Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 2 novembre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Bonjour, Docteur.

  7   Bonjour, Docteur Hajir.

  8   Docteur, vous m'entendez.

  9   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour. Docteur.

 11   LE TÉMOIN : YOUSSEF HAJIR [Reprise]

 12   [Le témoin dépose par vidéoconférence]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   [Interprétation française sur canal anglais]

 15   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   Contre-interrogatoire par M. Karadzic: [suite]

 19   Q.  [interprétation] Je voudrais que nous parcourions rapidement certaines

 20   questions qui peuvent avoir des réponses par un oui ou par un non, du moins

 21   je l'espère. Cela nous permettrait d'aller plus vite et d'être plus

 22   efficace.

 23   Dites-moi d'abord : est-ce que si vous saviez que j'avais donné

 24   beaucoup d'ordres du point de vue de la protection des civils, du respect,

 25   du droit humanitaire international, et cetera ?

 26   R.  Non.

 27    Q.  Merci. Dites-nous donc : combien d'habitants y avait-il à Dobrinja ?

 28   R.  Avant la guerre, il devait y avoir 40 000, 40 et quelque mille. Pendant

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  1   la guerre, quelque chose comme 25 000. Ça, personne ne saurait vous donner

  2   de chiffre exact, mais disons à peu près.

  3   Q.  Merci. Est-ce que vous avez été à des réunions du commandement de la

  4   155e Brigade ?

  5   R.  Jamais. Ils ne m'ont pas appelé et je n'y suis pas allé non plus,  et

  6   je ne faisais pas partie du commandement en bout de compte.

  7   Q.  Mais votre adjoint, c'était le chef des services sanitaires. Comment il

  8   s'appelait le docteur qui remplaçait le directeur ?

  9   R.  Le Dr Zlatko Kravic. D'abord, il y avait le Dr Radoncic, et en sa

 10   qualité de chef des services de Santé de la brigade, il y avait ce dénommé

 11   Zlatko Kravic.

 12   Q.  Est-ce que lui a été convoqué aux réunions du commandement ?

 13   R.  Croyez-moi bien, Radovan, je ne lui ai jamais posé la question, et lui

 14   non plus ne m'a pas dit qu'il allait à des réunions. Mais probablement que

 15   si. Je ne sais pas.

 16   Q.  Merci. Alors je vais résumer.

 17   Vous n'avez pas été informé ou vous ne receviez pas de rapports de combat

 18   au quotidien, n'est-ce pas ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Vous n'avez pas participé à la planification des opérations et vous

 21   n'avez pas non plus participé à l'analyse des opérations de combat ?

 22   R.  Ecoutez, je ne suis pas un militaire et je ne sais pas analyser les

 23   opérations militaires, et je ne saurais même pas les planifier. Je ne suis

 24   pas dans cette profession et je n'ai jamais voulu me mêler de tâches où je

 25   n'y connaissais rien.

 26   Q.  Bon, je voulais déterminer la chose. Est-ce que vous avez été, à titre

 27   officiel, informé des événements sur le champ de bataille ?

 28   R.  Parfois, quelqu'un venait et disait : "Il s'est passé ceci ou cela,"

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  1   mais officiellement, non.

  2   Q.  Merci. Je voudrais à présent vous demander de prendre votre déclaration

  3   amalgamée et j'essaierai de parcourir rapidement certains de ses

  4   paragraphes.

  5   Dans votre livre, vous avez dit que vous avez eu 1 200 et quelques

  6   opérations et quelque 6 000 petites interventions chirurgicales en

  7   infirmerie, dont 1 000 et quelques se trouvaient être effectuées en temps

  8   de paix et 5 000 en temps de guerre, donc un total de 6 200 interventions à

  9   caractère d'intervention de temps de guerre. Alors pourquoi, dans vos

 10   déclarations, voit-on 5 000 grandes opérations et 16 000 patients au total

 11   ?

 12   R.  Voyez-vous, le nombre de ces patients, des blessés et des opérations,

 13   je ne le sais pas et je ne pense pas qu'on puisse le savoir, parce que

 14   personne ne tenait de registre à jour. Nous avons perdu pas mal de

 15   documents ou protocoles de recensement. Peut-être quelqu'un les a-t-il

 16   volés. Nous n'avons retrouvé aucune trace. Ce que je vous ai dit, c'est ce

 17   que j'ai vu et ce que j'avais à portée de main. Pour ce qui est des

 18   registres qui ont été perdus, nous avons cherché. Nous avons même créé une

 19   commission pour chercher, et on a demandé à la police de s'en occuper, mais

 20   jamais les registres en question n'ont été retrouvés. C'est la raison pour

 21   laquelle il y a cette confusion ou une telle confusion au niveau des

 22   chiffres.

 23   Q.  Merci. Moi, il m'a semblé que ça faisait beaucoup pour 30 000 habitants

 24   d'avoir 16 000 habitants à être passés par votre infirmerie. Vous avez

 25   mentionné hier le fait qu'il y en a eu qui passaient par le tunnel. Alors

 26   est-ce que la fréquence des passages par le tunnel était telle que vous

 27   avez pu avoir tant de patients de là-bas ?

 28   R.  Absolument. Voyez-vous, Monsieur Karadzic, le tunnel faisait 1 mètre

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  1   20, 1 mètre 30, et ça faisait 800 mètres de long. Il fallait vous

  2   redresser. Dès que vous vous redressiez, il y avait des poteaux en haut, et

  3   chacun -- ou un homme sur deux, en passant par là, il sortait blessé parce

  4   que c'était pas une position naturelle que de parcourir 800 mètres plié en

  5   deux, et vous pouvez imaginer combien de gens il y a eu à passer dans un

  6   sens et dans l'autre.

  7   Q.  Mais combien de gens y a-t-il eu à passer justement ?

  8   R.  Un très grand nombre. Il y a des gens qui allaient voir de la famille.

  9   Il y avait des gens qui allaient s'approvisionner, acheter quelque chose à

 10   manger à Hrasnica pour les enfants. Il y a eu des causes tout à fait

 11   variées pour ce qui est de savoir pourquoi les gens passaient par ce

 12   tunnel. Enfin, on n'y allait pas pour le plaisir. C'était dangereux. Vous

 13   ne saviez jamais quand est-ce qu'à l'entrée ou à la sortie il y aurait une

 14   détonation. Personne n'y allait pour son propre plaisir ou pour l'envie

 15   d'aller, mais c'était par nécessité.

 16   Q.  Merci. Mais est-ce que des unités entières du 1er Corps sortaient de la

 17   ville et revenaient en ville en empruntant ce même tunnel ?

 18   R.  Moi, personnellement, je ne l'ai pas vu. Il se peut que oui. Moi, je ne

 19   l'ai pas vu.

 20   Q.  Merci. Où ces gens se réunissaient-ils lorsqu'il fallait passer par le

 21   tunnel ? Où était ce point de rassemblement ? Ils ne pouvaient pas y aller

 22   tous ensemble. Il fallait forcément qu'ils y aillent un par un, n'est-ce

 23   pas ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Donc ils devaient forcément se rassembler quelque part non loin de

 26   l'entrée du tunnel, n'est-ce pas ?

 27   R.  Bien, s'il en est ainsi, j'imagine que oui. Tout le monde ne pouvait

 28   pas passer à la fois.

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  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais vous montrer à présent le 1D2686.

  3   J'espère que vous allez pouvoir le voir dans le prétoire électronique.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Avez-vous entendu parler de Nedzad Inadzic ?

  6   R.  Nenad Inadzic, je crois que c'était le commandement du 1er Corps. Je ne

  7   sais pas trop, mais je pense que c'est le cas.

  8   Q.  C'est bien exact. Merci. Est-ce qu'on peut se pencher maintenant sur ce

  9   prétoire électronique ? On va nous le montrer tantôt, j'espère, cette pièce

 10   à conviction.

 11   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demanderaient à l'employer du greffe de

 12   faire moins de bruit avec les papiers.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, le compte rendu dit Inadzic, alors qu'il

 14   faut être Ajnadzic, A-J-N et cetera.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Alors, est-ce que je peux vous demander de prêter attention à ce texte

 17   où on dit que le tunnel a été excavé et que la finalité de son excavation

 18   c'était la recherche d'assurer des approvisionnements en logistique des

 19   unités à Sarajevo, et l'établissement d'un lien avec les territoires

 20   libérés en Bosnie-Herzégovine. C'est le paragraphe qui se trouve en dessous

 21   de l'intitulé des systèmes que l'on énumère.

