont besoin d'être

  6   évoquées.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends donc que c'est votre

  8   dernière question. Combien de questions avez-vous encore, Monsieur Karadzic

  9   ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, Excellence, s'agissant de ce témoin qui a

 11   une expérience aussi importante, on pourrait lui poser beaucoup plus de

 12   questions encore. Toutefois, je réduirai à deux ou trois questions, et j'en

 13   aurai terminé.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, conviendrez-vous que ce que vous écrivez au

 16   moment des faits est plus authentique que ce que vous pouvez penser dix, 15

 17   ou 20 ans plus tard ? Répondez par oui ou par

 18   non. Nous pouvons régler ces questions rapidement.

 19   R.  Non.

 20   Q.  Vous pensez que notre mémoire est plus précise et plus fraîche des

 21   années après les faits qu'elle ne l'est au moment des faits; oui ou non ?

 22   R.  Non. J'ai un motif à évoquer, mais si je ne suis pas autorisé à parler

 23   de ce motif, bien, je répondrai simplement par la négative. Mais je peux

 24   vous dire pourquoi. Ça dépend de vous.

 25   Q.  Donc vous pensez que nos souvenirs ne sont pas plus frais, plus vifs,

 26   au moment des faits, que 20 ans plus tard ?

 27   R.  J'ai continué à m'occuper activement de l'ex-Yougoslavie après avoir

 28   effectué ma mission en Bosnie - je l'ai déjà dit - je l'ai fait jusqu'en

Page 1841

  1   1997. Donc je sais très bien ce qui s'est passé dans toute cette période.

  2   J'ai continué à m'inquiéter des affaires yougoslaves après 1997. J'ai

  3   commencé mon témoignage ici, devant ce Tribunal, en 2001, dans l'affaire

  4   Milosevic. Donc - et je le dis sans aucun plaisir particulier - j'ai été

  5   étroitement associé à l'ex-Yougoslavie, et ce, de façon continuelle, depuis

  6   1991. C'est la raison pour laquelle je dis, sans vouloir faire obstruction

  7   par de longs discours, que mes souvenirs sont très bons, parce qu'il ne

  8   s'agit pas simplement de souvenirs. Je me suis occupé de ces questions

  9   pendant de très nombreuses années.

 10   Q.  Bien, Monsieur l'Ambassadeur, dans ces conditions, puis-je en déduire

 11   que ce qui s'est passé, c'est qu'une évolution considérable s'est produite

 12   dans vos positions et dans ce que vous saviez de la situation ? Dans quelle

 13   mesure est-ce que votre comparution, ici, devant ce Tribunal, ainsi que

 14   votre coopération avec le bureau du Procureur ont influé sur l'évolution

 15   qui a eu lieu depuis le moment où vous avez consigné par écrit ces notes,

 16   autrement dit depuis le moment de votre présence sur place ?

 17   R.  Je n'ai pas du tout été influencé par le bureau du Procureur. Ma

 18   comparution devant ce Tribunal vise à dire la vérité et toute la vérité, et

 19   c'est ce que je me suis efforcé de faire.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci pour tout, Monsieur l'Ambassadeur, et en

 21   particulier, pour vos journaux personnels.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Docteur Karadzic.

 23   Et il me faut dire à ce stade que le Dr Karadzic a déclaré qu'il

 24   aurait eu éventuellement de très nombreuses questions encore à me poser,

 25   que si je devais comparaître une nouvelle fois je serais tout à fait prêt à

 26   le faire.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est très aimable à vous, Monsieur

 28   l'Ambassadeur.

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  1   Monsieur Tieger, à vous.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

  3   Nouvel interrogatoire par M. Tieger :

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur. Commençons par

  5   quelques questions rapides. D'abord, l'affirmation de l'accusé qu'il a

  6   faite il y a quelques instants selon laquelle votre déposition dans

  7   l'affaire Krajisnik s'agissant de ce qui est consigné dans vos carnets de

  8   notes ne correspondait pas à ce qui était écrit précisément, j'aimerais

  9   donc revenir sur les documents Mitsotakis cités en référence. Il s'agit de

 10   la déposition dans l'affaire Krajisnik, qui commence en page 4 233 du

 11   compte rendu d'audience, et de ce que l'on peut lire dans la pièce 44, qui

 12   est donc une entrée du carnet de notes datant du 23 novembre 1992. On la

 13   trouve dans la pièce P787 du prétoire électronique, page 68.

