Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 2 juin 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 27.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Bonjour à toutes.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, j'espère

  9   qu'aujourd'hui vous allez vous concentrer sur les questions ou sur la

 10   période couverte par l'acte d'accusation. Commençons, s'il vous plaît.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellences. C'est dans dix minutes

 12   qu'on en arrivera aux années 1990. Ce que je voudrais auparavant, c'est

 13   vous informer que j'ai l'intention d'envoyer au bureau du Procureur, ainsi

 14   qu'aux Juges de la Chambre, et ce, de façon régulière, des éléments

 15   relevant de la liste des faits agréés parce qu'on ne va pas contester. Le

 16   Procureur me dira s'il est d'accord ou pas, mais on n'aura pas à contester

 17   des choses élémentaires parce que ça ne nous mènerait à rien. Alors, je

 18   voudrais qu'on nous montre le 1D1409, à présent.

 19   LE TÉMOIN : ROBERT DONIA [Reprise]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas dans le prétoire électronique.

 23   Alors, peut-être pourrait-on demander à l'huissier de mettre ceci sur le

 24   rétroprojecteur. Et je voudrais qu'on remette une copie au témoin aussi.

 25   Voici une copie pour le témoin.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  [interprétation] Monsieur Donia, est-ce que vous voyez cette carte ?

 28   R.  Mais je n'en ai pas encore copie.

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  1   Q.  Voyez-vous cela sur le rétroprojecteur ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Alors, est-ce que vous voyez ici que c'est ce que les alliés ont

  4   proposé à la Serbie en 1915 à Londres ?

  5   R.  Puis-je vous demander d'où vient cette carte, quelle en est la

  6   provenance ?

  7   Q.  Ça vient de la documentation historique relative à la conférence de

  8   Londres en 1915. Dites-nous si vous êtes d'accord ou pas. Est-ce que c'est,

  9   de votre avis -- enfin, c'est une chose que vous devriez forcément savoir ?

 10   R.  Je ne sais pas.

 11   Q.  Bon. Vous ne savez rien de ce que l'on avait à proposer à la Serbie à

 12   Londres. Soit. Merci.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on nous montrer dans l'affichage

 14   électronique le 1D1407 maintenant.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ce n'est pas ce que

 16   le témoin dit. Le témoin indique qu'il n'a pas de connaissances

 17   particulières à propos de cette carte.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Mais est-ce que M. Donia sait -- Monsieur Donia, est-ce que vous saviez

 21   qu'on avait proposé à la Serbie en 1915 de ne pas faire une Yougoslavie,

 22   mais de faire une Serbie, et que ces terres ont été proposées à la Serbie :

 23   la Backa, la Slavonie, une partie de la Dalmatie et de la Bosnie, et tout

 24   ce qu'on voit sur cette carte d'ailleurs ?

 25   R.  Je ne suis pas sûr que cette carte soit le reflet fidèle de ce qui

 26   avait été proposé, mais je serais d'accord pour dire que ces terres ont

 27   plus ou moins fait l'objet des discussions qui ont eu lieu à la conférence.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on peut verser au dossier

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  1   cette pièce à conviction.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Et après, par la déclaration de Corfou, la Serbie a renoncé à ceci et

  4   s'est prononcée en faveur de la réunification de tous les Slaves du sud

  5   dans un Etat, exception faite des Bulgares ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci. C'est dans une autre occasion que l'on proposera pour versement

  8   au dossier la déclaration de Corfou. Est-ce qu'on peut verser au dossier

  9   cette carte, je vous prie.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, qu'en dites-vous ?

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Messieurs les Juges, je ne pense pas que le

 12   M. Donia ait évoqué une seule facette de cette carte.

 13   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] C'est manifeste, mais est-ce que le

 14   Procureur n'est pas d'accord pour dire que cette carte montre les

 15   territoires qui avaient été offerts par les alliés à la conférence de 1915

 16   en ce qui concerne l'établissement de l'Etat de Serbie ?

 17   M. TIEGER : [interprétation] Permettez-moi de répondre. A mon avis, ceci

 18   souligne à quel point cette partie du contre-interrogatoire manque de

 19   pertinence, parce que ce n'est pas un élément de l'acte d'accusation sur

 20   lequel nous avons consacré beaucoup d'efforts. Mais dans la mesure où le

 21   témoin a répondu, a établi un certain lien, nous acceptons effectivement

 22   peut-être que les lignes directrices s'appliqueront dans la mesure où la

 23   pertinence peut avoir été établie dans une -- mais quant à savoir si ce

 24   genre de question est pertinente ou pas, je pense qu'on en a déjà parlé. Il

 25   n'y a pas de raison vraiment convaincante qui mérite un long examen de ce

 26   document, mais si vous demandez l'avis de l'Accusation sur la question de

 27   la pertinence -- sur les éléments du procès qui nous semblent importants,

 28   je vous dirais que ceci n'aidera pas à résoudre la question de la

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  1   recevabilité.

  2   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vous demandais simplement si la

  3   carte, telle qu'elle est présentée, est une carte contestée par le parquet.

  4   Les questions de pertinence, vous savez, elles interviennent à un stade

  5   ultérieur de la procédure. Je voulais simplement savoir si c'était une

  6   carte qui était contestée quant à sa véracité par le bureau du Procureur.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Le témoin a demandé quelle en était la

  8   provenance. On ne nous a pas dit d'où elle venait. Nous ne savons pas d'où

  9   vient cette carte, et il nous est impossible, par conséquent, de vous aider

 10   et de vous dire si c'est effectivement le reflet fidèle des territoires

 11   proposés.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la réponse que voulait entendre le

 13   Juge Morrison.

 14   Monsieur Karadzic, nous ne sommes pas convaincus du fondement de cette

 15   carte, et le témoin n'a pu apporter aucune confirmation. Vous pourrez en

 16   demander le versement à un stade ultérieur.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Laissez-moi dire quel est le fondement,

 18   Excellence. D'abord, le traité de Londres est mentionné dans les

 19   conversations interceptées --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous aurez le loisir d'en demander

 21   le versement à un autre moment. Essayons de nous concentrer sur la période

 22   couverte par l'acte d'accusation.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Juste un document encore. M. Donia, hier, a dit qu'il ne savait pas

 25   certaines choses. Alors, en cinq minutes ou dix minutes, je me propose de

 26   présenter des documents qui sont des documents de base sans lesquels on ne

 27   saurait procéder. Ça, ce sont des documents relatifs à la création et à la

 28   disparition de la Yougoslavie. La crise bosniaque, ça se situe dans le

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  1   cadre de la crise yougoslave. Donc il ne peut pas parler --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic --

  3   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation] 

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ne faites pas de

  5   discours. Concentrez-vous sur les questions que vous voulez poser.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer le 1D1407

  7   maintenant. C'est une pièce qui est au prétoire électronique.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Donia, vous avez dit que la Yougoslavie ne s'est pas créée par

 10   une association de républiques. Vous êtes d'accord avec moi pour le dire ou

 11   pas ?

 12   R.  Vous parlez de quelle période ?

 13   Q.  Je parle de la création du premier Etat commun, le Royaume des Serbes,

 14   Croates et Slovènes.

 15   R.  La plupart des administrations politiques qui sont devenues une partie

 16   de la Yougoslavie ce n'étaient pas des républiques, donc c'est vrai qu'on

 17   peut dire qu'elle n'est pas le fruit de la création d'une association de

 18   républiques en tant que tel.

 19   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire qu'elle ne pouvait pas

 20   disparaître par une simple dissociation des républiques ?

 21   R.  Mais je ne pense pas que la première Yougoslavie ait eu des

 22   républiques.

 23   Q.  Mais en 1991, le président Kucan avait présenté une thèse aux termes de

 24   laquelle la Yougoslavie devait disparaître par une dissociation des

 25   républiques. Alors, vous êtes d'accord pour dire que ce sont les peuples

 26   qui s'étaient associés et que la Yougoslavie disparaisse par une

 27   dissociation des républiques. C'est une terminologie que vous avez eu à

 28   connaître ou pas ?

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  1   R.  Je pense que là vous me demandez une interprétation de la constitution,

  2   or je ne suis pas expert en la matière. Je relève simplement que ça a été

  3   très contesté à l'époque. Je ne suis vraiment pas à même de répondre à

  4   votre question.

  5   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut nous montrer la page 151 de ce même document.

  6   C'est dans le document.

  7   Vous pouvez le voir, Monsieur Donia, c'est une compilation de documents

  8   relatifs à la Yougoslavie. J'ai demandé la page 151 du document.

  9   Alors, ce n'est pas un ouvrage d'auteur. C'est une collection de

 10   documents qui sont d'importance pour la Yougoslavie.

 11   Est-ce qu'on peut nous montrer cette page 151. Merci.

 12   On voit assez mal, mais ce qui est dit c'est la chose suivante -- alors, je

 13   vais vous donner une copie, Monsieur Donia. Je voudrais qu'on remette à M.

 14   Donia cette copie papier. On y voit mieux.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que ça ira, Monsieur Karadzic,

 16   à l'aide de l'écran. Poursuivons.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vais en donner lecture moi-même.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Il y est dit :

 20   "Le Conseil national de l'Etat des Slovènes, Croates et Serbes, ce

 21   conseil déclare l'unification des Slovènes, Serbes et Croates créé sur le

 22   territoire de l'ancienne monarchie hongroise avec le Royaume de la Serbie

 23   en l'Etat des Slovènes, des Croates et des Serbes…"

 24   Et ainsi de suite. Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire

 25   que ce sont là des éléments sur lesquels on n'était pas d'accord hier; il

 26   existait un Etat des Slovènes, des Croates et des Serbes à l'ouest de la

 27   rivière Drina, et c'est cet Etat-là qui s'est associé au Royaume de Serbie

 28   ?

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  1   R.  Oui. Je pense que son existence a été de sept jours.

  2   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant le 163 du même

  3   document. C'est la page 88 dans le prétoire électronique.

  4   Alors, c'est le 67 qui nous intéresse -- non, non, pas cette partie-

  5   là. Là où c'est intitulé "Le traité de paix" :

  6   "Le traité de paix entre les alliés et les puissances associées,

  7   d'une part, et l'Etat des Serbes, Croates et Slovènes, d'autre part."

  8   Alors, penchons-nous un peu sur la partie un peu plus bas : 

  9   "Alors que les peuples serbe, croate et slovène de l'ancienne monarchie

 10   austro-hongroise ont librement décidé de s'unir avec la Serbie pour former

 11   une union permanente aux fins de constituer un seul et même Etat

 12   indépendant et souverain portant le titre de Royaume des Serbes, Croates et

 13   Slovènes."

 14   Ceci illustre suffisamment les choses. C'est un traité international. C'est

 15   l'histoire de la création de la Yougoslavie, ceci. Alors, est-ce qu'on voit

 16   bien que les Serbes, les Croates et les Slovènes de cet ex-empire austro-

 17   hongrois sont devenus des peuples égaux en droits et des peuples

 18   constitutifs de cette nouvelle Yougoslavie ?

 19   Q.  Est-ce que je peux voir le reste du document, s'il vous plaît.

 20   R.  Oui. Le document, c'est un livre entier. Ça existe dans le prétoire

 21   électronique, je crois que vous pouvez voir la totalité. Moi, je

 22   m'attendais à ce que vous ayez gardé cet élément à l'esprit parce que c'est

 23   vous l'expert le plus important en la matière. Montrez-nous la page

 24   suivante, s'il vous plaît, afin que M. Donia puisse voir la page suivante.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Et --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 27   Oui, Madame Edgerton.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir pour dire que ce

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  1   livre c'est un recueil de documents très divers.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et le titre en est, "La Yougoslavie au

  3   travers de documents."

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Exactement.

  5   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, pour servir votre

  6   cause, est-ce qu'il ne suffirait pas de savoir si le témoin est d'accord ou

  7   pas pour dire qu'après la formation de ce Royaume des Serbes, Croates et

  8   Slovènes dans votre pays, dans cet Etat, il s'est connecté, s'est relié

  9   avec le Royaume de Serbie le 1er décembre, en 1918, et qu'après, il a été

 10   appelé Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, et de cette façon-là la

 11   Serbie a été reconnue en tant qu'Etat par le reste du monde pour la

 12   première fois en tant que telle, en tant qu'entité.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, il n'en est pas ainsi. L'essentiel,

 14   c'est de dire que les territoires qui, jusqu'en 1918, faisaient partie de

 15   l'empire austro-hongrois se sont constitués pour créer un Etat de trois

 16   peuples, les Serbes, les Croates et les Slovènes, ou les Slovènes, Croates

 17   et Serbes, et c'est cet Etat-là qui se réunit avec l'Etat de Serbie, qui

 18   existait depuis le congrès de Berlin, donc la Serbie existait déjà. Donc

 19   les Serbes à l'ouest de la Drina et du Danube, donc les Serbes d'Autriche-

 20   Hongrie, sont sur pied d'égalité avec les Slovènes et les Croates, et ils

 21   sont propriétaires sur un pied d'égalité avec cet Etat. Ils ont donc des

 22   droits découlant de la création de l'Etat, et c'est cet Etat qui s'allie

 23   avec la Serbie. Donc en substance, c'est un Etat. Il importe peu de savoir

 24   combien cet Etat a duré ou existé. Ils ont signé un traité international,

 25   et ils ont procédé à une unification, réunification avec un autre Etat, et

 26   les Serbes, là-bas, constituent, à leur façon, un peuple constitutif, ils

 27   ont des droits afférents à l'ouest de la Drina et du Danube. Si nous sommes

 28   d'accord, nous n'avons plus à perdre de temps et nous attarder là-dessus.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je serais d'accord avec la façon dont vous

  2   avez, Monsieur le Juge Morrison, formulé la chose, à savoir que le Royaume

  3  de Serbie, par la proclamation du 1er décembre 1918, a déclaré qu'un nouveau

  4   régime a été créé qui s'appelait Royaume des Serbes, Croates et Slovènes.

  5   Ici, bon, il y a eu d'abord comme représentants une commission ou un comité

  6   de Yougoslaves, puis pendant une très brève période de sept jours pendant

  7   laquelle cette commission s'était déclarée être un Etat, c'était des

  8   parties à l'accord.

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Après, quelle que soit l'appellation

 10   donnée, ça a été reconnu en tant qu'Etat, et du coup cette entité avait les

 11   attributs et les droits d'un Etat, à savoir qu'ils pouvaient négocier des

 12   traités, n'est-ce pas ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Donc M. Karadzic a bien raison pour

 15   ce qui est de cela. Quel que soit le nom donné, nous n'allons pas

 16   maintenant ergoter sur l'appellation donnée à cette entité, mais c'est une

 17   époque capitale, et je pense que maintenant M. Karadzic peut continuer.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Mais le compte rendu d'audience a fait

 19   une erreur. Le Royaume de Serbie existait depuis le congrès de Berlin, et

 20   cet Etat des Slovènes, Croates et Serbes a duré peu de temps, mais c'était

 21   quand même un Etat et c'est cet Etat qui s'est uni à la Serbie.

 22   Alors, cet Etat des Slovènes et des Croates -- et des Slovènes n'a

 23   pas duré depuis le congrès de Berlin. C'est le Royaume de Serbie qui a été

 24   reconnu au congrès de Berlin et s'est réunifié avec cet autre Etat

 25   nouvellement créé sur le reste de la monarchie austro-hongroise et qui a

 26   duré peu de temps, mais qui a créé le Royaume des Serbes, Croates et

 27   Slovènes.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez demandé le versement, mais

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  1   vous demandez le versement de tous ces documents ? Nous avons examiné la

  2   page 151 [comme interprété] et quelques autres pages. Est-ce que vous

  3   voulez demander le versement des pages que nous avons examinées ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le recueil de documents, le 151, le 163, c'est

  5   ce qu'on a vu. On peut se pencher également sur le 168. Le 168. La page 168

  6   qui nous parle de cette réunification des différents Etats. Mais le 168 --

  7   oui, justement, montrez-nous le 168 parce que c'est important. Ça ira vite

  8   et c'est assez bref. Nous sommes sur le même document. C'est la page 90 du

  9   prétoire électronique. Article 12, s'il vous plaît.

 10   "Dans l'attente de la conclusion de nouveaux traités ou conventions, tous

 11   les traités, conventions, accords et obligations existant entre la Serbie,

 12   d'une part, et tout parti des principaux alliés et puissances associées,

 13   d'autre part, qui étaient en vigueur le 1er août 1914 ou qui sont depuis

 14   entrés en vigueur, tous ces traités, conventions, accords et obligations

 15   vont ipso facto avoir force exécutoire pour l'Etat des Serbes, Croates et

 16   Slovènes.

 17   Donc on voit que dans ce nouvel Etat, l'Etat de Serbie introduit ses

 18   obligations et ses droits déjà existants.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Etes-vous d'accord avec cela ?

 21   R.  Pas tout à fait. Parce qu'ici, ce texte dit simplement que les accords

 22   qui étaient en vigueur à la date du 1er août 1914 allaient être transmis au

 23   Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Il y a aurait un certain

 24   engagement envers la Serbie ou d'autres accords qui allaient être conclus

 25  après le 1er août 1914 et qui n'allaient pas être transmis à ce nouvel Etat,

 26   si l'on suit les termes de cette disposition.

 27   Q.  Où est-ce que c'est écrit, cela ?

 28   R.  Bien, ça dit simplement sous réserve de la conclusion de nouveaux

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  1   traités et conventions, tous les traités, conventions, accord et

  2   obligations existant entre la Serbie et les principaux alliés et puissances

  3   qui étaient en vigueur à la date du 1er août 1914 ou qui sont entrés en

  4   vigueur depuis cette date auront force exécutoire ipso facto sur l'Etat. Ce

  5   qui veut dire qu'il y a peut-être des choses qui avaient été promises à la

  6   Serbie, mais qui n'ont pas pris la forme officielle d'un accord, qui n'ont

  7   pas été adoptés. Je ne pense pas qu'à la lecture de cette disposition, on

  8   peut dire que tout le caractère étatique du Royaume de la Serbie a été

  9   transmis au nouvel Etat. Peut-être que ça s'est fait par un accord interne,

 10   mais ce n'est pas le cas ici. Ce n'est pas sur cela que porte cette

 11   disposition. Mais il faut comprendre la chose ainsi : à l'avenir ce n'est

 12   pas la Serbie qui conclurait des traités mais le nouvel Etat, l'Etat

 13   nouvellement créé. Donc tout ce que la Serbie a conclu jusque-là était

 14   resté en vigueur. Donc ce que vous venez de dire c'est exact. Mais on parle

 15   après la conclusion de nouveaux traités, donc à partir de ce moment-là la

 16   Serbie ne va pas signer des traités, toute seule, mais en tant qu'Etat

 17   nouveau.Est-ce qu'on peut verser au dossier ces trois pages, s'il vous

 18   plaît.

 19   Oui, il y en a peut-être encore une qui --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je m'interroge, est-

 21   ce que ceci est vraiment pertinent à ce procès ?

 22   Madame Edgerton, est-ce que vous faites objection au versement de ces trois

 23   pages ?

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, mais s'agissant du document dont M.

 25   Karadzic a cité, ce document va de la page 163 à 169. Ce qui veut dire que

 26   ces trois pages font partie d'un document. Peut-être les Juges voudront-ils

 27   avoir le document dans son intégralité de la page 163 à 169.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous allons voir toutes ces

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  1   pages.

  2   Passez au sujet suivant.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D244.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on peut nous montrer

  6   maintenant le 206 t le 207, les pages 206 et 207. C'est la page 110 dans le

  7   prétoire électronique. Et c'est le tout dernier document.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic --

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est daté de 1943.

 10   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] Passons à la décennie des années

 11   90, Monsieur Karadzic.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je vous prie de jeter un coup d'œil

 13   sur ce document. Là il est question de la création de la république. C'est

 14   capital. On va voir quelles sont les républiques et quels sont les peuples

 15   qui sont concernés. Je demande un peu de patience, ça prendra trois

 16   minutes.

 17   Alors, nous sommes en train de créer des républiques à Jajce. Est-ce que

 18   Jajce, de votre avis, Monsieur Donia, c'est important pour comprendre la

 19   crise yougoslave ? Le Conseil antifasciste du peuple de Libération

 20   nationale à Jajce, 1943.

 21   R.  Je ne pense pas que ce soit vraiment tellement important pour ce qui

 22   est de la dissolution de la Yougoslavie. Mais ça l'est sûrement pour ce qui

 23   est de la formation de la Yougoslavie socialiste, de la République

 24   fédérative socialiste de Yougoslavie, qui a porté plusieurs noms avant

 25   1990.

