Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 1er juin 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour.

  6   Oui, Maître Harvey.

  7   M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Permettez-moi

  8   de vous présenter Me Avy Singh qui m'aidera aujourd'hui à l'audience.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 10   Madame Edgerton, veuillez poursuivre.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   LE TÉMOIN : ROBERT DONIA [Reprise]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   Interrogatoire principal par Mme Edgerton : [Suite]

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Donia.

 16   R.  Bonjour, Madame le Procureur.

 17   Q.  En ce début d'audience, j'aimerais revenir très rapidement sur certains

 18   aspects de ce que vous avez déclaré hier, si vous n'y voyez pas

 19   d'inconvénient. A la page 3 093, lignes 22 à 23, je vous ai demandé si le

 20   territoire englobé ou concerné par ces objectifs stratégiques concernait

 21   des zones pluriethniques. Et voici ce que vous avez répondu :

 22   "Oui, dans la mesure où on peut établir en lisant ces objectifs

 23   stratégiques quelles étaient les intentions territoriales."

 24   Vous vous souvenez ?

 25   R.  Oui, j'ai poursuivi en vous fournissant un exemple de ce corridor.

 26   Q.  Tout à fait. Nous allons assurer le suivi et enchaîner pour vous

 27   demander si ceci valait également pour le cinquième objectif stratégique et

 28   la ville de Sarajevo. Est-ce que ce cinquième objectif recouvrait une zone

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  1   pluriethnique ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Hier lorsque l'audience a été levée, nous discutions de la répartition

  4   ethnique en Bosnie-herzégovine et nous parlions plus particulièrement de

  5   Sarajevo. Vous vous en souvenez ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Revenons au premier objectif que vous avez évoqué hier, la séparation,

  8   celui qui chapeaute tous les autres. Est-ce que cet objectif signifiait

  9   qu'il fallait réorganiser l'équilibre interethnique dans le pays ?

 10   R.  S'il était réalisé, cet objectif aurait sans nul doute entraîné une

 11   modification tout à fait spectaculaire et profonde de la répartition

 12   démographique ethnique en Bosnie-herzégovine.

 13   Q.  Mais de quelle façon ?

 14   R.  Parce qu'il y aurait eu, si vous voulez, un écho humain à ces ambitions

 15   territoriales et ça aurait été une donne tout à fait différente de celle

 16   qu'il y avait en 1991.

 17   Q.  Nous parlons toujours de cet objectif qui englobe les autres. Voyez-

 18   vous qu'une stratégie centrale, disons, a été mise sur pied sur pied pour

 19   parvenir à réaliser cet objectif ?

 20   R.  Je pense qu'il y a plusieurs stratégies qui ont été mises en œuvre bien

 21   avant l'adoption officielle des objectifs stratégiques. Moi, je répartis

 22   cette stratégie en deux groupes : il y a d'une part un facteur, une

 23   composante très publique, d'annonce publique et visible d'édification de

 24   l'Etat. Les dirigeants du SDS se sont mis à l'œuvre dès octobre 1991 et

 25   pendant les sept mois qui ont suivi, ces dirigeants ont pris toute une

 26   série de mesures à l'assemblée des Serbe de Bosnie, parfois en dehors de

 27   cette assemblée.

 28   Deuxième élément : la stratégie municipale. Et je pense que c'est ainsi

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  1   qu'on peut décrire la politique du SDS eu égard aux municipalités, ceci, de

  2   janvier 1991, jusqu'à l'été 1992.

  3   Q.  Peut-on afficher le document de la liste 65 ter 00972, c'est un procès-

  4   verbal qui rend compte d'un discours fait par M. Karadzic à l'occasion du

  5   plébiscite du mois de novembre 1991. Nous allons bientôt le voir à l'écran,

  6   après quoi je pourrai vous poser quelques questions.

  7   Voyons la page 2 en B/C/S. Normalement, c'est ce qui devrait être la

  8   première page du document, et je pense que ce sera aussi la page 2 dans la

  9   version en anglais.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, je me suis trompée, Messieurs

 11   les Juges, je n'avais pas vu ces pages auparavant. Je pense qu'il faut

 12   passer à la page 3. Les voici plus exactement. Maintenant, je voudrais

 13   qu'on nous montre la page 4. Malheureusement, ce sont deux pages en B/C/S

 14   qui sont affichées alors que j'en montrais une en B/C/S, et l'autre en

 15   anglais.

 16   Q.  Docteur Donia, vous nous avez dit que vous maîtrisez le B/C/S, le

 17   serbo-croate, comme l'anglais. Regardons, si vous le voulez bien, la

 18   version B/C/S. En fait, c'est la page de garde du document. Est-ce que vous

 19   avez déjà vu ce document ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  D'après vous, qu'est-ce qu'il représente ?

 22   R.  C'est le procès-verbal qui rend compte d'un discours fait par M.

 23   Karadzic au cours des journées qui ont précédé le référendum qui s'est tenu

 24   en novembre 1991, et ces deux premières - le référendum s'étant tenu les 9

 25   et 10 novembre - ces deux premières pages indiquaient que la transcription

 26   avait été faite par la commission d'Etat chargée des enquêtes en matière de

 27   crimes de guerre. Je pense que c'était M. Gavran Kapetanovic qui était à la

 28   tête de cette commission.

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  1   Q.  Prenons la page 9. Nous verrons les deux versions de ce document et de

  2   cette page à l'écran.

  3   Prenons l'anglais, prenons le tout dernier paragraphe, si vous le voulez

  4   bien. Il y a une phrase qui dit ceci, et ça se trouve juste après la partie

  5   en italique du dernier paragraphe, la phrase qui m'intéresse. Je précise

  6   pour le dossier de l'instance qu'il faudrait trouver le passage équivalent

  7   en B/C/S' c'est à neuf lignes à partir du bas. Excusez-moi.

  8   Malheureusement, on ne voit pas le début. Voilà. On ne voyait pas le début

  9   des mots. Je cite :

 10   "Les municipalités ne sont pas quelque chose d'établi par Dieu, ça ne vient

 11   pas du ciel." Ici, il dit donc que "ce n'était pas quelque chose qui avait

 12   été inscrit dans le marbre. En fait, ça avait été créé de façon à léser le

 13   peuple serbe, les unités serbes, toutes les unités serbes en Bosnie étant

 14   divisées, les Serbes devenant une minorité, même au lieu d'avoir leurs

 15   municipalités. Et il faudrait que les Serbes soient majoritaires dans leurs

 16   propres municipalités."

 17   Auriez-vous un commentaire à nous faire ?

 18   R.  Ici, au fond, dans ce passage, est répétée la critique dont j'ai parlé

 19   hier, qu'avaient formulée certains intellectuels serbes en Bosnie, dont M.

 20   Karadzic, au cours des dernières années de la décennie des années 1980 et

 21   en 1990. Ces intellectuels disaient que l'organisation municipale

 22   discriminait les Serbes, les désavantageait. Nous avons ici l'exemple

 23   d'Ozren invoqué par M. Karadzic à moult reprises, et il l'a souvent répété

 24   d'ailleurs, pour faire valoir qu'Ozren aurait dû être une municipalité à

 25   lui. Si l'on voit le reste du discours, il énonce ce qui, à son avis,

 26   devrait être le remède à cette situation. Il faudrait réorganiser les

 27   municipalités et revendiquer les terres qui sont serbes en partant de

 28   certains critères.

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  1   Q.  Merci.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement de ce document au

  3   dossier, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P958, Monsieur le

  6   Président.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation]

  8   Q.  Nous venons de voir ce document, c'est un document qui remonte à un

  9   premier temps de cette époque. Est-ce que la stratégie municipale a évolué

 10   à partir de ce moment-là ?

 11   R.  Oui. Cette stratégie des municipalités a commencé très peu de temps

 12   après les élections de 1990 par un programme de régionalisation. Qu'est-ce

 13   que cela voulait dire ? A ce moment-là, puisque nous sommes au cours des

 14   six ou huit premiers mois de 1991, ça voulait dire que l'on prenait des

 15   municipalités qui existaient déjà, et qu'on faisait un remembrement des

 16   municipalités. Les communautés et municipalités étaient réunies. Et le

 17   geste le plus significatif dans ce sens, c'est la communauté des

 18   municipalités de la Krajina de Bosnie qui a fini par avoir son siège à

 19   Banja Luka. Il n'y a eu pratiquement pas de débats à l'époque et rien n'a

 20   été fait pour essayer de modifier le tracé des délimitations des

 21   municipalités. C'est plutôt un effort d'association, de fédération de ces

 22   municipalités, et c'est quelque chose qui s'était fait pendant l'ère

 23   socialiste aussi, mais qui avait été établi pour coordonner des services

 24   municipaux et autres services qui rendaient le gouvernement et

 25   l'administration de ces municipalités plus faciles. Et le SDS voulait créer

 26   un seul parti et voulait réunir, rassembler les municipalités dans

 27   lesquelles les Serbes détenaient une majorité relative ou absolue. Ça,

 28   c'est un premier moment de ce mouvement, une première phase de la stratégie

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  1   municipale.

  2   Mouvement ou phase qui est suivie d'une deuxième phase. Là, il est question

  3   - et c'est une question qui vient à l'avant-plan des considérations

  4   politiques de l'époque - c'est de modifier le tracé des délimitations. Nous

  5   avons le 15 octobre 1991, une date capitale. On pourrait en choisir une

  6   autre, mais c'est là qu'on essaie de modifier le tracé des délimitations

  7   des frontières des municipalités au sein de la république.

  8   Q.  Permettez-moi de vous arrêter quelques instants. Mais qu'est-ce qui

  9   s'est passé ce jour-là, le 15 octobre 1991 ?

 10   R.  En fait, c'est le 14 et le 15 octobre qui sont des dates phares, car

 11   l'assemblée des Serbes de Bosnie-Herzégovine adopte ces jours-là une

 12   résolution, qui s'appelle la déclaration de la souveraineté. Elle adopte un

 13   programme que va respecter l'équipe de négociation de la Bosnie-Herzégovine

 14   lorsqu'elle va entrer en négociation avec les Européens. Et c'est à ce

 15   moment-là que le SDS perd au fond cette bataille qui lui aurait permis

 16   d'imposer un veto sur ce mouvement vers l'indépendance que recherche le

 17   HDZ, Croates, et le SDA, parti des Musulmans de Bosnie. Ceci se passe à

 18   l'aube du 15 octobre au cours des premières heures de la matinée, et à

 19   partir de ce moment-là il semblerait que le SDS recentre son énergie sur la

 20   planification. Il ne s'agit pas d'un plan unique, mais plutôt d'un

 21   processus de planification élargi qui va être jalonné par plusieurs

 22   documents et des tactiques qui vont évoluer, qui ne seront pas statiques,

 23   mais on peut dire que c'est un processus de planification qui voit le jour

 24   au cours de ces premières semaines d'avril 1992.

 25   Q.  Je pense que nous allons maintenant avoir une séquence qui nous

 26   montrera un discours que fait M. Karadzic à cette séance de l'assemblée le

 27   15 octobre 1991. C'est le numéro 45005 de la liste 65 ter. Je pense que

 28   l'horodatage devrait commencer à 00:07:56:3, et j'espère que mes collègues

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  1   interprètes auront reçu la transcription de cette intervention. Je suis

  2   sûre qu'ils me diront si ces copies n'ont pas été reçues. Commençons la

  3   diffusion.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "Nous avons adopté des conclusions à cette assemblée. Nous allons

  7   rendre impossible devant l'opinion publique nationale et internationale --"

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Je --

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas reçu l'interprétation.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Je ne sais pas si on a fourni aux cabines

 11   la transcription. Je pense que ça avait été fait. Mais peut-être qu'on

 12   pourrait nous le faire savoir depuis les cabines.

 13   L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils ont effectivement reçu des

 14   transcriptions, mais qu'apparemment, celle demandée par Mme Edgerton n'a

 15   pas été fournie.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le

 17   Président.

 18   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Mais ceci vient d'être fourni juste à la

 20   dernière minute. Mes excuses auprès de nos collègues interprètes. Nous

 21   pourrions peut-être recommencer.

 22   L'INTERPRÈTE : La cabine française ne l'a pas reçue.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Les peuples souverains de la Bosnie-Herzégovine peuvent parler pour

 26   eux. Ils ne peuvent pas parler pour d'autres peuples. Nous avons adopté des

 27   conclusions. Nous allons vous entraver devant l'opinion publique mondiale

 28   et nationale pour ce qui est de ces violences constitutionnelles à l'égard

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  1   du peuple serbe. Parce qu'après ces violences-là, il y a toutes les autres

  2   violences. On ne nous demande plus notre avis. On l'a dit cent fois, nous

  3   ne sommes pas consultés lorsque les peuples musulman et croate sont en

  4   question. Et je dirais qu'il n'y aurait aucune façon de stopper les

  5   difficultés une fois lancées. Je tiens à adresser un message à la totalité

  6   des députés. Messieurs, je vous assure que quand bien même vous adopteriez

  7   quelque chose, parce que vous n'avez pas moyens de le faire, nous avons un

  8   moyen constitutionnel de vous empêcher de voter. Ce serait une honte pour

  9   M. Izetbegovic pour ce qui est de La Haye, parce que nous avons un moyen

 10   d'entraver. Ce serait une honte pour ce parlement en Europe et pour les

 11   autres peuples de la Yougoslavie et de l'Europe. Et ce serait une honte

 12   pour vous, Croates et Musulmans, qui voulez réaliser cette idée. C'est

 13   ainsi que vous respectez la souveraineté et l'égalité en droit du peuple

 14   serbe en Bosnie-Herzégovine. Donc je vous prie une fois de plus - je ne

 15   menace pas - je vous prie de prendre au sérieux l'interprétation de la

 16   volonté du peuple serbe qui est représentée ici par le Parti démocratique

 17   serbe, le Mouvement du Renouveau serbe et autres partis serbes ici

 18   présents. Comprenez bien que ce n'est pas une bonne chose ce que vous

 19   faites.

 20   C'est une voie que vous voulez faire emprunter à la Bosnie-

 21   Herzégovine, c'est l'autoroute de l'enfer et des souffrances qui ont été

 22   celles de la Slovénie et de la Croatie. Ne pensez pas que vous n'allez pas

 23   entraîner la Bosnie-Herzégovine vers l'enfer et le peuple musulman vers sa

 24   disparition peut-être, parce que le peuple musulman ne saura se défendre si

 25   une guerre éclate ici. Ce sont des mots lourds. La situation est grave et

 26   elle nécessite des propos de ce genre. Comment voulez-vous empêcher que

 27   tout un chacun ne tue pas l'autre en Bosnie-Herzégovine ? Comment empêcher

 28   la guerre en Croatie, notamment dans les régions frontalières où il y a les

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  1   Serbes et les Croates, où il y a deux volontés politiques qui

  2   s'entrechoquent et qui n'ont pas été résolvées [phon] d'une façon

  3   juridique, qui est la seule bonne façon de procéder.

  4   Alors, tant que vous n'aurez pas enlevé la question de l'indépendance

  5   de la Bosnie-Herzégovine, je prendrai la parole à chaque fois. C'est mon

  6   droit d'adresser des messages au peuple musulman et au peuple croate, parce

  7   que vous voulez réaliser quelque chose en Europe, ici, alors que vous

  8   n'avez pas le droit de faire chose pareille. Merci."

  9   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci aux interprètes.

 11   Q.  Monsieur Donia, quel serait votre commentaire suite à ces images et à

 12   ce discours ?

 13   R.  M. Karadzic était jeune, impétueux, énergique, et il s'adressait aux

 14   parlementaires de l'assemblée des Serbes de Bosnie-Herzégovine -- en fait,

 15   à l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, ce qui est encore une assemblée

 16   pluriethnique, et son discours fut long. Vous venez juste de diffuser la

 17   dernière partie de ce discours. Et je crois qu'il prenait son élan, il

 18   s'est vraiment lancé, il était entraîné dans son discours, et je pense

 19   qu'il mettait en garde contre l'adoption de ces deux documents que j'ai

 20   mentionnés. Il ne parlait pas de menace, disait-il, mais de prière, et il

 21   est passé à une phase où certaines des personnes présentes dans l'auditoire

 22   y ont vu une menace. C'est les termes qu'il avait utilisés au cours des

 23   semaines précédant cette intervention, dans des conversations

 24   téléphoniques, par exemple, avec d'autres dirigeants du SDS et autres

 25   dirigeants serbes.

 26   Q.  Merci. Nous reviendrons à ces conversations que vous venez d'évoquer

 27   dans un instant.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Mais je demande maintenant, Monsieur le

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  1   Président, le versement de cette séquence vidéo que nous venons de voir.

  2   Vous avez vu l'horodatage, je vous avais donné le numéro 07:56:3 jusqu'à

  3   10:44:7.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] S'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez une objection, Monsieur

  7   Karadzic ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'ai un complément. Pourquoi ne verse-t-on

  9   pas au dossier le discours complet ? Le discours entier, on en aura besoin.

 10   Pourquoi ne pas le verser au dossier dans son intégralité ?

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'auriez-vous à dire sur ce point,

 13   Madame Edgerton ?

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, ça semble tout à fait logique.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est la longueur de ces deux

 16   séquences ? Qu'est-ce qu'elles font en tout ?

 17   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le

 19   Président.

 20   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Le commis à l'affaire vient de soulever un

 22   point important. S'il y a une différence entre le discours fait par M.

 23   Karadzic dans sa totalité et toute la séquence, s'il y a une différence au

 24   niveau du temps, peut-être que M. Karadzic pourrait nous dire quelle partie

 25   il veut faire verser.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Nous nous en tenons à ce que

 27   nous avons comme habitude de faire, à savoir que nous allons verser la

 28   partie qui a été diffusée à l'audience, et nous pourrons nous demander s'il

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  1   y a une meilleure façon de s'y prendre pour assurer le versement de ces

  2   séquences. Pour le moment, nous n'allons verser au dossier que la partie

  3   qui a été diffusée à l'audience.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P959, Monsieur le

  5   Président.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Et nous pourrons voir, effectivement, s'il

  8   y a d'autres passages sur lesquels nous pourrions nous entendre et qui

  9   pourraient aider le procès plus tard.

 10   Q.  Monsieur Donia, vous parlez des événements de ce jour-là qui ont mis en

 11   branle un processus de planification dans le cadre de la stratégie

 12   municipale. Mais après cette date-là, quelle est l'étape que vous avez pu

 13   cerner ?

 14   R.  Comme on l'a déjà dit, je crois que ce processus de planification est

 15   venu par la suite, on n'a pas commencé avec. Donc ce n'est pas

 16   nécessairement ce qui a entamé ce processus, mais il s'en est ensuivi un

 17   processus de planification qui a commencé par une réunion du conseil

 18   politique du SDS. Il s'est agi d'un groupe de conseillers de l'académie et

 19   de hauts responsables du parti. Ils se sont réunis ce même jour au soir, le

 20   15 octobre au soir, et il a été en long et large discuté sans qu'il ne soit

 21   adopté des conclusions concrètes sur les options qui étaient à portée de

 22   main pour ce qui est de la mise en œuvre des plannings du parti.

 23   Q.  Et après ?

 24   R.  Après ladite réunion, la direction du parti a décidé d'entreprendre

 25   certaines des mesures qui ont été évoquées à l'occasion de la réunion, et

 26   ceci, dans un ordre bien déterminé. Tout d'abord, ils ont décidé de créer

 27   une assemblée à part, où se retrouveront les membres du SDS et des autres

 28   partis serbes qui ont été élus au parlement de la Bosnie-Herzégovine à

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  1   l'occasion de ces élections de novembre 1990. Ensuite, ils ont décidé qu'il

  2   convenait d'organiser un plébiscite sur une question qui, en substance, se

  3   résumait à demander : est-ce que vous êtes favorable au fait de rester en

  4   Yougoslavie ? Et le plébiscite a été prévu pour début novembre. D'abord,

  5   créer une assemblée des Serbes de Bosnie en octobre, ensuite organiser ce

  6   plébiscite au mois de novembre. Ainsi, cette assemblée de Serbes de Bosnie

  7   a organisé, en réalité, et préparait le plébiscite en question.

