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1 Le mardi 1er juin 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour.
6 Oui, Maître Harvey.
7 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Permettez-moi
8 de vous présenter Me Avy Singh qui m'aidera aujourd'hui à l'audience.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
10 Madame Edgerton, veuillez poursuivre.
11 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 LE TÉMOIN : ROBERT DONIA [Reprise]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 Interrogatoire principal par Mme Edgerton : [Suite]
15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Donia.
16 R. Bonjour, Madame le Procureur.
17 Q. En ce début d'audience, j'aimerais revenir très rapidement sur certains
18 aspects de ce que vous avez déclaré hier, si vous n'y voyez pas
19 d'inconvénient. A la page 3 093, lignes 22 à 23, je vous ai demandé si le
20 territoire englobé ou concerné par ces objectifs stratégiques concernait
21 des zones pluriethniques. Et voici ce que vous avez répondu :
22 "Oui, dans la mesure où on peut établir en lisant ces objectifs
23 stratégiques quelles étaient les intentions territoriales."
24 Vous vous souvenez ?
25 R. Oui, j'ai poursuivi en vous fournissant un exemple de ce corridor.
26 Q. Tout à fait. Nous allons assurer le suivi et enchaîner pour vous
27 demander si ceci valait également pour le cinquième objectif stratégique et
28 la ville de Sarajevo. Est-ce que ce cinquième objectif recouvrait une zone
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1 pluriethnique ?
2 R. Oui.
3 Q. Hier lorsque l'audience a été levée, nous discutions de la répartition
4 ethnique en Bosnie-herzégovine et nous parlions plus particulièrement de
5 Sarajevo. Vous vous en souvenez ?
6 R. Oui.
7 Q. Revenons au premier objectif que vous avez évoqué hier, la séparation,
8 celui qui chapeaute tous les autres. Est-ce que cet objectif signifiait
9 qu'il fallait réorganiser l'équilibre interethnique dans le pays ?
10 R. S'il était réalisé, cet objectif aurait sans nul doute entraîné une
11 modification tout à fait spectaculaire et profonde de la répartition
12 démographique ethnique en Bosnie-herzégovine.
13 Q. Mais de quelle façon ?
14 R. Parce qu'il y aurait eu, si vous voulez, un écho humain à ces ambitions
15 territoriales et ça aurait été une donne tout à fait différente de celle
16 qu'il y avait en 1991.
17 Q. Nous parlons toujours de cet objectif qui englobe les autres. Voyez-
18 vous qu'une stratégie centrale, disons, a été mise sur pied sur pied pour
19 parvenir à réaliser cet objectif ?
20 R. Je pense qu'il y a plusieurs stratégies qui ont été mises en œuvre bien
21 avant l'adoption officielle des objectifs stratégiques. Moi, je répartis
22 cette stratégie en deux groupes : il y a d'une part un facteur, une
23 composante très publique, d'annonce publique et visible d'édification de
24 l'Etat. Les dirigeants du SDS se sont mis à l'œuvre dès octobre 1991 et
25 pendant les sept mois qui ont suivi, ces dirigeants ont pris toute une
26 série de mesures à l'assemblée des Serbe de Bosnie, parfois en dehors de
27 cette assemblée.
28 Deuxième élément : la stratégie municipale. Et je pense que c'est ainsi
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1 qu'on peut décrire la politique du SDS
2 janvier 1991, jusqu'à l'été 1992.
3 Q. Peut-on afficher le document de la liste 65 ter 00972, c'est un procès-
4 verbal qui rend compte d'un discours fait par M. Karadzic à l'occasion du
5 plébiscite du mois de novembre 1991. Nous allons bientôt le voir à l'écran,
6 après quoi je pourrai vous poser quelques questions.
7 Voyons la page 2 en B/C/S. Normalement, c'est ce qui devrait être la
8 première page du document, et je pense que ce sera aussi la page 2 dans la
9 version en anglais.
10 Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, je me suis trompée, Messieurs
11 les Juges, je n'avais pas vu ces pages auparavant. Je pense qu'il faut
12 passer à la page 3. Les voici plus exactement. Maintenant, je voudrais
13 qu'on nous montre la page 4. Malheureusement, ce sont deux pages en B/C/S
14 qui sont affichées alors que j'en montrais une en B/C/S, et l'autre en
15 anglais.
16 Q. Docteur Donia, vous nous avez dit que vous maîtrisez le B/C/S, le
17 serbo-croate, comme l'anglais. Regardons, si vous le voulez bien, la
18 version B/C/S. En fait, c'est la page de garde du document. Est-ce que vous
19 avez déjà vu ce document ?
20 R. Oui.
21 Q. D'après vous, qu'est-ce qu'il représente ?
22 R. C'est le procès-verbal qui rend compte d'un discours fait par M.
23 Karadzic au cours des journées qui ont précédé le référendum qui s'est tenu
24 en novembre 1991, et ces deux premières - le référendum s'étant tenu les 9
25 et 10 novembre - ces deux premières pages indiquaient que la transcription
26 avait été faite par la commission d'Etat chargée des enquêtes en matière de
27 crimes de guerre. Je pense que c'était M. Gavran Kapetanovic qui était à la
28 tête de cette commission.
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1 Q. Prenons la page 9. Nous verrons les deux versions de ce document et de
2 cette page à l'écran.
3 Prenons l'anglais, prenons le tout dernier paragraphe, si vous le voulez
4 bien. Il y a une phrase qui dit ceci, et ça se trouve juste après la partie
5 en italique du dernier paragraphe, la phrase qui m'intéresse. Je précise
6 pour le dossier de l'instance qu'il faudrait trouver le passage équivalent
7 en B/C/S' c'est à neuf lignes à partir du bas. Excusez-moi.
8 Malheureusement, on ne voit pas le début. Voilà. On ne voyait pas le début
9 des mots. Je cite :
10 "Les municipalités ne sont pas quelque chose d'établi par Dieu, ça ne vient
11 pas du ciel." Ici, il dit donc que "ce n'était pas quelque chose qui avait
12 été inscrit dans le marbre. En fait, ça avait été créé de façon à léser le
13 peuple serbe, les unités serbes, toutes les unités serbes en Bosnie étant
14 divisées, les Serbes devenant une minorité, même au lieu d'avoir leurs
15 municipalités. Et il faudrait que les Serbes soient majoritaires dans leurs
16 propres municipalités."
17 Auriez-vous un commentaire à nous faire ?
18 R. Ici, au fond, dans ce passage, est répétée la critique dont j'ai parlé
19 hier, qu'avaient formulée certains intellectuels serbes en Bosnie, dont M.
20 Karadzic, au cours des dernières années de la décennie des années 1980 et
21 en 1990. Ces intellectuels disaient que l'organisation municipale
22 discriminait les Serbes, les désavantageait. Nous avons ici l'exemple
23 d'Ozren invoqué par M. Karadzic à moult reprises, et il l'a souvent répété
24 d'ailleurs, pour faire valoir qu'Ozren aurait dû être une municipalité à
25 lui. Si l'on voit le reste du discours, il énonce ce qui, à son avis,
26 devrait être le remède à cette situation. Il faudrait réorganiser les
27 municipalités et revendiquer les terres qui sont serbes en partant de
28 certains critères.
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1 Q. Merci.
2 Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement de ce document au
3 dossier, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P958, Monsieur le
6 Président.
7 Mme EDGERTON : [interprétation]
8 Q. Nous venons de voir ce document, c'est un document qui remonte à un
9 premier temps de cette époque. Est-ce que la stratégie municipale a évolué
10 à partir de ce moment-là ?
11 R. Oui. Cette stratégie des municipalités a commencé très peu de temps
12 après les élections de 1990 par un programme de régionalisation. Qu'est-ce
13 que cela voulait dire ? A ce moment-là, puisque nous sommes au cours des
14 six ou huit premiers mois de 1991, ça voulait dire que l'on prenait des
15 municipalités qui existaient déjà, et qu'on faisait un remembrement des
16 municipalités. Les communautés et municipalités étaient réunies. Et le
17 geste le plus significatif dans ce sens, c'est la communauté des
18 municipalités de la Krajina de Bosnie qui a fini par avoir son siège à
19 Banja Luka. Il n'y a eu pratiquement pas de débats à l'époque et rien n'a
20 été fait pour essayer de modifier le tracé des délimitations des
21 municipalités. C'est plutôt un effort d'association, de fédération de ces
22 municipalités, et c'est quelque chose qui s'était fait pendant l'ère
23 socialiste aussi, mais qui avait été établi pour coordonner des services
24 municipaux et autres services qui rendaient le gouvernement et
25 l'administration de ces municipalités plus faciles. Et le SDS voulait créer
26 un seul parti et voulait réunir, rassembler les municipalités dans
27 lesquelles les Serbes détenaient une majorité relative ou absolue. Ça,
28 c'est un premier moment de ce mouvement, une première phase de la stratégie
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1 municipale.
2 Mouvement ou phase qui est suivie d'une deuxième phase. Là, il est question
3 - et c'est une question qui vient à l'avant-plan des considérations
4 politiques de l'époque - c'est de modifier le tracé des délimitations. Nous
5 avons le 15 octobre 1991, une date capitale. On pourrait en choisir une
6 autre, mais c'est là qu'on essaie de modifier le tracé des délimitations
7 des frontières des municipalités au sein de la république.
8 Q. Permettez-moi de vous arrêter quelques instants. Mais qu'est-ce qui
9 s'est passé ce jour-là, le 15 octobre 1991 ?
10 R. En fait, c'est le 14 et le 15 octobre qui sont des dates phares, car
11 l'assemblée des Serbes de Bosnie-Herzégovine adopte ces jours-là une
12 résolution, qui s'appelle la déclaration de la souveraineté. Elle adopte un
13 programme que va respecter l'équipe de négociation de la Bosnie-Herzégovine
14 lorsqu'elle va entrer en négociation avec les Européens. Et c'est à ce
15 moment-là que le SDS perd au fond cette bataille qui lui aurait permis
16 d'imposer un veto sur ce mouvement vers l'indépendance que recherche le
17 HDZ, Croates, et le SDA, parti des Musulmans de Bosnie. Ceci se passe à
18 l'aube du 15 octobre au cours des premières heures de la matinée, et à
19 partir de ce moment-là il semblerait que le SDS
20 planification. Il ne s'agit pas d'un plan unique, mais plutôt d'un
21 processus de planification élargi qui va être jalonné par plusieurs
22 documents et des tactiques qui vont évoluer, qui ne seront pas statiques,
23 mais on peut dire que c'est un processus de planification qui voit le jour
24 au cours de ces premières semaines d'avril 1992.
25 Q. Je pense que nous allons maintenant avoir une séquence qui nous
26 montrera un discours que fait M. Karadzic à cette séance de l'assemblée le
27 15 octobre 1991. C'est le numéro 45005 de la liste 65 ter. Je pense que
28 l'horodatage devrait commencer à 00:07:56:3, et j'espère que mes collègues
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1 interprètes auront reçu la transcription de cette intervention. Je suis
2 sûre qu'ils me diront si ces copies n'ont pas été reçues. Commençons la
3 diffusion.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
6 "Nous avons adopté des conclusions à cette assemblée. Nous allons
7 rendre impossible devant l'opinion publique nationale et internationale --"
8 Mme EDGERTON : [interprétation] Je --
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas reçu l'interprétation.
10 Mme EDGERTON : [interprétation] Je ne sais pas si on a fourni aux cabines
11 la transcription. Je pense que ça avait été fait. Mais peut-être qu'on
12 pourrait nous le faire savoir depuis les cabines.
13 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils ont effectivement reçu des
14 transcriptions, mais qu'apparemment, celle demandée par Mme Edgerton n'a
15 pas été fournie.
16 Mme EDGERTON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le
17 Président.
18 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
19 Mme EDGERTON : [interprétation] Mais ceci vient d'être fourni juste à la
20 dernière minute. Mes excuses auprès de nos collègues interprètes. Nous
21 pourrions peut-être recommencer.
22 L'INTERPRÈTE : La cabine française ne l'a pas reçue.
23 [Diffusion de la cassette vidéo]
24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
25 "Les peuples souverains de la Bosnie-Herzégovine peuvent parler pour
26 eux. Ils ne peuvent pas parler pour d'autres peuples. Nous avons adopté des
27 conclusions. Nous allons vous entraver devant l'opinion publique mondiale
28 et nationale pour ce qui est de ces violences constitutionnelles à l'égard
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1 du peuple serbe. Parce qu'après ces violences-là, il y a toutes les autres
2 violences. On ne nous demande plus notre avis. On l'a dit cent fois, nous
3 ne sommes pas consultés lorsque les peuples musulman et croate sont en
4 question. Et je dirais qu'il n'y aurait aucune façon de stopper les
5 difficultés une fois lancées. Je tiens à adresser un message à la totalité
6 des députés. Messieurs, je vous assure que quand bien même vous adopteriez
7 quelque chose, parce que vous n'avez pas moyens de le faire, nous avons un
8 moyen constitutionnel de vous empêcher de voter. Ce serait une honte pour
9 M. Izetbegovic pour ce qui est de La Haye, parce que nous avons un moyen
10 d'entraver. Ce serait une honte pour ce parlement en Europe et pour les
11 autres peuples de la Yougoslavie et de l'Europe. Et ce serait une honte
12 pour vous, Croates et Musulmans, qui voulez réaliser cette idée. C'est
13 ainsi que vous respectez la souveraineté et l'égalité en droit du peuple
14 serbe en Bosnie-Herzégovine. Donc je vous prie une fois de plus - je ne
15 menace pas - je vous prie de prendre au sérieux l'interprétation de la
16 volonté du peuple serbe qui est représentée ici par le Parti démocratique
17 serbe, le Mouvement du Renouveau serbe et autres partis serbes ici
18 présents. Comprenez bien que ce n'est pas une bonne chose ce que vous
19 faites.
20 C'est une voie que vous voulez faire emprunter à la Bosnie-
21 Herzégovine, c'est l'autoroute de l'enfer et des souffrances qui ont été
22 celles de la Slovénie et de la Croatie. Ne pensez pas que vous n'allez pas
23 entraîner la Bosnie-Herzégovine vers l'enfer et le peuple musulman vers sa
24 disparition peut-être, parce que le peuple musulman ne saura se défendre si
25 une guerre éclate ici. Ce sont des mots lourds. La situation est grave et
26 elle nécessite des propos de ce genre. Comment voulez-vous empêcher que
27 tout un chacun ne tue pas l'autre en Bosnie-Herzégovine ? Comment empêcher
28 la guerre en Croatie, notamment dans les régions frontalières où il y a les
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1 Serbes et les Croates, où il y a deux volontés politiques qui
2 s'entrechoquent et qui n'ont pas été résolvées [phon] d'une façon
3 juridique, qui est la seule bonne façon de procéder.
4 Alors, tant que vous n'aurez pas enlevé la question de l'indépendance
5 de la Bosnie-Herzégovine, je prendrai la parole à chaque fois. C'est mon
6 droit d'adresser des messages au peuple musulman et au peuple croate, parce
7 que vous voulez réaliser quelque chose en Europe, ici, alors que vous
8 n'avez pas le droit de faire chose pareille. Merci."
9 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
10 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci aux interprètes.
11 Q. Monsieur Donia, quel serait votre commentaire suite à ces images et à
12 ce discours ?
13 R. M. Karadzic était jeune, impétueux, énergique, et il s'adressait aux
14 parlementaires de l'assemblée des Serbes de Bosnie-Herzégovine -- en fait,
15 à l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, ce qui est encore une assemblée
16 pluriethnique, et son discours fut long. Vous venez juste de diffuser la
17 dernière partie de ce discours. Et je crois qu'il prenait son élan, il
18 s'est vraiment lancé, il était entraîné dans son discours, et je pense
19 qu'il mettait en garde contre l'adoption de ces deux documents que j'ai
20 mentionnés. Il ne parlait pas de menace, disait-il, mais de prière, et il
21 est passé à une phase où certaines des personnes présentes dans l'auditoire
22 y ont vu une menace. C'est les termes qu'il avait utilisés au cours des
23 semaines précédant cette intervention, dans des conversations
24 téléphoniques, par exemple, avec d'autres dirigeants du SDS
25 dirigeants serbes.
26 Q. Merci. Nous reviendrons à ces conversations que vous venez d'évoquer
27 dans un instant.
28 Mme EDGERTON : [interprétation] Mais je demande maintenant, Monsieur le
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1 Président, le versement de cette séquence vidéo que nous venons de voir.
2 Vous avez vu l'horodatage, je vous avais donné le numéro 07:56:3 jusqu'à
3 10:44:7.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
5 Mme EDGERTON : [interprétation] S'il vous plaît.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez une objection, Monsieur
7 Karadzic ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'ai un complément. Pourquoi ne verse-t-on
9 pas au dossier le discours complet ? Le discours entier, on en aura besoin.
10 Pourquoi ne pas le verser au dossier dans son intégralité ?
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'auriez-vous à dire sur ce point,
13 Madame Edgerton ?
14 Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, ça semble tout à fait logique.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est la longueur de ces deux
16 séquences ? Qu'est-ce qu'elles font en tout ?
17 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
18 Mme EDGERTON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le
19 Président.
20 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
21 Mme EDGERTON : [interprétation] Le commis à l'affaire vient de soulever un
22 point important. S'il y a une différence entre le discours fait par M.
23 Karadzic dans sa totalité et toute la séquence, s'il y a une différence au
24 niveau du temps, peut-être que M. Karadzic pourrait nous dire quelle partie
25 il veut faire verser.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Nous nous en tenons à ce que
27 nous avons comme habitude de faire, à savoir que nous allons verser la
28 partie qui a été diffusée à l'audience, et nous pourrons nous demander s'il
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1 y a une meilleure façon de s'y prendre pour assurer le versement de ces
2 séquences. Pour le moment, nous n'allons verser au dossier que la partie
3 qui a été diffusée à l'audience.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P959, Monsieur le
5 Président.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
7 Mme EDGERTON : [interprétation] Et nous pourrons voir, effectivement, s'il
8 y a d'autres passages sur lesquels nous pourrions nous entendre et qui
9 pourraient aider le procès plus tard.
10 Q. Monsieur Donia, vous parlez des événements de ce jour-là qui ont mis en
11 branle un processus de planification dans le cadre de la stratégie
12 municipale. Mais après cette date-là, quelle est l'étape que vous avez pu
13 cerner ?
14 R. Comme on l'a déjà dit, je crois que ce processus de planification est
15 venu par la suite, on n'a pas commencé avec. Donc ce n'est pas
16 nécessairement ce qui a entamé ce processus, mais il s'en est ensuivi un
17 processus de planification qui a commencé par une réunion du conseil
18 politique du SDS. Il s'est agi d'un groupe de conseillers de l'académie et
19 de hauts responsables du parti. Ils se sont réunis ce même jour au soir, le
20 15 octobre au soir, et il a été en long et large discuté sans qu'il ne soit
21 adopté des conclusions concrètes sur les options qui étaient à portée de
22 main pour ce qui est de la mise en œuvre des plannings du parti.
23 Q. Et après ?
24 R. Après ladite réunion, la direction du parti a décidé d'entreprendre
25 certaines des mesures qui ont été évoquées à l'occasion de la réunion, et
26 ceci, dans un ordre bien déterminé. Tout d'abord, ils ont décidé de créer
27 une assemblée à part, où se retrouveront les membres du SDS
28 partis serbes qui ont été élus au parlement de la Bosnie-Herzégovine à
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1 l'occasion de ces élections de novembre 1990. Ensuite, ils ont décidé qu'il
2 convenait d'organiser un plébiscite sur une question qui, en substance, se
3 résumait à demander : est-ce que vous êtes favorable au fait de rester en
4 Yougoslavie ? Et le plébiscite a été prévu pour début novembre. D'abord,
5 créer une assemblée des Serbes de Bosnie en octobre, ensuite organiser ce
6 plébiscite au mois de novembre. Ainsi, cette assemblée de Serbes de Bosnie
7 a organisé, en réalité, et préparait le plébiscite en question.