 22   R.  Moi, je ne le vois pas. Peu importe. Ça se peut, ça se peut. Je pense

 23   qu'ils le disent bien, parce que l'objectif était de faciliter la vie, de

 24   pouvoir sortir non pas seulement pour les civils mais aussi pour les

 25   soldats, lorsque nécessaire.

 26   Q.  Bon, merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Montrez-nous, je vous prie, la page suivante.

 28   Excusez-nous, c'est un document suivant en fait.

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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Alors on voit ici que c'est l'installation D-B qui rattache Dobrinja et

  3   Butmir, donc ça passe sous l'aéroport, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et ça a été confié au 1er Corps de l'ABiH, dans le plus grand des

  6   secrets. Début mars, on a commencé à excaver cette galerie, ce tunnel.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que, d'abord, je peux demander le

  8   versement de cette pièce au dossier ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux commenter avant le

 10   versement ?

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Allez-y.

 13   R.  Avant que de commencer à creuser, on ne peut pas enfermer 300 000

 14   personnes dans une région, sans pour autant. Enfin, si vous aviez laissé un

 15   corridor, il se peut que la moitié de la population quitte Sarajevo, parce

 16   que tout le monde avait, de la famille, des besoins -- enfin, des familles

 17   qui avaient des enfants à l'extérieur. Avant de creuser le tunnel, on

 18   courrait pour traverser la piste de l'aéroport. Il y a eu pas mal de morts

 19   et de blessés par des tirs de snipers du côté serbe. Si ce n'est pas du

 20   côté serbe, c'est par le bataillon français qui avait assumé des

 21   responsabilités pour cette piste. Ils ne voulaient pas permettre le

 22   passage, mais qu'attendez-vous de quelqu'un, enfermer quelqu'un à la

 23   maison, ne pas le laissez passer, ne pas le laisser respirer ou sortir,

 24   c'est absurde que de s'attendre à une chose pareille.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Toujours est-il que je demande le versement au

 26   dossier de cette page, pour qu'on puisse se pencher sur une autre page, à

 27   des fins d'identification.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la page 257 ?

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Il s'agit du 1D2686, à des fins

  2   d'identification, je vous prie.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il y a une objection.

  4   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pas d'objection, si c'est une cote

  5   provisoire.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons donner une cote

  7   provisoire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce MFI D856.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   Est-ce que l'on peut nous montrer le 1D2687, maintenant, je vous prie.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce que vous savez, Docteur Hajir, que la partie serbe avait proposé

 13   des corridors à des fins de communication civile, et de communication

 14   commerciale, à condition que rien de militaire ne passe par ce corridor.

 15   R.  C'est la première fois que je l'entends dire.

 16   Q.  Je crains que beaucoup de choses ne vous aient été dissimulées, peut-

 17   être étiez-vous trop occupé, et vous ne l'avez jamais découvert.

 18   R.  C'est bien possible, mais quelqu'un l'aurait dit, parce qu'il y avait

 19   beaucoup de gens qui sont passés par l'hôpital. Je suppose que quelqu'un

 20   aurait forcément fini par dire quelque chose, mais jamais, je ne l'ai

 21   jamais entendu dire quelque chose de ce genre.

 22   Q.  Je vais vous demander d'examiner la page 259, qui dit ceci:

 23   "Dans la nuit, lorsque le tunnel a été terminé, 600 soldats bardés de leur

 24   équipement complet sont passés directement pour aller directement au mont

 25   Igman, pour enrayer l'offensive ennemie. Parallèlement, cette nuit-là,

 26   quelque cinq tonnes d'équipement et de matériel militaire ont été livrées à

 27   Sarajevo, de la même façon.

 28   R.  Oui, je ne vois pas, mais qu'est-ce que vous me posez comme question ?

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  1   Q.  Est-ce que ceci correspond à ce que vous venez de dire, il y a un

  2   instant, à savoir que en fait, beaucoup de choses passaient par ce tunnel,

  3   que ce soit des civils ou des soldats ?

  4   R.  C'est possible.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement du document.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser ceci sous la même

  7   cote, cote qui restera provisoire, parce que ça fait partie du même livre,

  8   n'est-ce pas ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est simplement une autre page, la page

 10   259. Mais on peut aussi verser au dossier les pages 258 et 259. Merci.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Au paragraphe 8 de votre déclaration, vous dites que Dobrinja n'était

 13   pas tout à fait complètement encerclé au début. Etes-vous d'accord pour

 14   dire que puisqu'il y a eu le tunnel, Dobrinja n'a jamais été totalement

 15   encerclé, pas plus que Sarajevo d'ailleurs, puisqu'il y a eu quand même pas

 16   de circulation qui est passée par ce tunnel ?

 17   R.  Je parlais du temps où a commencé la guerre. Une fois le tunnel ouvert,

 18   c'est un peu différent, mais la capacité du tunnel, la possibilité de

 19   permettre la circulation a été très limitée.

 20   Q.  Mais pour ce qui est de toutes ces affirmations, est-ce que vous avez

 21   des preuves ou est-ce que ce sont des impressions ? Par exemple, paragraphe

 22   14, dernière phrase vous y dites que vous aviez l'impression que les Serbes

 23   ne voulaient que tuer et que c'était une des raisons pour laquelle ils

 24   n'avaient pas pris Dobrinja. Est-ce qu'ils ont pu vous tuer aisément par

 25   exemple, au poste de contrôle de Vraca ?

 26   R.  Oui, ils auraient pu le faire, mais ils auraient dû expliquer ou

 27   justifier le fait d'avoir tout à fait sceller la ville, enfermer la ville,

 28   surtout Dobrinja, parce que c'était un quartier d'habitation. Il n'y avait

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  1   pas d'usine, il n'y avait rien, alors comment peut-on tirer alors que vous

  2   savez qu'il y a des femmes, des personnes âgées, des femmes âgées qui sont

  3   sans défense qui habitent ? Moi, j'ai eu un enfant qui devait avoir sept ou

  4   huit ans, qui a été touché droit dans le cœur par un tir de tireur

  5   embusqué. Le tireur embusqué a dû forcément voir que c'était un enfant sur

  6   qui il tirait. Et je vous parle ici à cœur ouvert, Collègue, ce sont des

  7   faits, des faits qui se sont produits et que j'ai vus tout autour de moi.

  8   Donc ce ne sont pas des impressions que je livre ici.

  9   Q.  D'accord. Mais est-ce que vous savez que la partie adverse, la partie

 10   de l'ABiH ou plus exactement la police était aussi active, s'est livrée

 11   aussi à l'assassinat de Serbes et de Musulmans par des tirs de tireurs

 12   embusqués ?

 13   R.  Je sais qu'il y a eu plusieurs tentatives d'attaque sur Nedzarici, pas

 14   pour occuper le quartier mais pour nettoyer la zone de Ceni [phon] de

 15   tireurs embusqués. C'est ce que j'ai compris s'agissant de beaucoup

 16   d'actions qui sont restées des échecs, parce que c'était mal organisé. Vous

 17   dites organiser ceci, organiser cela, il n'y avait que quelques brigades

 18   sur la ligne, il était impossible de s'organiser, d'assurer un passage sans

 19   difficulté à Mojmilo ou dans d'autres quartiers de la ville.

 20   Q.  Etes-vous d'accord pour dire que Nedzarici c'était un quartier

 21   exclusivement serbe, avec des maisons où il y avait en général un rez-de-

 22   chaussée, et un premier étage.

 23   R.  Oui, à majorité c'était le cas.

 24   Q.  Etes-vous d'accord pour dire que, par exemple, à Vonis [phon] par

 25   rapport à Vojnicko Polje, à Alipasino Polje, c'était différent parce que,

 26   dans ces quartiers-là, il y avait des immeubles de dix à 14 étages ?

 27   R.  Oui, tout à fait, mais c'est bien la preuve qu'ils ne voulaient pas

 28   Nedzarici, parce qu'ils auraient pu le prendre ce quartier. Je pense qu'il

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  1   y avait deux ou trois brigades qui auraient pu s'emparer de Nedzarici. Ils

  2   voulaient simplement se débarrasser des nids de tireurs embusqués qui

  3   tiraient sans arrêt sur les gens. En tout cas, c'est ce que je -- moi, je

  4   vous dis ce que je sais.

