Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 31 mai 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour. Cette semaine, nous allons

  6   siéger en application de l'article 15 bis du Règlement, car Mme le Juge

  7   Lattanzi est en mission officielle au nom du Tribunal.

  8   Vous aviez une question à soulever, Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Oui, une question de calendrier, Monsieur le

 10   Président. Ce serait très bref. Suite aux suggestions que vous avez

 11   formulées vendredi, nous avons essayé de réaménager le calendrier de

 12   comparution des témoins et, ce faisant, je voulais vous mettre au courant

 13   d'une question qui a surgi et je voulais le faire le plus vite possible,

 14   car je pense que si nous prenons des mesures maintenant, nous réglerons la

 15   question.

 16   Dans la semaine du 21 juin, il y a un témoin qui va commencer son

 17   audition et il doit quitter La Haye le 24. Serait-il possible d'ajouter une

 18   heure par jour le 22, le 23, ainsi que le 21, et de cette façon, le témoin

 19   pourra terminer son audition dans le temps demandé pour ce qui est de ce

 20   qui était demandé en matière de contre-interrogatoire.

 21   Bien sûr, on pourrait faire quatre heures, cinq heures et six heures.

 22   Mais au fond, si nous étalions ceci, nous pourrions ainsi régler la

 23   question. Est-ce que vous pourriez voir si c'est possible. Et je crois que

 24   nous serions grandement aidés si c'était faisable.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Nous allons étudier la question.

 26   Faisons entrer le témoin.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Le témoin vient de très loin, donc c'est vrai

 28   que ce serait préférable s'il pouvait terminer son audition en une seule

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  1   fois.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parlez du témoin qui est censé

  3   commencer le 21 juin ?

  4   M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   LE TÉMOIN : AERNOUT VAN LYNDEN [Reprise]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur van Lynden, merci de revenir

  9   afin de terminer votre audition.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Rappelez-vous que la déclaration

 12   solennelle que vous avez faite reste toujours d'application.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Etes-vous prêt ? Nous pouvons

 15   recommencer le contre-interrogatoire.

 16   Je vous donne la parole, Monsieur Karadzic.

 17   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 18   Q.  [interprétation] Merci. Bonjour à tous et à toutes.

 19   Merci d'être revenu, Monsieur van Lynden. Est-ce que je peux vous demander

 20   si nous sommes enrichis de l'un quelconque de vos cahiers de notes ?

 21   R.  Je l'avais dit aux Juges la dernière fois. Ces journaux -- ou carnets,

 22   parce que je n'ai pas de journaux, je ne les possède pas. Pour le moment,

 23   tous nos biens sont entreposés aux Pays-Bas. Je n'étais pas aux Pays-Bas et

 24   je ne suis pas allé depuis dans ce lieu où sont entreposées nos affaires.

 25   Q.  Merci. Est-ce que vous serez d'accord avec moi pour dire, Monsieur van

 26   Lynden, que les médias influent de façon décisive sur la création de cette

 27   opinion publique ?

 28   R.  Oui et non. Parfois oui, parfois non. Il n'est pas possible de répondre

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  1   simplement à cette question. Je crois qu'on pourrait écrire des tomes

  2   entiers, Monsieur Karadzic, et certains l'ont d'ailleurs déjà fait sur

  3   cette question-ci.

  4   Q.  Et seriez-vous d'accord pour dire que vos rapports aussi, et en

  5   particulier les rapports d'un journaliste éminent d'une maison de presse

  6   éminente, ça influe de façon considérable sur l'opinion publique ?

  7   R.  Je vous ai déjà répondu. Il se peut que certains des reportages aient

  8   eu un effet fort. Mais certains n'en ont eu aucun. J'ai beaucoup de peine à

  9   jauger l'effet précis d'un reportage que j'aurais fait. Quand j'étais en

 10   zone de guerre, il m'était impossible de savoir comment ceux qui étaient

 11   dans le reste du monde allaient percevoir ces images et ces reportages.

 12   Q.  Merci. Est-ce que je pourrais demander à faire afficher deux photos sur

 13   nos écrans -- non, sur le rétroprojecteur d'abord, parce qu'on pourrait

 14   jeter un coup d'œil. Nous n'avons pas à demander immédiatement leur

 15   versement au dossier.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas que le rétroprojecteur

 17   soit allumé.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que cette caricature risque d'influer sur l'opinion publique ?

 20   R.  Jamais je n'ai vu ce document jusqu'à ce jour. Je ne sais pas où ça a

 21   été publié. Il m'est impossible de vraiment réagir à ce que vous dites.

 22   Q.  Mais toujours est-il que ce n'est pas une chose bien gentille à l'égard

 23   des Serbes et des Croates. Avec la lettre U sur le couvre-chef, c'est un

 24   Croate ?

 25   R.  Je suppose que c'est ça que ça représente, mais je vous le dis, je vois

 26   ce document pour la première fois. Je crois que c'est un Croate à gauche,

 27   un Serbe au milieu et à droite, un Musulman, et je ne pense pas que ce

 28   serait quelque chose d'agréable à voir, mais je ne sais pas qui a fait

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  1   cette caricature, où ça a été publié, qui l'a vue. C'est une caricature.

  2   Q.  Merci. D'évidence, c'est des journaux allemands qui l'ont publiée.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation] Je crois que c'est la première fois que je

  5   vois ce document aussi. Est-ce qu'on a donné un numéro de la liste 65 ter

  6   ou est-ce que ça a été repris dans la liste des pièces que souhaitait

  7   utiliser l'accusé.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'avez pas informé l'Accusation de

  9   votre intention d'utiliser ce document pendant le contre-interrogatoire ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai eu le texte mais, Monsieur le Président,

 11   je ne l'ai obtenu que tout à l'heure et je voulais montrer un peu à M. van

 12   Lynden de quoi a l'air l'impact des médias sur l'opinion publique, mais je

 13   ne vais pas demander un versement au dossier.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous savez, que vous demandiez le

 15   versement ou pas, il y a une règle à respecter. Vous devez informer le

 16   bureau du Procureur à l'avance des documents que vous avez l'intention

 17   d'utiliser.

 18   Mais avançons.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux montrer une autre caricature

 20   ? Il n'y en a plus qu'une seule.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais quel serait l'intérêt ? Je ne sais

 22   pas, mais enfin. Monsieur van Lynden, vous est-il possible de faire un

 23   commentaire ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Le seul commentaire que j'aurais à formuler,

 25   Monsieur le Président, c'est que : "Voyez quel effet les médias peuvent

 26   avoir sur l'opinion publique." Mais je ne sais pas si cette caricature a eu

 27   le moindre effet, la moindre incidence ou influence sur l'opinion publique.

 28   Je ne sais pas si ça a été publié. La preuve que ce soit en allemand, moi,

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  1   ça m'échappe.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passons à l'autre document. Non, ça

  3   suffira. Passez au sujet suivant.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  M. van Lynden, le film que vous nous avez montré avec le bombardement

  7   nocturne, vous nous avez dit que ça a été tourné par le reporter de "Sky

  8   News." C'est bien cela ?

  9   R.  Toutes les images du reportage fait au début du mois de juin ont été

 10   effectivement tournées par une équipe de "Sky News," et moi, j'étais avec

 11   cette personne pendant tout le temps où elle a filmé.

 12   Q.  Alors, en quoi a consisté la diffusion de ces vues ?

 13   R.  Mais c'est un monteur qui a monté ces images. Il travaillait aussi pour

 14   "Sky News."

 15   Q.  Et le film, à l'état brut, il durait combien de temps ?

 16   R.  Ça dépend d'un jour à l'autre, mais si je me souviens bien, au cours de

 17   ces journées-là, il y avait au moins deux bandes de 30 minutes par jour, si

 18   pas plus.

 19   Q.  Alors, le monteur prend quelques extraits d'images pour en faire une

 20   vidéo de quelques minutes; c'est cela ?

 21   R.  Vous savez, vous avez un journal télévisé. En général, il fait moins

 22   d'une demi-heure, ce qui veut dire que la plupart des reportages ne font

 23   pas plus d'une minute ou une minute et demie. Ici, en l'occurrence, ils

 24   étaient plus longs. Ils étaient très longs quand on pense aux normes

 25   appliquées en général à la télévision puisqu'ils faisaient deux minutes et

 26   demie ou trois minutes, mais il fallait, bien sûr, un montage.

 27   Q.  Donc il fallait résumer une heure de film pour en faire deux ou trois

 28   minutes de clip, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Oui, c'est le processus.

  2   Q.  Merci. Alors, vos spectateurs de cette vidéo ont-ils pu se faire une

  3   idée de l'identité de ceux qui tirent ?

  4   R.  Oui, parce que nous avons dit aux téléspectateurs que la plupart des

  5   tirs venaient de l'extérieur vers Sarajevo.

  6   Q.  Et vous savez que dans Sarajevo, il y a aussi des quartiers serbes,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui. J'ai dit "la plupart des tirs."

  9   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de ce couvent, et êtes-vous d'accord pour

 10   dire que c'était un couvent de l'Eglise catholique et que de toute la durée

 11   des conflits, ça se trouvait sur le territoire serbe ?

 12   R.  Oui, je m'en souviens, mais je ne vois pas le lien qu'il y aurait avec

 13   les images que nous avons tournées en ce qui concerne les pilonnages de

 14   Sarajevo.

 15   Q.  Bien, sur ces vidéos, on ne m'a pas vu moi, puis il n'est pas clair non

 16   plus le fait qu'il s'agissait d'une église ou d'un couvent catholique qui

 17   se trouvait sur le territoire serbe, et pratiquement sur la ligne du front.

 18   On n'a pas suffisamment mis en exergue le fait que c'était une église

 19   catholique sur le territoire serbe, bien protégé pendant toute la durée de

 20   la guerre ?

 21   Q.  Mais là, vous vous trompez du tout au tout, Monsieur Karadzic, parce

 22   que tout d'abord, vous mélangez deux questions tout à fait séparées. Il y a

 23   ce reportage que j'ai fait début juin, et l'autre en septembre depuis Pale.

 24   Et dans ce reportage, nous avons été tout à fait clairs, nous avons dit que

 25   nous étions sur le territoire de Sarajevo que contrôlaient vos forces et

 26   que ces sœurs du couvent étaient près de la ligne de front et donnaient à

 27   manger manifestement à ceux qui habitaient dans le coin. Il n'y a aucun

 28   lien. Il y a le reportage du début juin et un reportage en septembre, mais

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  1   ce sont deux reportages parfaitement différents, et nous avons dit

  2   clairement qu'à ce moment-là le couvent se trouvait sur le territoire

  3   occupé par vos forces.

  4   Q.  Merci. Ce que je voulais faire savoir c'est que ce monastère pouvait

  5   fort bien être serbe aussi. Donc j'ai voulu dire, en guise d'exemple, que

  6   ce n'était pas orthodoxe et pas serbe, mais ça se trouvait sur le

  7   territoire tenu par les Serbes. Tout se passait bien. Il n'y avait pas de

  8   problèmes majeurs. Je ne suis pas en train d'aborder un seul clip, mais vos

  9   reportages d'une manière générale. Alors, je vous remercie.

 10   Mais je voudrais savoir, si vous vous en souvenez, Monsieur van

 11   Lynden, vous avez fait un clip au sujet du déplacement des armes, où on

 12   vous a montré un gaillard très costaud, et vous avez dit que son surnom

 13   devait être la "Bête", Zver, en serbe.

 14   R.  Je pense que je sais à quoi vous pensez. Il y avait eu un accord avec

 15   les Nations Unies pour s'entendre sur le retrait de votre armement lourd

 16   pour l'amener dans des points de regroupement d'armes. A ce moment-là, ça

 17   pouvait être envoyé de ces points à l'intérieur de Sarajevo dans des points

 18   de regroupement des Nations Unies.

 19   Le lendemain du jour où le général Rose avait dit que toutes les

 20   armes lourdes avaient été enlevées ou étaient maintenant sous la garde des

 21   Nations Unies, et ceci avait été dit par des représentants de votre

 22   gouvernement, au nord de Sarajevo. Nous nous sommes arrêtés ce jour-là à

 23   plusieurs endroits, mais notamment à un endroit, et je crois me souvenir --

 24   je me trompe peut-être, mais je pense qu'il y avait un homme qui avait des

 25   mortiers de gros calibre, 120-millimètres. Je ne sais pas si c'était

 26   vraiment la Bête qu'on le surnommait. C'était peut-être son sobriquet. Mais

 27   ce qu'il m'a montré c'est que -- il était là, ainsi que l'armement n'avait

 28   pas été enlevé, mais qu'il n'y avait personne du personnel des Nations

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  1   Unies, et je me souviens très bien qu'il a dit qu'il avait entendu dire ce

  2   que le général Rose avait dit au reste du monde la veille au soir, que

  3   toutes les armes avaient été placées sous la garde des Nations Unies, et il

  4   m'a dit : Mais voyez, ce n'est pas vrai. Il était tout à fait prêt à ce que

  5   les Nations Unies viennent là, mais les Nations Unies n'étaient pas

  6   parvenues, et c'était là la teneur du reportage que nous avons fait ce

  7   jour-là.

  8   Q.  Mais vous avez dit, ce gaillard, on le surnomme Zver, la Bête

  9   dans le clip vidéo. Vous souvenez vous aussi qu'en réalité, son surnom

 10   c'était Medo, en traduction, nounours, mais vos traducteurs vous ont dit la

 11   bête ? Alors, faites la différence quand même entre nounours et la bête ?

 12   R.  Ecoutez, je ne me souviens pas parfaitement de cette histoire-là, mais

 13   c'est vrai que les gens avaient des sobriquets, et si je me souviens bien,

 14   c'est lui qui l'a dit. C'était un gaillard parfaitement jovial et il nous a

 15   souhaité la bienvenue. C'était encore très tôt le matin, mais il nous a

 16   offert un petit verre quand même, et j'avais Jaksa Scekic, qui était de

 17   Belgrade, avec moi. C'était lui le producteur à l'époque et il travaillait

 18   avec moi à Pale. Et nous avions aussi quelqu'un de votre gouvernement qui

 19   parlait anglais. C'est lui qui a fait le travail de traduction. Je n'ai pas

 20   inventé cela.

 21   Q.  Merci. Je demanderais aux interprètes de me rectifier s'il n'en est pas

 22   ainsi, mais Medo, en traduction, nounours, on ne traduit pas cela par la

 23   "bête," mais on traduit cela par le "nounours." C'est une brave bête, le

 24   nounours. C'est un brave animal, or, lui, on l'a traité de bête, alors que

 25   c'était quelqu'un de bien intentionné ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je pense que ceci ne

 27   nécessite pas de commentaire de la part du témoin.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, Excellence, la chose a été présentée; on

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  1   présente quelqu'un comme étant une bête serbe, alors que c'est un brave

  2   nounours. C'est ce qui est dit dans son rapport.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous aurez toute latitude de parler de

  4   ceci au moment de la présentation de vos conclusions juridiques. Mais

  5   maintenant, vous êtes supposé contre-interroger ce témoin.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on peut nous montrer

  7   maintenant au prétoire électronique le 1D1211.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  En attendant, Monsieur van Lynden, est-ce que vous vous souvenez du

 10   fait que le 8 avril 1993, une patrouille militaire à Ilidza, non loin de

 11   l'aéroport, dans un convoi d'une imminente organisation humanitaire, avait

 12   trouvé des armes et des munitions et notamment des munitions, c'était

 13   camouflé, et on avait dit que c'était de l'aide humanitaire ?

 14   R.  Ecoutez, si je me souviens bien, je n'étais pas en Bosnie le 8 avril

 15   1993, et je sais que je ne me souviens pas du tout de cet incident-là.

 16   Q.  Mais êtes-vous limité seulement aux connaissances qui sont les vôtres

 17   pour ce qui est des événements en Bosnie, et ce, notamment pour ce qui est

 18   de la période où vous étiez là-bas, parce que votre télévision a continué à

 19   informer le public sur d'autres choses ?

 20   R.  Non. On avait pratiquement des correspondants tout le temps en Bosnie.

 21   Il y en avait d'autres que moi. Mais vous ne pouvez vous attendre à ce que

 22   je me souvienne de chacun des incidents qui se sont produits en Bosnie, et

 23   surtout quand je n'étais pas là. Et même quand j'étais là, on se

 24   concentrait sur une zone en particulier. On ne pouvait pas se concentrer

 25   sur tout.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez voir ce texte publié par "The

 27   Independent" le 22 août 1992.

 28   R.  Oui, je vois le texte.

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  1   Q.  Qu'en dites-vous, Monsieur van Lynden ?

  2   R.  Je sais que certains qui travaillaient aussi au sein des Nations Unies

  3   l'ont fait, mais moi, je n'ai jamais vu de preuves tout à fait

  4   convaincantes de ce que ceci eut été le cas.

  5   Q.  Mais est-ce que, pour ce que vous avez rapporté au sujet des Serbes,

  6   vous avez eu des preuves convaincantes ou est-ce que c'est des informations

  7   en provenance des Nations Unies ou en provenance de la présidence que vous

  8   avez utilisées ?

  9   R.  Nous avons essayé de rapporter ce que nous croyions être la vérité dans

 10   nos reportages.

 11   Q.  Alors, ne devait-on pas faire confiance aux Nations Unies, leurs

 12   informations, leurs suspicions, et cetera, pour ce qui est de savoir qui

 13   est-ce qui avait tiré sur des civils.

 14   R.  Vous savez, les Nations Unies c'est une grosse organisation au sein de

 15   laquelle il y a toutes sortes d'opinions. Nous avons vérifié auprès des

 16   Nations Unies, je vous l'ai déjà dit au cours de ma déposition, nous avons

 17   essayé de savoir exactement ce qui se passait sur les lignes de front, sur

 18   la violation des cessez-le-feu et sur l'intensité des pilonnages sur un

 19   quartier plutôt qu'un autre. La plupart avaient sans doute tout à fait

 20   raison. D'autres pas. Nous avons fait de notre mieux.

 21   Quand je me suis trouvé à Sarajevo et, par exemple, aussi quand s'y

 22   trouvait le général Rose, il ne le disait pas publiquement, je le savais à

 23   l'époque, mais il y avait des indications selon lesquelles il avait

 24   l'impression, comme le dit ici cet article, certains de ces tirs étaient

 25   dirigés sur ces personnes. On a demandé un rapport concret, et on n'en a

 26   jamais reçu.

 27   Et en l'absence de preuve concluante, je n'étais pas prêt à faire un

 28   reportage.

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  1   Q.  Merci

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire verser ce document,

  3   s'il vous plaît.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est versé.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D240.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on peut montrer maintenant le

  7   1D01226, s'il vous plaît. Merci. C'est la page 1. J'aimerais qu'on nous

  8   montre la page 2. J'espère qu'il y a une traduction. Oui, c'est le cas.

  9   Voilà, la page 2 en version serbe et en version anglaise. Merci.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  C'est un bulletin du service de sûreté militaire de l'armée musulmane,

 12   et cette partie encadrée nous dit :

 13   "Le service de la sûreté militaire dispose d'information disant que les

 14   citoyens de Sarajevo sortent de la ville partant d'accréditation de

 15   journalistes falsifiée.

 16   "En réalité, il s'agit de journalistes accrédités dans Sarajevo qui

 17   obtiennent depuis leurs maisons de presse d'origine des pièces

 18   d'accréditation pour des personnes prétendument engagées par les équipes

 19   journalistiques pour leur permettre de quitter la ville "probablement

 20   moyennant finance."

 21   Est-ce que vous le saviez, cela ?

 22   R.  Non. Jamais nous n'avons donné nos cartes d'accréditation à qui que ce

 23   soit. Sur le plan local, nous avons fait entrer telle ou telle personne,

 24   mais uniquement. Ça, jamais nous n'avons fait sortir des gens de Sarajevo.

 25   On n'a jamais transporté des personnes. Nous étions là, nous étions envoyés

 26   par notre organisation.

