Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 19 mai 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaite un bon après-midi à toutes

  6   et à tous.

  7   Apparemment, Monsieur Karadzic, vous avez quelques questions que vous

  8   souhaitez soulever.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellence. Puis-je procéder ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai un certain nombre de sujets à aborder

 12   devant vous, dont l'un qui est l'un des plus importants est l'intention -

 13   j'espère que ce n'est pas encore une décision - d'instaurer une semaine de

 14   travail de quatre jours. Nous avons déjà du mal à supporter une semaine de

 15   travail de trois jours, compte tenu des moyens à notre disposition. Lord

 16   Bonomy, rappelez-vous, avait même dit que les journées de travail se

 17   limiteraient à deux jours, et mon équipe comptait huit personnes.

 18   Mais cette équipe vient d'être réduite à cinq personnes, dont un

 19   spécialiste des questions juridiques, alors que les autres membres de cette

 20   équipe n'ont pas la capacité de réaliser tout le travail que nous avons à

 21   réaliser.

 22   Dès le début du procès, j'avais dit que je tirerais profit de toutes les

 23   opportunités et que je ferais tout ralentir la procédure. Or, c'est

 24   effectivement mon droit, j'ai le droit de freiner toute présentation

 25   d'affirmations erronées, et en particulier, toute présentation

 26   d'affirmations clairement erronées de la part du Procureur, et ceci a une

 27   très grande importance pour mon peuple là-bas pour le rétablissement de la

 28   paix. Etant donné le procès au cœur duquel je me trouve, qui doit se mener

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  1   dans l'équité entre les parties, il est très important pour moi de faire

  2   tout ce qui est en mon pouvoir pour gagner du temps.

  3   Donc une journée de trois semaines me paraît convenable tant que nous

  4   n'aurons pas obtenu du greffe trois collaborateurs supplémentaires pour

  5   nous trouver avec une équipe au moins égale à ce qu'elle était jusqu'à il y

  6   a peu. Etant donné que par tous ces changements on limite les possibilités

  7   qui sont les miennes et que l'équivalent de ces limitations se résume pour

  8   le Procureur un raccourcissement de l'interrogatoire principal, je dirais

  9   que ce raccourcissement de l'interrogatoire principal n'a aucun sens très

 10   important pour nous. Au contraire, le travail n'en est pas facilité pour

 11   nous; il en est, dirais-je même, rendu plus difficile. Le nombre de moyens

 12   de preuve qui sera soumis à tel ou tel témoin de la part du Procureur

 13   demeurera en tout état de cause le même, quelle que soit la durée du temps

 14   consacré aux questions.

 15   Donc véritablement, la Défense estime que cet exemple est un des

 16   derniers bastions démontrant que le procès peut vraiment être un procès

 17   exemplaire du point de vue de son équité, et donc un modèle pour la

 18   communauté internationale. Au cas où cela ne serait pas le cas, nous nous

 19   trouverions dans une situation difficile, car le procès ne sera pas, dans

 20   ces conditions, équitable. Nous n'aurons pas la possibilité d'exposer

 21   l'ensemble des éléments que nous souhaitions exposer et nous n'aurons pas

 22   la possibilité de présenter tous les arguments qui sont exigés, étant donné

 23   les nombreuses accusations pesant sur nous du fait de l'action du

 24   Procureur.

 25   Nous espérions, quant à nous, que la durée de la semaine de travail

 26   serait de deux jours. Même si l'on n'entendait que les témoins viva voce et

 27   les témoins 92 ter, dans ces conditions, peut-être pourrions-nous faire le

 28   travail nécessaire avec huit collaborateurs. Mais dans les conditions qui

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  1   sont proposées aujourd'hui, la situation pour nous est véritablement très

  2   difficile, pratiquement impossible, aussi bien du point de vue des moyens

  3   matériels, que du nombre des collaborateurs, que du point de vue de la

  4   durée de travail.

  5   Vous aurez tous remarqué que les substituts du Procureur se succèdent

  6   du côté du Procureur pour l'audition des différents témoins à charge. Or,

  7   nous n'avons, de notre côté, que cinq personnes susceptibles d'interroger

  8   les témoins. Donc il est tout à fait clair que nos moyens humains et nos

  9   moyens financiers sont considérablement limités, qu'ils ne sont pas égaux à

 10   ceux du Procureur.

 11   Nous demandons donc que si une modification doit intervenir dans la

 12   durée de travail, elle consiste à mettre en place des journées de deux

 13   jours, et pas des journées de quatre jours, car nous avons absolument

 14   besoin de contrer tout ce qu'il doit être contré dans ce procès.

 15   Autre remarque. Par amitié à l'égard de M. van Lynden et de M. Doyle, qui

 16   ont eu la gentillesse de la Défense, j'ai découvert que ces deux hommes

 17   étaient en possession de notes ou de carnets, un peu comme des agendas,

 18   alors que nous n'avons pas vu ces notes. Vous constaterez pendant la

 19   procédure que pour la première fois, il y a des éléments qui n'ont été

 20   évoqués dans aucune émission télévisée et dans aucun reportage des médias,

 21   qui apparaissent dans des déclarations préliminaires de témoins ou durant

 22   les témoignages verbaux des témoins. Donc il faut bien que ces éléments qui

 23   sont tous à notre détriment viennent de quelque part, et nous pensons

 24   qu'ils viennent probablement de ces carnets de notes. C'est la raison pour

 25   laquelle nous prions que la question soit posée à M. van Lynden,

 26   responsable de la Section de défense des Témoins et des Victimes, et

 27   qu'injonction lui soit faite de remettre ses notes et ses agendas, hormis,

 28   bien entendu, les passages qui concernent des questions personnelles ou des

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  1   événements familiaux. Nous demandons également que la même question soit

  2   posée à M. Doyle, nous aimerions aussi jeter un coup d'œil aux notes qu'il

  3   avait en sa possession. Il les avait sur la table durant la réunion et nous

  4   en avons parlé, bien sûr. Il a dit qu'il y avait dans ces carnets de notes

  5   un grand nombre de renseignements d'ordre privé, ce que nous respectons

  6   tout à fait. Mais si nous devions obtenir ces documents de la part de ces

  7   deux hommes, ou même sur injonction de la Chambre, nous aurons besoin, bien

  8   entendu, de quelque temps pour étudier le contenu de ces carnets et

  9   éventuellement enquêter sur un certain nombre d'événements qui pourraient y

 10   être évoqués. Donc il faudrait qu'au moins la date prévue pour le contre-

 11   interrogatoire soit légèrement repoussée, car la Défense ne peut pas

 12   prendre connaissance de documents aussi volumineux en si peu de temps. Nous

 13   n'avons découvert qu'hier ce qu'il en était de ces carnets.

 14   Voilà les préoccupations que la Défense voudrait exposer devant la Chambre

 15   aujourd'hui. Nous ne savons pas d'ailleurs laquelle des deux est la plus

 16   importante; c'est sans doute la première que j'ai évoquée, à savoir la

 17   question de la durée de la semaine de travail et de la durée du contre-

 18   interrogatoire.

 19   M. van Lynden a dit qu'il lui fallait quitter La Haye après la première

 20   partie de l'audience de vendredi. Ceci signifie que le temps consacré à son

 21   audition sera réellement très limité, or c'est un témoin important. Son

 22   opinion peut avoir un effet important sur l'opinion publique mondiale.

 23   C'était un témoin oculaire. Il a vu ce qui se passait des deux côtés. Nous

 24   n'aimerions donc pas que des contraintes aussi importantes nous rendent la

 25   situation plus difficile. Si la Chambre le décide ainsi, nous sommes prêts

 26   à travailler toute la journée de demain, et M. van Lynden pourrait

 27   comparaître à un autre moment.

 28   Merci.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Merci de me donner la parole, Monsieur le

  3   Président, et je vais peut-être aborder une autre question. M. Nicholls

  4   était présent, et sans doute sera-t-il mieux placé pour répondre aux

  5   questions concernant les carnets de notes.

  6   En matière de calendrier, pour l'essentiel, l'Accusation s'en remet à la

  7   Chambre, car c'est la Chambre qui doit décider de ces questions, mais

  8   permettez-moi ces brèves observations.

  9   Voici la première. Je n'ai aucun souvenir d'une mention faite par le Juge

 10   Bonomy d'une semaine de deux jours, et si on a parlé d'une semaine de deux

 11   jours, je suppose que ce n'était pas dans ce contexte-ci, mais je ne

 12   voulais pas que mon silence éventuel soit compris ici dans cette salle

 13   d'audience comme étant la corroboration de cette référence que nous aurions

 14   à notre connaissance.

 15   Ça va de soi, mais vous savez comment perçoit l'accusé son devoir

 16   envers le peuple serbe, les Serbes, les Musulmans, mais ceci ne saurait

 17   être un critère régissant les décisions que vous devez prendre en l'espèce,

 18   et c'est peut-être ainsi signaler certaines des raisons qui sont à

 19   l'origine des inégalités qu'il y a entre ce qu'on estime un temps de

 20   contre-interrogatoire suffisant pour la Défense et ce qu'en pense la partie

 21   adverse ou ce qu'en pense la Chambre.

 22   Je relève enfin que nous avons des exemples nombreux où la Défense a mal

 23   utilisé ses ressources en évoquant des questions qu'il ne fallait pas

 24   nécessairement aborder. Nous avons un tel cas dans une requête récemment

 25   déposée. Et ceci est peut-être une réponse partielle à la question des

 26   ressources et du temps dont l'accusé dit avoir besoin.

 27   Pour ce qui est des carnets de notes, je vais peut-être donner la parle à

 28   M. Nicholls, mais je rappelle que ce ne sont pas des documents que possède

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  1   l'Accusation et qu'on n'aurait pas communiqués. Pas du tout. Ce n'est pas

  2   la question qui se pose ici. Apparemment, dans le cadre des enquêtes que

  3   l'accusé a menées ou fait mener, l'existence de ces carnets a été confirmée

  4   et l'accusé s'y intéresse aujourd'hui. S'il y a une arrivée tardive de ces

  5   carnets de notes, c'est pour cette seule raison.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

  7   Vous voulez ajouter quelque chose, Monsieur Nicholls ?

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  9   Je souhaite simplement confirmer, ce que je voulais le dire en début

 10   d'audience, malheureusement, effectivement M. van Lynden devra nous quitter

 11   vendredi vers 11 heures car il y a un vol qui l'attend. J'en ai informé la

 12   partie adverse dès hier. Le témoin suivant sera prêt.

 13   Et je confirme ce qu'a dit M. Tieger à propos des carnets de notes. C'est

 14   au cours du récolement que nous avons eu hier avec M. van Lynden que nous

 15   en avons eu connaissance pour la première fois, et ce sont les associés de

 16   M. Karadzic qui m'en ont parlé. J'ai dit que je ne les avais pas vus moi-

 17   même, que je ne les avais pas, ces carnets. Je ne sais pas ce qu'en pensera

 18   le témoin. Faudra-t-il examiner la question plus tard, et si c'est le cas,

 19   nous ferons l'impossible pour vous aider s'agissant de ces carnets de

 20   notes.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que, avant que vous ne rendiez une

 23   décision, je puis me permettre de dire quelque chose ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais répliquer à ce que M. Tieger vient

 26   de dire.

 27   D'abord, le Procureur est dans une situation avantagée si énorme qu'il y a

 28   eu investissement d'une quantité énorme d'éléments de preuve en application

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  1   du 92 bis. Et il y en a d'autres que les conseils de la Défense n'ont

  2   jamais vus et n'ont jamais eu l'occasion d'examiner ou d'en faire l'objet

  3   d'un contre-interrogatoire. Il y a énormément d'affirmations, allégations,

  4   éléments de preuve, et je dois avoir l'opportunité de contester, ou alors

  5   que le Procureur dise quels sont les éléments sur lesquels il renonce.

  6   Parce que qu'est-ce qui ne va pas constituer un fondement pour une

  7   condamnation potentielle. Mais tout ce qui risque potentiellement d'être

  8   matière à condamnation, je demande à pouvoir contester par investigation,

  9   par analyse, par exposé de contre-arguments et par confrontation des

 10   témoins avec les éléments que nous avons en notre possession, avec ce que

 11   nous en savons.

 12   Quand M. Tieger a dit qu'il y a eu des questions qu'on n'aurait pas dû

 13   évoquer, ça c'est, en général, des éléments juridiques et non pas des

 14   éléments de fait.

 15   Mais que le Procureur dispose de trois documents à mon encontre, tout ceci

 16   n'aurait pas été nécessaire. Ils n'ont rien, ils essaient de m'ensevelir

 17   avec des documents, et j'ai l'impression qu'ils ont besoin de tous les

 18   témoins qui sont décédés entre-temps pour qu'on les fasse verser au dossier

 19   afin d'assurer un jugement en condamnation.

 20   Pour ce qui est des Musulmans et des Serbes, bien entendu, c'est un élément

 21   complémentaire. Je me défends moi-même, mais le fait est que cette affaire

 22   dépasse l'importance d'un seul individu. Il y a eu mise en place

 23   d'illusions immenses. Bon nombre de personnes ont participé à la création

 24   de ces illusions, les journalistes, le bureau du Procureur, les diplomates,

 25   les éléments militaires étrangers, les Services secrets. Donc on a fait en

 26   sorte que les Balkans soient toujours une espèce de peau en ébullition et

 27   qu'il y ait toujours des éléments de haine ou de mer de sang.

 28   Alors, je me défends, mais je veux tirer les choses au clair parce

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  1   que cela est une chose qui a beaucoup d'importance pour la vie des gens là-

  2   bas.

  3   Donc il faudrait être un peu plus modeste pour ce qui est de la

  4   contestation des possibilités de la Défense, étant donné que de leur côté

  5   les possibilités sont pratiquement illimitées, et si elles ne sont pas

  6   illimitées c'est très disproportionné par rapport aux possibilités qui ont

  7   été accordées à la Défense.

  8   Merci.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous allez être surpris d'apprendre,

 10   Monsieur Karadzic, que la Chambre a l'intention d'organiser une semaine de

 11   cinq jours après la pause estivale.

 12   De toute façon, la Chambre se prononcera en la matière. Mais en mon nom

 13   personnel, je pense qu'une amorce de solution pourrait être celle-ci : on

 14   pourrait, par exemple, à une audience où vous seriez représenté par toute

 15   une équipe qui serait en mesure de mener des enquêtes, ou ici d'ester en

 16   justice.

 17   Pour ce qui est des notes, M. Tieger a dit que l'Accusation ne les avait

 18   pas, et c'est vous qui pourrez poser la question au témoin vous-même

 19   pendant l'interrogatoire principal ou le contre-interrogatoire. J'espère

 20   que vous trouverez une solution, quelle qu'elle soit.

 21   Demain, il y a une salle d'audience qui est libre. Je vais cet après-midi

 22   demander à M. le Greffier s'il est possible d'avoir une audience plus

 23   longue demain. Nous ferons de notre mieux et nous verrons ce que ça va

 24   donner. Nous verrons en fin d'audition s'il faut rappeler à la barre M. van

 25   Lynden ou pas.

 26   Ceci étant dit, nous allons demander à M. l'Huissier d'aller chercher le

 27   témoin.

 28   Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez l'intention d'ajouter des écritures

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  1   à ce que vous avez dit à l'audience pour ce qui est du calendrier prévu des

  2   audiences ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si les Juges de la Chambre estiment que c'est

  4   nécessaire, nous le ferons très volontiers, parce que nous avons toujours

  5   fait objection pour ce qui est des cadences et de l'inégalité des armes et

  6   des ressources. Si tout cela est mis de côté et si cela donne lieu à une

  7   accélération des cadences, ça nous ferait parvenir à une situation où le

  8   procès ne serait pas du tout équitable. Alors, si vous estimez que cela

  9   risque d'influer sur votre décision, je vais certainement me trouver

 10   contraint à vous présenter des écritures.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- voir, c'est vous qui décidez de

 12   l'opportunité de déposer un complément à ces arguments que vous venez de

 13   présenter.

 14   Mais faisons entrer le témoin.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Combien de temps ai-je pour le faire ?

 16   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Disons, d'ici à la fin de la journée de

 18   vendredi.

 19   Bonjour, Monsieur van Lynden.

 20   Je vais vous demander de prononcer la déclaration solennelle.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 22   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 23   LE TÉMOIN : AERNOUT VAN LYNDEN [Assermenté]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

 26   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, vous avez la parole.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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  1   Interrogatoire principal par M. Nicholls :

  2   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur van Lynden.

  3   R.  Bonjour.

  4   Q.  Je vous l'ai dit, nous allons ici en l'espèce demander le versement de

  5   la déclaration que vous avez faite, accompagné de quelques questions de

  6   suivi.

  7   Etes-vous en mesure de confirmer que vous avez lu la déclaration de

  8   synthèse les 25 et 26 février de cette année, déclaration que vous avez

  9   signée le 16 mars 2010 ?

 10   R.  Je le confirme.

 11   Q.  Confirmez-vous que cette déclaration est tout à fait précise et exacte

 12   et que si ces mêmes questions vous étaient reposées aujourd'hui, vous y

 13   répondriez de la même façon ?

 14   R.  En effet.

 15   Q.  Merci. Enfin, dans cette déclaration sont mentionnées plusieurs

 16   séquences vidéo visées en annexe à la déclaration. Confirmez-vous que ces

 17   séquences vidéo sont des copies conformes des reportages télévisés que vous

 18   avez faits ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] Je demande le versement de cette déclaration

 22   de synthèse qui porte le numéro de la liste 65 ter 22289.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document est versé et devient la

 24   pièce…

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] P926. Merci, Monsieur le Président.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 27   Je vais maintenant donner lecture d'un court résumé de la déposition du

 28   témoin.

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  1   Il était journaliste de la télévision qui se spécialisait dans les

  2   reportages en zone de guerre. A ce titre, il a fait des reportages sur les

  3   guerres de Croatie et de Bosnie-Herzégovine à partir de 1991. Il

  4   travaillait pour la chaîne de télévision "British Sky News." "Sky News,"

  5   c'était une chaîne satellitaire, ce qui voulait dire que tout le monde en

  6   Europe qui avait les moyens techniques nécessaires pouvait voir ces images

  7   et ces reportages.

  8   Il est arrivé à Sarajevo fin du mois de mai 1992, et il est resté à

  9   Sarajevo jusqu'en septembre 1992. Après, il a passé quelque trois semaines

 10   à Pale, et il est rentré en octobre 1992 à Sarajevo pour y poursuivre ses

 11   activités. Il est resté un certain temps à Sarajevo.

 12   En 1993 et en 1994, le témoin a fait des reportages dans d'autres zones de

 13   la Bosnie-Herzégovine et effectué des déplacements aussi à Sarajevo. A

 14   Sarajevo, il a surtout séjourné à l'ancien hôpital de la JNA, appelé aussi

 15   hôpital municipal ou hôpital d'Etat. Il y a dans ce bâtiment quelque 12 ou

 16   13 étages et il se trouve pratiquement au centre de la ville, près de la

 17   place Marin Dvor, du parlement, de la ligne de front de Grbavica, ce qui

 18   veut dire que M. van Lynden et son équipe étaient très bien placés pour

 19   voir ce qui se passait et pour filmer ce qui se passait à l'hôpital.

 20   L'hôpital a souvent été la cible de tirs avant l'arrivée de M. van Lynden,

 21   mais il y a eu de tels incidents pendant son séjour également. Pendant

 22   qu'il se trouvait là, il n'a pas vu de tireurs embusqués qui auraient tiré

 23   depuis l'hôpital.

 24   Une fois arrivé à Sarajevo, il a pu voir dans quelles conditions vivait la

 25   population. Il a vu les difficultés énormes provoquées par l'absence des

 26   denrées les plus nécessaires, que ce soit de la nourriture, de l'eau ou

 27   d'autres services, et il a vu aussi l'effet qu'a eu le pilonnage sur la

 28   population de Sarajevo. Il décrit la peur qui accompagnait les attaques et

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  1   pilonnages. Il a vu des gens touchés par balles, gisant dans les rues de

  2   Sarajevo, et ces tirs de tireurs embusqués sont devenus quelque chose de

  3   tellement fréquent, que finalement, à moins qu'il n'y ait quelque chose de

  4   particulièrement horrible qui vienne s'y greffer, on n'en parlait même pas

  5   à la télévision.

  6   M. van Lynden parle de la situation qui régnait dans les rues de Sarajevo,

  7   où les gens devaient traverser en courant à des carrefours pour ne pas être

  8   touchés par des tirs de tireurs embusqués. Il parle de ces pilonnages à

  9   l'artillerie lourde à Sarajevo, de ces tirs de tireurs embusqués, des

 10   pilonnages intenses sur la ville, sur la caserne du maréchal Tito début

 11   juin 1992; d'autres incidents d'artillerie lourde en juin 1992, de plus en

 12   plus intenses; on a tiré sur les tours UNIS et dans d'autres quartiers de

 13   Sarajevo; il a vu des civils blessés qu'on emmenait à l'hôpital de la

 14   ville, début juin 1992; et le 5 décembre 1992, il a vu un immeuble où il y

 15   avait des appartements qui avaient été pilonnés et qui, ainsi, avaient été

 16   incendiés.

 17   Il parle de cette situation à Dobrinja en juillet 1992; il parle de cette

 18   réunion avec Juka Prazina en mai et en juin 1992; il a effectué une visite

 19   à la prison de Kula en septembre 1992; à Vlasenica, il y a eu les obsèques

 20   de 28 soldats de la VRS en septembre 1992, il y était aussi, M. Karadzic

 21   était présent; et il parle de la situation qui régnait à Srebrenica en

 22   novembre 1992 lorsque le témoin est entré dans l'enclave.

 23   En septembre et en octobre 1992, il a fait des reportages à partir de Pale

 24   pour relater la guerre du point de vue serbe. Et à cet égard, pendant qu'il

 25   était à Pale, il a passé plusieurs soirées avec M. Karadzic et au cours de

 26   ces soirées ils ont eu des conversations à bâtons rompus après le travail

 27   qui se faisait dans le bureau de M. Karadzic, à l'occasion desquelles M.

 28   Karadzic, avec deux cartes, expliquait sa vision des choses, et M. van

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  1   Lynden a dit qu'il avait vu que c'était une obsession chez M. Karadzic que

  2   de prendre Sarajevo.

  3   En septembre 1992, il a pu interviewer le général Mladic. A cette occasion,

  4   le général Mladic a emmené l'équipe de M. van Lynden et M. van Lynden sur

  5   une position d'artillerie qui surplombait directement Sarajevo. Tout ceci a

  6   été filmé. Nous allons voir une carte aujourd'hui, et M. van Lynden pourra

  7   vous dire approximativement où se trouvait cette position, là où s'est

  8   faite l'interview.

  9   Après cette interview du général Mladic en septembre 1992, M. van Lynden et

 10   son équipe ont effectué plusieurs déplacements sur le périmètre de Sarajevo

 11   pour voir des positions tenues par les Serbes de Bosnie, dont Grbavica, le

 12   cimetière juif, où M. van Lynden a pu parler aux soldats qui s'y

 13   trouvaient. Il est aussi allé au mont Trebevic, à Hrasno, et les Musulmans

 14   de Bosnie l'ont emmené sur une position qui se trouvait près de Zuc Hill.

 15   En février 1993, il a fait un reportage sur le moment où il est entré à

 16   Gorazde. Il a dû, là, passer deux nuits et il y a passé un certain temps.

 17   Il a relaté les conditions qu'il y avait trouvées, la grande pauvreté qui y

 18   régnait, même si elles n'étaient pas aussi mauvaises qu'à Srebrenica.

 19   Février 1994, après les incidents de Markale, il est envoyé à Pale, d'où il

 20   a envoyé plusieurs reportages concernant des négociations qui portaient sur

 21   le retrait des armes lourdes de Sarajevo. Une fois l'accord conclu et une

 22   fois le retrait des armes lourdes effectué, il a pu traverser à pied la

 23   place Marin Dvor qui, jusqu'alors, avait été un endroit trop dangereux pour

 24   s'y aventurer.

 25   Depuis Pale, ses caméramans ont filmé la réunion à laquelle ont participé

 26   Gvero, Milovanovic, Karadzic, Mladic, entre autres, et c'est cette fois-là

 27   que le général Mladic, lorsqu'il a vu M. van Lynden, s'est approché de lui

 28   en colère et lui a dit qu'il n'était pas content de la façon dont il avait

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  1   relaté les événements de Zuc et de Gorazde.