  8   Après ce dernier, il y a eu d'autres sessions de cette assemblée des

  9   Serbes de Bosnie. Leurs décisions tombaient à peu près une fois par mois,

 10   c'est une coïncidence, mais au mois de décembre, on a annoncé les

 11   préparatifs de mise en œuvre d'une République serbe du peuple serbe de

 12   Bosnie-Herzégovine. Et le 8 janvier, il a été décidé de proclamer la

 13   création d'un Etat distinct avec le même nom. En février, on a approuvé un

 14   projet de constitution. Au mois de mars, il y a eu approbation et

 15   promulgation de ladite constitution. Et au mois d'avril, il y a eu

 16   déclaration formelle d'une république indépendante.

 17   Q.  Mais pour revenir à ma question, y a-t-il eu des mesures intermédiaires

 18   dans cette stratégie municipale ?

 19   R.  Au début, cette stratégie municipale a constitué partie intégrante de

 20   la totalité des discussions. Bon nombre des dirigeants, comme ils le

 21   disaient, souhaitaient intensifier la régionalisation, ce qui, en

 22   substance, se résumait à redessiner les frontières municipales. A

 23   l'occasion de cette troisième session de l'assemblée des Serbes de Bosnie

 24   qui s'est tenue le 11 décembre, les leaders du parti, et pour être concret,

 25   M. Krajisnik, qui avait le soutien du Dr Karadzic, a présenté un texte de

 26   résolution qui a fait prendre aux choses une direction différente. Ce

 27   n'était pas incompatible avec le remodelage des frontières municipales,

 28   mais il a obtenu la priorité à l'instant donné puisqu'il a visé à créer des

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  1   assemblées municipales serbes distinctes, donc des assemblées municipales

  2   constituées de cette population serbe, là où cette population résidait. La

  3   résolution a été votée avec un seul vote d'abstention au premier vote, et

  4   M. Krajisnik a demandé au délégué qui avait voté contre pourquoi il l'avait

  5   fait. Puis il y a eu un débat relatif à la résolution en tant que telle et

  6   à ce que cela constituerait comme attitude vis-à-vis du remodelage de ces

  7   frontières municipales. Il est devenu évident qu'au sein de l'assemblée il

  8   y avait une opposition notable à cette idée de création d'assemblées

  9   municipales distinctes de la part des Serbes.

 10   Puis la proposition a été amendée pour que le processus se fasse

 11   conforme à la volonté des uns et des autres, et il y a eu donc une

 12   recommandation de vote par plein gré qui a été votée à l'unanimité. Lorsque

 13   tout allait bien, il y a eu, vers la fin de cette session, un ajournement

 14   qui a été initié par M. Krajisnik. Un autre chef du parti est venu dans la

 15   salle pour faire mettre un terme à la session.

 16   La stratégie municipale à cette date du 11 décembre a pris une

 17   nouvelle tournure. Cela a été présenté par un jeu d'instructions distribué

 18   à l'attention des responsables municipaux du SDS, et ces instructions sont

 19   datées du 19 décembre 1991.

 20   Q.  Peut-être à ce sujet-là pourrait-on nous montrer la pièce 65 ter numéro

 21   00224. Je crois que la page de garde pourrait suffire, et ce, dans les

 22   versions anglaise et B/C/S.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Entre-temps, Docteur Donia, est-ce que

 24   vous pouvez nous dire que c'est bien cela, la résolution du 11, celle à

 25   laquelle vous aviez tout à l'heure fait référence en parlant de la décision

 26   du mois de décembre ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge. Le document que vous

 28   êtes en train de voir n'a pas été diffusé avant le 19, et l'assemblée n'a

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  1   pas voté au sujet de ce document, ne s'est pas prononcée.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais lorsque vous avez fait référence à

  3   cette décision du mois de décembre, je n'ai pas pu suivre -- mais on y

  4   viendra.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Donia, est-ce que vous voyez ces versions anglaise et serbo-

 10   croate sur l'écran que vous avez devant vous ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que ceci constitue une copie des instructions envoyées à la

 13   direction, prodirection [phon] municipale le 19 novembre 1991, ce que vous

 14   avez mentionné tout à l'heure ?

 15   R.  C'est cela.

 16   Q.  Alors, pourriez-vous expliquer aux Juges quelle est la signification de

 17   ce document et est-ce que ceci représentait quoi que ce soit de lié à la

 18   stratégie municipale qu'on a évoquée tout à l'heure.

 19   R.  Au vu de ce document, et lorsque l'on compare ce qui y figure avec la

 20   trajectoire sur laquelle s'était placée la direction lors de la tenue de la

 21   session du 11 décembre, on peut voir que ces instructions font que les

 22   instances principales de l'organisation du peuple serbe sont déplacées vers

 23   l'assemblée des Serbes de Bosnie vers le Parti du SDS lui-même, auparavant

 24   c'était une instance législative, et maintenant c'est une instance du parti

 25   qui s'en occupe. Je ne dirais pas que ça a été fait clandestinement, mais

 26   ça a été fait de façon semi-privée. Et nous avons maintenant un déplacement

 27   vers une instance publique et législative appartenant à un parti qui va

 28   débattre désormais, de toutes ces questions dans les cercles fermés du

Page 3110

  1   parti.

  2   Donc on s'attendait à ce que les leaders locaux créent une seule

  3   institution, à savoir une assemblée municipale des Serbes de Bosnie.

  4   Maintenant, il s'agissait d'organiser deux institutions. D'abord, cette

  5   assemblée municipale des Serbes de Bosnie, et aussi une cellule de Crise de

  6   ce peuple serbe. Donc on s'attendait à la mise en place d'une institution,

  7   et désormais on en aurait deux. Et en sus, les leaders du SDS ont reçu pour

  8   mission la prise en charge de fonctions militaires conformément aux

  9   instructions qui ont été diffusées à leur intention, et l'on y précise de

 10   façon détaillée quelles sont les différentes mesures que les représentants

 11   officiels des municipalités sont censés prendre.

 12   Q.  Dans votre rapport de Sarajevo, il est dit au sujet de ce document

 13   qu'il s'agit d'un document à variante A et variante B. Est-ce que vous

 14   pouvez expliquer la signification de cette description.

 15   R.  Certes. Dans ce document, on fait la distinction entre celles des

 16   municipalités où les Serbes sont en majorité et celles des municipalités où

 17   ils ne le sont pas, donc c'est les variantes qui s'appellent A et B. Qui

 18   plus est, il s'agissait de poursuivre les activités en deux phases.

 19   D'abord, une phase préparatoire et une deuxième phase de mise en œuvre, et

 20   d'après ce document, cette phase-là était censée être entamée une fois

 21   obtenu un signal confidentiel gardé secret de la part du président du

 22   parti.

 23   Q.  Je vois que ce document, en haut à droite, porte un 93, alors que dans

 24   le rapport de Sarajevo, vous citez une copie de ce même document qui porte

 25   un numéro, celui de 96. Alors, cette numérotation desdits documents a-t-

 26   elle son importance ?

 27   R.  Bien, les numéros semblent se référer aux municipalités qui ont reçu

 28   telle ou telle autre copie. Je me suis servi du numéro 96 pour ce qui est

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  1   de la rédaction de mon rapport. Mais il me semble que de nos jours, il y a

  2   quelque sept copies dont on peut faire le choix. La copie numéro 96 est

  3   celle qu'on a retrouvée dans la municipalité de Trnovo, c'est l'une des

  4   municipalités de Sarajevo. Le numéro 93 a été retrouvé dans les bureaux de

  5   l'hôtel Holiday Inn, où avait son siège le Parti démocratique serbe.

  6   Q.  Est-ce que ce document a été mis en œuvre au sein des différentes

  7   municipalités ?

  8   R.  Oui. La réaction liée à la distribution dudit document a varié d'une

  9   municipalité à l'autre. Il y a eu également la tenue d'une commission pour

 10   la totalité des dix municipalités de la ville de Sarajevo dans les jours

 11   qui ont suivi la diffusion dudit document. Dans certaines municipalités,

 12   les responsables du SDS ont organisé des réunions dans un délai d'une

 13   semaine et ils ont fait en sorte que les différentes instructions qui y

 14   figuraient soient diffusées vers les autres membres du parti pour lancer

 15   une phase préparatoire. Dans d'autres municipalités, les leaders du SDS

 16   n'ont rien fait du tout. Des fois, ça a pris des semaines, voire des mois,

 17   avant qu'ils ne fassent quoi que ce soit. Dans certaines municipalités, il

 18   y a même eu une résistance non dissimulée pour ce qui est de la mise en

 19   œuvre desdites instructions. Dans mon rapport de la vie à Sarajevo, j'ai

 20   décrit la situation telle qu'elle s'est présentée à la municipalité Centar,

 21   centre de Sarajevo. Le président de ladite municipalité, un dénommé Radomir

 22   Bulatovic, a refusé publiquement de mettre en œuvre lesdites instructions

 23   jusqu'à ce qu'il lui ait été possible de constater que lesdites

 24   institutions ont été créées sans sa participation directe.

 25   Q.  Je vais vous poser une question de suivi. Est-ce que vous savez si le

 26   dénommé Bulatovic a eu à subir des séquelles suite à ce rejet de sa part ?

 27   R.  Tout à coup, il a constaté que cette création de l'assemblée serbe

 28   était une excellente idée et il l'a soutenue en public, et donc il y a eu

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  1   un changement de cap de sa part aussitôt après. Donc il n'a eu aucune

  2   séquelle néfaste à subir dans les semaines qui ont suivi.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, est-ce que vous pouvez

  4   nous dire où dans le rapport de Sarajevo ce document est-il mentionné ?

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Notes de bas de page 48 à 51 du rapport

  6   Sarajevo, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est moi, Monsieur le Juge. Avant que

  9   d'aller de l'avant, peut-être pourrais-je demander le versement au dossier

 10   de ce document.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P960, Messieurs les

 13   Juges.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pas d'objection.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation]

 16   Q.  Docteur Donia, est-ce que la mise en œuvre de ces instructions est

 17   devenue à un moment donné quelque chose d'obligatoire ?

 18   R.  Oui. A l'occasion de la tenue de cette 12e session de l'assemblée en

 19   mars 1992, les responsables du parti ont demandé de faire en sorte que les

 20   organisations régionales procèdent à la création desdites institutions dans

 21   les différentes municipalités, et à cet effet, une résolution s'est vue

 22   adoptée à la session de l'assemblée en question.

 23   Q.  Peut-être pourrions-nous nous pencher sur le 65 ter 00021. Il s'agit

 24   d'une transcription de la 12e session de l'assemblée datée du 24 mars 1992.

 25   Et s'agissant de la version anglaise, nous avons besoin des pages 22 à 24,

 26   à commencer par la page 22; pour ce qui est des pages B/C/S, c'est les

 27   pages 39 à 42. Et en attendant qu'on nous la montre, je voudrais vous

 28   demander la chose suivante : Docteur Donia, lorsque vous avez fait

Page 3113

  1   référence aux leaders du parti tout à l'heure, qui est-ce que vous aviez à

  2   l'esprit ?

  3   R.  M. Krajisnik et le Dr Karadzic.

  4   Q.  Merci. Alors, Docteur Donia, est-ce que vous voyez ces extraits du

  5   compte rendu de la 12e session de l'assemblée, vous l'avez en versions

  6   anglaise et serbo-croate sous les yeux ?

  7   R.  Oui. J'ai déjà en l'occasion de relire le document, et je l'ai

  8   d'ailleurs relu en entier. Et c'était véritablement le compte rendu

  9   d'audience de cette 12e session.

 10   Q.  J'attire votre attention sur le quatrième paragraphe entier qui figure

 11   sur cette page, vers la moitié de cette page, phrase trois qui commence par

 12   :

 13   "Nous avons un fondement légale dans la Loi relative au ministère de

 14   l'Intérieur…"

 15   R.  Et si on voyait un peu qui est-ce qui est en train de parler.

 16   Q.  Oui, certainement. Revenons un peu en arrière, deux pages en arrière,

 17   me semble-t-il. Non, c'était une page en arrière qu'il fallait revenir.

 18   C'est bon maintenant.

 19   Alors, vous voyez que l'intervenant est indiqué au bas de la page. En

 20   version anglaise, c'est la page 21. C'est le Dr Karadzic qui est en train

 21   de parler ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Merci. Revenons vers le passage qui est surligné, le passage que je

 24   viens d'indiquer à la page 22. Merci.

 25   Docteur Donia, ce passage qui commence par :

 26   "Nous avons un fondement à cela dans la Loi relative au ministère de

 27   l'Intérieur, et cela nous permettra de créer ce que nous avons l'intention

 28   de créer. Il y a des raisons de ce faire dans deux ou trois jours."

Page 3114

  1   Est-ce que c'est l'une des instructions de la part des leaders du

  2   parti pour ce qui est de la mise en œuvre des instructions que nous avons

  3   déjà évoquées auparavant ?

  4   R.  Oui, ceci et le reste du paragraphe constituent l'une des demandes dont

  5   j'ai parlé tout à l'heure.

  6   Q.  Passons maintenant à la page 24 de la version anglaise. En réalité, je

  7   crois que dans le prétoire électronique c'est plutôt la page 23 qui faut

  8   nous montrer. Vers le bas de cette page 23 du prétoire électronique, on

  9   peut voir que c'est celui qui préside à la session qui prend la parole. Qui

 10   était-ce, Docteur Donia ?

 11   R.  A l'occasion de cette session, c'était M. Krajisnik.

 12   Q.  Merci. Passons maintenant à la page d'après, la page 24. Parfait.

 13   Est-ce que je peux attirer votre attention, Docteur Donia, sur ce qui

 14   se trouve en dessous du premier tiers de la page, après la phrase qui a été

 15   surlignée, on y dit :

 16   "Le président a expliqué que la totalité des présidentes régions

 17   autonomes ont reçu des instructions et doivent avoir tout préparé et

 18   organisé. Ceux qui ne l'ont pas fait se doivent de le faire d'ici à

 19   vendredi."

 20   Est-ce que c'est une autre directive de la part des leaders du parti en sus

 21   de celles que vous avez déjà évoquées ?

 22   R.  Oui, c'est le cas. Je suis revenu vers le calendrier de la tenue de ces

 23   réunions et j'ai constaté qu'il s'est passé trois jours entre cette date et

 24   vendredi. Pour dire les choses clairement, j'ai utilisé un pluriel en

 25   parlant d'institutions. Mais ici la directive se rapporte à la formation ou

 26   la création d'assemblées municipales serbes, et non pas à la création de

 27   cellules de Crise.

 28   Q.  Merci.

Page 3115

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que le

  2   PV de cette 12e session de l'assemblée soit versé au dossier.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez dit quelque chose. Je n'ai pas

  6   entendu.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois que la pratique est celle d'adopter les

  8   PV de la totalité des sessions dans leur intégralité.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce sera le cas.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P961.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation]

 12   Q.  Docteur Donia, les instructions dont nous venons de parler, est-ce

 13   qu'elles ont été discutées à l'occasion de la tenue des sessions de

 14   l'assemblée ultérieures ?

 15   R.  Oui. A plusieurs occasions plus tard, lorsque la guerre a commencé, et

 16   lors de la tenue de ces sessions de l'assemblée des Serbes de Bosnie,

 17   plusieurs intervenants ont fait référence aux instructions A et B, et à

 18   titre concret, c'est le Dr Karadzic qui l'a fait à deux reprises.

 19   Q.  Peut-être pourrait-on nous montrer maintenant le 65 ter 00055. Il

 20   s'agit de la transcription de ce qui s'est dit à l'occasion de la 50e

 21   session de cette assemblée de la Republika Srpska, session qui s'est tenue

 22   les 15 et 16 avril 1995. Mes notes me disent que le passage pertinent se

 23   trouve en page 316 de la version anglaise et page 278 de la version B/C/S.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La première page dit 34e session.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Je serais très contente de pouvoir y

 26   revenir un peu plus tard. On parlera de ladite session juste après la

 27   pause. A présent, j'aimerais qu'on aille de l'avant.

 28   Q.  Nous allons donc procéder ainsi, Docteur Donia. Je vais passer à

Page 3116

  1   un autre sujet et je reviendrai sur cette pièce à conviction un peu plus

  2   tard dans la journée d'aujourd'hui. Ce que je veux vous poser comme

  3   question c'est la chose suivante : d'après vos souvenirs, quand est-ce

  4   qu'il y a eu une première manifestation de la volonté de recourir à la

  5   violence par la direction des Serbes de Bosnie contre Sarajevo ou autre ?

  6   R.  Bien, je ne suis pas tout à fait sûr de pouvoir vous identifier cet

  7   instant-là dans le temps. Il y a eu beaucoup de débats au sujet de la

  8   violence. Et déjà, dans la campagne électorale, il en a été fait mention.

  9   Mais lorsqu'on parle de mention faite à des violences en masse, je crois

 10   qu'il y a plusieurs expressions à cet effet qui la laissent entendre à

 11   l'occasion donc d'entretiens téléphoniques entre les responsables du SDS

 12   début septembre 1991.

 13   Q.  Mais quel a été le contexte desdites conversations, vous en souvenez-

 14   vous ?

 15   R.  Entre à peu près le 2 et le 9 septembre, il y a eu quatre crises qui se

 16   sont succédé l'une à l'autre, et ce, dans des régions frontalières de la

 17   Bosnie. Cela a attiré l'attention des responsables du SDS. Je crois que la

 18   crise la plus marquée, qui a donné lieu à certaines de ces déclarations,

 19   avait été la mise en détention de M. Milan Martic qui, à l'époque, était

 20   ministre de l'Intérieur de la République de la Krajina serbe en Croatie. Il

 21   était en train de traverser un pont, et il a été retenu là-bas par une

 22   patrouille de la police. Celle-ci l'a emmené vers un poste de police dans

 23   un petit village appelé Otoka, et la population s'était rassemblée autour

 24   du poste de police en question, et c'étaient surtout des gens du cru qui

 25   étaient des Musulmans. Et la situation s'est développée de façon dangereuse

 26   pour devenir véritablement trouble. Et dans les heures qui ont suivi, le Dr

 27   Karadzic a essayé de mobiliser l'armée populaire yougoslave qui était

 28   censée venir à son secours. Il a également demandé à Milan Babic, qui se

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  1   trouvait être à la tête de la République de la Krajina serbe, pour demander

  2   de mobiliser ses effectifs afin que ces derniers soient prêts à une

  3   excursion vers la Bosnie pour le sauver.

  4   L'épisode a pris fin lorsqu'un représentant officiel haut placé de la

  5   police de Sarajevo, Avdo Hebib, est arrivé sur les lieux, et la police,

  6   sous son commandement, a créé une espèce de cordon pour le faire sortir de

  7   la prison et l'escorter vers les abords de la ville. Ensuite, M. Martic a

  8   été transporté vers un bâtiment de l'armée populaire yougoslave, non loin

  9   de là.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, excusez-moi.

 11   Docteur, pour être tout à fait clair, quand vous parlez de conversations

 12   téléphoniques, est-ce que vous parlez de conversations téléphoniques

 13   interceptées ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est cela.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous êtes en train de témoigner à

 16   partir de conversations mises sur écoute, ou est-ce que ce sont là des

 17   conversations que vous auriez eu à connaître en écoutant des mises sur

 18   écoute ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en partie, Monsieur le Président. La

 20   presse périodique a beaucoup fait couler d'encre. Il y a eu des reporters

 21   du journal "Glas" de Banja Luka, du journal "Oslobodjenje" qui ont écrit

 22   des articles, et il y a eu d'autres publications aussi à en avoir parlé.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation]

 25   Q.  Bien, pour vous poser une question suivante, qui fait suite d'ailleurs

 26   à la question que vous venez d'évoquer car, Monsieur le Président, je me

 27   rappelle qu'hier M. Donia a défini quatre critères permettant de choisir

 28   les sources de ces articles. Donc Monsieur Donia, je me demandais s'il ne

Page 3119

  1   serait pas bon que vous expliquiez comment ces conversations interceptées

  2   dont vous venez de parler pouvaient correspondre à ces critères pour

  3   inclusion dans votre rapport.

  4   R.  Bien, de mon point de vue, si j'examine la véracité de ces écoutes, ce

  5   qui m'intéressait au premier chef c'était de vérifier les diverses

  6   informations qui figuraient dans ces écoutes en les comparant à d'autres

  7   événements et à la façon dont ces autres événements étaient repris dans la

  8   presse ou dans d'autres sources documentaires. L'incident particulier dont

  9   nous venons de parler permettait de vérifier la véracité de l'événement de

 10   façon tout à fait extraordinaire, et a donc apporté une confirmation d'un

 11   récit singulier, car très peu de détails différaient entre les différents

 12   récits faits de cet événement. Pas seulement entre les articles de la

 13   presse et les écoutes téléphoniques, mais également entre les articles des

 14   différents journaux qui avaient des orientations politiques différentes.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais, si vous me le permettez,

 16   diffuser une écoute téléphonique de cette période qui constitue le document

 17   65 ter numéro 30214, datant du 9 septembre 1991. Et j'espère que mes

 18   collègues des cabines ont reçu une transcription de la bande audio.