8 Après ce dernier, il y a eu d'autres sessions de cette assemblée des
9 Serbes de Bosnie. Leurs décisions tombaient à peu près une fois par mois,
10 c'est une coïncidence, mais au mois de décembre, on a annoncé les
11 préparatifs de mise en œuvre d'une République serbe du peuple serbe de
12 Bosnie-Herzégovine. Et le 8 janvier, il a été décidé de proclamer la
13 création d'un Etat distinct avec le même nom. En février, on a approuvé un
14 projet de constitution. Au mois de mars, il y a eu approbation et
15 promulgation de ladite constitution. Et au mois d'avril, il y a eu
16 déclaration formelle d'une république indépendante.
17 Q. Mais pour revenir à ma question, y a-t-il eu des mesures intermédiaires
18 dans cette stratégie municipale ?
19 R. Au début, cette stratégie municipale a constitué partie intégrante de
20 la totalité des discussions. Bon nombre des dirigeants, comme ils le
21 disaient, souhaitaient intensifier la régionalisation, ce qui, en
22 substance, se résumait à redessiner les frontières municipales. A
23 l'occasion de cette troisième session de l'assemblée des Serbes de Bosnie
24 qui s'est tenue le 11 décembre, les leaders du parti, et pour être concret,
25 M. Krajisnik, qui avait le soutien du Dr Karadzic, a présenté un texte de
26 résolution qui a fait prendre aux choses une direction différente. Ce
27 n'était pas incompatible avec le remodelage des frontières municipales,
28 mais il a obtenu la priorité à l'instant donné puisqu'il a visé à créer des
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1 assemblées municipales serbes distinctes, donc des assemblées municipales
2 constituées de cette population serbe, là où cette population résidait. La
3 résolution a été votée avec un seul vote d'abstention au premier vote, et
4 M. Krajisnik a demandé au délégué qui avait voté contre pourquoi il l'avait
5 fait. Puis il y a eu un débat relatif à la résolution en tant que telle et
6 à ce que cela constituerait comme attitude vis-à-vis du remodelage de ces
7 frontières municipales. Il est devenu évident qu'au sein de l'assemblée il
8 y avait une opposition notable à cette idée de création d'assemblées
9 municipales distinctes de la part des Serbes.
10 Puis la proposition a été amendée pour que le processus se fasse
11 conforme à la volonté des uns et des autres, et il y a eu donc une
12 recommandation de vote par plein gré qui a été votée à l'unanimité. Lorsque
13 tout allait bien, il y a eu, vers la fin de cette session, un ajournement
14 qui a été initié par M. Krajisnik. Un autre chef du parti est venu dans la
15 salle pour faire mettre un terme à la session.
16 La stratégie municipale à cette date du 11 décembre a pris une
17 nouvelle tournure. Cela a été présenté par un jeu d'instructions distribué
18 à l'attention des responsables municipaux du SDS
19 datées du 19 décembre 1991.
20 Q. Peut-être à ce sujet-là pourrait-on nous montrer la pièce 65 ter numéro
21 00224. Je crois que la page de garde pourrait suffire, et ce, dans les
22 versions anglaise et B/C/S.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Entre-temps, Docteur Donia, est-ce que
24 vous pouvez nous dire que c'est bien cela, la résolution du 11, celle à
25 laquelle vous aviez tout à l'heure fait référence en parlant de la décision
26 du mois de décembre ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge. Le document que vous
28 êtes en train de voir n'a pas été diffusé avant le 19, et l'assemblée n'a
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1 pas voté au sujet de ce document, ne s'est pas prononcée.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais lorsque vous avez fait référence à
3 cette décision du mois de décembre, je n'ai pas pu suivre -- mais on y
4 viendra.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
8 Mme EDGERTON : [interprétation]
9 Q. Monsieur Donia, est-ce que vous voyez ces versions anglaise et serbo-
10 croate sur l'écran que vous avez devant vous ?
11 R. Oui.
12 Q. Est-ce que ceci constitue une copie des instructions envoyées à la
13 direction, prodirection [phon] municipale le 19 novembre 1991, ce que vous
14 avez mentionné tout à l'heure ?
15 R. C'est cela.
16 Q. Alors, pourriez-vous expliquer aux Juges quelle est la signification de
17 ce document et est-ce que ceci représentait quoi que ce soit de lié à la
18 stratégie municipale qu'on a évoquée tout à l'heure.
19 R. Au vu de ce document, et lorsque l'on compare ce qui y figure avec la
20 trajectoire sur laquelle s'était placée la direction lors de la tenue de la
21 session du 11 décembre, on peut voir que ces instructions font que les
22 instances principales de l'organisation du peuple serbe sont déplacées vers
23 l'assemblée des Serbes de Bosnie vers le Parti du SDS
24 c'était une instance législative, et maintenant c'est une instance du parti
25 qui s'en occupe. Je ne dirais pas que ça a été fait clandestinement, mais
26 ça a été fait de façon semi-privée. Et nous avons maintenant un déplacement
27 vers une instance publique et législative appartenant à un parti qui va
28 débattre désormais, de toutes ces questions dans les cercles fermés du
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1 parti.
2 Donc on s'attendait à ce que les leaders locaux créent une seule
3 institution, à savoir une assemblée municipale des Serbes de Bosnie.
4 Maintenant, il s'agissait d'organiser deux institutions. D'abord, cette
5 assemblée municipale des Serbes de Bosnie, et aussi une cellule de Crise de
6 ce peuple serbe. Donc on s'attendait à la mise en place d'une institution,
7 et désormais on en aurait deux. Et en sus, les leaders du SDS
8 mission la prise en charge de fonctions militaires conformément aux
9 instructions qui ont été diffusées à leur intention, et l'on y précise de
10 façon détaillée quelles sont les différentes mesures que les représentants
11 officiels des municipalités sont censés prendre.
12 Q. Dans votre rapport de Sarajevo, il est dit au sujet de ce document
13 qu'il s'agit d'un document à variante A et variante B. Est-ce que vous
14 pouvez expliquer la signification de cette description.
15 R. Certes. Dans ce document, on fait la distinction entre celles des
16 municipalités où les Serbes sont en majorité et celles des municipalités où
17 ils ne le sont pas, donc c'est les variantes qui s'appellent A et B. Qui
18 plus est, il s'agissait de poursuivre les activités en deux phases.
19 D'abord, une phase préparatoire et une deuxième phase de mise en œuvre, et
20 d'après ce document, cette phase-là était censée être entamée une fois
21 obtenu un signal confidentiel gardé secret de la part du président du
22 parti.
23 Q. Je vois que ce document, en haut à droite, porte un 93, alors que dans
24 le rapport de Sarajevo, vous citez une copie de ce même document qui porte
25 un numéro, celui de 96. Alors, cette numérotation desdits documents a-t-
26 elle son importance ?
27 R. Bien, les numéros semblent se référer aux municipalités qui ont reçu
28 telle ou telle autre copie. Je me suis servi du numéro 96 pour ce qui est
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1 de la rédaction de mon rapport. Mais il me semble que de nos jours, il y a
2 quelque sept copies dont on peut faire le choix. La copie numéro 96 est
3 celle qu'on a retrouvée dans la municipalité de Trnovo, c'est l'une des
4 municipalités de Sarajevo. Le numéro 93 a été retrouvé dans les bureaux de
5 l'hôtel Holiday Inn, où avait son siège le Parti démocratique serbe.
6 Q. Est-ce que ce document a été mis en œuvre au sein des différentes
7 municipalités ?
8 R. Oui. La réaction liée à la distribution dudit document a varié d'une
9 municipalité à l'autre. Il y a eu également la tenue d'une commission pour
10 la totalité des dix municipalités de la ville de Sarajevo dans les jours
11 qui ont suivi la diffusion dudit document. Dans certaines municipalités,
12 les responsables du SDS ont organisé des réunions dans un délai d'une
13 semaine et ils ont fait en sorte que les différentes instructions qui y
14 figuraient soient diffusées vers les autres membres du parti pour lancer
15 une phase préparatoire. Dans d'autres municipalités, les leaders du SDS
16 n'ont rien fait du tout. Des fois, ça a pris des semaines, voire des mois,
17 avant qu'ils ne fassent quoi que ce soit. Dans certaines municipalités, il
18 y a même eu une résistance non dissimulée pour ce qui est de la mise en
19 œuvre desdites instructions. Dans mon rapport de la vie à Sarajevo, j'ai
20 décrit la situation telle qu'elle s'est présentée à la municipalité Centar,
21 centre de Sarajevo. Le président de ladite municipalité, un dénommé Radomir
22 Bulatovic, a refusé publiquement de mettre en œuvre lesdites instructions
23 jusqu'à ce qu'il lui ait été possible de constater que lesdites
24 institutions ont été créées sans sa participation directe.
25 Q. Je vais vous poser une question de suivi. Est-ce que vous savez si le
26 dénommé Bulatovic a eu à subir des séquelles suite à ce rejet de sa part ?
27 R. Tout à coup, il a constaté que cette création de l'assemblée serbe
28 était une excellente idée et il l'a soutenue en public, et donc il y a eu
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1 un changement de cap de sa part aussitôt après. Donc il n'a eu aucune
2 séquelle néfaste à subir dans les semaines qui ont suivi.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, est-ce que vous pouvez
4 nous dire où dans le rapport de Sarajevo ce document est-il mentionné ?
5 Mme EDGERTON : [interprétation] Notes de bas de page 48 à 51 du rapport
6 Sarajevo, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
8 Mme EDGERTON : [interprétation] C'est moi, Monsieur le Juge. Avant que
9 d'aller de l'avant, peut-être pourrais-je demander le versement au dossier
10 de ce document.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P960, Messieurs les
13 Juges.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pas d'objection.
15 Mme EDGERTON : [interprétation]
16 Q. Docteur Donia, est-ce que la mise en œuvre de ces instructions est
17 devenue à un moment donné quelque chose d'obligatoire ?
18 R. Oui. A l'occasion de la tenue de cette 12e session de l'assemblée en
19 mars 1992, les responsables du parti ont demandé de faire en sorte que les
20 organisations régionales procèdent à la création desdites institutions dans
21 les différentes municipalités, et à cet effet, une résolution s'est vue
22 adoptée à la session de l'assemblée en question.
23 Q. Peut-être pourrions-nous nous pencher sur le 65 ter 00021. Il s'agit
24 d'une transcription de la 12e session de l'assemblée datée du 24 mars 1992.
25 Et s'agissant de la version anglaise, nous avons besoin des pages 22 à 24,
26 à commencer par la page 22; pour ce qui est des pages B/C/S, c'est les
27 pages 39 à 42. Et en attendant qu'on nous la montre, je voudrais vous
28 demander la chose suivante : Docteur Donia, lorsque vous avez fait
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1 référence aux leaders du parti tout à l'heure, qui est-ce que vous aviez à
2 l'esprit ?
3 R. M. Krajisnik et le Dr Karadzic.
4 Q. Merci. Alors, Docteur Donia, est-ce que vous voyez ces extraits du
5 compte rendu de la 12e session de l'assemblée, vous l'avez en versions
6 anglaise et serbo-croate sous les yeux ?
7 R. Oui. J'ai déjà en l'occasion de relire le document, et je l'ai
8 d'ailleurs relu en entier. Et c'était véritablement le compte rendu
9 d'audience de cette 12e session.
10 Q. J'attire votre attention sur le quatrième paragraphe entier qui figure
11 sur cette page, vers la moitié de cette page, phrase trois qui commence par
12 :
13 "Nous avons un fondement légale dans la Loi relative au ministère de
14 l'Intérieur…"
15 R. Et si on voyait un peu qui est-ce qui est en train de parler.
16 Q. Oui, certainement. Revenons un peu en arrière, deux pages en arrière,
17 me semble-t-il. Non, c'était une page en arrière qu'il fallait revenir.
18 C'est bon maintenant.
19 Alors, vous voyez que l'intervenant est indiqué au bas de la page. En
20 version anglaise, c'est la page 21. C'est le Dr Karadzic qui est en train
21 de parler ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci. Revenons vers le passage qui est surligné, le passage que je
24 viens d'indiquer à la page 22. Merci.
25 Docteur Donia, ce passage qui commence par :
26 "Nous avons un fondement à cela dans la Loi relative au ministère de
27 l'Intérieur, et cela nous permettra de créer ce que nous avons l'intention
28 de créer. Il y a des raisons de ce faire dans deux ou trois jours."
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1 Est-ce que c'est l'une des instructions de la part des leaders du
2 parti pour ce qui est de la mise en œuvre des instructions que nous avons
3 déjà évoquées auparavant ?
4 R. Oui, ceci et le reste du paragraphe constituent l'une des demandes dont
5 j'ai parlé tout à l'heure.
6 Q. Passons maintenant à la page 24 de la version anglaise. En réalité, je
7 crois que dans le prétoire électronique c'est plutôt la page 23 qui faut
8 nous montrer. Vers le bas de cette page 23 du prétoire électronique, on
9 peut voir que c'est celui qui préside à la session qui prend la parole. Qui
10 était-ce, Docteur Donia ?
11 R. A l'occasion de cette session, c'était M. Krajisnik.
12 Q. Merci. Passons maintenant à la page d'après, la page 24. Parfait.
13 Est-ce que je peux attirer votre attention, Docteur Donia, sur ce qui
14 se trouve en dessous du premier tiers de la page, après la phrase qui a été
15 surlignée, on y dit :
16 "Le président a expliqué que la totalité des présidentes régions
17 autonomes ont reçu des instructions et doivent avoir tout préparé et
18 organisé. Ceux qui ne l'ont pas fait se doivent de le faire d'ici à
19 vendredi."
20 Est-ce que c'est une autre directive de la part des leaders du parti en sus
21 de celles que vous avez déjà évoquées ?
22 R. Oui, c'est le cas. Je suis revenu vers le calendrier de la tenue de ces
23 réunions et j'ai constaté qu'il s'est passé trois jours entre cette date et
24 vendredi. Pour dire les choses clairement, j'ai utilisé un pluriel en
25 parlant d'institutions. Mais ici la directive se rapporte à la formation ou
26 la création d'assemblées municipales serbes, et non pas à la création de
27 cellules de Crise.
28 Q. Merci.
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1 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que le
2 PV de cette 12e session de l'assemblée soit versé au dossier.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
4 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez dit quelque chose. Je n'ai pas
6 entendu.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois que la pratique est celle d'adopter les
8 PV de la totalité des sessions dans leur intégralité.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce sera le cas.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P961.
11 Mme EDGERTON : [interprétation]
12 Q. Docteur Donia, les instructions dont nous venons de parler, est-ce
13 qu'elles ont été discutées à l'occasion de la tenue des sessions de
14 l'assemblée ultérieures ?
15 R. Oui. A plusieurs occasions plus tard, lorsque la guerre a commencé, et
16 lors de la tenue de ces sessions de l'assemblée des Serbes de Bosnie,
17 plusieurs intervenants ont fait référence aux instructions A et B, et à
18 titre concret, c'est le Dr Karadzic qui l'a fait à deux reprises.
19 Q. Peut-être pourrait-on nous montrer maintenant le 65 ter 00055. Il
20 s'agit de la transcription de ce qui s'est dit à l'occasion de la 50e
21 session de cette assemblée de la Republika Srpska, session qui s'est tenue
22 les 15 et 16 avril 1995. Mes notes me disent que le passage pertinent se
23 trouve en page 316 de la version anglaise et page 278 de la version B/C/S.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La première page dit 34e session.
25 Mme EDGERTON : [interprétation] Je serais très contente de pouvoir y
26 revenir un peu plus tard. On parlera de ladite session juste après la
27 pause. A présent, j'aimerais qu'on aille de l'avant.
28 Q. Nous allons donc procéder ainsi, Docteur Donia. Je vais passer à
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1 un autre sujet et je reviendrai sur cette pièce à conviction un peu plus
2 tard dans la journée d'aujourd'hui. Ce que je veux vous poser comme
3 question c'est la chose suivante : d'après vos souvenirs, quand est-ce
4 qu'il y a eu une première manifestation de la volonté de recourir à la
5 violence par la direction des Serbes de Bosnie contre Sarajevo ou autre ?
6 R. Bien, je ne suis pas tout à fait sûr de pouvoir vous identifier cet
7 instant-là dans le temps. Il y a eu beaucoup de débats au sujet de la
8 violence. Et déjà, dans la campagne électorale, il en a été fait mention.
9 Mais lorsqu'on parle de mention faite à des violences en masse, je crois
10 qu'il y a plusieurs expressions à cet effet qui la laissent entendre à
11 l'occasion donc d'entretiens téléphoniques entre les responsables du SDS
12 début septembre 1991.
13 Q. Mais quel a été le contexte desdites conversations, vous en souvenez-
14 vous ?
15 R. Entre à peu près le 2 et le 9 septembre, il y a eu quatre crises qui se
16 sont succédé l'une à l'autre, et ce, dans des régions frontalières de la
17 Bosnie. Cela a attiré l'attention des responsables du SDS
18 crise la plus marquée, qui a donné lieu à certaines de ces déclarations,
19 avait été la mise en détention de M. Milan Martic qui, à l'époque, était
20 ministre de l'Intérieur de la République de la Krajina serbe en Croatie. Il
21 était en train de traverser un pont, et il a été retenu là-bas par une
22 patrouille de la police. Celle-ci l'a emmené vers un poste de police dans
23 un petit village appelé Otoka, et la population s'était rassemblée autour
24 du poste de police en question, et c'étaient surtout des gens du cru qui
25 étaient des Musulmans. Et la situation s'est développée de façon dangereuse
26 pour devenir véritablement trouble. Et dans les heures qui ont suivi, le Dr
27 Karadzic a essayé de mobiliser l'armée populaire yougoslave qui était
28 censée venir à son secours. Il a également demandé à Milan Babic, qui se
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1 trouvait être à la tête de la République de la Krajina serbe, pour demander
2 de mobiliser ses effectifs afin que ces derniers soient prêts à une
3 excursion vers la Bosnie pour le sauver.
4 L'épisode a pris fin lorsqu'un représentant officiel haut placé de la
5 police de Sarajevo, Avdo Hebib, est arrivé sur les lieux, et la police,
6 sous son commandement, a créé une espèce de cordon pour le faire sortir de
7 la prison et l'escorter vers les abords de la ville. Ensuite, M. Martic a
8 été transporté vers un bâtiment de l'armée populaire yougoslave, non loin
9 de là.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, excusez-moi.
11 Docteur, pour être tout à fait clair, quand vous parlez de conversations
12 téléphoniques, est-ce que vous parlez de conversations téléphoniques
13 interceptées ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est cela.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous êtes en train de témoigner à
16 partir de conversations mises sur écoute, ou est-ce que ce sont là des
17 conversations que vous auriez eu à connaître en écoutant des mises sur
18 écoute ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en partie, Monsieur le Président. La
20 presse périodique a beaucoup fait couler d'encre. Il y a eu des reporters
21 du journal "Glas" de Banja Luka, du journal "Oslobodjenje" qui ont écrit
22 des articles, et il y a eu d'autres publications aussi à en avoir parlé.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
24 Mme EDGERTON : [interprétation]
25 Q. Bien, pour vous poser une question suivante, qui fait suite d'ailleurs
26 à la question que vous venez d'évoquer car, Monsieur le Président, je me
27 rappelle qu'hier M. Donia a défini quatre critères permettant de choisir
28 les sources de ces articles. Donc Monsieur Donia, je me demandais s'il ne
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1 serait pas bon que vous expliquiez comment ces conversations interceptées
2 dont vous venez de parler pouvaient correspondre à ces critères pour
3 inclusion dans votre rapport.