  2   C'est ainsi que se termine le résumé de la déposition du témoin.

  3   Q.  Je n'ai plus que quelques questions de contexte à vous poser avant de

  4   passer directement à Sarajevo, en 1992.

  5   Vous avez grandi et vous avez été formé au Royaume-Uni ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Dites-nous quelques mots de votre service militaire que vous avez fait

  8   dans la marine irlandaise, n'est-ce pas, de 1976 à 1978 ? Avez-vous une

  9   spécialité ?

 10   R.  J'ai suivi une formation d'officier d'infanterie et j'ai une spécialité

 11   en tant que chef de section de mortier.

 12   Q.  Après ce service militaire, vous êtes devenu correspondant de guerre ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Avant l'ex-Yougoslavie en 1991, quels conflits avez-vous vus ?

 15   R.  J'avais commencé par le conflit au Liban, qui avait commencé en 1975.

 16   J'ai vécu à Beyrouth de 1982 à 1986. J'ai aussi fait des reportages sur la

 17   guerre Iran-Irak, qui avait commencé en 1980. L'occupation soviétique

 18   d'Afghanistan, et j'ai fait quatre missions en Afghanistan dans les années

 19   1980, chaque fois à pied, pendant trois mois, avec la résistance afghane.

 20   J'ai couvert aussi la révolution en Roumanie en décembre 1989, puis la

 21   guerre du Golfe après la prise du Koweït par l'Irak, et j'étais avec les

 22   forces alliées pendant l'opération Tempête du désert, au moment de la

 23   libération du Koweït, début 1991.

 24   Q.  Merci. Et si je ne me trompe pas, à partir de 1988 vous travailliez à

 25   plein temps pour "Sky News" ?

 26   R.  Oui. Avant, je travaillais surtout pour la presse écrite et la radio.

 27   Q.  L'essentiel de votre témoignage portera aujourd'hui sur ce que vous

 28   avez vécu à partir de votre arrivée à Sarajevo.

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  1   Quand êtes-vous êtes arrivé, en mai 1992 ?

  2   R.  Fin mai, mais je ne me souviens pas de la date exacte de mon arrivée.

  3   Q.  Vous en parlez dans votre déclaration au paragraphe 6. Mais quelle

  4   était la couverture satellitaire de "Sky News" ? Où pouvait-on capter cette

  5   émission ?

  6   R.  Dans toute la Yougoslavie, je pense, comme dans le reste de l'Europe.

  7   Si vous aviez une antenne, vous pouviez suivre les émissions de "Sky News."

  8   Q.  J'espère l'avoir bien expliqué dans ce résumé. D'abord, vous avez eu

  9   votre base dans ce qui était l'hôpital de la JNA, de la ville, ce qu'on

 10   appelait aussi l'hôpital d'Etat à Sarajevo. Pourquoi avoir choisi ce lieu

 11   comme base ? Pourquoi avoir choisi ce lieu comme point de départ de vos

 12   activités ?

 13   R.  Lorsque nous sommes entrés dans Sarajevo en véhicule, il n'y avait pas

 14   d'hôtel qui soit ouvert. En général, dans un pays étranger, un journaliste

 15   séjourne dans un hôtel. Ce n'était plus possible à Sarajevo. Tous étaient

 16   fermés ou avaient déjà été incendiés. J'ai été voir la présidence de

 17   Bosnie, j'ai demandé son aide pour trouver un logement.

 18   C'est ainsi que nous avons été emmenés dans un bâtiment dont on nous a dit

 19   qu'il avait été utilisé de par le passé pour accueillir des personnalités

 20   étrangères, et c'était devenu la maison à Sarajevo du commandant des

 21   Nations Unies, qui n'était pas encore là. C'est là que nous avons été

 22   hébergés. Un bâtiment pas très haut, tout près de la présidence, dans le

 23   centre de la ville, et nous avons passé une nuit là. Les pilonnages n'ont

 24   pas été particulièrement intensifs mais il y a eu des pilonnages, et nous

 25   avons constaté que vu que ce bâtiment n'était pas assez élevé, il était

 26   impossible de filmer, ce qui fait que les jours suivants, nous nous sommes

 27   mis à la recherche d'un bâtiment plus élevé depuis lequel nous pourrions

 28   filmer les pilonnages qui avaient lieu.

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  1   Le deuxième ou le troisième jour, nous sommes allés à un endroit qu'on

  2   appelait encore l'hôpital militaire. On nous avait dit qu'on s'occupait de

  3   blessés là, mais il y avait aussi encore un soldat de la caserne du

  4   maréchal Tito encore occupée qui avait été emmené là après avoir été

  5   blessé. Nous voulions interviewer cette personne pour voir et savoir ce qui

  6   s'était passé.

  7   Nous avons rencontré le chirurgien en chef de l'hôpital, le Dr Abdulah

  8   Nakas, et à notre arrivée, nous avons vu que ce bâtiment avait été déjà

  9   souvent la cible de tirs, mais qu'il était élevé. Il avait l'air à avoir

 10   été bien fait, donc on s'est dit que de là ce serait peut-être un bon point

 11   pour filmer dans les étages supérieurs qui avaient été évacués. L'hôpital

 12   avait été évacué. Ce n'était plus considéré comme étant un lieu sûr. Donc

 13   nous sommes allés à l'étage du haut et nous avons demandé à M. Nakas si

 14   nous pourrions y passer les nuits afin, effectivement, de filmer

 15   d'éventuels combats.

 16   Il y avait deux éléments intéressants à propos de ce bâtiment. Il était

 17   élevé, donc on voyait bien la ville de là. Et à gauche, il y avait un

 18   balcon d'où on pouvait filmer la vieille ville de Sarajevo. Et devant, il y

 19   avait la place Marin Dvor, le parlement et les collines au sud de Sarajevo.

 20   Et de l'autre côté, à droite, il était possible de filmer la nouvelle ville

 21   de Sarajevo. Donc c'était un point de vue idéal.

 22   Nous avons demandé au chirurgien en chef s'il était possible d'occuper cet

 23   étage supérieur d'un bâtiment qui avait déjà été souvent pilonné, et c'est

 24   là que nous avons pratiquement passé chaque nuit à Sarajevo.

 25   Q.  Merci. Est-ce que vous avez cherché à vérifier si ce bâtiment était

 26   utilisé par des forces musulmanes de Bosnie et est-ce que vous avez cherché

 27   à savoir s'il y avait des activités de tireurs embusqués depuis cet hôpital

 28   ?

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  1   R.  Oui, c'est ce que nous avons fait aussitôt. Parce que si vous allez

  2   dans un bâtiment qui a fait l'objet d'attaques répétées, manifestes, on se

  3   demande pourquoi forcément. J'étais correspondant, j'avais à ma charge une

  4   équipe de télévision et j'avais donc la responsabilité de sa sécurité dans

  5   la mesure du possible puisqu'on était en zone de guerre. Donc je vais

  6   vérifier si c'est bien un bâtiment utilisé ou pas par des forces

  7   militaires, et cette vérification a été minutieuse. L'expérience de 1991 en

  8   ex-Yougoslavie m'avait déjà appris une chose, les soldats yougoslaves, de

  9   quelque bord qu'ils soient, de quelque nationalité ou religion qu'ils

 10   soient, ils ne sont pas très propres quand ils partent. En général, s'ils

 11   occupent un endroit et qu'ils partent, il reste des douilles. On n'en a

 12   jamais trouvé. Et nous sommes souvent allés sur le toit la nuit, c'est

 13   dangereux parce qu'à ce moment-là on vous voit dans la lumière de la nuit.

 14   Nous n'avons rien trouvé. Et nous avons eu beaucoup de conversations avec

 15   d'autres personnes, et jamais personne n'a dit que ce bâtiment avait été

 16   utilisé à des fins militaires par les forces musulmanes de Bosnie.

 17   Q.  Merci. Vous êtes resté à Sarajevo cette fois-là jusqu'à la fin du mois

 18   de mai ou jusqu'au début juin, est-ce que l'hôpital a été la cible de tirs

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous êtes en mesure de dire quels sont les armes ou

 22   projectiles utilisés à cette fin ?

 23   R.  La question est difficile. Si vous êtes dans un bâtiment qui est

 24   touché, on ne sait pas toujours -- bon, on a le degré de bruit, on ne sait

 25   pas quelle est l'importance des dégâts causés, c'est difficile de le dire.

 26   Mais pendant que j'étais à l'intérieur du bâtiment, il me semblait que la

 27   plupart des tirs venaient de calibre faible, 20, 30, 40-millimètres, donc

 28   ça peut être tiré par des canons antiaériens, et il n'y a eu qu'une seule

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  1   fois où je me suis trouvé dans le bâtiment et où je me souviens

  2   parfaitement qu'on était assez sûr que c'était un obus de char, enfin,

  3   quelque chose de ce goût-là, parce que la détonation était très forte et ça

  4   a détruit une partie de la cage d'ascenseur.

  5   Q.  Merci. J'aimerais vous montrer une vue panoramique de Sarajevo. Il

  6   s'agit du numéro 14665A de la liste 65 ter.

  7   Madame, Messieurs les Juges, il s'agit d'une photographie qui constitue la

  8   pièce à conviction que j'ai ajoutée à ma liste d'éléments de preuve et j'en

  9   ai fait une notification.

 10   Alors, ce que nous sommes en train de voir tout au bas de l'écran c'est le

 11   14665, et nous n'avons fait qu'agrandir la partie centrale de la photo ici.

 12   Donc dans la partie supérieure de la photo, Monsieur van Lynden -- il me

 13   semble que c'est quand même un peu trop zoomé. Revenons un peu. Voilà.

 14   Voyez-vous où est-ce que se trouvait cet ex-hôpital militaire où vous vous

 15   trouviez ?

 16   R.  Oui. C'est à droite. Le bâtiment blanc à droite.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que quelqu'un peu aider M. van Lynden

 18   afin qu'il puisse annoter l'emplacement de cet immeuble avec son stylet.

 19   Q.  Peut-être pourriez-vous mettre une flèche et mettre un numéro 1 ?

 20   R.  [Le témoin s'exécute]

 21   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez voir et indiquer quelles sont les tours

 22   de l'entreprise UNIS ?

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Merci.

 25   R.  Ce sera le numéro 2 ?

 26   Q.  Oui, en effet. Merci.

 27   R.  [Le témoin s'exécute]

 28   Q.  Est-ce que vous pouvez nous indiquer maintenant l'édifice du parlement

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  1   ou mettre une flèche ?

  2   R.  [Le témoin s'exécute]

  3   Q.  Mettez donc un numéro 3.

  4   R.  [Le témoin s'exécute]

  5   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez également nous indiquer l'emplacement de

  6   l'hôtel Holiday Inn ?

  7   R.  [Le témoin s'exécute]

  8   Q.  Mettez un numéro 4. Alors, ceci est une photo qui ne date pas de

  9   l'époque. C'est plus récent. Est-ce que vous pouvez nous indiquer

 10   l'emplacement de cette caserne maréchal Tito ?

 11   R.  Oui, c'est assez grand, c'est derrière ces immeubles-ci [Le témoin

 12   s'exécute]. Ce serait le numéro 5 ?

 13   Q.  Oui, s'il vous plaît. Merci.

 14   R.  [Le témoin s'exécute]

 15   M. NICHOLLS : [interprétation] Je voudrais que ceci soit versé au dossier.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tel qu'annoté ?

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, tel qu'annoté.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce

 20   P927. Merci.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci. Vous pouvez enlever ceci de nos

 22   écrans.

 23   Q.  Maintenant que nous avons déterminé l'endroit où vous vous trouviez et

 24   qu'on a annoté ces différents endroits, je voudrais que vous me disiez ce

 25   que vous avez pu constater au quotidien concernant les conditions de vie de

 26   la population à Sarajevo suite à votre arrivée. Ceci se rapporte aux

 27   paragraphes 21 à 30 de votre déclaration consolidée. Est-ce que vous

 28   pourriez dire brièvement, en utilisant vos propres mots, quelles ont été

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  1   vos impressions lorsque vous êtes arrivés concernant les conditions dans

  2   lesquelles se trouvaient les citoyens pour ce qui est de tout ce qui

  3   constituait vivres, eau, fournitures, approvisionnement, et cetera ? Dites-

  4   nous ce dont vous vous souvenez.

  5   R.  Bien, ce qui a fait une impression claire sur nous c'est qu'une fois

  6   qu'on est venus par la route, depuis Ilidza, qui était tenue par les Serbes

  7   de Bosnie, et lorsqu'on est entrés sur le territoire qui était contrôlé par

  8   le gouvernement bosnien, il n'y avait personne sur la route. La caserne du

  9   maréchal Tito était encore entre les mains de la JNA, et on a dû faire tout

 10   le tour en passant par les collines aux fins d'arriver au centre de

 11   Sarajevo. On n'a vu pratiquement aucun véhicule sur la route. Et si ça a

 12   été le cas, c'étaient des véhicules qui conduisaient extrêmement vite. On

 13   avait l'impression que c'était une ville fantôme, une ville vide. Si on

 14   voyait des gens sur les routes sur le territoire tenu par le gouvernement

 15   de la Bosnie dans les collines du sud de Sarajevo, on voyait les gens

 16   courir. Donc il y en avait qui étaient vieux, qui n'étaient pas capables de

 17   courir, et quand il fallait traverser la rue, tout le monde courait pour

 18   traverser.

 19   Lorsque nous sommes arrivés, il n'y avait pas de tirs à l'arme lourde qui

 20   auraient été permanents. C'était occasionnel. Il y avait aussi des tirs de

 21   fusils. Les gens couraient pour traverser les rues et il n'y avait pas

 22   d'abris et pour traverser, il fallait courir.

 23   Je n'ai jamais été dans une ville pareille -- j'ai vécu à Beyrouth, c'était

 24   une ville qui était en guerre, mais la situation n'était pas du tout

 25   pareille, parce qu'il y avait de grandes parties de la ville où les gens ne

 26   pouvaient traverser qu'en courant, et je parle de Sarajevo.

 27   Q.  Merci.

 28   R.  Mais pour ce qui est des approvisionnements en électricité, gaz, eau,

Page 2395

  1   vivres, il n'y avait pas de magasins ouverts. Tout était vide fin mai 1992.

  2   Il y avait de tout petits marchés où des individus vendaient ce qu'ils

  3   produisaient. Mais il était encore possible à Sarajevo d'acheter des

  4   bouteilles de vin rouge. Mais ça c'est disparu très vite. Il y avait un peu

  5   de légumes, très peu au marché, et déjà les vivres constituaient un

  6   problème pour la population.

  7   L'électricité, ça n'a toujours pas été un grand problème en mai 1992. Par

  8   la suite, dans la majeure partie des secteurs de Sarajevo, il n'y avait pas

  9   d'électricité du tout.

 10   Pour autant que je sache, s'agissant des approvisionnements en gaz et eau,

 11   les problèmes étaient bien pires plus tard lorsque la guerre faisait rage.

 12   Mais à ce moment-là, il y avait encore de l'eau courante dans les maisons.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 14   Je voudrais qu'on nous passe brièvement un clip vidéo. Il s'agit du 65 ter

 15   40264A, ça a été diffusé à la date du 1er juin.

 16   A cet effet, je voudrais qu'on fasse un arrêt au début même, où on voit un

 17   symbole.

 18   On s'est arrêté à 00:00:06:8, et on voit un écran d'ordinateur avec une

 19   date. Alors, est-ce que vous pouvez nous indiquer ce qui est montré au

 20   début de votre émission ? On en verra pas mal des cas comme cela lorsqu'on

 21   verra les autres clips.

 22   R.  Ceci est placé par le bureau central de Londres avant la diffusion de

 23   ce qui a été filmé, alors c'est repris par ordinateur. Ce qui fait que vous

 24   voyez une montre qui est réglée à 45 [comme interprété] secondes, et ça

 25   s'est arrêté à deux secondes avant la fin, et c'est là qu'on commence à

 26   diffuser. Alors ici, on voit l'intitulé, "Aernout" et "Yugo," et "Yugo"

 27   veut dire Yougoslavie. On voit le récit qui se rapporte à la date du lundi

 28   1er juin 1992.

Page 2396

  1   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

  2   Madame, Messieurs les Juges, c'est le clip vidéo qui est évoqué au

  3   paragraphe 44 de la déclaration.

  4   Est-ce qu'on peut nous faire voir le clip vidéo maintenant.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   "A Sarajevo, sur les carrefours, on risque d'être tué. Il faut traverser

  8   très rapidement. L'artillerie serbe autour de Sarajevo sur les collines

  9   sont des points de tir. Les personnes âgées doivent accepter que c'est une

 10   nouvelle réalité désagréable de la vie de tous les jours. Voir les gens de

 11   Sarajevo courir dans les rues, à voir cela, on propose des cessez-le-feu, à

 12   convenir à une réunion des représentants des Nations Unies et du président

 13   Alija Izetbegovic --"

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais qu'on s'arrête ici. Merci.

 15   Q.  Tout d'abord, il me semble que c'est le tout premier extrait vidéo que

 16   vous avez envoyé de Sarajevo en mai 1992, une fois arrivé ?

 17   R.  Pour autant que je me souvienne, oui.

 18   Q.  La scène qu'on a vue tout à l'heure, ces personnes qui sont en train de

 19   courir pour traverser la rue ou un carrefour - et vous avez commencé à en

 20   parler - était-ce là chose normale ou est-ce que c'était exceptionnel ?

 21   Est-ce que c'était difficile de trouver des cas de figure comme cela ou

 22   est-ce que c'était quotidien ?

 23   R.  C'était tout à fait quotidien.

 24   Q.  Vous en parlez aussi, et au paragraphe 46 de votre déclaration, vous

 25   dites que Sarajevo était très différente de votre expérience de Beyrouth.

 26   Dans le bref extrait qu'on vous a montré avant de s'arrêter au 00:45:4, on

 27   a vu des vues depuis les collines surplombant Sarajevo. On a vu un

 28   carrefour de filmé. Comment les lignes de tir de Sarajevo différaient-

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  1   elles, de votre point de vue, de ce que vous aviez eu l'occasion de voir à

  2   Beyrouth ?

  3   R.  D'abord, il faut savoir que Sarajevo ça s'est construit autour d'une

  4   rivière qui se trouve au bas d'une vallée, la rivière Miljacka, ensuite la

  5   ville monte vers les collines qui sont autour, au sud et au nord. Ce que

  6   vous avez vu là-haut ce sont les collines du sud qui étaient tenues par les

  7   Serbes. Et littéralement parlant, on l'a vu en septembre 1992, lorsque nous

  8   avons travaillé du côté des Serbes de Bosnie et lorsque nous avons filmé

  9   depuis ces positions-là, on a pu voir que ceux qui se trouvaient là

 10   pouvaient voir littéralement les différentes rues, les différents

 11   carrefours de la ville de Sarajevo et du centre de Sarajevo, donc on voyait

 12   toute la vallée qui se trouvait en contrebas.

 13   Q.  Quand vous dites ceux qui étaient en haut pouvaient voir en bas la

 14   vallée, à qui faites-vous référence ?

 15   R.  Je fais référence aux Serbes de Bosnie.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 17   Monsieur le Président, je voudrais que l'on accorde une référence à cette

 18   vidéo.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce document

 21   sera désormais la pièce P928. Merci.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation]

 23   Q.  Alors, dans le paragraphe 26 de votre déclaration, vous évoquez un

 24   incident concret de tireurs embusqués, et vous précisez que vous n'avez pas

 25   été témoin oculaire de tirs en direction de personnes ou de personnes qui

 26   auraient été touchées par impact de balle, mais vous les avez vus dans la

 27   rue. Plus tard, lorsque l'on avait essayé de les sauver, pouvez-vous nous

 28   dire ce que vous avez vu cette fois-là ?

Page 2398

  1   R.  Si je m'en souviens bien, c'était en juillet 1992. Nous étions au poste

  2   de télévision et nous étions en train de retourner vers la télévision le

  3   long du boulevard du maréchal Tito. Et avant que d'arriver à la caserne du

  4   maréchal Tito, on nous a arrêtés. Des gens dans la rue nous ont fait

  5   stopper, et nous avons pu voir qu'un certain nombre de personnes étaient

  6   allongées dans la rue. La rue était assez large, et c'étaient des gens qui

  7   étaient touchés par balles lorsqu'ils essayaient de traverser la rue. Pour

  8   autant que je m'en souvienne, il y en avait trois. Ils étaient tous les

  9   trois vivants, mais grièvement blessés. On nous a d'abord dit qu'il y avait

 10   une personne de touchée et blessée, qu'une autre personne avait couru pour

 11   l'aider et que cette autre personne avait été touchée aussi, et il est

 12   arrivé la même chose à une troisième personne. Par la suite, les gens ont

 13   compris le message et ils ont compris qu'il ne fallait plus courir là-bas.

 14   Ils attendaient donc l'arrivée d'un véhicule bleu blindé, qui était

 15   probablement un blindé des forces de la police, qui s'est placé entre

 16   l'emplacement des corps et la position à partir de laquelle il y a eu ces

 17   tirs, donc au sud de Beyrouth -- non, de Sarajevo. Excusez-moi. Ça a duré

 18   un moment, et lorsque le blindé est arrivé, il y a eu une suite de tirs en

 19   direction des personnes qui étaient allongées dans la rue. Et pour autant

 20   que je m'en souvienne, deux des trois étaient mortes. On a placé les corps

 21   à bord du blindé de transport et ils les ont emmenés. On a suivi ce

 22   véhicule et on est arrivé à la morgue de l'hôpital de Kosevo, c'était

 23   l'hôpital de l'académie médicale de Sarajevo, où l'on a pris les corps et,

 24   de façon graphique, on nous a montré comment ces personnes avaient été

 25   tuées. Je me souviens qu'il avait passé pratiquement son doigt entier dans

 26   le trou de balle de cet homme mort pour montrer la trajectoire qui a été

 27   suivie par la balle.

 28   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du fait que c'étaient des hommes ou des

Page 2399

  1   femmes ?

  2   R.  Pour autant que je m'en souvienne, il s'agissait d'une femme et de deux

  3   hommes.

  4   Q.  Est-ce que vous avez pu savoir si c'étaient des civils ou des soldats ?

  5   R.  C'étaient définitivement des civils. A cette phase-là, la plupart des

  6   soldats du côté bosnien avaient porté des uniformes. Ceux-là n'avaient pas

  7   porté d'uniformes. Pour autant que je m'en souvienne, la femme qui a été

  8   touchée avait un sac de shopping et elle était d'un âge moyen. Nous nous

  9   sommes renseignés, et pour autant que nous le sachions, c'étaient des

 10   civils.

 11   Q.  Merci. Comme nous l'avons déjà indiqué dans ce bref résumé au tout

 12   début de votre témoignage, au paragraphe 49 de la déclaration, vous

 13   précisez que ces incidents de tireurs embusqués étaient devenus si

 14   habituels que les incidents particuliers ne valait même pas la peine d'en

 15   rapporter dans la presse.

 16   R.  Je crains fort que ce soit le cas. C'était au tout début de la guerre.

 17   Si on faisait, par exemple, un parallèle, c'est comme les attentats

 18   suicides en Irak de nos jours. Au début, c'était la grande nouvelle, début

 19   1993 [comme interprété], mais maintenant, on mentionne à peine ce genre

 20   d'incidents. Et à Sarajevo, ça a été quelque chose de similaire. Au début

 21   de la guerre, c'était quelque chose de tout à fait nouveau, c'était la

 22   ville qui avait été la ville hôte des Jeux olympiques d'hiver en 1984 était

 23   tout à coup exposée à des tirs de tireurs embusqués et les citoyens étaient

 24   ciblés par ces tireurs embusqués, puis les choses ont changé en été 1992.

 25   Donc à quelques mois à peine plus tard, les incidents de tireurs embusqués

 26   étaient si nombreux que cela ne valait même pas la peine de les rapporter.

 27   A moins de parler, par exemple, de l'incident où un jeune homme et une

 28   jeune femme qui avaient essayé de s'enfuir de Sarajevo, c'était une espèce

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  1   de récit ou d'histoire où il y aurait un Roméo ou une Juliette qui était

  2   l'un Musulman et l'autre Orthodoxe, et ils ont été tous les deux tués. Donc

  3   cela a attiré l'attention du public international. Mais dans l'ensemble,

  4   les médias n'avaient plus prêté du tout attention à ce type d'incidents

  5   individuels avec des tirs de tireurs embusqués.

