Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 21 juin 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Un point doit être discuté ce matin avant le début de nos débats.

  7   La Chambre voudrait en effet évoquer le problème de la durée du contre-

  8   interrogatoire de M. John Wilson avant le début de la déposition ce témoin.

  9   Monsieur Karadzic, nous avons remarqué qu'au début de la présentation des

 10   moyens de l'Accusation nous n'avons pas parlé de l'estimation venant de

 11   vous quant à la durée considérée comme nécessaire dont vous auriez besoin

 12   pour contre-interroger le témoin suivant de l'Accusation, et la Chambre

 13   peut être amenée à envisager d'imposer des limites de temps à ce contre-

 14   interrogatoire.

 15   Depuis ce moment-là, nous vous avons fait bénéficier d'une très grande

 16   latitude s'agissant du temps que vous consacriez au contre-interrogatoire.

 17   Ce faisant, nous avons reconnu que vous n'aviez pas encore l'expérience de

 18   tels contre-interrogatoires et qu'une telle latitude était donc nécessaire.

 19   La Chambre vous a également dispensé des conseils quant à la façon

 20   d'aborder les contre-interrogatoires, à la façon de formuler les questions

 21   que vous adressez aux témoins, à la nécessité de cesser de formuler des

 22   commentaires, et à la nécessité de cesser de lire de longs passages de

 23   documents aux témoins, et en plusieurs occasions, la Chambre vous a

 24   encouragé à vous concentrer sur des éléments plus pertinents des questions

 25   que vous aviez à poser et en particulier sur les charges qui pèsent contre

 26   vous.

 27   La Chambre ayant estimé que l'estimation de temps que vous aviez donnée

 28   pour l'audition du témoin précédent, M. Richard Philipps, était

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  1   déraisonnable, a décidé qu'il était nécessaire de limiter vos contre-

  2   interrogatoires à cinq heures, ce qui s'avèrera très certainement une durée

  3   suffisante.

  4   Compte tenu de l'expérience acquise au jour d'aujourd'hui, la Chambre a

  5   décidé qu'il était désormais nécessaire et justifié d'établir à l'avance la

  6   durée du contre-interrogatoire de chaque témoin. Toutefois, la Chambre

  7   souligne que cette décision est due à des motifs liés au temps de travail

  8   de la Chambre et qu'elle n'est en aucun cas considérée comme une sanction.

  9   En fixant le temps dont vous disposerez, nous faisons remarquer que c'est

 10   une pratique courante dans les affaires jugées par ce Tribunal et que cette

 11   démarche doit être appliquée régulièrement en tenant compte de la nécessité

 12   d'une équivalence du temps imparti à chacune des parties pour ses

 13   interrogatoires et contre-interrogatoires. Toutefois, compte tenu de votre

 14   statut, étant donné que vous êtes un accusé qui assure lui-même sa défense,

 15   et compte tenu de la grande importance des témoins entendus au titre de

 16   l'article 92 ter du Règlement dans la présentation des moyens de

 17   l'Accusation, nous allons nous-mêmes proposer notre évaluation en tenant

 18   compte d'un certain nombre d'éléments.

 19   D'abord et avant tout, nous tiendrons compte de votre estimation du temps

 20   dont vous avez besoin pour l'audition de ce témoin. Les autres éléments que

 21   nous allons prendre en compte sont les suivants : l'estimation du temps de

 22   l'interrogatoire principal présenté par l'Accusation, l'importance de la

 23   déposition attendue de ce témoin, la nature du témoin, qui sera en grande

 24   partie un témoin 92 ter, le nombre et la nature des éléments de preuve

 25   écrits présentés par le témoin, le nombre de pièces à conviction associées

 26   soumises aux témoins, et la durée ainsi que l'ampleur du contre-

 27   interrogatoire dans des affaires précédentes.

 28   La Chambre s'efforcera de vous informer en temps utile, de façon à ce que

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  1   vous ayez une idée du temps qui vous sera imparti suffisamment à l'avance,

  2   pour chacun des témoins qui sera entendu par ce Tribunal, et vous serez

  3   donc informé en général sept jours à l'avance.

  4   En établissant des contraintes de temps, nous continuons à penser que nous

  5   pourrons vous accorder du temps supplémentaire au cas par cas si votre

  6   demande est estimée raisonnable par la Chambre, votre demande de temps

  7   supplémentaire, dès lors que celle-ci sera convaincue que votre contre-

  8   interrogatoire a été efficace de façon générale et que les éléments de

  9   preuve que vous cherchez à obtenir sont pertinents en l'espèce.

 10   Ceci étant dit, et suite à l'examen des éléments susmentionnés, nous avons

 11   décidé que vous disposerez de sept heures pour le contre-interrogatoire de

 12   M. John Wilson.

 13   S'agissant maintenant des questions de calendrier, nous siégerons

 14   aujourd'hui, demain et après-demain pour trois séances de 90 minutes, qui

 15   sont la première séance de 9 heures à 10 heures 30, la deuxième séance de

 16   11 heures à 12 heures 30, et la troisième de 13 heures 30 à 15 heures.

 17   On peut faire entrer le témoin.

 18   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 19   Avant tout, je tiens à présenter une requête orale au sujet d'une violation

 20   de l'article 68 du Règlement, et je crois que ceci sera notre troisième

 21   requête au motif d'une violation des règles de la communication. Cette

 22   requête concerne les éléments que nous venons de recevoir pour le témoin

 23   qui va être entendu aujourd'hui, à savoir M. John Wilson.

 24   Il serait peut-être plus facile si je vous communiquais par courrier

 25   électronique ou par d'autres moyens les deux documents qui sont concernés,

 26   mais quoi qu'il en soit, le 17 juin, nous avons reçu deux documents de

 27   l'Accusation dont celle-ci affirmait qu'il s'agissait potentiellement de

 28   documents relevant de l'article 68, mais ces documents n'avaient pas été

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  1   communiqués en application de l'article 70, et ces deux documents, à mon

  2   avis, constituent des documents relevant de l'article 68. Un document --

  3   ces deux documents d'ailleurs c'est le témoin qui en est l'auteur. L'un de

  4   ces documents est un mémo dans lequel il déclare que Mladic ne suit pas

  5   toujours les directives politiques. Et dans l'autre document, qui est une

  6   évaluation des intentions des différentes armées à un certain moment dans

  7   le temps, il déclare que la partie musulmane pourrait estimer nécessaire de

  8   lancer une offensive en vue d'obtenir une intervention étrangère. Ces deux

  9   questions sont, à notre avis, des questions cruciales en l'espèce, et ces

 10   documents auraient dû nous être communiqués à temps, en tout cas, davantage

 11   dans les délais, c'est-à-dire le plus tôt possible, ce qui n'est

 12   certainement pas la veille de la déposition d'un témoin.

 13   Le Dr Karadzic n'a pas eu la possibilité d'examiner ces documents jusqu'à

 14   présent en raison de la communication tardive, donc nous demandons, pour

 15   remédier à cela, qu'il se voit accorder un temps supplémentaire pour son

 16   contre-interrogatoire afin de traiter de cette communication tardive des

 17   documents.

 18   Voilà ce que j'avais à dire pour le moment. Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puis-je vous demander précision ce que

 20   vous entendez par "se voir accorder un temps supplémentaire pour le contre-

 21   interrogatoire" ?

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Nous aimerions un certain temps après

 23   l'interrogatoire principal de l'Accusation, avant que le Dr Karadzic ne

 24   commence son contre-interrogatoire pour qu'il puisse examiner et assimiler

 25   ces documents, le cas échéant, et les intégrer à son contre-interrogatoire.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il y aurait des difficultés à

 27   commencer le contre-interrogatoire directement ?

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Peut-être serait-il préférable qu'il puisse

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  1   examiner les documents.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous examinerons la question en temps

  3   utile.

  4   Faisons entrer le témoin.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire quelques mots ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] D'abord, eu égard à ces documents, il y a un

  8   certain nombre de documents auxquels l'Accusation s'intéresse, et on m'a

  9   communiqué un grand nombre de documents la semaine dernière, documents qui

 10   m'intéressent, donc je n'ai pas eu le temps de les examiner à fond.

 11   Alors, s'agissant maintenant des consignes et des instructions de la

 12   Chambre, j'apprécie grandement toutes les propositions et suggestions

 13   venant de la Chambre, mais mon problème avec le témoin c'est que les

 14   témoins sont en général partiaux et font des narrations très longues. Ils

 15   répondent à une question de moi, mais ajoutent ensuite un "mais" avant de

 16   poursuivre, donc je dois contester les éléments supplémentaires qu'ils

 17   déclarent. J'aimerais demander à la Chambre de première instance de me

 18   protéger à cet égard. Lorsque je demande une réponse, je ne souhaite pas

 19   que le témoin se conduise comme un substitut du Procureur. Il y a des

 20   témoins qui ont été trompés par l'Accusation et qui déclarent qu'ils ont

 21   des griefs contre moi. Donia l'a fait également. Il s'est battu bec et

 22   ongles pour présenter l'Accusation sous un bon jour, et j'ai donc dû lui

 23   présenter de nouveaux documents lorsque la nécessité s'est présentée

 24   pendant le contre-interrogatoire et la déposition de ce témoin, et c'est le

 25   cas pour d'autres témoins du même genre.

 26   Donc si je pouvais compter sur votre protection lorsque je dis "merci", et

 27   que cela suffise, que la réponse du témoin s'arrête là, ce serait une

 28   protection pour moi que d'empêcher le témoin de poursuivre. Merci.

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  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, j'apprécie vos

  2   préoccupations. Tous les accusés ont les mêmes préoccupations. Mais soyez

  3   assuré que l'une des missions de la Chambre de première instance, composée

  4   de Juges expérimentés, consiste à filtrer toute partialité ou tout préjugé

  5   de la part d'un témoin. Cela fait partie de la recherche d'équité accomplie

  6   par la Chambre.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   Peut-on enfin faire entrer le témoin.

  9   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Général.

 11   Je vous prierais de prononcer la déclaration solennelle.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai

 13   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 14   LE TÉMOIN : JOHN WILSON [Assermenté]

 15   [Le témoin répond par l'interprète]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez vous asseoir confortablement,

 17   je vous prie.

 18   Madame Sutherland, veuillez procéder.

 19   Interrogatoire principal par Mme Sutherland :

 20   Q.  [interprétation] Bonjour. Je vous prierais de décliner vos noms et

 21   prénoms.

 22   R.  Je m'appelle John Brian Wilson.

 23   Q.  Vous êtes un général de brigade à la retraite au sein des forces

 24   australiennes ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Vous avez déjà témoigné les 17 et 18 mai 2005 dans l'affaire Perisic,

 27   ainsi que le 3 novembre 2008; c'est bien cela ?

 28   R.  C'est exact.

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  1   Q.  Après votre déposition, une déclaration a été recueillie auprès de vous

  2   qui rassemble les éléments de preuve issus de vos derniers témoignages et

  3   de vos déclarations avec ajout de quelques observations complémentaires et

  4   de références supplémentaires par rapport à certains documents, n'est-ce

  5   pas ?

  6   R.  C'est exact.

  7   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Avec l'autorisation des Juges de la

  8   Chambre, j'aimerais maintenant poursuivre dans le cadre des consignes que

  9   l'on trouve à l'article 92 ter du Règlement.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie.

 11   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 12   Q.  Le 26 mars 2009, vous avez signé une déclaration de témoin amalgamée en

 13   apportant des corrections manuscrites aux paragraphes 49 et 82.

 14   Je demanderais l'affichage du document 65 ter numéro 22293, Monsieur le

 15   Greffier.

 16   Est-ce bien votre signature qu'on voit au bas de la page 1 ?

 17   R.  Oui.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vous demanderais maintenant de vous

 19   rendre en page 2 dont je demande l'affichage.

 20   Q.  C'est bien vos initiales que l'on voit au bas de la page ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Comme de toutes les autres pages de cette déclaration ?

 23   R.  Oui.

 24   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande à présent l'affichage de la

 25   dernière page, page 37 de ce document.

 26   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce bien votre signature que l'on voit sous la

 27   partie imprimée où il est question du témoin ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Est-ce que vous avez eu la possibilité de relire la déclaration signée

  2   par vous le 26 mars 2009 ainsi que les éléments de preuve qui y sont

  3   évoqués ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Il y a deux corrections, n'est-ce pas, que vous souhaitez apporter ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  La première correction est due à une faute de frappe ?

  8   Et à cet égard je demande l'affichage de la page 18 de la déclaration du

  9   témoin.

 10   C'est une faute de frappe dans la date de la première phrase du paragraphe

 11   76, au lieu du "29 mai 1995", il convient de lire "29 mai 1992", n'est-ce

 12   pas ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande à présent l'affichage de la

 15   page 23, Monsieur le Greffier.

 16   Q.  La deuxième correction que vous souhaitez apporter concerne le

 17   paragraphe 91 de votre déclaration. Première phrase, là où il est écrit "le

 18   même jour" il convient de lire "le jour suivant", n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Avec ces corrections, confirmez-vous que votre déclaration amalgamée

 21   rend fidèlement compte de la déposition qui est la vôtre et que vous

 22   apporteriez les mêmes réponses aux questions si celles-ci vous étaient

 23   posées aujourd'hui, réponses que vous apporteriez sous serment ?

 24   R.  Oui.

 25   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 26   versement au dossier de la déclaration amalgamée du témoin qui constitue le

 27   document 65 ter numéro 22293.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

  2   pièce P1029.

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] A présent, Monsieur le Président, Madame,

  4   Messieurs les Juges, je m'apprête à donner lecture du résumé de la

  5   déposition du témoin.

  6   Le témoin, le général John Wilson, est un officier de carrière à la

  7   retraite de l'armée australienne, avec 34 d'années de service. Pendant sa

  8   carrière, il a occupé un certain nombre de postes de commandement dans

  9   l'armée australienne. Il a été déployé au Vietnam et en Malaisie et a

 10   participé aux missions des Nations Unies au Liban et à Jérusalem.

 11   Le général Wilson a été détaché auprès des Nations Unies dans l'ex-

 12   Yougoslavie pendant les années 1992 et 1993, où il a occupé un certain

 13   nombre de postes. En janvier et février 1992, en tant que responsable des

 14   officiers de liaison militaire des Nations Unies au sein de la mission de

 15   liaison militaire des Nations Unies dans l'ex-Yougoslavie, OLMNU, il a

 16   participé aux négociations relatives au déploiement de la FORPRONU dans

 17   l'ex-Yougoslavie. A partir de mars 1992, il a été le chef des observateurs

 18   militaires des Nations Unies qui faisaient partie de la mission de la

 19   FORPRONU en Bosnie-Herzégovine. En cette qualité, il a participé à diverses

 20   négociations de haut niveau avec des représentants politiques et militaires

 21   des factions belligérantes et, notamment, à des négociations destinées à

 22   évacuer la caserne de la JNA a Sarajevo, à des négociations destinées à

 23   ouvrir l'aéroport de Sarajevo, à des négociations destinées à évacuer la

 24   JNA de Dubrovnik et à des négociations destinées à mettre en œuvre l'accord

 25   d'exclusion aérienne de la Bosnie. En décembre 1992, le général Wilson est

 26   devenu conseiller militaire auprès de Cyrus Vance, de Lord Owen et, plus

 27   tard, de M. l'Ambassadeur Stoltenberg à la conférence internationale pour

 28   l'ex-Yougoslavie, où il a également agi en qualité d'officier de liaison de

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  1   la FORPRONU dans le cadre de la conférence. Il a continué à occuper ces

  2   positions jusqu'en décembre 1993.

  3   La déposition écrite du général Wilson décrit le déploiement des

  4   observateurs militaires des Nations Unies en Bosnie ainsi que le travail

  5   qu'eux et lui ont accompli, les observations relatives aux pilonnages et

  6   aux tirs embusqués visant des civils à Sarajevo, tirs dus à des forces

  7   bosno-serbes, les descriptions de rapports qu'il recevait au sujet du

  8   nettoyage ethnique en Bosnie orientale, des descriptions des négociations

  9   auxquelles il a participé, et des contacts qu'il a pu avoir avec des

 10   représentants des diverses parties engagées dans le conflit, y compris

 11   l'accusé Radovan Karadzic, le général Ratko Mladic, Biljana Plavsic,

 12   Slobodan Milosevic et le général Zivota Panic. Il discutera certains de ces

 13   éléments dans sa déposition orale aujourd'hui.

 14   Sa déposition écrite décrit les protestations que Lord Owen a faites

 15   directement auprès des représentants bosno-serbes pendant les négociations

 16   de paix relatives au nettoyage ethnique et aux opérations militaires

 17   dirigées contre la population civile. Le général Wilson se rappelle que la

 18   réaction du Dr Karadzic a généralement consisté à réitérer la nécessité de

 19   défendre le peuple serbe et la nécessité d'établir une république serbe.

 20   Ceci met un point final au bref résumé de la déposition du témoin.

 21   Monsieur le Président, je demande maintenant l'autorisation de la

 22   Chambre de première instance en vue d'ajouter une pièce à conviction à la

 23   liste des pièces 65 ter présentée par celle-ci. Il s'agit du document 65

 24   ter numéro 22854. Ce document est une lettre de protestation datant du 2

 25   juin 1992, écrite par Sefer Halilovic, adressée à la FORPRONU, à

 26   l'attention du colonel Wilson puisqu'il était à l'époque colonel. Ce

 27   document est pertinent, car il y est question de crimes présumés dans la

 28   municipalité de Prijedor. Il a été identifié pendant un examen d'un certain

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  1   nombre de pièces supplémentaires liées au témoin. Il a été communiqué à

  2   l'accusé dès qu'il a été porté à notre attention, c'est-à-dire à la date du

  3   15 juin 2010.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'était l'un des

  5   documents qui faisaient partie de votre dépôt de pièces du 18 juin ?

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ce document

  7   figure en tant que pièce à conviction supplémentaire. C'est le troisième

  8   document avant le dernier de ceux qui figurent sur la notification 92 ter.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Maître Robinson.

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons faire

 12   objection à cette demande. Nous avons un problème avec la communication

 13   tardive de la déposition du témoin, sans être convaincus qu'il y ait eu une

 14   raison justifiant cette communication tardive. Donc objection.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland, la Chambre n'est pas

 17   convaincue des raisons pour lesquelles ce document n'a pas pu être

 18   communiqué plus tôt à l'accusé et, en conséquence de cela, nous ne vous

 19   accordons pas l'autorisation d'ajouter ce document à la liste 65 ter.

 20   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Q.  Général Wilson, vous avez été chef de la mission des observateurs

 22   militaires des Nations Unies du 8 mars 1992 au 15 novembre 1992. Pourriez-

 23   vous expliquer aux Juges de la Chambre, en quelques mots, quel était le

 24   mandat des observateurs militaires des Nations Unies en Bosnie ?

 25   R.  Il y avait environ 75 observateurs militaires lorsque la FORPRONU a été

 26   créée. Leur mission consistait à se déployer dans un certain nombre de

 27   régions de Bosnie-Herzégovine. Ils l'ont été en particulier dans le secteur

 28   de Bihac et dans celui de Mostar, et ceci était dû au fait qu'en vertu du

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  1   plan Vance, qui était à la base du déploiement de la FORPRONU, certaines

  2   préoccupations existaient quant aux tensions ethniques qui s'intensifiaient

  3   dans ces deux régions et qu'il y avait donc nécessité de surveiller ce qui

  4   se passait là, d'où le déploiement des observateurs militaires.

  5   Puis-je continuer ?

  6   Q.  Excusez-moi.

  7   R.  Il est important de se rendre compte qu'à cette époque, alors que la

  8   FORPRONU venait d'être créée, lorsque celle-ci a été déployée en mars 1992,

  9   elle n'avait aucun rôle opérationnel et aucune grande importance en Bosnie.

 10   Elle a été déployée en raison du conflit en Croatie, et c'est seulement

 11   avec le démarrage des hostilités en Bosnie-Herzégovine que la FORPRONU a

 12   obtenu un mandat relatif à la Bosnie et que la Bosnie-Herzégovine est donc

 13   devenue le centre de son action, le centre en tout cas d'un certain nombre

 14   d'observations de la FORPRONU pendant l'année qui a suivie, ou à peu près,

 15   ou les deux ans de ma présence là-bas.

 16   Les observateurs militaires qui faisaient partie de la FORPRONU ont

 17   reçu un certain nombre de modifications de leur mandat pendant l'année

 18   1992, et finalement ils ont été 350 à 400 observateurs militaires dans mon

 19   groupe déployés un peu partout en Bosnie-Herzégovine, mais il y en avait

 20   encore à peu près 60 dans le cadre des forces des Nations Unies présentes

 21   en Croatie.

 22   Q.  Pouvez-vous décrire rapidement les missions et responsabilités de ces

 23   observateurs ?

 24   R.  Les observateurs militaires se divisaient en deux catégories.

 25   Certains étaient sous le commandement direct des commandants de secteur et

 26   d'autres sous mon commandement. Le commandement sous lequel ils se

 27   trouvaient avait pour résultat les hiérarchies auxquelles ils rendaient

 28   compte, mais pour l'essentiel, leur but était de favoriser les

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  1   communications entre les parties, d'obtenir des renseignements et de rendre

  2   compte aux Nations Unies en fournissant leurs bons offices dans

  3   l'accomplissement de toute tâche susceptible d'apporter un concours aux

  4   parties pour résoudre le conflit; par exemple, dans le cadre des échanges

  5   de cadavres ou d'organisation d'escortes et de dispositions à prendre pour

  6   favoriser la distribution de l'aide humanitaire.

  7   Q.  Paragraphe 56 de votre déclaration -- Monsieur le Président, est-ce que

  8   le témoin pourrait avoir un exemplaire papier de sa déposition ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il s'agit de la pièce P1029.

 11   Q.  Dans ce paragraphe 56, vous décrivez les observations personnelles que

 12   vous avez faites lorsque vous avez constaté des pilonnages et des tirs

 13   embusqués dans la ville de Sarajevo dont vous dites qu'ils étaient intenses

 14   et généralisés. Comment avez-vous eu la possibilité de faire cette

 15   constatation ?

 16   R.  Je vivais en fait non loin du bâtiment des PTT dans deux appartements,

 17   donc j'ai pu observer ce qui se passait dans les environs à partir de cet

 18   endroit. Par ailleurs, j'ai habité plus tard dans le bâtiment des PTT et

 19   j'ai travaillé à partir de cet endroit. C'était un bâtiment qui permettait

 20   d'observer largement la ville de Sarajevo, donc vous aviez la possibilité

 21   de voir et d'entendre beaucoup de choses au sujet de ce qui se passait dans

 22   ce quartier de la ville.

 23   Je dois dire qu'en mars, avril et mai 1992, Sarajevo n'était pas un endroit

 24   où on se promenait tranquillement comme le font en général les touristes.

 25   C'était un endroit très dangereux, et lorsqu'on s'y déplaçait, on ne le

 26   faisait que si c'était absolument nécessaire. La majorité des observations

 27   que j'ai faites se limitaient donc au centre-ville et au secteur entourant

 28   le bâtiment des PTT ou les quartiers de Dobrinja, et peut-être le quartier

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  1   de l'aéroport.

  2   Q.  Pouvez-vous rapidement décrire ce que vous avez observé ?

  3   R.  Bien, pendant toute la période où j'étais présent du 22 mars au 24

  4   juin, avec une courte interruption de dix jours, j'ai noté que la ville

  5   était la cible pratiquement constante de tirs d'artillerie. Les tirs qui

  6   étaient le fait de tireurs embusqués étaient très fréquents, et des combats

  7   particulièrement intenses se déroulaient dans certaines zones de la ville.

  8   Mais je dirais qu'une grande partie des activités des opérations militaires

  9   et une grande partie des tirs de mortiers et des tirs d'artillerie

 10   présentaient une distribution aléatoire dans toute la ville. Très peu

 11   nombreuses étaient les zones qui n'avaient pas été endommagées par ce type

 12   de tirs.

 13   Q.  Je voudrais attirer votre attention sur la fin du paragraphe 56 de

 14   votre déclaration où il est indiqué, je cite :

 15   "La plupart du temps, presque tous les jours, pendant les six semaines que

 16   j'ai passées à Sarajevo, les tirs d'artillerie étaient extrêmement nourris

 17   et dirigés pratiquement contre l'ensemble de la ville, donc c'était

 18   généralisé. Les attaques étaient intenses. Et certains jours, elles

 19   duraient jusqu'à 16 heures."

 20   Est-ce que vous pouvez nous proposer un commentaire ou nous indiquer

 21   quelles étaient les forces ou effectifs impliqués dans ces tirs

 22   d'artillerie dirigés sur l'ensemble de la ville ?

 23   R.  Oui, les tirs qui étaient dirigés ainsi contre la ville étaient le fait

 24   presque exclusif des forces serbes qui investissaient la ville. Les forces

 25   de la présidence étaient très peu nombreuses. Elles disposaient de très peu

 26   d'armes lourdes, et donc tout tir d'artillerie ou de mortier dirigé contre

 27   la ville était presque exclusivement le fait des Serbes.

 28   Q.  Très bien --

Page 3917

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, Général. Qu'est-ce que vous

  2   entendez par "les forces de la présidence" ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me réfère aux forces conjointes des

  4   Musulmans et des Croates qui s'efforçaient d'assurer la défense de la ville

  5   et qui étaient commandées par le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine,

  6   sous la direction du président Izetbegovic.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait aussi un grand nombre de

  9   combattants serbes au sein de cet effectif également.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Madame Sutherland.

 11   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 12   Q.  Page 57, je cite, vous dites :

 13   "J'ai participé à des opérations militaires conventionnelles en tant que

 14   soldat, et je n'ai jamais vu des tirs aussi nourris, et notamment jamais

 15   contre des cibles civiles."

 16   Est-ce que vous pourriez nous dire quelle comparaison vous êtes en mesure

 17   de faire ?

 18   R.  Lorsque j'étais jeune officier, j'ai combattu pendant 12 mois en tant

 19   qu'officier d'infanterie, j'ai combattu au Vietnam. Je suis plus tard

 20   intervenu aussi au sud du Liban, lorsque cette partie du territoire du

 21   Liban était occupée par les forces israéliennes, et j'ai été en mesure

 22   d'observer un certain nombre de situations à Beyrouth lorsque j'intervenais

 23   dans le cadre des Nations Unies. Aucune de ces situations ne se

 24   rapprochait, même de loin, par l'intensité des combats qui se déroulaient,

 25   de ce qui s'était passé à Sarajevo pendant les six semaines que j'y ai

 26   passées au début de l'année 1992.

 27   Pour ce qui est de l'artillerie et des tirs de mortiers, ainsi que des tirs

 28   émanant d'autres armes lourdes qui étaient dirigées contre la ville, j'ai

Page 3918

  1   notamment observé le fait que ces tirs étaient aléatoires, généralisés, et

  2   tout à fait injustifiés.

  3   Q.  Quels étaient les forces qui étaient à l'origine de l'intensité de tirs

  4   que vous nous décrivez ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland, juste instant. Est-ce

  6   que vous pourriez relire le paragraphe pertinent de la déposition ?

  7   Paragraphe 57.

  8   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais en donner lecture. Je cite :

 10   "J'ai participé à des opérations militaires régulières en tant que soldat,

 11   et je n'avais jamais vu des tirs aussi nourris, notamment des tirs dirigés

 12   contre des cibles civiles."