 27   Mais ce que nous avons fait, par exemple, c'est prendre du courrier,

 28   beaucoup de courrier, quand on partait de Sarajevo. A un moment donné, on a

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  1   été interpellé à un poste de contrôle, on a dit qu'on n'avait pas le droit

  2   de le faire, ils ont dit que c'était quelque chose d'illégal, jusqu'au

  3   moment où ils ont vu que beaucoup des lettres étaient destinées à des gens

  4   vivant en Serbie, après quoi ils nous ont laissés passer. Mais pour ce qui

  5   est de faire entrer des personnes grâce à subterfuge, des cartes

  6   d'accréditation falsifiées, non, jamais on l'a fait.

  7   Q.  Que pensez-vous, Monsieur van Lynden, de ce régime et de la ville

  8   depuis laquelle il n'est pas possible de sortir sans disposer

  9   d'attestations, d'autorisations et autres documents  ?

 10   R.  Je ne comprends pas votre question.

 11   Q.  Est-ce que vous avez rapporté à votre maison de télévision que vous ne

 12   pouviez pas sortir de Sarajevo si vous n'aviez pas de pièce d'accréditation

 13   étrangère ? Les citoyens de Sarajevo ne pouvaient pas sortir de la ville

 14   sans accréditation ou pièce de ce genre. Le saviez-vous ? Vous saviez cela,

 15   forcément. Vous saviez qu'on ne pouvait pas sortir. Mais est-ce que vous

 16   avez dit que Sarajevo était bloquée de l'intérieur et qu'on ne laissait pas

 17   sortir les gens qui s'y trouvaient ?

 18   R.  Ce qui est certain, c'est que nous avons dit dans nos reportages qu'il

 19   était impossible pour les gens de Sarajevo de sortir de la ville

 20   normalement, comme nous, nous pouvions le faire, car nous étions des gens

 21   des médias accrédités ou avec, justement, toutes ces habilitations et

 22   accréditations des Nations Unies, même si ce n'était pas toujours facile

 23   pour nous.

 24   Mais nous avons dit que certains ont réussi à sortir par Sarajevo en

 25   passant par l'aéroport, en sortant par Budimir de Sarajevo. Je ne l'ai

 26   jamais vu de mes propres yeux, mais je pense qu'il y a eu plus tard un

 27   tunnel qui a été creusé pour permettre les allées et venues au moment où

 28   vous faisiez avec vos forces le siège de la ville.

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  1   Vous m'avez posé toute une série de questions. Vous dites notamment

  2   que ces gens n'étaient pas autorisés à sortir, parce que c'était les leurs

  3   qui les empêchaient de sortir. C'était peut-être vrai jusqu'à un certain

  4   degré, mais l'essentiel, à Sarajevo, c'était que vos forces faisaient le

  5   siège de la ville et auraient tiré sur ces personnes, les auraient faits

  6   prisonniers, si ces gens essayaient de sortir, à pied ou autrement. C'était

  7   impossible de sortir de la ville à ce moment-là.

  8   Q.  Est-ce que vous voulez dire par là que c'est la partie serbe qui avait

  9   tiré sur des gens qui voulaient passer par le côté serbe ? Donnez-moi juste

 10   un exemple de ce type, je vous prie.

 11   R.  Monsieur Karadzic, mais où est-ce que vous étiez ? C'est ce qui s'est

 12   passé pendant la guerre. Les gens ne pouvaient pas sortir de Sarajevo,

 13   sinon, ils auraient été la cible de tirs. Il y avait même des bus qu'on

 14   avait organisés pour faire partir les petits enfants de Sarajevo. On a tiré

 15   sur ces autocars.

 16   Est-ce que je peux dire de façon catégorique que c'était uniquement vos

 17   forces qui l'ont fait ? Non. Je n'étais pas dans le bus non plus. Mais le

 18   siège de Sarajevo et la vérité, c'est que les gens étaient assiégés à

 19   l'intérieur de leur ville et que même si les leurs avaient dit : Oui, vous

 20   avez le droit de partir, en général, les seules personnes qui leur auraient

 21   permis de sortir, c'étaient les gens des Nations Unies. Et ça s'est passé,

 22   l'une ou l'autre fois, mais ce n'était pas possible autrement.

 23   Q.  Monsieur van Lynden, à qui voulez-vous qu'ils montrent cette pièce

 24   d'identité s'ils voulaient passer vers le territoire serbe ? Aux autorités

 25   serbes ou aux autorités musulmanes à Sarajevo ?

 26   R.  Si on franchit la ligne de front, comme nous, nous avons dû le faire,

 27   il faut d'abord montrer ses pièces d'identité, puis il faut traverser ce no

 28   man's land, qui a toujours existé, puis remontrer ses papiers de l'autre

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  1   côté. Donc il fallait les montrer d'un côté et de l'autre du no man's land.

  2   Il y avait des procédures bien en place qu'il fallait respecter. Et

  3   nous, nous avons d'ailleurs filmé une vieille dame qui est passé de

  4   Grbavica, qui a traversé la Miljacka pour aller en territoire bosniaque

  5   alors que nous, nous étions avec vos forces, en septembre. Nous l'avons

  6   montré. Ça avait été organisé entre les deux camps pour que cette femme

  7   puisse traverser. Je ne connais pas les détails la concernant parce qu'on

  8   ne me les a pas donnés, mais nous avons pu la filmer et nous l'avons

  9   incluse dans ce reportage.

 10   Il y a eu des cas isolés où vous avez des gens qui ont pu passer d'un

 11   côté à l'autre. Mais quand on parle du citoyen normal, si lui voulait

 12   partir parce qu'il en avait marre d'être la cible de tirs, s'il voulait

 13   aller ailleurs dans le pays, bien, il ne pouvait pas le faire, c'était

 14   impossible. Cette personne savait qu'elle risquait à coup sûr d'être

 15   arrêtée, d'être jetée en prison et peut-être la mort, une fois arrivée de

 16   l'autre côté.

 17   Q.  Ils risquaient une arrestation et de se faire tuer du côté serbe ?

 18   C'est bien ce que vous voulez nous dire ?

 19   R.  Mais d'un côté comme de l'autre. Si quelqu'un avait essayé, comme ça, à

 20   l'improviste, de sortir de Grbavica, la même chose se serait passée. C'est

 21   ce qui se passe lorsqu'on a une ligne de front dans une zone de guerre. On

 22   ne peut pas simplement franchir une ligne de front en zone de guerre quand

 23   les gens sont armés, "Moi, si je veux aller de l'autre côté, bien, j'y

 24   vais." Non. C'est une chose très, très dangereuse à faire. C'est la règle

 25   de base d'un correspondant de guerre. On ne traverse pas une ligne de

 26   front. Mais nous, nous l'avons fait, et chaque fois que nous l'avons fait

 27   on a essuyé les tirs. Alors, imaginons qu'un citoyen normal le fasse dans

 28   des circonstances, bien, non, c'est inconcevable, s'il n'a pas, au départ,

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  1   été bien organisé, et en général, si ça n'a pas été organisé avec

  2   l'intervention des Nations Unies.

  3   Q.  Saviez-vous, Monsieur van Lynden, que nous avions demandé que le Pont

  4   de l'unité et de la fraternité soit ouvert plusieurs heures, tous les jours

  5   pour qu'on puisse le passer librement de part et d'autre, et parfois même

  6   cela est bien arrivé ?

  7   R.  Si ça avait été bien organisé, oui, ça aurait été possible. Mais moi,

  8   je n'ai jamais été sur place quand ça s'est passé, jamais filmé.  Je me

  9   suis trouvé sur le Pont de l'unité et de la fraternité. J'y étais avec le

 10   général Rose en mars 1994. Mais jamais je n'ai vu, comme ça, l'ouverture du

 11   pont et des gens qui pouvaient circuler dessus sans aucun problème. Jamais.

 12   En tout cas, pas dans mon expérience, ça ne s'est passé.

 13   Q.  Revenons un peu à ce document. Un individu dispose de pièces d'identité

 14   qu'il présente, il veut sortir, et il ne peut pas sortir. S'il a, par

 15   exemple, une autorisation d'une maison de presse étrangère, il peut passer. 

 16   Donc ce n'est pas subitement qu'il se présente pour passer. Mais les

 17   citoyens de Sarajevo n'avaient pas l'autorisation de sortir quand ils le

 18   voulaient et en présentant des pièces d'identité à eux, mais ils avaient

 19   besoin de documents étrangers; est-ce bien cela ? Parce que ça, c'est un

 20   document, celui que l'on voit, issu par les autorités musulmanes.

 21   R.  Je n'ai jamais vu ce document jusqu'à présent.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que la question a déjà été posée et

 24   a déjà reçu une réponse complète.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La première fois, M. van Lynden a

 26   répondu qu'il ne comprenait pas la nature de la question. Donc je pense que

 27   la question a été reposée, il a dit qu'il ne savait pas.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous répondre en disant ceci :

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  1   d'abord, je n'avais jamais vu ce document jusqu'à présent.

  2   Deuxièmement, si vous étiez un journaliste étranger, pour pouvoir rentrer

  3   ou sortir de la ville, ce n'était pas une autorisation de votre

  4   organisation, mais un passeport ou un laissez-passer des Nations Unies.

  5   Donc il faut un document, une pièce d'identité, et c'est seulement avec ce

  6   laissez-passer des Nations Unies qu'on peut faire des allées et venues. Et

  7   ce laissez-passer des Nations Unies, il y avait vos forces d'un côté et les

  8   forces bosniaques de l'autre, bien, vous vouliez les deux voir ceci. Chaque

  9   fois que nous l'avons fait, c'était dangereux, mais il nous a été possible

 10   d'entrer dans la ville et d'en sortir.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Merci. Est-ce que vous savez, Monsieur van Lynden, est-ce que vous

 13   étiez au courant du fait que pendant la conférence de Carrington, et

 14   ultérieurement lors des rencontres à Genève avec la médiation de M. Sadako

 15   Ogata, les trois parties en présence avaient signé un accord sur le droit

 16   des civils de se déplacer librement avec une annonce préalable pour assurer

 17   une escorte. Mais n'était-ce pas là conformément aux conventions de Genève

 18   que c'était signé et que le document en question, l'accord en question

 19   était censé être

 20   respecté ?

 21   R.  Je sais que toutes sortes de choses ont été signées sans qu'elles

 22   soient nécessairement traduites dans les faits. Par exemple, en 1992, pour

 23   les Jeux olympiques de Barcelone, il y avait une délégation bosniaque, avec

 24   notamment deux athlètes, une femme dans l'athlétisme et un homme en judoka,

 25   et ces deux personnes ont été autorisées, avec l'escorte des Nations Unies,

 26   à aller jusqu'à l'aéroport, et ont pu partir en avion à Barcelone. Donc des

 27   choses ont été organisées, effectivement, avec annonce préalable et accord

 28   des deux parties et avec l'aide des Nations Unies.

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  1   Rétrospectivement - et je reviens au document que vous montriez aux Juges

  2   il y a quelques instants - moi, j'avais toujours des producteurs avec moi,

  3   un producteur, mais d'autres agences à Sarajevo avaient recours à un

  4   producteur ou un interprète de la ville. Je ne sais pas si ces personnes

  5   ont les a jamais fait sortir de Sarajevo. Sans doute qu'elles recevaient

  6   une autorisation. Mais on pensait sans doute qu'il aurait été trop

  7   dangereux d'emmener un producteur ou un interprète hors de Sarajevo, pour

  8   passer d'un côté de la ligne de front à l'autre, parce que ceci aurait

  9   signifié que c'était considéré ou cette personne était considérée comme

 10   étant une espionne, un espion par la partie adverse. Il y a peut-être eu

 11   des cas de ce genre, mais je n'ai pas connaissance d'autorisations données

 12   par une organisation occidentale à quelqu'un de Bosnie qu'on aurait fait

 13   sortir de Sarajevo une fois cette autorisation donnée par les Nations

 14   Unies.

 15   Q.  Et ça s'est passé ainsi de part et d'autre, n'est-ce pas ?

 16   R.  Jaksa Scekic, c'était notre producteur de Belgrade, il est venu à Pale,

 17   mais il n'est jamais venu à Sarajevo. C'est ce qu'il voulait. Il s'était

 18   dit que s'il allait à Sarajevo, il allait peut-être être accusé par les

 19   Musulmans de Bosnie d'être un espion, par exemple. Nous ne l'avons donc pas

 20   fait venir à Sarajevo.

 21   En général, quand j'étais en Bosnie, j'avais recours à Zoran Kusovac. Son

 22   père est Monténégrin, sa mère est Dalmate, il est né en Bosnie; donc il n'a

 23   plus de nation, il est Yougoslave de nationalité, et on avait estimé qu'il

 24   pouvait être accepté par tous. Puis il y avait quelqu'un de Novi Sad, il

 25   était Hongrois, et je l'ai emmené aussi.

 26   D'autres chaînes, d'autres organisations ont eu recours aux services

 27   des Serbes de Bosnie, des Musulmans de Bosnie, à Pale ou ailleurs. Et en

 28   général, on estimait qu'il n'était pas sûr de demander à ces gens de

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  1   franchir la ligne de front pour passer de l'autre côté.

  2   Q.  Ce document -- enfin, je ne m'attendais pas à ce que vous ayez vu ce

  3   document. Je vous parle d'un phénomène que vous avez eu à connaître sans

  4   doute. Saviez-vous que ces criminels se faisaient énormément d'argent en

  5   faisant passer des gens et en les faisant sortir de la ville ?

  6   R.  Je sais qu'il y avait des rumeurs, mais je n'en ai jamais vu la preuve

  7   sur place. Il était peu probable que j'en voie, parce que si c'étaient des

  8   activités criminelles, on n'allait pas demander aux caméras d'aller les

  9   filmer. Il y avait des criminels d'un côté et de l'autre ou des deux côtés,

 10   qui étaient des profiteurs de guerre, qui faisaient passer des gens.

 11   C'était fort probable, d'un côté comme de l'autre.

 12   Q.  Merci.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander le versement au

 14   dossier de ce rapport militaire de l'armée musulmane ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur --

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Il n'y a

 17   pas de lien, car le témoin dit qu'il n'avait pas été au courant de cela.

 18   Quand on lui a posé la question, il avait dit, il n'y a pas de lien, et je

 19   pense que ceci ne doit pas être versé au dossier.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes d'accord avec vous, Monsieur

 21   Nicholls. Ça ne sera pas versé au dossier.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ce que je peux indiquer aussi est que M.

 23   van Lynden a confirmé le phénomène en tant que tel. Il a entendu parler de

 24   ce genre de choses, il a entendu dire qu'il n'était plus possible de sortir

 25   de la ville.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il n'a rien dit à propos de ce document.

 27   Avançons.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il ne saura vous dire cela d'aucun document,

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  1   mais je ne parle pas du document, je parle du phénomène et des événements

  2   de ce genre. Il ne pouvait pas avoir ce type de documents. C'est des

  3   documents confidentiels des Services secrets militaires des Musulmans. Mais

  4   bon. Est-ce qu'on peut nous montrer un document autre, le 1D01228.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  En attendant -- ah, on vient de nous le montrer. Monsieur van Lynden,

  7   saviez-vous que les citoyens pouvaient s'orienter d'après les

  8   rassemblements d'équipes de journalistes pour savoir s'il fallait fuir à la

  9   maison ou pas ? Saviez-vous que quand ils voyaient les journalistes

 10   étrangers, ils doivent s'attendre forcément, ces citoyens-là, à ce que

 11   quelque chose de pas bien du tout survienne ?

 12   R.  En général, des journalistes étrangers, ils vont là où il y a du

 13   grabuge.

 14   Q.  A moins qu'ils ne sachent d'avance que quelque grabuge risque de

 15   survenir ?

 16   R.  Mais enfin jamais, Monsieur, ou quasi jamais.

 17   Q.  Bien, ceci est un document émanant de l'armée musulmane.  C'est une

 18   fois de plus l'administration de la sécurité.  J'aimerais qu'on nous montre

 19   la page 3 dudit document.

 20   On dit, "source bien informée". Voilà. En anglais on l'a aussi.  Je

 21   vais donner lecture de la version serbe.

 22   "Une source bien informée du service de la sûreté militaire du 1er

 23   corps proche de l'équipe de reporters de la CNN a présenté hier une

 24   observation disant qu'à Sarajevo ces jours-ci, il y a une présence accrue

 25   de reporters de journaux, de maisons de presse et de télévision étrangère. 

 26   Ce qui attire l'attention, c'est que dans la composition de ces équipes de

 27   journalistes, il y a notamment des reporters de guerre qui sont très

 28   expérimentés et qui ont travaillé dans la guerre du Golfe et qui ne

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  1   seraient pas venus à Sarajevo s'ils ne s'attendaient pas à ce que "quelque

  2   chose d'important survienne."

  3   Entre guillemets, le quelque chose d'important. "La source a également dit

  4   qu'un membre de l'équipe de la CNN dans les bases de l'OTAN en Allemagne a

  5   remarqué qu'il y a des préparatifs accélérés ce qu'il est donné de voir du

  6   fait d'un transport accrus de matériel et de soldats ainsi que de vols

  7   d'avions.

  8   Que dites-vous de ceci, Monsieur ?

  9   R.  Je répète qu'ici, une fois de plus, je n'ai jamais vu ce document et

 10   j'ajouterais, qu'à mon avis, si on m'avait montré ce document auparavant,

 11   j'aurais pu vous donner une réponse après mûre réflexion. Mais ma réponse

 12   instinctive ici c'est un voeu pieux des Musulmans. Pendant toute la guerre,

 13   on a rencontré des Musulmans qui ont dit : Ça se passe ici, ça se passe là.

 14   En fait, on ne savait pas d'où étaient venues ces rumeurs. Ils espéraient

 15   une intervention militaire de l'OTAN. Et je pense qu'en août, rien n'a été

 16   fait par l'OTAN.  La seule chose qui se soit passée, c'est qu'il y a eu une

 17   conférence à Londres qui n'a pas aidé, qui n'a pas contribué à mettre fin à

 18   la guerre en Bosnie.

 19   Q.  Savez-vous qui est-ce qui a refusé de participer à ladite conférence

 20   bona fide ? Plus exactement. Saviez-vous qu'Izetbegovic avait dit que

 21   Silajdzic y allait mais non pas pour négocier, mais plutôt pour exprimer

 22   son mécontentement.

 23   R.  Si je me souviens bien, M. Izetbegovic est allé à la conférence en

 24   personne. Je me souviens l'y avoir rencontré.

 25   Q.  En 1993 ?

 26   R.  Non, non, en août 1992.

 27   Q.  Mais ici nous sommes en train de parler de 1993.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ce document peut être versé au

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  1   dossier ou pas ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, pour la même raison.  Le témoin n'a

  3   rien dit à propos de ce document.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne pense pas qu'il puisse dire quoi que ce

  5   soit au sujet des secrets militaires ou du strictement confidentiel

  6   militaire. C'est des documents émanant du bureau du Procureur.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne polémiquez pas. Nous avons justifié

  8   notre décision.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est ce document, ou est-ce qu'à l'avenir, que

 10   voulez-vous que je fasse de documents que les témoins n'ont jamais vus de

 11   leur vie ?  Moi, je demande à ce qu'ils se prononcent du phénomène et non

 12   pas au sujet du document. Alors est-ce que je peux poser des questions au

 13   sujet des phénomènes qui sont traités ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez posé la question et vous avez

 15   entendu sa réponse. Passons à autre chose.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir le livre publié par le

 19   général Rose ?

 20   R.  Je l'ai vu, oui, dans les librairies.

 21   Q.  Est-ce que je peux vous poser des questions au sujet de ce livre, si

 22   vous n'avez vu ce livre que dans un étalage d'une libraire et que vous ne

 23   l'avez pas lu ?

 24   R.  Non, je n'ai pas lu le livre.

 25   Q.  Mais vous avez quand même eu des réunions avec le général Rose et vous

 26   vous êtes informé auprès de lui.  Donc --

 27   R.  Non, le général Rose ne m'a demandé aucun renseignement.  Je l'ai

 28   effectivement rencontré une ou deux fois, il m'a accordé un entretien

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  1   devant une caméra de télévision, mais jamais il ne m'a fourni de

  2   renseignements.

  3   Q.  Mais vous avez obtenu des informations de la part des hommes qui

  4   étaient passés sous son commandement, c'étaient des hommes à lui ?