  6   Q.  [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Microphone, Monsieur Nicholls.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation]

  9   Q.  Nous allons passer maintenant à juin 1992 pour ce qui est de ce que

 10   vous aviez envoyé comme reportage dans les premières semaines de juin.

 11   Madame et Messieurs les Juges, il s'agit des paragraphes 52 à 58 de cette

 12   déclaration consolidée, et ça se rapporte aux pilonnages et aux tirs en

 13   direction de la ville. J'ai relevé qu'il y a une erreur de frappe dans les

 14   écritures de lundi. Paragraphe 52, note de bas de page 14, il y a un

 15   mauvais numéro pour ce qui est du 65 ter. Le bon numéro est le 40264C, une

 16   vidéo, que je voudrais qu'on nous passe maintenant. C'est daté du 5 juin,

 17   comme on l'indique au début.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pour autant que je m'en souvienne,

 19   vous avez dit qu'il fallait entendre un D.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, j'ai peut-être par erreur lu ce qui

 21   était erroné. C'est un D qu'il faut entendre. Merci. Oui, c'est bon.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Quelques heures après l'évacuation des troupes depuis les casernes --"

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, non, ce n'est pas le bon. Arrêtez-vous

 26   là. C'est le numéro 4024C [comme interprété]. Oui, excusez-moi. On va

 27   d'abord faire passer cet enregistrement-ci.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "La nuit tombe sur Sarajevo. On voit tomber des obus parmi les vieux

  3   minarets et cela annonce encore une nuit de pilonnage lourd.

  4   "Au fil des six heures à venir, ça ne relâchera pas. Tristement éclairée

  5   par des balles traçantes, la ville est ciblée de toutes parts et de toutes

  6   armes pratiquement. On voit les tracés des tirs de mitrailleuses qui

  7   descendent le long des rues avant que d'atteindre les cibles visées. Les

  8   obus lourds sont en train d'atterrir sur des bâtiments qui s'enflamment

  9   immédiatement après. Des masses de flammes folles qui proviennent de ces

 10   tirs successifs d'obus de mortier éclairent les flancs de l'une des

 11   collines.

 12   "Le monde entier est en train de voir des scènes de destruction agressives

 13   d'une ville, sans rien n'entreprendre du tout."

 14   M. NICHOLLS : [interprétation]

 15   Q.  Bien, le clip vidéo qu'on vient de voir, la date au début était celle

 16   du 5 juin. Et on a pu clairement voir ce que vous avez filmé, mais est-ce

 17   que vous pouvez nous dire ce qu'on voit ? Quelles sont les parties de la

 18   ville qu'on est en train de nous montrer, qu'est-ce que vous avez filmé au

 19   juste ?

 20   R.  Toutes ces images sont des vues prises à partir de la position que nous

 21   avions occupée à l'hôpital militaire, telle que je l'ai décrit au début de

 22   l'audience. Les premières images ont été prises depuis le balcon qui se

 23   trouvait à gauche et qui surplombait la vieille ville de Sarajevo. On a pu

 24   voir les roquettes. Les tirs de roquettes depuis le sommet des collines à

 25   l'est de Sarajevo, et c'était en train de tomber sur la vieille partie de

 26   la ville de Sarajevo. Ce que vous avez vu par la suite ça a été tourné à

 27   partir des fenêtres du milieu du bâtiment qui donne sur la partie centrale

 28   de Sarajevo, ensuite depuis le balcon qui se trouvait à droite, où l'on

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  1   voit les tirs d'obus, et de mitrailleuses lourdes, vers la nouvelle partie

  2   de Sarajevo.

  3   Mais tous ces tirs viennent du sud de Sarajevo depuis les collines qui se

  4   trouvent au sud et les retombées c'est sur la ville. La ville entière était

  5   ciblée. Ce n'était pas des tirs spécifiques, pour cibler un endroit

  6   particulier ou le quartier particulier, c'étaient des tirs qui étaient

  7   dirigés vers la ville entière.

  8   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire suite à cette vidéo brève qui s'arrête

  9   à 09.28.8 - et c'est une question plutôt difficile - mais combien de tirs

 10   avez-vous pu filmer cette nuit-là s'agissant de ce clip, qu'est-ce que cela

 11   constitue ? Ensuite j'aurais une question de suivi. Mais dites-nous d'abord

 12   ce que vous avez réussi à filmer ?

 13   R.  Tous ceux qui n'ont pas été travailler pour la télévision dans une zone

 14   de guerre, il faut dire que tourner ce genre de chose ou filmer ce genre de

 15   chose c'est très difficile. D'abord, vous entendez boum, puis ça se trouve

 16   d'un côté. Le temps que vous arriviez c'était déjà fini. Il y avait de la

 17   fumée et c'est tout. Mais la nuit c'était encore plus difficile. Alors vous

 18   vous dites : Je devrais peut-être continuer à filmer de ce côté, puis ça

 19   tombe de l'autre côté. Par conséquent, pour qu'une équipe de la télévision

 20   réussisse à filmer autant de choses - non seulement une nuit mais pendant

 21   les nuits qui ont suivi - réussisse donc à tourner tous ces tirs-là, ça

 22   signifie que les tirs étaient bien plus nombreux que ce qu'on a réussi à

 23   filmer. Le caméraman qui était en ma compagnie c'est un caméraman qui a été

 24   dans la guerre du Golfe avec moi, il a été pendant la révolution en

 25   Roumanie, avec moi en 1991 en Croatie aussi. Mais nous n'avons jamais été

 26   en mesure de tourner, de filmer ce type de vue pour ce qui est des tirs à

 27   l'article. Et cela vous indique clairement qu'il s'agissait d'une nuit de

 28   pilonnage très lourd, comme cela était le cas dans les nuits d'après.

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  1   Q.  Est-ce que vous pouvez nous donner une idée concernant la durée de ces

  2   pilonnages ? Quand est-ce que cela commençait, au soir et combien cela

  3   durait-il la nuit, ou jusqu'au jour ?

  4   R.  Bien, ça variait d'un jour à l'autre. Vous avez pu voir qu'ici il

  5   faisait encore jour. Ça a commencé fin d'après-midi, début de soirée. Et

  6   autant que je m'en souvienne, dans cette nuit-là, ça avait duré jusqu'à

  7   trois ou quatre heures du matin, à peu près.

  8   Q.  Merci. Je voudrais -- oui, excusez-moi.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Je voudrais d'abord qu'on nous donne une

 10   cote pour cette vidéo.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce que nous avons vu à présent c'est une

 12   référence D et non pas une référence C pour que les choses soient claires.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, c'était un C. Référence C.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, si c'était un C. Merci.

 15   Alors donnez-nous donc une référence. Ce sera le P292 ?

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Non, rectificatif. Ce sera le 929. Merci.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Q.  Alors vous nous avez déjà parlé aujourd'hui de cette caserne qui

 19   s'appelait maréchal Tito et de la situation qui y prévalait.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre un autre clip

 21   vidéo qui est le 40264D daté du 6 juin. Il s'agit d'une vue de la caserne.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24      "A quelques heures seulement après l'évacuation de la caserne du

 25   maréchal Tito, elle devient la cible principale. Les obus tombent dans la

 26   cour de la gare ferroviaire de la ville. Et à l'intérieur de ce grand

 27   complexe militaire, ceux qui sont venus piller comprennent le message qui

 28   leur est envoyé et fuient. Peu de temps après, l'artillerie, depuis les

Page 2405

  1   collines au-dessus de la capitale de Bosnie, trouve un spectre de tirs --

  2   ou un angle de tirs et la caserne explose dans ses flammes. Alors, bien que

  3   ce soit la cible principale, cette caserne, les autres parties de la ville

  4   n'y échappent pas. Il y a des roquettes qui tombent dans la nuit et ça

  5   éclaire le vieux centre de la ville de Sarajevo, ensuite c'est enseveli

  6   sous des ruines. Les obus tombent individuellement, par paires, par trois,

  7   et on a l'impression que la ville est en train de sangloter.

  8   A 3 heures du matin, la caserne redevient la principale cible de

  9   l'attention du tireur. Il s'agit d'un grand complexe militaire qui est

 10   désormais en flammes. Et comme il commence à faire jour, des gens sont en

 11   train de sortir pour voir les dégâts."

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci. On s'est arrêté au point 12:53:2,

 13   c'est-à-dire à l'endroit où on voit sur la vidéo des gens en train de

 14   sortir un lit d'un immeuble.

 15   Q.  Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que nous avons vu au début

 16   même ? Vous avez parlé de cet éventail de cibles, d'obus qui tombaient sur

 17   la gare ferroviaire.

 18   R.  Il est normal pour toutes les unités d'artillerie ou de mortiers,

 19   lorsqu'on leur assigne une cible, au début, les obus vont aller au-delà ou

 20   ne vont pas atteindre le niveau ciblé. Alors, on a vu que les premiers obus

 21   étaient passés par-dessus la caserne et avaient touché la gare ferroviaire,

 22   au nord de la caserne, ensuite ils ont trouvé l'ajustement du tir. C'est

 23   ainsi qu'on procède dans toutes les unités d'artillerie et de mortier dans

 24   le monde entier. D'abord, vous dépassez le tir, ensuite vous réajustez le

 25   tir, puis vous ciblez bien.

 26   Après ces quelques obus de départ, il y a eu des tirs extrêmement précis

 27   pendant toute la nuit en direction de la caserne du maréchal Tito, et des

 28   parties entières de la caserne ont brûlé. Vous avez pu le voir dès le

Page 2406

  1   début.

  2   Q.  Et ce qu'on voit par la suite, est-ce que c'est le même type de tirs ou

  3   est-ce que c'est autre chose qu'on cible, ou c'est toujours la caserne

  4   maréchal Tito ?

  5   R.  Ce qu'on voit après, c'est pendant que l'on avait ciblé directement la

  6   caserne du maréchal Tito, en même temps, il y a eu des tirs vers les autres

  7   quartiers de la ville, et là-bas, s'agissant de ces quartiers, on a tiré

  8   plus au hasard et il est plus difficile de filmer, parce qu'il tombe un ou

  9   deux obus dans une partie de la ville, puis on cesse de tirer dans cette

 10   direction pendant un certain temps, puis alors on court d'une fenêtre à

 11   l'autre de cet hôpital pour filmer ce qu'on était en train de cibler

 12   désormais. Donc c'était au hasard. Ce n'était pas concentré comme cela a

 13   été le cas des tirs dirigés vers la caserne du maréchal Tito.

 14   Lorsque j'étais avec les forces britanniques et américaines dans la guerre

 15   du Golfe, un peu avant la campagne terrestre pour libérer le Koweït, j'ai

 16   passé beaucoup de temps avec des unités d'artillerie. Je n'étais pas dans

 17   l'artillerie, je n'ai pas suivi ce type d'entraînement, alors je leur ai

 18   demandé comment est-ce qu'ils planifiaient leurs opérations au début de

 19   cette campagne terrestre de libération du Koweït. Ils nous ont expliqué

 20   qu'on leur donnait des cibles concrètes et que, s'agissant de ces cibles,

 21   il y a toujours une situation où le personnel militaire sur le terrain,

 22   après les tirs d'artillerie, donc l'infanterie lance ses assauts. Mais ici,

 23   il n'y avait aucune espèce d'infanterie, rien ne se produisait. C'était des

 24   tirs de barrage en direction de la caserne du maréchal Tito, mais aussi en

 25   direction des autres quartiers de la ville.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 27   Je voudrais un numéro de pièce à conviction, Monsieur le Président. C'était

 28   une référence D.

Page 2407

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certes.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document sera

  3   la pièce P930. En plus, j'ajouterais que nous n'avons pas obtenu le

  4   document qui accompagne en général une pièce à conviction. Merci.

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais à présent vous poser une question

  6   au sujet du sort des tours UNIS. Nous verrons également une séquence vidéo

  7   à ce sujet, paragraphe 59 de votre déclaration.

  8   Monsieur le Président, suis-je en droit de penser que nous avons cinq

  9   minutes avant la pause ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, cela va bien.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Donc nous pouvons poursuivre.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais maintenant que soit visionnée la

 14   vidéo qui constitue le document 40264E, séquence qui date du 7 juin, selon

 15   le code de date que l'on voit au début de la séquence.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Ceci était le symbole de la Sarajevo moderne, et aujourd'hui le symbole de

 19   sa destruction. Les flammes détruisent les rez-de-chaussée et montent

 20   jusqu'aux étages les plus élevés en faisant pleuvoir des débris sur les

 21   rues du cœur de la capitale bosniaque. La désintégration de l'une des tours

 22   UNIS de la ville se reflète dans les vitres brisées de la tour jumelle.

 23   Trois cents mètres plus loin, de l'autre côté de la rue, le Parlement de

 24   cet Etat nouvellement indépendant est également touché. Il ne brûle pas,

 25   mais la caserne du maréchal Tito, située non loin de là, est en flammes.

 26   Depuis son évacuation deux jours plus tôt, elle fait l'objet d'attaques

 27   systématiques visant à sa destruction.

 28   Toutes les nuits à Sarajevo, on pense que les choses ne peuvent pas

Page 2408

  1   empirer, mais en fait, elles empirent en transformant les efforts des

  2   médiateurs pour ramener la paix dans la ville qui s'enfonce dans la guerre

  3   en une tentative risible.

  4   Moins de 24 heures plus tôt, les commandants serbes avaient apposé leurs

  5   signatures sur un nouvel accord, encore, affirmant une trêve qui ne fut

  6   jamais respectée ainsi que leur volonté de rouvrir l'aéroport. Aujourd'hui,

  7   les canonniers serbes sur les collines montrent quelle est la réalité de

  8   l'engagement pris par eux. Sous une lune fatiguée, la ville bondit sous les

  9   explosions, éclairée par les incendies et les étincelles qui s'envolent au-

 10   dessus de ses toits.

 11   Avec le retour du jour, nous trouvons les salles de l'hôpital pleines

 12   d'amputés gémissants. Certains survivront, mais les médecins sont résignés

 13   à la mort de cette fillette. Pas loin de l'endroit où gît cette fillette,

 14   deux autres blessés sont déjà partis. C'est un lieu de mort au hasard, avec

 15   certains cadavres couverts, d'autres non. Une petite maison de l'horreur

 16   bosniaque."

 17   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 18   M. NICHOLLS : [interprétation]

 19   Q.  Je pense que cette séquence et le récit qui l'accompagnait se suffisent

 20   à eux-mêmes. Mais pourriez-vous nous dire ce que vous savez au sujet de

 21   cette personne que l'on a vue dans la dernière image, ce jeune garçon sur

 22   la table, que lui est-il arrivé ?

 23   R.  Il n'était pas sur une table, il était sur un brancard, sur le sol.

 24   C'était un garçonnet, comme vous l'avez dit. Et d'après ce que l'on peut

 25   comprendre, il avait succombé à des éclats d'obus.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 27   Je demande un numéro de pièce à conviction, Monsieur le Président, pour ce

 28   document, 4264E [comme interprété].

Page 2409

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P931, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Vingt-cinq minutes de pause.

  5   --- L'audience est suspendue à 15 heures 34.

  6   --- L'audience est reprise à 16 heures 02.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Nicholls,

  8   je vous prie.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  Ce sera ma dernière question au sujet de cette vidéo qui nous montrait

 11   les tours Unis, Monsieur van Lynden. Avez-vous pu voir si des flammes

 12   provenaient des tours UNIS au moment où elles ont été touchées ?

 13   R.  Je n'ai jamais vu la moindre flamme sortant des tours UNIS, non. Nous

 14   avions pénétré dans ces tours quelques jours plus tôt, parce que la caserne

 15   du maréchal Tito était toujours occupée par la JNA à ce moment-là, et nous

 16   souhaitions être en position élevée de façon à filmer cette caserne du

 17   maréchal Tito. Nous avons souhaité ouvrir une fenêtre, nous n'y sommes pas

 18   parvenus. Les fenêtres étaient scellées. Il y avait un système d'air

 19   conditionné. Par conséquent, à moins de briser une vitre, cela ne pouvait

 20   pas se transformer en pas de tirs particulièrement favorables. Voilà le

 21   premier argument.

 22   Puis le deuxième c'est que peu de jours après, il est vrai que nous

 23   nous sommes trouvés dans l'hôpital, et nous avons vu les tours UNIS tous

 24   les jours, mais nous n'avons jamais vu un tir partant de ces tours UNIS,

 25   non.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie.

 27   J'aimerais maintenant que nous poursuivions avec le visionnage d'une autre

 28   vidéo du 9 juin 1992. C'est le document 40264F, c'est le numéro sur la

Page 2410

  1   liste 65 ter.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "Sarajevo brûle dans son cœur et dans ses faubourgs. Brutalement,

  5   dans la nuit de dimanche, toute la ville est devenue une cible. Pas un

  6   quartier n'a été épargné, tout tremble alors qu'à toutes les dix secondes

  7   les obus de roquettes et obus de mortiers s'abattent, les tirs étant si

  8   intenses et si incessants que les rayons mortels qui éclairent la nuit se

  9   croisent entre eux. Au début de la matinée de lundi, l'inondation des

 10   hôpitaux a commencé pour les médecins et les infirmières de l'ancien

 11   hôpital militaire de la ville qui, du début de la journée jusqu'au soir,

 12   passent des moments particulièrement pénibles, les plus pénibles que nous

 13   ayons connus. Des doigts entraînés travailleront 24 heures pour étancher le

 14   sang, extraire des morceaux de métal éclaté, sauver des vies. Mais les

 15   victimes de la guerre sont nombreuses et les visages déformés et membres

 16   fracturés aussi.

 17   A l'hôpital principal de la ville, la situation est encore pire. La

 18   contre-offensive de la Défense territoriale bosniaque s'est transformée en

 19   un tir de barrage d'arme lourde incessant avec un coup énorme, et le flot

 20   de victimes ne s'arrête pas.

 21   C'est une scène de cauchemar. Pas une minute ne s'écoule sans qu'une

 22   nouvelle camionnette, une nouvelle ambulance n'amène de nouveaux blessés.

 23   La bataille de Sarajevo a atteint son point culminant. Un nombre très

 24   important de jeunes gens sur des civières se battent contre la tombée de la

 25   nuit, et beaucoup d'entre eux finissent dans cette morgue déjà débordante

 26   de cadavres.

 27   Dans la ville et en son centre moderne, de nouveaux tirs font rage au

 28   niveau du front. D'une façon ou d'une autre, les hommes tirent, mais leurs

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  1   efforts sont vains. Ils sont impuissants alors que l'eau est coupée et que

  2   tout ce qu'ils peuvent faire c'est se tenir debout et regarder. A 50 mètres

  3   de distance, d'autres tirs viennent des champs de bataille dévastés. Des

  4   faubourgs, de petits groupes d'hommes répliquent aux tirs d'artillerie par

  5   des tirs d'armes d'infanterie.

  6   Et alors que le soir tombe sur la ville, des dizaines et des dizaines

  7   d'incendies touchent les murs, faisant pièce à l'endurance, aux visages

  8   marqués par la peur, le choc et l'épuisement."

  9   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 10   M. NICHOLLS : [interprétation]

 11   Q.  Dans cette séquence, nous voyons qu'au début, il y a toujours des tirs

 12   d'obus de plus en plus importants, et vous avez dit que toute la ville

 13   devenait une cible. C'est ce que nous entendons dans la vidéo. Pouvez-vous

 14   nous dire, si vous vous souvenez, quels sont les quartiers de la ville qui

 15   étaient pilonnés cette nuit-là, quels secteurs de la ville ?

 16   R.  Comme je l'ai dit, notre impression était que toute la ville a été la

 17   cible des tirs. Nous n'avons pas vu des tirs aussi intenses que cette nuit-

 18   là depuis, par exemple, à la caserne du maréchal Tito et d'autres quartiers

 19   de la ville qui avaient été frappés également, mais cette nuit-là, la ville

 20   semblait être la cible unique et globale des tirs. C'était notre impression

 21   que tout cela se faisait pour terroriser les habitants de cette ville.

 22   Q.  Je vous remercie. Plus tard dans cette même séquence, on a vu des

 23   soldats qui étaient amenés pour répliquer à ces tirs dans le cadre d'une

 24   contre-offensive. Pourriez-vous nous dire en quelques mots ce que nous

 25   voyons là ?

 26   R.  Ça c'est une autre question. D'après ce que nous avons pu comprendre, à

 27   un endroit qui n'était pas loin de la maternité de l'hôpital de Sarajevo,

 28   l'armée bosnienne avait lancé une sorte de contre-offensive pour faire

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  1   reculer le front serbe dans le secteur. Les combats ont donc été très

  2   intenses, beaucoup d'hommes ont été blessés et tués, et comme je m'en suis

  3   rendu compte, cette offensive n'a pas fonctionné, elle n'a pas été

  4   fructueuse. Mais il faut distinguer les images que nous avons filmées cette

  5   nuit-là de celles qui ont été filmées la nuit précédente. En tout cas,

  6   cette nuit-là, toute la ville est devenue la proie des tirs. Mais les deux

  7   sont des nuits différentes.

  8   Quant aux combats qui se déroulent dans la journée, il y avait des

  9   tirs sur la ville aussi, mais pas aussi intenses que pendant la nuit, et

 10   ces combats étaient beaucoup plus concentrés sur le secteur du nord de

 11   Sarajevo.

 12   Q.  Rapidement, vous parlez, au paragraphe 59 de votre déclaration, des

 13   différents groupes ethniques. Je ne vais pas revenir sur l'incident en

 14   question dans le détail, mais quand vous avez regardé les gens qui étaient

 15   blessés et qu'on amenait à l'hôpital, vous êtes resté à cet endroit un

 16   certain temps, vous êtes allé dans d'autres hôpitaux également. Quelle

 17   était l'appartenance ethnique de ces personnes qu'on amenait ? Est-ce que

 18   il n'y avait que des Musulmans de Bosnie ou y en avait-il d'autres

 19   également ?

 20   R.  Pour autant que j'ai pu m'en rendre compte, il y avait aussi tous les

 21   Slaves. Je veux dire du même groupe ethnique, mais de religions

 22   différentes. On nous a dit que ceux qui étaient capables de parler -- je

 23   veux dire, ceux qui avaient été blessés mais qui pouvaient encore parler

 24   nous ont dit que la plupart d'entre eux étaient Musulmans, mais qu'il y

 25   avait aussi là des catholiques, autrement dit ceux qu'on appelle des

 26   Croates, ainsi que des Serbes de Bosnie orthodoxes parmi les soldats

 27   blessés.

 28   Pendant toute la guerre, chaque fois que j'étais en Bosnie, j'ai

Page 2413

  1   rencontré des Serbes dans les rangs de l'armée des Musulmans de Bosnie.

  2   Q.  Merci. Je vais maintenant passer au paragraphe 62 de votre déclaration

  3   préalable, où vous évoquez le reportage que vous avez tourné à Dobrinja. Je

  4   ne vais pas vous montrer les images maintenant, mais pourriez-vous préciser

  5   un point du paragraphe 62, où vous   dites :

  6   "Pendant les premiers moments de la guerre," et nous parlons ici de juillet

  7   1992, "Dobrinja a subi un siège distinct de celui de Sarajevo."

  8   Pourriez-vous nous dire ce que vous entendez par là.

  9   R.  Je voudrais d'abord voir l'écran pour relire les mots prononcés par

 10   moi.

 11   Q.  Je peux revenir sur cette question plus tard, si vous le souhaitez. Ce

 12   serait peut-être même préférable.