 19   [Diffusion d'une cassette audio]

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Apparemment, les choses ne fonctionnent pas

 21   bien, car je n'entends pas les interprètes. Monsieur Reid, peut-être

 22   pouvez-vous nous apporter votre aide. C'est peut-être un problème

 23   technique, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, si cela vous convient, nous

 25   pourrions faire la pause maintenant.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. 25 minutes de pause.

 28   --- L'audience est suspendue à 15 heures 20.

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  1   --- L'audience est reprise à 15 heures 47.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'espère que les problèmes techniques

  3   sont désormais résolus.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] J'espère que oui. Mais si ça ne marche

  5   toujours pas, nous avons un autre moyen. Essayons d'écouter une

  6   conversation interceptée le 9 septembre 1991. Les intervenants sont M.

  7   Karadzic et Malko Koroman.

  8   Q.  Je vous demande tout d'abord si vous connaissez ce monsieur qui

  9   répond au nom de monsieur Malco Koroman.

 10   R.  A ce moment-là, M. Koroman était chef de la police de la municipalité

 11   de Pale.

 12   Q.  Merci.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-on essayer de voir ou d'entendre cette

 14   conversation interceptée.

 15   [Diffusion de la cassette audio]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Bonjour, bonjour. Ça va ?

 18   Karadzic : Merci.

 19   Je m'excuse de ne pas t'avoir appelé à ce numéro, je ne l'ai pas fait

 20   jusqu'à présent, mais la situation m'y force.

 21   Dis-moi.

 22   Bien, j'ai entendu dire ce matin que Matic [comme interprété] avait

 23   été arrêté là bloqué là à Otoka.

 24   Oui.

 25    J'aimerais savoir ce qui a été fait à ce propos. J'ai parlé à Banja Luka

 26   Oui.

 27   Et Zupljanin ?

 28   Oui. Et il dit qu'il a été bloqué par les gens à Otoka.

Page 3121

  1   Oui, exactement. Mais ça ne peut pas se faire sans l'instruction de

  2   quelqu'un --

  3   Oui, l'instruction du SDA.

  4   Oui.

  5   Et nous avons toute la nuit. Nous avons été en contact avec…

  6   Est-ce que tu a parlé à Cengic ?

  7   Non pas encore [comme interprété].

  8   Il n'est pas allé, pas encore.

  9   Tu connais Zepinic, il n'ira pas. Ce matin, tu sais ce qui a été fait

 10   par le Ministère, Avdo Hebib est monté dans la voiture vers 8 heures.

 11   Ils sont dans la voiture.

 12   Oui, oui.

 13   Koroman : Et toi, tu dois le dire carrément à Cengic, et lui dire que

 14   si Martic n'est pas libéré, il va avoir toute la région de Romanija au-

 15   dessus de Sarajevo ce soir.

 16   Oui, oui.

 17   Koroman : C'est mon avis personnel. J'ai parlé au gars du Romanija et

 18   notre attitude ne va pas changer.

 19   Karadzic : Oui, mais je lui ait dit, et ils ont dit qu'ils allaient y

 20   aller, et moi, je dis que Zepinic allait y aller, je vais l'appeler.

 21   D'accord.

 22   Koroman : Radovan, je vais appeler, il a parlé à Kadijevic.  Koroman

 23   : Est-ce que vous pourriez être en contact ?

 24   Oui, oui. Et je ne sais pas exactement ce qui va se passer.

 25   Oui, mais si les gens commencent à faire des bêtises.

 26   Koroman : Dis carrément à Cengic.

 27   D'accord.

 28   Koroman : Mais le fait qu'Abdo Hebib circule dans la voiture et est

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  1   d'accord pour faire tout ceci.

  2   Radovan Karadzic : Oui.

  3   Koroman : Oui, mais ne le laisse pas faire.

  4   Oui, on reste en contact. Tu as des gens qui sont prêts, et pas seulement

  5   toi, mais tout la Krajina le sera, et nous allons les envoyer se faire

  6   foutre si c'est nécessaire. Est-ce que tu peux appeler ce numéro, où bien…

  7   Koroman : Salut. Bye.

  8   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  9   Mme EDGERTON : [interprétation]

 10   Q.  Quel serait votre commentaire après avoir entendu cette conversation

 11   interceptée, Monsieur Donia ?

 12   R.  D'après ce qu'a dit la presse, M. Hebib est arrivé en hélicoptère. Il

 13   semblerait que dans cette conversation, c'est dans les toutes premières

 14   heures de la journée, et il se peut qu'à ce moment-là les deux

 15   intervenants, Koroman et Karadzic, n'avaient pas cette information, parce

 16   qu'ils n'étaient pas arrivés en voiture. M. Karadzic a fait une

 17   supposition, il s'est dit que ce rassemblement autour du poste de police

 18   d'Otoka avait été l'œuvre du SDA. Je ne sais pas si ce fut le cas ou pas.

 19   C'était un peu voir quelle était la double casquette de M. Izetbegovic,

 20   président du SDA, président de la présidence. Et ici, il envoie sur place

 21   un policier professionnel plutôt qu'un chef politique. Et il a estimé que

 22   c'était une affaire de police ici plutôt qu'une affaire politique, affaire

 23   qui a d'ailleurs trouvé une solution en faisant intervenir des policiers à

 24   Bosanska Krupa pour que M. Martic puisse quitter ce petit poste de police,

 25   les policiers l'escortant en lançant aussi des gaz lacrymogènes et sous une

 26   pluie de pierres.

 27   Dans cette conversation avec M. Koroman, l'idée c'était que M. Koroman

 28   allait se servir de la population se trouvant dans la montagne environnant

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  1   Sarajevo, la région de la Romanija pour menacer la partie musulmane par des

  2   actes spectaculaires, des actions physiques, si M. Martic n'était pas

  3   aussitôt relâché. Je pense que l'élément essentiel dans cette conversation

  4   est si Koroman appelle M. Karadzic, c'est pour lui dire qu'il est prêt à

  5   appeler ses hommes pour qu'ils agissent si M. Karadzic en donne l'ordre.

  6   Q.  Parlons de la chronologie de ces écoutes téléphoniques de septembre

  7   1991. A cet égard, vous avez dit dans votre rapport relatif à Sarajevo,

  8   dans les notes en bas de page 187, 188 et 189, où est-ce que vous placeriez

  9   ces écoutes téléphoniques dans le rapport ?

 10   R.  Je suis désolé, mais je ne crois pas que j'ai le rapport sous les yeux.

 11   Peut-être serait-il bon qu'on me le remette pour que je l'examine quelques

 12   instants.

 13   Q.  Nous pouvons vous le faire remettre, et je vous l'indique aux citations

 14   suivantes : note en bas de page 187, c'est une écoute téléphonique d'une

 15   conversation entre Karadzic et Babic en date du 9 septembre 1991; la note

 16   188 est une écoute téléphonique entre Karadzic et un certain Gojko Djogo du

 17   12 octobre 1991; et la note 189 est la même écoute téléphonique

 18   correspondant donc à la même date.

 19   R.  Merci.

 20   Cette conversation est reprise dans la note en bas 179, donc à une

 21   date antérieure à celle des trois écoutes que vous venez d'évoquer.

 22   Q.  Je vous remercie.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 24   sans perdre de vue les consignes données par la Chambre au sujet des

 25   écoutes téléphoniques, je ne demande donc pas le versement au dossier de

 26   ces écoutes pour le moment.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. A moins que la

 28   Défense en souhaite le versement.

Page 3124

  1   Mais pour le moment, veuillez procéder.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais toutefois, Monsieur le

  3   Président, que ces écoutes soient enregistrées aux fins d'identification,

  4   si la chose est possible.

  5   [La Chambre de première instance se concerte] 

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira donc de la pièce MFI P962.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation]

  9   Q.  Passons maintenant à un autre sujet qui concerne plus directement

 10   Sarajevo, Monsieur Donia. Voici la question que j'aimerais vous poser : la

 11   stratégie établie au niveau municipal a-t-elle été mise en œuvre dans le

 12   secteur de Sarajevo ?

 13   R.  Oui, dans le cadre de ce que j'ai baptisé dans mon rapport les

 14   démarches occidentales. Donc les six municipalités situées à l'ouest de

 15   Sarajevo ont été soumises à cette stratégie municipale dans ces deux

 16   composantes principales, à savoir l'application des consignes A et B et

 17   nouveau tracé des frontières municipales. Ceci a probablement été fait de

 18   façon plus détaillée que dans quelque autre région de Bosnie.

 19   Q.  Mais comment se fait-il que cela ait été le cas et comment cela a-t-il

 20   été fait ?

 21   R.  Cela s'est fait d'abord en créant des assemblées municipales serbes

 22   dans plusieurs municipalités. Cela s'est fait par la création des cellules

 23   de Crise. Puis cela s'est fait par un tracé complètement nouveau des

 24   frontières municipales dans la partie occidentale de la ville, de sorte que

 25   le plan de la ville tel qu'il était à la fin de 1991 était absolument

 26   méconnaissable à la fin de mars ou, disons, avril 1992. La différence entre

 27   les deux était importante.

 28   Puis autre façon de mettre en œuvre cette stratégie municipale, elle

Page 3125

  1   est passée par le fait qu'un certain nombre de dirigeants municipaux

  2   importants du SDS se sont vu octroyer des fonctions militaires, autrement

  3   dit des commandements militaires. Donc dans les premiers mois de la guerre,

  4   ces dirigeants se sont fait connaître comme des commandants militaires

  5   importants dans des zones de responsabilité importantes, à la tête de

  6   certaines unités qui leur rendaient compte.

  7   Q.  Peut-être pourrions-nous maintenant donner quelques exemples de

  8   l'application de cette stratégie dont vous venez de parler. A cet égard, je

  9   demande l'affichage du document 65 ter numéro 01447, qui est un article

 10   datant de novembre 1994, article publié dans un magasine d'information du

 11   ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska, qui publie une interview

 12   de Malko Koroman. Merci pour l'affichage du document.

 13   Monsieur Donia, dans votre déposition d'aujourd'hui, je vous demande si

 14   vous pouvez nous dire si vous aviez déjà vu ce document ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Je demanderais maintenant que l'on affiche la page 2 de ce document

 17   grâce au prétoire électronique. C'est le milieu de la page qui m'intéresse.

 18   Et dans la version B/C/S, ceci correspond à la page 3, deuxième paragraphe

 19   de la colonne de gauche. J'appellerais votre attention dans la version

 20   anglaise de ce texte au deuxième paragraphe entier qui suit le paragraphe

 21   en caractères gras. Je cite :

 22   "Tous les membres de l'ancien MUP savaient ce qu'il en était à Pale. Ils

 23   savaient que nous n'autorisions personne à se promener dans les environs de

 24   Pale à notre insu. En septembre 1991, nous avons déménagé les frontières de

 25   la municipalité de Pale à Lapisnica, c'est-à-dire plus précisément à Brus,

 26   sur le mont Trebevic, de façon à protéger tous les lieux serbes et la

 27   population qui résidait sur notre territoire."

 28   Monsieur Donia, est-ce que ceci est un exemple des différents modes

Page 3126

  1   d'application dont vous venez de parler, en particulier eu égard au fait

  2   que les frontières municipales ont été redessinées ?

  3   R.  Non, ceci n'est pas précisément l'exemple que j'avais à l'esprit. Il

  4   s'agit ici de la définition d'une frontière qui devait être protégée ou

  5   gardée par les forces de police de cette municipalité. Cela ne constitue

  6   pas une nouvelle définition des frontières municipales, car la municipalité

  7   était régie par l'assemblée municipale serbe. Il s'agit ici d'un tracé de

  8   frontières qui est très proche de l'exemple dont vous parlez, mais ce n'est

  9   pas tout à fait la même chose.

 10   Q.  Est-ce que Malko Koroman est bien celui qui est interviewé dans cet

 11   article et est-ce que c'est le même que celui qui a été identifié dans

 12   l'écoute téléphonique que nous venons d'écouter ?

 13   R.  Oui.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement au dossier,

 15   Monsieur le Président, de ce document.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'il n'y a pas d'objection, il est

 17   admis.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P963, Monsieur le

 19   Président.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation]

 22   Q.  S'agissant de la déconstruction des municipalités, je demande

 23   l'affichage du document 65 ter numéro 21361. C'est un article intitulé,

 24   "Les Serbes font leurs adieux à Sarajevo." Il s'agit d'un article paru dans

 25   "Oslobodjenje" en date du 25 décembre 1991.

 26   Q.  Monsieur Donia, avez-vous eu l'occasion d'examiner le document qui se

 27   trouve devant vous sur l'écran durant la préparation de votre déposition ?

 28   R.  Oui. C'est un article tiré du journal "Oslobodjenje" de Sarajevo, qui

Page 3127

  1   était un quotidien distribué dans toute la région de Sarajevo.

  2   Q.  Pourriez-vous situer plus précisément la discussion dont il est

  3   question dans ce document, à savoir le débat relatif à la décision de

  4   séparer la municipalité d'Ilijas de la ville de

  5   Sarajevo ? Pourriez-vous nous en donner le contexte ?

  6   R.  Bien, cet article date de quelques jours à peine après la distribution

  7   des consignes A et B et concerne pour partie l'application de ces

  8   consignes. J'ajouterais simplement que le nouveau conseil municipal

  9   d'Ilijas a choisi, comme indiqué dans cet article, de quitter la ville de

 10   Sarajevo puisque c'était une des dix municipalités de la ville, et plutôt

 11   que de rejoindre la Région autonome de Romanija, qui était le remplacement

 12   nouvellement créé par les Serbes de la ville de Sarajevo, cette

 13   municipalité s'est donc créée sur les pentes de la montagne, dont le nom

 14   est cité dans l'article, qui se trouve au voisinage de la ville.

 15   Q.  Est-ce qu'une autre municipalité de Sarajevo a pris des mesures

 16   comparables avant celle-ci ?

 17   R.  La municipalité de Pale avait pris la même mesure à la fin du mois

 18   d'avril 1991, autrement dit huit mois avant cette municipalité-ci.

 19   Q.  Je vous remercie.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que

 21   ce document devienne la prochaine pièce à conviction.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P964, Monsieur le

 24   Président, Messieurs les Juges.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. J'aimerais maintenant que l'on

 26   affiche sur les écrans le document 65 ter numéro 30595.

 27   Q.  Il s'agit de la transcription d'une écoute téléphonique à laquelle

 28   participaient un certain Prodanovic et un certain Jovan Tintor, dont vous

Page 3128

  1   faites état dans votre rapport relatif à Sarajevo en note en bas de page

  2   numéro 53. Reconnaissez-vous le document qui est affiché à l'écran devant

  3   vous, Monsieur Donia ?

  4   R.  Je ne crois pas que ceci se trouve à la note en bas de page 53 de mon

  5   rapport. Mais je reconnais l'écoute téléphonique que je vois à l'écran en

  6   ce moment, oui.

  7   Q.  Avez-vous eu la possibilité de relire ce texte durant la préparation de

  8   votre déposition ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Je demanderais à présent l'affichage de la page 5 de la traduction de

 11   cette écoute en anglais grâce au prétoire électronique, qui correspond à la

 12   page 7 de la version B/C/S, dont je demande également l'affichage. Dans la

 13   page 5 en anglais du prétoire électronique, au-dessus du très long

 14   paragraphe que l'on voit dans cette page, on constate que Prodanovic, qui

 15   est l'interlocuteur de Tintor, pose des questions au sujet de sa maison

 16   sise à Donja Visoko [comme interprété], et dit :

 17   "Elle fait partie de la Région autonome serbe de Romanija. Tout ce qui va

 18   de Vrelo Bosne à Visoko, mon frère, tout cela sera interconnecté et

 19   incorporé à la Romanija. Bien entendu, de nouvelles municipalités seront

 20   créées. Une nouvelle municipalité est déjà en train de voir le jour, c'est

 21   celle de Rajlovac, qui inclura Zabrdje et tout le secteur qui va jusqu'à

 22   Vrelo Bosne, et jusqu'ici, jusqu'à la Vogosca serbe."

 23   J'ai quelques questions à vous poser sur ce passage. Connaissez-vous M.

 24   Tintor ?

 25   R.  Oui, M. Tintor était un dirigeant important du SDS dans la municipalité

 26   de Vogosca, et je crois savoir qu'il a obtenu un poste au sein du

 27   gouvernement de la Republika Srpska également par la suite.

 28   Q.  Pourriez-vous commenter l'expansion du territoire couvert par Tintor

Page 3129

  1   dans sa réponse à son interlocuteur, et en particulier le fait que ce

  2   secteur inclura Zabrdje et tout ce qui va jusqu'à Vrelo Bosne jusqu'à la

  3   Vogosca serbe ?

  4   R.  Bien, je suis sûr que cela ne peut rien signifier en l'absence d'un

  5   plan, mais Vrelo Bosne signifie la source de la rivière Bosna. C'est un

  6   parc d'agréments qui était situé dans la municipalité d'Ilidza. Et sur le

  7   plan que nous regardions hier, ce parc se trouvait à l'extrême gauche du

  8   plan. Le territoire dont il est fait mention ici s'étendait au nord et à

  9   l'est et couvrait une zone importante qui passait par Rajlovac, un hameau

 10   situé au nord d'Ilidza, qui est devenu une municipalité distincte en 1992,

 11   pour aller jusqu'à Vogosca, qui est une ville située au nord du centre-

 12   ville de Sarajevo et qui constituait l'une des dix municipalités de la

 13   ville. Donc cet homme parle ici de la création d'une nouvelle municipalité

 14   dans un contexte particulier, à savoir dans le cadre de la mise en place

 15   d'une zone territoriale continue et vaste dans laquelle les Serbes

 16   constituaient la population majoritaire.

 17   Q.  Je vous remercie. Je cherchais à connaître le numéro de cette carte,

 18   car elle pourra nous aider lorsque nous parlerons du prochain document.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 20   je demanderais l'enregistrement aux fins d'identification de cette écoute

 21   téléphonique, je vous prie.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, cette écoute sera enregistrée aux

 23   fins d'identification.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P965, enregistrée sous

 25   une cote MFI, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas l'enregistrement audio

 27   correspondant à ce document, n'est-ce pas, Madame ?

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

Page 3130

  1   J'aimerais maintenant que l'on affiche sur les écrans la transcription

  2   d'une autre écoute téléphonique d'une conversation à laquelle participaient

  3   le Dr Karadzic et un certain M. Grkovic en date du 22 février 1992. Il

  4   s'agit du document 65 ter numéro 30611. 30611. Nous avons également un

  5   enregistrement audio de cette écoute téléphonique, mais nous n'en demandons

  6   pas la diffusion pour le moment.

  7   Q.  Monsieur Donia, voyez-vous le texte original qui constitue la

  8   transcription des propos tenus pendant cette conversation interceptée. Est-

  9   ce que vous voyez ce texte devant vous sur l'écran ainsi que la traduction

 10   anglaise qui apparaît à l'instant ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Avez-vous eu la possibilité de relire ce document pendant que vous

 13   prépariez votre déposition ici aujourd'hui ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  L'écoute téléphonique dont nous venons de discuter, cette conversation

 16   à laquelle participait M. Tintor, qui a parlé de la création de la

 17   municipalité de Rajlovac, et cette écoute-ci, aux deux-tiers de la page à

 18   peu près -- peut-on faire défiler la page vers le bas. Merci. Donc dans

 19   cette écoute-ci, nous voyons que Ljubo Grkovic indique à son interlocuteur,

 20   M. Bagic [comme interprété], qu'il vient d'arriver d'une autre localité, et

 21   il dit :

 22   "Nous venons de créer là-bas une municipalité…" Puis un peu plus loin, il

 23   ajoute :

 24   "Elle aura pour nom Rajlovac et elle englobera Reljevo et tout le

 25   territoire qui va jusqu'à Vogosca et Ilijas et aussi le territoire qui

 26   s'étend jusqu'à Osijek et jusqu'à l'émetteur de télévision."