  5   R.  J'ai obtenu des renseignements en 1994 selon que le général Rose était

  6   en Bosnie. Ce sont des éléments de la FORPRONU qui me les ont fournis,

  7   effectivement.

  8   Q.  Et en 1992, vous n'avez reçu aucune information de la part de la

  9   FORPRONU ?

 10   R.  Si, mais pas du général Rose, il n'était pas en poste à ce moment-là.

 11   Q.  Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre le 1D1037.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Je ne suis pas en train de vous parler de l'individu du général Rose,

 15   je parle de la FORPRONU, de ce volet, au segment militaire des Nations

 16   Unies qui vous a véhiculé des informations.  L'ACCUSÉ : [interprétation]

 17   J'ai dit 1D1037. Oui, c'est bien cela, les pages 243 et 244 qui

 18   m'intéressent. 243 et 244, ce sont des pages du livre.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Vers le bas de la page avec, "my own theory." "J'étais vraiment furieux

 21   de voir ainsi la vérité déformée." Vous voyez, n'est-ce pas ?

 22   "Mais mon indignation n'a rien fait pour enrailler cette vague, pour

 23   arrêter cette vague de propagande. Beaucoup de commentateurs de l'est des

 24   Etats-Unis pensaient que c'était pendant les combats à Gorazde que les

 25   Nations Unies avaient volontairement induit en erreur le monde sur ce qui

 26   s'était passé, avaient sous-estimé l'ampleur du désastre et avaient été

 27   vraiment très parcimonieux en matière de vérité. J'ai expliqué que la

 28   plupart des maisons endommagées à Gorazde - et ceci c'étaient des activités

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  1   de reconnaissance aérienne américaines - que la plupart de ces maisons

  2   n'avaient pas été détruites par les combats qui avaient eu lieu en 1994, en

  3   avril 1994, en avril. C'était en 1992 que ces maisons avaient été

  4   détruites, lorsque les Musulmans avaient chassé les Serbes de la ville et

  5   des environs. C'étaient des maisons qui avaient appartenu à des Serbes qui

  6   n'avaient plus de toits, de fenêtres, de portes et qui avaient été

  7   dépouillées de tous les meubles et autres accessoires. Bon nombre de ces

  8   maisons avaient été brûlées, détruites par le feu.  Manifestement, ça

  9   n'était pas des bâtiments qui avaient subi des pilonnages récents.

 10   Aujourd'hui, les Nations Unies restent toujours condamnées et accusées

 11   d'avoir sous-estimé les dégâts causés aux Serbes à Gorazde."

 12   En rapportant au sujet de Gorazde, est-ce que vous saviez comment ça

 13   s'était passé pour les Serbes à Gorazde en 1992 ?

 14   R.  La première fois que je suis allé à Gorazde c'était au début 1993, en

 15   février ou en mars. Nous avons rencontré des Serbes qui y habitaient. Nous

 16   sommes allés dans un petit village où tous les habitants étaient Serbes.

 17   Pour ce qui est de ce qui s'est passé précisément au cours du printemps

 18   1992 à Gorazde, je ne le sais pas, je n'ai pas vu ça de mes propres yeux.

 19   Manifestement, il y avait eu des combats. Il y avait des combats dans toute

 20   la Bosnie orientale, et manifestement beaucoup des habitants de cette

 21   région de Bosnie orientale avaient été obligés d'abandonner leurs foyers,

 22   leurs villages, leurs villes par vos forces et s'étaient retrouvés à

 23   Gorazde, où il y avait eu des combats aussi. Mais quant à savoir exactement

 24   comment ces dégâts ont été occasionnés dans ces demeures mentionnées par le

 25   général Rose, je ne pense pas qu'il se soit trouvé lui non plus à Gorazde

 26   en 1992, je ne sais pas non plus.

 27   Ce que je sais à propos de Gorazde, ça concerne 1994. Nous avons rencontré

 28   le général Rose en mars 1994 à Sarajevo après avoir été à Pale, et nous lui

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  1   avons dit que pendant que nous étions à Pale, nous avions entendu dire que

  2   Gorazde allait être attaquée par les forces dirigées par le général Mladic

  3   en avril 1994. Et la réaction du général Rose a été de se demander comment

  4   nous savions cela et qu'on se trompait sans doute. Nous avons dit que nous

  5   n'étions pas sûrs mais que nous avions parlé à certains à Pale, qui nous

  6   avaient avertis que ça allait se passer.

  7   Et d'après ce que j'ai pu en juger, le général Rose ne nous a pas entendus,

  8   ne nous a pas crus. Et c'est malheureux de voir ce qui s'est passé en 1994

  9   car des vies ont été perdues, un des soldats notamment du général Rose est

 10   mort.

 11   Q.  Vous voulez dire par là que le secret militaire de l'armée à Mladic

 12   faisait courir -- la rumeur à ce sujet courait dans la rue de Sarajevo;

 13   c'est bien ce que vous voulez dire ?

 14   R.  Disons qu'on était un peu méfiant quand on entendait des rumeurs. Parce

 15   qu'on entend beaucoup de rumeurs en zone de guerre, et pour la plupart ce

 16   sont des mensonges. Ce n'était pas dans la rue qu'on en avait entendu

 17   parler. Disons que c'est par des contacts plus spécifiques, notamment après

 18   Jaksa Scekic qui s'est trouvé là-bas. On avait dit qu'il était probable que

 19   l'armée de Mladic attaque Gorazde en avril 1994, c'est ce que nous avons

 20   dit au général Rose et nous avons été surpris de voir sa réaction. Il a

 21   rejeté cette idée, il avait le droit de le faire, mais malheureusement,

 22   l'information était juste et sa réaction ne l'était pas.

 23   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire quand est-ce que l'armée serbe s'est

 24   attaquée à Gorazde, quand est-ce qu'il y a eu cette offensive sur Gorazde

 25   Sans qu'il ne s'agisse d'une contre-offensive ? Donc quand est-ce que

 26   l'armée serbe a attaqué sans avoir été provoquée depuis l'intérieur de

 27   Gorazde ? Est-ce qu'il y a eu ne serait-ce qu'un cas de figure de ce genre

 28   ?

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  1   R.  Monsieur Karadzic, c'est clair, pour vous il n'y a jamais que des

  2   contre-offensives. Disons, qu'on ne tire jamais d'abord sur les Musulmans

  3   [comme interprété], on ne fait que des tirs de riposte.

  4   Je suis sûr qu'il y a eu des cas où des Musulmans [comme interprété] ont

  5   tiré les premiers, occasionnant ainsi une contre- offensive. Est-ce que

  6   j'étais à Gorazde ? Non. Est-ce que les informations fournies ici au Juge

  7   sont exactes ? Moi, je vous dis qu'on nous a dit en mars 1994 à Pale qu'il

  8   y avait une attaque qui allait probablement être déclenchée sur Gorazde en

  9   avril, l'information était juste. L'attaque a-t-elle eu lieu ? Oui. Je peux

 10   vous dire que c'était la vérité et toute la vérité. Est-ce que je peux vous

 11   dire si ce n'était pas dans une certaine mesure une contre- offensive ?

 12   Non, je ne suis pas en mesure de vous le dire.

 13   Q.  Bien. Etes-vous allé en Bosnie orientale et avez-vous vu de vos yeux

 14   mes forces en train d'expulser des gens de chez eux, des Musulmans de chez

 15   eux pour les envoyer hors de Gorazde ? Est-ce que vous avez vu cela de vos

 16   propres yeux ?

 17   R.  Hors de Gorazde, non, parce que Gorazde est restée une enclave. Mais

 18   nous nous sommes rendus en divers lieux où des maisons avaient été

 19   incendiées, où les villages étaient désertés. Et nous avons rencontré des

 20   gens qui avaient été contraints de fuir leurs villages où leurs villes de

 21   l'autre côté de la Bosnie orientale. Quand nous étions à Gorazde, nous

 22   avons rencontré pas mal de gens qui résidaient dans des écoles ou n'importe

 23   quel bâtiment où ils avaient trouvé à se loger en tant que réfugiés

 24   provenant d'autres régions. Maintenant, est-ce que je l'ai vu de mes yeux ?

 25   Personnellement non, je n'étais pas en Bosnie au mois de mars, au mois

 26   d'avril, au mois de mai 1992, mais c'est ce que nous n'avons cessé

 27   d'entendre et que d'autres ont vu de leurs yeux. A Bijeljina, par exemple.

 28   Q.  Mais vous avez dit il y a un instant qu'il y avait des gens qui ont été

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  1   chassés par mes forces à Gorazde comme si vous aviez vu cela de vos yeux.

  2   R.  Bien, oui, j'ai rencontré ces gens, oui, et c'est ce qu'ils m'ont dit.

  3   Q.  Bien. Ils vous l'ont dit, mais vous n'avez pas de certitude à ce sujet.

  4   La seule preuve de cela que vous avez c'est ce que ces personnes vous ont

  5   dit, n'est-ce pas ?

  6   R.  Bien, je dispose de preuves et d'éléments montrant que ces personnes

  7   vivaient en qualité de réfugiés à Gorazde, Gorazde dont la population avait

  8   triplé par rapport à ce qu'elle était avant la guerre. Et ceci m'a été

  9   confirmé par tout un chacun, y compris par les Serbes qui habitaient dans

 10   l'enclave.

 11   Q.  Est-ce qu'il y avait des Serbes qui résidaient dans l'enclave de

 12   Gorazde ?

 13   R.  Oui. Je l'ai déjà dit dans ma déposition. Il y avait au moins un

 14   village où on nous a emmenés, et il y a aussi cet homme qui avait une

 15   entreprise à Rotterdam avec lequel j'ai pu parler en néerlandais.

 16   Q.  Mais vous l'avez vu dans la partie serbe de Gorazde, et pas dans la

 17   partie musulmane de Gorazde ?

 18   R.  Non. Je l'ai rencontré dans la partie de l'enclave qui était sous le

 19   contrôle de l'ABiH.

 20   Q.  Bien. Au début de 1993, étiez-vous à Srebrenica ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Bon. Nous reprendrons ce sujet plus tard.

 23   Je demande l'affichage pour le moment du document 1D982. Ce passage du

 24   livre du général Rose, j'aimerais qu'il soit versé au dossier.

 25   Il parle du fait que des journalistes étrangers écrivent des articles

 26   au sujet de la situation en faisant passer des maisons appartenant à des

 27   Serbes comme des maisons appartenant à des Musulmans.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

Page 3029

  1   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas le texte sous les yeux. Je ne

  2   vois pas ce passage, mais je n'ai pas d'objection à ce que la page qui est

  3   affichée actuellement à l'écran soit versée au dossier.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La page 174 a déjà été admise en tant

  5   qu'élément de preuve, mais les Juges vont se consulter.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin n'a rien

  8   dit au sujet de ce livre, donc nous rejetons ce passage de l'ouvrage.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur, savez-vous ce qui s'est passé à Gorazde en 1994 ?

 12   R.  Toute l'année, vous voulez dire ?

 13   Q.  Pendant la période qui a fait l'objet de votre intérêt pour Gorazde.

 14   R.  J'ai passé quelques semaines à Gorazde en mars 1993, et je n'y suis

 15   ensuite jamais retourné.

 16   Q.  Mais vous avez averti M. Rose au sujet de quelle période, à quel moment

 17   ? En 1994, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, mais j'ai quitté la Bosnie, et je me trouvais, en fait, à Belgrade

 19   lorsque l'offensive a eu lieu à Gorazde, et là je ne parle pas de qui était

 20   à l'origine de cette offensive, mais en tout cas, c'est à ce moment-là qu

 21   j'ai reçu une lettre des autorités yougoslaves me disant que j'étais

 22   persona non grata et que je devais quitter le pays, et donc on me donnait

 23   48 heures pour quitter Belgrade et rentrer à Londres.

 24   Q.  Eh bien, c'est la première fois que j'entends cela de votre bouche,

 25   Monsieur van Lynden. Tous les présidents serbes vous ont reçu en entretiens

 26   ou pour des dîners après ces entretiens, et tout d'un coup, en 1994, vous

 27   dites que vous devenu persona non grata. Comment expliquez-vous cela ?

 28   R.  C'était une sentence à vie, Monsieur Karadzic, à vie. Je pense que je

Page 3030

  1   peux rentrer en Serbie actuellement. Mais je ne pense pas que M. Milosevic

  2   le puisse.

  3   Q.  Oui, mais vous voyez, ce genre de démarche, ce genre de façon de voir

  4   les choses, c'est pour cela que nous obtenons de vous des relations

  5   partiales. Nous n'aurions pas pu l'emporter dans la guerre des médias,

  6   parce que vous aviez accès à n'importe quel média à votre gré. Le président

  7   Milosevic, le président Karadzic, vous pouviez aller chez eux

  8   officiellement ou en privé, mais nous n'avons rien obtenu de vous. Donc

  9   c'est la raison pour laquelle, en 1994, vous avez mérité d'être considéré

 10   comme nuisant aux intérêts de l'Etat de Serbie.

 11   R.  C'est --

 12   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus ?

 13   R.  C'est votre avis. Non. Je suis tout à fait en désaccord avec ce que

 14   vous venez de dire. Je pense qu'il importait que les correspondants

 15   internationaux aient un accès libre partout où ils souhaitaient aller.

 16   Rejeter les journalistes n'est pas la bonne réaction et ne fait que nuire à

 17   ceux qui les rejettent. Je ne pense pas que l'endroit où nous nous trouvons

 18   aujourd'hui soit un lieu pour débattre de la politique serbe vis-à-vis des

 19   médias étrangers. Personnellement, je crois que de nombreuses erreurs ont

 20   été commises depuis le début. Et ce que vous avez dit il y a quelques

 21   instants, le fait que je pouvais voir M. Milosevic en privé, est un simple

 22   non-sens. Je l'ai rencontré une fois. J'ai obtenu une interview de lui. Il

 23   m'a invité à boire un verre ensuite, et c'est tout.

 24   Je n'ai jamais dîné avec vous, si je me souviens bien. J'ai été invité à

 25   boire un verre à plusieurs reprises, et j'ai été une fois invité par le

 26   général Mladic à déjeuner. Cela se résume à cela.

 27   Dans d'autres régions du monde, je suis reçu plus largement, beaucoup plus

 28   largement, par les dirigeants des pays.

Page 3031

  1   Q.  Très bien. Maintenant, les choses sont claires. Mais passons à la page

  2   6 de ce document, dont l'auteur est le général Janvier. Le paragraphe qui

  3   commence par le mot anglais "similar". Je cite :

  4   "A l'instar de ce qui s'est passé à Gorazde (au printemps 1994), la Bosnie-

  5   Herzégovine peut tenter de plonger la FORPRONU (y compris les forces de

  6   réaction rapide) ou l'OTAN dans le conflit du côté de la Bosnie-

  7   Herzégovine. L'abandon soudain des positions situées sur la ligne de

  8   confrontation, la simulation d'une chute de l'enclave ou les rumeurs

  9   alarmantes lancées à partir de la partie bosniaque au sujet de la situation

 10   prévalant dans les enclaves seront des indicateurs de cette attitude. Une

 11   participation plus intense de la communauté internationale serait

 12   interprétée par l'armée serbe de Bosnie comme une incitation à intensifier

 13   les opérations pour essayer d'éliminer cette enclave, tout en lançant des

 14   représailles contre les forces des Nations Unies.

 15   "A en juger par les tirs provenant d'un char qui ont été observés à Zepa

 16   hier, des efforts comparables de l'armée serbe de Bosnie pourraient être

 17   constatés à Zepa dans les quelques jours à venir."

 18   Par conséquent, Monsieur van Lynden, vous voyez que le général Janvier rend

 19   compte des diverses ruses qui sont en cours à Gorazde, avec cette façon de

 20   prétendre qu'une ligne est tombée ou d'essayer d'infiltrer les Nations

 21   Unies dans le conflit en chassant des soldats des Nations Unies, et puis

 22   une fois qu'ils ont reculé, ils restent encerclés par nous.

 23   Vous avez vu ce qui s'est passé à Gorazde pendant que vous y étiez ? C'est

 24   l'événement sur lequel vous avez bien appelé l'attention du général Rose,

 25   n'est-ce pas ? Vous l'avez averti à ce sujet.

 26   R.  Je n'étais pas sur place. Quand je me suis trouvé sur place en mars

 27   1993, il n'y avait plus vraiment de combats. Il y avait beaucoup de neige.

 28   Nous avions alerté le général Rose en mars 1994 au sujet de ce que l'on

Page 3032

  1   nous avait dit pendant notre séjour à Pale. Nous savons que des combats ont

  2   eu lieu au mois d'avril 1994 dans les environs de l'enclave de Gorazde. Là-

  3   dessus, nous sommes d'accord. Mais si vous me demandez si je connais la

  4   nature précise des   combats ? Non, parce que je n'étais pas sur place à

  5   l'époque.

  6   Je ne saurais réagir à ce que dit M. Janvier car c'est M. Janvier qui sait

  7   exactement ce qu'il voulait dire. Pour ma part, j'étais dans l'enclave de

  8   Bihac, j'y ai passé plusieurs semaines, et j'ai vu de mes propres yeux que

  9   cette enclave a été attaquée, pas seulement à partir de l'intérieur de la

 10   Bosnie, mais également par les forces serbes de Croatie qui ont traversé la

 11   ligne sur laquelle les Nations Unies voulaient les arrêter, et les Nations

 12   Unies n'ont rien fait. Ça, je le sais parce que j'étais sur place et que je

 13   l'ai vu. Je n'étais pas à Gorazde au printemps 1994. La seule chose que

 14   j'ai dite dans ma déposition devant cette Chambre c'est qu'en mars, j'ai

 15   rapporté au général Rose tout ce que l'on nous avait dit à Pale. Etant

 16   donné que des combats étaient en cours dans l'enclave de Gorazde en avril

 17   1994, je ne pense pas que ces renseignements étaient totalement erronés,

 18   même si je ne connais pas la nature précise de ces combats, je ne sais pas

 19   qui les a lancés, si c'est à cela que vous faites allusion.

 20   Q.  Mais le général Janvier rend compte de la même chose, il dit qu'il y

 21   avait toutes sortes de ruses qui étaient déployées pour impliquer les

 22   forces des Nations Unies ou l'OTAN à Gorazde. Donc vous dites que vous avez

 23   entendu parler de cela de la bouche de quelqu'un à Pale, même si j'ai des

 24   doutes que qui que ce soit connaissait les projets de M. Mladic à cette

 25   époque-là ou savait qu'il avait pour projet d'attaquer Gorazde. Mais qu'en

 26   est-il de Bihac, dont vous venez de parler ? Est-ce que ce que vous dites

 27   est l'entière vérité ou est-ce que c'est la vérité vue depuis Bihac, où 300

 28   kilomètres carrés avait été pris et Bosanski Brod avait pratiquement été

Page 3033

  1   libéré alors que c'était un territoire purement serbe, et il y a eu contre-

  2   offensive du général Milovanovic pour reprendre l'enclave ? Est-ce que vous

  3   savez que les Musulmans étaient arrivés avant cela, pratiquement jusqu'à

  4   Bosanski Petrovac ?

  5   R.  Dans une guerre, les deux parties lancent des offensives, Monsieur

  6   Karadzic.

  7   Q.  Mais vous avez dit dans votre déposition que c'étaient les Serbes qui

  8   avaient attaqué Bihac. Les Serbes, premièrement, devaient libérer

  9   pratiquement 300 kilomètres carrés de territoire, sinon plus, pour le

 10   libérer avant d'arriver aux faubourgs de Bihac par le biais d'une contre-

 11   offensive. Voilà ce qu'était la réalité. Nous voyons que le général Janvier

 12   parle de cela.

 13   Alors, est-ce que vous contestez les observations faites par le

 14   général Janvier dans ce document ?

 15   R.  Je ne saurais absolument pas les confirmer.

 16   Q.  Mais est-ce que vous les contestez ? Croyez-vous ce qu'il dit ou est-ce

 17   que vous ne lui faites pas confiance ? Est-ce que le général Janvier était

 18   quelqu'un à qui on devait faire confiance ou pas ?