 26   Q.  Alors au 79 ici. Etes-vous d'accord, Monsieur Donia, pour dire que les

 27   frontières de l'AVNOJ du Conseil antifasciste de la Libération nationale de

 28   la lutte antifasciste et de la libération nationale, les frontières c'était

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  1   la pierre d'achoppement pendant la tenue du conseil ?

  2   R.  Mais on disait que c'était effectivement l'AVNOJ, mais je pense que ces

  3   termes et ces dispositions ont été établis -- ou ces frontières ont été

  4   établies bien après la conférence de Jajce, donc après le moment de la

  5   création de ce document.

  6   Q.  Oui, je suis d'accord. Le 97, "Décision de créer une Yougoslavie

  7   fédérative." Oui. Remontez un peu. Passez à la page suivante, s'il vous

  8   plaît. Paragraphe 2, page d'après. Remontez vers le haut. Le 2. Est-ce

  9   qu'on peut voir.

 10   "Afin d'appliquer le principal de la souveraineté des peuples de

 11   Yougoslavie et pour que la Yougoslavie constitue une vraie batterie pour

 12   tous ces peuples et ne soit plus jamais le domaine où une nouvelle clique

 13   hégémoniste peut s'installer, la Yougoslavie s'établit et s'établira sur

 14   les bases du principe fédéral qui assurera une pleine et qualité des

 15   Serbes, des Croates, des Slovènes, des Macédoniens et des Monténégrins. Ce

 16   sont les peuples de Serbie, Croatie, Slovénie, Macédoine, et Monténégro et

 17   Bosnie-Herzégovine."

 18   Est-ce qu'il est fait état et mention ici de cinq peuples, Monsieur Donia ?

 19   R.  En fait, on nomme, on désigne cinq noms, puis la porte, disons, reste

 20   ouverte pour les peuples qui ne sont pas désignés nommément quand on

 21   reprend le dernier membre de la phrase dans cette résolution, on le voit.

 22   Je pense qu'il est important de relever que ce libellé s'inspire et

 23   applique le modèle de la théorie de nationalité soviétique de l'époque

 24   staliniste, laquelle a utilisé ces termes qui a parlé de "clique et

 25   l'hégémoniste," "des peuples constitutifs" de "la souveraineté des

 26   peuples," ce n'est pas le seul apanage de ce régime, d'autres systèmes ont

 27   repris cette terminologie. Mais je pense qu'ici, effectivement, ceci montre

 28   largement d'où vient ce genre de terminologie et de libellé, ça vient de la

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  1   théorie nationaliste staliniste.

  2   Q.  Je n'ai pas très bien compris ce que vous venez de dire, Monsieur

  3   Donia. Est-ce que le sentiment national ça fait partie des droits de

  4   l'homme ou pas ? Est-ce qu'un groupe a le droit ou pas d'avoir des

  5   sentiments nationaux, en tant que groupes ?

  6   R.  Soyons précis, ce que je vous disais en guise de commentaire c'est que

  7   la source de cette terminologie, la source de ce document, il faut la

  8   chercher dans la théorie nationaliste soviétique davantage que dans la

  9   tradition occidentale démocratique des droits des peuples ou des droits de

 10   l'homme.

 11   Q.  Nous n'allons pas nous disputer. Je suis d'accord pour dire que l'AVNOJ

 12   ce n'était pas une instance, une institution démocratique, mais nous avons

 13   vécu en application.

 14   Alors, en ce moment-ci, de votre avis, Monsieur Donia, qui est-ce qui a

 15   constitué la population de la Macédoine ?

 16   R.  Quand ?

 17   Q.  En 1943, quand cela a été rédigé.

 18   R.  En Bosnie-Herzégovine ? Il y avait sans doute deux millions et demi,

 19   trois millions d'habitants.

 20   Q.  Quelle est l'appartenance ethnique de cette population ?

 21   R.  Ecoutez, si vous acceptez la notion "d'appartenance ethnique" comme

 22   étant le premier acteur d'identification d'un groupe, je dirais qu'on

 23   trouvait dans cette population des Serbes, des Croates, et des Musulmans

 24   mélangés, il y avait aussi des Yougoslaves et d'autres représentants

 25   d'autres peuples dont les Rom, les Slovènes, des Albanais.

 26   Q.  Est-ce qu'il y avait eu des Yougoslaves en tant que catégorie ethnique

 27   en 1943 ?

 28   R.  Mais on aborde aussitôt la question de savoir comment déterminer qui

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  1   était un Yougoslave et bien sûr, à ce moment-là il n'y a pas eu -- c'est

  2   seulement en 1948 qu'il y a eu un premier recensement du moins dans la

  3   période socialiste. Le dernier recensement dans le royaume de la

  4   Yougoslavie, ça c'est passé en 1934, je pense, avant la Seconde Guerre

  5   mondiale. Le fait est qu'il est impossible de savoir comment se composait

  6   la population, alors il faut reprendre le recensement, les chiffres du

  7   recensement de 1948, sachant, admettant que ce recensement, tout comme

  8   d'autres, ne reconnaît ou n'admet que certaines réponses données au moment

  9   du décompte. C'est à peu près la seule chose qu'on peut faire.

 10   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire que ce recensement en 1948 était

 11   sous les effets des souffrances des Serbes pendant la Deuxième Guerre

 12   mondiale ? Il y a eu quelque 100 000 d'entre eux en 1948, le nombre des

 13   Serbes est inférieur à ce qu'il avait été ?

 14   R.  Je ne sais pas si j'ai accepté les 200 000 [comme interprété]. Je

 15   reviens à votre question, je ne me souviens pas avoir déclaré une telle

 16   chose. A mon avis, oui, je serais d'accord pour dire que le recensement de

 17   1948 a été touché par les souffrances de tout un chacun pendant la Deuxième

 18   Guerre mondiale. Ça s'y est répercuté et ça a été profondément touché par

 19   la souffrance des Juifs. Je pense que tous les groupes qu'on considère

 20   comme étant des nations aujourd'hui ont connu d'énormes souffrances pendant

 21   la Deuxième Guerre mondiale.

 22   Q.  Alors, ça c'est exact pour les Juifs, mais êtes-vous d'accord pour dire

 23   que ceux qui ont le plus souffert c'est les Serbes, parce que les Serbes

 24   ont fait l'objet d'un génocide pendant la Deuxième Guerre mondiale ?

 25   R.  Je n'accepte pas la première partie de votre question où vous avez dit

 26   que c'étaient les Serbes qui avaient le plus souffert, non. Mais c'est

 27   vrai, effectivement, qu'il y a eu un génocide commis sur les Serbes pendant

 28   la Deuxième Guerre mondiale.

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  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, ces deux pages, 206 et 207, peuvent-

  3   elles être versées au dossier, Excellences, et cela me permettrait d'aller

  4   de l'avant.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Ce document est versé au

  6   dossier. Mais qu'est-ce qu'on fait en général si on admet une partie du

  7   livre, cette partie est ajoutée. Donc c'est cette partie-là qui est versée

  8   au dossier.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Ça devient la pièce D244.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions sur le

 12   1D1408, et voir 4721 à 4827, s'il vous plaît. On va vous le montrer. Voyons

 13   un peu ce que Lord Carrington a dit à ce sujet.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Vous êtes d'accord pour dire que c'est Lord Carrington qui a présidé

 16   aux travaux de la première conférence ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est seulement

 19   lorsque nous sommes entrés dans le prétoire que nous avons été avisés du

 20   fait que ce document allait être utilisé. J'aimerais que ce soit diffusé

 21   plus tard, parce que je crois que nous avertir juste au moment où on entre

 22   dans le prétoire ça ne suffit pas comme délai.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est un film qui est notoirement connu, mais

 24   moi, je veux bien. D'accord.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Il vous faut combien de temps

 26   pour vous préparer ? Ça ira si on diffuse cette séquence en fin d'audience

 27   aujourd'hui ?

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, je peux faire un petit examen pendant

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  1   la pause, mais c'est simplement que je n'ai pas eu le temps de voir de quoi

  2   ça retourne.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Donia, je voudrais vous présenter plusieurs affirmations, et

  7   si vous êtes d'accord, nous n'aurons pas à les prouver. Si vous dites que

  8   ce n'est pas le cas, alors il va falloir que je le démontre par la suite.

  9   Mais est-ce que vous êtes d'accord pour dire que dans la pratique

 10   yougoslave établie, il y avait des peuples et des minorités nationales que

 11   l'on a appelés les ethnicités par la suite, et vous avez dû remarquer cela

 12   ?

 13   R.  Dans la théorie des nationalités yougoslaves, effectivement, il

 14   existait des nations, des nationalités et des minorités nationales, et il y

 15   avait une hiérarchie, l'échelon supérieur étant la nation.

 16   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que les nations ce sont ceux

 17   pour qui la Yougoslavie c'est la patrie principale, et les minorités

 18   nationales ce sont les groupes ethniques qui disposent d'un Etat national

 19   parmi les pays voisins ? Mais ils n'ont pas forcément besoin d'être des

 20   pays voisins. Ça pouvait être la Slovaquie, par exemple.

 21   R.  Dans le cadre de la théorie des nationalités yougoslaves,

 22   effectivement.

 23   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire que la Yougoslavie était la

 24   patrie mère des Slovènes, des Croates, des Serbes, des Musulmans, des

 25   Macédoniens, des Monténégrins et des Yougoslaves ? Est-ce qu'ils ont

 26   ailleurs une mère patrie autre, si ce n'est la Yougoslavie ?

 27   R.  Vous posez deux questions. Je dirais oui pour ce qui est des nations

 28   que vous avez énumérées, dont la mère patrie était la Yougoslavie, se

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  1   trouvaient sur le territoire de la Yougoslavie. Aucune de ces nations

  2   n'avait un Etat national en dehors de la Yougoslavie à l'époque.

  3   Q.  Vous êtes d'accord pour dire que ces sept catégories-là ce n'est pas

  4   des minorités, mais ce sont des nations qui ont créé l'Etat yougoslave,

  5   n'est-ce pas ?

  6   R.  Dans la théorie des nationalités yougoslaves, oui.

  7   Q.  Merci. Est-ce que vous savez que le dernier des engagements politiques

  8   que j'ai eus c'était en 1968, lorsque je faisais partie d'un mouvement

  9   estudiantin ?

 10   R.  Oui, je le sais.

 11   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que jusqu'en

 12   1990, j'étais un dissident dans l'ombre qui intervenait en premier lieu

 13   dans la psychiatrie, puis dans la littérature et aussi en matière de sports

 14   ?

 15   R.  Je ne sais, pour tout vous dire, pas dans quelle mesure vous étiez un

 16   dissident. Pour ce qui est de la psychiatrie, oui, vous étiez très engagé.

 17   C'était votre premier domaine d'activité. Vous étiez un poète accompli et

 18   vous avez aussi été un entraîneur ou conseiller d'une équipe sportive. Je

 19   suis d'accord avec cette partie-là de votre question.

 20   Q.  Merci. Je voudrais à présent vous présenter tout ce qui s'est passé

 21   lorsque j'ai cessé de faire de la politique et le moment où je suis

 22   retourné dans la politique.

 23   Alors, êtes-vous d'accord pour dire qu'en novembre 1968, les Albanais du

 24   Kosovo ont mis en place une fête nationale du drapeau albanais ? Du drapeau

 25   d'un autre Etat. Et ils le fêtaient sur le territoire de la Yougoslavie.

 26   Vous pouvez dire oui ou non. Ce n'est pas approuvé, mais bon, si vous dites

 27   que non, on le prouvera ultérieurement.

 28   R.  Je ne sais pas.

Page 3203

  1   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez que le 15 mars 1969, la Ligue des

  2   Communistes de Yougoslavie, le seul parti en présence, a mis en place un

  3   système paritaire ? A savoir que dans ses instances, il y avait le même

  4   nombre de représentants issus de chacune des républiques.

  5   R.  Je n'ai pas de connaissance précise là-dessus, non. Je ne sais pas si

  6   c'est vrai ou pas.

  7   Q.  Merci. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'entre le

  8   14 et le 17 janvier 1970, il y a eu une session du comité central du Parti

  9   des Communistes de Croatie qui a été considérée comme étant le point de

 10   départ de ce qu'ils ont appelé le mouvement des  masses ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que ce mouvement des masses était en premier lieu nationaliste

 13   et séparatiste ? Non pas national, mais nationaliste et séparatiste ?

 14   R.  Je ne pense pas que ça eut été en premier lieu séparatiste, mais il est

 15   certain qu'il y avait des membres ou des participants de ce groupe qui

 16   avaient des velléités séparatistes, mais je ne veux pas opérer de

 17   distinction. Je ne voudrais pas accepter la division que vous voulez faire

 18   entre national et nationaliste. Moi, je dirais, en anglais, que c'est un

 19   mouvement national et je dirais qu'on voyait là s'épanouir un sentiment

 20   démocratique, un sentiment national, par exemple, en Croatie.

 21   Q.  Etes-vous d'accord sur le fait que sous la pression de ce mouvement,

 22   des amendements à la constitution yougoslave ont été adoptés le 30 juin

 23   1997, qui concernent les articles 20 à 42. Ces amendements à la

 24   constitution de la Yougoslavie.

 25   R.  Je ne connais pas précisément le nombre d'amendements qui ont été

 26   adoptés, mais je suis tout à fait d'accord sur le fait que des amendements

 27   ont été votés à peu près à ce moment-là. Et je ne dirais pas qu'ils ont été

 28   votés sous la pression exercée par ce mouvement, mais plutôt en raison du

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  1   fait que le sentiment national s'est intensifié de façon générale dans un

  2   certain nombre de groupes existant à l'époque et que ceci a à voir

  3   également avec ce que j'appellerais l'unité et la cohésion de l'Etat

  4   fédéral.

  5   Q.  Par ces amendements, de nouveaux rapports ont-ils été établis entre les

  6   républiques et les Régions autonomes de la Serbie, et ça, c'était la

  7   première fois, Régions autonomes qui, dès lors, ont acquis une plus grande

  8   importance ?

  9   R.  Les deux propositions que vous venez de faire sont exactes, oui.

 10   Q.  De cette façon, la Serbie est-elle devenue pour la première fois une

 11   structure fédérale ?

 12   R.  Je ne dirais pas qu'elle est devenue une structure fédérale. Là encore,

 13   c'est un point qui relève peut-être du droit constitutionnel. En tout cas,

 14   je ne la qualifierais pas dans ces termes, non.

 15   Q.  Conviendrez-vous que Josip Broz Tito, les 1er et 2 décembre 1971, a

 16   interrompu le mouvement populaire de masse qui avait commencé, il l'a fait

 17   à Karadjordjevo, il a donc interrompu le mouvement des Croates et les a

 18   sanctionnés ? En fait, il leur a demandé de démissionner, et tous les

 19   Croates qui occupaient des postes très importants sur le plan politique ont

 20   été limogés et déclarés nationalistes, séparatistes, et cetera, en tout

 21   cas, ils ont perdu leurs postes.

 22   R.  Pas tous. Mais pour répondre à votre question de façon générale,

 23   j'apporterais une réponse affirmative tout de même.

 24   Q.  Merci. Conviendrez-vous que Josip Broz Tito a, en date du 26 octobre

 25   1972, procédé à une purge parmi la direction serbe, purge qui a été menée

 26   par deux hommes en particulier qui étaient favorables à une politique

 27   libérale ?

 28   R.  Je ne sais pas. Je ne saurais attester de la date eu égard à cette

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  1   affirmation.

  2   Q.  Mais conviendrez-vous avec moi que les dirigeants croates ont été démis

  3   de leurs fonctions pour nationalisme, alors que les dirigeants serbes ont

  4   été démis de leurs fonctions pour néo-libéralisme ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Mais Nikezic et Latinka Perovic ont été démis de leurs fonctions ? Et

  7   vous diriez qu'ils l'ont été pour quelle raison, quel motif ?

  8   R.  Je ne sais pas.

  9   Q.  Merci. Conviendrez-vous que le 21 février 1974, une nouvelle

 10   constitution, très connue d'ailleurs, a été votée ?

 11   R.  Je ne connais pas la date exacte, mais je suis tout à fait d'accord

 12   pour dire qu'une nouvelle constitution a été votée en 1974, non seulement

 13   en RSFY, donc en République socialiste fédérative de Yougoslavie, mais

 14   également dans chacune des républiques qui la constituaient.

 15   Q.  Conviendrez-vous que par cette nouvelle constitution, les Régions

 16   autonomes de Vojvodine et du Kosovo-Metohija, qui faisaient partie de la

 17   Serbie, ont pratiquement acquis un statut de

 18   républiques ? C'est-à-dire qu'elles ont été déclarées éléments constitutifs

 19   de la fédération, tout comme les républiques.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Merci. Conviendrez-vous que de cette façon, la Serbie est devenue une

 22   structure fédérale, c'est-à-dire qu'elle ne pouvait plus voter la moindre

 23   loi sans l'assentiment des assemblées de Vojvodine et du Kosovo ?

 24   R.  Comme je l'ai déjà dit, ce qui me pose problème c'est l'emploi de cette

 25   expression "structure fédérale." Je ne saurais être d'accord avec l'emploi

 26   de ces termes simplement parce que je ne sais pas exactement ce que vous

 27   entendez par là. Et je sais que parfois vous avez employé le terme

 28   "fédéral" dans des significations très diverses.

Page 3206

  1   Q.  Conviendrez-vous que seule la Serbie s'est vue contrainte, avant que

  2   ces transformations ne soient réalisées sur son territoire, de demander

  3   qu'elles le soient ? Et c'est quelque chose qui n'a été le cas ni en

  4   Croatie ni en Slovénie, ni en Macédoine, ni au Monténégro, ni dans aucune

  5   autre république ?

  6   R.  C'est une question qui relève du droit constitutionnel yougoslave, et

  7   je dirais simplement que je ne sais pas.

  8   Q.  Merci. Conviendrez-vous que Josip Broz Tito est décédé le 4 mai 1980,

  9   ou en tout cas que sa mort a été annoncée à cette date ?

 10   R.  J'accepte la date du 4 mai 1980 comme étant celle de son décès, oui.

 11   Q.  Conviendrez-vous que le 11 mars 1981, de grandes manifestations ont vu

 12   le jour au Kosovo, manifestations qui se sont déroulées sous le slogan

 13   "Kosovo Republic" ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Merci. Conviendrez-vous que le 2 avril 1981, la présidence de la RSFY a

 16   décrété l'état d'urgence au Kosovo et l'application de la loi martiale, et

 17   qu'elle a créé sous l'égide du secrétariat fédéral à l'Intérieur des unités

 18   qui ont été envoyées au Kosovo ?

 19   R.  Non. Je ne connais pas la date précise, pas plus que je ne connais la

 20   nature précise de la décision dont vous venez de parler.

 21   Q.  Mais l'état d'urgence et sa proclamation, c'est un fait historique,

 22   état d'urgence qui a été décrété en raison des événements qui avaient

 23   commencé au Kosovo. Etes-vous d'accord là-dessus ?

 24   R.  Je ne suis pas d'accord avec votre qualification de ce fait simplement

 25   parce que je ne sais pas.

 26   Q.  Merci. Je pensais que vous deviez être au courant de cela car c'est

 27   ainsi que la crise a commencé. D'ailleurs, ce n'était même pas tout à fait

 28   le début.

Page 3207

  1   Mais conviendrez-vous qu'en raison de tous ces événements, Lazar

  2   Kolisevski, qui était d'appartenance ethnique macédoine, a découvert que la

  3   base de la politique communiste yougoslave, donc de la politique menée par

  4   la Ligue des Communistes de Yougoslavie, il a découvert que les fondements

  5   de cette politique se résumaient au slogan selon lequel l'affaiblissement

  6   de la Serbie signifiait le renforcement de la Yougoslavie ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Par ce non, dites-vous que vous ne savez pas ou dites-vous que vous

  9   n'êtes pas d'accord sur ce point ?

 10   R.  Je ne sais pas exactement ce qu'il a dit et je ne sais pas non plus que

 11   c'est purement en raison de l'évolution des choses qui vient d'être décrite

 12   qu'il a prononcé cette déclaration.

 13   Q.  Avez-vous entendu parler de Lazar Kolisevski ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Il était membre de la présidence, et je crois qu'après le décès de

 16   Tito, il a été le premier président de la présidence yougoslave; c'est bien

 17   cela ?

 18   R.  Je crois que c'est exact, oui.

 19   Q.  Il était représentant de la Macédoine au sein de la présidence, n'est-

 20   ce pas ?