 13   Est-ce que c'est bien ce qui est écrit dans votre déclaration ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 17   Q.  Donc, Général, pour être tout à fait clair, quels étaient les effectifs

 18   qui étaient à l'origine de ces tirs si nourris auxquels vous vous référez

 19   dans ce paragraphe ?

 20   R.  La plus grande partie de ces tirs était le fait des forces serbes qui

 21   étaient en train d'investir la ville.

 22   Q.  Au paragraphe numéro 83 de votre déclaration, vous revenez sur la

 23   période s'étendant entre le 14 mai et la fin du mois de juin comme étant

 24   une des périodes pendant lesquelles il y a eu des bombardements quotidiens

 25   quasiment permanents avec de très brèves périodes de répit seulement. Est-

 26   ce que vous vous rappelez les périodes pendant lesquelles les forces serbes

 27   ont attaqué Sarajevo et où ces attaques ont été particulièrement nourries ?

 28   R.  Je me rappelle cette période qui s'étendait entre le 14 mai et qui a

Page 3919

  1   duré trois ou quatre jours, pendant laquelle il y a eu des combats

  2   particulièrement intenses dans le voisinage des postes de

  3   télécommunications à Dobrinja, et Ilidza, et c'était la partie de la ville

  4   que j'étais en mesure d'observer de près, mais j'étais également au

  5   courant, de par le bruit des combats qui nous parvenait, que des combats

  6   intenses se déroulaient dans d'autres parties de la ville. Et ensuite, vers

  7   la fin mai, il y a eu des combats intenses dans la zone de Grbavica [comme

  8   interprété], je crois que c'est comme ça qu'il faut le prononcer, et à

  9   proximité de la caserne du maréchal Tito. Cela s'est prolongé jusqu'au

 10   début du mois de juin. Ensuite, il y a eu une troisième série d'opérations

 11   de combat intenses qui ont commencé immédiatement après que l'accord

 12   concernant l'aéroport a été signé, le jour qui suivait immédiatement la

 13   signature de cet accord. Ces combats ont commencé et se sont poursuivis

 14   jusqu'au 6 juin, et au-delà même, jusqu'à ce que je quitte la ville à la

 15   date du 24 juin. Donc du 14 mai jusqu'au 24 juin. Il y a eu peut-être un ou

 16   deux jours de répit, mais pas plus. A certains moments, le cessez-le-feu

 17   était absolument respecté afin que les parties puissent agir conformément à

 18   leurs intérêts respectifs; par exemple, l'évacuation de la caserne du

 19   maréchal Tito par les forces de la JNA qui étaient présentes s'est faite

 20   dans une situation totalement apaisée.

 21   Q.  Général, est-ce que vous pourriez revenir à la phrase du paragraphe 57

 22   de votre déclaration sur laquelle le Président a attiré votre attention.

 23   Peut-être que c'est la double négation qui pose ici problème.

 24   Est-ce que ces tirs particulièrement nourris étaient dirigés contre des

 25   cibles civiles ?

 26   R.  L'intensité des tirs qui étaient dirigés contre des cibles civiles à

 27   Sarajevo était telle et ces tirs se déroulaient à une telle échelle que je

 28   ne pouvais comparer cela à aucune autre situation de mon expérience

Page 3920

  1   précédente.

  2   Q.  Où se trouvait la caserne des forces bosno-serbes ?

  3   R.  Il y en avait plusieurs. Je ne suis pas sûr de bien comprendre à

  4   laquelle vous vous référez.

  5   Q.  Où se tenaient vos réunions avec le général Mladic ?

  6   R.  Toutes ces réunions se déroulaient à Lukavica dans la caserne de la

  7   JNA.

  8   Q.  Est-ce que votre liberté de mouvement à l'intérieur de Sarajevo et

  9   autour de Sarajevo a fait l'objet de quelque restriction que ce soit ?

 10   R.  A partir du 14 mai jusqu'au 24 juin, nous n'avons été en mesure de nous

 11   déplacer qu'en véhicules blindés dans la ville et autour de la ville.

 12   Ensuite, dans à peu près 70 à 80 % des cas, en fait nous essuyions des tirs

 13   qui étaient le fait de l'une ou l'autre des parties. Il ne serait pas juste

 14   de ma part d'accuser l'une quelconque de ces parties d'avoir attaqué les

 15   Nations Unies. Je pense que toutes les parties, c'était notre point de vue,

 16   étaient appliquées dans ces tirs.

 17   Q.  Qu'avez-vous fait concernant ces tirs qui visaient les véhicules des

 18   Nations Unies ?

 19   R.  Très tôt pendant mon séjour sur place, donc après le 14 mai, nous avons

 20   pris des dispositions pour que chacune des parties dispose d'un officier de

 21   liaison présent au sein de notre quartier général dans le bâtiment des PTT

 22   afin de faciliter nos échanges, et nous avons été en mesure de nos appuyer

 23   sur ces officiers de liaison pour adresser des protestations contre ces

 24   attaques visant les forces des Nations Unies. Après une attaque qui avait

 25   été particulièrement intense, j'ai décidé également de suspendre les

 26   opérations des Nations Unies pendant 24 heures. Je les ai informées qu'à

 27   moins qu'elles ne soient en mesure de garantir la sécurité de mes

 28   effectifs, nous ne reprendrions pas des activités visant à leur porter

Page 3921

  1   assistance. J'ai également fait état de ces attaques inhabituellement

  2   intenses auprès de mon officier supérieur, le général Nambiar, qui était

  3   basé à Belgrade.

  4   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourrions-nous

  5   avoir le document 31753 de la liste 65 ter à l'écran.

  6   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce document, Général ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  De quoi s'agit-il ?

  9   R.  Il s'agit d'une conversation interceptée entre le colonel Cadjo, qui

 10   était l'officier de liaison de la JNA, il se trouvait au sein du bâtiment

 11   des PTT, et d'autre part, le général Mladic. Il s'agit de mon déplacement

 12   du bâtiment des PTT jusqu'à Lukavica afin de rencontrer Mme Plavsic. Il

 13   demande un sauf-conduit pour moi à bord des véhicules blindés que

 14   j'utilisais pour mes déplacements.

 15   Q.  Est-ce que ce sauf-conduit est accordé ?

 16   R.  On m'assure que je serais autorisé à passer.

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges,

 18   conformément aux décisions précédentes concernant les conversations

 19   interceptées, je souhaiterais que ce document puisse être marqué aux fins

 20   d'identification.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P1030 pour

 23   identification.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous connaissiez

 25   personnellement le colonel Cajdo à l'époque ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons peut-

 27   être passé une semaine au même endroit, c'est-à-dire dans le bâtiment des

 28   PTT, il a participé activement à nos côtés aux négociations visant à

Page 3922

  1   permettre le retrait de la JNA des casernes de Sarajevo. Il a également agi

  2   en qualité d'interprète dans les échanges intervenus entre les Nations

  3   Unies et la JNA. Je crois qu'il avait peut-être lui-même eu une expérience

  4   professionnelle précédente au sein des Nations Unies. Il était un officier

  5   assez professionnel qui essayait de faire de son mieux.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc son nom était Cadjo ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C-a-d-j-o, Cadjo.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  9   Madame Sutherland.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 11   Q.  Au paragraphe 73 de votre déclaration, vous décrivez une rencontre

 12   entre le général Mladic et Mme Plavsic -- excusez-moi. Avant de laisser de

 13   côté cette conversation interceptée, Monsieur le Témoin, la date de cette

 14   conversation interceptée dans la version B/C/S, ce qui est consigné c'est

 15   la date du 25 mai 1992; est-ce exact ?

 16   R.  C'est ce qui est écrit dans la version en B/C/S.

 17   Q.  Merci. Donc dans le paragraphe 73, vous décrivez une réunion que vous

 18   avez eue avec le général Mladic et Mme Plavsic le 25 mai 1992, où le

 19   général Mladic a proféré une menace selon les termes de laquelle si jamais

 20   les effectifs de la JNA des casernes de Sarajevo n'étaient pas évacués sous

 21   trois jours, le général Mladic procéderait à des tirs d'artillerie nourris

 22   dirigés contre la ville dans son ensemble ?

 23   R.  Oui, c'était là l'essentiel de ce qui s'est dit lors de cette réunion,

 24   et j'en ai fait état à mes supérieurs à Belgrade. J'ai également transmis

 25   l'information à la présidence par l'intermédiaire de l'officier de liaison

 26   de la présidence au sein du bâtiment des PTT.

 27   Q.  Vous rappelez-vous la réponse de Mme Plavsic à cette occasion ?

 28   R.  Elle a accordé son soutien à la position de Mladic. Elle n'a absolument

Page 3923

  1   pas contredit le moindre des propos proférés par le général Mladic à cette

  2   occasion. Elle était extrêmement préoccupée de voir le problème de

  3   l'évacuation des effectifs de la JNA des casernes de Sarajevo résolu, elle

  4   voulait que cela soit résolu dès que possible. Il me semblait que si

  5   l'officier le plus haut gradé des forces serbes et un membre de la

  6   présidence me transmettaient officiellement cette information et me

  7   demandaient de la transmettre aux autres parties, il s'agissait là

  8   certainement de la position officielle de la direction serbe.

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je voudrais juste apporter une

 10   correction. Je me référais au paragraphe 73 tout à l'heure. En fait, il

 11   s'agit des paragraphes 72 et 73 de la déclaration.

 12   Q.  Alors au paragraphe 76, vous vous référez au pilonnage qui était le

 13   fait des forces territoriales serbes pendant la nuit du 28 mai 1992. Vous

 14   souvenez-vous ces pilonnages ? Pourriez-vous en décrire l'intensité ?

 15   R.  Ces pilonnages ont eu lieu dans la soirée du 28 mai, à partir de 17

 16   heures environ et pendant toute la soirée jusqu'à 1 heure du matin.

 17   C'étaient des pilonnages particulièrement intenses, même au vu des critères

 18   qui étaient les nôtres à Sarajevo. Leurs cibles étaient très étalées et ils

 19   semblaient ne pas être en relation avec le moindre conflit en train de se

 20   dérouler sur la ligne de front. Ces pilonnages avaient des cibles qui se

 21   trouvaient en profondeur et qui étaient dispersées sur tout le territoire

 22   de la ville, bien qu'ils semblent avoir mis l'accent sur le centre-ville.

 23   Mais même aux alentours du bâtiment des PTT il y avait des tirs

 24   d'artillerie nourris ainsi que des tirs de mortier cette soirée-là.

 25   Q.  Au moment de ces pilonnages à la date du 28, est-ce que les casernes

 26   avaient été évacuées ?

 27   R.  Non, les casernes du maréchal Tito étaient toujours occupées par les

 28   effectifs de la JNA. Les négociations n'avançaient pas de façon très

Page 3924

  1   satisfaisante parce que le général Mladic était réticent à satisfaire les

  2   exigences de la présidence concernant le nombre des armes légères qui

  3   devaient être fournies en contrepartie de l'évacuation des effectifs de la

  4   JNA. Il avait une position très ferme en défaveur de cela, et cela avait

  5   amené les négociations à un point mort.

  6   Q.  Au paragraphe 76 de votre déclaration, vous faites état d'une réunion

  7   qui s'est déroulée le jour suivant, le 29 mai 1992, avec le général

  8   Boskovic et le colonel Cadjo, et le sous lieutenant-colonel Jankovic. Le

  9   général Boskovic, que vous a-t-il dit par rapport à l'attaque de la nuit

 10   précédente ?

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 12   Je voudrais ici exprimer ma préoccupation quant à la façon dont cette

 13   déclaration est utilisée avec le témoin. Je crois qu'il n'est pas approprié

 14   que le témoin se réfère à sa déclaration écrite à moins qu'il n'ait besoin

 15   de se rappeler plus précisément certains éléments, mais chacune des

 16   questions posées attire son attention précisément à l'un des paragraphes

 17   auxquels il se réfère, et ensuite il donne sa réponse. Je ne crois pas que

 18   ce soit une bonne façon de procéder. Je crois que le témoin ne devrait pas

 19   se référer à sa déclaration écrite à chaque fois avant de répondre à une

 20   question, à moins qu'il n'ait besoin de le faire pour se rappeler plus

 21   précisément certains éléments qui pourraient échapper à son souvenir.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, pourriez-vous essayer de

 23   répondre sans vous référer à votre déclaration. Vous en avez la permission,

 24   bien entendu, si vous avez besoin vraiment de le faire.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre. Pouvez-vous

 27   répondre ?

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

Page 3925

  1   Q.  Donc que vous a dit le général Boskovic par rapport à l'attaque de la

  2   nuit précédente ? Que vous a-t-il dit le 29 [comme interprété] mai ?

  3   R.  Cette réunion était importante parce que les représentants de la

  4   présidence ont amené un enregistrement d'une conversation interceptée dans

  5   laquelle on pouvait entendre le général Mladic donner un ordre à ses

  6   effectifs, à ses unités d'artillerie, ordre donné la nuit précédente, donc

  7   à la date du 28. L'enregistrement était en serbo-croate, et je ne parlais

  8   pas cette langue, donc je ne pouvais pas comprendre le contenu exact de

  9   cette conversation, mais les deux parties, aussi bien la présidence que les

 10   représentants de la JNA, m'en ont communiqué la teneur. Ils m'ont dit qu'on

 11   pouvait entendre Mladic donner des ordres de tirer à l'artillerie, aux

 12   armes lourdes, contre différentes parties de la ville. Ils ont indiqué

 13   qu'il n'y avait aucun besoin justifiant ce type de tir. Ils pensaient qu'il

 14   s'agissait d'actes irresponsables, que Mladic échappait à tout contrôle.

 15   Ils ne soutenaient pas les actions qui avaient été les siennes. Le général

 16   Boskovic m'a adressé des excuses pour le comportement du général Mladic et

 17   a indiqué très clairement que la JNA ne soutenait pas de telles actions. Il

 18   était très clair pour moi que tous les membres présents à cette réunion

 19   considéraient que le pilonnage de la nuit précédente était un événement

 20   exceptionnel et tout à fait inacceptable.

 21   Q.  Au paragraphe 77, vous vous référez à une réunion avec Mladic qui s'est

 22   déroulée le jour suivant à la date du 30 mai 1992, où vous avez communiqué

 23   l'appel du secrétaire général au général Mladic, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, j'ai eu une réunion avec le général Mladic ce jour-là. Je pense

 25   que c'était une partie de cet effort que nous avons mis en œuvre pour

 26   essayer d'influencer les Serbes de Bosnie afin qu'ils changent de

 27   comportement à Sarajevo.

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Greffier, je souhaiterais

Page 3926

  1   demander que le document 0974 [comme interprété] de la liste 65 ter soit

  2   affiché à l'écran.

  3   Q.  Avant que nous ayons ce document à l'écran, en quoi l'appel du

  4   secrétaire général à Mladic était-il particulièrement important ?

  5   R.  Il s'agissait de faire appel à lui pour qu'il fasse preuve de

  6   modération et pour qu'il diminue l'intensité des attaques dirigées contre

  7   la ville. Je crois que cela s'inscrivait dans la continuité d'une

  8   résolution du Conseil de sécurité qui appelait à l'ouverture de l'aéroport

  9   de Sarajevo pour que l'approvisionnement humanitaire puisse se dérouler

 10   normalement, et cette résolution appelait également une démilitarisation de

 11   certaines parties de Sarajevo.

 12   Q.  Reconnaissez-vous le document qui s'affiche maintenant à l'écran ?

 13   R.  Oui.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland, pour le compte rendu

 15   d'audience, il s'agit du document 9574 de la liste 65 ter.

 16   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je

 17   croyais avoir donné la bonne référence.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, en fait je ne crois pas que je sois en

 19   mesure de reconnaître ce document. Ce n'est pas un document que j'ai vu

 20   précédemment.

 21   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 22   Q.  Quelle a été la réponse du général Mladic lorsque vous vous êtes

 23   entretenu avec lui ?

 24   R.  Encore une fois, le général Mladic s'est contenté de dire qu'il ne

 25   faisait que défendre le peuple serbe et que le peuple serbe ne faisait

 26   qu'assurer sa propre défense, qu'il avait été attaqué, il a également dit

 27   qu'il était important d'assurer l'évacuation des effectifs de la JNA

 28   présents dans les casernes. Selon moi, il n'était pas disposé à reconnaître

Page 3927

  1   ou peut-être n'était-il pas au courant du fait que M. Karadzic était

  2   parvenu à un accord visant à permettre le passage de l'aide humanitaire

  3   destinée à être fournie en passant par l'aéroport de Sarajevo, et ce, sous

  4   contrôle des Nations Unies.

  5   Q.  Est-ce que vous savez si le secrétaire général a jamais émis un

  6   communiqué de presse relatif à cet appel qu'il avait adressé au général

  7   Mladic ?

  8   R.  Non, je ne peux pas vous confirmer cela.

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourrions-nous

 10   avoir le document 06219 de la liste 65 ter à l'écran, s'il vous plaît.

 11   Q.  Général, est-ce que vous reconnaissez ce document ?

 12   R.  Oui. Il s'agit de la résolution à laquelle je me référais et qui était

 13   la raison même des réunions du 30 mai.

 14   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page 2 de ce

 15   même document.

 16   Q.  Je voudrais attirer votre attention sur le paragraphe qui commence par

 17   les termes, je cite :

 18   "Très particulièrement préoccupé de constater que les effectifs de la

 19   FORPRONU se trouvant à Sarajevo ont été la cible de tirs de mortier et de

 20   tirs à l'arme légère délibérés…"

 21   Est-ce que cela est cohérent avec ce que vous avez indiqué à vos supérieurs

 22   ?

 23   R.  Oui. Comme j'ai dit précédent, j'ai fait un rapport officiel à mon

 24   commandement, le général Nambiar, faisant état du nombre d'attaques qui

 25   avaient été dirigées contre des effectifs des Nations Unies se déplaçant

 26   dans la ville, et ici nous avons reflété la préoccupation qui était celle

 27   du siège des Nations Unies à New York concernant ces mêmes attaques.

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

Page 3928

  1   document.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P1031, Madame

  4   et Messieurs les Juges.

  5   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur le Témoin, je souhaite passer aux paragraphes 101 et 102

  7   [comme interprété] de votre rapport. Vous avez dit dans ces rapports que

  8   les deux camps dirigeaient leurs propres centres de détention. Comment

  9   cette information vous est-elle parvenue ?

 10   R.  Ce sont les deux parties qui m'ont fourni ces renseignements et qui

 11   alléguaient cela. Ils alléguaient des activités de l'autre partie également

 12   de façon officielle par écrit de la part de la présidence. Il s'agissait

 13   d'une liste de protestation de M. Halilovic, qui était alors ministre de la

 14   Défense de la présidence.

 15   Q.  Vous dites également dans le paragraphe 101, que lors des négociations

 16   à l'aéroport, vous avez soulevé des allégations portant sur la détention

 17   très importante de civils de la part de Biljana Plavsic et de Radovan

 18   Karadzic qui ont assisté à cette conversation. Ceci est au paragraphe 102.

 19   Quelles informations leur avez-vous communiquées à propos des allégations

 20   que vous aviez reçues ?

 21   R.  J'ai reçu des allégations de la part de la présidence qui indiquaient

 22   qu'il y avait un tunnel quelque part du côté de Sarajevo qui servait à

 23   retenir un nombre très important de non-Serbes, de personnes, qui

 24   comprenait surtout des femmes et des enfants, la présidence s'inquiétait de

 25   la sécurité de ces personnes. J'avais demandé à Mme Plavsic si cela était

 26   vrai, et elle a répondu en disant que c'était vrai, et qu'il y avait un

 27   certain nombre de centres de détention, mais qu'ils retenaient simplement

 28   les hommes en âge de porter les armes qui avaient été placés à l'écart de

Page 3929

  1   façon à ce qu'ils ne puissent pas rejoindre les combats. Elle a indiqué

  2   qu'ils étaient bien traités et si je souhaitais me rendre à une date

  3   ultérieure sur ce site, je pouvais le faire.

  4   Je dois dire que j'ai accepté son offre, je souhaitais aller rendre visite

  5   à ces personnes à cet endroit-là. Cependant, lorsque l'autorisation nous a

  6   été donnée pour le faire, on nous a indiqué que c'était très loin de

  7   Sarajevo et qu'ils ne pouvaient garantir notre sécurité. Egalement, cela se

  8   trouvait en dehors de la zone de transmission des Nations Unies et, par

  9   conséquent, les troupes qui étaient sur place ne pouvaient nous venir en

 10   aucune aide, il y avait d'autres activités auxquelles nous pouvions

 11   participer, et pour finir je n'ai pas envoyé un groupe de personnes pour

 12   aller visiter ce centre de détention.

 13   Q.  Alors est-ce que je peux maintenant parler des négociations qui se sont

 14   déroulées à l'aéroport.

 15   Au paragraphe 90 de votre déclaration, vous dites que cet accord a été

 16   signé le 5 juin 1992. Qui a signé cet accord du côté des Serbes de Bosnie ?

 17   R.  C'est M. Karadzic qui l'a signé.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Puis-je avoir le numéro 65 ter, Monsieur

 19   le Greffier, qui est le 8640 à l'écran, s'il vous plaît.

 20   Q.  Reconnaissez-vous ce document ?

 21   R.  Oui, effectivement. Il s'agit d'un document qui a été rédigé

 22   conjointement par M. Thornberry et moi-même, qui était l'officier chargé

 23   des affaires politiques à la FORPRONU.

 24   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Page 2, s'il vous plaît. Ainsi que la

 25   dernière page.

 26   Je demande le versement au dossier de cette pièce, Madame, Messieurs les

 27   Juges.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit du seul document original ?

Page 3930

  1   C'est le document anglais qui constitue l'original ?

  2   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

  3   Q.  Général ?

  4   R.  Oui, effectivement, ceci a été rédigé en anglais. Nous disposions de

  5   très peu d'interprètes ou de facilité pour faire traduire.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, ce document sera admis.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1032, Madame, Messieurs

  8   les Juges.

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 10   Q.  Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît,

 11   simplement ceci, le fait que M. Karadzic ait signé ce document et que l'on

 12   trouve la signature de M. Karadzic sur ce document de M. Thornberry, mais

 13   nous n'y trouvons pas la signature du représentant du gouvernement de

 14   Bosnie; comment cela se fait-il ?

 15   R.  La position du gouvernement de Bosnie, en 1992 ainsi qu'en 1993, était

 16   la suivante : ils ne souhaitaient pas rencontrer directement les dirigeants

 17   serbes. Ils ne souhaitaient pas se trouver dans la même pièce qu'eux, ils

 18   ne souhaitaient pas signer le même document qu'eux. Par conséquent, il

 19   était nécessaire de procéder à des échanges diplomatiques pour faire en

 20   sorte que des exemplaires distincts soient signés alors qu'il s'agissait du

 21   même document.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ce document nous pouvons le retirer de

 23   l'écran maintenant.

 24   Q.  Vous avez indiqué au paragraphe 91 qui a été corrigé de votre

 25   déclaration, qu'il y avait un pilonnage lourd le jour du 6 juin, le jour

 26   après que l'accord ait été signé à l'aéroport. Pourriez-vous nous décrire

 27   ceci brièvement ?

 28   R.  Les combats se sont concentrés autour de l'aéroport, à Dobrinja,

Page 3931

  1   Nedzarici, dans cette zone-là. Il s'agissait de combats extrêmement lourds,

  2   des pièces d'artillerie ont été utilisées pour beaucoup. Beaucoup de

  3   soldats d'infanterie ont participé à cela. Il semblait que les deux parties

  4   aient tenté d'obtenir un avantage sur le plan tactique sur le terrain et

  5   ils souhaitaient contrôler l'aéroport, alors qu'il y avait eu cet accord à

  6   l'aéroport qui indiquait que ce serait les Nations Unies qui contrôleraient

  7   cette zone. Les combats se sont poursuivis jusqu'au 24 juin, mais moi j'ai

  8   quitté la ville. La position du général MacKenzie consistait à dire

  9   qu'avant cet accord signé à l'aéroport et avant qu'il ne puisse être mis en

 10   œuvre, il fallait une période de 48 heures de cessez-le-feu, qui faisait

 11   l'objet d'accord entre les deux parties. Mais nous n'avons jamais réussi à

 12   réaliser cela, en tout cas pas avant la date du 24 juin.

 13   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Puis-je avoir le numéro 65 ter 10601,

 14   s'il vous plaît.

 15   Q.  Général, vous avez authentifié ce document, au paragraphe 60 de votre

 16   déclaration, vous avez dit que c'est vous qui en êtes l'auteur. Je souhaite

 17   vous demander de porter votre attention au paragraphe 9, s'il vous plaît.

 18   Est-ce que nous pouvons passer à la page suivante, s'il vous plaît.

 19   On indique ici à la note 9 que :

 20   "Il y a des combats très lourds à Sarajevo et le CMO estime qu'il y a eu

 21   des pertes de vies humaines très importantes."

 22   Est-ce que nous pouvons passer à la première page tout d'abord, s'il vous

 23   plaît, pardonnez-moi, de façon à ce que nous puissions voir la date de ce

 24   document.

 25   Ceci est daté du 8 juin 1992. Qu'entendiez-vous par ce paragraphe 9 lorsque

 26   vous avez parlé de "pertes de vies humaines très importantes" ?

 27   R.  Si vous me permettez d'expliquer, il s'agit ici d'un télégramme qui a

 28   été envoyé à mes autorités. Quelque chose que je devais faire de façon

Page 3932

  1   hebdomadaire. Il s'agit d'un rapport administratif qui leur permet

  2   d'évaluer la situation au plan de la sécurité et à savoir si je devais

  3   rester sur place, c'était un point sensible. Là je déclare qu'à la date du

  4   8 juin, trois jours après l'accord signé à l'aéroport, il y avait des

  5   combats particulièrement lourds autour de Sarajevo, à tel point que j'avais

  6   l'impression que ceci a certainement dû donner lieu à des pertes humaines

  7   très importantes.

  8   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande le versement au dossier,

  9   Madame, Messieurs les Juges, s'il vous plaît, de ce document.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Très bien. Ce sera la pièce P1033.

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que je peux avoir à l'écran le

 13   numéro 65 ter 10603, s'il vous plaît.

 14   Q.  Encore une fois, reconnaissez-vous ce document ?

 15   R.  Il s'agit d'un autre rapport de situation hebdomadaire qui est daté du

 16   23 juin et que j'ai envoyé à mes autorités dans mon pays.

 17   Q.  C'est ce à quoi vous faites référence au paragraphe 60 de votre

 18   déclaration; c'est exact ?

 19   Est-ce que nous pouvons passer au paragraphe 1, s'il vous plaît, ceci est

 20   daté du 23 juin 1992; c'est exact ?

 21   R.  Oui, effectivement.

 22   Q.  "Cette dernière semaine a été placée sous le signe de combats lourds à

 23   Sarajevo. Les forces serbes ont continué à pilonner la ville, et ils ont en

 24   particulier concentré leurs attaques aux fins de prendre la banlieue de

 25   Dobrinja au mois de septembre. L'attaque a été appuyée par l'artillerie et

 26   les chars. Une attaque au mortier sur une rue très encombrée de la vieille

 27   ville le 22 juin 1992 a donné lieu à 14 morts et 35 blessés."