 13   Mais en tout cas, qu'entendez-vous par "siège distinct de celui de

 14   Sarajevo pour le siège de Dobrinja" ?

 15   R.  Dobrinja c'est un faubourg de Sarajevo situé à l'ouest de Sarajevo, qui

 16   est tout près de l'aéroport et de la cité dans laquelle étaient logés les

 17   athlètes ayant participé aux Jeux olympiques d'hiver de 1984. Après cela,

 18   cet endroit est devenu un lieu où les jeunes couples, si on m'a bien

 19   renseigné, pouvaient obtenir assez facilement un appartement. C'est un

 20   quartier un peu séparé de la ville. Tout ce quartier n'est pas tombé dans

 21   les mains du gouvernement musulman de Bosnie, mais une grande partie l'a

 22   fait. Donc les Serbes bosniaques contrôlaient une colline, qu'on appelle la

 23   Colline de Mojmilo, qui permettait de rejoindre Dobrinja et le reste de la

 24   ville de Sarajevo et, par conséquent, les Serbes ont empêché toute

 25   connexion directe entre la ville de Sarajevo et le quartier de Dobrinja

 26   dans le cadre d'un siège distinct. On ne trouvait pas leur voiture à

 27   Dobrinja. Cela n'est devenu possible qu'au moment où, en juillet, les

 28   forces du gouvernement bosnien, qui étaient à l'intérieur de Dobrinja, se

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  1   sont emparées de la colline de Mojmilo. Par la suite, une connexion directe

  2   a été établie entre ce faubourg occidental de la ville et la ville en tant

  3   que telle. Nous avons pu aller à Dobrinja, mais c'était très dangereux.

  4   Nous avons été les premiers journalistes à y entrer, on nous a dit que cinq

  5   autres voitures avaient essayé de faire le voyage pendant la journée et que

  6   ces cinq voitures avaient été touchées par des tirs serbes. Mais nous

  7   sommes parvenus à y entrer. Nous y avons passé 48 heures, puis en sommes

  8   sortis, et dans les deux cas, à l'entrée et à la sortie, nous avons essuyé

  9   des tirs.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Monsieur le Président, ce dernier document, 40264F, la vidéo que nous

 12   venons de voir, je n'en ai pas encore demandé le versement au dossier. Je

 13   le fais donc maintenant.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Il s'agira de la pièce P932.

 15   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Q.  Je vais maintenant passer, Monsieur van Lynden, au mois de septembre

 17   1992 et à la durée de votre séjour à Pale. Je vous demanderais d'abord

 18   rapidement comment vous êtes arrivé à Pale.

 19   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 20   Juges, je vais maintenant parler de ce que l'on peut trouver aux

 21   paragraphes 65 à 90 de la déclaration préliminaire du témoin.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous souhaitez que j'explique comment --

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Bien, je vais d'abord vous poser une

 24   question.

 25   Q.  Je crois comprendre, à la lecture de votre déclaration préliminaire,

 26   que vous avez rencontré M. Karadzic à Pale au mois de juin 1992, puis à

 27   Londres au mois d'août 1992, et encore une fois à Belgrade en septembre

 28   1992. Pourriez-vous expliquer rapidement comment ces rencontres ont été

Page 2415

  1   organisées et comment elles ont abouti à ce que vous puissiez tourner un

  2   reportage depuis Pale.

  3   R.  Quand nous sommes allés pour la première fois à Sarajevo vers la fin du

  4   mois de mai 1992, nous étions partis de Belgrade en voiture et sommes allés

  5   à Pale. Il avait été décidé par la haute direction de "Sky" - parce que

  6   nous avions une liaison satellitaire avec Londres qui nous permettait de

  7   communiquer - donc la direction a estimé qu'à ce moment-là il n'était pas

  8   sûr d'aller à Sarajevo, et nous avons donc été interrompus dans notre

  9   voyage. Nous étions à Pale dans une pension qui s'appelait la Pension

 10   olympique. Je n'y ai pas rencontré M. Karadzic, mais nous sommes allés en

 11   ville. Nos reportages étaient envoyés à partir de Pale. Puis à un certain

 12   moment, nous avons quitté Sarajevo pour retourner à Pale, parce que nous

 13   avions besoin d'envoyer nos reportages à partir de cette ville. C'était au

 14   mois de juin. Nous avons encore essayé de travailler à partir de Pale un

 15   certain nombre de jours pour couvrir la guerre à partir de l'autre partie

 16   belligérante. C'est à ce moment-là que j'ai rencontré rapidement M.

 17   Karadzic. La chose s'est finalement avérée impossible, parce que nous

 18   étions sortis de notre hôtel à Pale et voulions aller dans d'autres

 19   quartiers, et nous avons été interrompus dans notre progression à plusieurs

 20   postes de contrôle.

 21   Mais mes chefs à Londres ont décidé à ce moment-là de me retirer du

 22   secteur pendant un moment, j'ai été renvoyé à Londres et plus tard je suis

 23   retourné à Sarajevo.

 24   A la conférence du mois d'août qui s'est tenue à Londres, j'ai eu

 25   l'occasion de rencontrer M. Karadzic et de lui demander son aide pour

 26   organiser mon retour à Pale et me permettre de travailler effectivement

 27   depuis Pale de façon à ce que nous puissions rendre compte de la vision de

 28   toute cette guerre par l'autre partie belligérante, autrement dit que nous

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  1   permettions aux Serbes bosniaques de s'exprimer. Nous avons convenu que

  2   nous allions nous réunir à Belgrade. Lorsque je m'y suis trouvé au début du

  3   mois de septembre, une rencontre a été organisée à l'Intercontinental de

  4   Belgrade pour organiser notre voyage à Pale. Une fois à Pale, comme cela

  5   s'était déjà passé à plusieurs reprises précédemment, je l'ai rencontré à

  6   nouveau et il a organisé que deux policiers militaires constituent en

  7   permanence une escorte qui nous permettait de travailler au sein du camp

  8   serbe de Bosnie.

  9   Q.  Merci. Est-ce que vous avez eu une lettre d'autorisation ou une lettre

 10   d'accréditation des autorités bosno-serbes que vous pouviez montrer et qui

 11   vous permettait d'y travailler ?

 12   R.  Oui. Encore une fois, c'était après la conversation avec M. Karadzic,

 13   et on nous a donné une lettre le lendemain, qui n'était pas signée de sa

 14   main, mais de la main de M. Krajisnik, qui était à l'époque le président du

 15   parlement bosno-serbe.

 16   Q.  Je vous remercie. Aux paragraphes 69 à 75 de votre déclaration

 17   préliminaire, vous dites avoir rencontré officieusement M. Karadzic à

 18   plusieurs reprises pendant votre séjour à Pale, jamais officiellement, et

 19   avoir discuté avec lui de plusieurs sujets. Je vais vous poser des

 20   questions à ce sujet.

 21   D'abord, où rencontriez-vous M. Karadzic lorsque vous le rencontriez

 22   ?

 23   R.  Nous nous rencontrions dans son bureau, sauf une fois où cela s'est

 24   passé à la station de télévision. Il s'y trouvait, et nous avons entamé une

 25   conversation avec plusieurs autres personnes qui travaillaient à la

 26   télévision de Pale.

 27   Q.  Pourriez-vous nous dire sur quoi ces conversations ont porté ? Que se

 28   passait-il à la station de télévision depuis votre arrivée ?

Page 2417

  1   R.  Nous allions à la station de télévision pour pouvoir envoyer nos

  2   reportages qui, à l'époque, allaient de Pale à Belgrade et de Belgrade à

  3   Londres par voie satellitaire. Et lorsque nous nous sommes trouvés là ce

  4   soir-là, une dispute a éclaté. Un certain nombre des gens qui travaillaient

  5   à la télévision de Pale nous ont attaqués en raison de la couverture par

  6   nous des événements de Sarajevo -- enfin, d'un reportage que j'avais déjà

  7   fait sur Sarajevo et, notamment, d'un reportage où je parlais d'un certain

  8   Jusuf Prazina, un Musulman de Bosnie. Eux avaient le sentiment que je

  9   présentais cet homme comme un héros alors que je crois que dans ce

 10   reportage. J'ai montré clairement que cet homme avait fait de la prison et

 11   qu'il était un criminel. M. Karadzic est intervenu dans cette conversation.

 12   La conversation portait également sur d'autres sujets, mais pour moi,

 13   c'était un exemple de la mentalité un peu bizarre qui semblait être celle

 14   de tous ces hommes qui se trouvaient à Pale, à savoir un reportage

 15   concernant un homme qui est décrit comme l'un des principaux défenseurs de

 16   Sarajevo, un reportage tourné au début du mois de juin, montre Jusuf

 17   Prazina, dont je dis qu'il s'agit d'un criminel condamné, et eux ont

 18   l'impression que ce récit va à l'encontre de leurs intérêts. Et ils ne

 19   parlent jamais des deux autres reportages sur Sarajevo où j'ai montré les

 20   pilonnages de la ville, et les vidéos qui viennent d'être vues ici dans ce

 21   prétoire, non. C'est un reportage qui va, en fait, dans leur intérêt, qui

 22   provoque chez eux le sentiment d'être attaqués. Et les reportages que vous

 23   auriez pu invoquer comme ayant été tournés par moi et n'étant pas dans

 24   votre intérêt, eux, vous n'avez rien contre. C'est ce que je leur ai dit.

 25   J'ai trouvé ça assez bizarre.

 26   Q.  Je vous remercie. Je ne vais pas poursuivre, parce que dans votre

 27   déclaration préliminaire on trouve tous les détails au sujet de ces

 28   rencontres. Mais au paragraphe 73, vous dites que Karadzic, parlant de

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  1   Sarajevo, a fait référence au mur de Berlin qui avait été construit pour

  2   séparer la ville en deux. Pourriez-vous nous dire rapidement quelle a été

  3   cette conversation que vous avez eue avec M. Karadzic où il vous a dit

  4   quelques mots au sujet des habitants de Sarajevo ?

  5   R.  Si je me souviens bien, c'est une conversation qui a eu lieu à la fin

  6   de la soirée, très tard, vers 23 heures. On nous avait proposé un verre de

  7   vin, et si je me souviens bien, il a bu du vin blanc et nous a montré des

  8   cartes. Il a dit, qu'à son avis, Sarajevo était une ville serbe, qu'elle

  9   appartenait aux Serbes, que c'était une territoire serbe, et il a répété

 10   cela à plusieurs reprises en affirmant qu'il était impossible de vivre aux

 11   côtés de ces gens-là. Et il a dit qu'un mur pourrait être une solution. Je

 12   ne suis pas sûr des mots qu'il a prononcés exactement. Je ne sais pas s'il

 13   a dit que c'était la seule solution, mais en tout cas c'était l'une des

 14   solutions qu'il proposait, à savoir la construction d'un mur entre les

 15   quartiers serbes et les quartiers habités par les autres populations de

 16   Sarajevo. J'ai estimé que ce commentaire était vraiment scandaleux, parce

 17   que cela faisait moins de trois ans que le mur de Berlin était tombé, mur

 18   qui avait été le symbole de la division européenne et qui avait finalement

 19   chuté. Donc proposer de construire un mur dans une ville afin de diviser

 20   une population dans les mêmes conditions en Europe à la fin du XXe siècle,

 21   je trouvais cela totalement déplacé, pour être franc avec vous.

 22   Q.  Merci. A un autre moment - c'est une question de suivi que je voudrais

 23   vous poser - au paragraphe 71 de votre déclaration préliminaire, vous

 24   parlez du Dr Karadzic et dites qu'il vous a déclaré que les Serbes tenaient

 25   les secteurs septentrionaux et Banja Luka, et il a dit que la Bosnie

 26   orientale était entièrement serbe. Je cite :

 27   "Il m'a dit que les enclaves étaient inacceptables, qu'elles étaient

 28   devenues partie intégrante du territoire serbe."

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  1   Alors, dans cette conversation de septembre 1992, quel est le secteur qui

  2   était discuté ? De quoi parliez-vous lorsqu'il a dit que les enclaves

  3   n'étaient pas acceptables ?

  4   R.  Nous parlions des enclaves de Gorazde, de Srebrenica, et vous savez, il

  5   y avait aussi plusieurs autres petites enclaves. Je ne me rappelle pas le

  6   nom de chacune d'entre elles, mais la Bosnie orientale comportait des

  7   enclaves que chacun connaissait, et lui avait le sentiment qu'elles

  8   n'étaient pas viables sur le plan économique, mais aussi qu'elles étaient

  9   l'épine dans le pied des Serbes de Bosnie et qu'il importait de retirer

 10   cette épine. Il l'a dit très clairement.

 11   Q.  Merci. Je pense que je passe à autre chose - nous avons ici les

 12   paragraphes 76 à 90 - et j'ai quelques questions à vous poser à propos de

 13   l'interview que vous avez faite du général Ratko Mladic en septembre 1992.

 14   Pourriez-vous dire en quelques mots dans quelles circonstances elle a

 15   pu avoir lieu ? Comment avez-vous obtenu l'autorisation de l'interviewer ?

 16   R.  Je me suis adressé à M. Karadzic et en passant par son bureau. Je pense

 17   que c'était un juriste, un Serbe de Bosnie, qui travaillait pour M.

 18   Karadzic, et nous avions des contacts quotidiens avec ce juriste, pas avec

 19   M. Karadzic. Dès notre arrivée à Pale, nous avons demandé à avoir

 20   l'autorisation d'interviewer le général Mladic.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais diffuser la séquence concernée.

 22   La 40259B.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "…c'est le fléau de Sarajevo, le guerrier en chef des Serbes. Il

 26   s'appelle Ratko Mladic. Ratko ça veut dire guerrier dans sa langue, et il

 27   est à la hauteur de la réputation que lui a gagnée son nom. Le commandant

 28   est en marche, il va aux chalets de montagne où les Serbes de Bosnie ont

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  1   établi leur gouvernement séparatiste mais à titre temporaire. Il ne parle

  2   que des attaques subies par ses forces, et pas de celles que celles-ci ont

  3   lancées. Il nous donne une occasion rare ici de l'accompagner sur des

  4   positions de l'artillerie où les observateurs des Nations Unies brillent

  5   par leur absence.

  6   Nous avons ici des canons de 100-millimètres enfouis dans les rochers

  7   et surplombant Sarajevo, une position de force manifeste qui satisfait

  8   manifestement le général, car il dit qu'il a ainsi dans sa main la ville.

  9   Et dans ce brouillard en bas, nous avons la preuve de sa puissance. C'est

 10   un homme qui n'a aucun doute, qui ne se repentit jamais car il est sûr

 11   qu'il a raison, que le monde a tort, et que ses personnes ont toujours été

 12   insultées.

 13   J'espère que le Conseil de sécurité prendra les mesures pour

 14   comprendre que nous, les Serbes, sommes une réalité dans ce monde, et pas

 15   des extra-terrestres, et que nous avons le droit de nous défendre.

 16   A proximité, il y a d'autres positions enfouies dans le sol. Il dit

 17   qu'ici, il ne va pas être arrêté par le fait que le monde lui nie ses

 18   droits.

 19   Tant que nous existerons, nous allons nous défendre. C'est la seule

 20   façon d'agir, et nous sommes prêts à mener une longue guerre.

 21   Les Nations Unies préparent une résolution sur les crimes de guerre.

 22   Mais ceci ne trouble pas du tout Ratko Mladic.

 23   Moi ça ne me dérange pas du tout, dit-il. Moi, je n'ai participé à

 24   aucun crime, je n'ai fait que défendre mon peuple.

 25   Il part après avoir prononcé ces mots pour quitter une ligne de front

 26   dans une guerre dont il ne voit pas la fin, ni lui ni ses officiers.

 27   Aernout van Lynden, en dehors de Sarajevo, Sky News."

 28   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

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  1   M. NICHOLLS : [interprétation] Puis-je demander une cote pour ce document.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P933.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation]

  5   Q.  J'ai quelques questions à propos de ces images.

  6   Vous décrivez ces bâtiments qu'on entrevoit dans le brouillard, mais ce

  7   n'est pas très facile à voir sur les images ici sur nos écrans. A l'époque,

  8   pourriez-vous nous dire ce que vous avez vu, est-ce que ces bâtiments en

  9   question étaient très visibles, est-ce qu'il était possible de voir la

 10   ville ?

 11   R.  Oui, on pouvait la voir, et sur les images prises alors, on voit la

 12   ville. Mais vous savez, il y a beaucoup de copies de ces images, et la

 13   qualité s'en est détériorée. Mais il y avait effectivement une espèce de

 14   brouillard ou de brume qui pesait sur Sarajevo, mais on voyait très bien en

 15   contrebas la ville depuis ces positions d'artillerie.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire si vous avez subi des restrictions pour ce qui

 17   est de filmer ?

 18   R.  Non, on nous a donné l'autorisation de filmer, mais à la fin, lorsque

 19   le général est parti, le caméraman, lui, a suivi de sa caméra le général et

 20   les hommes qui l'accompagnaient, qui partaient, et ils ont longé le

 21   cimetière. Et le caméraman a pu filmer ces images, et on nous a dit de ne

 22   pas inclure ces images dans le reportage que nous avons envoyé à Londres.

 23   Mais dans toute zone de guerre, les équipes de télévision sont en général

 24   priées de faire beaucoup de prudence pour ne pas dévoiler les positions de

 25   telle ou telle partie à la partie adverse. La demande semblait donc

 26   raisonnable, même si l'endroit est tellement connu des gens qui connaissant

 27   Sarajevo que c'était inutile de dissimuler cet endroit.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] P00914, voici donc la pièce que j'aimerais

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  1   vous montrer. Je précise pour les Juges de la Chambre que c'est le même

  2   document que le document P00842, c'est la même carte, mais c'est simplement

  3   une partie que nous avons un peu agrandie et que j'aimerais maintenant vous

  4   montrer au témoin.

  5   Q.  Alors, je ne sais pas si vous parvenez à repérer l'endroit approximatif

  6   où s'est déroulée cette interview ?

  7   R.  [Le témoin s'exécute]

  8   Q.  Quand on voit cette carte -- vous procédez à l'interview puisque vous

  9   aviez filmé cette séquence sur place, vous pensez que c'est là que ceci a

 10   eu lieu ?

 11   R.  Oui. Ça se trouve à l'est de la ville, on regarde de l'est sur toute la

 12   ville, donc c'était à peu près sur ces hauteurs.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 14   Puis-je avoir une cote.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que j'ai oublié de demander au

 16   témoin d'indiquer la date et de signer le document. Pourriez-vous le faire

 17   peut-être au moment opportun --

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, j'ai oublié de le lui demander.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous indiquer la date

 20   d'aujourd'hui et signer ?

 21   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur van Lynden. Ceci va être

 23   enregistré. Une cote, Monsieur le Greffier.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P934.

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Sur place, sur cette position avec le général Mladic et son escorte,

 27   avez-vous vu une indication qui aurait montré que cette position était

 28   vulnérable, en ce sens qu'elle aurait pu subir le feu adverse ?

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  1   R.  On était vraiment sur les hauteurs -- c'était une position très élevée.

  2   Evidemment, si l'opposition disposait de sa propre artillerie, ça aurait

  3   été une position vulnérable que celle-ci. Mais sinon, pas parce que c'était

  4   trop loin de la ligne de front. De ce côté-là ce n'était pas du tout

  5   favorable. Si l'armée de Bosnie avait disposé d'armes lourdes à Sarajevo, à

  6   ce moment-là, oui, elle aurait pu riposter et tirer sur cette position.

  7   Mais je ne l'ai jamais vu d'indication montrant qu'il y aurait eu des tirs

  8   dirigés sur cette position-ci.

  9   Q.  Quand vous avez revu le général Mladic, a-t-il réagi au reportage que

 10   vous aviez fait ou est-ce qu'il vous a indiqué qu'il avait vu ce que vous

 11   aviez dit ?

 12   R.  La télé de Pale a eu une réaction assez négative à mon reportage,

 13   surtout pour ce qui était des premiers mots que j'avais utilisés pour

 14   présenter ce reportage, j'ai dit que "c'était lui le fléau de Sarajevo." La

 15   télé de Pale a estimé que c'était là de ma part un commentaire négatif.

 16   Quant au général Mladic même, on l'a rencontré par hasard sur la route

 17   trois ou quatre jours plus tard, il s'est arrêté et a dit : Bonjour. Et

 18   vraiment, avec un grand sourire s'affichant sur ses lèvres, il a dit en

 19   serbo-croate : C'est moi le fléau de Sarajevo, et m'a tapé l'épaule de la

 20   main. Il m'a dit : On va manger ensemble. Et effectivement, j'ai déjeuné

 21   avec lui et ses hommes. Il ne donnait pas l'impression de penser que les

 22   commentaires que j'avais formulés auraient été plus négatifs. Au contraire,

 23   il avait l'air d'en être fier.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je précise que le compte rendu

 25   d'audience devrait dire "fléau," en anglais "scourge," et pas "courage."

 26   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] De rien.

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  1   M. NICHOLLS : [interprétation]

  2   Q.  -- ce n'est pas dans l'interview, mais apparemment, vous avez demandé

  3   au général Mladic si vous pouviez rendre visite à ses hommes et à ses

  4   positions. Est-ce que vous avez pu effectuer une visite d'autres positions

  5   serbes après cette interview ?

  6   R.  Nous avions aussi manifestement posé la question à M. Karadzic, et

  7   c'était possible, a-t-il dit. Nous avons été sur le mont Trebevic voir ses

  8   positions, et nous sommes aussi allés à Grbavica, à Sarajevo, et nous avons

  9   vu certaines positions serbes à Hrasno. Plus tard, on nous a fait

 10   contourner Sarajevo en empruntant une route qui avait été construite

 11   manifestement après le début du siège, en passant Vogosca et -- ça n'a pas

 12   toujours été possible de coopérer avec eux. Les commandants locaux, même si

 13   on avait une escorte composée de deux policiers serbes et une lettre de M.

 14   Krajisnik, comme je vous l'ai déjà dit, les commandants locaux refusaient

 15   parfois de nous laisser filmer ou même de nous parler. Nous sommes allés à

 16   Hadzici, et à proximité de Hadzici, nous avons été autorisés à filmer sur

 17   certaines positions sur la ligne de front. Mais la plupart des images qui

 18   ont été filmées à Hadzici, ce fut lorsque nous avons passé le mont Trebevic

 19   pour aller à Grbavica et Hrasno.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne vais pas maintenant diffuser la vidéo

 21   que j'avais prévue, mais nous allons maintenant passer au document de la

 22   liste 65 ter 40259D, qui relate les positions que vous avez visitées. Le

 23   paragraphe 102 de la déclaration préliminaire et paragraphe 103 aussi.

 24   Peut-on montrer ces images.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "Nous sommes ici au couvent catholique de Sarajevo. Mais pratiquement, il

 28   n'y a que quelques nonnes qui sont restées, les autres étant parties parce

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  1   que ce bâtiment est juste sur la ligne de front de la guerre. La sœur

  2   Matila [phon] continue d'apporter un repas chaque jour à un voisin serbe

  3   âgé.

  4   C'est un des rares havres qu'il y a encore à Sarajevo, connu pour

  5   cette guerre qui éclate de partout.

  6   Nous avons ici le cimetière juif. Il y a des tombes enchevêtrées,

  7   récentes ou non, et on se bat. On voit ici des bunkers. On a redécoré les

  8   murs avec des bûches. On fait preuve d'innovation, par exemple, ici, on a

  9   une meurtrière qui permet de voir de tous les angles. Ici, le commandant de

 10   bataillon est très confiant, effectivement.

 11   Nous sommes prêts pour une longue lutte, mais nous pensons que nous

 12   pouvons tenir ces positions longtemps. Ce sera la paix ou ce sera une

 13   guerre généralisée que nous essaierons de gagner.

 14   Le commandant a des raisons d'être confiant. Lui, il ne doit pas

 15   faire face à ce support logistique aggravé par le siège. Et il le fait

 16   depuis une position de force, parce qu'il surplombe la ville de sorte que

 17   personne n'ose n'y bouger.

 18   Aernout van Lynden, Sarajevo."

 19   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 21   Q.  En fin de séquence, dans l'optique de la VRS, on voit des images

 22   montrant la ville en contrebas, mais j'aimerais savoir s'il y a eu des

 23   images filmées depuis le cimetière juif ?

 24   R.  Je ne pense pas. Je pense qu'on a filmé depuis un autre point de vue.

 25   Q.  Mais c'est depuis les positions qu'on a vues dans le reportage où vous

 26   parliez, ou est-ce qu'elles ont été prises d'ailleurs ?

 27   R.  Non, parce que le cimetière juif était un peu plus en contrebas, alors

 28   qu'ici on était plus en hauteur. Sans doute était-ce la même zone où vous

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  1   avez vu ce commandant qu'on a vu sur ces images. C'est sans doute cette

  2   zone qu'il commandait. Mais on a filmé ces images à différents endroits. Et

  3   le dernier bâtiment que vous avez vu c'est le parlement, et c'est là dans

  4   cette zone tenue par les Musulmans de Bosnie que se trouvent ces rues.

