Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 6 mai 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  6   On m'a informé du fait que les parties souhaitent soulever certains points,

  7   et la Chambre, quant à elle, souhaite aussi aborder un point.

  8   Je vous donne la parole, Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 10   Une question de calendrier au sujet du témoin qui est prévu après celui-ci.

 11   Je ne pense pas que ce soit contesté, nous avons un fonctionnaire

 12   international de très haut niveau qui est prévu comme témoin, qui vient

 13   directement de Haïti, où il a passé plusieurs mois en mission. Il est très

 14   important pour ce témoin de pouvoir quitter La Haye mardi. Et à ce sujet,

 15   je précise qu'il aura passé son deuxième week-end consécutif à La Haye ce

 16   week-end, en partie pour répondre à la requête déposée par la Défense

 17   demandant de le rencontrer lundi.

 18   Donc à cet effet, afin que le témoin puisse partir mardi, nous avons réduit

 19   le temps prévu pour l'interrogatoire principal afin que dès aujourd'hui, le

 20   contre-interrogatoire puisse commencer en partie, se poursuivra vendredi,

 21   prendra la journée du lundi et une bonne partie de la journée du mardi.

 22   Cela devrait suffire. Mercredi, en revanche, il ne serait pas possible que

 23   le témoin soit là, donc il faudrait qu'il quitte La Haye mardi, et je

 24   souhaite instamment  demander à la Chambre de prévoir une audience dans

 25   l'après-midi de demain ou lundi. Nous avons vérifié le calendrier

 26   d'occupation des salles, les deux journées sont possibles, et je pense que

 27   cela nous permettrait d'accorder tout le temps nécessaire à ce témoin, qui

 28   nous a déjà consacré beaucoup de son temps, à quelqu'un qui est très pris,

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  1   et ça lui permettrait donc de faire son témoignage.

  2   Je tiens à ajouter que cela ne devrait pas créer un contre-

  3   interrogatoire inattendu par l'accusé mercredi. Nous n'amènerions pas le

  4   témoin suivant de manière accélérée.

  5   Donc compte tenu des circonstances, je demande aux Juges de la

  6   Chambre de vérifier, s'il vous plaît, si l'occupation des salles d'audience

  7   nous le permet et de prévoir une session dans l'après-midi soit de la

  8   journée du vendredi ou celle de lundi à cet effet.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour être tout à fait clair, nous ne

 10   siègerons pas mercredi la semaine prochaine ?

 11   M. TIEGER : [interprétation] Oui, compte tenu de la situation, oui,

 12   effectivement, c'est justement ce que je souhaiterais vous demander.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, Maître Robinson,

 14   souhaitez-vous répondre ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela ne sert pas les intérêts de la Défense

 16   sans aucun doute, compte tenu du fait que ce témoin est un témoin qui se

 17   propose non seulement de faire part de ses connaissances, mais aussi nous

 18   faire part de ses réflexions, de ses convictions, et nous en avons parlé

 19   puisqu'il est venu aimablement s'entretenir avec moi. Donc cela ne sert pas

 20   nos intérêts.

 21   Vu le volume de documents que l'Accusation a l'intention de verser au

 22   dossier par le truchement de ce témoin, ça ne permettra pas de réduire la

 23   taille des interrogatoires, peut-être uniquement de l'interrogatoire

 24   principal, mais pas du contre-interrogatoire.

 25   Et si je puis vous faire part de certaines préoccupations qui sont

 26   les miennes à ce stade.

 27   D'expérience, je dois vous dire que non seulement ce système ne nous

 28   avantage pas, mais dans le cas de ce système, il me semble que l'Accusation

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  1   est tout à fait libre de faire ce qui lui plaît et que la Défense, la seule

  2   chose qu'elle peut faire c'est d'essayer de réfuter ses mensonges. Je peux

  3   comprendre que le témoin ne connaisse pas un document, mais lorsque le

  4   document en question fait état d'un phénomène qui est tout à fait contraire

  5   aux dires du témoin, écoutez, là.

  6   Lorsqu'il s'agit de faits tout à fait opposés, lorsque ces

  7   déclarations, donc les déclarations de ce témoin en l'occurrence ou de tout

  8   autre témoin, sont versées au dossier écoutez, j'ai l'obligation non

  9   seulement de confronter le témoin avec une autre version, mais je dois

 10   également présenter d'autres documents venus de services secrets officiels

 11   ou autres pour démontrer donc que ce qu'il affirme n'est pas vrai.

 12   Donc je demanderai que l'on veuille bien me permettre de faire

 13   éclater la vérité et de dénoncer les mensonges. Dans notre système, c'est

 14   ce que la justice se proposerait de faire.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Reprenons la question posée au sujet du

 16   calendrier de témoignage pour le témoin suivant.

 17   Compte tenu de la situation, la Chambre ne pourra pas siéger toute la

 18   journée demain, mais nous pourrions prolonger l'audience de la matinée.

 19   Nous verrons comment nous nous organiserons pour l'audience du lundi, et

 20   puis nous aurons une audience dans la matinée du mardi, et de cette

 21   manière-là, nous répondrons aux exigences du témoin.

 22   Est-ce que nous pouvons passer à huis clos partiel un instant, s'il

 23   vous plaît.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos à présent.

 25   [Audience à huis clos partiel]

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 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de terminer le contre-

 28   interrogatoire de Mme Zaimovic, je tiens à préciser la position de la

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  1   Chambre eu égard à un certain nombre de documents qui lui ont été soumis

  2   hier par M. Karadzic.

  3   La Chambre a relu le compte rendu d'audience de l'audience d'hier, et nous

  4   nous sommes interrogés de nouveau de la nécessité de verser un certain

  5   nombre de documents. A la lumière de ce réexamen, nous allons revenir sur

  6   notre décision portant versement d'un certain nombre de documents et nous

  7   allons vous donner des lignes directrices pour lesquelles nous nous

  8   attendrons que vous les respectiez à l'avenir.

  9   Je me rappelle les commentaires formulés par mon collègue, M. le Juge

 10   Morrison, hier après-midi au sujet de l'interrogatoire s'adressant aux

 11   témoins au sujet des documents qu'ils ne connaissent pas ou ne peuvent pas

 12   en parler. La Chambre estime que, compte tenu de ces circonstances, ce type

 13   de documents ne devrait pas être versé au dossier, même si l'authenticité

 14   de ces documents, voire même la pertinence de ces documents, ne sont pas

 15   contestées.

 16   En plus de l'authenticité et de la pertinence, la Chambre doit être

 17   convaincue de la valeur probante de ces documents qui sont proposés au

 18   versement, et cela implique que le témoin qui se voit soumettre ces

 19   documents sera capable de confirmer la teneur des documents ou formuler un

 20   commentaire à leur sujet. M. Tieger a formulé son point de vue que nous

 21   acceptons, à savoir d'agir autrement reviendrait à accepter le versement

 22   des documents directement sans passer par le truchement des témoins.

 23   Il y a des circonstances dans lesquelles peut-être ce type de versement

 24   sera approprié, et la Chambre a déjà rendu une décision par laquelle elle

 25   précise que cela devrait constituer une exception, et non pas la règle. Des

 26   critères très rigoureux doivent être satisfaits avant que les documents ne

 27   soient versés directement sans passer par le truchement du témoin.

 28   Pour les raisons que je viens d'évoquer, la Chambre est revenue sur

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  1   sa décision concernant le versement des documents 1D902, qui à présent sera

  2   la pièce D122; ainsi que la pièce 1D905, qui est versée en tant que D121.

  3   Nous donnons l'instruction au Greffe d'annoter ces documents comme n'ayant

  4   pas été versés au dossier.

  5   De manière analogue, hier nous avons accordé des cotes aux fins

  6   d'identification à toute une série de documents dans l'attente de leur

  7   traduction en anglais. Même à partir du moment où la traduction anglaise

  8   aura été terminée, la Chambre n'acceptera pas le versement de ces pièces

  9   sur la base des mêmes raisons, à savoir le témoin n'a pas pu confirmer ces

 10   documents ou n'a pas pu commenter leur teneur. Par conséquent, il n'y a pas

 11   de raison de les garder au dossier. Le Greffe rayera ces documents du

 12   dossier. Il s'agit des documents 1D903, MFI D124; 1D920, document D126

 13   [comme interprété]; 1D946, D127 [comme interprété]; 1D949, D128 [comme

 14   interprété]; 1D950, D129 [comme interprété].

 15   La Chambre précise à l'intention des parties de demander le versement des

 16   pièces uniquement à partir du moment où le témoin a pu en parler soit

 17   pendant l'interrogatoire principal soit pendant le contre-interrogatoire.

 18   Ceci ne vous empêche pas, Monsieur Karadzic, de soumettre tout document que

 19   vous souhaitez soumettre au témoin. Mais si de toute évidence le témoin

 20   n'est pas en mesure d'en dire quoi que ce soit, le document ne sera pas

 21   versé au dossier.

 22   Je tiens à ajouter que cette règle s'appliquera de la même façon à

 23   l'Accusation à partir du moment où ils procéderont au contre-interrogatoire

 24   des témoins de la Défense pendant la phase de la présentation des moyens à

 25   décharge.

 26   J'en ai terminé. Nous allons poursuivre avec le contre-interrogatoire mené

 27   par M. Karadzic. Et je vous invite à terminer ce contre-interrogatoire le

 28   plus rapidement possible.

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  1   M. ROBINSON : [interprétation] En attendant l'arrivée du témoin, deux

  2   observations, si je puis, suite à la décision rendue par la Chambre.

  3   Premièrement, nous devrions aussi nous repencher sur le versement des

  4   pièces 92 ter qui sont associées à cela, parce qu'elles font partie de ces

  5   documents, et vous avez dit on ne peut pas verser au dossier les documents

  6   lorsque le témoin ne pouvait vraiment pas en parler mais, par exemple, nous

  7   avons eu ce cas avec le témoignage de l'ambassadeur Okun pour ce qui est

  8   des notes de la session du conseil de coordination. Donc il n'a jamais été

  9   présent à cette réunion, par exemple, et nous avons, à l'époque, défendu la

 10   même position que l'Accusation à ce sujet, et les documents ont néanmoins

 11   été versés au dossier. Ça, c'était mon premier point.

 12   Puis mon deuxième point est que je pense encore qu'il serait plus utile

 13   d'accorder des cotes aux fins d'identification à ces documents, mêmes s'ils

 14   ne sont pas versés au dossier, même s'ils ne répondent pas aux critères

 15   d'admissibilité, parce que cela nous permettrait de bien garder la trace de

 16   chacun de ces documents qui ont été présentés au témoin. Donc en principe,

 17   le fait de leur accorder une cote aux fins d'identification nous permet de

 18   le faire.

 19   Donc je vous demanderais d'appliquer cette règle-là, et par la suite

 20   ça nous permettrait d'établir le lien entre ces pièces et le témoignage des

 21   différents témoins.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que le Juge Morrison ne vous

 23   réponde, cela soulève deux questions de procédure.

 24   La Chambre a décidé de ne pas revenir sur sa décision concernant tous les

 25   documents ayant été versés au dossier précédemment. Donc nous nous

 26   limiterons au changement de décision uniquement à ceux qui ont été versés

 27   au dossier hier.

 28   Pour ce qui est de la pratique qui veut que l'on accorde une cote aux

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  1   fins d'identification, cela cause toute une série de problèmes

  2   administratifs. Nous utilisons maintenant le système de prétoire

  3   électronique. Nous avons tous les documents listés sur la liste 65 ter dans

  4   le compte rendu d'audience. Donc la Défense peut les retrouver et suivre

  5   ces documents. Je pense que cela ne posera pas problème à travers le

  6   prétoire électronique.

  7   Je cède la parole à mon collègue M. le Juge Robinson.

  8   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous avez dit que le témoin

  9   connaissait le document, et que cela n'est pas au sens strict du terme

 10   nécessaire, en fait. Si le document a été utilisé juste pour rafraîchir la

 11   mémoire, ou s'il sert uniquement de base au contre-interrogatoire, et si le

 12   témoin accepte de manière positive ou s'il accepte les faits dont il est

 13   question dans le document, à ce moment-là on peut accepter le versement de

 14   ce document. Donc les témoins ne doivent pas avoir connu précédemment les

 15   documents en question. Tout simplement, ils doivent les accepter d'une

 16   manière raisonnable.

 17   Je tiens à réitérer la position qui a été exposée par le Président au sujet

 18   des pièces sur la liste 65 ter. Donc je comprends ce que vous dites, mais

 19   le système échapperait à tout contrôle si on changeait l'attitude. Nous

 20   arriverons à un moment où le Dr Karadzic aura reçu des centaines ou des

 21   milliers de documents qui ont été soumis par l'Accusation qu'il n'acceptera

 22   pas. Ses témoins ne les accepteront pas, et donc il n'y a pas de raison

 23   logique pour les verser au dossier, donc cela ne s'applique pas plus aux

 24   documents de l'Accusation qu'aux documents de la Défense, donc il faut

 25   trouver la juste mesure.

 26   Bien sûr, rien n'empêche un document qui n'a pas été versé au dossier par

 27   le truchement d'un témoin dans un premier stade de le devenir à un moment

 28   ultérieur, par exemple, pendant la présentation des moyens à décharge.

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  1   [Le témoin vient à la barre]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour de nouveau, Madame Zaimovic.

  3   J'espère que vous avez pu vous reposer.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous remercie.

  5   LE TÉMOIN : FATIMA ZAIMOVIC [Reprise]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je vous en prie,

  8   continuez votre contre-interrogatoire.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Zaimovic.

 12   R.  Bonjour, Monsieur Karadzic.

 13   Q.  Je voulais que l'on reprenne aujourd'hui un certain nombre de choses

 14   que vous aviez déclarées hier de manière plutôt générale, mais sans preuve

 15   à l'appui, ou plutôt, sans précision.

 16   Mais avant cela, je vais demander à M. l'Huissier de vous montrer un

 17   nom, mais je vais vous demander de ne pas prononcer ce nom, parce que je

 18   voudrais éviter de passer à huis clos partiel.

 19   Est-ce que quelqu'un pourrait remettre cela au témoin.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout d'abord, montrez-le à l'Accusation.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Madame Zaimovic, connaissez-vous cet individu ?

 23   R.  Non, croyez-moi. D'après le nom et le prénom, non.

 24   Q.  D'accord. Alors pourquoi avez-vous envoyé cette personne devant une

 25   commission disciplinaire ? Parce que dans la case, appartenance nationale

 26   ou ethnique, elle avait dit qu'elle était Serbe orthodoxe.

 27   R.  Ecoutez, je n'ai jamais envoyé qui que ce soit devant une commission

 28   disciplinaire.

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  1   Q.  Vous ne l'avez pas fait ? Vous ne l'avez pas envoyée, et le Dr Andrija

  2   Gvozdenovic est intervenu en insistant que l'on mette fin à ce type de

  3   harcèlement simplement parce qu'elle était Serbe de confession orthodoxe ?

  4   Vous ne l'avez pas fait ?

  5   R.  Non, je ne l'ai pas fait.

  6   Q.  Très bien. Nous fournirons des preuves à l'appui à un stade ultérieur.

  7   R.  Ecoutez, je ne connais absolument pas ce nom, Monsieur Karadzic, tandis

  8   que je connaissais toutes les infirmières ou tous les médecins qui

  9   travaillaient chez moi.

 10   Q.  Mais elle n'a pas travaillé dans votre unité ?

 11   R.  Si elle n'a pas travaillé dans mon unité, alors je ne la connais pas.

 12   Q.  Vous êtes quelqu'un de précis, et je pense que vous vous intéressez aux

 13   vôtres autant qu'aux enfants des autres. Etes-vous allé voir votre fils au

 14   front ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Islam, est-il allé lui ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Alors votre fils, il rentrait chez lui, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, de temps à autre.

 20   Q.  A quelle fréquence ?

 21   R.  Une fois par mois, ou tous les 15 jours pour se changer.

 22   Q.  Et où était-il déployé au front ?

 23   R.  Ça, je ne sais pas. Je vous ai dit que je sais qu'il était à Azici à un

 24   moment donné, mais ça c'est tout ce que je sais.

 25   Q.  Est-ce qu'on a vu arriver 150 blessés d'Azici dans votre hôpital ?

 26   R.  Oui. Beaucoup de blessés sont arrivés effectivement d'Azici à l'hôpital

 27   de l'Etat, plus bas que le nôtre. Je suppose qu'il y en a eu qui sont

 28   arrivés chez nous également, mais j'étais à la chirurgie infantile, donc je

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  1   n'ai vu pas ces blessées-là.

  2   Q.  Est-il possible que vous n'ayez absolument eu aucune conversation avec

  3   votre fils portant sur la guerre, le conflit, les morts, les pilonnages,

  4   rien ? Vous n'en avez jamais parlé ?

  5   R.  Mais bien sûr que si.

  6   Q.  Alors, pouvez-vous nous présenter quoi que ce soit là-dessus ?

  7   R.  Je ne pense pas que ce soit important devant ce Tribunal, les

  8   conversations que j'ai eues avec mon fils, mais je suis venue pour parler

  9   de tout autre chose ici. Je suis venue parler des enfants. Est-ce que je

 10   peux vous énumérer, s'il vous plaît, les enfants qui ont perdu leurs

 11   membres, leurs jambes, leurs bras, qui ont souffert à ce point dans la

 12   guerre. Peut-être que vous arriverez à en reconnaître quelques-uns parmi

 13   eux.

 14   Q.  Madame Zaimovic, avec tous mes respects, mis à part ces noms et les

 15   souffrances de ces enfants, vous avez dit aussi bien d'autres choses qu'il

 16   me faut réfuter, et ce, par différents moyens. Donc est-ce que vous niez

 17   que les soldats musulmans se sont servis soit d'obus soit de tirs de

 18   tireurs embusqués pour tuer des gens dans Sarajevo, y compris des enfants ?

 19   R.  Je crois qu'ils ne l'ont pas fait, ne serait-ce que par dignité.

 20   Q.  Musan Topalovic, Caco; Ramiz Delalic, Celo, et un autre Celo, Juka

 21   Prazina, et tous ces criminels bien connus, vous dites qu'ils avaient une

 22   telle dignité que celle-ci les a empêchés de commettre des crimes contre

 23   leur propre population ?

 24   R.  Je ne sais pas comment vous retournez les choses. Ils défendaient la

 25   ville, ce qu'ils étaient, quel genre d'hommes ils étaient, je ne sais pas.

 26   Mais ce que j'ai entendu dire à leur sujet, c'est simplement qu'ils

 27   défendaient la ville, et je doute qu'ils aient pu commettre les crimes que

 28   vous venez d'évoquer et dont vous affirmez qu'ils en sont les auteurs sans

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  1   le moindre argument à l'appui de vos dires.

  2   Q.  Si je vous disais, Madame Zaimovic, que les soldats français et

  3   d'autres représentants des Nations Unies ont confirmé que vos soldats

  4   tuaient vos enfants à l'aide de tireurs embusqués, et qu'ils ont même vu

  5   une petite fille qui est morte sous les tirs d'un tireur embusqué qui est

  6   sans doute arrivée dans votre hôpital, est-ce que vous diriez que je mens

  7   en disant cela ?

  8   R.  Je ne peux pas dire qui ment, mais ce que vous dites, je crois que ce

  9   n'est pas la vérité.

 10   Q.  Pour ma part, Madame Zaimovic, je m'efforce de ne rien vous dire, que

 11   ce soit quelque chose que je sais, mais je m'efforce de vous soumettre des

 12   éléments connus par les Nations Unies et par le gouvernement.

 13   J'aimerais d'ailleurs demander l'affichage du document 1D941, qui est un

 14   rapport émanant de votre ministère de l'Intérieur de Sarajevo, centre des

 15   services de Sécurité et du Renseignement. C'est un document qui a été

 16   envoyé à tout le monde, au 1er Corps de l'ABiH, à l'état-major du

 17   commandement Suprême, au MUP, au sous-secrétaire chargé de la Sécurité

 18   d'Etat, et cetera. Et si nous lisons ce document, nous y trouvons des

 19   renseignements relatifs à certaines activités qui ont eu lieu au sein du 2e

 20   Bataillon autonome de l'ABiH.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, la traduction

 23   téléchargée dans le prétoire électronique n'est pas la traduction du

 24   document affiché en ce moment à l'écran.

 25   M. KARADZIC : [interprétation] Je crois que la traduction est disponible,

 26   toutefois.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous allons essayer de ne

 28   travailler que sur la base de la version B/C/S, car on m'informe à

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  1   l'instant qu'il n'existe pas de traduction anglaise correspondante de ce

  2   document.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Madame Zaimovic, ce document provient de votre ministère de l'Intérieur

  5   et plus particulièrement des services de Sécurité de l'Etat. Donc on peut y

  6   lire que le bataillon autonome de l'ABiH a son quartier général dans la rue

  7   telle et telle et plus précisément au rez-de-chaussée du bâtiment qui

  8   l'abrite. Que le commandant de l'unité est un certain Adnan Solakovic, et

  9   enfin, que le commandant de la 10e Brigade de Montagne est un certain Musan

 10   Topolovic, Caco, qui s'est rendu à ce QG très souvent. Est-ce que vous avez

 11   entendu parler de lui, est-ce que vous le connaissiez ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce que vous saviez qu'il avait été tué durant le conflit ?

 14   R.  Oui, j'ai entendu dire cela.

 15   Q.  Savez-vous que la police s'est retournée contre Caco uniquement au

 16   moment où il a tué le fils d'Abdo Hebib, ministre de la police ?

 17   R.  Je crois que ce n'est pas exact. Toutefois, vous devriez poser la

 18   question au MUP quant à savoir comment ces éléments ont été connus par le

 19   public. Mais je ne pense pas que les choses se soient passées comme vous

 20   venez de le dire.

 21   Q.  Je vous remercie. J'ai reçu des renseignements provenant de Bosnie

 22   selon lesquels ils avaient disparu, et enfin, on ne peut pas s'occuper de

 23   tout dans le détail, mais nous devons essayer de nous adresser aux Juges de

 24   la Chambre de première instance afin de leur fournir des éléments. Alors,

 25   vous voyez qu'il est indiqué que Kolakovic a, de son propre chef, créé un

 26   barrage à un carrefour à l'entrée de la ville, niveau de la rue telle et

 27   telle, et que devant le département de chirurgie de l'hôpital, il y avait

 28   aussi un bunker qui contrôlait tout le plateau qui s'étendait devant ce

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  1   bâtiment et une grande partie de la rue Nevesinje, ainsi que le carrefour

  2   évoqué il y a quelques instants. Alors vous voyez ce passage ?