 19   R.  Lorsque j'étais parmi les forces bosniaques à Bihac, vous avez raison,

 20   il y a eu une contre-offensive de la part des Serbes, mais il y a eu aussi

 21   une contre-offensive à partir de la Croatie, qui était censée être un

 22   secteur protégé par les Nations Unies, et donc ce qui s'est passé n'aurait

 23   pas dû se passer.

 24   Je n'ai pas vu les forces bosniaques se comporter de la façon décrite par

 25   le général Janvier.

 26   Q.  Je vous remercie. Conviendrez-vous que les forces serbes, à partir de

 27   la Croatie, ont participé à la campagne d'Abdic, mais ne l'ont pas fait

 28   pour leur propre intérêt ? Et est-ce qu'Abdic était en guerre contre le 5e

Page 3034

  1   Corps d'armée de Bihac à ce moment-là ?

  2   R.  Abdic était à Velika Kladusa, mais il y avait d'autres lieux où les

  3   Croates ont été impliqués dans le conflit. Les deux choses sont

  4   différentes.

  5   Q.  Monsieur van Lynden, les forces que constituaient les Serbes de Croatie

  6   étaient alliées à Abdic. Donc ils ne sont pas allés à Bihac pour leur

  7   propre intérêt, mais Abdic leur a accordé le droit de s'emparer de Bihac et

  8   de toute l'enclave, n'est-ce pas ?

  9   R.  Les Serbes de Croatie faisaient partie d'une zone protégée par les

 10   Nations Unies et ont traversé une frontière internationale, mais n'auraient

 11   pas dû être autorisés à le faire.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce document est déjà une pièce à conviction,

 13   donc je n'en demande pas le versement au dossier, Excellences.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourrait-on connaître le numéro de pièce

 15   à conviction de ce document.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit de

 17   la pièce D137.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous avons encore du temps avant la

 20   pause ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire la pause à présent, et

 22   suite à la pause, vous disposerez de trois-quarts d'heure, Monsieur

 23   Karadzic.

 24   Vingt-cinq minutes de pause.

 25   --- L'audience est suspendue à 15 heures 36.

 26   --- L'audience est reprise à 16 heures 02.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande l'affichage du document

 28   1D1037. C'est l'ouvrage dont M. Rose est l'auteur. Nous l'avons déjà

Page 3035

  1   examiné il y a quelques instants.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Et pendant que nous attendons que le texte s'affiche sur les écrans,

  4   Monsieur van Lynden, je voudrais vous dire pourquoi ce texte est important

  5   à mes yeux. Nous avons entendu ici un témoin qui a formulé un certain

  6   nombre d'assertions. Je demanderais la page 54 du livre sur les écrans.

  7   Mais quand j'ai demandé à ce témoin d'où il avait appris ce qu'il disait

  8   être de notoriété publique et accepté par tous, il m'a répondu que dans le

  9   public, on trouvait toutes sortes de preuves de ce qu'il avançait. C'est la

 10   même chose pour ce document.

 11   Alors, voyons quelles sont les positions du général Rose, et

 12   penchons-nous à cette fin sur la page 54 de ce livre : 

 13   "Je commençais à pouvoir distinguer entre les journalistes qui utilisaient,

 14   sans se poser de questions, des documents fournis par la machine de

 15   propagande du gouvernement bosniaque et les journalistes qui

 16   s'intéressaient à présenter une vision plus objective de la guerre. Il

 17   semblait que beaucoup dépendait du caractère individuel de chacun et du

 18   genre de rapport que ces journalistes entretenaient avec les interprètes

 19   femmes attachées à toutes les équipes de journalistes étrangers de la part

 20   du gouvernement bosniaque. Tous les journalistes présents à Sarajevo

 21   n'étaient pas partiaux, et j'ai travaillé avec de nombreux journalistes

 22   courageux qui ont souvent mis leurs propres vies en danger dans le but de

 23   découvrir la vérité. Kurt Schork, un Américain qui avait été à Oxford avec

 24   le président Clinton et qui travaillait pour l'agence Reuters, et Remy

 25   Ourdan, un Breton qui écrivait pour "Le Monde", faisaient partie de ces

 26   journalistes-là. Une émission de télévision a montré un jour Kurt qui était

 27   en train de courir alors qu'il était, sans couverture, sous d'intenses tirs

 28   de mortiers pour essayer d'extirper une femme de la zone de danger. Il

Page 3036

  1   s'est montré souvent très critique des réactions fournies par l'Occident

  2   sur la Bosnie, mais j'ai toujours eu le sentiment qu'il était au moins prêt

  3   à entendre les Nations Unies. Remy Ourdan, qui s'est rendu impopulaire en

  4   écrivant, entre autres, un texte sur l'islamisation de la Bosnie, a été

  5   finalement contraint de quitter Sarajevo à la pointe du fusil. De temps en

  6   temps, j'ai également bénéficié de débats très sensibles au sujet de ce qui

  7   se passait en Bosnie de la part de visiteurs, tels que Misa Gleni [phon],

  8   dont le livre 'La chute de la Yougoslavie' a tant contribué."

  9   Donc, Monsieur Lynden, est-ce qu'il ne serait pas bon que nous voyions le

 10   nom de Sky News sur cette liste ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est une

 12   observation, ce n'est pas une question. C'est une question rhétorique. Je

 13   suis sûr que le témoin aimerait que Sky News figure sur une liste à

 14   condition de savoir quelle est cette liste. Mais c'est uniquement le point

 15   de vue subjectif de l'auteur que nous avons ici, n'est-ce pas ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, c'était le commandant des Nations

 17   Unies, lui et ses critiques constantes quant au fait que les articles

 18   écrits à partir de ce secteur fourmillaient d'erreurs qui nuisaient à

 19   l'image des Serbes, et puis il cite également deux personnes assez peu

 20   connues comme étant des personnes impartiales, mais l'Accusation n'a pas

 21   entendu ces deux personnes dans le prétoire ici. Et par ailleurs, je pense

 22   que Sky News aurait aimé se trouver sur cette liste des représentants

 23   impartiaux et courageux, mais voici ma question.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur van Lynden, admettez-vous que de nombreux journalistes - et ne

 26   parlons pas uniquement de Sky News pour le moment - que de nombreux

 27   journalistes recevaient des nouvelles qui leur venaient de la présidence,

 28   des renseignements qui leur venaient de la présidence ? Vous n'aviez pas

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  1   d'interprète femme fournie par la présidence à vos côtés, mais d'autres en

  2   avaient. Donc conviendrez-vous que l'usage de tels renseignements provenant

  3   principalement de la présidence était une forme d'absence d'objectivité, et

  4   donc une forme de partialité ?

  5   R.  Monsieur Karadzic, à mon avis, et je n'ai pas lu ce livre comme je l'ai

  6   déjà dit dans ma déposition, l'argumentation utilisée par le général Rose

  7   quant à "la nature des rapports unissant les journalistes aux interprètes

  8   femmes qui leur étaient attachées par le gouvernement bosniaque", cet

  9   argument devrait vous avoir mis en garde quant à la nécessité de ne pas

 10   utiliser ce genre de citations. C'est absolument contraire à la vérité. Le

 11   général Rose aurait dû le savoir.

 12   L'affirmation que l'on trouve dans ce passage selon laquelle, pour

 13   l'essentiel, tous les correspondants étrangers se faisaient charmer par de

 14   jeunes femmes bosniaques à l'instigation du gouvernement bosniaque est une

 15   affirmation terrible et contraire à la vérité. Vous auriez dû en être

 16   averti.

 17   Et puis en deuxième lieu, votre assertion selon laquelle Kurt Schork aurait

 18   pu être témoin ici. Il y a une rue qui porte le nom de Kurt Schork, qui a

 19   été très critique par rapport aux Serbes de Bosnie et également très

 20   critique par rapport à l'action des Nations Unies, et c'était un de mes

 21   grands amis personnels. Nous avons souvent travaillé ensemble.

 22   Je pense que c'est tout ce que je voudrais dire au sujet de ce

 23   passage du livre de M. Rose.

 24   Q.  Le général Rose déclare qu'il pouvait faire la différence entre deux

 25   types de journalistes. Donc il y en avait deux types différents.

 26   Passons maintenant à la page 69 et 70, je vous prie.

 27   R.  Je dirais simplement qu'il y en avait beaucoup plus que deux sortes. Le

 28   monde est plus complexe que cela.

Page 3038

  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur van Lynden, si je me

  2   souviens bien, et dites-moi si je me trompe, Kurt Schork n'a-t-il pas été

  3   tué plus tard alors qu'il était reporter en Sierra Leone ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez absolument raison.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Je voudrais le passage qui commence par "Many journalists". Le voilà,

  7   il est sur les écrans.

  8   "Nombre de journalistes présents à Sarajevo ont également appuyé l'option

  9   guerrière, soit parce qu'ils estimaient qu'il était moralement juste de

 10   s'engager dans une espèce de guerre sainte contre les Serbes soit parce que

 11   les images de guerre se vendent mieux que les images de paix. Un

 12   journaliste qui travaillait pour un grand quotidien londonien a résumé

 13   cette réalité en disant à Simon Shadbolt qu'il ne s'occupait pas des faits

 14   ou des arguments favorables à la paix, mais que son objectif était que

 15   l'Occident se trouve impliqué dans une guerre en Bosnie."

 16   Croyez-vous que ceci ait bien été le cas ?

 17   R.  Je ne crois absolument pas qu'un quelconque journaliste que j'aurais pu

 18   rencontrer en Bosnie ait eu la conviction qu'il se menait une guerre sainte

 19   contre les Serbes. Ça c'est quelque chose qui sort de l'imagination serbe.

 20   C'est totalement insensé.

 21   Et puis, il est question d'un journaliste dont le nom n'est pas cité

 22   qui aurait travaillé pour un grand quotidien londonien, et je suis surpris

 23   que le général Rose ait pu écrire quelque chose comme cela. Je ne saurais

 24   vraiment pas commenter davantage ce passage. Je suis scandalisé de lire ce

 25   qui est écrit ici.

 26   Q.  Eh bien, je serais surpris qu'il ait écrit cela si cela n'avait pas

 27   existé. Si les choses n'avaient pas été telles que décrites ici, il ne

 28   l'aurait sûrement pas écrit. Pourquoi est-ce qu'il aurait écrit quelque

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  1   chose qui ne reflétait pas la réalité ?

  2   M. NICHOLLS : [aucune interprétation]

  3   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est votre question ?

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce n'est pas au témoin qu'il appartient

  8   de commenter l'opinion de M. Rose. Passons maintenant à un autre sujet.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement dossier de ces deux

 10   pages du livre.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je

 13   vous demanderais de bien vouloir consacrer quelques instants

 14   supplémentaires à la réflexion sur ce sujet. Parce que le premier passage

 15   qui a été cité en particulier évoquait des événements connus de M. van

 16   Lynden s'agissant de la situation des journalistes étrangers et de la façon

 17   dont ils étaient traités par le gouvernement bosniaque. Le témoin en a

 18   parlé. Il en a parlé d'une façon qui ne concorde pas avec ce qu'en dit le

 19   général Rose, mais il en a parlé, et je pense que conformément à la

 20   dernière directive rendue par la Chambre, ce passage devrait être

 21   admissible. Je remarque également que le général Rose va être entendu en

 22   l'espèce en tant que témoin à charge et qu'il pourrait être bon pour la

 23   Chambre de disposer de certains documents venant de lui.

 24   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Maître Robinson, ce sera l'occasion

 25   pour le général Rose de témoigner sur ce sujet. S'il souhaite confirmer ce

 26   qui est écrit dans l'ouvrage dont il est l'auteur, il aura toute liberté

 27   d'ajouter quelques arguments éventuellement ou de montrer ce qui ne

 28   correspond pas à ce qu'il souhaite dire dans sa déposition. En fait, M. van

Page 3041

  1   Lynden, il ne fait qu'exprimer ses positions personnelles. Etant donné la

  2   politique appliquée à l'admission des documents dans ce prétoire, ce

  3   document n'a pas été reconnu par le témoin. En fait, M. van Lynden s'est

  4   dissocié de ce document de façon assez claire, pour l'ensemble du livre et

  5   pour certaines parties du livre en particulier.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Décision unanime de la Chambre, le

  7   document est rejeté.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Affichage du 1D1294.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Pendant que nous attendons qu'apparaisse ce document, Monsieur van

 11   Lynden, j'aimerais vous informer au sujet des raisons pour lesquelles je

 12   souhaite vous soumettre ce document. Vous avez dit que les Bérets verts

 13   sortaient de l'imagination des Serbes. Vous avez dit également que d'autres

 14   choses sortaient de leur imagination comme, par exemple, que les Musulmans

 15   aient pu frapper leur propre population. Vous avez admis que les Serbes

 16   étaient  présentés sur un jour relativement déformé dans les médias. Mais

 17   quoi qu'il en soit, voyons quelles étaient les conditions réelles. Dans

 18   quelles conditions menions-nous la guerre et dans quelles conditions se

 19   sont menées ces actions, et dans quelles mesures ai-je été diabolisé ?

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est une question très complexe, très

 22   multiple, mais je demanderais que directives soient respectées et qu'il ne

 23   soit pas accepté que l'accusé témoigne. J'aimerais savoir quelles sont les

 24   parties de l'interrogatoire principal auxquelles fait référence M. Karadzic

 25   dans ce contre-interrogatoire. S'il n'a aucun passage à citer, je ne

 26   m'opposerai pas à ce que la procédure se poursuive comme elle a commencé,

 27   mais s'il sait de quel passage il parle en particulier, j'aimerais qu'il

 28   nous cite les pages.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez dit que les

  2   Serbes avaient été montrés sous un jour déformé dans les médias. Pourriez-

  3   vous appeler l'attention des Juges sur le passage du texte auquel vous

  4   faites référence ?

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, il a dit également

  6   que les Musulmans s'étaient fait du mal à eux-mêmes et que c'était sorti de

  7   l'imagination de quelqu'un.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'attends la fin de l'interprétation. Bien.

  9   Alors, pendant l'interview qu'il a obtenue de moi et pendant la

 10   déposition qu'il a faite ici, M. van Lynden a dit que ces Bérets verts

 11   étaient sortis de l'imagination des Serbes, alors que dans l'interview

 12   qu'il a faite de moi, il a confirmé ici que le point le plus faible de ma

 13   défense consistait à dire que les Musulmans avaient tiré sur leur propre

 14   population. Nous avons tout cela au compte rendu. Nous l'avons entendu dans

 15   ce prétoire.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais quelle est votre question par

 17   rapport à ce document ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la page

 19   7 519 -- du document 1D007519. Alors, il y a un numéro, c'est la page 6 si

 20   vous comptez les pages. Nous, on a besoin du 7 519, c'est la numérotation

 21   de la page.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi

 23   parle ce livre ? Qui en est l'auteur ? Qui a assuré sa rédaction ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est un livre rédigé par le Dr Zoran Petrovic,

 25   Petar Canac [phon], Vesna Hadzivuskovic [phon], Boro Mikelic [phon] et

 26   Tomislav Kresevic. Cela a été publié en 1994, donc c'est jusqu'en 1994

 27   qu'il a été possédé à l'analyse de l'attitude des médias étrangers à

 28   l'égard de la guerre en Bosnie-Herzégovine.

Page 3043

  1   Est-ce que vous pouvez faire descendre le texte vers le bas de la

  2   page pour qu'on montre la caricature que le "Chicago Tribune" a publiée.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Voyez ceci, Monsieur van Lynden. Les Serbes ce sont ces cochons ici, et

  5   les Russes, les "communistes," c'est les cochons de l'autre côté. Alors,

  6   comment ceci peut influencer l'opinion publique qui est celle des Etats-

  7   Unis ?

  8   R.  Pas beaucoup probablement, parce que ça n'a pas grandement changé la

  9  politique américaine, d'après ce que je peux constater. Il s'agit ici du 1er

 10   janvier 1993. D'après ce que j'en sais, l'intervention militaire

 11   américaine, lorsqu'elle a eu lieu, s'est produite en août 1995. Ce qui fait

 12   que je ne peux vraiment pas commenter quel est l'impact que ceci a eu, que

 13   cette caricature dans un journal des Etats-Unis a pu avoir sur la nation

 14   entière, Monsieur Karadzic.

 15   Q. Non, je parle d'une information équitable à l'égard du public ?

 16   R.  Ça ce n'est pas du reportage ici, Monsieur Karadzic. C'est une

 17   caricature. Si vous vous penchez sur les caricatures, il y a eu un

 18   caricaturiste célèbre qui avait travaillé pour le journal Vreme. Est-il

 19   anti-Serbe lui aussi ? Je crois que c'était un Serbe, lui. Ses caricatures

 20   étaient particulièrement frappantes pour ce qui est de la présentation de

 21   la population serbe ou de l'image qu'il s'était faite des Serbes. Donc vous

 22   pouvez lui poser les mêmes questions.

 23   Q.  Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors justement, montrez-nous la page 7 538,

 25   s'il vous plaît. 

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Nous pouvons voir ici le titre "Les Musulmans tuent leur propre

 28   peuple." On ne va pas en parler longuement. On l'a déjà vu, ça. Ce qui

Page 3044

  1   m'intéresse c'est la photo qui se trouve en bas. Donc je voudrais qu'on

  2   descende un peu vers la photo. C'est ce dont on a parlé :

  3   "J'ai vu une équipe de cameramen de la télévision et une ambulance

  4   qui se trouvait à proximité une demi-heure avant. Tout a été monté

  5   d'avance."

  6   Pour ce qui est de cette queue pour le pain dans la rue Vasa Miskin.

  7   Ce que je vous ai montré, Monsieur van Lynden, c'est qu'à Sarajevo il y a

  8   une dame, c'est évident, qui affirme une conviction qui a été répandue

  9   parmi les gens de Sarajevo. C'est qu'une fois vous voyez les journalistes

 10   étrangers quelque part, fuyez cet endroit. Alors, est-ce que ça vous donne

 11   une idée de ce qui s'était produit là-bas, à savoir que les médias ont été

 12   informés par avance des événements qui allaient se produire ?

 13   R.  Je n'ai jamais été informé par avance de ce qui allait se produire.

 14   Jamais personne ne nous a pris quelque part en disant que quelque chose

 15   allait s'y produire, que nous étions censés filmer. Et jamais aucun de mes

 16   collègues ne m'a dit chose pareille. Ce qui fait que ma réponse est non. Je

 17   veux dire que ni l'une ni l'autre des trois parties en présence, personne

 18   ne m'a par avance emmené à un endroit pour me dire que quelque chose

 19   devrait s'y produire. Je n'ai connaissance de l'une quelconque des équipes

 20   qui aurait par avance été amenée quelque part. 

 21   Q.  Je voudrais qu'on nous montre le 7546. Monsieur van Lynden, est-ce que

 22   vous avez parlé des viols dans vos reportages, cette campagne serbe de

 23   viols de Musulmanes en guise de stratégie de guerre -- ou moyen de faire la

 24   guerre ?

 25   R.  Oui, nous l'avons fait. Ça s'est passé vers la fin de 1994 [comme

 26   interprété] dans un reportage où j'ai interviewé plusieurs femmes à ce

 27   sujet, qui nous ont raconté ce qui s'était produit, ce qu'elles avaient eu

 28   à subir. Elles auraient été gardées pendant des semaines, certaines d'entre

Page 3045

  1   elles même plus longtemps encore, et elles nous ont dit qu'elles avaient

  2   été violées.

  3   Est-ce que nous l'avons mentionné, avons-nous dit que c'était là une

  4   stratégie de guerre ? Non, nous ne l'avons pas dit jusqu'à ce que l'on ait

  5   révélé l'envergure de cette opération dans une étude des Nations Unies et

  6   de l'Union européenne. Et vous savez qu'il y a eu beaucoup de

  7   correspondants et qu'en ma qualité de correspondant travaillant dans une

  8   zone de guerre, quand on est correspondant esseulé dans une zone de guerre,

  9   on ne peut pas aller voir tout le monde. Mais lorsque nous avons reçu des

 10   rapports de l'Union européenne et des Nations Unies qui disaient que des

 11   dizaines de milliers de femmes avaient été violées et que les auteurs de

 12   ces rapports estimaient que ça avait été là une stratégie de guerre, oui,

 13   effectivement, nous avons cité ces documents dans nos reportages. Mais ça

 14   s'est fait plus tard, dans une phase ultérieure de la guerre.