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] Puis-je avoir une cote, Monsieur le

  6   Président.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P935. Merci.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Dernière séquence vidéo que je vais diffuser

 10   aujourd'hui, c'est le 40267 dans la liste 65 ter, et la date est celle du 5

 11   décembre, ou enfin, vers cette date du 5 décembre 1992.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "…quatre jours, les Serbes prennent les faubourgs à l'ouest de

 15   Sarajevo. Maintenant, les défenseurs qui avaient essayé de rompre le siège

 16   sont battus. Les pilonnages se poursuivent de façon incessante. Ceux qui

 17   peuvent s'échappent. Ceux qui ne peuvent s'échapper doivent sans doute

 18   faire face à la mort. Pour les forces onusiennes et pour les hommes

 19   politiques qui les ont envoyées, ces derniers combats sont une nouvelle

 20   humiliation qui rend les efforts pour parvenir à la paix tout à fait

 21   ridicules. Et ça, ils l'admettent, pour une fois.

 22   La situation empire. Il n'y a aucun progrès. Et toutes les

 23   résolutions du Conseil de sécurité, tout ce qui a été fait, tout ce que

 24   nous faisons à l'aéroport pour améliorer la situation, pour sauver des

 25   vies, pour refaire fonctionner les services, ça échoue. On fait un pas en

 26   avant, puis on recule de deux pas.

 27   Voyons la réalité de la ville. C'est bien vrai, les Serbes, ici,

 28   provoquent des incendies. Les gens sont désespérés lorsqu'ils voient leur

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  1   maison, leur appartement, leurs biens détruits. Ici, il y a des roquettes

  2   qui frappent ces immeubles ou font ricocher pour retomber dans la rue.

  3   Comme toujours, les pompiers, ces héros de Sarajevo, ripostent. Pour une

  4   fois, il y a de l'eau pour alimenter les pompes des bouches d'incendie.

  5   Mais ce n'est pas le souci principal. Le problème c'est le carburant qui

  6   commence à manquer pour les véhicules des pompiers.

  7   L'escalade se poursuit dans le centre de Sarajevo, qui montre une

  8   fois de plus l'impuissance des forces internationales en Bosnie. Les

  9   cessez-le-feu et les pourparlers de paix n'ont servi à rien et,

 10   manifestement, personne ne veut vraiment mettre fin à cette guerre.

 11   Aernout van Lynden, Sarajevo."

 12   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 13   M. NICHOLLS : [interprétation]

 14   Q.  A un moment donné, nous voyons une espèce d'objet qui rebondit, puis

 15   qui tombe. Qu'est-ce que c'était exactement que cet objet ?

 16   R.  C'était une balle. L'armée yougoslave avait des balles incendiaires.

 17   Nous, on ne les avait pas dans les forces néerlandaises, et je ne pense pas

 18   que dans les pays de l'OTAN, il n'y en avait non plus, avant 1989. Ce sont

 19   des balles incendiaires qui servent à provoquer un incendie dans un

 20   bâtiment. J'avais mon caméraman à côté de moi et, en fait, ça a rebondit

 21   sur sa tête cette balle.

 22   Q.  On a vu les pompiers qui pénétraient dans un immeuble qui essayaient de

 23   parvenir à l'endroit où l'incendie s'était déclaré ?

 24   R.  Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, et on venait du centre de

 25   Sarajevo on retournait vers la station de télévision, dans la partie plus

 26   moderne de Sarajevo, on a vu la balle pénétrer dans l'immeuble, on a vu un

 27   début d'incendie surtout en haut de la partie supérieure, puis quelques

 28   balles au milieu de l'immeuble. Nous nous sommes arrêtés pour filmer. Vous

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  1   avez des plans rapprochés de l'immeuble, ça a été pris par mon caméraman.

  2   Ce que vous voyez filmé de plus loin de ce même bâtiment qui avait été

  3   touché, ça a été pris par une équipe de la CNN. Et nous avons procédé à un

  4   échange de séquence ce soir-là.

  5   Lorsque sont arrivés les pompiers, ils sont montés dans la cage d'escalier

  6   pour aller en haut de l'immeuble. Mais ce qu'on a vu c'est qu'il y avait de

  7   nouvelles balles incendiaires qui étaient dirigées vers la partie

  8   inférieure de l'immeuble, et on a cru comprendre l'intention de ceux qui

  9   tiraient, ils voulaient provoquer de nouveaux incendies pour que ceux qui

 10   étaient dans la partie supérieure de l'immeuble ne puissent pas en

 11   descendre.

 12   Q.  Merci. Vous avez dit que c'était une cible civile. Pourriez-vous être

 13   plus clair. Avez-vous eu des indications montrant que des tirs avaient eu

 14   leur origine dans cet immeuble ?

 15   R.  Au moment où nous nous trouvions à ce moment-là dans la guerre, nous le

 16   savions parfaitement, chaque fois qu'il y avait un incident à Sarajevo, les

 17   Serbes de Bosnie invoquaient comme défense que ça avait été une cible

 18   militaire légitime ou encore que les Musulmans de Bosnie tiraient sur eux-

 19   mêmes. Nous parlons ici de décembre 1992. Chaque fois que nous sommes allés

 20   quelque part on a posé la question, on a demandé, si le bâtiment en

 21   question a été utilisé par des forces musulmanes de Bosnie ? Vous avez vu

 22   cet homme absolument désespéré qui avait perdu l'appartement, mais on en a

 23   vu d'autres, et il dit : Mais vous êtes fou, est-ce que vous pensez qu'on

 24   autoriserait l'armée à utiliser notre immeuble parce qu'on sait très bien

 25   ce que ça allait donner. Dès qu'on tirait de l'immeuble il y aura un tir de

 26   riposte, et ils étaient catégoriques, ils avaient dit que jamais ces

 27   immeubles n'avaient été utilisés à des fins militaires.

 28   Puis on a vérifié auprès des Nations Unies qui, à ce moment-là,

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  1   commençaient à être beaucoup mieux organisés à Sarajevo, on était en

  2   décembre, ils étaient mieux organisés qu'en mai ou en juin 1992, et ils

  3   n'ont pas vraiment réussi, qui que ce soit, à tirer contre qui que ce soit,

  4   mais ils pouvaient mieux déterminer d'où les tirs venaient. Et les Nations

  5   Unies disaient que d'après les observations faites, jamais il n'y avait eu

  6   de tirs venus de cet immeuble.

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci. Je demande une cote. Il s'agissait du

  8   document 4267 [comme interprété].

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P936. Merci.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur van Lynden.

 13   Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce témoin.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parfait. Vous demandez le versement de

 15   tous les documents qui n'ont pas été présentés aujourd'hui au témoin en

 16   audience ?

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, encore que le

 18   40264B, c'était une coquille, je ne voulais pas présenter ce document.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'en aviez pas l'intention ?

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Non.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des objections au versement de

 22   ces documents, Monsieur Karadzic, nous parlons de ces pièces connexes ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pas d'objection.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Ces documents sont versés, et en

 25   temps utile le greffier attribuera une cote à chacun de ces documents, il

 26   reprendra dans un mémo qui sera distribué aux parties.

 27   Vous allez maintenant procéder au contre-interrogatoire du témoin, Monsieur

 28   Karadzic. Vous avez demandé 14 heures pour procéder à ce contre-

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  1   interrogatoire, même si au départ vous aviez demandé 12 heures. Mais de

  2   l'avis de la Chambre, 14 heures c'est là un temps déraisonnable pour mener

  3   un contre-interrogatoire. Nous nous sommes demandé s'il était possible de

  4   siéger plus longtemps demain, mais il y a un Juge qui siège dans une autre

  5   affaire demain matin. Ce qui veut dire qu'il ne sera pas possible d'avoir

  6   une audience plus longue. Mais vendredi nous verrons s'il est possible de

  7   commencer à

  8   8 heures 30, éventuellement.

  9   Ceci étant, ça devrait vous donner à peu près sept heures en tout. Et à mon

 10   personnel, je pense que c'est là un nombre suffisant d'heures dans la

 11   mesure où vous pourrez vous concentrer sur les questions qui comptent

 12   véritablement et que vous allez vous abstenir de faire des déclarations, et

 13   sans présenter au témoin des textes inutiles. Mais, bien sûr, nous ne

 14   voulons pas du tout empiéter sur votre droit au contre-interrogatoire. Nous

 15   allons faire de notre mieux pour utiliser ce temps au mieux, puis nous

 16   verrons où nous en sommes, nous ferons le point et nous verrons de quelle

 17   façon vous avez effectué ce contre-interrogatoire et nous verrons si vous

 18   avez besoin de temps supplémentaire. A ce moment-là, nous pourrions

 19   demander au témoin de revenir à l'audience si ceci s'avérait nécessaire.

 20   Ceci étant dit, vous pouvez commencer.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je vous indiquer que je dois rentrer chez

 22   moi et qu'il ne m'est pas possible de passer toute la matinée du vendredi.

 23   Je ne sais pas si ça a été clair, mais je l'avais dit avant d'entrer car

 24   j'ai un vol qui est prévu vendredi.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous en avons été informés. Si nous

 26   avons bien compris, vous devez partir à 11 heures au plus tard, et nous

 27   allons faire l'impossible pour que vous puissiez terminer votre audition.

 28   Mais si le besoin s'en faisait ressentir, nous vous demanderions de revenir

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  1   un jour qui vous convient. Nous verrons.

  2   Vous pouvez commencer, Monsieur Karadzic.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. Je crains fort que cela ne

  4   puisse suffire. Quand bien même nous arrivions à faire ce que M. van Lynden

  5   et moi avons convenu de faire, à savoir de procéder à un maximum de

  6   questions pour faire en sorte qu'il puisse répondre par un oui ou par un

  7   non. Et si on y arrive, il se peut qu'on ait besoin d'un peu moins d'heures

  8   pour ce qui est de ce contre-interrogatoire. Mais ce que je crains fort

  9   c'est qu'il ne doive revenir, s'il s'avère que nous ne pouvons pas

 10   travailler demain un peu plus longtemps que prévu.

 11   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 12   Q.  [interprétation] Monsieur van Lynden, bonjour. Et merci d'avoir eu

 13   l'amabilité de rencontrer les conseils de la Défense avant le contre-

 14   interrogatoire. Je crois bien que cela nous aidera dans une certaine

 15   mesure.

 16   Pour commencer, j'aimerais vous demander que vous nous cédiez vos notes et

 17   votre journal, les parties qui sont privées ne nous intéressent guère et

 18   sur les copies on peut les caviarder. Mais la raison pour laquelle nous

 19   devons l'obtenir c'est qu'à plusieurs reprises vous allez parler d'éléments

 20   qui n'existent pas dans les rapports que vous avez présentés et c'est

 21   drastiquement divergent de ce que nous avons et savons. Donc il faudrait

 22   que nous -- ça doit figurer dans votre journal ou dans votre agenda tenu à

 23   jour à l'époque.

 24   Que pouvez-vous en dire ?

 25   R.  Tout d'abord, je n'ai pas pris d'accord avec M. Karadzic, lorsque je

 26   l'ai rencontré hier pour lui dire que j'allais simplement répondre par oui

 27   ou par non. Il m'a dit que c'était bien là ce qu'il aimerait me voir faire,

 28   mais c'est à lui de déterminer la façon dont il pose ses questions. Je n'ai

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  1   pas été d'accord. C'est une première chose.

  2   Puis ce Tribunal n'a jamais demandé à obtenir mes notes jusqu'à

  3   présent, et j'ai conservé bon nombre de mes carnets de notes mais je n'en

  4   ai pas possession directe, parce que nous avons déménagé des Pays-Bas en

  5   Italie et tout ceci a été mis sous clé, donc je ne peux pas les trouver, et

  6   je ne suis pas non plus sûr que j'ai mes carnets de notes concernant la

  7   période couverte par les faits retenus dans ce procès.

  8    L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux continuer ? Merci.

  9   Q.  Alors, je crois nous sommes tombés d'accord, parce que ma question

 10   était celle de savoir si nous pouvions être plus efficaces et abréger, et

 11   vous avez dit que cela dépendrait de mes questions -- si je posais ce type

 12   de questions, ce serait le cas. Alors, voilà une question de ce genre :

 13   Est-ce que nous sommes tombés d'accord pour dire que vous avez

 14   compris que l'armée musulmane, l'ABiH, était en train de se battre pour

 15   mettre en place une Bosnie-Herzégovine unitariste ?

 16   R.  Oui, même si, à mon avis, ce n'est pas une armée musulmane. Je l'ai

 17   déjà dit. Dans toute la Bosnie, chaque fois que j'ai rencontré l'armée de

 18   Bosnie, il y avait aussi dans ses rangs des hommes qui n'étaient pas

 19   musulmans.

 20   Q.  Oui, ça, vous l'avez dit aujourd'hui. Mais je vais vous poser une

 21   question à cet effet : saviez-vous qu'il y avait moins de

 22   3 % de Serbes dans l'ABiH ? Ça, c'est un chiffre qu'ils ont avancé eux-

 23   mêmes.

 24   R.  On ne m'a jamais donné de pourcentage. On ne m'a jamais indiqué en

 25   pourcentage l'appartenance religieuse de ces forces armées. Ce que je dis,

 26   c'est que quand j'ai rencontré certains éléments, j'ai rencontré aussi des

 27   Serbes et des Croates dans toutes les unités que j'ai vues de l'ABiH, au

 28   cours des différents séjours que j'ai faits en Bosnie pendant la guerre,

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  1   mais on ne m'a jamais donné de pourcentage. Je n'en ai d'ailleurs pas

  2   demandé.

  3   Q.  Merci. Est-ce qu'on vous a dit que dans l'armée serbe, il y avait aussi

  4   des Croates et des Musulmans, et qu'il y avait même des unités toutes

  5   entières qui n'étaient composées que de Musulmans; oui ou non ? Ça, on peut

  6   répondre par un oui ou non.

  7   R.  Jamais je n'ai rencontré un seul Musulman dans une unité serbe.

  8   Q.  Est-ce que ça vous intéressait de savoir s'il y a en

  9   avait ? Est-ce que vous sauriez distinguer un Musulman ou un Serbe ? Est-ce

 10   qu'ils diffèrent tant l'un de l'autre, au point de pouvoir faire la

 11   différence ?

 12   R.  Non. Je vous l'ai déjà dit aujourd'hui, ce sont tous des Slaves, et

 13   oui, nous avons posé la question. Etait-il possible de faire tout de suite

 14   la différence ? Bien sûr que non. Mais on a posé la question, et jamais je

 15   n'ai rencontré un seul Musulman dans une unité serbe.

 16   Q.  Merci. Vous auriez dû être mieux informé, puisque vous étiez censé

 17   envoyer des rapports exhaustifs. Alors, je voudrais bien savoir comment

 18   vous avez fait pour ne pas constater qu'il y avait des unités entières

 19   composées de Musulmans dans l'armée serbe. Mais laissons cela de côté.

 20   Quand vous vous trouviez à certains endroits, vous aviez quelqu'un qui

 21   était directeur de la production et que c'était votre source d'information.

 22   Mais qui étaient encore les sources d'information que vous aviez à votre

 23   disposition ?

 24   R.  Pour revenir aux Musulmans dans l'armée serbe, s'il y en avait dans

 25   l'armée serbe, c'était l'armée serbe ou votre bureau qui auraient dû nous

 26   les présenter, ces Musulmans, mais vous ne l'avez jamais fait, et je n'ai

 27   aucun souvenir qu'on m'ait dit à Pale que vous ou le général Mladic, vous

 28   m'auriez dit qu'il y avait des Musulmans qui combattaient dans votre armée.

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  1   Et vous dites car je n'étais pas à tel ou tel endroit -- excusez-moi,

  2   mais je ne comprends pas du tout votre question.

  3   Q.  Je vous ai demandé où est-ce que vous vous étiez trouvé, comment

  4   saviez-vous telle chose. Alors, vous dites : Il y avait mon directeur de

  5   production qui a filmé cela et ça m'a permis d'avoir des informations. Donc

  6   vous aviez ce type de directeur de production dans toutes les républiques,

  7   et vous avez dit que c'étaient des sources d'information pour le cas où

  8   vous n'étiez pas présent vous-même sur les lieux. Alors, si c'est le cas,

  9   je vous demande si en plus d'eux, vous aviez d'autres sources

 10   d'information; et dans l'affirmative,

 11   qui ?

 12   R.  Mais je venais avec un producteur. On en avait un qui était permanent à

 13   Belgrade, puis j'avais des producteurs de reportages -- bon, je n'étais pas

 14   la seule équipe qui avait été envoyée par "Sky News" en Bosnie. Il y avait

 15   toujours des producteurs de la région qui accompagnaient ces équipes. Bien

 16   sûr qu'ils constituaient des sources d'information. Dans la mesure où ces

 17   hommes, ces femmes, parlaient la langue, ils pouvaient parler à n'importe

 18   qui, moi pas, puisque je ne parle pas le serbo-croate. D'autres sources

 19   d'information, quelles étaient-elles ? Bien, les gens qu'on rencontrait par

 20   hasard, à qui on parlait, que ce soit vous que j'ai rencontré à Pale, ou à

 21   d'autres à qui nous avons parlé à Pale, ou le général Mladic, il nous a

 22   fait un briefing, une réunion d'information avant notre interview. Et à

 23   différents moments de la guerre, nous sommes allés à la caserne de

 24   Lukavica, où nous avons reçu des informations en réunion d'officiers. Ça ne

 25   s'est pas toujours fait devant les caméras. Donc là où nous allions, nous

 26   avons parlé à des gens qui nous ont donné des informations. Ce ne sont pas

 27   nécessairement des informations que nous estimions correctes, mais on

 28   parlait à différentes personnes et on essayait du moins de déterminer si

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  1   les informations fournies étaient justes ou pas.

  2   Q.  Merci. Est-ce que nous avons été d'accord pour dire que les Serbes,

  3   comme vous l'avez précisé vous-même, se sont tiré une balle dans le pied.

  4   Moi, j'interprète la chose comme suit : les Serbes ont perdu la guerre

  5   médiatique, si on peut dire, qu'ils l'ont conduite, mais les Serbes ont été

  6   pauvrement, médiocrement représentés dans les médias occidentaux. Est-ce

  7   que nous sommes bien tombés d'accord sur ce fait ? Les raisons importent

  8   peu, maintenant, mais en a-t-il été ainsi; oui ou non.

  9    R.  Est-ce que je peux vous préciser, Madame et Messieurs les Juges, que

 10   M. Karadzic se rapporte à un commentaire que j'ai émis hier lorsque je suis

 11   allé le voir à la prison. Je lui ai dit ceci : à mon avis, en rendant le

 12   travail des médias occidentaux si difficile du côté serbe, ce qui avait été

 13   le cas en 1991, puis plus tard en Bosnie, j'ai utilisé une métaphore pour

 14   dire que ce faisant, les Serbes s'étaient tiré une balle dans le pied.

 15   A mon avis, la cause serbe, comme vous dites, a été mal représentée

 16   dans les médias serbes, parce que cette cause serbe a été mal présentée aux

 17   médias occidentaux. Pourquoi ? Pourquoi, bien, la raison, il faut la

 18   chercher chez les Serbes, pas dans les médias occidentaux.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que les médias, c'est

 20   très important, et qu'ils influent sur l'opinion publique dans leurs pays

 21   respectifs et l'opinion publique, elle, influe sur les décisions des

 22   gouvernements, ou est-ce que vous pensez que c'est le gouvernement qui

 23   influe sur les médias, ou alors est-ce qu'il y a influence réciproque ?

 24   R.  C'est complexe, à mon avis. On peut pas dire tout simplement : Oui, les

 25   médias sont importants. Le degré d'influence des médias varie d'un sujet à

 26   l'autre, d'une région à l'autre. Les fluctuations sont énormes. Certes, les

 27   médias peuvent avoir beaucoup d'influence sur l'opinion publique mais aussi

 28   sur les gouvernements. Mais parfois, ce n'est pas vrai, quels que soient

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  1   les efforts déployés par les médias. Et même si l'opinion publique est

  2   touchée, les gouvernements ne vont pas nécessairement bouger, la

  3   problématique est complexe, et ce n'est pas si manichéen que cela.

  4   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez que la partie musulmane, au niveau des

  5   médias occidentaux, était représentée par une société des relations

  6   publiques, Ruder and Finn ?

  7   R.  On ne m'a jamais mis en contact et je n'ai jamais été contacté par

  8   cette société de relations publiques que vous avez mentionnée. D'ailleurs,

  9   je n'ai jamais été contacté par qui que ce soit ni par une des parties aux

 10   différents conflits qu'il y a eu en ex-Yougoslavie.

 11   Q.  Mais avez-vous entendu dire qu'il y avait un représentant pour les

 12   relations publiques pour ce qui est des Musulmans, aux fins d'être

 13   représentés à l'Ouest ?

 14   R.  Je ne me souviens pas du tout qu'on me l'ait dit, mais je n'étais pas à

 15   l'Ouest. J'étais en Bosnie. Il y avait plusieurs groupes de pression de

 16   diverses natures aux Nations Unies, m'a-t-on dit, et aussi à Londres, mais

 17   moi, ce n'est pas là que je travaillais. Quand je n'étais pas en Bosnie,

 18   j'étais chez moi à la maison, et jamais je n'ai rencontré un de ces

 19   groupes.

 20   Q.  Est-il arrivé, comme d'autres journalistes nous l'ont raconté en

 21   s'excusant, de voir leurs rédacteurs en chef modifier la tournure des

 22   reportages que vous aviez rédigés ?

 23   R.  Mes reportages n'ont jamais été modifiés par un rédacteur en chef qui

 24   se serait trouvé à Londres, et ceci est vrai pour toutes mes missions en

 25   Yougoslavie. Je me souviens qu'il y a un seul cliché qui a été enlevé,

 26   parce que le rédacteur en chef responsable de l'étranger a retiré cette

 27   image où on voyait du sang qui dégoulinait du dos de quelqu'un, et il a

 28   estimé que ce n'était pas nécessaire. J'ai protesté, je trouvais qu'il ne

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  1   fallait rien changer à mon reportage, et il a remis ce cliché dans le

  2   reportage. Est-ce que ça c'est arrivé à d'autres journalistes, peut-être

  3   que oui, mais pas pour moi. Je ne m'en souviens pas en tout cas. En tout

  4   cas, je ne peux pas faire de commentaires si ce fut le cas pour d'autres.

  5   Permettez-moi de souligner autre chose. La télévision américaine et ses

  6   journalistes doivent envoyer le texte écrit du reportage aux bureaux de New

  7   York ou à Atlanta. Ce n'est pas fait chez nous, la télévision britannique

  8   n'agit pas ainsi; ce qui veut dire que c'était vraiment mon œuvre, ce

  9   reportage que j'ai envoyé à Londres, où il était diffusé. A ma

 10   connaissance, personne à Londres n'a modifié un seul de mes articles ou

 11   reportages.

 12   Q.  Merci. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire  -- ou est-ce

 13   qu'il vous semble raisonnable d'affirmer que, du fait des sanctions, nous

 14   n'avons jamais pu engager de groupes de pression ni de groupes chargés de

 15   lobbying ni de groupes de relations publiques sous forme d'agences ou

 16   autre, à l'Ouest ?

 17   R.  Je sais qu'il y avait un groupe de pression à Londres. Est-ce qu'il a

 18   dû être rémunéré ou est-ce que c'étaient des bénévoles, je ne sais pas. Je

 19   n'ai jamais rencontré les membres de ce groupe de pression. Est-ce que ça

 20   vous semble plausible, parce qu'en raison des sanctions, le gouvernement

 21   serbe de Belgrade n'aurait pas eu les moyens de payer une société chargée

 22   de la communication ? Moi, ça ne me semble pas plausible. Si Belgrade

 23   l'avait voulu, ils auraient trouvé ces fonds. Ça ne coûte pas si cher que

 24   ça pour un gouvernement.

 25   Q.  Je ne parlais pas de possibilité financière. Mais du fait des

 26   sanctions. Aucune agence n'acceptait de nous représenter, parce que cela

 27   constituerait une violation des sanctions mises en place, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je ne suis pas expert en matière de sanctions imposées par les Nations

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  1   Unies. Si vous aviez une société chargée de communications, une société

  2   occidentale, et si elle avait travaillé pour vous, est-ce qu'elle aurait

  3   contrevenu à ces sanctions ? Je ne sais pas.