4 R. Bien, de mon point de vue, si j'examine la véracité de ces écoutes, ce
5 qui m'intéressait au premier chef c'était de vérifier les diverses
6 informations qui figuraient dans ces écoutes en les comparant à d'autres
7 événements et à la façon dont ces autres événements étaient repris dans la
8 presse ou dans d'autres sources documentaires. L'incident particulier dont
9 nous venons de parler permettait de vérifier la véracité de l'événement de
10 façon tout à fait extraordinaire, et a donc apporté une confirmation d'un
11 récit singulier, car très peu de détails différaient entre les différents
12 récits faits de cet événement. Pas seulement entre les articles de la
13 presse et les écoutes téléphoniques, mais également entre les articles des
14 différents journaux qui avaient des orientations politiques différentes.
15 Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais, si vous me le permettez,
16 diffuser une écoute téléphonique de cette période qui constitue le document
17 65 ter numéro 30214, datant du 9 septembre 1991. Et j'espère que mes
18 collègues des cabines ont reçu une transcription de la bande audio.
19 [Diffusion d'une cassette audio]
20 Mme EDGERTON : [interprétation] Apparemment, les choses ne fonctionnent pas
21 bien, car je n'entends pas les interprètes. Monsieur Reid, peut-être
22 pouvez-vous nous apporter votre aide. C'est peut-être un problème
23 technique, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, si cela vous convient, nous
25 pourrions faire la pause maintenant.
26 Mme EDGERTON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. 25 minutes de pause.
28 --- L'audience est suspendue à 15 heures 20.
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1 --- L'audience est reprise à 15 heures 47.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'espère que les problèmes techniques
3 sont désormais résolus.
4 Mme EDGERTON : [interprétation] J'espère que oui. Mais si ça ne marche
5 toujours pas, nous avons un autre moyen. Essayons d'écouter une
6 conversation interceptée le 9 septembre 1991. Les intervenants sont M.
7 Karadzic et Malko Koroman.
8 Q. Je vous demande tout d'abord si vous connaissez ce monsieur qui
9 répond au nom de monsieur Malco Koroman.
10 R. A ce moment-là, M. Koroman était chef de la police de la municipalité
11 de Pale.
12 Q. Merci.
13 Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-on essayer de voir ou d'entendre cette
14 conversation interceptée.
15 [Diffusion de la cassette audio]
16 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
17 "Bonjour, bonjour. Ça va ?
18 Karadzic : Merci.
19 Je m'excuse de ne pas t'avoir appelé à ce numéro, je ne l'ai pas fait
20 jusqu'à présent, mais la situation m'y force.
21 Dis-moi.
22 Bien, j'ai entendu dire ce matin que Matic [comme interprété] avait
23 été arrêté là bloqué là à Otoka.
24 Oui.
25 J'aimerais savoir ce qui a été fait à ce propos. J'ai parlé à Banja Luka
26 Oui.
27 Et Zupljanin ?
28 Oui. Et il dit qu'il a été bloqué par les gens à Otoka.
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1 Oui, exactement. Mais ça ne peut pas se faire sans l'instruction de
2 quelqu'un --
3 Oui, l'instruction du SDA.
4 Oui.
5 Et nous avons toute la nuit. Nous avons été en contact avec…
6 Est-ce que tu a parlé à Cengic ?
7 Non pas encore [comme interprété].
8 Il n'est pas allé, pas encore.
9 Tu connais Zepinic, il n'ira pas. Ce matin, tu sais ce qui a été fait
10 par le Ministère, Avdo Hebib est monté dans la voiture vers 8 heures.
11 Ils sont dans la voiture.
12 Oui, oui.
13 Koroman : Et toi, tu dois le dire carrément à Cengic, et lui dire que
14 si Martic n'est pas libéré, il va avoir toute la région de Romanija au-
15 dessus de Sarajevo ce soir.
16 Oui, oui.
17 Koroman : C'est mon avis personnel. J'ai parlé au gars du Romanija et
18 notre attitude ne va pas changer.
19 Karadzic : Oui, mais je lui ait dit, et ils ont dit qu'ils allaient y
20 aller, et moi, je dis que Zepinic allait y aller, je vais l'appeler.
21 D'accord.
22 Koroman : Radovan, je vais appeler, il a parlé à Kadijevic. Koroman
23 : Est-ce que vous pourriez être en contact ?
24 Oui, oui. Et je ne sais pas exactement ce qui va se passer.
25 Oui, mais si les gens commencent à faire des bêtises.
26 Koroman : Dis carrément à Cengic.
27 D'accord.
28 Koroman : Mais le fait qu'Abdo Hebib circule dans la voiture et est
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1 d'accord pour faire tout ceci.
2 Radovan Karadzic : Oui.
3 Koroman : Oui, mais ne le laisse pas faire.
4 Oui, on reste en contact. Tu as des gens qui sont prêts, et pas seulement
5 toi, mais tout la Krajina le sera, et nous allons les envoyer se faire
6 foutre si c'est nécessaire. Est-ce que tu peux appeler ce numéro, où bien…
7 Koroman : Salut. Bye.
8 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
9 Mme EDGERTON : [interprétation]
10 Q. Quel serait votre commentaire après avoir entendu cette conversation
11 interceptée, Monsieur Donia ?
12 R. D'après ce qu'a dit la presse, M. Hebib est arrivé en hélicoptère. Il
13 semblerait que dans cette conversation, c'est dans les toutes premières
14 heures de la journée, et il se peut qu'à ce moment-là les deux
15 intervenants, Koroman et Karadzic, n'avaient pas cette information, parce
16 qu'ils n'étaient pas arrivés en voiture. M. Karadzic a fait une
17 supposition, il s'est dit que ce rassemblement autour du poste de police
18 d'Otoka avait été l'œuvre du SDA. Je ne sais pas si ce fut le cas ou pas.
19 C'était un peu voir quelle était la double casquette de M. Izetbegovic,
20 président du SDA, président de la présidence. Et ici, il envoie sur place
21 un policier professionnel plutôt qu'un chef politique. Et il a estimé que
22 c'était une affaire de police ici plutôt qu'une affaire politique, affaire
23 qui a d'ailleurs trouvé une solution en faisant intervenir des policiers à
24 Bosanska Krupa pour que M. Martic puisse quitter ce petit poste de police,
25 les policiers l'escortant en lançant aussi des gaz lacrymogènes et sous une
26 pluie de pierres.
27 Dans cette conversation avec M. Koroman, l'idée c'était que M. Koroman
28 allait se servir de la population se trouvant dans la montagne environnant
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1 Sarajevo, la région de la Romanija pour menacer la partie musulmane par des
2 actes spectaculaires, des actions physiques, si M. Martic n'était pas
3 aussitôt relâché. Je pense que l'élément essentiel dans cette conversation
4 est si Koroman appelle M. Karadzic, c'est pour lui dire qu'il est prêt à
5 appeler ses hommes pour qu'ils agissent si M. Karadzic en donne l'ordre.
6 Q. Parlons de la chronologie de ces écoutes téléphoniques de septembre
7 1991. A cet égard, vous avez dit dans votre rapport relatif à Sarajevo,
8 dans les notes en bas de page 187, 188 et 189, où est-ce que vous placeriez
9 ces écoutes téléphoniques dans le rapport ?
10 R. Je suis désolé, mais je ne crois pas que j'ai le rapport sous les yeux.
11 Peut-être serait-il bon qu'on me le remette pour que je l'examine quelques
12 instants.
13 Q. Nous pouvons vous le faire remettre, et je vous l'indique aux citations
14 suivantes : note en bas de page 187, c'est une écoute téléphonique d'une
15 conversation entre Karadzic et Babic en date du 9 septembre 1991; la note
16 188 est une écoute téléphonique entre Karadzic et un certain Gojko Djogo du
17 12 octobre 1991; et la note 189 est la même écoute téléphonique
18 correspondant donc à la même date.
19 R. Merci.
20 Cette conversation est reprise dans la note en bas 179, donc à une
21 date antérieure à celle des trois écoutes que vous venez d'évoquer.
22 Q. Je vous remercie.
23 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
24 sans perdre de vue les consignes données par la Chambre au sujet des
25 écoutes téléphoniques, je ne demande donc pas le versement au dossier de
26 ces écoutes pour le moment.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. A moins que la
28 Défense en souhaite le versement.
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1 Mais pour le moment, veuillez procéder.
2 Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais toutefois, Monsieur le
3 Président, que ces écoutes soient enregistrées aux fins d'identification,
4 si la chose est possible.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira donc de la pièce MFI P962.
8 Mme EDGERTON : [interprétation]
9 Q. Passons maintenant à un autre sujet qui concerne plus directement
10 Sarajevo, Monsieur Donia. Voici la question que j'aimerais vous poser : la
11 stratégie établie au niveau municipal a-t-elle été mise en œuvre dans le
12 secteur de Sarajevo ?
13 R. Oui, dans le cadre de ce que j'ai baptisé dans mon rapport les
14 démarches occidentales. Donc les six municipalités situées à l'ouest de
15 Sarajevo ont été soumises à cette stratégie municipale dans ces deux
16 composantes principales, à savoir l'application des consignes A et B et
17 nouveau tracé des frontières municipales. Ceci a probablement été fait de
18 façon plus détaillée que dans quelque autre région de Bosnie.
19 Q. Mais comment se fait-il que cela ait été le cas et comment cela a-t-il
20 été fait ?
21 R. Cela s'est fait d'abord en créant des assemblées municipales serbes
22 dans plusieurs municipalités. Cela s'est fait par la création des cellules
23 de Crise. Puis cela s'est fait par un tracé complètement nouveau des
24 frontières municipales dans la partie occidentale de la ville, de sorte que
25 le plan de la ville tel qu'il était à la fin de 1991 était absolument
26 méconnaissable à la fin de mars ou, disons, avril 1992. La différence entre
27 les deux était importante.
28 Puis autre façon de mettre en œuvre cette stratégie municipale, elle
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1 est passée par le fait qu'un certain nombre de dirigeants municipaux
2 importants du SDS se sont vu octroyer des fonctions militaires, autrement
3 dit des commandements militaires. Donc dans les premiers mois de la guerre,
4 ces dirigeants se sont fait connaître comme des commandants militaires
5 importants dans des zones de responsabilité importantes, à la tête de
6 certaines unités qui leur rendaient compte.
7 Q. Peut-être pourrions-nous maintenant donner quelques exemples de
8 l'application de cette stratégie dont vous venez de parler. A cet égard, je
9 demande l'affichage du document 65 ter numéro 01447, qui est un article
10 datant de novembre 1994, article publié dans un magasine d'information du
11 ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska, qui publie une interview
12 de Malko Koroman. Merci pour l'affichage du document.
13 Monsieur Donia, dans votre déposition d'aujourd'hui, je vous demande si
14 vous pouvez nous dire si vous aviez déjà vu ce document ?
15 R. Oui.
16 Q. Je demanderais maintenant que l'on affiche la page 2 de ce document
17 grâce au prétoire électronique. C'est le milieu de la page qui m'intéresse.
18 Et dans la version B/C/S, ceci correspond à la page 3, deuxième paragraphe
19 de la colonne de gauche. J'appellerais votre attention dans la version
20 anglaise de ce texte au deuxième paragraphe entier qui suit le paragraphe
21 en caractères gras. Je cite :
22 "Tous les membres de l'ancien MUP savaient ce qu'il en était à Pale. Ils
23 savaient que nous n'autorisions personne à se promener dans les environs de
24 Pale à notre insu. En septembre 1991, nous avons déménagé les frontières de
25 la municipalité de Pale à Lapisnica, c'est-à-dire plus précisément à Brus,
26 sur le mont Trebevic, de façon à protéger tous les lieux serbes et la
27 population qui résidait sur notre territoire."
28 Monsieur Donia, est-ce que ceci est un exemple des différents modes
Page 3126
1 d'application dont vous venez de parler, en particulier eu égard au fait
2 que les frontières municipales ont été redessinées ?
3 R. Non, ceci n'est pas précisément l'exemple que j'avais à l'esprit. Il
4 s'agit ici de la définition d'une frontière qui devait être protégée ou
5 gardée par les forces de police de cette municipalité. Cela ne constitue
6 pas une nouvelle définition des frontières municipales, car la municipalité
7 était régie par l'assemblée municipale serbe. Il s'agit ici d'un tracé de
8 frontières qui est très proche de l'exemple dont vous parlez, mais ce n'est
9 pas tout à fait la même chose.
10 Q. Est-ce que Malko Koroman est bien celui qui est interviewé dans cet
11 article et est-ce que c'est le même que celui qui a été identifié dans
12 l'écoute téléphonique que nous venons d'écouter ?
13 R. Oui.
14 Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement au dossier,
15 Monsieur le Président, de ce document.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'il n'y a pas d'objection, il est
17 admis.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P963, Monsieur le
19 Président.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
21 Mme EDGERTON : [interprétation]
22 Q. S'agissant de la déconstruction des municipalités, je demande
23 l'affichage du document 65 ter numéro 21361. C'est un article intitulé,
24 "Les Serbes font leurs adieux à Sarajevo." Il s'agit d'un article paru dans
25 "Oslobodjenje" en date du 25 décembre 1991.
26 Q. Monsieur Donia, avez-vous eu l'occasion d'examiner le document qui se
27 trouve devant vous sur l'écran durant la préparation de votre déposition ?
28 R. Oui. C'est un article tiré du journal "Oslobodjenje" de Sarajevo, qui
Page 3127
1 était un quotidien distribué dans toute la région de Sarajevo.
2 Q. Pourriez-vous situer plus précisément la discussion dont il est
3 question dans ce document, à savoir le débat relatif à la décision de
4 séparer la municipalité d'Ilijas de la ville de
5 Sarajevo ? Pourriez-vous nous en donner le contexte ?
6 R. Bien, cet article date de quelques jours à peine après la distribution
7 des consignes A et B et concerne pour partie l'application de ces
8 consignes. J'ajouterais simplement que le nouveau conseil municipal
9 d'Ilijas a choisi, comme indiqué dans cet article, de quitter la ville de
10 Sarajevo puisque c'était une des dix municipalités de la ville, et plutôt
11 que de rejoindre la Région autonome de Romanija, qui était le remplacement
12 nouvellement créé par les Serbes de la ville de Sarajevo, cette
13 municipalité s'est donc créée sur les pentes de la montagne, dont le nom
14 est cité dans l'article, qui se trouve au voisinage de la ville.
15 Q. Est-ce qu'une autre municipalité de Sarajevo a pris des mesures
16 comparables avant celle-ci ?
17 R. La municipalité de Pale avait pris la même mesure à la fin du mois
18 d'avril 1991, autrement dit huit mois avant cette municipalité-ci.
19 Q. Je vous remercie.
20 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que
21 ce document devienne la prochaine pièce à conviction.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P964, Monsieur le
24 Président, Messieurs les Juges.
25 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. J'aimerais maintenant que l'on
26 affiche sur les écrans le document 65 ter numéro 30595.
27 Q. Il s'agit de la transcription d'une écoute téléphonique à laquelle
28 participaient un certain Prodanovic et un certain Jovan Tintor, dont vous
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1 faites état dans votre rapport relatif à Sarajevo en note en bas de page
2 numéro 53. Reconnaissez-vous le document qui est affiché à l'écran devant
3 vous, Monsieur Donia ?
4 R. Je ne crois pas que ceci se trouve à la note en bas de page 53 de mon
5 rapport. Mais je reconnais l'écoute téléphonique que je vois à l'écran en
6 ce moment, oui.
7 Q. Avez-vous eu la possibilité de relire ce texte durant la préparation de
8 votre déposition ?
9 R. Oui.
10 Q. Je demanderais à présent l'affichage de la page 5 de la traduction de
11 cette écoute en anglais grâce au prétoire électronique, qui correspond à la
12 page 7 de la version B/C/S, dont je demande également l'affichage. Dans la
13 page 5 en anglais du prétoire électronique, au-dessus du très long
14 paragraphe que l'on voit dans cette page, on constate que Prodanovic, qui
15 est l'interlocuteur de Tintor, pose des questions au sujet de sa maison
16 sise à Donja Visoko [comme interprété], et dit :
17 "Elle fait partie de la Région autonome serbe de Romanija. Tout ce qui va
18 de Vrelo Bosne à Visoko, mon frère, tout cela sera interconnecté et
19 incorporé à la Romanija. Bien entendu, de nouvelles municipalités seront
20 créées. Une nouvelle municipalité est déjà en train de voir le jour, c'est
21 celle de Rajlovac, qui inclura Zabrdje et tout le secteur qui va jusqu'à
22 Vrelo Bosne, et jusqu'ici, jusqu'à la Vogosca serbe."
23 J'ai quelques questions à vous poser sur ce passage. Connaissez-vous M.
24 Tintor ?
25 R. Oui, M. Tintor était un dirigeant important du SDS
26 de Vogosca, et je crois savoir qu'il a obtenu un poste au sein du
27 gouvernement de la Republika Srpska également par la suite.
28 Q. Pourriez-vous commenter l'expansion du territoire couvert par Tintor
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1 dans sa réponse à son interlocuteur, et en particulier le fait que ce
2 secteur inclura Zabrdje et tout ce qui va jusqu'à Vrelo Bosne jusqu'à la
3 Vogosca serbe ?
4 R. Bien, je suis sûr que cela ne peut rien signifier en l'absence d'un
5 plan, mais Vrelo Bosne signifie la source de la rivière Bosna. C'est un
6 parc d'agréments qui était situé dans la municipalité d'Ilidza. Et sur le
7 plan que nous regardions hier, ce parc se trouvait à l'extrême gauche du
8 plan. Le territoire dont il est fait mention ici s'étendait au nord et à
9 l'est et couvrait une zone importante qui passait par Rajlovac, un hameau
10 situé au nord d'Ilidza, qui est devenu une municipalité distincte en 1992,
11 pour aller jusqu'à Vogosca, qui est une ville située au nord du centre-
12 ville de Sarajevo et qui constituait l'une des dix municipalités de la
13 ville. Donc cet homme parle ici de la création d'une nouvelle municipalité
14 dans un contexte particulier, à savoir dans le cadre de la mise en place
15 d'une zone territoriale continue et vaste dans laquelle les Serbes
16 constituaient la population majoritaire.
17 Q. Je vous remercie. Je cherchais à connaître le numéro de cette carte,
18 car elle pourra nous aider lorsque nous parlerons du prochain document.
19 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
20 je demanderais l'enregistrement aux fins d'identification de cette écoute
21 téléphonique, je vous prie.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, cette écoute sera enregistrée aux
23 fins d'identification.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P965, enregistrée sous
25 une cote MFI, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas l'enregistrement audio
27 correspondant à ce document, n'est-ce pas, Madame ?
28 Mme EDGERTON : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
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1 J'aimerais maintenant que l'on affiche sur les écrans la transcription
2 d'une autre écoute téléphonique d'une conversation à laquelle participaient
3 le Dr Karadzic et un certain M. Grkovic en date du 22 février 1992. Il
4 s'agit du document 65 ter numéro 30611. 30611. Nous avons également un
5 enregistrement audio de cette écoute téléphonique, mais nous n'en demandons
6 pas la diffusion pour le moment.
7 Q. Monsieur Donia, voyez-vous le texte original qui constitue la
8 transcription des propos tenus pendant cette conversation interceptée. Est-
9 ce que vous voyez ce texte devant vous sur l'écran ainsi que la traduction
10 anglaise qui apparaît à l'instant ?
11 R. Oui.
12 Q. Avez-vous eu la possibilité de relire ce document pendant que vous
13 prépariez votre déposition ici aujourd'hui ?
14 R. Oui.
15 Q. L'écoute téléphonique dont nous venons de discuter, cette conversation
16 à laquelle participait M. Tintor, qui a parlé de la création de la
17 municipalité de Rajlovac, et cette écoute-ci, aux deux-tiers de la page à
18 peu près -- peut-on faire défiler la page vers le bas. Merci. Donc dans
19 cette écoute-ci, nous voyons que Ljubo Grkovic indique à son interlocuteur,
20 M. Bagic [comme interprété], qu'il vient d'arriver d'une autre localité, et
21 il dit :
22 "Nous venons de créer là-bas une municipalité…" Puis un peu plus loin, il
23 ajoute :
24 "Elle aura pour nom Rajlovac et elle englobera Reljevo et tout le
25 territoire qui va jusqu'à Vogosca et Ilijas et aussi le territoire qui
26 s'étend jusqu'à Osijek et jusqu'à l'émetteur de télévision."