 21   R.  Oui. Oui, oui.

 22   Q.  Merci. Conviendrez-vous que le 28 septembre 1989, l'assemblée de

 23   Slovénie a adopté une première série d'amendements à la constitution de la

 24   république, débutant ainsi le processus de séparation de la Slovénie par

 25   rapport à la fédération ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Merci. Conviendrez-vous ou savez-vous qu'au début de 1990, de concert

 28   avec toute ma famille, je soutenais le mouvement écologique des Verts à

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  1   Sarajevo ? Mais enfin, vous ne savez rien.

  2   R.  Oui, je sais que pendant une période assez brève, pour le moins, vous

  3   avez été partisan des Verts.

  4   Q.  Oui. Et je faisais partie de la direction de ce groupe, j'organisais

  5   des réunions et j'étais convaincu que l'objectif poursuivi était important.

  6   C'est pour cela que je me suis investi.

  7   Bon. Monsieur Donia, conviendrez-vous que le 27 mars, un groupe de

  8   Musulmans très en vue ont décidé de créer le Parti de l'Action démocratique

  9   ?

 10   R.  Oui.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De quelle année

 12   parlons-nous ? Monsieur Donia, vous connaissez l'année ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, 1990.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Donc le 27 mars 1990, il a été annoncé qu'un comité de démarrage était

 17   créé. Connaissez-vous le nom des signataires de cette annonce ? Ils étaient

 18   40.

 19   R.  Non.

 20   Q.  Vous rappelez-vous qu'Alija Izetbegovic, Omer Behmen, Hasan Cengic en

 21   faisaient partie, ainsi que d'autres qui, plus tard, sont devenus les

 22   dirigeants du SDA ?

 23   R.  Ces hommes en faisaient partie, oui. Oui, oui.

 24   Q.  Merci. Savez-vous que le cœur de ce groupe qui a créé le SDA a été

 25   traduit en justice pour action politique subversive contre l'Etat en 1977

 26   et 1980 ?

 27   R.  Il y avait quelques hommes dans ce groupe, y compris Izetbegovic,

 28   Behmen et, je crois, Cengic, qui ont été traduits en justice en 1947. Je

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  1   crois que ce n'est pas la date qui figure au compte rendu d'audience. Donc

  2   ils ont été traduits en justice en 1947, et Izetbegovic a été jugé une

  3   nouvelle fois par la République de Bosnie-Herzégovine, condamné et

  4   emprisonné en 1983.

  5   Q.  Merci. Savez-vous que M. Izetbegovic comptait au nombre des fondateurs

  6   et des principaux responsables de l'organisation des Jeunes Musulmans, dès

  7   1939 ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Savez-vous que cette organisation est, en fait, une branche d'une

 10   organisation beaucoup plus connue, à savoir l'organisation des Frères

 11   musulmans basée en Egypte ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Je veux parler de cette organisation qui a assassiné Sadat en raison

 14   des pourparlers de paix avec Israël auxquels il était favorable. Est-ce que

 15   vous avez entendu parler de ces Frères musulmans ?

 16   R.  Oui, et je ne pense pas qu'il y ait un lien de quelque importance que

 17   ce soit entre les Jeunes musulmans de Bosnie-Herzégovine dans la période

 18   ultérieure, donc immédiatement postérieure à la Seconde Guerre mondiale, et

 19   l'organisation des Frères musulmans basée en Egypte.

 20   Q.  Merci. Avez-vous entendu parler du grand mufti de Jérusalem, qui est

 21   l'oncle de Yasser Arafat, si je ne me trompe, et dont le nom est el-

 22   Husseini ?

 23   R.  Oui, l'ouvrage que j'ai écrit au sujet de Sarajevo concerne d'ailleurs

 24   le mufti de Jérusalem et sa visite en Bosnie pendant la Seconde Guerre

 25   mondiale ainsi que ses relations avec le régime Oustachi.

 26   Q.  Saviez-vous qu'il était l'ami personnel et le conseiller de Hitler ?

 27   R.  Je ne crois pas qu'Hitler avait des amis personnels. Comme je viens de

 28   le dire, il avait de bonnes relations avec le régime Oustachi, et très

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  1   certainement aussi avec les dirigeants de Berlin.

  2   Q.  Peut-être que du point de vue d'Hitler. Ce dernier considérait qu'il

  3   n'avait pas d'amis, mais Husseini estimait être son ami. Il y a des photos

  4   qui le démontrent. Nous en avons vu une ici. Conviendrez-vous que el-

  5   Husseini, après sa visite en Bosnie-Herzégovine, a donné lieu à la création

  6   d'une nouvelle division SS, la Division Handzar. C'était son nom.

  7   R.  Oui, et encore une fois, j'ai écrit à ce sujet dans mon ouvrage relatif

  8   à Sarajevo, ainsi que dans le deuxième ouvrage que j'ai écrit en

  9   collaboration avec John Fine, qui concerne la Bosnie-Herzégovine et dont le

 10   titre est, "Bosnie-Herzégovine : Une trahison trahie." C'est de notoriété

 11   publique, je dirais, eu égard à l'histoire de la Bosnie-Herzégovine.

 12   Q.  Merci. Mais la Chambre de première instance n'est pas au courant de

 13   cela. Donc il importe qu'elle soit instruite de ces réalités.

 14   Savez-vous où el-Husseini a demeuré lorsqu'il était à

 15   Sarajevo ?

 16   R.  Non, je ne sais pas.

 17   Q.  Si je devais vous dire qu'il a résidé chez Omer Behmen et qu'il a

 18   fréquenté Alija Izetbegovic, est-ce que vous l'admettriez ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Est-ce que vous le niez ?

 21   R.  J'ai dit que je ne l'admettais pas.

 22   Q.  Mais est-ce que vous le niez ? Etes-vous en train de dire que tel

 23   n'était pas le cas ?

 24   R.  Je ne sais pas si tel était le cas. J'ai simplement dit que je ne

 25   l'admettais pas.

 26   Q.  Parce que vous ne savez pas que cela s'est passé ainsi ou parce que les

 27   choses ne se sont pas passées ainsi ?

 28   R.  Je ne sais pas si les choses se sont passées ainsi.

Page 3211

  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D33, je

  3   vous prie. 1D33. J'en demande l'affichage grâce au prétoire électronique.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Apparemment nous n'avons pas de traduction. J'espérais que nous en

  6   avions une, mais enfin, je fais lire ce texte.

  7   Il s'agit de la liste des prisonniers d'Alija Izetbegovic, donc un document

  8   qui concerne le statut de prisonnier d'Alija Izetbegovic en 1947. On trouve

  9   donc la date dans ce document, le nom, le prénom, et cetera, et on lit que

 10   le tribunal militaire l'a jugé coupable d'actes contre la nation et l'Etat,

 11   et qu'en 1976 la sentence a été prononcée, et qu'en fait il avait déjà

 12   purgé sa peine à cette date.

 13   Voyons la page 35. Mais je vous pose d'abord une question. Vous avez dit

 14   que vous saviez qu'il avait été condamné de la prison, mais qu'il avait été

 15   condamné par un tribunal de l'armée pour des actes contre l'Etat et la

 16   nation; c'est bien cela ?

 17   R.  Oui. Je suis d'accord avec ce que démontre ce document. Oui.

 18   Q.  Merci. Pensez-vous que cette mention aurait dû figurer dans votre

 19   rapport d'expert ?

 20   R.  Bien, non. Cette mention a trouvé place dans mon ouvrage au sujet de

 21   Sarajevo, et je pense que j'en ai également fait mention dans mon autre

 22   livre, intitulé, "Bosnie-Herzégovine, tradition trahie." Mais je pense que

 23   ce fait était en dehors de la chronologie de mon rapport sur Sarajevo et

 24   n'était pas un sujet lié à ce rapport.

 25   Q.  Je vous remercie.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 27   document à présent.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous pouvons l'enregistrer aux fins

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  1   d'identification. En attendant sa traduction, je pense qu'il y a un petit

  2   problème avec "LiveNote." Donc le moment est peut-être bienvenu pour la

  3   pause après que ce document aura reçu un numéro de pièce à conviction.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

  5   pièce D245 enregistrée aux fins d'identification.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vingt-cinq minutes de pause.

  7   --- L'audience est suspendue à 15 heures 36.

  8   --- L'audience est reprise à 16 heures 01.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande l'affichage du document 1D165

 11   grâce au prétoire électronique.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Connaissez-vous le nom de Hasan Cengic ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Merci. Connaissez-vous le nom de son père, Halid Cengic ?

 16   R.  Je ne connaissais pas mais je crois que c'est bien cela. Cela dit, je

 17   ne le connaissais pas avant de l'entendre de votre bouche.

 18   Q.  Je vous remercie.

 19   Q.  J'aimerais que nous passions à la page suivante de ce document. C'est

 20   une interview qui est accordée par Halid Cengic parlant de son fils Hasan.

 21   Nous n'avons pas de traduction de ce document mais je vais en donner

 22   lecture. Je cite :

 23   "Halid Cengic, le premier logisticien de l'ABiH, soldat et Hadzija."

 24   Page suivante à présent, je vous prie. Dans cette page, il dit avoir été

 25   reçu par Dobrica Cosic et Ljubo Tadic à Belgrade. Puis dans cette page-ci -

 26   et je rappelle qu'il parle de son fils, nous lisons :

 27   "Hasan est sorti de prison le 29 novembre 1987, et Alija, un an plus tard."

 28   Donc en 1988. "Le SDA a été créé le 26 mai 1990. Et tant qu'Alija n'était

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  1   pas sorti de prison, nous ne parlions pas de la création du parti. Le plus

  2   important pour nous à cette époque-là était qu'il sorte de prison. Et quand

  3   Alija est sorti de prison, dans des milieux restreints de Serbie et de

  4   l'étranger, les débats ont commencé à porter sur la création d'un parti."

  5   Saviez-vous que l'idée de créer ce parti, le SDA, a été discutée par un

  6   cercle restreint de personnes dont faisaient partie ces prisonniers qui

  7   purgeaient une peine en prison ?

  8   R.  Bien, cette déclaration est exacte. Ce n'est qu'au moment où

  9   Izetbegovic a été libéré, au moment où il est sorti de prison que le

 10   rassemblement dont vous venez de parler a eu lieu, au mois de février, et

 11   en fait, la libération d'Izetbegovic a été tout à fait essentielle pour

 12   permettre à ce cercle restreint de personnes de se rassembler et de former

 13   des plans visant à créer ce Parti de l'Action démocratique le 26 mai.

 14   D'ailleurs, je souligne que la date en question est différente de celle qui

 15   a été évoquée il y a quelques instants, qui était un jour de février.

 16   Q.  Je crois que l'annonce publique a été faite au mois de mars et que le

 17   parti a effectivement vu le jour le 26 mai. Je suis d'accord là-dessus.

 18   Affichage de la page suivante, je vous prie.

 19   Je cite :

 20   "Foca était un centre où se faisait la distribution d'armes. C'est à

 21   partir de Foca que des centaines de fusils à canon long ont été distribués

 22   depuis Ljubinje jusqu'à Srebrenica. Même Naser Oric est venu obtenir des

 23   armes à Foca."

 24   Conviendrez-vous que Ljubinje était une municipalité peuplée

 25   majoritairement de Serbes ?

 26   R.  Je ne sais pas quel était le pourcentage de la population à Ljubinje.

 27   Q.  Je pense que c'était 80 % de Serbes, mais enfin, nous y reviendrons.

 28   Quoi qu'il en soit, Cengic poursuit en disant :

Page 3214

  1   "Je ne sais pas si c'était un centre ou pas, mais nous avons apporté notre

  2   aide à plusieurs municipalités de Bosnie-Herzégovine au mieux de nos

  3   capacités."

  4   Puisque vous parlez serbe, je suis sûr que vous pouvez lire ce texte et

  5   suivre de près ce que je suis en train de dire. Lorsque des armes ont été

  6   introduites à Foca, personne ne devait être au courant de cela, et encore

  7   moins emporter ces armes à son domicile. Saja et Sahinpasic se sont plaints

  8   à moi et m'ont dit que les armes ne devaient pas être emportées au

  9   domicile, et voilà ce qui s'est passé. Donc le problème n'était pas les

 10   armes en tant que telles, mais la conscience qu'avaient de cela la

 11   population et l'organisation.

 12   Alors, savez-vous que Foca était armée dans ces conditions et que

 13   c'était, en fait, un centre logistique ?

 14   R.  Non, et je ne pense pas que cela ait été le cas ni que ce soit écrit

 15   dans ce texte.

 16   Q.  Bien, c'est ce qui est écrit. Je ne sais pas si c'était un centre, mais

 17   nous avons apporté notre concours à de nombreuses municipalités. Donc les

 18   armes allaient de Foca vers d'autres municipalités. C'est bien ce qui est

 19   écrit dans ce texte ?

 20   R.  Lorsque les armes étaient introduites à Foca, personne ne devait être

 21   au courant. Et les armes ne devaient pas être emportées aux domiciles de

 22   ces personnes. Je ne vois pas ici l'expression de l'idée que Foca était un

 23   centre logistique.

 24   Q.  Mais ce qui est écrit ici c'est, Je ne sais pas si c'était, en réalité,

 25   un centre, mais nous avons apporté notre concours. Et lorsque les armes ont

 26   été introduites à Foca, personne n'a osé les emporter.

 27   Donc ils avaient suffisamment d'armes, mais le problème était qui allait

 28   avoir le courage d'emporter ces armes à la maison ? C'était un problème de

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  1   soutien qui se posait à eux ?

  2   R.  Oui. Et je pense que vous êtes donc d'accord sur le fait qu'il n'est

  3   pas du tout écrit qu'il s'agisse d'un centre, que ce qui est écrit c'est

  4   que Foca aurait pu ne pas être un centre du tout.

  5   Q.  Je vous remercie. Dans votre rapport, est-ce que vous avez intégré cet

  6   élément relatif à l'armement de Foca et à la distribution des armes à Foca

  7   ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Je vous remercie. Passons à la page suivante. La partie surlignée se

 10   lit comme suit :

 11   "Précisément au moment où se tenait la réunion de Karadjordjevo, il a passé

 12   50 jours à attendre à Zagreb avec la population." C'est Sahinpasic dont il

 13   est fait mention ici. Je poursuis la lecture :

 14   "Saja ainsi que d'autres personnes de Focatrans ont emmené les gens,

 15   leur ont procuré des armes et les ont emmenés face à toutes sortes de

 16   problèmes. Pendant le temps où se déroulait la rencontre de Karadjordjevo,

 17   il a passé 50 jours à attendre à Zagreb la livraison parce que Gojko Susak

 18   lui avait promis 5 000 pièces d'armement, à savoir des fusils." Savez-vous

 19   qui est Gojko Susak ?

 20   R.  Oui, mais je ne vous suis pas pour le reste de cet article. Je suppose

 21   que vous pensez que ce qui vient d'être lu est la suite de cet article ?

 22   Q.  Oui, c'est le même article, et je lis le haut de la page affichée à

 23   l'écran actuellement, où nous voyons que Sahinpasic, surnommé Saja, est

 24   évoqué en même temps que d'autres personnes de Focatrans, donc d'autres

 25   personnes qui faisaient partie de cette société Focatrans. Il est dit

 26   qu'ils sont revenus distribuer des armes en temps utile, parce que Gojko

 27   Susak leur avait promis 5 000 armes à canon. Mais je vous demandais qui

 28   était Gojko Susak ?

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  1   R.  Mais le nom que je vois inscrit ici c'est Sahinpasic, n'est-ce pas ?

  2   Q.  Saja, surnommé Saja. Vous y êtes.

  3   R.  Saja. Mais vous avez dit Sahinpasic.

  4   Q.  Oui, pour vous permettre de mieux comprendre. Saja c'est Senad

  5   Sahinpasic, député bien connu de Foca.

  6   Mais je vous demande, qui est Gojko Susak ? Est-ce que vous en avez

  7   le souvenir ?

  8   R.  Gojko Susak était ministre de la Défense de la République de Croatie

  9   après que Tudjman a été élu président de la Croatie en avril 1990.

 10   Q.  Je vous remercie. Passons à la page suivante à présent.

 11   Savez-vous qu'une crise majeure a éclaté au sein de la société

 12   Focatrans avant les élections, au moment où les communistes étaient encore

 13   au pouvoir à Foca et que les Serbes ont été chassés de cette entreprise

 14   Focatrans ? Est-ce que vous en avez le souvenir ?

 15   R.  Je me souviens d'une controverse très importante qui a éclaté à Foca et

 16   qui avait un lien avec Focatrans. Je n'ai jamais pu comprendre exactement

 17   quel a été le rôle de cette entreprise. Je pense que ce problème n'a jamais

 18   été totalement résolu, mais je ne suis pas au courant de tous les détails

 19   de ce qui s'est passé.

 20   Q.  Je vous remercie. Dans le rectangle que nous voyons dans cette page,

 21   voici ce que nous lisons, c'est une question :

 22   "Vous avez constitué la première unité de la Ligue patriotique, n'est-ce

 23   pas ?"

 24   Et Cengin répond que :

 25   "Le 1er août 1990, pendant les actions destinées à défendre Focatrans,

 26   nous avions un détachement armé d'armes automatiques, d'une mitrailleuse et

 27   d'un mortier. Tous ces hommes portaient des uniformes de camouflage, et ils

 28   ont prêté serment à la mosquée la main sur le Coran. Cette unité était

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  1   commandée par un homme décédé depuis dont le nom est Husein Cavrk,

  2   commandant au sein de l'ABiH et décoré du lys d'or. Il a été tué à Preluca.

  3   Kemo Karisik a procédé à l'inspection de cette unité qui était déjà une

  4   compagnie en septembre 1991."

  5   Alors, ce que nous voyons dans ce passage du texte, qu'au mois d'août 1990,

  6   c'est-à-dire avant les élections, alors que les communistes étaient encore

  7   au pouvoir, la première unité de la Ligue patriotique a été constituée au

  8   sein de l'entreprise Focatrans et a été armée de fusils automatiques ?

  9   R.  Non. La référence qui est faite ici à la Ligue patriotique est faite

 10   sous forme de question, si je ne m'abuse, elle ne figure pas dans une

 11   déclaration de M. Cengic.

 12   Q.  Très bien. Mais est-ce qu'une formation armée a été créée, est-ce que

 13   les membres de cette unité ont prêté serment dans la mosquée la main sur le

 14   Coran et est-ce qu'elle a été armée de fusils automatiques ?

 15   R.  C'est ce qu'affirme M. Cengic, et je crois que ses propos sont

 16   fidèlement repris dans ce passage du texte.

 17   Q.  Merci. Est-ce que vous voyez que Kemo Karisik a procédé à l'inspection

 18   de cette unité en septembre 1991, c'est-à-dire avant la guerre ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez que les Musulmans avaient fait un

 21   aéroport à Visoko, non loin de Sarajevo ? -- la guerre.

 22   R.  Non, je ne le savais pas. Je ne suis pas au courant.

 23   Q.  Merci. Alors, est-ce qu'on peut remonter de deux pages, s'il vous

 24   plaît. Merci.

 25   Dans la colonne de droite, on dit :

 26   "La présidence de Bosnie-Herzégovine, en 1992, a pris la décision de

 27   construire un aéroport à un site non loin de Visoko."

 28   Alors, ma question c'est celle-ci : est-ce qu'il y aurait eu un avion à

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  1   atterrir à cet aéroport ? Cengic répond :

  2   "Ce que savent nos ennemis, que le sache notre peuple. Si cet aérodrome

  3   n'existait pas, on n'aurait pas tenu le coup" ça veut dire "tenir". "Omer

  4   Kulic a été le premier à atterrir le 19 avril 1994, lorsque nous n'avons

  5   rien du tout. Si les Serbes l'avaient su, ils auraient pu entrer ici en se

  6   promenant."

  7   Puis il dit que déjà en 1995, ils ont commencé à atterrir et il y a eu

  8   d'autres avions spéciaux à atterrir et à emmener du matériel militaire."

  9   Est-ce que vous faites confiance à M. Cengic, lorsqu'il dit qu'il y avait

 10   eu un aéroport à Visoko et qu'il y avait des avions qui atterrissaient

 11   transportant à leur bord du matériel militaire ?

 12   R.  Je relève qu'ici on est à une phase très tardive de la guerre. Il est

 13   fait référence à avril 1994. Oui, oui, ça me semble tout à fait plausible.

 14   Q.  Merci.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire verser ce

 16   document au dossier, je vous prie.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président. Je

 18   veux m'assurer que j'ai bien compris. Lorsque la Chambre donne des cotes

 19   provisoires en attente d'une traduction, je suppose qu'on demande la

 20   totalité de la traduction du document, et pas simplement les extraits qui

 21   sont surlignés ou soulignés. C'est bien cela, Monsieur le Président ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que oui.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est versé au dossier avec

 26   une cote provisoire.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D246 MFI, pour

 28   identification.