  4   Q.  Merci. Mais toujours est-il qu'il en a été ainsi. Alors, vous nous avez

  5   dit que vous ne saviez pas quelle était la partie en présence qui coupait

  6   l'eau, l'électricité, l'acheminement des vivres, de provisions, n'est-ce

  7   pas ?

  8   R.  Vous pensez à la conversation d'hier quand on parlait de l'interruption

  9   des services d'eau, d'électricité, l'approvisionnement de Sarajevo. Je vous

 10   ai répondu que la ville ne cultivait pas ses propres aliments. L'eau ne

 11   sort pas toute seule des robinets. Il faut amener l'eau dans les maisons.

 12   C'est vrai aussi en général pour l'électricité. Je n'ai pas de preuve

 13   personnelle concluante qui montrerait que c'est votre gouvernement ou

 14   quelqu'un d'autre qui aurait fait ces coupures. Mais une ville assiégée,

 15   c'est clair, elle n'est plus en mesure de nourrir à elle seule ses

 16   habitants. Tout ceci doit venir de l'extérieur. Et à toutes fins utiles,

 17   votre gouvernement a empêché la population de Sarajevo d'avoir un accès

 18   normal à toute nourriture ou à l'eau dont elle avait besoin.

 19   Q.  Est-ce que vous voulez dire qu'elle pouvait empêcher ou qu'elle a

 20   empêché ? Parce que si vous dites empêcher ou entraver, c'est que vous

 21   savez qu'il y a eu entrave de mise.

 22   R.  Je sais que ceci est un fait. Les approvisionnements en vivres des

 23   Nations Unies ont souvent été arrêtés, par exemple, si cet

 24   approvisionnement se faisait par avion, on tirait sur cet avion. Et

 25   plusieurs fois, les Nations Unies nous ont dit que ces tirs provenaient des

 26   lignes serbes et que, du coup, on avait arrêté le transport aérien de

 27   marchandises. Donc je suppose que c'est une preuve claire que c'est votre

 28   gouvernement, ce sont vos forces qui ont empêché l'acheminement de ces

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  1   vivres à Sarajevo.

  2   Q.  Bien, voyez-vous, ce n'est pas tout à fait exact. Nous avons déterminé

  3   ici en interrogeant un autre témoin qu'il y a eu plus de 10 000 vols et

  4   qu'il n'y a pas eu un seul incident relatif à ces vols qui ait été généré

  5   par le côté serbe.

  6   Mais on est bien d'accord pour dire que vous n'avez pas toujours su qui

  7   est-ce qui ouvrait le feu, n'est-ce pas ? Je pense --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voyez, c'est précisément le genre

  9   de déclaration que vous ne devriez pas faire.

 10   Est-ce que, Monsieur le Témoin, vous avez un commentaire à formuler ici ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de l'autre témoin et des 10

 12   000 vols, Monsieur le Président ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais écoutez, je n'étais pas ici pour entendre

 15   ce que disait cet autre témoin, je ne sais pas ce qu'il a dit. Il m'est

 16   donc impossible de commenter ce qu'il aurait déclaré.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Précisément.

 18   Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Avons-nous été d'accord pour dire que vous ne saviez pas toujours qui

 22   est-ce qui tirait; oui ou non ?

 23   R.  Bien sûr que je ne savais pas toujours. Si vous traversez une ville,

 24   vous ne savez pas qui tire et sur quoi on tire, à moins que vous ne soyez

 25   touché, à moins que vous n'ayez quelqu'un qui filme, et à ce moment-là, les

 26   images filmées montrent d'où viennent les tirs et sur qui on tire. Mais

 27   est-ce que je le savais toujours ? Non, bien sûr que non.

 28   Q.  Merci. Avons-nous été d'accord pour dire que l'ABiH avait des positions

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  1   qu'elle tenait plus au sud de l'hôtel Holiday Inn et qu'il se peut qu'elle

  2   ait disposé de tireurs isolés, de tireurs embusqués au bâtiment du

  3   gouvernement, au bâtiment du musée, et cetera ? Donc vous saviez qu'ils

  4   avaient des positions au sud de l'hôtel Holiday Inn et qu'ils avaient des

  5   tireurs isolés aux bâtiments de l'assemblée du parlement, du gouvernement

  6   et du musée.

  7   R.  J'ai dit qu'il était possible qu'ils aient des positions de tireurs

  8   embusqués et de l'armée au sud de l'hôtel Holiday Inn. Est-ce que j'y suis

  9   allé ? Je vous dirais que non. Mais j'ai dit qu'effectivement, c'est une

 10   possibilité.

 11   Q.  Vous nous avez dit que vous n'avez pas été conscient de l'existence

 12   d'une unité de Moudjahidines au sein de l'ABiH. En a-t-il été vraiment

 13   ainsi ?

 14   R.  Je ne me souviens pas exactement. Hier vous avez fait état d'une unité

 15   de Moudjahidines. Mais je savais, lorsque est arrivé la fin de la guerre,

 16   qu'il y avait ce que vous appelez des unités de Moudjahidines. Si vous me

 17   demandez si j'en ai vu une, je dirais que non, jusqu'après la guerre. Après

 18   la guerre, j'ai effectivement vu une unité. Mais je n'ai pas vu d'unités,

 19   et personne ne m'a jamais dit qu'il aurait appartenu à ce genre d'unité

 20   lorsque j'ai parlé à diverses personnes pendant la guerre.

 21   Q.  Merci. Vous avez rendu visite à l'état-major du général Juka Prazina,

 22   et vous m'avez dit que vous n'étiez pas sûr -- ou plutôt, vous avez affirmé

 23   que lui n'était pas un général. C'est bien ce que vous avez dit ?

 24   R.  Aller à l'état-major et aller au QG ça donnerait l'impression qu'il

 25   s'agissait d'une unité organisée. J'ai été dans bien des endroits qui ne

 26   ressemblaient sûrement pas à ce que j'ai vu lorsque j'ai été voir Juka

 27   Prazina. C'était un appartement civil tout à fait ordinaire, qui était au

 28   rez-de-chaussée d'un immeuble de Sarajevo. Ce n'était pas du tout un QG.

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  1   J'ai vu d'autres immeubles plus tard, en 1992, qui avaient ce même aspect.

  2   Mais peut-on les qualifier de QG, pas du tout.

  3   A ma connaissance, personne ne disait "Général" en s'adressant à lui.

  4   Ils l'appelaient "Juka," et moi, je ne savais pas qu'on lui avait donné ce

  5   titre, pour autant qu'on le lui ait donné.

  6   Q.  Merci. Je vous ai posé la question et vous avez répondu que vous

  7   n'étiez pas au courant de la présence d'autres généraux qui auraient

  8   auparavant été des criminels, comme Celo -- enfin, il y a plusieurs Celo,

  9   et même leur commandant a affirmé qu'il y en avait neuf ou 11, mais il y en

 10   avait deux qui étaient notamment connus, puis Musan Topalovic, Caco, et

 11   autres. Alors, est-il bien vrai que vous n'avez pas été mis au courant de

 12   tout ceci, n'est-ce pas ?

 13   R.  Je n'ai pas connaissance de 11 Celo. Moi, j'en connaissais un. Et je

 14   sais qu'il y avait d'autres personnes, mais jamais on ne m'a dit que ces

 15   gens auraient le grade de général, non.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 17   Juste deux petites questions encore avant la pause, n'est-ce pas,

 18   Excellence ?

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Il y a deux choses que je voudrais vous demander avant la pause, et

 21   après la pause on passera à des sujets autres.

 22   D'abord, vous avez dit que l'ABiH n'avait pas disposé d'artillerie à

 23   l'époque, et nous parlons de juin 1992 et au-delà. Et quand est-ce que vous

 24   avez pu vous rendre compte du fait qu'ils avaient de l'artillerie dans la

 25   ville de Sarajevo ? Et deuxième chose que vous m'avez attribuée, mais

 26   jamais personne n'a rapporté cela comme étant ma position, à savoir qu'à

 27   mes yeux, les Musulmans sont des Turcs. Or, je les considère comme étant

 28   des Serbes, et il semblerait que j'aurais souhaité la construction d'une

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  1   muraille dans Sarajevo. Ce sont deux choses que vous avez avancées et que

  2   personne d'autre n'ont avancées. Alors, pourquoi ne l'avez pas publié,

  3   parce que c'est assez drastique, c'est assez imagé. Parce que si Karadzic

  4   était favorable à une muraille dans Sarajevo, tous les médias l'auraient

  5   rapporté, n'est-ce pas ?

  6   R.  Mais ici, vous mélangez toutes sortes de choses. Il y a d'abord la

  7   question de l'artillerie qu'aurait la partie musulmane de Bosnie dans

  8   Sarajevo. Pendant tout le temps que j'ai passé à Sarajevo, je n'ai rien vu

  9   qui ressemble à une pièce d'artillerie. En mars 1994, j'ai vu un centre de

 10   rassemblement d'armes organisé par les Nations Unies, puis j'y ai vu des

 11   mortiers de 120-millimètres. Ce sont des mortiers de taille considérable.

 12   Mais pour moi, ce n'est pas un mortier de ce calibre une pièce

 13   d'artillerie. Ça c'est une première chose. Et jamais je n'ai vu les pièces

 14   d'artillerie de leur côté que j'ai vues sur cette position où j'ai

 15   rencontré le général Mladic à Sarajevo.

 16   Quelle était votre question suivante ?

 17   R.  La muraille, et j'aurais affirmé que les Musulmans c'étaient des Turcs.

 18   R.  Monsieur Karadzic, en fin de soirée, nous avons eu de nombreuses

 19   conversations, vous et moi, à Pale en septembre 1992. Mais c'était à bâtons

 20   rompus, officieux. Je n'avais pas de caméraman avec moi, ce n'étaient pas

 21   des interviews, et dans les reportages que j'ai faits, je n'ai jamais

 22   repris les propos que vous auriez pu avoir tenus dans ces conditions. Je me

 23   rappelle qu'une option était mentionnée, ce n'était pas la seule

 24   d'ailleurs, mais vous avez dit qu'il faudrait construire un mur dans

 25   Sarajevo. Des enquêteurs de ce Tribunal m'ont posé la question et j'ai

 26   répondu.

 27   Hier, vous parliez de la solution de Bruxelles. Je n'ai pas le moindre

 28   souvenir de cette description que vous auriez utilisée pendant nos

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  1   conversations de septembre 1992.

  2   Dernier point que vous évoquez, vous dites que c'étaient des Turcs. C'est

  3   le souvenir que j'en ai. Hier vous m'avez dit, qu'à votre avis, ce sont des

  4   Serbes. Si vous pensez que ce sont des Serbes, pourquoi cette guerre,

  5   n'est-ce pas bizarre de penser qu'on aurait fait cette guerre ?

  6   Q.  Bien, les guerres civiles ça arrive dans le cadre de nations qui sont

  7   composées du même groupe ethnique. Donc il y a eu d'autres nations qui ont

  8   eu des guerres civiles.

  9   D'abord, dites-nous s'il était correct de ne pas vous servir de références

 10   faites à l'occasion d'entretiens officieux et pourquoi pensez-vous que cela

 11   doive être repris lors de vos réponses au Tribunal ?

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Objection. La question n'est pas bien posée.

 13   Elle est hors de propos, et le témoin a déjà répondu, il a expliqué

 14   pourquoi il n'avait pas utilisé ces informations dans ses reportages.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si le témoin peut

 16   répondre à la question. A lui de voir.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais faire de mon mieux, Monsieur le

 18   Président.

 19   On m'a dit de dire toute la vérité à propos de certaines conversations que

 20   j'aurais eues. Nous sommes dans un tribunal ici. Ce n'est pas la même chose

 21   que quand on fait un reportage pour une chaîne de télévision. Si j'avais

 22   repris vos commentaires dans un reportage, il aurait fallu que je le

 23   prouve. Or, je n'avais pas de caméra avec moi. Et vous pourriez toujours

 24   dire que ce que je raconte dans ce reportage n'est pas vrai.

 25   Puis j'avais bien compris le cadre de ces conversations. C'étaient

 26   des conversations à bâtons rompus. Ici, nous sommes dans un tribunal. Quand

 27   on enjoint à quelqu'un de dire la vérité, on doit essayer de se rapprocher

 28   le plus de la vérité, et c'est ce que j'ai fait quand j'ai répondu aux

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  1   questions des enquêteurs.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Bon. Alors, nous allons retrouver cela dans vos notes, parce que vous

  4   avez dû le consigner dans vos notes. C'est tellement marquant que cela

  5   devrait s'y trouver. Parce que si ça n'a pas été enregistré par les

  6   caméras, ça devrait figurer dans les souvenirs que vous avez couchés sur

  7   papier.

  8   Et soit dit en passant, je ne bois que du vin rouge.

  9   R.  Moi aussi d'ailleurs, mais je me souviens que ce jour-là vous aviez un

 10   verre de vin blanc. Peut-être que mes souvenirs ne sont pas bien exacts. Je

 11   n'ai pas écrit de mémoire, et je ne consulte pas souvent mes notes.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, c'est sur cette note que nous

 13   allons procéder à une pause de 25 minutes.

 14   --- L'audience est suspendue à 15 heures 24.

 15   --- L'audience est reprise à 15 heures 49.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  J'aimerais vous rappeler, Monsieur van Lynden, ce que vous dites dans

 20   le reportage numéro 5, lorsque vous déclarez que les tours UNIS se sont

 21   désintégrées et que c'était le symbole de la dégradation de la ville. Et si

 22   je ne m'abuse, vous poursuivez en déclarant que les Serbes ont signé une

 23   trêve mais que ce cessez-le-feu n'a pas été respecté et qu'en conséquence

 24   de cela les Musulmans ou plus précisément l'ABiH, comme vous l'appelez, qui

 25   n'avait pas d'artillerie; et vous ajoutez en annexe si je ne me trompe que

 26   cette ABiH s'est levée sans pièce d'artillerie mais avec des armes

 27   d'infanterie de petit calibre. Alors je demande l'affichage du document

 28   1D1208, grâce au prétoire électronique, je vous prie, et nous pourrons voir

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  1   ce que vous affirmez dans ce reportage. Nous voyons ici le président de la

  2   Bosnie-Herzégovine et chef du parti musulman, Alija Izetbegovic, ainsi que

  3   le commandant de son armée, qui parlent ensemble, donc M. Izetbegovic et le

  4   chef de l'état-major principal, M. Sefer Halilovic. J'aimerais que la

  5   version anglaise soit affichée sur les écrans. C'est donc une réunion de la

  6   présidence, une séance de la présidence de Bosnie-Herzégovine qui se tient

  7   le 17 juin 1992 et nous avons ici la transcription de l'enregistrement de

  8   cette séance.

  9   Page 3, sur les écrans, je vous prie. Page 3 de la version serbe sur les

 10   écrans, je vous prie. C'est la partie surlignée qui m'intéresse. Peut-on

 11   avoir la traduction anglaise en face. Oui. Elle est là. Non, ce n'est pas

 12   ça. Page 3 de la version anglaise, je vous prie. La situation à Sarajevo et

 13   la situation générale dans la région de Sarajevo. Et c'est Sefer Halilovic

 14   qui parle.

 15   "D'après le déploiement est le suivant. Sur le territoire des municipalités

 16   transversales sont stationnées les forces chetniks, donc les forces serbes

 17   avec des effectifs de 300 à 400 hommes sur le territoire de la municipalité

 18   de Trnovo, sont stationnés 300 à 400 hommes qui bénéficient du soutien de

 19   deux ou trois chars et de deux ou trois blindés de transport de troupes

 20   ainsi que de cinq à six mortiers."

 21   Maintenant j'aimerais que l'on voie ce qu'il dit en page 6 du document dans

 22   sa version en B/C/S. Même numéro, je suppose pour la traduction anglaise.

 23   Je cite - et là, c'est Sefer Halilovic qui informe la présidence au sujet

 24   de la situation sur les fronts.

 25   Je cite :

 26   "Au cours des deux derniers mois, l'agresseur a subi des pertes importantes

 27   en particulier des pertes matérielles et techniques, près de 20 chars, 20

 28   blindés de transport de troupes, six VBR, cinq obusiers, sept mortiers de

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  1   120-millimètres.

  2   "Un certain nombre de ces matériels ont été perdus ou

  3   détruits : trois chars, six véhicules blindés, cinq obusiers de

  4   155- millimètres, six mortiers, un certain nombre d'armes d'infanterie et

  5   une grande quantité de munitions pour les armes d'infanterie. Donc il y a

  6   eu apport de munitions. En raison de pertes importantes en matériels et en

  7   roquettes d'artillerie, l'intensité des actions d'artillerie contre

  8   Sarajevo a décru."

  9   Alors, je vous pose la question suivante : est-ce que vous avez rendu

 10   compte de ces pertes serbes ? Est-ce que vous en avez rendu compte à vos

 11   téléspectateurs ? Est-ce que vous les avez informés de ces pertes serbes,

 12   les gens qui vous regardent et vous écoutent ?

 13   R.  Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, il me semble qu'on

 14   me pose ici toute une série de questions différentes en même temps, parce

 15   que nous avions commencé sur quelque chose de très différent et nous sommes

 16   maintenant face à ce texte du 17 juin, un document que je n'avais encore

 17   jamais vu. C'est la première fois que je le vois.

 18   Mais la dernière question que j'ai entendue consiste à me demander si je

 19   rendais compte de tout cela à Londres. D'abord, à la date du 17 juin, je

 20   crois que j'avais déjà quitté la Bosnie. Je ne me rappelle pas les dates

 21   exactes des événements évoqués par M. Halilovic dans ce procès-verbal - je

 22   veux dire les pertes de matériel serbe - mais lorsque nous avons quitté

 23   Sarajevo après le bombardement et après ce que nous avons vu dans des

 24   vidéos montrées par l'Accusation il y a peu de temps, nous sommes allés à

 25   Pale et nous vous avons demandé de pouvoir travailler à Pale. Chaque fois

 26   que nous sortions de la pension olympique, nous étions arrêtés. Alors,

 27   comment est-ce que l'on aurait pu rendre compte de quoi que ce soit et en

 28   particulier des pertes serbes ?

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  1   En dehors de cela, ce que j'ai vécu pendant la guerre m'a fait

  2   comprendre qu'aucune des parties en présence n'était particulièrement

  3   amicale à l'égard des journalistes, au point, en tout cas, de lui dire :

  4   Voilà, nous avons perdu ceci et cela. Je ne pense pas qu'un quelconque

  5   gouvernement dans le monde aurait l'amabilité de dire : Nous avons fait une

  6   erreur à ce niveau-là et voilà ce que nous avons perdu. Je n'ai

  7   certainement pas été emmené par les Musulmans de Bosnie vers les endroits

  8   perdus par eux, mais je n'ai pas non plus été emmené dans des endroits de

  9   ce genre par vos forces non plus.

 10   Quand j'ai rendu compte à la fin de l'année 1992 du fait que Zuc

 11   avait été perdue par les forces serbes de Bosnie et que l'armée bosnienne

 12   avait capturé ces lieux, c'est quelque chose qui a été vérifié par votre

 13   gouvernement, et cela a entraîné une certaine colère du général Mladic à

 14   mon égard - en tout cas, c'est l'une des raisons apparentes de sa colère -

 15   lorsqu'il m'a rencontré en 1994. Non, non, non. A cette époque-là, je pense

 16   que je n'étais plus d'ailleurs en Bosnie. Je n'ai pas rendu compte de cela.

 17   Je n'étais pas au courant. Nous n'avons pas été informés par votre

 18   gouvernement de ces territoires perdus et je ne me souviens pas que le

 19   gouvernement bosnien m'aurait donné ce genre d'information non plus, je

 20   veux dire une description détaillée des réalisations militaires et des

 21   succès militaires remportés par cette armée.

 22   Est-ce que nous aurions dû rendre compte de cela ? Si nous en avions

 23   rendu compte, Monsieur Karadzic, le gouvernement bosnien nous avait dit que

 24   les Serbes avaient perdu tout cela et vous avez dit que c'était

 25   complètement ridicule, que c'était une façon partiale de rendre compte des

 26   événements, mais vous n'avez pas vérifié.

 27   L'un des problèmes du fait de travailler dans une zone de guerre,

 28   c'est qu'on ne peut pas franchir des lignes invisibles qui empêchent de

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  1   vérifier immédiatement certains événements. Donc je crois qu'il aurait été

  2   très peu probable que nous ayons rendu compte de ce genre de chose, à moins

  3   d'avoir confirmation directe de votre gouvernement ou de vos forces armées

  4   que c'était bien le cas. Dans le cas contraire, on aurait pu dire que nous

  5   faisions de la propagande au profit des Musulmans de Bosnie.

  6   Q.  Merci. C'était une réponse assez longue mais voyez-vous, Monsieur van

  7   Lynden, le témoin qui --

  8   R.  La question était longue aussi, Monsieur Karadzic.

  9   Q.  Voyez-vous, vous pouvez répondre par oui ou par non. Ce que je

 10   soutiens, c'est que vos reportages étaient particulièrement peu objectifs

 11   et n'étaient pas convenablement vérifiés et que les gens qui se trouvent

 12   dans cette salle actuellement, lorsqu'ils visionnent les images de vos

 13   vidéos et de vos films, acquièrent l'impression que ce sont les Serbes qui

 14   étaient à l'origine des tirs, que personne ne tirait sur les Serbes, et que

 15   la ville était désarmée, n'avait pas d'artillerie, n'avait pas de soldats,

 16   qu'aucune action ne s'y déroulait et que les Serbes, eux, ne subissaient

 17   aucune perte; est-ce que c'est exact ? Est-ce que vous étiez partial, est-

 18   ce que vous étiez peu objectif, est-ce que vous avez vérifié les

 19   renseignements que les Musulmans vous donnaient, de la même façon que vous

 20   exprimiez le désir de vérifier ce que les Serbes vous donnaient ?

 21   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, c'est un

 22   commentaire et trois ou quatre questions en même temps. Vous n'obtiendrez

 23   jamais une réponse par oui ou par non à ce genre de propos que vous tenez

 24   au témoin. Si vous souhaitez une réponse par oui ou par non, une réponse

 25   brève, il faudra poser une question directe, concise et bien définie. Le

 26   témoin ne peut pas répondre à tout ce que vous lui demandez ici, sauf à

 27   fournir une réponse particulièrement longue, ce qu'il peut éventuellement

 28   ne pas souhaiter faire ici.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que j'étais partial ou

  2   pas ? Je laisserai les Juges de la Chambre en décider. Je ne crois pas que

  3   j'étais partial dans mes reportages. Je dirais que j'avais un sentiment

  4   négatif à l'égard de la guerre de façon générale après avoir été pendant

  5   près de 25 ans correspondant de guerre.

  6   Est-ce que nous vérifiions ? Oui, nous essayions toujours de vérifier

  7   très précisément auprès des Nations Unies. Les Nations Unies étaient à

  8   Sarajevo en mai et juin 1992, même s'ils leurs effectifs n'étaient pas

  9   aussi importants que par la suite, mais nous avons essayé de vérifier

 10   auprès des Nations Unies. Nous nous efforcions de vérifier auprès des deux

 11   parties en présence chaque fois que la chose était possible, mais souvent,

 12   c'était impossible. Nous n'obtenions tout simplement aucune réponse.

 13   Je pense que la voie que j'ai utilisée, à savoir m'adresser à vous

 14   personnellement, vous donne amplement la possibilité de confirmer ce que je

 15   dis. L'une des raisons pour laquelle je n'ai pas demandé une interview

 16   officielle auprès de vous à Pale en septembre 1992, c'est que nous nous

 17   étions entendus et que "Sky News" avait accepté que parce que vous parlez

 18   anglais, "Sky News" puisse vous interviewer directement depuis Londres, et

 19   de nombreuses interviews ont été recueillies auprès de vous suite à cela.

 20   Mais si on nous demandait des renseignements précis de la nature des

 21   renseignements qui sont évoqués ici comme, par exemple, une réaction

 22   personnelle, on ne l'obtenait pas. On ne l'obtenait d'ailleurs d'aucune des

 23   parties en présence, je dois le dire, sur les deux fronts.