27 Vous voyez ce passage ?
28 R. Oui.
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1 Q. J'aimerais vous renvoyer maintenant au plan que vous avez vu hier, la
2 pièce P815. J'en demande l'affichage. Parce que, Monsieur Donia, peut-être
3 pourriez-vous commenter cet agrandissement du territoire dont il est
4 question dans ces deux écoutes téléphoniques.
5 R. Ces deux écoutes téléphoniques portent sur la création de la
6 municipalité de Rajlovac, municipalité qui a été découpée pour constituer
7 une municipalité distincte à partir de la municipalité anciennement
8 existante qui était celle de Novi Grad. Et elle se situe, comme déjà
9 indiqué, un peu plus haut que le centre du plan, légèrement sur la gauche.
10 Et on voit ici que la municipalité de Novi Grad constituait et recouvrait
11 un territoire assez vaste dans la partie occidentale de la ville et qu'elle
12 s'étendait au nord et au sud des voies de communications principales.
13 Alors, la nouvelle municipalité de Rajlovac a tiré son nom d'une localité
14 qui en faisait partie. Est-ce qu'il faut que j'annote à nouveau le plan que
15 j'ai actuellement sous les yeux ?
16 Q. Je vous invite à le faire, selon l'expérience que vous avez déjà
17 acquise hier.
18 R. D'accord. Rajlovac se trouve ici --
19 Q. Pourriez-vous tracer un cercle de couleur bleu à gauche des mots "Novi
20 Grad."
21 R. Oui. Et Rajlovac, dans les premières années du socialisme, était une
22 municipalité distincte, et c'est également dans cette zone que se
23 trouvaient un terrain d'atterrissage aérien et une école destinée à former
24 les forces aériennes, qui était à l'époque dirigée par l'armée populaire
25 yougoslave. Cette nouvelle municipalité de Rajlovac recouvrait également
26 Zabrdje, qui abrite la maison familiale de M. Krajisnik. Cela se trouve un
27 peu plus au nord par rapport au cercle que je viens de tracer, juste avant
28 la grand-route, à peu près ici. Mais tout cela c'est à peu près.
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1 Donc Rajlovac est devenue une nouvelle municipalité sur ce plan des
2 faubourgs occidentaux de la ville, habitée par des Serbes, et c'était donc
3 un secteur d'une très grande importance qui abritait de nombreux hameaux
4 ainsi qu'une partie des pentes de la colline surplombant les mots "Novi
5 Grad" sur le plan, au nord et à l'est de cette colline.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Donia, auriez-vous l'amabilité
7 d'inscrire les initiales R et Z à ces deux endroits pour identification à
8 venir.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Voyons. R ici, et Zabrdje.
10 D'accord. Très bien. Merci, Monsieur le Président.
11 Mme EDGERTON : [interprétation]
12 Q. Merci, Monsieur Donia. Je me demandais, même s'il est peut-être
13 difficile de le voir étant donné la taille du plan sur l'écran, si vous
14 étiez en mesure d'indiquer approximativement sur ce plan où se trouvait la
15 station de télévision, de façon à ce que les Juges puissent se faire une
16 idée des distances, et donc de l'étendue approximative du territoire qui
17 composait cette nouvelle municipalité.
18 R. Voyons. Je dirais que la station de télévision se trouvait ici, un peu
19 plus près de la route que la voie ferrée, mais en tout cas, à peu près ici.
20 Et ce qu'on appelait station de télévision était, en fait, un bâtiment en
21 béton de grande taille, dont l'architecture n'était pas très appréciée mais
22 qui était connue de chacun à Sarajevo, et qui constituait donc un bâtiment
23 permettant de reconnaître les faubourgs occidentaux de la ville.
24 Q. Donc à partir de cette série de documents relatifs à Ilijas, Vogosca et
25 Rajlovac, d'après vous, quelle était la nouvelle configuration des
26 frontières municipales dans les faubourgs occidentaux de la ville ?
27 R. Bien, les nouvelles frontières municipales, telles qu'elles ont été
28 finalement déterminées au début du mois d'avril 1992, ont eu pour résultat
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1 que les municipalités en question longeaient les voies de communications,
2 la grande artère allant de l'est à l'ouest, plutôt que la voie de
3 communications perpendiculaire, comme c'était le cas dans la structure
4 municipale antérieure. Donc ce qui a été fait en éliminant Novi Grad et en
5 créant la municipalité de Rajlovac au nord de la route dans la totalité de
6 son territoire, c'est que Novi Grad, qui se trouvait au sud de la route -
7 je ne sais pas vraiment comment le montrer sur ce plan - mais en tout cas,
8 en intégrant Novi Grad dans Novo Sarajevo, on y a intégré également Ilidza.
9 Et on a abouti à cette nouvelle structure avec Dobrinja, qui fait partie
10 intégrante de la municipalité d'Ilidza.
11 Q. Je vous remercie. Peut-être pourrais-je vous demander, comme vous
12 l'avez fait tout à l'heure en inscrivant les initiales R et Z, d'inscrire
13 maintenant sur ce plan les initiales R, Z et T, pour indiquer la station de
14 télévision, puis de montrer dans quelle direction se trouvait Dobrinja à
15 l'aide d'une flèche et de l'initiale D, et puis d'inscrire NO pour Novo
16 Sarajevo, et une initiale pour Ilidza.
17 Est-ce que cela peut se faire, Monsieur Donia ?
18 R. Bien, Ilidza est déjà annotée sur le plan, si je ne me trompe. Ce dont
19 il était question ici c'était de modifier le tracé des frontières d'Ilidza,
20 ce qui s'est fait à la mi-avril.
21 Q. Donc s'agissant du nouveau tracé des frontières municipales, est-ce que
22 vous considérez que la logique qui a sous-tendu cette action était une
23 logique destinée à créer de nouvelles relations entre certains secteurs
24 territoriaux ?
25 R. Bien, cela déplaçait les structures municipales des grandes voies de
26 communications et permettait de créer des municipalités qui reposaient sur
27 une base démographique pour l'essentiel, qui abritaient, autrement dit un
28 nombre de Serbes important en laissant les quartiers musulmans au nombre de
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1 deux -- en fait, je veux parler des quartiers majoritairement peuplés par
2 des Musulmans, autrement dit Sokolovic, Kolonija et Sokolija [phon], sous
3 forme d'enclaves dans ces nouvelles municipalités.
4 Q. Etait-ce un processus pacifique ?
5 R. Bien, le fait de tracer des frontières n'est pas un acte violent. Il
6 permet simplement d'établir de nouvelles juridictions qui mettaient en
7 cause la direction gouvernementale de la ville de Sarajevo et des
8 municipalités existant à cette époque-là.
9 Q. Dans votre déposition, vous avez déjà évoqué les dirigeants civils qui
10 se sont vus octroyer des fonctions militaires dans le cadre de
11 l'application de cette stratégie au niveau municipal. Mais quel était le
12 rôle de ces dirigeants ? Qu'ont-ils fait dans le cadre de l'application de
13 leurs fonctions ?
14 R. Bien, comme je l'ai déjà dit, ils sont devenus commandants d'unité et
15 ont emmené les populations vivant dans les municipalités dont ils avaient
16 la charge à établir le siège de Sarajevo et à relier les frontières de la
17 zone assiégée à d'autres municipalités en déterminant, par conséquent, sur
18 le plan territorial des zones qui devaient être sous contrôle serbe.
19 Q. Est-ce que ce processus a été pacifique ?
20 R. Cette partie du processus n'a pas été pacifique.
21 Mme EDGERTON : [interprétation] Avant de passer à un autre sujet, Monsieur
22 le Président, pour revenir à l'écoute téléphonique constituant le document
23 65 ter numéro 30611, écoute d'une conversation à laquelle participait le Dr
24 Karadzic et M. Grkovic, j'aimerais que ce document soit enregistré aux fins
25 d'identification.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez conserver les
27 annotations qui ont été faites sur le plan ?
28 Mme EDGERTON : [interprétation] Absolument. C'est ce que je voulais
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1 demander par la suite, mais si nous pouvons faire les deux en même temps,
2 je vous en prie, que cela soit fait. J'aimerais que le plan annoté par M.
3 Donia devienne la pièce suivante de l'Accusation.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P966, Monsieur le
6 Président.
7 Mme EDGERTON : [interprétation] Et l'écoute téléphonique.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est bien cette écoute-ci ?
9 Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
11 Juges, ce document constituera la pièce P967, enregistrée aux fins
12 d'identification sous une cote MFI
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
14 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.
15 Q. Puisque nous sommes en train de parler de ces dirigeants civils qui ont
16 pris le commandement de certaines unités et qui ont poussé les habitants de
17 leurs municipalités à établir les lignes de siège, j'aimerais maintenant
18 que l'on diffuse une séquence vidéo qui constitue le document 65 ter numéro
19 45111. C'est une interview de Jovan Tintor par Risto Djogo en date de 1994.
20 Avant de commencer la diffusion de cette vidéo, peut-être pourrais-je vous
21 demander, Monsieur Donia, si vous connaissiez ce Risto Djogo ?
22 R. C'était un journaliste qui a pratiqué de nombreuses interviews pour la
23 télévision serbe de Pale, si je ne me trompe.
24 Q. Merci. Je demande la diffusion de cette vidéo, et ce sera la dernière
25 durant l'audience d'aujourd'hui.
26 [Diffusion de la cassette vidéo]
27 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
28 "Monsieur Tintor, bienvenu dans notre émission. On ne vous a pas vu dans
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1 les médias, mais vous êtes membre du SDS
2 que nous vous ayons trouvé.
3 Je suis depuis le premier jour membre du SDS
4 SDS, en fait, ici même à Pale. C'est moi qui ai fait commencer tout ce qui
5 a commencé. Quand nous avons décidé de créer notre parti, nous sommes venus
6 à Pale et nous avons été à l'initiative de ce document de 21 articles. Nous
7 nous sommes mis d'accord de préparer une nouvelle assemblée pour la
8 création du SDS de Bosnie-Herzégovine à cette époque, et nous avons décidé
9 de le faire précisément ici à Pale.
10 Mais qu'est-ce qui vous a emmené à faire de la politique ? Vous étiez
11 connu comme homme d'affaires et comme entrepreneur qui faisait de l'argent
12 et qui ne se mêlait pas de politique.
13 Voyez-vous, je ne me suis pas occupé de politique, mais je ne n'étais pas
14 apolitique à cette époque-là. Lorsque les Musulmans avaient déjà créé leur
15 parti, les Croates créaient leur parti aussi. Les choses sont très simples.
16 J'ai décidé qu'il fallait faire quelque chose en faveur du peuple serbe. Et
17 puisque je fais partie de ce peuple serbe, je suis Serbe et pas seulement
18 Serbe sur ordre, de ma propre décision, je suis un Serbe, et j'ai considéré
19 qu'il fallait que quelque chose se fasse pour les Serbes. Sur proposition
20 du président Karadzic, nous sommes venus ici à Pale et nous sommes convenus
21 de créer notre parti. Et ma prise de position a été aidée par le peuple
22 serbe dans la mesure où je pouvais mettre mes capacités à sa disposition.
23 Cependant, je n'ai pas décidé de m'occuper de politique. Ce n'était pas ma
24 motivation principale. Et il faut que vous sachiez, je peux vous le dire
25 tout de suite, que ce que je voulais c'était apporter mon aide dans la
26 mesure de mes moyens et mettre à disposition le peu que je savais et le peu
27 que je connaissais. Mais nous nous sommes préparés, comme vous le savez,
28 parfaitement bien. Au moment où nous avons créé notre parti, nous nous
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1 sommes préparés à proposer des candidats pour la présidence du SDS, et nous
2 avons choisi Nenad Kecmanovic à cette époque-là, qui était un représentant
3 politique déjà à l'époque. Ni le président Radovan Karadzic ni d'autres
4 n'étaient des hommes politiques à l'époque. C'est très simple. Nous avons
5 essayé d'organiser la population de façon à aider notre peuple et à donner
6 la direction à des hommes qui étaient des représentants politiques
7 aguerris, et qui s'occupaient déjà de politique."
8 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
9 Mme EDGERTON : [interprétation]
10 Q. Je vais vous demander de commenter ceci, mais pourriez-vous nous dire
11 si vous connaissez certains des noms mentionnés par M. Tintor. Kukanjac,
12 par exemple.
13 R. Il était général de la JNA et il commandait la région militaire qui
14 avait son siège à Sarajevo, qui couvrait pratiquement toute la Bosnie-
15 Herzégovine et il avait aussi quelques responsabilités pour ce qui est de
16 la Croatie.
17 Q. Et Mico Stanisic ?
18 R. Il était membre du gouvernement de la République serbe de Bosnie
19 lorsqu'elle a été proclamée. Je pense qu'en mars ou en avril il est devenu
20 ministère de l'Intérieur de ce gouvernement, donc le policier numéro un de
21 la Republika Srpska.
22 Q. Et Momcilo Mandic ?
23 R. M. Mandic était le ministre adjoint du ministère de l'Intérieur. Plus
24 tard, il allait fonder le ministère de l'Intérieur et la police serbe
25 séparés fin mars 1992.
26 Q. Et le général Subotic, qui était-ce ?
27 R. Un commandant de la JNA, et par la suite il a détenu un poste de
28 commandement important dans l'armée de la Republika Srpska.
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1 Q. Quels seraient vos commentaires sur cette séquence vidéo que nous
2 venons de voir après ces images que nous avons vues, où on voit des
3 dirigeants civils qui endossent les fonctions militaires ?
4 R. Je crois que M. Tintor l'a fort bien dit. Il a bien expliqué ce que
5 recouvraient ces fonctions militaires. Il y avait dans celles-ci
6 l'établissement d'une ligne de défense, la prise de la colline stratégique
7 de Zuc, qui est au cœur même de la municipalité de Rajlovac, et la jonction
8 à faire avec d'autres unités et dirigeants militaires dans le cadre du plan
9 visant à entourer la ville de Sarajevo.
10 Q. Vous avez expliqué les fonctions de M. Tintor à Vogosca. Il décrit une
11 certaine situation et les activités qu'il a décidé d'assumer. Est-ce que ce
12 fut pareil dans les autres municipalités de Sarajevo ?
13 R. Oui. On assiste à un processus analogue à Ilidza, à Ilijas, et dans la
14 zone de Rajlovac.
15 Q. Prenons la transcription d'une écoute téléphonique faite le 21 mai
16 1992, numéro de la liste 65 ter 30788. C'est un certain Nedjeljko
17 Prstojevic et Milisav Gagovic qui ont cette conversation. Nous allons
18 bientôt voir ce texte. Mais est-ce que vous connaissez ce M. Prstojevic,
19 savez-vous ce qu'il faisait ?
20 R. M. Prstojevic, je pense que c'était le président du SDS
21 Q. Est-ce que vous voyez la transcription de cette écoute téléphonique ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de relire ce texte pendant le
24 récolement ?
25 R. Oui.
26 Q. Est-ce que vous pourriez nous commenter cette écoute téléphonique ?
27 R. Je ne la vois pas dans sa totalité à l'écran que j'ai devant moi. Je ne
28 sais pas exactement sans voir l'ensemble du texte si je peux le commenter.
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1 Q. Est-ce qu'on peut voir la page suivante. Et peut-on nous montrer le bas
2 de la page. Je constate, Monsieur Donia, qu'en bas de page, l'interlocuteur
3 de M. Prstojevic, Gagovic dit que :
4 "Les Musulmans s'enfuient de Dobrinja sans raison."
5 Prenons la troisième page, le haut de la page, qu'y voit-on, je vois
6 que M. Gagovic dit :
7 "Oui, j'ai donné l'ordre au centre de presse de donner l'information
8 disant que nous autorisons des Musulmans à quitter Dobrinja, mais il faut
9 que ce soit la famille toute entière qui parte dans chaque cas."
10 Et un peu plus bas, si on parle du bas de la page --
11 Mme EDGERTON : [aucune interprétation]
12 Q. Il faut remonter de six lignes, Prstojevic dit :
13 "Oui, il y a un poste de contrôle à Nedzarici," puis des mots
14 manquent, "vers Bascarsija, là, on dit qu'il y a beaucoup d'espaces où on
15 peut s'installer, on peut vivre."
16 Est-ce que vous vous souvenez du contexte dans lequel s'est déroulée
17 cette conversation ?
18 R. Cette conversation s'est faite à un moment où il y a des événements qui
19 se succèdent rapidement dans cette zone,tournée vers l'ouest, et ici on a
20 dit que la population musulmane de Dobrinje - Dobrinje, c'est une grosse
21 agglomération urbaine qui avait été construite pour les Jeux olympiques
22 d'hiver de 1984 - et on dit que -- comment dire - on demande l'autorisation
23 et le soutien, pour ainsi dire, des dirigeants du SDS
24 aborde le sujet d'un poste de contrôle à Nedzarici, Nedzarici étant un
25 autre endroit dans l'abord occidental, et on dit qu'il y a beaucoup
26 d'espaces vides, des appartements vides apparemment dans cette zone qui se
27 rapproche du centre.
28 Mme EDGERTON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le
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1 Président.
2 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
3 Mme EDGERTON : [interprétation]
4 Q. Regardez la note de bas de page 273 de votre rapport à propos de
5 Sarajevo. C'est là, me semble-t-il, que vous citez cette écoute
6 téléphonique.
7 R. Oui, je l'ai trouvé, ce passage.
8 Q. Est-ce que vous auriez quelque chose de plus à dire à propos de cette
9 écoute téléphonique, vu votre note dans le rapport ?
10 R. Ici, j'établis un lien entre cette conversation et les événements qui
11 surviennent ce jour-là, à cette époque-là, à commencer par le 20 mai, ce
12 jour-là, un long convoi qui faisait plusieurs kilomètres de long, soutenu
13 par l'ambassadeur pour les enfants à Sarajevo, il avait été stoppé alors
14 qu'il quittait la ville, et il est resté arrêté pendant deux jours, pendant
15 qu'il y avait des négociations avec participation de la Croix-Rouge afin
16 que les enfants et les quelques femmes qui faisaient partie du convoi
17 puissent sortir de la ville. Finalement, ce convoi a pu passer. Je pense
18 qu'il a pu partir le 22 ou le 23 mai. Il est allé sur la côte adriatique
19 pour ensuite quitter la Bosnie.
20 Q. Merci, Monsieur Donia.
21 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
22 j'ai oublié de demander le versement de la vidéo qui portait le numéro 65
23 ter 45111, horodatage, 00 : 22 : 05 jusqu'au 00 : 26 : 22.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P968.
26 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.
27 Q. Je ne demande pas tout de suite le versement de cette écoute
28 téléphonique, mais j'aimerais revenir sur ce que disait M. Prstojevic à la
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1 17e séance de l'assemblée des Serbes de Bosnie qui s'est tenue du 24 au 26
2 juillet 1992, D0092, page 66 en anglais, page 66 également en B/C/S. Le
3 texte est désormais affiché. Je vous remercie.
4 Monsieur Donia, prenez le texte en anglais, mais vous pouvez regarder sur
5 le texte en B/C/S pour trouver ce passage qui se trouve dans la deuxième
6 moitié de la page. Voyez, Prstojevic est indiqué des deux côtés. Prenez le
7 milieu du paragraphe, là où commence l'intervention de M. Prstojevic. Il
8 dit :
9 "De plus, même si on ne savait pas que M. Karadzic était vivant les
10 premiers jours -- on ne savait même pas s'il était vivant, mais lorsque
11 nous avons appris qu'il était vivant et quand il est venu nous voir à
12 Ilidza et nous a encouragés, les Serbes de Sarajevo ont conservé le
13 contrôle qu'ils avaient du territoire et ont même agrandi ce territoire
14 dans certains secteurs dont ils ont chassé les Musulmans, là où ils avaient
15 constitué auparavant une majorité."