Page 3220

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant le

  2   1D91. Merci.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Il s'agit d'un ordre relatif à une nomination de M. Halid Cengic, qu'on

  5   vient de mentionner, pour voir qu'il était à même de parler des choses dont

  6   il a parlé.

  7   Si on descend un peu vers le bas de la page, on voit que Halid Cengic

  8   est nommé - descendez un peu le texte, s'il vous plaît, voilà, c'est bon -

  9   au poste de commandant adjoint du centre au sein de l'instance chargée de

 10   la réception, contrôle et distribution des moyens matériels, et entre

 11   parenthèses, d'après la formation militaire, cela correspond à colonel

 12   brigadier.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

 15   mais je pense que nous avons une traduction faite par la Défense du

 16   document. Je pense que ce serait utile pour tout le monde ici si on pouvait

 17   voir les deux versions.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Absolument.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] N'est-ce pas le même document que la pièce

 20   D00074.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains fort qu'il s'agit de son fils, Hasan

 22   Cengic, et ce dernier a été bien plus actif, comme on le verra plus tard.

 23   Est-ce qu'on peut nous montrer cette version traduite du 1D91 maintenant.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Je suis toujours ravie qu'on me corrige si

 25   j'ai dit quelque chose de faux, mais il me semble que le document qu'on

 26   voit ici porte désignation d'Hasan Cengic, n'est-ce pas ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous allons poursuivre, ce

 28   document n'étant pas traduit.

Page 3221

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Donia, est-ce que vous voyez bien que Halid Cengic se trouve à

  4   être nommé à ces fonctions, et ce qu'il avait dit dans l'interview se

  5   trouve à être fondé ? A savoir, c'était quelqu'un qui était parfaitement au

  6   courant, il avait mérité son poste, bien qu'il n'ait pas disposé d'un grade

  7   quelconque, il était colonel brigadier dans les services logistiques de

  8   l'armée musulmane; c'est bien cela ?

  9   R.  Non. Je pense que là vous faites une extrapolation exagérée partant de

 10   ce document, parce qu'au fond, que dit-il ? Il dit simplement qu'il est

 11   nommé à ce poste. Ça ne dit rien de sa qualité, de ses qualifications, de

 12   son expérience professionnelle ou de l'organisation. C'est simplement un

 13   avis de désignation.

 14   Q.  Mais alors, comment nomme-t-on quelqu'un qui n'est pas un officier, qui

 15   n'a pas d'éducation militaire à des fonctions aussi importantes ? J'établis

 16   une corrélation entre le fait que déjà, en 1990, il avait armé les

 17   habitants de Foca; c'est bien cela ?

 18   R.  Non, ce n'est pas si inusité que ça, vous savez, de voir que certaines

 19   personnes qui occupent certaines fonctions obtiennent un grade assez élevé

 20   dans des organisations militaires dans lesquelles ils sont censés exploiter

 21   leur expérience professionnelle, la faire valoir. Moi, je ne vois rien de

 22   particulier en tout cas quant à son bagage qui permettrait de trouver

 23   remarquable qu'il ait été nommé à ce poste.

 24   Q.  Merci. Est-ce que vous avez pris en considération ses activités,

 25   lorsque vous avez écrit votre rapport pour ce qui est de l'armement des

 26   Musulmans à compter de janvier 1990 et au-delà ?

 27   R.  Je l'ai signalé en tant que politique générale, il y avait la

 28   formation de la Ligue patriotique en mars 1991, me semble-t-il. Mais je

Page 3222

  1   n'ai pas abordé par le menu la question de Halid Cengic ou du fait qu'on

  2   ait fourni des armes au niveau d'une municipalité, en grande partie parce

  3   que ceci ne relevait pas du mandat qui m'avait été donné -- du sujet qui

  4   m'avait été donné pour mon rapport. C'est intéressant, je trouve.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander le versement de ce

  6   document au dossier ?

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Et en attendant, je voudrais vous demander, est-ce que ce que vous

  9   voulez dire c'est que le bureau du Procureur vous avait demandé de ne pas

 10   prendre en considération l'armement des Musulmans ?

 11   R.  Non. Vous voyez bien que ce n'est pas le cas, parce que j'ai parlé dans

 12   mon rapport du fait que des armes ont été fournies. Ce que je dis c'est que

 13   le bureau du Procureur et moi, nous sommes tombés d'accord pour dire que

 14   j'allais aborder des sujets bien pointus qui concernaient les dirigeants du

 15   parti SDS. On pourrait écrire un traité tout entier sur les activités des

 16   hommes politiques musulmans de Bosnie qui étaient en situation d'attente au

 17   cours des derniers jours des derniers temps de l'époque communiste, mais

 18   ceci ne relevait pas du mandat qui m'avait été donné.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document recevra une cote provisoire.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D247 MFI.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce qu'on peut comprendre les agissements des Serbes, Monsieur

 23   Donia, lorsqu'on ne montre pas ce qui a conduit à ce type d'agissements ?

 24   Parce que l'autre jour, vous avez dit à l'interrogatoire principal qu'il y

 25   avait un lien de cause et effet qu'il fallait établir, et que c'était là le

 26   travail des historiens. Alors, est-ce qu'on peut comprendre la façon d'agir

 27   des Serbes si l'on ne jette pas la lumière sur les circonstances dans

 28   lesquelles ces Serbes ont eu à intervenir ?

Page 3223

  1   R.  Ecoutez, la finalité de ce travail c'est de comprendre dans quelle

  2   position se trouvaient les Serbes et quelles étaient les circonstances dans

  3   lesquelles ils ont opéré. Mais moi, je n'attribue pas une grande importance

  4   à cet incident de Focatrans en tant qu'élément qui aurait accéléré les

  5   actions du SDS dans la période qui a suivi, mais c'est sans nul doute un

  6   facteur qui s'inscrit dans un environnement, dans un contexte général, qui

  7   était celui où il y avait plusieurs forces en présence. Ce sont des

  8   accidents qui interviennent à un niveau local et, effectivement, qu'ils

  9   vont avoir un effet sur l'environnement de 1987 à 1990. A mon avis, aucune

 10   de ces actions n'a entraîné forcément le SDS à adopter telle ou telle

 11   politique une fois ce parti formé en juillet 1990.

 12   Q.  Monsieur Donia, c'est vous qui avez dit que les Serbes ont toujours dit

 13   les autres faisaient telle chose et nous, on faisait telle autre chose.

 14   C'est vous qui l'avez affirmé. On le faisait en réponse. Alors, n'aurait-il

 15   pas été inévitable de faire en sorte que lorsque vous présentez une

 16   opération serbe ou une activité serbe à la lumière de ce que vous avez dit

 17   et de ce que vous avez tiré comme conclusion en me citant moi-même,

 18   n'aurait-il pas été nécessaire de faire de la lumière sur les agissements

 19   de cette coalition musulmane qui aurait généré une réponse de la part des

 20   Serbes ? Est-ce qu'on peut voir la vérité si cet élément-là nous manque ?

 21   R.  Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est vous. Par exemple, vous avez aussi

 22   dit que c'est à dessein que vous aviez attendu avant de former le SDS, vous

 23   avez attendu que les partis croate et musulman soient organisés pour qu'on

 24   ne puisse jamais accuser le SDS de fomenter ces rivalités interethniques.

 25   C'est ce que vous, vous avez déclaré. Je ne me suis pas chargé de cerner

 26   précisément les événements et la façon dont vous y avez réagi.

 27   Je pense qu'on pourrait le faire pour les événements dont j'ai parlé

 28   hier, à partir d'octobre 1991 jusqu'au mois d'avril 1992. Je pense que

Page 3224

  1   c'est un peu plus difficile à faire si on est avant le 15 octobre. Mais on

  2   pourrait voir l'ensemble des activités et voir ceci. Mais moi, je ne

  3   voudrais pas attribuer un lien linéaire de causalité entre ces actions. Je

  4   pense qu'il y a eu une époque, ça c'est certain, où nombreuses étaient les

  5   options à la disposition des protagonistes en présence. Vous voudriez que

  6   je sois précis. Vous voudriez que j'attribue la responsabilité d'un

  7   événement B à un événement A, mais je ne pense pas pouvoir le faire.

  8   Q.  Mais est-ce que vous seriez d'accord pour dire que ces dissidents

  9   serbes et ces intellectuels serbes, à la date du 28 juin 1990, ont fait

 10   reprendre les activités d'une société culturelle appelée Prosvijeta qui

 11   avaient été interdites après la Deuxième Guerre mondiale ?

 12   R.  Oui. En même temps que la renaissance de ces sociétés culturelles ou

 13   d'autres groupes. C'est à peu près simultané dans le temps.

 14   Q.  Est-ce que vous saviez que cette élite serbe de Sarajevo voulait ne pas

 15   créer un parti, mais de faire en sorte de procéder à une satisfaction des

 16   besoins culturels du peuple serbe au travers de l'association indiquée tout

 17   à l'heure, appelée Prosvijeta.

 18   R.  Non, je ne pense pas que ce soit vrai. C'est vous qui l'avez dit, dans

 19   une déclaration qui a été publiée, l'agitation était grande. On a vraiment

 20   essayé de créer un parti national serbe dès le tout début de l'année 1990.

 21   Les premiers efforts cherchaient à former une section d'un parti dans une

 22   république voisine. D'abord, un parti démocratique avec M. Cavoski et

 23   quelques autres. Après quoi, on s'est efforcé de constituer un parti qui

 24   serait une section du SDS en Croatie, mais cette initiative a été

 25   abandonnée par certains qui vous conseillaient à l'époque, dont M. Cosic

 26   qui, certainement, vous a dit qu'il serait préférable d'avoir un parti qui

 27   ne serait pas affilié à notre parti, ce dernier se trouvant dans une

 28   république voisine.

Page 3225

  1   Je pense que vous personnellement, vous cherchiez vraiment à voir se

  2   créer un parti, mais vous n'étiez pas prêt à l'époque d'en prendre la

  3   direction, et ceci prouve qu'on a fait beaucoup d'efforts. Il y avait

  4   beaucoup de choses qui se faisaient en vue de créer un parti. M. Vladimir

  5   Srebrov, me semble-t-il, a annoncé qu'un parti national serbe allait être

  6   formé en février, à Drvar, donc  vraiment, les événements se bousculaient

  7   pour se diriger vers la formation d'un parti politique.

  8   Et lorsque est créée Prosvijeta, il y avait sans nul doute dans ce

  9   groupe de ce que vous appelez l'élite intellectuelle, il y avait des gens

 10   qui voulaient passer uniquement par Prosvijeta, mais ce n'est pas la seule

 11   chose qui se passait. D'ailleurs, très peu de temps après, le parti s'est

 12   organisé et sa séance inaugurale s'est tenue le 12 juillet.

 13   Q.  Monsieur Donia, est-ce que vous seriez d'accord pour dire que ça s'est

 14   organisé assez tard, quatre mois après les élections, et le temps à notre

 15   disposition n'était pas suffisant pour l'organiser, n'est-ce pas ?

 16   R.  Mais pour établir des partis, à l'époque, ça s'est fait pratiquement en

 17   même temps. Le premier à tenir sa séance inaugurale, ça a été le Parti

 18   socialiste de la Ligue des Communistes, en mai, le 25 mai plus exactement.

 19   Le deuxième parti qui s'est officiellement constitué, c'est le Parti de

 20   l'Action démocratique le 26 mai. Vous avez été le numéro 3 le 12 juillet.

 21   Chronologiquement, quatrième grand parti, c'est le Parti des Réformateurs

 22   le 27 juillet. Et le dernier parti qui se soit officiellement constitué,

 23   c'est le HDZ, la Communauté croate démocratique, et ça s'est passé le 18

 24   août. Donc je vois que vous êtes en position numéro 3, si j'ose dire, et

 25   qu'il y avait deux partis qui avaient encore moins de temps que le vôtre

 26   pour se préparer aux élections, moins de temps que vous.

 27   Q.  Mais êtes-vous d'accord pour dire que le HDZ était actif en Bosnie-

 28   Herzégovine, notamment en Herzégovine occidentale, bien avant que d'avoir

Page 3226

  1   été créé ?

  2   R.  Oui. Je pense que tous les grands partis nationaux -- tous les partis,

  3   d'ailleurs, à l'exception près éventuellement des réformateurs, étaient

  4   actifs bien avant leur constitution officielle en Bosnie-Herzégovine, et

  5   comment dire, ils étaient pris entre deux feux, parce qu'il y avait une loi

  6   qui avait été adoptée en février 1990 qui approuvait la formation des

  7   partis politiques tant qu'ils n'étaient pas fondés sur des principes

  8   nationaux ou religieux. Donc le gros de ces activités s'est fait sachant

  9   que c'étaient des activités illégales et que les gens qui s'y livraient

 10   étaient passibles de poursuites. Vous le saviez vous-même lorsque vous avez

 11   dit que vous aviez beaucoup de gens qui organisaient au nom du SDS, mais le

 12   faisaient illégalement.

 13   Le HDZ s'y est pris un peu autrement, par exemple, il y a eu des

 14   réunions privées. Le Parti musulman de l'Action démocratique a eu une

 15   démarche différente. Lui, il a adopté un intitulé non national dans ses

 16   activités, et ce faisant, il croyait se conformer à la loi qui interdisait

 17   la constitution de partis sur des bases nationales ou religieuses.

 18   Q.  Essayons de tirer quelques choses au clair. Tout d'abord, j'affirme que

 19   le Parti démocratique serbe de Bosnie-Herzégovine n'avait pas été une

 20   filiale du Parti démocratique serbe de la Croatie, mais elle a repris les

 21   symboles et le programme de ce parti. Est-ce que c'est bien vrai ?

 22   R.  Là, je suis d'accord. Oui.

 23   Q.  Merci. Deuxièmement, est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'au

 24   niveau municipal, nous pouvions créer pendant un certain temps un parti

 25   national, mais pas au niveau central, et c'est la raison pour laquelle dans

 26   toutes les municipalités, nous avions créé des cellules de partis qui se

 27   sont réunifiées par la suite, et c'est le seul élément qui aurait comporté

 28   des composantes illégales que vous avez mentionnées vous-même.

Page 3227

  1   R.  Voici comment je comprends ce processus. Il y a eu des efforts

  2   spontanés au niveau local pour organiser un parti national serbe, un gros

  3   effort dans l'Herzégovine orientale, un autre dans la région de Drvar. Vous

  4   avez parlé d'efforts entrepris en Romanija, la région proche de Sarajevo,

  5   et c'était pour éviter que ceci n'entraîne des organisations de faction.

  6   C'est pour ça que vous êtes intervenu et que vous avez cherché à créer une

  7   seule organisation qui soit centralisée pour fédérer ces groupes isolés.

  8   Vous aviez comme idée de former un parti qui aurait au moins deux ailes. Il

  9   y a aurait une partie nationale, que vous alliez diriger, et l'autre,

 10   c'était la ligue socio-démocrate qu'allait diriger - j'ai oublié le nom de

 11   ce monsieur - mais d'après vos dires, vous avez été conseillé par M. Cosic

 12   et il vous a dit que l'idée était vraiment mauvaise, sans doute l'était-

 13   elle. Ce n'était pas une bonne idée de former un parti qui intégrait des

 14   factions. Je sais que vous avez eu cette idée sans doute jusqu'en septembre

 15   1990, et il a fallu qu'on vous en dissuade, notamment que M. Cosic et

 16   d'autres conseillers du parti le fassent.

 17   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez que le souci principal et primordial de

 18   l'intelligentsia serbe c'était celui de dire que le peuple serbe n'aura

 19   personne pour qui voter, si ce n'est les ex-communistes, comme les Serbes

 20   en Croatie avaient voté pour les communistes de Racan, et que c'était

 21   l'élément qui a motivé la création du parti du SDS au plus ?

 22   R.  Je pense que ce fut une des motivations. Je crois effectivement que

 23   vous savez qu'il y a eu des élections en Croatie fin avril et que l'issue

 24   de ces élections ont été vraiment une onde de choc pour les nationalistes

 25   serbes, dont vous et d'autres, et ceci vous a galvanisés, vous a poussés à

 26   l'action, parce que vous aviez la possibilité que la même chose se passe

 27   chez vous, à savoir que la plupart des Serbes allaient voter pour la Ligue

 28   des Communistes plutôt que de voter pour le parti du SDS en Croatie.

Page 3228

  1   Donc oui, je pense que ça a été un des facteurs. On voyait

  2   s'esquisser l'idée qu'il fallait qu'il y ait un élément fédérateur des

  3   efforts des Serbes en Bosnie, et comme vous le dites, l'idée d'avoir un

  4   parti séparé qui allait prendre le nom et le programme -- enfin, allait

  5   répéter ce programme, ce nom. Mais comme parti séparé en Bosnie, vous avez

  6   pensé que c'était la meilleure façon de s'y prendre.

  7   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord avec Lord Owen pour dire que les

  8   Serbes en Croatie ont été apeurés par la réapparition des symboles et de la

  9   rhétorique qui dataient de la Deuxième Guerre mondiale, et ils avaient bien

 10   des raisons d'avoir peur du retour de l'année 1941, comme l'un des

 11   responsables juifs avait intitulé son livre "1941, de retour".

 12   R.  Je ne connais pas ce livre. Qui en est l'auteur ?

 13   Q.  C'est la déclaration de David Owen, mais le livre qui est intitulé,

 14   "1941, de retour," c'est un certain Goldstein, président de la communauté

 15   juive en Croatie ?

 16   R.  Je suis en général d'accord avec cette idée qui dit que les Serbes en

 17   Croatie étaient apeurés, avaient peur de voir se réveiller la rhétorique et

 18   de revoir les insignes de la Deuxième Guerre mondiale, pas seulement dans

 19   le HDZ mais dans d'autres instances en Croatie. Mais il faut préciser les

 20   dates auxquelles on voit surgir ce phénomène, parce que je pense que,

 21   honnêtement, on a essayé de parvenir à un accord qui permettrait d'évacuer,

 22   de dissiper ces inquiétudes au cours de l'été de 1990, avant l'adoption de

 23   la constitution.

 24   Mais je suis d'accord sur le principe général, les Serbes en Croatie

 25   avaient raison d'avoir peur.

 26   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut voir à présent une partie de vidéo où Lord

 27   Carrington, qui se trouvait à la tête de cette conférence de paix; nous

 28   parle de ce que vous venez d'évoquer à l'instant.

Page 3229

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "En Croatie, et même en dehors de la Croatie on se rappelait fort bien ce

  4   qui s'était passé en 1941, en 1942, quand la Croatie était un Etat

  5   fantoche, on se souvenait des horreurs qui furent commises, des meurtres

  6   des Serbes. C'était gravé. Parce que beaucoup, beaucoup de Serbes ont été

  7   assassinés. Des centaines de milliers de Serbes ont été assassinés. Et

  8   c'était parfaitement compréhensible de voir quand la Croatie s'est déclarée

  9   indépendante et a promulgué sa constitution pour les 600 000 qui vivaient

 10   toujours en Croatie, ils ont été bouleversés dès le début."

 11   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord avec Lord Carrington ?

 14   R.  Non, pas vraiment. Je signalerais que vous avez diffusé une partie qui

 15   porte vraiment à controverse et qui donne une vision très unilatérale non

 16   seulement des faits concernés, mais c'est une sélection délibérée de la vie

 17   de certains hommes politiques. Je vous ai déjà dit qu'effectivement les

 18   Serbes avaient raison d'avoir peur à la suite de la promulgation de la

 19   constitution en Croatie, et je pense que ça venait en partie du fait que

 20   les Serbes -- les représentants serbes n'avaient pas réussi à bien formuler

 21   leur revendication.

 22   Parlant du moment où Lord Carrington parle, oui, je suis d'accord avec lui.

 23   Mais il faut voir comment évoluent les événements. Et je pense que là c'est

 24   une envergure bien plus grande que ce qu'il présente ici et qu'on ne peut

 25   pas comme ça déterminer comme il le fait les responsabilités.

 26   Q.  Mais pour l'instant nous nous occupons que du fait de savoir si les

 27   Serbes qui vivaient en Croatie avaient des raisons de s'inquiéter en raison

 28   des insignes et de la rhétorique qui se développait devant eux. Et

Page 3230

  1   maintenant nous allons voir s'ils avaient des raisons de s'inquiéter des

  2   actions menées par le nouveau gouvernement. Voyons ce qu'a fait exactement

  3   ce nouveau gouvernement. En réalité, est-ce que vous avez intégré dans

  4   votre rapport le fait que les Serbes de Croatie avaient des raisons de

  5   s'inquiéter ?