 28   Encore une fois, qui était responsable de cette attaque concentrée ?

Page 3933

  1   R.  Je crois qu'il faut être plus précis à cet égard, Maître. De quelle

  2   attaque parlez-vous, l'attaque au mortier ou du pilonnage de la ville ?

  3   Q.  Pardonnez-moi, je parle ici de ce qui a trait à l'attaque concentrée

  4   sur la banlieue de Dobrinja.

  5   R.  C'est difficile à dire avec exactitude. Moi j'ai pensé à l'époque que

  6   les forces serbes tentaient de se débarrasser des forces de la présidence

  7   qui pouvaient se trouver dans le voisinage de l'aéroport de façon à avoir

  8   un impact sur la situation au plan de la sécurité et de la situation

  9   tactique autour de l'aéroport. Cependant, on peut dire également que les

 10   combats avaient été lancés par les forces de la présidence, qui avaient

 11   peut-être le même objectif. Il est impossible de dire qui était à l'origine

 12   de l'attaque. Les deux parties ont certainement pris part à cette attaque,

 13   cela est certain. Mais la puissance de feu était pour l'essentiel du côté

 14   des Serbes.

 15   Q.  Vous souvenez-vous de l'attaque au mortier qui a eu lieu sur cette rue

 16   dans la vieille ville, qui était responsable de cette attaque-là ?

 17   R.  Cette attaque s'est déroulée dans le cadre de tirs de mortiers continus

 18   en direction de la ville, donc tirs d'artillerie sur la ville. Je ne sais

 19   pas si une enquête officielle a été diligentée à aucun moment sur cet

 20   incident malheureusement, je ne sais pas si on a pu attribuer cette attaque

 21   à l'un ou à l'autre.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande le versement au dossier, s'il

 23   vous plaît.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1034, Madame, Messieurs

 26   les Juges.

 27   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Nous pouvons enlever ce document de

 28   l'écran maintenant.

Page 3934

  1   Q.  Général, dans votre déclaration, au paragraphe 43, vous dites que

  2   d'après ce que vous avez observé, les forces de la présidence étaient

  3   surtout armées et équipées d'armes de petit calibre, et au paragraphe 50,

  4   vous dites que les forces de la présidence ne disposaient que de peu

  5   d'armes. Vous avez un petit peu évoquer cette question déjà, mais pourriez-

  6   vous nous expliquer cette disparité entre le calibre des armes du côté des

  7   forces de la présidence ?

  8   R.  Les forces de la présidence ne disposaient que d'un petit nombre de

  9   mortiers, que de pièces d'artillerie très limitées, deux ou trois chars, à

 10   ma connaissance à ce moment-là. Les forces serbes qui ont investi la ville

 11   disposaient, en revanche, d'un nombre important d'armes lourdes de

 12   différents calibres. D'après moi, ils disposaient environ de 200 canons de

 13   mortiers et de pièces d'artillerie qu'ils pouvaient utiliser contre la

 14   ville. Nous parlons ici d'une douzaine d'armes lourdes environ du côté des

 15   forces de la présidence, et 200 ou davantage du côté des Serbes, d'après

 16   mes estimations.

 17   Q.  Pour finir, d'après vous en tant que professionnel, est-ce que les

 18   réponses des Serbes de Bosnie aux menaces posées par le gouvernement de la

 19   BiH, est-ce que ceci était proportionnel à ces menaces ?

 20   R.  D'après moi, c'était disproportionné, c'était très généralisé, et très

 21   inapproprié.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, j'ai terminé

 23   mon interrogatoire principal.

 24   Je demande le versement au dossier des documents connexes qui

 25   figurent dans l'annexe A à la notification de la liste 65 ter.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A titre d'exemple -- en tout cas un de

 27   ces documents a déjà été versé au dossier.

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président --

Page 3935

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le dernier item.

  2   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il s'agit du rapport, l'analyse des

  3   activités et de l'état de préparation au combat de la Republika Srpska en

  4   1992. Il s'agit de la pièce 295 [comme interprété], je ne demande pas le

  5   versement au dossier de ce document.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il des objections ?

  7   M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

  8   Pour ce qui est des documents qui sont contenus dans les paragraphes

  9   69 à 82 de la déclaration du témoin, qui constituent le numéro 65 ter 09573

 10   et 072 [comme interprété], sont des documents qui ne concernent pas le

 11   témoin. Mais au paragraphe 81, il commente cela et il dit :

 12   "Je déclare qu'il s'agit là de documents qui sont typiquement des documents

 13   de la FORPRONU qui correspondent aux événements qui se sont déroulés à ce

 14   moment-là."

 15   Les réunions auxquelles il n'a pas assisté, nous estimons qu'il ne

 16   s'agit pas de documents qu'il faudrait verser par le truchement de ce

 17   témoin, ils ne constituent pas une partie intégrante de son témoignage.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais il a évoqué ces documents

 19   dans sa déclaration ?

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, exactement dans sa déclaration, mais le

 21   seul commentaire qu'il pouvait faire c'est qu'il s'agissait typiquement de

 22   documents de la FORPRONU et qu'ils concordent avec les événements de

 23   l'époque. Donc on peut demander à n'importe quel témoin de dire quelque

 24   chose à propos de documents qui portent sur des événements auxquels il n'a

 25   pas participé personnellement, et il peut dire qu'il s'agit typiquement de

 26   documents de la FORPRONU.

 27   En particulier, il parle d'une réunion avec M. Milosevic à laquelle

 28   il n'a pas assisté, et une autre réunion avec M. Karadzic, à laquelle il

Page 3936

  1   n'a pas assisté non plus. J'estime qu'il n'y a pas suffisamment de liens

  2   entre son témoignage et sa connaissance des événements et ces éléments de

  3   preuve, je pense qu'il ne faut pas verser au dossier ces éléments-là par le

  4   truchement de son témoignage.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez que le témoin

  6   parcoure ces deux documents et qu'il nous dise dans sa déposition ce qu'il

  7   sait à leur sujet ?

  8   M. ROBINSON : [interprétation] S'il sait davantage que ce qu'il déclare

  9   dans sa déclaration, ce serait utile. Mais de dire simplement qu'il s'agit

 10   typiquement de documents de la FORPRONU et que ceci concorde avec les

 11   événements de l'époque, à mon sens ceci n'est pas pertinent et n'est pas

 12   particulièrement utile pour les Juges de la Chambre.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland, avez-vous des

 14   observations à faire ?

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je peux afficher ces documents et les

 16   aborder avec le témoin.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que je puis avoir le numéro 65 ter

 19   09573, s'il vous plaît.

 20   Q.  Avant que ceci ne soit affiché à l'écran : Général, lorsque vous avez

 21   eu cette réunion avec le général Mladic le 30 mai 1992, saviez-vous -- ou y

 22   avait-il d'autres réunions en cours avec d'autres dirigeants portant sur la

 23   question des attaques contre la ville de Sarajevo avant et après le 30 mai

 24   1992 ?

 25   R.  Le 30 mai, je n'étais pas au courant d'autres réunions. J'ai eu

 26   connaissance de cela par la suite, parce que lorsque M. Thornberry est

 27   arrivé à Sarajevo le 2 juin, il m'a donné les éléments d'information à

 28   propos de ces négociations et il m'a précisé que d'autres réunions

Page 3937

  1   s'étaient déroulées les jours précédents. Donc si je dis que je connaissais

  2   ce type de documents que vous m'avez montrés, Maître, j'étais au courant au

  3   sens large du terme de la teneur de ces documents, mais je n'en connaissais

  4   pas les détails.

  5   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que nous

  6   venons d'établir un lien suffisant.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin est au courant de la

  8   situation, la teneur concorde avec la connaissance des événements en

  9   question, et il était au courant de ce document. Nous admettons le

 10   versement au dossier.

 11   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1035, Madame, Messieurs

 13   les Juges.

 14   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Puis-je avoir l'affichage de la pièce

 15   01072 à l'écran, s'il vous plaît.

 16   Q.  Il s'agit là de quelque chose que vous évoquez au paragraphe 80 de

 17   votre déclaration, Général. Pouvez-vous donner davantage d'informations aux

 18   Juges de la Chambre sur ce document et toute connaissance que vous auriez

 19   pu avoir à propos de cette réunion ?

 20   R.  Est-ce que vous pouvez faire défiler ce document davantage vers le bas,

 21   s'il vous plaît ?

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page

 23   suivante, s'il vous plaît.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il s'agit d'un document que l'on m'a déjà

 25   montré. Encore une fois, il s'agit d'un rapport sur les négociations. Le

 26   général Morillon menait ces négociations. Encore une fois, on m'a fourni

 27   des informations sur ces négociations, au sens général du terme, et c'est

 28   Cedric Thornberry qui m'a tenu informé. J'ai effectivement participé après

Page 3938

  1   à ces négociations qui ont permis l'ouverture de l'aéroport.

  2   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  3   document, s'il vous plaît.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1036, Madame, Messieurs

  6   les Juges.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous avez maintenant terminé votre

  8   interrogatoire principal ?

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les documents connexes seront admis, et

 11   le Greffier d'audience donnera des cotes à ces différents documents en

 12   temps voulu et les communiquera aux parties.

 13   Le Juge Morrison a une question à vous poser avant que M. Karadzic ne

 14   commence son contre-interrogatoire.

 15   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Sans aucun doute, M. Karadzic va

 16   peut-être aborder cette question. Je voulais simplement m'en assurer avant

 17   que je ne l'oublie.

 18   Vous avez parlé des forces de la présidence, et vous avez dit dans votre

 19   témoignage qu'elles disposaient d'une douzaine d'armes lourdes. Ce sont des

 20   armes que vous avez vues de vos propres yeux ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu ces armes par la suite lorsque nous

 22   étions en mission d'observation pour la FORPRONU, lorsqu'il s'est agi de la

 23   démilitarisation de l'aéroport. Mais ce que j'évoque surtout ce sont les

 24   observations que j'ai faites lorsque j'ai entendu les coups de feu sur la

 25   ville. Nous pouvions entendre le bruit des armes qui étaient tirées à

 26   l'extérieur de la ville sur la ville. J'ai indiqué qu'il y avait une

 27   position de mortier qui avait été placée près du bureau des PTT lorsque les

 28   forces de la présidence se servaient d'abri de cet endroit-là. J'ai vu un

Page 3939

  1   mortier mobile. Lorsque je me suis rendu à la présidence, j'ai entendu les

  2   tirs de mortier qui étaient tirés dans le voisinage. Il ne s'agissait pas

  3   d'armes très, très lourdes. C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué que

  4   les armes étaient en nombre limité de leur côté.

  5   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous avez parlé de mortiers.

  6   Pourriez-vous évaluer le calibre de ce mortier ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de mortiers de 82 millimètres.

  8   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Et de canons longs ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'ils disposaient de quelques canons

 10   longs.

 11   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci beaucoup.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il serait préférable de

 13   faire la pause maintenant.

 14   Nous allons faire une pause d'une demi-heure.

 15   --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

 16   --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je suppose que vous

 18   pourrez commencer.

 19   Oui, Monsieur Robinson.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 21   Après vous avoir parlé ce matin, j'ai découvert encore un certain nombre de

 22   violations des règles de la communication que M. Reid a eu la gentillesse

 23   de me communiquer par courrier électronique. Ce dont je parle date du 11

 24   octobre 2008, rapport de l'entretien de ce témoin, qui manifestement est un

 25   document tombant sous le coup de l'article 66(A)(2) du Règlement, et par

 26   ordonnance de la Chambre de première instance, ce document devait nous être

 27   communiqué avant le 7 mai 2009. Nous venons simplement de le recevoir, je

 28   l'ai reçu ce matin. Mais apparemment c'était un document qui faisait partie

Page 3940

  1   d'un CD qui a été transmis le 17 juin, au Dr Karadzic. Donc je pense que

  2   nous sommes maintenant en présence de trois violations très précises des

  3   règles de la communication liées à ce témoin. Je demanderais que vous

  4   rendiez une ordonnance afin d'y remédier.

  5   Je vous remercie.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai reçu la copie de cette série de

  7   documents communiqués, mais pourriez-vous nous dire quel est le numéro de

  8   celui dont vous parlez ?

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Il fait partie du lot 287, lot qui comporte

 10   deux documents. Celui dont je parle est un rapport d'information dont le

 11   numéro ERN est 0642-9017. C'est un document de trois pages datant du 11

 12   octobre 2008.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je parlais des documents relevant de

 14   l'article 66(A)(2) du Règlement, les séances de récolement.

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est exactement ce dont je viens de

 16   vous parler, documents relevant de l'article 66(A)(2), ce sont les

 17   documents qu'on trouve dans le lot 287 du mois d'octobre 2008, avec numéro

 18   ERN qui est celui dont je viens de vous donner lecture.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas trouvé le

 20   document dont vous parlez. Est-ce que vous l'avez sur vous ?

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Je l'ai en version électronique. Je pourrais

 22   l'envoyer électroniquement à Ram.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc lot de communication de pièce 287.

 24   Moi je regardais le lot 289, excusez-moi.

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Je n'ai pas encore eu la possibilité de me

 26   pencher sur le lot 289. Je fais remarquer ici qu'il s'agit de deux

 27   documents dont le témoin est l'auteur, mais je n'ai pas eu la possibilité

 28   de les lire encore. Je parle de ce document qui fait partie du lot 287.

Page 3941

  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Est-ce que vous avez une

  3   explication, Madame Sutherland ?

  4   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui.

  5   Malheureusement, ce rapport d'information n'a pas été communiqué à l'accusé

  6   plus tôt. Toutefois, la date de ce rapport est ultérieure à la date du

  7   rapport d'information recueilli au mois d'octobre 2008. Une déclaration

  8   consolidée a été recueillie de la bouche de ce témoin en mars 2009. Le

  9   rapport d'information dont Me Robinson vient de parler est repris dans la

 10   page de couverture de la déclaration de M. Wilson, qui désormais constitue

 11   la pièce P01029, il est également mentionné au premier paragraphe de cette

 12   déclaration consolidée.

 13   Dans le paragraphe 2 de la déclaration consolidée de ce témoin, il est

 14   affirmé que cette déclaration constitue une consolidation de la déposition

 15   antérieure et des déclarations antérieures, ainsi que l'ajout

 16   d'observations et de références supplémentaires. Donc les informations

 17   contenues dans le rapport d'information d'octobre 2008 se retrouvent sous

 18   une autre forme dans la déclaration consolidée du témoin qui a été

 19   recueillie de sa bouche en 2009. D'après moi, l'accusé n'a subi aucun

 20   préjudice dû à la non-communication ou à la communication tardive de ce

 21   rapport d'information.

 22   Monsieur le Président, si vous souhaitez examiner le rapport d'information

 23   en question, je l'ai ici, et peux vous le faire transmettre.

 24   Monsieur le Président, je me permettrais d'ajouter, si vous le voulez bien,

 25   que nous sommes en train de mettre en marche deux mécanismes

 26   supplémentaires, nous le faisons d'ailleurs suite à la décision de la

 27   Chambre de la semaine dernière, dans le but de ne manquer aucun des

 28   documents susceptibles de relever de l'article 66(A)(2) du Règlement

Page 3942

  1   s'agissant des témoins à venir. Donc, ce sont deux mécanismes distincts

  2   mais relativement proches l'un de l'autre qui ont été mis en place.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Sutherland.

  4   Maître Robinson et Monsieur Karadzic, nous comprenons bien les soucis qui

  5   sont les vôtres. La Chambre s'inquiète également de tout manquement aux

  6   délais de communication, mais s'agissant de ce cas précis, je ne pense pas

  7   que la communication de documents supplémentaires ait concerné un nombre de

  8   documents si importants qu'elle puisse justifier ou exiger l'ajournement du

  9   contre-interrogatoire de l'accusé. Donc la Chambre est d'avis que l'accusé

 10   peut commencer son contre-interrogatoire dès à présent, et nous verrons, à

 11   la fin de celui-ci, si l'accusé a besoin de temps supplémentaire en raison

 12   de la communication tardive de certains documents.

 13   Donc, vous pouvez commencer, Monsieur Karadzic.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour à tous.

 15   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 16   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Général Wilson.

 17   Avant tout, je tiens à vous remercier d'avoir eu l'amabilité de recevoir

 18   mon associé bénévole, le Pr Kevin Heller [phon], et de coopérer avec la

 19   Défense, ce qui très certainement nous a été d'une aide importante. Je

 20   porte donc ceci à votre crédit, et je vous en remercie.

 21   Vous vous êtes trouvé à Sarajevo, Général, vous étiez colonel à l'époque à

 22   un moment très important, n'est-ce pas ?

 23   R.  C'était certainement une époque très intéressante, Monsieur Karadzic.

 24   Q.  Merci. Conviendrez-vous que ces deux premières années, en particulier

 25   l'année 1992, a été celle qui a été la plus importante eu égard au nombre

 26   d'événements qui l'ont marquée ?

 27   R.  Monsieur Karadzic, je ne me suis trouvé en Bosnie qu'à partir de 1992

 28   et j'ai continué à être associé au problème de l'ex-Yougoslavie en 1993. Ce

Page 3943

  1   qui s'est passé par la suite, je ne le connais pas, donc je ne saurais

  2   porter un jugement de valeur à ce sujet.

  3   Q.  Merci. Vous êtes parmi les premiers témoins qui avaient parlé de

  4   combats nourris dans les propos que vous avez tenus ici aujourd'hui.

  5   Conviendrez-vous que pour parler de combats nourris il faut qu'il y ait

  6   deux parties à ces combats ?

  7   R.  Oui, il faut deux parties belligérantes pour parler de combats nourris.

  8   Q.  Je vous remercie. Conviendrez-vous qu'en dehors des forces dont

  9   disposait la partie musulmane en ville, il y avait le 1er Corps qui se

 10   trouvait sur le mont Igman ainsi que dans d'autres quartiers périphériques

 11   de la ville ?

 12   R.  Monsieur Karadzic, je ne sais pas ce qu'est le 1er Corps d'armée.

 13   Q.  Savez-vous que les forces musulmanes présentes à Sarajevo se

 14   désignaient sous le nom de 1er Corps ?

 15   R.  Non, je ne savais pas cela.

 16   Q.  Vous avez constaté la présence de certaines armes avant la prise de

 17   contrôle par la FORPRONU, et vous en avez vu également un certain nombre

 18   après la prise de contrôle de la FORPRONU. Serait-il possible qu'il y ait

 19   eu présence de certaines armes qui auraient échappé à votre observation ?

 20   R.  Oui, bien sûr. L'accord relatif à Sarajevo concernait la nécessité pour

 21   les armes lourdes présentes dans la zone de l'aéroport d'être placées sous

 22   le contrôle et sous l'observation de la FORPRONU. Donc, il est fort

 23   possible que les deux parties ait possédé des armes diverses de calibres

 24   divers qui aient échappé à l'application de cet accord.

 25   Q.  Je vous remercie. Vous avez déclaré que les Musulmans présents dans la

 26   ville possédaient des mortiers, dont je suppose qu'ils étaient statiques,

 27   et vous avez également dit avoir entendu parler et avoir constaté la

 28   présence de mortiers montés à bord de camions; ceci est-il exact ? Est-il

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  1   exact que dans les quartiers serbes de la ville et que sur les positions

  2   tenues par les Serbes des tirs de mortiers étaient tirés à partir de

  3   mortiers montés à bord de camions ?

  4   R.  Dans votre question, vous parlez de mortiers dont vous supposez qu'ils

  5   sont statiques par nature. En fait, par nature, les mortiers sont

  6   extrêmement mobiles. C'est même leur grand atout. Ils peuvent être déplacés

  7   rapidement. Donc je ne saurais dire si j'ai vu à quelque moment que ce soit

  8   un mortier statique. J'ai vu des mortiers en différents lieux, et j'ai

  9   supposé qu'on les déplaçait ici et là. Puis oui, un jour j'ai vu un mortier

 10   monté à l'arrière d'un camion, j'ai vu cela à partir de l'immeuble des PTT,

 11   j'ai observé ce mortier que j'ai vu tirer deux ou trois salves, et j'ai

 12   constaté l'importance des tirs en réplique provenant des forces serbes. Ces

 13   tirs étaient indiscriminés et démesurés.

 14   Q.  Je vous remercie. Vous avez confirmé vous-même que les forces

 15   musulmanes se servaient des installations et bâtiments des Nations Unies

 16   pour dissimuler le fait qu'elles ouvraient le feu, n'est-ce pas ?

 17   R.  C'est exact. Lorsque nous avons protesté à ce sujet auprès des

 18   autorités compétentes, ces armes ont été déplacées loin de l'immeuble des

 19   PTT.

 20   Q.  Mais pouvez-vous confirmer que ce genre d'agissement a eu lieu en 1993,

 21   mais également en 1994 et 1995 ? Est-ce que vous admettez cela, que les

 22   armes en question étaient éloignées, puis un peu plus tard, replacées non

 23   loin de chez vous ?

 24   R.  Je n'ai pas connaissance de ce qui s'est passé en 1994 ou 1995, et je

 25   n'ai pas non plus le moindre moyen de le découvrir. J'étais bien placé dans

 26   la hiérarchie des Nations Unies en 1993 pour recevoir des rapports traitant

 27   de ces sujets et être donc informé. Je n'ai aucun souvenir de forces de la

 28   présidence qui auraient, de façon réitérée, placer des armes sous le

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  1   couvert de l'immeuble des PTT.

  2   Q.  Merci. Etes-vous au courant du fait que les forces musulmanes

  3   positionnaient leurs armes tout près du radar et d'autres installations des

  4   Nations Unies, et que des responsables des Nations Unies ont été amenés à

  5   protester à cause de cela et à exiger que ces armes soient déplacées à une

  6   distance minimale de 500 mètres ?

  7   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela, Monsieur Karadzic.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D01275,

  9   grâce au prétoire électronique. C'est un document qui date du 28 août 1992.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Connaissez-vous M. Hosen ?

 12   R.  Non, je n'ai aucun souvenir d'un monsieur Hosen. Mais il est écrit,

 13   "général Hosen" ici.

 14   Q.  Et le général Siber; vous le connaissez ?

 15   R.  J'ai un vague souvenir de M. Siber, qui peut-être était membre des

 16   forces de la présidence.

 17   Q.  Merci. Je vous prierais de bien vouloir prendre connaissance de la

 18   traduction de ce document, où il est indiqué que s'agissant de cette

 19   distance de 500 mètres, le général Hosen demande ou même exige de la

 20   compréhension et de la coopération. Est-ce que ceci correspond avec ce que

 21   vous saviez du positionnement de ces armes d'artillerie lourdes par rapport

 22   à vos installations ?

 23   R.  Certes, ce document évoque le placement de ces armes à une distance de

 24   500 mètres, et je suis au courant de cet incident particulier.

 25   Q.  Mais ce qui figure dans ce document, est-il conforme à ce que vous

 26   saviez de la situation, et notamment de ce que vous avez dit par rapport à

 27   la situation à l'immeuble des PTT ?

 28   R.  J'ai déjà indiqué, Monsieur Karadzic, que je n'étais pas au courant de

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  1   la situation, donc je ne saurais la commenter. Je puis simplement confirmer

  2   qu'en 1992 un incident s'est produit au cours duquel les forces de la

  3   présidence ont placé un mortier sous couvert de l'immeuble des PTT, et ils

  4   ont tiré à partir de cet endroit. Lorsque nous avons présenté une

  5   protestation auprès des autorités compétentes de la présidence, ils ont

  6   eux-mêmes constaté qu'il s'agissait d'une action inadaptée de la part de

  7   leurs forces et ont procédé au retrait de cette pièce d'armement. Nous

  8   parlons, en fait, de deux incidents distincts dont je n'ai absolument

  9   aucune connaissance de l'un d'entre eux.

 10   Q.  Conviendrez-vous que Nedzarici est un quartier purement serbe ?

 11   R.  Je ne connais pas la répartition ethnique de Sarajevo.

 12   Q.  Vous viviez non loin de Nedzarici, en face de Nedzarici, en fait,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, je vivais à Nedzarici, mais je ne demandais pas aux gens quelle

 15   était leur appartenance ethnique.

 16   Q.  Mais vous conviendrez, n'est-ce pas, que les Serbes contrôlaient

 17   Nedzarici ?

 18   R.  De quel moment parlons-nous ? Je veux dire la possession de tel ou tel

 19   quartier de Sarajevo n'a cessé de changer au fil du temps. Pourriez-vous

 20   préciser une période. A ce moment-là, je pourrais vous donner un avis.

 21   Q.  Mais Nedzarici a été sous contrôle serbe du début à la fin, parce que

 22   c'est un quartier serbe, et qu'il était tenu par les habitants de Nedzarici

 23   eux-mêmes. Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus ?

 24   R.  Je ne savais pas que c'était un quartier serbe. Ce que je savais

 25   c'était que le contrôle du quartier de Nedzarici et même de Dobrinja était

 26   contesté par les deux parties, et que la ligne de confrontation n'a cessé

 27   de changer dans ce secteur au fil du temps. C'était l'une des parties de

 28   Sarajevo dont le contrôle a été le plus contesté, en particulier au cours

Page 3947

  1   des mois de mai et juin 1992.

  2   Q.  Mais vous voyez ce qui est écrit ici :

  3   "Aujourd'hui, trois soldats français ont été grièvement blessés à

  4   Nedzarici."

  5   Ceci pourrait-il raisonnablement amener à conclure que quelqu'un tirait sur

  6   Nedzarici, Nedzarici étant une banlieue serbe, et que les soldats français

  7   y ont été blessés ?

  8   R.  Monsieur Karadzic, je ne peux pas émettre des conjectures sur un sujet

  9   comme celui-ci, parce que tout simplement je n'étais pas sur place. Je n'ai

 10   aucun souvenir de cet incident et je ne me rappelle aucun rapport évoquant

 11   cet incident. Peut-être vous suffira-t-il que je dise qu'il y a eu de

 12   nombreux incidents de ce genre auxquels ont participé les trois parties

 13   pendant l'année 1992, et même 1993.

 14   Q.  Mais vous n'étiez pas non plus dans d'autres lieux de la ville, pour

 15   lesquels vous dites que vous savez qu'il y a eu des tirs, et que vous

 16   pensez même que ces tirs prenaient pour cible des civils. Alors, pensez-

 17   vous que le quartier de Nedzarici était un quartier habité par des civils ?

 18   R.  Nedzarici, à mon avis -- enfin, c'était un quartier où l'on trouvait

 19   des immeubles d'habitation, donc un quartier résidentiel où des habitants

 20   étaient présents et ont continué à être présents pendant l'année 1992. Il y

 21   a eu des combats dans ce secteur auquel ont participé les deux parties.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 24   document.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez examiné ce document,

 26   Général, et vous ne vous rappelez pas le général Hosen ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

Page 3948

  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Il n'y

  2   a aucun lien démontré dans ce document.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le général n'a rien confirmé eu égard à

  4   ce qu'indique ce document. Il ne connaissait pas son existence, donc nous

  5   rejetons ce document.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ici, il est indiqué que c'est le général

  7   Hosen qui évoque l'incident. Nous lisons, je cite :

  8   "Il y a trois jours, à une distance de 200 mètres de nos installations --"

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous avons rendu

 10   notre décision. Vous auriez une autre possibilité de demander le versement

 11   au dossier de ce document.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 13   La prochaine fois, avant que vous ne rendiez votre décision, je demanderais

 14   à prendre la parole.