 15   Q.  Penchez-vous donc sur ce qui est écrit ici, avec le texte

 16   [imperceptible] :

 17   "Il n'y a aucune preuve de l'existence actuelle ou passée de ceci. Ici,

 18   nous avons Philippe Misery qui est un officiel de la Croix-Rouge."

 19   C'est ce qu'il dit à propos de ces camps. Lorsqu'on a vu échouer ce

 20   récit relatif aux camps de la mort, maintenant on a commencé à parler de

 21   campements pour violer et on a parlé même de

 22   80 000 femmes violées, n'est-ce pas bien vrai ? D'abord, on avait dit 60

 23   000, puis c'est monté jusqu'à 80 000, n'est-ce pas ?

 24   R.  J'ai entendu certains citer le chiffre de 80 000, effectivement, mais

 25   si je me souviens bien, ce n'est pas là le chiffre utilisé dans les

 26   rapports de l'Union européenne ni des Nations Unies. Est-ce que nous avons

 27   parlé de camps de viols ? Non. Est-ce qu'on m'a emmené dans un de ces camps

 28   ? Non. Le souvenir que j'ai des chiffres qui avaient été mentionnés dans

Page 3046

  1   les rapports de l'Union européenne et des Nations Unies évoquaient environ

  2   ou plus de 20 000 femmes violées.

  3   Q.  Savez-vous ce qu'il en a été au final du nombre de femmes violées ? Je

  4   parle de Musulmanes. Je ne parle pas des femmes serbes. Je parle des femmes

  5   musulmanes. Donc combien on en a trouvé. Combien de confirmations de cas de

  6   ce genre il y a eu au final ?

  7   R.  Non, je ne peux pas vous donner de chiffres.

  8   Q.  Est-ce que vous voulez bien croire que c'est un numéro à trois chiffres

  9   ?

 10   R.  C'est plus tard, en m'appuyant sur des rapports des Nations Unies et de

 11   l'Union européenne, que j'ai fait état de cela dans des reportages et j'ai

 12   évoqué 20 000 femmes, peut-être plus. C'est ce que disaient ces rapports

 13   établis par des équipes nombreuses, des équipes fort bien formées, et c'est

 14   ces équipes qui l'affirmaient.

 15   Q.  Mais saviez-vous que ces rapports n'ont pas été maintenus ?

 16   R.  Non. Ce n'est pas ce que je crois comprendre de la situation.

 17   Q.  Merci. Je voudrais qu'on nous montre le 7579 à présent. 7583 d'abord,

 18   7583. Toujours dans le même livre.

 19   En attendant, Monsieur van Lynden, est-ce que vous saviez combien de

 20   prisons à l'intention des Serbes il y avait à Sarajevo et est-ce que vous

 21   étiez au courant du rassemblement des Serbes effectué au stade de Kosevo,

 22   rassemblement de milliers de Serbes à ce stade ?

 23   R.  Non. Nous avons demandé des chiffres, nous avons demandé à être emmenés

 24   dans des prisons à Sarajevo, mais jamais on ne nous y a emmenés. J'ai été

 25   emmené dans une prison à Gorazde, dans une autre à Bihac, où nous avons pu

 26   parler à des prisonniers, mais jamais je n'ai eu l'occasion de parler à des

 27   prisonniers détenus à Sarajevo, pas plus qu'on ne m'a jamais dit combien il

 28   y avait de prisonniers.

Page 3047

  1   Q.  Est-ce qu'on vous a dit qu'il y a eu 127 prisons à Sarajevo qui

  2   étaient, pour la plupart du temps, des prisons privées et que les Serbes y

  3   ont été gardés comme des esclaves à titre privé ?

  4   R.  Je ne saurais vous dire si c'est vrai ou si c'est faux. Tout ce que je

  5   peux vous dire c'est que je ne savais pas. On ne nous a pas parlé ou ne

  6   nous a emmenés dans aucune de ces prisons.

  7   Q.  Dites-moi, s'il s'avérait qu'il en a été ainsi, est-ce que vous

  8   considéreriez que le gouvernement musulman vous a induit dans l'erreur et

  9   vous a déprivé d'informations pour ce qui est de l'existence de ces 120 et

 10   quelques prisons où l'on a rassemblé des milliers de Serbes, notamment pour

 11   les emmener au stade de Kosevo ? Alors, est-ce que c'est là un grave

 12   événement que vous avez complètement omis de rapporter ?

 13   R.  Dans toute zone de guerre, on fait de son mieux. On essaie de voir le

 14   plus grand nombre de prisonniers possible et d'en filmer le plus grand

 15   nombre. Et on sait qu'on les aide, parce que si on filme quelqu'un qui est

 16   encore en vie, il devient beaucoup plus difficile de tuer cette personne.

 17   C'est ce qu'on a essayé de faire à Sarajevo. Personnellement, je n'y suis

 18   pas parvenu, et c'est tout ce que je peux vous dire.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous voulez bien vous pencher sur cette page. La

 20   façon dont "The Independent" nous avait vus est présentée à la date du 29

 21   mai 1992. Est-ce que ce que vous voyez sur l'image c'est l'expérience que

 22   vous vous êtes faite à l'égard des Serbes ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant le 759 -- 7579.

 25   Monsieur van Lynden, vous avez informé le public des circonstances

 26   humanitaires, et cetera, n'est-ce pas ? Alors, j'aimerais que vous jetiez

 27   un coup d'œil sur la façon dont :

 28   "L'aide humanitaire délivrée par route, par les corridors au travers des

Page 3048

  1   territoires serbes, à compter du 1er avril jusqu'au 23 août 1993." 

  2   Puis vous voyez pour ce qui est de la farine, il y en a eu neuf fois

  3   plus à l'intention des Musulmans. Les biscuits 100 % de plus à l'intention

  4   des Musulmans. Le sucre, 26 fois de plus qu'à l'intention des Serbes.

  5   L'huile de cuisine, 74 tonnes, les Serbes, rien, et cetera, et cetera. 

  6   Qu'est-ce que ça vous donne comme impression ?

  7   R.  Je ne vois pas-- oui, oui, maintenant je vois ce que les Serbes ont

  8   reçu, je vous comprends.

  9   Je suppose qu'ici il est question de l'aide fournie par le Haut-

 10   commissariat aux réfugiés. Ici c'est un document du Haut- commissariat aux

 11   réfugiés, je ne vais pas le contester. Est-ce juste, ne l'est-ce pas.  Je

 12   ne sais pas.  Ce que je dirais, d'un côté, vous avez une enclave assiégée

 13   qu'on alimentait, parce que c'était surtout l'aide qui venait de

 14   l'extérieur qui pouvait nourrir les gens et à l'extérieur la situation, la

 15   donne est différente. Parce qu'à l'extérieur, il y a des fermes, des

 16   exploitations agricoles et les Serbes de Bosnie pouvaient trouver des

 17   vivres de façon normale. Il faudrait demander ce qu'il en est à un expert

 18   du Haut-commissariat aux réfugiés.

 19   Q.  J'aimerais qu'on descende un peu cette feuille de papier vers le bas.

 20   M. van Lynden, saviez-vous que la Serbie était sous sanction et il n'y a

 21   qu'avec la Serbie que nous pouvions commercer ?  Et par la suite, la

 22   République Srpska a fini par être placée sous sanction de la part de la

 23   Yougoslavie aussi, n'est-ce pas ?

 24   R.  Je ne pense pas, je ne crois pas que la Yougoslavie ait imposé des

 25   sanctions à la Republika Srpska. Je dirais même qu'une fois ces sanctions

 26   annoncées par Milosevic, nous avons filmé des cas de violation de ces

 27   sanctions, en tout cas, pour l'essence, notamment, pour le carburant. 

 28   Effectivement, les Nations Unies avaient imposé des sanctions à la Serbie

Page 3049

  1   mais c'étaient des sanctions régulièrement violées de partout. De la

  2   Macédoine, de la Roumanie, de partout. Nous avons filmé cela aussi.

  3   Q.  Merci.  Au sujet de tout ceci, peut-on nous montrer à huis clos

  4   partiel, le D01282.  Nous allons brièvement passer quelques instants en

  5   huis clos partiel. Le 1282, maintenant, s'il vous plait.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  7   partiel.

  8   [Audience à huis clos partiel]

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 20   [Audience publique]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que vous avez montré quatre ou

 22   cinq photos ou coupures de presse de ce livre. Pour ce qui est du premier

 23   extrait, je ne suis pas convaincu de sa pertinence, et pour ce qui est des

 24   autres, vous n'avez pas justifié la présentation de ces extraits, et le

 25   témoin n'a rien pu dire, n'a rien pu confirmer. S'agissant des gens qui

 26   faisaient la queue pour avoir du pain, je crois que nous avons déjà admis

 27   la coupure du journal "Independent," mais pour ce qui est de la photo, nous

 28   ne sommes pas convaincus qu'elle soit justifiée. Pour cette raison, nous

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  1   n'allons pas verser ces documents. Vous aurez plus tard l'occasion d'en

  2   demander le versement si vous parvenez à justifier ce versement.

  3   Dernières questions, s'il vous plaît.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Alors, ma dernière question. Monsieur van Lynden, nous vous avons

  6   entendu dire que vous estimiez que nous étions coupables de ne pas avoir

  7   suffisamment informé le reste du monde pour présenter notre cause et notre

  8   point de vue. Mais ne pensez-vous pas que les médias ont porté un tort

  9   énorme à l'égard des Serbes, indépendamment du fait de savoir si c'était la

 10   faute des Serbes ou la faute des médias ? Est-ce que vous ne trouvez pas

 11   que nous avons été victimes d'une injustice et que l'image qui a été

 12   diffusée vers le reste du monde était bien plus noircie et ternie qu'elle

 13   n'aurait dû l'être ?

 14   R.  Vous me demandez une impression, Monsieur Karadzic. La première fois,

 15   vous ne vouliez pas mon impression, avez-vous dit. A mon avis, je pense que

 16   les Serbes sont responsables de la façon dont ils ont été perçus pendant la

 17   guerre en Bosnie, perçus par les médias occidentaux, s'entend.

 18   Q.  Et cette perception ne reflète pas la véritable situation des choses ?

 19   R.  Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que je crois que les Serbes sont

 20   responsables de l'image qu'on a donnée d'eux pendant la guerre en Bosnie.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Nouvel interrogatoire par M. Nicholls :

 24   Q.  [interprétation] Quelques questions, elles seront peu nombreuses,

 25   Monsieur van Lynden. C'est un point de détail mais je veux préciser. C'est

 26   page 28, lignes 1 à 10 du compte rendu d'aujourd'hui. M. Karadzic a laissé

 27   entendre que c'était la première fois aujourd'hui que vous disiez qu'en

 28   avril 1994 on vous avait dit que vous ne pourriez plus jamais remettre les

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  1   pieds à Belgrade et qu'on vous en avait chassé. Est-ce que vous vous

  2   souvenez en avoir parlé dans le procès Milosevic le 16 septembre 2003, page

  3   du compte rendu d'audience 26 764 ? Vous dites en avril 1994 : "Ce sont les

  4   derniers jours que j'ai passés en Serbie, parce qu'on m'a alors donné

  5   l'ordre de quitter le pays, après que votre gouvernement a décidé que

  6   j'étais une persona non grata à vie."

  7   Est-ce que vous vous souvenez en avoir parlé en 2003 ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Est-il exact que vous avez aussi discuté de ceci dans les procès Martic

 10   et Perisic ?

 11   R.  Sans doute.

 12   Q.  Reprenons des questions que vous a posées M. Karadzic à propos des

 13   lignes de front. On vous a posé des questions à propos de la vidéo P936.

 14   C'est la vidéo du 5 décembre 1992 qui montre cet immeuble qui avait été

 15   touché par des balles incendiaires, et vous avez dit que c'était une cible

 16   civile. En tout cas, c'est ce que vous aviez dit dans votre reportage le 21

 17   mai, ligne [comme interprété]

 18   2 628, ligne 18. Puis M. Karadzic --

 19   -- et vous vous souvenez que "d'où vous étiez, effectivement, ça

 20   avait été accepté."

 21   Et vous avez répondu :

 22   "Non, non. Non, non. Un instant. Sur les lignes de front, mais aussi

 23   de votre côté des lignes de front, il y avait des appartements et des

 24   bureaux commerciaux qui avaient été transformés en lieux militaires. Ici,

 25   ce n'était pas un bâtiment sur la ligne de front. C'est un immeuble civil

 26   qui avait été pris pour cible. C'est tout à fait différent des autres

 27   positions qui se trouvent directement sur la ligne de front.

 28   J'aimerais rediffuser une partie de l'extrait cité par M. Karadzic à

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  1   l'appui de la question qu'il vous posait. Je précise que le numéro de la

  2   liste 65 ter est 4624B [comme interprété].

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "Van Lynden : Ce sont les défenseurs de Sarajevo qui ont ceci. Les

  6   Serbes sont tout près. Vous voyez ce char incendié qui est simplement à 80

  7   yards. Il y a d'autres positions serbes dans le cimetière juif et un

  8   quartier de la ville où les canons se taisent rarement."

  9   M. NICHOLLS : [interprétation]

 10   Q.  Arrêtons-nous à l'horodatage 04:47:6. Vous avez parlé ici dans ce

 11   reportage cité par M. Karadzic. Ces bureaux transformés en nids de

 12   mitrailleuses, où étaient-ils ?

 13   R.  Ils étaient du côté bosniaque de la ligne de front, sur la rive de la

 14   Miljacka, en face du cimetière juif.

 15   Q.  Puis nous avons ce reportage du 5 décembre 1992. Où se trouvait

 16   l'immeuble ?

 17   R.  Dans la partie ouest de la ville, assez près de la télévision. Donc

 18   dans un quartier tout à fait différent.

 19   Q.  Est-ce que cet immeuble avait un rapport quelconque, celui qu'on a vu

 20   en flammes dans le reportage du 5 décembre, est-ce qu'il avait quoi que ce

 21   soit à voir avec le clip mentionné par M. Karadzic à propos des lignes de

 22   front ?

 23   R.  Non. C'étaient des lieux parfaitement séparés.

 24   Q.  Le 21 mai, à la page 2 595, ligne 14, M. Karadzic vous pose des

 25   questions qui vont jusqu'à la page 2 597 à propos des dégâts occasionnés à

 26   l'ancien hôpital militaire, et il a dit qu'il avait été criblé de balles.

 27   Voyons une autre partie qui commence au compteur vers 6:15. Ici, c'est un

 28   reportage du 3 juin. 

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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Ici, c'est la preuve de cet hôpital militaire qui est pris pour

  4   cible tous les jours."

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] Regardez l'horodatage, 06:29:3.

  6   Q.  Quel est ce bâtiment qu'on voit à l'image ?

  7   R.  C'est l'ancien hôpital militaire. Le bâtiment où nous étions --

  8   Q.  Merci.

  9   R.  Nous y avons séjourné quand nous étions à Sarajevo.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Poursuivez.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 13   "Touchés par des éclats et des balles. Une tâche pratiquement

 14   impossible pour les gens qui essaient de nettoyer. Avant, c'était un

 15   hôpital militaire, mais le chef, un lieutenant-colonel, est parti tellement

 16   vite qu'il a laissé son uniforme, qu'il ne reconnaîtrait plus. Tout a

 17   disparu. Il y a l'unité intensive qui fonctionne encore."

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Regardons l'horodatage, 06:59:5.

 19   Q.  Est-ce que ce reportage du 3 juin montre bien dans quel état se

 20   trouvait l'hôpital lorsque vous y avez séjourné début juin ?

 21   R.  Oui, vous ne voyez qu'une partie infime des dégâts provoqués. C'étaient

 22   des dégâts considérables déjà à cette date.

 23   Q.  Merci.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Je demande le versement de cette séquence,

 25   Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel était le numéro de la liste 65 ter

 27   ?

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] 40264B.

Page 3060

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander quelque chose ? On

  2   a vu une partie de l'intérieur, est-ce que c'est l'intérieur de l'hôpital

  3   militaire ou est-ce que ça a été filmé ailleurs ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'êtes pas autorisé à poser des

  5   questions pendant les questions supplémentaires.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je vais faire objection ou pas en fonction

  7   de la réponse qu'on va me donner.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Pourriez-vous nous aider sur cette

 10   question ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes ces images ont été tournées à l'hôpital

 12   militaire.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette explication ayant été fournie,

 14   cette séquence est versée au dossier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P954.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 17   Q.  J'ai maintenant quelques questions qui découlent du contre-

 18   interrogatoire. C'est de façon continue et incessante qu'on vous a accusé,

 19   la première fois, comme cette fois-ci aujourd'hui, de parti pris.

 20   Vous ou les médias, on vous accuse du fait que vous n'avez pas fait

 21   état de pertes chez les Serbes ni du fait qu'il y avait des positions

 22   musulmanes qui tiraient notamment sur les Serbes, entre autres. Pour être

 23   plus précis, le 20 mai, page 2 522, M. Karadzic a dit que tous vos

 24   reportages et les reportages de beaucoup de vos collègues ne laissent chez

 25   personne quelque doute que ce soit quant au fait que ce sont les Serbes qui

 26   attaquaient et que c'étaient toujours eux les responsables. Page 2 451,

 27   ligne 1, le 19 mai, M. Karadzic a dit que les reportages montraient que

 28   personne ne tirait sur les Serbes et que la ville était désarmée, n'avait

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  1   pas d'artillerie, n'avait pas de soldats, n'avait pas mené d'actions, et

  2   que les Serbes n'avaient subi aucune perte, et que c'étaient les Serbes qui

  3   avaient subi des pertes.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais maintenant que soit diffusée la

  5   pièce P806, et par référence aux paragraphes 101 et 104 de la déclaration

  6   consolidée.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  9   "Van Lynden : Cette position serbe, elle commande tout Sarajevo. On a

 10   coupé quelques troncs pour avoir une meilleure vue sur la ville, un lieu

 11   imprenable. Il y a déjà des préparatifs en vue de l'hiver. Ça donne un

 12   aspect permanent. Les gardes serbes de ces places fortes semblent détendus.

 13   Ils disent que rien ne peut être négocié.

 14   Soldat : Ce serait une grande trahison que de céder du territoire, ce

 15   serait une capitulation des Serbes.

 16   Van Lynden : A Grbavica, le seul quartier du centre de Sarajevo contrôlé

 17   par les Serbes, et tous les soldats sont de cet avis, même si certaines

 18   personnes âgées et civiles qui vont ici chercher leur retraite sont des

 19   Musulmans. Maintenant, comme ils n'ont pas reçu leurs pensions les mois

 20   précédents, ils ne reçoivent leurs pensions que pour avril et mai. Pas

 21   grand-chose, de trois à huit livres par personne, pas grand-chose pour

 22   acheter quoi que ce soit. Une femme a été touchée, et il y a un véhicule de

 23   transporteur de troupes de 20-millimètres qui y répond. Difficile de

 24   réagir.

 25   Ni la conférence de Londres et toutes ses promesses et ses principes

 26   ni les pourparlers de Genève n'ont fait un iota de différence ici. Le siège

 27   se poursuit comme il se fait depuis cinq mois. La ligne de front qui divise

 28   Grbavica du reste de Sarajevo est pour la plupart naturelle. Il y a le pont

Page 3062

  1   qui est contrôlé sans arrêt par des nids de mitrailleuses. Ici, vous avez

  2   un leurre. Ici, il n'y a aucune volonté de compromis sur ces lignes.

  3   Soldat : Nous sommes contre toute concession.

  4   Soldat : On aurait pu trouver une solution politique avant, mais plus

  5   maintenant. Maintenant, il n'y a plus qu'une solution militaire, la

  6   victoire.

  7   Van Lynden : Mais même ici, il y a quelquefois de la compassion. Une

  8   femme a le droit de traverser dans le cimetière musulman, mais ça la laisse

  9   dans une ville assiégée par les Serbes.

 10   Van Lynden, "Fox News" et "Sky News," Sarajevo."

 11   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Nous nous sommes arrêtés en fin de séquence.