 27   Vous voyez ce passage ?

 28   R.  Oui.

Page 3131

  1   Q.  J'aimerais vous renvoyer maintenant au plan que vous avez vu hier, la

  2   pièce P815. J'en demande l'affichage. Parce que, Monsieur Donia, peut-être

  3   pourriez-vous commenter cet agrandissement du territoire dont il est

  4   question dans ces deux écoutes téléphoniques.

  5   R.  Ces deux écoutes téléphoniques portent sur la création de la

  6   municipalité de Rajlovac, municipalité qui a été découpée pour constituer

  7   une municipalité distincte à partir de la municipalité anciennement

  8   existante qui était celle de Novi Grad. Et elle se situe, comme déjà

  9   indiqué, un peu plus haut que le centre du plan, légèrement sur la gauche.

 10   Et on voit ici que la municipalité de Novi Grad constituait et recouvrait

 11   un territoire assez vaste dans la partie occidentale de la ville et qu'elle

 12   s'étendait au nord et au sud des voies de communications principales.

 13   Alors, la nouvelle municipalité de Rajlovac a tiré son nom d'une localité

 14   qui en faisait partie. Est-ce qu'il faut que j'annote à nouveau le plan que

 15   j'ai actuellement sous les yeux ?

 16   Q.  Je vous invite à le faire, selon l'expérience que vous avez déjà

 17   acquise hier.

 18   R.  D'accord. Rajlovac se trouve ici --

 19   Q.  Pourriez-vous tracer un cercle de couleur bleu à gauche des mots "Novi

 20   Grad."

 21   R.  Oui. Et Rajlovac, dans les premières années du socialisme, était une

 22   municipalité distincte, et c'est également dans cette zone que se

 23   trouvaient un terrain d'atterrissage aérien et une école destinée à former

 24   les forces aériennes, qui était à l'époque dirigée par l'armée populaire

 25   yougoslave. Cette nouvelle municipalité de Rajlovac recouvrait également

 26   Zabrdje, qui abrite la maison familiale de M. Krajisnik. Cela se trouve un

 27   peu plus au nord par rapport au cercle que je viens de tracer, juste avant

 28   la grand-route, à peu près ici. Mais tout cela c'est à peu près.

Page 3132

  1   Donc Rajlovac est devenue une nouvelle municipalité sur ce plan des

  2   faubourgs occidentaux de la ville, habitée par des Serbes, et c'était donc

  3   un secteur d'une très grande importance qui abritait de nombreux hameaux

  4   ainsi qu'une partie des pentes de la colline surplombant les mots "Novi

  5   Grad" sur le plan, au nord et à l'est de cette colline.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Donia, auriez-vous l'amabilité

  7   d'inscrire les initiales R et Z à ces deux endroits pour identification à

  8   venir.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Voyons. R ici, et Zabrdje.

 10   D'accord. Très bien. Merci, Monsieur le Président.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation]

 12   Q.  Merci, Monsieur Donia. Je me demandais, même s'il est peut-être

 13   difficile de le voir étant donné la taille du plan sur l'écran, si vous

 14   étiez en mesure d'indiquer approximativement sur ce plan où se trouvait la

 15   station de télévision, de façon à ce que les Juges puissent se faire une

 16   idée des distances, et donc de l'étendue approximative du territoire qui

 17   composait cette nouvelle municipalité.

 18   R.  Voyons. Je dirais que la station de télévision se trouvait ici, un peu

 19   plus près de la route que la voie ferrée, mais en tout cas, à peu près ici.

 20   Et ce qu'on appelait station de télévision était, en fait, un bâtiment en

 21   béton de grande taille, dont l'architecture n'était pas très appréciée mais

 22   qui était connue de chacun à Sarajevo, et qui constituait donc un bâtiment

 23   permettant de reconnaître les faubourgs occidentaux de la ville.

 24   Q.  Donc à partir de cette série de documents relatifs à Ilijas, Vogosca et

 25   Rajlovac, d'après vous, quelle était la nouvelle configuration des

 26   frontières municipales dans les faubourgs occidentaux de la ville ?

 27   R.  Bien, les nouvelles frontières municipales, telles qu'elles ont été

 28   finalement déterminées au début du mois d'avril 1992, ont eu pour résultat

Page 3133

  1   que les municipalités en question longeaient les voies de communications,

  2   la grande artère allant de l'est à l'ouest, plutôt que la voie de

  3   communications perpendiculaire, comme c'était le cas dans la structure

  4   municipale antérieure. Donc ce qui a été fait en éliminant Novi Grad et en

  5   créant la municipalité de Rajlovac au nord de la route dans la totalité de

  6   son territoire, c'est que Novi Grad, qui se trouvait au sud de la route -

  7   je ne sais pas vraiment comment le montrer sur ce plan - mais en tout cas,

  8   en intégrant Novi Grad dans Novo Sarajevo, on y a intégré également Ilidza.

  9   Et on a abouti à cette nouvelle structure avec Dobrinja, qui fait partie

 10   intégrante de la municipalité d'Ilidza.

 11   Q.  Je vous remercie. Peut-être pourrais-je vous demander, comme vous

 12   l'avez fait tout à l'heure en inscrivant les initiales R et Z, d'inscrire

 13   maintenant sur ce plan les initiales R, Z et T, pour indiquer la station de

 14   télévision, puis de montrer dans quelle direction se trouvait Dobrinja à

 15   l'aide d'une flèche et de l'initiale D, et puis d'inscrire NO pour Novo

 16   Sarajevo, et une initiale pour Ilidza.

 17   Est-ce que cela peut se faire, Monsieur Donia ?

 18   R.  Bien, Ilidza est déjà annotée sur le plan, si je ne me trompe. Ce dont

 19   il était question ici c'était de modifier le tracé des frontières d'Ilidza,

 20   ce qui s'est fait à la mi-avril.

 21   Q.  Donc s'agissant du nouveau tracé des frontières municipales, est-ce que

 22   vous considérez que la logique qui a sous-tendu cette action était une

 23   logique destinée à créer de nouvelles relations entre certains secteurs

 24   territoriaux ?

 25   R.  Bien, cela déplaçait les structures municipales des grandes voies de

 26   communications et permettait de créer des municipalités qui reposaient sur

 27   une base démographique pour l'essentiel, qui abritaient, autrement dit un

 28   nombre de Serbes important en laissant les quartiers musulmans au nombre de

Page 3134

  1   deux -- en fait, je veux parler des quartiers majoritairement peuplés par

  2   des Musulmans, autrement dit Sokolovic, Kolonija et Sokolija [phon], sous

  3   forme d'enclaves dans ces nouvelles municipalités.

  4   Q.  Etait-ce un processus pacifique ?

  5   R.  Bien, le fait de tracer des frontières n'est pas un acte violent. Il

  6   permet simplement d'établir de nouvelles juridictions qui mettaient en

  7   cause la direction gouvernementale de la ville de Sarajevo et des

  8   municipalités existant à cette époque-là.

  9   Q.  Dans votre déposition, vous avez déjà évoqué les dirigeants civils qui

 10   se sont vus octroyer des fonctions militaires dans le cadre de

 11   l'application de cette stratégie au niveau municipal. Mais quel était le

 12   rôle de ces dirigeants ? Qu'ont-ils fait dans le cadre de l'application de

 13   leurs fonctions ?

 14   R.  Bien, comme je l'ai déjà dit, ils sont devenus commandants d'unité et

 15   ont emmené les populations vivant dans les municipalités dont ils avaient

 16   la charge à établir le siège de Sarajevo et à relier les frontières de la

 17   zone assiégée à d'autres municipalités en déterminant, par conséquent, sur

 18   le plan territorial des zones qui devaient être sous contrôle serbe.

 19   Q.  Est-ce que ce processus a été pacifique ?

 20   R.  Cette partie du processus n'a pas été pacifique.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Avant de passer à un autre sujet, Monsieur

 22   le Président, pour revenir à l'écoute téléphonique constituant le document

 23   65 ter numéro 30611, écoute d'une conversation à laquelle participait le Dr

 24   Karadzic et M. Grkovic, j'aimerais que ce document soit enregistré aux fins

 25   d'identification.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez conserver les

 27   annotations qui ont été faites sur le plan ?

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Absolument. C'est ce que je voulais

Page 3135

  1   demander par la suite, mais si nous pouvons faire les deux en même temps,

  2   je vous en prie, que cela soit fait. J'aimerais que le plan annoté par M.

  3   Donia devienne la pièce suivante de l'Accusation.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P966, Monsieur le

  6   Président.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Et l'écoute téléphonique.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est bien cette écoute-ci ?

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 11   Juges, ce document constituera la pièce P967, enregistrée aux fins

 12   d'identification sous une cote MFI.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 15   Q.  Puisque nous sommes en train de parler de ces dirigeants civils qui ont

 16   pris le commandement de certaines unités et qui ont poussé les habitants de

 17   leurs municipalités à établir les lignes de siège, j'aimerais maintenant

 18   que l'on diffuse une séquence vidéo qui constitue le document 65 ter numéro

 19   45111. C'est une interview de Jovan Tintor par Risto Djogo en date de 1994.

 20   Avant de commencer la diffusion de cette vidéo, peut-être pourrais-je vous

 21   demander, Monsieur Donia, si vous connaissiez ce Risto Djogo ?

 22   R.  C'était un journaliste qui a pratiqué de nombreuses interviews pour la

 23   télévision serbe de Pale, si je ne me trompe.

 24   Q.  Merci. Je demande la diffusion de cette vidéo, et ce sera la dernière

 25   durant l'audience d'aujourd'hui.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Monsieur Tintor, bienvenu dans notre émission. On ne vous a pas vu dans

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  1   les médias, mais vous êtes membre du SDS depuis le premier jour. Il est bon

  2   que nous vous ayons trouvé.

  3   Je suis depuis le premier jour membre du SDS, l'un des fondateurs du

  4   SDS, en fait, ici même à Pale. C'est moi qui ai fait commencer tout ce qui

  5   a commencé. Quand nous avons décidé de créer notre parti, nous sommes venus

  6   à Pale et nous avons été à l'initiative de ce document de 21 articles. Nous

  7   nous sommes mis d'accord de préparer une nouvelle assemblée pour la

  8   création du SDS de Bosnie-Herzégovine à cette époque, et nous avons décidé

  9   de le faire précisément ici à Pale.

 10   Mais qu'est-ce qui vous a emmené à faire de la politique ? Vous étiez

 11   connu comme homme d'affaires et comme entrepreneur qui faisait de l'argent

 12   et qui ne se mêlait pas de politique.

 13   Voyez-vous, je ne me suis pas occupé de politique, mais je ne n'étais pas

 14   apolitique à cette époque-là. Lorsque les Musulmans avaient déjà créé leur

 15   parti, les Croates créaient leur parti aussi. Les choses sont très simples.

 16   J'ai décidé qu'il fallait faire quelque chose en faveur du peuple serbe. Et

 17   puisque je fais partie de ce peuple serbe, je suis Serbe et pas seulement

 18   Serbe sur ordre, de ma propre décision, je suis un Serbe, et j'ai considéré

 19   qu'il fallait que quelque chose se fasse pour les Serbes. Sur proposition

 20   du président Karadzic, nous sommes venus ici à Pale et nous sommes convenus

 21   de créer notre parti. Et ma prise de position a été aidée par le peuple

 22   serbe dans la mesure où je pouvais mettre mes capacités à sa disposition.

 23   Cependant, je n'ai pas décidé de m'occuper de politique. Ce n'était pas ma

 24   motivation principale. Et il faut que vous sachiez, je peux vous le dire

 25   tout de suite, que ce que je voulais c'était apporter mon aide dans la

 26   mesure de mes moyens et mettre à disposition le peu que je savais et le peu

 27   que je connaissais. Mais nous nous sommes préparés, comme vous le savez,

 28   parfaitement bien. Au moment où nous avons créé notre parti, nous nous

Page 3137

  1   sommes préparés à proposer des candidats pour la présidence du SDS, et nous

  2   avons choisi Nenad Kecmanovic à cette époque-là, qui était un représentant

  3   politique déjà à l'époque. Ni le président Radovan Karadzic ni d'autres

  4   n'étaient des hommes politiques à l'époque. C'est très simple. Nous avons

  5   essayé d'organiser la population de façon à aider notre peuple et à donner

  6   la direction à des hommes qui étaient des représentants politiques

  7   aguerris, et qui s'occupaient déjà de politique."

  8   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  9   Mme EDGERTON : [interprétation]

 10   Q.  Je vais vous demander de commenter ceci, mais pourriez-vous nous dire

 11   si vous connaissez certains des noms mentionnés par M. Tintor. Kukanjac,

 12   par exemple.

 13   R.  Il était général de la JNA et il commandait la région militaire qui

 14   avait son siège à Sarajevo, qui couvrait pratiquement toute la Bosnie-

 15   Herzégovine et il avait aussi quelques responsabilités pour ce qui est de

 16   la Croatie.

 17   Q.  Et Mico Stanisic ?

 18   R.  Il était membre du gouvernement de la République serbe de Bosnie

 19   lorsqu'elle a été proclamée. Je pense qu'en mars ou en avril il est devenu

 20   ministère de l'Intérieur de ce gouvernement, donc le policier numéro un de

 21   la Republika Srpska.

 22   Q.  Et Momcilo Mandic ?

 23   R.  M. Mandic était le ministre adjoint du ministère de l'Intérieur. Plus

 24   tard, il allait fonder le ministère de l'Intérieur et la police serbe

 25   séparés fin mars 1992.

 26   Q.  Et le général Subotic, qui était-ce ?

 27   R.  Un commandant de la JNA, et par la suite il a détenu un poste de

 28   commandement important dans l'armée de la Republika Srpska.

Page 3138

  1   Q.  Quels seraient vos commentaires sur cette séquence vidéo que nous

  2   venons de voir après ces images que nous avons vues, où on voit des

  3   dirigeants civils qui endossent les fonctions militaires ?

  4   R.  Je crois que M. Tintor l'a fort bien dit. Il a bien expliqué ce que

  5   recouvraient ces fonctions militaires. Il y avait dans celles-ci

  6   l'établissement d'une ligne de défense, la prise de la colline stratégique

  7   de Zuc, qui est au cœur même de la municipalité de Rajlovac, et la jonction

  8   à faire avec d'autres unités et dirigeants militaires dans le cadre du plan

  9   visant à entourer la ville de Sarajevo.

 10   Q.  Vous avez expliqué les fonctions de M. Tintor à Vogosca. Il décrit une

 11   certaine situation et les activités qu'il a décidé d'assumer. Est-ce que ce

 12   fut pareil dans les autres municipalités de Sarajevo ?

 13   R.  Oui. On assiste à un processus analogue à Ilidza, à Ilijas, et dans la

 14   zone de Rajlovac.

 15   Q.  Prenons la transcription d'une écoute téléphonique faite le 21 mai

 16   1992, numéro de la liste 65 ter 30788. C'est un certain Nedjeljko

 17   Prstojevic et Milisav Gagovic qui ont cette conversation. Nous allons

 18   bientôt voir ce texte. Mais est-ce que vous connaissez ce M. Prstojevic,

 19   savez-vous ce qu'il faisait ?

 20   R.  M. Prstojevic, je pense que c'était le président du SDS à Ilidza.

 21   Q.  Est-ce que vous voyez la transcription de cette écoute téléphonique ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de relire ce texte pendant le

 24   récolement ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce que vous pourriez nous commenter cette écoute téléphonique ?

 27   R.  Je ne la vois pas dans sa totalité à l'écran que j'ai devant moi. Je ne

 28   sais pas exactement sans voir l'ensemble du texte si je peux le commenter.

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  1   Q.  Est-ce qu'on peut voir la page suivante. Et peut-on nous montrer le bas

  2   de la page. Je constate, Monsieur Donia, qu'en bas de page, l'interlocuteur

  3   de M. Prstojevic, Gagovic dit que : 

  4   "Les Musulmans s'enfuient de Dobrinja sans raison."

  5   Prenons la troisième page, le haut de la page, qu'y voit-on, je vois

  6   que M. Gagovic dit :

  7   "Oui, j'ai donné l'ordre au centre de presse de donner l'information

  8   disant que nous autorisons des Musulmans à quitter Dobrinja, mais il faut

  9   que ce soit la famille toute entière qui parte dans chaque cas."

 10   Et un peu plus bas, si on parle du bas de la page --

 11   Mme EDGERTON : [aucune interprétation]

 12   Q.  Il faut remonter de six lignes, Prstojevic dit :

 13   "Oui, il y a un poste de contrôle à Nedzarici," puis des mots

 14   manquent, "vers Bascarsija, là, on dit qu'il y a beaucoup d'espaces où on

 15   peut s'installer, on peut vivre."

 16   Est-ce que vous vous souvenez du contexte dans lequel s'est déroulée

 17   cette conversation ?

 18   R.  Cette conversation s'est faite à un moment où il y a des événements qui

 19   se succèdent rapidement dans cette zone,tournée vers l'ouest, et ici on a

 20   dit que la population musulmane de Dobrinje - Dobrinje, c'est une grosse

 21   agglomération urbaine qui avait été construite pour les Jeux olympiques

 22   d'hiver de 1984 - et on dit que -- comment dire - on demande l'autorisation

 23   et le soutien, pour ainsi dire, des dirigeants du SDS, puis la conversation

 24   aborde le sujet d'un poste de contrôle à Nedzarici, Nedzarici étant un

 25   autre endroit dans l'abord occidental, et on dit qu'il y a beaucoup

 26   d'espaces vides, des appartements vides apparemment dans cette zone qui se

 27   rapproche du centre.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le

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  1   Président.

  2   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  3   Mme EDGERTON : [interprétation]

  4   Q.  Regardez la note de bas de page 273 de votre rapport à propos de

  5   Sarajevo. C'est là, me semble-t-il, que vous citez cette écoute

  6   téléphonique.

  7   R.  Oui, je l'ai trouvé, ce passage.

  8   Q.  Est-ce que vous auriez quelque chose de plus à dire à propos de cette

  9   écoute téléphonique, vu votre note dans le rapport ?

 10   R.  Ici, j'établis un lien entre cette conversation et les événements qui

 11   surviennent ce jour-là, à cette époque-là, à commencer par le 20 mai, ce

 12   jour-là, un long convoi qui faisait plusieurs kilomètres de long, soutenu

 13   par l'ambassadeur pour les enfants à Sarajevo, il avait été stoppé alors

 14   qu'il quittait la ville, et il est resté arrêté pendant deux jours, pendant

 15   qu'il y avait des négociations avec participation de la Croix-Rouge afin

 16   que les enfants et les quelques femmes qui faisaient partie du convoi

 17   puissent sortir de la ville. Finalement, ce convoi a pu passer. Je pense

 18   qu'il a pu partir le 22 ou le 23 mai. Il est allé sur la côte adriatique

 19   pour ensuite quitter la Bosnie.

 20   Q.  Merci, Monsieur Donia.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 22   j'ai oublié de demander le versement de la vidéo qui portait le numéro 65

 23   ter 45111, horodatage, 00 : 22 : 05 jusqu'au 00 : 26 : 22.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P968.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 27   Q.  Je ne demande pas tout de suite le versement de cette écoute

 28   téléphonique, mais j'aimerais revenir sur ce que disait M. Prstojevic à la

Page 3142

  1   17e séance de l'assemblée des Serbes de Bosnie qui s'est tenue du 24 au 26

  2   juillet 1992, D0092, page 66 en anglais, page 66 également en B/C/S. Le

  3   texte est désormais affiché. Je vous remercie.

  4   Monsieur Donia, prenez le texte en anglais, mais vous pouvez regarder sur

  5   le texte en B/C/S pour trouver ce passage qui se trouve dans la deuxième

  6   moitié de la page. Voyez, Prstojevic est indiqué des deux côtés. Prenez le

  7   milieu du paragraphe, là où commence l'intervention de M. Prstojevic. Il

  8   dit :

  9   "De plus, même si on ne savait pas que M. Karadzic était vivant les

 10   premiers jours -- on ne savait même pas s'il était vivant, mais lorsque

 11   nous avons appris qu'il était vivant et quand il est venu nous voir à

 12   Ilidza et nous a encouragés, les Serbes de Sarajevo ont conservé le

 13   contrôle qu'ils avaient du territoire et ont même agrandi ce territoire

 14   dans certains secteurs dont ils ont chassé les Musulmans, là où ils avaient

 15   constitué auparavant une majorité."