  3   R.  Oui, vous avez raison. Après réflexion, je crois que vous avez raison

  4   et que le nom convenable était Mosa Pijade.

  5   Q.  Devant le bunker, il y a un plateau de 10 mètres de large où quatre

  6   véhicules sont garés; deux d'entre eux étant des ambulances. Il y avait

  7   aussi un blindé transport de troupes. Ce blindé transport de troupes est

  8   très intéressant, car c'est l'endroit où se tenait une sentinelle armée. Au

  9   troisième étage du département de chirurgie, il y avait deux ou trois nids

 10   de tireurs embusqués qui étaient répartis de telle façon à couvrir la

 11   totalité de ce plateau, et en particulier de la station-service de Kosevo.

 12   Et dans la phrase suivante, on voit qu'il est fait état de la Mosa Pijade

 13   et du secteur qui entoure la faculté de médecine.

 14   Et la phrase suivante se lit comme suit, je cite :

 15   "A tous les endroits abritant des sentinelles, il y a deux hommes déployés

 16   en équipement de combat complet. A l'entrée même de l'hôpital, nous avons

 17   remarqué des gardes portant des gilets

 18   pare-balles, et nous avons appris d'autres sources --

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous lisez

 20   quelque chose ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que le témoin puisse

 23   vous suivre.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis déjà à la page 3. Page 3. Toutes mes

 25   excuses.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas cette page à l'écran.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, revenons à la page 2. Vous voyez le début

 28   du passage dont j'ai donné lecture, toutes mes excuses. Je ne m'appuyais

Page 1962

  1   pas sur le document affiché à l'écran.

  2   Je demande l'affichage de la page 2 de ce document.

  3   Je viens de donner lecture de ce qu'a fait ce pauvre Adnan Solakovic,

  4   et je demanderais qu'on agrandisse ce passage à l'écran.

  5   Ensuite, j'ai décrit la façon dont il a créé une zone particulière au

  6   milieu de la ville qu'il a renforcée pour être tout à fait en sécurité par

  7   rapport à la police et pouvoir agir de façon entièrement autonome.

  8   Passons à la page 3 à présent, affichage de la page 3. Oui. Merci.

  9   Si vous lisez la page à partir de la troisième ligne, vous y verrez la

 10   citation que je vais vous faire maintenant, je cite :

 11   "Au troisième étage du département de stomatologie se trouve temporairement

 12   deux ou trois nids de tireurs embusqués qui sont répartis de telle façon à

 13   couvrir tout le plateau situé devant le poste à essence de Kosevo."

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Madame Zaimovic, est-ce que vous savez ce qu'est un poste de tir de

 16   tireurs embusqués ?

 17   R.  Non, je ne sais pas. Monsieur Karadzic, je n'ai jamais tenu un revolver

 18   dans les mains, pas plus qu'une quelconque autre arme. Je n'ai jamais eu

 19   entre les mains quelque chose qui permet de tirer des coups de feu. Et

 20   maintenant vous me posez des questions, vous me demandez ce que sont ces

 21   documents secrets, qui les a écrits, où ils ont été écrits, s'ils ont été

 22   écrits par tel et tel groupe ethnique, est-ce que c'était de la propagande

 23   de guerre, qu'est-ce que je suis censée vous répondre ? Je n'ai pas la

 24   moindre idée à ce sujet, je vous prie de m'excuser, c'est quelque chose que

 25   je n'ai jamais vu. Je ne sais pas qui construisait des bunkers, qui a fait

 26   ceci ou cela. Ce qui s'est fait dans la ville, vraiment je n'en ai pas la

 27   moindre idée. Mon travail pendant quatre ans a consisté d'aller de chez moi

 28   à l'hôpital, et j'allais très rarement en ville. J'avais peur des tirs de

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  1   tireurs embusqués et de tout le reste. Voilà, c'était ça mon travail, c'est

  2   ce que j'ai fait. J'allais au travail, je rentrais à la maison et très

  3   souvent je le faisais sous les tirs de tireurs embusqués et sous les

  4   balles. Il ne m'est jamais venu à l'esprit d'aller ailleurs en ville, et

  5   encore moins d'essayer de voir où se trouvaient des nids de tireurs

  6   embusqués. C'est sans doute les vôtres qui ont fait ça, vos espions, dans

  7   toutes les unités militaires.

  8   Il y a des questions militaires qui se posent. Je ne suis pas ici

  9   pour traiter de questions militaires, vous devez le comprendre. Interrogez-

 10   moi sur autre chose.

 11   Q.  Madame Zaimovic, ceci n'a pas été l'action de mes hommes. Ceci a été

 12   fait par un haut responsable, chef des services de Sécurité à Sarajevo, un

 13   Musulman, comme vous le savez, et ces documents émanent du gouvernement

 14   musulman qui avait son siège en plein centre de Sarajevo.

 15   R.  Mais pourquoi est-ce que vous ne lui posez pas la question à lui quand

 16   il viendra ici ?

 17   Q.  Madame, vous dites que nous choisissions les cibles.

 18   R.  Vous l'avez fait. Vous étiez en haut du mont Trebevic.

 19   Q.  Et le bunker entre l'école de stomatologie et le département de

 20   chirurgie, est-ce que c'était une cible civile ?

 21   R.  Bien sûr.

 22   Q.  Donc pourquoi est-ce que vous dites que nous avons pris pour cible des

 23   cibles civiles ?

 24   R.  Vous preniez tout pour cible, les maisons, les hôpitaux, et tout le

 25   reste.

 26   Q.  Je sais que vous n'êtes pas au courant de l'existence de ces tireurs

 27   embusqués.

 28   R.  Je ne connais aucun poste de tir de tireurs embusqués. Je ne sais pas

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  1   ce qu'est la portée d'un obus, je ne sais pas ce qu'est la portée d'une

  2   balle de tireur embusqué, je n'ai jamais tenu un revolver ou quelque autre

  3   arme dans les mains, rien qui puisse tuer quelqu'un. Tout cela est très,

  4   très loin de moi. C'est comme ça que j'ai été élevée, dans l'affection.

  5   Alors, je vous en prie, ne me parlez pas de ce genre de choses. Toutes ces

  6   questions sont militaires.

  7   Q.  Madame, toutes mes excuses, mais pour le compte rendu d'audience --

  8   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Il faut que vous ralentissiez un

  9   peu, parce que vous êtes en train de polémiquer avec le témoin. Ce n'est

 10   plus tout à fait un contre-interrogatoire. D'ailleurs, ce n'est pas la

 11   façon dont vous devriez procéder de toute façon, mais vous parlez très

 12   rapidement, comme le témoin d'ailleurs, et je ne sais pas comment les

 13   interprètes arrivent à vous suivre. Il font un travail très difficile, et

 14   c'est également très difficile pour les Juges de la Chambre de vous suivre.

 15   Donc veuillez, je vous prie, ralentir suffisamment pour permettre aux

 16   interprètes de faire leur travail convenablement.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Accepté.

 18   Pour le compte rendu d'audience, et toutes mes excuses aux interprètes, le

 19   témoin a dit que ce n'était pas une cible civile, et au compte rendu il est

 20   écrit que c'en était une.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que c'est exact, est-ce que vous avez bien dit que d'après vous,

 23   ces bunkers n'étaient pas des cibles civiles ? C'est bien ce que vous avez

 24   dit ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce que vous avez dit que vous avez circulé sous le tir de tireurs

 27   embusqués et sous les balles ?

 28   R.  Oui.

Page 1965

  1   Q.  Connaissez-vous la portée d'un fusil ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Est-ce que vous admettriez, si je vous disais que la portée d'un fusil

  4   automatique est inférieure à 1 kilomètre et que celle d'une carabine de

  5   tireur embusqué est de 1 kilomètre à un kilomètre et demi au maximum, et

  6   que les positions serbes n'ont jamais été à moins de 3 kilomètres du

  7   secteur dont vous venez de parler ?

  8   R.  Que voulez-vous que je vous dise ?

  9   Q.  Mais alors, ces balles, elles venaient de qui, si vous deviez circuler

 10   sous une pluie de balles dans un secteur qui était hors d'atteinte des

 11   armes serbes, compte tenu de la portée de leurs fusils ? Et vous dites

 12   qu'il y avait des tireurs embusqués et des bunkers en plein milieu de la

 13   ville de Sarajevo, et que ces armes ne visaient pas les Serbes, mais

 14   visaient les habitants de la ville, n'est-ce pas ?

 15   R.  C'étaient des balles de grande taille, très grandes. Je ne sais pas

 16   comment on les appelle. Elles avaient une telle puissance qu'elles

 17   pouvaient perforer des murs. Voilà le souvenir que j'en ai.

 18   Q.  Vous parlez de balles de fusil, et maintenant vous parlez de calibre

 19   12,7. C'est vous qui étiez en possession de telles munitions, votre armée

 20   avait ces munitions depuis le début. Nous, nous n'en avons eu que vers la

 21   fin de la guerre. Mais quoi qu'il en soit, même une balle de tireur

 22   embusqué ne peut pas parcourir plus de 2 kilomètres à deux kilomètres et

 23   demi. C'est la portée de ces armes. Mais je vous parle de quelque chose que

 24   tout le monde pouvait voir dans les rues, des bunkers en plein milieu de la

 25   ville, et ces bunkers n'étaient pas tournés vers les Serbes, vers les

 26   positions serbes. Ils ont été construits pour assurer la sécurité des gangs

 27   par rapport aux citoyens ou par rapport à la police, et la police rendait

 28   compte aux autorités du fait qu'en plein centre de la vile, il y avait un

Page 1966

  1   bunker qui échappait au contrôle de la police et qui abritait des nids de

  2   tireurs embusqués. Il y avait là des blindés transport de troupes et,

  3   Madame, tout ça, c'était en pleine rue. On le voyait dans la rue Bolnicka,

  4   par exemple, la rue de l'hôpital. Comment est-ce que vous ne l'avez pas vu

  5   ?

  6   R.  Bien sûr que je ne l'ai pas vu. Il aurait été idiot pour des gens qui

  7   habitaient en ville d'ouvrir le feu sur leur propre population. Tout ça

  8   c'est de l'invention. Je ne comprends vraiment pas.

  9   Q.  Bien, c'est peut-être une idée idiote, mais ce n'est pas mon idée.

 10   Madame, ce document est un document musulman. J'aimerais que nous revenions

 11   à la page précédente, page une du document -- page 3, plutôt. Bien.

 12   Elle est affichée. Je cite :

 13   "Des membres des unités susmentionnées se vantent du fait qu'ils possèdent

 14   15 mitrailleuses, des fusils à la nitroglycérine, et cetera, et cetera."

 15   En d'autres termes, votre police, ici, rend compte de ce qui se passe dans

 16   un quartier, et des fusils serbes ne pouvaient pas atteindre ces positions

 17   parce qu'ils se trouvaient à plus de 3 kilomètres de l'endroit en question.

 18   Les lignes serbes étaient à plus de 3 kilomètres, n'est-ce pas ?

 19   R.  Je ne sais pas. Je sais rien de tout cela.

 20   Q.  Madame, vous dites qu'à l'entrée de l'hôpital, vous avez été touchée

 21   par une balle de tireur embusqué, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Qui a pu ouvrir le feu sur vous, puisque les Serbes étaient à plus de 2

 24   kilomètres et demi de cet endroit ? Qui a donc pu ouvrir le feu sur vous ?

 25   R.  Vous avez armé tous les Serbes de Sarajevo. Vous leur avez donné toutes

 26   sortes d'armes, vous le savez bien. Je suppose que quelqu'un a ouvert le

 27   feu à partir d'une fenêtre dans un bâtiment, vous savez ça aussi. Je ne

 28   sais pas d'où le feu a pu être ouvert, et comment.

Page 1967

  1   Q.  Mais êtes-vous en train de dire qu'il y avait des unités serbes à

  2   Sarajevo, dans la ville de Sarajevo, qui étaient sous le contrôle de

  3   l'armée musulmane, de la police musulmane et des criminels musulmans :

  4   Caco, Juka Prazina. Et la terreur visait uniquement les Serbes parce qu'ils

  5   étaient Serbes, tout comme le cas de votre infirmière qui a dû comparaître

  6   devant une commission disciplinaire uniquement parce qu'elle s'est déclarée

  7   Serbe ?

  8   R.  Je ne sais rien de tout cela. Je n'ai jamais envoyé une infirmière

  9   devant la commission disciplinaire parce que j'aurais réglé le problème

 10   moi-même. Vous le savez et vous pouvez le voir d'ailleurs dans tous les

 11   documents.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je ne sais pas combien de fois on va autoriser

 14   l'accusé à poser finalement une seule et même question en dépit du fait que

 15   le témoin ne cesse de répéter qu'elle n'a aucune connaissance sur les

 16   questions militaires, et ce, en soumettant au témoin un document dont elle

 17   ne sait rien ou, en tout cas, très peu de choses, tout cela pour entrer

 18   dans une polémique très longue avec des propositions très complexes qui

 19   sont présentées au témoin avant de lui demander de commenter des éléments

 20   dont elle a déjà dit à plusieurs reprises qu'elle était incapable de

 21   fournir la moindre information à leur sujet.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que ceci nous amène à la fin du

 23   contre-interrogatoire. Ne perdez pas de vue ce que vient de dire M. Tieger,

 24   et posez des questions courtes, mais terminez-en de votre contre-

 25   interrogatoire, je vous prie.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne peux pas terminer le contre-

 27   interrogatoire sur cette note, parce qu'il y a beaucoup d'éléments qu'il

 28   faut confirmer ou infirmer, et j'ai des documents.

Page 1968

  1   Est-ce que le document dont nous venons de traiter va être versé au dossier

  2   ? C'est un document qui vient du gouvernement musulman, des services de

  3   Sûreté de l'Etat de ce gouvernement musulman.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Objection à l'admission de ce document en

  7   vertu des directives que vous avez données, Monsieur le Président, au début

  8   de l'audience de cet après-midi.

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Evidemment, la question de savoir si

 10   ce document est accepté ou pas se pose, c'est évident. Si le document est

 11   admis par l'Accusation et par la Défense comme étant un document

 12   correspondant à la réalité, alors il fait partie des documents admis et

 13   peut devenir une pièce à conviction de la même façon qu'un document de

 14   l'Accusation peut être versé au dossier. Donc la question qui se pose est

 15   de savoir si le contenu de ce document est accepté par les deux parties ou

 16   pas.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi. Toutes mes excuses, Monsieur le

 18   Président et Madame Sutherland, mais je souhaite établir une distinction

 19   avant qu'une réponse soit apportée entre la provenance du document, à

 20   savoir le fait que le document était élaboré par telle ou telle autorité,

 21   et l'exactitude du contenu d'un document.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, si ce document est reconnu par

 23   les deux parties quant à sa provenance admise par les deux parties, et si

 24   ce document est authentique - qu'il s'agisse d'un original ou d'une copie

 25   fidèle à l'original, ceci n'a sans doute pas beaucoup d'importance - bien,

 26   la distinction qui doit se poser consiste à se demander si le contenu du

 27   document est conforme à la réalité ou pas. C'est quelque chose qui peut

 28   être discuté ultérieurement. Mais si vous ne contestez pas l'authenticité

Page 1969

  1   de ce document, et qu'effectivement il représente la position du

  2   gouvernement, le fait que ce témoin est convenu d'un certain nombre

  3   d'éléments figurant dans le document permettrait de penser qu'il peut

  4   devenir une pièce à conviction. Mais si vous contestez la provenance de ce

  5   document, la situation est différente.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Juge. Je voulais

  7   simplement faire préciser un point, mais je pense que finalement je n'ai

  8   fait que compliquer le problème. Quoi qu'il en soit, je pense que ce n'est

  9   pas un document dont nous contestons la provenance. Toutefois, comme c'est

 10   le cas pour nombre de documents, Mme Sutherland a peut-être une position

 11   différente de la mienne, mais je pense que nous voyons pas mal de documents

 12   pour la première fois.

 13   Donc si vous voulez les enregistrer aux fins d'identification, nous

 14   pourrons procéder aux vérifications nécessaires. Cela nous donnera le temps

 15   de le faire. Je pense que c'est un document qui entre la catégorie dont

 16   vous venez de parler, Monsieur le Juge, et qui peut être versé au dossier,

 17   et je n'aurais peut-être d'ailleurs pas dû me lever. Peut-être aurais-je dû

 18   laisser parler Mme Sutherland.

 19   Toutes mes excuses.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 22   M. TIEGER : [interprétation] En tout état de cause, comme nous le savons,

 23   c'est un document qui n'est pas encore traduit, donc il ne peut de toute

 24   façon qu'être enregistré aux fins d'identification, et rien de plus.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dès lors qu'un document fait l'objet

 26   d'une demande de versement au dossier pour devenir une pièce à conviction,

 27   à moins qu'une décision contraire soit rendue par la Chambre, il est admis

 28   en tout état de cause et admis, y compris dans le sens que la véracité de

Page 1970

  1   son contenu est admise. Donc sans perdre cela de vue, nous allons nous en

  2   tenir à la décision rendue par la Chambre au début de l'audience

  3   d'aujourd'hui. Le témoin n'a rien confirmé quant à la teneur de ce

  4   document. Monsieur Karadzic, vous aurez une autre occasion de demander le

  5   versement au dossier de ce document, donc pour l'instant il n'est pas

  6   admis.

  7   Veuillez procéder, Monsieur Karadzic.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Mais encore une fois,

  9   j'aimerais demander que l'on m'accorde un temps suffisant pour mon contre-

 10   interrogatoire. Dans les conditions actuelles, je ne peux parvenir à rien.

 11   J'ai encore pas mal de documents à soumettre au témoin.

 12   Je demande à présent l'affichage du document 1D909.

 13   J'avais demandé à ce que l'on m'octroie six heures, et je n'en aurai

 14   même pas quatre.

 15   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je crois que vous

 16   avez mal compris ce que vous a dit le Président de la Chambre de première

 17   instance. Il ne proposait pas que vous en terminiez définitivement de votre

 18   contre-interrogatoire. Il proposait simplement que vous passiez à un autre

 19   document.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Essayez de terminer votre contre-

 21   interrogatoire à la fin de cette partie-ci de l'audience avant la pause,

 22   ensuite nous verrons.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Madame Zaimovic, connaissez-vous Ramiz Delalic, surnommé Celo ?

 25   R.  J'ai entendu parler de lui, mais je ne l'ai jamais vu en chair et en

 26   os.

 27   Q.  Est-ce que vous l'avez vu à la télévision ?

 28   R.  Non, je n'ai pas de souvenir particulier de l'avoir vu à la télévision.

Page 1971

  1   Q.  Vous rappelez-vous que c'est lui qui, le 1er mars 1992, a tué le témoin

  2   d'une noce, parce que ce dernier portait un drapeau serbe pendant la noce,

  3   il l'a fait devant la vieille église du centre-ville de la vieille ville de

  4   Sarajevo ?

  5   R.  Oui, j'ai entendu parler de cela, et j'en ai entendu parler par les

  6   médias.

  7   Q.  Savez-vous que lorsque la guerre a commencé il s'est vanté de cet acte

  8   d'héroïsme de sa part ?

  9   R.  Non, ça je ne suis pas au courant.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 11   document, étant donné que la teneur du document a été confirmée par le

 12   témoin.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, le témoin n'a pas reconnu la

 14   photographie.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais cet homme a reçu des soins au département

 16   où travaillait le témoin. Je demande à présent l'affichage du document

 17   1D938.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Madame Zaimovic, c'est également un document qui émane de la République

 20   de Bosnie-Herzégovine, ministère de la Défense, administration chargée de

 21   la sécurité, donc une instance officielle musulmane de Bosnie-Herzégovine.

 22   Nous avons, n'est-ce pas, la traduction de ce document ? Je demande

 23   l'affichage des deux versions dans les deux langues.

 24   Page 3, je vous prie, sur les écrans. Pour l'instant c'est la page 1 qui

 25   est affichée. Je demande la page 3.

 26   Je cite :

 27  "Selon ce qu'a appris le service de Sécurité du 1er Corps d'armée en date du

 28   21 avril 1994, au sein du commandement de la 2e Brigade de Montagne

Page 1972

  1   séjournait l'ancien commandant de cette brigade, Zafir Puskar, et l'ancien

  2   commandant en second de la brigade, Sead Babic, qui ont eu une discussion

  3   très animée au sujet de la remise en liberté de Ramiz Delalic, surnommé

  4   Celo. Puskar a déclaré que devant le bâtiment où il habite, il a rencontré

  5   il y a peu Delalic qui, à cette occasion, l'a menacé de le liquider.

  6   Delalic est en train de recevoir des soins à l'hôpital de Kosevo et a

  7   présenté une demande de transfert au département ophtalmologique en raison

  8   de problèmes oculaires."

  9   Ce département a la même entrée que le vôtre, n'est-ce pas ?

 10   R.  Non, ce n'est pas la même entrée, mais c'est le même bâtiment.

 11   Q.  Est-ce que vous connaissiez ce Ramiz Delalic, Celo ? Vous savez qu'il

 12   était à hôpital ?

 13   R.  Je n'étais pas au courant, parce que je m'occupais des enfants.

 14   Q.  Est-ce que  vous avez remarqué un détail de sécurité, parce que lorsque

 15   des gens sont en soins, il y a quelquefois des gardes qui assurent leur

 16   sécurité à l'hôpital ?

 17   R.  Il y avait toujours des responsables de la sécurité à l'accueil de

 18   l'hôpital. Vous le savez. C'était ainsi que les choses se passaient à cette

 19   époque-là avant la guerre et pendant la guerre. A l'entrée de l'hôpital, il

 20   y avait le comptoir d'accueil, et il y avait toujours des gens qui

 21   assuraient la sécurité pour l'hôpital.