 14   Le Dr Karadzic a souligné que vous aviez dit dans votre déposition, lors de

 15   l'audience où il a été question de Mitsotakis que Milosevic avait déclaré

 16   qu'il accepterait 45 % du territoire si celui-ci était ethniquement

 17   nettoyé, et selon le Dr Karadzic rien de tel ne figure dans vos carnets de

 18   notes.

 19   Alors, examinons la référence qui se trouve en haut de la page affichée à

 20   l'écran, celle qui précède immédiatement la rencontre commençant à 4 heures

 21   35. Est-ce que vous avez trouvé cette référence, Monsieur l'Ambassadeur ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  D'accord. Pouvez-vous indiquer aux Juges si la référence de votre

 24   témoignage dans l'affaire Krajisnik correspond bien à ce qui est noté dans

 25   votre carnet de notes ?

 26   R.  Oui. En effet c'est le cas. Je vais vous lire le passage. Donc c'est le

 27   premier ministre Mitsotakis qui s'exprime devant nous le 23 novembre 1992,

 28   et je cite, j'ai écrit: "le problème n'est pas un pourcentage de

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  1   territoire. Milosevic pourrait accepter 45 %. Il me l'a dit." Ce qui est

  2   difficile à admettre, c'est le propos de Milosevic, autrement dit le propos

  3   des Serbes de Bosnie, selon lequel "le segment de Milosevic n'est pas

  4   ethniquement pur, mais nous ne pouvons admettre le nettoyage ethnique

  5   quelles que soient les circonstances."

  6   Donc c'est Milosevic qui s'adressait à moi et à M. Vance. Voilà ce qu'il a

  7   dit, et voilà ce qui est consigné par écrit dans mes carnets.

  8   Q.  Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur. L'accusé a également appelé

  9   votre attention, ainsi que celle des Juges de la Chambre, sur votre

 10   déposition dans l'affaire Krajisnik dans laquelle vous avez déclaré, je

 11   cite : "Liez les opstina serbes à la Yougoslavie, autrement la guerre en

 12   résultera."

 13   Et il vous a demandé pourquoi ceci n'était pas dans votre carnet de notes,

 14   Monsieur l'Ambassadeur. Vous avez dit que vous pensiez que cela y figurait.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous passer à la pièce P777 du

 16   prétoire électronique, page 23.

 17   R.  Quelle est la date ?

 18   Q.  Le 2 décembre 1991.

 19   R.  1992, je pense.

 20   Q.  Je crois que c'est 1991, Monsieur l'Ambassadeur.

 21   R.  Septembre 1991 je n'étais pas en Yougoslavie.

 22   Q.  Excusez-moi, décembre. Décembre.

 23   R.  Décembre. Excusez-moi. Toutes mes excuses aux Juges de la Chambre. Ces

 24   carnets de notes sont assez encombrants.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Prenez votre temps, Monsieur

 26   l'Ambassadeur.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai trouvé la page, Monsieur Tieger.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Très bien.

Page 1844

  1   Q.  Donc je pense que vous êtes à la page 49, et je vous demande si oui ou

  2   non cette référence à la nécessité "d'établir un lien entre les opstina

  3   serbes et la Yougoslavie, sinon, il y aura la guerre" se trouve bien dans

  4   vos carnets de notes.

  5   R.  Vous venez de lire cette citation. Je cite : "Créez un lien entre les

  6   obstinas serbes et la Yougoslavie, sinon il en résultera une guerre."

  7   Q.  Oui. Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur. Alors hier, il y a

  8   également eu une échange entre vous et l'accusé dans lequel il vous a

  9   demandé si l'une quelconque des personnes ayant participé aux négociations

 10   aurait déclaré qu'il était un menteur. Il a affirmé que personne n'avait

 11   dit cela, et il y a eu également une proposition venant de l'accusé selon

 12   laquelle votre position était différente de celle de vos collègues, ou de

 13   ceux qui dirigeaient cette entreprise et vous aidaient.

 14   C'était une citation. Et cette dernière remarque que je viens de faire a

 15   été faite en rapport avec un extrait tiré du livre de Lord Owen. Donc

 16   j'aimerais que nous nous penchions sur ce livre et que nous lisions des

 17   extraits qui n'ont pas été portés à votre attention. Nous le ferons très

 18   rapidement.

 19   D'abord le document 65 ter numéro 006285, page 186 dans le prétoire

 20   électronique. C'est la partie gauche de l'écran qui nous intéresse, le

 21   paragraphe qui commence par : "Ever since I had clashed" donc : "Depuis le

 22   moment où je me suis heurté à Karadzic à Banja Luka au sujet du nettoyage

 23   ethnique en septembre 1992."