 15   M. KARADZIC : [interprétation] 

 16   Q.  Général, saviez-vous que la partie musulmane s'est servie d'autres

 17   installations pour provoquer la partie serbe à une réplique, des hôpitaux,

 18   par exemple ?

 19   R.  Il faudrait que vous précisiez votre question, Monsieur Karadzic. Je ne

 20   comprends pas très bien ce que vous entendez par les mots "utiliser

 21   d'autres installations."

 22   Q.  Vous avez dit vous-même que pendant votre visite à la présidence, vous

 23   avez constaté qu'il y avait des tirs sortant à partir de lieux qui étaient

 24   très proches de l'immeuble de la présidence, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, c'est exact.

 26   Q.  Si je devais vous dire que cela se passait, en général, au moment où

 27   des hôtes de haut rang venaient rendre visite à la présidence afin de

 28   provoquer une riposte de la part des Serbes, est-ce qu'une telle remarque

Page 3949

  1   vous paraîtrait raisonnable ?

  2   R.  Oui, elle me paraîtrait raisonnable, et d'ailleurs ceci était en

  3   général couronné de succès, car le résultat dans la plupart des cas,

  4   c'était une riposte de la part des Serbes, autrement dit des tirs nourris

  5   de la part des Serbes.

  6   Q.  Conviendrez-vous donc, puisque vous avez vous-même indiqué que des

  7   mortiers montés à bord de camion avaient également provoqué des tirs qui

  8   prenaient pour cible des civils, car une fois que le mortier avait tiré, le

  9   camion se retirait et on voyait la riposte serbe, et il vous apparaissait

 10   qu'il n'y avait aucune pièce d'artillerie, aucune arme lourde dans le

 11   secteur pris pour cible par la riposte ?

 12   R.  Il m'était impossible de savoir quelle était la cible des tirs de

 13   mortier partant de la présidence parce que cela se passait en périphérie de

 14   la ville. Je pouvais éventuellement entendre le bruit de la première salve,

 15   mais je ne savais pas quelle était la cible visée ou touchée.

 16   Et puis pour répondre à la deuxième partie de votre question, elle

 17   permettrait de penser que provoquer des tirs sur les civils était un acte

 18   délibéré. Je ne sais pas quel était le motif qui poussait les forces de la

 19   présidence à agir ainsi. Mais la réalité, c'est que cela provoquait une

 20   riposte disproportionnée et de grande ampleur de la part des forces serbes.

 21   Q.  Savez-vous que la FORPRONU s'inquiétait du positionnement d'artillerie

 22   musulmane, non loin de l'hôpital par exemple, et que la FORPRONU a protesté

 23   à ce sujet ?

 24   R.  Oui, je suis plus ou moins au courant de cela.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D1854 grâce

 26   au prétoire électronique. Je crois que vous avez tous reçu ce document dont

 27   l'utilisation par moi a été annoncée à l'avance.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 3950

  1   Q.  Veuillez vous pencher sur ce document, Général. C'est une lettre

  2   adressée par le général Morillon à M. Izetbegovic, président de la

  3   présidence ou de ce qui restait de la présidence de Bosnie-Herzégovine.

  4   Alors, la teneur de ce document vous est bien connue. Est-ce qu'elle

  5   correspond à ce que vous saviez des tirs qui visaient des points sensibles

  6   situés non loin de la présidence ?

  7   Il conviendrait que nous examinions l'intégralité de ce document. Le

  8   général devrait voir le document tout entier.

  9   R.  Je n'ai encore jamais vu ce document et je n'ai pas besoin de le voir.

 10   J'étais à l'époque à Genève. Mais il me semble qu'il correspond à certains

 11   des rapports verbaux que j'ai reçus en provenance de Sarajevo, à savoir que

 12   ce genre d'action se produisait effectivement de temps à autre.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 15   document.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, je vous prie. Général,

 17   veuillez poursuivre.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Ce qui est écrit dans ce document concerne un sujet qui a suscité une

 20   certaine inquiétude de la part des Nations Unies, pas seulement à Sarajevo,

 21   mais dans d'autres lieux également. Je veux parler du fait que des mortiers

 22   étaient positionnés par les forces de la présidence dans des zones où ils

 23   avaient interdiction de se trouver en vertu des conventions de Genève.

 24   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Vous rappelez-vous avoir eu connaissance du fait -- le document

 26   précédent, est-il admis au dossier ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, le document est admis.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D328, Monsieur le

Page 3951

  1   Président.

  2   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  3   Q.  Vous rappelez-vous avoir été, vous aussi, au courant du fait que la

  4   partie musulmane espérait qu'une intervention militaire internationale

  5   aurait lieu, et conviendrez-vous que, d'après ces forces musulmanes, des

  6   actions comme celles-ci pouvaient provoquer une intervention militaire

  7   internationale ?

  8   R.  Je ne saurais me prononcer sur les désirs ou les souhaits de la

  9   présidence eu égard à une intervention internationale, qu'elle soit

 10   militaire ou autre. Certes, en mai et juin 1992, l'espoir que l'attention

 11   des médias se concentre sur les événements tragiques de Sarajevo et que

 12   ceci entraîne un soutien et une certaine compassion de la part de la

 13   communauté internationale vis-à-vis de la présidence existait, un espoir et

 14   un désir existaient.

 15   Maintenant, la question évoquée ici, à savoir le fait que certaines armes

 16   aient été positionnées dans des lieux inadaptés ou le fait qu'ils aient

 17   disposé de mortiers mobiles se déplaçant un peu partout autour de la ville

 18   ne tient pas compte de la réaction totalement disproportionnée que ces

 19   faits ont entraîné. Il y avait parfois deux salves de mortier qui visaient

 20   la ville à partir de la périphérie de la ville, et ensuite 200 salves

 21   d'artillerie lourde en riposte qui couvraient une zone très vaste. Donc il

 22   importe de comprendre que si une certaine provocation a pu être commise par

 23   une des parties en présence, la riposte était entièrement disproportionnée

 24   par rapport à la menace engendrée par cette provocation.

 25   Q.  Bien, la réponse était un peu plus longue que je ne m'y attendais, mais

 26   par conséquent, ce que je vous répondrais sera plus court. Donc merci,

 27   Général.

 28   Si l'on vous déclare la guerre, est-il légitime de chercher à gagner cette

Page 3952

  1   guerre ?

  2   R.  Bien sûr, on espère de gagner, mais ce qui est légitime c'est de se

  3   battre.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   Je demande l'affichage du document 1D1852.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Nous attendons que le document se présente à l'écran, et entre-temps,

  8   Général, je vous demande en quoi consiste une riposte proportionnée ? Je ne

  9   suis pas soldat; en fait, je ne sais rien, je n'ai aucune instruction

 10   militaire. Mais comment se définit une riposte proportionnée ? Est-ce que

 11   cela signifie que le conflit doit durer éternellement ?

 12   R.  Une riposte appropriée c'est ce que définit les conventions de Genève.

 13   Si vous vous apprêtez à tirer sur un secteur et à provoquer des dommages

 14   collatéraux, c'est-à-dire des victimes parmi les civils, il importe que

 15   vous soyez absolument certain que l'importance quantitative de la force et

 16   le type de force que vous utilisez sera proportionnelle à la menace

 17   présente et correspondra à la nature des circonstances. Par exemple, il y a

 18   des moyens de tir plus précis que les tirs de mortier mobile. Des armes

 19   antiaériennes utilisées au sol sont des armes très précises, et étant donné

 20   les moyens d'observation dont disposaient les forces serbes qui étaient

 21   situées en hauteur et surplombaient Sarajevo, il leur était possible de

 22   recourir à l'emploi d'armes du même type de ce genre d'armes qui sont

 23   éminemment précises s'agissant de tirer précisément sur certaines cibles.

 24   L'autre question qui se pose ici, selon moi et mon expérience en tant que

 25   soldat, c'est que si vous êtes impliqué dans un conflit où il y a risque de

 26   dommages collatéraux, c'est-à-dire de victimes civiles, alors il faut que

 27   vous ayez auprès de vous un expert juriste spécialisé dans les conventions

 28   de Genève qui vous conseillera utilement sur les cibles qu'il vous est

Page 3953

  1   permis de viser et le type de tirs auxquels vous pouvez recourir.Si les

  2   forces serbes ont pris ou non cette précaution, je n'en sais rien. Les

  3   preuves indiquent qu'elles ne l'ont pas fait.

  4   Q.  Je vous remercie. Puis-je vous demander à partir de quel endroit vous

  5   observiez ces incidents, ces tirs partant de l'immeuble des PTT ?

  6   R.  Oui. A partir de la fenêtre, on pouvait observer un certain nombre

  7   d'incidents. Par ailleurs, le toit permettait d'avoir une vue assez

  8   générale du terrain environnant et dans toutes les directions sur la ville

  9   environnante, sur une distance d'au moins un kilomètre, de toutes parts.

 10   Q.  A quelle distance se trouvait le bâtiment du PTT par rapport au centre-

 11   ville, si nous prenons peut-être Skenderija et l'Institut d'hygiène ou

 12   Marin Dvor comme représentatifs du centre ?

 13   R.  Monsieur Karadzic, je n'ai pas de connaissance détaillée de la

 14   topographie de Sarajevo, comme je vous l'ai indiqué. Je n'y suis resté que

 15   six semaines. Nous ne nous sommes aventurés à l'extérieur du bâtiment des

 16   PTT que lorsque nous étions spécifiquement mandatés en mission, en raison

 17   de la menace qui pesait sur nous en termes de sécurité. Je suis plus ou

 18   moins au fait de la configuration du terrain autour du bâtiment des PTT.

 19   J'ai souvent eu à me rendre en ville. Mais je ne sais pas exactement à

 20   quelle distance cela se trouve, quelques kilomètres peut-être. Certainement

 21   plus loin que ce qu'il était possible d'observer à partir du bâtiment des

 22   PTT. Je n'ai tout simplement pas de connaissance détaillée de la

 23   topographie du terrain. Je ne peux pas donc m'exprimer sur certaines

 24   banlieues spécifiques.

 25   Q.  Très bien, merci. Est-ce que vous connaissiez la configuration du

 26   déploiement des forces musulmanes en ville ?

 27   R.  Non. A l'époque, je considérais que leurs effectifs et leurs armes

 28   étaient si peu nombreux que ces effectifs auraient nécessairement dû être

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  1   déployés sur la ligne de confrontation et qu'il ne leur en serait

  2   certainement pas resté pour pouvoir les déployer en profondeur afin de

  3   consolider leur défense. Donc en dehors des effectifs qui étaient au repos

  4   ou qui satisfaisaient à des besoins logistiques, je supposais que

  5   l'ensemble de leurs forces était déployé sur la ligne de confrontation.

  6   Q.  Si je vous dis qu'au sein de la ville elle-même ils avaient deux ou

  7   trois fois plus de soldats que les Serbes n'en avaient, est-ce que vous

  8   accepteriez cette affirmation ?

  9   R.  Non, je trouve ça difficile à croire.

 10   Q.  Très bien. Est-ce que vous conviendriez que les mortiers et les pièces

 11   d'artillerie dont ils disposaient n'étaient pas maintenus sur la ligne de

 12   confrontation, mais bien au-delà, en arrière ?

 13   R.  Par nature, les pièces de mortiers et d'artillerie sont tenues à

 14   l'arrière, en profondeur par rapport à la ligne de confrontation.

 15   Q.  Vous diriez la même chose pour des chars, n'est-ce pas ?

 16   R.  Pas nécessairement. Les chars sont une arme qui permet d'intervenir et

 17   de tirer directement, et ils sont un moyen de combat qui nécessite une

 18   observation directe de la cible. Donc pour tirer directement, il est

 19   impossible de le faire en présence d'obstacles, tels que des bâtiments ou

 20   quelque obstacle physique que ce soit. Par conséquent, ils sont très

 21   souvent déployés en avant-poste ou juste derrière la ligne de

 22   confrontation.

 23   Q.  Très bien. Si nous voyons ce document, vous étiez un des participants

 24   de la conférence, et ce, en qualité de conseiller des médiateurs de cette

 25   dernière, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, en avril 1993.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous faire défiler la page vers le bas

 28   pour avoir le bas du paragraphe 2, s'il vous plaît.

Page 3955

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Le général Mladic dit, je cite :

  3   "Notablement, il a déclaré pendant la discussion que la solution aux

  4   problèmes de Srebrenica devrait être une solution politique et non pas

  5   militaire."

  6   Est-ce que vous vous souvenez que Mladic s'engageait en faveur d'une

  7   solution politique et non pas militaire à Srebrenica ?

  8   R.  Est-ce que nous pourrions faire défiler la page vers le haut, s'il vous

  9   plaît.

 10   En examinant ce document, je n'arrive pas à me rappeler cette réunion

 11   concrète à Sarajevo, et je crois qu'il s'agit ici d'un rapport qui m'a été

 12   transmis par l'officier de liaison de la FORPRONU à Genève, et qu'ensuite

 13   j'ai transmis cette information de Genève à la destination de MM. Vance et

 14   Owen qui se trouvaient, quant à eux, à New York. En résumé, je n'ai pas été

 15   présent à cette réunion. Je me suis contenté de transmettre l'information

 16   correspondante.

 17   Q.  Merci. Est-ce que vous vous rappelez que nous avions mis un terme à

 18   notre offensive dans les environs de Srebrenica et que nous ne sommes pas

 19   entrés à Srebrenica ?

 20   R.  Je crains de ne pas être tout à fait au courant de cela, Monsieur

 21   Karadzic.

 22   Q.  Très bien, merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous avoir la seconde page de ce

 24   document, s'il vous plaît, paragraphe numéro 4.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Je voudrais vous prier de lire le début de ce paragraphe numéro 4.

 27   R.  "Le commandement de la force considère également que le pilonnage de

 28   Srebrenica et Sarajevo qui s'est produit hier a été provoqué par les forces

Page 3956

  1   musulmanes."

  2   Q.  Pouvez-vous continuer, s'il vous plaît.

  3   R.  Bien entendu : 

  4   "Etant donné l'apparente détermination des Musulmans de s'assurer que le

  5   cessez-le-feu ne sera pas respecté et leur détermination à maintenir

  6   Srebrenica au cœur de l'attention mondiale, il est difficile d'imaginer

  7   comment le commandant de la force pourrait amener avec succès les deux

  8   parties à coopérer. Le commandant de la force, à son échelon propre, a

  9   exercé les pressions appropriées sur la partie serbe et a été au moins en

 10   mesure d'obtenir un engagement à participer dans des pourparlers

 11   militaires. Le président Izetbegovic, apparemment, est absent. Il se trouve

 12   en Arabie Saoudite et, de ce fait, n'a pas été en mesure d'exercer son

 13   influence sur son propre commandant militaire. On ne peut pas, par

 14   conséquent, s'attendre à une coopération de la part du président, à moins

 15   qu'une certaine pression ne soit exercée."

 16   Q.  Oui, la dernière phrase dit que :

 17   "La coopération du président, on ne peut pas s'y attendre, à moins

 18   qu'une certaine pression ne soit exercée."

 19   Alors conviendrez-vous que ce rapport lui aussi fait état de pressions qui

 20   sont exercées uniquement contre la partie serbe et que rien en fait ne peut

 21   être obtenu si l'on n'exerce pas également des pressions sur la partie

 22   musulmane ?

 23   R.  Monsieur Karadzic, la substance de cette information adressée à M.

 24   Vance et à Lord Owen est justement de parvenir à exercer cette pression sur

 25   la partie musulmane afin d'obtenir un accord.

 26   Q.  Merci. Est-ce que de telles pressions ont bien été exercées pendant que

 27   vous étiez en Bosnie en 1992 ? Est-ce que selon vous, puisque vous étiez

 28   partie prenante à cette conférence, il y a eu des pressions équitables

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  1   exercées de part et d'autre, est-ce qu'il y a eu des pressions suffisamment

  2   fortes exercées sur la partie musulmane ?

  3   R.  C'est une question très générale. Il faudrait que vous précisiez. Ma

  4   participation aux négociations avec la direction politique et militaire en

  5   1992 n'a concerné que les mois de mai et juin, ensuite en 1993 j'ai été

  6   observateur à Genève, avant cela je suis intervenu pour ce qui concernait

  7   Dubrovnik et la zone d'exclusion aérienne. Cependant, je suis au courant de

  8   l'exercice de pressions qui ont été exercées lors de la conférence au

  9   niveau international, et ce, sur les trois parties belligérantes en

 10   Yougoslavie afin qu'elles parviennent à une forme d'accord. Il ne

 11   s'agissait pas uniquement de pressions exercées sur les Serbes, mais

 12   également sur les Croates et sur la présidence de Bosnie-Herzégovine.

 13   Q.  Merci. Mais est-ce que ceci est cohérent avec ce que vous avez pu

 14   observer, à savoir que la partie musulmane était déterminée à faire tout

 15   son possible afin que Srebrenica reste au cœur de l'attention des médias

 16   internationaux ?

 17   R.  Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi le sens de votre question,

 18   Monsieur Karadzic.

 19   Q.  Aujourd'hui vous avez confirmé que les Musulmans avaient un intérêt à

 20   tirer à partir de positions situées près de l'hôpital ou près de vos

 21   propres installations afin de s'attirer la sympathie de la communauté

 22   internationale et de figurer en première page des journaux. Ici il est dit

 23   également que les accords de cessez-le-feu échouent parce que la partie

 24   musulmane a intérêt à ce qu'ils échouent afin de pouvoir rester au cœur de

 25   l'attention des médias internationaux et en première page des journaux;

 26   est-ce que cela n'a pas été le cas ?

 27   R.  Je ne sais pas pourquoi les forces musulmanes ont placé des unités qui

 28   ont ensuite tiré, pourquoi elles les ont placées près de l'hôpital ou

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  1   d'autres installations, ainsi que vous l'affirmez. Je ne peux pas me

  2   pencher sur leur motivation, est-ce que c'était pour attirer l'attention

  3   des médias, est-ce que c'était pour obtenir tel ou tel avantage technique.

  4   Il est tout simplement impossible de proférer le moindre commentaire sensé

  5   ou pertinent à ce sujet.

  6   Pour ce qui concerne les cessez-le-feu, je dois dire qu'il est impossible

  7   de blâmer l'une quelconque des parties belligérantes en ex-Yougoslavie de

  8   façon isolée. Parce que toutes les trois parties étaient impliquées dans ce

  9   type de violation pendant les deux années où j'ai eu à intervenir en

 10   relation avec ce conflit.

 11   Q.  Merci. Nous y reviendrons, parce que les Nations Unies ont obtenu des

 12   informations différentes. Cependant, le télégramme que nous avons sous les

 13   yeux ne nous confirme-t-il pas que leur objectif, ainsi qu'il est écrit au

 14   paragraphe 4, était de rester au centre de l'attention des médias

 15   internationaux et en première page des journaux ?

 16   R.  C'est le commandement de la force qui dit cela suite à cette réunion,

 17   et moi je me contente de transmettre cette position au coprésident, qui lui

 18   se trouve à New York.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   Je souhaiterais demander le versement de ce document.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais on m'indique que le document

 22   précédent, 1D1854, qui a été versé comme pièce D328, est en fait identique

 23   à la dernière page de la pièce D99, donc nous allons libérer cette cote et

 24   l'attribuer au présent document, qui reçoit par conséquent la cote D328.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous n'avons pas présenté pour le moment la

 26   lettre de Morillon. Ah, si, nous l'avons présentée, semble-t-il.

 27   Je voudrais maintenant qu'on affiche le document 1D946, s'il vous plaît. Je

 28   crois qu'il y a une traduction de ce document, j'aimerais voir la version

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  1   en anglais aussi.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Alors veuillez vous reporter à ce document pour que nous n'ayons pas à

  4   le lire. Il s'agit de rapport de combat extraordinaire pour la date du 28

  5   juillet 1993. Il s'y trouve indiqués les éléments suivants, donc le

  6   commandement du Groupe tactique de Vogosca rend son rapport aux

  7   commandements qui lui sont hiérarchiquement supérieurs et fait son rapport

  8   concernant la situation. Est-ce que vous pouvez parcourir rapidement ce

  9   document ?

 10   Il est ici question de Miladin Cukovic, un médecin célèbre dans tout

 11   Sarajevo, et il est dit qu'il a été tué. Est-ce que ce qui figure dans ce

 12   rapport est cohérent avec ce que nous venons d'évoquer il y a quelques

 13   instants ?

 14   R.  Je ne suis pas au courant de cet événement, Monsieur Karadzic.

 15   Q.  Oui, mais en tant que phénomène qui pouvait se produire, est-ce que

 16   cela est cohérent avec les événements dont vous étiez au courant ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous n'avons besoin

 18   ni de l'opinion du témoin sur ce point ni de la moindre spéculation de sa

 19   part. Il nous a indiqué ne pas être au courant de cet événement. Je vous

 20   prie de passer à votre point suivant.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   Donc si je comprends bien, vous n'accepterez pas le versement de ce

 23   document.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que ce document a déjà été

 25   versé. Non, j'ai confondu les chiffres. Vous avez raison.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Général, pour commencer, je voudrais que nous résumions un peu les

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  1   choses afin de mieux cerner ce dont vous pouviez raisonnablement être au

  2   courant concernant les événements à Sarajevo. Est-ce que vous pouviez

  3   raisonnablement être au courant de ce qui se passait des deux côtés ?

  4   R.  En juillet 1993, je recevais des rapports du terrain qui émanaient de

  5   la FORPRONU concernant les activités quotidiennes. J'étais également au

  6   courant de toutes les communications sensibles qui passaient entre New York

  7   et Zagreb et les autres quartiers généraux de la FORPRONU, et j'étais au

  8   courant également de la plupart des rapports qui circulaient à haut niveau

  9   au sein de la FORPRONU et qui avaient un contenu sensible. Ce type

 10   d'incident aurait sans doute dû être mentionné dans le rapport quotidien

 11   concerné, mais je ne m'en souviens pas.

 12   Q.  Cela signifie qu'un tel incident aurait dû être mentionné dans ce type

 13   de rapports, mais à supposer que ces rapports aient été objectifs, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  On peut effectivement supposer que les rapports étaient objectifs. A

 16   mon sens, les rapports qui nous provenaient de nos hommes qui se trouvaient

 17   sur le terrain étaient objectifs.

 18   Q.  Mais revenons un peu en arrière. Vous êtes arrivé sur place au début du

 19   mois de mars 1992, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui -- en fait, en janvier 1992.

 21   Q.  En janvier. Très bien, c'est encore mieux. Général, est-ce que vous

 22   êtes au courant des événements survenus à cette époque-là et qui sont

 23   survenus jusqu'à la date du 24 juin, date de votre départ ?

 24   R.  De quel point de vue, Monsieur Karadzic ?

 25   Q.  Par exemple, est-ce que vous étiez au courant qu'une conférence sur la

 26   Bosnie-Herzégovine était en cours ?

 27   R.  Oui. Je crois que cela se faisait sous les auspices de l'Union

 28   européenne.

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  1   Q.  En effet, c'était sous les auspices de la Communauté européenne à

  2   l'époque. Est-ce que vous saviez ce qui se passait dans la vallée de la

  3   Neretva ? Est-ce que vous savez que les Serbes là-bas étaient des victimes

  4   et fuyaient la vallée de la Neretva ?

  5   R.  Vous parlez de janvier 1992 ?

  6   Q.  Non. Je parle de février, mars, et ainsi qu'avril.

  7   R.  A mon sens et pour ce que je savais du mouvement des différentes

  8   communautés ethniques au sein de la Bosnie, c'étaient les Musulmans en mars

  9   et avril qui faisaient l'objet d'opérations de nettoyage ethnique en Bosnie

 10   septentrionale. Je n'ai pas connaissance de quelque agissement que ce soit

 11   de la part des Musulmans qui se soit déroulé dans la vallée de la Neretva -

 12   - je crois que vous avez dit la vallée de la Neretva, et qui aurait eu pour

 13   objectif de procéder à un nettoyage ethnique des Serbes.

 14   Q.  Très bien. Mais est-ce que vous savez que dans la vallée de la Neretva

 15   ainsi qu'à Mostar il y avait en tout une population de 44 000 Serbes ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Est-ce que vous savez que ces Serbes ont presque tous été expulsés et

 18   qu'ils se sont réfugiés sur le plateau de Nevesinje et dans d'autres zones

 19   serbes connues sous le nom de Haute Herzégovine ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Est-ce que vous savez qu'en avril la plus grande partie des Serbes qui

 22   habitaient Livno ont fui Livno ?

 23   R.  Non, je l'ignore.

 24   Q.  Est-ce que vous êtes au courant de tous les incidents armés qui ont eu

 25   lieu avant que la guerre n'éclate ? En Bosnie-Herzégovine, je veux dire.

 26   R.  Vous m'avez demandé d'être concis, mais je dois dire qu'avant la date

 27   du 8 mars 1992, ma mission d'officier de liaison se concentrait avant tout

 28   sur la Croatie et sur ce qui allait devenir lez zones de protection des

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  1   Nations Unies. Je n'étais absolument pas au courant de ce qui se passait ou

  2   allait se passer en Bosnie. Au mois de mars, lorsque j'ai été dépêché à

  3   Sarajevo le 22 mars, il était tout à fait clair que des tensions

  4   interethniques existaient en Bosnie septentrionale.

  5   Mais les instructions qui avaient été données aux observateurs militaires

  6   en tant que membres de la FORPRONU, et je l'ai indiqué précédemment,

  7   consistaient à leur demander de se déployer à Bihac et à Mostar, qui

  8   avaient été considérées comme étant des zones de tension interethniques

  9   importantes, donc des zones potentiellement très sensibles, de façon très

 10   générale j'étais au courant de l'existence de certains problèmes à Mostar.

 11   En effet, nous avons déployé un certain nombre d'observateurs en mars, fin

 12   mars, et en avril pendant une période assez brève, mais les combats étaient

 13   si intenses que nous avons eu à retirer ces observateurs après sept à dix

 14   jours à peine. Nous avons même eu deux ou trois observateurs blessés, qui

 15   se sont retrouvés incapables de s'acquitter de leurs tâches. Nous les avons

 16   donc retirés pour raisons de sécurité.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   Pouvons-nous maintenant avoir le document 1D1308 à l'écran.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Pendant que ce document s'affiche je voudrais vous demander la chose

 21   suivante. Puisque vous avez été en Croatie jusqu'à la date du 8 mars, est-

 22   ce que vous savez que le 3 mars, l'armée croate a franchi la frontière pour

 23   se rendre à Bosanski Brod, où elle a tué un certain nombre de Serbes ?

 24   R.  De quelle armée parlez-vous ?

 25   Q.  Je pense que c'était la Garde nationale ou d'autres formations

 26   irrégulières croates.

 27   R.  Non, je ne suis pas au courant de ces agissements.

 28   Q.  Est-ce que les informations dont vous disposiez ne vous parvenaient que

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  1   de vos propres observateurs et ne concernaient que les zones où ces

  2   observateurs étaient déployés, ou bien disposiez-vous également d'autres

  3   sources ?