  6   R.  Bien, j'ai procédé à un récit conséquent des événements, enfin, je ne

  7   dirais peut-être pas conséquent, mais j'ai très certainement couvert les

  8   événements de Croatie dans l'un de mes rapports. Donc ce sujet a fait

  9   l'objet d'une intention certaine. Je ne sache pas que j'ai présenté la

 10   réalité que vous venez d'évoquer exactement de la façon dont vous l'avez

 11   décrite, mais j'étais tout à fait prêt à faire constater ce phénomène dans

 12   mes écrits.

 13   Q.  Bien, Lord Carrington déclare ici que la proclamation de l'indépendance

 14   de la Croatie qui ne permettait pas le respect des droits de 600 000 Serbes

 15   a été la cause d'une préoccupation importante parmi les Serbes. C'est de

 16   cela qu'il est question ici, la Croatie a déclaré son indépendance contre

 17   la volonté et les souhaits de l'un des peuples constitutifs de la Croatie

 18   avant même que cette population ait reçu la moindre garantie.

 19   Est-ce que ce fait a été intégré dans votre rapport que la

 20   reconnaissance prématurée de la Croatie a conduit à la catastrophe qui est

 21   survenue en Croatie ?

 22   R.  Comme je l'ai déjà dit, en fait, j'ai couvert les événements -- enfin,

 23   j'ai fourni un récit des événements liés à l'accession de la Croatie à

 24   l'indépendance et au mouvement mis en œuvre par les Serbes à l'intérieur de

 25   la Croatie, mouvement qui s'est illustré par la création d'un certain

 26   nombre d'associations distinctes destinées à regrouper la population

 27   derrière un projet séparatiste. Encore une fois, je ne l'ai pas formulé

 28   dans les termes que vous venez d'utiliser vous-même et je ne suis pas

Page 3231

  1   d'accord avec la façon dont vous présentez les choses. Je pense que l'on

  2   aurait pu adopter une démarche plus nuancée et ne pas mettre les événements

  3   survenus entre juin 1990 et le 25 juin 1991, dos à dos.

  4   Q.  Ecoutez, présentons les choses ainsi, Monsieur Donia. Jusqu'à l'arrivée

  5   de Tudjman au pouvoir, est-ce que les Serbes étaient, oui ou non, un peuple

  6   constitutif en Croatie ?

  7   R.  Non. C'était la République de Croatie.

  8   Q.  Donc vous ne savez pas que dans la constitution de la Croatie - et

  9   d'ailleurs dans toutes les constitutions des républiques yougoslaves - il

 10   était indiqué que la République de Croatie était la république des Croates

 11   et des Serbes.

 12   R.  Docteur Karadzic, vous m'avez demandé quel était le nom de la

 13   république. Moi, je vous ai répondu en vous donnant le nom de la

 14   république, à savoir République de Croatie. Je ne pense pas que vous

 15   contestiez cela.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Votre micro est-il allumé ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous entendez les interprètes ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'en raison du fait que le micro des

 20   interprètes n'a pas été allumé en permanence, nous avons perdu quelques

 21   mots. Mais nous sommes d'accord, je suppose, sur le fait que le nom de la

 22   république en question était République de Croatie et qu'il n'était pas

 23   fait mention des Serbes de cette dénomination. Est-ce que les Serbes

 24   étaient mentionnés dans la constitution ? A cela, je réponds, oui. Et je

 25   crois que nous sommes également d'accord sur ce point.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Merci. Les Serbes sont-ils donc présentés comme l'un des deux peuples

 28   constitutifs de la Croatie, c'est-à-dire comme l'un des deux peuples qui

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  1   constituent l'Etat en Croatie ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Merci. Le nouveau gouvernement a-t-il introduit une nouvelle

  4   rhétorique, ou plus précisément, d'ailleurs l'ancienne rhétorique datant de

  5   1941 ? Est-ce qu'elle a réintroduit les termes utilisés à l'époque ? Nous

  6   sommes d'accord, je suppose, sur le fait qu'il l'a fait ?

  7   R.  Non, il y a eu un certain degré de renaissance de tout cela, mais je

  8   crois que les milieux officiels se sont efforcés d'éviter au moins les

  9   aspects les plus ostentatoires de cela. Et je crois que selon la personne à

 10   qui on s'adressait, le degré dans lequel ces symboles et cette rhétorique

 11   ont été réintroduits pouvait varier.

 12   Toute la question de traduire dans les faits ce concept stalinien des

 13   nations constitutives qui en est arrivé en réalité à n'être qu'un article

 14   de foi, c'est-à-dire une part incontestée de la politique des nationalités

 15   en Yougoslavie, tout le problème qui se posait quand on voulait traduire

 16   cela dans la réalité dans une période démocratique, c'est que je ne suis

 17   pas très certain que ce concept ait fonctionné très bien ou puisse

 18   fonctionner très bien dans un système reposant sur les élections

 19   démocratiques. Donc je suis tout à fait prêt à remarquer que cette

 20   dénomination de peuples constitutifs dans une période communiste peut

 21   exister, mais je pense qu'il vous faut reconnaître que lorsqu'on passe à un

 22   système différent, cela peut causer toutes sortes de problèmes et de remise

 23   en cause.

 24   Q.  Bien, je suppose, voyez-vous, qu'il existe des Etats nations et des

 25   Etats civils.

 26   R.  Ce n'est pas si simple. Je pense, voyez-vous, que ce que l'on considère

 27   comme des Etats nations en Europe occidentale ont tous des gouvernements

 28   qui reposent sur des idées, des conceptions civiles. Et je ne sache pas

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  1   qu'il puisse exister un exemple d'Etat nation qui ne présenterait pas cet

  2   élément civil. Il y a probablement très peu d'exemples d'un Etat civil qui

  3   ne présenterait pas un élément national.

  4   Q.  Je vous remercie. Vous savez que la Slovénie a effacé des dizaines de

  5   milliers de ses habitants qui venaient des républiques méridionales au

  6   départ de ces registres de citoyens de Slovénie au motif qu'ils n'étaient

  7   pas Slovènes. Etes-vous au courant de cela ? La Slovénie les a simplement

  8   effacés de la liste.

  9   R.  De quelle liste ? Non, non, ma réponse est négative.

 10   Q.  Je vous remercie. Savez-vous alors que le président Tudjman a déclaré

 11   durant une réunion du HDZ que l'Etat indépendant de Croatie n'était pas

 12   seulement une structure fasciste, mais également une structure qui a permis

 13   de réaliser les aspirations légitimes du peuple croate qui voulait avoir

 14   son propre Etat, un Etat lui appartenant ?

 15   R.  Je suis au courant du fait qu'il a prononcé des mots à cet effet, oui.

 16   Q.  Vous rappelez-vous qu'il a également déclaré qu'il était heureux que sa

 17   femme ne soit ni Serbe ni Juive ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Je vous remercie. Savez-vous que le président Tudjman a christianisé

 20   une famille musulmane, une famille musulmane qui comptait neuf membres ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Je vous remercie. J'aimerais maintenant diffuser une vidéo pour vous

 23   demander ensuite si vous connaissez la personne qu'on voit sur ces images.

 24   Est-ce que vous reconnaissez la personne qu'on voit à l'écran en ce moment

 25   ?

 26   R.  Je connais aussi bien la personne que l'on voit à gauche que le film

 27   que vous êtes sur le point de diffuser.

 28   Q.  Bien, de qui s'agit-il ? Pouvez-vous nous le dire ?

Page 3234

  1   R.  Il s'agit de Martin Spegelj. Je ne connais pas exactement les fonctions

  2   qui étaient les siennes, mais il était membre du gouvernement de la Croatie

  3   à la fin de l'année 1990.

  4   Q.  Je pense que vous avez raison. Il était ministre de la Défense, en

  5   réalité. Je demande maintenant la diffusion de ces images. La vidéo date du

  6   19 novembre 1990.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais

  9   puisque nous sommes sur le point de visionner une nouvelle vidéo, je

 10   remarque que le numéro 65 ter de la dernière vidéo n'a pas été consigné au

 11   compte rendu d'audience, et sans doute pas prononcé.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Ce numéro était 1408. A cet égard, j'ai

 14   également remarqué pendant le visionnage de la séquence précédente qu'en

 15   page 45, ligne 23 du compte rendu d'audience, il semble qu'une ligne manque

 16   au sujet des observations faites par M. Donia sur cette vidéo et son

 17   origine. Si je me souviens bien, il a dit quelques mots indiquant que ce

 18   film était controversé, et il me semble que ces mots ne sont pas consignés

 19   au compte rendu. Page 45, ligne 23 du compte rendu, le commentaire de M.

 20   Donia se poursuivant jusqu'à la page 46, ligne 8.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une vérification sera faite, Madame, en

 22   fonction de votre commentaire.

 23   Monsieur Karadzic, avez-vous le numéro de la vidéo que vous vous apprêtez à

 24   visionner sur la liste des documents 65 ter ?

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que le numéro est écrit sur

 26   l'enregistrement. Enfin, je l'espère en tout cas.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce numéro est

 28   1D892.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] La date de cette vidéo est le 19 octobre 1990,

  2   et l'armée populaire yougoslave était au courant. Peut-on diffuser les

  3   images.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "Il y a 9 000 officiers de la JNA et 18 000 soldats. Nous avons 80

  7   000 hommes en armes. Nous résoudrons le problème de Knin en les massacrant

  8   tous, surtout maintenant que cette pute l'a emporté en Croatie. Oui. Deux

  9   jours après, il l'avait emporté, et les Américains ont proposé de nous

 10   aider."

 11   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 12   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il aurait fallu que vous entendiez la version

 14   serbo-croate, ou plutôt croate. C'est une autre langue, mais les sous-

 15   titres sont en anglais. Au fond, on devrait entendre la bande son.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous aimeriez que les interprètes

 17   traduisent à vue les sous-titres, ou est-ce que vous préféreriez qu'ils

 18   interprètent ce qu'ils entendent dans l'enregistrement.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] L'un ou l'autre feront l'affaire. Les sous-

 20   titres sont une traduction des mots prononcés par Martin Spegelj.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je viens d'entendre les interprètes me

 22   dirent dans mes écouteurs qu'ils ne sont pas en droit d'interpréter s'il

 23   n'y a pas de transcription écrite. Enfin, bon, essayons.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Il y a 9 000 officiers et 18 000 soldats de la JNA. Nous avons 80

 27   000 hommes en armes, armés de kalachnikovs. Nous résoudrons le problème de

 28   Knin en les massacrant. Nous avons la reconnaissance internationale pour ce

Page 3236

  1   faire. Nous les massacrerons, notamment maintenant que cette pute l'a

  2   emporté en Serbie."

  3   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, on vient de me dire

  5   que la bande son en B/C/S est inaudible et que les interprètes n'entendent

  6   rien. Est-ce que vous aimeriez qu'ils traduisent sur la base des sous-

  7   titres ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, peut-être serait-ce le mieux, parce que

  9   les sous-titres sont une traduction exacte. Mais si vous vous en souvenez,

 10   j'ai déjà visionné ce film durant mon propos liminaire. Il semble qu'il y

 11   ait quelque chose qui ne fonctionne pas en ce moment. Enfin, nous allons

 12   réessayer.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Est-ce que vous saviez, Monsieur Donia, que Martin Spegelj a été

 15   appréhendé durant l'action qu'il menait pour éduquer ces tueurs sur le

 16   terrain, et qu'à ce moment-là il disposait déjà de 80 000 hommes armés de

 17   kalachnikovs, hommes qu'il entraînait et à qui il disait que les officiers

 18   de la JNA devraient recevoir une balle dans le ventre ?

 19   R.  Oui. J'aime beaucoup cette vidéo. En fait, je commence un chapitre de

 20   mon livre, "La tradition trahie," en évoquant cette vidéo, parce que c'est

 21   un moment très spectaculaire qui montre, à mon avis, à la fois à quel point

 22   les forces de défense croates en étaient arrivées, à quel point elles se

 23   préparaient au conflit, et à quel point le KOS, c'est-à-dire les services

 24   de contre-renseignement de la JNA, était déterminé à discréditer les

 25   dirigeants croates. Le KOS ressemble quelque peu au FBI américain. C'est un

 26   organisme qui suit de près les menaces perceptibles contre la sécurité de

 27   l'Etat.

 28   Donc, à mon avis, cette vidéo est un exemple très parlant de ce qui

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  1   était en train de se passer à l'époque, et elle a été d'ailleurs diffusée

  2   pendant une séance de la présidence fédérale, ou en tout cas durant une

  3   réunion à laquelle assistait M. Tudjman en janvier 1991. Et d'une certaine

  4   façon, cette vidéo a aggravé les relations entre les présidents des

  5   diverses républiques en raison des deux éléments qui y sont montrés.

  6   Q.  Je vous remercie. Essayons de revisionner la vidéo. J'espère que la

  7   bande son sera audible cette fois-ci.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.Madame Edgerton.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-être pourrait-on essayer, Monsieur le

 10   Président. Je pense que, je ne sais trop pourquoi, les choses ont bien

 11   fonctionné sur les appareils situés de mon côté du prétoire.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce serait une preuve de plus de l'absence

 14   d'égalité des armes entre les deux parties.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Il y a 9 000 officiers et 18 000 soldats en armes sur le territoire

 18   de la Slovénie, de la Croatie et pour partie de la Bosnie. Nous avons à

 19   présent 80 000 hommes en armes armés de kalachnikovs.

 20   Nous résoudrons le problème de Knin en les massacrant. Nous avons la

 21   reconnaissance internationale pour ce faire, notamment depuis que cette

 22   pute l'a emporté en Serbie. Nous allons les massacrer. Milosevic ? Oui.

 23   Maintenant, deux jours après sa victoire, les Américains nous ont proposé

 24   leur aide. Et jusqu'à ce moment-là, ils n'avaient fait que spéculer. Ils

 25   nous fourniront à présent des armes et des équipements pour 100 000

 26   soldats, et tout cela gratuitement. Ils ont parlé de 1 000 véhicules

 27   blindés, voitures et Dieu sait quoi d'autre. L'armée n'a rien à faire ici.

 28   Ils seront massacrés. Ils seront tous déjà massacrés à leurs domiciles. Il

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  1   faut les tuer sur place, dans la rue, dans les casernes, dans les cours, où

  2   que ce soit, en prenant simplement un pistolet et en leur tirant dans le

  3   ventre. Ce ne sera pas une guerre classique.

  4   Ce sera une guerre civile qui ne respectera personne, pas même les

  5   femmes et les enfants. Les bombes doivent simplement atterrir dans les

  6   appartements des familles. Il faut procéder à une liquidation physique.

  7   Quelqu'un pénètre dans un appartement, il se présente à la porte, bang,

  8   bang, bang, et il redescend. Il faudra appeler la police pour établir qui

  9   était responsable. Et une fois au bas des escaliers, il peut passer au

 10   suivant et, à chaque fois, tuer les occupants de ces appartements sans

 11   tenir compte du fait qu'il s'agisse de femmes ou d'enfants. Cela n'a pas

 12   d'importance.

 13   Boljkovac : Nous utiliserons tous les moyens, et également les armes.

 14   Les Serbes ne seront plus jamais en Croatie aussi longtemps que nous y

 15   sommes."

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous reconnaissez cet autre homme, Josip Boljkovac, le

 19   deuxième homme qu'on voit sur les images ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Merci. Monsieur Donia, vous décrivez ceci dans votre livre, mais est-ce

 22   que vous l'avez intégré à votre rapport ?

 23   R.  Non. Je ne crois pas l'avoir fait, non.

 24   Q.  Merci. Vous avez dit que ces images tournées à la présidence avaient

 25   aggravé les relations entre les présidents des républiques -- ou plutôt, je

 26   pense, les membres de la présidence.

 27   R.  Oui. Je suppose que M. Milosevic n'a pas apprécié d'être qualifié de

 28   pute, et ce film démontrait très certainement que des officiers croates de

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  1   haut rang étaient en train de comploter contre la Yougoslavie.

  2   Q.  Est-ce que c'est la diffusion de cette vidéo ou le contenu de cette

  3   vidéo qui a aggravé les rapports entre les membres de la présidence ?

  4   R.  Les deux, je crois, mais les images de ce film ont joué le rôle

  5   principal dans la dégradation de ces relations.

  6   Q.  Merci. Est-ce qu'il est dit dans ce film que les Serbes de Knin vont

  7   être massacrés ? Et est-ce que Boljkovac ajoute que les Serbes ne seront

  8   plus jamais présents comme ils l'étaient par le passé en Croatie ?

  9   R.  Oui. Je pense que nous avons entendu ce qui est dit dans le film, et je

 10   ne suis pas sûr qu'il vaille la peine de paraphraser. Je pense qu'il suffit

 11   de tenir compte du texte que l'on a entendu et qui a été consigné au compte

 12   rendu d'audience. Autrement dit, le film dit ce qu'il veut dire. Il est

 13   suffisamment clair. C'est une déclaration d'intention tout à fait

 14   répréhensible, la volonté de massacrer des personnes est exprimée dans ce

 15   film.

 16   Q.  Croyez-vous que ceci ait pu susciter une certaine inquiétude parmi les

 17   Serbes de Bosnie ?

 18   R.  Pas nécessairement, non. Ce film concerne la Croatie et aurait pu

 19   contribuer à créer une certaine crainte parmi les Serbes de Bosnie, mais je

 20   pense que le sentiment généralement partagé en Bosnie consistait à penser

 21   que ce qui se passait en Croatie était différent de ce qui se passait en

 22   Bosnie. Nous sommes ici en janvier 1991, c'est-à-dire à un moment où vous

 23   étiez en train de constituer un gouvernement avec le HDZ et le SDA, où vous

 24   étiez en train de désigner les ministres que vous souhaitiez désigner et où

 25   vous prépariez un partenariat entre les trois partis nationaux. Donc je

 26   dirais, qu'à mon avis, ceci a sans doute eu plus d'incidence en Croatie

 27   qu'en Bosnie.

 28   Q.  Je vous rappellerais à présent que le 26 mai 1990 a eu lieu l'assemblée

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  1   constituante du parti SDA. Vous rappelez-vous que durant cette assemblée

  2   constituante, Dalibor Brozovic, qui était un haut responsable croate, a

  3   déclaré que la Croatie se défendrait le long de la Drina, et en disant

  4   cela, il faisait allusion au fait que la Bosnie faisait partie de l'Etat

  5   indépendant de Croatie, ou avait plutôt fait partie de l'Etat indépendant

  6   de Croatie ?

  7   R.  Pour commencer, je ferai remarquer que M. Brozovic n'avait aucune

  8   fonction en tant qu'organisateur de cette assemblée constituante du SDA. Je

  9   ne me rappelle pas l'avoir entendu faire référence au NDH, nouvel Etat

 10   indépendant de Croatie, mais je me rappelle qu'il a dit effectivement que

 11   la Croatie considérerait que sa frontière s'étendait le long de la Drina.

 12   Q.  Savez-vous que l'autre parti présent, à savoir le Parti croate des

 13   droits, a fait savoir que la Croatie se créerait à l'intérieur des

 14   frontières qui avaient été celles, à l'époque, de l'Etat indépendant de

 15   Croatie ?

 16   R.  Oui, c'est effectivement le cas.

 17   Q.  Merci. Le 26 mai 1990, est-ce que j'étais déjà engagé en politique ?

 18   R.  Je crois qu'à cette époque, vous étiez déjà très engagé sur le plan

 19   politique dans des pourparlers et l'organisation de réunions destinées à

 20   garantir ce qui allait suivre très rapidement. Je ne pense pas que vous

 21   ayez occupé à cette époque-là une quelconque position officielle, et je ne

 22   crois pas que vous l'ayez fait avant le 12 juillet 1990.

 23   Q.  Monsieur Donia, le 3 juillet, un débat a été présenté à la télévision

 24   dans lequel il a été annoncé qu'un tel parti verrait le jour, mais le 26

 25   mai, nous ne savions pas encore qu'il allait y avoir un Parti démocratique

 26   serbe. Il n'en avait pas encore été question. Vous rappelez-vous

 27   éventuellement ne serait-ce qu'une seule manifestation publique ou secrète

 28   qui ait eu un lien avec la création de ce Parti démocratique serbe ou

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  1   éventuellement un discours ou l'existence d'un cercle d'intellectuels à

  2   cette date du 26 mai ?