 16   Avez-vous un commentaire.

 17   R.  Bien, je pense qu'en l'espace d'une phrase, M. Prstojevic récapitule

 18   bien ce qui s'est passé aux abords occidentaux en même temps que

 19   l'établissement du siège de la ville et la conquête de l'essentiel du

 20   territoire se trouvant sur les abords occidentaux.

 21   Q.  Est-ce qu'à votre avis, cette déclaration, est-ce qu'elle traduit la

 22   politique qu'aurait menée le SDS à Sarajevo, autour de Sarajevo ?

 23   R.  Non, c'est une politique de nettoyage ethnique pratiquée sur les

 24   territoires conquis, qui consiste à déloger la population non-serbe de

 25   l'essentiel de ces territoires. Autre indication fournie par ce texte,

 26   l'objectif affiché les derniers mois, les mois précédents, étaient de ne

 27   chercher à acquérir que des terres serbes. Mais ça avait été dépassé et

 28   largement dépassé en effectuant les actions décrites par M. Prstojevic ici.

Page 3143

  1   Q.  Merci. A cet égard, nous allons conserver les documents de la même

  2   séance de l'assemblée, mais nous allons prendre dans le prétoire

  3   électronique la page 19 en anglais, et ce sera la page 16 en B/C/S. Peut-on

  4   agrandir le bas de la page, plutôt, pas le haut. Je dois faire le décompte

  5   du nombre de lignes. Je veux la dix-neuvième ligne quand on part du bas

  6   dans la version en anglais. Je l'ai trouvée.

  7   Je vais vous demander de voir ce qu'a déclaré M. Karadzic à la 17e séance

  8   de l'assemblée.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Greffier, merci d'afficher la

 10   partie gauche de la version en anglais. On ne voit pas le début des mots.

 11   Q.  Je pense que voici ce que dit M. Karadzic :

 12   "Nous n'avons plus de raison de combattre. Nous avons libéré pratiquement

 13   ce qui nous appartenait. Au cours de pourparlers finaux, nous pourrions

 14   même restituer certains territoires ou villages qui ne nous appartiennent

 15   pas."

 16   C'est difficile de repérer ce passage, car ici il n'y a pas de mise

 17   en forme en paragraphes, mais est-ce que vous avez trouvé les mots que je

 18   viens de citer ?

 19   R.  Mais je sais ce qui s'est passé à la séance de l'assemblée. C'est ainsi

 20   que je connais cet extrait-ci, aussi.

 21   Q.  Vu ce que déclare ici M. Karadzic, auriez-vous un commentaire à faire ?

 22   R.  Il dit ici que la conquête nationaliste des Serbes de Bosnie, conquête

 23   de territoire, a de loin dépassé ce qui avait été au départ une

 24   revendication territoriale fondée sur l'existence de terres serbes. C'est

 25   aussi peut-être une autre indication, celle que M. Karadzic voyait dans

 26   cette terre supplémentaire, peut-être, un moyen de négocier, une façon

 27   d'avoir une monnaie d'échange pour en arriver à la fin de la guerre.

 28   Q.  Le 12 mai 1992, c'était hier à la page 3 079, ligne 2 et suivantes du

Page 3144

  1   compte rendu d'audience, vous citiez M. Karadzic et vous disiez qu'il

  2   voyait la séparation de la ville de Sarajevo comme une façon d'atrophier

  3   l'Etat, de priver la République de Bosnie-Herzégovine des attributs de

  4   l'Etat. Vous vous en souvenez ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Pouvons-nous voir le document 11570 de la liste 65 ter. Ici, nous une

  7   entrevue, une interview de Stanislav Galic dans le journal de Sarajevo,

  8   "Sarajevo Srpske Novine. La date est celle du 25 mars 1994, et le titre est

  9   "Agression en bleu." Nous allons bientôt voir le texte, mais je suppose que

 10   vous savez qui était Stanislav Galic, n'est-ce pas ?

 11   R.  Il était à l'époque le commandant du Corps de Sarajevo-Romanija qui a

 12   assiégé Sarajevo à l'époque.

 13   Q.  Est-ce que vous avez maintenant le texte à l'écran ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que vous avez pu le lire dans le cadre des préparatifs que vous

 16   avez faits pour votre audition ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Prenons la page 6 de la traduction en anglais, s'il vous plaît, page 2

 19   en B/C/S. C'est la colonne du milieu. Nous avons maintenant sous les yeux

 20   la traduction en anglais. Voyons la question posée par le journaliste en

 21   haut de page. Je la cite :

 22   "Beaucoup disent que les clés de la guerre ou de la paix sont tenues à

 23   Sarajevo. Que pensez-vous de l'idée de lever le siège de la ville ?"

 24   Six lignes plus loin, vous avez la réponse de Galic, qui dit :

 25   "Tant que nous avons Sarajevo dans ce territoire, Alija n'a pas d'Etat."

 26   Vous avez trouvé cette ligne 6 dans l'intervention de

 27   M. Galic ?

 28   R.  Oui.

Page 3145

  1   Q.  Quel serait votre commentaire quand on voit ce que dit M. Galic ici

  2   dans la totalité de l'article ?

  3   R.  Mais ici, il se fait l'écho d'une déclaration faite souvent par M.

  4   Karadzic. Lorsqu'il disait que dans la plupart des guerres civiles, elles

  5   finissent par un règlement négocié et qu'il n'y ni vainqueur ni vaincu.

  6   Sarajevo c'est le centre névralgique, l'élément essentiel qui va déterminer

  7   l'issue de la guerre. Il dit aussi que les points essentiels à Sarajevo --

  8   ou ce qui compte surtout à Sarajevo c'est de priver Alija d'un Etat ou des

  9   attributs d'un Etat et que, par conséquent, Sarajevo c'est le pion majeur

 10   dans ce genre de négociations.

 11   Q.  Merci.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement de ce document,

 13   Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P969.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Une dernière question, Monsieur Donia. Dans

 17   les séances d'assemblée ou ailleurs, est-ce que vous avez vu des preuves,

 18   des indications montrant que ces objectifs stratégiques dont nous avons

 19   parlé en début de l'interrogatoire sont des principes qui ont régi les

 20   activités des Serbes de Bosnie et de son armée pendant la guerre ?

 21   R.  Oui. Nombreuses sont les références faites à l'importance des objectifs

 22   stratégiques lorsque s'expriment des dirigeants militaires, Mladic en

 23   premier lieu devant l'assemblée des Serbes de Bosnie. Ces principes des

 24   objectifs stratégiques se retrouvent dans des ordres généraux qui

 25   régissaient les offensives militaires menées pendant la guerre.

 26   Q.  Voyons le document 00085 de la liste 65 ter. Vous avez là le procès-

 27   verbal de la 50e séance de l'assemblée de la Republika Srpska. Les dates

 28   sont les 15 et 16 avril 1995.

Page 3146

  1   La page qui m'intéresse en anglais c'est la page 22. En B/C/S, à la page

  2   18.

  3   Monsieur Donia, voyons ce que dit le général Mladic à cette page. Vous avez

  4   en milieu de page un long paragraphe complet. Voilà.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Il faudrait qu'on mette le début de la

  6   phrase, parce qu'on ne voit pas le début des mots en anglais. C'est parfait

  7   maintenant. Merci.

  8   Q.  Regardez la dernière phrase de ce paragraphe, je la lis : 

  9   "Dans cette guerre, l'armée a des fonctions qui découlent des six objectifs

 10   stratégiques bien connus adoptés par notre assemblée, mais qui n'ont pas

 11   été pleinement appliqués en raison d'une absence de matériel, d'équipement

 12   et d'autre soutien."

 13   Vous voyez cette phrase ?

 14   R.   Oui.

 15   Q.  Est-ce qu'on a ici une déclaration du général Mladic qui évoque les

 16   objectifs stratégiques que vous avez vus dans le cadre de votre recherche

 17   et auxquels vous faites référence ?

 18   R.  Oui.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement du procès-verbal de

 20   cette 50e session.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans sa totalité ?

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P270 [comme interprété].

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Je ne sais pas si vous avez des questions,

 25   Monsieur le Président, et si vous n'en avez pas, c'est ainsi que se termine

 26   mon interrogatoire principal.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 28   Monsieur Karadzic, vous voulez commencer maintenant ou vous préférez

Page 3147

  1   une pause avant le début de votre contre-interrogatoire ?

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, si c'est égal, il vaut mieux faire une

  3   pause tout de suite et faire le reste en une tranche.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de faire la pause, est-ce que vous

  5   avez demandé le versement du rapport de M. Donia ?

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Je suis vraiment navrée, Monsieur le

  7   Président. Effectivement, à ce stade de la procédure, je devrais vous

  8   demander le versement des trois rapports : le 11699 de la liste 65 ter, le

  9   rapport sur les origines de la Republika Srpska; le 11700, ce qu'on a

 10   appelé le rapport des extraits pendant tout l'interrogatoire principal; et

 11   le 21894 de la liste 65 ter. Simultanément, vous vous en souvenez, il y

 12   avait au départ 19 pièces et il n'y en a plus que 18 qui sont mentionnées

 13   dans l'annexe B de la notification et de la liste des documents déposés

 14   concernant ce témoin en février 2010. Bon nombre de ces documents -- enfin,

 15   je dis bon nombre, mais je devrais dire un certain nombre car je pense

 16   qu'il y en a trois. Je ne sais pas si c'est tout à fait exact, mais trois

 17   de ces documents sont des transcriptions d'écoutes téléphoniques concernant

 18   l'incident de septembre dont a parlé M. Donia aujourd'hui.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous dites annexe B, vous parlez des

 20   documents qui sont versés en annexe du rapport sur Sarajevo, dont des

 21   cartes, par exemple ?

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, quand je dis annexe B, je parle de

 23   notre écriture du 5 février 2010 dans laquelle vous trouviez en annexe deux

 24   listes de documents dont nous avions dit que nous allions les utiliser

 25   pendant l'audition de M. Donia. Il y en avait encore 19 et il n'y en a plus

 26   que 18 qui sont des sources utilisées par le témoin avant de préparer son

 27   rapport, et nous demandions aussi le versement de ces 18 documents.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais que tout soit clair, ça fait

Page 3148

  1   combien en tout ? On parle maintenant des documents -- vous avez parlé de

  2   19, puis de 18. Vous avez utilisé les 18 documents ou vous demandez le

  3   versement de documents qui n'ont pas été utilisés pendant l'interrogatoire

  4   principal ?

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] L'annexe A recense les documents d'où

  6   découlent les pièces que nous avons présentées pendant l'interrogatoire

  7   principal et l'annexe B c'est précisément ce que vous venez de décrire,

  8   Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'est-ce que la Défense a à dire à ce

 10   propos ?

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Tout d'abord, pour ce qui est du deuxième

 12   rapport de M. Donia, les extraits. Dans l'affaire Perisic, la Chambre l'a

 13   rejeté parce que ce n'était pas véritablement un rapport d'expert, parce

 14   que nous pensons que les procès-verbaux des séances sont utiles, et si vous

 15   trouvez utile d'avoir ces extraits, pas de problème au versement de ces

 16   rapports. Et lorsque nous aurons des experts à nous, nous aurons recours à

 17   la même procédure. Donc nous n'avons pas d'objection manifeste, mais nous

 18   remarquons que dans un autre procès, ce rapport avait été rejeté.

 19   Puis je vous voudrais parler de l'annexe B, mais je pense que M.

 20   Tieger peut s'exprimer dès maintenant sur ce point.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Nous avons eu l'occasion d'en discuter, M. Robinson et moi-même, et

 24   nous ne sommes pas en train de demander que ces extraits de rapports soient

 25   versés au dossier sans les extraits des sessions d'assemblée afin que les

 26   Juges de la Chambre puissent avoir une vue d'ensemble sur tout ceci. Et au

 27   sujet des décisions rendues par la Chambre pour ce qui est du versement de

 28   pièces au dossier, M. Robinson et moi-même, nous sommes réunis pour voir

Page 3149

  1   s'il y avait possibilité d'aboutir à un accord concernant certains de ces

  2   documents.

  3   Et je suis certain que vous ne serez pas surpris d'apprendre, compte

  4   tenu de ce que vous avez déjà entendu dire au sujet de ces sessions de

  5   l'assemblée, que cela a été les premiers points de notre agenda pour ce qui

  6   est d'un accord sur les documents. Nous sommes tombés d'accord pour ce qui

  7   est de reporter à plus tard nos demandes conjointes au sujet des sessions

  8   de l'assemblée en raison du témoignage du Dr Donia et de ses rapports. Nous

  9   avons donc conclu du fait qu'il serait préférable de procéder à un accord

 10   sur le versement au dossier de ces procès-verbaux des sessions de

 11   l'assemblée, tels que mentionnés aux rapports de M. Donia. Je me laisse

 12   dire que toutes ces sessions de l'assemblée figurent sur la liste des

 13   documents de la Défense, comme l'indique M. Sladojevic, pour ce qui est des

 14   documents sur lesquels il sera contre-interrogé. Donc il y a importance de

 15   documents, et les deux parties en présence anticipent d'ores et déjà qu'on

 16   y fera référence de façon extensive dans le courant de ce procès. Donc nous

 17   sommes d'accord sur la nécessité de redemander le versement de ces

 18   documents relatifs aux sessions de l'assemblée au dossier.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais s'agissant des autres

 20   documents, des autres parties du document ?

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. S'agissant maintenant de

 22   cet avenant B, je crois que l'un des documents a été déjà versé au dossier,

 23   directive numéro 3, pour ce qui est du contre-interrogatoire. Mais il me

 24   semble que la liste devrait être quelque peu modifiée. Mais il me semble

 25   que ces documents ne tombent pas sous les directives de la Chambre et qu'il

 26   ne s'agit pas ici d'un témoin 92 ter. Ceci étant dit, nous voudrions

 27   encourager un versement au dossier des documents qui semblent être

 28   pertinents dans cette affaire, et ceci semble l'être. Donc si vous décidez

Page 3150

  1   de verser au dossier indépendamment du fait que cela sorte des lignes

  2   directrices que vous avez formulées, nous n'avons pas d'objection pour ce

  3   qui est du versement au dossier de ces documents à l'avenant B.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'avez pas d'objection pour ce qui

  5   est des rapports eux-mêmes ?

  6   M. ROBINSON : [interprétation] C'est exact.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous allons maintenant faire une

  8   pause et nous reviendrons ici dans 25 minutes.

  9   --- L'audience est suspendue à 17 heures 07.

 10   --- L'audience est reprise à 17 heures 35.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, compte tenu du fait que

 12   ces rapports constituent le produit de son expertise et qu'il n'y a pas eu

 13   d'objection d'élevée de la part de la Défense, et au final, compte tenu du

 14   fait de la thématique traitée par ces rapports, bien qu'il ne s'agisse là

 15   que d'une collection d'extraits, ça se trouve être organisé et catégorisé

 16   de manière à pouvoir être facilement pris en considération. Nous allons

 17   donc les verser au dossier les trois. Pour ce qui est de cet avenant B,

 18   nous sommes satisfaits de sa valeur probante et nous considérons que la

 19   façon dont c'est versé au dossier se trouve être cohérente avec les lignes

 20   directrices de notre décision. Certaines de ces pièces ont déjà été versées

 21   au dossier. Donc conformément à la pratique qui est la nôtre, nous n'allons

 22   pas verser au dossier les conversations interceptées, et nous n'avons pas

 23   alors attribué de cote, parce que nous ne les avons pas entendues pendant

 24   la session.

 25   Pour ce qui est de l'avenant A qui était censé être utilisé pendant

 26   l'interrogatoire principal, nous n'allons verser au dossier que ce qui a

 27   été utilisé à l'occasion de l'interrogatoire principal.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président. Merci

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  1   beaucoup.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  3   Monsieur Karadzic.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  6   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Donia.

  7   R.  [aucune interprétation]

  8   Q.  Je me félicite du fait que vous parliez notre langue. Nous allons mieux

  9   nous comprendre, et plus facilement nous comprendre. Dites-moi, quel est le

 10   numéro d'ordre de ce témoignage-ci dans la série des témoignages que vous

 11   avez effectués ?

 12   R.  Je n'en suis pas tout à fait certain. Je pense que c'est le quinzième,

 13   plus ou moins.

 14   Q.  Merci. Dites-nous, comment en êtes-vous venu à contacter le Procureur

 15   et le Tribunal ? Est-ce que c'est eux qui vous ont demandé ou est-ce que

 16   c'est vous qui vous êtes recommandé à leur attention ?

 17   R.  En 1997, j'ai été contacté par téléphone de la part d'un Procureur, et

 18   celui-ci m'a demandé si cela m'intéresserait de témoigner dans l'affaire

 19   Blaskic. Donc cela a été le fruit de l'initiative de l'Accusation. Moi, je

 20   vaquais à d'autres occupations à l'époque, et au début, je ne portais pas

 21   grand intérêt à tout ceci, mais je l'ai tout de même fait.

 22   Q.  Merci. Qu'est-ce qui vous a recommandé, vous ? Comment ont-ils fait

 23   pour penser à vous ?

 24   R.  D'après ce que j'ai cru comprendre partant des conversations que j'ai

 25   eues avec eux, j'ai été recommandé par le Dr Dennison Rusinow. Il est

 26   décédé il y a quelques années. Pendant longtemps, il a été professeur à

 27   l'université qui a étudié l'ex-Yougoslavie, il a longuement vécu à Zagreb

 28   et il a rédigé plusieurs livres et articles sur l'histoire de cette partie-

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  1   là du monde. Ils se sont donc entretenus avec lui. Et je ne sais pour

  2   quelle raison ils ne l'ont pas choisi ou il a décidé de ne pas prendre part

  3   à ceci, et il m'a recommandé moi-même.

  4   Q.  Merci. A ce moment-là, vous travailliez pour Merryll Lynch, mais vous

  5   n'étiez pas intervenant dans les sciences de l'histoire, n'est-ce pas ?

  6   R.  C'est exact.

  7   Q.  Qu'est-ce qui a incité ce monsieur à vous recommander,

  8   vous ? N'a-t-il pas pu envisager quelqu'un qui faisait activement de

  9   l'histoire au niveau de l'un quelconque des instituts en la matière ?

 10   R.  Je suppose que oui. Il a peut-être donné plusieurs noms. Je ne sais

 11   vraiment pas. On se connaissait bien l'un l'autre depuis une vingtaine

 12   d'années. Il savait non seulement ce que j'avais publié, mais il

 13   connaissait mes autres activités, les cours que je dispensais. Donc je

 14   suppose que j'ai été l'une des personnes qu'il avait proposées à

 15   l'Accusation.

 16   Q.  Merci. Donc il a été au courant de vos travaux et il était aussi au

 17   courant de vos points de vue ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Merci. Vous nous dites que vous n'étiez pas très intéressé au début.

 20   Qu'est-ce qui vous a tout de même motivé à accepter ?

 21   R.  Bien, je n'étais pas très chaud, parce que j'avais un travail à plein

 22   temps et j'avais d'autres engagements, mais j'ai été d'accord de venir pour

 23   voir comment les choses se présentaient et ce que ce travail sous-

 24   entendrait. Je savais que je n'aurais pas beaucoup de temps pour procéder à

 25   des recherches indépendantes ou pour me consacrer à des préparatifs, mais

 26   je savais que je pouvais me servir des connaissances qui étaient acquises

 27   jusque-là. Donc ce que je me suis demandé c'était de savoir si j'aurais

 28   suffisamment de temps pour effectuer les préparatifs qui sont tout de même

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  1   nécessaires pour accomplir ce type de travail.

  2   Q.  Merci. Est-ce que vous avez dû quitter votre emploi ou est-ce que vous

  3   avez gardé cet emploi ?

  4   R.  Non. Je suis resté au poste qui était le mien jusqu'en 1997 -- ou

  5   plutôt, de 1997, moment de l'interview, et l'an 2000, je suis resté à

  6   Merryll Lynch.

  7   Q.  Est-ce que vous avez quitté cet emploi ou est-ce que Merryll Lynch est

  8   tombé en difficulté à ce moment-là ou quelque peu plus

  9   tard ?

 10   R.  Bien, j'aimerais beaucoup pouvoir dire que tout allait bien lorsque je

 11   m'y trouvais. Mais en réalité, ils étaient en grosses difficultés dès ce

 12   moment-là et plus tard aussi, mais j'ai probablement quitté cet employeur

 13   au meilleur des moments possible, avant qu'il n'y ait eu de changement de

 14   cap au niveau du marché et dans la société toute entière.