 13   Q.  Soyons clairs, quand avez-vous filmé ceci à Grbavica ?

 14   R.  En septembre 1992.

 15   Q.  Après l'interview avec Mladic, où vous avez demandé l'autorisation de

 16   visiter plusieurs positions ?

 17   R.  Je pense que oui.

 18   Q.  Et soyons très précis. Lorsque vous avez fait ce reportage sur les tirs

 19   de tireurs embusqués arrivant à Grbavica et une femme touchée, même si on

 20   n'a pas vu ces images, on est de quel côté, du côté musulman ou du côté

 21   serbe ?

 22   R.  Du côté Musulman de Bosnie.

 23   Q.  Merci. Pour terminer, le 20 mai, à la ligne 10 de la page

 24   2 557, on vous demandait ceci :

 25   "Question : Si je vous disais que des correspondants étrangers ne

 26   s'intéressaient pas du tout à la version serbe des événements, que diriez-

 27   vous ?"

 28   Et vous avez répondu que c'étaient des sornettes, que vous étiez allés à

Page 3063

  1   Pale, et vous avez poursuivi. Et vous avez notamment dit ceci :

  2   "En septembre, on a été emmenés à une position en dehors de Hadzici, une

  3   position tenue par les Serbes, et nous avons essuyé des tirs. Nous les

  4   avons filmés et nous en avons fait un reportage."

  5   Ceci fait référence au paragraphe 101 de la déclaration de synthèse.

  6   Il s'agit de la pièce P808.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  9   "Certains essaient de se cacher, d'autres essaient de répondre. A

 10   l'ouest de Sarajevo, ces escarmouches sont soudaines, mais quotidiennes, du

 11   côté serbe. D'abord, des tirs, et un commandant local demande en urgence

 12   des renseignements. Même si à cause des bois, il y a moins de risques, ils

 13   prennent peu de risques. Ils tirent des tirs de mitrailleuses à titre

 14   préventif vers le bas de la pente.

 15   Soldat : Depuis 15 jours, il y a des tirs nourris. Cinq de mes hommes

 16   ont été tués et 15 blessés.

 17   Van Lynden : Comme toujours, des Serbes tiennent les hauteurs et

 18   voient en contrebas dans la vallée un village musulman. Des Serbes ont pris

 19   cette colline il y a deux mois et savent que les forces musulmanes de

 20   Bosnie doivent la reprendre s'ils veulent rompre le siège de Sarajevo.

 21   Il y a des offensives et des contre-offensives constantes comme ici,

 22   et c'est ici que la zone dite démilitarisée pourrait cesser d'exister, même

 23   si les rivaux signaient un accord.

 24   Les gens veulent simplement aveuglément la guerre. On ne s'attend

 25   nulle part dans ces bunkers et dans ces tranchées à une paix qui arrive

 26   vite.

 27   Aernout Lynden, "Sky news," sur les lignes de front à l'ouest de

 28   Sarajevo."

Page 3064

  1   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  2   M. NICHOLLS : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que vous vouliez parler de ce reportage lorsque vous avez

  4   répondu - je ne sais pas --

  5   R.  Oui, ça c'est en dehors de Hadzici.

  6   Q.  Merci. Nous avons vu que vous disiez que les Serbes avaient essuyé des

  7   pertes, 15 blessés, cinq morts --

  8   R.  Oui. C'est le commandant qui le dit. Moi, je ne les ai pas vus, ces

  9   morts et ces blessés, mais c'est ce que ce commandant nous a dit, et nous

 10   avons diffusé dans ce reportage ce que ce commandant nous avait dit.

 11   Q.  Vous avez aussi rapporté que la position serbe ripostait à des tirs et

 12   qu'il y avait sans arrêt des offensives et contre-offensives sur ce genre

 13   de ligne de front. Pourquoi l'avoir dit dans ce reportage ?

 14   R.  C'est parce que c'est comme ça que ça se passait. Lorsque nous étions

 15   sur cette position, elle a été attaquée et il y a eu une riposte de ces

 16   soldats face à ces tirs entrants. C'est ce que nous avons filmé, et c'est

 17   l'expérience que nous avons faite, et c'est ce que nous avons dit dans ce

 18   reportage.

 19   Q.  Une dernière séquence. Ça sera la pièce P810. On va voir des obsèques à

 20   Vlasenica. Ceci fait référence au paragraphe 113 de votre déclaration.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Vlasenica en Bosnie orientale, c'est le jour des morts pour l'Eglise

 24   orthodoxe. Ils sont 28. Ils sont dans des cercueils entourés par les

 25   dirigeants et pratiquement toute la population de la ville. Ce sont des

 26   soldats serbes qui ont été tués lorsque leurs positions ont été prises par

 27   les forces musulmanes. C'est seulement le lendemain qu'on a trouvé leurs

 28   corps mutilés de façon horrible, deux ayants été brûlés, cuits à la broche.

Page 3065

  1   Et c'est une procession lente qui se dirige vers le cimetière où se

  2   trouvent les dernières victimes. Ici, une nouvelle fosse commune sur une

  3   ancienne, ceci montre que c'est ici qu'on va coucher, dans ce sol, les

  4   victimes. Un dernier salut de leurs collègues, et les parents, les femmes

  5   et les enfants ne veulent pas laisser partir ces morts.

  6   Aernout Lynden, "Sky News," Vlasenica."

  7   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] 

  9   Q.  Je pense que c'était très clair. Vous l'avez dit au paragraphe 113 de

 10   votre déclaration, 28 soldats ont été enterrés ce jour-là. Beaucoup de

 11   questions portaient sur la manipulation des médias par les gouvernements,

 12   par les hommes politiques. Vers cette époque, est-ce que vous vous souvenez

 13   d'une réunion que vous avez eue avec M. Karadzic et est-ce que vous vous

 14   souvenez quant à l'identité de ces victimes ?

 15   R.  Oui. Je pense que je l'avais rencontré avant d'aller à ces obsèques et

 16   il m'a donné des chiffres selon lesquels des centaines de personnes avaient

 17   été tuées et que c'étaient des civils. À Vlasenica, nous avons demandé qui

 18   étaient les personnes tuées et on nous a dit que c'étaient des soldats et

 19   il y avait 28 cercueils, nous les avons comptés. Et le lendemain, nous

 20   sommes allés sur les positions où ces hommes avaient trouvé la mort et nous

 21   avons rencontré le commandant de leur compagnie. Il a confirmé que 28

 22   hommes avaient trouvé la mort, mais qu'aucun civil n'avait été tué ce jour-

 23   là.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres

 25   questions, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur van Lynden. Ceci met fin

Page 3066

  1   à votre audition. Je vous remercie une fois de plus.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si vous me le

  3   permettez, est-ce que je pourrais faire une brève déclaration quant aux

  4   droits des témoins, je pense qu'on les a quelque peu oubliés. Un Tribunal

  5   pour crimes de guerre - et je pense ici surtout à la CPI, Cour pénale

  6   internationale permanente à La Haye - doit se souvenir que quelqu'un qui

  7   témoigne pour un crime de guerre n'est pas un témoin ordinaire, qui

  8   témoigne dans une cour civile. Je pense qu'il y a deux victimes au moins

  9   qui ont dû venir à La Haye et ont dû repartir sans avoir pu déposer, et je

 10   pense que c'est une injustice de plus pour ces gens qui en ont déjà subi

 11   autant pendant la guerre, dont ils sont prêts à parler.

 12   C'est la sixième fois que je dépose en ce Tribunal et c'est la

 13   première fois qu'on me demande de parler aux avocats de l'accusé ou à

 14   l'accusé lui-même. Et j'ai dit que j'étais d'accord.

 15   Je l'ai remarqué, aucune des questions que M. Karadzic m'a posées en

 16   prison auparavant ne m'a été posée. Il aurait pu avoir la courtoisie de me

 17   montrer les documents qu'il avait l'intention de me présenter à l'audience,

 18   mais il ne l'a pas eue. Cela me semble bizarre, parce que les deux parties

 19   ont le droit de voir les documents, et je ne comprends pas pourquoi un

 20   témoin n'a pas ce droit-là.

 21   Une dernière chose, un de vous, Messieurs les Juges, a dit que les

 22   documents qu'allait utiliser M. Karadzic devraient m'être donnés comme

 23   lecture de chevet. Je les ai lus, les documents, puis on ne les a pas du

 24   tout utilisés à l'audience, alors je me suis demandé pourquoi on me les

 25   avait donnés.

 26   C'est tout ce que je voulais vous dire.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de ces observations, et merci

 28   d'être venu une nouvelle fois à La Haye. Vous pouvez désormais disposer.

Page 3067

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges.

  2   [Le témoin se retire]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons maintenant faire une pause

  4   de 25 minutes, et je pense que nous avons un témoin qui nous attend.

  5   --- L'audience est suspendue à 17 heures 18.

  6   --- L'audience est reprise à 17 heures 44.

  7   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je vais vous demander

  9   de prononcer la déclaration solennelle.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 11   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 12   LE TÉMOIN : ROBERT DONIA [Assermenté]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir. 

 15   Mettez-vous à l'aise.

 16   Oui, Madame Edgerton, vous avez la parole.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Interrogatoire principal par Mme Edgerton :

 19    Q.  [interprétation] Monsieur, je vais vous demander de vous présenter aux

 20   Juges de la Chambre et dire quelles sont vos

 21   fonctions ?

 22   R.  Je m'appelle Robert Donia, D-o-n-i-a. Depuis plusieurs années, et de

 23   nouveau en automne, je devrais être professeur d'histoire en résidence à

 24   l'Université du Michigan.

 25   Q.  En tant que professeur d'histoire, est-ce que vous avez choisi une

 26   spécialité ?

 27   R.  Oui. Je me suis spécialisé dans l'histoire politique et sociale,

 28   surtout des 19e et 20e siècles, et pour être plus précis, dans la partie de

Page 3068

  1   l'Europe qui se trouve au sud-est, en Bosnie-Herzégovine et l'ex-

  2   Yougoslavie.

  3   Q.  Pour ce qui est de vos qualifications, peut-on présenter le document de

  4   la liste 65 ter 21894, page 121.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Je pense que nous allons voir une annexe de

  6   votre rapport dont nous allons reparler davantage plus tard. Je répète le

  7   numéro, 21894, page 121.

  8   Q.  Est-ce que vous voyez à l'écran l'annexe A de votre rapport concernant

  9   Sarajevo ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Est-ce que c'est votre curriculum vitae ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Première page, je constate que vous avez, ces dernières années, écrit

 14   trois ouvrages. Islam sous le double aigle; la Bosnie-Herzégovine : Une

 15   tradition trahie; et Sarajevo, une biographie; c'est exact ?

 16   R.  Oui. J'ai été coauteur du deuxième livre, "La Bosnie-Herzégovine : Une

 17   tradition trahie". John Fine, qui est aussi professeur d'histoire à

 18   l'Université du Michigan, est l'autre auteur.

 19   Q.  Et ils concernent quoi ?

 20    R.  Le premier livre, "L'islam sous l'aigle à deux têtes," c'est

 21   l'histoire politique et sociale des Musulmans en Bosnie-Herzégovine,

 22   pendant l'occupation de l'Empire austro-hongrois de 1878 à 1914. Le

 23   deuxième livre est plus général, c'est une introduction à l'histoire de la

 24   Bosnie-Herzégovine depuis le Moyen-Âge jusqu'à 1994, date de la parution du

 25   livre. Enfin, Sarajevo, une biographie, c'est une histoire de la ville de

 26   Sarajevo, depuis ses origines ottomanes jusqu'au tout début du 21e siècle.

 27   Q.  Merci. S'agissant de ces trois livres, pourriez-vous nous dire quelles

 28   sont les sources que vous avez exploitées pour les écrire.

Page 3069

  1   R.  Dans ces ouvrages, mais aussi dans d'autres articles que j'ai écrits,

  2   j'ai utilisé plusieurs sources, beaucoup d'archives, surtout pour le

  3   premier et troisième livres que vous avez mentionnés et j'ai consulté de

  4   très nombreuses archives en ex-Yougoslavie, dans les pays voisins et dans

  5   d'autres pays européens, mais aussi aux Etats-Unis.

  6   Je me suis servi aussi de beaucoup d'hebdomadaires de la presse

  7   périodique et de littérature secondaire établie par des auteurs de la

  8   région, mais aussi d'auteurs qui n'étaient pas de la région sur ces sujets.

  9   Et j'ai utilisé beaucoup de recueils de documents publiés, des recueils

 10   d'articles, des communications présentées lors de conférences portant sur

 11   les sujets qui m'intéressent.

 12   Q.  Vous parlez le bosniaque, le croate ou le serbe, ce qu'on appelle B/C/S

 13   ici ?

 14   R.  Oui. Disons que je le parle bien. Je le lis aisément. J'ai un peu de

 15   mal à l'écrire, mais j'ai beaucoup de mal à lire le cyrillique manuscrit.

 16   Q.  Mais vous lisez la version latine comme la version cyrillique de la

 17   langue ?

 18   R.  Oui

 19   Q.  Evoquons certains de vos rapports, trois de ces rapports vous amènent

 20   ici aujourd'hui. Le premier s'appelle : "Les origines de la Republika

 21   Srpska de 1990 à 1992."

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Je précise que c'est le numéro 11699 de la

 23   liste 65 ter.

 24   Q.  Le deuxième rapport s'appelle : "Extrait thématique de l'assemblée de

 25   la Republika Srpska de 1991 à 1996," numéro 65 ter 11700. Troisième rapport

 26   : "Les dirigeants serbes de Bosnie et le siège de Sarajevo de 1990 à 1995."

 27   J'ai déjà donné le numéro de la liste 65 ter, le 21894.

 28   Pourriez-vous, en quelques mots, dire à la Chambre ce que sont ces

Page 3070

  1   trois différents rapports ?

  2   R.  Vous les avez cités dans l'ordre chronologique de leur préparation. Le

  3   premier rapport, "Les origines de la Republika Srpska", je l'ai écrit il y

  4   a un certain temps. Je ne sais plus exactement quand, mais je pense il y a

  5   à peu près dix ans de cela. C'était pour le procès Krajisnik. Quant au

  6   second rapport, c'était pour le procès Stanisic/Simatovic au départ. Vous y

  7   trouverez une sélection d'extraits des procès-verbaux de l'assemblée de la

  8   Republika Srpska, de ce que j'appelle l'assemblée des Serbes de Bosnie.

  9   Troisième rapport, l'histoire de la guerre du siège du Sarajevo, je l'ai

 10   préparé pour le présent procès il y a à peu près deux ans de cela.

 11   Q.  Parlons de votre méthode de travail, et vous évoquez ceci dans votre

 12   rapport concernant Sarajevo aux pages 4 à 6, me semble-t-il.  Vous qui êtes

 13   historien, qu'est-ce que vous faites ? Quelles sont les ficelles de votre

 14   métier ?

 15   R.  Au fond, je prépare ce qu'on pourrait appeler un narratif, un récit qui

 16   va respecter une certaine progression. En général, c'est subdivisé en

 17   chapitres thématiques qui chacun va tenter de présenter une série

 18   d'événements et d'expliquer pourquoi ils se sont produits, leur cause, et

 19   montrer les liens entre ces événements, pour préparer un récit cohérent des

 20   événements qui se sont produits dans chaque âtre. Disons ce que les

 21   historiens professionnels font, même s'ils font aussi autre chose. Ils nous

 22   parlent de problèmes, de questions qui ont surgi dans le cadre de la

 23   préparation de ces récits.

 24   Si un lecteur ne connaît pas la chronologie des événements, la géographie,

 25   il peut, en lisant ces récits, commencer à prendre connaissance du contexte

 26   dans lesquels ces événements ont eu lieu.

 27   Q.  Vous parlez d'un récit; est-ce la méthode que vous avez utilisée pour

 28   parler des origines de la Republika Srpska et du troisième rapport, celui

Page 3071

  1   concernant Sarajevo ?

  2   R.  Oui, ces deux rapports reposent sur toute une panoplie de sources. On

  3   reprend souvent ce qu'on dit, les principaux protagonistes eux-mêmes, mais

  4   l'idée première c'est effectivement de faire le récit de la genèse de la

  5   Republika Srpska.

  6   Q.  Ce deuxième rapport, "les extraits thématiques de l'assemblée de la

  7   Republika Srpska" - pour ne pas avoir à donner le titre entier, je dirais

  8   que c'est le rapport concernant les extraits - dans ce rapport, avez-vous

  9   une méthode différente ?

 10   R.  Oui. Dans la mesure où là je n'ai qu'une source sur laquelle je

 11   m'appuie même si les informations contenues ont été vérifiées et

 12   revérifiées pour cette période concernée, mais la source est pratiquement

 13   unique. Ça reste un récit, parce que je l'ai ventilé en huit sujets

 14   présentés en ordre chronologique. J'ai essayé de montrer les extraits les

 15   plus révélateurs, les plus utiles, parce que le recueil complet des procès-

 16   verbaux de l'assemblée, ça fait plusieurs milliers de pages. Je ne sais pas

 17   exactement combien, mais c'est en tout cas très volumineux. Mon intention

 18   c'était précisément d'édifier, de bâtir un récit qui permettrait au lecteur

 19   de suivre le fil des événements, la progression de la pensée, de la

 20   réflexion, la façon dont ces gens comprennent les événements. Donc on parle

 21   ici de la façon dont les gens comprennent au moment des événements, ce

 22   n'est pas rétrospectif, et c'est d'essayer de reprendre aussi les mots

 23   mêmes utilisés par les protagonistes pour expliquer comment ils voyaient

 24   les choses.

 25   Q.  Vous l'avez déjà dit pour le rapport concernant Sarajevo, est-ce que

 26   vous avez certains principes directeurs pour procéder à la sélection de vos

 27   sources ?

 28   R.  Je pense que c'est une qualification de la plupart des lignes

Page 3072

  1   directrices utilisées partout d'historiens liées à la question de la

  2   pertinence. Si je vois un document, je me demande s'il est pertinent au

  3   regard de la question qui est concernée par le récit que je fais. Puis il y

  4   a la source, l'origine, la provenance. Qui est l'auteur de ce document, qui

  5   l'a préparé. Troisième élément, la vérifiabilité. Est-ce que je peux

  6   vérifier par des vérifications croisées si par d'autres narratifs

  7   concernant ces événements si ce que je lis est exact ou pas. Quatrième

  8   critère, c'est l'intérêt. On n'en parle pas souvent, mais est-ce que je le

  9   trouve significatif ce document ? Est-ce qu'il va enrichir ma réflexion, la

 10   façon dont je perçois les événements que j'examine.

 11   Q.  Dans votre rapport d'expert, j'aimerais savoir comment l'assemblée des

 12   Serbes de Bosnie s'intègre par rapport à ces quatre critères.

 13   R.  Bien, la provenance est tout à fait claire, n'est-ce pas, si j'ai bien

 14   compris. Il s'agit de documents qui ont été fournis au Tribunal par le

 15   secrétaire de l'assemblée de la Republika Srpska. Très franchement, il y a

 16   une grande partie de ce transcript [phon] qui ne sont pas pertinents, et

 17   même certaines parties assez nombreuses des débats devant cette assemblée

 18   des Serbes de Bosnie qui n'étaient pas pertinentes. Donc je vais essayer de

 19   me concentrer sur les seules parties pertinentes.

 20   S'agissant maintenant de la possibilité de vérifier par rapport à des

 21   sources de l'époque, ces transcripts sont vérifiables dès lors que l'on

 22   établit un lien entre les événements et d'autres sources de l'époque. J'ai

 23   appliqué une attention très constante à ce genre de travail et il est très

 24   probable également que l'on puisse dire que ces transcripts apportent une

 25   richesse informative supplémentaire. Ils nous permettent de rentrer

 26   quasiment dans l'esprit des gens qui s'exprimaient à l'époque, de

 27   comprendre leur philosophie et de comprendre ce qui les a poussés à prendre

 28   les décisions prises, ainsi qu'à comprendre les débats qui ont eu lieu

Page 3073

  1   entre ces différentes personnes au sujet de différentes lignes politiques.

  2   Q.  Je vous remercie. Je pense que maintenant nous passons à un nouveau

  3   sujet. Notamment si l'on pense à votre rapport de Sarajevo et à votre

  4   rapport d'expert, à savoir les objectifs stratégiques.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais demander l'affichage à cet égard

  6   du document 65 ter, numéro 17509.