 22   Q.  Je parlais d'un détail de sécurité lié à son unité. Qui était le chef

 23   chargé de la sécurité pour tout l'hôpital; vous vous le rappelez ?

 24   R.  Je ne me souviens vraiment pas qui était le responsable de la sécurité

 25   en chef.

 26   Q.  Mais vous vous rappelez avoir entendu parler d'Amir Huskic, surnommé

 27   Kinez, le Chinois, n'est-ce pas ?

 28   R.  J'ai entendu ce nom, mais je ne l'ai jamais rencontré personnellement,

Page 1973

  1   et je ne sais pas qui il est.

  2   Q.  Je vous remercie.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous ne souhaitez pas l'admission de ce

  4   document non plus, n'est-ce pas ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Avançons.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Madame Zaimovic, est-ce que vous avez entendu parler du Dr Sinisa

  8   Markovic ?

  9   R.  Non, je ne sais même pas où il travaillait.

 10   Q.  Il était chirurgien, il travaillait au département de chirurgie

 11   thoracique. Est-ce que ceci vous rappelle quelque chose ?

 12   R.  Peut-être ai-je entendu parler de lui, mais je ne le connais pas. Il

 13   était sans doute plus jeune. Donc je ne me rappelle pas. Je n'ai pas de

 14   souvenir de lui.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Document 1D912, je vous prie. Est-ce que je

 16   pourrais avoir le document affiché sur les écrans. 1D912.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Nous voyons ici dans ce document, au premier paragraphe, que cet homme

 19   est chirurgien, et qu'il travaille au département de chirurgie plastique.

 20   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : remplacer thoracique par

 21   plastique, il y a quelques instants au compte rendu d'audience.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Passons à la page 2 à présent. Il y a quelques éléments pertinents dans

 24   cette page également, page 2.

 25   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, est-

 26   ce que nous pouvons avoir l'affichage de la traduction dans le prétoire

 27   électronique ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Apparemment, il n'existe pas de

Page 1974

  1   traduction pour le moment.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Apparemment, il n'y en a pas. Je donnerai

  3   lecture lentement.

  4   Donc il est question du Dr Sinica Markovic. C'est la transcription d'une

  5   conversation avec Sinica Markovic, qui travaillait au département de

  6   chirurgie plastique, et c'est le professeur Dr Starovic qui en était le

  7   directeur. C'est sur lui qu'on avait tiré. En première page, nous lisons :

  8   "Ismet, surnommé Celo, a bloqué le centre-ville. Il y a eu des

  9   affrontements…" et cetera.

 10   Mais ce qui importe, c'est en page 2 :

 11   "Dans la période récente devant le centre médical, il y avait un char T-55

 12   qui a ouvert le feu sur les positions serbes à Poljine, événement qui a été

 13   constaté par des membres de la FORPRONU. Plus tard, le char a été transféré

 14   en un autre lieu. Un char a également pris pour cible le quartier de

 15   Vogosca à partir du quartier de Ciglana, et après quelques tirs très précis

 16   sur l'entrée du tunnel de la part de soldats serbes, il a cessé de

 17   fonctionner."

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous vous rappelez avoir remarqué cette entrée non loin de

 20   l'hôpital et le char qui se trouvait là ?

 21   R.  Oui, je l'ai remarqué parce que c'est ce que vous m'avez demandé de

 22   faire, et je l'ai annoté sur la carte. Vous m'avez demandé de l'annoter sur

 23   la carte, et je l'ai fait.

 24   Q.  Je vous remercie. Savez-vous que dans ce tunnel, dans une partie du

 25   tunnel, il y avait une prison où l'on détenait les Serbes, et dans une

 26   autre partie, il y avait au moins deux chars qui sortaient de temps en

 27   temps, tiraient quelques rafales avant de rentrer dans le tunnel ? Etes-

 28   vous au courant de l'existence de ce char qui se trouvait devant le centre

Page 1975

  1   médical où vous travailliez ?

  2   R.  Monsieur Karadzic, je ne sais rien de tout cela. Toutes ces choses-là

  3   sur lesquelles vous m'interrogez en ce moment c'est du chinois pour moi,

  4   comme on le dirait familièrement. Je voudrais vraiment que vous

  5   m'interrogiez au sujet des enfants, des enfants blessés, de la situation

  6   qui régnait dans mon département à l'hôpital. Si vous regardez dans les

  7   yeux une mère en train de perdre son enfant -- est-ce que vous avez déjà

  8   regardé dans les yeux d'une mère qui est dans cette situation ? Est-ce que

  9   vous avez vu les yeux d'une mère qui perd d'abord un enfant, puis ensuite

 10   un autre enfant ? C'est ce sur quoi j'aimerais que vous m'interrogiez.

 11   C'est la raison pour laquelle je suis venue ici. Je suis venue ici pour

 12   parler de ce genre de choses. Je ne sais rien de ce sur quoi vous

 13   m'interrogez, bon sang, tout ce que vous me montrez ici. Je n'ai jamais

 14   fait le moindre mal à qui que ce soit de toute ma vie. J'ai toujours essayé

 15   d'apporter le maximum d'aide à mes patients. C'est comme ça que je

 16   travaillais. Vous avez quitté la médecine depuis longtemps. Vous n'êtes

 17   plus médecin depuis longtemps. Moi, je suis toujours restée infirmière, et

 18   je suis fière de cela parce que j'ai passé toute ma vie à aider les gens.

 19   J'ai aidé les blessés, quel que soit le nom qu'ils portaient. Voilà ce que

 20   j'aimerais que vous abordiez dans les questions que vous me posez.

 21   Toutes mes excuses pour ce que je suis en train de vous dire --

 22   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Puis-je me permettre d'intervenir.

 23   Nous nous rendons parfaitement compte des sentiments qui sont les

 24   vôtres, vraiment. Mais voyez-vous, le Dr Karadzic exerce un droit qui est

 25   le sien, celui de vous poser des questions. Il assure lui-même sa défense.

 26   S'il avait un conseil de la Défense, c'est son conseil qui vous poserait

 27   ces questions. Mais lui assure lui-même sa défense, donc c'est lui qui vous

 28   interroge.

Page 1976

  1   Ceci peut vous sembler un peu difficile à supporter. Vous pouvez

  2   penser que certaines questions n'ont pas de pertinence, mais la réalité

  3   c'est que tant qu'il n'y a pas d'objection de la partie adverse et tant que

  4   cette objection n'est pas retenue par la Chambre, vous devez répondre aux

  5   questions du mieux que vous pouvez.

  6   Mais nous nous rendons bien compte de comment vous vous sentez, cela

  7   étant, c'est la procédure, et le Dr Karadzic respecte la procédure. Je vous

  8   en prie.

  9   Oui, Docteur Karadzic, veuillez poursuivre.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Madame Zaimovic, je vous pose des questions qui sont très évidentes,

 13   comme par exemple, celle que je vous ai posée au sujet du char et d'un

 14   certain nombre d'autres choses. Mais je vais vous poser maintenant une

 15   autre question.

 16   Vous avez dit avoir vu un char serbe non loin d'Osmice.

 17   J'aimerais l'affichage de la carte, celle qui a été montrée par

 18   l'Accusation. Oui, la carte de l'Accusation avec des annotations.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous parlez de la première

 20   page du classeur ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui. Le numéro de cette carte est 0546-

 22   6574.

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la

 24   pièce P815.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir ceci sur le

 27   prétoire électronique, s'il vous plaît.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 1977

  1   Q.  Madame Zaimovic, est-ce que vous pourriez nous montrer où vous avez vu

  2   un char ? Est-ce que vous pouvez voir où se trouve Osmice ?

  3   R.  Non, je ne le vois pas. Vous savez, je ne m'y connais pas beaucoup au

  4   niveau des cartes, mais vous savez où se trouve Osmice. C'est un restaurant

  5   que vous avez détruit dès que la guerre a commencé, et puis vous avez un

  6   rocher juste à côté. Vous le savez très bien. Et derrière ce rocher, c'est

  7   là où se trouvait le char qui était caché, c'est à 50 mètres à vol

  8   d'oiseau. Vous connaissez Breka très bien également. Ce n'est pas loin de

  9   chez moi. Et effectivement, je pouvais voir un char qui déboîtait de ce

 10   rocher et qui ouvrait le feu sur la ville. C'est ce que j'ai dit, et c'est

 11   ainsi que cela se passait.

 12   Mais, s'il vous plaît, ne me montrez pas ces cartes. Vous savez, je

 13   n'ai jamais vraiment eu beaucoup d'atomes crochus avec les cartes.

 14   Q.  Je pense qu'Osmice est à environ 3 kilomètres de chez vous, et pas à 50

 15   mètres.

 16   R.  Je vous ai dit que c'était à 50 mètres à vol d'oiseau.

 17   Q.  Nous avons l'échelle ici, et nous pouvons, par conséquent, voir

 18   exactement ce qui correspond à 3, 4 ou 5 kilomètres.

 19   Et regardez la partie où il est marqué "Centre".

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous voyez "Kosevo" ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et est-ce que vous voyez à droite, votre propre quartier ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et de l'autre côté de votre quartier, vous avez Osmice et Trebevic,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Regardez la distance, c'est assez loin.

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  1   R.  Je ne pense pas que ce soit très loin. Comme je vous l'ai dit, j'étais

  2   assise sur ma terrasse et je pouvais le voir, et c'est ainsi que ça s'est

  3   passé.

  4   Q.  Madame Zaimovic, puis-je attirer votre attention sur l'échelle de cette

  5   carte, en bas à droite sur cette carte, il est mentionné à quoi correspond

  6   500 mètres, et puis ce à quoi correspond 1, 2, 3 et 4 kilomètres. Et

  7   regardez la distance à vol d'oiseau entre votre maison et Osmice.

  8   R.  Et alors, qu'est-ce que vous voulez dire ?

  9   Q.  Je n'essaie pas de dire quoi que ce soit. J'essaie simplement de voir

 10   ce que vous, vous avez vu.

 11   R.  Je vous dis ce que j'ai vu à l'époque, et je confirme que c'est ce que

 12   j'ai vu.

 13   Q.  Est-ce qu'Osmice est de l'autre côté de votre maison ?

 14   R.  Oui, de l'autre côté de mon balcon, de ma terrasse.

 15   Q.  En direction du sud, n'est-ce pas, au-dessus de Grbavica, en direction

 16   du sud, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Etant donné que nous avons l'échelle de cette carte, on voit que cela

 19   représente plus de 3 kilomètres. Pouvez-vous me dire si vous voyez les

 20   lignes de front qui sont marquées en bleu et en   rouge ?

 21   R.  C'est loin. Est-ce que vous parlez de cette ligne rouge ?

 22   Q.  Oui, il s'agit des lignes rouges et des lignes bleues qui suivent un

 23   parcours assez similaire.

 24   R.  Oui, je vois.

 25   Q.  Pensez-vous que des lignes de front à Trebevic étaient environ à 20 ou

 26   50 kilomètres l'une de l'autre ?

 27   R.  Je ne sais pas. S'il vous plaît, ne me posez pas des questions sur des

 28   points militaires. Vous compreniez tout à fait bien la stratégie militaire,

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  1   quant à moi, je ne verse pas dans ce genre de théorie. Donc, s'il vous

  2   plaît, laissez-moi tranquille. Si quelqu'un veut vérifier, on peut venir

  3   voir ce que j'ai vu.

  4   Q.  Madame, vous dites que vous avez vu un char, et vous avez vu également

  5   des obus qui étaient tirés à partir de ce char ?

  6   R.  Oui, et on pouvait voir ces obus qui allaient traverser ces bâtiments

  7   ou ces immeubles.

  8   Q.  Mais, Madame, cet obus avait une vitesse de 300 à 800 mètres par

  9   seconde.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Comment pouvez-vous le voir ?

 12   R.  Vous pouvez le voir. On peut voir quelle était la vitesse.

 13   Q.  Madame, je peux vous dire quelques éléments, et vous pourrez nous dire

 14   ce que vous voulez. La distance qui sépare cet endroit de votre maison est

 15   de 3 kilomètres.

 16   R.  A vol d'oiseau.

 17   Q.  Oui, tout à fait. Nous pouvons voir l'échelle. C'est à vol d'oiseau,

 18   par conséquent, il est impossible qu'un char reste sur les lignes serbes si

 19   la ligne musulmane n'est qu'à 20 ou 50 mètres. Le char aurait été détruit

 20   immédiatement par le biais, par exemple, de lance-roquettes portatifs.

 21   R.  Mais il était caché par le rocher. Est-ce que vous savez quelle était

 22   la taille de ce rocher ?

 23   Q.  Je vais vous dire quelques éléments qui réfutent absolument votre

 24   théorie.

 25   Les Nations Unies contrôlaient les positions et, par conséquent,

 26   aucune cible n'aurait pu être prise à partie dans la ville. La seule chose

 27   qui aurait été possible c'était, en fait, d'avoir des tirs qui seraient

 28   passés au-dessus de votre maison.

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  1   Par conséquent, Madame, j'aimerais savoir si vous avez vu un char

  2   serbe ou un char musulman ? Si c'était à 50 mètres de votre maison, ça

  3   aurait dû être un char musulman.

  4   R.  C'est inexact. C'étaient vos positions qui étaient là-bas.

  5   Q.  Je dois vous dire qu'il est impossible que vous ayez vu cela, et vous

  6   n'avez pas vu de char devant l'hôpital, et nous n'avez pas entendu ce char

  7   ouvrir le feu.

  8   R.  Je n'ai rien vu devant l'hôpital, et je ne pense pas qu'il y avait eu

  9   des chars devant l'hôpital. Mais dans les collines il y avait vos chars, et

 10   vous avez ouvert le feu en direction du bas de la ville, et vous le savez

 11   très bien. C'était également mentionné dans des journaux, par exemple. Vous

 12   savez très bien ce qui s'est passé. J'ai vu comment vous avez encerclé

 13   Sarajevo.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait fournir à Mme Zaimovic

 15   un crayon de façon à ce qu'elle puisse marquer Osmice et qu'elle puisse

 16   également annoter la carte avec son quartier.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous devons faire peut-être un

 18   agrandissement. Madame Zaimovic, est-ce que vous pourriez annoter la carte

 19   pour nous montrer où vous habitiez -- comment vous prononcez cela, Osmice,

 20   n'est-ce pas ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas Osmice. Je n'étais pas loin de

 22   l'hôpital, ce n'était pas loin d'ici.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Au-dessus du complexe de l'hôpital, à droite de l'endroit où vous vous

 25   trouviez ?

 26   R.  Vous savez, je n'arrive pas vraiment à me repérer sur une carte.

 27   Q.  Et maintenant, directement vers le sud, c'est là où se trouve Osmice ?

 28   R.  Où ça ? Par ici.

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  1   Q.  Non, non, en direction de Trebevic.

  2   R.  Où se trouve Trebevic sur cette carte ?

  3   Q.  Allez vers le sud. Allez vers le sud en direction de Sarajevo.

  4   R.  Ici ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne crois pas --

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît, laissez-moi tranquille avec

  7   ces cartes.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne crois pas que --

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne veux pas que vous me présentiez des

 10   cartes.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mon micro ne fonctionnait pas.

 12   Je ne pense pas que ceci va aider les Juges de la Chambre de toute

 13   façon, à moins que vous décidiez de déposer à ce sujet.

 14   Veuillez poursuivre.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vais y réfléchir.

 16   Mais le fait est qu'Osmice est dans la direction opposée.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Madame, j'aimerais savoir entre l'endroit où vous habitiez et

 19   Osmice, est-ce qu'il y avait des arbres, est-ce qu'il y avait des murs ?

 20   Vous avez mentionné des arbres, n'est-ce pas ?

 21   R.  De quels arbres parlez-vous ?

 22   Q.  Vous avez mentionné que vous ne pouviez rien voir à partir de l'hôpital

 23   en raison des arbres.

 24   R.  Je ne comprends pas votre question. Si vous posez la question

 25   concernant mon service et si je pouvais voir quelque chose de mon service,

 26   des fenêtres du service à l'hôpital, la réponse est non, et vous le savez

 27   très bien, car devant le service de pédiatrie il y a des châtaigniers très

 28   importants, très imposants, ce qui signifie qu'on ne pouvait pas vraiment

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  1   voir quoi que ce soit au-delà du portail d'entrée, et ces châtaigniers sont

  2   toujours au même endroit où ils se trouvaient à l'époque, des deux côtés de

  3   la rue.

  4   Q.  Mais ceci est également valable pour d'autres personnes. Les personnes

  5   qui regardaient en direction de votre bâtiment n'auraient rien vu et

  6   n'auraient pas vu si un obus avait été tiré. En fait, il aurait atterri

  7   dans les branches du châtaignier ?

  8   R.  Je ne sais pas ce qu'il advient des obus une fois qu'ils sont tirés. Je

  9   sais ce qui s'est passé à l'hôpital pendant la guerre, et de partout

 10   ailleurs.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   Est-ce que l'on pourrait retirer ce document de l'écran.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Mais la distance en question n'était pas de 50 mètres. Si vous aviez vu

 15   un char à 50 mètres de distance, vous devez accepter qu'il s'agissait du

 16   char musulman.

 17   R.  Non, ce n'était pas le cas.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour ce qui est de l'emplacement et des

 19   distances, Monsieur Karadzic, vous pouvez le prouver par d'autres moyens,

 20   et vous pouvez y réfléchir également en obtenant un accord avec

 21   l'Accusation à ce sujet.

 22   Veuillez poursuivre.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De combien de temps avez-vous encore

 25   besoin, Monsieur Karadzic ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espérais avoir au moins deux heures de plus,

 27   c'est-à-dire un volet complet de la séance d'aujourd'hui. Beaucoup

 28   d'éléments ont été mentionnés aujourd'hui, et je pourrais démontrer que ces

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  1   éléments sont contraires à la vérité.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'avez pas besoin de présenter tous

  3   les éléments au témoin. Vous avez déjà consacré deux heures et 40 minutes,

  4   et après la pause --

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous disposerez d'une heure dans le

  7   volet suivant pour terminer votre contre-interrogatoire.

  8   Il vous reste cinq minutes pour ce volet de la séance de cet après-midi.

  9   Veuillez poursuivre.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Madame Zaimovic, vous avez dit que les gens de nationalité serbe

 13   n'avaient pas été expulsés de leurs appartements et que les appartement

 14   n'étaient jamais quelque chose d'intéressant à Sarajevo, et que le Dr

 15   Milica n'avait pas été défenestré, parce que ce genre de chose ne se

 16   produisait pas; est-ce exact ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que vous avez déjà entendu parler de Marko Vesovic ?

 19   R.  Oui, c'était un poète. Le nom me rappelle quelque chose.

 20   Q.  Est-ce que vous avez entendu parler de Zarko Bulic, un avocat célèbre ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Je vais vous lire maintenant ce que Marko Vesovic a écrit dans son

 23   livre --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les interprètes ne seront pas en mesure

 25   de suivre une lecture rapide d'un livre qui n'a pas été traduit. Je crois

 26   que nous avons déjà entendu ceci il y a quelques jours ou hier.

 27   Donc, veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais vous montrer une dizaine de sources

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  1   qui vous montraient ce qui se passe à Sarajevo, à savoir que les Serbes

  2   étaient expulsés de leurs appartements, et les appartements étaient saisis.

  3   Les Serbes et les Musulmans ont confirmé que ceci s'était produit, et ce

  4   témoin doit savoir ce qui s'est passé. Si elle n'est pas d'accord, il y a

  5   quelque chose qui ne va pas.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est inexact. A ma connaissance, ces

  7   événements ne se sont pas produits. Cela relève probablement de votre

  8   propagande.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Marko Vesovic a été défenestré, mais en fait, il a survécu, mais à

 11   terme. Alors, je vais vous dire ce qu'écrit Marko Vesovic qui est un poète

 12   de votre groupe ethnique, n'est-ce pas ? Il dit : On emmène le vieux au

 13   quatrième étage pour le jeter par la fenêtre, mais quelque chose

 14   d'absolument incroyable se passe, il ne meurt pas. Alors, on le ramasse, on

 15   le remontre au quatrième étage, et on le défenestre, et il meurt. Ahmo l'a

 16   ramassé trois fois, et cetera, et cetera.

 17   R.  Peut-être que ce sont des expressions politiques utilisées par Marko

 18   Vesovic. Il faut l'interroger, lui. Moi, je n'ai aucune connaissance à ce

 19   sujet.

 20   Q.  Est-ce que vous avez déjà entendu parler de la famille Nevstrujev ?

 21   R.  Non, je n'ai jamais entendu parler de cette famille.

 22   Q.  Est-ce que vous savez qu'on l'a chassée de son appartement, cette

 23   femme, et que le lendemain matin, quelqu'un est entré et a occupé son

 24   appartement. Manifestement, Zarko Bulic en a tiré la conclusion que cette

 25   personne devait savoir que la femme en question ne rentrerait jamais.

 26   R.  Monsieur Karadzic, vous m'interrogez au sujet de choses dont je ne

 27   connais rien. Et vous avez expulsé des milliers et des milliers de

 28   personnes en ne leur laissant que des sacs en plastique dans la main, Banja

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  1   Luka, Srebrenica, et dans toutes sortes d'autres endroits. Est-ce que vous

  2   n'avez pas honte de me poser des questions de ce genre ? Des milliers de

  3   Musulmans et de Croates, vous les avez expulsés avant de les tuer.

  4   Q.  Madame, ce que vous venez de dire, c'est quelque chose que vous ne

  5   savez pas.

  6   R.  Je le sais, je le sais.

  7   Q.  Mais il faut que vous sachiez les choses pour --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas de polémique avec le témoin. Je

  9   doute de la pertinence de toute cette série de questions, Monsieur

 10   Karadzic.

 11   Madame Sutherland, vous souhaitiez dire quelque chose ?

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, j'allais dire que

 13   M. Karadzic devrait poser une question au témoin :

 14   "Est-ce que vous avez entendu parler de telle et telle famille ?" C'est la

 15   question qu'il a posée tout à l'heure. Excusez ma nouvelle prononciation.

 16   Et le témoin a répondu : "Non, je n'ai jamais entendu parler de cette

 17   famille."