 15   Q.  Qu'avez-vous fait depuis lors ?

 16   R.  Ça et là, j'enseigne. J'ai enseigné à une université en Californie à

 17   San Diego. Puis à plusieurs occasions, j'ai enseigné à l'Université du

 18   Michigan. J'ai consacré la majeure partie de mon temps à des écrits et à

 19   des recherches depuis les dix ans que j'ai quitté Merryll Lynch.

 20   Q.  Est-ce que ça permet de subvenir à ses propres besoins ?

 21   R.  On peut vivre après avoir travaillé pour Merryll Lynch. Mais ce que

 22   j'ai fait par la suite ne fait pas vivre son homme, dirais-je.

 23   Q.  Merci. Qui est-ce qui a intitulé vos études ou vos écrits, qui est-ce

 24   qui leur a attribué des titres ?

 25   R.  C'est moi qui l'ai fait.

 26   Q.  Merci. Est-ce que ces écrits sont un ouvrage d'auteur à vous ?

 27   R.  Oui. Je ne suis pas l'auteur des extraits, mais je suis l'auteur des

 28   deux rapports et j'ai choisi les extraits, comme indiqué là-bas, et d'une

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  1   certaine façon j'ai rendu les choses plus cohérentes.

  2   Q.  Il se peut que ce ne soit pas une étude scientifique -rectifiez-moi si

  3   c'est le cas - c'est une étude professionnelle qui se fonde sur des vérités

  4   scientifiques, n'est-ce pas ?

  5   R.  Je ne suis pas tout à fait sûr du fait de savoir en quoi consiste la

  6   différence. J'ai très certainement suivi la procédure professionnelle

  7   normale lorsque j'ai rédigé la totalité des trois rapports et je me suis

  8   efforcé de m'en tenir aux règles de ma profession.

  9   Q.  Mais avez-vous été aussi prédéterminé par la mission confiée de la part

 10   de l'Accusation; et comment précisément avait-on formulé la mission qui

 11   était la vôtre ?

 12   R.  Bien, dans chacun des procès où j'ai été impliqué, j'ai d'abord eu à

 13   rencontrer le Procureur et discuter avec de ce que le Procureur voulait

 14   faire de ce rapport. Quand je dis cela, j'entendais ce que devait en être

 15   le sujet et je demandais aussi à ce que l'on détermine une période

 16   chronologique dont il conviendrait de s'occuper de la municipalité ou un

 17   groupe de municipalités, voire encore la Bosnie-Herzégovine toute entière.

 18   Cela dépendait du cas au cas selon ce que le Procureur demandait. J'avais

 19   le sentiment qu'il appartenait au Procureur de profiler les limites

 20   jusqu'auxquelles irait mon rapport. Et mon travail c'était d'intervenir à

 21   l'intérieur des limites telles que circonscrites et de créer un récit

 22   partant des sources d'information.

 23   Q.  Merci. Quelles sont, mis à part ce fait, les obligations que vous aviez

 24   eues à l'égard du bureau du Procureur ? Est-ce que vous deviez vous en

 25   tenir au point de vue qui était le leur et de la mission qui vous a été

 26   confiée, c'est-à-dire vous conformer à leurs attentes ?

 27   R.  Bien, j'étais censé rédiger un rapport à l'intérieur des limites

 28   définies par eux. Ils ont dit que ce n'était pas des lignes qualitatives

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  1   qui prescriraient un point de vue déterminé. J'avais les mains libres pour

  2   ce qui est d'apporter des points de vue différents ou des interprétations

  3   différentes, tant dans mes rapports écrits que dans mes témoignages

  4   oralement effectués. On ne m'a jamais demandé de m'en tenir à une position

  5   déterminée ni dans la rédaction des rapports ni dans les témoignages oraux.

  6   Q.  Merci. Mais est-ce qu'on pourrait se procurer les instructions qui vous

  7   ont été fournies, ces espèces de lignes directrices communiquées par le

  8   bureau du Procureur ?

  9   R.  Bien, comme je l'ai déjà indiqué, il me semble que cela s'est fait de

 10   façon verbale. C'est le résultat d'un entretien entre nous. Donc il n'y a

 11   pas d'instructions écrites, et je n'ai jamais reçu d'instructions de ce

 12   type.

 13   Q.  Merci. On nous a confié vos échanges d'écriture, et c'est la raison

 14   pour laquelle je vous pose la question de ces instructions. Qui est-ce qui

 15   a fait le choix de la documentation que vous avez prise en considération ?

 16   R.  La plupart de cette documentation, je me la suis procurée moi-même.

 17   L'exception c'est celle qui m'a été communiquée par le bureau du Procureur.

 18   D'habitude, cela se faisait suite à une demande de ma part. Je commençais

 19   d'habitude par une requête de nature générale, ensuite mes demandes se sont

 20   faites plus spécifiques et plus détaillées au fil de la rédaction de mon

 21   rapport. Je pense que ma contribution la plus grande a été probablement le

 22   fait d'avoir utilisé bon nombre de sources indépendantes, sources que

 23   l'Accusation pourrait considérer comme étant peu importantes ou non

 24   accessibles, mais c'étaient des sources qui n'étaient pas disponibles aux

 25   gens de l'Accusation.

 26   Q.  Merci. Mais est-ce que c'est vous qui aviez décidé du choix de la

 27   documentation ou est-ce qu'on vous a soufflé de l'extérieur quelle est la

 28   documentation sur laquelle vous devriez vous pencher ?

Page 3156

  1   R.  Je pense que je n'ai jamais été à 100 % satisfait de ce que j'obtenais.

  2   J'avais demandé beaucoup de choses et j'ai reçu beaucoup de choses, mais il

  3   y avait toujours ce que je voulais en sus, et il y a eu des choses

  4   auxquelles j'ai pensé ultérieurement en me disant j'aurais dû demander

  5   cela. Mais d'une façon générale, je dirais que l'Accusation a répondu à mes

  6   requêtes spécifiques pour ce qui est de me communiquer la documentation sur

  7   les sujets qui m'intéressaient.

  8   Q.  Je vois que vous avez accordé beaucoup d'attention aux déclarations

  9   dans la presse, aux interviews, et cetera. Alors, est-ce que vous serez

 10   d'accord pour dire que ces dires ont été contestés par ceux qui ont été

 11   interviewés ? Est-ce que vous avez pris en considération le fait que ces

 12   journaux et les écrits dans les journaux, ça a un poids autre que ce que

 13   l'on déclare au tribunal sous serment ?

 14   R.  Il y a là une question à plusieurs volets ou plusieurs questions.

 15   Alors, est-ce que j'ai vérifié pour ce qui de savoir si ces déclarations

 16   ont été approuvées par les personnes interviewées. Vous parlez de la presse

 17   ?

 18   Q.  Oui. Est-ce que c'est ce que la personne a véritablement déclaré ou

 19   est-ce que c'est une interprétation du journaliste, l'article ?

 20   R.  Je pense que dans les journaux que j'ai eu l'occasion de consulter, les

 21   journalistes, normalement, faisaient une distinction entre la citation

 22   directe et ce qui constituait une interprétation de leur part. Je sais que

 23   tous les journaux ne le font pas. Ça, je le reconnais. Mais j'ai

 24   essentiellement utilisé des sources qui se sont conformées à cette pratique

 25   journalistique. Par exemple, vos discours à vous, il y a bien des citations

 26   directement reprises de vos discours, et je me suis servi de ces citations,

 27   ensuite les communiqués de presse. Mais pour être tout à fait sincère, je

 28   ne vous ai pas appelé pour vérifier si vous aviez bien déclaré telle chose

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  1   ou telle chose. D'ailleurs, votre numéro n'a pas été accessible pendant

  2   longtemps.

  3   Q.  Merci. Mais est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que les

  4   discours ont un objectif politique ?

  5   R.  Oui, c'est le cas de bon nombre d'entre eux.

  6   Q.  Merci. Alors, est-ce que vous avez eu l'occasion de vous pencher sur

  7   des documents et étudier les comportements des autres parties au conflit

  8   par analogie à ce que vous avez eu à étudier concernant les Serbes ?

  9   R.  Oui, je l'ai fait. J'ai accordé une certaine attention à cela, mais

 10   s'agissant des rapports dont nous parlons maintenant, ça n'a pas été mon

 11   objectif principal et ça n'a pas fait l'objet de mon domaine d'intérêt.

 12   Comme vous le savez, j'ai rédigé des rapports au sujet du HVO, au sujet de

 13   l'Herceg-Bosna, ce qui était le projet nationaliste croate. Et lorsque j'ai

 14   étudié ce mouvement, je me suis servi des documents émanant de cette

 15   partie-là. Je suis au courant de l'existence d'autres sources pour ce qui

 16   est de l'étude de ce qui se passait au niveau des autres partis en

 17   présence, y compris le Parti sociodémocrate et l'opposition de gauche et le

 18   SDA. Mais je n'ai pas vaqué en majorité à l'étude de ces éléments.

 19   Q.  Merci. Mais vous avez dit que le travail d'un historien consiste à

 20   étudier les relations de cause à effet et de se pencher pratiquement sur le

 21   contexte - vous l'avez mentionné vous-même hier. Est-ce que vous l'avez

 22   fait dans le cas présent ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Vous avez également indiqué que les Serbes - et vous avez cité des

 25   propos à moi - avaient dit que nous attendrions qu'ils fassent une erreur

 26   et que nous allions répliquer par des mesures pour y parer. Alors, ces

 27   contre-mesures les avez-vous prises en considération compte tenu des

 28   mesures qui ont été à l'origine de notre comportement, tel que décrit ?

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  1   R.  Dans certains cas de figure, oui, et dans d'autres, non.

  2   Q.  Mais pourquoi ne l'avez-vous pas fait dans tous les cas de figure ?

  3   R.  Ce n'était pas l'élément central du récit, et je n'en savais pas autant

  4   pour ce qui est de pouvoir accomplir la mission de la sorte.

  5   Q.  Merci. J'espère que nous allons y aboutir tous les deux ensemble

  6   maintenant. Une question personnelle maintenant. Quels sont vous émoluments

  7   par procès et par jour dans ce type de travail ?

  8   R.  Bien --

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ceci se trouve être

 10   pertinent, Docteur Karadzic ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que oui, Excellence, et vous allez

 12   voir pourquoi.

 13   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je pense que vous devrez nous dire

 14   pourquoi avant que le témoin ne réponde à la question, Docteur Karadzic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, nous sommes tous des êtres humains, alors

 16   vous vous doutez bien du fait que si le Dr Donia avait fait quelque chose

 17   de déplaisant aux yeux du Procureur, aurait-il témoigner 15 fois ?

 18   Certainement pas. Donc ils ont leurs intérêts à eux. Ce que m'intéresse

 19   c'est de savoir comment se fait-il que le Procureur ait des témoins

 20   préférés et que ce soit toujours les mêmes témoins qui comparaissent.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous ne pensons pas que cette question

 22   soit pertinente. Passez à une autre question.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Dans votre rapport relatif à Sarajevo, Monsieur Donia, page

 26   numéro 2, vous êtes en train de parler des nations et des mouvements

 27   nationalistes. Est-ce que vous faites la distinction entre le national et

 28   le nationaliste ?

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  1   R.  Très bonne question. C'est une distinction fort importante en langue

  2   B/C/S. Et quand on parle de ces questions-là en B/C/S, je parle

  3   essentiellement du facteur "national." C'est très à contrecœur que je me

  4   sers du terme nationaliste. En langue anglaise, la distinction, de mon

  5   avis, est quelque peu différente. En réalité, la différence est très petite

  6   entre les deux. Donc en langue anglaise, je parle de "nationaliste" pour

  7   décrire les trois partis en présence en Bosnie-Herzégovine afin de faire

  8   une distinction par rapport à ce que je considérais être des formations

  9   politiques non nationalistes, ou des attitudes non nationalistes.

 10   Q.  Donc les trois partis dont vous avez parlé ne sont pas des partis

 11   nationalistes, mais des partis nationaux, si vous vous référez à la

 12   signification de ce terme en langue serbe ?

 13   R.  Oui, j'utiliserais exactement ce terme pour les décrire, et c'est de

 14   cette façon-là que je le fais dans cette langue.

 15   Q.  Merci. Donc ce n'est pas une espèce d'élément disqualifiant du point de

 16   vue politique. Donc quand vous dites en anglais mouvement nationaliste, ça

 17   n'a rien de péjoratif ?

 18   R.  C'est justement là mon intention afin de faire en sorte qu'il n'y ait

 19   aucune espèce de condamnation de sous-entendue.

 20   Q.  Merci. Ce qui m'intéresse c'est le passage présent et le suivant où

 21   vous vous référez à une opinion de Mme Powell Pickering qui est un

 22   professeur qui dit qu'on ne naît pas dans une nation et que l'identité

 23   culturelle n'existe pas, mais elle affirme que la nation c'est une espèce

 24   d'œuvre de l'environnement ou une espèce de catégorie, dirais-je, sociale.

 25   Est-ce que c'est bien le cas ?

 26   R.  Dans la mesure où vous avez exactement cité ce qui est dit dans

 27   l'extrait, oui. J'ai utilisé ce très bref passage pour faire un résumé de

 28   ce qui est considéré comme étant une école de pensée au sujet de la nature

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  1   très importante, très grande de ce qui constitue la nation ou le peuple et

  2   que ceci pourrait être également l'œuvre d'un groupe de personnes, Benedict

  3   Anderson, Rogers Brubaker, Ron Sunia [phon] et autres penseurs qui ont la

  4   même opinion.

  5   Q.  Merci. Vous avez dit un jour - et nous y reviendrons - que vous étiez

  6   particulièrement satisfait lorsque vous ne pouviez pas discerner des

  7   frontières ethniques visibles entre plusieurs municipalités. Donc voilà la

  8   question que je voulais vous poser : est-ce que cette idée est à la base du

  9   fait que vous avez opté en faveur des positions de Mme Pickering, est-ce

 10   que c'est donc le fondement de votre position personnelle, que les Croates

 11   et les Serbes de Bosnie soient convenus de créer une nouvelle nation

 12   ensemble en Bosnie ?

 13   R.  Si j'ai bien compris votre question -- enfin, je crois comprendre que

 14   vous me demandez si j'ai choisi de citer le Pr Pickering, car ma position

 15   consiste à penser que les Serbes et les Croates ne se seraient pas entendus

 16   pour créer une nouvelle nation. Donc si c'est bien cela votre question, je

 17   vous réponds que ce n'est pas le cas. Je pense, en fait, selon des

 18   modalités qui démarrent à l'inverse de ce que vous venez de dire. En

 19   examinant la pensée actuelle au sujet des nations et des peuples, je pars

 20   d'un principe opposé pour aborder et mieux comprendre la nature du

 21   nationalisme et des trois nationalismes présents en Bosnie.

 22   Q.  Je vous remercie. Conviendrez-vous avec Edouard Balladur, ancien

 23   premier ministre français - et je crois d'ailleurs que sa position est

 24   également celle d'autres spécialistes - qu'une nation démarre en surmontant

 25   le tribalisme et les tribus au sein d'un seul et même groupe national,

 26   qu'il y a donc transcendance par rapport à ces groupes tribaux ?

 27   R.  En tant que déclaration tout à fait partielle quant à la façon dont se

 28   développe les nations, oui, je serais d'accord avec vous sur ce point, mais

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  1   je dirais que c'est une définition tout à fait incomplète, en particulier

  2   si l'on tient compte de notre vision actuelle de la façon dont se créent

  3   les nations.

  4   Q.  Conviendrez-vous que ces nations se sont créées au

  5   XIXe siècle et qu'il est difficile de créer une nouvelle nation au

  6   XXe siècle ?

  7   R.  Non. Il est toujours difficile de créer une nouvelle nation. Et

  8   justement, l'important c'est que les nations sont toujours en mouvement.

  9   Elles peuvent apparaître et disparaître. Elles peuvent également changer de

 10   frontières, changer de contenu, et en particulier changer les programmes de

 11   leurs dirigeants politiques.

 12   Q.  Mais laissons de côté le fait que vous connaissez sans doute le travail

 13   de Jung et de Zondi sur le collectif, familier, conscient et subconscient

 14   et sur les positions de Freud, mais est-ce que vous serez d'accord pour

 15   dire que ceci est assez unilatéral et que nous devrions également citer

 16   d'autres auteurs qui évoquent d'autres effets en dehors de l'incidence du

 17   social et de l'environnemental dans la création d'une nation ?

 18   R.  Bien, je pense que vous entrez là dans un domaine qui appartient déjà à

 19   la grande littérature et où se manifestent des différences d'opinion

 20   importantes quant au nombre exact et à la nature exacte des éléments qui

 21   doivent être intégrés lorsqu'on examine les origines et l'évolution d'une

 22   nation. Vous citez des personnes que vous connaissez mieux que moi,

 23   s'agissant de leurs connaissances psychologiques et de leur savoir-faire

 24   psychologique, et il est certain que pour déterminer comment une nation

 25   particulière vient au jour et comment elle se développe, il importe de

 26   prendre en compte les points de vue psychologiques liés à tout ce problème

 27   dans le cadre d'une étude beaucoup plus globale.

 28   Q.  Je vous remercie. Mais pensez-vous néanmoins que les Serbes et les

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  1   Croates auraient dû accepter une Bosnie-Herzégovine indépendante, qui se

  2   présentait sous la forme d'un Etat intégré, telle que conçue par le SDA et

  3   M. Izetbegovic ?

  4   R.  Est-ce qu'ils auraient dû l'accepter, bien, les choses eussent été

  5   beaucoup plus simples s'ils l'avaient acceptée. Je ne sais pas sur quelles

  6   prémices vous fondez votre question et je ne suis pas sûr d'être en accord

  7   avec toutes les prémices qui sont à la base de votre question. Je ne pense

  8   pas nécessairement que la conception du SDA et de M. Izetbegovic soit

  9   parfaitement décrite dans les termes "Etat intégré," mais je crois

 10   comprendre que cette question est au cœur même de la différence entre ce

 11   qui s'est passé dans le cadre de l'ex-Yougoslavie et ce qui s'est passé au

 12   moment du démantèlement de l'Union soviétique, lorsque l'indépendance des

 13   diverses républiques qui constituaient l'ancienne Union soviétique a été

 14   proclamée, Union soviétique qui abritait 25 millions de Russes environ.

 15   Cette Union soviétique n'a pas contesté l'indépendance des républiques qui

 16   souhaitaient se détacher d'elle sans conserver de liens avec la république

 17   mère. C'est ce qui s'est passé en Yougoslavie. Il y avait donc une

 18   différence importante entre le nombre des dirigeants des populations russes

 19   qui ont participé à ce que l'on peut définir comme un coup d'état pour

 20   l'indépendance.

 21   Donc il n'est pas hors de question que l'on puisse penser que les

 22   Serbes auraient pu accepter un Etat indépendant dans lequel ils auraient pu

 23   vivre de façon très heureuse, mais je n'irais pas jusqu'à leur imposer

 24   cette position.

 25   Q.  Merci. Mais conviendrez-vous que l'Union soviétique est née selon

 26   certaines modalités et la Yougoslavie selon d'autres modalités, puisque la

 27   Yougoslavie est née du traité de Saint-Germain et du traité de Trianion,

 28   mais en particulier du traité de Saint-Germain conclu après la Première

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  1   Guerre mondiale ?

  2   R.  Il est certain que ces deux Etats ont été créés selon des modalités

  3   différentes et, bien entendu, la Yougoslavie a été créée à deux reprises, à

  4   deux époques différentes.