16 Avez-vous un commentaire.
17 R. Bien, je pense qu'en l'espace d'une phrase, M. Prstojevic récapitule
18 bien ce qui s'est passé aux abords occidentaux en même temps que
19 l'établissement du siège de la ville et la conquête de l'essentiel du
20 territoire se trouvant sur les abords occidentaux.
21 Q. Est-ce qu'à votre avis, cette déclaration, est-ce qu'elle traduit la
22 politique qu'aurait menée le SDS à Sarajevo, autour de Sarajevo ?
23 R. Non, c'est une politique de nettoyage ethnique pratiquée sur les
24 territoires conquis, qui consiste à déloger la population non-serbe de
25 l'essentiel de ces territoires. Autre indication fournie par ce texte,
26 l'objectif affiché les derniers mois, les mois précédents, étaient de ne
27 chercher à acquérir que des terres serbes. Mais ça avait été dépassé et
28 largement dépassé en effectuant les actions décrites par M. Prstojevic ici.
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1 Q. Merci. A cet égard, nous allons conserver les documents de la même
2 séance de l'assemblée, mais nous allons prendre dans le prétoire
3 électronique la page 19 en anglais, et ce sera la page 16 en B/C/S. Peut-on
4 agrandir le bas de la page, plutôt, pas le haut. Je dois faire le décompte
5 du nombre de lignes. Je veux la dix-neuvième ligne quand on part du bas
6 dans la version en anglais. Je l'ai trouvée.
7 Je vais vous demander de voir ce qu'a déclaré M. Karadzic à la 17e séance
8 de l'assemblée.
9 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Greffier, merci d'afficher la
10 partie gauche de la version en anglais. On ne voit pas le début des mots.
11 Q. Je pense que voici ce que dit M. Karadzic :
12 "Nous n'avons plus de raison de combattre. Nous avons libéré pratiquement
13 ce qui nous appartenait. Au cours de pourparlers finaux, nous pourrions
14 même restituer certains territoires ou villages qui ne nous appartiennent
15 pas."
16 C'est difficile de repérer ce passage, car ici il n'y a pas de mise
17 en forme en paragraphes, mais est-ce que vous avez trouvé les mots que je
18 viens de citer ?
19 R. Mais je sais ce qui s'est passé à la séance de l'assemblée. C'est ainsi
20 que je connais cet extrait-ci, aussi.
21 Q. Vu ce que déclare ici M. Karadzic, auriez-vous un commentaire à faire ?
22 R. Il dit ici que la conquête nationaliste des Serbes de Bosnie, conquête
23 de territoire, a de loin dépassé ce qui avait été au départ une
24 revendication territoriale fondée sur l'existence de terres serbes. C'est
25 aussi peut-être une autre indication, celle que M. Karadzic voyait dans
26 cette terre supplémentaire, peut-être, un moyen de négocier, une façon
27 d'avoir une monnaie d'échange pour en arriver à la fin de la guerre.
28 Q. Le 12 mai 1992, c'était hier à la page 3 079, ligne 2 et suivantes du
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1 compte rendu d'audience, vous citiez M. Karadzic et vous disiez qu'il
2 voyait la séparation de la ville de Sarajevo comme une façon d'atrophier
3 l'Etat, de priver la République de Bosnie-Herzégovine des attributs de
4 l'Etat. Vous vous en souvenez ?
5 R. Oui.
6 Q. Pouvons-nous voir le document 11570 de la liste 65 ter. Ici, nous une
7 entrevue, une interview de Stanislav Galic dans le journal de Sarajevo,
8 "Sarajevo Srpske Novine. La date est celle du 25 mars 1994, et le titre est
9 "Agression en bleu." Nous allons bientôt voir le texte, mais je suppose que
10 vous savez qui était Stanislav Galic, n'est-ce pas ?
11 R. Il était à l'époque le commandant du Corps de Sarajevo-Romanija qui a
12 assiégé Sarajevo à l'époque.
13 Q. Est-ce que vous avez maintenant le texte à l'écran ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que vous avez pu le lire dans le cadre des préparatifs que vous
16 avez faits pour votre audition ?
17 R. Oui.
18 Q. Prenons la page 6 de la traduction en anglais, s'il vous plaît, page 2
19 en B/C/S. C'est la colonne du milieu. Nous avons maintenant sous les yeux
20 la traduction en anglais. Voyons la question posée par le journaliste en
21 haut de page. Je la cite :
22 "Beaucoup disent que les clés de la guerre ou de la paix sont tenues à
23 Sarajevo. Que pensez-vous de l'idée de lever le siège de la ville ?"
24 Six lignes plus loin, vous avez la réponse de Galic, qui dit :
25 "Tant que nous avons Sarajevo dans ce territoire, Alija n'a pas d'Etat."
26 Vous avez trouvé cette ligne 6 dans l'intervention de
27 M. Galic ?
28 R. Oui.
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1 Q. Quel serait votre commentaire quand on voit ce que dit M. Galic ici
2 dans la totalité de l'article ?
3 R. Mais ici, il se fait l'écho d'une déclaration faite souvent par M.
4 Karadzic. Lorsqu'il disait que dans la plupart des guerres civiles, elles
5 finissent par un règlement négocié et qu'il n'y ni vainqueur ni vaincu.
6 Sarajevo c'est le centre névralgique, l'élément essentiel qui va déterminer
7 l'issue de la guerre. Il dit aussi que les points essentiels à Sarajevo --
8 ou ce qui compte surtout à Sarajevo c'est de priver Alija d'un Etat ou des
9 attributs d'un Etat et que, par conséquent, Sarajevo c'est le pion majeur
10 dans ce genre de négociations.
11 Q. Merci.
12 Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement de ce document,
13 Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P969.
16 Mme EDGERTON : [interprétation] Une dernière question, Monsieur Donia. Dans
17 les séances d'assemblée ou ailleurs, est-ce que vous avez vu des preuves,
18 des indications montrant que ces objectifs stratégiques dont nous avons
19 parlé en début de l'interrogatoire sont des principes qui ont régi les
20 activités des Serbes de Bosnie et de son armée pendant la guerre ?
21 R. Oui. Nombreuses sont les références faites à l'importance des objectifs
22 stratégiques lorsque s'expriment des dirigeants militaires, Mladic en
23 premier lieu devant l'assemblée des Serbes de Bosnie. Ces principes des
24 objectifs stratégiques se retrouvent dans des ordres généraux qui
25 régissaient les offensives militaires menées pendant la guerre.
26 Q. Voyons le document 00085 de la liste 65 ter. Vous avez là le procès-
27 verbal de la 50e séance de l'assemblée de la Republika Srpska. Les dates
28 sont les 15 et 16 avril 1995.
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1 La page qui m'intéresse en anglais c'est la page 22. En B/C/S, à la page
2 18.
3 Monsieur Donia, voyons ce que dit le général Mladic à cette page. Vous avez
4 en milieu de page un long paragraphe complet. Voilà.
5 Mme EDGERTON : [interprétation] Il faudrait qu'on mette le début de la
6 phrase, parce qu'on ne voit pas le début des mots en anglais. C'est parfait
7 maintenant. Merci.
8 Q. Regardez la dernière phrase de ce paragraphe, je la lis :
9 "Dans cette guerre, l'armée a des fonctions qui découlent des six objectifs
10 stratégiques bien connus adoptés par notre assemblée, mais qui n'ont pas
11 été pleinement appliqués en raison d'une absence de matériel, d'équipement
12 et d'autre soutien."
13 Vous voyez cette phrase ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce qu'on a ici une déclaration du général Mladic qui évoque les
16 objectifs stratégiques que vous avez vus dans le cadre de votre recherche
17 et auxquels vous faites référence ?
18 R. Oui.
19 Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement du procès-verbal de
20 cette 50e session.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans sa totalité ?
22 Mme EDGERTON : [interprétation] Oui.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P270 [comme interprété].
24 Mme EDGERTON : [interprétation] Je ne sais pas si vous avez des questions,
25 Monsieur le Président, et si vous n'en avez pas, c'est ainsi que se termine
26 mon interrogatoire principal.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
28 Monsieur Karadzic, vous voulez commencer maintenant ou vous préférez
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1 une pause avant le début de votre contre-interrogatoire ?
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, si c'est égal, il vaut mieux faire une
3 pause tout de suite et faire le reste en une tranche.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de faire la pause, est-ce que vous
5 avez demandé le versement du rapport de M. Donia ?
6 Mme EDGERTON : [interprétation] Je suis vraiment navrée, Monsieur le
7 Président. Effectivement, à ce stade de la procédure, je devrais vous
8 demander le versement des trois rapports : le 11699 de la liste 65 ter, le
9 rapport sur les origines de la Republika Srpska; le 11700, ce qu'on a
10 appelé le rapport des extraits pendant tout l'interrogatoire principal; et
11 le 21894 de la liste 65 ter. Simultanément, vous vous en souvenez, il y
12 avait au départ 19 pièces et il n'y en a plus que 18 qui sont mentionnées
13 dans l'annexe B de la notification et de la liste des documents déposés
14 concernant ce témoin en février 2010. Bon nombre de ces documents -- enfin,
15 je dis bon nombre, mais je devrais dire un certain nombre car je pense
16 qu'il y en a trois. Je ne sais pas si c'est tout à fait exact, mais trois
17 de ces documents sont des transcriptions d'écoutes téléphoniques concernant
18 l'incident de septembre dont a parlé M. Donia aujourd'hui.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous dites annexe B, vous parlez des
20 documents qui sont versés en annexe du rapport sur Sarajevo, dont des
21 cartes, par exemple ?
22 Mme EDGERTON : [interprétation] Non, quand je dis annexe B, je parle de
23 notre écriture du 5 février 2010 dans laquelle vous trouviez en annexe deux
24 listes de documents dont nous avions dit que nous allions les utiliser
25 pendant l'audition de M. Donia. Il y en avait encore 19 et il n'y en a plus
26 que 18 qui sont des sources utilisées par le témoin avant de préparer son
27 rapport, et nous demandions aussi le versement de ces 18 documents.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais que tout soit clair, ça fait
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1 combien en tout ? On parle maintenant des documents -- vous avez parlé de
2 19, puis de 18. Vous avez utilisé les 18 documents ou vous demandez le
3 versement de documents qui n'ont pas été utilisés pendant l'interrogatoire
4 principal ?
5 Mme EDGERTON : [interprétation] L'annexe A recense les documents d'où
6 découlent les pièces que nous avons présentées pendant l'interrogatoire
7 principal et l'annexe B c'est précisément ce que vous venez de décrire,
8 Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'est-ce que la Défense a à dire à ce
10 propos ?
11 M. ROBINSON : [interprétation] Tout d'abord, pour ce qui est du deuxième
12 rapport de M. Donia, les extraits. Dans l'affaire Perisic, la Chambre l'a
13 rejeté parce que ce n'était pas véritablement un rapport d'expert, parce
14 que nous pensons que les procès-verbaux des séances sont utiles, et si vous
15 trouvez utile d'avoir ces extraits, pas de problème au versement de ces
16 rapports. Et lorsque nous aurons des experts à nous, nous aurons recours à
17 la même procédure. Donc nous n'avons pas d'objection manifeste, mais nous
18 remarquons que dans un autre procès, ce rapport avait été rejeté.
19 Puis je vous voudrais parler de l'annexe B, mais je pense que M.
20 Tieger peut s'exprimer dès maintenant sur ce point.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
22 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Nous avons eu l'occasion d'en discuter, M. Robinson et moi-même, et
24 nous ne sommes pas en train de demander que ces extraits de rapports soient
25 versés au dossier sans les extraits des sessions d'assemblée afin que les
26 Juges de la Chambre puissent avoir une vue d'ensemble sur tout ceci. Et au
27 sujet des décisions rendues par la Chambre pour ce qui est du versement de
28 pièces au dossier, M. Robinson et moi-même, nous sommes réunis pour voir
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1 s'il y avait possibilité d'aboutir à un accord concernant certains de ces
2 documents.
3 Et je suis certain que vous ne serez pas surpris d'apprendre, compte
4 tenu de ce que vous avez déjà entendu dire au sujet de ces sessions de
5 l'assemblée, que cela a été les premiers points de notre agenda pour ce qui
6 est d'un accord sur les documents. Nous sommes tombés d'accord pour ce qui
7 est de reporter à plus tard nos demandes conjointes au sujet des sessions
8 de l'assemblée en raison du témoignage du Dr Donia et de ses rapports. Nous
9 avons donc conclu du fait qu'il serait préférable de procéder à un accord
10 sur le versement au dossier de ces procès-verbaux des sessions de
11 l'assemblée, tels que mentionnés aux rapports de M. Donia. Je me laisse
12 dire que toutes ces sessions de l'assemblée figurent sur la liste des
13 documents de la Défense, comme l'indique M. Sladojevic, pour ce qui est des
14 documents sur lesquels il sera contre-interrogé. Donc il y a importance de
15 documents, et les deux parties en présence anticipent d'ores et déjà qu'on
16 y fera référence de façon extensive dans le courant de ce procès. Donc nous
17 sommes d'accord sur la nécessité de redemander le versement de ces
18 documents relatifs aux sessions de l'assemblée au dossier.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais s'agissant des autres
20 documents, des autres parties du document ?
21 M. ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. S'agissant maintenant de
22 cet avenant B, je crois que l'un des documents a été déjà versé au dossier,
23 directive numéro 3, pour ce qui est du contre-interrogatoire. Mais il me
24 semble que la liste devrait être quelque peu modifiée. Mais il me semble
25 que ces documents ne tombent pas sous les directives de la Chambre et qu'il
26 ne s'agit pas ici d'un témoin 92 ter. Ceci étant dit, nous voudrions
27 encourager un versement au dossier des documents qui semblent être
28 pertinents dans cette affaire, et ceci semble l'être. Donc si vous décidez
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1 de verser au dossier indépendamment du fait que cela sorte des lignes
2 directrices que vous avez formulées, nous n'avons pas d'objection pour ce
3 qui est du versement au dossier de ces documents à l'avenant B.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'avez pas d'objection pour ce qui
5 est des rapports eux-mêmes ?
6 M. ROBINSON : [interprétation] C'est exact.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous allons maintenant faire une
8 pause et nous reviendrons ici dans 25 minutes.
9 --- L'audience est suspendue à 17 heures 07.
10 --- L'audience est reprise à 17 heures 35.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, compte tenu du fait que
12 ces rapports constituent le produit de son expertise et qu'il n'y a pas eu
13 d'objection d'élevée de la part de la Défense, et au final, compte tenu du
14 fait de la thématique traitée par ces rapports, bien qu'il ne s'agisse là
15 que d'une collection d'extraits, ça se trouve être organisé et catégorisé
16 de manière à pouvoir être facilement pris en considération. Nous allons
17 donc les verser au dossier les trois. Pour ce qui est de cet avenant B,
18 nous sommes satisfaits de sa valeur probante et nous considérons que la
19 façon dont c'est versé au dossier se trouve être cohérente avec les lignes
20 directrices de notre décision. Certaines de ces pièces ont déjà été versées
21 au dossier. Donc conformément à la pratique qui est la nôtre, nous n'allons
22 pas verser au dossier les conversations interceptées, et nous n'avons pas
23 alors attribué de cote, parce que nous ne les avons pas entendues pendant
24 la session.
25 Pour ce qui est de l'avenant A qui était censé être utilisé pendant
26 l'interrogatoire principal, nous n'allons verser au dossier que ce qui a
27 été utilisé à l'occasion de l'interrogatoire principal.
28 Mme EDGERTON : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président. Merci
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1 beaucoup.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
3 Monsieur Karadzic.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
5 Contre-interrogatoire par M. Karadzic :
6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Donia.
7 R. [aucune interprétation]
8 Q. Je me félicite du fait que vous parliez notre langue. Nous allons mieux
9 nous comprendre, et plus facilement nous comprendre. Dites-moi, quel est le
10 numéro d'ordre de ce témoignage-ci dans la série des témoignages que vous
11 avez effectués ?
12 R. Je n'en suis pas tout à fait certain. Je pense que c'est le quinzième,
13 plus ou moins.
14 Q. Merci. Dites-nous, comment en êtes-vous venu à contacter le Procureur
15 et le Tribunal ? Est-ce que c'est eux qui vous ont demandé ou est-ce que
16 c'est vous qui vous êtes recommandé à leur attention ?
17 R. En 1997, j'ai été contacté par téléphone de la part d'un Procureur, et
18 celui-ci m'a demandé si cela m'intéresserait de témoigner dans l'affaire
19 Blaskic. Donc cela a été le fruit de l'initiative de l'Accusation. Moi, je
20 vaquais à d'autres occupations à l'époque, et au début, je ne portais pas
21 grand intérêt à tout ceci, mais je l'ai tout de même fait.
22 Q. Merci. Qu'est-ce qui vous a recommandé, vous ? Comment ont-ils fait
23 pour penser à vous ?
24 R. D'après ce que j'ai cru comprendre partant des conversations que j'ai
25 eues avec eux, j'ai été recommandé par le Dr Dennison Rusinow. Il est
26 décédé il y a quelques années. Pendant longtemps, il a été professeur à
27 l'université qui a étudié l'ex-Yougoslavie, il a longuement vécu à Zagreb
28 et il a rédigé plusieurs livres et articles sur l'histoire de cette partie-
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1 là du monde. Ils se sont donc entretenus avec lui. Et je ne sais pour
2 quelle raison ils ne l'ont pas choisi ou il a décidé de ne pas prendre part
3 à ceci, et il m'a recommandé moi-même.
4 Q. Merci. A ce moment-là, vous travailliez pour Merryll Lynch, mais vous
5 n'étiez pas intervenant dans les sciences de l'histoire, n'est-ce pas ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Qu'est-ce qui a incité ce monsieur à vous recommander,
8 vous ? N'a-t-il pas pu envisager quelqu'un qui faisait activement de
9 l'histoire au niveau de l'un quelconque des instituts en la matière ?
10 R. Je suppose que oui. Il a peut-être donné plusieurs noms. Je ne sais
11 vraiment pas. On se connaissait bien l'un l'autre depuis une vingtaine
12 d'années. Il savait non seulement ce que j'avais publié, mais il
13 connaissait mes autres activités, les cours que je dispensais. Donc je
14 suppose que j'ai été l'une des personnes qu'il avait proposées à
15 l'Accusation.
16 Q. Merci. Donc il a été au courant de vos travaux et il était aussi au
17 courant de vos points de vue ?
18 R. Oui.
19 Q. Merci. Vous nous dites que vous n'étiez pas très intéressé au début.
20 Qu'est-ce qui vous a tout de même motivé à accepter ?
21 R. Bien, je n'étais pas très chaud, parce que j'avais un travail à plein
22 temps et j'avais d'autres engagements, mais j'ai été d'accord de venir pour
23 voir comment les choses se présentaient et ce que ce travail sous-
24 entendrait. Je savais que je n'aurais pas beaucoup de temps pour procéder à
25 des recherches indépendantes ou pour me consacrer à des préparatifs, mais
26 je savais que je pouvais me servir des connaissances qui étaient acquises
27 jusque-là. Donc ce que je me suis demandé c'était de savoir si j'aurais
28 suffisamment de temps pour effectuer les préparatifs qui sont tout de même
Page 3153
1 nécessaires pour accomplir ce type de travail.
2 Q. Merci. Est-ce que vous avez dû quitter votre emploi ou est-ce que vous
3 avez gardé cet emploi ?