  3   R.  Le 26 mai, non. Je devrais vérifier mes registres pour voir si c'était

  4   le cas, mais je pense que d'après ce que vous avez dit vous-même et ce

  5   qu'ont pu dire vos proches collaborateurs et amis, l'activité qui a

  6   finalement conduit à la création du SDS a eu lieu dans les premiers mois de

  7   1990.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

  9   vidéo.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La vidéo précédente également, celle où

 11   on voyait M. Carrington.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Je suppose qu'il est fait mention des

 15   extraits qui ont été diffusés dans le prétoire, et dans ces conditions, je

 16   n'ai pas d'objection.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous croyons savoir qu'une transcription

 18   écrite sera fournie en temps utile ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, dès que nous l'aurons, nous la fournirons.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, nous enregistrerons ce document

 21   pour identification tant que nous n'avons pas reçu les deux transcriptions.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le document

 23   65 ter numéro 1D4089 devient la pièce D248 MFI, et le document 65 ter 1D892

 24   devient la pièce D249 enregistrée aux fins d'identification.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Ces numéros 65 ter font référence à des

 26   vidéos. La première est très longue, donc je suppose que seules sont

 27   versées au dossier les séquences qui ont été visionnées dans le prétoire.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci beaucoup. J'aurais dû indiquer

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  1   quel était l'emplacement du curseur temps, mais je ne l'ai pas fait. Donc

  2   je laisse à l'équipe de Défense le soin de définir exactement quelle a été

  3   la portion qui a été visionnée dans le prétoire.

  4   Bien, c'est une heure qui vous convient pour la pause ? Nous allons faire

  5   une pause de 25 minutes.

  6   --- L'audience est suspendue à 17 heures 17.

  7   --- L'audience est reprise à 17 heures 46.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur

  9   Karadzic.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Terminons avec la Croatie avant le début de la guerre. Monsieur Donia,

 13   je vais vous donner la formulation de la constitution avant les derniers

 14   événements, alors l'Etat croate et l'Etat du peuple croate et serbe et des

 15   autres peuples et minorités nationales qui y résident. Or, la nouvelle

 16   constitution dit :

 17   "La République de Croatie est établie comme étant l'Etat national du peuple

 18   croate."

 19   Et l'Etat des membres des minorités autochtones ethniques Serbes,

 20   Tchèques, Slovaques, Italiens, Hongrois, Juifs, Allemands, Autrichiens, et

 21   cetera. Donc ayant été peuple constitutif, les Serbes sont devenus

 22   désormais une minorité nationale. C'est la raison pour laquelle nous avions

 23   eu besoin de voir comment s'étaient constituées la Yougoslavie et les

 24   modalités de la création de la Yougoslavie. Et on voit que les Serbes

 25   s'étaient alliés avec la Serbie en tant que peuple créateur d'Etat à

 26   l'ouest de la Drina.

 27   Alors, saviez-vous qu'en Bosnie-Herzégovine, c'était l'Etat de citoyens sur

 28   un pied d'égalité, Serbes, Croates, Musulmans et membres des autres groupes

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  1   ethniques et minorités nationales ?

  2   R.  Vous posez plusieurs questions différentes d'un coup. Je ne vois pas de

  3   document dont vous auriez lu un extrait. Est-ce que vous pourriez me dire

  4   ce que vous lisez. Est-ce que vous êtes en train de lire la constitution de

  5   la République de Croatie ? Et si c'est le cas, de quelle année date-t-elle

  6   ?

  7   Q.  La première citation disant que c'est un Etat du peuple croate et du

  8   peuple serbe c'était la constitution avant Tudjman, et  la définition

  9   disant que c'est l'Etat du peuple croate avec les autres groupes et

 10   minorités ethniques, ça c'est la constitution adoptée par Tudjman à Noël en

 11   l'an 1990.

 12   R.  En 1990. Je vois. Merci. Puis l'autre question que vous posiez

 13   concernait la Bosnie-Herzégovine, et je ne pense pas que vous ayez donné la

 14   totalité de cette disposition de la constitution. Est-ce que vous avez un

 15   document sur vous qui donne le texte entier de ladite disposition, car le

 16   libellé est mûrement réfléchi de cette disposition, et je pense qu'en

 17   juillet 1990, si je ne m'abuse, le libellé a été modifié une fois

 18   l'amendement numéro 60 adopté. Donc je voulais savoir exactement ce que

 19   vous aviez lu et quelle était la date de l'adoption de cette loi.

 20   Q.  Moi, je lis à partir de mes notes à moi. J'ai copié la formulation de

 21   la constitution de l'Etat croate avant Tudjman et après Tudjman. Et alors,

 22   je l'ai fait du point de vue de l'élément constitutif du peuple serbe.

 23   Il en va de même pour ce qui est de la constitution de la Bosnie-

 24   Herzégovine. L'article numéro 1 dit que :

 25   "La République socialiste de Bosnie-Herzégovine est un Etat

 26   démocratique souverain de citoyens sur pied d'égalité et de peuples sur

 27   pied d'égalité, à savoir Musulmans, Serbes, Croates et membres des autres

 28   peuples et minorités nationales qui y résident."

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  1   L'article 2 dit que :

  2   "La République socialiste de Bosnie-Herzégovine fait partie

  3   intégrante de la République socialiste fédérative du Yougoslavie."

  4   Alors, ce qui m'intéresserait c'est de savoir si le peuple serbe ne fait

  5   plus partie des peuples constitutifs en Croatie, mais fait partie des

  6   minorités nationales, alors qu'en Bosnie-Herzégovine, ce peuple serbe est

  7   resté faire partie des peuples constitutifs ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une chose à la fois. Monsieur Donia,

  9   vous vouliez faire un commentaire sur cette question de la constitution

 10   croate ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je pense que je l'ai déjà dit. Je suis

 12   d'accord avec l'interprétation faite de l'article.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] A l'inverse de la Croatie où la nouvelle

 15   constitution avait été adoptée en décembre, et elle a fait l'objet de

 16   plusieurs mois de discussion auparavant, la constitution en Bosnie a subi

 17   des changements en juillet 1990, changements adoptés par l'assemblée

 18   sortante qui était dominée par les communistes. Je parle ici de l'assemblée

 19   de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine. Et vous, vous venez de

 20   lire une mouture qui, je pense, était celle de l'article premier qui

 21   découlait de ces modifications dont je viens de parler.

 22   Je dis donc que oui, c'est comme ça que les choses se présentaient en

 23   juillet 1990. Puis, en plus, vous verrez qu'il y a plusieurs articles dans

 24   la première partie de la constitution qui mentionnent ces trois peuples,

 25   mais en fait, en plus, modifient l'ordre, donc on en a un dans le premier

 26   amendement, puis il est premier, puis dans le deuxième, l'autre est

 27   premier.

 28   Donc je dirais qu'on a consacré beaucoup d'intérêt et d'attention à

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  1   la qualité de ces peuples dans la constitution de Bosnie.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Merci. Mais vous serez d'accord avec moi pour dire que l'alinéa 2 de

  4   cet article numéro 1 dit que la République socialiste de Bosnie-Herzégovine

  5   fait partie intégrante de la République socialiste fédérative de

  6   Yougoslavie ?

  7   R.  Mais je ne vois rien dans le texte que j'ai sous les yeux qui le dise,

  8   mais je ne vais sûrement pas le contester.

  9   Q.  Merci. Alors, savez-vous que le Parti démocratique serbe, c'est-à-dire

 10   le Pr Koljevic et moi-même, nous avions demandé au parlement, et on a eu

 11   des entretiens à cet effet afin de faire installer une chambre des peuples

 12   dans le Parlement de Bosnie-Herzégovine avant l'adoption desdits

 13   amendements. Nous avions demandé donc une Chambre des peuples. D'abord,

 14   dites-moi si vous vous en souvenez de cela ?

 15   R.  Je me souviens que les trois partis nationaux de Bosnie avaient tous,

 16   au cours de cette période pendant laquelle s'organisaient les partis, fait

 17   appel pour qu'effectivement il y ait l'inclusion d'une Chambre des nations.

 18   Je m'en souviens bien, oui.

 19   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que l'amendent 70, point 10 à la

 20   constitution datée du 31 juillet 1990, avait prévu la création d'un conseil

 21   chargé des questions d'exercice de l'égalité en droit des peuples et

 22   minorités nationales au sein de la Bosnie-Herzégovine au sein de parlement

 23   ? Donc ils ont cédé jusqu'à créer cette instance, mais ils n'ont pas voulu

 24   entendre faire plus que cela. Ils l'ont fait à la place de la chambre des

 25   nations.

 26   R.  Oui. En fait, on trouve une synthèse très succincte et parfaite de

 27   cette situation. Je pense que ça se trouve dans le rapport de mes extraits,

 28   la première mention, et c'est dit par M. Krajisnik à la première séance de

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  1   travail de l'assemblée des Serbes de Bosnie.

  2   Q.  Savez-vous que le SDA n'a jamais autorisé la création du conseil

  3   mentionné tout à l'heure ?

  4   R.  Non, ce n'est pas comme ça que je comprends les choses, et je ne pense

  5   pas que M. Krajisnik ait compris les choses comme ça non plus. Le litige ce

  6   n'était pas l'établissement; c'était les compétences. Et du coup, comme il

  7   n'y a pas eu d'accord, ça n'a jamais été créé.

  8   Q.  Mais seriez-vous d'accord pour dire qu'il avait été prévu que ce

  9   conseil intervienne suivant des principes de vote par consensus et que les

 10   députés avaient le droit de reléguer vers ce conseil toutes les questions

 11   relatives à ce domaine, et en attendant, les questions étaient en

 12   souffrance ?

 13   R.  Tout à fait juste.

 14   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut nous le montrer le 1D01391.

 15   En attendant, vous souvenez-vous, Monsieur Donia, du fait qu'une première

 16   tentative d'adoption de la déclaration relative à la souveraineté de la

 17   Bosnie-Herzégovine avait été stoppée parce que le parlement, y compris le

 18   SDA, avait accepté de faire en sorte que cette question soit adressée au

 19   conseil chargé de l'égalité des droits des différentes nations présentes ?

 20   Et ça se passe au printemps 1991 ?

 21   R.  Oui, presque cela. Le SDA a présenté une proposition qui a été

 22   qualifiée de déclaration de souveraineté dans laquelle on trouvait dans le

 23   fond de nouveaux termes, un nouveau libellé qui proclamait la souveraineté

 24   de la Bosnie-Herzégovine. Je ne me souviens plus du nombre de points qu'il

 25   y avait, peut-être quatre, cinq ou six. Et on était sur le point de passer

 26   au vote lorsque les membres du SDS ont lancé un appel aux parlementaires

 27   pour qu'il y ait une décision. Je pense que c'est M. Campara. Et il a

 28   décidé qu'il fallait renvoyer la résolution au conseil dont on parlait, ce

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  1   qui se substituait à la chambre séparée avant qu'il ne puisse y avoir un

  2   vote. Etant donné qu'il n'y avait pas vraiment d'existence effective de ce

  3   conseil, la législation a périclité et est morte à ce moment-là. Ce qui a

  4   été accepté par les partis, et c'est seulement au cours de l'automne 1991

  5   que la question a été remise à l'ordre du jour de l'assemblée.

  6   Q.  Comme vous parlez notre langue, maintenant là c'est du texte

  7   cyrillique, est-ce que vous voyez qu'il s'agit du Parti démocratique serbe,

  8   comité principal, vous avez numéro et une date ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Si vous voyez le numéro 17666 [comme

 11   interprété] de la liste 65 ter, vous allez voir que notre version du

 12   document traduite en anglais. Et j'espère que je ne vous ai pas induit en

 13   erreur.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, je pense que c'est tout à fait

 15   juste. Essayons.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Alors, je vous ai demandé si vous aviez relevé le numéro et la date qui

 18   figurent juste en dessous de l'en-tête ?

 19   R.  Oui, je vois le numéro 01-79/90, la date étant celle du 8 octobre 1990.

 20   Q.  Est-ce que vous avez bien relevé que la totalité des documents qui sont

 21   passés par les instances du parti portaient un numéro et une date ?

 22   R.  Je ne pense pas que ce soit le cas pour tous.

 23   Q.  Mais ça n'a pas été le cas pour ce qui est des documents qui ne sont

 24   pas passés par les instances du parti. Ceux qui sont passés par les

 25   instances devaient forcément avoir un numéro. Mais peut-on nous montrer la

 26   version anglaise.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous confirmez que le document que vous

 28   voyez c'est bien celui auquel vous vouliez faire référence ? Je pense que

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  1   oui.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est la traduction du document en question, en

  5   effet.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Alors, nous n'allons lire le document tout entier, mais voyons un peu

  8   ce que demande le Parti démocratique serbe. L'amendement 70 n'est pas

  9   harmonisé avec l'amendement numéro 60. L'amendement 70 se lit :

 10   "La République socialiste de Bosnie-Herzégovine est l'Etat démocratique

 11   souverain des citoyens sur pied d'égalité des peuples de Bosnie-

 12   Herzégovine, à savoir Musulmans, Serbes et Croates et membres des autres

 13   peuples et minorités nationales qui y résident.

 14   "L'amendement 70, dans son alinéa 1, n'assure pas légalité en droits

 15   ethniques des Serbes, Croates et Musulmans, et il n'est pas harmonisé avec

 16   l'amendement 60, et il interdit la mise en œuvre de cet amendement 60.

 17   "Le Parti démocratique serbe de la Bosnie-Herzégovine demande que

 18   l'amendement 70 soit harmonisé avec l'amendement 60 afin que l'article 10

 19   dudit amendement soit modifié et qu'à l'article 10 de cet amendement 70

 20   l'on inscrive le texte qui se lit comme suit :

 21   "Le Parlement de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, à la

 22   demande d'au moins 20 députés de la chambre des citoyens et de la chambre

 23   des municipalités, s'agissant de questions relevant de l'intérêt pour la

 24   mise en œuvre de l'égalité en droit ethnique, à savoir," puis il énumère

 25   les six questions qui sont concernées.

 26   "Contraint la totalité des députés au parlement des trois chambres, à

 27   savoir : La chambre nationale serbe, nationale musulmane et croate, de se

 28   pencher sur les intérêts et la mise en œuvre de cette égalité en droit au

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  1   niveau du parlement de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine pour

  2   qu'il en soit décidé dans une procédure distincte."

  3   Alors, vous voyez que nous avons demandé au travers de la totalité des

  4   amendements présentés que la constitution soit mise en œuvre à la lettre,

  5   et cela nous aurait épargné bien des   désagréments ?

  6   R.  C'est pour cela précisément que je suis content de ne pas être un

  7   expert en constitution, car déterminer quel est l'amendement qui devrait

  8   avoir primauté quand on voit ici qu'on en a un amendement 60 et un

  9   amendement 70, ça me dépasse. Je relève que je vois ceci dans l'optique de

 10   l'historien. On essaie ici d'élever le rôle des partis nationaux pour

 11   qu'ils soient en équation avec les communautés nationales, pour permettre

 12   aux partis de se trouver à même d'apposer un veto sur la législation au nom

 13   des communautés nationales, et on se sert de ce stratagème, de ces concepts

 14   qu'on trouve dans l'amendement 70 -- non, pardon, 60.

 15   Je n'ai pas vu le reste du document et je n'en ai vu que la première

 16   page, mais c'est ce que j'aurais à dire. Cette proposition, vu son libellé,

 17   n'avait aucune chance d'être acceptée par les deux autres partis nationaux.

 18   Q.  Est-ce qu'ici il est dit parti ? Non. On parle du Conseil national

 19   serbe, qui est composé de représentants de tous les partis. Il en va de

 20   même pour ce qui est du conseil musulman. Alors, est-ce qu'il en était

 21   ainsi ? Il n'est pas question de parti, ici. On parle de communauté

 22   nationale, de communauté ethnique, n'est-ce pas ?

 23   R.  "Le Parti démocratique serbe de Bosnie-Herzégovine exige que

 24   l'amendement 70 se conforme à l'amendement 60." Il est fait référence à

 25   votre parti, et on cherche à ériger le statut du parti en un statut qui

 26   acquiert ainsi le droit de représenter la communauté nationale dans ses

 27   questions.

 28   Q.  Enfin, là, je crois qu'il y a quand même un malentendu. Le parti ne le

Page 3251

  1   demande pas pour lui-même, mais il le demande pour une communauté ethnique.

  2   Il y a des élections qui ont été remportées par le Parti démocratique serbe

  3   et d'autres ont gagné ailleurs, donc ce n'est pas un seul parti qui est

  4   présent, il y a tous les partis qui sont présents. Donc on parle non pas du

  5   parti, mais on parle d'un conseil national, d'un conseil ethnique qui le

  6   demande.

  7   R.  Ce que je dirais, c'est que nous sommes ici à un moment où vous, comme

  8   les dirigeants d'autres partis, vous essayez à tout prix d'établir le fait

  9   que vous incarnez la volonté du peuple serbe et de la communauté nationale

 10   serbe, et que le SDS incarnait cette volonté et ces intérêts. Donc ici,

 11   pour moi, j'y vois une tentative d'élargir, d'agrandir encore cette

 12   revendication qui est d'être l'incarnation de la volonté du peuple serbe

 13   grâce à cette revendication.

 14   Je ne vois toujours pas la deuxième page.

 15   Q.  Est-ce qu'on peut nous montrer la page 2 en version anglaise et en

 16   version serbe, s'il vous plaît.

 17   En attendant, Monsieur Donia, est-ce que vous serez d'accord avec moi pour

 18   dire qu'il y avait 31 et quelque % des Serbes qui avaient voté pour le

 19   Parti démocratique serbe, donc nous avions reçu ou obtenu 97 % des

 20   suffrages serbes, n'est-ce pas ?

 21   R.  Là, vous faites référence à quelque chose de différent. Est-ce que vous

 22   parlez du recensement de 1991 et du pourcentage dans la population totale

 23   qui s'est dite serbe dans ce recensement, ou est-ce que vous parlez du

 24   résultat des élections ?

 25   Q.  Je prends ces deux chiffres. Les Serbes étaient environ

 26   32 % en Bosnie, et nous avions obtenu quelque 30 % des votes pour le

 27   parlement. Donc cela dit que les Serbes, essentiellement, ont voté en

 28   faveur du Parti démocratique serbe, n'est-ce pas ?

Page 3252

  1   R.  Je serais d'accord pour dire que la plupart des Serbes ont voté pour le

  2   Parti démocratique serbe, mais je ne pense pas que le pourcentage que vous

  3   donnez soit juste, parce qu'il y a un bon nombre de Serbes qui ont aussi

  4   voté pour les partis non nationaux, les sociodémocrates et les

  5   réformateurs, notamment, et vous vous en êtes d'ailleurs longuement plaint

  6   dans la période postélectorale, et vous avez dit que c'est à vous qu'il

  7   vous incombait de leur faire changer d'avis, de leur faire voir qu'ils

  8   s'étaient trompés pour qu'ils reviennent dans le giron du SDS.

  9   Q.  Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que le Parti démocratique serbe

 10   a obtenu 72 sièges au parlement ?

 11   R.  Oui. Je crois qu'il y en a avait en tout 240; c'est ça ?

 12   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire qu'au total, les Serbes étaient

 13   86 au Parlement de la Bosnie-Herzégovine ?

 14   R.  Ça, je ne sais pas.

 15   Q.  Bon. Vous serez d'accord pour dire que sur les 86, 83 ont créé

 16   l'assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, et de nos jours encore,

 17   l'assemblée de la Republika Srpska compte 83 sièges, n'est-ce pas ?

 18   R.  Ça, je ne le savais pas. C'est intéressant.

 19   Q.  Donc ce Parti démocratique serbe avait 72 députés. Il y en a avait un

 20   qui était membre du Parti du Renouveau serbe et les autres étaient dans le

 21   Parti réformateur, Parti socialiste, et autres. Sur les 86, il y en a avait

 22   83 qui étaient contre la sécession de la Bosnie-Herzégovine, et ils sont

 23   passés faire partie de cette assemblée du peuple serbe de Bosnie-

 24   Herzégovine, n'est-ce pas ?

 25   R.  C'est à peu près juste, mais je ne pourrais pas vous confirmer ce

 26   chiffre que vous venez de donner. Mais de façon générale, c'est juste.

 27   Q.  Mais nous tomberons d'accord pour dire que 83, c'est plus qu'un tiers,

 28   et que cette masse de députés, quand bien même l'on penserait que la

Page 3253

  1   totalité des Musulmans et Croates voulait proclamer sécession, ces 83

  2   pouvaient l'empêcher, empêcher le Parlement de Bosnie-Herzégovine de

  3   proclamer l'indépendance. Est-ce que c'est bien vrai, puisque pour les

  4   décisions constitutionnelles il fallait avoir une majorité des deux tiers ?

  5   R.  Vous insérez toutes sortes de postulats dans cette idée et je ne sais

  6   pas s'ils sont justes. Je ne sais pas s'il y a eu finalement un vote, pour

  7   ce qui est du nombre de voix qui se sont exprimées contre l'indépendance,

  8   éventuellement, dans l'assemblée, un facteur plus décisif a sans doute été

  9   le référendum, qui a été organisé fin février, 1er mars 1992. Vous et le

 10   SDS, vous l'avez boycotté. De plus, vous avez quitté l'assemblée. Alors, je

 11   ne sais pas si on peut tirer cette conclusion hâtive qui voudrait dire que

 12   83 parlementaires auraient voté contre l'indépendance.