  7   Q.  En attendant que le texte apparaisse à l'écran, je vous demande si vous

  8   pourriez peut-être nous décrire le contexte dans lequel s'inscrivaient ces

  9   objectifs stratégiques.

 10   R.  J'ai maintenant sous les yeux devant moi, sur les écrans, les versions

 11   anglaises et B/C/S  des objectifs stratégiques. Et le document que nous

 12   avons sous les yeux est un extrait du journal officiel de la république du

 13   peuple serbe de Bosnie-Herzégovine paru en novembre 1993 pour ce numéro

 14   particulier. Ce document montre que les objectifs stratégiques ont été

 15   adoptés lors d'une séance de l'assemblée des Serbes de Bosnie tenue le 12

 16   mai 1992. A ce moment-là, après que les objectifs stratégiques eussent été

 17   présentés longuement par plusieurs dirigeants de la Republika Srpska, ils

 18   ont donc été adoptés. Il s'agit des objectifs que nous voyons maintenant

 19   dans le texte devant nous. Le fait que ce journal officiel ait paru en 1993

 20   indique qu'à l'époque les dirigeants estimaient que ces objectifs étaient

 21   importants et qu'il importait, par conséquent, qu'ils soient connus du

 22   public. Ceci montre également que ces objectifs n'ont pas varié, que pour

 23   l'essentiel ils sont restés pendant toute la période en question ce qu'ils

 24   étaient déjà en 1992. Les idéaux qui sous-tendent ces objectifs

 25   stratégiques ont déjà été évoqués dans l'ombre d'allocutions prononcées par

 26   divers dirigeants devant l'assemblée, ainsi que dans d'autres discours

 27   prononcés bien avant le 12 mai 1992. Ce sont donc des objectifs qui ont été

 28   évoqués de façon répétée et tout à fait régulière comme étant à la base des

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  1   décisions prises par l'assemblée à partir de 1993, à partir de novembre

  2   1993, et jusqu'à la fin de la guerre.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que

  4   le premier document, le document 17509, soit versé au dossier, si vous me

  5   le permettez. Et dans l'attente, je demanderais l'affichage du document 65

  6   ter numéro 00026, et plus particulièrement de sa page 9.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, le document dont vous avez demandé

  8   le versement est admis au dossier.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce à conviction P955,

 10   Monsieur le Président.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pas d'objection.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Bien. Nous attendons maintenant l'affichage

 13   du document 65 ter numéro 00026, page 9. C'est un extrait du PV de la

 14   séance de l'assemblée du 12 mai 1992.

 15   Q.  Et M. Donia, j'aimerais vous demander, quel a été l'objet du débat de

 16   cette séance de l'assemblée ?

 17   R.  Avant de répondre à votre question précise, je tiens à souligner que le

 18   document précédent que nous venons de voir, dans sa version B/C/S, était un

 19   texte dactylographié de la proclamation originale que j'ai vue et examinée

 20   dans le journal officiel.

 21   Et j'en viens maintenant à votre dernière question. Oui, je reconnais

 22   ce texte affiché sur l'écran actuellement comme étant le PV original de la

 23   16e réunion de l'assemblée tenue en date du 12 mai 1992. Cette séance de

 24   l'assemblée était la première séance de l'assemblée faisant suite au début

 25   de la guerre et faisant suite, en particulier, à la sécurisation de la

 26   plupart des gains territoriaux déjà réalisés par l'armée et la police,

 27   ainsi que les forces du parti des Serbes de Bosnie. Donc je pense que l'on

 28   peut qualifier cette séance de l'assemblée comme une séance destinée à

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  1   célébrer les événements, c'est-à-dire une séance durant laquelle les

  2   délégués se congratulaient les uns les autres mais évoquaient également les

  3   objectifs les plus importants pour les Serbes de Bosnie, ou en tout cas

  4   pour le peuple serbe de Bosnie, et que, par conséquent, il s'agissait d'une

  5   espèce d'assemblée constitutive en temps de guerre, s'agissant de

  6   poursuivre les objectifs qui étaient ceux de la guerre.

  7   Q.  Savez-vous si ces dirigeants militaires, des Serbes de Bosnie, ont

  8   assisté à cette réunion ?

  9   R.  Oui. Le général Mladic, c'est certain, était présent. Il a prononcé un

 10   long discours après le discours du Dr Karadzic devant l'assemblée, et il y

 11   avait également un certain nombre d'autres hommes en uniforme que nous

 12   connaissons de nom, et je crois qu'il y avait également quelques officiers

 13   supérieurs dans l'assemblée.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Donia, le document précédent a

 15   été dactylographié par qui ? Le savez-vous ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation]

 19   Q.  Vous avez indiqué, il y a quelques instants, que vous reconnaissiez le

 20   document affiché sur l'écran devant vous, et pour le compte rendu

 21   d'audience, je dirais une nouvelle fois qu'il s'agissait d'un extrait du PV

 22   de la séance de l'assemblée du 12 mai 1992. J'aimerais appeler votre

 23   attention sur ce que je crois être le premier paragraphe entier de la page

 24   9, dans la version anglaise de ce texte, qui se lit comme suit, je cite :

 25   "La partie serbe de Bosnie-Herzégovine, la présidence, le gouvernement, le

 26   Conseil de la sécurité nationale, que nous avons créé, ont formulé les

 27   priorités stratégiques suivantes."

 28   Et dans la page en B/C/S, je ne vois pas très bien à quel moment le texte

Page 3076

  1   revient à la ligne dans la partie gauche de la page, mais je remarque que

  2   l'on a une citation identique à celle qu'on trouve dans cette page, en page

  3   8 de la version B/C/S, premier paragraphe complet de la page 8.

  4   Monsieur Donia, ceci est un discours prononcé par le Dr Karadzic. Vous avez

  5   indiqué le reconnaître. Pouvez-vous nous en dire un peu plus très

  6   précisément sur ce discours ?

  7   R.  A en juger par la version B/C/S de ce discours, il commence à l'avant-

  8   dernière ligne de cette page affichée sur les écrans, et je vois maintenant

  9   que l'on fait défiler le texte sur mon écran et qu'il y a encore un

 10   paragraphe après celui-ci. Mais je vois effectivement qu'un paragraphe qui

 11   se trouve plus bas dans le texte semble être identique à celui que nous

 12   venons de lire.

 13   Alors, la déclaration que l'on trouve dans ce paragraphe consiste

 14   pour le Dr Karadzic à indiquer que les éléments -- ou plutôt, les

 15   institutions les plus importantes de l'Etat bosno-serbe ont défini ces

 16   objectifs, les ont donc formulés au nom du peuple serbe, ensuite nous

 17   trouvons le premier objectif qui est, comme il le dit lui-même, la

 18   séparation par rapport aux deux autres groupes ethniques, la séparation

 19   donc en plusieurs Etats.

 20   Q.  Si nous passons à la page suivante --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Micro.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président. Je

 23   n'avais pas branché mon micro.

 24   Q.  Donc si nous passons au paragraphe suivant qui commence par les mots :

 25   "The second strategic goal," est-ce que vous auriez un commentaire à faire

 26   par rapport à ce paragraphe ?

 27   R.  Bien, le deuxième objectif stratégique est une déclaration très

 28   importante selon laquelle les Serbes de Bosnie souhaitent disposer d'un

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  1   territoire intégral grâce à la création d'un corridor terrestre entre la

  2   Semberija, qui se trouve au nord-est de la Bosnie, et la Krajina, qui se

  3   trouve au nord-ouest de la Bosnie, et ce corridor terrestre, comme le dit

  4   ici le Dr Karadzic, relie non seulement deux parties de la Bosnie situées

  5   respectivement à l'est et à l'ouest de la Bosnie et que les Serbes

  6   détenaient à l'époque, mais relie également le territoire serbe de la

  7   Croatie voisine situé donc à l'ouest, et les Républiques de Serbie-et-

  8   Monténégro situées à l'est. Ainsi, ce corridor est un lien absolument

  9   essentiel entre ce que je crois pouvoir définir comme les deux poumons

 10   territoriaux de cet Etat, à l'est et à l'ouest, mais également entre les

 11   pays voisins.

 12   Q.  Les pays voisins, que voulez-vous dire par là ?

 13   R.  Bien, je veux dire la République serbe de Krajina, qui était donc la

 14   partie de la Croatie sous contrôle serbe, et les Républiques de Serbie-et-

 15   Monténégro, situées à l'est.

 16   Q.  Je vous remercie. Passons au paragraphe suivant, qui se lit comme suit,

 17   je cite :

 18   "Le troisième objectif stratégique consiste à créer un corridor dans la

 19   vallée de la Drina, c'est-à-dire à supprimer la Drina en tant que frontière

 20   entre nos deux mondes."

 21   Vous avez un commentaire ?

 22   R.  Bien, ce troisième objectif stratégique parle à chacun d'entre nous. Il

 23   s'agit de la zone frontalière de Bosnie, et il est proposé que la Drina

 24   qui, dans une très grande partie de son cours, servait de frontière entre

 25   la République de Serbie et même, au départ, la principauté de Serbie et le

 26   royaume des Serbes et des Bosniaques, donc c'est un rôle que la Drina joue

 27   depuis 1830, à peu près, donc ce troisième objectif consiste à éliminer la

 28   Drina en tant que frontière, ce qui signifie qu'il n'y aurait plus de

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  1   frontière entre l'est de la république sous contrôle serbe et la République

  2   de Serbie -- l'est de la République serbe de Bosnie et la République de

  3   Serbie.

  4   Q.  J'aimerais appeler votre attention sur un objectif stratégique

  5   supplémentaire, et pour ce faire il faut que nous examinions la page

  6   suivante de la version anglaise et de la version B/C/S de ce texte, où nous

  7   trouvons le cinquième objectif stratégique, qui consiste en la division de

  8   la ville de Sarajevo en deux parties, l'une serbe et l'autre musulmane.

  9   Pourriez-vous vous pencher sur la page suivante de ce texte en anglais.

 10   Alors, Monsieur Donia, est-ce que vous voyez la ligne du haut de la

 11   page qui se lit comme suit :

 12   "Sarajevo est numéro 5 sur le plan stratégique, mais la bataille de

 13   Sarajevo et pour Sarajevo, est, d'un point de vue stratégique et tactique,

 14   d'une importance décisive parce qu'elle ne permet pas de créer ne serait-ce

 15   que l'illusion d'un Etat. Alija ne possède pas d'Etat alors que nous

 16   possédons une partie de Sarajevo."

 17   Est-ce que vous voyez ce passage ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Avez-vous un commentaire ?

 20   R.  L'objectif stratégique consistant à effectuer une séparation de

 21   Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine et plus grande ville de la

 22   Bosnie, présentait dans l'esprit du Dr Karadzic certains aspects

 23   particuliers, à savoir que compte tenu de la reconnaissance de son statut

 24   de capitale, le Dr Karadzic considérait que la division de cette ville

 25   serait une façon de paralyser l'Etat ou en tout cas de nier à la République

 26   de Bosnie-Herzégovine ses attributs d'Etat et que Sarajevo, de cette façon,

 27   cristalliserait l'objectif général exprimé dans le cadre du premier

 28   objectif stratégique d'une façon tout à fait particulière.

Page 3080

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé de

  2   mes questions sur cet extrait du PV de la 16e séance de l'assemblée, et

  3   j'aimerais demander aux Juges de la Chambre l'admission de ces quelques

  4   pages des transcripts, mais je crois comprendre - et même si je n'étais pas

  5   dans le prétoire lorsque cette décision a été rendue - je crois comprendre

  6   que vous avez, Messieurs les Juges, émis des directives s'agissant de

  7   l'adoption du versement au dossier de documents rédigés à l'époque des

  8   faits --

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce PV sera admis dans son intégralité

 10   pour utilisation à un moment ultérieur. C'est plus pratique et il est

 11   préférable de le verser au dossier dans son intégralité.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous demandez maintenant le

 14   versement au dossier du texte dont nous venons de parler ?

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vingt-six -- attendez une seconde.

 17   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je fais

 19   remarquer qu'il s'agit d'un exemplaire original du journal officiel où l'on

 20   trouve mention des objectifs stratégiques, et je rappelle que ce document a

 21   été versé au dossier et constitue désormais la pièce P781, mais nous avons

 22   désormais une version dactylographiée de ce texte. Donc étant donné la

 23   présentation différente, nous allons également admettre ce document-ci, qui

 24   se présente sous une forme différente du précédent. Donc cette

 25   transcription ou ce PV de la séance de l'assemblée est également versé au

 26   dossier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce P956, Monsieur le

 28   Président.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] Et, Monsieur le Président --

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pas d'objection.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Karadzic.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Toutes mes excuses par rapport à ce dernier

  6   document. Je pense que dans la situation actuelle, nous avons donc deux

  7   présentations différentes d'un seul et même document, mais je n'étais pas

  8   au courant. Toutes mes excuses aux Juges de la Chambre et à M. le Greffier.

  9   Mais je dois dire que j'ai reçu cette information en même temps que vous,

 10   Messieurs les Juges. Donc merci à mes collègues qui vérifient les choses de

 11   loin.

 12   Q.  Monsieur Donia, permettez-moi, puisque nous venons de passer en revue

 13   les objectifs, de les examiner un peu plus en détail. J'aimerais revenir

 14   sur le premier objectif stratégique et vous demander, Monsieur, comment

 15   vous le caractériseriez ?

 16   R.  Il s'exprime sous la forme d'un principe général, mais il comporte des

 17   éléments tout à fait particuliers. Il est manifeste qu'il reprend la

 18   position défendue par certains groupes nationaux sans indiquer si la

 19   division prévue doit se faire sur des bases territoriales, physiques,

 20   d'organisation ou d'institution, ou même sur des bases humaines, ou encore

 21   si elles doivent se faire en fonction d'un mélange de tous ces facteurs.

 22   Q.  Est-ce que vous avez réussi durant vos recherches à vous faire une idée

 23   de la façon dont cette division devait se faire ?

 24   R.  Oui. Je me suis efforcé, dans le choix des PV de réunions de

 25   l'assemblée des Serbes de Bosnie que j'ai fait figurer dans mon rapport,

 26   d'effectuer une sélection. En effet, il s'agit de ce qu'il était convenu

 27   d'appeler à l'époque les PV des séances de l'assemblée de la Republika

 28   Srpska. Donc on y trouve un certain nombre d'allocutions et de déclarations

Page 3082

  1   qui ont été reprises par la presse de façon générale et qui ont été

  2   prononcées aussi bien avant qu'après l'adoption de principes du premier

  3   objectif stratégique le 12 mai.

  4   Q.  Donc si vous avez eu sous les yeux certains éléments le prouvant, je

  5   vous demanderais quel était le type de division qui était prévu. Etait-ce

  6   une division territoriale, physique, en fonction des organisations, des

  7   institutions ou une division   humaine ?

  8   R.  Bien, je voulais dire que pour moi, division en fonction des

  9   institutions, cela recouvre division en fonction des organisations, mais

 10   enfin, j'ai trouvé des éléments indiquant que ce qui était prévu recouvrait

 11   les quatre bases de divisions. Mais dans certains cas, on trouvait deux de

 12   ces facteurs ou trois de ces facteurs, et dans d'autres cas, les quatre

 13   étaient présents.

 14   Q.  Formes de division par l'accusé ?

 15   R.  Par l'accusé et d'autres dirigeants des Serbes de Bosnie -- ou du SDS.

 16   Q.  Mais qui en particulier ? Vous vous rappelez ?

 17   R.  Bien, nous voyons que ce principe a été soutenu par le général Mladic.

 18   Je crois qu'il a été soutenu également par le Dr Koljevic et M. Krajisnik,

 19   entre autres.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche la

 21   pièce P956 une nouvelle fois. Page 4 546 de la traduction anglaise et 3 839

 22   en B/C/S.

 23   Q.  Monsieur Donia, nous voyons sur l'écran devant nous un passage où l'on

 24   trouve des commentaires formulés par M. Krajisnik dont vous venez de citer

 25   le nom. Et si l'on fait dérouler la page anglaise jusqu'au bas de la page -

 26   - je vous demande un instant. A la septième ligne avant la fin de la page,

 27   on voit que M. Krajisnik déclare que :

 28   "Le premier objectif est le plus important si on le compare à tous les

Page 3083

  1   autres objectifs, étant donné que tous les autres objectifs ne sont que des

  2   objectifs découlant du premier objectif."

  3   Vous avez un commentaire sur ce point ?

  4   R.  Je pense que mon commentaire sera tout à fait évident et que ce qu'il

  5   vient de dire pouvait être attendu dans sa bouche, à savoir que le premier

  6   objectif stratégique était effectivement un principe général et qu'il

  7   régissait les autres objectifs du point de vue des principes, donc les

  8   autres objectifs que l'on voit aux paragraphes 2 à 6. L'idée que le premier

  9   objectif stratégique était un objectif fondateur, autrement dit un principe

 10   fondamental, je crois qu'on voit à quel point il est illustré par le nombre

 11   de fois où ce premier objectif stratégique est cité et repris durant

 12   d'autres séances de l'assemblée ultérieures à celle-ci.

 13   Q.  S'agissant des autres séances de l'assemblée, j'aimerais appeler votre

 14   attention sur d'autres extraits et vous demander de nous citer les

 15   différents extraits pris en compte par vous dans votre rapport.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 17   numéro 11700, pages 30 à 31 dans le prétoire électronique, paragraphe 73,

 18   si je ne me trompe -- oui, paragraphe 73. J'en demande l'affichage. On en

 19   est pour l'instant au paragraphe 65. Alors, faisons défiler la page vers le

 20   bas en anglais, deux pages plus loin, je pense.

 21   Q.  Voilà, nous y sommes. Au bas de cette page, nous voyons, Monsieur

 22   Donia, comme on peut le voir dans votre rapport, que vous citez un extrait

 23   des débats de la 566e [comme interprété] séance de l'assemblée des Serbes

 24   de Bosnie en date du 17 décembre 1995. C'est une citation des propos de M.

 25   Krajisnik. Est-ce que vous pourriez nous donner lecture de ce passage ?

 26   R.  Oui. Je dirais avant toute chose que je crois avoir été battu par le

 27   système. En effet, j'ai essayé d'obtenir que les numéros des notes en bas

 28   de page correspondent aux numéros des paragraphes dans le corps du texte de

Page 3084

  1   façon à ce que l'on retrouve plus facilement les passages en B/C/S à la

  2   lecture du rapport original, mais manifestement, j'ai échoué dans mes

  3   tentatives. Mais enfin, s'agissant de cet extrait particulier des débats de

  4   l'assemblée des Serbes de Bosnie qui a eu lieu à l'époque de la signature

  5   des accords de paix de Dayton à Paris, voici ce qui a été dit :

  6   "La mission de cette république et le premier objectif stratégique

  7   consistent à nous séparer des Musulmans et des Croates et à ce que personne

  8   n'ait plus le droit de mettre en place la stratégie du Sarajevo serbe --"

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez passer à la page

 10   suivante.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc, "-- que personne n'ait le droit de

 12   fonder sa stratégie d'un Sarajevo serbe sur le maintien d'un pays intégré.

 13   Par conséquent, tout danger ou désir de défendre ou de mettre en place une

 14   solution pour Sarajevo dans laquelle nous resterions aux côtés des

 15   Musulmans et des Croates est hors de question. Personne ne peut prendre une

 16   nouvelle décision désormais selon laquelle nous devrions rester ensemble.

 17   Ni la population de Sarajevo ni les dirigeants de Sarajevo ne le

 18   souhaitent, mais les membres de notre parlement voient un danger dans le

 19   maintien d'une Fédération croato-musulmane et dans le fait que Sarajevo

 20   soit transformée en point de connexion reliant les différentes parties de

 21   l'union les unes aux autres."