4 R. Non. Je suis resté au poste qui était le mien jusqu'en 1997 -- ou
5 plutôt, de 1997, moment de l'interview, et l'an 2000, je suis resté à
6 Merryll Lynch.
7 Q. Est-ce que vous avez quitté cet emploi ou est-ce que Merryll Lynch est
8 tombé en difficulté à ce moment-là ou quelque peu plus
9 tard ?
10 R. Bien, j'aimerais beaucoup pouvoir dire que tout allait bien lorsque je
11 m'y trouvais. Mais en réalité, ils étaient en grosses difficultés dès ce
12 moment-là et plus tard aussi, mais j'ai probablement quitté cet employeur
13 au meilleur des moments possible, avant qu'il n'y ait eu de changement de
14 cap au niveau du marché et dans la société toute entière.
15 Q. Qu'avez-vous fait depuis lors ?
16 R. Ça et là, j'enseigne. J'ai enseigné à une université en Californie à
17 San Diego. Puis à plusieurs occasions, j'ai enseigné à l'Université du
18 Michigan. J'ai consacré la majeure partie de mon temps à des écrits et à
19 des recherches depuis les dix ans que j'ai quitté Merryll Lynch.
20 Q. Est-ce que ça permet de subvenir à ses propres besoins ?
21 R. On peut vivre après avoir travaillé pour Merryll Lynch. Mais ce que
22 j'ai fait par la suite ne fait pas vivre son homme, dirais-je.
23 Q. Merci. Qui est-ce qui a intitulé vos études ou vos écrits, qui est-ce
24 qui leur a attribué des titres ?
25 R. C'est moi qui l'ai fait.
26 Q. Merci. Est-ce que ces écrits sont un ouvrage d'auteur à vous ?
27 R. Oui. Je ne suis pas l'auteur des extraits, mais je suis l'auteur des
28 deux rapports et j'ai choisi les extraits, comme indiqué là-bas, et d'une
Page 3154
1 certaine façon j'ai rendu les choses plus cohérentes.
2 Q. Il se peut que ce ne soit pas une étude scientifique -rectifiez-moi si
3 c'est le cas - c'est une étude professionnelle qui se fonde sur des vérités
4 scientifiques, n'est-ce pas ?
5 R. Je ne suis pas tout à fait sûr du fait de savoir en quoi consiste la
6 différence. J'ai très certainement suivi la procédure professionnelle
7 normale lorsque j'ai rédigé la totalité des trois rapports et je me suis
8 efforcé de m'en tenir aux règles de ma profession.
9 Q. Mais avez-vous été aussi prédéterminé par la mission confiée de la part
10 de l'Accusation; et comment précisément avait-on formulé la mission qui
11 était la vôtre ?
12 R. Bien, dans chacun des procès où j'ai été impliqué, j'ai d'abord eu à
13 rencontrer le Procureur et discuter avec de ce que le Procureur voulait
14 faire de ce rapport. Quand je dis cela, j'entendais ce que devait en être
15 le sujet et je demandais aussi à ce que l'on détermine une période
16 chronologique dont il conviendrait de s'occuper de la municipalité ou un
17 groupe de municipalités, voire encore la Bosnie-Herzégovine toute entière.
18 Cela dépendait du cas au cas selon ce que le Procureur demandait. J'avais
19 le sentiment qu'il appartenait au Procureur de profiler les limites
20 jusqu'auxquelles irait mon rapport. Et mon travail c'était d'intervenir à
21 l'intérieur des limites telles que circonscrites et de créer un récit
22 partant des sources d'information.
23 Q. Merci. Quelles sont, mis à part ce fait, les obligations que vous aviez
24 eues à l'égard du bureau du Procureur ? Est-ce que vous deviez vous en
25 tenir au point de vue qui était le leur et de la mission qui vous a été
26 confiée, c'est-à-dire vous conformer à leurs attentes ?
27 R. Bien, j'étais censé rédiger un rapport à l'intérieur des limites
28 définies par eux. Ils ont dit que ce n'était pas des lignes qualitatives
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1 qui prescriraient un point de vue déterminé. J'avais les mains libres pour
2 ce qui est d'apporter des points de vue différents ou des interprétations
3 différentes, tant dans mes rapports écrits que dans mes témoignages
4 oralement effectués. On ne m'a jamais demandé de m'en tenir à une position
5 déterminée ni dans la rédaction des rapports ni dans les témoignages oraux.
6 Q. Merci. Mais est-ce qu'on pourrait se procurer les instructions qui vous
7 ont été fournies, ces espèces de lignes directrices communiquées par le
8 bureau du Procureur ?
9 R. Bien, comme je l'ai déjà indiqué, il me semble que cela s'est fait de
10 façon verbale. C'est le résultat d'un entretien entre nous. Donc il n'y a
11 pas d'instructions écrites, et je n'ai jamais reçu d'instructions de ce
12 type.
13 Q. Merci. On nous a confié vos échanges d'écriture, et c'est la raison
14 pour laquelle je vous pose la question de ces instructions. Qui est-ce qui
15 a fait le choix de la documentation que vous avez prise en considération ?
16 R. La plupart de cette documentation, je me la suis procurée moi-même.
17 L'exception c'est celle qui m'a été communiquée par le bureau du Procureur.
18 D'habitude, cela se faisait suite à une demande de ma part. Je commençais
19 d'habitude par une requête de nature générale, ensuite mes demandes se sont
20 faites plus spécifiques et plus détaillées au fil de la rédaction de mon
21 rapport. Je pense que ma contribution la plus grande a été probablement le
22 fait d'avoir utilisé bon nombre de sources indépendantes, sources que
23 l'Accusation pourrait considérer comme étant peu importantes ou non
24 accessibles, mais c'étaient des sources qui n'étaient pas disponibles aux
25 gens de l'Accusation.
26 Q. Merci. Mais est-ce que c'est vous qui aviez décidé du choix de la
27 documentation ou est-ce qu'on vous a soufflé de l'extérieur quelle est la
28 documentation sur laquelle vous devriez vous pencher ?
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1 R. Je pense que je n'ai jamais été à 100 % satisfait de ce que j'obtenais.
2 J'avais demandé beaucoup de choses et j'ai reçu beaucoup de choses, mais il
3 y avait toujours ce que je voulais en sus, et il y a eu des choses
4 auxquelles j'ai pensé ultérieurement en me disant j'aurais dû demander
5 cela. Mais d'une façon générale, je dirais que l'Accusation a répondu à mes
6 requêtes spécifiques pour ce qui est de me communiquer la documentation sur
7 les sujets qui m'intéressaient.
8 Q. Je vois que vous avez accordé beaucoup d'attention aux déclarations
9 dans la presse, aux interviews, et cetera. Alors, est-ce que vous serez
10 d'accord pour dire que ces dires ont été contestés par ceux qui ont été
11 interviewés ? Est-ce que vous avez pris en considération le fait que ces
12 journaux et les écrits dans les journaux, ça a un poids autre que ce que
13 l'on déclare au tribunal sous serment ?
14 R. Il y a là une question à plusieurs volets ou plusieurs questions.
15 Alors, est-ce que j'ai vérifié pour ce qui de savoir si ces déclarations
16 ont été approuvées par les personnes interviewées. Vous parlez de la presse
17 ?
18 Q. Oui. Est-ce que c'est ce que la personne a véritablement déclaré ou
19 est-ce que c'est une interprétation du journaliste, l'article ?
20 R. Je pense que dans les journaux que j'ai eu l'occasion de consulter, les
21 journalistes, normalement, faisaient une distinction entre la citation
22 directe et ce qui constituait une interprétation de leur part. Je sais que
23 tous les journaux ne le font pas. Ça, je le reconnais. Mais j'ai
24 essentiellement utilisé des sources qui se sont conformées à cette pratique
25 journalistique. Par exemple, vos discours à vous, il y a bien des citations
26 directement reprises de vos discours, et je me suis servi de ces citations,
27 ensuite les communiqués de presse. Mais pour être tout à fait sincère, je
28 ne vous ai pas appelé pour vérifier si vous aviez bien déclaré telle chose
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1 ou telle chose. D'ailleurs, votre numéro n'a pas été accessible pendant
2 longtemps.
3 Q. Merci. Mais est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que les
4 discours ont un objectif politique ?
5 R. Oui, c'est le cas de bon nombre d'entre eux.
6 Q. Merci. Alors, est-ce que vous avez eu l'occasion de vous pencher sur
7 des documents et étudier les comportements des autres parties au conflit
8 par analogie à ce que vous avez eu à étudier concernant les Serbes ?
9 R. Oui, je l'ai fait. J'ai accordé une certaine attention à cela, mais
10 s'agissant des rapports dont nous parlons maintenant, ça n'a pas été mon
11 objectif principal et ça n'a pas fait l'objet de mon domaine d'intérêt.
12 Comme vous le savez, j'ai rédigé des rapports au sujet du HVO, au sujet de
13 l'Herceg-Bosna, ce qui était le projet nationaliste croate. Et lorsque j'ai
14 étudié ce mouvement, je me suis servi des documents émanant de cette
15 partie-là. Je suis au courant de l'existence d'autres sources pour ce qui
16 est de l'étude de ce qui se passait au niveau des autres partis en
17 présence, y compris le Parti sociodémocrate et l'opposition de gauche et le
18 SDA. Mais je n'ai pas vaqué en majorité à l'étude de ces éléments.
19 Q. Merci. Mais vous avez dit que le travail d'un historien consiste à
20 étudier les relations de cause à effet et de se pencher pratiquement sur le
21 contexte - vous l'avez mentionné vous-même hier. Est-ce que vous l'avez
22 fait dans le cas présent ?
23 R. Oui.
24 Q. Vous avez également indiqué que les Serbes - et vous avez cité des
25 propos à moi - avaient dit que nous attendrions qu'ils fassent une erreur
26 et que nous allions répliquer par des mesures pour y parer. Alors, ces
27 contre-mesures les avez-vous prises en considération compte tenu des
28 mesures qui ont été à l'origine de notre comportement, tel que décrit ?
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1 R. Dans certains cas de figure, oui, et dans d'autres, non.
2 Q. Mais pourquoi ne l'avez-vous pas fait dans tous les cas de figure ?
3 R. Ce n'était pas l'élément central du récit, et je n'en savais pas autant
4 pour ce qui est de pouvoir accomplir la mission de la sorte.
5 Q. Merci. J'espère que nous allons y aboutir tous les deux ensemble
6 maintenant. Une question personnelle maintenant. Quels sont vous émoluments
7 par procès et par jour dans ce type de travail ?
8 R. Bien --
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ceci se trouve être
10 pertinent, Docteur Karadzic ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que oui, Excellence, et vous allez
12 voir pourquoi.
13 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je pense que vous devrez nous dire
14 pourquoi avant que le témoin ne réponde à la question, Docteur Karadzic.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, nous sommes tous des êtres humains, alors
16 vous vous doutez bien du fait que si le Dr Donia avait fait quelque chose
17 de déplaisant aux yeux du Procureur, aurait-il témoigner 15 fois ?
18 Certainement pas. Donc ils ont leurs intérêts à eux. Ce que m'intéresse
19 c'est de savoir comment se fait-il que le Procureur ait des témoins
20 préférés et que ce soit toujours les mêmes témoins qui comparaissent.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous ne pensons pas que cette question
22 soit pertinente. Passez à une autre question.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Dans votre rapport relatif à Sarajevo, Monsieur Donia, page
26 numéro 2, vous êtes en train de parler des nations et des mouvements
27 nationalistes. Est-ce que vous faites la distinction entre le national et
28 le nationaliste ?
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1 R. Très bonne question. C'est une distinction fort importante en langue
2 B/C/S. Et quand on parle de ces questions-là en B/C/S, je parle
3 essentiellement du facteur "national." C'est très à contrecœur que je me
4 sers du terme nationaliste. En langue anglaise, la distinction, de mon
5 avis, est quelque peu différente. En réalité, la différence est très petite
6 entre les deux. Donc en langue anglaise, je parle de "nationaliste" pour
7 décrire les trois partis en présence en Bosnie-Herzégovine afin de faire
8 une distinction par rapport à ce que je considérais être des formations
9 politiques non nationalistes, ou des attitudes non nationalistes.
10 Q. Donc les trois partis dont vous avez parlé ne sont pas des partis
11 nationalistes, mais des partis nationaux, si vous vous référez à la
12 signification de ce terme en langue serbe ?
13 R. Oui, j'utiliserais exactement ce terme pour les décrire, et c'est de
14 cette façon-là que je le fais dans cette langue.
15 Q. Merci. Donc ce n'est pas une espèce d'élément disqualifiant du point de
16 vue politique. Donc quand vous dites en anglais mouvement nationaliste, ça
17 n'a rien de péjoratif ?
18 R. C'est justement là mon intention afin de faire en sorte qu'il n'y ait
19 aucune espèce de condamnation de sous-entendue.
20 Q. Merci. Ce qui m'intéresse c'est le passage présent et le suivant où
21 vous vous référez à une opinion de Mme Powell Pickering qui est un
22 professeur qui dit qu'on ne naît pas dans une nation et que l'identité
23 culturelle n'existe pas, mais elle affirme que la nation c'est une espèce
24 d'œuvre de l'environnement ou une espèce de catégorie, dirais-je, sociale.
25 Est-ce que c'est bien le cas ?
26 R. Dans la mesure où vous avez exactement cité ce qui est dit dans
27 l'extrait, oui. J'ai utilisé ce très bref passage pour faire un résumé de
28 ce qui est considéré comme étant une école de pensée au sujet de la nature
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1 très importante, très grande de ce qui constitue la nation ou le peuple et
2 que ceci pourrait être également l'œuvre d'un groupe de personnes, Benedict
3 Anderson, Rogers Brubaker, Ron Sunia [phon] et autres penseurs qui ont la
4 même opinion.
5 Q. Merci. Vous avez dit un jour - et nous y reviendrons - que vous étiez
6 particulièrement satisfait lorsque vous ne pouviez pas discerner des
7 frontières ethniques visibles entre plusieurs municipalités. Donc voilà la
8 question que je voulais vous poser : est-ce que cette idée est à la base du
9 fait que vous avez opté en faveur des positions de Mme Pickering, est-ce
10 que c'est donc le fondement de votre position personnelle, que les Croates
11 et les Serbes de Bosnie soient convenus de créer une nouvelle nation
12 ensemble en Bosnie ?
13 R. Si j'ai bien compris votre question -- enfin, je crois comprendre que
14 vous me demandez si j'ai choisi de citer le Pr Pickering, car ma position
15 consiste à penser que les Serbes et les Croates ne se seraient pas entendus
16 pour créer une nouvelle nation. Donc si c'est bien cela votre question, je
17 vous réponds que ce n'est pas le cas. Je pense, en fait, selon des
18 modalités qui démarrent à l'inverse de ce que vous venez de dire. En
19 examinant la pensée actuelle au sujet des nations et des peuples, je pars
20 d'un principe opposé pour aborder et mieux comprendre la nature du
21 nationalisme et des trois nationalismes présents en Bosnie.
22 Q. Je vous remercie. Conviendrez-vous avec Edouard Balladur, ancien
23 premier ministre français - et je crois d'ailleurs que sa position est
24 également celle d'autres spécialistes - qu'une nation démarre en surmontant
25 le tribalisme et les tribus au sein d'un seul et même groupe national,
26 qu'il y a donc transcendance par rapport à ces groupes tribaux ?
27 R. En tant que déclaration tout à fait partielle quant à la façon dont se
28 développe les nations, oui, je serais d'accord avec vous sur ce point, mais
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1 je dirais que c'est une définition tout à fait incomplète, en particulier
2 si l'on tient compte de notre vision actuelle de la façon dont se créent
3 les nations.
4 Q. Conviendrez-vous que ces nations se sont créées au
5 XIXe siècle et qu'il est difficile de créer une nouvelle nation au
6 XXe siècle ?
7 R. Non. Il est toujours difficile de créer une nouvelle nation. Et
8 justement, l'important c'est que les nations sont toujours en mouvement.
9 Elles peuvent apparaître et disparaître. Elles peuvent également changer de
10 frontières, changer de contenu, et en particulier changer les programmes de
11 leurs dirigeants politiques.
12 Q. Mais laissons de côté le fait que vous connaissez sans doute le travail
13 de Jung et de Zondi sur le collectif, familier, conscient et subconscient
14 et sur les positions de Freud, mais est-ce que vous serez d'accord pour
15 dire que ceci est assez unilatéral et que nous devrions également citer
16 d'autres auteurs qui évoquent d'autres effets en dehors de l'incidence du
17 social et de l'environnemental dans la création d'une nation ?
18 R. Bien, je pense que vous entrez là dans un domaine qui appartient déjà à
19 la grande littérature et où se manifestent des différences d'opinion
20 importantes quant au nombre exact et à la nature exacte des éléments qui
21 doivent être intégrés lorsqu'on examine les origines et l'évolution d'une
22 nation. Vous citez des personnes que vous connaissez mieux que moi,
23 s'agissant de leurs connaissances psychologiques et de leur savoir-faire
24 psychologique, et il est certain que pour déterminer comment une nation
25 particulière vient au jour et comment elle se développe, il importe de
26 prendre en compte les points de vue psychologiques liés à tout ce problème
27 dans le cadre d'une étude beaucoup plus globale.
28 Q. Je vous remercie. Mais pensez-vous néanmoins que les Serbes et les
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1 Croates auraient dû accepter une Bosnie-Herzégovine indépendante, qui se
2 présentait sous la forme d'un Etat intégré, telle que conçue par le SDA et
3 M. Izetbegovic ?
4 R. Est-ce qu'ils auraient dû l'accepter, bien, les choses eussent été
5 beaucoup plus simples s'ils l'avaient acceptée. Je ne sais pas sur quelles
6 prémices vous fondez votre question et je ne suis pas sûr d'être en accord
7 avec toutes les prémices qui sont à la base de votre question. Je ne pense
8 pas nécessairement que la conception du SDA et de M. Izetbegovic soit
9 parfaitement décrite dans les termes "Etat intégré," mais je crois
10 comprendre que cette question est au cœur même de la différence entre ce
11 qui s'est passé dans le cadre de l'ex-Yougoslavie et ce qui s'est passé au
12 moment du démantèlement de l'Union soviétique, lorsque l'indépendance des
13 diverses républiques qui constituaient l'ancienne Union soviétique a été
14 proclamée, Union soviétique qui abritait 25 millions de Russes environ.
15 Cette Union soviétique n'a pas contesté l'indépendance des républiques qui
16 souhaitaient se détacher d'elle sans conserver de liens avec la république
17 mère. C'est ce qui s'est passé en Yougoslavie. Il y avait donc une
18 différence importante entre le nombre des dirigeants des populations russes
19 qui ont participé à ce que l'on peut définir comme un coup d'état pour
20 l'indépendance.
21 Donc il n'est pas hors de question que l'on puisse penser que les
22 Serbes auraient pu accepter un Etat indépendant dans lequel ils auraient pu
23 vivre de façon très heureuse, mais je n'irais pas jusqu'à leur imposer
24 cette position.
25 Q. Merci. Mais conviendrez-vous que l'Union soviétique est née selon
26 certaines modalités et la Yougoslavie selon d'autres modalités, puisque la
27 Yougoslavie est née du traité de Saint-Germain et du traité de Trianion,
28 mais en particulier du traité de Saint-Germain conclu après la Première
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1 Guerre mondiale ?
2 R. Il est certain que ces deux Etats ont été créés selon des modalités
3 différentes et, bien entendu, la Yougoslavie a été créée à deux reprises, à
4 deux époques différentes.