  5   Q.  Vous êtes sans doute d'accord pour dire que les Serbes auraient pu

  6   s'emparer de Dobrinja, pourtant ils ne l'ont pas fait, parce que ça aurait

  7   fait beaucoup de pertes parmi la population civile, beaucoup de victimes

  8   civiles ?

  9   R.  Oui, avec la force militaire que les Serbes avaient avec les trois

 10   casernes militaires que les Serbes avaient au départ, au début, elles

 11   auraient pu facilement s'en emparer, et ça n'aurait pas fait beaucoup de

 12   victimes civiles à l'époque.

 13   Q.  Ici, dans cette première phrase du paragraphe 4, vous dites que : "Les

 14   Serbes prenaient systématiquement absolument pour cible des civils."

 15   Etait-ce là une impression ou est-ce que vous pouvez étayer cette

 16   affirmation par des preuves ?

 17   R.  Hier, vous avez montré un journal ou un document on voyait des

 18   personnes blessées, c'était tous des combattants. Mais vous n'avez pas

 19   montré tous les documents qui prouvaient qu'il y a dix fois plus de

 20   victimes civiles. Qu'est-ce que je peux vous dire ?

 21   Quand on essaie de sauver des vies la plupart du temps, en fait, il y a eu

 22   très peu de soldats qui sont venus par rapport au nombre de civils qu'on a

 23   eus - et je vous le dis, parce que j'étais sur place, moi, j'ai pu voir de

 24   mes propres yeux se qui se passait - alors quelle serait mon impression sur

 25   cette situation que j'ai connue était comme ça ?

 26   Q.  Dans la phrase suivante, vous dites que :

 27   "Il n'y avait pas d'unité militaire sur place au début, il n'y avait

 28   pas d'armée organisée."

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  1   Est-ce pour cela que vous avez conclu qu'on a eu surtout des victimes

  2   civiles davantage que des soldats ?

  3   R.  Tout à fait, Monsieur Karadzic. Je vous le dis, c'est certain, il n'y a

  4   pas eu. Comme vous dites, il y avait la Ligue patriotique qui avait la

  5   110e, la 140e. Vous dites ça, mais je l'aurais vu parce qu'il y avait rien

  6   de ce genre à Dobrinja. C'était des jeunes hommes qui devaient avoir 20 ans

  7   qui venaient, qui changeaient de vêtements, prenaient des pistolets, des

  8   fusils, ils n'avaient pas d'arme lourde. C'est ce genre de chose que j'ai

  9   vu à Dobrinja. Je ne veux pas dire par là qu'il n'y avait pas d'armes plus

 10   lourdes ailleurs dans d'autres endroits, mais il y avait des armes plus

 11   légères qui ont été utilisées parmi manifestants. Il y avait des armes à

 12   plusieurs tubes. Il se peut que -- je n'ai jamais vu de char de ce côté.

 13   Donc c'est surtout ce que j'ai vu.

 14   L'INTERPRÈTE : Les interprètes ont du mal à comprendre le témoin.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Je comprends que vous étiez très occupé, que vous n'avez pas été en

 17   mesure de voir tout ceci. Est-ce que vous savez combien il y avait de

 18   combattants de la 155e Brigade qui existait avant le mois d'août 1992 sous

 19   une autre appellation ? Combien de combattants de cette brigade ont été

 20   blessés ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que vous ne répondiez, Docteur,

 22   Mme le Procureur veut intervenir.

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je pense qu'il faut peut-être augmenter

 24   le volume du micro du témoin, parce que les interprètes ont du mal à

 25   l'entendre.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, j'étais sur le point de le dire.

 27   Monsieur Hajir, est-ce que vous pourriez essayer de parler plus directement

 28   dans le micro ?

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  1   Oui. Mettez-le plus près de vous, et pensez à ménager une pause entre les

  2   questions et les réponses.

  3   L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif du témoin.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant pouvez-vous répondre à la

  5   question qui vous a été posée ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je pense avoir déjà répondu, je ne sais

  7   pas.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Mais, malheureusement, on ne vous a pas entendu. Donc il n'est pas

 10   contesté que la brigade a existé. Hier, on a vu un document qui montrait

 11   que dès le mois d'août une brigade complète avait été établie déjà, avait

 12   été intégrée dans le 1er Corps et des informations musulmanes indiquaient

 13   que la brigade comptait 7 000 combattants. Alors il y en a combien parmi

 14   ces combattants de la brigade qui ont été tués ou blessés ?

 15   R.  Je ne le sais vraiment pas. Impossible de vous le dire. On n'a jamais

 16   établi de statistique de quelque genre que ce soit. Vous verrez dans toutes

 17   les données statistiques que les données sont très problématiques. Il y en

 18   avait bien plus en fait que ce qu'on trouve comme chiffres dans les livres.

 19   Q.  Dans le procès Perisic, le 29 janvier 2009, page 2 998, vous avez dit

 20   que :

 21   "Vous ne faisiez pas de différence entre des blessés civils ou des patients

 22   civils et militaires."

 23   Est-ce exact ?

 24   R.  Jamais nous n'avons fait de différence entre les gens. Si quelqu'un

 25   avait besoin d'aide, si quelqu'un était blessé on le soignait on ne faisait

 26   pas de différence. Parce que si on fait une différence pour un camp, on

 27   fera la différence équivalente dans l'autre. Tout le monde doit être traité

 28   de la même façon de quel camp qu'il soit. Donc je pense avoir bien agi dans

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  1   ce sens-là.

  2   Q.  Oui, je suis d'accord. Je suis d'accord avec vous. Mais c'est un fait,

  3   n'est-ce pas, beaucoup de combattaient alors qu'ils étaient en vêtements

  4   civils - vous l'avez confirmé hier - ces 5 000 soldats, combien se sont-ils

  5   déplacés à l'intérieur de Dobrinja ? Il y avait quatre gros bataillons. Il

  6   y en avait deux autres, un du génie et un autre, je ne sais pas ce qu'il

  7   était. Mais comment ces hommes se déplaçaient-ils, manoeuvraient-ils ?

  8   Alors que Dobrinja est tout petit, on devait forcément les voir, ça devait

  9   attirer l'attention de l'armée serbe ?

 10   R.  Jamais je n'ai vu de gros rassemblement d'hommes se déplaçant et je ne

 11   sais pas, je ne connais pas de caserne qui aurait appartenu à l'armée

 12   musulmane. Ce n'est pas là non plus qu'ils se réunissaient, pas plus qu'au

 13   commandement. Au commandement, il y avait qu'un homme ou deux qui

 14   surveillait ou c'était les gardes du commandant. Pour le reste, je ne sais

 15   pas, où les gens étaient. Les hommes étaient sans doute chez eux. Je ne

 16   sais pas où ceux qui sont venus plus tard de la ville où ils étaient

 17   cantonnés. Je ne sais vraiment pas.

 18   Q.  Mais si ces gens rentraient chez eux, est-ce que cela veut dire que

 19   c'était là leur dispositif, leur déploiement de combat ? C'est qu'ils

 20   devaient être dans leur immeuble ?

 21   R.  Mais où les gens pouvaient-ils aller ? Ils ne pouvaient pas se balader.

 22   Ça ne veut pas dire pour autant que c'était une mission qui leur a été

 23   donnée de rester chez eux que c'était là le dispositif de combat.

 24   Q.  Est-ce qu'on peut voir le document 1D1100 ? Vous verrez ainsi l'aspect

 25   que ceci avait le 23 mai 1992. C'est précisément ce dont vous parliez. La

 26   question de savoir où tous les combattants se rassemblaient à Dobrinja.

 27   Est-ce qu'il y avait des tranchées ? Est-ce qu'il y avait des routes que

 28   ces hommes auraient pu utiliser --

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame le Procureur.

  2   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi. Mais, Monsieur Karadzic, où

  3   dit-on qu'il y avait 5 000 combattants dans la 155e Brigade ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre en discutait précisément.

  5   Docteur, M. Karadzic vous a posé plusieurs questions partant du principe,

  6   selon lui, qu'il y avait 5 000 combattants musulmans dans le secteur; êtes-

  7   vous en mesure de confirmer cette donnée ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas du tout. Je ne sais vraiment pas si on

  9   compte les services d'appui, la logistique, les chauffeurs. Je pense que,

 10   même si on les comptait en plus des autres, on n'aurait jamais le chiffre,

 11   le nombre de 5 000. De toute façon, on n'a jamais fait le décompte.