  4   R.  Nous avions tout un éventail assez large de sources; d'autres agences

  5   étaient actives sur place, les médias également nous fournissaient des

  6   informations, d'autres branches de la FORPRONU, la population locale.

  7   Chacune de ces entités nous fournissait des éléments concernant les

  8   agissements de telle ou telle partie. Donc nous avions un éventail assez

  9   large de sources d'information à notre disposition, Monsieur Karadzic.

 10   Q.  Merci. Je voudrais maintenant que nous nous penchions sur ce document.

 11   Il s'agit d'une lettre du défunt Pr Koljevic, qui était membre de la

 12   présidence de la Bosnie-Herzégovine et qui a été ensuite vice-président de

 13   la Republika Srpska. Il s'agit d'une lettre adressée à l'ambassadeur

 14   Cutileiro. Je vous prie de vous y reporter rapidement.

 15   Est-ce que vous savez qu'à ce moment-là, et à partir déjà du 22 février au

 16   moins, nous disposions d'une déclaration qui avait fait l'objet d'un

 17   accord, une déclaration portant sur les principes d'une résolution de la

 18   crise en Bosnie-Herzégovine, principes qui ensuite sont devenus l'accord de

 19   Lisbonne ?

 20   R.  Non, Monsieur Karadzic, je n'ai aucune connaissance des événements

 21   politiques ou des événements en général en Bosnie avant la date du 22 mars,

 22   le moment où le quartier général de mes observateurs de la FORPRONU a été

 23   installé à Sarajevo, et je n'ai participé à aucune des négociations qui se

 24   sont déroulées entre la FORPRONU et l'une quelconque des parties jusqu'au

 25   moment où j'ai quitté les quartiers généraux de la FORPRONU vers le 16 ou

 26   17 mai. Je n'ai certainement pas été partie prenante à la chaîne de

 27   transmission des informations pour le compte de quelque négociateur que ce

 28   soit de l'Union européenne.

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  1   Q.  Mais vous avez obtenu des éléments d'information. Vous saviez ce qui se

  2   passait dans ce pays où vous aviez été envoyé, n'est-ce pas ?

  3   R.  Monsieur Karadzic, il est très triste pour moi de devoir admettre que

  4   je n'étais pas au courant, et je pense que le commandant des forces, M.

  5   Nambiar, n'était pas au courant non plus, et M. Thornberry, qui était

  6   chargé des affaires politiques, n'était pas au courant non plus de ce qui

  7   se passait en Bosnie-Herzégovine. Et la FORPRONU, lorsqu'elle a été

  8   déployée en ex-Yougoslavie, a été déployée pour l'essentiel en Croatie, à

  9   l'exception des observateurs militaires qui avaient été déployés à Mostar

 10   et à Bihac. C'est malheureusement la triste réalité de la façon dont la

 11   communauté internationale voyait la situation avant le mois de mars 1992.

 12   Q.  Mais nous parlons maintenant du 4 ou du 5 avril 1992, du mois d'avril,

 13   vous pouvez voir qu'il y a 25 000 réfugiés serbes de Kupres, et les

 14   événements de Bijeljina qui se sont déroulés, comme s'étaient déjà déroulés

 15   les événements de Bosanski Brod. Le professeur Koljevic tente, au vu de

 16   tous ces conflits, c'est ce qu'il dit :

 17   "Malgré ces conflits malheureux, nous aimerions voir régner la paix et

 18   aboutir à une solution pacifique pour les factions belligérantes."

 19   Voyez-vous ceci au niveau de la première phrase ?

 20   R.  Oui. En avril 1992, effectivement, il y a eu des combats peu nombreux

 21   qui se sont déroulés à Sarajevo, et on savait qu'il y avait un nettoyage

 22   ethnique qui avait lieu, et il y a eu des conflits importants à l'extérieur

 23   de Sarajevo. Mais il s'agissait d'événements qui commençaient à être connus

 24   aux yeux des membres de la FORPRONU. La FORPRONU s'est tout à coup trouvée

 25   dans une position où elle a été amenée à négocier avec des membres des

 26   dirigeants politiques de Bosnie, et par là, je veux parler des Serbes, des

 27   Croates et des Musulmans, les trois parties, alors que pour l'essentiel, la

 28   FORPRONU se concentrait sur le déploiement d'une force de 25 000 personnes

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  1   dans les zones protégées en Croatie. Ils n'ont pas participé aux

  2   négociations politiques dirigées et menées par l'Union européenne. Je ne

  3   peux pas faire davantage de commentaires sur ce document.

  4   Q.  Voyez-vous que le professeur Koljevic, ici dans ce document, rappelle -

  5   - ou plutôt, informe l'ambassadeur Cutileiro du fait que la partie

  6   musulmane a pris des mesures pour établir sa propre Défense territoriale,

  7   ce qui n'a rien à voir avec l'armée populaire yougoslave ? Il s'agissait là

  8   d'un geste illégal.

  9   R.  Je ne sais pas ce que vous voulez dire par geste illégal exactement.

 10   Q.  Savez-vous que la Défense territoriale était subordonnée à l'armée

 11   populaire yougoslave ?

 12   R.  Oui, je le sais.

 13   Q.  Bien, nous voyons ici dans ce document que M. Koljevic indique que le

 14   camp musulman, malgré le fait qu'il y ait trois peuples constitutifs en

 15   Bosnie-Herzégovine, nous pouvons lire ici, dans l'avant-dernier paragraphe,

 16   qu'ils tentent d'organiser une armée en Bosnie en attendant la

 17   reconnaissance ?

 18   R.  Oui, je vois que cela est écrit ici à l'alinéa 3 de ce paragraphe. Oui,

 19   je vois cela.

 20   Q.  Et voyez-vous que M. Koljevic est inquiet parce que les Serbes ne

 21   souhaitaient pas se joindre à cette nouvelle force, et telle était la

 22   situation ?

 23   R.  Je vois que M. Koljevic tentait de faire passer ce message-là, oui.

 24   Mais je ne vois pas exactement quelle en est la pertinence.

 25   Q.  Bien, cela est pertinent parce que vous êtes venu en tant qu'expert

 26   militaire et observateur militaire dans un pays donné et que nous parlons

 27   ici d'actions militaires. Etiez-vous au courant de ces actions militaires

 28   et est-ce que vous compreniez qu'il s'agissait là en réalité de préparatifs

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  1   qui ont précédé la guerre ?

  2   R.  Je vais redire ce que j'ai déjà dit dans mon témoignage. Le mandat de

  3   la FORPRONU, aux mois de mars, avril et mai 1992, était un mandat en

  4   Croatie. Le quartier général se trouvait à Sarajevo. Les seules personnes

  5   qui avaient une quelconque mission en Bosnie-Herzégovine étaient mes

  6   observateurs militaires. Le commandant des forces ne devait pas s'impliquer

  7   dans ces questions-là. La FORPRONU n'a pas eu de mandat en Bosnie avant

  8   l'accord du mois d'avril. Avant cela, les observateurs étaient déployés à

  9   Bihac et à Mostar. Ce qui est arrivé avant à Sarajevo est quelque chose qui

 10   a été imposé aux commandants des forces de la FORPRONU. Ils ont essayé de

 11   parvenir à quelque chose qui ressemblait à un accord et pour comprendre ce

 12   qui se passait. Ils ne savaient pas ce que faisaient les trois camps. Ils

 13   ne savaient pas s'ils étaient en train de constituer des forces ou non.

 14   J'ai dit dans ma déclaration que j'ai reçu des rapports essentiellement de

 15   sources militaires croates et que les autorités serbes en Bosnie, en

 16   janvier 1992, étaient en train de désarmer les Musulmans et étaient en

 17   train d'armer les éléments serbes en Bosnie du nord. C'est quelque chose

 18   que j'ai abordé dans ma déclaration. Il s'agissait d'information que nous

 19   avions reçue et qui a été, en partie, confirmée par le commandement de la

 20   JNA. C'est ainsi que les choses se sont passées. A mon sens, le seul

 21   élément concret dont je dispose, c'est qu'il y avait des gens qui avaient

 22   constitué des forces, qu'ils se livraient à des préparatifs militaires du

 23   côté serbe. Je n'ai pas vu d'éléments indiquant que les forces de la

 24   présidence de Bosnie étaient prêtes pour ce conflit en janvier et en mai

 25   1992. Il est clair qu'ils n'étaient pas prêts. Ils n'étaient pas armés, ils

 26   étaient désorganisés. Ce n'était qu'au mois de mai qu'il y avait quelqu'un

 27   qui pouvait réellement s'appeler le ministre de la Défense. C'était M.

 28   Doko. Ils n'étaient manifestement pas préparés.

Page 3968

  1   Q.  Bien, Général, pardonnez-moi, est-ce que cela signifie que vous ne

  2   pouvez pas parler aujourd'hui de quelque élément que ce soit qui ait

  3   précédé le mois de juin 1992 ? Cela signifie que votre connaissance de la

  4   situation n'est pas exacte ? Vous avez évoqué de nombreux événements dans

  5   votre témoignage.

  6   R.  Je peux parler d'événements dont j'avais connaissance. Beaucoup de

  7   choses se sont passées à propos desquelles je n'étais pas au courant, et

  8   c'est le cas de cette pièce que vous me montrez. C'est quelque chose que je

  9   ne connaissais pas et qui n'avait rien à voir avec les négociations

 10   politiques qui se déroulaient entre l'Union européenne et les partis

 11   politiques en Bosnie.

 12   Q.  Merci. Et savez-vous que Jerko Doko est devenu ministre de la Défense

 13   en janvier 1991, et non pas en juin 1992 ?

 14   R.  Non, cela, je ne le savais pas.

 15   Q.  Et savez-vous que les dirigeants de la Ligue patriotique souhaitaient

 16   qu'il y ait une guerre contre les Serbes et la JNA dans le courant de l'été

 17   1991 et qu'ils souhaitaient venir en aide aux Croates pour ce faire ?

 18   R.  C'est la première fois que j'entends parler de la Ligue patriotique.

 19   Q.  Donc vous ne savez pas que jusqu'au mois de janvier 1992, dans 103

 20   municipalités, il y avait des états-majors et des brigades de la Ligue

 21   patriotique, l'armée illégale musulmane ?

 22   R.  Non, je n'étais pas au courant de cela.

 23   Q.  Et vous ne savez pas que les forces musulmanes à Sarajevo s'appelaient

 24   le 1er Corps et que cette force comprenait trois divisions, la 12e, la 14e

 25   et la 16e ?

 26   R.  Non, je ne le savais pas.

 27   Q.  Et, Général, savez-vous qu'il y avait une quinzaine de brigades dans la

 28   ville même, dans la ville de Sarajevo, et qu'ils avaient leurs quartiers

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  1   généraux et leurs bases logistiques et leurs pièces d'artillerie, leurs

  2   chars, leurs positions de mortier, et qu'en réalité ils représentaient

  3   quelque 300 cibles légitimes dans la ville même de Sarajevo ?

  4   R.  Non, je n'étais pas au courant de tout ceci dans le détail.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parlez de quelle période pour ce

  6   qui est de votre dernière question, Monsieur Karadzic ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je parle du tout début de la guerre.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas, le témoin a répondu à la

  9   question.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Mais aviez-vous quelques soupçons, aviez-vous une quelconque idée, est-

 13   ce que vous saviez que le camp croate vous donnait des informations

 14   erronées sur les actions menées par les Serbes ?

 15   R.  Monsieur Karadzic, cela fait partie de notre mission en ex-Yougoslavie.

 16   Nous avons fait très attention et prêté une attention toute particulière à

 17   ce que l'un ou l'autre camp nous disait. Il fallait toujours essayer de

 18   trouver des éléments à l'appui de ce qui était dit, et il fallait vraiment

 19   faire la différence entre ce qui était pris à la lettre et ce qui n'était

 20   pas.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Quel est le sort qui va être réservé à ce

 23   document que nous avons sur nos écrans maintenant ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'allons pas le verser au dossier.

 25   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Maintenant je souhaite vous demander de vous reporter au paragraphe 95

 27   de votre déclaration consolidée, qui porte sur votre voyage en Bosnie

 28   orientale, de Belgrade, Zagreb, et ensuite vous êtes passé par Bijeljina.

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  1   Vous alliez de Belgrade à Zagreb, est-ce que vous êtes passé par Bijeljina

  2   ?

  3   R.  Je crois que oui. Je n'ai pas une connaissance très détaillée de la

  4   géographie de la région. Nous avons pris la route la plus directe entre

  5   Belgrade et Sarajevo, et nous avons traversé la zone de Bijeljina. A savoir

  6   si nous avons traversé le centre de la ville, je ne peux pas vous le dire.

  7   Q.  Oui. Mais ici on parle de "Belgrade à Zagreb", ce qui signifie que vous

  8   avez dû emprunter l'autoroute et vous n'êtes pas passé par Bijeljina ?

  9   R.  Dans ce cas, il s'agit d'une erreur qui s'est glissée dans ma

 10   déclaration. On devrait y lire, dans ce cas, "de Belgrade à Sarajevo."

 11   Q.  Voyez-vous ce que vous avez dit à propos de Bijeljina, vous dites avoir

 12   vu -- peut-être que c'est quelque chose que nous pouvons voir sur nos

 13   écrans. Je crois que toutes les parties ici dans le prétoire disposent de

 14   copie papier. Dans le paragraphe 95, vous dites avoir vu des dégâts à

 15   Bijeljina. Ce qui était indiqué dans les rapports c'est que la JNA

 16   fournirait un périmètre de sécurité pendant que les paramilitaires

 17   entraient dans ces zones et commettaient des crimes et se livraient au

 18   nettoyage ethnique. Certains rapports ont indiqué également que les

 19   paramilitaires se livraient à des meurtres et à des viols, à titre

 20   d'exemples pour les villageois, et :

 21   "Que les hommes d'Arkan ont été cités dans certains de ces rapports."

 22   A votre avis, s'agit-il d'un rapport conforme à la vérité ? Est-ce

 23   que c'est quelque chose sur lequel nous pouvons nous reposer ? S'agit-il là

 24   de quelque chose qui se fonde sur vos connaissances ou s'agit-il simplement

 25   de l'impression que vous aviez ?

 26   R.  Il s'agit d'observations physiques à Bijeljina. J'y étais moi-même.

 27   J'ai vu les dégâts causés par la guerre. J'ai vu les milices qui

 28   contrôlaient la ville. J'ai vu les barricades. J'ai vu les maisons qui

Page 3971

  1   avaient explosé, qui avaient été détruites et qui avaient été brûlées. Il

  2   s'agit là d'observations que j'ai faites au plan physique.

  3   Pour ce qui est de ces rapports, il y avait un nombre très important

  4   de rapports émanant de la FORPRONU, en particulier au mois d'avril 1992,

  5   qui émanaient de la MOCE, de différentes organisations humanitaires, de

  6   différents journalistes, qui ont pu traverser la Bosnie et qui ont réussi à

  7   traverser et à couvrir une région assez large, ainsi que de la présidence.

  8   Donc différents rapports émanant de différentes sources qui se

  9   corroboraient l'un et à l'autre et qui indiquaient que le nettoyage

 10   ethnique avait eu lieu en Bosnie septentrionale. Les rapports indiquaient

 11   quels moyens avaient été utilisés également, et ceci est consigné dans ce

 12   paragraphe.

 13   Q.  Savez-vous si les gens de la MOCE disposaient de leurs hommes à cet

 14   endroit-là ? Est-ce qu'ils avaient leurs hommes là-haut ?

 15   R.  Je ne sais rien au sujet du déploiement de la MOCE dans le détail.

 16   D'après ce que j'ai compris, il y avait certainement des hommes qui ont

 17   traversé cette région, qui étaient là, qui bougeaient. A savoir s'ils

 18   étaient détachés de façon permanente, je ne peux pas vous le dire. Nous

 19   échangions des informations au quotidien avec les gens de la MOCE, et de

 20   façon officielle, de façon hebdomadaire. Je rencontrais les observateurs

 21   les plus hauts placés de cette organisation pour que nous puissions

 22   échanger nos informations.

 23   Q.  Disposez-vous d'un quelconque rapport officiel sur ce qui est arrivé à

 24   Bijeljina ?

 25   R.  Non, je ne conserve pas les rapports, Monsieur Karadzic, et je n'ai pas

 26   rédigé les rapports. Je parle simplement de ce dont je me souviens, à

 27   savoir de rapports écrits qui étaient transmis entre les différents QG de

 28   la FORPRONU au moment où j'étais là. Comme je vous l'ai dit, j'avais une

Page 3972

  1   position privilégiée au niveau de la FORPRONU. J'avais accès à

  2   l'information, et de façon régulière, je participais à différents groupes

  3   et réunions où nous prenions des décisions de la plus haute importance.

  4   J'étais dans le secret des commandants des forces, donc j'étais bien

  5   informé. Je vous parle simplement de ce dont je me souviens, du type

  6   d'information qui circulait au niveau du quartier général de la FORPRONU à

  7   cette époque, au mois d'avril 1992.

  8   Q.  Bien. Si vous étiez très bien informé, dans ce cas, nous allons pouvoir

  9   nous servir de vos connaissances. Mais d'après ce que vous dites au

 10   paragraphe 95, la seule chose dont nous devrions tenir compte c'est de dire

 11   que lorsque vous vous êtes rendu à Bijeljina, vous avez constaté que des

 12   combats avaient eu lieu. Il s'agit simplement d'impressions, ce dont vous

 13   avez entendu parler, mais vous ne disposez d'aucun rapport à cet effet et

 14   vous n'avez aucune connaissance directe de ces événements, n'est-ce pas ?

 15   R.  C'est aux Juges de la Chambre, Monsieur Karadzic, de noter ce que bon

 16   leur semble. Je vous donne simplement les types d'information qui ont été

 17   consignés. Au paragraphe 1, il s'agit d'observations prises puisque j'étais

 18   moi-même présent physiquement. Pour ce qui est des autres éléments

 19   d'information, il s'agit de résumés liés aux observations faites et qui

 20   étaient disséminées par le quartier général. Je n'ai moi-même pas été en

 21   possession physique de ces rapports et je ne m'y serais pas attendu non

 22   plus.

 23   Q.  Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons regarder la pièce

 25   1D01247.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Général, pour ce qui est des questions de droit pénal, on ne peut pas

 28   se reposer sur des impressions, on ne peut se fonder que sur des

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  1   connaissances et des éléments de preuve extrêmement précis, n'est-ce pas ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce n'est pas au témoin de répondre à

  3   cette question. Veuillez poursuivre.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaitais simplement expliquer au général

  5   pourquoi j'insiste tant sur ce point. Je ne souhaite pas qu'il le prenne

  6   mal.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Je souhaite que nous regardions le paragraphe 3 de ce document, s'il

  9   vous plaît. S'il n'y a pas de traduction, dans ce cas, je vais simplement

 10   vous dire qu'il s'agit là du commandement du 17e Corps, donc il s'agit

 11   toujours de la JNA, et il s'agit d'un rapport quotidien sur les opérations

 12  envoyé au commandement de la 2e Région militaire de Sarajevo. Ceci est signé

 13   par le général Jankovic. Je crois qu'il s'agit du 17e Corps. Il s'agit du

 14   Corps de la JNA de Tuzla.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pardonnez-moi. Il s'agit d'une pièce que

 16   nous avons en double, qui est le numéro 65 ter 07089, D239.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder l'ensemble du document. Je

 21   propose que nous lisions tous le document. Le point 3 est particulièrement

 22   intéressant parce qu'il évoque les événements du 3 avril.

 23   Savez-vous que Corica est un village musulman et que ce village a

 24   tiré sur la JNA ?

 25   R.  Ma réponse est non à ces deux questions.

 26   Q.  Merci. Est-ce que nous pourrions maintenant regarder le passage

 27   suivant. Le commandant du Groupe opérationnel 1 -- est-ce que nous

 28   pourrions regarder la fin de ce paragraphe, où on peut lire :

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  1   "Un de nos soldats a été tué."

  2   Et ensuite, pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder le paragraphe 4, où on

  3   peut lire au niveau de la deuxième phrase :

  4   "A Bijeljina, la situation est plus calme quelque peu, mais le chaos règne

  5   de façon générale sur la ville, il y a un état de panique."

  6   Le nombre exact de personnes tuées est inconnu. La situation est

  7   incontrôlée, certains dirigeants de partis sont incapables de faire

  8   respecter la paix et d'empêcher ce comportement anarchique émanant de

  9   personnes ou de groupes.

 10   R.  C'est ce que dit la traduction.

 11   Q.  Si nous revenons à ce que vous avez dit dans votre déclaration au

 12   paragraphe 95, quelqu'un vous a laissé entendre, par l'intermédiaire d'un

 13   des rapports que vous avez reçu, que les paramilitaires travaillaient main

 14   dans la main avec la JNA, que la JNA fournissait la sécurité à ces

 15   paramilitaires qui allaient tuer et violer les personnes; est-ce exact ?

 16   R.  C'est ce que j'ai dit dans mon témoignage, oui.

 17   Q.  Donc c'est quelque chose que vous maintenez toujours, à savoir que

 18   votre déclaration est fiable ?

 19   R.  Tout à fait, mais je ne pense pas qu'il faille ici appliquer ceci à

 20   toute situation où il y avait un nettoyage ethnique. Je n'ai pas dit que

 21   ceci s'est produit dans tous les villages ethniques de cette façon

 22   lorsqu'il y avait un nettoyage ethnique. Simplement, ce qui s'est passé

 23   dans ce village et dans les régions voisines, ainsi qu'à d'autres endroits,

 24   a donné lieu au déplacement de ces personnes. J'ai noté dans mon rapport --

 25   il y avait suffisamment de rapports que j'ai reçus qui m'ont fait croire

 26   que c'était exact, parce que ces rapports émanaient de différentes sources.

 27   Q.  Merci. Est-ce que ces sources étaient des sources serbes, certaines

 28   d'entre elles ?

Page 3975

  1   R.  A ma connaissance, non.

  2   Q.  Merci. Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder la page suivante de

  3   l'anglais, s'il vous plaît. On peut lire que :

  4   "Les dirigeants des partis nationaux se préparent à de nouveaux conflits,

  5   des armes sont remises publiquement aux membres du SDA dans de nombreux

  6   endroits. A 15 heures, le 3 avril, les armes ont été remises aux membres du

  7   SDA dans la mosquée dans le village de Turmine [phon] et quelque chose est

  8   prévu en direction de Bijeljina, où il y a un nombre important d'effectifs

  9   rassemblés pour les 3 et 4 avril."

 10   Aviez-vous une quelconque connaissance de ce que faisaient les autres

 11   parties, hormis les Serbes j'entends ?

 12   R.  Non, pas du tout. J'ai parlé de ce que je savais à propos des actions

 13   qui se déroulaient en Bosnie du nord. Je ne peux rien ajouter à cela.

 14   Q.  Merci.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions faire défiler le

 16   texte vers le bas un petit peu, s'il vous plaît, parce que j'aimerais que

 17   le général regarde le paragraphe numéro 9, prévisions du général Jankovic.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Donc regardez ici, on peut lire :

 20   "Une situation encore plus difficile et activités de combat auxquelles nous

 21   devons nous attendre pour la période à venir à Bijeljina et le long de la

 22   route de Brod et de Derventa. Il est fort probable que des barricades

 23   soient érigées le long des routes.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons perdu une partie de la

 25   traduction anglaise. Est-ce que nous pouvons avoir la page suivante, s'il

 26   vous plaît.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Oui, "…et dans le reste du secteur, y compris des conflits armés du

Page 3976

  1   corps et des unités."

  2   Qui était censé mener ces actions sur l'axe de Bosanski Brod et de Derventa

  3   ?

  4   R.  De quelles actions voulez-vous parler, s'il vous plaît, Monsieur

  5   Karadzic ?

  6   Q.  Je vois que le général Jankovic est décédé, c'est lui qui fait des

  7   prévisions sur ce à quoi il s'attend. Il fait un rapport à ses supérieurs

  8   hiérarchiques, indique que les convois sont attendus à Bijeljina et le long

  9   de l'axe de Bosanski Brod et Derventa. Donc c'est lui qui était censé mener

 10   ces actions. Qui était censé attaquer les unités du corps dans ce secteur,

 11   sur l'axe de Bosanski Brod et Derventa ? Qui étaient les observateurs qui

 12   étaient postés en Bosnie du nord à ce moment-là ?

 13   R.  Il n'y avait pas d'observateurs des Nations Unies à ce moment-là le 3

 14   avril. Je puis vous l'assurer, Monsieur Karadzic. Et je ne peux pas me

 15   mettre dans la tête du feu général. Je ne sais pas pourquoi il a fait ce

 16   genre de prévision. En tout cas, je ne peux pas vous commenter cela.

 17   Q.  Général, il y avait des observateurs de la Communauté européenne qui se

 18   trouvaient là à ce moment-là. Si je vous pose cette question maintenant :

 19   le 3 mars, l'armée croate est entrée à Bosanski Brod pour tuer des Serbes.

 20   Le 25 mars, elle a tué un père et son fils, a franchi le fleuve. Et le 26

 21   mars, elle est entrée dans le village de Sijekovac en tuant tous les Serbes

 22   et tout le bétail du village. Si je vous dis ceci, aux yeux du général

 23   Jankovic, qui était la force qui devait lancer ces opérations militaires et

 24   ces actions de combat dans ce secteur ?

 25   R.  Vous devriez poser la question au général Jankovic, si vous le

 26   pouviez, je ne sais pas ce qu'il a prévu.

 27   Q.  Et si je vous dis qu'il s'agit des forces régulières de Croatie et des

 28   paramilitaires musulmans locaux, qu'auriez-vous à répondre ?

Page 3977

  1   R.  Bien, je n'ai aucune connaissance de ces événements, hormis les

  2   rapports généraux que nous recevions, à savoir qu'il y avait un conflit

  3   interethnique qui se déroulait et que la conséquence directe de tout ceci

  4   c'est qu'il y avait un nombre important de Musulmans et de réfugiés qui se

  5   déplaçaient. Ceci est, pour l'essentiel, mon témoignage. C'est le détail de

  6   ce qui s'est passé dans un village en particulier, et ceci s'est produit

  7   dans des centaines de villages à l'époque, Monsieur Karadzic. C'est ce qui

  8   se passait sur l'ensemble de la Bosnie à l'époque, non seulement simplement

  9   là en Bosnie du nord, mais dans bon nombre d'endroits. J'ai déjà indiqué

 10   que le 4 avril j'avais quitté Sarajevo, je m'étais rendu en voiture à

 11   Zagreb, et en chemin -- sur la route du retour, j'ai vu ces combats entre

 12   les différents groupes ethniques.

 13   Le paragraphe que vous citez est un paragraphe qui résume les

 14   rapports que j'avais eus moi-même sur le nettoyage ethnique en Bosnie du

 15   nord.

 16   Q.  Qui a subi le nettoyage à ce moment-là, Général ? Avant le 6 ou le 10

 17   avril, qui subissait les actes de nettoyage ethnique à ce moment-là ? Si je

 18   devais vous dire que seuls les Serbes ont subi des actes de nettoyage

 19   ethnique à ce moment-là et que seuls des Serbes se sont faits tuer, que me

 20   répondriez-vous ?