 13   Q.  Je vais vous donner lecture de l'énoncé.

 14   "De l'amendement 42, alinéa 1, tiret 2 :

 15   Pour ce qui est de la constitution de Bosnie-Herzégovine : "Les

 16   frontières de la république peuvent être modifiées par une décision du

 17   Parlement de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine conformément à

 18   la volonté des citoyens de la totalité de la république exprimée lors d'un

 19   prononcé préalable par référendum au cas où au moins deux tiers des votants

 20   du total du corps électoral se prononcerait en faveur ou pour."

 21   Alors, fin 1992, est-ce que deux tiers du corps électoral total avaient

 22   voté pour l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine ou pas ?

 23   R.  Monsieur Karadzic, montrez-moi le document, s'il vous plaît, qui dit

 24   cela. Parce que là, je suis un peu coincé, vous voyez. Je vous écoute, puis

 25   j'entends ce que disent les interprètes. Moi, je préférerais voir le

 26   document.

 27   Q.  Mais êtes-vous d'accord, dans l'ensemble, pour dire que les matières

 28   constitutionnelles dans tous les pays ne sont pas adoptées par une majorité

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  1   simple mais par une majorité absolue ?

  2   R.  Oui, c'est sans doute vrai dans la plupart des pays.

  3   Q.  Nous allons maintenant vous montrer un petit clip pour voir ce que Lord

  4   Carrington a dit sur le sujet.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   "C'était une guerre qui aurait pu être évitée, de l'avis des

  8   dirigeants européens.

  9   Jusqu'à présent, les Serbes de Bosnie étaient majoritaires et les

 10   Musulmans, qui avaient une plus forte natalité, ont commencé à devenir

 11   majoritaires dans la population, et c'était quelque chose que les Serbes

 12   avaient beaucoup de mal à avaler et ils l'ont dit très clairement, très

 13   vite, très tôt. Ils n'étaient pas prêts à accepter une situation dans

 14   laquelle il y aurait une Bosnie indépendante, en vertu de la constitution

 15   alors en vigueur. En vertu de cette constitution, il était illégal

 16   qu'Izetbegovic déclare l'indépendance, parce que si on voulait un tel

 17   changement constitutionnel, il fallait l'accord des trois partis."

 18   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Je vais maintenant vous présenter ces affirmations, Monsieur Donia. Ce

 22   que j'ai lu, ça vient de la constitution. Je n'arrive pas à retrouver le

 23   passage dans la constitution, mais j'imagine que cette constitution existe

 24   dans la documentation. La constitution de Bosnie-Herzégovine ne prévoyait

 25   pas du tout le cas d'une indépendance et le cas de l'existence d'une

 26   Bosnie-Herzégovine à l'extérieur de la Yougoslavie. Est-ce qu'il y a un

 27   cadre fournissant une possibilité à la Bosnie-Herzégovine de faire

 28   cessation ?

Page 3255

  1   R.  Je ne sais pas.

  2   Q.  Est-ce que vous êtes d'avis -- enfin, comment ne savez-vous pas ? Ça,

  3   vous êtes censé le savoir.

  4   R.  Je ne suis pas expert constitutionnel. Je peux vous dire que ce qui est

  5   certain, c'est que je ne connais pas bien la constitution de Bosnie-

  6   Herzégovine. Je le répète, je ne voudrais pas être expert en constitution

  7   et démêler ce que des amendements semblent avoir comme contradictions

  8   intrinsèques. C'est vrai aussi pour l'indépendance de la république. Là, il

  9   y a toutes sortes d'articles qui disent toutes sortes de choses qui

 10   interviennent. Il est impossible aussi de démêler cet écheveau.

 11   Q.  Je vous demanderais le versement au dossier du document précédent avant

 12   que de continuer, tout comme le clip vidéo.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Le procès-verbal de la séance de

 14   l'assemblée 17566, c'est versé au dossier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D250.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et pour la séquence vidéo, vous faites

 17   objection, Madame Edgerton ?

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Non. Ça semble venir de la pièce 1D01408

 19   dont a déjà parlé M. Donia.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est ce que je pensais moi aussi, et je

 21   vois l'horodatage 47 minutes et 27 secondes à 48 minutes et 6 secondes.

 22   Cette séquence reçoit une cote provisoire en attente de la réception de la

 23   transcription.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Précisément.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On n'a pas entendu la pièce. C'est bien

 27   la pièce D251 MFI ?

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.

Page 3256

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Dans votre rapport, Monsieur Donia, avez-vous mentionné du tout les

  4   questions relevant de ce qui constitue le caractère constitutionnel, parce

  5   que quand on parle de frontières, cela est également une question

  6   constitutionnelle ?

  7   R.  Oui, ça pourrait l'être, et ce l'est en partie. Mais c'est aussi dans

  8   une certaine mesure une décision politique, et c'est dans cet esprit-là que

  9   j'ai abordé cette question.

 10   Q.  Est-ce que vous estimez que quelqu'un aurait le droit de prendre des

 11   décisions politiques qui concernent une matière constitutionnelle, de façon

 12   anticonstitutionnelle ?

 13   R.  Non, si il est possible de déterminer ce qui est constitutionnel et ce

 14   qui ne l'est pas.

 15   Q.  Mais il faut du bon sens pour en juger. Il suffit d'en avoir un peu. Je

 16   vais maintenant vous présenter une autre, ou plusieurs autres affirmations

 17   : la constitution de la Bosnie-Herzégovine n'autorisait pas, ne fournissait

 18   pas la possibilité de faire cessation vis-à-vis de la Yougoslavie, tout

 19   comme la constitution de la République socialiste fédérative de

 20   Yougoslavie; oui ou non ?

 21   R.  Je vais d'abord réagir à votre commentaire lorsque vous disiez qu'en

 22   fait le bon sens devrait dicter votre réponse. Ce que je dirais, non, ce

 23   n'est pas le bon sens. C'est l'interprétation qu'on fait de la constitution

 24   qui permet de prendre cette décision, de trancher cette question.

 25   Néanmoins, je constate que tous les partis, à ce moment-là du conflit,

 26   n'hésitaient pas à dire du parti opposant qu'il se livrait à des activités

 27   anticonstitutionnelles. C'est devenu une véritable litanie de griefs. Un

 28   exemple, la présidence de Bosnie-Herzégovine et le gouvernement de Bosnie-

Page 3257

  1   Herzégovine ont dit que la mobilisation de soldats en Bosnie pour la guerre

  2   en Croatie était anticonstitutionnelle. Ça s'est fait tout à la fin du mois

  3   de septembre 1991. Et là, on a cité cinq modes anticonstitutionnels de le

  4   faire. Bon, on n'a jamais pris la peine de demander l'avis de la cour

  5   constitutionnelle ni de lui demander une décision. Ça a été simplement

  6   déclaré anticonstitutionnel. Et vous, au fond, vous faisiez la même chose à

  7   l'époque, et maintenant vous faites pareil avec moi. Vous essayez de me

  8   demander la même chose.

  9   Moi, je ne peux pas vous donner de décision. Je peux vous dire que

 10   vous tous, vous maniiez ce genre de terminologie avec beaucoup de

 11   désinvolture à l'époque, mais vous vous êtes toujours abstenus de fournir

 12   ces arguments à une cour constitutionnelle. Vous avez plutôt choisi d'en

 13   découdre en dénonçant les autres parties, la partie adverse, à cette fin.

 14   Q.  Mais êtes-vous d'accord pour dire que les questions fédérales sont

 15   réglementées et emménagées par la constitution fédérale ?

 16   R.  Je pense que c'est vrai dans la plupart des cas, mais l'est-ce

 17   toujours, je ne sais pas.

 18   Q.  Est-ce que vous saviez que la constitution fédérale en Yougoslavie

 19   avait proclamé plusieurs décisions prises par les républiques

 20   cessessionistes comme étant illégales ?

 21   R.  La constitution fédérale ne les a pas déclarées illégales, non.

 22   Q.  J'ai dit la cour constitutionnelle fédérale a proclamé certaines

 23   décisions prises par les républiques faisant partie de ce qui relevait des

 24   attributions de la fédération comme étant illégales, contraire à la

 25   constitution.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Je vais vous donner lecture de l'énoncé de l'article 5 de la

 28   constitution fédérale. Ça se rapporte aussi au bon sens que j'ai évoqué

Page 3258

  1   tout à l'heure.

  2   "Le territoire de la République socialiste fédérative de Yougoslavie est un

  3   territoire unique. Il est composé par le territoire des républiques

  4   socialistes qui en font partie."

  5   Et un des alinéas, c'est :

  6   "Les frontières de la République socialiste fédérative de Yougoslavie ne

  7   sauraient être modifiées sans le consentement de la totalité des

  8   républiques et des provinces autonomes."

  9   Alors, le bon sens vous indique-t-il qu'il ne saurait y avoir de cessation

 10   sans que tout un chacun ne soit d'accord ?

 11   R.  Mais je répugne à répéter ce que j'ai déjà dit, mais c'est pas une

 12   question de bon sens. C'est une façon d'affirmer le principe qui avait été

 13   formulé d'autres façons et qui charriait déjà un danger de conflit. Donc je

 14   ne voudrais pas tirer de jugement partant de la question que vous venez de

 15   me poser.

 16   Q.  Est-ce que vous estimez que la sécession des républiques, qui ont

 17   décidé de faire sécession, c'était chose légalement faite ?

 18   R.  Je ne me hasarde pas à faire ce genre de jugements.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre le 1D163 au

 20   prétoire électronique.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Donia, si vous n'êtes pas en mesure d'en juger, comment

 23   pouvez-vous juger des actes ou agissements de la partie serbe qui a été

 24   ensevelie sous une masse d'agissements anticonstitutionnels de la part des

 25   parties adverses ? Alors, vous avez jugé la totalité de nos actes pour ce

 26   qui est de la modification des changements des frontières municipales,

 27   résistance à la sécession de la Bosnie-Herzégovine, et nous, nous avons

 28   indiqué que tout cela était la conséquence d'agissements illégaux de la

Page 3259

  1   part de cette coalition musulmano-croate au niveau du parlement de la

  2   Bosnie-Herzégovine.

  3   Voyons un peu ce qu'en dit Antonio Cassese, professeur du droit et

  4   Juge qui a avait présidé aux travaux de ce Tribunal pendant un certain

  5   temps.

  6   Montrez-nous la page d'après, je vous prie. C'est la partie encadrée qui

  7   m'intéresse.

  8   "L'obtention de l'acte de l'indépendance par la Slovénie, la Croatie, la

  9   Bosnie-Herzégovine et la Macédoine peut être considérée, par conséquent,

 10   comme étant un processus révolutionnaire qui a dépassé le cadre

 11   réglementaire du corpus de loi qui existait."

 12   Est-ce que vous voulez bien admettre que M. Antonio Cassese c'est quand

 13   même un expert en la matière ?

 14   R.  Je suis tout à fait prêt à le qualifier d'expert en la matière. Mais

 15   pourquoi ne lisez-vous pas le paragraphe suivant qui, effectivement, laisse

 16   entendre qu'il y a quand même certaines réserves qu'il émet après cette

 17   première affirmation.

 18   Q.  Cependant, Monsieur Donia, les référendums, il fallait qu'on les ramène

 19   au parlement pour qu'il y ait une approbation de la part des députés. Etes-

 20   vous d'accord là-dessus ?

 21   R.  Mais je pense que vous êtes en train d'apporter précisément la preuve

 22   que le système constitutionnel, qui était très complexe, en plusieurs

 23   couches, qui avait des dispositions contradictoires, que cette constitution

 24   c'était, dans le fond, de l'eau au moulin de ceux qui voulaient dire que ce

 25   que faisaient les autres n'était pas constitutionnel.

 26   Souvent des référendums ont entraîné des résolutions prises par

 27   l'assemblée. Avaient-elles un effet obligatoire, exécutoire ou pas, je ne

 28   sais pas, et je ne sais pas si on a considéré que les décisions de la cour

Page 3260

  1   constitutionnelle étaient contraignantes ou si on s'en remettait à

  2   l'assemblée pour qu'elle prenne les mesures nécessaires.

  3   Je ne peux pas répondre à votre question par un simple oui ou par

  4   non.

  5   Q.  Penchez-vous sur le paragraphe précédent qui parle du droit à

  6   l'autodétermination.

  7   "…adopté par le comité de l'assemblée générale yougoslave du 20

  8   janvier 1992, ça n'a jamais été adopté par la plénière, parce que ça a été

  9   un peu dépassé par les événements, à savoir la sécession tout à fait

 10   spectaculaire de plusieurs républiques."

 11   Est-ce que vous saviez qu'il y avait des fondements légaux qui étaient en

 12   gestation pour les modalités de sécession des républiques qui le

 13   souhaitaient, mais que les républiques sécessionnistes ont évité la chose

 14   et ont opté en faveur de la variante armée ?

 15   R.  Bien, je n'étais pas au courant de ce projet de loi. Mais je ne suis

 16   pas d'accord avec vous quand vous dites que les républiques ont choisi la

 17   voie de la guerre. La voie de la guerre en Slovénie, comme en Croatie, elle

 18   a été semée de plus d'embûches que cela. Ce n'était pas simplement une

 19   situation où il y avait un camp qui décidait de partir en guerre.

 20   Q.  Connaissez-vous la déclaration du président Tudjman, qui a déclaré

 21   qu'il n'y a aurait pas eu de guerre si la Croatie ne l'avait pas voulu, et

 22   que la guerre nous apporte l'indépendance, a-t-il dit ?

 23   R.  Je ne suis pas sûr des mots exacts qu'il a utilisés dans sa

 24   déclaration, mais il a, un jour, prononcé des mots correspondant à peu près

 25   à cela. Encore une fois, je ne vois aucun document dans lequel ce qui vient

 26   d'être dit figure mot pour mot.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier du document

 28   que nous venons d'examiner.

Page 3261

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais poser la question de savoir

  2   en quoi l'opinion d'un expert est pertinente ? Vous pouvez l'utiliser dans

  3   votre argumentation ultérieure, mais je ne vois pas comment une telle

  4   opinion peut se transformer en élément de preuve présenté aux Juges de

  5   cette Chambre.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que la pertinence de l'avis d'expert

  7   de M. le Juge Cassese est plus importante que celle d'un article de presse

  8   qui a été versé au dossier et admis en tant qu'élément de preuve, l'article

  9   de journal commenté par M. Donia.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'expert n'était pas présent sur place à

 11   l'époque. Nous rejetons ce document. Passons à autre chose.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ces conditions, je demande l'affichage du

 13   document 1D163.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur, j'aimerais vous rappeler les mots prononcés par M. Tudjman.

 16   Ces mots, il les a prononcés dans le cadre d'un très grand rassemblement

 17   populaire. Il a dit il n'y aurait pas eu de guerre si la Croatie ne l'avait

 18   pas voulu. Nous le démontrerons plus tard. Nous reviendrons sur ce propos.

 19   Il a dit il n'y aurait pas eu de guerre si la Croatie ne l'avait pas voulu.

 20   Et Izetbegovic a déclaré : "Nous aurions pu choisir la paix, mais dans ce

 21   cas, il nous aurait fallu demeurer dans le giron de la Yougoslavie, et nous

 22   avons donc opté pour la guerre."

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez bien cité le numéro

 24   du document dont vous demandez l'affichage ? Est-ce que l'article de M.

 25   Cassese n'était pas le document 1D163 ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] 162. 162. Il y a apparemment eu une erreur.

 27   Oui, c'était une erreur.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 3262

  1   Q.  Monsieur Donia, savez-vous que des déclarations ont été prononcées par

  2   ces deux hommes, ces deux présidents, je veux parler du président de la

  3   Croatie et du président de la présidence de Bosnie-Herzégovine,

  4   déclarations optant pour l'option guerrière ?

  5   R.  Encore une fois, j'aimerais voir le document stipulant cela avant de me

  6   prononcer sur ce point.

  7   Q.  Bien, un document sera présenté, mais je vous interroge pour l'instant

  8   au sujet de ces déclarations. Elles sont de nature éminemment politique.

  9   Elles sont anticonstitutionnelles. Ces hommes avaient déclaré qu'ils

 10   optaient pour la guerre. Est-ce que vous avez intégré cela dans votre

 11   rapport, avez-vous dit qui était favorable à la guerre, qui a provoqué la

 12   guerre ?

 13   R.  Bien, je pense que j'évoque dans le détail les événements qui ont

 14   conduit à la guerre. Je n'ai pas fait preuve d'une précaution excessive. Je

 15   n'ai pas limité cela à une seule déclaration ou à un seul événement, parce

 16   que pour l'essentiel je rejette la notion qui m'apparaît implicitement dans

 17   nombre de questions posées par vous selon lesquelles il y aurait un chemin

 18   linéaire et prédestiné qui aurait mené au conflit et qu'il n'y a eu aucune

 19   volonté humaine qui aurait pu mettre un terme à cela.

 20   J'aimerais prendre en compte un spectre plus large de raisons et

 21   d'événements qui, en réalité, ont conduit à la guerre, et je m'efforce de

 22   le faire. Je pense que les éléments à prendre en compte sont nombreux et

 23   que pour certains, je ne les ai pas intégrés dans mon rapport. Mais, par

 24   exemple, est-ce que je n'ai pas parlé de la révolution antibureaucratique

 25   qui était la source d'une méfiance importante de la Serbie et de Milosevic

 26   dans la période qui a commencé en 1989. Je ne l'ai pas mentionné, dites-

 27   vous -- je crois l'avoir mentionné au passage. Le retrait des armes par

 28   l'armée populaire yougoslave des forces de la Défense territoriale en mai

Page 3263

  1   1990 qui a provoqué une si grande anxiété quant aux intentions nourries par

  2   la JNA au sein des diverses républiques.

  3   Voyez-vous, on peut certainement lire mon rapport et dire qu'il y a

  4   des éléments qui en sont absents, et je suis d'accord sur ce point. Je

  5   pense que l'effort accompli par moi a consisté à intégrer ce que je

  6   considérais comme les facteurs les plus significatifs et les plus

  7   pertinents s'agissant de savoir ce qui a conduit à la guerre.

  8   Je n'ai pas essayé d'apprécier la constitutionnalité ou la légalité

  9   de tel ou tel facteur. J'ai rendu compte des avis exprimés par une partie

 10   ou par une autre partie quant à l'aspect anticonstitutionnel ou illégal de

 11   diverses actions, mais comme je l'ai déjà dit, il s'est agi, en fait, d'une

 12   routine serinée par les parties en présence et les parties au conflit

 13   destinées à se renvoyer la responsabilité les unes aux autres.

 14   Q.  Bien, vous m'avez renvoyé au 17 mai 1990 à présent, date à

 15   laquelle la présidence -- ou plutôt, la JNA a décidé de placer les armes de

 16   la Défense territoriale sous son contrôle. C'est bien cela que vous aviez à

 17   l'esprit, n'est-ce pas ?

 18   R.  C'est exact. Oui.

 19   Q.  Pensez-vous que la JNA n'avait pas le droit d'agir ainsi ?

 20   R.  C'est une bonne question. Ma façon de comprendre la hiérarchie et ce

 21   qu'elle a fait -- en tout cas, il est possible qu'il y ait eu des problèmes

 22   constitutionnels ou légaux qui pourraient permettre de penser le contraire.

 23   Q.  Non, si ces éléments existent, montrez-les-moi. Est-ce que la Défense

 24   territoriale était soumise à la JNA ou était-elle sous le contrôle et le

 25   commandement de la JNA ?

 26   R.  Ce que je crois savoir c'est que la Défense territoriale était

 27   responsable devant la JNA et le ministère de la Défense des diverses

 28   républiques.

Page 3264

  1   Q.  Merci. Je demande l'affichage de la version anglaise uniquement.

  2   C'est toujours Boljkovac qui parle. Nous l'avons vu au début de la réunion

  3   lorsqu'il disait que les Serbes ne seraient plus ce qu'ils étaient par le

  4   passé, mais manifestement, ce n'était pas un homme qui était favorable à la

  5   guerre. Je demande l'affichage de la version anglaise de ce texte.Voici ce

  6   qu'il dit :

  7   "Les Serbes et la Yougoslavie étaient attaqués, pas la Croatie."