 12   Personne ne m'a jamais donné ce genre de donnée. Mais, moi, je dis que même

 13   si je ne connais pas le nombre, je dis que 5 000 c'est trop c'est

 14   impossible pour le quartier.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que vous auriez une idée

 16   approximative, je dis bien "approximative" du nombre de soldats qu'il y

 17   avait ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais si je vous donnais un chiffre ça ne

 19   serait pas la vérité et ce serait loin de la vérité. Je ne sais vraiment

 20   pas, j'en suis désolé.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Nous sommes d'accord pour dire qu'il y avait quatre bataillons; est-ce

 24   que dans un bataillon, il n'y a pas de quatre à six compagnies ?

 25   R.  Monsieur Karadzic, je ne sais vraiment pas combien il y a de brigades

 26   normalement dans un bataillon. Je n'essaie pas ici d'esquiver vos

 27   questions. Si je savais, je vous le dirais volontiers. Mais ce que je ne

 28   sais pas, je ne le sais pas. Je pensais qu'hier on avait mis un terme à

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  1   tout ceci.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] N'avez-vous pas confirmé hier qu'il y

  3   avait quatre bataillons ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Il a parlé de six bataillons. Moi, ce que je

  5   sais c'est que, à mon avis, il y en avait quatre. Mais je n'ai jamais

  6   entendu dire qu'il y avait plus que quatre bataillons, et je n'ai jamais su

  7   où ils se trouvaient. Je ne le sais pas.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  9   Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Mais convenez-vous, Docteur Hajir, qu'il y avait le commandement de la

 12   155e à cet endroit avec les QG des unités, des commandements de quatre

 13   bataillons avec leurs unités d'état-major, donc les commandements aussi de

 14   15 à 17 compagnies avec leurs unités d'état-major ?

 15   R.  Où ? Vous voulez dire à Dobrinja ?

 16   Q.  Mais c'était bien la 155e qui était déployée là ?

 17   R.  Oui, c'est vrai, elle a bien existée.

 18   Q.  Merci. Regardons maintenant ce document qui est traduit. Nous avons une

 19   traduction. Ici, c'est un rapport du renseignement en date du 23 mai, qui

 20   dit que :

 21   "Dans la rue Zikice Jovanovic Spanca," on voit tous les chiffres

 22   impairs, avec les chiffres pairs aussi - on en a une vingtaine de numéros

 23   de lieux dans la rue - "qu'il y a une forte concentration de Bérets verts,

 24   qu'à chaque étage il y avait deux membres des Bérets verts afin d'empêcher

 25   le déplacement et la communication entre les habitants des immeubles."

 26   Puis ça se poursuit. On dit que :

 27   "Quelques 40 % de la population serbe a déménagé de ces immeubles."

 28   On dit que les Bérets verts étaient armés de fusils automatiques, de

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  1   fusils mitrailleurs, de fusils à lunette, de tireurs embusqués, de grenades

  2   à main, et qu'on leur apportait à manger tous les jours.

  3   Est-ce que tant de choses vous ont été dissimulées que vous ne saviez

  4   même pas ceci ?

  5   R.  Je vous le dis. Je ne sais pas comment vous convaincre de ce que je

  6   veux vous dire. Je ne savais pas du tout ça. C'était tout à fait inconnu de

  7   moi. Peut-être que si j'avais posé la question je l'aurais appris, mais je

  8   n'ai jamais voulu demander qui c'était, ce que ces gens faisaient. Moi, je

  9   faisais mon travail, la mission que je m'étais donnée, et je l'ai bien

 10   remplie. Quant aux autres, ce que ces gens faisaient, ne me posez pas de

 11   questions parce que je ne sais pratiquement rien de ce qui se passait

 12   autour de moi.

 13   Q.  Merci. Je comprends bien.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je m'excuse une fois de plus d'avoir

 16   interrompu les débats, mais j'avais cru comprendre que M. Karadzic avait

 17   demandé l'affichage du 1D1101. Est-ce le document que nous sommes censés

 18   regarder ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, j'avais dit 1100, et après, ce sera le

 20   1101.

 21   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi. Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'en dites-vous, Madame Sutherland ?

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] 1D1100 est devenu la pièce déjà -- pièce

 25   versée au dossier D330.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne le savais pas. Je ne savais pas qu'il

 28   avait été versé au dossier.

Page 8852

  1   Est-ce qu'on peut voir maintenant le document 1D1101 ? Est-ce que c'est

  2   déjà une pièce versée au dossier ? J'aimerais le savoir. Le voici.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Docteur Hajir, regardez ce document. C'est un autre rapport du

  5   renseignement en date du 23 mai, qui dit ceci :

  6   "Les Bérets verts sont cantonnés à l'école élémentaire Petar Dokic, dans la

  7   villa Cengic -- Cengic Vila, au-dessus de Dobrinja."

  8   On dit que :

  9   "Nous avons également reçu des renseignements indiquant que Osman Lunja et

 10   un certain Prutinja avaient arrêtés 29 Serbes de la rue Remzija

 11   Pehlimanovica. Un certain Serif, surnommé Kise, de Dobrinja, a emprisonné

 12   dix Serbes, et il a été aidé par un certain Haris. Ils ont également

 13   torturé les prisonniers :

 14   "Ce jour-là, ils ont choisi Milorad Djurdjevic, tout simplement parce qu'il

 15   était originaire de Foca. Ils ont forcé les prisonniers à admettre que

 16   c'était des hommes qui avaient été des tireurs embusqués, et ils ont

 17   cherché à savoir où se trouvaient, où habitaient des Serbes qui étaient des

 18   notables."

 19   Vous connaissez bien ce Kise ? Il était bien connu à Dobrinja.

 20   R.  Je le connais ce Kise, mais je ne sais rien de cet incident. C'est un

 21   vantard, c'est un arrogant ce Kise. Il est venu nous voir quelquefois.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je ne vois pas ce qui justifierais

 24   le versement, parce que le témoin connaît Kise, mais c'est tout. Je ne vois

 25   pas pourquoi vous posez cette question au médecin.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord, je comprends. Le médecin lui-même a

 27   dit qu'il n'était pas au courant de ces agissements. Donc on va essayer de

 28   le présenter à un autre témoin.

Page 8853

  1   Merci, Docteur Hajir. Je vais maintenant parcourir le reste de votre

  2   déclaration.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Aidez-nous s'il vous plaît à nous souvenir de ceci : Combien y a-t-il

  5   eu d'incidents où il y a eu plusieurs victimes ? Il y a eu celui où il y a

  6   eu un match de football, ça nous le savons. Il y avait aussi les gens qui

  7   faisaient la file pour obtenir du secours humanitaire. Mais il y a eu

  8   combien d'incidents où il y a eu beaucoup de civils blessés, disons plus de

  9   trois ou cinq ?

 10   R.  Vous le verrez, vous trouverez ces données dans mon livre. Dans la

 11   mesure où les informations me sont parvenues, j'ai fait une description

 12   très honnête du nombre d'incidents, du nombre de blessés. J'ai dit s'il y

 13   avait eu sept ou huit blessés pour chacun des incidents. Je ne sais pas

 14   tout à fait, mais je peux vous dire que c'était des actes délibérés. Les

 15   gens étaient ciblés quand ils attendaient pour avoir de l'eau, de l'aide

 16   humanitaire. Est-ce que ceci ne vous dit rien ? Ce n'est pas seulement des

 17   cibles militaires; on prenait des cibles civiles, peu importe la misère

 18   dans laquelle se trouvaient ces gens, et vous n'avez jamais pris la peine

 19   de condamner de tels actes.

 20   Q.  Je pense que vous n'êtes pas très informé. J'ai condamné ce genre

 21   d'agissement, j'ai demandé des enquêtes, et nous en ferons la preuve et

 22   nous verrons qui a effectivement tiré. Mais vous avez dit que des milliers

 23   de civils avaient été tués à Dobrinja. C'est pour ça qu'il faut savoir au

 24   cours de quel incident et comment ceci s'est produit. Parce qu'il fallait

 25   que ce soit des événements tout à fait spectaculaires, dramatiques, si des

 26   milliers de civils ont été tués sur une période de 1 200 jours, parce que

 27   des mois entiers se sont écoulés sans qu'une seule personne soit tuée.

 28   Ce qui veut dire qu'il y a eu l'incident du match de football, il y a eu

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  1   l'incident de la file pou l'aide humanitaire. Tout ça se retrouve dans

  2   l'acte d'accusation. Mais est-ce qu'il y a eu d'autres incidents où il y a

  3   eu vraiment des massacres, incidents dont vous pourriez nous parler ?