 18   Et pourtant, M. Karadzic a continué en disant :

 19   "Est-ce que vous saviez que cette femme avait été chassée de son

 20   appartement," et cetera, et cetera, alors que le témoin avait clairement

 21   dit qu'elle ne connaissait pas le nom de famille de cette famille. Donc

 22   toutes les questions ultérieures, à mon avis, sont nulles et non avenues.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne saurais être davantage d'accord

 24   avec vous.

 25   Monsieur Karadzic, nous allons faire une pause de 25 minutes, après quoi,

 26   vous conclurez votre contre-interrogatoire en une heure. Et concentrez-vous

 27   sur les questions pertinentes.

 28   Vingt cinq minutes de pause.

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  1   --- L'audience est suspendue à 15 heures 37.

  2   --- L'audience est reprise à 16 heures 05.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que vous voulez

  4   nous présenter la personne qui est présente dans le prétoire ?

  5   M. TIEGER : [interprétation] Oui, bonjour. Il s'agit de Mme Carolyn

  6   Edgerton, qui conduira l'interrogatoire principal du témoin suivant.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Etant donné qu'il ne me reste qu'une heure, je

  9   voudrais accélérer quelque peu la cadence, et je voudrais, en fait,

 10   abandonner certains documents et vidéos que je souhaitais présenter.

 11   Est-ce que l'on pourrait commencer par le document 1D1000. Il s'agit d'un

 12   clip vidéo. Et j'aurai des questions à poser au témoin concernant les

 13   personnes qui sont mentionnées dans cette vidéo.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que vous avez cette vidéo à l'écran, Madame le Témoin, ou sur le

 16   prétoire électronique ? Je ne sais pas où est-ce que cela va apparaître.

 17   Connaissez-vous cette personne ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  De qui s'agit-il ?

 20   R.  Il s'agit du Dr Mirko Sosic.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait visionner le premier

 23   extrait de la vidéo.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas de son.

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "La raison qui m'a fait quitter la ville s'est produite le 14 août. Deux

 28   infirmières m'ont dit qu'un de nos collègues avait été admis, qu'il était

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  1   décédé, en fait, qu'il avait été massacré durant la nuit. Il s'agissait du

  2   Pr Milutin Najdanovic."

  3   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que vous connaissiez le Pr Milutin Najdanovic ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Il s'agissait d'un professeur très connu en chirurgie thoracique.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Il travaillait avec le Pr Sosic, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, et avec d'autres.

 11   Q.  Il était marié à la fille d'un auteur très connu, n'est-ce pas ?

 12   R.  Ça, je ne sais pas.

 13   Q.  Et c'était quelqu'un qui avait une très bonne réputation, n'est-ce pas

 14   ?

 15   R.  A ma connaissance, oui.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait poursuivre en partant

 17   au marqueur temps 33:59.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Son corps était déformé. Il avait 14 blessures qui avaient été infligées

 21   par des couteaux, et on lui avait tiré dans la bouche. On l'avait trouvé

 22   sur le trottoir, devant le Zetra, et en raison de toutes ces blessures, son

 23   corps était difficilement reconnaissable. Un des secouristes qui était de

 24   garde cette nuit-là l'a identifié. Ça a été le moment crucial. C'est là où

 25   je me suis rendu compte qu'il n'y avait plus rien pour moi ici et que je

 26   risquais d'être la prochaine victime."

 27   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

Page 1989

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Savez-vous ce qui est advenu du Pr Najdanovic ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Et est-ce que vous le savez après qu'il avait été tué ?

  5   R.  Oui, j'ai appris que quelque chose s'était produit, mais je ne connais

  6   pas les détails.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer maintenant à la

  8   vidéo 1D01006. Voyons comment les choses se profilaient quelques mois avant

  9   la guerre dans votre hôpital.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je répète, il s'agit de la vidéo 1D01006.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 13   "C'était en décembre 1991. Lorsque je suis rentré dans l'hôpital, des

 14   hommes sans barbe, portant des bérets, armés de Kalashnikov, et qui étaient

 15   armés également m'ont demandé qui j'étais. J'ai répondu que j'étais un

 16   docteur et que je travaillais ici. Ils m'ont demandé qu'est-ce que je

 17   porte, et j'ai dit qu'il s'agissait simplement de mon porte-monnaie. Ils

 18   ont commencé à me fouiller. C'était en décembre, c'est-à-dire bien avant la

 19   guerre -- quelques mois avant la guerre. Ensuite, j'ai demandé aux

 20   collègues et aux docteurs ce qui s'était passé durant la nuit, et j'ai

 21   demandé qui avait terrorisé les docteurs, et ils m'ont dit qu'il fallait

 22   mettre en place des mesures de prudence, parce qu'un dirigeant très connu

 23   d'une force paramilitaire avait été blessé et qu'il avait été admis à

 24   l'hôpital et que, par conséquent, ses forces contrôlaient la totalité de

 25   l'hôpital. Mais c'était bien avant la guerre, vous savez, et nous, c'est-à-

 26   dire les docteurs, nous étions furieux. Nous avons donc décidé d'appeler la

 27   police. Nous avons appelé le commandant de la police de Bjelave, et la

 28   police nous a dit qu'ils ne pouvaient rien faire, et ils nous ont raccroché

Page 1990

  1   au nez. Et par conséquent, je pense que la guerre a commencé bien avant que

  2   l'on n'entende les premiers coups de feu.

  3   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  4   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  5   Q.  Est-ce possible que vous ayez été la seule personne qui n'ait pas vu ce

  6   qui se passait à l'hôpital en décembre 1991 ? Est-ce que vous saviez que

  7   l'hôpital était occupé par des membres de ces unités paramilitaires ?

  8   R.  En fait, le service d'urgence est assez loin de notre service, et à

  9   l'hôpital vous avez également du personnel de sécurité qui était posté à

 10   l'entrée de l'hôpital, et quand nous entrions dans l'hôpital, personne ne

 11   nous fouillait, ou du moins, personne ne m'avait fouillée. Donc ce que le

 12   Pr Sosic dit ici constitue des éléments dont je n'ai pas eu vent. Sa femme

 13   travaillait d'ailleurs dans mon service. C'était un homme très courtois. Sa

 14   femme a pris sa retraite avant la guerre, et je dois dire que j'étais

 15   surprise parce que quand il est parti, vous savez, quand les docteurs

 16   partent, c'est très difficile, et je ne sais pas pourquoi il est parti. Je

 17   ne sais vraiment pas pourquoi.

 18   Q.  Merci. Il est vrai que les services d'urgence sont un peu plus loin de

 19   votre service, mais le Pr Sosic a dit que la totalité de l'hôpital avait

 20   été occupé et qu'il y avait des membres des unités paramilitaires de

 21   partout dans l'hôpital.

 22   Est-ce que l'on pourrait regarder le document 1D1002.

 23   Connaissez-vous la personne qui est à l'écran ?

 24   R.  Je ne sais pas quel est son nom.

 25   Q.  Il s'agit du Dr Marko Vukovic. Est-ce qu'il s'agit du Dr Marko

 26   Vukovic ?

 27    R.  Oui, je crois.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

Page 1991

  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Le 2 janvier, cinq hommes sont venus et m'ont dit : Vukovic, c'est

  3   vous ? J'ai répondu oui. J'ai ouvert la porte. Un a dirigé une arme

  4   automatique en direction de mes yeux. Les trois autres hommes sont entrés

  5   dans la maison. Ils m'ont demandé de m'habiller, et ils m'ont fait entrer

  6   dans un véhicule et m'ont demandé d'aller chercher le Dr Veljkov. Il vivait

  7   à Kosevsko Brdo, mais il n'était pas à la maison. Et puis, ils ont pris le

  8   Dr Sabljak, c'était un Croate, et ensuite, ils sont repartis pour essayer

  9   de chercher le Dr Veljkov. Mais ils ne l'ont pas trouvé. Ils ont également

 10   arrêté le Dr Kafka à Dolac, Malta [phon], et le lendemain, ils ont emmené

 11   le Dr Veljkov ainsi qu'un gynécologue, je crois qu'il s'appelait le Dr

 12   Mandic ou quelque chose comme cela, et il travaille maintenant en tant que

 13   gynécologue à Podgorica. Ils ne nous ont pas battus. Ils nous ont emmenés

 14   au poste de police. Nous y avons passé la nuit, le lendemain et la nuit

 15   suivante, et ils nous ont ensuite emmenés à la prison centrale, et nous

 16   avons été condamnés. J'ai été condamné à 28 mois de prison; Kafka, 32 mois.

 17   Sa peine a été la plus sévère. Igor Sabljak a eu de la chance parce qu'il a

 18   prouvé qu'il était croate, et par conséquent, il a été libéré. Il a été

 19   arrêté parce que sa femme était à Sremska Mitrovica. Donc ils pensaient que

 20   c'était un Serbe. Malheureusement, trois jours après son arrestation, son

 21   père s'est pendu - c'était également un docteur - et sa femme a été admise

 22   à l'hôpital aux soins intensifs, parce qu'elle avait des problèmes de cœur.

 23   Les chefs d'accusation contre nous changeaient constamment et nous avons

 24   déposé des plaintes. La première plainte était pour génocide. Et puis, une

 25   autre plainte était parce que nous avions déserté les forces militaires, et

 26   puis nous n'avions pas d'obligation parce que nous avions de toute façon

 27   des obligations professionnelles ou médicales. Et puis, nous avons porté

 28   plainte, et ils ont dit que nous étions déserteurs, alors qu'en fait, nous

Page 1992

  1   n'avions aucune obligation en la matière. Ils ont parlé également de

  2   plainte pour coopération avec l'ennemi. C'est ces chefs d'accusation qui

  3   ont été présentés devant le tribunal."

  4   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Madame Zaimovic, ce ne sont plus des unités paramilitaires. Ce sont les

  7   structures de l'Etat. Ils condamnent les gens à 28 mois, 30 mois pour le

  8   jeune Kafka, et puis son père est un père en vue, un médecin reconnu à

  9   Sarajevo ?

 10   R.  Oui, tout à fait, et il est décédé avant la guerre.

 11   Q.  Vous voyez, ce Dr Sabljak, qui avait de la chance d'être Croate, mais

 12   il a eu le malheur que son père se pende tout de suite lorsqu'il a été

 13   arrêté et que sa mère ait des attaques cardiaques. Est-ce que vous saviez

 14   cela ?

 15   R.  Ecoutez, Dejan Kafka s'est enfui de la chirurgie pédiatrique, et je

 16   suppose qu'ils l'ont arrêté et qu'ils l'ont condamné. Ce qu'ils vous disent

 17   maintenant à la télévision, ça peut être la propagande de guerre que vous

 18   avez inventée.

 19   Je pense qu'il faut entendre ces gens pour qu'ils vous disent la

 20   vraie vérité. Je suppose qu'au moment où ils se sont rendus auprès de vous

 21   sous pression, ils ont dû raconter toutes sortes de choses pour que vous

 22   leur fassiez confiance, pour que ce soit présenté sous une forme de

 23   propagande de guerre. C'est ce que je pense. Mais je ne pense pas que c'est

 24   bien de la part de Vukovic ni de la part de Kafka. On était très attentifs

 25   à leur égard. On était vraiment aux petits soins pour eux.

 26   Q.  Oui, je comprends que les autres aient été jaloux, si on avait fait un

 27   maximum pour eux. Mais là, ce n'était pas ça, c'était la torture. Je pense

 28   que des universitaires, des grands chirurgiens se lancent dans ce type

Page 1993

  1   d'inventions.

  2   1D1003, donnez-moi, s'il vous plaît, cela pour voir quels ont été les

  3   résultats de cela --

  4   R.  Parce que si ces deux ou trois ont inventé ça --

  5   Q.  Alors, le jeune Kafka, comment est-ce qu'il aurait pu faire une erreur

  6   ? Trente-deux mois de prison pour avoir quitté son lieu de travail ?

  7   R.  Mais il a abandonné ces blessés, et il avait l'obligation de s'en

  8   occuper.

  9   Q.  Oui, c'est le Dr Sosic. Voilà. Voyons maintenant quels ont été les

 10   résultats de tout cela.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 13   "C'est juste un exemple qui nous montre que ces 400 médecins ne se

 14   sont pas enfuis parce qu'ils étaient bien, mais parce qu'ils ont estimé que

 15   leur vie était en danger. En tant que civils, nous ne pouvions rien faire,

 16   acculés au mur."

 17   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Vous avez entendu le Pr Sosic parler de 400. Moi, j'ai une liste de 250

 20   noms de médecins, mais de jour en jour, comme les gens suivent ce

 21   témoignage, je reçois de nouvelles informations. Quatre cents médecins,

 22   d'après les dires du Dr Sosic, ont quitté Sarajevo de manière clandestine

 23   parce qu'ils avaient peur. Donc, Madame, est-ce qu'ils étaient cajolés à ce

 24   point chez vous qu'ils ont trouvé bon de s'enfuir de manière clandestine

 25   dans les montagnes, dans les bois, des réfugiés, sans avoir pu emmener quoi

 26   que ce soit avec eux, sans un baluchon ? Est-ce qu'ils se sont enfuis parce

 27   qu'ils étaient trop bien à Sarajevo ?

 28   R.  Je vais vous répondre à cette question.

Page 1994

  1   Dr Sosic, lui, il est parti parce qu'il avait une maison de campagne

  2   à Pale. Il avait son épouse et ses deux fils avec lui, et il avait où se

  3   rendre. Pour ce qui est de tous les autres médecins, vous savez, chacun

  4   avait ses raisons. Mais en règle générale, au moment où la guerre a éclaté,

  5   aucun d'entre eux n'aurait dû quitter la ville. S'ils étaient restés,

  6   personne n'aurait touché à eux.

  7   Là où vous étiez, sur votre territoire, tous les Musulmans qui

  8   étaient restés là-bas étaient soit maltraités, soit chassés. Mais à

  9   Sarajevo, cela ne s'est pas produit.

 10   Donc, vraiment, cette propagande de guerre de la bouche du Dr Sosic,

 11   que je respectais énormément, c'est quelqu'un que je connaissais bien dans

 12   ma ville, lui-même et son épouse, je dois dire que là j'ai été vraiment

 13   déçue par ce que j'ai entendu.

 14   Q.  Vous dites, s'ils étaient restés, rien ne leur serait arrivé. Le Pr

 15   Najdanovic n'est-il pas resté, et on lui a tiré une balle dans la bouche et

 16   14 coups de couteaux dans son corps ?

 17   R.  Ecoutez, ne me posez pas cette question. J'ai entendu dire qu'il était

 18   mort. Alors, est-ce qu'il a cherché à s'enfuir, est-ce qu'on l'a attrapé,

 19   que s'est-il passé, ça, je ne le sais pas vraiment.

 20   Q.  Excusez-moi, ça ressemble beaucoup à ce qu'a dit M. Izetbegovic quand

 21   ils ont attaqué le ministre Ostojic par une barre de fer contre sa tête. Il

 22   a dit : J'ai entendu dire qu'il a fait partie d'une rixe. Mais dites-nous,

 23   est-ce qu'il a combattu ou on l'a massacré ? On l'a massacré là, c'est

 24   clair.

 25   R.  Cher Monsieur Karadzic, mais tous ces gens que vous avez massacrés, en

 26   êtes-vous conscient ? Vous n'arrêtez pas de me parler de massacres, et ce

 27   que je souhaite vous dire à vous c'est est-ce que vous connaissez le nombre

 28   d'enfants que vous avez massacrés à Sarajevo; 1 601 enfants.

Page 1995

  1   Q.  On viendra à cela --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez passé beaucoup d'heures à ne

  3   rien obtenir de la part de ce témoin -- ai-je dit "20 heures" ? Je me

  4   corrige, 20 minutes. Et vous avez fait visionner cet extrait vidéo et vous

  5   n'avez rien obtenu avec cela. Il faudrait que votre conseiller juridique

  6   vous instruise de la manière de bien utiliser votre temps d'audience.

  7   Passez à autre chose. Ou bien, nous allons mettre un terme à ce contre-

  8   interrogatoire.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, merci, mais je pense que le témoin a

 10   confirmé qu'elle connaissait ces deux médecins, Vukovic et Sosic, le

 11   professeur. Elle a confirmé leurs liens, le fait qu'elle les connaissait et

 12   le fait qu'ils étaient estimés. Je pense que ça a été reconnu. Mme

 13   Zaimovic, bien entendu, ne souhaite pas admettre que ce genre de choses se

 14   soit produit, mais le fait est qu'elle les a reconnus.

 15   Ces extraits vidéo, peut-on les verser au dossier ?

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le fait que le témoin reconnaisse les

 19   professeurs ne permet pas d'accepter le versement du reste de l'extrait

 20   vidéo. Cela correspond à peu près aux déclarations du témoin.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois aucune raison de faire une

 22   différence entre cela et les déclarations du témoin.

 23   Oui, Maître Robinson.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Je voudrais simplement signaler que le

 25   témoin a reconnu bien davantage que la simple identité de ces individus.

 26   Elle a confirmé certains éléments de leurs propos, le moment de leur

 27   départ, certains événements. Donc c'est suffisamment pour distinguer les

 28   documents, les documents que nous avons rejetés.

Page 1996

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais nous avons tout cela consigné

  2   au compte rendu d'audience, donc le fait que le témoin ait reconnu

  3   certaines personnes.

  4   M. ROBINSON : [aucune interprétation] 

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et pour ce qui est de la teneur. Nous

  6   n'avons rien entendu sur la source de ces images, sur l'instance qui les a

  7   produites. Elle n'a pas confirmé le contenu, si ce n'est le fait d'avoir

  8   reconnu les individus.

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Mais elle a confirmé ici certains éléments

 10   de ce qui a été dit par les personnes que l'on voyait dans la vidéo, donc

 11   je pense que le seuil a été satisfait. A en juger d'après ce que nous a dit

 12   le Juge Morrison précédemment, je pense que nous avons suffisamment

 13   d'éléments qui ont été reconnus pour que l'on accepte le versement de cela.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que c'est bien par le

 15   truchement de ce témoin-ci qu'il faudrait admettre ce document.

 16   La Chambre se consultera.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A la majorité des voix, le Président ne

 19   se ralliant pas à la majorité, nous allons accepter le versement de cette

 20   pièce qui comporte plusieurs extraits. Nous allons lui accorder une cote.

 21   La Chambre a besoin de conférer de nouveau.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tous les extraits qui ont été visionnés

 24   seront admis. Nous avons vu les numéros 1000 -- attribuons les cotes.

 25   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 1D1000 deviendra la pièce D130;

 27   la pièce 1D1006 deviendra la pièce D131; la pièce 1D1002, la pièce D132; et

 28   1D1003 deviendra la pièce D133.

Page 1997

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

  3   Puisqu'à la fois le Procureur et le témoin ont remis en question,

  4   d'une part, les sources, et d'autre part, la condamnation à 28 mois à

  5   Vukovic parce qu'il a quitté son lieu de travail, je vous demande de

  6   visionner pendant 30 secondes le rapport de la télévision de Bosnie-

  7   Herzégovine.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Madame, est-ce que vous connaissez ce médecin que l'on voie à l'écran ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Zijo Abdic ? C'est ça son nom.

 12   R.  Je ne le connais pas.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut visionner ça pour voir à

 14   quel point lui et le Dr Vukovic ont travaillé sans arrêt.

 15   [Diffusion de la cassette  vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Tout ça a pris énormément de temps. Je peux même plus compter les

 18   opérations plus grandes ou de moindre importance. Après la condamnation, on

 19   a été ramenés en prison et on attendait pour porter plainte."

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut rembobiner pour qu'on voie

 21   "Mon chef, M. Vukovic, faisait la même chose."

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Donc j'étais à mon poste de travail, puis il n'y avait même plus de

 25   fin. Je n'ai pu compter toutes les opérations. Et il ne s'agit pas

 26   uniquement de moi. Il s'agit de mon chef, Pr Vukovic, qui était là depuis

 27   hier à 5 heures au poste de travail, puis ça a duré. Je ne sais plus, toute

 28   la journée, très longtemps, les grandes et les moins grandes opérations

Page 1998

  1   jusqu'à ce matin à 5 heures.

  2   Donc nous avons été remmenés en prison après le jugement, et on

  3   allait porter plainte. On attendait qu'une décision soit prise en denier

  4   ressort."

  5   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  6   M. KARADZIC : [interprétation] 

  7   Q.  Donc, Madame Zaimovic, le Dr Zijo Avdic dit qu'il n'y a pas que lui,

  8   mais son chef également qui ne quitte pas la salle d'opération, le Pr

  9   Vukovic. Il n'est pas parti. Il travaillait comme une fourmi, jusqu'à 5

 10   heures du matin. On l'a condamné à 28 mois, et finalement il a fait l'objet

 11   d'un échange comme un prisonnier ordinaire. Il n'a jamais ouvert le feu et

 12   il n'a jamais fait de mal. Comment réagissez-vous à cela ?

 13   R.  Je ne sais pas quoi vous dire. Le Dr Vukovic était quelqu'un de très

 14   appliqué, il travaillait bien au service de traumatologie. Je ne sais pas

 15   pourquoi il est parti. Est-ce que c'était à cause de votre propagande ?

 16   Est-ce que c'est ça qui l'a poussé à partir ? Je ne sais pas répondre à

 17   votre question.

 18   Et quant à savoir quelle est la peine qui a été prononcée contre lui,

 19   ça, je ne sais pas vous dire. Cela relève des gens dont c'est le travail.

 20   Q.  Très bien, mais il ne s'est pas enfui. Il a fait l'objet d'un échange

 21   en attendant qu'une décision soit prise en appel après avoir été condamné à

 22   28 mois de prison en tant que prisonnier ordinaire ou un combattant étant

 23   été fait prisonnier, capturé. Il attendait de faire l'objet d'échange,

 24   alors que jour et nuit, il a travaillé dans votre hôpital.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser au dossier cet extrait

 26   qui nous montre qu'on a condamné ces gens pour rien.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel est le numéro 65 ter de cette pièce

  2   ? Monsieur Karadzic.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est toujours le même numéro. C'est uniquement

  4   un programme de la télévision de l'Etat, la télévision musulmane de la

  5   Bosnie-Herzégovine musulmane. 1002. Cela fait partie de la pièce 1002.

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pour les mêmes raisons que j'ai déjà

  7   invoquées, je soulève une objection et je m'oppose au versement de cet

  8   extrait.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux ajouter --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Malheureusement, cela fait partie

 11   intégrante d'un document que nous avons déjà versé au dossier. L'ACCUSÉ :

 12   [interprétation] Vu cet argument, nous allons passer à autre chose. Mais

 13   puisque l'Accusation et le témoin m'ont demandé quelle est la source de

 14   cela et ils m'ont défié là-dessus, il a fallu que je montre cela.