 21   R.  Bien, je crois que les deux conflits étaient liés, Monsieur Karadzic.

 22   Le conflit qui se déroulait en Croatie a produit un grand nombre de

 23   réfugiés serbes et ils ont été contraints de partir pour la Bosnie et la

 24   Serbie. Donc il y avait des réfugiés serbes issus de ce conflit. Il y

 25   avait, comme je l'ai dit, des rapports qui étaient reçus et qui

 26   démontraient qu'il s'agissait d'une campagne orchestrée et délibérée,

 27   destinée à nettoyer les populations musulmanes, de la Bosnie du nord en

 28   particulier. Et, bien sûr, il y a ce conflit qui avait cours plus bas à

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  1   Mostar à ce moment-là et qui opposait principalement les Croates et les

  2   Musulmans. La situation était très complexe.

  3   Au paragraphe 95, j'évoque un secteur particulier et une période

  4   particulière, mais la plupart des observations concernent l'ensemble de la

  5   Bosnie, et il ne fait aucun doute qu'il y avait des réfugiés musulmans qui

  6   ont été le résultat du conflit en Bosnie. Cependant, c'était une position

  7   ferme de la part de la direction de la présidence que son désir, et cette

  8   direction l'a dit pendant l'année 1993, au cours des négociations à

  9   Sarajevo, le désir de la présidence c'était d'être face à une population

 10   totalement intégrée et capable de vivre ensemble. La présidence n'a jamais

 11   apporté, en tout cas à moi, la moindre preuve que sa position consistait à

 12   dire que les Serbes et les Musulmans ne pouvaient pas vivre ensemble. Mais

 13   la direction politique souhaitait conserver la structure politique

 14   existante de la Bosnie-Herzégovine.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que l'heure

 16   vous convient pour la pause ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux obtenir le versement de ce

 18   document au dossier, car il porte sur Bijeljina et concerne les éléments

 19   dont le général vient de parler.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document a déjà été versé par le

 21   biais de M. Colm Doyle.

 22   M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons maintenant faire une pause.

 24   --- L'audience est suspendue à 12 heures 34.

 25   --- L'audience est reprise à 13 heures 32.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   M. KARADZIC : [interprétation] 

Page 3979

  1   Q.  Général, saviez-vous dans quelle partie de la ville et dans quelle

  2   banlieue les Serbes étaient le plus représentés ?

  3   R.  Non, je n'avais pas de connaissance détaillée de la répartition

  4   ethnique de la population de Sarajevo.

  5   Q.  Est-ce que vous saviez quelles étaient les localités tenues par les

  6   Serbes ?

  7   R.  Non, parce que je ne connaissais pas toutes les banlieues de Sarajevo.

  8   Q.  Mais conviendriez-vous, dans ce cas, qu'il vous serait plutôt difficile

  9   de dire qui tirait sur qui si vous ne saviez pas quelles étaient les

 10   différentes parties de la ville tenues par telle ou telle partie ?

 11   R.  Oui, je conviens que cela était difficile, mais vous avez toujours la

 12   possibilité d'observer, d'écouter. J'avais une connaissance générale de la

 13   situation, et en observant la façon dont les tirs se répartissent, il est

 14   possible de déterminer qui en est à l'origine, quelle était la répartition

 15   des forces sur le terrain et de quel côté se situe l'effort principal. Il y

 16   a différentes façons de déterminer ce qui se passe sans nécessairement

 17   avoir besoin d'observer les choses de très près.

 18   Q.  Oui, mais si des obus tombent sur une partie de la ville, pourquoi

 19   considérez-vous comme non pertinent de savoir si cette partie est serbe ou

 20   musulmane ?

 21   R.  Je ne crois pas que la composition ethnique des différentes banlieues

 22   de Sarajevo ait eu grand-chose à voir avec cela. Le fait est que des armes

 23   lourdes et des tirs d'artillerie ont été dirigés vers des zones occupées

 24   par des civils. C'est cela qui compte et qui est important, et non pas

 25   l'appartenance ethnique de la population.

 26   Q.  Mais est-ce que vous êtes en train d'essayer de nous dire que peut-être

 27   des Serbes ont visé par de tels tirs des localités peuplées de Serbes ?

 28   R.  J'ai déjà indiqué que je ne savais pas quelles étaient les localités

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  1   peuplées de Serbes et quelles étaient les localités qui n'étaient pas

  2   peuplées de Serbes. Ce que j'ai dit, c'est que c'étaient les Serbes qui

  3   tiraient au moyen d'armes lourdes, qui procédaient à des tirs nourris, et

  4   ce, en visant des parties résidentielles de Sarajevo.

  5   Q.  Comment savez-vous qu'il s'agissait de Serbes ?

  6   R.  Parce que l'intensité des tirs en question ne pouvait être que le fait

  7   des forces serbes à l'époque.

  8   Q.  Est-ce que vous êtes en train de suggérer que des forces musulmanes à

  9   l'époque ne disposaient pas d'obusiers en ville ?

 10   R.  Non, ce n'est pas ce que je dis.

 11   Q.  Mais s'ils avaient des obusiers situés en ville, est-ce qu'ils

 12   n'avaient pas eux aussi la possibilité de procéder à des tirs nourris ?

 13   R.  Ils n'avaient pas suffisamment de pièces d'artillerie ou d'armes

 14   lourdes pour procéder aux tirs nourris que j'ai pu observer.

 15   Q.  J'ai vu dans votre déclaration que vous aviez inspecté les positions

 16   serbes. Est-ce que vous avez inspecté également les positions des forces

 17   musulmanes ?

 18   R.  Je ne suis pas sûr de comprendre exactement de quelles positions vous

 19   parlez et à quel moment.

 20   Q.  Bien, dès le début, les lignes de front se sont mises en place à

 21   Sarajevo, dès le début. Est-ce que vous avez inspecté et est-ce que vous

 22   savez où se trouvaient les lignes tenues par les forces musulmanes ?

 23   R.  Non, je n'ai pas inspecté les lignes de front. Je les ai traversées à

 24   certaines occasions, mais je ne les ai pas inspectées. J'avais une notion

 25   générale de l'endroit où se trouvaient ces lignes de front et, bien

 26   entendu, cela évoluait en fonction des opérations de combat.

 27   Q.  Mais vous conviendrez que la position des lignes de front n'a évolué

 28   qu'à Otes et Zlatiste, et que partout ailleurs la position des lignes de

Page 3981

  1   front a été quasiment la même tout au long de la guerre ?

  2   R.  Pourriez-vous répéter la question.

  3   Q.  Je vous dirais la chose suivante, au début, la ligne de front courrait

  4   sur 42 kilomètres, et les Musulmans l'ont étendue à 46 kilomètres, donc

  5   deux kilomètres supplémentaires. Est-ce que, si je vous dis cela, vous

  6   conviendrez que la ligne de front est restée statique ou stable ?

  7   R.  Il y a quelque chose qui ne colle pas --

  8   Q.  Il y a un problème de traduction. Ce n'est pas 46, mais 64. Il s'agit

  9   de données qui proviennent des Musulmans et que nous montrerons peut-être

 10   demain. Ils ont étendu la ligne de front de 22 kilomètres supplémentaires.

 11   C'est donc passé de 42 à 64 kilomètres. Si nous parlons de guerre en

 12   environnement urbain, cela ne représenterait-il pas une extension assez

 13   conséquente?

 14   R.  Je voudrais revenir à votre première question, pour ce qui concerne la

 15   période de mai et juin, qui est la période sur laquelle porte ma

 16   déposition. Je n'avais pas connaissance de la longueur de la ligne de

 17   confrontation. Comme je vous l'ai déjà dit, j'en avais une notion générale

 18   simplement. J'avais connaissance du fait que cette ligne et son emplacement

 19   évoluaient avec le temps, donc il est possible qu'elle se soit allongée en

 20   longueur.

 21   Q.  Est-ce que vous avez traversé la ligne de front à quelque endroit que

 22   ce soit dans la ville ?

 23   R.  Il y avait deux points de passage que j'ai eu l'occasion de passer --

 24   en fait, il y en avait trois. Il y avait une route vers Lukavica, en

 25   passant par l'aéroport. Il y avait un point de passage vers Nedzarici et

 26   Dobrinja, au-delà en fait de Nedzarici et Dobrinja, et il y avait un

 27   troisième point de passage qui a été ménagé au début du mois de juin, à

 28   Grbavica je crois. En arrivant de Zagreb ou de Belgrade, nous entrions dans

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  1   la ville en passant par un point de passage qui m'était également familier.

  2   Q.  Ces points de passage eux-mêmes, Général, étaient situés à quelle

  3   distance des lignes de front?

  4   R.  Ils en étaient très proches, c'était à moins d'une centaine de mètres.

  5   Q.  Merci. Savez-vous qui tenait les positions qui se trouvaient dans les

  6   montagnes environnant Sarajevo ?

  7   R.  Cela dépend de la période de temps considéré, mais la réponse générale

  8   pourrait être que c'étaient les forces serbes qui tenaient les positions

  9   qui se trouvaient en hauteur, alors que les positions qui se trouvaient en

 10   ville étaient tenues par les forces de la présidence.

 11   Q.  Oui, mais si je vous disais qu'il y avait également une partie des

 12   montagnes qui était tenue par les Musulmans et que les Serbes n'étaient pas

 13   les seuls à être présents dans les collines et les montagnes environnantes,

 14   et ce, pendant toute la durée de la guerre, quel serait votre commentaire ?

 15   R.  Bien, cela dépend de quelles positions on parle. Je vous ai déjà

 16   indiqué ne pas avoir de connaissance précise de l'emplacement des lignes de

 17   front.

 18   Q.  Vous rappelez-vous de la montagne de Hum ? Là où se trouvait positionné

 19   un relais hertzien important pour la télévision.

 20   R.  Je me rappelle qu'il y avait une colline avec une tour de télévision de

 21   grande taille à son sommet, mais je ne me rappelle pas son nom.

 22   Q.  Conviendrez-vous que cette hauteur a été tenue par les Musulmans

 23   pendant toute la durée de la guerre ?

 24   R.  Je ne sais pas qui tenait cette colline.

 25   Q.  Et si moi je vous disais que la colline de Hum descend vers la localité

 26   de Velisice et qu'on traverse pour ce faire -- à l'époque en tout cas, on

 27   devait traverser des positions où était déployée l'artillerie des forces

 28   musulmanes, qu'en diriez-vous ?

Page 3983

  1   R.  Je n'ai pas la moindre connaissance de la topographie de cette zone.

  2   Q.  Merci. Quand vous parlez de "forces serbes déployées autour de

  3   Sarajevo", qu'entendez-vous par "forces serbes" ?

  4   R.  Je parle des forces qui se considéraient elles-mêmes comme serbes, qui

  5   s'identifiaient comme telles et qui répondaient au général Mladic, qui le

  6   reconnaissaient comme chef politique.

  7   Q.  Est-ce que vous faites une distinction entre ces forces de la VRS,

  8   d'une part, et d'autre part, la JNA ?

  9   R.  Selon moi, Monsieur Karadzic, il y avait un certain degré de

 10   recouvrement entre ces deux entités. Je n'ai jamais été tout à fait

 11   convaincu que la JNA s'était totalement retirée du conflit en Bosnie. De

 12   nombreux éléments de preuve suggèrent que le niveau de sophistication, des

 13   compétences des forces déployées, ainsi que la capacité à répondre à des

 14   besoins logistiques et à mener des opérations complexes dont ont fait

 15   preuve les forces serbes, il y a des éléments donc qui indiquent qu'une

 16   autre organisation accordait son soutien aux forces serbes en Bosnie. On ne

 17   peut pas parler d'une force militaire qui aurait simplement émergée des

 18   milices locales pendant la période de mars et avril. C'était une machinerie

 19   militaire particulièrement sophistiquée.

 20   Q.  Eh bien, des sanctions, et vous n'êtes pas sans le savoir, ont été

 21   imposées fin mai 1992 à la Yougoslavie, justement à cause de telles

 22   estimations et opinions simplistes. Est-ce que vous savez que la JNA

 23   s'était déjà retirée à la date du 20 mai 1992 et que les seuls éléments qui

 24   ont subsisté sur place étaient ces effectifs qui étaient restés bloqués

 25   dans les seules casernes restantes ?

 26   R.  Monsieur Karadzic, je trouve très difficile de croire qu'un général

 27   quitterait le champ de bataille et laisserait derrière lui ses soldats dans

 28   une caserne sans laisser également derrière lui des éléments en mesure de

Page 3984

  1   leur fournir le soutien nécessaire et d'agir. Je n'arrive pas à croire que

  2   la direction de la JNA aurait laissé des jeunes recrues et leurs familles

  3   derrière elle dans une caserne, alors qu'eux se seraient mis en route pour

  4   la Serbie et se seraient retirés. Cela me dépasse comme comportement de la

  5   part d'un général.

  6   Alors, quelque soit le moment où la JNA s'est retirée du terrain, si

  7   elle l'a fait, ma conviction est que ce n'était certainement pas avant

  8   l'évacuation des dernières casernes, c'est-à-dire au début du mois de juin,

  9   et certainement pas le 20 mai.

 10   Q.  Mais vous avez dit vous-même que le général Boskovic avait été en

 11   conflit avec le général Mladic parce qu'il avait amené 60 000 fusils à

 12   remettre aux Musulmans. Vous vous en souvenez, n'est-ce   pas ?

 13   R.  Non, je n'ai pas dit --

 14   Q.  Donc pas 60 000; 6 000.

 15   R.  Je n'ai jamais dit que le général Boskovic représentait la seule

 16   présence de la JNA. Il était accompagné par d'autres officiers de la JNA, y

 17   compris un commandant d'une autre entité, le général Panic. Et je l'ai

 18   certainement indiqué.

 19   Q.  Oui, mais ils sont venus de Belgrade. Ils n'étaient pas cantonnés à

 20   Sarajevo. Est-ce que vous conviendriez que la VRS a commencé à exister le

 21   20 mai ? La décision a été prise le 20 mai, mais l'armée de la Republika

 22   Srpska a commencé elle aussi à exister le 20 mai; oui ou non ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Alors, quand la VRS a-t-elle commencé à exister ?

 25   R.  Le général Mladic est arrivé dans la région de Sarajevo vers le 20 mai

 26   en affirmant qu'il était le commandant de l'armée des Serbes de Bosnie.

 27   Mais je n'ai pas connaissance de la moindre déclaration ou document signé

 28   ou communiqué faisant état de la constitution d'armées à des dates

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  1   précises. Je me contente de supposer que la présence ou l'arrivée du

  2   général Mladic à Sarajevo représentait une marque tangible, une forme de

  3   preuve qu'il y avait bien à ce moment-là une armée serbe locale.

  4   Q.  Oui, mais, Général, il y a de nombreuses choses que vous ignorez. Il

  5   est tout à fait clair que la décision portant constitution de la VRS a été

  6   prise à l'assemblée qui s'est tenue le 12 mai à Banja Luka, à ceci près

  7   qu'elle devait devenir effective à la date de retrait de la JNA, qui est

  8  également celle du 20 mai. Donc entre le 1er avril et le 20 mai, est-ce que,

  9   pour cette période de temps, vous faites une distinction entre les forces

 10   de la Défense territoriale qui s'étaient auto-organisées d'une part, et

 11   d'autre part, la JNA ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Merci. Général, voyons ce que nous avions pour objectif d'une part, et

 14   d'autre part, ce que vous nous attribuez.

 15   Pourrions-nous avoir le document 30655 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 16   Savez-vous que les affrontements à Bijeljina se sont déroulés les 1er et 2

 17   avril ?

 18   R.  Vous m'avez présenté un rapport précédemment qui émanait d'un général

 19   de la JNA et qui concernait une date située autour du 3 avril. C'est tout

 20   ce que j'en sais. Je ne connais pas les détails.

 21   Q.  Et est-ce que vous savez que ces affrontements ont eu pour origine les

 22   agissements d'extrémistes musulmans qui ont lancé des grenades à main dans

 23   un café serbe ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Savez-vous que parmi les victimes, parmi les personnes qui sont

 26   décédées suite à cette attaque aux grenades à main, il y a eu un certain

 27   nombre de Serbes ?

 28   R.  Non, je l'ignore.

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  1   Q.  Voyons ce document. Il s'agit d'une conversation entre Radovan Karadzic

  2   et le défunt Pr Koljevic, conversation datée du 4 avril 1992.Saviez-vous,

  3   Général, qu'Alija Izetbegovic avait décrété la mobilisation générale le 4

  4   avril 1992 ? Et vous étiez présent sur place à l'époque.

  5   R.  Oui, mais je ne serais pas en mesure de dater précisément cet

  6   événement. Je ne doute pas, cependant, de l'exactitude de ce que vous

  7   avancez.

  8   Q.  Je voudrais attirer votre attention sur un point. Nous avons vu la

  9   première page, mais voyons la seconde, s'il vous plaît. Donc je demande :

 10   "Que s'est-il passé à la présidence ?"

 11   Réponse de Koljevic : il y a eu une demande pour que soit décrétée la

 12   mobilisation générale. Or, vous pouvez vous y reportez vous-même. Je cite

 13   Karadzic :

 14   "A-t-il renoncé puisque les représentants serbes se sont opposés à cela

 15   ?"Réponse de Koljevic : "Non, non. Cela a été décidé."

 16   Ensuite, plus bas :

 17   "Le fait qu'ils dégainent les armes les premiers ne représente absolument

 18   pas une façon d'agir pacifique."

 19   Et ensuite :

 20   "Deuxièmement, ou bien ils renonceront aux combats politiques et nous

 21   pourrons nous battre pour la paix ensemble ou bien nous continuerons le

 22   combat politique."

 23   Voyez-vous, Général, ici que les membres serbes, Nikola Koljevic et Biljana

 24   Plavsic, se sont opposés à cette mobilisation générale ?

 25   R.  Je peux voir ce qui est écrit dans ce document, dans cette traduction.

 26   Je peux le voir, oui.

 27   Q.  Donc vous avez dit que vous saviez qu'il y avait eu mobilisation

 28   générale. Est-ce que vous voyez maintenant que cela a bien eu lieu le 4

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  1   avril ?

  2   R.  Non, je ne le vois pas.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous voir la première page afin que le

  4   général voie la date.

  5   Cette conversation entre moi-même et le Pr Koljevic s'est tenue après la

  6   séance de la présidence. Il me relatait ce qui s'était passé pendant la

  7   présidence. C'est la police musulmane qui a enregistré cette conversation à

  8   la date du 4 avril.

  9   Je voudrais demander le versement de ce document ? Aux fins

 10   d'identification, comme pour toutes les autres conversations interceptées.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais le témoin a-t-il convenu de quoi

 12   que ce soit concernant ce document ?

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, il a convenu qu'il a bien eu

 14   mobilisation générale. Il en ignorait la date, mais maintenant il la

 15   connaît.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons le marquer aux fins

 19   d'identification.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document reçoit la cote D329 aux fins

 21   d'identification.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Général, est-il usuel de reconnaître un Etat au moment où celui-ci

 24   décrète une mobilisation générale ?

 25   R.  Monsieur Karadzic, j'ai été soldat sur place, et non pas homme

 26   politique ou diplomate. Je ne suis pas en mesure de vous répondre.

 27   Q.  Merci. Mais est-ce qu'à l'époque vous saviez que les Serbes étaient en

 28   faveur d'une solution politique et de la paix, alors que cette

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  1   mobilisation, quant à elle, a été caractérisée comme étant un appel à la

  2   guerre ?

  3   R.  Non, selon moi, ce n'était pas là leur position.

  4   Q.  Donc vous ne le saviez pas à l'époque ?

  5   R.  La compréhension que j'en avais à l'époque, Monsieur Karadzic, c'était

  6   qu'un vote avait eu lieu et que ce vote exprimait un boycott des Serbes par

  7   rapport à la question de savoir si la Bosnie-Herzégovine devait rester

  8   partie intégrante de la Yougoslavie, et c'était certainement la position de

  9   la présidence de la Bosnie que de vouloir un Etat à part entière, un Etat

 10   séparé de l'ancienne Yougoslavie. Et les Serbes s'opposaient à cela.

 11   C'était ma compréhension de la chose.

 12   Q.  Eh bien, nous avons un problème de compréhension ici, parce que,

 13   saviez-vous que nous avions fait une concession parce que nous avions

 14   reconnu que la Bosnie était un Etat indépendant, ce qui était la substance

 15   même de l'accord de Lisbonne, en fait ?

 16   R.  Non, je l'ignorais.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Pouvons-nous avoir maintenant le

 18   document 30651 de la liste 65 ter. Il s'agira encore une fois d'une

 19   conversation interceptée du 4 avril entre Momcilo Krajisnik et Jovan

 20   Tintor.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Juste pour votre information, Tintor se trouve à Vogosca. Est-ce que

 23   vous savez où est Vogosca ?

 24   R.  A peu près, oui.

 25   Q.  Au nord de Sarajevo, au-delà de la chaîne de montagnes Zuc, n'est-ce

 26   pas ?

 27   R.  Je ne connais pas de mont Zuc.

 28   Q.  Merci. Alors :

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  1   "J'ai entendu que vous en avez été informé. Rajko m'a parlé de cette

  2   partie-là. Ils sont en train de se préparer là-bas. Il semblerait qu'ils

  3   soient déjà en route."

  4   Question de Krajisnik :

  5   "Qui est en route ?

  6   "Tintor : Eh bien, les Musulmans de Kobilja Glava."

  7   Et Tintor poursuit :

  8   "Donc ils sont en chemin en direction de Grbavica, vers nous, vers

  9   Zuc, et je crois que la situation est tendue et qu'un conflit va éclater

 10   là-bas."

 11   Et ensuite, en deuxième page de l'anglais, probablement en serbe aussi.

 12   Dans la première page, il était dit :

 13   "Mon devoir est de t'informer."

 14   Mais voyez ce que Krajisnik dit maintenant : 

 15   "Mais, Mon Cher, nous devons essayer de faire tout ce que nous pouvons pour

 16   apaiser la situation."

 17   Et poursuit Krajisnik :

 18   "C'est la chose la plus importante. En fin de compte, les gens ont besoin

 19   de s'organiser eux-mêmes, mais en aucun cas nous ne devrions susciter des

 20   désordres. Il est très important de préserver la paix."

 21   Est-ce que vous saviez que les Serbes voulaient réellement préserver la

 22   paix et qu'ils n'étaient absolument pas en faveur de quelque solution

 23   violente ou armée que ce soit, et surtout à Sarajevo où ils se trouvaient

 24   en position difficile puisqu'ils étaient présents en tout et pour tout dans

 25   quelques petites localités ?

 26   R.  Non, je l'ignorais.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je souhaiterais qu'on verse au dossier

 28   ce document.

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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Saviez-vous qu'une partie de Vogosca était peuplée de Musulmans et que

  3   les Serbes n'ont jamais contrôlé cette partie de Vogosca, où se trouve

  4   d'ailleurs cette hauteur de Kobilja Glava à partir de laquelle les

  5   Musulmans ont lancé leur attaque ?

  6   R.  Non, je l'ignorais.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous verser ce document.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En ce qui me concerne, j'ai du mal à

  9   voir au nom de quoi ce document devrait être versé par l'intermédiaire de

 10   ce témoin, qui n'a rien dit au sujet de ce document. Mais je vais consulter

 11   mes collègues.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je puis m'exprimer sur ce point, pour moi,

 13   il est très pertinent et très important de déterminer ce que le témoin ne

 14   sait pas, parce qu'il a certains aspects sur lesquels il sait des choses et

 15   sur lesquels il peut s'exprimer, mais il y a des points qu'il ignorait et

 16   sur lesquels il s'est contenté de l'impression qui était la sienne. Il

 17   avait l'impression que les Serbes voulaient la guerre et qu'ils ont été à

 18   l'origine de la crise de Sarajevo, et ceci est un élément de preuve du

 19   contraire.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin n'a absolument rien dit

 22   concernant cette conversation interceptée. Donc vous devrez vous satisfaire

 23   d'une autre occasion qui sera peut-être à votre disposition pour demander

 24   le versement de ce document. En tout cas, ce que le témoin a dit et ce

 25   qu'il a dénié au sujet de ce document est consigné au compte rendu

 26   d'audience.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Alors, au paragraphe 49 de votre déclaration, vous avez indiqué que :

  2   "Des cibles touchées par les forces serbes comprenaient la plupart des

  3   bâtiments principaux de la ville. Il semble n'y avoir eu aucune réserve ni

  4   aucune retenue…"

  5   Et cetera, et cetera.

  6   Alors, est-ce que vous essayez de dire que les Serbes, sans avoir la

  7   moindre raison de le faire, ont pris pour cible des bâtiments de grande

  8   taille, les bâtiments les plus importants de Sarajevo ?

  9   R.  Cela dépend de la période de temps considérée, Monsieur Karadzic.

 10   Q.  Eh bien, commençons par le 5 avril.

 11   R.  Je n'étais pas à Sarajevo le 5 avril. J'étais en chemin vers Zagreb et

 12   les zones de protection de l'ONU.

 13   Q.  Très bien. Est-ce que vous pensez que ces bâtiments n'étaient pas des

 14   cibles légitimes ?

 15   R.  Je ne peux rien dire quant au caractère légitime ou non de ces cibles,

 16   elles datent du 5 avril. Je n'étais pas en ville, et n'ai pas eu

 17   connaissance ni ai été témoin des destructions infligées à ces bâtiments ce

 18   jour-là.

 19   Q.  Mais alors comment en êtes-vous venu à apprendre ce que vous indiquez

 20   au paragraphe 49 de votre déclaration.

 21   R.  Eh bien, de façon globale, pour la période de temps s'étendant du 13 au

 22   14 mai, jusqu'au mois de septembre 1993, parce que j'ai poursuivi mes

 23   visites à Sarajevo. Après mon départ, le 24 juin, je suis revenu en

 24   différentes qualités, et j'ai pu me rendre compte de l'évolution des

 25   destructions infligées à la ville. J'ai constaté que souvent il s'agissait

 26   d'immeubles de bureau ou d'immeubles d'habitation, et qu'à mesure que le

 27   temps passait, ces immeubles avaient essuyé des tirs et des destructions

 28   conséquentes.

Page 3992

  1   Q.  Alors je vais essayer de vous venir en aide. Vous voulez parler peut-

  2   être du bâtiment du gouvernement à Marin Dvor ?

  3   R.  Monsieur Karadzic, je vous parle de Sarajevo dans son ensemble, tel que

  4   j'ai été en mesure de l'observer. Et j'ai indiqué précédemment les limites

  5   qui ont affectées mes déplacements à Sarajevo, mais les parties de la ville

  6   que j'ai pu observer à travers le temps ont souffert de destructions

  7   conséquentes du fait de tirs d'artillerie. J'ai pu assister personnellement

  8   à certaines de ces destructions lorsque j'étais sur place, et d'autres de

  9   ces destructions se sont produites lorsque je n'étais pas sur place. Mais

 10   en septembre 1993, il y avait eu des destructions conséquentes infligées à

 11   toute une série de bâtiments importants qui apparemment n'avaient pas la

 12   moindre valeur ou la moindre pertinence d'un point de vue militaire.

 13   Q.  Mais qu'est-ce que vous entendez par "bâtiment important ou principal"

 14   ?