  4   R.  Monsieur Karadzic, tous les jours on avait des blessés qui arrivaient à

  5   l'hôpital, et après deux ou trois ans on n'avait toujours pas de

  6   statistiques. En fait, pas un seul jour ne se passait sans qu'il y ait au

  7   moins 10 ou 15 blessés qui venaient se faire soigner. Je ne sais pas au

  8   cours de quel événement ou incident militaire ou pas ceci se serait

  9   produit. Les statistiques ne sont pas fiables. Moi, je vous le dis,

 10   personne ne se préoccupe des chiffres à l'époque. Moi, je vous ai dit

 11   quelles étaient nos priorités. Je vous ai dit que vraiment on était

 12   surchargé, on était dépassé. Dans mon livre, il y a un de ces massacres.

 13   Vous savez, il y a une femme, un médecin, Krlic, qui est venue nous aider,

 14   et elle a trouvé son fils mort. Il avait été tué alors qu'il aidait une

 15   vieille dame à transporter de l'eau. Alors comment vous, est-ce que vous

 16   réagiriez si ceci s'était passé dans un quartier serbe de Sarajevo ?

 17   Q.  Je suis d'accord avec vous. Toute mort est une mort de trop, c'est un

 18   drame pour les parents, la famille de la victime. Mais s'il nous faut

 19   parler de statistique, ce que vous dites n'est pas fiable. Il nous faut

 20   donc prendre ce chiffre de 1 ou 10 000 civils comme étant un nombre tout à

 21   fait relatif.

 22   R.  Mais ça pourrait être encore plus.

 23   Q.  Où est-ce qu'ils ont été enterrés, tous ces gens ?

 24   R.  Mais je vous ai dit que les parcs étaient remplis de tombes. Il y avait

 25   un cimetière à Dobrinja 3, qui était tellement bondé de corps, qu'il n'y

 26   avait plus un seul pouce de terrain où on aurait pu creuser. Des gens ont

 27   été enterrés devant chez eux, dans leur jardin personnel. C'est tragique,

 28   parce que quand on va dans une rue, quelle qu'elle soit et on voit tous les

Page 8855

  1   lieux où les gens ont été enterrés.

  2   Q.  Merci. Nous avons vu sur les images d'hier plusieurs tombes qui se

  3   trouvaient sur le bord de la route. Mais 1 000 tombes, ça fait le cimetière

  4   d'Arlington aux Etats-Unis; alors pourquoi est-ce qu'on n'a pas vu une

  5   seule photo de ce genre dans un journal, où on aurait montré au moins si ce

  6   n'est pas 1 000, au moins 100 tombes de ce genre ? Comment se fait-il qu'il

  7   n'y ait aucune photo qui montre de grand cimetière remplis de tombes

  8   civiles ?

  9   R.  Mais comment voulez-vous que je le sache ? Moi, je n'ai pas pris de

 10   photo, je ne suis même pas sorti pour aller voir. Mais il y a eu beaucoup

 11   de morts et certains, vous savez, ont simplement emmené leurs morts dans

 12   leur voiture. Certaines familles sont venues plus tard pour ramasser les

 13   corps, pour les enterrer.

 14   Si vous parlez de photographie, il y a un endroit près de C-4,  près

 15   de la localité du quartier de l'aéroport, où il y avait par exemple le

 16   grand cimetière, il se peut que les Serbes aient pris plus de photos que

 17   nous.

 18   Q.  Oui, les Serbes diraient que la cité de l'aéroport s'était

 19   libérée, vous, vous dites que ça a été occupé.

 20   R.  Non, c'est C-4, qui se trouve à côté de la cité de l'aviation, si

 21   vous connaissez la répartition des différentes cités dans Dobrinja. C-4,

 22   c'est après la cité de l'aviation, puis C-5, et cetera. En face, il y a ce

 23   village Nedzarici; de l'autre côté, il y a des immeubles à plusieurs étages

 24   d'habitation.

 25   Q.  Merci. Mais conviendriez-vous avec moi qu'il conviendrait de

 26   tenir compte des statistiques de l'ABiH, tant du point de vue du nombre des

 27   soldats de la 155e Brigade que du point de vue du nombre des "sahid" ?

 28   Parce que si on déclare que quelqu'un est un sahid, est-ce qu'il faut

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  1   considérer que c'est quelqu'un qui est forcément tué au combat, comme un

  2   soldat et non pas comme un civil ?

  3   R.  Exact, c'est exact. Toutefois du point de vue juridique, c'est

  4   vrai. Mais on a utilisé ce terme même pour des civils, pour dire que voilà,

  5   on nous a forcés à être là, nous avons été encerclés, on nous a tirés

  6   dessus, et ils sont tous des "sahid." D'après la religion, ils ne devraient

  7   pas être considérés comme étant des "sahid" mais, cependant, ce qu'on a

  8   fait. 0

  9   Q.  Merci. Mais si la famille a obtenu des certificats ou des

 10   attestations à des fins de privatisation ou des récompenses de ce type, si

 11   elles perçoivent un montant reçu par les familles de "sahid;" est-ce qu'on

 12   doit quand même considérer que c'est un combattant, parce que ce n'est pas

 13   un civil. Parce que les familles des victimes civiles touchaient moins,

 14   enfin des montants inférieurs du point de vue de la valeur certifiée à

 15   l'achat.

 16   R.  Vous, vous parlez de récompenses distribuées. Moi, vous savez ce

 17   que j'ai fait, j'imagine que vous savez que j'ai fréquenté toute sorte de

 18   personnes, et pas que des Musulmans. Qu'est-ce que j'ai obtenu ? On a

 19   enfermé ma famille, on a donné une donation pour l'hôpital, j'ai eu la

 20   récompense du 6 avril, mais c'est plutôt en raison des Croates qu'en raison

 21   d'autre chose. Je vous l'affirme. Moi, je suis retourné au centre clinique

 22   et j'ai occupé un grade inférieur à celui qui était le mien précédemment.

 23   Donc quelle est la récompense que j'ai obtenue, moi. Moi, je vous pose la

 24   question. Parce que vous parlez tout le temps de récompense, ceci ou cela,

 25   moi, je n'étais ni membre du SDA, je n'étais membre d'aucun parti

 26   d'ailleurs; est-ce que ça peut-être la raison ou est-ce que l'approche

 27   générale était telle, je ne le sais pas, voyez-vous.

 28   Q.  Ecoutez, Docteur Hajir, moi, je veux bien croire que votre

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  1   contribution a été inappréciable du point de vue humain et humanitaire.

  2   Mais je veux qu'on détermine ceux qui étaient parmi les morts, des civils

  3   et ceux qui étaient des soldats. Parce que l'état a donné des monuments

  4   gratuits pour les "sahid", il ne l'a pas fait pour les civils, n'est-ce pas

  5   ?

  6   R.  Ça, je le sais. Ça a été fait à Kovaci, et dans d'autres

  7   localités encore où l'on a constaté que ces gens ont été tués au combat, et

  8   c'est là qu'on leur a fait des tombes, des monuments.

  9   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez que l'ABiH avait commandé 40 000

 10   tombes ou monuments de "sahid" et qu'il y en a à peu près ou presque 30 000

 11   de livré ?

 12   R.  Je ne connais pas ces chiffres, vraiment. Je sais qu'il y a eu

 13   des initiatives de ce type. Quand est-ce qu'on a livré, qu'est-ce qu'on a

 14   livré, je ne sais pas. 

 15   Q.  Merci. Vous avez parlé de Zelimir Vidovic, moi, je regrette

 16   beaucoup. C'était un footballeur à moi, parce que j'ai travaillé dans

 17   Sarajevo. Lorsque, lui, il jouait, c'était mon footballeur préféré; est-ce

 18   que vous avez entendu parler de Jusip Bukal, un joueur de foot du Zeleznice

 19   qui vivait à Dobrinja ?

 20   R.  Oui, absolument, on était amis. Il est venu chez moi plusieurs fois.

 21   Q.  Est-ce que vous saviez que Jusip Bukal, qui est un Croate demeurant, a

 22   sauvé énormément de Serbes dans Dobrinja, et qu'il est très apprécié, et il

 23   y a beaucoup de gens qui le sont reconnaissants parce qu'il leur a sauvé la

 24   vie ?