  5   Q.  Et ces modalités différentes étaient-elles démocratiques ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Pensez-vous que les Serbes présents en Bosnie et en Krajina auraient

  8   accepté de demeurer dans le giron de ces républiques si la condition pour

  9   que la chose se fasse avait été la poursuite de l'existence de la

 10   Yougoslavie ?

 11   R.  Excusez-moi. Je n'ai pas compris votre question.

 12   Q.  Ma question est la suivante : la Croatie s'est créée à partir des

 13   Krajina croate et serbe, et la Krajina serbe a été donnée au peuple serbe

 14   par l'Autriche-Hongrie. Les Serbes ont été d'accord pour se joindre à la

 15   Croatie, mais ils l'ont fait en étant un peuple constitutif. Dans toutes

 16   les années postérieures à la guerre, la république en question était une

 17   république dont la nation était double puisque composée de Serbes et de

 18   Croates; c'est exact, n'est-ce pas ?

 19   R.  Il y a plusieurs questions dans votre question. L'hypothèse de base

 20   selon laquelle les Serbes étaient un peuple constitutif est, bien entendu,

 21   une hypothèse que l'on trouve sous forme de déclaration dans la théorie

 22   constitutionnelle yougoslave. Et cela ne me pose aucun problème de dire que

 23   dans le cadre de cette théorie, les Serbes étaient un peuple constitutif de

 24   la Yougoslavie. Mais la question de savoir s'ils étaient un peuple

 25   constitutif en Croatie, je crains fort de n'être pas capable d'y répondre,

 26   parce que je ne prétendrais pas être expert en matière de théorie

 27   constitutionnelle relative à la Croatie ou à l'ex-Yougoslavie.

 28   Et je ne serais pas d'accord avec votre formulation qui consiste à

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  1   dire que la Krajina serbe avait été donnée au peuple serbe par l'Autriche-

  2   Hongrie car ce n'est pas le cas.

  3   Q.  Savez-vous que les Serbes ont obtenu des droits autonomes dans le

  4   système de l'Empire austro-hongrois pour avoir défendu la région contre les

  5   Turcs ?

  6   R.  Ils n'ont pas obtenu des droits à l'autonomie par l'Empire austro-

  7   hongrois, car l'Autriche-Hongrie n'existait pas avant 1867. Mais la zone de

  8   la Krajina a été effectivement bénéficiaire de droits autonomes, ce qui a

  9   attiré un grand nombre de Serbes dans la région, Serbes qui avaient pour

 10   rôle de peupler cette région qui était une frontière militaire. A à

 11   l'époque, ils participaient à des actions militaires. Il s'agissait en

 12   général de personnes venues de l'autre côté qui, dans bien des cas, étaient

 13   également Serbes. Donc je ne serais pas d'accord avec la formulation

 14   consistant à dire que les Serbes se sont battus contre les Turcs, car cette

 15   activité n'a certainement pas été leur seule activité lorsqu'ils ont peuplé

 16   cette zone frontalière.

 17   Q.  Bien, je pense que nous pouvons convenir qu'il s'agissait au début de

 18   l'Autriche et que l'Autriche-Hongrie n'a vu le jour que plus tard. Mais

 19   nous ne sommes pas en train de contester le fait que les Serbes ont obtenu

 20   une certaine autonomie en Krajina, la Krajina d'aujourd'hui, et qu'ils ont

 21   obtenu cette autonomie de la part de l'Autriche, n'est-ce pas ?

 22   R.  Bien, si nous tenons compte de la chronologie, nombre de ces Serbes

 23   ont, en fait, émigré ou en tout cas ont été déplacés vers cette zone, et

 24   leur récompense a été l'obtention de cette autonomie particulière,

 25   notamment de la part de l'Eglise orthodoxe serbe, et ils ont également joui

 26   d'une certaine autonomie administrative.

 27   Q.  J'attends la fin de l'interprétation, d'où cet instant de silence. Je

 28   vous demande à présent si vous savez ce qu'est le monastère orthodoxe de

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  1   Krka ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  C'est un monastère qui a été fondé bien avant les Turcs et bien avant

  4   l'Autriche-Hongrie, à l'époque de Nemanjic.

  5   Mais, Monsieur Donia, je vous demande à présent si vous savez dans

  6   quelles conditions l'unification des territoires qui faisaient partie de

  7   l'Autriche-Hongrie à l'époque s'est déroulée ? La Vojvodine est un cas

  8   différent, mais les territoires constituant aujourd'hui la Slovénie, la

  9   Croatie et la Bosnie-Herzégovine, comment ces territoires se sont-ils

 10   unifiés avec la Serbie ?

 11   R.  Bien, il y a eu proclamation de la création de la Yougoslavie en

 12   décembre 1918, et c'est cette proclamation qui a réuni ces territoires avec

 13   le Royaume de Serbie et de Monténégro, le tout constituant le Royaume des

 14   Serbes, des Croates et des Slovènes.

 15   Q.  Bien. Mais comment s'est faite cette unification ? Conviendrez-vous

 16   avec moi qu'avant cette unification, un Etat avait été créé qui était

 17   l'Etat des Serbes, des Croates et des Slovènes dans une zone unifiée, donc

 18   sur un territoire unique, et que c'est ce territoire unifié déjà qui s'est

 19   uni à la Serbie. Le délai entre les deux n'a pas été long, mais il y a eu

 20   d'abord création de ce premier territoire unifié de façon à ce que

 21   l'Amérique puisse donner son accord vis-à-vis de la création de l'Etat

 22   unifié qui est né par la suite.

 23   R.  Encore une fois, vous avez posé plusieurs questions en une seule. Je

 24   pense que je viens de décrire la façon dont cet Etat s'est effectivement

 25   créé. Il s'est créé sur la base de la proclamation faite par le prince

 26   régent Aleksandar de Serbie le 1er décembre 1918. Certes, un comité

 27   yougoslave avait été créé auparavant, donc avant cette proclamation, durant

 28   la Première Guerre mondiale, puis il y avait aussi la déclaration de Corfou

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  1   qui datait de 1917 et qui posait les bases de cette unification d'une

  2   certaine façon, mais l'acte effectif -- enfin, il n'a pas fallu faire

  3   grand-chose vis-à-vis de la communauté internationale, et encore moins de

  4   l'Amérique pour obtenir sa participation à cette création du royaume des

  5   Serbes, Croates et Slovènes.

  6   Q.  Je vais essayer de préciser un peu les choses. Est-ce que vous êtes

  7   d'accord quant au fait que la déclaration de Nis et la déclaration de

  8   Corfou avaient pour signification effective que les Serbes avaient

  9   abandonné l'idée de créer d'une Serbie et que ces deux déclarations

 10   préconisaient plutôt la création d'un Etat conjoint où seraient rassemblés

 11   tous les Slaves du sud ? Ma question est assez facile. On peut y répondre

 12   par un simple oui ou non.

 13   R.  Non.

 14   Q.  Alors, comment les choses se sont passées ?

 15   R.  Je pense que nombreux étaient les Serbes qui considéraient l'Etat

 16   yougoslave comme une expansion de l'Etat de Serbie. Je pense qu'ils ne

 17   voyaient aucune contradiction entre le désir de concevoir cette Yougoslavie

 18   comme une expansion de l'Etat serbe et le fait de l'appeler Royaume des

 19   Serbes, Croates, et Slovènes. Donc je ne saurais me dire d'accord avec vous

 20   sur le fait que les Serbes avaient abandonné l'idée de créer une Serbie à

 21   ce moment-là. Ceci ne correspond pas à l'évolution des événements qui ont

 22   résulté de la création de ce royaume.

 23   Q.  Mais dites-moi, quand est-ce que la Serbie a vu le jour, à quelle date

 24   postérieure à 1918, la Serbie qui intégrait un certain nombre de banovina.

 25   Parce que la Serbie avait disparu en 1918, en tant que telle, elle s'était

 26   fondue dans la Yougoslavie, mais quand est-ce qu'elle est réapparue ?

 27   R.  C'est une bonne question. Je dirais qu'elle est réapparue pour la

 28   première fois en tant que structure distincte en 1941, au moment donc de

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  1   l'occupation allemande. Il est certain qu'une des banovina était

  2   assimilable à la Serbie, mais ceci ne signifiait certainement pas la

  3   création d'une entité distincte. Et par la suite, il y a eu la proclamation

  4   de la création de l'Etat socialiste de Yougoslavie.

  5   Q.  Mais conviendrez-vous que cette Yougoslavie-là, la Yougoslavie de

  6   Nedic, s'est créée sur les restes des territoires qui avaient été octroyés

  7   aux pays voisins, donc après le dépeçage de l'entité que les pays voisins

  8   s'étaient partagés, et que ce sont les pays voisins de la Serbie qui ont

  9   démembré la Serbie et que ce qui est resté a pris le nom de Serbie, M.

 10   Nedic étant contraint de devenir premier ministre ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Mais alors comment est-ce que les choses se sont passées ?

 13   R.  Bien, voyez-vous, l'occupation serbe sous Nedic a été, en fait, un acte

 14   de convenance destiné à plaire à l'occupant allemand, mais je ne décrirais

 15   pas cela du tout comme les restes d'une Serbie démembrée par les pays

 16   voisins, non.

 17   Q.  Mais la Hongrie ne s'est-elle pas emparée de la Vojvodine à cette

 18   époque-là ?

 19   R.  Si.

 20   Q.  La Bulgarie ne s'est-elle pas emparée de la Macédoine et de certaines

 21   parties de la Serbie ?

 22   R.  La Bulgarie s'est effectivement emparée de toute la Macédoine et d'un

 23   petit bout de la Serbie.

 24   Q.  L'Albanie sous protectorat italien ne s'est-elle pas emparée du Kosovo

 25   à cette époque-là ?

 26   R.  De la plus grande partie du Kosovo, en effet.

 27   Q.  La Croatie ne s'est-elle pas emparée de Zemun et n'est-elle pas arrivée

 28   jusqu'à la rive du fleuve que l'on voyait depuis

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  1   Belgrade ? N'est-elle pas allée jusqu'à Zemun, aux abords même de Belgrade

  2   ? Est-ce que Zemun et Zagreb n'ont pas été reliés sur le plan territorial à

  3   cette époque-là. C'était bien un territoire continu, n'est-ce pas, dans un

  4   seul et même pays ?

  5   R.  C'est exact.

  6   Q.  Donc la Serbie a bien été démembrée, n'est-ce pas ?

  7   R.  Bien, la Serbie n'existait pas avant cette date. La Yougoslavie avait

  8   été divisée par les puissances occupantes, et certaines portions de la

  9   Yougoslavie avaient été données aux Etats voisins qui étaient considérés

 10   comme des alliés des Allemands et des Italiens en 1941. Donc je ne vois pas

 11   comment vous pouvez parler de la Serbie comme ayant été divisée dès lors

 12   qu'il s'agissait d'une structure qui n'existait pas en tant que telle à ce

 13   moment-là. C'est un démembrement de la Yougoslavie qui a eu lieu, et chaque

 14   portion qui a été ainsi détachée de la Yougoslavie a été donnée à un tel ou

 15   un tel, voire est devenue autonome.

 16   Q.  Mais la Croatie ne s'est-elle pas emparée de toute la Bosnie-

 17   Herzégovine ainsi que de certaines portions du Srem, et ainsi de suite ?

 18   R.  Bien, je dirais probablement que toute la Bosnie-Herzégovine et des

 19   parties du Srem ont été données par l'occupant allemand et dans une

 20   certaine mesure par l'occupant italien à l'Etat indépendant de Croatie. Je

 21   ne sache pas que la Croatie était en mesure de s'emparer de quoi que ce

 22   soit à ce moment-là. Elle ne pouvait que recevoir ce que lui donnait

 23   l'administration allemande.

 24   Q.  Nous reviendrons sur l'Etat indépendant de Croatie, le NDH, qui est un

 25   sujet très important. Mais voici maintenant ma question : vous rappelez-

 26   vous quelle était la nature exacte de ce que les alliés ont offert à la

 27   Yougoslavie durant les débats relatifs à l'accord de Londres de 1915 ?

 28   Qu'est-ce que les alliés ont offert aux Serbes ? Oui, aux Serbes ?

Page 3170

  1   R.  Non, je ne m'en souviens pas.

  2   Q.  Vous souvenez-vous qu'ils ont offert aux Serbes une frontière

  3   occidentale des territoires serbes le long de la ligne Virovitica-Karlobag-

  4   Karlovac ?

  5   R.  Je n'ai aucun souvenir de cela, non. Je ne sais pas.

  6   Q.  C'est un point très important, parce que la Serbie avait beaucoup

  7   souffert et les alliés occidentaux ont fait une offre à la Serbie. Ils lui

  8   ont proposé d'oublier la Slovénie et la Croatie et de créer une Serbie

  9   distincte, et à Corfou ils ont pris une décision différente lorsqu'ils ont

 10   adopté la déclaration de Corfou. Ceci n'est-il pas exact ?

 11   R.  Comme je l'ai déjà dit, je ne saurais confirmer ce fait, car je n'ai

 12   aucun élément d'information me permettant d'en convenir ou d'en

 13   disconvenir.

 14   Q.  Très bien. Mais nous parlons ici de réalités historiques. Nous

 15   réglerons cette question très facilement. Vous avez évoqué l'existence d'un

 16   comité yougoslave. Savez-vous que ce comité yougoslave existait à Zagreb et

 17   à Split -- le savez-vous effectivement, que ce comité a existé à Zagreb et

 18   à Split et que celui de Zagreb intégrait également des Slovènes en son sein

 19   ?

 20   R.  Oui. Le comité yougoslave avait des représentants, des Slovènes, des

 21   Croates aussi, si je ne me trompe, et même, si je me souviens bien, un

 22   représentant ou deux de Bosnie, donc peut-être un ou deux membres

 23   bosniaques, puis il y avait les Serbes. C'était un comité qui se composait

 24   de personnes prêtes à se regrouper pour créer un seul et même royaume.

 25   Q.  Je vous remercie. Savez-vous que le comité de Split a fait du chantage

 26   au comité de Zagreb ? Il a déclaré : Soit vous vous lancez à l'eau et vous

 27   frappez un grand coup auprès des Karadjordjevic, soit vous décidez que la

 28   Dalmatie sera jointe à la Serbie. Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

Page 3171

  1   R.  Non.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage sur les écrans du

  4   document 1D1369. Du document 1361.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Vous rappelez-vous les 14 points adoptés par le président américain

  7   Woodrow Wilson, Monsieur Donia ?

  8   R.  Je ne prétendrais pas que je les connais parfaitement et que je

  9   pourrais tous les citer, mais je sais qu'ils étaient au nombre de 14 et que

 10   lui a été très connu en raison de ces 14 points.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on obtenir à l'écran un texte serbe aussi

 12   -- ah, il n'y en a pas. Il n'y a qu'un seul texte. Dans ce cas, je demande

 13   l'agrandissement du texte anglais.

 14   M. KARADZIC : [interprétation] 

 15   Q.  Conviendrez-vous que Woodrow Wilson, lors d'une séance conjointe du

 16   congrès, a, en date du 8 janvier 1918, c'est-à-dire avant la fin de la

 17   Première Guerre mondiale, présenté ses 14 propositions qui, toutes, avaient

 18   pour but fondamental le rétablissement d'une paix durable en Europe, n'est-

 19   ce pas ?

 20   R.  Telle était son intention, certes, oui.

 21   Q.  Merci. Et il a rendu ces propositions publiques, qui ont ouvert la voie

 22   à la fin de la Première Guerre mondiale. L'Amérique était une puissance

 23   très importante à l'époque, n'est-ce pas ?

 24   R.  Non. Les Etats-Unis ont, certes, joué un rôle important, en particulier

 25   pendant la dernière année ou les derniers 18 mois de la Première Guerre

 26   mondiale, et ont été un protagoniste important dans les dispositions

 27   diplomatiques qui ont vu le jour par la suite, mais je dirais, pour ma

 28   part, que ces principes proposés par Wilson que l'on voit affichés à

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  1   l'écran en ce moment n'ont probablement pas exercé une influence aussi

  2   importante que celle que certains historiens idéalistes ont bien voulu dire

  3   s'agissant de mettre un terme à ce conflit.

  4   Q.  Mais vous acceptez le fait que de tels historiens existent qui

  5   affirment que ces 14 points ont constitué le fondement de l'établissement

  6   de la paix en Europe et de la reddition de l'Allemagne ? Nombreux sont les

  7   historiens qui sont de cet avis, n'est-ce pas ?

  8   R.  Non, ce nombre a diminué, mais il y en a eu, c'est vrai.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire défiler le texte --

 10   oui.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Vous êtes d'accord, Monsieur Donia, pour dire que le principe de

 13   l'autodétermination des peuples a été consacré à ce moment-là et il avait

 14   été proposé par les Etats-Unis par la bouche de son président même, Woodrow

 15   Wilson ?

 16   R.  Je ne dirais pas que ça avait été établi à ce moment-là. Mais je serais

 17   d'accord pour dire que ça avait été proposé par Woodrow Wilson dans ce

 18   document et que finalement, son application a fini par échouer et ses

 19   principes n'ont pas pu être appliqués pour arriver à la paix.

 20   Q.  Mais ce principe de l'autodétermination des peuples et des nations,

 21   est-ce qu'il ne fait pas partie intégrante du pacte international sur les

 22   droits de l'homme ? Est-ce que, disons, pour le dire autrement, quelqu'un

 23   d'autre que Woodrow Wilson aurait fait cette proposition ?

 24   R.  Je suis sûr qu'on en a parlé bien avant Woodrow Wilson. Le principe de

 25   l'autodétermination des peuples remonte bien plus loin dans le temps, mais

 26   c'est un des nombreux principes qui sont sources peut-être de conflit --

 27   entrent eux-mêmes en conflit aux termes du droit international - mais je ne

 28   dirais pas pour ce qui est du droit international - mais pour ce qui est de

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  1   l'application des accords qui se fondent sur le droit international.

  2   Q.  Mais le principe de l'autodétermination des peuples ne fait-il pas

  3   partie du pacte international des droits de l'homme ?

  4   R.  Si.

  5   Q.  Je vais vous demander de donner lecture du point 11, et je répète que

  6   ce document en compte 14.

  7   R.  "Il faudrait évacuer la Roumanie, la Serbie, le Monténégro; rétablir

  8   les territoires occupés; il faut que la Serbie ait un accès libre et sûr à

  9   la mer; et les relations des autres Etats des Balkans entre eux doivent

 10   être établies sur des lignes constituées par l'histoire et par le conseil

 11   amical de l'allégeance et de la nationalité; et des garanties

 12   internationales de l'indépendance politique et économique ainsi que de

 13   l'intégrité territoriale de ces nombreux Etats des Balkans devraient être

 14   respectés et appliqués."

 15   Q.  Vous voyez que votre pays nous doit l'accès à la mer, n'est-ce pas ?

 16   R.  Non, je ne vois pas.

 17   Q.  Mais vous voyez, nous avons voulu le droit de l'accès à la mer et nous

 18   l'avons fait en établissant les deux Yougoslavie, mais maintenant, voyez ce

 19   qui reste de la Serbie et de la Republika Srpska, ce sont des pays

 20   enclavés.

 21   R.  Est-ce que vous voulez dire que c'est à cause de la proclamation de

 22   1918 faite par Wilson que les Etats-Unis doivent, en 2010, à un pays qu'il

 23   ait accès à la mer, je pense que c'est là une idée absurde. Ce document-ci

 24   n'est pas une promesse faite à tout jamais; c'est plutôt une série de

 25   lignes directrices qui, c'est du moins ce que Wilson espérait, pourraient

 26   mener à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

 27   Q.  Mais Wilson n'a pas été le seul. Ça a été accepté par la chambre des

 28   représentants et par le Sénat ?

Page 3174

  1   R.  Je n'aurais pas grand-chose de bien à dire à propos de ces deux

  2   institutions aujourd'hui dans mon pays, mais ça ne veut pas dire pour

  3   autant que ça devient un engagement politique que prennent les Etats-Unis à

  4   tout jamais, jusqu'à la fin des temps.

  5   Q.  Je vous rappelle la promesse qui avait été faite par la conférence de

  6   Londres, la conférence de 1915, ce qui avait été promis au Royaume de

  7   Serbie par les alliés, la Grande-Bretagne, la France et la Russie avant le

  8   début de la révolution. La côte dalmate de Krka à Ston avait été promise à

  9   la République de Serbie. Est-ce que vous saviez que Dusan, l'empereur

 10   serbe, possédait ce littoral ?

 11   R.  Vous posez deux questions en une. Une de ces questions concerne la

 12   conférence de Londres de 1915 et l'accord qui y a été pris, et je vous ai

 13   dit que je n'avais pas connaissance des promesses faites, pour autant qu'il

 14   y en ait eu qui ont été faites à la conférence de Londres en 1915. Pour ce

 15   qui est de la côte dalmate de Krka à Ston, est-ce qu'elle était la

 16   propriété de l'empereur serbe Dusan, une grande partie, oui. Mais

 17   franchement, à l'époque, les cartes ne signifient pas grand-chose, et ces

 18   terres ont été prises et occupées par plusieurs administrations politiques

 19   depuis. Je ne voudrais pas, par conséquent, partir de là pour conclure que

 20   ça devrait maintenant être une partie de la Serbie aujourd'hui, aujourd'hui

 21   ou plus tard.