5 Q. Et ces modalités différentes étaient-elles démocratiques ?
6 R. Non.
7 Q. Pensez-vous que les Serbes présents en Bosnie et en Krajina auraient
8 accepté de demeurer dans le giron de ces républiques si la condition pour
9 que la chose se fasse avait été la poursuite de l'existence de la
10 Yougoslavie ?
11 R. Excusez-moi. Je n'ai pas compris votre question.
12 Q. Ma question est la suivante : la Croatie s'est créée à partir des
13 Krajina croate et serbe, et la Krajina serbe a été donnée au peuple serbe
14 par l'Autriche-Hongrie. Les Serbes ont été d'accord pour se joindre à la
15 Croatie, mais ils l'ont fait en étant un peuple constitutif. Dans toutes
16 les années postérieures à la guerre, la république en question était une
17 république dont la nation était double puisque composée de Serbes et de
18 Croates; c'est exact, n'est-ce pas ?
19 R. Il y a plusieurs questions dans votre question. L'hypothèse de base
20 selon laquelle les Serbes étaient un peuple constitutif est, bien entendu,
21 une hypothèse que l'on trouve sous forme de déclaration dans la théorie
22 constitutionnelle yougoslave. Et cela ne me pose aucun problème de dire que
23 dans le cadre de cette théorie, les Serbes étaient un peuple constitutif de
24 la Yougoslavie. Mais la question de savoir s'ils étaient un peuple
25 constitutif en Croatie, je crains fort de n'être pas capable d'y répondre,
26 parce que je ne prétendrais pas être expert en matière de théorie
27 constitutionnelle relative à la Croatie ou à l'ex-Yougoslavie.
28 Et je ne serais pas d'accord avec votre formulation qui consiste à
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1 dire que la Krajina serbe avait été donnée au peuple serbe par l'Autriche-
2 Hongrie car ce n'est pas le cas.
3 Q. Savez-vous que les Serbes ont obtenu des droits autonomes dans le
4 système de l'Empire austro-hongrois pour avoir défendu la région contre les
5 Turcs ?
6 R. Ils n'ont pas obtenu des droits à l'autonomie par l'Empire austro-
7 hongrois, car l'Autriche-Hongrie n'existait pas avant 1867. Mais la zone de
8 la Krajina a été effectivement bénéficiaire de droits autonomes, ce qui a
9 attiré un grand nombre de Serbes dans la région, Serbes qui avaient pour
10 rôle de peupler cette région qui était une frontière militaire. A à
11 l'époque, ils participaient à des actions militaires. Il s'agissait en
12 général de personnes venues de l'autre côté qui, dans bien des cas, étaient
13 également Serbes. Donc je ne serais pas d'accord avec la formulation
14 consistant à dire que les Serbes se sont battus contre les Turcs, car cette
15 activité n'a certainement pas été leur seule activité lorsqu'ils ont peuplé
16 cette zone frontalière.
17 Q. Bien, je pense que nous pouvons convenir qu'il s'agissait au début de
18 l'Autriche et que l'Autriche-Hongrie n'a vu le jour que plus tard. Mais
19 nous ne sommes pas en train de contester le fait que les Serbes ont obtenu
20 une certaine autonomie en Krajina, la Krajina d'aujourd'hui, et qu'ils ont
21 obtenu cette autonomie de la part de l'Autriche, n'est-ce pas ?
22 R. Bien, si nous tenons compte de la chronologie, nombre de ces Serbes
23 ont, en fait, émigré ou en tout cas ont été déplacés vers cette zone, et
24 leur récompense a été l'obtention de cette autonomie particulière,
25 notamment de la part de l'Eglise orthodoxe serbe, et ils ont également joui
26 d'une certaine autonomie administrative.
27 Q. J'attends la fin de l'interprétation, d'où cet instant de silence. Je
28 vous demande à présent si vous savez ce qu'est le monastère orthodoxe de
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1 Krka ?
2 R. Non.
3 Q. C'est un monastère qui a été fondé bien avant les Turcs et bien avant
4 l'Autriche-Hongrie, à l'époque de Nemanjic.
5 Mais, Monsieur Donia, je vous demande à présent si vous savez dans
6 quelles conditions l'unification des territoires qui faisaient partie de
7 l'Autriche-Hongrie à l'époque s'est déroulée ? La Vojvodine est un cas
8 différent, mais les territoires constituant aujourd'hui la Slovénie, la
9 Croatie et la Bosnie-Herzégovine, comment ces territoires se sont-ils
10 unifiés avec la Serbie ?
11 R. Bien, il y a eu proclamation de la création de la Yougoslavie en
12 décembre 1918, et c'est cette proclamation qui a réuni ces territoires avec
13 le Royaume de Serbie et de Monténégro, le tout constituant le Royaume des
14 Serbes, des Croates et des Slovènes.
15 Q. Bien. Mais comment s'est faite cette unification ? Conviendrez-vous
16 avec moi qu'avant cette unification, un Etat avait été créé qui était
17 l'Etat des Serbes, des Croates et des Slovènes dans une zone unifiée, donc
18 sur un territoire unique, et que c'est ce territoire unifié déjà qui s'est
19 uni à la Serbie. Le délai entre les deux n'a pas été long, mais il y a eu
20 d'abord création de ce premier territoire unifié de façon à ce que
21 l'Amérique puisse donner son accord vis-à-vis de la création de l'Etat
22 unifié qui est né par la suite.
23 R. Encore une fois, vous avez posé plusieurs questions en une seule. Je
24 pense que je viens de décrire la façon dont cet Etat s'est effectivement
25 créé. Il s'est créé sur la base de la proclamation faite par le prince
26 régent Aleksandar de Serbie le 1er décembre 1918. Certes, un comité
27 yougoslave avait été créé auparavant, donc avant cette proclamation, durant
28 la Première Guerre mondiale, puis il y avait aussi la déclaration de Corfou
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1 qui datait de 1917 et qui posait les bases de cette unification d'une
2 certaine façon, mais l'acte effectif -- enfin, il n'a pas fallu faire
3 grand-chose vis-à-vis de la communauté internationale, et encore moins de
4 l'Amérique pour obtenir sa participation à cette création du royaume des
5 Serbes, Croates et Slovènes.
6 Q. Je vais essayer de préciser un peu les choses. Est-ce que vous êtes
7 d'accord quant au fait que la déclaration de Nis et la déclaration de
8 Corfou avaient pour signification effective que les Serbes avaient
9 abandonné l'idée de créer d'une Serbie et que ces deux déclarations
10 préconisaient plutôt la création d'un Etat conjoint où seraient rassemblés
11 tous les Slaves du sud ? Ma question est assez facile. On peut y répondre
12 par un simple oui ou non.
13 R. Non.
14 Q. Alors, comment les choses se sont passées ?
15 R. Je pense que nombreux étaient les Serbes qui considéraient l'Etat
16 yougoslave comme une expansion de l'Etat de Serbie. Je pense qu'ils ne
17 voyaient aucune contradiction entre le désir de concevoir cette Yougoslavie
18 comme une expansion de l'Etat serbe et le fait de l'appeler Royaume des
19 Serbes, Croates, et Slovènes. Donc je ne saurais me dire d'accord avec vous
20 sur le fait que les Serbes avaient abandonné l'idée de créer une Serbie à
21 ce moment-là. Ceci ne correspond pas à l'évolution des événements qui ont
22 résulté de la création de ce royaume.
23 Q. Mais dites-moi, quand est-ce que la Serbie a vu le jour, à quelle date
24 postérieure à 1918, la Serbie qui intégrait un certain nombre de banovina.
25 Parce que la Serbie avait disparu en 1918, en tant que telle, elle s'était
26 fondue dans la Yougoslavie, mais quand est-ce qu'elle est réapparue ?
27 R. C'est une bonne question. Je dirais qu'elle est réapparue pour la
28 première fois en tant que structure distincte en 1941, au moment donc de
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1 l'occupation allemande. Il est certain qu'une des banovina était
2 assimilable à la Serbie, mais ceci ne signifiait certainement pas la
3 création d'une entité distincte. Et par la suite, il y a eu la proclamation
4 de la création de l'Etat socialiste de Yougoslavie.
5 Q. Mais conviendrez-vous que cette Yougoslavie-là, la Yougoslavie de
6 Nedic, s'est créée sur les restes des territoires qui avaient été octroyés
7 aux pays voisins, donc après le dépeçage de l'entité que les pays voisins
8 s'étaient partagés, et que ce sont les pays voisins de la Serbie qui ont
9 démembré la Serbie et que ce qui est resté a pris le nom de Serbie, M.
10 Nedic étant contraint de devenir premier ministre ?
11 R. Non.
12 Q. Mais alors comment est-ce que les choses se sont passées ?
13 R. Bien, voyez-vous, l'occupation serbe sous Nedic a été, en fait, un acte
14 de convenance destiné à plaire à l'occupant allemand, mais je ne décrirais
15 pas cela du tout comme les restes d'une Serbie démembrée par les pays
16 voisins, non.
17 Q. Mais la Hongrie ne s'est-elle pas emparée de la Vojvodine à cette
18 époque-là ?
19 R. Si.
20 Q. La Bulgarie ne s'est-elle pas emparée de la Macédoine et de certaines
21 parties de la Serbie ?
22 R. La Bulgarie s'est effectivement emparée de toute la Macédoine et d'un
23 petit bout de la Serbie.
24 Q. L'Albanie sous protectorat italien ne s'est-elle pas emparée du Kosovo
25 à cette époque-là ?
26 R. De la plus grande partie du Kosovo, en effet.
27 Q. La Croatie ne s'est-elle pas emparée de Zemun et n'est-elle pas arrivée
28 jusqu'à la rive du fleuve que l'on voyait depuis
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1 Belgrade ? N'est-elle pas allée jusqu'à Zemun, aux abords même de Belgrade
2 ? Est-ce que Zemun et Zagreb n'ont pas été reliés sur le plan territorial à
3 cette époque-là. C'était bien un territoire continu, n'est-ce pas, dans un
4 seul et même pays ?
5 R. C'est exact.
6 Q. Donc la Serbie a bien été démembrée, n'est-ce pas ?
7 R. Bien, la Serbie n'existait pas avant cette date. La Yougoslavie avait
8 été divisée par les puissances occupantes, et certaines portions de la
9 Yougoslavie avaient été données aux Etats voisins qui étaient considérés
10 comme des alliés des Allemands et des Italiens en 1941. Donc je ne vois pas
11 comment vous pouvez parler de la Serbie comme ayant été divisée dès lors
12 qu'il s'agissait d'une structure qui n'existait pas en tant que telle à ce
13 moment-là. C'est un démembrement de la Yougoslavie qui a eu lieu, et chaque
14 portion qui a été ainsi détachée de la Yougoslavie a été donnée à un tel ou
15 un tel, voire est devenue autonome.
16 Q. Mais la Croatie ne s'est-elle pas emparée de toute la Bosnie-
17 Herzégovine ainsi que de certaines portions du Srem, et ainsi de suite ?
18 R. Bien, je dirais probablement que toute la Bosnie-Herzégovine et des
19 parties du Srem ont été données par l'occupant allemand et dans une
20 certaine mesure par l'occupant italien à l'Etat indépendant de Croatie. Je
21 ne sache pas que la Croatie était en mesure de s'emparer de quoi que ce
22 soit à ce moment-là. Elle ne pouvait que recevoir ce que lui donnait
23 l'administration allemande.
24 Q. Nous reviendrons sur l'Etat indépendant de Croatie, le NDH, qui est un
25 sujet très important. Mais voici maintenant ma question : vous rappelez-
26 vous quelle était la nature exacte de ce que les alliés ont offert à la
27 Yougoslavie durant les débats relatifs à l'accord de Londres de 1915 ?
28 Qu'est-ce que les alliés ont offert aux Serbes ? Oui, aux Serbes ?
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1 R. Non, je ne m'en souviens pas.
2 Q. Vous souvenez-vous qu'ils ont offert aux Serbes une frontière
3 occidentale des territoires serbes le long de la ligne Virovitica-Karlobag-
4 Karlovac ?
5 R. Je n'ai aucun souvenir de cela, non. Je ne sais pas.
6 Q. C'est un point très important, parce que la Serbie avait beaucoup
7 souffert et les alliés occidentaux ont fait une offre à la Serbie. Ils lui
8 ont proposé d'oublier la Slovénie et la Croatie et de créer une Serbie
9 distincte, et à Corfou ils ont pris une décision différente lorsqu'ils ont
10 adopté la déclaration de Corfou. Ceci n'est-il pas exact ?
11 R. Comme je l'ai déjà dit, je ne saurais confirmer ce fait, car je n'ai
12 aucun élément d'information me permettant d'en convenir ou d'en
13 disconvenir.
14 Q. Très bien. Mais nous parlons ici de réalités historiques. Nous
15 réglerons cette question très facilement. Vous avez évoqué l'existence d'un
16 comité yougoslave. Savez-vous que ce comité yougoslave existait à Zagreb et
17 à Split -- le savez-vous effectivement, que ce comité a existé à Zagreb et
18 à Split et que celui de Zagreb intégrait également des Slovènes en son sein
19 ?
20 R. Oui. Le comité yougoslave avait des représentants, des Slovènes, des
21 Croates aussi, si je ne me trompe, et même, si je me souviens bien, un
22 représentant ou deux de Bosnie, donc peut-être un ou deux membres
23 bosniaques, puis il y avait les Serbes. C'était un comité qui se composait
24 de personnes prêtes à se regrouper pour créer un seul et même royaume.
25 Q. Je vous remercie. Savez-vous que le comité de Split a fait du chantage
26 au comité de Zagreb ? Il a déclaré : Soit vous vous lancez à l'eau et vous
27 frappez un grand coup auprès des Karadjordjevic, soit vous décidez que la
28 Dalmatie sera jointe à la Serbie. Est-ce que vous êtes au courant de cela ?
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1 R. Non.
2 Q. Merci.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage sur les écrans du
4 document 1D1369. Du document 1361.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Vous rappelez-vous les 14 points adoptés par le président américain
7 Woodrow Wilson, Monsieur Donia ?
8 R. Je ne prétendrais pas que je les connais parfaitement et que je
9 pourrais tous les citer, mais je sais qu'ils étaient au nombre de 14 et que
10 lui a été très connu en raison de ces 14 points.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on obtenir à l'écran un texte serbe aussi
12 -- ah, il n'y en a pas. Il n'y a qu'un seul texte. Dans ce cas, je demande
13 l'agrandissement du texte anglais.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Conviendrez-vous que Woodrow Wilson, lors d'une séance conjointe du
16 congrès, a, en date du 8 janvier 1918, c'est-à-dire avant la fin de la
17 Première Guerre mondiale, présenté ses 14 propositions qui, toutes, avaient
18 pour but fondamental le rétablissement d'une paix durable en Europe, n'est-
19 ce pas ?
20 R. Telle était son intention, certes, oui.
21 Q. Merci. Et il a rendu ces propositions publiques, qui ont ouvert la voie
22 à la fin de la Première Guerre mondiale. L'Amérique était une puissance
23 très importante à l'époque, n'est-ce pas ?
24 R. Non. Les Etats-Unis ont, certes, joué un rôle important, en particulier
25 pendant la dernière année ou les derniers 18 mois de la Première Guerre
26 mondiale, et ont été un protagoniste important dans les dispositions
27 diplomatiques qui ont vu le jour par la suite, mais je dirais, pour ma
28 part, que ces principes proposés par Wilson que l'on voit affichés à
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1 l'écran en ce moment n'ont probablement pas exercé une influence aussi
2 importante que celle que certains historiens idéalistes ont bien voulu dire
3 s'agissant de mettre un terme à ce conflit.
4 Q. Mais vous acceptez le fait que de tels historiens existent qui
5 affirment que ces 14 points ont constitué le fondement de l'établissement
6 de la paix en Europe et de la reddition de l'Allemagne ? Nombreux sont les
7 historiens qui sont de cet avis, n'est-ce pas ?
8 R. Non, ce nombre a diminué, mais il y en a eu, c'est vrai.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire défiler le texte --
10 oui.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Vous êtes d'accord, Monsieur Donia, pour dire que le principe de
13 l'autodétermination des peuples a été consacré à ce moment-là et il avait
14 été proposé par les Etats-Unis par la bouche de son président même, Woodrow
15 Wilson ?
16 R. Je ne dirais pas que ça avait été établi à ce moment-là. Mais je serais
17 d'accord pour dire que ça avait été proposé par Woodrow Wilson dans ce
18 document et que finalement, son application a fini par échouer et ses
19 principes n'ont pas pu être appliqués pour arriver à la paix.
20 Q. Mais ce principe de l'autodétermination des peuples et des nations,
21 est-ce qu'il ne fait pas partie intégrante du pacte international sur les
22 droits de l'homme ? Est-ce que, disons, pour le dire autrement, quelqu'un
23 d'autre que Woodrow Wilson aurait fait cette proposition ?
24 R. Je suis sûr qu'on en a parlé bien avant Woodrow Wilson. Le principe de
25 l'autodétermination des peuples remonte bien plus loin dans le temps, mais
26 c'est un des nombreux principes qui sont sources peut-être de conflit --
27 entrent eux-mêmes en conflit aux termes du droit international - mais je ne
28 dirais pas pour ce qui est du droit international - mais pour ce qui est de
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1 l'application des accords qui se fondent sur le droit international.
2 Q. Mais le principe de l'autodétermination des peuples ne fait-il pas
3 partie du pacte international des droits de l'homme ?
4 R. Si.
5 Q. Je vais vous demander de donner lecture du point 11, et je répète que
6 ce document en compte 14.
7 R. "Il faudrait évacuer la Roumanie, la Serbie, le Monténégro; rétablir
8 les territoires occupés; il faut que la Serbie ait un accès libre et sûr à
9 la mer; et les relations des autres Etats des Balkans entre eux doivent
10 être établies sur des lignes constituées par l'histoire et par le conseil
11 amical de l'allégeance et de la nationalité; et des garanties
12 internationales de l'indépendance politique et économique ainsi que de
13 l'intégrité territoriale de ces nombreux Etats des Balkans devraient être
14 respectés et appliqués."
15 Q. Vous voyez que votre pays nous doit l'accès à la mer, n'est-ce pas ?
16 R. Non, je ne vois pas.
17 Q. Mais vous voyez, nous avons voulu le droit de l'accès à la mer et nous
18 l'avons fait en établissant les deux Yougoslavie, mais maintenant, voyez ce
19 qui reste de la Serbie et de la Republika Srpska, ce sont des pays
20 enclavés.
21 R. Est-ce que vous voulez dire que c'est à cause de la proclamation de
22 1918 faite par Wilson que les Etats-Unis doivent, en 2010, à un pays qu'il
23 ait accès à la mer, je pense que c'est là une idée absurde. Ce document-ci
24 n'est pas une promesse faite à tout jamais; c'est plutôt une série de
25 lignes directrices qui, c'est du moins ce que Wilson espérait, pourraient
26 mener à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
27 Q. Mais Wilson n'a pas été le seul. Ça a été accepté par la chambre des
28 représentants et par le Sénat ?
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1 R. Je n'aurais pas grand-chose de bien à dire à propos de ces deux
2 institutions aujourd'hui dans mon pays, mais ça ne veut pas dire pour
3 autant que ça devient un engagement politique que prennent les Etats-Unis à
4 tout jamais, jusqu'à la fin des temps.
5 Q. Je vous rappelle la promesse qui avait été faite par la conférence de
6 Londres, la conférence de 1915, ce qui avait été promis au Royaume de
7 Serbie par les alliés, la Grande-Bretagne, la France et la Russie avant le
8 début de la révolution. La côte dalmate de Krka à Ston avait été promise à
9 la République de Serbie. Est-ce que vous saviez que Dusan, l'empereur
10 serbe, possédait ce littoral ?
11 R. Vous posez deux questions en une. Une de ces questions concerne la
12 conférence de Londres de 1915 et l'accord qui y a été pris, et je vous ai
13 dit que je n'avais pas connaissance des promesses faites, pour autant qu'il
14 y en ait eu qui ont été faites à la conférence de Londres en 1915. Pour ce
15 qui est de la côte dalmate de Krka à Ston, est-ce qu'elle était la
16 propriété de l'empereur serbe Dusan, une grande partie, oui. Mais
17 franchement, à l'époque, les cartes ne signifient pas grand-chose, et ces
18 terres ont été prises et occupées par plusieurs administrations politiques
19 depuis. Je ne voudrais pas, par conséquent, partir de là pour conclure que
20 ça devrait maintenant être une partie de la Serbie aujourd'hui, aujourd'hui
21 ou plus tard.