 25   R.  Ça, je ne l'ai pas appris. Il n'y a pas longtemps que j'ai rencontré

 26   Bukal, parce qu'on était assis ensemble dans une société. Mais là où j'ai

 27   pu le faire, j'ai aidé les gens. Je n'ai jamais privé personne d'une aide

 28   ou je n'ai jamais mis en péril qui que ce soit. Moi, je veux bien croire

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  1   que Bukal est un grand humaniste, mais qu'il ait sauvé, enfin, je ne sais

  2   pas. Moi, je n'ai pas vu des Serbes menacés, il y a eu des débats avec des

  3   Serbes qui travaillaient avec moi, on était ensemble régulièrement on a

  4   discuté, et il y a eu des gens mécontents. Pour des gens qui s'étaient

  5   insurgés parce qu'ils avaient entendu dire ceci ou cela, mais moi, je leur

  6   ai dit en termes simples, laissez les choses au niveau verbal. Si vous avez

  7   des ennuis, venez me voir, tout ce que vous aurez entendu dire et tout ce

  8   qui vous gênerait. Mme Djurdjica Juric, qui faisait les opérations de

  9   stérilisation, sa fille a été blessée par un tireur isolé, embusqué, de

 10   votre côté. Elle est venue me voir, je lui ai proposé de voir un peu sur

 11   les hauteurs par rapport à l'hôpital, elle ne voulait pas venir. Elle

 12   vivait avec son mari et sa belle-mère, son mari, Dragan, le beau-père est

 13   mort. Alors ils l'ont enterré devant la maison, c'est à côté de l'école,

 14   voyez-vous. Celle qui se trouve être à moitié Serbe, à moitié Musulmane, je

 15   ne sais trop comment elle s'appelle. Ils habitaient là dans un immeuble. Je

 16   leur ai proposé la chose mais je veux bien croire que Bukol était un grand

 17   humaniste, et qu'à chaque fois qu'il a pu aider, il a aidé.

 18   Je ne sais pas vraiment pas, je n'ai pas vu qu'ils étaient menacés.

 19   Je n'ai pas pu constater --

 20   Q.  Non, écoutez, moi, je ne mets en doute la chose. J'aurais

 21   souhaité que vous ayez été le commandant à Dobrinja. Ça aurait été plus

 22   facile.

 23   Dans l'article ou le paragraphe 42 de votre déclaration, vous dites qu'il y

 24   a eu 130 ou 140 personnes de blessées à un match de foot.

 25   R.  Oui, il y a eu des blessés et des morts là. C'est une erreur là.

 26   Q.  Oui, vous dites qu'il y a eu des renseignements statistiques variés,

 27   d'avancés. Dans l'affaire Galic, page 1 716, paragraphes 17 à 24, vous avez

 28   dit qu'il y a eu 35 soldats de blessés et 55 civils, et qu'il y a eu six

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  1   soldats de morts ainsi que cinq civils de morts, n'est-ce pas ?

  2   R.  Ecoutez, je ne sais vraiment pas, je ne m'en souviens pas.

  3   Q.  Merci. Est-ce que vous vous souvenez du fait que vous ayez demandé au

  4   commandant de la 155e Brigade pour savoir pourquoi il avait organisé un

  5   match de foot entre ces soldats à proximité de la ligne de front ?

  6   R.  Absolument, ça a été une bêtise, une grande bêtise, je le lui ai dit le

  7   même jour. Mais lui il a dit c'est eux qu'ils le voulaient. Et on a fait ce

  8   match. Mais je lui ai dit, Mais, c'est toi le commandant, tu devais

  9   interdire. Parce qu'il n'y avait qu'un immeuble à séparer les lignes serbes

 10   de ces lignes-là. Comment peux-tu autoriser cela ? Et là, cela a mis en

 11   déséquilibre son autorité, et la considération dont il bénéficiait, suite à

 12   ce match de foot, il aurait dû avoir été révoqué mais on l'a ramené à ses

 13   fonctions, on l'a replacé à ses fonctions de commandant.

 14   Q.  Merci. Ici, pour ce qui est des paragraphes 48 à 50, et 51 aussi, vous

 15   parlez --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, je vous prie.

 17   Oui, Madame Sutherland.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi.

 19   L'affirmation faite par M. Karadzic à l'intention du témoin, à savoir ce

 20   qu'il aurait dit dans l'affaire Galic, page --

 21   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] -- pour indiquer que 35 soldats auraient

 23   été blessés et qu'il y aurait eu 55 civils de blessés, ainsi que six

 24   soldats et cinq civils de tués, c'était en réalité Mme Filipovic qui lisait

 25   un document, et qui -- enfin, qui donnait lecture d'un document, mais moi,

 26   je ne vois pas de quel document elle donnait lecture, mais ce n'était pas

 27   une réponse de ce témoin-ci.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, toujours est-il, le témoin nous a

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  1   dit qu'il n'en savait rien.

  2   Allons de l'avant, Monsieur Karadzic.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Du 48 au 51, vous évoquez des problèmes d'eau; est-ce que vous saviez

  5   que le gouvernement de la Fédération -- ou plutôt, le gouvernement

  6   musulmano-croate de Sarajevo, avait entravé le rétablissement du

  7   fonctionnement normal de l'approvisionnement en eau potable ?

  8   R.  Je ne le sais vraiment pas. Mais comment voulez-vous qu'il fasse

  9   obstacle. Parce que les gens étaient restés sans eau c'est comme les tuer.

 10   Il vaut mieux les tuer que de les laisser sans eau.

 11   Q.  Merci. Mais est-ce que vous saviez que l'eau, ça dépendait de

 12   l'électricité, et à chaque fois que l'on touchait le poste de

 13   transformation de blaze [phon] la source ce Bacevo ne pouvait plus

 14   approvisionner la ville en eau potable ?

 15   R.  Je ne sais pas, vraiment je ne sais pas, il y a plusieurs modalités

 16   d'approvisionnement en eau. Je ne me suis jamais penché sur la question.

 17   Q.  Mais est-ce que vous saviez que depuis Jahorina, et de Bistrica, nous

 18   n'avons jamais fermé l'arrivée de l'eau, on a partagé avec Sarajevo, un peu

 19   pour Pale et un peu pour Sarajevo, et les seules restrictions d'eau ne

 20   concernaient que Bacevo et Vrelo [phon] de Bosna, de la source de la

 21   rivière Bosna, mais en raison des pannes d'électricité ?

 22   R.  Ça, je ne le savais pas. Mais voyez-vous, mettez-vous un peu à ma

 23   place. Qu'est-ce que vous penseriez d'abord ? Il n'y avait pas d'eau à

 24   Sarajevo, nous, nous étions approvisionnés. M. Dusko, qui est mon bon ami -

 25   qui est décédé entre-temps - mais il s'était procuré une grande citerne de

 26   25 000 litres pour les besoins de l'hôpital. Nous avions placé cela au

 27   centre commercial, et nous avions connecté cela avec le réseau

 28   d'approvisionnement en eau. Ce qui fait qu'en cas de panne d'eau, nous

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  1   avions des réserves. Au début, on se servait de récipients en matière

  2   plastique pour apporter de l'eau depuis le puits. Ensuite, on a résolvé

  3   [phon] le problème de cette façon. Comme je vous l'ai dit, mais ce que vous

  4   évoqué, moi, je ne le sais pas. J'aimerais bien qu'il en soit ainsi, moi,

  5   je prêterai une oreille attentive à l'agence, "SRNA." Mais quand les choses

  6   se passaient ils tournaient les choses, ils retournaient les choses de 180

  7   degrés. Alors, que les choses se sont produites sous vos yeux et ils disent

  8   le contraire. Alors, les Serbes qui sortaient ont été envoyés, et on avait

  9   des intérêts personnels qu'on passait en premier lieu. Donc il faut faire

 10   la distinction entre les choses vraies et les choses pas vraies. Les

 11   différences sont très grandes.

 12   J'ai été témoin le cas est survenu devant moi, et à "SRNA," on a dit que

 13   c'était tout à fait le contraire et que c'était les Musulmans, ou, plutôt,

 14   contre l'une ou l'autre des parties en présence. Après je n'ai plus même

 15   écouté l'agence, "SRNA." Je veux vous le dire franchement.

 16   Q.  Bon, écoutez, merci. Est-ce que vous saviez que s'agissant des 300 ou

 17   350 000 habitants que vous évoquez au paragraphe 50 il devait y avoir dans

 18   ce nombre 50 à 80 000 Serbes ?