 24   Le passage se poursuit : "Les excuses de M. Karadzic sont mises en exergue

 25   pour le nettoyage ethnique, et le fait qu'il n'ait élevé aucune objection

 26   en vue de faire protéger les droits humains dans le cadre des

 27   négociations."

 28   Puis j'appelle votre attention sur la dernière phrase du paragraphe. Je

Page 1845

  1   cite :

  2   "Tout ceci cependant était une façade destinée à couvrir un engagement très

  3   profond vis-à-vis des Serbes qu'ils n'auraient pas à vivre aux côtés des

  4   Musulmans, et un engagement à procéder au programme de nettoyage ethnique

  5   dans le plus grand déshonneur, d'une ampleur encore plus importante que son

  6   incapacité constate à respecter ou même à connaître la vérité."

  7   Puis un autre passage, Monsieur l'Ambassadeur, si vous voulez bien, car le

  8   temps nous presse. Page 120 dans le prétoire électronique. Cela commence en

  9   haut de la page par les mots, je

 10   cite :

 11   "Le talent particulier de Karadzic, et c'est un talent considérable,

 12   consiste à désamorcer et à se défaire de toute question hostile par une

 13   expression innocente du visage et une apparence de préoccupation dans la

 14   voix."

 15   Puis il est question du pilonnage de Sarajevo et d'une réponse selon

 16   laquelle ce sont les Musulmans qui sont responsables de ces pilonnages, les

 17   Serbes ne faisant que défendre leurs maisons.

 18   Ce paragraphe se termine sur une référence au fait que le

 19   Dr Karadzic affirme que les Serbes ne sauraient vivre aux côtés des

 20   Musulmans et des Croates et qu'il ne faut pas les mettre dans le même sac,

 21   comme on le ferait avec des chats et des chiens.

 22   Finalement, on arrive au commentaire suivant :

 23   "Peut-être parce que nous sommes tous les deux médecins de formation, je

 24   trouve difficile à croire qu'il aurait pu pratiquer le nettoyage ethnique

 25   et épouser une philosophie aussi odieuse totalement contraire au serment

 26   d'Hippocrate. J'ai espéré au début qu'il y avait plus de respect pour la

 27   vie humaine et la dignité humaine au fond de cet homme, mais je me suis

 28   bercé d'illusion."

Page 1846

  1   Monsieur l'Ambassadeur, très rapidement, est-ce que Lord Owen était l'une

  2   de ces personnes, en dehors de Lord Carrington dont vous avez parlé hier,

  3   est-ce que c'était l'une des personnes qui a participé aux négociations et

  4   qui vous a dit que le Dr Karadzic ne disait pas la vérité ?

  5   R.  Oui. Il a été profondément déçu, comme il le dit, par la fausseté du Dr

  6   Karadzic.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je me rends

  8   compte que nous n'avons plus de temps, j'ai déjà dépassé l'heure, donc j'en

  9   termine.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 11   Monsieur l'Ambassadeur Okun, ceci met un terme à votre déposition. Je vous

 12   remercie du fond du cœur d'être venu au Tribunal une nouvelle fois pour

 13   partager avec nous votre expérience du travail que vous avez accompli en

 14   Bosnie. La présente Chambre - et je crois pouvoir dire le Tribunal dans son

 15   ensemble - apprécie grandement les efforts déployés par vous pour venir ici

 16   à de si nombreuses reprises nous apporter votre aide grâce au travail

 17   accompli par vous.

 18   J'espère qu'à présent que votre déposition est terminée, vous pourrez vous

 19   détendre et prendre plaisir à vos activités à venir. Je vous remercie.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 21   remercie l'ensemble des Juges et le Tribunal, et j'apprécie la courtoisie

 22   qui m'a été manifestée par le Tribunal, les accusés et les membres de

 23   l'Accusation.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, nous pourrons nous

 26   occuper des questions d'intendance plus tard, mais je demanderais le

 27   versement au dossier de ces extraits.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, vous êtes

Page 1847

  1   dorénavant libre de quitter la salle d'audience.

  2   La partie de "l'Odyssée des Balkans" a déjà été versée au dossier en

  3   tant que pièce P799, donc je me demandais ce qu'il convenait de faire

  4   dorénavant. La partie supplémentaire sera-t-elle ajoutée à la partie déjà

  5   versée ? Nous nous occuperons de cela à la reprise des débats mercredi,

  6   mercredi après-midi. Je souhaite un bon repos à chacun d'entre vous jusque-

  7   là. Je suspends l'audience.

  8   [Le témoin se retire]

  9   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 5

 10   mai 2010, à 14 heures 15.

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