 22   Q.  Mais vous êtes d'accord que l'occupation c'est une chose, et le fait de

 23   faire partie intégrante d'un Etat avec une population qui parle la même

 24   langue et qui a la même religion c'est une chose tout à fait différente. Et

 25   c'est dans cette optique que cette zone appartenait à l'empereur Dusan, et

 26   c'est quelque chose de tout à fait différente d'une occupation par une

 27   force étrangère ?

 28   R.  Je ne suis pas d'accord avec la façon dont vous présentez l'empereur

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  1   Dusan et son empire. Vous dites que la population parlait la même langue.

  2   Là, vraiment, c'est faire faire de la gymnastique à la vérité. Moi, je n'ai

  3   pas parlé de populations étrangères. J'ai dit que cette région avait été la

  4   propriété de plusieurs administrations politiques, elle avait été occupée

  5   par un grand nombre d'entre elles avant et après. Mais le fait qu'une

  6   terre, un lieu, un terrain, un territoire a été, à un moment, administré

  7   par un régime politique ne signifie pas que ce régime politique a le droit

  8   de reprendre six siècles plus tard ce même territoire. Je pense que là

  9   c'est peut-être utiliser un peu à tort et à travers les archives de

 10   l'histoire que d'en extraire le droit à des revendications territoriales.

 11   Q.  Mais dites-le aux alliés. Vous auriez dû le dire à Londres aux alliés

 12   en 1915. L'empereur Dusan a dit quelles étaient les langues de son empire.

 13   Il était roi des Serbes, des Albanais et des Grecs, n'est-ce pas ?

 14   R.  Je n'ai pas pu vous dire grand-chose sur la conférence de Londres qui

 15   s'est tenue en 1915, et je ne sais pas quel était le titre ou quelle était

 16   la fonction exercée par l'empereur Dusan pour ce qui est des revendications

 17   territoriales. Le fait est que des rois se sont arrogés ou ont reçu des

 18   titres pendant leur règne, les ont perdus, et donc le fait qu'un roi a un

 19   titre de propriété sur un territoire mais que cela a été fait il y a six

 20   siècles ne permet pas aujourd'hui de revendiquer ce territoire.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est très intéressant, certes, Monsieur

 22   Karadzic, mais ce débat historique dure depuis plus d'une heure. Quand va-

 23   t-on commencer à parler des années 1990 ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] On y arrive, Votre Excellence. Je voulais

 25   simplement dire ceci à M. Donia.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Nous ne parlons pas simplement ici pour l'empereur Dusan; c'est

 28   simplement qu'on avait fait une offre en 1915 à la Serbie, on avait offert

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  1   la côte de Dalmatie, et vous savez qu'à Split, à Brac, dans toute la

  2   Bosnie-Herzégovine, à Srem, à Backa, en Slavonie, il y avait beaucoup de

  3   Serbes qui y habitaient -- même si la Slavonie s'y est opposée en partie,

  4   et il y avait aussi des parties de l'Albanie. En 1915, la Serbie a refusé,

  5   parce qu'elle avait reçu des informations le 4 août 1915, mais si elle l'a

  6   refusé c'est parce qu'elle voulait défendre l'idée panyougoslave. Vous le

  7   savez ?

  8   R.  Non, je ne sais pas.

  9   Q.  Mais alors, avec qui vais-je parler des sujets si vous, vous êtes

 10   ignorant.

 11   Je vous rappelle autre chose. L'Etat des Serbes, des Croates et des

 12   Slovènes n'a-t-il pas été proclamé pour s'unifier avec la Serbie, si

 13   effectivement ça devenait un Etat unique. Ces Slovènes, ces Croates et ces

 14   Serbes, est-ce qu'ils ne constituaient pas cet Etat qui a vu le jour ? Ce

 15   sont des territoires qui se sont libérés avec le déclin de l'Empire austro-

 16   hongrois, en même temps que les 14 points de Woodrow Wilson.

 17   R.  Mais quelle est la question que vous me posez ?

 18   Q.  Bien, je vous parle de cet Etat qui englobe trois peuples, les Serbes,

 19   les Croates et les Slovènes -- ou plutôt, c'est l'inverse, les Slovènes,

 20   les Croates et les Serbes ? Est-ce qu'ils étaient sur un même pied

 21   d'égalité ? Est-ce que c'étaient des peuples constitutifs qui constituaient

 22   cet Etat ?

 23   R.  Je pense que vous venez de poser trois questions. C'étaient les Serbes,

 24   les Croates et les Slovènes, c'est comme ça que s'appelait ce royaume, pas

 25   l'inverse. Pour ce qui est de la politique de la nation ou de l'Etat, on

 26   disait que c'était au fond une espèce de trois tribus du même peuple, ces

 27   tribus étant les Serbes, les Croates et les Slovènes, excluant ainsi

 28   d'autres groupes qui vivaient à l'intérieur des frontières du Royaume des

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  1   Serbes, des Croates et des Slovènes, tel qu'il a fini par évoluer au fil du

  2   temps. Je pense que l'égalité était théorique entre ces peuples, en tout

  3   cas au début de cette période. Etaient-ils vraiment sur la même pied

  4   d'égalité dans la façon dont ces peuples étaient traités, ou l'ont été,

  5   pendant l'existence de ce royaume ? Et une fois la dictature proclamée en

  6   1929, il aurait été difficile de dire que les Croates et les Slovènes

  7   avaient les mêmes droits que les Serbes dans ce royaume.

  8   Q.  Sauf le respect que je vous dois, Monsieur Donia, je ne parle pas du

  9   royaume. Je parle de l'Etat. Le nom officiel, l'intitulé officiel, c'était

 10   "Etat des Serbes, des Croates et des Slovènes," ou l'inverse. Mais est-ce

 11   que vous savez que l'objectif c'était l'unification avec la Serbie, et que

 12   les Etats-Unis ont reconnu cette idée de l'unification ? Apparemment ça

 13   était mal interprété. Il y a peut-être une erreur. C'est ce que j'affirme.

 14   J'affirme que les territoires qui se sont trouvés Austro-Hongrois, mise à

 15   part à Vojvodine, et qui a rejoint la Serbie, donc ce qui est aujourd'hui

 16   la Croatie, la Slovénie, l'Herzégovine d'aujourd'hui, la Bosnie-

 17   Herzégovine, partant du principe de l'autodétermination des peuples

 18   consacrés au congrès américain et avec les 14 points énoncés par Woodrow

 19   Wilson constituaient un Etat. Pas un royaume, un Etat. Le royaume, il a été

 20   créé plus tard. Est-ce que vous étiez au courant de l'existence de cet Etat

 21   qui a précédé le royaume ?

 22   R.  Mais le nom de cet Etat, il s'intitulait, il s'appelait "le Royaume des

 23   Serbes, des Croates et des Slovènes," et on y trouvait ce qui avait été le

 24   Royaume de Serbie. Mais ce dernier venait d'accomplir une annexion assez

 25   brutale du Monténégro qui, ainsi, était devenu partie du royaume. Mais il y

 26   avait une proclamation, mais les autres territoires faisaient partie du

 27   royaume une fois cette proclamation du 1er décembre effectuée. Mais disons,

 28   c'était avalisé de façon assez diplomatique, cette proclamation de ce qui

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  1   avait été formé comme étant le Royaume des Serbes, ces Croates et des

  2   Slovènes. Ceci était fait dans des accords ultérieurs, mais l'acte lui-

  3   même, il s'est passé à Belgrade, et ça était fait avec l'assentiment de

  4   tous ceux qui affirmaient représenter ces régions du pays à l'époque.

  5   Q.  Hélas, Monsieur Donia, c'est un maillon important de la chaîne. Si vous

  6   l'ignorez, on ne peut rien comprendre. Avant l'unification il y avait

  7   l'Etat des Slovènes, des Croates et des Serbes. C'était le territoire à

  8   l'ouest de la Drina qui se composait de trois peuples : les Slovènes, les

  9   Croates et les Serbes. Si on ne savait pas cela, il vous est impossible de

 10   comprendre la crise yougoslave. Dans cet Etat se trouvent des peuples

 11   constitutifs, et si la Yougoslavie devait se dissoudre, ces unités, ces

 12   entités, voulaient avoir leur autonomie. Alors, comment poursuivre ce débat

 13   si vous ne connaissez pas ce fait ?

 14   R.  Ce fait ?

 15   Q.  Ce fait, c'est que cet Etat existait, cet Etat des Slovènes, des

 16   Croates et des Serbes. C'était indépendant avant l'unification avec les

 17   Serbes. Il a été formé. Il a été proclamé. L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais

 18   M. Donia ne connaît pas ce fait fondamental. Or, il est fondamental. Les

 19   Serbes ont formé un Etat à l'ouest de la Drina avec les Slovènes et les

 20   Croates. Ils avaient, en fait, un Etat constitué de trois peuples qui s'est

 21   unifié avec la Serbie.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pourrez déposer vous-même, Monsieur

 23   Karadzic, si tel est votre souhait, mais plus tard.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Donc vous pensez qu'avant l'unification cet Etat n'a jamais existé ?

 26   Vous ne savez rien de la question ? Vous n'avez connaissance de l'existence

 27   d'aucun Etat de ce genre ?

 28   R.  Je pense que vous faites allusion à quelque chose, mais je n'ai pas la

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  1   moindre idée du sujet et dont l'objet de cette allusion.

  2   Q.  Merci.

  3   M. KARADZIC : [interprétation] Je reviens à ce document des 14 points de

  4   Woodrow Wilson. J'en demande le versement, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si c'est pertinent, mais

  6   ce sera versé au dossier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce de la Défense D243.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Un peu plus loin, vous parlez des Bosniens, des Musulmans de Bosnie.

 11   Convenez-vous du fait que nous, Serbes, Croates et Musulmans de Bosnie, si

 12   on adopte cette terminologie, bien, les Musulmans pourrons monopoliser la

 13   Bosnie ? Ils se sont appropriés ce terme, n'est-ce pas ?

 14   R.  C'est une question un peu compliquée que vous me posez. Je ne suis pas

 15   trop sûr de ce que vous me demandez. Est-ce que vous auriez l'obligeance de

 16   la reposer ?

 17   Q.  Peut-être l'interprétation n'a-t-elle pas été des meilleurs. Les

 18   Musulmans ont récemment changé leur nom, le nom de leur groupe ethnique,

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  Ça s'est passé en 1993.

 21   Q.  Oui, et ils ont décidé de s'appeler Bosniens, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  Effectivement.

 24   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire que les Bosniens, les Serbes et

 25   les Croates, nous sommes tous originaires de la Bosnie ? Notre pays

 26   d'origine, c'est la Bosnie à tous ?

 27   R.  Non. Il faut faire une distinction. Dans les deux langues elle existe

 28   entre "Bosnjak" et "Bosanac," ou "Bosnjaci" et "Bosanci" en B/C/S, et entre

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  1   "Bosniaque," terme qui fait référence au peuple qu'on appelait avant les

  2   Musulmans de Bosnie. Quand on dit "Bosnians" en anglais, on pense à tous

  3   les citoyens, aux résidents de la Bosnie quelle que soit leur identité

  4   nationale ou leur groupe ethnique.

  5   Q.  Non, mais c'est quand même une usurpation de l'appellation. Quand on

  6   dit "Bosniens." Les Musulmans veulent dire que la Bosnie, c'est à eux, et

  7   que nous, nous sommes des espèces d'invités là.

  8   R.  A mon avis, c'est ce qu'ont essayé de faire certains Bosniens. Pour la

  9   plupart ils estiment que les Bosniens sont l'un des trois nations

 10   constitutifs qui vivent en Bosnie-Herzégovine, les autres étant des Croates

 11   et les Serbes. Ils ne seraient pas d'accord avec cet avis exprimé par

 12   certains.

 13   Q.  Mais ils l'ont accepté il n'y a pas longtemps. Mais est-ce que vous

 14   saviez comment ils se qualifiaient eux-mêmes pendant l'occupation turque ?

 15   R.  Je dirais que leur identité est hybride. On a trouvé toutes sortes

 16   d'appellations pour les désigner en fonction de l'endroit où certains

 17   habitaient. Je pense que vous, vous pensez à un terme précis quand vous

 18   posez la question, mais certains les ont appelés les Turcs. D'autres les

 19   qualifiaient ou le appelaient Musulmans, et en Bosnie, beaucoup de gens se

 20   disaient Bosniens.

 21   Q.  Mais nous autres on s'appelait Bosniaques aussi, puis ils ont dit

 22   qu'ils ne se qualifiaient pas eux-mêmes d'une façon particulière, puis on

 23   les a qualifiés de Musulmans. Ils sont devenus peuple constitutif de la

 24   Yougoslavie, chose qui est bon d'ailleurs, et aujourd'hui, ils se

 25   qualifient de Bosniens, chose qui n'arrange pas tellement les Serbes et les

 26   Croates. Mais laissons ceci de côté.

 27   Alors, la langue B/C/S, l'utilisez-vous sur des bases scientifiques ou vous

 28   fondez-vous sur des bases politiques ?

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  1   R.  C'est un véhicule, un moyen de communication, un vecteur. Pour moi,

  2   j'essaie de le parler, de le lire du mieux que je peux. J'utilise cette

  3   langue pour communiquer. Est-ce que j'utilise ceci partant d'une base

  4   politique. Je peux vous dire que dans mes recherches universitaires, je me

  5   sers de cette langue.

  6   Q.  Est-ce que ça existe cette langue, le B/C/S, ou est-ce que c'est la

  7   langue serbe ?

  8   R.  On pourrait procéder à une analyse fascinante de la langue qui

  9   s'utilise ici, sans trouver de réponse définitive, mais je ne serais pas

 10   d'accord pour dire qu'il s'agit de la langue serbe, mais c'est le B/C/S.

 11   C'est l'appellation utilisée en ce Tribunal ainsi que dans d'autres

 12   organisations internationales. Sans doute est-ce un brassage des langues

 13   croate, bosniaque, serbe, et on insiste sur le dénominateur commun à ces

 14   trois langues.

 15   Q.  Savez-vous nous dire quand est-ce que le stokavien de la langue serbe

 16   est devenue aussi la version croate de la langue ? Saviez-vous qui était

 17   Vuk Karadzic ?

 18   R.  Je réponds d'abord à votre dernière question. Oui, je pense que Vuk

 19   Karadzic -- en fait, c'est un parent éloigné à vous, et je pense que vous y

 20   cherchez des origines de votre famille dans la sienne. C'était une

 21   personnalité littéraire en Serbie au début du XIXe siècle. C'était un homme

 22   qui a glané les récits populaires, la poésie [inaudible] et qui a, à ce

 23   moment-là, codifié la langue serbe.

 24   Q.  Je n'ai pas cherché à le faire déterminer. Mon père s'appelait Vuk, et

 25   son père s'appelait Stefan. Donc tous les Karadzic sont issus de la même

 26   famille.

 27   Monsieur Donia, est-ce que vous saviez que par les accords de Vienne, Vuk

 28   avait donné l'accord aux Croates de considérer que cette langue soit

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  1   considérée aussi comme croate; ensuite, il y a eu une distinction nette de

  2   faite, mais intellectuellement, spirituellement, et culturellement, la

  3   langue c'est une propriété qui relève et qui constitue le propre d'un

  4   peuple, n'est-ce pas ?

  5   R.  Ecoutez, je ne suis pas un expert en langues ni en linguistique. Voici

  6   ce que je peux vous dire : on ne vole pas une langue, on ne la dérobe pas,

  7   ce n'est pas la propriété culturelle d'un peuple. Là, je ne suis pas du

  8   tout d'accord avec vous.

  9   Q.  Est-ce que vous pensez que l'Australie pourrait dire qu'elle parle

 10   l'australien, et non pas l'anglais, ou que le Brésilien dise, on parle le

 11   brésilien, on ne parle pas le portugais ?

 12   R.  Ecoutez, là, je ne suis vraiment pas expert. C'est tout à fait en

 13   dehors de mon domaine.

 14   Q.  Merci. En page 2, vous avez dit qu'en Yougoslavie il n'y a jamais eu

 15   d'élections nationales de faites, c'est-à-dire au niveau national, mais que

 16   toutes les élections se sont faites au niveau des républiques. Mais qui

 17   est-ce qui a empêché la tenue d'élections au niveau de la nation

 18   yougoslave, suivant un principe, Un homme, un vote. Est-ce que c'est les

 19   Serbes qui ont empêché la chose ou est-ce que c'est les séparatistes qui

 20   l'ont fait ?

 21   R.  Je crois comprendre que jamais ils ne sont parvenus à s'entendre.

 22   Jamais il n'y a eu d'accord. Je suis sûr qu'il y avait beaucoup de gens

 23   dans chacun de ces groupes qui le voulaient, et je ne pourrais pas, disons,

 24   simplifier les choses en disant que les Serbes y étaient favorables, et les

 25   autres pas. Non, il n'y a jamais eu d'accord. Nous ne parlons pas

 26   d'élections en partant d'un principe ethnique, mais nous parlons d'une

 27   élection unique qui concerne toute la République fédérative socialiste de

 28   Yougoslavie.

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  1   Q.  Oui. J'ai parlé d'Etat nation, c'est ce que vous avez dit, "country-

  2   wide." Alors, lorsque la Yougoslavie existait, les Serbes étaient

  3   favorables au principe, Un homme, un vote, et ça n'a pas marché.

  4   Maintenant, les républiques qui ont fait sécession veulent instaurer ce

  5   principe, Un homme, un vote, pour déposséder la minorité serbe de ses

  6   droits. D'accord avec ou pas ?

  7   R.  Non, ces prémices ne me semblent pas correctes.

  8   Q.  Etes-vous d'accord pour dire que ces républiques réclament maintenant

  9   l'instauration du principe, Un homme, un vote, alors qu'elles ne

 10   l'acceptaient pas, lorsque la Yougoslavie existait ?

 11   R.  Non, je crois que c'est vraiment simplifié à outrance. Je pense que

 12   cette formule initiale englobe tout un éventail de points de vue. Quand on

 13   dit simplement les Serbes - et je suppose que quand vous utilisez cette

 14   formule, vous croyez parler au nom de tous les Serbes - mais je ne pense

 15   pas qu'on puisse y trouver là une fonction ou une base aussi universelle.

 16   Q.  Je ne parle pas au nom de qui que ce soit. Le principe d'Un homme, un

 17   vote, au niveau de la Yougoslavie, ça n'a pas réussi, parce que les

 18   séparatistes n'en voulaient pas. Maintenant, ils veulent tous cela. Alors,

 19   qui avons-nous battu en 1999 aux élections de la Bosnie-Herzégovine ? Ça se

 20   trouve en page 4 de votre volet relatif à Sarajevo. Parce que vous dites :

 21   "Des dizaines d'autres partis qui avaient été créés et qui s'étaient

 22   inscrits pendant les mois qui avaient précédé."

 23   Alors, est-ce qu'il y a eu un changement de régime, puisque nous

 24   avions battu les communistes.

 25   R.  Les trois partis nationalistes pris ensemble ou chacun d'entre eux ont

 26   assuré la défaite des deux grands partis non nationalistes, les

 27   sociodémocrates et les réformateurs. Je pense qu'on parle de Bosnie ici,

 28   n'est-ce pas ? Est-ce qu'il y a eu un changement de régime ? Oui, à coup

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  1   sûr.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, Monsieur Karadzic, je

  3   vois l'heure qu'il est. Nous allons lever l'audience.

  4   Oui, Monsieur Tieger.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Très rapidement, deux choses. Avez-vous décidé

  6   qu'il était possible d'avoir une audience un peu plus longue au cours de

  7   cette semaine qui commence le 21 juin, parce qu'il faudrait le savoir pour

  8   aménager le calendrier. Deuxième chose, récemment, une demande de

  9   certification a été déposée, une demande de sursis. Nous devrions déposer

 10   notre réponse demain. Je pourrais vous en donner déjà la teneur, mais

 11   j'espère que la date vous conviendra.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je ne peux pas m'empêcher de relever

 15   ce que disait George Bernard Shaw, "l'Angleterre et les Etats-Unis sont

 16   deux pays séparés par une même langue."

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'audience reprendra demain à 14 heures

 18   15.

 19   --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mercredi 2 juin

 20   2010, à 14 heures 15.

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