 15   R.  Eh bien, je parle de bâtiments de 10 à 15 étages, de complexes

 16   commerciaux, de l'infrastructure gouvernementale, les bâtiments qui étaient

 17   en ville, du type de celui de la présidence, la bibliothèque, toute une

 18   série de bâtiments.

 19   Q.  Et pouvez-vous citer le moindre bâtiment ou immeuble d'habitation de

 20   très grande taille qui aurait été détruit ?

 21   R.  Il y avait un certain nombre de bâtiments dans le voisinage immédiat

 22   des PTT qui ont été détruits. Je les ai vus en train de brûler vers la mi-

 23   mai, par exemple.

 24   Q.  Général, nous allons maintenant regarder le 1D1093, et en attendant le

 25   versement de ce document, je dois vous dire que le 4 avril, entre le 4 et

 26   le 5 avril, le matin, tous les bâtiments d'une certaine hauteur ont été

 27   pris par les Bérets verts, et tous les toits des bâtiments les plus élevés

 28   avaient été pris par les Bérets verts qui commençaient à tirer pendant la

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  1   nuit, et un policier serbe a été tué. Il s'appelait Petrovic, feu Petrovic.

  2   Il était de garde ce jour-là au poste de police. Est-ce que vous étiez au

  3   courant de cela ?

  4   R.  Monsieur Karadzic, je vous ai déjà dit dans mon témoignage, que j'ai

  5   quitté Sarajevo le 4 avril, pour aller retrouver mes observateurs

  6   militaires, et dans les zones protégées des Nations Unies. J'étais parti

  7   pour plusieurs jours, donc je n'étais pas au courant de ce qui était arrivé

  8   à Sarajevo ce soir-là entre le 4 et le 5 avril.

  9   Q.  En revanche, Général, dans d'autres cas, vous nous parlez des choses

 10   dont vous avez entendu parler. Vous n'avez pas entendu parler de ce qui

 11   s'était passé le 4 avril dans la soirée à Sarajevo?

 12   R.  Non, pas pour autant que je m'en souvienne.

 13   Q.  Eh bien, moi, je vais vous le dire maintenant de façon à ce que vous

 14   puissiez comprendre quelle était la situation.

 15   Veuillez regarder ce document, il s'agit d'une note officielle, d'une

 16   annonce faite par la police qui porte sur le 4 avril 1992.

 17   Vers 23 heures, on indique que des préparatifs très importants avaient eu

 18   lieu du côté serbe, et c'était leur ancien ministère des Affaires

 19   intérieures qui souhaitait empêcher la prise par le ministre des Affaires

 20   intérieures d'un bâtiment, et il y avait un endroit en particulier qui

 21   était important, où se trouvait une unité spéciale.

 22   Ensuite, le texte se lit de la façon suivante :

 23   "Au cours de cette action, les Bérets verts ont pris possession de toutes

 24   les armes et de tout le matériel qui leur avait été remis par les citoyens

 25   musulmans. En même temps, les Bérets verts avec les formations de la police

 26   d'active et les réservistes de nationalité musulmane ont pris le contrôle

 27   de toutes ces installations essentielles de la ville de Sarajevo. Proche de

 28   Marin Dvor, il y avait environ 300 membres des Bérets verts qui

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  1   contrôlaient ce secteur et qui entraient de temps en temps dans le poste de

  2   sécurité publique," et cetera, et cetera.

  3   Pensez-vous qu'une fois qu'ils avaient pris le contrôle de ces

  4   installations, ils allaient les laisser partir ? Est-ce que cela relève

  5   d'une quelconque logique militaire, s'ils avaient pris le contrôle de ces

  6   installations, de ne pas les retenir ou est-ce simplement logique de dire

  7   qu'on pouvait les laisser partir ?

  8   R.  Je ne sais pas, Monsieur Karadzic, à savoir s'ils se sont saisis de ces

  9   installations que vous venez d'évoquer ou c'est ce qu'indique ce document

 10   ici. Mais si vous souhaitez que je fasse un commentaire sur le caractère

 11   sensible de tout ceci, je suis d'accord avec vous pour dire que lorsqu'on

 12   commence une guerre, et si vous participez à cette guerre, vous vous

 13   emparez d'un objectif qui a une certaine valeur, et que si c'est le cas,

 14   vous n'allez pas l'abandonner de si tôt.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

 17   pièce, s'il vous plaît.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'allons pas admettre son

 19   versement. Le général n'a rien confirmé à ce sujet.

 20   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je fais remarquer

 21   que l'Accusation n'a été informée du fait que ce document serait utilisé.

 22   Donc à l'avenir, je souhaite que ceci soit fait.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, le problème est le suivant, les

 25   témoins à charge ont tendance à s'étendre dans leur témoignage et ensuite

 26   moi, je suis obligé de présenter de nouveaux documents.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  En tout cas, Général, vous avez parlé de Dobrinja. Vous dites que vous

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  1   étiez au courant de Dobrinja et de ce qui s'y était passé, n'est-ce pas ?

  2   R.  Ça dépend de quelle période de temps nous parlons, Monsieur Karadzic.

  3   Q.  Bien. A partir du 5 avril jusqu'au disons le 22 mai.

  4   R.  Je suis au courant dans les grandes lignes de ce qui s'était passé dans

  5   ce secteur à ce moment-là.

  6   Q.  Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant voir le

  8   document 1D1100 dans le système électronique du prétoire, s'il vous plaît.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Encore une fois, il s'agit d'une note officielle et ce document indique

 11   :

 12   "Pour ce qui est des opérations menées le 22 mai 1992, nous avons découvert

 13   Zikica Jovanovic, Dobrinja, Spanca [phon]", indiquant les numéros des rues,

 14   "des concentrations fortes ont été découvertes chez les Bérets vers. Ils

 15   s'étaient trouvés là, et deux membres des Bérets verts sont situés à tel

 16   endroit pour éviter toute communication entre les différentes résidences,

 17   ainsi que trois ou quatre gardes avaient été postés devant chaque entrée…"

 18   Un peu plus loin, on peut lire :

 19   "Dans les rues susmentionnées, les Bérets verts ont concentré leurs forces,

 20   se sont armés avec des armes automatiques, des fusils à lunette, des

 21   mitrailleuses, des grenades," et cetera.

 22   Est-ce que vous savez que Dobrinja était truffée de Bérets verts ?

 23   R.  Non, je ne le savais pas.

 24   Q.  Le niez-vous, niez-vous ce que dit ce document ?

 25   R.  Non, la question que vous m'avez posée, était : Saviez-vous que c'était

 26   truffé de Bérets verts ? Je suis d'accord si vous indiquez qu'il y avait là

 27   des forces de la présidence mais si vous dite que c'est truffé, non, ce

 28   n'était pas truffé. Les forces de la présidence ou les Bérets verts, comme

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  1   vous les appelez.

  2   Q.  Bien. Donc, vous êtes d'accord pour dire que les Bérets verts se sont

  3   saisis de Dobrinja et ont pris le contrôle; c'est cela ?

  4   R.  Non, je ne pense pas que le 14 mai, le lendemain de mon arrivée, de mon

  5   retour à Sarajevo, je ne pense pas qu'ils contrôlaient la ville. Il y avait

  6   eu des combats très lourds qui ont commencés à ce moment-là et qui se sont

  7   poursuivis jusqu'au début du mois de juin. Et à ce moment-là, je vivais

  8   dans un secteur qui surplombait l'hôtel Rainbow, l'hôtel Arc-en-ciel, et je

  9   crois que c'est à Dobrinja, et j'ai pu observer les combats qui se sont

 10   déroulés dans ce secteur le 14 et qui se sont poursuivis certainement

 11   jusqu'au 22 mai, à ma connaissance. Et je dirais que les forces de la

 12   présidence ne dominaient pas le secteur. C'était un secteur contesté. Il y

 13   avait des combats extrêmement lourds qui se sont déroulés jusqu'au 24 juin,

 14   jour de mon départ. Ce qui s'est passé après n'est pas quelque chose que je

 15   puis vous parler dans le détail.

 16   Q.  Et êtes-vous d'accord pour dire que les Serbes ont gardé le contrôle de

 17   l'aéroport de Dobrinja, ainsi que de certains quartiers de Dobrinja, mais

 18   Dobrinja, dans sa majeure partie, était contrôlée par l'armée musulmane ?

 19   R.  Je n'ai pas de connaissances détaillées de l'endroit où se trouvait la

 20   ligne de confrontation. Je peux confirmer ce que j'ai dit plus tôt, à

 21   savoir que Dobrinja était un secteur contesté.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 24   document, s'il vous plaît.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous admettrons ce document.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D330, Madame, Messieurs

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  1   les Juges.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Général, savez-vous que j'ai toujours fait de mon mieux pour éviter

  4   toute situation qui aurait pu s'avérer dangereuse pour les civils et qui

  5   aurait pu occasionner des souffrances aux civils de Sarajevo ?

  6   R.  Non, je ne l'étais pas.

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir le document

  9   suivant 30662.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Est-ce que vous estimez que je n'ai pas déployé de tels efforts, ou

 12   plutôt, est-ce que vous pensiez que je n'ai pas fait de mon mieux pour

 13   m'occuper des civils ? Est-ce que vous pensez le contraire ? C'était ça ma

 14   question, le sens de ma question.

 15   R.  Monsieur Karadzic, j'ai deux commentaires à faire. Tout d'abord, dans

 16   de nombreux cas, lorsque la question du comportement ou de la façon dont la

 17   guerre était menée, le traitement des civils a été évoqué en votre présence

 18   et la façon dont vos forces militaires étaient déployées, la façon dont la

 19   ville était pilonnée, vous avez toujours répondu que soit vous étiez

 20   provoqué, soit vous agissiez ainsi pour protéger le peuple serbe. Vous

 21   n'avez jamais nié l'existence de ces événements, à plusieurs reprises, vous

 22   n'avez pas non plus fait d'efforts particuliers pour essayer d'empêcher ces

 23   actions-là.

 24   Mon deuxième commentaire consiste à dire qu'à plusieurs reprises on vous a

 25   posé des questions, on vous a demandé d'user de votre influence pour

 26   améliorer la situation et le sort des civils, à Genève par exemple. Vous

 27   étiez capable de remettre l'électricité en route, de faire en sorte que

 28   l'eau soit de nouveau utile, puisse être utilisée pour empêcher les actions

Page 3998

  1   militaires. Donc, la réponse que je vous donne c'est que, de temps en

  2   temps, vous avez fait montre d'une bonne volonté. Vous avez souhaité vous

  3   occuper du bien-être de la population civile de Bosnie-Herzégovine mais, en

  4   règle générale, vous répondiez toujours en indiquant que ces opérations

  5   avaient été menées afin de défendre le peuple serbe pour pouvoir créer une

  6   république serbe.

  7   Q.  Très bien. Général, vous devez savoir ceci : quels étaient les

  8   objectifs de l'armée musulmane de Sarajevo, ou plutôt, quels étaient les

  9   objectifs serbes, ou plutôt -- je vais vous aider un petit peu. Est-ce que

 10   les Serbes avaient pour ambition de contrôler l'ensemble de Sarajevo ?

 11   R.  Je n'ai pas de connaissance intime des objectifs stratégiques de l'une

 12   ou de l'autre partie, ni de la façon dont ces objectifs auraient pu être

 13   formulés, ou si ces objectifs avaient pu faire l'objet d'un quelconque

 14   accord.

 15   Q.  Et si je vous dis que les Musulmans avaient pour ambition de prendre le

 16   contrôle de tout Sarajevo, qu'auriez-vous à répondre ?

 17   R.  Je dirais que la position de l'ensemble de la présidence de Bosnie

 18   concernait l'ensemble -- sur l'ensemble du territoire de la Bosnie, comme

 19   je l'ai déjà dit, il devait y avoir une communauté qui regroupait toutes

 20   les communautés ethniques pour qu'elles puissent vivre de façon

 21   harmonieuse.

 22   Q.  Et si je vous disais que c'étaient les forces musulmanes qui, elles

 23   seules, lançaient ces offensives à Sarajevo, qui étaient sur la défensive

 24   et qui attaquaient, et si je vous dis qu'elles avaient pour ambition de

 25   prendre le contrôle de toute localité serbe et de les garder, qu'auriez-

 26   vous à répondre ?

 27   R.  Ceci est une question fort complexe, Monsieur Karadzic.

 28   Q.  La question est fort simple : qui a attaqué et qui s'est défendu ?

Page 3999

  1   Savez-vous qui a en premier lieu lancé l'opération à Sarajevo ?

  2   R.  Certainement pas. Mais d'un point de vue professionnel, je dirais que

  3   les deux parties étaient responsables de ces opérations.

  4   Q.  Mais quel serait le but de nos offensives ? Où avons-nous lancé des

  5   offensives ? Donnez-moi un exemple, si vous le pouvez.

  6   R.  C'est une question double. Je ne sais pas pourquoi vous auriez souhaité

  7   lancer des offensives. Cette décision revenait entièrement aux dirigeants

  8   militaires et politiques serbes. Deuxièmement, si vous me demandez de citer

  9   un exemple, je dirais que les combats autour de Grbavica à la fin du mois

 10   de mai étaient certainement un exemple des forces serbes qui avaient lancé

 11   une attaque contre la ville au cours de laquelle il y a eu des combats

 12   extrêmement lourds pendant un certain nombre de jours.

 13   Q.  Vous voulez parler d'Ilidza ? De quoi parlez-vous ? Parlez-vous de

 14   l'hôtel qui se trouve à Ilidza, qui s'appelle Toplica ? C'est cela dont

 15   vous voulez parler ?

 16   R.  Non, moi je parle de Grabaca. Je crois que ça s'écrit G-R-A-B-I-C-A,

 17   quelque chose comme ça. Cela se trouve tout près de la caserne du maréchal

 18   Tito.

 19   Q.  Eh bien, qui vivait à Grbavica et qui contrôlait ce secteur ? S'agit-il

 20   d'une localité serbe contrôlée par les Serbes ?

 21   R.  J'ai déjà indiqué, Monsieur Karadzic, que je ne suis pas au courant de

 22   la composition ethnique de la ville ou de la répartition ethnique.

 23   Q.  Savez-vous que les Serbes ont contrôlé Grbavica du début à la fin ?

 24   R.  Moi, je vous ai dit que je pensais que c'était un secteur qui faisait

 25   l'objet d'un conflit.

 26   Q.  Eh bien, effectivement, cela a fait l'objet d'un conflit parce qu'ils

 27   nous attaquaient. S'ils ne nous avaient pas attaqué, ceci n'aurait pas fait

 28   l'objet d'un conflit. Il faut que vous vous posiez la question qui

Page 4000

  1   défendait Grbavica, qui attaquait Grbavica, pendant toute la durée de la

  2   guerre, les Musulmans ont tenté de prendre le contrôle de Grbavica. Ils ont

  3   échoué. Et jusqu'au jour où les accords de Dayton ont été signés et ce

  4   secteur leur a été remis. Vous ne pouvez pas parler de façon générale et

  5   dire qui était qui, qui défend qui. Il faut tenir compte de ce qu'ont dit

  6   Plavsic et Mladic. Nous défendions certains secteurs.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

  8   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que vous voulez bien poser votre

  9   question et ne pas commenter tout ceci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  J'ai posé une question : savez-vous exactement où nous nous sommes

 13   défendus ? S'il y avait des combats à Grbavica, pourquoi aurions-nous lancé

 14   une attaque contre nous-mêmes ?

 15   R.  Eh bien, d'après moi, Monsieur Karadzic, c'est ainsi que j'ai compris

 16   les choses à l'époque, Grbavica était important pour assurer la sécurité de

 17   la caserne du maréchal Tito. E d'après moi à ce moment-là le général Mladic

 18   tentait peut-être de soulager les forces de la JNA dans la caserne parce

 19   qu'ils en avaient besoin pour les négociations, et qu'il s'agissait là

 20   d'une attaque serbe dans le secteur pour arriver à cette fin-là. Croyez-

 21   moi, c'est ce que je pensais, et c'est ce que j'ai dit dans mon témoignage.

 22   Q.  Eh bien, le général Mladic était à Knin lorsque les frontières ont été

 23   érigées ainsi que la ligne de front de Sarajevo. Est-ce que vous comprenez

 24   que la ligne de front de Sarajevo a été érigée par la population locale

 25   pour que cette dernière puisse défendre ses localités ?

 26   R.  Je sais que des barrages ont été érigés à ce moment-là à l'intérieur de

 27   Sarajevo, et d'après ce que j'avais compris, c'était le peuple serbe qui

 28   tentait de se protéger.

Page 4001

  1   Q.  Je ne parle pas des barrages, je parle de la ligne de front qui a été

  2   créée le 15 avril. Savez-vous que le 15 avril, la population locale a fixé

  3   la ligne de front et n'a reçu aucune assistance quelle qu'elle soit de la

  4   JNA ?

  5   R.  J'ai déjà dit, Monsieur Karadzic, que je n'étais pas là le 15 avril,

  6   donc ce qui s'est passé n'est pas quelque chose qui a fait l'objet d'un

  7   rapport qui m'aurait été communiqué.

  8   Q.  Et à quel moment êtes-vous rentré à Sarajevo ?

  9   R.  Sans regarder mes notes, je ne peux pas vous le dire exactement, mais

 10   je dirais cela devait être vers le 9 ou le 10 avril.

 11   Q.  Le 9 ou 10 avril, lorsque vous êtes arrivé, avez-vous trouvé que la

 12   ville était divisée en deux par la ligne de confrontation ?

 13   R.  Lorsque je suis rentré à nouveau dans la ville, j'ai constaté qu'il y

 14   avait parfois des tirs isolés. Quelque chose qui m'a été rapporté par mes

 15   collègues des Nations Unies, on m'a indiqué qu'il y avait eu des combats

 16   dans la ville, qu'il y avait des barrages ou des barricades que l'on avait

 17   érigées, que l'atmosphère était très tendue, qu'il y avait à ce moment-là

 18   aussi, qu'il était question de la sécession de la Bosnie-Herzégovine de

 19   l'ex-Yougoslavie.

 20   Q.  Y a-t-il eu ce vote ? Le 28 avril ? Pourquoi cela c'était-il déroulé le

 21  28 avril et le 1er mai ? Est-ce que le référendum a bien eu lieu le 28 avril

 22  et le 1er mai, est-ce que ces barricades ont été érigées les 1er et 2 mars ?

 23   Nous parlons maintenant du début de la guerre. La guerre a éclaté le 15 ou

 24   16 avril. Et le 10 avril, avez-vous constaté que la ville avait été divisée

 25   en deux par cette ligne de confrontation; oui ou non ?

 26   R.  Eh bien, c'est une question complexe. Lorsque je suis rentré à nouveau

 27   il y a certains quartiers de la ville qui avaient été très touchés par ces

 28   barricades, on parlait de divisions ethniques à ce moment-là. C'était très

Page 4002

  1   difficile et c'est devenu dangereux de se promener en voiture dans la

  2   ville. La JNA était pour l'essentiel confinée dans la caserne et ne pouvait

  3   pas vraiment se déplacer et devait rester là. Ils étaient en quelque sorte

  4   encerclés à l'intérieur des casernes. C'est ce que j'ai constaté.

  5   Vous m'avez posé une question à propos des dates, vous m'avez demandé

  6   si c'était le 28 février ou le 1er mars, j'ai déjà dit dans mon témoignage

  7   que nous ne sommes pas arrivés en Bosnie avant le 26 [comme interprété]

  8   mars, physiquement parlant, et c'est le 8 mars que je me suis rendu à New

  9   York pour recevoir des éléments d'information à propos de la FORPRONU. Et

 10   lorsque je suis arrivé, j'étais focalisé sur ce qui se passait dans les

 11   zones protégées des Nations Unies en Croatie, et je n'avais aucune

 12   connaissance quelle qu'elle soit de ce qui se passait en Bosnie à ce

 13   moment-là, c'était le 28 [comme interprété] mars. Donc je ne peux pas vous

 14   confirmer les dates Monsieur Karadzic.

 15   Q.  Général, vous avez parlé du vote. Le vote ne s'est pas déroulé au mois

 16   d'avril, mais au mois de février. Moi ce qui m'intéresse c'est ce que vous

 17   avez vu, pas votre compréhension de la situation, chose que je respecte,

 18   mais en droit pénal, cela ne peut pas vous être d'une grande utilité. Alors

 19   vous souvenez-vous de la localité qui s'appelait Pofalici ?

 20   R.  Vaguement.

 21   Q.  Savez-vous que c'était une localité majoritairement serbe où, le 15

 22   mai, les Musulmans ont tué plus de 200 serbes devant vos yeux ?

 23   R.  Pardonnez-moi, mais, Monsieur Karadzic, personne n'a tué des centaines

 24   de personne devant moi au moment ou j'étais là. C'est une figure de style

 25   que vous utilisez, je n'ai pas été le témoin oculaire de ce genre de

 26   comportement.

 27   Q.  Eh bien, je ne voulais pas parler de vous personnellement, je voulais

 28   parler de la communauté internationale, et en présence de la communauté

Page 4003

  1   internationale qui était à Sarajevo et qui recevait des informations du

  2   côté musulman uniquement, qui l'éduquait. Et je souhaite vous demander si

  3   un événement de cette ampleur avait été remarqué par la communauté

  4   internationale ?

  5   R.  Je ne sais pas ce que la communauté internationale remarque ou ne

  6   remarque pas, à ce moment-là ou aujourd'hui, Monsieur Karadzic.

  7   Q.  Est-ce quelque chose dont vous avez fait état dans l'un quelconque de

  8   vos rapports, à savoir qu'il y avait eu le massacre de Serbes à Pofalici ?

  9   R.  Pourriez-vous me rappeler la date, Monsieur Karadzic, s'il vous plaît ?

 10   Q.  Le 15 mai. Il n'avait de cesse de les attaquer, mais ils les ont

 11   achevés le 15 mai.

 12   R.  Tout d'abord, je n'étais pas au courant du fait que cette localité des

 13   Serbes, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, je ne sais pas quelle était

 14   la répartition ethnique de Sarajevo et de ses alentours.

 15   Le 15 mai, ceci ne faisait pas partie de mon mandat, je ne devais pas

 16   préparer des rapports sur ce qui se passait à Sarajevo à ce moment-là. 

 17  C'eut été le rôle du 4ème commandant et des personnes qui travaillaient avec

 18   lui directement. Ma responsabilité, le 15 mai, consistait à m'occuper de

 19   deux groupes d'observateurs militaires à Bihac et à Mostar et ces

 20   observateurs militaires qui se trouvaient encore dans les zones protégées

 21   des Nations Unies. Ce qui se passait à Sarajevo présentait un intérêt

 22   personnel pour moi, mais ne relevait pas d'une quelconque responsabilité de

 23   ma part, je n'ai pas fait de rapport là-dessus.

 24   Q.  Merci.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous avons ce document à l'écran,

 26   celui dont j'ai demandé l'affichage ?

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Puis-je vous demander -- tout d'abord, regardons la date. Il s'agit du

Page 4004

  1   13 avril, conversation entre Radovan Karadzic et Danilo Veselinovic. Nous

  2   pourrions regarder la fin du document où Veselinovic dit que : "Nous

  3   tournons en rond".

  4   Et je puis vous dire que Veselinovic habitait à Nedzarici qui, était

  5   une localité à 100 % serbe, un bâtiment de peu d'étages, trois ou quatre

  6   étages, protégé par ses habitants pendant toute la durée de la guerre,

  7   défendu par les habitants. Regardons ce que dit M. Veselinovic :

  8   "Et j'ai tiré sur un tireur embusqué, il avait commencé à tirer sur mes

  9   fenêtres."

 10   Il insulte ici.

 11   Et vous pouvez voir, et il poursuit en disant : Je lui ai demandé de

 12   quoi s'agissait-il ? Il dit : "Eh bien, de Vojnicko Polje, qui est le

 13   bâtiment de grande taille qui se situe derrière cette localité. Est-ce que

 14   nous pouvons passer à la page suivante, s'il vous plaît. Ils tiraient

 15   depuis ces immeubles sur ses fenêtres. Et ensuite Veselinovic, à la

 16   troisième ligne, poursuit en disant :

 17   "Sous le contrôle, on contrôlait, et ils sont prêts à attaquer celui-

 18   là à Dobrinja."

 19   Et ici il demande s'ils sont autorisés à faire exploser le dépôt et

 20   le quartier général des Bérets Verts. Je n'ai pas besoin de le lire. Et

 21   ensuite, j'ai demandé ce qu'il se passait là dans la salle de gymnastique,

 22   et il dit qu'ils ont pillé certains éléments qui sont entreposés, articles

 23   pillés dans les appartements serbes, et qu'ensuite les munitions ainsi que

 24   les armes sont entreposés en cet endroit-là.

 25   Ensuite à la page suivante –- veuillez remonter le texte vers le

 26   haut, je vous dis que :

 27   "Il est très important qu'il n'y ait personne à cet endroit-là et

 28   qu'aucun civil ne doit être tué."

Page 4005

  1   Et ensuite, il faut que nous regardions la page suivante du texte en

  2   anglais.

  3   Nous pouvons lire ici que j'ai demandé :

  4   "Qui tient l'aéroport, l'armée ?"

  5   Il dit : "L'armée."

  6   "Et à Dobrinja ?"

  7   Et il dit :

  8   "Dobrinja a été nettoyé maintenant. Notre peuple a commencé par là,

  9   il est en train de fuir."

 10   Vous voyez telle est la situation.

 11   Nous pouvons maintenant passer à la page suivante en anglais.

 12   Donc saviez-vous que le 13 avril, il y avait des combats aussi

 13   intenses autour de Nedzarici, Général ?

 14   R.  Je ne dirais pas que les actions menées à ce moment-là étaient des

 15   actions très violentes. Je dirais qu'il y avait des coups de feu, des

 16   échanges de coup de feu. Jusqu'au moment où j'ai quitté Sarajevo le 30

 17   avril, j'ai pu voir, pendant 13 jours, qu'il y avait des actions militaires

 18   sporadiques. C'est ainsi que j'en parlerais, plutôt que d'action militaire

 19   d'une certaine intensité.

 20   Q.  Merci. Eh bien, si je ne m'étais jamais vanté du fait que je me

 21   préoccupais des civils, est-ce que cela signifie que les civils

 22   m'importaient peu ?

 23   R.  Je prends bonne note de votre commentaire dans ce document où vous avez

 24   demandé d'avoir le plus petit nombre possible de pertes.

 25   Q.  Merci. Je vous posais une question maintenant. Je vous ai demandé si le

 26   centre médical avait été pris également, sa réponse : "Oui" ? Est-ce que

 27   vous voyez ce passage ?

 28   R.  Non, je ne le vois pas.

Page 4006

  1   Q.  Au milieu :

  2   "Ils nous entubent, et ainsi d'ici ce soir, ils devraient -- s'ils sont là

  3   ce soir, ils vont tous les tuer, croyez-moi. Telle est l'atmosphère ici."

  4   Et il m'informe du fait qu'il faudrait que d'une façon ou d'une autre les

  5   Musulmans retirent leurs tireurs embusqués, car dans le cas contraire, le

  6   conflit deviendra incontrôlable.

  7   Et un peu plus bas, nous lisons :

  8   "Il faudrait qu'ils en soient informés."