 22   Je dirais simplement que cette déclaration a été faite en réponse à un

 23   discours d'un autre délégué, ou en tout cas après ce discours, et que dans

 24   ce discours précédent, le délégué qui était favorable aux modifications des

 25   frontières proposées à Dayton avait déclaré qu'au lieu que tous les Serbes

 26   sortent de Sarajevo, la Republika Srpska devrait déménager certaines des

 27   institutions du gouvernement au sein de la fédération, dans les secteurs où

 28   il y avait des Serbes. Donc il proposait, cet autre délégué, la mise en

Page 3085

  1   place d'une politique qui s'écartait de l'application de l'objectif

  2   stratégique.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation]

  4   Q.  Je remarque que M. Krajisnik a fait cette déclaration quelque trois

  5   années après le début de la guerre après une déclaration assez comparable

  6   dont vous venez de parler, à savoir celle du 12 mai 1992. Auriez-vous un

  7   commentaire sur ce point ?

  8   R.  Bien, il a prononcé cette déclaration au moment où la guerre était

  9   terminée et a continué à insister pour dire que cet objectif stratégique

 10   était toujours valable et ne devait pas être remis en cause dans les

 11   déplacements résidentiels qu'il prévoyait dans la période ultérieure à la

 12   guerre.

 13   Q.  Je vous remercie. Peut-être pourrions-nous maintenant passer à un autre

 14   sujet, mais qui a toujours un lien avec les objectifs stratégiques. Et si

 15   nous prenons en compte le deuxième objectif stratégique en particulier, je

 16   rappellerais que vous avez parlé aux Juges de différentes régions de

 17   Bosnie-Herzégovine. Je me demandais s'il pourrait être utile d'afficher la

 18   carte qui constitue la pièce P727. Pendant que nous attendons l'affichage

 19   de la carte, j'aimerais vous demander d'élargir un peu votre question sur

 20   les objectifs stratégiques de la façon suivante : est-ce que ces objectifs

 21   étaient définis par des critères territoriaux ?

 22   R.  Les objectifs 2 à 6 sont définis sur des bases territoriales, mais le

 23   territoire précis n'est pas précisément déterminé. Le deuxième objectif,

 24   bien sûr, définit un corridor, et les deux premiers objectifs parlent de

 25   frontières qui sont, en fait, des rivières, donc des rivières jouant le

 26   rôle de frontière, mais l'allusion à la mer est très vague, mais il y a

 27   tout de même accord général sur le trajet par lequel on arriverait à la mer

 28   grâce à ce corridor.

Page 3086

  1   Q.  Pensez-vous, Monsieur Donia - et je demanderais à mes collègues du

  2   greffe de bien vouloir agrandir la carte de Bosnie-Herzégovine sur l'écran

  3   de façon à ce que les Juges puissent mieux voir. Merci beaucoup - pouvez-

  4   vous nous montrer le territoire généralement couvert par les objectifs

  5   stratégiques ?

  6   R.  Je pourrais très certainement définir les frontières qui ont été

  7   précisées. Mais définir le territoire exact sera un peu plus difficile.

  8   Q.  Bien. Je vous inviterais à vous saisir du stylet à côté de l'écran

  9   devant vous et à le faire.

 10   R.  Très sophistiqué. Très bien. Je commencerai par la Drina. La Drina

 11   prend sa source à l'intérieur de la Bosnie, ensuite elle devient la

 12   frontière orientale de la Bosnie. Et voyez, ici, on a à peu près une

 13   douzaine de kilomètres qui constituent la frontière avec la République de

 14   la Serbie, donc la frontière entre la République de Bosnie-Herzégovine et

 15   la République de Serbie.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] M. Donia a annoté la carte en traçant une

 17   ligne rouge sur la partie droite de la carte de Bosnie. Et j'allais

 18   demander ceci, parce que M. Donia avait estimé qu'il avait tracé une ligne

 19   un peu trop longue, et grâce au système électronique il est possible

 20   d'apporter des corrections. C'est parfait.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. La ligne, je la tracerais jusqu'ici à peu

 22   près.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation]

 24   Q.  Si je vous ai bien compris, vous venez de tracer une des frontières,

 25   n'est-ce pas ?

 26   R.  C'est exact. Et là, c'était la frontière qu'il s'agissait d'abolir.

 27   C'est ce que recherchait l'objectif concernant la rivière de la Drina.

 28   S'agissant des autres rivières qui devraient servir de frontières, nous

Page 3087

  1   avons la Neretva, elle commence ici, elle prend sa source, puis elle passe

  2   par Mostar, puis elle arrive à la mer.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] M. Donia vient de tracer une ligne en forme

  4   de U à l'envers qui part du centre de la carte vers la mer.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis nous avons la Sava, elle vient de

  6   Croatie, elle longe la frontière. Elle est, en fait, la frontière

  7   septentrionale de la Bosnie.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation]

  9   Q.  Et ici, M. Donia trace une ligne qui longe la partie supérieure de

 10   l'ancienne république, n'est-ce pas ?

 11   R.  Exact.

 12   Q.  Est-ce qu'il y avait une frontière à l'ouest ?

 13   R.  Oui, mais vous allez devoir me rappeler le nom de la rivière parce que

 14   j'ai quelques failles en géographie.

 15   Q.  N'est-ce pas la Una --

 16   R.  Oui.

 17   Q.  -- n'était-ce pas une des rivières mentionnées dans ces objectifs.

 18   R.  [aucune interprétation]

 19   Q.  A l'objectif quatre.

 20   R.  Oui, elle longe la frontière occidentale de la république et rentre

 21   dans l'arrière-pays, passe par Bihac, puis rejoint la Sava.

 22   Q.  Merci. Je vais vous demander de parapher la carte et d'y ajouter la

 23   date d'aujourd'hui, à savoir le 31 mai.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Ce territoire qui était délimité par ces objectifs stratégiques, est-ce

 26   qu'il devait être continu ?

 27   R.  Le second objectif stratégique dit clairement que ce territoire doit

 28   être continu, c'est-à-dire qu'en fait, ce sont les deux sacs qu'on porte de

Page 3088

  1   part et d'autre de la selle, à l'est et à l'ouest. On a une espèce de

  2   corridor dans la partie septentrionale de la Bosnie, puis Brcko constitue

  3   la partie la plus exiguë, la plus étroite.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] M. Donia vient de tracer quelques lignes

  5   dans le nord-est; c'est exact, n'est-ce pas ? Oui.

  6   Q.  Sur le plan territorial, est-ce que ces objectifs stratégiques

  7   permettent en puissance de créer des liens avec des parties extérieures à

  8   la Bosnie-Herzégovine ?

  9   R.  Vous pourriez répéter votre question ?

 10   Q.  Sur le plan territorial, est-ce qu'un établissement de ces objectifs a

 11   établi des liens avec des zones qui sont extérieures à la Bosnie-

 12   Herzégovine ?

 13   R.  Oui, le deuxième objectif en particulier, ainsi que le quatrième qui

 14   concerne la Drina.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement de cette carte,

 16   Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P957.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Parlons du cinquième objectif et de la

 20   ville de Sarajevo, mais je vais demander d'afficher une autre carte, une

 21   carte déjà versée au dossier. Elle porte la cote P815.

 22   Q.  Elle va bientôt s'afficher, mais je vous pose déjà cette question -- la

 23   voici. Grâce à cette carte qui porte la cote P815, est-ce que vous pourriez

 24   nous expliquer en quelques mots comment s'est développée la ville de

 25   Sarajevo.

 26   R.  Ecoutez, je ne vais pas de nouveau commettre un autre désastre

 27   artistique en traçant mal certains contours. La ville de Sarajevo, elle est

 28   partie de cette vallée qui va sur l'angle est-ouest, tout à fait à l'est,

Page 3089

  1   peut-être que je vais entourer cet endroit d'un cercle -- c'est joli ce que

  2   j'ai fait. On suit le cours de la rivière pour arriver à une zone orange,

  3   et vous voyez qu'il y a un méandre, et pendant la période ottomane, vers

  4   1400, c'est là qu'on a la fondation même de Sarajevo. C'est la première

  5   installation humaine, et la ville a grandi, elle s'est développée vers le

  6   côté gauche, elle faisant à peu près un kilomètre et demi de long à la fin

  7   de la période ottomane, vers 1878, et avec la période austro-hongroise,

  8   elle a grandi jusqu'en 1918. Et elle s'est surtout développée ensuite vers

  9   l'ouest pendant la période socialiste ou communiste après 1945. Ce fut

 10   alors un développement très rapide et continu à partir de 1945 jusqu'en

 11   1990 avec notamment un développement sur les flans des collines au nord et

 12   au sud et création d'une zone périphérique suburbaine que vous voyez en

 13   partie ici.

 14   Q.  Je vous arrête. Avant que vous ne continuiez à mal dessiner et à mal

 15   tracer sur ce croquis, j'ai oublié de vous demander si vous reconnaissiez

 16   ce qu'on voit ici à l'écran ?

 17   R.  Cette carte montre les parties les plus développées, les plus urbaines

 18   de Sarajevo, et on y trouve indiqués les confins des municipalités qui

 19   forment la ville, en tout cas certaines de ces municipalités, à compté de

 20   1990 -- ou plutôt entre 1977 et jusqu'en 1990, et on vous donne un tracé

 21   approximatif des fronts du siège à partir de 1995.

 22   Q.  Vous venez d'évoquer brièvement cet essor. Ce développement, est-ce

 23   qu'il a eu un effet quelconque sur les municipalités ?

 24   R.  Oui. Les rapports qui existaient entre les municipalités -- la

 25   municipalité, c'est l'unité administrative de base dans le système

 26   socialiste. Les rapports entre ces municipalités et la ville, ces rapports

 27   sont très divers dans la période socialiste. Dans les premiers temps de

 28   l'ère socialiste, il y avait quatre municipalités qui constituaient

Page 3090

  1   Sarajevo : Stari Grad, la vieille ville, qui se trouve tout à fait sur la

  2   droite sur cette carte; il y avait Novo Sarajevo; puis en bas à gauche, il

  3   y a Ilidza; et tout en haut, on a Vogosca. Ilidza et Vogosca c'étaient

  4   principalement des municipalités indépendantes qui étaient reliées à la

  5   cité mais qui étaient pratiquement autonomes. Ilidza c'était une espèce de

  6   station, alors que Vogosca c'était plutôt une zone industrielle.

  7   En 1977, l'aspect de la ville a changé, sa carte aussi. Un plan

  8   d'urbanisme a été mis au point en 1976 et c'est ça qui est à l'origine de

  9   ces modifications. Les deux municipalités de l'intérieur, Novo Sarajevo et

 10   Stari Grad, avaient une population très dense, et pour rapprocher le

 11   gouvernement de la population, mais aussi pour rationaliser la croissance

 12   en matière démographique et l'industrialisation, les transports, les pères

 13   de la ville ont divisé Stari Grad et en ont fait deux municipalités. L'une

 14   a gardé le nom de vieille ville, l'autre est devenue le centre. Et Novo

 15   Sarajevo a elle aussi été divisée. Une partie a gardé le nom de Novo

 16   Sarajevo, l'autre est devenue Novi Grad, nouvelle ville, et vous la trouvez

 17   dans la partie supérieure gauche de la carte. De plus, la ville a repris

 18   quatre municipalités qui existaient déjà, c'étaient surtout des zones

 19   rurales. Hadzici, Pale, Ilijas et Trnovo. Donc je ne tombais plus sur le

 20   nom. Trnovo, voilà. Ça donnait dix municipalités qui formaient la ville de

 21   Sarajevo à partir de 1977 jusqu'en 1990.

 22   Et tout ceci était chapeauté par le gouvernement de la ville de

 23   Sarajevo qui avait sa propre assemblée et qui rassemblait les délégués de

 24   ces dix municipalités. On pourrait dire qu'il y avait une organisation à

 25   deux étages. Il y avait les municipalités qui constituaient la ville et il

 26   y avait aussi la ville même.

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges. Un

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  1   instant, s'il vous plaît.

  2   Q.  Vous avez comparé les municipalités et Sarajevo. Mais quand on parle de

  3   "municipalité" en Bosnie-Herzégovine, on parle de quoi ?

  4   R.  La "opstina," la municipalité en B/C/S, c'est la dénomination donnée

  5   pendant l'ère socialiste à l'unité administrative de base, et ça remonte à

  6   l'ère ottomane. Cette unité administrative, en général, c'est une petite

  7   ville, un bourg quelquefois, qui porte le même nom que la municipalité et

  8   qui est entouré de terres agricoles, de terres qui ne sont pas

  9   nécessairement labourées, de biens nationalisés, et ce sont en général des

 10   villages de paysans.

 11   Et pour ce qui est de Sarajevo, la structure de la municipalité n'est

 12   pas tout à fait du même caractère, mais l'idée demeure qu'il y a un siège

 13   du gouvernement, lequel siège se trouve au centre ou près du centre de la

 14   municipalité. La municipalité, elle était conçue, elle était bâtie comme

 15   unité administrative rationnelle sur le plan géographique, sur le plan

 16   économique et sur le plan administratif. C'étaient les trois raisons

 17   d'être, ou les trois critères fondateurs.

 18   Q.  Est-ce que l'appartenance ethnique était un facteur dans ce concept ?

 19   R.  En général, ça ne l'était pas. Le plan de 1976 avait pour objectif

 20   d'essayer d'assurer un développement économique plus rationnel. Beaucoup

 21   des unités de production, des fabriques, des usines ont été déplacées, ont

 22   été installées à l'extérieur du centre des villes, dans la périphérie,

 23   l'idée étant qu'on voulait ainsi amener les moyens de production plus près

 24   du travailleur. Il n'y avait pas de facteur ethnique. On ne parlait pas de

 25   l'appartenance ethnique dans ce concept à l'époque. En fait, les pères

 26   fondateurs voulaient que la ville soit plus attrayante. Elle pouvait

 27   rivaliser, notamment pour obtenir les Jeux olympiques d'hiver de 1984.

 28   Donc, en général, le facteur ethnique n'a pas véritablement joué de rôle

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  1   prépondérant dans le tracé des frontières.

  2   Q.  Je pense qu'ici vous avez parlé de Sarajevo dans votre réponse et vous

  3   avez parlé des Jeux olympiques d'hiver, et vous dites que le facteur

  4   ethnique n'a pas joué de rôle ou s'il en a joué, il fut très petit,

  5   vraiment très mineur pour ce qui est du tracé. Est-ce que c'est vrai pour

  6   Sarajevo seulement ou pour toute la république ?

  7   R.  Non. Pour toute la république, le facteur ethnique n'a jamais été un

  8   facteur significatif. Il arrivait que certains parlent d'un facteur

  9   culturel comme intervenant dans la conception du tracé d'une municipalité,

 10   et on voulait que des installations culturelles soient à la disposition --

 11   renseignements de la population. C'était peut-être un facteur qui est

 12   intervenu de façon indirecte, par la tangente, ce facteur ethnique, mais ce

 13   sont surtout les facteurs géographiques, économiques et administratifs qui

 14   sont à la base même de cette création dans toute la Bosnie-Herzégovine.

 15   Q.  Est-ce que M. Karadzic ou d'autres dirigeants du SDS ont exprimé un

 16   avis sur ce concept ?

 17   R.  Fin des années 1980, voire avant, les penseurs du Mouvement

 18   nationaliste serbe, à Sarajevo surtout, ont développé une critique de la

 19   Bosnie-Herzégovine sous l'ère communiste. Dans cet avis critique, on

 20   critiquait aussi la structure municipale, l'idée - et là, je peux vous

 21   citer plusieurs discours de M. Karadzic - tout au début, il disait que les

 22   municipalités, leur tracé lésait le peuple serbe. Les Croates en Bosnie ont

 23   aussi, pour certains, dit que les municipalités lésaient le peuple croate.

 24   Et cette critique, elle s'est faite entendre et on l'a entendue dans

 25   le discours politique et public au début de la campagne électorale qui a

 26   commencé au cours de l'été 1990, et je pense qu'après c'est devenu une

 27   partie importante du programme nationaliste serbe du SDS et pour ses

 28   dirigeants.

Page 3093

  1   Q.  Nous pourrions peut-être examiner une autre carte, et ce sera la

  2   dernière carte de la journée, P783, et cette carte porte sur la structure

  3   de ces municipalités.

  4   Est-ce que vous voyez cette carte ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Vous la connaissez, cette carte ?

  7   R.  Oui. D'ailleurs, je m'en sers souvent.

  8   Q.  Est-ce que, du coup, vous pourriez nous dire ce qu'elle représente.

  9   R.  Vous voyez ici les 109 municipalités de la Bosnie-Herzégovine en 1991

 10   lorsque fut effectué le recensement. Moi, j'aime bien cette carte parce

 11   qu'il est difficile, voire impossible, de bien saisir, de bien appréhender

 12   la répartition ethnique des peuples de Bosnie en deux dimensions, quelle

 13   que soit la carte. A mon avis, c'est la carte qui y parvient le mieux.

 14   Pourquoi ? Vous voyez, pour chaque municipalité, non seulement le groupe

 15   qui détient une majorité absolue ou relative dans ladite municipalité, mais

 16   vous avez aussi une légende qui vous donne les autres facteurs --

 17   Q.  Excusez-moi. Nous venons de perdre cette carte. Elle vient de

 18   disparaître de l'écran. La revoici à l'écran.

 19   R.  Vous voyez ces colonnes verticales, et là vous voyez le deuxième

 20   groupe, le troisième et quelquefois le quatrième groupe constitutifs, et il

 21   y avait un nombre important de personnes qui, dans les recensements de 1981

 22   et de 1991, se sont dits autres ou se sont dits Yougoslaves. Lorsque vous

 23   voyez cette carte, vous avez une idée non seulement du groupe le plus

 24   important qu'il y avait dans une municipalité, de celui qui avait une

 25   majorité relative ou absolue, mais vous avez une idée aussi des autres

 26   groupes qui existaient dans cette municipalité. Malheureusement, ça ne va

 27   pas plus loin que le niveau municipal, mais on voit la répartition

 28   démographique au niveau de la municipalité.

Page 3094

  1   Q.  Peut-on établir un lien entre la répartition démographique telle qu'on

  2   la voit ici sur cette carte et le tracé des frontières évoqué par les

  3   objectifs stratégiques dont vous avez parlé il y a un instant ? Est-ce que

  4   les territoires compris par les objectifs stratégiques couvrent des zones

  5   pluriethniques ?

  6   R.  Oui, pour autant qu'on puisse voir l'intention territoriale recherchée

  7   par ces objectifs. Par exemple, pour le corridor de l'est, c'était

  8   l'objectif stratégique numéro 2, et si vous regardez son parcours, on a le

  9   nord de la Bosnie-Herzégovine, et cette carte nous le montre, il y a

 10   beaucoup de municipalités qui se trouvent dans la partie supérieure droite

 11   de la carte, là où devrait se trouver ce corridor. Et là, effectivement, on

 12   avait une composition démographique très mixte, très mélangée.

 13   Q.  Qu'en est-il de la ville de Sarajevo ? Dans votre rapport, vous dites

 14   que Sarajevo incarnait la pluralité ethnique de la Bosnie-Herzégovine.

 15   R.  Quand je vous disais qu'une carte n'appréhende pas bien la complexité

 16   de l'identité communautaire pour toute la Bosnie-Herzégovine, et c'est deux

 17   fois plus vrai pour Sarajevo. Ici, en bas à droite, vous voyez, à part

 18   Sarajevo, ce n'est pas très bon comme représentation parce que c'est

 19   incomplet, mais il suffit d'y jeter un coup d'œil pour voir que dans la

 20   ville de Sarajevo, il y a peu de zones ethniquement homogènes. La

 21   complexité est encore plus forte dans les zones de la ville créées après

 22   1945. Pourquoi ? Parce que ces lotissements étaient surtout des immeubles

 23   résidentiels qui ressemblaient à des gratte-ciels avec plusieurs étages, et

 24   tout le monde y vivait, quelle que soit l'appartenance ethnique de ces

 25   habitants.

 26   C'est vrai dans certains quartiers de la ville. Mais dans d'autres -

 27   et là je parle de ceux qui ont été créés après l'ajout de ces municipalités

 28   pour en avoir dix, après 1977 - c'étaient des zones plus rurales mais qui

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  1   restaient très complexes dans leur composition démographique.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vois l'heure qu'il est, Monsieur

  3   le Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. L'audience est levée. Elle

  5   reprendra demain à 14 heures 15. Bonsoir.

  6   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mardi 1er juin,

  7   2010, à 14 heures 15.

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