 19   R.  Je sais qu'il y avait un grand nombre, mais combien ils étaient je ne

 20   le sais pas.

 21   Q.  Est-ce que vous voulez bien me croire que ces 50 à 70 000 Serbes est-ce

 22   que vous croyez qu'on les maltraiterait rien que pour nuire au reste,

 23   c'est-à-dire aux Musulmans et Croates qui restaient ? Vous croyez vraiment

 24   que nous l'avons fait intentionnellement ?

 25   R.  La pratique montre que oui, parce que vous avez tiré dessus. Est-ce que

 26   vous savez combien de morts il y a eu parmi les Serbes suite à ces

 27   pilonnages ? Mais ça me fait mal au cœur si je vous disais maintenant qu'il

 28   y avait un grand nombre de Serbes et de familles serbes qui ont péri de ce

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  1   fait, et non des familles musulmanes seulement. Je vous l'affirme, je le

  2   sais. Des gens formidables, des gens extraordinaires qui étaient mais la

  3   bonté même.

  4   Q.  Merci. Ici, au paragraphe 56, vous évoquez un taux de suicide. Est-ce

  5   qu'il est exact de dire que pendant votre séjour là-bas, il y a eu cinq à

  6   six suicides ?

  7   R.  Au plus, pas davantage, là où j'ai été convoqué où l'on a informé

  8   l'hôpital, là où on ne m'a pas informé, je ne peux pas le savoir.

  9   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord qu'à un niveau annuel, le taux

 10   moyen, le taux spécifique du nombre de suicide, c'est-à-dire sur 100 000

 11   habitants pour la Yougoslavie c'était 15 ? Et pour la Vojvodine et la

 12   Slovénie, c'était 27, et pour la Hongrie et la Finlande, c'était 28 ?

 13   R.  Monsieur Karadzic, j'ai déjà dit que ce chiffre m'a surpris. Parce que,

 14   vraiment, il est faible. J'ai parlé aussi des infections. Mais à ce sujet

 15   j'ai dit que j'avais été vraiment surpris que le pourcentage ne soit pas

 16   plus important. Parce que je crois qu'aujourd'hui ce chiffre relatif aux

 17   suicides est beaucoup plus important que pendant la guerre. En fin, c'est

 18   ce que je pense en tout cas.

 19   Q.  Merci. Au paragraphe 59, je vois que vous avez dit qu'il arrivait aux

 20   Serbes d'empêcher le départ des Musulmans hors de Sarajevo. Savez-vous que

 21   les Serbes ont toujours exigé que l'on garantisse la pleine liberté de

 22   circulation aux Musulmans qui voulaient partie, et que ce sont les

 23   Musulmans qui le refusaient ? Il y a des preuves de cela aux Nations Unies.

 24   Est-ce que vous saviez de quoi vous parliez au moment où vous l'avez dit ?

 25   Ou est-ce que vous ne saviez pas, de quoi vous parliez ?

 26   R.  Est-ce que vous pensez que si je l'avais su, j'aurais laissé mes trois

 27   filles et mon épouse à Sarajevo ? J'aurais pris contact avec vous, si la

 28   chose avait été possible, avec qui que ce soit dans la Republika Srpska, et

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  1   j'aurais demandé n'importe quoi pour les faire sortir. Vous savez, je ne

  2   parvenais pas à dormir la nuit à cause d'elles. Malgré ma fatigue, malgré

  3   mon travail très dur, je ne cessais de devoir penser à ma famille. Si

  4   j'avais pu faire sortir des membres de ma famille, je leur aurais évité

  5   toutes ces souffrances. Je n'arrêtais pas de penser à ça, croyez-moi.

  6   Q.  Je vous remercie. Mais c'était un fait bien connu. Nous ne cessions de

  7   lancer des appels par le biais du général Morillon et d'autres responsables

  8   officiels, et c'était un sujet qui était abordé sans arrêt dans les médias.

  9   Mme Plavsic demandait également la liberté de circulation, et nous avons

 10   signé à Genève et à Londres, à plusieurs reprises, des textes qui

 11   contenaient l'engagement d'autoriser des civils à quitter les zones de

 12   combats, et nous respections ces engagements. Mais M. Izetbegovic a dit

 13   qu'il n'allait pas permettre que Sarajevo se vide. Je suis désolé que vous

 14   n'ayez pas été au courant de cette réalité, mais c'est un fait.

 15   Au paragraphe 16 --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne faites pas de discours.

 17   Docteur Hajir, est-ce que vous êtes d'accord que vous ne saviez pas ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais enfin, est-ce que je savais ou ne

 19   savais pas, qu'est-ce que je peux dire ? Moi, je n'ai pas entendu parler de

 20   ça. J'étais à un endroit où des centaines de personnes passaient tous les

 21   jours, et le fait que je n'ai pas entendu parler de ça, enfin je ne sais

 22   pas. Mais je ne suis pas d'accord avec ça.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Au paragraphe 60, vous vous demandez quel était l'objectif poursuivi

 26   par les Serbes. Si je devais vous dire que les Nations Unies -- un témoin

 27   représentant les Nations Unies ici a confirmé que l'objectif était de

 28   maintenir le 1er Corps d'armée à Sarajevo, que c'était une solution

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  1   politique, est-ce que ceci vous explique pourquoi les Serbes ne sont pas

  2   emparés de certains quartiers comme Dobrinja, ou voire même de toute la

  3   ville de Sarajevo ?

  4   R.  Ce n'est pas ce que je pense, voyez-vous. Parce que, excusez-moi, mais

  5   vous essayez de présenter les choses de votre point de vue et ce n'est pas

  6   un point de vue justifié. Moi, c'est en tant qu'individu que je m'exprime.

  7   C'est en tant qu'individu que j'ai essayé d'intervenir pour aider. Alors

  8   vraiment, je ne peux pas être d'accord avec le fait de dire que les choses

  9   se sont passées comme vous le dites.

 10   Q.  Merci. Je suis désolé que vous ayez subi une crise cardiaque, comme on

 11   peut le lire au paragraphe 61. Mais je vous demande si vous convenez que

 12   dans vos déclarations les plus récentes on voit augmenter le nombre des

 13   victimes, le nombre des blessés et le nombre des interventions

 14   chirurgicales ? Au paragraphe 64, par exemple, c'est un renseignement qui

 15   date de février de cette année, donc 2010, et nous constatons que plus le

 16   temps avance, plus dans vos déclarations vous augmentez le nombre des

 17   victimes.

 18   R.  L'intensité la plus importante des actions de guerre s'est située en

 19   1993-1994. A l'été 1992, il y a aussi eu pas mal de victimes, mais

 20   l'intensité des activités de guerre s'est accrue. Il était donc logique de

 21   s'attendre à ce que le nombre des victimes s'accroisse aussi.

 22   Q.  Merci.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 24   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je ne crois pas

 25   que le témoin ait tout à fait bien compris la question, mais il n'y a pas

 26   eu grossissement des chiffres. Tout ce qui figure dans cette déclaration

 27   consolidée est tiré des déclarations faites par le témoin lui-même.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel paragraphe ?

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  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, le Dr Karadzic a

  2   demandé comment il est explicable que les chiffres s'accroissent maintenant

  3   dans une déclaration de février 2010, par rapport à des déclarations faites

  4   antérieurement et des dépositions antérieures. Ce que je dis, c'est qu'il

  5   n'y a pas eu grossissement des chiffres dans cette déclaration. Tous les

  6   chiffres, qui sont cités dans cette déclaration de février 2010,

  7   proviennent de dépositions antérieures ou de déclarations antérieures de ce

  8   même témoin.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. Karadzic a parlé de l'article 164. Je

 10   n'ai pas tout à fait suivi. De quoi s'agissait-il, Monsieur Karadzic ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ce paragraphe, on trouve quelques nouveaux

 12   éléments, car je lis en anglais dans le texte:

 13   "Nouvelle déclaration faite le 25 février 2010."

 14   On voit qu'à ce moment-là, le témoin se rappelle qu'il y a eu 35

 15   soldats et 55 soldats blessés et que six soldats et cinq civils ont été

 16   tués au match de foot, alors que, dans des déclarations ultérieures, on

 17   parle de 160 blessés et 140 tués. Alors ça m'intéresse de voir comment on

 18   est passé d'un chiffre à un autre.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais de quoi parlions-nous lorsque vous

 20   avez pris la parole il y a un instant ?