 24   Alors, je vais relire votre question.

 25   Non, je ne pense pas que j'ai donné l'impression que la ville était

 26   désarmée. En fait, nous avons filmé des soldats et des policiers, comme les

 27   Juges l'ont vu aujourd'hui, qui utilisaient des armes de petit calibre.

 28   Notre impression générale à l'époque, renforcée par ceux à qui nous

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  1   parlions aux Nations Unies et que nous considérions comme des gens

  2   objectifs auxquels nous pouvions nous adresser, bien, ils nous ont tous dit

  3   que les armes lourdes étaient pratiquement toutes de votre côté. Je ne dis

  4   pas que eux n'avaient peut-être pas quelques mortiers lourds. En fait, j'ai

  5   vu des mortiers lourds chez eux, comme je l'ai déjà dit dans ma déposition.

  6   Je n'ai pas vu à Sarajevo de pièces d'artillerie lourde. Il y avait, c'est

  7   certain, au début, un grand nombre de soldats en guenille. Il n'y avait pas

  8   d'armée de Bosnie au moment où la guerre a éclaté. Il y avait des forces de

  9   la Défense territoriale, des forces de police, puis les unités se sont

 10   créées, un certain nombre d'entre elles sous la conduite de criminels,

 11   comme je l'ai signalé dans ma déposition, Jusuf Prazina étant l'un de ces

 12   criminels que j'ai connu personnellement. Vous avez parlé d'autres

 13   criminels. Je sais qu'ils ont existé et je sais aussi que nous en avons

 14   parlé sur les ondes donc je ne pense pas que ceci soit un exemple de façon

 15   de rendre compte qui soit particulièrement peu objective.

 16   J'espère avoir répondu à votre question.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Je conviens que mes questions sont plutôt complexes, mais je suis sous

 19   la contrainte du temps. Si nous avions suffisamment de temps, la situation

 20   serait différente. Mais précisons un point, Monsieur van Lynden.

 21   Jusqu'en septembre, est-ce que vous étiez à Pale, jusqu'au mois de

 22   septembre, ou est-ce que vous n'y êtes pas resté jusqu'au mois de juin ? Je

 23   veux dire, à Sarajevo, pas à Pale. A Sarajevo. Vous avez dit il y a un

 24   instant qu'au mois de juin, à ce moment particulier, vous n'étiez plus à

 25   Sarajevo. Mais dans vos reportages, on voit que vous y êtes resté jusqu'en

 26   septembre, et qu'ensuite vous y êtes revenu en octobre. Ceci figure en page

 27   11 du compte rendu d'aujourd'hui. Page 11 du compte rendu d'aujourd'hui,

 28   vous dites que vous y êtes resté jusqu'en septembre.

Page 2454

  1   R.  Non, je n'ai pas dit que j'y étais resté jusqu'en septembre. Je suis

  2   arrivé vers la fin mai, je suis parti un moment en juin pour Pale, parce

  3   que c'était la seule façon de faire partir nos reportages, donc ensuite j'y

  4   suis resté. Je suis rentré à Sarajevo et je m'y suis trouvé à partir de la

  5   fin de juin, pendant tout le mois de juillet jusqu'au début du mois d'août.

  6   A ce moment-là, je suis reparti pour rentrer dans ma famille, je suis resté

  7   à Londres pendant la conférence de Londres, nous nous y sommes rencontrés

  8   vous et moi. Ensuite, nous nous sommes rencontrés à Belgrade et j'ai passé

  9   trois ou quatre semaines à Pale par la suite. Donc je n'affirme pas que

 10   j'étais à Sarajevo pendant toute cette période.

 11   Q.  Merci. Mais le Procureur a donné lecture d'un texte où il est écrit que

 12   vous étiez arrivé à Sarajevo à la fin mai 1992 et que vous y étiez resté

 13   jusqu'en septembre, Pale étant une municipalité de Sarajevo. Donc lorsque

 14   vous étiez à Pale, vous étiez aussi à Sarajevo. Mais enfin, continuons.

 15   Peut-on faire défiler la page à l'écran pour que l'on voie ce que dit le

 16   général Sefer Halilovic au sujet des équipements dont ils disposaient à

 17   Sarajevo.

 18   Q.  Il dit, je cite :

 19   "Le déploiement des forces de la défense territoriale dans la région de

 20   Sarajevo --"

 21   Est-ce que la version anglaise peut être affichée aussi, c'est le dernier

 22   paragraphe qui m'intéresse.

 23   Je cite :

 24   "La situation et l'état des forces territoriales à Sarajevo…"

 25   Maintenant, affichage de la page suivante en anglais, je vous prie.

 26   Je cite :

 27   "…sont composés de ce qui suit : l'état-major régional de la défense

 28   territoriale, deux batteries de lanceurs de 120-millimètres avec 12 armes,

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  1   une batterie d'obusiers de 105-millimètres avec cinq armes, une unité

  2   d'artillerie de 122-millimètres, trois armes, une unité mécanique blindée,

  3   un groupe composé de cinq véhicules et 16 centres de la défense

  4   territoriale municipale, 16 compagnies de la défense territoriale, environ

  5   500 unités ou pelotons indépendants, et près de 450 groupes autonomes ou

  6   compagnies autonomes, avec aussi 100 unités d'antisabotage."

  7   Alors, est-il possible que vous ne vous rendiez pas compte que cette

  8   importante force armée se trouvait à Sarajevo, est-il possible que cela

  9   vous ait échappé, Monsieur van Lynden ? Est-ce que vous avez été conscient

 10   de la présence militaire importante qu'ils avaient à Sarajevo, comme on

 11   peut le lire dans ce document ?

 12   R.  Non, je n'étais pas conscient de cela. J'étais conscient de la présence

 13   d'un grand nombre d'hommes en armes, portant des kalachnikov, comme je l'ai

 14   déjà dit dans ma déposition, mais je ne savais pas qu'ils possédaient une

 15   batterie d'obusiers de 

 16   105-millimètres. "Avec cinq armes," je ne sais pas exactement quel est le

 17   sens à donner à cette phrase, est-ce que c'est un canon ou une arme à feu,

 18   mais je ne me rappelle pas qu'il y ait eu un très grand nombre d'hommes

 19   portant des fusils. Mais ce genre d'armement est pratiquement insignifiant

 20   si on le compare à l'armement lourd que possédaient vos forces. Mais non,

 21   je n'étais pas conscient de cela, non. Je n'ai pas vu de pièces

 22   d'artillerie. J'ai dit dans ma déposition que je n'avais pas vu de pièces

 23   d'artillerie à Sarajevo pendant mon séjour dans cette ville en dehors de

 24   mortiers de

 25   120-millimètres.

 26   Q.  Un peu plus bas, il déclare qu'au total, il disposait de 190 000

 27   soldats, dont 45 % à peu près étaient armés. Donc vous avez raison, tout le

 28   monde n'était pas armé. Mais puisque les armes restaient sur le front,

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  1   elles suffisaient pour armer les relèves qui se faisaient sur le front.

  2   Puis nous lisons : 500 pelotons indépendants, 450 compagnies indépendantes

  3   et 100 pelotons ou unités antisabotage. C'est vraiment une force d'armée

  4   gigantesque à Sarajevo. Sarajevo était une ville fortifiée, une forteresse

  5   fourmillant d'armes et de soldats, et vous semblez vouloir la présenter

  6   dans vos reportages comme une espèce d'école maternelle ou de crèche

  7   attaquée par les sauvages qui étaient les Serbes.

  8   Alors, les Serbes avaient bien des raisons d'être aigris par des reportages

  9   de cette nature, et mécontents ?

 10   R.  Je ne saurais dire ce que les Serbes pensaient de mes reportages et

 11   s'ils en étaient contents ou pas.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Passons maintenant à la page 7, dont je

 13   demande l'affichage.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Vous avez dit aujourd'hui, ainsi que dans vos reportages, que d'après

 16   vous, les personnes tuées et blessées étaient des civils parce que les

 17   soldats portent des uniformes, alors que les civils n'en portent pas. Et

 18   c'est donc le critère que vous dites avoir utilisé pour distinguer entre un

 19   civil et un soldat.

 20   Alors, j'aimerais que nous portions notre attention sur le passage

 21   anglais du texte où on peut lire, qui commence par le mot "during" en

 22   anglais. C'est toujours Sefer Halilovic qui parle.

 23   Page 7 :

 24   "La phase précédente est la suivante, le personnel est habillé en civil.

 25   Donc les hommes sont habillés en civil."

 26   Et je poursuis la lecture :

 27   "Elle n'est absolument pas protégée contre les variations de la météo."

 28   Ensuite, le passage qui m'intéresse est un peu plus bas, je cite :

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  1   "Nonobstant les problèmes qui se posaient, les unités de la défense

  2   territoriale de la ville de Sarajevo ont défendu avec succès les faubourgs

  3   de la ville. Elles ont empêché une attaque de la ville et ont en même temps

  4   engagé des actions selon un certain nombre d'axes. Pendant le début de

  5   l'attaque, d'importantes forces chetniks ont été brisées dans le secteur de

  6   Pofalice et de Zuc, le mont Mojmilo, le front s'étendant jusqu'à Stari

  7   Grad, le mont Mojmilo, et dans les quelques derniers jours notre artillerie

  8   a joué un rôle particulièrement important, elle a réussi à provoquer des

  9   pertes importantes aux soldats ennemis ainsi que des pertes en matériel et

 10   en équipement technique dans la région de Pofalice, de Zuc, du mont Mojmilo

 11   et dans le village de Mrkovici. A en juger par le rapport des forces, les

 12   unités de la défense territoriale peuvent conserver les positions qu'elles

 13   tiennent et grâce à des actions offensives, elles peuvent même étendre plus

 14   loin les lignes de défense."

 15   Voici maintenant ma question, Monsieur van Lynden. Ceci est un reportage

 16   qui provient du commandant de l'armée musulmane et qui est adressé à la

 17   présidence musulmane, ou quel que soit le nom que vous lui donnez, et on

 18   lit dans ce document que les tirs des Serbes ont remporté davantage de

 19   succès que les tirs musulmans -- ont permis de remporter davantage de

 20   succès que les tirs serbes et que les serbes ont subi des pertes, mais que

 21   leurs attaques d'artillerie ont été couronnées de succès. Alors à la

 22   lecture de vos reportages, peut-on conclure que Sefer Halilovic dit bien

 23   cela dans son rapport à la présidence ?

 24   R.  D'abord, il faudrait que vous posiez la question à M. Halilovic, et je

 25   doute qu'il vous réponde d'une façon identique à ce que j'écrivais dans mes

 26   reportages, parce que ce que je décrivais ne se passait pas sur le front.

 27   Les pilonnages se faisaient un peu partout sur la ville. Il parle lui

 28   d'attaques qui se déroulent sur le front. Moi, je n'ai jamais vu ce

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  1   document avant aujourd'hui. Je ne connais pas M. Halilovic, et je ne sais

  2   pas ce qu'il a écrit par ailleurs.

  3   Mais d'abord, j'aimerais répondre précisément à votre question. Au début de

  4   l'attaque, dit-il, les soldats étaient en uniforme ou n'étaient pas en

  5   uniforme. Dans un reportage qui n'a pas été montré devant cette Chambre,

  6   mais que j'ai tourné dans les premiers jours du mois de juin, je dis très

  7   clairement qu'il n'y a pas correspondance numérique avec les forces armées

  8   musulmanes de Bosnie. Certains hommes sont en uniforme, beaucoup n'en ont

  9   pas. Ils n'avaient pas tous un uniforme à ce moment-là de la guerre, et

 10   nous l'avons dit clairement.

 11   Lorsque nous rencontrions des blessés, et dans un reportage qui a été

 12   montré devant ce Tribunal cet après-midi, après les pilonnages intensifs,

 13   il y a eu des combats, nous avons dit clairement que les blessés étaient

 14   des membres armés de l'armée bosnienne qui étaient en train de lancer une

 15   contre-offensive. Nous n'avons pas dit que c'était des civils. Nous avons

 16   dit qu'il s'agissait de membres des forces armées.

 17   Bien entendu, lorsqu'un homme se trouve dans une zone de guerre et

 18   qu'il a moins de 60 ans et qu'il porte des vêtements civils, on peut dire :

 19   Bien, il était dans l'armée. Et si quelqu'un d'autre dit que c'était un

 20   civil qu'est-ce qu'on répond ? Globalement, je pense que nous avons dit

 21   clairement qui étaient les civils, et à nos yeux, c'était clair qui étaient

 22   les forces armées. Et je crois que nous avons été clairs dans nos

 23   reportages montrés cet après-midi devant cette Chambre.

 24   Quant aux attaques, comme je crois comprendre ce que dit M. Halilovic

 25   à sa présidence, il dit que des actions armées sont entreprises par les

 26   forces bosniennes sur les fronts. C'est-à-dire en marge. Il ne parle pas de

 27   combats dans le centre de la ville à Grbavica. Et les pilonnages que nous

 28   avons montrés et filmés ces jours-là au début du mois de juin, c'étaient

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  1   des pilonnages dont les obus atterrissaient un peu partout dans Sarajevo.

  2   C'est très différent.

  3   Q.  Merci. Mais tirons les choses au clair. Il s'agit d'une session de la

  4   présidence du 17 juin. Halilovic informe qui de droit pour la semaine qui

  5   s'est passée. Donc il informe des mêmes événements que ceux qui sont pris

  6   en considération par votre reportage. Mais au milieu du paragraphe ici -

  7   regardez, s'il vous plaît - il parle d'Osmice, Stari Grad, vieille ville,

  8   Ophodzi, Vasin Han. Ce sont des parties de la ville qu'ils tiennent et à

  9   partir des quelles ils ouvrent des tirs. Alors Stari Grad c'est la vieille

 10   ville, et vous savez que le centre de la vieille ville c'est

 11   Velesici ? Est-ce que vous voyez l'endroit où il est question de Stari Grad

 12   ? On dit Osmice-Stari Grad.

 13   R.  Oui, je sais qu'Osmice c'est "Stari Grad." Je le vois. Mais je ne vois

 14   pas qu'il est en train de nous dire qu'il y a eu des attaques depuis Stari

 15   Grad en direction de vos lignes à vous. D'après ce que je puis voir ici, il

 16   est en train de dire que de fortes forces chetniks ont été brisées dans

 17   Pofalice, Zuc et Mojmilo Brdo. Ce n'est pas Stari Grad, ce n'est pas le

 18   centre.

 19   Q.  Mais attendez. Prenez, Monsieur, la phrase.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 21   Monsieur Nicholls.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, pour que les choses

 23   soient tout à fait claires, je suis en train de me pencher sur la

 24   traduction fournie par la Défense. Nous sommes en train de parler de la

 25   page 7, et ici il est question "des cinq à six jours écoulés," et non pas

 26   "des deux ou trois semaines écoulées." Soit c'est une erreur, soit c'est un

 27   problème de traduction, ou alors peut-être un passage différent.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous indiquer

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  1   exactement où cela se trouve ?

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Je suis en train de me pencher sur le milieu

  3   de ce qui est annoté comme étant la page 7 dans la traduction anglaise.

  4   C'est la page 2 de la version anglaise en affichage électronique,

  5   paragraphe 3, qui commence par : "En sus des problèmes énumérés…"

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, on voit "pendant les cinq ou six

  7   jours écoulés."

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est justement le passage qui a été porté à

  9   l'attention du témoin par M. Karadzic.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici, si vous vous penchez sur la page 6,

 11   paragraphe premier, on dit : "Au fil des activités déployées pendant les

 12   deux mois écoulés, l'agresseur a subi" telle et telle pertes. Mais il ne

 13   s'est pas porté des pertes lui-même ? Il y a eu des pertes de notre côté du

 14   fait des activités déployées par eux au fil des deux mois écoulés. Et on

 15   voit que le 14, il y a une session, puis une deuxième session le 17. Lui,

 16   il parle de la période écoulée. Certaines activités ont été déployées au

 17   fil de ces six ou sept derniers jours. Mais le rapport, lui, concerne toute

 18   cette période. Et il dit par où passe la ligne de front, et à partir des

 19   lignes de front, on tire et on tire vis-à-vis de l'autre ligne qui se

 20   trouve juste à l'opposé.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  N'est-ce pas ?

 23   R.  Mais à qui fait-on référence ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est cela votre question ? Allons de

 25   l'avant.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

 27   Passons à la page 138 en version serbe. Voyons un peu ce que ça nous

 28   donne en version anglaise. Huitième -- non, c'est page 11, page 11, version

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  1   serbe. Oui, on la voit.

  2   Alors, il est dit dans la phrase en haut :

  3   "De la phase à venir, pendant les dix à 15 jours à venir, la Défense

  4   territoriale de la RBiH va déployer les activités qui suivent," puis il

  5   énumère. Et pour la région de Sarajevo, il dit :

  6   "Dans la région de Sarajevo, on défendra la ville de Sarajevo par des

  7   opérations actives à l'extérieur de la ville et à l'intérieur de la ville

  8   pour procéder au déblocage sur les axes Novi Grad-Ilidza- Blazuj-Kiseljak-

  9   Centar-Vogosca-Ilijas-Visoko, et dans la région de Gorazde, il convient de

 10   débloquer l'axe routier dans la vallée de la rivière Drina."

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez obtenu des informations concernant les

 13   plans établis, et vous pouvez voir qu'il est planifié des activités

 14   offensives depuis la ville ainsi que dans les environs de la ville ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls ?

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, une fois de plus,

 17   est-ce qu'on peut scinder la question en plusieurs parties, le témoin aura

 18   plus de facilité à répondre. Parce qu'ici :

 19   "Est-ce que vous avez obtenu cette information ?"

 20   Enfin, il y a trois questions dans une seule.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Posez des questions plus simples,

 22   Monsieur Karadzic.

 23   Monsieur van Lynden, est-ce que vous êtes à même de répondre à cette

 24   question ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] La question fondamentale qui semble faire

 26   référence à ce qui est dit opérations actives déployées par l'armée de

 27   Bosnie - à l'intention donc du commandement de Bosnie, alors ça s'adresse

 28   au président - et dans d'autres secteurs. Est-ce que j'ai obtenu ces

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  1   informations ? Non. Aucune armée ne m'a parlé de ces opérations à venir à

  2   l'attention de journalistes étrangers ? Ma réponse est non.

  3   Les opérations dont nous avons été mis au courant, pendant que ça se

  4   passait dans Sarajevo et pour lesquelles ils ont reconnu que c'étaient des

  5   opérations organisées par eux, nous, on pouvait aller vers l'extérieur de

  6   la ville pour filmer, mais on pouvait filmer les gens qui sont revenus de

  7   l'opération pour aller à l'hôpital. Et on a dit que c'était une opération

  8   conduite par les Bosniens. On nous l'avait dit, on l'a présenté de la

  9   sorte.

 10   Comment dirais-je maintenant : les commandants militaire  vont dire à des

 11   dirigeants politiques bien des choses. Je sais fort bien que les choses ne

 12   se passent pas toujours ainsi. Il y a eu des opérations conduites par les

 13   forces bosniennes pendant la guerre en Bosnie en vue d'essayer de briser le

 14   siège de Sarajevo. Mais pour autant que je le sache, ces opérations n'ont

 15   pas été couronnées de succès. Je n'ai pas été au courant d'une opération

 16   quelle qu'elle soit qui aurait été par avance annoncée à des journalistes

 17   occidentaux et, par exemple, en été 1995, l'armée bosniaque avait refusé de

 18   confirmer que telle opération était en train de se produire.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Merci.

 20   Je voudrais qu'on nous montre brièvement la P934. Il s'agit d'une carte de

 21   l'Accusation.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Je demanderais au Procureur et aux Juges, parce que je pense que vous

 24   devez certainement le savoir cela.

 25   Alors, je ne dirais pas que vous n'avez pas été impartial, mais non

 26   informé. Le résultat est, toujours est-il, le même.

 27   Monsieur van Lynden, est-ce que vous pouvez nous indiquer ici qu'est-

 28   ce qui se trouve autour de cette zone serbe ? Là où vous avez apposé cette

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  1   flèche ? Puis au nord, à l'ouest, qui est-ce qui se trouve autour de nous ?

  2   On voit "HVO," n'est-ce pas ? Alors, est-ce que vous pouvez nous le marquer

  3   --

  4   R.  Mais indiquer quoi ?

  5   Q.  Bien, marquer qui se trouve où. Par exemple, la ligne bleue c'est la

  6   ligne musulmano-croate, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et la ligne rouge c'est serbe, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et à l'extérieur, c'est les forces du gouvernement musulman, à gauche

 11   et au nord de la ligne bleue, et plus au sud de cette ligne bleue, donc à

 12   l'extérieur de ce qui est englobé par la ligne bleue ?

 13   R.  Oui, c'est normalement le territoire contrôlé par l'ABiH ou le HVO; le

 14   reste du territoire étant contrôlé par vos forces à vous.

 15   Q.  Donc ce qui est à l'intérieur de la ligne rouge c'est sous le contrôle

 16   des forces serbes, et ce qui est à l'extérieur de la ligne bleue c'est

 17   contrôlé par les forces musulmano-croates, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que lorsque Halilovic est en

 20   train de parler des activités offensives déployées par lui à l'extérieur et

 21   à l'intérieur, de son avis, l'idée est de procéder au déblocage de Sarajevo

 22   en attaquant de la Bosnie centrale et depuis Sarajevo même, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, en tout cas je pense que ça a été tenté, mais ça a échoué au cours

 24   de l'été 1995. Et manifestement, ça avait été essayé et ça avait aussi

 25   échoué à d'autres moments de la guerre. Je vous l'ai déjà dit que le siège

 26   n'avait jamais été levé.

 27   Q.  Est-ce que vous pouvez, sur cette carte, nous indiquer où se trouve

 28   Ilijas ? Est-ce que vous savez où se trouve Ilijas ? C'est le long de la

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  1   route et le long de la rivière en allant vers le nord, n'est-ce pas ?

  2   R.  Ilidza, normalement, ça doit se trouver dans cette zone-ci [Le témoin

  3   s'exécute].

  4   Q.  Ce serait Rajlovac et Nedzarici. Il y a d'abord Nedzarici, puis

  5   Rajlovac, et Ilijas c'est tout à fait au nord.

  6   R.  Si c'est vous qui vous le dites. Mais je ne pense pas que j'ai été à

  7   Ilijas, sauf peut-être en mars 1994.

  8   Q.  Monsieur van Lynden, Ilijas c'est une localité où il est tombé le plus

  9   d'obus pendant cette guerre-là, et c'est la localité qui a perdu,

 10   proportionnellement parlant, le plus d'habitants, tant civils que soldats.

 11   Ilijas c'est une municipalité dans Sarajevo. Ça a échappé complètement à

 12   votre attention, cela ?

 13   R.  Mais, Monsieur Karadzic, si c'est bien vrai, pourquoi est-ce que votre

 14   gouvernement ou votre armée ne nous a pas emmenés à Ilijas ? Si on ne nous

 15   dit pas tout ça, comment voulez-vous qu'on le sache ? Il n'est pas possible

 16   d'avoir des correspondants qui circulent librement dans une zone de guerre,

 17   qui se rendent en toute liberté sur une ligne de front. Si vous ne nous

 18   montrez pas, comment voulez-vous que le reste du monde soit informé ?

 19   Jamais votre gouvernement ni votre armée ne m'a envoyé là-bas.

 20   Q.  Ça c'est une chose qui a été publiée partout. Mais merci. Je voulais

 21   seulement que les Juges de la Chambre se rendent compte du fait que nous

 22   étions encerclés. Ils nous avaient encerclés, et on --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous aurez l'occasion

 24   de présenter des conclusions juridiques. Le moment maintenant est venu de

 25   poser des questions.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Voilà ma question : est-ce que nous sommes à demi encerclés par eux

 28   comme eux se trouvent être à demi encerclés par nous ?

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  1   R.  La ville de Sarajevo n'était pas à moitié encerclée. Elle était

  2   complètement encerclée, elle était assiégée. Vous parlez d'un encerclement

  3   qui vous concernait, et c'est vrai que dans une certaine mesure ça a été

  4   vrai à un moment donné. Mais on ne peut pas comparer les deux.

  5   Q.  Un officier de la FORPRONU a dit que c'était un encerclement, non pas

  6   un siège, un blocus, mais on y viendra à cela.