 15   Est-ce que l'on peut passer su le rétroprojecteur une déclaration à présent

 16   d'un autre médecin.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Le Dr Vladimir Simunovic, est-ce quelqu'un que vous connaissez ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce un Croate ?

 21   R.  Je ne sais pas de quelle appartenance ethnique il est, mais il était

 22   neurochirurgien, ça je le sais.

 23   Q.  Et il se rendait à l'hôpital en passant par la même porte que vous ?

 24   R.  Oui, la même que moi jusqu'à ce qu'on ne transfère le service de

 25   neurochirurgie dans les mêmes locaux où se trouvait le service de

 26   traumatologie.

 27   Mme SUTHERLAND : [interprétation] On vient de me remettre une feuille, je

 28   ne sais pas du tout de quoi il s'agit.

Page 2000

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est le Procureur qui nous a donné cela,

  3   on a le numéro en haut de la page.

  4   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, très bien, mais le 65 ter ou

  5   l'objectif de cette communication.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous devriez connaître la règle. Vous

  7   devez informer la partie adverse, à savoir l'Accusation, des documents que

  8   vous avez l'intention d'utiliser. Vous devez les en informer par avance et

  9   vous devez leur communiquer les numéros 65 ter de ces documents. Est-ce que

 10   ce document fait partie de la dernière liste de la Défense des documents

 11   qui sont utilisés ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est par erreur que cela n'y est pas,

 13   sans aucun doute. De toute façon, nous n'avons pas suffisamment de

 14   ressources, et pas les effectifs qu'il nous faudrait. C'est par hasard que

 15   cela se soit passé ainsi, mais cela fait partie de ces preuves sur les

 16   événements qui se sont produits dans l'hôpital où a travaillé Mme Zaimovic.

 17   Donc je vous prie de bien vouloir accepter cela cette fois-ci. Mais nous

 18   n'avons pas suffisamment de personnel. Nous avons deux hommes qui

 19   travaillent d'arrache-pied et l'un d'entre eux bientôt ne pourra plus être

 20   rémunéré.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela ne peut pas être une raison

 22   valable, et maintenant on s'attendrait à ce que vous connaissiez les

 23   règles.

 24   Madame Sutherland.

 25   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il n'y a pas de traduction, c'est en

 26   B/C/S, je n'ai pas la moindre idée de ce que c'est.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors nous allons passer ce

 28   document sur le rétroprojecteur et nous verrons si Mme Zaimovic peut nous

Page 2001

  1   en parler.

  2   Quelle est votre question, Monsieur Karadzic ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mme Zaimovic m'a dit qu'elle connaissait

  4   le Dr Vladimir Simunovic, qui était un jeune médecin d'appartenance

  5   nationale croate. Il nous a donné une déclaration à Ilidza, précisant à

  6   quel moment il a réussi à prendre la fuite de Sarajevo et il dit, deuxième

  7   paragraphe au milieu :

  8   "Nous avons été informés que pendant les trois dernières journées, on

  9   a vu arriver à l'hôpital Kosevo 150 combattants blessés d'Azici."

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  D'ailleurs, vous avez corroboré cela, vous avez dit qu'il y a eu

 12   beaucoup de combattants blessés là-bas, votre fils y était ?

 13   R.  Oui.

 14    Q.  "L'activité du personnel médical à l'hôpital de l'Etat est surveillée

 15   de près, et souvent on menace arme à la main les patients en disant que les

 16   patients qui sont déjà arrivés quasiment morts doivent être sauvés. Ce qui

 17   est surtout très difficile, c'est la position des médecins croates, et

 18   depuis quelque temps les Serbes, et depuis quelque temps des Croates. Nous

 19   avons également appris que dans l'enceinte de l'hôpital Kosevo, dans

 20   l'ancienne buanderie et cantine, au-dessus du bâtiment de l'ORL, on a basé

 21   la police militaire avec environ 200 hommes commandés par Husic Almir, et

 22   qui a été présenté sous le pseudonyme "Pr Kinez", le Chinois. Egalement en

 23   contrebas, par rapport à la faculté de génie civil, il y a des armes

 24   d'artillerie qui ouvrent le feu souvent, et dans le tunnel Ciglane on peut

 25   voir deux véhicules blindés.

 26    "Lors des conversations ultérieures avec Vladimir Simunovic, il nous parle

 27   du massacre de la rue Vasemiskina [phon] en disant que c'était monté de

 28   toutes pièces."

Page 2002

  1   Et plus loin, il dit que :

  2   "Il y a des Musulmans qui sont trop extrêmes, que le Dr Faruk

  3   Kulenovic, Dr Mufid Lazovic, Dr Faris Gavrankapetanovic, Dr Goran Dzinic,

  4   doivent être signalés dans ce sens. Ils sont prêts à humilier les Serbes

  5   par tous les moyens, et ils sont prêts à enfiler les vestes militaires au

  6   nom des idées diffusées par Alija Izetbegovic."

  7   R.  Je vous dis que c'est un mensonge, sans aucun doute. C'est un médecin

  8   qui voulait quitter la ville, et à cause des pressions qui se sont exercées

  9   de votre part, il a menti pour pouvoir partir au plus vite. J'aimerais

 10   vraiment pouvoir le rencontrer et le lui dire droit dans les yeux. C'est un

 11   mensonge pur et dur.

 12   Q.  Madame Zaimovic, chez vous à Kosevo où j'ai passé moi aussi 50 ans, il

 13   n'y a que les infirmières qui disent la vérité et tous les médecins

 14   mentent. C'est ça que vous voulez dire ?

 15   R.  Ce que vous venez de dire à l'instant, ça c'est un mensonge. Ne

 16   répondez pas à ma place à vos questions. Je n'ai pas dit cela au sujet de

 17   tous. Ce que le Dr Simunovic a dit sous pression - et je suis sûre que vous

 18   avez exercé des pressions sur lui pour qu'il puisse partir - eh bien, il a

 19   dit : Et c'est une honte pour tous les médecins bosniaques qui ont

 20   travaillé d'arrache-pied jour et nuit pour sauver tous les patients

 21   indépendamment de leur appartenance et de leurs noms, ils ont cherché à

 22   sauver tous ceux qu'ils ont pu comme s'il s'agissait de leurs propres

 23   enfants.

 24   Q.  Madame, il vient de sortir, il est sorti, et c'est au moment où il est

 25   déjà sorti qu'il donne ce récit sur les événements dans votre ville, sous

 26   vos autorités, votre responsabilité. Et vous, vous dites que vous ignorez

 27   tout cela, tous ces médecins mentent, les 400 médecins qui se sont enfuis.

 28   Vous dites, c'est sans aucune raison, des pressions que j'ai exercées, moi.

Page 2003

  1   Mais comment voulez-vous que je les exerce dans la partie musulmane de

  2   Sarajevo ?

  3   R.  Sous votre pression. Et ils sont sortis parce qu'ils voulaient sauver

  4   leurs familles. Pour la majorité d'entre eux, ils sont sortis pour sauver

  5   leurs familles, et les autres ils sont sortis parce que vous vouliez qu'ils

  6   sortent pour que vous puissiez plus facilement tuer les gens dans Sarajevo.

  7   Parce que vous vouliez pas tuer ceux que vous connaissiez et vous

  8   n'arrêtiez pas de lancer des appels en ce sens. Donc les gens voulaient

  9   partir pour se sauver pour sauver leurs proches.

 10   Et ce que je viens de lire, ça c'est vraiment un mensonge, et je serais

 11   ravie de pouvoir dire tout cela droit à la figure de ce médecin. Et si

 12   jamais je le croisais dans Sarajevo, je lui dirais.

 13   Q.  Savez-vous que tous ces médecins, ils ont tout lâché derrière eux à

 14   Sarajevo, leurs appartements, leurs biens, tout. Les Croates, les Juifs,

 15   les Serbes, ils ont tout lâché, ils sont partis, ont quitté leurs postes,

 16   qu'il s'agisse de leurs biens, de leur collection, par exemple, de tableaux

 17   pour ce qui est de Simunovic, leurs appartements, tout, tout, ils ont tout

 18   lâché pour moi.

 19   R.  Mais les biens matériels n'ont aucune valeur. Dans une situation de

 20   guerre, il n'y a que la vie qui compte. Vous avez tout détruit. Vous avez

 21   chassé des milliers de personnes. Vous leur avez tout pris. Vos guerriers,

 22   ils enlevaient les bijoux en or de nos femmes. Vous leur avez pris tout ce

 23   qu'il y avait de la valeur. Et là, ce que vous dites, les gens sont partis

 24   de Sarajevo, ils ont laissé leurs appartements. Je ne sais pas ce qui est

 25   advenu de nos appartements. Je suppose qu'on y a mis des réfugiés pour les

 26   mettre à l'abri. Mais, Monsieur Karadzic, vous devriez avoir honte de ce

 27   que vous êtes en train de dire. Lorsque vous tirez un parallèle entre nous

 28   qui étions sans arrêt pris pour cibles à Sarajevo, et les vôtres qui

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  1   égorgeaient et tuaient les femmes, les enfants, qui chassaient les pauvres,

  2   les personnes âgées de leurs appartements. Mais est-ce que cela vous vient

  3   à l'esprit ce qui s'est passé ? Mais comment dormez-vous ? Je vous regarde

  4   droit dans les yeux. Voilà, je me suis tournée vers vous. Mais regardez-moi

  5   bien. Mais comment est-ce que vous pouvez fermer l'œil de la nuit ? Du côté

  6   serbe, du côté croate, les mères ont perdu leurs enfants. Mais comment est-

  7   ce que vous pouvez endurer ça ? Je suis une femme, une mère, qui ne sait

  8   pas ce que ce sont les armes, ce qu'est la guerre, mais je sais ce qu'est

  9   le fait de tuer.

 10   Q.  Je vous remercie, Madame.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame, gardez à l'esprit, s'il vous

 12   plaît, ce que vous a dit M. le Juge Baird. Essayez de répondre aux

 13   questions.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Je vous remercie. Il ne me reste plus qu'une question et les

 16   salutations.

 17   Vous dites que tous ces 15 professeurs mentent. Quatre cents docteurs ont

 18   quitté Sarajevo pour se rallier à mes idées et, parce qu'ils m'adoraient,

 19   et vous, vous êtes la seule personne qui dit la vérité.

 20   Je tiens à vous remercier d'être venue ici. Dites bonjour à votre époux,

 21   mon ami Islam et votre fils, que je ne connais pas.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit la vérité et j'espère que cela sera

 23   prouvé devant le Tribunal.

 24   Je vous présente mes excuses, Messieurs les Juges, si je n'ai pas toujours

 25   respecté le protocole. Excusez-moi.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi. Je voudrais savoir si ce document

 27   sera versé au dossier. Le témoin a reconnu le fait qu'elle connaissait le

 28   Dr Simunovic.

Page 2005

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Elle n'a rien dit au sujet du contenu de

  2   sa déclaration. Ce document ne sera pas versé au dossier.

  3   Madame Sutherland, vous avez des questions supplémentaires ?

  4   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Zaimovic, votre témoignage est

  6   terminé. Je vous remercie d'être revenue devant ce Tribunal, d'avoir fait

  7   ce long voyage pour faire votre déclaration. Je vous souhaite de bien

  8   rentrer chez vous.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

 10   [Le témoin se retire]

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je poser une question ? Est-ce que vous

 12   pouvez me donner un conseil ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 14   Oui, vous êtes libre de partir, maintenant.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me donner votre avis ?

 16   Vous avez dit qu'avec l'Accusation, on devrait arriver à un accord sur le

 17   lieu où sont situés les Osmice sur cette carte, parce que le témoin qui ne

 18   sait pas lire les cartes ne pouvait pas identifier l'emplacement. Donc est-

 19   ce que vous proposez que l'on se mette d'accord là-dessus ? Cela pourrait

 20   nous aider.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parlez-en avec Me Robinson.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Pour donner une réponse tout à fait

 23   succincte, je pense que l'Accusation ne dira pas le contraire, à savoir

 24   nous avons une distance entre deux endroits sur la carte, nous avons une

 25   échelle, et on peut se mettre d'accord sur ce document.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, nous pouvons faire entrer le

 27   témoin suivant.

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que je peux quitter le prétoire,

Page 2006

  1   Monsieur le Président ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vous remercie.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Nous allons maintenant entendre un autre

  7   témoin, et c'est un autre conseil du bureau du Procureur qui l'interrogera.

  8   Il nous faut quelques minutes pour prendre nos dispositions. Je ne sais pas

  9   si la Chambre souhaite plutôt attendre ici ou faire une suspension

 10   d'audience, parce qu'il nous faudra, en fait, sortir et rentrer de nouveau

 11   dans notre système de prétoire électronique.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si nous faisons une pause de 25 minutes,

 13   cela veut dire que nous pourrons continuer jusqu'à 19 heures, donc pendant

 14   une heure et 45 minutes.

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Nous

 16   allons contester certains documents sur la liste 65 ter. Est-ce que nous

 17   pourrions peut-être en parler avec M. Tieger.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Il y a toute une série de documents que

 20   l'Accusation a identifiés comme étant les documents qui ont à voir avec le

 21   jeu de documents 92 ter. Si on applique la Règle de la Chambre que le

 22   témoin doit avoir accepté dans une certaine mesure la teneur de ces

 23   documents ou qu'il doit connaître les documents, il y en a 30, à peu près,

 24   qui ne semblent pas répondre à ce critère. Donc, j'ai dressé la liste de

 25   ces documents, et nous pensons qu'ils ne devraient pas être versés au

 26   dossier. Je peux vous en donner quelques exemples ou vous fournir la liste

 27   complète. Malheureusement, je ne me suis pas préparé à cette discussion en

 28   rédigeant un document à l'avance, parce que c'est seulement peu après que

Page 2007

  1   vous avez rendu votre décision que le problème m'est apparu. Quand je suis

  2   arrivé ce matin, je ne m'attendais pas à ce que ces documents fassent

  3   l'objet d'une opposition.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certains de ces documents vont être

  5   montrés au témoin pendant l'interrogatoire principal ?

  6   M. ROBINSON : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Mais je

  7   dois dire qu'étant donné le problème d'horaire dont mon collègue, M.

  8   Tieger, vous a parlé ce matin, nous avons abrégé la liste des documents que

  9   nous avons l'intention de montrer au témoin, puisqu'ils ont déjà été

 10   évoqués et sont, en fait, intégrés à sa déclaration écrite amalgamée.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître, pourriez-vous, je vous prie,

 12   nous présenter vos arguments par écrit, rapidement, avec les motifs de

 13   votre intervention de façon à ce que nous puissions nous en occuper demain

 14   à la reprise des débats, après l'interrogatoire principal ?

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est ce que je

 16   ferai.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera très utile.

 18   Monsieur Tieger.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Bien, au minimum, Monsieur le Président, je

 20   dirais que les pièces qui ont un rapport avec ce témoin font partie de la

 21   même catégorie que les pièces présentées au témoin précédent. C'est ainsi

 22   que ce témoin a été préparé, et c'est ainsi que son interrogatoire a été

 23   prévu. Donc c'est dans ces conditions que les documents vont faire l'objet

 24   de demande de versement. Si l'on devait s'écarter de cette pratique, je

 25   pense que l'on devrait appliquer et respecter les directives de la Chambre,

 26   et je ne pense pas que ce témoin pourrait faire partie de cette catégorie.

 27   Je pense que nous avons procédé de façon très claire avec le témoin qui

 28   vient de quitter le prétoire, comme nous l'avons fait avec le précédent, et

Page 2008

  1   donc les pièces associées à la liasse 92 ter devraient être prises en

  2   compte de la même façon, à savoir est-ce qu'elles ont été évoquées dans les

  3   dépositions antérieures du témoin. Je pense que c'est la seule façon

  4   équitable de procéder, étant donné en particulier ce que vient de dire Mme

  5   Edgerton quant au raccourcissement de l'interrogatoire principal.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends à présent la nature du

  7   problème. J'attendais que l'interprétation française se termine pour Mme le

  8   Juge Lattanzi.

  9   Les critères qui concernent l'admissibilité des documents soumis au

 10   titre de l'article 92 ter du Règlement viennent d'être explicités de la

 11   façon la plus claire qui soit, à mon avis, grâce à nos dernières décisions.

 12   La Chambre va à présent réfléchir aux arguments que Me Robinson vient de

 13   lui soumettre à ce sujet.

 14   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Harland. Pourriez-

 16   vous, je vous prie, prononcer la déclaration solennelle dans laquelle vous

 17   affirmez que vous vous engagez à dire la vérité, toute la vérité et rien

 18   que la vérité.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 20   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 21   LE TÉMOIN : DAVID HARLAND [Assermenté]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.

 24   Madame Edgerton, à vous.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Toutes mes

 26   excuses pour le léger retard dû à des contraintes techniques. Cela fait

 27   déjà pas mal de temps que je n'ai pas travaillé dans une salle d'audience,

 28   donc il m'a fallu quelques instants d'adaptation, mais je peux maintenant

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  1   commencer.

  2   Interrogatoire principal par Mme Edgerton :

  3   Q.  [interprétation] Monsieur Harland, je vous demanderais de bien vouloir

  4   décliner vos nom et prénom.

  5   R.  David John Harland.

  6   Q.  Vous avez fait une déclaration devant les représentants du bureau du

  7   Procureur qui concerne les expériences que vous avez vécues en Bosnie-

  8   Herzégovine en 1998, vous avez témoigné dans l'affaire Milosevic de ce

  9   Tribunal en 2003 également, et encore une fois dans l'affaire Dragomir

 10   Milosevic en 2007, n'est-ce pas ?

 11   R.  Je crois. Mais je ne suis pas tout à fait sûr de la date à laquelle

 12   j'ai fait ma première déclaration.

 13   Q.  Avez-vous rendu visite une nouvelle fois au bureau du Procureur en 2009

 14   et avez-vous préparé une déclaration qui consolidait les dépositions faites

 15   par vous précédemment avec un certain nombre de références et de

 16   commentaires supplémentaires au sujet de plusieurs documents ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Pendant que vous vous prépariez à venir déposer ici aujourd'hui, avez-

 19   vous la possibilité de relire cette dernière déclaration ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Après avoir relu ce document, est-il exact qu'un certain nombre de

 22   précisions et de corrections se sont imposées à vous et que vous souhaitez

 23   les introduire dans le document ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que vous avez énuméré ces modifications dans un nouveau document

 26   écrit ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Si vous étiez interrogé sur les mêmes questions que celles qui vous ont

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  1   été posées au moment de votre première déclaration et des diverses

  2   dépositions que vous avez faites par la suite dans des procès entendus par

  3   ce Tribunal, toutes les déclarations de votre part qui ont été consolidées

  4   à l'intérieur d'une seule et même déclaration écrite, donc si on vous

  5   posait aujourd'hui les mêmes questions qu'à l'époque, est-ce que vous

  6   répondriez en apportant les mêmes éléments d'information à la présente

  7   Chambre ?

  8   R.  Je l'espère, oui.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, ceci dit, je demande

 10   le versement au dossier du document 65 ter numéro 90011, qui est la

 11   déclaration consolidée de M. Harland, ainsi que du document 65 ter numéro

 12   22799.

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ces documents sont admis, et je demande

 15   des numéros de pièces à conviction.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter numéro 90011 devient

 17   la pièce P280 [comme interprété], et le document 65 ter numéro 22799

 18   devient la pièce P281 [comme interprété].

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Avec votre autorisation, j'aimerais maintenant donner lecture

 22   rapidement d'un bref résumé de la déposition de M. Harland.

 23   M. Harland a travaillé pour les Nations Unies en Bosnie-Herzégovine en

 24   diverses qualités de 1993 à 1999. A partir de mai 1993 et jusqu'en janvier

 25   1995, il a été responsable aux affaires civiles de la FORPRONU auprès du

 26   commandement en Bosnie-Herzégovine. Entre janvier et août 1995, il a été

 27   chef des affaires civiles pour le secteur de Sarajevo. En août 1995, il a

 28   été renvoyé au commandement de Bosnie-Herzégovine, où il a travaillé en

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  1   tant que conseiller politique auprès du commandant de la FORPRONU en

  2   Bosnie-Herzégovine, le général Rupert Smith.

  3   Après la fin du conflit, M. Harland est resté trois ans sur place en tant

  4   que chef des affaires civiles pour la mission des Nations Unies en Bosnie-

  5   Herzégovine, connue sous le sigle de UNMIBH. Par la suite, il est rentré

  6   effectuer un travail de recherche et rédiger un rapport relatif à la chute

  7   de Srebrenica pour le secrétaire général.

  8   Entre 1993 et 1995, M. Harland a fréquemment participé à des réunions

  9   avec les chefs des diverses factions en présence, notamment avec les

 10   dirigeants bosno-serbes, et en particulier l'accusé. Dans cette période, M.

 11   Harland a également été le rédacteur politique principal de la FORPRONU et,

 12   en tant que tel, il a été responsable de la rédaction d'un certain nombre

 13   de rapports à l'époque, et notamment de certaines évaluations politiques

 14   hebdomadaires, ainsi que d'un certain nombre de "rapports de situation

 15   hebdomadaires pour le secteur de Sarajevo", de divers textes d'accords, et

 16   d'autres correspondances.

 17   M. Harland se rappelle arriver à Sarajevo en mai 1993 et découvrir une

 18   ville étrangement déserte. Des barrages antitirs embusqués avaient été

 19   rapidement érigés, et les gens quittaient leurs domiciles uniquement pour

 20   de brèves périodes afin de s'approvisionner en vivres ou en eau. Tous les

 21   secteurs de la ville étaient endommagés par des tirs d'obus ou d'armes à

 22   feu.