22 Q. Mais vous êtes d'accord que l'occupation c'est une chose, et le fait de
23 faire partie intégrante d'un Etat avec une population qui parle la même
24 langue et qui a la même religion c'est une chose tout à fait différente. Et
25 c'est dans cette optique que cette zone appartenait à l'empereur Dusan, et
26 c'est quelque chose de tout à fait différente d'une occupation par une
27 force étrangère ?
28 R. Je ne suis pas d'accord avec la façon dont vous présentez l'empereur
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1 Dusan et son empire. Vous dites que la population parlait la même langue.
2 Là, vraiment, c'est faire faire de la gymnastique à la vérité. Moi, je n'ai
3 pas parlé de populations étrangères. J'ai dit que cette région avait été la
4 propriété de plusieurs administrations politiques, elle avait été occupée
5 par un grand nombre d'entre elles avant et après. Mais le fait qu'une
6 terre, un lieu, un terrain, un territoire a été, à un moment, administré
7 par un régime politique ne signifie pas que ce régime politique a le droit
8 de reprendre six siècles plus tard ce même territoire. Je pense que là
9 c'est peut-être utiliser un peu à tort et à travers les archives de
10 l'histoire que d'en extraire le droit à des revendications territoriales.
11 Q. Mais dites-le aux alliés. Vous auriez dû le dire à Londres aux alliés
12 en 1915. L'empereur Dusan a dit quelles étaient les langues de son empire.
13 Il était roi des Serbes, des Albanais et des Grecs, n'est-ce pas ?
14 R. Je n'ai pas pu vous dire grand-chose sur la conférence de Londres qui
15 s'est tenue en 1915, et je ne sais pas quel était le titre ou quelle était
16 la fonction exercée par l'empereur Dusan pour ce qui est des revendications
17 territoriales. Le fait est que des rois se sont arrogés ou ont reçu des
18 titres pendant leur règne, les ont perdus, et donc le fait qu'un roi a un
19 titre de propriété sur un territoire mais que cela a été fait il y a six
20 siècles ne permet pas aujourd'hui de revendiquer ce territoire.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est très intéressant, certes, Monsieur
22 Karadzic, mais ce débat historique dure depuis plus d'une heure. Quand va-
23 t-on commencer à parler des années 1990 ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] On y arrive, Votre Excellence. Je voulais
25 simplement dire ceci à M. Donia.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Nous ne parlons pas simplement ici pour l'empereur Dusan; c'est
28 simplement qu'on avait fait une offre en 1915 à la Serbie, on avait offert
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1 la côte de Dalmatie, et vous savez qu'à Split, à Brac, dans toute la
2 Bosnie-Herzégovine, à Srem, à Backa, en Slavonie, il y avait beaucoup de
3 Serbes qui y habitaient -- même si la Slavonie s'y est opposée en partie,
4 et il y avait aussi des parties de l'Albanie. En 1915, la Serbie a refusé,
5 parce qu'elle avait reçu des informations le 4 août 1915, mais si elle l'a
6 refusé c'est parce qu'elle voulait défendre l'idée panyougoslave. Vous le
7 savez ?
8 R. Non, je ne sais pas.
9 Q. Mais alors, avec qui vais-je parler des sujets si vous, vous êtes
10 ignorant.
11 Je vous rappelle autre chose. L'Etat des Serbes, des Croates et des
12 Slovènes n'a-t-il pas été proclamé pour s'unifier avec la Serbie, si
13 effectivement ça devenait un Etat unique. Ces Slovènes, ces Croates et ces
14 Serbes, est-ce qu'ils ne constituaient pas cet Etat qui a vu le jour ? Ce
15 sont des territoires qui se sont libérés avec le déclin de l'Empire austro-
16 hongrois, en même temps que les 14 points de Woodrow Wilson.
17 R. Mais quelle est la question que vous me posez ?
18 Q. Bien, je vous parle de cet Etat qui englobe trois peuples, les Serbes,
19 les Croates et les Slovènes -- ou plutôt, c'est l'inverse, les Slovènes,
20 les Croates et les Serbes ? Est-ce qu'ils étaient sur un même pied
21 d'égalité ? Est-ce que c'étaient des peuples constitutifs qui constituaient
22 cet Etat ?
23 R. Je pense que vous venez de poser trois questions. C'étaient les Serbes,
24 les Croates et les Slovènes, c'est comme ça que s'appelait ce royaume, pas
25 l'inverse. Pour ce qui est de la politique de la nation ou de l'Etat, on
26 disait que c'était au fond une espèce de trois tribus du même peuple, ces
27 tribus étant les Serbes, les Croates et les Slovènes, excluant ainsi
28 d'autres groupes qui vivaient à l'intérieur des frontières du Royaume des
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1 Serbes, des Croates et des Slovènes, tel qu'il a fini par évoluer au fil du
2 temps. Je pense que l'égalité était théorique entre ces peuples, en tout
3 cas au début de cette période. Etaient-ils vraiment sur la même pied
4 d'égalité dans la façon dont ces peuples étaient traités, ou l'ont été,
5 pendant l'existence de ce royaume ? Et une fois la dictature proclamée en
6 1929, il aurait été difficile de dire que les Croates et les Slovènes
7 avaient les mêmes droits que les Serbes dans ce royaume.
8 Q. Sauf le respect que je vous dois, Monsieur Donia, je ne parle pas du
9 royaume. Je parle de l'Etat. Le nom officiel, l'intitulé officiel, c'était
10 "Etat des Serbes, des Croates et des Slovènes," ou l'inverse. Mais est-ce
11 que vous savez que l'objectif c'était l'unification avec la Serbie, et que
12 les Etats-Unis ont reconnu cette idée de l'unification ? Apparemment ça
13 était mal interprété. Il y a peut-être une erreur. C'est ce que j'affirme.
14 J'affirme que les territoires qui se sont trouvés Austro-Hongrois, mise à
15 part à Vojvodine, et qui a rejoint la Serbie, donc ce qui est aujourd'hui
16 la Croatie, la Slovénie, l'Herzégovine d'aujourd'hui, la Bosnie-
17 Herzégovine, partant du principe de l'autodétermination des peuples
18 consacrés au congrès américain et avec les 14 points énoncés par Woodrow
19 Wilson constituaient un Etat. Pas un royaume, un Etat. Le royaume, il a été
20 créé plus tard. Est-ce que vous étiez au courant de l'existence de cet Etat
21 qui a précédé le royaume ?
22 R. Mais le nom de cet Etat, il s'intitulait, il s'appelait "le Royaume des
23 Serbes, des Croates et des Slovènes," et on y trouvait ce qui avait été le
24 Royaume de Serbie. Mais ce dernier venait d'accomplir une annexion assez
25 brutale du Monténégro qui, ainsi, était devenu partie du royaume. Mais il y
26 avait une proclamation, mais les autres territoires faisaient partie du
27 royaume une fois cette proclamation du 1er décembre effectuée. Mais disons,
28 c'était avalisé de façon assez diplomatique, cette proclamation de ce qui
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1 avait été formé comme étant le Royaume des Serbes, ces Croates et des
2 Slovènes. Ceci était fait dans des accords ultérieurs, mais l'acte lui-
3 même, il s'est passé à Belgrade, et ça était fait avec l'assentiment de
4 tous ceux qui affirmaient représenter ces régions du pays à l'époque.
5 Q. Hélas, Monsieur Donia, c'est un maillon important de la chaîne. Si vous
6 l'ignorez, on ne peut rien comprendre. Avant l'unification il y avait
7 l'Etat des Slovènes, des Croates et des Serbes. C'était le territoire à
8 l'ouest de la Drina qui se composait de trois peuples : les Slovènes, les
9 Croates et les Serbes. Si on ne savait pas cela, il vous est impossible de
10 comprendre la crise yougoslave. Dans cet Etat se trouvent des peuples
11 constitutifs, et si la Yougoslavie devait se dissoudre, ces unités, ces
12 entités, voulaient avoir leur autonomie. Alors, comment poursuivre ce débat
13 si vous ne connaissez pas ce fait ?
14 R. Ce fait ?
15 Q. Ce fait, c'est que cet Etat existait, cet Etat des Slovènes, des
16 Croates et des Serbes. C'était indépendant avant l'unification avec les
17 Serbes. Il a été formé. Il a été proclamé. L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais
18 M. Donia ne connaît pas ce fait fondamental. Or, il est fondamental. Les
19 Serbes ont formé un Etat à l'ouest de la Drina avec les Slovènes et les
20 Croates. Ils avaient, en fait, un Etat constitué de trois peuples qui s'est
21 unifié avec la Serbie.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pourrez déposer vous-même, Monsieur
23 Karadzic, si tel est votre souhait, mais plus tard.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Donc vous pensez qu'avant l'unification cet Etat n'a jamais existé ?
26 Vous ne savez rien de la question ? Vous n'avez connaissance de l'existence
27 d'aucun Etat de ce genre ?
28 R. Je pense que vous faites allusion à quelque chose, mais je n'ai pas la
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1 moindre idée du sujet et dont l'objet de cette allusion.
2 Q. Merci.
3 M. KARADZIC : [interprétation] Je reviens à ce document des 14 points de
4 Woodrow Wilson. J'en demande le versement, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si c'est pertinent, mais
6 ce sera versé au dossier.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce de la Défense D243.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
9 M. KARADZIC : [interprétation]
10 Q. Un peu plus loin, vous parlez des Bosniens, des Musulmans de Bosnie.
11 Convenez-vous du fait que nous, Serbes, Croates et Musulmans de Bosnie, si
12 on adopte cette terminologie, bien, les Musulmans pourrons monopoliser la
13 Bosnie ? Ils se sont appropriés ce terme, n'est-ce pas ?
14 R. C'est une question un peu compliquée que vous me posez. Je ne suis pas
15 trop sûr de ce que vous me demandez. Est-ce que vous auriez l'obligeance de
16 la reposer ?
17 Q. Peut-être l'interprétation n'a-t-elle pas été des meilleurs. Les
18 Musulmans ont récemment changé leur nom, le nom de leur groupe ethnique,
19 n'est-ce pas ?
20 R. Ça s'est passé en 1993.
21 Q. Oui, et ils ont décidé de s'appeler Bosniens, n'est-ce
22 pas ?
23 R. Effectivement.
24 Q. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que les Bosniens, les Serbes et
25 les Croates, nous sommes tous originaires de la Bosnie ? Notre pays
26 d'origine, c'est la Bosnie à tous ?
27 R. Non. Il faut faire une distinction. Dans les deux langues elle existe
28 entre "Bosnjak" et "Bosanac," ou "Bosnjaci" et "Bosanci" en B/C/S, et entre
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1 "Bosniaque," terme qui fait référence au peuple qu'on appelait avant les
2 Musulmans de Bosnie. Quand on dit "Bosnians" en anglais, on pense à tous
3 les citoyens, aux résidents de la Bosnie quelle que soit leur identité
4 nationale ou leur groupe ethnique.
5 Q. Non, mais c'est quand même une usurpation de l'appellation. Quand on
6 dit "Bosniens." Les Musulmans veulent dire que la Bosnie, c'est à eux, et
7 que nous, nous sommes des espèces d'invités là.
8 R. A mon avis, c'est ce qu'ont essayé de faire certains Bosniens. Pour la
9 plupart ils estiment que les Bosniens sont l'un des trois nations
10 constitutifs qui vivent en Bosnie-Herzégovine, les autres étant des Croates
11 et les Serbes. Ils ne seraient pas d'accord avec cet avis exprimé par
12 certains.
13 Q. Mais ils l'ont accepté il n'y a pas longtemps. Mais est-ce que vous
14 saviez comment ils se qualifiaient eux-mêmes pendant l'occupation turque ?
15 R. Je dirais que leur identité est hybride. On a trouvé toutes sortes
16 d'appellations pour les désigner en fonction de l'endroit où certains
17 habitaient. Je pense que vous, vous pensez à un terme précis quand vous
18 posez la question, mais certains les ont appelés les Turcs. D'autres les
19 qualifiaient ou le appelaient Musulmans, et en Bosnie, beaucoup de gens se
20 disaient Bosniens.
21 Q. Mais nous autres on s'appelait Bosniaques aussi, puis ils ont dit
22 qu'ils ne se qualifiaient pas eux-mêmes d'une façon particulière, puis on
23 les a qualifiés de Musulmans. Ils sont devenus peuple constitutif de la
24 Yougoslavie, chose qui est bon d'ailleurs, et aujourd'hui, ils se
25 qualifient de Bosniens, chose qui n'arrange pas tellement les Serbes et les
26 Croates. Mais laissons ceci de côté.
27 Alors, la langue B/C/S, l'utilisez-vous sur des bases scientifiques ou vous
28 fondez-vous sur des bases politiques ?
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1 R. C'est un véhicule, un moyen de communication, un vecteur. Pour moi,
2 j'essaie de le parler, de le lire du mieux que je peux. J'utilise cette
3 langue pour communiquer. Est-ce que j'utilise ceci partant d'une base
4 politique. Je peux vous dire que dans mes recherches universitaires, je me
5 sers de cette langue.
6 Q. Est-ce que ça existe cette langue, le B/C/S, ou est-ce que c'est la
7 langue serbe ?
8 R. On pourrait procéder à une analyse fascinante de la langue qui
9 s'utilise ici, sans trouver de réponse définitive, mais je ne serais pas
10 d'accord pour dire qu'il s'agit de la langue serbe, mais c'est le B/C/S.
11 C'est l'appellation utilisée en ce Tribunal ainsi que dans d'autres
12 organisations internationales. Sans doute est-ce un brassage des langues
13 croate, bosniaque, serbe, et on insiste sur le dénominateur commun à ces
14 trois langues.
15 Q. Savez-vous nous dire quand est-ce que le stokavien de la langue serbe
16 est devenue aussi la version croate de la langue ? Saviez-vous qui était
17 Vuk Karadzic ?
18 R. Je réponds d'abord à votre dernière question. Oui, je pense que Vuk
19 Karadzic -- en fait, c'est un parent éloigné à vous, et je pense que vous y
20 cherchez des origines de votre famille dans la sienne. C'était une
21 personnalité littéraire en Serbie au début du XIXe siècle. C'était un homme
22 qui a glané les récits populaires, la poésie [inaudible] et qui a, à ce
23 moment-là, codifié la langue serbe.
24 Q. Je n'ai pas cherché à le faire déterminer. Mon père s'appelait Vuk, et
25 son père s'appelait Stefan. Donc tous les Karadzic sont issus de la même
26 famille.
27 Monsieur Donia, est-ce que vous saviez que par les accords de Vienne, Vuk
28 avait donné l'accord aux Croates de considérer que cette langue soit
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1 considérée aussi comme croate; ensuite, il y a eu une distinction nette de
2 faite, mais intellectuellement, spirituellement, et culturellement, la
3 langue c'est une propriété qui relève et qui constitue le propre d'un
4 peuple, n'est-ce pas ?
5 R. Ecoutez, je ne suis pas un expert en langues ni en linguistique. Voici
6 ce que je peux vous dire : on ne vole pas une langue, on ne la dérobe pas,
7 ce n'est pas la propriété culturelle d'un peuple. Là, je ne suis pas du
8 tout d'accord avec vous.
9 Q. Est-ce que vous pensez que l'Australie pourrait dire qu'elle parle
10 l'australien, et non pas l'anglais, ou que le Brésilien dise, on parle le
11 brésilien, on ne parle pas le portugais ?
12 R. Ecoutez, là, je ne suis vraiment pas expert. C'est tout à fait en
13 dehors de mon domaine.
14 Q. Merci. En page 2, vous avez dit qu'en Yougoslavie il n'y a jamais eu
15 d'élections nationales de faites, c'est-à-dire au niveau national, mais que
16 toutes les élections se sont faites au niveau des républiques. Mais qui
17 est-ce qui a empêché la tenue d'élections au niveau de la nation
18 yougoslave, suivant un principe, Un homme, un vote. Est-ce que c'est les
19 Serbes qui ont empêché la chose ou est-ce que c'est les séparatistes qui
20 l'ont fait ?
21 R. Je crois comprendre que jamais ils ne sont parvenus à s'entendre.
22 Jamais il n'y a eu d'accord. Je suis sûr qu'il y avait beaucoup de gens
23 dans chacun de ces groupes qui le voulaient, et je ne pourrais pas, disons,
24 simplifier les choses en disant que les Serbes y étaient favorables, et les
25 autres pas. Non, il n'y a jamais eu d'accord. Nous ne parlons pas
26 d'élections en partant d'un principe ethnique, mais nous parlons d'une
27 élection unique qui concerne toute la République fédérative socialiste de
28 Yougoslavie.
Page 3183
1 Q. Oui. J'ai parlé d'Etat nation, c'est ce que vous avez dit, "country-
2 wide." Alors, lorsque la Yougoslavie existait, les Serbes étaient
3 favorables au principe, Un homme, un vote, et ça n'a pas marché.
4 Maintenant, les républiques qui ont fait sécession veulent instaurer ce
5 principe, Un homme, un vote, pour déposséder la minorité serbe de ses
6 droits. D'accord avec ou pas ?
7 R. Non, ces prémices ne me semblent pas correctes.
8 Q. Etes-vous d'accord pour dire que ces républiques réclament maintenant
9 l'instauration du principe, Un homme, un vote, alors qu'elles ne
10 l'acceptaient pas, lorsque la Yougoslavie existait ?
11 R. Non, je crois que c'est vraiment simplifié à outrance. Je pense que
12 cette formule initiale englobe tout un éventail de points de vue. Quand on
13 dit simplement les Serbes - et je suppose que quand vous utilisez cette
14 formule, vous croyez parler au nom de tous les Serbes - mais je ne pense
15 pas qu'on puisse y trouver là une fonction ou une base aussi universelle.
16 Q. Je ne parle pas au nom de qui que ce soit. Le principe d'Un homme, un
17 vote, au niveau de la Yougoslavie, ça n'a pas réussi, parce que les
18 séparatistes n'en voulaient pas. Maintenant, ils veulent tous cela. Alors,
19 qui avons-nous battu en 1999 aux élections de la Bosnie-Herzégovine ? Ça se
20 trouve en page 4 de votre volet relatif à Sarajevo. Parce que vous dites :
21 "Des dizaines d'autres partis qui avaient été créés et qui s'étaient
22 inscrits pendant les mois qui avaient précédé."
23 Alors, est-ce qu'il y a eu un changement de régime, puisque nous
24 avions battu les communistes.
25 R. Les trois partis nationalistes pris ensemble ou chacun d'entre eux ont
26 assuré la défaite des deux grands partis non nationalistes, les
27 sociodémocrates et les réformateurs. Je pense qu'on parle de Bosnie ici,
28 n'est-ce pas ? Est-ce qu'il y a eu un changement de régime ? Oui, à coup
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1 sûr.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, Monsieur Karadzic, je
3 vois l'heure qu'il est. Nous allons lever l'audience.
4 Oui, Monsieur Tieger.
5 M. TIEGER : [interprétation] Très rapidement, deux choses. Avez-vous décidé
6 qu'il était possible d'avoir une audience un peu plus longue au cours de
7 cette semaine qui commence le 21 juin, parce qu'il faudrait le savoir pour
8 aménager le calendrier. Deuxième chose, récemment, une demande de
9 certification a été déposée, une demande de sursis. Nous devrions déposer
10 notre réponse demain. Je pourrais vous en donner déjà la teneur, mais
11 j'espère que la date vous conviendra.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je ne peux pas m'empêcher de relever
15 ce que disait George Bernard Shaw, "l'Angleterre et les Etats-Unis sont
16 deux pays séparés par une même langue."
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'audience reprendra demain à 14 heures
18 15.
19 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mercredi 2 juin
20 2010, à 14 heures 15.
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