  7   Merci pour cette carte. Je voudrais revenir au document de tout à l'heure,

  8   à la page 12. Si tout à l'heure on avait vu la page 11, maintenant on passe

  9   à la page 12.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas fait d'objection, Monsieur le

 12   Président, pas vraiment aujourd'hui, mais nous avons ici un commentaire

 13   supposé d'un officier de la FORPRONU. C'est une perte de temps, parce qu'en

 14   général M. Karadzic promet de revenir à ces dires précis, mais il ne le

 15   fait pas et se contente de présenter des arguments.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout à fait. Est-ce qu'on peut afficher

 17   une fois de plus le document 1D1208.

 18   Vous avez compris ce que voulait dire M. Nicholls, Monsieur Karadzic ? Vous

 19   devez vous abstenir de faire de telles déclarations.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais M. Nicholls sait parfaitement bien de qui

 21   je suis en train de parler. Ils ont le document en question.

 22   Est-ce qu'on peut nous montrer, s'il vous plaît, la page 12.

 23   On a maintenant sous les yeux la page 12. M. Izetbegovic pose la question :

 24   "Quand on fait l'addition de l'utilisation des forces armées de l'ennemi,

 25   combien cela nous donne-t-il, à proximité de Sarajevo, qui tient la ville

 26   encerclée," et Izetbegovic dit : "Est-ce que c'est plus en profondeur ou

 27   moins en profondeur ? Comment sont-ils ?"

 28   Alors, Halilovic répond :

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  1   "Ils sont 6 000 dans la ville de Sarajevo, et c'est ce qui tient la ville

  2   encerclée. Pour ce qui est des effectifs en personnel, je pense que

  3   l'estimation est assez réaliste, et il y en a 70 000 sur le territoire

  4   entier de la République de Bosnie-Herzégovine."

  5   Donc Halilovic procède à une évaluation de l'armée de la Republika Srpska

  6   et dit que c'est environ 80 000 dans toute la Bosnie.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, c'était la page 13. Excusez-moi. Excusez-

  9   moi, on vient de nous le montrer.

 10   Alors, Halilovic répond :

 11   "Face à la ville, ils sont 6 000," les Serbes, et Bosnie centrale, il

 12   n'avait pas compté, mais il dit, d'après leurs évaluations, il y a en

 13   Bosnie-Herzégovine quelque 80 000 hommes dans la Republika Srpska :

 14   "Or, pour prendre la ville de Sarajevo tout entière, il faut des effectifs

 15   plus forts que l'ennemi en a. Objectivement, cela ne peut se faire dans un

 16   avenir proche, à moins qu'il n'y ait des bouleversements radicaux. Mais ils

 17   essaieront de réaliser leur objectif, à savoir de procéder à une percée

 18   pour ce qui est de la ville de Sarajevo et passer par Rajlovac, Stup et

 19   Lukavica pour arriver à Pale. Et ils disent qu'ils disposent des forces

 20   nécessaires, et cela affaiblirait la défense sur d'autres axes, ce qui fait

 21   qu'il n'est pas réaliste de penser que cela pourrait être fait."

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur van Lynden, il évalue ses propres effectifs à 500 bataillons

 24   autonomes, 500 pelotons, 400 compagnies, et je ne sais combien de milliers

 25   de soldats. En face, il y a 6 000 Serbes et

 26   80 000 Serbes dans toute la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous étiez au

 27   courant de cette disproportion énorme du point de vue des effectifs humains

 28   ?

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  1   R.  Tout d'abord, revenons à la question du nombre de bataillons et

  2   d'unités indépendantes qu'aurait eus à sa disposition M. Halilovic à

  3   l'intérieur de Sarajevo. Moi, je suis issu d'une armée où, en général, il y

  4   a 700 hommes dans un bataillon. J'ai trouvé dans d'autres pays des

  5   bataillons qui ne comptent que 100 hommes. M. Halilovic ne donne pas de

  6   chiffres exacts sur le nombre précis d'hommes que compte une compagnie, un

  7   bataillon, donc je ne sais pas combien d'hommes il a à Sarajevo.

  8   Mais vous posez une question d'une portée plus vaste, vous dites

  9   qu'il n'y avait que 80 000 soldats serbes en Bosnie-Herzégovine, mais en

 10   septembre 1992, il est apparu clairement que s'agissant des effectifs, les

 11   forces musulmanes de Bosnie avaient une supériorité numérique. Mais pour ce

 12   qui est du matériel, de l'armement, vous étiez de loin supérieur en tout

 13   domaine, que ce soit le type de pièces d'artillerie, de chars, de véhicules

 14   blindés transporteurs de troupes. L'ABiH n'avait pas ce matériel, donc un

 15   aspect compensait l'autre. Donc il y avait moins d'hommes du côté serbe,

 16   mais vous aviez 80 000 hommes parfaitement équipés, soutenus par un

 17   armement lourd que n'avait pas la partie bosniaque.

 18   Q.  Merci. Il le dit bien ici à la page de tout à l'heure, page 7, où il

 19   dit qu'il avait 91 000 personnes, et je ne sais combien de compagnies, 400

 20   bataillons, mais peu importe. Nous sommes d'accord sur une chose, Monsieur

 21   van Lynden, nous avions face à nous -- si nous étions, par exemple, 1,5

 22   millions et nous avions face à nous 3 millions. Et pour ce qui est de la

 23   base de mobilisation, il y avait un ratio de 2:1 qui était plus avantageux

 24   pour la Fédération bosno-hezégovienne que pour nous, n'est-ce pas ?

 25   R.  Pour ce qui est des ressources humaines, c'est vrai dans une certaine

 26   mesure, mais ces effectifs étaient répartis entre les forces musulmanes de

 27   Bosnie et les forces croates. Vous pouvez avoir des hommes, mais s'ils

 28   n'ont pas d'armes, à quoi vous servent-ils ?

Page 2469

  1   Q.  Maintenant, vous me provoquez, vous voulez que je fasse référence à des

  2   renseignements donnés par le secrétaire général des Nations Unies qui

  3   affirme que les carences du point de vue des armes pour ce qui est des

  4   Musulmans, ce n'était plus un problème.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je voudrais que d'abord ce document, qui

  6   est un PV de la session de la présidence de Bosnie-Herzégovine daté du 17

  7   juin, soit versé au dossier. Et je voudrais maintenant qu'on nous montre le

  8   1D11130 au prétoire électronique.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président. Je

 11   relève simplement qu'à certaines pages, il n'y a qu'une phrase qui est

 12   traduite. Pas d'objection pour ce qui est de la totalité du document, mais

 13   nous espérons avoir tôt ou tard une traduction complète qui nous permettra

 14   de lire le reste, et pas seulement cette seule phrase.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Ce sera versé avec une cote

 16   provisoire.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D192 MFI, cote

 18   provisoire.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que ce qui a été utilisé par la

 20   Défense a été traduit, donc on peut le verser au dossier. Si le Procureur

 21   veut une traduction, il n'a qu'à la faire faire.

 22   J'ai demandé le 1D01130.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Par exemple, vous avez donné lecture

 24   d'une partie de la page 3, mais seule une ligne de cette phrase avait été

 25   traduite. Et si on n'a pas une traduction complète, il est difficile de

 26   comprendre ces parties-là. Il y a donc une cote provisoire dans l'attente

 27   de la traduction des parties qui ne sont pas encore traduites.

 28   Avançons.

Page 2470

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   Malheureusement, ici, nous n'avons pas de traduction du tout, pas encore.

  3   Mais je vais donner lecture de ce qui est dit.

  4   Il s'agit du service de la Sûreté de l'Etat de la Republika Srpska.

  5   C'est daté du 20 juillet 1992.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Alors, Monsieur van Lynden, ce sont des renseignements portant

  8   sur les sites que vous aviez présentés dans vos reportages. L'intitulé

  9   c'est "Information." On dit :

 10   "Dans l'ex-caserne du maréchal Tito, ainsi qu'à la faculté de génie civil

 11   et d'architecture, il est procédé à des entraînements de membres de ce

 12   qu'il est convenu d'appeler Défense territoriale de la Bosnie-Herzégovine.

 13   D'après ces mêmes renseignements, dans la caserne, il y a également un

 14   centre d'entraînement des membres de ce qui est convenu TO BiH destiné aux

 15   interventions rapides, et ces stages d'entraînement durent 25 jours. Dans

 16   le tunnel de Velesici, il y a un char, et devant le bâtiment de ce qui est

 17   convenu d'appeler la TO de la BiH, il y a un blindé transporteur de troupes

 18   et un char de garés."

 19   Alors, le saviez-vous, cela ?

 20   R.  Vous voulez parler du document ?

 21   Q.  Non, je ne parle pas du document. Je parle du déploiement de ces

 22   effectifs. Parce que vous nous avez dit que la caserne du maréchal Tito

 23   était en flammes, et on avait envie de pleurer à entendre cela, mais la

 24   caserne du maréchal Tito c'était une cible légitime. Ne saviez-vous pas

 25   qu'il y avait là des structures militaires de déployées ?

 26   R.  Je n'ai pas dit que c'était une cible qui n'était pas légitime aussitôt

 27   après l'évacuation des effectifs de l'armée yougoslave. A ma connaissance,

 28   on n'utilise pas ce bâtiment parce qu'il servirait de centre

Page 2471

  1   d'entraînement. Il n'a pas servi de centre d'entraînement à cette époque.

  2   Personne n'y est allé. Je suppose qu'il y a des unités de l'armée qui sont

  3   allées voir ce qu'elles pouvaient y trouver dès après l'évacuation des

  4   effectifs de la JNA. Est-ce que l'ABiH a utilisé ce bâtiment, sans doute,

  5   c'est tout à fait possible, mais c'est après le pilonnage qu'elle l'aurait

  6   fait. Moi, je n'y suis pas allé après.

  7   En juillet, il y a eu un incident qui a fait l'objet de questions posées

  8   par l'Accusation en début d'audience, où nous avons vu trois personnes qui

  9   avaient été touchées sur la route et où on a vu des flammes qui se

 10   dégageaient des restes de la caserne du maréchal Tito, ou plutôt, c'étaient

 11   des tirs de couverture. Donc sans doute y avait-il des soldats à

 12   l'intérieur en juillet 1992. Mais au cours de cette période qui a fait

 13   l'objet de nombreux reportages montrés ici aujourd'hui, il n'y avait pas

 14   d'unités de l'ABiH dans la caserne. Ça aurait été bête de s'y trouver étant

 15   donné qu'il y avait des tirs soutenus qui étaient concentrés sur ce

 16   bâtiment, encore moins pour l'utiliser comme centre d'entraînement. C'est

 17   bien possible que ça ait été utilisé à ces fins après, mais pas au moment

 18   où nous avons réalisé ces reportages.

 19   Q.  Alors, pour ce qui est de ce char à Velesici, vous ne savez rien nous

 20   dire à son sujet, n'est-ce pas, puisque vous ne l'avez pas vu, et vous

 21   n'aviez pas eu d'abord de connaissance du fait qu'ils avaient disposé de

 22   chars aussi, non ?

 23   R.  Jamais je n'ai vu de char à l'intérieur de la partie de Sarajevo que

 24   contrôlaient les forces de Bosnie-Herzégovine.

 25   Q.  Dans la deuxième phrase, au paragraphe suivant, il est   dit :

 26   "L'état-major de ce qui est convenu d'appeler TO BiH pour cette région, ça

 27   se trouve dans les locaux de l'école de transport, alors que le poste de

 28   police se trouve dans la communauté locale de Velesici."

Page 2472

  1   Alors, je voudrais avant cela vous demander : est-ce que vous savez où se

  2   trouvait la gare routière de Sarajevo.

  3   R.  La gare routière principale, je pense qu'elle se trouvait dans la

  4   nouvelle ville de Sarajevo, du côté de la partie ouest de la ville. Je

  5   crois qu'il y en avait une autre, je m'en souviens vaguement. Il faudrait

  6   que je me rappelle où elle était. Tout au début, on m'a montré une

  7   photographie qui me permettrait peut-être de me souvenir de son

  8   emplacement. Mais il est certain qu'il y avait un arrêt de tramway à

  9   l'ouest de la ville. Alors, sans doute y avait-il aussi des bus. Mais quand

 10   j'étais à Sarajevo, aucun bus, aucun tram ne circulait. Donc je n'ai pas

 11   essayé de savoir ce qui arrivait aux bus.

 12   Q.  Permettez-moi de vous aider, de rafraîchir votre mémoire. Est-ce que la

 13   gare routière se trouve entre la caserne du maréchal Tito et la gare

 14   ferroviaire ? Donc juste à côté du mur de la caserne du maréchal Tito, puis

 15   il y a la gare routière, et juste après vient la gare ferroviaire ? Vous en

 16   souvenez-vous maintenant ? Si ce n'est pas le cas, on montrera une carte

 17   demain.

 18   Allons de l'avant donc pour ce qui est de ce document. Passez-nous la

 19   page suivante, s'il vous plaît.

 20   Il est dit :

 21   "Les armes d'artillerie sont déployées sur le mont Hum sous le relais de ce

 22   qu'il est convenu d'appeler la radiotélévision de Bosnie-Herzégovine et à

 23   Velesici, et non loin du tunnel Mont Kosevo. Nous avons remarqué des

 24   déplacements de chars autour de la station routière et ils ont tiré depuis

 25   là pour se retirer tout de suite après."

 26   Ce que je veux dire ici, Monsieur Van Lynden, c'est que Hum et le contrebas

 27   de Hum, cette localité de Velesici, je pense que c'est Mladic qui l'avait

 28   mentionné, le mont Velesici et le tunnel ainsi que la gare routière, à ce

Page 2473

  1   moment-là, c'étaient des cibles légitimes, n'est-ce pas ?

  2   R.  Vous attendez de moi que je vous dise oui ou non ? Enfin, je n'y ai pas

  3   vu de force militaire. Comment voulez-vous que je détermine si c'était des

  4   cibles militaires légitimes ? Moi, je n'ai pas vu ces chars dont vous

  5   parlez à cet endroit. Comment voulez-vous que je dise si c'était des cibles

  6   légitimes ou pas ?

  7   Q.  Mais supposons que cela s'y soit trouvé. Est-ce que cela ferait de ces

  8   sites-là des cibles légitimes ?

  9   R.  Vous savez, on m'a appris en journalisme de ne jamais faire de

 10   suppositions.

 11   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Et c'est vrai en droit. LE TÉMOIN :

 12   [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais de façon générale, en principe,

 14   s'il s'agit d'opérations militaires et s'il se trouve à un certain endroit

 15   des chars, des pièces d'artillerie, puisque vous avez une longue expérience

 16   de reporter de guerre, est-ce que c'est une cible militaire légitime ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à condition qu'en application des lois et

 18   coutumes de la guerre, les combats en zone urbaine et les forces des armées

 19   concernées doivent faire preuve d'une grande prudence, de façon à ne pas

 20   provoquer de morts dans la population -- ou de blessés dans la population

 21   civile. Ça fait partie des conventions de Genève. Je suis sûr que vous le

 22   savez mieux que moi. Par conséquent, c'est un facteur que les forces

 23   militaires en présence doivent toujours prendre en compte, mais en

 24   principe, logiquement, ce serait des cibles militaires légitimes.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Merci. Alors, on énumère dans ce document la totalité des sites où il y

 27   a des cibles légitimes. Une fois que ce sera traduit, on s'en resservira à

 28   une autre occasion.

Page 2474

  1   Maintenant, j'attire votre attention sur la page 3, pour ce qui est

  2   de ce bâtiment ou immeuble UNIS. Dans cette rue, Omer Masic [comme

  3   interprété], il y a le QG de ce qu'il est convenu d'appeler TO de Bosnie-

  4   Herzégovine, département de Novo Sarajevo. Dans la rue Omer Masic, bâtiment

  5   UNIS, il y a le QG de ce qu'il est convenu d'appeler TO de Bosnie-

  6   Herzégovine pour le secteur Novo Sarajevo. Nous disposons de renseignements

  7   disant que dans Cengic Vila et Miljaska [phon], il y a un mortier qui tire

  8   alors qu'il est monté sur un camion. Le QG de la TO de BiH à Cengic Vila se

  9   trouve dans un magasin de vente de meubles, et il y a là-bas une forte

 10   concentration de militaires, quelque 1 000 hommes," et ainsi de suite.

 11   Ma question pour vous : dans un reportage à vous, vous avez bien indiqué

 12   que des appartements et des locaux commerciaux avaient été transformés en

 13   sites à partir desquels on ouvrait le feu. On l'a quelque part de consigné.

 14   On a donc transformé cela en sites à partir desquels on tirait au fusil,

 15   fusil à lunette, et cetera, et on voit que la police secrète fait des

 16   rapports pour confirmer que ces locaux commerciaux, UNIS, Treska, Vraniska

 17   [phon], et ainsi de suite, ont été utilisés à des fins militaires. Est-ce

 18   qu'en l'occurrence ce sont là des cibles militaires légitimes ?

 19   R.  Vous faites allusion à un reportage que nous avons fait sur une ligne

 20   de front. En situation de guerre en zone urbaine -- en milieu urbain, par

 21   définition, ce qui avant avait été le bureau ou la maison de quelqu'un,

 22   lorsque cet endroit se trouve sur une ligne de front, s'est transformé en

 23   bastion. C'est ce qui se passe lorsqu'on a une guerre urbaine. Alors, est-

 24   ce que cette tour UNIS a été utilisée à cette fin, je ne sais pas. On m'a

 25   emmené sur plusieurs lieux de la Défense territoriale. Faites bien

 26   attention, je dis Défense territoriale, ce n'était pas une armée. C'est

 27   tout à fait différent d'une armée. Et j'ai vu plusieurs QG de cette Défense

 28   territoriale à Sarajevo, mais je n'en ai vu aucun à la tour UNIS.

Page 2475

  1   Plus tard, pendant la guerre, j'ai visité plusieurs locaux commerciaux, des

  2   bureaux qui étaient utilisés comme bases ou comme bureaux de diverses

  3   unités de l'ABiH. Manifestement, il fallait bien qu'ils aillent quelque

  4   part, ces hommes. Avant, c'était des lieux à usage privé civil, et c'était

  5   devenu des lieux utilisés par l'armée ou par des forces militaires.

  6   Donc je ne savais ce qu'il en était pour les tours UNIS. On n'y était

  7   pas allé. Et au cours de cette visite que nous avons faite, nous n'avons vu

  8   personne de la Défense territoriale. Pour moi, ce n'était pas une cible

  9   logique. Me permettez-vous d'être complet, demanderais-je ? Est-ce qu'on me

 10   dit tout du côté bosniaque ? Non. Il y a toujours une possibilité, bien

 11   sûr. Mais nous avons été dans ce bâtiment et nous n'avons rien trouvé.

 12   Mais je ne peux rien vous dire des autres lieux parce que je n'ai pas

 13   été partout. Je ne sais pas, tout simplement.

 14   Nous ne savons pas s'il s'agit ici d'un document authentique. Moi, à

 15   première vue, rien ne me dit que c'est un document authentique.

 16   Apparemment, il vient des Services secrets. Moi, j'ai déjà vu des documents

 17   produits par des Services secrets qui étaient loin d'être exacts.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Nicholls.

 19   M. NICHOLLS : [interprétation] Désolé d'interrompre les débats.

 20   Je ne vois pas d'objection. Mais je me trompe peut-être, mais je pense que

 21   ça commençait à la ligne 94, ligne 15, la date de ce document, c'était le

 22   "19 juin 1992." Est-ce une coquille ? Je pense que la date de rédaction de

 23   ce document, c'est le 20 juillet. Il faudra apporter une correction, si je

 24   ne me trompe pas.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est exact, on voit la date, c'est

 26   celle du 20 --

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais une cote à des fins

 28   d'identification avec la rectification.

Page 2476

  1   Mais à titre d'information - ce n'est pas une question - c'est un document

  2   qui a été saisi par les enquêteurs du bureau du Procureur. C'est eux qui se

  3   sont procuré ce document, ce n'est pas moi qui l'ai apporté ici.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Je me dois d'intervenir parce que le

  5   commentaire du témoin portait sur la source et pas sur les autorités qui

  6   ont saisi le document.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'étais sur le point de demander l'avis

  8   du bureau du Procureur sur ce document car apparemment, M. Karadzic demande

  9   le versement du document. Qu'en pensez-vous, Monsieur Tieger, Monsieur

 10   Nicholls ?

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Pas d'objection. Vous avez dit que vous

 12   alliez attribuer une cote provisoire en attente de la traduction. Pas

 13   d'objection.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Cote provisoire pour

 15   identification en attente de traduction.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D193 MFI.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais qu'on nous montre maintenant

 18   le 1D361.

 19   Q.  En attendant, Monsieur Van Lynden, je précise qu'il s'agit d'un

 20   document émanant du ministère de la Défense de Bosnie-Herzégovine, la

 21   partie musulmane, c'est-à-dire la partie musulmano-croate, et ici, en

 22   version anglaise, on voit que c'est le 14 juin 1992 que Hasan Efendic, très

 23   connu commandant de la Défense territoriale, donc confirme qu'il y a un

 24   cessez-le-feu de déclaré à la date du 1er juin 1992. Donc le 1er juin 1992,

 25   les parties en présence ont signé un accord de cessez-le-feu. A partir du

 26   1er juin jusqu'au 15 juin 1992, on a vu quelles sont les activités

 27   offensives lancées par l'ABiH et quelles sont les pertes terribles

 28   matérielles et humaines qu'elles ont portées aux forces de l'armée de la

Page 2477

  1   Republika Srpska. Et le 14 juillet, il réaffirme son attachement au cessez-

  2   le-feu, qu'il n'avait pas respecté.

  3   Donc étiez-vous au courant de l'existence d'un cessez-le-feu lorsque vous

  4   êtes arrivé, le premier jour, là-bas ?

  5   R.  Je suis arrivé fin mai, et je ne savais pas qu'il y avait alors un

  6   cessez-le-feu en vigueur. On nous a dit qu'un accord de cessez-le-feu a été

  7   signé et des membres des Nations Unies nous ont dit que l'accord avait été

  8   pratiquement aussitôt violé. Quand on a demandé par qui, on a répondu :

  9   Bien, on ne peut pas dire au départ. Mais nous avons parlé à un colonel

 10   australien, je crois que je le mentionne dans un de mes reportages, c'était

 11   un négociateur au nom des Nations Unies, et il m'a dit qu'il y avait eu des

 12   violations multiples de l'accord de cessez-le-feu, manifestement, c'était

 13   vrai, et il en attribuait la faute aux Serbes de Bosnie.

 14   Vous dites aussi qu'au cours de cette période, votre peuple a subi

 15   lourdement les conséquences des combats. Moi, je n'étais pas de votre côté

 16   de la ligne de front. Moi, j'étais à l'intérieur de Sarajevo. Et tout ce

 17   que je peux vous dire ici, c'est ce que j'ai vu, c'est ce qui a été filmé.

 18   C'était un carnage, ni plus ni moins, dans la partie tenue par les

 19   Musulmans de Bosnie de Sarajevo.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Mais on a entendu dire Sefer Halilovic,

 21   le commandant de l'ABiH, quelles ont été nos pertes, et il affirme qu'il

 22   s'agissait d'opérations offensives de la part de son armée à lui.

 23   Je voudrais que ce document soit versé au dossier.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Je m'oppose à ce qu'on présente un argument

 25   sans poser de question ou en faisant semblant de poser une question.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez pour coutume de terminer vos

 27   questions et les réponses qui sont données par un commentaire. Essayez de

 28   vous déshabituer de cela.

Page 2478

  1   Je suppose que vous ne vous opposez pas au versement du document, Monsieur

  2   Nicholls.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Non.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est versé.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D194. Merci.

  6   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je m'excuse, mais ma question était

  8   celle de savoir est-ce qu'on a juste lu à l'instant que le commandant de

  9   l'armée musulmane a informé qui de droit des pertes serbes; oui ou non. On

 10   l'a vu à l'instant, et il s'agit de la date du 17 juin.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que nous avons entendu la

 12   réponse fournie par le témoin.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   J'aimerais qu'on nous montre le 1D01231.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Regardons l'heure, Monsieur Karadzic. Je

 16   pense que nous devons lever l'audience. Elle reprendra demain à 14 heures

 17   15. L'audience est suspendue.

 18   [Le témoin se retire]

 19   --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le jeudi 20 mai 2010,

 20   à 14 heures 15.

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