 23   M. Harland a vu et s'est rendu compte de l'importance des pilonnages de la

 24   ville de Sarajevo par les forces serbes. Pendant que certains obus

 25   servaient à repousser les offensives du gouvernement bosnien, les

 26   pilonnages qu'il a constatés avaient souvent pour objectif des représailles

 27   disproportionnées, ou ce qu'il est convenu d'appeler des "pilonnages

 28   terrorisant en tapis", à savoir des pilonnages qui n'avaient aucun objectif

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  1   tactique militaire identifiable, mais semblaient n'avoir pour but que de

  2   maintenir la population civile de Sarajevo enfermée chez elle et

  3   terrorisée.

  4   M. Harland a également vu et s'est rendu compte que les forces serbes

  5   utilisaient des tireurs embusqués pour tirer sur les civils de Sarajevo. A

  6   deux reprises, il a été témoin personnel d'un civil qui a été blessé à mort

  7   immédiatement après avoir été visé par un tireur embusqué. M. Harland a

  8   conclu que par ce mode de pilonnage et de tirs embusqués ainsi que par les

  9   restrictions sur l'approvisionnement en divers articles et sur la liberté

 10   de circulation, Karadzic et la direction des Serbes de Bosnie étaient

 11   capables de faire pression sur Sarajevo et modulaient cette pression pour

 12   des fins politiques. M. Harland décrit cette modulation comme le fait de

 13   "tourner un robinet".

 14   Les pilonnages et les tirs embusqués contre des civils par les forces

 15   serbes ont souvent été évoqués à des réunions avec l'accusé ainsi qu'avec

 16   d'autres membres de la direction bosno-serbe. L'accusé a dit durant ces

 17   réunions qu'il avait la capacité d'ordonner aux forces serbes d'arrêter les

 18   pilonnages et les tirs embusqués. La fin des tirs embusqués, après la

 19   signature des accords antitireurs embusqués du mois d'août 1994, a permis

 20   de penser à M. Harland que ces tirs embusqués étaient contrôlés au niveau

 21   central.

 22   M. Harland était à Sarajevo au moment du premier incident du marché

 23   de Markale en février 1994. Il déclare que les éléments de preuve

 24   circonstanciels ont montré que les Serbes étaient responsables. Il déclare

 25   également que la proposition défendue par la direction serbe de Bosnie à

 26   l'époque selon laquelle ce serait un montage de la part des Musulmans qui

 27   auraient utilisé à cette fin des mannequins et des morceaux de corps qu'ils

 28   auraient fait venir par avion des Etats-Unis, était extrêmement "exotique,

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  1   pour ne pas dire légèrement dérangée".

  2   M. Harland a été témoin d'une dégradation de la situation en Bosnie-

  3   Herzégovine en 1995. Les pilonnages et les tirs embusqués sur Sarajevo ont

  4   augmenté en mai et juin 1995, et Karadzic a imposé des restrictions sévères

  5   sur l'accès à l'aide humanitaire et aux services dans la ville. Les forces

  6   bosno-serbes ont employé en grand nombre des roquettes improvisées contre

  7   la ville. L'utilisation de ce genre d'armes a fait l'objet de protestations

  8   directes de la part de la FORPRONU adressées au Corps de SRK et à son

  9   commandant, Dragomir Milosevic.

 10   M. Harland était également à Sarajevo au moment du deuxième incident du

 11   marché de Markale en août 1995. Il témoigne que le personnel technique de

 12   la FORPRONU a immédiatement conclu que l'obus de mortier provenait des

 13   positions bosno-serbes dans le secteur de Lukavica. Les commentaires du

 14   général Smith à l'époque, selon lesquels il y avait quelque doute quant à

 15   l'origine des tirs, n'ont été proférés qu'afin de garantir que les Serbes

 16   n'auraient pas été informés du fait qu'il avait demandé à l'OTAN de

 17   commencer des frappes aériennes contre les positions serbes, ce qui

 18   permettait une extraction en toute sécurité des soldats de la paix hors du

 19   territoire sous contrôle serbe en Bosnie.

 20   C'est sur ces mots que s'achève le résumé de la déposition du témoin,

 21   Monsieur le Président.

 22   Q.  Monsieur Harland, j'aimerais si vous me le permettez, vous poser

 23   quelques questions qui mettront en exergue des aspects de votre déposition

 24   de 2009.

 25   D'abord, vous avez derrière vous une longue carrière auprès des

 26   Nations Unies, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Depuis combien de temps travaillez-vous pour cette organisation ?

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  1   R.  De façon permanente depuis 1991.

  2   Q.  Quel est votre titre actuel ?

  3   R.  Je suis le directeur des opérations de maintien de la paix des Nations

  4   Unies pour l'Europe et l'Amérique latine.

  5   Q.  Merci. J'aimerais que nous revenions sur votre déclaration préalable et

  6   sur le moment que vous avez passé avec la FORPRONU à Sarajevo.

  7   Au paragraphe 13 de ce document, vous décrivez les fonctions qui

  8   étaient les vôtres et votre rôle en tant que responsable des affaires

  9   civiles auprès du commandement en Bosnie-Herzégovine comme consistant à

 10   négocier, analyser, rendre compte, et fournir des conseils au sujet de la

 11   stratégie politique, n'est-ce pas ?

 12   R.  Exact.

 13   Q.  Alors, est-ce que ces diverses composantes de votre travail sont

 14   restées les mêmes pendant toute la période pendant laquelle vous avez

 15   travaillé pour la FORPRONU ?

 16   R.  Oui, même si les interlocuteurs ont changé un tout petit peu.

 17   Q.  De quel point de vue ont-ils changé ?

 18   R.  Eh bien, la FORPRONU, je veux dire, comme toute grande organisation,

 19   avait un siège à différents niveaux. Elle avait un QG à Zagreb, qui

 20   couvrait l'ensemble de l'ex-Yougoslavie, et elle avait deux sièges à deux

 21   niveaux différents à Sarajevo; l'un portait le nom de commandement pour la

 22   Bosnie-Herzégovine, c'est ce siège-là qui couvrait toutes les actions de la

 23   FORPRONU en Bosnie-Herzégovine. Et pour ma part, j'ai passé le plus gros de

 24   mon temps professionnellement à ce QG. Et à l'autre bout de la ville, de la

 25   même ville, il y avait l'autre secteur, qui était l'un des trois secteurs

 26   du commandement en Bosnie-Herzégovine et, pendant un moment, j'ai travaillé

 27   dans ce sous-QG à Sarajevo en tant que directeur des affaires civiles.

 28   Quand je travaillais au niveau du commandement couvrant toute la

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  1   Bosnie-Herzégovine, normalement, j'étais là pour aider mes supérieurs qui

  2   rencontraient le président Izetbegovic, le Dr Karadzic, et des

  3   personnalités de cette envergure-là. Lorsque je me trouvais au secteur de

  4   Sarajevo, en général, c'était pour rencontrer moi-même des maires ou des

  5   commandants de corps d'armée de l'une ou l'autre des parties en présence.

  6   Q.  Du point de vue de vos missions, au paragraphe 17 de votre déclaration

  7   préliminaire de 2009, vous faites remarquer que vous étiez également le

  8   rédacteur politique principal de la FORPRONU, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, c'est exact.

 10   Q.  Et cette composante de votre travail a-t-elle duré pendant toute la

 11   durée de votre service au sein de la FORPRONU ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Elle impliquait quoi, cette composante de votre travail ?

 14   R.  Eh bien, la FORPRONU établit régulièrement des rapports adressés à son

 15   QG de Zagreb ou à celui de New York; normalement, cela se fait une fois par

 16   semaine. Et normalement, c'est moi qui étais l'auteur des évaluations

 17   hebdomadaires, en tout cas pendant une grande partie de la guerre. Je pense

 18   que j'ai été le représentant des Nations Unies qui a travaillé le plus

 19   longtemps pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine, donc pendant une grosse

 20   partie de la guerre, c'est moi qui rédigeais, toutes les semaines, ces

 21   évaluations hebdomadaires. Et j'étais également l'auteur de rapports

 22   lorsqu'il y avait des rencontres ou des incidents.

 23   Donc lorsqu'il y avait une rencontre à laquelle participaient un

 24   représentant de la FORPRONU, avec le président Izetbegovic ou le Dr

 25   Karadzic ou le général Mladic ou le général Delic, j'y assistais aussi

 26   normalement, et c'est moi qui rédigeais un rapport à l'issue de telles

 27   rencontres, avec un commentaire ou une analyse de ce qui s'y était dit en

 28   général. Donc ma mission consistait à écrire des rapports et à rendre

Page 2017

  1   compte au sujet des réunions.

  2   S'il y avait un incident, je rédigeais une note spéciale, comme par

  3   exemple, l'incident de Markale, qui exigeait que l'on envoie un télégramme

  4   ou une note particulière. Donc dans ce cas, c'est moi qui rédigeais cette

  5   note.

  6   Q.  En dehors des personnes dont vous venez de citer les noms, président

  7   Izetbegovic, Dr Karadzic, le général Mladic ou le général Delic, est-ce que

  8   vous aviez d'autres sources de renseignement sur lesquelles vous vous

  9   basiez pour préparer vos rapports et les autres documents que vous rédigiez

 10   ?

 11   R.  Oui, il y en avait beaucoup. Je ne sais pas dans quel degré de détails

 12   vous souhaitez que j'entre, mais nous avions des contacts très soutenus

 13   avec pas mal de personnes à Sarajevo et à Pale. A Sarajevo, je rencontrais

 14   pratiquement tous les jours des représentants du gouvernement de Bosnie-

 15   Herzégovine au niveau ministériel. Et pendant la plus grande partie du

 16   conflit, ma source c'était Hasan Muratovic. Mais du côté des Serbes de

 17   Bosnie, nous avions des contacts réguliers avec le Pr Koljevic, le vice-

 18   président; M. Krajisnik, président de l'assemblée. Egalement, nous avions

 19   de nombreux contacts avec les militaires, comme par exemple, le général

 20   Mladic, Milovanovic, les généraux Galic et Milosevic, ainsi que leurs

 21   interlocuteurs du côté musulman de Bosnie. J'essaie de me rappeler leurs

 22   noms du haut en bas de la hiérarchie, mais il me faudrait beaucoup de temps

 23   pour me les rappeler tous. Il me suffira sans doute de dire que finalement,

 24   la pyramide s'achevait au niveau des simples soldats que nous rencontrions

 25   aux barrages routiers ou des gens que nous rencontrions dans les rues, à

 26   l'hôpital ou dans les mosquées. Donc c'était le travail général du

 27   responsable aux affaires civiles de maintenir un réseau très actif

 28   d'interlocuteurs variés au sein de toutes les parties en présence afin de

Page 2018

  1   fournir des renseignements diversifiés pour les introduire dans nos

  2   analyses.

  3   Q.  Je vous remercie. Passons à un autre sujet maintenant, peut-être

  4   pouvez-vous nous dire si la topographie de Sarajevo avait un effet sur la

  5   nature du conflit aux environs de la ville ?

  6   R.  Oui, oui, absolument, un effet important. Je veux dire, Sarajevo, comme

  7   les Juges de la Chambre l'ont sans doute déjà entendu dire, se trouve au

  8   fond d'une vallée assez raide. C'est une ville qui s'étend de l'ouest à

  9   l'est, sur une dizaine de kilomètres, si je ne m'abuse, dans une zone

 10   montagneuse en plein milieu de la Bosnie. Donc étant donné que le fond de

 11   la vallée est étroit et que cette vallée n'est pas très longue, la

 12   population est très concentrée. Et chaque fois que l'on vit dans une ville

 13   de ce genre, on a l'impression d'être au fond d'un trou au milieu des

 14   montagnes. Pour des raisons historiques et géographiques, sans doute, qui

 15   sont compréhensibles, mais qui n'intéressent pas, sans doute,

 16   extraordinairement les Juges de la Chambre, la population musulmane de

 17   Bosnie de Sarajevo, comme c'est souvent le cas dans d'autres zones de

 18   Bosnie-Herzégovine, avait tendance à vivre dans les zones urbanisées, sur

 19   les pentes de ces vallées. Et normalement, je suppose que cela n'avait pas

 20   une grande importance. Mais dans le contexte de la guerre, cela a signifié

 21   que les hauteurs de la Bosnie-Herzégovine, un peu partout, mais notamment

 22   aux environs de Sarajevo, les hauteurs étaient occupées par les Serbes avec

 23   des armes lourdes, alors que le fond des vallées était occupé par une

 24   population relativement compacte principalement composée des Musulmans de

 25   Bosnie.

 26   Q.  Durant votre travail avec la FORPRONU, est-ce que vous avez pu

 27   constater l'existence d'un modèle ou d'un schéma s'agissant du conflit aux

 28   environs de la ville ?

Page 2019

  1   R.  Oui. Les lignes de confrontation ne se sont pas beaucoup modifiées

  2   pendant toute la période de ma présence là-bas. En fait, elles ont changé

  3   très peu. Ce qui a, en revanche, changé beaucoup c'est la densité des tirs

  4   sur les lignes de front et la possibilité pour la population de trouver de

  5   quoi s'approvisionner. Donc on peut dire de façon générale qu'il y a eu

  6   sept, huit ou neuf manettes de contrôle que les Serbes pouvaient essayer

  7   d'utiliser pour faire pression sur la population; les pilonnages, les tirs

  8   embusqués, les tirs d'armes d'infanterie, la liberté de circulation ou non

  9   des convois humanitaires des Nations Unies, la mise à disposition ou non du

 10   gaz, de l'eau, et du courant électrique, qui passaient très souvent par des

 11   zones contrôlées par les Serbes de Bosnie avant d'arriver chez les

 12   Musulmans de Bosnie. Donc il fallait traverser le territoire contrôlé par

 13   les Serbes de Bosnie pour arriver chez les Musulmans. C'est une dynamique

 14   du conflit qui impliquait des pressions de plus en plus grandes, ce que

 15   j'appelle de temps en temps l'emploi de la terreur de la part des Serbes de

 16   Bosnie, qui passait par l'usage des tirs embusqués, des tirs d'obus et des

 17   restrictions imposées à l'approvisionnement en eau et en gaz, ainsi que des

 18   restrictions de circulation pour les convois humanitaires, et cetera, tout

 19   ceci selon un schéma tout à fait visible.

 20   Q.  Est-ce que vous pensez que ces différents schémas avaient un lien avec

 21   autre chose ?

 22   R.  D'abord, il y a pas mal d'éléments qui démontrent que tout cela était

 23   contrôlé à un niveau central. Je veux parler des tirs embusqués et des tirs

 24   d'obus, qui augmentaient normalement en même temps que les restrictions sur

 25   le déplacement des convois humanitaires s'aggravaient et que s'aggravaient

 26   aussi les restrictions sur l'accès au gaz, à l'eau ou à l'électricité. Il y

 27   avait un lien entre ces différents éléments dans le sens soit d'une

 28   amélioration soit d'une aggravation pour les militaires ou pour les civils,

Page 2020

  1   mais en tout cas, les évolutions se faisaient parallèlement, et la même

  2   modulation se retrouvait dans le contexte politique.

  3   Q.  De quelle façon ?

  4   R.  La façon la plus évidente, c'est lorsqu'il y avait une menace claire

  5   d'intervention contre les Serbes de Bosnie, les pressions diminuaient de

  6   façon spectaculaire, elles devenaient beaucoup moins importantes, jusqu'au

  7   moment où la menace immédiate d'intervention militaire avait disparu. Et

  8   si, par ailleurs, la menace n'était pas importante, en général, on voyait

  9   l'application de ce règne de la terreur par ouverture ou fermeture des

 10   robinets qui augmentaient.

 11   Q.  Pourriez-vous, à notre intention, définir ou nous donner un certain

 12   nombre d'exemples des situations que vous venez de décrire ?

 13   R.  Oui, je peux le faire, mais ceci n'a pas besoin d'être prouvé, en

 14   réalité. Je veux dire, les dirigeants bosno-serbes nous le disaient très

 15   clairement et directement, que c'est ce qui se passait.

 16   Je vais vous donner un exemple. Je suis arrivé au début de l'été ou à

 17   la fin du printemps 1993, à Sarajevo, au moment où les Serbes s'apprêtaient

 18   à lancer une offensive dans le secteur du mont Igman, non loin de Sarajevo.

 19   Cette offensive, comme c'était souvent le cas de leurs offensives

 20   militaires, a été couronnée de succès. Mais du côté des pays occidentaux,

 21   en tout cas du côté de certains pays occidentaux, de l'OTAN, et en

 22   particulier du côté du secrétaire général de l'OTAN, ceci a entraîné des

 23   menaces tout à fait claires quant à la possibilité de recourir à des

 24   frappes aériennes contre les Serbes de Bosnie dans les environs de

 25   Sarajevo. Et à peu près au même moment, nous avons remarqué - donc c'était

 26   à la mi-juillet ou à la fin juillet - nous avons remarqué en même temps une

 27   réduction spectaculaire du nombre d'obus qui tombaient sur le centre de la

 28   ville de Sarajevo et du nombre de personnes visées par des tireurs

Page 2021

  1   embusqués. L'aide humanitaire a commencé à recommencer à circuler plus

  2   librement et l'accès au gaz, à l'eau et à l'électricité se sont améliorés.

  3   Donc si on devait faire un graphique de l'évolution de ce genre de chose,

  4   on verrait à ce moment une chute très nette dans la courbe - je veux

  5   parler, d'une réduction de la terreur qui concernait la population de

  6   Sarajevo pendant la durée de ma présence sur place après l'offensive du

  7   mont Igman. C'est probable et très certainement après le premier incident

  8   de Markale, en février 1994, puis encore une fois après toute la série de

  9   menaces de l'OTAN et après Gorazde, et cetera. Donc le schéma était tout à

 10   fait visible.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.

 12   Vous avez quelque chose à dire, Monsieur Karadzic ?

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection. D'abord, Mme Carolyn a eu

 14   la gentillesse de parler avec moi, et nous nous sommes mis d'accord sur le

 15   fait qu'il n'y aurait rien dans la déposition de M. Harland qui porterait

 16   sur des émotions personnelles.

 17   Puis M. Harland a déjà rendu un jugement. Il a déjà employé le mot de

 18   "terreur". J'aimerais que quelqu'un ici défende mes intérêts, sinon, je

 19   vais devoir élever des objections constamment. Nous nous sommes déjà mis

 20   d'accord sur le fait que M. Harland n'évoquerait pas ses émotions

 21   personnelles ou d'autres éléments psychologiques, mais se limiterait aux

 22   faits. Or, nous sommes ici en présence de quelqu'un qui prononce un

 23   jugement avant le jugement de la Chambre.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous aurez la possibilité de contre-

 25   interroger le témoin pendant le contre-interrogatoire.

 26   Veuillez procéder, Mme Edgerton. Toutes mes excuses.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Pas de problème, Monsieur le Président. Je

 28   vous remercie. Mais peut-être pourrais-je passer à un autre sujet.

Page 2022

  1   Q.  Alors, page 70, ligne 21 du compte rendu d'audience et à un autre

  2   moment, vous avez employé le mot de "terror" en anglais, donc "terreur", et

  3   nous avons remarqué que vous utilisez également assez souvent ce terme dans

  4   des documents de l'époque de la FORPRONU dont vous êtes l'auteur, et vous

  5   l'utilisez aussi dans votre déclaration préliminaire devant ce Tribunal et

  6   dans la dernière de vos déclarations, en particulier.

  7   Alors, je demanderais l'affichage du document 65 ter numéro 10678.

  8   Non, c'est exact. Il n'y en a pas. Il n'y a donc pas de traduction. Le

  9   document n'est disponible qu'en anglais.

 10   Q.  Merci, Monsieur Harland. Voyez-vous un document qui s'affiche sur

 11   l'écran devant vous ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que vous pourriez nous décrire ce document, s'il vous plaît.

 16   R.  Il s'agit d'un rapport de situation hebdomadaire pour le secteur de

 17   Sarajevo. Il s'agit donc d'une synthèse des différents événements qui

 18   relèvent du mandat de la FORPRONU dans le secteur de Sarajevo et qui porte

 19   la date du 8 juillet 1995.

 20   Q.  Est-ce que vous avez rédigé vous-même ce document ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  J'aimerais que l'on passe à la page 2 sur le prétoire électronique pour

 23   ce document, cinquième paragraphe en commençant par le haut de la page. Je

 24   vais vérifier que le compte est bon. Oui, je crois qu'il s'agit du

 25   paragraphe numéro 5.

 26   Monsieur Harland, est-ce que je pourrais attirer votre attention sur le

 27   paragraphe qui commence par les termes : "Sniping and mortaring" en

 28   anglais, et est-ce que je peux vous demander de lire à haute voix.

Page 2023

  1   R.  "Les tirs embusqués et les tirs de mortiers restent à un niveau

  2   relativement élevé. Ils ne semblent pas avoir d'importance militaire

  3   particulière mais contribuent à avoir une atmosphère générale de terreur

  4   dans la ville. Quasiment aucune population civile n'utilise la principale

  5   artère est-ouest," qu'on appelle l'allée des tireurs embusqués, "de telle

  6   façon, que les tireurs embusqués semblent être partis ailleurs."

  7   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la situation en matière de sécurité

  8   dans la ville de Sarajevo à l'époque ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Pourriez-vous nous décrire la situation au niveau de la sécurité à

 11   l'époque ?

 12   R.  La situation n'était pas bonne. Lorsque j'ai utilisé le terme de

 13   "terreur", je ne voulais pas lui donner un poids émotionnel quelconque. Je

 14   voulais simplement essayer de refléter le sentiment éprouvé par les

 15   populations locales, compte tenu de ces différentes manettes de pression

 16   qui étaient exercées, c'est-à-dire le pilonnage, l'usage d'armes de petit

 17   calibre, les tirs embusqués, et également l'absence d'assistance

 18   humanitaire. Je serais tout à fait disposé à utiliser un autre terme si le

 19   Juges de la Chambre pensent que ceci est plus approprié.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que je pourrais verser la pièce de

 21   la liste 65 ter 10678, s'il vous plaît.