  9   Il demande que d'une certaine façon j'informe la partie musulmane qu'elle

 10   doit cesser de tuer les habitants de Nedzarici. Est-ce que vous voyez cela

 11   ?

 12   R.  Oui. Je dois dire, Monsieur Karadzic, que les tirs de tireurs embusqués

 13   dans ce secteur à l'époque étaient très courants. A l'époque, il y avait

 14   des tireurs embusqués qui ont même tiré sur ma chambre à coucher, donc je

 15   connais parfaitement bien la situation qui prévalait à l'époque, et je sais

 16   très bien que les deux parties avaient des tireurs embusqués. Car je pense

 17   que la personne qui a tiré sur ma chambre à coucher était un Serbe.

 18   Q.  Mais vous n'avez pas de preuve de cela, Général, n'est-ce pas ? C'est

 19   ce que vous pensez, mais vous n'en avez pas la preuve ?

 20   R.  Les tirs provenaient d'un endroit dont les habitants du quartier m'ont

 21   dit que c'était un quartier serbe.

 22   Q.  Tout d'un coup vous savez où habitaient les Serbes; c'est bien ça ?

 23   R.  Dans cette partie de la ville particulière, oui.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 25   document.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons l'enregistrer aux fins

 27   d'identification.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D331, enregistrée aux

Page 4007

  1   fins d'identification, Monsieur le Président.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D01270.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Vous dites, Monsieur, qu'ils ne possédaient pas d'armes lourdes, et

  5   nous allons voir maintenant ce qui se passait avant le 19 avril,

  6   particulièrement pendant les nuits du 18 au 19 et du 17 au 18. Alors, ce

  7   document est envoyé par le commandant de la région militaire, le général

  8   Kukanjac, à M. Alija Izetbegovic. Et vous pouvez voir vous-même, je n'ai

  9   pas besoin de lire, qu'il indique : Monsieur le président, vos Bérets verts

 10   ont, dans la nuit du 17 au 18 avril, procédé à une attaque contre l'usine

 11   de Vogosca. L'usine Pretis est une usine militaire qui appartient à la JNA,

 12   n'est-ce   pas ? Donc vous connaissez les résultats de cette attaque. Ils

 13   ont volé plus de 100 véhicules de modèle Golf ainsi que des armes. Et dont

 14   la nuit du 18 au 19, à Konjic, ils ont tout bloqué. Tous les téléphones ont

 15   été coupés. Les Bérets verts ont occupé l'usine Igman et ils ont pris tout

 16   ce dont ils avaient besoin. Ils n'ont jamais relâché l'industrie militaire

 17   par la suite. Et puis, il est indiqué également que le sort du commandant

 18   Ranko Kuljanin est inconnu.

 19   "-- il était retourné travailler à l'usine; il est question d'un ordre de

 20   débloquer les installations militaires -- et de Celebic. Et," nous lisons,

 21   "si vous ne le faites pas, il y aura de lourdes conséquences et vous serez

 22   tenu pour responsable."

 23   Page suivante à l'écran à présent. En anglais aussi, très bien. Je cite :

 24   "N'oubliez pas que nous avons signé l'accord de paix le 12 avril 1992."

 25   Vous vous rappelez que l'ambassadeur Cutileiro et M. Vance se trouvaient à

 26   Sarajevo à l'époque ?

 27   R.  Monsieur Karadzic, je ne rappelle pas qu'un accord ait été signé le 12

 28   avril. Et comme je vous l'ai déjà indiqué, je n'avais aucun responsabilité

Page 4008

  1   opérationnelle eu égard à ce qui se passait à Sarajevo avant le 13 mai.

  2   Q.  Mais cela a été publié par les médias. C'était de notoriété publique.

  3   M. Vance et M. l'ambassadeur Cutileiro étaient présents sur place, et il y

  4   a eu un accord de cessez-le-feu signé le 12 avril. Vous rappelez-vous que

  5   le 12 avril, après la signature de l'accord de cessez-le-feu, la partie

  6   musulmane a émis un ordre en vue d'encercler les casernes de la JNA, de

  7   couper les routes et de confisquer les armes ?

  8   R.  Non, je ne me rappelle pas qu'un accord de paix ait été signé le 12

  9   avril. Et je ne saurais déterminer une période de temps particulière liée à

 10   l'encerclement de la caserne de la JNA, mais je suis d'accord que cela

 11   s'est passé à peu près à ce moment-là.

 12   Q.  Je vous remercie. C'est ce qui est écrit ici :

 13   "Monsieur le Président, n'oubliez pas que nous avons signé un accord de

 14   cessez-le-feu le 12 avril 1992, et ce même jour, votre directive a été

 15   émise qui déclare la guerre à la JNA, et, bien sûr, cette guerre est

 16   dirigée contre les Serbes et d'autres citoyens innocents."

 17   Et puis, nous lisons également :

 18   "Dites-le publiquement que vous avez déclaré une guerre. Et si vous ne

 19   souhaitez pas la guerre, alors montrez-le en faisant ce qu'il faut pour

 20   cela."

 21   La mobilisation date du 4 avril, c'était une mesure draconienne. Et entre

 22   le 4 et le 5, les Bérets verts ont pris le contrôle de Sarajevo, et il y a

 23   eu un cessez-le-feu signé le 12 avril. Et le 12 avril, la directive visant

 24   à lancer la guerre a été émise.

 25   Connaissiez-vous ces événements importants qui, en fait, sont cruciaux par

 26   rapport à la situation en Bosnie ?

 27   R.  Non.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je demande le versement au

Page 4009

  1   dossier de ce document. Le général ne sait pas qu'un accord de cessez-le-

  2   feu a été signé à ce moment-là.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Général.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne sais pas qu'un accord de cessez-le-

  7   feu a été signé le 12 avril, Monsieur.

  8   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin n'a rien

  9   dit de valable au sujet de ce document, à ma connaissance.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Général, conviendrez-vous que des installations militaires ont été

 12   prises et que les armes qui se trouvaient dans ces installations ont été

 13   saisies manifestement?

 14   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela, Monsieur Karadzic.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document ne sera donc pas versé au

 16   dossier pour les mêmes raisons que précédemment.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Avez-vous rencontré le général Kukanjac, Général ?

 19   R.  Pas à ma connaissance, Monsieur Karadzic.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande l'affichage du document

 21   30714.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  En attente d'affichage, Général, je vous demande si vous savez que sur

 24   les 13 violations des cessez-le-feu, selon les constatations des Nations

 25   Unies, 12 ont été commises par la partie musulmane à Sarajevo ? Puisque,

 26   bien entendu, nous parlons de Sarajevo.

 27   R.  De quelles 13 violations parlez-vous ? Il y a eu des milliers de

 28   violations, Monsieur Karadzic.

Page 4010

  1   Q.  Les premiers accords de cessez-le-feu conclus à Sarajevo. Je parle des

  2   13 premiers accords de cessez-le feu. Sur ces 13 accords, 12 ont été violés

  3   par la partie musulmane. Ce sont les Nations Unies qui l'ont constaté et

  4   qui en ont rendu compte. L'avez-vous su ?

  5   R.  Je ne suis pas au courant de l'existence d'un tel rapport statistique.

  6   Q.  J'appelle votre attention sur la communication interceptée suivante

  7   entre Radovan Karadzic et Radovan Pejic, qui travaillait au sein de la

  8   police à l'époque. Cette conversation interceptée date du 23 avril. Donc il

  9   prend la parole, et je lui demande de me décrire la situation là-bas à

 10   l'époque. Il me dit que la situation est paisible. Je répète ma question,

 11   et il indique :

 12   "En dehors du fait qu'il y a certaines indications selon lesquelles ils

 13   sont en train de s'organiser là-bas à Grbavica."

 14   Page suivante à présent à l'écran, je vous prie, en anglais.

 15   Il poursuit en disant qu'il y a eu des attaques la nuit dernière. Il dit :

 16   "Nous sommes en train de nous préparer pour nous défendre s'ils devaient

 17   nous attaquer à nouveau."

 18   Donc nous parlons de Grbavica. C'est autour de Grbavica que les combats se

 19   déroulent. Karadzic dit :

 20   "Absolument. Il faudrait que nous signions le cessez-le-feu aujourd'hui et,

 21   par conséquent, nous ne devons lancer aucune attaque et eux ne devraient

 22   pas le faire non plus."

 23   Et lui confirme en disant :

 24   "Monsieur le Président, nous n'allons pas quitter cette position."

 25   Je lui demande s'ils ont subi des dégâts.

 26   Et il répond :

 27   "Hier et avant-hier, les endroits où nous nous trouvions ont été

 28   endommagés."

Page 4011

  1   Puis un peu plus loin, il dit :

  2   "Nous n'avons subi aucune perte en dehors des hommes qui ont participé aux

  3   actions menées à Ilidza."

  4   Alors, est-ce que vous voyez, Général, que les Serbes se défendent et

  5   qu'ils s'apprêtent à réagir à des attaques ?

  6   R.  J'ai lu simplement ce document. Mais je n'ai aucune connaissance du

  7   contexte de l'époque, donc pour moi, ce n'est que de la lecture. Je ne peux

  8   vous proposer aucun commentaire sur ce sujet, Monsieur Karadzic.

  9   Q.  Ceci date du 23 avril. Savez-vous que le 22 avril, j'ai fait une

 10   proposition en vue d'interrompre le conflit ?

 11   R.  Non, je ne l'ai pas su, Monsieur Karadzic.

 12   Q.  Merci. Vous évoquez un conflit intensif qui commence le 14 mai. C'est

 13   ce que vous avez dit. Savez-vous, Général, que tout cela n'était que

 14   préparation en vue des événements auxquels vous avez vous-même assisté par

 15   la suite ?

 16   R.  Je ne peux que constater ce qui s'est passé le 14 mai. Je ne

 17   connaissais pas les tenants et aboutissants de cette situation à l'époque.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande le versement au dossier de ce

 19   document.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette écoute ne sera pas versée au

 21   dossier par le biais de ce témoin, qui n'a rien confirmé eu égard à sa

 22   teneur.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Général, saviez-vous où je me trouvais les 14 et 15 mai ?

 25   R.  Je n'en ai pas la moindre idée, Monsieur Karadzic.

 26   Q.  Admettez-vous que je me trouvais en compagnie de M. l'ambassadeur

 27   Zimmerman, l'ambassadeur américain, et que d'ailleurs il évoque cela dans

 28   ses mémoires ?

Page 4012

  1   R.  Si vous le dites, Monsieur Karadzic.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce 1D57.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Savez-vous par ailleurs qu'à la fin du mois d'avril, nous étions

  5   engagés dans des négociations à Bruxelles ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Savez-vous ce qui s'est passé à Sarajevo les 2 et 3 mai ?

  8   R.  J'ai quitté Sarajevo le 30 avril pour rentrer à Jérusalem, où mon

  9   épouse était restée au mois de janvier lorsque je suis parti pour la

 10   Croatie. Donc je suis parti pour Jérusalem afin de faire mes bagages et

 11   retourner en Australie. Nous sommes retournés à Sarajevo le 13 mai, donc je

 12   n'ai pas la moindre idée de ce qui s'est passé à Sarajevo entre le 30 avril

 13   et le 13 mai.

 14   Q.  Quiconque vous aurait-il parlé du massacre survenu dans la rue

 15   Dobrovoljacka, ainsi que la veille, au sujet du massacre des responsables

 16   de la sécurité à l'hôpital militaire ?

 17   R.  J'ai été informé de tirs au moment de l'évacuation dans la première

 18   caserne de la JNA dont vous avez parlé, je crois. Il est certain que j'ai

 19   été informé de cela lorsque je suis rentré à Sarajevo le 13 mai. Mais je

 20   n'ai pas été informé du fait que des responsables de la sécurité auraient

 21   été tués à l'hôpital --

 22   Q.  Le 2 mai, Général, les responsables de la sécurité de l'hôpital

 23   militaire sont allés à la caserne de la JNA pour défendre un certain nombre

 24   de jeunes gens. Ils ont été tués, ils ont brûlé vifs, et le commandant

 25   Lazarevic s'est suicidé. Vous n'avez pas été informé de cela ?

 26   R.  C'est la première fois que j'entends parler de cela.

 27   Q.  Manifestement, Général, ce sont les Musulmans qui vous informaient et

 28   ils ont omis de vous informer de leurs actes les plus répréhensibles.

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  1   Comment est-il possible que vous n'ayez pas été informé de cela ? Car il ne

  2   s'agit pas de tirs sur le convoi le 3 mai. La colonne a été coupée en deux,

  3   et des gens ont été tués et faits prisonniers. Cela s'est passé seulement

  4   dix jours avant --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland ?

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président,

  7   un commentaire, pas de question.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, faites que vos

  9   questions soient simples et directes. Vous avez tendance à formuler de

 10   longs commentaires et vous avez tendance à présenter vos questions sous une

 11   forme très longue.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Général, j'aimerais vous demander comment il est possible que vous

 14   n'ayez pas été informé en détail au sujet d'un crime majeur impliquant le

 15   massacre d'un nombre particulièrement important de soldats, après qu'un

 16   accord ait été conclu au sujet de l'évacuation ?

 17   R.  Je m'abstiendrais, Docteur Karadzic, de quelque commentaire au sujet de

 18   ces événements, car j'étais absent, et lorsque je suis rentré le 13 mai,

 19   j'ai été débriefé au sujet de ce qui s'était passé et des événements qui en

 20   découlaient de ce malheureux incident. Encore une fois, je dois vous

 21   redire, Docteur Karadzic, que, sur le plan opérationnel, je n'étais pas à

 22   l'époque concentré sur Sarajevo, ou même sur la Bosnie. Je n'avais pas pour

 23   responsabilité de m'occuper de ces questions. Ces questions relevaient de

 24   la responsabilité spécifique du général MacKenzie, et dans une moindre

 25   mesure du général Morillon, ainsi que du général Nambiar et de M.

 26   Thornberry. Voilà les hommes qui étaient intimement impliqués dans tout

 27   cela. Lorsque j'ai accompli mon premier jour de travail, c'était le 14 mai.

 28   Pratiquement personne n'est venu au travail ce jour-là, en raison des

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  1   combats qui faisaient rage en ville. Ce n'est que le 15 mai que j'ai été en

  2   mesure d'entrer dans l'immeuble des PTT, parce que jusque-là, j'étais

  3   bloqué dans mon appartement de Dobrinja. Et lorsque le personnel des

  4   Nations Unies a pu rentrer au QG, il y est allé essentiellement pour faire

  5   ses bagages et partir pour Belgrade. J'ai été débriefé et, de façon

  6   générale, je dirais que j'ai été mis au courant, mais ma responsabilité ne

  7   consistait pas à entrer dans les détails de la situation. Il y avait bien

  8   d'autres choses qui se passaient à ce moment-là.

  9   Q.  D'accord. Mais en tant qu'être humain, vous auriez dû être au courant

 10   de cela. Voici ma question suivante, Général : savez-vous ce qui s'est

 11   passé le 15 mai à Tuzla ?

 12   R.  Non, Monsieur Karadzic.

 13   Q.  Savez-vous qu'une colonne de la JNA, dont l'évacuation avait fait

 14   l'objet d'un accord, a été totalement anéantie, que les gens qui faisaient

 15   partie de cette colonne ont brûlé vifs, qu'on leur a tiré dessus à partir

 16   des tours environnantes ?

 17   R.  Je n'ai aucun souvenir de cela, Monsieur Karadzic.

 18   Q.  Mais Général, parfois vous témoignez au sujet d'événements dont vous

 19   n'avez pas été le témoin, mais dès lors que je vous interroge au sujet de

 20   ce qu'ont vécu les Serbes, vous refusez de témoigner en disant que vous

 21   n'étiez pas présent et que vous n'avez donc aucune connaissance. Eu égard

 22   au message de Mladic concernant l'évacuation, est-ce que vous le percevez

 23   désormais sous un jour différent, sachant que les 2, 3 et 15 mai, bien que

 24   les évacuations aient fait l'objet d'un accord, des soldats de la JNA ont

 25   été pris au piège et massacrés ?

 26   R.  Je sais que cela s'est passé, en effet. C'est ce que j'ai appris dans

 27   le cadre du débriefing auquel j'ai participé à mon retour de congé. Donc je

 28   suis au courant. Et je sais qu'à l'époque un certain nombre d'hommes ont

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  1   trouvé la mort. C'est la démonstration de l'échec de toutes les parties au

  2   conflit, et la démonstration de l'échec des accords conclus. Il y a eu un

  3   certain nombre de cessez-le-feu, Monsieur Karadzic, que des gens ont signés

  4   et qui n'ont jamais été respectés. Il y a eu de nombreuses déclarations de

  5   soutien qui n'ont jamais été concrétisées.

  6   Q.  Général, ici nous sommes en présence d'un accord relatif à

  7   l'évacuation, et suite à cela, l'armée se retire, ça c'est une partie au

  8   conflit. Et en même temps, l'autre partie au conflit est attaquée de façon

  9   sanguinaire. Donc, nous ne sommes pas en présence de violations de la part

 10   des deux parties. Qu'est-ce que l'autre partie aurait pu faire ? Le général

 11   MacKenzie supervisait le retrait, et voilà ce qui s'est passé. Est-ce que

 12   vous êtes en train de dire que la partie serbe a commis un acte

 13   répréhensible dans cette situation ?

 14   R.  Monsieur Karadzic, je n'étais pas présent à l'époque. Je vous l'ai déjà

 15   dit. Mais ce que je peux vous dire c'est la chose suivante : j'étais

 16   responsable de l'évacuation des trois casernes qui ont été évacuées

 17   ensuite, et, à l'exception d'une caserne, ces évacuations ont eu lieu de la

 18   façon la plus professionnelle qui soit, et les événements dont nous sommes

 19   en train de parler ne se sont pas reproduits, en particulier en raison du

 20   fait que c'est moi qui étais responsable de cette opération, et que mon

 21   personnel était composé de soldats professionnels de haut niveau.

 22   Mais l'incident qui est survenu, et qui a concerné une caserne dont je ne

 23   me rappelle pas le nom, cette caserne était connue sous le nom de camp des

 24   Ours canadiens, elle a été évacuée sur notre conseil. Trop tard dans la

 25   journée, au moment où la nuit tombait, ces hommes ont commencé à faire le

 26   bagage et à se préparer à partir. La personne qui menait le convoi, selon

 27   l'itinéraire décidé sur la base de l'accord, a décidé qu'il allait modifier

 28   cet itinéraire parce qu'il n'avait pas confiance dans le plan qui avait été

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  1   mis au point, donc il a emmené le convoi sur un autre itinéraire. Bien

  2   entendu, ils sont tombés sur une position militaire tenue par des gens dont

  3   la nationalité n'est pas connue. Il y a eu échange de feu. Trente hommes, à

  4   peu près, ont trouvé la mort à ce moment-là. Vous pourriez parler de cela

  5   comme d'événement découlant de l'état de guerre. Mais je dois dire,

  6   Monsieur Karadzic, que les Nations Unies ont pris le plus grand soin à

  7   tenter de mettre au point des plans intelligents, et selon mon expérience

  8   de ce conflit, toutes les parties ont violé les accords de temps à autres.

  9   Q.  Je vous demanderais d'examiner ce document. C'est la deuxième directive

 10   visant à attaquer la JNA. La première date d'une période antérieure. Ici,

 11   nous parlons du 29 avril. Général, ceci est la raison de ce qui s'est passé

 12   les 2, 3 et 15 mai à Tuzla, n'est-ce pas ?

 13   R.  Je n'ai jamais vu ce document avant le jour d'aujourd'hui --

 14   Q.  Mais vous avez vu ce qui s'est passé suite à l'émission de ce document.

 15   C'est la base de ce qui s'est passé, de ce qui a eu lieu par la suite. Les

 16   2, 3 et 15 mai étaient des événements inévitables, étant donné que ce

 17   document a été diffusé, n'est-ce pas ?

 18   R.  Non, je ne saurai être d'accord avec vous sur ce point.

 19   Q.  C'est un document agressif. Est-ce que c'est, oui ou non, un ordre

 20   d'attaque contre la JNA ?

 21   R.  Ma lecture de ce document, en particulier du paragraphe 3, me permet de

 22   penser qu'il avait pour but d'empêcher des déplacements sans préavis des

 23   hommes qui quittaient la caserne. La documentation militaire est en général

 24   très précise. Je ne saurais commenter ce que disent des hommes qui ont été

 25   entraînés par la JNA. Mais il est certain que, d'après mon expérience

 26   militaire, ce document est très précis, il est indiqué ce qui est autorisé

 27   ce qui n'est pas autorisé. Il y a des choses qu'on appelle les règles

 28   d'engagement. Je ne vois rien dans ce document qui stipule qu'il doit y

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  1   avoir des attaques. Ce document stipule qu'il faut empêcher des

  2   déplacements sans préavis, et il y a plusieurs manières de faire cela sans

  3   recourir à des tirs.

  4   Q.  Qu'en est-il du paragraphe 4 ? Lisez le paragraphe 4, je cite :

  5   "Se hâter de planifier et de lancer des opérations sur tout le territoire

  6   de la Bosnie-Herzégovine, et coordonner ces opérations avec le personnel de

  7   la Défense territoriale de la région."

  8   Est-ce que ce n'est pas un ordre d'attaque ?

  9   R.  C'est un document qui porte sur des opérations de combat menées dans

 10   l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, et qui ne visent pas nécessairement

 11   les convois de la JNA.

 12   Q.  Mais qui est l'ennemi, dans ces conditions ?

 13   R.  Je n'en ai pas la moindre idée. Le rédacteur de ce document pourrait

 14   sans doute répondre mieux à cette question, ou peut-être celui qui a reçu

 15   ce document.

 16   Q.  Vous pouvez, tout de même, proposer une hypothèse, une opinion

 17   personnelle.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage à présent du document

 19   1414.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Voyons ce que le ministre de l'Intérieur, ministre musulman de

 22   l'Intérieur, déclare à sa présidence, quant à ce qui a été fait suite à

 23   l'émission de cette directive. Ce document date du 6 mai, il s'agit d'un PV

 24   de la réunion de la présidence musulmane. Il y a quelques Croates et

 25   quelques Serbes qui y assistent, mais on ne leur demande rien --

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Qu'est-ce qui s'est passé avec le document

 27   précédent ? Est-ce qu'il a été versé au dossier ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland ?

Page 4018

  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président.

  2   [Le conseil de l'Accusation se concerte] 

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document est admis.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D332, Monsieur le

  6   Président.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Nous avons maintenant ce PV de la séance

  8   du 6 mai 1992 à l'écran, séance de la présidence.

  9   Le document 271, c'est le document serbe, et voyons quel est le numéro en

 10   anglais. En anglais, c'est la page suivante qu'il convient d'afficher. 

 11   En anglais c'était la page suivante qu'il fallait afficher. Deuxième page

 12   du document, sans doute.

 13   M. KARADZIC : [interprétation] 

 14   Q.  Voilà. Vous voyez le nom de M. Delimustafic. Connaissez-vous ce nom,

 15   Alija Delimustafic, ministre de l'Intérieur ?

 16   R.  Non, non.

 17   Q.  Voyons ce que dit M. Delimustafic par rapport au document précédent. Je

 18   cite :

 19   "Chez nous aussi, donc, dans son ministère, il y a également des omissions.

 20   Ce que Hebib a ordonné, à savoir le début de la guerre, l'ouverture du feu,

 21   l'occupation des casernes. L'ordre à ce sujet a été envoyé à tous les

 22   centres à notre insu en annonçant la guerre. J'ai dit qu'il fallait qu'il

 23   publie une annonce. Mais il n'est pas venu me voir, et il ne parle pas avec

 24   moi."

 25   Et Izetbegovic demande : "Qui a fait ça ?"

 26   Delimustafic répond : "Avdo Hebib."

 27   Izetbegovic demande : Qu'a-t-il fait ?"

 28   Delimustafic répond : "Il a déclaré la guerre."

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Madame Sutherland.

  2   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pouvons-nous savoir quelle est la source

  3   de ce document ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mme Sutherland vous n'étiez pas là, mais nous

  5   avons déjà identifié ce document à plusieurs reprises. C'est un des

  6   documents qui provient de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, qui fait

  7   partie de cette compilation réalisée par Tomo Simic, et aucun de ces

  8   documents n'a posé le moindre problème.

  9   Le PV de la séance du 17 juin a déjà été versé au dossier. Nous allons

 10   maintenant soumettre le PV de cette séance au général. C'est une

 11   compilation de documents qui émane de la présidence de Bosnie-Herzégovine.

 12   Tomo Simic a rassemblé ces documents, mais ils sont tous tout à fait

 13   authentiques.

 14   Alors voyons ce qu'il déclare par ailleurs.

 15   Izetbegovic : "Qu'a-t-il fait ?"

 16   Delimustafic : "Il a déclaré la guerre à l'armée. En quatre points. Il a

 17   signé la dépêche."

 18   Izetbegovic : "En quelle qualité ?"

 19   Et puis il est indiqué :

 20   "Nous avons cessé l'enregistrement. N'enregistre pas cela."

 21   Izetbegovic : "Qu'est-ce qu'Avdo a fait --"

 22   Kljujic : "Ne parlons pas de cela maintenant, je t'en prie. Nous ne pouvons

 23   pas tout régler ce soir," et cetera, et cetera.

 24   Alors, Général, ce ministre de l'Intérieur musulman s'est rendu compte que

 25   la guerre avait été déclarée à la JNA.

 26   R.  Je ne saurais commenter ce point, Docteur Karadzic. Je ne connais pas

 27   les événements qui ont eu lieu en avril, en tout cas pas dans le détail,

 28   donc je ne saurais proposer le moindre commentaire censé.

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  1   Q.  Mais Général, vous êtes en train de témoigner sur toutes sortes

  2   d'autres choses, mais est-ce que vous voyez ce qui a été la cause du début

  3   de la guerre, et qui a lancé la guerre, déclaré la guerre ? Est-ce que vous

  4   voyez cela à la lecture de ce document ? Si vous n'étiez pas au courant,

  5   est-ce que vous vous rendez compte de cela maintenant ? Mais pourquoi est-

  6   ce que vous n'avez pas été informé de cela à l'époque ?

  7   R.  Si vous testez ma compréhension de l'anglais, je répondrais que je sais

  8   lire un document, en tout cas, je le pense, sans problème, mais je ne

  9   saurais commenter sur la précision de ce qui est indiqué dans ce document,

 10   ou sur la vraisemblance que la teneur de ce document soit conforme à la

 11   réalité.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera pour demain, Monsieur Karadzic.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Tout ce que je souhaite, c'est voir, Général, si vous êtes capable de

 15   témoigner au sujet des thèmes que vous abordez dans votre déposition.

 16   R.  Eh bien, je ne saurais témoigner au sujet de cet aspect particulier de

 17   ce document, Monsieur Karadzic.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 19   document qui est lié au document précédent et qui est la source, le point

 20   de départ de tous les événements subséquents.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais consulter mes collègues.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons maintenant suspendre

 24   l'audience et nous reprendrons nos débats, suite à la décision unanime de

 25   la Chambre de rejeter ce document, à 9 heures demain matin.

 26   [Le témoin quitte la barre]

 27   --- L'audience est levée à 15 heures 07 et reprendra le mardi 22 juin

 28   2010, à 9 heures 00.