  8   Dit-il.

  9   "Dans une interview exclusive, Josip Boljkovac, ministre de

 10   l'Intérieur de Franjo Tudjman, a admis que les dirigeants croates avaient

 11   lancé des attaques planifiées contre les Serbes de Croatie en 1991 afin de

 12   faire démarrer la guerre. 'Tudjman souhaitait la guerre à tout prix selon

 13   l'idée que les Serbes devaient disparaître de Croatie,'" a dit Boljkovac.

 14   Et ceci se fondait sans doute sur ce que Tudjman avait déjà fait.

 15   Regardons ce qu'il en est un peu plus bas dans le texte :

 16   "Les dirigeants croates souhaitaient la guerre à tout prix."

 17   Est-ce que vous avez tenu compte du fait qu'une guerre civile et les

 18   événements qui ont lieu dans une guerre civile sont déterminés par la

 19   nature civile de la guerre et que nous devons nous interroger quant à

 20   l'identité de ceux qui souhaitaient la guerre et nous demander si la guerre

 21   aurait pu être évitée ?

 22   R.  Mais de quelle publication vient ce texte ? Excusez-moi, je ne vois pas

 23   le titre de la publication --

 24   Q.  Ce document est tiré d'internet, un site dont le nom est Mondo --

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Par simple curiosité, Monsieur Karadzic,

 26   pourquoi est-ce que la version anglaise et la version B/C/S présentent des

 27   images différentes et que dans les deux cas, ce n'est pas la même adresse

 28   internet qui est citée ? Dans un cas, l'adresse est celle de Mondo, et dans

Page 3265

  1   l'autre, "Oslobodjenje."

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce document a été montré dans le cadre du

  3   journal Sudwest [phon] qui paraît à Frankfort, ensuite ceci a été repris

  4   par toutes les agences de presse, résumé, abrégé, mais les principaux

  5   passages du texte sont présents dans toutes les parutions. Je peux vous

  6   donner lecture de la version serbe, si vous le souhaitez, ou de la version

  7   anglaise :

  8   "Pendant son témoignage, Glavas m'a accusé de le persécuter parce qu'il

  9   avait détruit le pont d'Osjek sur la Drava. Il a prétendu qu'il avait

 10   détruit ce pont pour protéger la ville contre la JNA, et j'ai répondu et

 11   déclaré qu'à l'époque, la JNA était l'armée régulière d'un Etat

 12   internationalement reconnu, alors que la Croatie, qui n'était pas reconnue,

 13   faisait partie de la Yougoslavie. Puis j'ai expliqué qui avait commencé les

 14   affrontements armés dans cette partie de la Slavonie."

 15   Cette interview a été publiée et a ensuite été reprise par différentes

 16   agences de presse pour paraître dans différentes médias, mais sur le fond,

 17   nous voyons que M. Boljkovac a confirmé que c'est la Croatie qui voulait la

 18   guerre, et je vous demande si vous avez tenu compte de cela en rédigeant

 19   votre rapport.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'avais encore jamais vu cet article.

 21   Apparemment, c'est une interview qui a été accordée en 2009, n'est-ce pas ?

 22   Oui. Je suppose que je n'aurais pas su quoi en faire, parce qu'il apparaît

 23   que dans cette interview, il est fait référence à un certain témoignage

 24   pendant un procès dans lequel l'homme en question témoignait devant un

 25   ancien maire, et ceci aurait pu avoir influencé son propos.

 26   Disons que ce qu'on peut lire ici ne correspond pas à l'exigence dont

 27   je fais preuve dans le choix des critères établissant la fiabilité d'un

 28   document. Je ne saurais l'affirmer toutefois sans vérifier les choses de

Page 3266

  1   façon un peu plus approfondie.

  2   Alors, est-ce que j'ai tenu compte de ce document en rédigeant mon

  3   rapport ? Non.

  4   Q.  Merci. Bien, est-ce que cela signifie que je devrais avoir des réserves

  5   par rapport à votre déposition, parce que vous témoignez pour l'Accusation

  6   ?

  7   R.  Bien, je suppose que vous avez de nombreuses raisons d'avoir des

  8   réserves sur ma déposition. Je m'attends à ce que vous en ayez. Je témoigne

  9   ici après y avoir été invité par le bureau du Procureur et sur mandat du

 10   Procureur qui m'a chargé d'établir mon rapport. Je ne dirais pas que je

 11   témoigne pour le Procureur.

 12   Q.  Je vous remercie. Mais, Monsieur Donia, répondez par oui ou par non. Je

 13   vous pose ma question : saviez-vous qu'Izetbegovic et Tudjman ont reconnu

 14   avoir consciemment opté pour la guerre ?

 15   R.  Je pense que le fait que Tudjman ait prononcé une telle déclaration est

 16   établi, voyez-vous. J'aurais besoin de relire la déclaration d'Izetbegovic

 17   pour vous dire qu'il a exactement affirmé ce que vous venez de dire, à

 18   savoir qu'il aurait consciemment opté pour la guerre. Je ne pense pas qu'il

 19   l'ait dit en termes parfaitement explicites. Encore une fois, si vous

 20   pouviez me montrer un document dans lequel ceci est écrit, j'aurais grand

 21   plaisir à le reconnaître.

 22   Q.  Merci. Je vous montrerai un document qui reprend ses propos et où nous

 23   voyons qu'il a dit : "Nous aurions pu nous passer de la guerre, mais dans

 24   ce cas, nous aurions dû rester dans le giron de la Yougoslavie." Il a dit

 25   cela à la télévision de Sarajevo le 15 février. Je cite :

 26   "Nous avons fait notre choix. Nous aurions facilement pu agir autrement. Le

 27   prix que nous avons dû payer a été élevé, mais il devait être payé. Si

 28   c'est moi à qui il faut reprocher cela, dans ce cas, ce n'est pas Karadzic

Page 3267

  1   qui devrait me le reprocher. Nous aurions pu éviter ce conflit si nous

  2   étions demeurés unis dans le cadre de la Yougoslavie, mais nous voulions

  3   l'indépendance. Vers la fin de l'année 1991, nous avons créé la Ligue

  4   patriotique afin de préparer la guerre."

  5   Et cetera. Cette déclaration de sa part est présente également dans

  6   de nombreux autres textes, comptes rendus et procès-verbaux, mais enfin,

  7   nous y reviendrons plus tard.

  8   A présent, j'aimerais que nous établissions un lien entre ceci et la

  9   proposition qui a été examinée par le parlement fédéral afin de trouver un

 10   chemin légal vers la sécession. Vous avez dit ne pas être au courant. En

 11   fait, une loi était en préparation, loi qui était destinée à permettre une

 12   sécession légale. Est-ce que vous voyez ce texte maintenant ? Le parlement

 13   fédéral prépare une voie légale à la sécession. Tudjman et Izetbegovic

 14   éludent cette possibilité afin d'entrer en guerre. Pourquoi est-ce que ceci

 15   n'est pas évoqué dans vos rapports, le fait qu'ils voulaient la guerre ?

 16   R.  Même sans avoir vu le document, la citation dont vous venez de donner

 17   lecture est contestable, car M. Izetbegovic n'a pas dit exactement ce que

 18   vous venez de lire, à savoir qu'il a consciemment opté pour la guerre. Il a

 19   parlé de préparation à la guerre, mais il n'a pas dit qu'il avait

 20   consciemment opté pour la guerre. Donc ce qui vient d'être dit il y a

 21   quelques instants était une déformation de votre fait du contenu réel de la

 22   citation. C'est la raison pour laquelle je vous demande de me montrer des

 23   documents dans lesquels ces mots seraient écrits, les mots que vous

 24   prétendez qu'il a prononcés ou dont vous dites qu'ils auraient été

 25   prononcés. 

 26   Je pense que j'ai expliqué qu'un très grand nombre de facteurs étaient

 27   intervenus et un grand nombre de déclarations ont été faites par les

 28   différentes parties en présence, dont j'ai repris certains et certaines

Page 3268

  1   dans mes rapports. Je pense vous avoir présenté, par exemple, l'information

  2   selon laquelle la création de la Ligue patriotique et du Conseil de la

  3   Défense nationale du SDA avait eu lieu. Je considère ce facteur comme un

  4   facteur important dans la préparation de la guerre et dans le chemin qui a

  5   mené à la guerre, et je me suis efforcé, dans une certaine mesure en tout

  6   cas, de décrire comment le gouvernement de Bosnie-Herzégovine avait

  7   procédé.

  8   Mais ces éléments ne figurent pas parmi les éléments les plus

  9   importants que j'ai choisi de citer pour analyser l'origine de la guerre.

 10   Je crois que ces éléments ne sont pas totalement représentatifs de la

 11   politique qui était appliquée. Ils n'illustrent certainement pas la

 12   présence d'un désir conscient de guerre. Je ne pense pas que quiconque

 13   avait un désir conscient et délibéré de lancer la guerre jusqu'à la toute

 14   dernière minute. Je ne le crois pas.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande le versement au dossier de

 16   cette interview de Josip Boljkovac.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin n'a rien confirmé quant à la

 18   teneur de ce document.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, très bien. Nous y reviendrons à un moment

 20   ultérieur.

 21   Affichage, je vous prie, du document 1D1408. A partir de 13 heures 35.

 22   C'est une vidéo.

 23   [Diffusion de la cassette audio]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Parce que nous avons dit que si la Yougoslavie ne se démantelait pas

 26   pacifiquement, il y aurait une guerre civile d'enfer. Toutefois, elle s'est

 27   séparée d'une façon qui ne serait pas pacifique. Et les choses ont éclaté

 28   suite à la déclaration unilatérale d'indépendance de la Slovénie et de la

Page 3269

  1   Croatie, et suite au fait que ces deux pays, ces deux républiques, se sont

  2   emparées de leurs postes-frontières, ce qui constituait un acte de violence

  3   et un acte qui s'est accompli en violation des principes de Helsinki. Mais

  4   les puissances européennes et les Etats-Unis ont fini par reconnaître la

  5   Slovénie, puis la Croatie et la Bosnie en tant que pays indépendants et les

  6   ont admis au sein des Nations Unies. Le vrai problème réside dans le fait

  7   qu'il s'est agi d'une déclaration d'indépendance unilatérale et d'un

  8   recours à la force destiné à obtenir l'indépendance, plutôt qu'à procéder à

  9   des négociations pacifiques menant à l'indépendance, ce qui est la façon

 10   dont les choses auraient dû se passer."

 11   [Fin de la diffusion de cassette audio]

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Est-ce que vous reconnaissez la personne qui parle ?

 14   R.  Oui. C'est le secrétaire d'Etat américain, James Baker.

 15   Q.  Il était secrétaire d'Etat à l'époque, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui. Il était secrétaire d'Etat à l'époque des reconnaissances

 17   d'indépendance, je crois.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on voie les images

 19   qui démarrent au point horaire 46:17. Un autre haut responsable américain

 20   parle.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Lorsque nous avons fini par reconnaître les indépendances, l'une des

 24   raisons pour lesquelles nous l'avons fait c'était que ce problème était

 25   devenu un problème politique majeur pour nous ici, un problème interne.

 26   Nous avons une Communauté croate particulièrement importante, et M. Bush a

 27   beaucoup perdu aux élections en raison du fait qu'un mécontentement

 28   existait quant à notre reconnaissance tardive de la Croatie.

Page 3270

  1   Alors que les actions des Allemands menaient à la sécession armée…"

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Donc vous voyez que c'était une question purement politique, une

  4   question politique interne qui avait un rapport avec les élections, et que

  5   M. Eagleburger est conscient du fait que ce qui a été fait a été fait

  6   illégalement ?

  7   R.  Non, je ne serais pas d'accord avec ce que vous venez d'affirmer à

  8   l'instant. Tout d'abord, il y a des extraits très soigneusement choisis des

  9   déclarations de ces hommes qui ont été faites. Comme je l'ai indiqué, ce

 10   sont des personnalités publiques très connues qui sont intervenues dans la

 11   crise, et les extraits de leurs propos ont été délibérément choisis

 12   apparemment dans cette vidéo pour marquer un point particulier, ce qui

 13   signifie, à mon avis, que ce film n'est qu'un film de propagande serbe.

 14   La déclaration faite à l'instant, je pense que vous voyez où réside le

 15   problème, la déclaration selon laquelle la politique américaine, telle

 16   qu'elle était représentée par l'ambassadeur à Belgrade, n'avait qu'un lien

 17   très limité avec des considérations de politique intérieure. La position

 18   américaine à l'époque était très semblable à celle qui avait été défendue

 19   par Baker lors de sa visite à Belgrade en juin 1991. A ce moment-là, il

 20   avait déclaré être très favorable à la conservation de la Yougoslavie, et

 21   les transformations qui se sont produites dans les quelques mois suivants

 22   ont fait naître un doute dans l'esprit des responsables politiques

 23   américains quant à l'opportunité d'agir dans ce sens.

 24   Donc je n'admets pas la façon dont vous décrivez les choses. Je ne pense

 25   pas que ce soit exactement ce qu'il est dit, et je ne reconnaîtrais que les

 26   mots prononcés par lui.

 27   Q.  Laissons de côté la politique intérieure américaine et laissons de côté

 28   le fait de savoir si politiquement, ce qui a été fait était bon ou pas.

Page 3271

  1   Mais James Baker a déclaré que tout ceci était illégal, parce que c'était

  2   unilatéral et que cela passait par un recours à la violence, le fait de

  3   démanteler le pays et de changer ses frontières garanties par l'acte final

  4   d'Helsinki ainsi que les constitutions des républiques et de la RSFY. Donc

  5   n'a-t-il pas confirmé ici que tout cela était illégal ? Pour vous, c'est de

  6   la propagande serbe ?

  7   R.  Il a défendu cette opinion.

  8   Q.  Je vous remercie.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ces

 10   extraits de la vidéo. Le numéro des deux extraits est le même, mais le

 11   curseur temps est situé à un endroit différent.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il n'y a pas d'objection de la part de

 13   l'Accusation, donc les deux vidéos sont admises.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièces D252 et D253

 15   respectivement, Monsieur le Président.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Je vais vous demander ceci, Monsieur Donia. Le 17 mai 1990, l'armée

 19   yougoslave avait placé sous contrôle les armes de la Défense territoriale,

 20   et êtes-vous d'accord avec moi pour dire que ça a été fait de façon légale,

 21   parce que - là, vous avez été d'accord - mais est-ce que vous ne pensez pas

 22   que ça s'était fait par peur de voir les républiques sécessionnistes créer

 23   des armées qui leur seraient propres ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que les républiques avaient le droit de créer leurs propres

 26   armées ?

 27   R.  Elles avaient le droit d'avoir leurs forces territoriales, des forces

 28   de police, des forces de réserve de la police, mais ces républiques

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  1   n'avaient pas le droit de constituer une nouvelle armée qui soit distincte,

  2   à ma connaissance, mais ces républiques avaient beaucoup d'effectifs

  3   militaires à leur disposition, quand tout ceci a commencé.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer le 1D36,

  5   maintenant, je vous prie.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  En attendant, Monsieur Donia, vous souvenez-vous du fait

  8   qu'Izetbegovic, très tôt déjà, au printemps 1991, a déjà dit qu'il allait

  9   sacrifier la paix à une Bosnie souveraine et qu'il ne sacrifierait pas la

 10   souveraineté de la Bosnie-Herzégovine en échange de la paix ? Vous

 11   souvenez-vous de ces propos ?

 12   R.  Une fois de plus, je voudrais voir ce document. Pourriez-vous me dire

 13   quelle en est l'origine ?

 14   Q.  C'est une transcription de la session du Parlement conjoint de la

 15   Bosnie-Herzégovine, et je crois que ça s'est passé au mois de février 1991.

 16   C'est une déclaration très importante et dramatique qui a été publiée au

 17   grand étonnement de tout un chacun, partout. Est-ce que vous avez fait état

 18   de cette déclaration dans le rapport que vous avez rédigé ? Il s'agit du 27

 19   février 1991, un mois à peine après la création d'un gouvernement conjoint.

 20   R.  Je pense que c'est une traduction partielle d'une citation qui l'est

 21   aussi. Vous me donnez une minute pour examiner ce texte ou vous me donnez

 22   tout le texte juste avant le moment où on dit qu'il y a eu des

 23   applaudissements. Mais est-ce vraiment le reflet de toute la déclaration de

 24   ce que l'intervenant a dit, je ne pense pas que ce soit le cas. Ça n'en a

 25   pas l'air.

 26   Q.  Mais la transcription tout entière, c'est énorme comme texte. Il s'agit

 27   de la quatrième session conjointe. Ce n'est que la quatrième session de ce

 28   nouveau Parlement démocratiquement élu, et ça existe dans le EDS. Si vous

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  1   voulez, on a les numéros de page et on peut vous fournir le transcript tout

  2   entier mais ça, c'est ce qu'il a dit. La variante en langue serbe, c'est la

  3   transcription originale.

  4   Il a dit :

  5   "Il a parlé de ces deux moments qu'il a évoqués, à savoir la Bosnie

  6   souveraine et intégrale et une voie pacifique pour y aboutir n'ont pas la

  7   même valeur à mes yeux. En raison la Bosnie souveraine, je sacrifierais

  8   volontiers la paix, mais je ne sacrifierais pas une Bosnie souveraine pour

  9   avoir la paix."

 10   R.  Poursuivez.

 11   Q.  Non. Moi, je vous parle de ce qu'il a déclaré, lui. Alors, est-ce que

 12   vous avez eu conscience du fait qu'au mois de février 1991 déjà, il avait

 13   d'ores et déjà dit qu'à tout prix, au prix du sacrifice de la paix, il

 14   irait vers la souveraineté de la Bosnie ? C'est le P969 de l'Accusation.

 15   R.  Je vous demande simplement de lire une phrase de plus pour avoir la

 16   totalité de la déclaration. Je ne demande pas la totalité du procès-verbal

 17   ni même la totalité de son intervention. Parce que vous vous êtes arrêté en

 18   milieu de phrase, dans la citation, je vous demande de la terminer, cette

 19   citation. C'est tout.

 20   Q.  Je ne le vois pas très bien. Il dit :

 21   "De même, parce que cela aussi --" donnez-moi un instant.

 22   Il dit :

 23   "De même, parce que cela aussi fait l'objet de polémiques. Pour ce qui est

 24   de l'échelle de valeurs, la Yougoslavie, si je devais choisir, pour moi

 25   c'est d'abord la Bosnie-Herzégovine, ensuite la Yougoslavie. Il en est

 26   ainsi pour moi, à mes yeux."

 27   Mais l'élément que je voulais mettre en vigueur, c'était non pas la Bosnie

 28   ou la Yougoslavie, c'était la Bosnie ou la paix.

Page 3274

  1   R.  Mais moi, ce que je dis, c'est qu'on ne peut pas tirer une phrase de

  2   son contexte. C'est une déclaration qui, je pense, est une déclaration

  3   complète, laquelle montre qu'il y a un équilibre entre ces deux facteurs,

  4   parce que si on lit la première partie uniquement, on ne voit pas cet

  5   équilibre entre ces deux facteurs.

  6   Il me semble important de lire la totalité de la déclaration replacée dans

  7   le contexte, parce qu'il essaie de trouver une façon de dire quelque chose

  8   et il montre qu'il est vraiment déterminé à respecter d'abord la Bosnie en

  9   mettant à la deuxième place la Yougoslavie, mais il veut parler aussi des

 10   rapports entre la guerre et la souveraineté.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, l'audience va être

 12   levée. Il est 19 heures.

 13   Monsieur Donia, est-ce que vous pouvez consulter ces procès-verbaux à

 14   l'hôtel ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parce qu'on a ici le 17 février 1991.

 17   Vous aurez peut-être, d'ici à demain, le temps de relire ce texte.

 18   Je voudrais évoquer quelques points, rapidement. Monsieur Tieger, vous

 19   aviez demandé que dans la semaine du 21, on ait des audiences plus longues,

 20   et j'ai vu qu'il y avait certaines Chambres,  certaines salles d'audience

 21   qui ne sont pas occupées. Si c'est nécessaire, c'est tout à fait faisable,

 22   et nous vous dirons par le truchement du greffe qu'il faudra éventuellement

 23   réserver cette salle d'audience cette semaine-là.

 24   Puis la Défense avait formulé une demande. Elle demandait la présence de

 25   l'expert lorsque viendra l'expert de l'Accusation. Sous réserve de la

 26   décision que nous allons rendre sur une requête qui n'est pas encore

 27   tranchée, la demande de la Défense est conforme à la pratique du Tribunal,

 28   et en vertu de nos lignes directrices, nous faisons droit à cette demande.

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  1   Je précise que l'Accusation n'avait pas présenté d'objection.

  2   Nous allons lever l'audience. Nous reprendrons en salle III, demain, à 14

  3   heures 15.

  4   --- L'audience est levée à 19 heures 04 et reprendra le jeudi 3 juin 2010,

  5   à 14 heures 15.

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