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pourrons verser cette pièce au

 24   dossier.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P822.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'ai une objection. J'ai une objection en

 27   ce qui concerne les sentiments des populations locales. Je ne pense pas que

 28   ce soit approprié quand on parle des sentiments de la population.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous parlons du

  2   versement de documents au dossier. Pour ce qui est du contenu de

  3   l'interrogatoire principal, vous aurez toute la latitude de lui poser des

  4   questions dans le cadre de votre contre-interrogatoire.

  5   Veuillez poursuivre, Madame Edgerton.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Q.  Dans votre déclaration, aux paragraphes 32 et 33, vous décrivez trois

  8   différentes formes de bombardement de Sarajevo par les forces serbes. Vous

  9   parlez d'une utilisation tactique d'armes lourdes. Vous utilisez également

 10   une expression, à savoir "œil pour œil", que l'on peut dire, par les forces

 11   de Bosnie, à savoir qu'il y avait des réponses très fortes des Serbes. Puis

 12   vous avez une troisième technique qui s'agissait de ce qu'on appelle

 13   l'application d'un terrorisme en tapis, c'est-à-dire, qu'en fait, il n'y

 14   avait pas d'objectif militaire identifiable. Est-ce que vous vous souvenez

 15   d'avoir mentionné ces trois types de bombardement ?

 16   R.  Oui.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher le

 18   prochain document de la liste 65 ter, à savoir le document 0995, évaluation

 19   politique hebdomadaire numéro 39 qui porte la date du 3 novembre 1993.

 20   Q.  Est-ce que vous voyez le document, Monsieur Harland, à l'écran ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que reconnaissez ce document ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous avez rédigé vous-même ce document ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Pouvez-vous le décrire ?

 27   R.  On revient à un autre poste que j'occupais à l'époque. C'est lorsque je

 28   travaillais au commandement de la BH, c'est-à-dire le QG du plus haut

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  1   niveau. Il s'agit d'une évaluation politique hebdomadaire. Il s'agit d'un

  2   rapport hebdomadaire qui était envoyé à Zagreb et à New York, qui avait

  3   pour objectif de décrire et d'analyser les principaux éléments qui

  4   pouvaient être utiles pour le mandat de la FORPRONU, et on revenait sur les

  5   semaines qui s'étaient écoulées.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page 7 du

  7   document sur le prétoire électronique. Et j'aimerais attirer l'attention de

  8   tous les membres de ce prétoire sur le premier paragraphe qui est en haut

  9   de la page.

 10   Q.  Monsieur Harland, est-ce que vous pouvez lire à haute voix le premier

 11   paragraphe, s'il vous plaît ?

 12   R.  C'est un peu comme si j'allais chez l'oculiste. Vous voulez que je lise

 13   le premier paragraphe ?

 14   Q.  Oui. Le premier paragraphe, s'il vous plaît.

 15   R.  "Les Serbes, d'un point de vue militaire, étaient plus actifs que

 16   d'habitude. Ils n'ont pas essayé de reprendre du territoire, mais leurs

 17   tirs d'artillerie ont été très occupés. Sarajevo et Gorazde ont fait

 18   l'objet d'un bombardement très important au cours de la semaine qui s'est

 19   écoulée. Suite aux tirs de mortiers de la BH, la vieille ville de Sarajevo

 20   a été prise à partie à concurrence de presque 500 obus en l'espace d'une

 21   heure le 27 octobre. La vieille ville, qui est composée du plus grand

 22   pourcentage de Musulmans dans la zone de Sarajevo, a une forte densité de

 23   population."

 24   Q.  Merci. Pour ce qui est des différentes formes de bombardement que vous

 25   avez mentionnées dans votre déclaration, j'aimerais savoir de quelle

 26   catégorie de bombardement il s'agit ici ?

 27   R.  Si c'était en riposte à des tirs de mortier de l'ABiH, ou du

 28   gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, je dirais qu'il s'agit de la

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  1   deuxième catégorie dans les trois catégories que j'ai mentionnées, à savoir

  2   des tirs de représailles.

  3   Q.  Est-ce que vous pourriez décrire la zone couverte par la vieille ville,

  4   nous donner une idée, en fait, des bâtiments et de la topographie que l'on

  5   observe dans cette partie de la ville ?

  6   R.  Le cœur de la ville, si l'on peut dire, est composé d'une zone

  7   d'environ 1 kilomètre de diamètre autour du marché de Bascarsija, et il

  8   s'agit d'un dédale de ruelles composé de bâtiments de deux ou trois étages

  9   maximum, avec des toits en tuile. Il s'agit d'un tissu urbain très compact.

 10   C'est, en fait, une ville ottomane typique.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. Oui, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lorsque vous pourrez faire la pause, ce

 13   serait peut-être bien de nous l'indiquer.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, mais peut-être que je pourrais verser

 15   ce document si cela est possible.

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document sera versé.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P823.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une nouvelle pause de

 20   25 minutes.

 21   --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.

 22   --- L'audience est reprise à 17 heures 59.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] En fait, ça se prononce Edgerton, mais nous

 25   ne nous sommes jamais vraiment présentés.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Madame

 27   Edgerton.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Ce n'est pas grave.

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  1   Q.  Monsieur Harland, j'aimerais que nous passions à ce que vous appelez

  2   manettes de pression, que vous avez mentionné précédemment dans votre

  3   déposition, et j'aimerais vous parler des tirs embusqués. J'aimerais savoir

  4   si les tirs embusqués contre les civils dans des territoires tenus par le

  5   gouvernement musulman de Bosnie par les forces bosno-serbes étaient

  6   vraiment très répandus pendant votre séjour à Sarajevo ?

  7   R.  Oui, mais cela variait énormément.

  8   Q.  Mais c'était une constante autant que vous pouvez vous souvenir ?

  9   R.  Oui, en fait, ça a quasiment disparu pendant une brève période à

 10   l'automne 2004.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'une question directrice.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'une question directrice.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Compte tenu des éléments de preuve,

 15   conformément à l'article 92 ter, nous vous permettons de continuer et de

 16   poser des questions directrices, mais est-ce que vous pouvez cependant

 17   garder ceci à l'esprit pour les questions suivantes.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, je vous prie de m'excuser, Monsieur le

 19   Président.

 20   Q.  Est-ce que vous avez fait des observations concernant les conséquences

 21   sur la vie au quotidien des populations civiles ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et qu'avez-vous vu personnellement ?

 24   R.  Entre les bombardements et les tirs embusqués, l'objectif était le

 25   même, c'est-à-dire que les populations locales ne sortent pas dans la rue.

 26   Lorsque vous entriez dans la ville, on n'aurait pas pu penser qu'il

 27   s'agissait d'une ville de 100 000 ou 300 000 habitants. C'était très

 28   silencieux, mis à part les tirs que l'on entendait. Les rues étaient

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  1   quasiment vides, et c'est seulement lorsque vous rentriez dans les

  2   habitations des gens que vous vous rendiez compte que cette ville était

  3   habitée. Donc ça c'était le premier commentaire.

  4   Pour ce qui est maintenant plus précisément des tirs embusqués, lorsque les

  5   gens devaient quitter leur domicile, ils évitaient les lieux qui étaient

  6   exposés à des tireurs embusqués. Donc on essaie d'éviter toute ligne qui

  7   était perpendiculaire aux lignes de confrontation, et cetera.

  8   Q.  Avez-vous vu des habitants de la ville prenant des mesures visant à se

  9   protéger contre les tirs embusqués ?

 10   R.  Oui, et cela se passait à tous les niveaux. Vous aviez des personnes

 11   qui mettaient des couvertures sur des cordes ou qui recouvraient les

 12   fenêtres ou qui mettaient des voitures brûlées sur le côté. Vous avez

 13   également les autorités du gouvernement musulman qui avaient constitué des

 14   barricades de voitures. Vous aviez également des blocs de béton qui

 15   permettaient d'éviter que les positions tenues par les Serbes puissent

 16   tirer à portée optique, et on pouvait voir également que la FORPRONU avait

 17   fait cela. Vous aviez également des conteneurs qui avaient été empilés pour

 18   bloquer la vue des positions serbes en direction de la ville.

 19   Q.  Avez-vous vu personnellement les incidents de tirs embusqués contre des

 20   civils au sein de la ville ?

 21   R.  Bien, j'ai été pris à partie à plusieurs reprises lorsque j'étais dans

 22   la ville. Mais je n'ai jamais vu qui que ce soit touché par un tir

 23   embusqué. Mais il est clair qu'à des carrefours qui étaient exposés aux

 24   lignes de confrontation, on voyait que d'un seul coup il y avait différents

 25   tirs qui retentissaient, et les gens se repliaient derrière des protections

 26   de fortune et attendaient et essayaient de voir comment ils pourraient

 27   traverser les zones dangereuses pour rentrer chez eux. A deux reprises, je

 28   suis arrivé sur les lieux d'une attaque de tirs embusqués, c'est-à-dire

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  1   juste après que quelqu'un ait été touché.

  2   Q.  Et dans ces exemples que vous avez mentionnés, est-ce que vous avez vu

  3   des victimes ?

  4   R.  Oui. Lors d'un cas, pas très clairement, c'était en 1993. Je crois que

  5   c'était une femme dans le quartier de Hrasno, puis j'étais à bord d'un

  6   véhicule. Donc c'était assez loin d'où j'étais. Puis il y a eu un autre

  7   exemple où j'étais à pied dans une des rues principales, c'était une rue

  8   qui, avant la guerre, s'appelait Djuro Djakovica, je crois que maintenant,

  9   ça s'appelle la rue Alipasina. C'est la rue où se trouvait notre siège,

 10   notre quartier général. J'ai vu qu'il y avait un groupe de personnes

 11   attroupées, il y avait un jeune garçon d'une dizaine d'années qui était

 12   blessé, à côté d'un vélo, et ils avaient peur qu'il y ait de nouveaux tirs.

 13   En fait, si vous voulez, je n'ai jamais été témoin oculaire de quelqu'un

 14   qui a été touché par les tirs embusqués.

 15   Q.  Je voudrais revenir au début de votre déposition. Vous avez parlé des

 16   différentes sources d'information que vous utilisiez pour préparer un

 17   nouveau rapport d'évaluation ainsi que vos recommandations, et vous avez

 18   parlé des réunions auxquelles vous avez participé avec les différentes

 19   parties belligérantes et leurs dirigeants. Dans les paragraphes 15, 16, 19,

 20   247 à 266, vous faites référence à ces réunions. Et je voudrais vous

 21   demander quelques informations supplémentaires.

 22   J'aimerais savoir si, lorsque vous étiez à votre poste à la FORPRONU, vous

 23   avez été impliqué ou participé à des réunions avec le Dr Karadzic ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et est-ce que c'était durant une période précise ?

 26   R.  Oui, ces réunions se sont produites lorsque j'étais responsable des

 27   affaires civiles au niveau du commandement de la BH. Cela signifie que ces

 28   réunions se sont tenues entre juin 1993 et à la fin de l'année 1994, ou le

Page 2030

  1   début de l'année 1995.

  2   Q.  Et durant ces réunions, est-ce que vous vous souvenez avoir vu ou avoir

  3   entendu le Dr Karadzic donner des orientations militaires ou donner des

  4   ordres ?

  5   M. KARADZIC : [interprétation] Question directrice.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, nous ne sommes pas d'accord.

  7   Monsieur le Témoin, vous pouvez répondre à la question, s'il vous plaît.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens qu'il avait dit à l'époque

  9   avoir pris certaines décisions concernant certaines questions d'ordre

 10   militaire, et ceci, en présence du général Mladic et du général

 11   Milovanovic, mais je ne peux pas dire l'avoir directement entendu donner

 12   des ordres à l'un de ces deux généraux. Mais il est clair qu'il parlait

 13   avec autorité, et même si le général Mladic, notamment, faisait part

 14   d'opinions différentes, le général Mladic laissait penser, cependant, qu'il

 15   obtempérerait aux ordres du Dr Karadzic.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation]

 17   Q.  Je remarque que je ne voulais pas poser des questions concernant

 18   certains éléments. Je vois qu'à la page 80, ligne 18, vous avez mentionné

 19   le nom du général Milovanovic. J'ai oublié de vous demander qui était le

 20   général Milovanovic, d'après les informations que vous aviez obtenues ?

 21   R.  Bien, il semblait être le chef d'état-major de l'armée serbe de Bosnie,

 22   l'armée des Serbes de Bosnie.

 23   Q.  Vous avez cité ces cas de réunions durant lesquelles le général

 24   Milovanovic -- ou pardon, lorsque le général Mladic avait fait part

 25   d'opinions différentes, et qu'en même temps il avait déclaré qu'il

 26   observerait les ordres ou qu'il appliquerait les ordres du Dr Karadzic,

 27   est-ce que vous avez des exemples précis ?

 28   R.  Bien, il y en a un qui me vient plus particulièrement à l'esprit,

Page 2031

  1   c'était à l'issue de la crise d'Igman, ça doit être en août 1993, une

  2   réunion s'est tenue à Pale, et il s'agissait de savoir si les forces serbes

  3   allaient se retirer du mont Igman et de Bjelasnica, et les circonstances

  4   précises et les conditions précises de ce retrait ont été abordées. Et les

  5   Serbes n'étaient, dans une certaine mesure, pas tout à fait d'accord. Le

  6   général Mladic, ainsi que le Dr Plavsic, avaient fait part de certaines

  7   préoccupations, si je me souviens bien, et ils avaient expliqué pourquoi

  8   cette opération ne devrait pas se produire de cette manière. Et le Dr

  9   Karadzic avait décidé que les mesures seraient prises et que les opérations

 10   seraient menées de la manière qu'il avait préconisée. En fait, certains de

 11   mes collègues se sont rendus sur le terrain avec le général Mladic pour

 12   s'organiser.

 13   Q.  Vous avez mentionné, à la page 82, ligne 12 [comme interprété], le nom

 14   du Dr Plavsic. Est-ce que vous pourriez nous dire qui était le Dr Plavsic,

 15   autant que vous le sachiez ?

 16   R.  Elle était vice-présidente de la Republika Srpska.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] En ce qui concerne la crise d'Igman que

 18   vous venez de mentionner, est-ce que l'on peut afficher la pièce de la

 19   liste 65 ter 10410A, s'il vous plaît.

 20   Est-ce que l'on pourrait passer à la page 2 du document que nous

 21   voyons à l'écran, en version anglaise, s'il vous plaît. Merci.

 22   Q.  Je suppose que vous voyez ce document s'afficher à l'écran, Monsieur

 23   Harland, n'est-ce pas ? Est-ce que ce document fait référence à la réunion

 24   qui s'est tenue en août 1993 et dont vous venez de parler à la page 82 du

 25   compte rendu d'audience ?

 26   R.  Je n'ai pas la page 82 du compte rendu d'audience devant moi, mais

 27   c'est la description de la réunion que nous venons d'aborder,

 28   effectivement.

Page 2032

  1   Q.  J'aimerais savoir si vous avez rédigé personnellement ce document ?

  2   R.  Oui, mais il y a de très grosses fautes d'orthographe. Mais apparemment

  3   oui, c'est moi qui l'aie rédigé.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page 3 de ce

  5   document, s'il vous plaît.

  6   C'est le premier paragraphe tout en haut de la page 3 qui m'intéresse, mais

  7   je vois que cela commence à la page précédente. Excusez-moi, s'il vous

  8   plaît. J'aurais dû bien vérifier la pagination.

  9   Donc reprenons le dernier paragraphe en bas de la page 2, oui, nous

 10   voyons ces mots : "Karadzic semblait être détendu, en confiance et prêt à

 11   coopérer."

 12   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner lecture de ce paragraphe,

 13   qui commence en bas de la page 2 et qui se poursuit à la page 3 ?

 14   R.  "Karadzic semblait être détendu, en confiance et prêt à coopérer. Il a

 15   présenté des propositions relatives au retrait des Serbes du mont Igman --"

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Pourrions-nous prendre la page 3 à présent,

 17   s'il vous plaît.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] "-- sur l'ouverture de voies de communication

 19   sûres, des accès vers la ville de Sarajevo et les sorties de Sarajevo, sur

 20   la coopération visant à rétablir les services publics. Il a laissé entendre

 21   que ces initiatives serbes encourageraient Izetbegovic à reprendre les

 22   négociations et écarteraient toute évocation de recours aux frappes

 23   aériennes."

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] 

 25   Q.  Est-ce que cela montre ce que vous avez discuté, et est-ce que cela

 26   correspond à ce que vous nous avez dit dans le cadre de votre déposition

 27   précédemment ?

 28   R.  Oui.

Page 2033

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement de

  2   la pièce 10410A.

  3   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

  4   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P824.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Pièce 65 ter 11287, s'il vous plaît. C'est

  7   un document qui ne comporte qu'une page, et nous devrions avoir une

  8   traduction anglaise. Je vous remercie.

  9   Q.  Monsieur Harland, est-ce que vous voyez ce document maintenant ? Je

 10   trouve, en fait, qu'on a agrandi un peu trop le document et il ne rentre

 11   plus dans l'espace qu'il a.

 12   R.  Sur la gauche, nous avons la traduction anglaise d'un ordre en B/C/S,

 13   qui s'affiche sur la droite.

 14   Q.  Je pense que nous voyons tous les paragraphes maintenant.

 15   Monsieur Harland, c'est un ordre, dans la traduction anglaise, il est

 16   question du "Commandement de la RSK" et il date du 11 août 1993. En bas, on

 17   lit "Général Stanislav Galic". Savez-vous qui était le général de brigade

 18   Stanislav Galic ?

 19   R.  Oui. C'était lui qui commandait le Corps d'armée de Sarajevo-Romanija.

 20   C'était la principale force armée qui était déployée autour de Sarajevo.

 21   Q.  Est-ce que vous pouvez replacer ce document dans le contexte de la

 22   réunion dont vous venez de parler ?

 23   R.  Nous avons là un ordre qui fait état de -- je cherche un terme neutre -

 24   - que le degré de pression sur Sarajevo devrait être réduit et qu'il ne

 25   faudrait pas tirer sur Sarajevo. Nous avons là donc une réponse.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je pense que nous avons là un avis

 27   d'expert. Ce n'est pas un témoignage que nous sommes en train d'écouter.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous ne sommes pas d'accord avec vous.

Page 2034

  1   Le témoin peut nous dire comment il a perçu --

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Cet ordre, de toute évidence, vise à réduire

  3   les pressions qui s'exercent sur Sarajevo.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation]

  5   Q.  Réduire le niveau de pression exercée par rapport à quoi que ce soit de

  6   concret, pour autant que vous puissiez le voir ici ?

  7   R.  Oui. Cela est même dit dans le texte, au début du texte en anglais, que

  8   les Etats-Unis d'Amérique et d'autres envisagent de larguer des bombes sur

  9   des positions serbes et qu'afin d'éviter cela, ils vont considérablement

 10   réduire la pression sur Sarajevo. Je veux dire, entre autres, ils ne vont

 11   pas tirer sur Sarajevo.

 12   Q.  Est-ce que c'est un autre exemple de cette modulation dont vous avez

 13   parlé dans votre déclaration ?

 14   M. ROBINSON : [interprétation] C'est une question directrice.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puisque toute réponse alternative n'est

 18   pas exclue, nous estimons qu'il ne s'agit pas là d'une question orientée.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est un exemple clair de la modulation

 20   du niveau de pression ou de terreur qui s'exerce sur Sarajevo conformément

 21   à leurs intérêts politiques ou ce qui les arrange.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Donc je voudrais demander le versement de cette pièce.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas que

 25   conformément aux règles de la Chambre, telles que je les ai comprises, je

 26   ne pense pas donc que ce document pourrait être admissible, parce que ce

 27   témoin ne connaissait pas ce document à l'époque, cela correspond

 28   uniquement à ce qu'il en savait de manière générale de la situation. Donc

Page 2035

  1   il ne peut pas parler de ce document si ce n'est d'une autre manière que

  2   d'un article de presse ou autre document qui viendrait étayer ses

  3   positions.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous allez parler de la question

  5   d'admissibilité ?

  6   M. TIEGER : [interprétation] Oui, je pense qu'effectivement je peux le

  7   faire puisque la Chambre m'a déjà entendu sur ce sujet précédemment. Je

  8   pense que ce document ne s'inscrit pas rigoureusement dans les critères

  9   établis par les instructions données par la Chambre, mais il correspond aux

 10   paramètres d'admissibilité qui avaient précédemment été déterminés par la

 11   Chambre. Donc plusieurs éléments doivent être réunis; nous avons mentionné

 12   où ils se recoupent, nous avons la nature officielle du document d'une

 13   part, les explicitations données par le témoin, le lien aux événements

 14   qu'il a décrits. Ce document a été replacé dans le contexte des événements.

 15   Il est facile de voir de quelle manière ce document est utile à la Chambre.

 16   Ce document pourrait être admis à titre de plusieurs critères, y compris le

 17   fait que c'est un document officiel. Mais là, plus concrètement, on a

 18   demandé au témoin ce qu'il en est des différents éléments repris dans le

 19   document, quel est le lien entre ces éléments et les événements auxquels il

 20   a pris part. Il a élucidé d'une manière tout à fait significative pour la

 21   Chambre la teneur de ce document, et c'est exactement le type de réponse ou

 22   de témoignage qui intéresse la Chambre, à savoir à la fois fournissant le

 23   contexte et l'importance des personnes ayant pris part aux événements sur

 24   le terrain. Donc je demanderais aux Juges de la Chambre de verser ce

 25   document au dossier.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant que la décision ne soit prise, est-ce que

 27   je peux m'exprimer ?

 28   Ce document ne m'est pas destiné à moi. Ce document était destiné à

Page 2036

  1   des subordonnés. Quel lien est-ce que cela peut avoir avec ma manière de

  2   voir les choses ou avec ce que j'ai dit lors d'une réunion ?

  3   Je pense que tout ce que M. Tieger vient de dire n'est pas conforme à

  4   la décision de la Chambre qui est en vigueur. Et d'ailleurs, ce document ne

  5   m'est pas adressé, ce document du général Galic, et c'est la raison pour

  6   laquelle je pense qu'il ne serait pas conforme d'en accepter le versement.

  7   D'autre part, M. Harland, qui a un esprit très littéraire, voire

  8   baroque, il s'aventure dans l'explication des intentions, des pensées de

  9   toute une série d'individus, y compris du général Galic, en l'occurrence.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre estime que ce document est

 12   pertinent. Sa valeur probante et son authenticité n'ont pas été remises en

 13   question. La Chambre estime que ce témoin a confirmé en partie la teneur de

 14   ce document dans la mesure où cela corrobore ses observations au moment des

 15   faits. Nous rejetons, par conséquent, l'objection, et nous allons accepter

 16   le versement de cette pièce.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P825.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, quant à l'objection

 19   que vous avez soulevée, à savoir vous avez dit, entre autres, que ce

 20   document ne vous était pas envoyé, mais cela n'a pas posé problème au

 21   moment de la question de l'admissibilité. C'est plutôt une question de

 22   poids que nous allons accorder à ce document à uns stade ultérieur.

 23   Madame Edgerton.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation]

 25   Q.  Docteur Harland, très brièvement, est-ce que nous pouvons reparler de

 26   ces réunions auxquelles vous avez assisté avec la direction des Serbes de

 27   Bosnie, y compris le Dr Karadzic. Pendant ces réunions, est-ce que vous

 28   avez entendu parler des protestations au sujet de ces incidents de

Page 2037

  1   pilonnages ou de tirs embusqués, des protestations adressées au Dr Karadzic

  2   ou à d'autres membres de la direction politique ou militaire des Serbes de

  3   Bosnie ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que vous pouvez, de manière générale, nous dire quelles étaient

  6   les réponses que vous avez entendues ?

  7   R.  Pour ce qui est du Dr Karadzic, en principe, il rejetait l'existence

  8   même du problème, ou bien il disait qu'il allait examiner les choses, ou

  9   bien il disait qu'il avait déjà donné des ordres pour qu'on arrête d'ouvrir

 10   le feu.

 11   Q.  A votre connaissance, quelle était l'efficacité de ces protestations,

 12   le savez-vous ?

 13   R.  De manière générale, il n'y avait guère d'effet. De manière analogue,

 14   la même situation était celle des protestations par écrit, des lettres que

 15   nous envoyions, mis à part des moments très précis où l'OTAN menaçait de

 16   recourir à la force contre les Serbes. Là, il est arrivé parfois que cela

 17   soit suivi d'effet, et parfois des décisions ont pu être traduites dans les

 18   faits.

 19   Q.  Pour que ce soit un peu plus concret, est-ce que vous avez jamais

 20   entendu que l'on adresse ces protestations relatives à des incidents au

 21   général Mladic lors de ces réunions ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et y a-t-il eu une réaction ? Et si oui, quel type de réaction ?

 24   R.  Le général Mladic réagissait de façon tout à fait différente du Dr

 25   Karadzic. Bien entendu, il s'agit d'un personnage qui est beaucoup plus

 26   enclin à l'affrontement. Le Dr Karadzic, quant à lui, avait pour habitude

 27   d'établir un lien entre un problème et un autre problème et, en général, il

 28   veillait à ce que le problème ne puisse jamais se résoudre.

Page 2038

  1   D'ailleurs, il y a un souvenir qui me revient à l'esprit - je ne sais plus

  2   très bien pourquoi - il y a eu un jour un problème d'adduction d'eau à

  3   Sarajevo, comme d'habitude, nous avons évoqué ce problème pendant une

  4   certaine période aux réunions. Et le Dr Karadzic a lié ce problème à la

  5   question de l'alimentation en eau de l'endroit qu'il appelait Srbobran

  6   [phon], et après que cela ait créé une certaine confusion dans le débat, il

  7   s'est avéré qu'il s'agissait de Donji Vakuf. Le général Mladic, quant à

  8   lui, était un général beaucoup plus direct et beaucoup plus combatif

  9   lorsqu'il repoussait nos protestations.

 10   Q.  Je vous remercie. J'aimerais maintenant que nous passions à un autre

 11   sujet que vous évoquez dans vos dépositions orales et dans vos déclarations

 12   écrites, à savoir les événements survenus le 5 février 1994.

 13   Mais peut-être qu'avant d'entrer dans le détail de ces événements, vous

 14   pourriez nous dire, si vous vous en souvenez, quelle était la situation à

 15   Sarajevo du point de vue de la sécurité à la fin du mois de janvier ou au

 16   début du mois de février 1994 ?

 17   R.  La situation était mauvaise. C'était une période au cours de laquelle

 18   l'OTAN n'avait proféré aucune menace claire de recours à la force contre

 19   les Serbes, pas plus que ne l'avait fait qui que ce soit d'autre. C'est une

 20   période qui se situe à un moment où le gouvernement bosniaque venait de

 21   rejeter le plan de paix Owen-Stoltenberg, il l'avait fait quelques mois

 22   auparavant. Donc, de façon générale, on peut dire qu'il y avait très peu de

 23   raisons pour quelque partie belligérante que ce soit à limiter son action

 24   militaire, et donc c'était une période à Sarajevo qui était caractérisée

 25   par une intensité relativement élevée de pilonnages et de tirs de tireurs

 26   embusqués ou à l'aide d'armes d'infanterie, et c'était aussi une période où

 27   les restrictions en matière d'approvisionnement en eau, en gaz et en

 28   électricité étaient importantes, et une période où les convois circulaient

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  1   très difficilement.

  2   Q.  Pendant votre mission, est-ce que vous avez été informé des événements

  3   qui ont entouré le pilonnage de l'endroit que l'on connaît désormais sous

  4   le nom de "Markale 1" le 5 février 1994 ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Quelles étaient vos sources d'information sur cet   incident ?

  7   R.  Il s'agit d'une série d'enquêtes qui ont été menées au sujet de cet

  8   incident, enquêtes qui ont été entreprises officiellement par nos

  9   observateurs militaires des Nations Unies, ainsi que par le Bataillon

 10   français responsable dans le secteur et par les ingénieurs de la FORPRONU.

 11   Par ailleurs, j'ai immédiatement envoyé sur les lieux de l'incident un de

 12   mes collègues, natif de la région et qui était médecin. Pour ma part, je me

 13   trouvais à l'aéroport de Sarajevo lorsque la nouvelle de l'incident m'est

 14   parvenue. J'étais en compagnie de M. Krajisnik et du Pr Koljevic, si je ne

 15   me trompe, ainsi que de M. Silajdzic, et de M. Muratovic, et la nouvelle de

 16   l'incident nous est parvenue et, entre nous, membres de la FORPRONU, nous

 17   avons décidé que le général Rose et le général Mucibaba, qui était notre

 18   collègue, natif de la région, allaient se rendre immédiatement sur les

 19   lieux de l'incident, et que pour ma part, j'allais rentrer au QG pour

 20   établir un certain nombre de contacts. Donc j'ai été informé des résultats

 21   de l'enquête, j'ai lu le rapport de cette enquête, j'en ai discuté avec

 22   l'auteur de ce rapport, ensuite j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec les

 23   enquêteurs ainsi qu'avec le général Rose et le Dr Mucibaba.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65

 25   ter numéro 09625.

 26   Q.  Pendant que nous attendons l'apparition du document sur l'écran,

 27   j'aimerais vous demander, Monsieur, si vous vous êtes personnellement rendu

 28   sur les lieux de l'incident ?

Page 2040

  1   R.  Non.

  2   Q.  Connaissez-vous le lieu de l'incident ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Comment cela se fait-il ?

  5   R.  C'est le plus grand marché de cette partie de Sarajevo. On pourrait

  6   même dire, à bien des égards, qu'il s'agit du principal marché de Sarajevo.

  7   Q.  J'aimerais maintenant vous demander de vous pencher sur le document qui

  8   apparaît à l'écran devant vous, et qui porte le titre suivant : "Evaluation

  9   politique hebdomadaire en Bosnie-Herzégovine, numéro 53". Est-ce que vous

 10   reconnaissez ce document ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que vous êtes l'auteur de ce document ?

 13   R.  Oui.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais maintenant qu'on affiche

 15   grâce au prétoire électronique la page 5, et c'est le deuxième paragraphe

 16   entier de cette page qui m'intéresse.

 17   Q.  Ce paragraphe commence par le mot "plus tard." Et je remarque que dans

 18   ce document, vous rendez compte d'une déclaration faite par le président de

 19   l'assemblée, Momcilo Krajisnik. Et je lis un passage du texte, à présent.

 20   Je cite :

 21   "Dans un ordre d'idées assez similaire, le président de l'assemblée,

 22   Krajisnik, a prétendu que nombre de corps sans vie vus à la télévision

 23   n'étaient pas de vrais corps humains du tout, mais simplement des

 24   mannequins habillés de façon à ressembler à des victimes d'explosions."

 25   Alors, sur la base des renseignements que vous avez reçus, est-ce que vous

 26   avez la moindre raison de faire foi à cette déclaration ?

 27   R.  Non, c'était tout à fait bizarre et, à mes yeux, si vous me le

 28   permettez, cela illustrait simplement la grande distance qui séparait la

Page 2041

  1   réalité de ce que pensaient certains dirigeants au pouvoir.

  2   Q.  Pourquoi est-ce que vous n'avez pas accordé foi à cette déclaration ?

  3   R.  Bien, entre autres motifs, j'ai envoyé sur place un médecin, un

  4   collègue à moi, qui faisait partie du personnel avec lequel je travaillais,

  5   qui est tout à fait qualifié pour établir la différence entre un corps sans

  6   vie et un mannequin. Et il ne fait aucun doute qu'il s'agissait de

  7   cadavres, et il y en a d'ailleurs pas mal qui ont été emportés à l'hôpital.

  8   Il y a des corps qui ont été emmenés à l'hôpital et qui étaient ceux de

  9   survivants. Donc la question ne se pose pas et, à mon avis, cette

 10   déclaration est absolument bizarre.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais

 12   le versement au dossier de ce document.

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P826.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation]

 18   Q.  Avançons, mais toujours au sujet du même incident qui est évoqué,

 19   en partie, en tout cas, dans les paragraphes 82 à 86 de votre déclaration

 20   préliminaire.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demanderais l'affichage du

 22   document 65 ter numéro 09632 qui est l'évaluation politique hebdomadaire de

 23   la Bosnie-Herzégovine par la FORPRONU, numéro 54, datant du 25 février

 24   1994. Voici le document à l'écran.

 25   Q.  Monsieur Harland, est-ce que vous reconnaissez ce

 26   document ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Est-ce vous qui l'avez écrit ?

Page 2042

  1   R.  Oui.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on

  3   affiche la page numéro 6 de ce document dans le prétoire électronique.

  4   Premier paragraphe complet de la page 6, c'est le passage qui m'intéresse.

  5   Q.  Dans ce premier paragraphe, vous faites remarquer ce qui suit, je cite

  6   :

  7   "La politique menée par les Serbes a été synthétisée par le président de

  8   l'assemblée, M. Krajisnik, qui a déclaré, je cite : 'Nous ferons tout pour

  9   éviter les frappes aériennes, sauf capituler.'"

 10   Est-ce que vous avez un commentaire par rapport à cette remarque que

 11   vous mettez par écrit à ce moment-là dans cette déclaration ?

 12   R.  Bien, rien d'autre à dire, hormis que ceci est tout à fait explicite,

 13   et que c'est un bon exemple de la façon de laquelle les Serbes réduisaient,

 14   assez souvent, le niveau des pilonnages et des tirs embusqués, ainsi que la

 15   gravité des restrictions pesant sur l'accès à l'électricité, au gaz, et

 16   cetera, pour réagir par rapport à ce qu'ils percevaient comme une menace

 17   venant de l'extérieur. Et ici, ce sont eux qui le disent eux-mêmes.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 19   versement au dossier de ce document.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est admis.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P827, Monsieur le

 23   Président.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation]

 25   Q.  Nous avançons maintenant dans le temps, et nous arrivons au mois d'août

 26   1995 et à l'incident dont il est courant de l'appeler "L'incident de

 27   Markale 2." Est-ce que vous avez eu connaissance de cet incident dans le

 28   cadre de vos fonctions sur place ?

Page 2043

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous êtes-vous rendu sur les lieux de l'incident ?

  3   R.  Je suis passé par cet endroit. Je suis allé à cet endroit peu de temps

  4   après que l'incident de Markale 2 s'est produit. Donc en fin de matinée,

  5   c'est le moment où l'incident s'est produit, et je suis passé par les lieux

  6   dans la soirée.

  7   Q.  Est-ce que vous avez eu connaissance de rapports établis et d'enquêtes

  8   conduites au sujet de cet incident ?

  9   R.  Oui, en grand nombre.

 10   Q.  Comment est-ce que vous en avez été informé ?

 11   R.  Je me trouvais dans la pièce au moment où le général Smith a ordonné

 12   qu'une enquête immédiate soit menée, et j'ai été présent dans les heures et

 13   la journée ou les deux journées suivantes, au moment où les auteurs de ces

 14   rapports étaient conviés à présenter leur analyse de ce qui s'était passé,

 15   et de l'endroit d'où les tirs provenaient.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage du

 17   document 65 ter numéro 01692.

 18   Q.  Est-ce que vous voyez le document qui s'affiche sur l'écran devant

 19   vous, Monsieur Harland ?

 20   R.  Oui. C'est une note adressée au général Smith et provenant de la

 21   cellule chargée du renseignement.

 22   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Comment cela se fait-il ?

 25   R.  J'étais présent au moment où ce document a été soumis au général Smith,

 26   devant le chef de la cellule G2, c'est-à-dire la cellule chargée du

 27   renseignement, et je veux parler du colonel Powers, et j'étais présent au

 28   moment où des annotations manuscrites ont été apportées au document.

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  1   Q.  Je remarque que ce document évoque non pas un tir de mortier, mais cinq

  2   tirs de mortier qui auraient provoqué des impacts; ceci est-il exact ?

  3   R.  C'est exact.

  4   Q.  Et à votre connaissance, y a-t-il un de ces tirs qui a provoqué des

  5   morts ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  A votre connaissance, et puisque vous étiez présent sur place lorsque

  8   ce document a été présenté au général Smith et à ceux qui l'accompagnaient,

  9   y a-t-il eu le moindre doute au sein du commandement de l'ABiH quant à

 10   l'origine de ces tirs de mortier ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  La FORPRONU a-t-elle émis une quelconque déclaration portant sur

 13   l'origine de ces tirs d'obus ?

 14   R.  Le commandant, le général Smith, a fait une déclaration dans laquelle

 15   il disait -- je ne me rappelle pas les mots exacts, mais en tout cas il

 16   disait que peut-être tout n'était pas encore entièrement clair quant à

 17   l'origine des tirs.

 18   Q.  Saviez-vous à ce moment-là pourquoi une telle déclaration a pu être

 19   publiée alors qu'il n'y avait pas de doute, à votre connaissance, quant à

 20   l'origine des tirs ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et cela était dû à quoi ?

 23   R.  Ça va prendre une ou deux minutes pour répondre à cette question, si

 24   cela ne vous dérange pas.

 25   En fait, le général Smith avait un plan pour mettre fin à la guerre en

 26   Bosnie-Herzégovine, ou du moins il avait prévu une série d'initiatives qui

 27   auraient contribué à mettre fin à cette guerre. Au centre de ces

 28   initiatives, il fallait que les frappes aériennes de l'OTAN ciblent les

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  1   Serbes de Bosnie, et ceci, de manière massive.  Afin de lancer ces frappes

  2   aériennes, il fallait résoudre deux problèmes. Nous avons le problème que

  3   l'on appelle le problème de Mogadishu, qui n'est peut-être pas vraiment

  4   intéressant pour les Juges de cette Chambre, et puis, vous aviez la

  5   question des otages, à savoir il ne pouvait pas déclencher un usage massif

  6   de la frappe aérienne de l'OTAN contre les Serbes de Bosnie tant qu'il

  7   n'était pas sûr que le personnel des Nations Unies, et plus

  8   particulièrement le personnel des Nations Unies des différents pays membres

  9   de l'OTAN, n'étaient pas encore présents sur le territoire des Serbes de

 10   Bosnie, car sinon, ils seraient très vulnérables et ils auraient pu être

 11   pris en otage. Car les Serbes avaient prouvé que s'ils prenaient des

 12   otages, ils les utilisaient comme boucliers humains, et cela signifie que

 13   l'OTAN ne pouvait pas, en fait, passer à la vitesse supérieure et augmenter

 14   ses frappes aériennes. Par conséquent, le général Smith avait depuis

 15   plusieurs semaines, très discrètement, fait partir le personnel de la

 16   FORPRONU, notamment le personnel ressortissant des pays membres de l'OTAN,

 17   pour qu'ils ne soient plus basés sur le territoire tenu par les Serbes de

 18   Bosnie.

 19   Mais, bien sûr, personne ne pouvait prévoir que les atrocités de Markale

 20   déclencheraient ces frappes aériennes, et ce qui est malheureusement pour

 21   la FORPRONU, c'est exactement ce jour-là qu'une petite unité de troupes de

 22   la FORPRONU, des ressortissants britanniques qui étaient des troupes de

 23   l'OTAN, qui se sont retrouvés sur le territoire contrôlé par les Serbes de

 24   Bosnie. Je crois que c'est l'unité qui quittait, en fait, la poche de

 25   Gorazde et qui rentrait de leur rotation, si vous voulez. Je crois que

 26   c'était dans un village qui s'appelait Dobrun. C'est là qu'ils se

 27   trouvaient. Par conséquent, le général Smith avait absolument besoin de

 28   quelques heures, il devait gagner quelques heures de façon à pouvoir

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  1   exfiltrer ces troupes britanniques de façon à ce qu'elles ne puissent pas

  2   être utilisées par les Serbes comme bouclier humain. Il avait besoin de

  3   quelques heures, sans que les Serbes ne se rendent compte de ce qui se

  4   passe, pour se préparer à la frappe aérienne.

  5   Par conséquent, nous avons eu des discussions sur les mesures à

  6   prendre, et la décision a été la suivante : nous avons pensé que la

  7   meilleure manière de s'assurer que les Serbes n'essayent pas rapidement de

  8   prendre en otage ces troupes, pour éviter cela, nous devions publier une

  9   déclaration très générale et très neutre en disant que nous ne savions pas

 10   qui était à l'origine de ce bombardement, et ceci signifiait que l'on ne

 11   laissait pas transparaître de cette déclaration quelles seraient les

 12   mesures qui seraient prises par la FORPRONU, qui se préparait donc à des

 13   frappes aériennes de très grande envergure afin de mettre fin à la guerre.

 14   C'est la raison pour laquelle cette déclaration a eu cette teneur, et

 15   ce n'est peut-être que cela a permis à ce mythe de perdurer concernant les

 16   auteurs de ce bombardement.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 18   les Juges, le document qui reste à l'écran est le document qui porte la

 19   cote 65 ter 1692. Est-ce que je pourrais verser ce document au dossier,

 20   s'il vous plaît.

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P828.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 25   les Juges, sous réserve de la résolution concernant les documents associés

 26   qui ont été mentionnés dans la déclaration du Dr Harland et qui figurent

 27   dans notre communication du 29 avril, ceci conclu mon interrogatoire

 28   principal.

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  1   Au total, il s'agit de 92 documents dont je parle, et j'aimerais, si vous

  2   me le permettez, verser ces documents au dossier.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  4   Il nous reste cinq minutes.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le Juge Morrison a une question.

  7   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Avant que M. Karadzic commence son

  8   contre-interrogatoire, Monsieur Harland, vous avez mentionné le facteur de

  9   Mogadishu. Je suppose que ce que vous entendiez par là c'était d'éviter que

 10   certaines puissances soient impliquées à l'instar de ce qui s'était passé

 11   au niveau des troupes américaines à Mogadishu, et vous avez peut-être

 12   essayé d'éviter le sujet.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, voilà ce qui s'est passé exactement.

 14   Le général Smith, à l'instar de son prédécesseur, le général Rose, avait

 15   peur qu'en tant que commandant de la FORPRONU, s'il ordonnait des frappes

 16   aériennes massives contre les Serbes, étant donné que les Serbes

 17   contrôlaient les pièces d'artillerie dans les montagnes autour de Sarajevo,

 18   il avait donc peur que des Serbes puissent riposter contre la FORPRONU et

 19   contre les bases du HCR des Nations Unies sur la vallée, si vous voulez,

 20   parce qu'il s'agissait de zones très vulnérables. La population de Sarajevo

 21   devenait vulnérable, ainsi que le gouvernement musulman. S'il y avait une

 22   riposte massive des Serbes, les pays qui étaient propriétaires des avions,

 23   c'est-à-dire les Etats-Unis et les autres pays, perdraient peut-être de

 24   leur calme et, par conséquent, se retiraient. Par conséquent, c'est ce qui

 25   s'était passé à Mogadishu. Par conséquent, le général Smith pensait qu'il

 26   avait besoin, avant de lancer des frappes aériennes de l'OTAN, d'unités

 27   d'artillerie importantes qui seraient placées sur le mont Igman de façon à

 28   pouvoir bombarder l'artillerie serbe afin de contrecarrer les tirs

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  1   d'artillerie serbes. Donc si vous voulez, c'est une série d'événements que

  2   l'on appelle, en fait, le problème de Mogadishu. La FORPRONU a pu résoudre

  3   ce dilemme de Mogadishu et la question des otages, et les frappes aériennes

  4   ont pu commencer et ont permis de mettre fin à la guerre.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons conclure notre audience

  6   d'aujourd'hui. Mais demain matin, j'aimerais que Me Robinson nous présente,

  7   point par point, si c'est possible, la liste des différentes pièces.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une correction à apporter.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, en fait, ce serait toutes les

 10   objections, si vous voulez.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la page 38, ligne 23, il y a quelque chose

 12   qui est mentionné et que je n'ai pas dit. Ceci a été consigné au compte

 13   rendu d'audience, et cela ressemble, en fait, à un gros mot ou une insulte.

 14   Vous pouvez peut-être vérifier ceci sur les bandes audio. Il semble que

 15   j'aie dit, "Madame Damn", et je n'ai jamais dit cela.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous vérifierons tout cela.

 17   Demain, nous avons une audience durant la matinée, n'est-ce pas; c'est

 18   exact ? C'est exact. Nous aurons notre audience demain, et nous

 19   commencerons nos débats à 9 heures.

 20   [Le témoin quitte la barre]

 21   --- L'audience est levée à 18 heures 57 et reprendra le vendredi 7 mai

 22   2010, à 9 heures 00.

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