 21   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, aucun des

 22   renseignements fournis par le témoin le 25 février ne concerne le nombre

 23   des tués ou des blessés pendant la guerre. Ce que M. Karadzic ne cesse de

 24   répéter au sujet de ces 45 blessés ou 55 blessés vient d'un document qui a

 25   été soumis au Dr Hajir par le conseil de la Défense dans l'affaire Galic et

 26   c'était un document qui, je pense, était signé par un des commandants

 27   militaires. Mais cela n'a rien à voir avec quelque chose que le Dr Hajir

 28   aurait dit à quelque moment que ce soit. A ce moment-là, une citation

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  1   importante du document a été lue à haute voix et la question qui a suivi a

  2   été la suivante, je cite :

  3   "Monsieur, vous nous avez dit qu'Ismet Hadzic, après l'événement, est venu

  4   à l'hôpital ?"

  5   A cette question, le témoin a répondu, je cite : "Oui."

  6   Voilà ce qu'il a répondu, oui le commandant est venu à l'hôpital. il ne

  7   parlait pas du nombre total de morts et de blessés, parce qu'un peu plus

  8   haut dans le compte rendu de l'affaire Galic, page 1708, on lui a soumis

  9   l'indication selon laquelle 140 personnes ont été admises à l'hôpital et

 10   que 13 ou 14 ont été tuées. On lui a dit :

 11   "Est-ce que vous savez -- est-ce que vous avez remarqué que" - ceci a été

 12   demandé au cours du contre-interrogatoire - "est-ce qu'il y avait des

 13   soldats ou des civils ?"

 14   La réponse a été :

 15   "Pour être tout à fait honnête, nous n'avons jamais pris de note du fait de

 16   savoir si un patient était un militaire ou un civil ou quoi que ce soit

 17   d'autre. Nous n'avons pas pris des notes de ce genre."

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Sutherland.

 19   Monsieur Karadzic, je pense qu'il est temps que vous terminiez votre

 20   contre-interrogatoire.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais un peu plus de temps, pour pouvoir

 22   simplement poser quelques questions au témoin auxquelles il peut répondre

 23   par oui ou non. Il serait vraiment regrettable de ne pas mener à son terme

 24   complet ce contre-interrogatoire. Nous sommes en présence d'un grand nombre

 25   de déclarations. Certaines ont sans doute été relativisées, mais je dois

 26   demander au médecin s'il avait des connaissances au sujet d'un certain

 27   nombre d'événements tout à fait cruciaux.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'ai pas compris. Je pense que vous

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  1   devriez pouvoir terminer en dix minutes, Monsieur Karadzic.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais essayer, mais je prierais le Dr Hajir

  3   de bien vouloir, chaque fois qu'il l'estime possible, répondre par oui ou

  4   par non.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Saviez-vous que M. Izetbegovic a décrété la mobilisation générale le 4

  7   avril 1992 ?

  8   R.  Je ne me rappelle pas la date, mais oui il a décrété la mobilisation

  9   générale.

 10   Q.  Merci. Saviez-vous que Hasan Efendic, à deux reprises au mois d'avril,

 11   donc le 12 et le 29 avril, a ordonné d'attaquer la JNA, de bloquer les

 12   casernes et de couper toutes les routes ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Merci. Est-ce que vous vous rappelez que le 2 mai plusieurs soldats ont

 15   été tués près du pont de Skenderija au moment où leurs voitures ont été

 16   incendiées ? Ils étaient en route pour évacuer des soldats de la caserne de

 17   la JNA.

 18   R.  J'ai lu cela dans les journaux, je l'ai vu dans les médias, mais je

 19   n'étais pas dans les environs.

 20   Q.  Merci. Vous rappelez-vous que le 3 mai, il y a eu un massacre terrible

 21   dans une rue de la ville, au moment où une colonne de la JNA se retirait ?

 22   R.  J'ai entendu parler d'un incident, je n'ai pas entendu parler d'un

 23   massacre, je n'étais pas présent sur les lieux, donc je n'ai rien vu de mes

 24   yeux. Donc je ne pourrais pas vous donner un avis éclairé sur ce sujet.

 25   Q.  Je vous remercie. Saviez-vous qu'Alija Delimustafic, ministre de

 26   l'Intérieur, a mis en accusation dès le 4 ou le 5 mai, Avdo Hebib, Ganic,

 27   Kljujic et d'autres pour avoir déclaré une guerre contre la JNA, et avoir

 28   lancé cette guerre ?

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  1   R.  Je ne savais pas, je n'étais pas vraiment au courant de cela.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation]  Je demande l'affichage du document 1D1092.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Avez-vous été informé de l'abus d'utilisation d'une ambulance par

  6   l'armée pour transporter des soldats jusqu'aux lignes de front, et cetera ?

  7   R.  Je n'excuse pas cela, et je n'y ai jamais participé, et cela s'est

  8   encore passé par la suite. Mais notre ambulance à nous, n'a jamais été

  9   utilisée à tort, elle avait toujours son signe distinctif. Elle a toujours

 10   été utilisée pour des besoins médicaux. Il y avait toujours le signe

 11   distinctif sur l'ambulance. On voit pourtant des petits orifices et des

 12   orifices plus importants sur a carrosserie. Mais nous n'avons jamais fait

 13   un abus, une utilisation abusive des ambulances.

 14   Q.  Je vous remercie. Je comprends tout à fait, croyez-moi, mais cette note

 15   officielle stipule que dans votre quartier, tout près de vous, à Ilidza,

 16   les Bérets verts, dès le 4 mai 1992, ont fait mauvais usage de véhicules

 17   qui portaient le signe distinctif d'une ambulance, c'est-à-dire une Croix-

 18   Rouge sur la carrosserie. Ils ont utilisé ces ambulances à des fins de

 19   combat; est-ce que vous voyez cela dans la note officielle ?

 20   R.  C'est ce document, la note officielle ?

 21   Q.  C'est une version en serbe et une autre en anglais de cette note

 22   officielle que vous avez à l'écran.

 23   R.  Oui, oui, je le vois.

 24   Q.  Je vous remercie. Convenez-vous que cela aurait pu rendre encore plus

 25   difficile le transport de vos blessés vers Sarajevo, parce que au début,

 26   vous concluez facilement des accords à leur sujet avec les Serbes qui

 27   tenaient les postes de contrôle. Plus tard, cela est devenu plus difficile;

 28   est-ce que de tels abus ont contribué à cette méfiance ?

Page 8869

  1   R.  Oui, bien sûr, c'est possible, mais ils auraient pu inspecter les

  2   véhicules, voir quelle était la situation réelle et autoriser certaines

  3   personnes à franchir les barrages en application des accords conclus. Cette

  4   coopération a été rompue, cela a été mauvais pour nous tous, Serbes,

  5   Musulmans et Croates, parce que des patients auraient pu recevoir un

  6   meilleur traitement, des meilleurs soins dans une institution médicale

  7   mieux équipée. Donc tout ce qui s'est passé, s'est passé au détriment de

  8   l'ensemble d'entre nous. C'est quelque chose qui est évoqué dans les

  9   conventions de Genève. Les conventions de Genève condamnent de telles

 10   situations, mauvaise utilisation de véhicules médicaux et le fait de tirer

 11   sur des véhicules médicaux. Mais les conventions de Genève n'ont pas été

 12   respectées ni de votre côté ni je pense dans certains cas du côté musulman.

 13   Malheureusement les choses se sont passées ainsi.

 14   Mais puis-je ajouter quelques mots, Monsieur Karadzic ? On vous a

 15   donné pas mal de temps; est-ce que je peux aussi vous dire quelles sont mes

 16   impressions personnelles sur tout ce qui s'est passé ?

 17   Q.  J'aimerais pouvoir vous rencontrer lorsque je reviendrais sur les

 18   lieux. Les impressions ne nous aident pas beaucoup, nous avons besoin de

 19   renseignements et de faits. Je pense que ce serait très agréable de vous

 20   entendre mais, malheureusement, nous n'avons pas le temps.

 21   Est-il exact que vos 30 ou 40 employés, le personnel de l'hôpital étaient

 22   membres de l'ABiH ?

 23   R.  Exact. Ils étaient 43, c'est ce qui explique un malentendu qui a surgi.

 24   Il y avait 43 membres des forces armées, qui peut-être avaient reçu une

 25   affectation, mais qui ne sont allés nul part. Ils ont continué à travailler

 26   à l'hôpital, mais à un certain moment, le personnel comptait 158 membres du

 27   personnel. Ce nombre variait avec le temps. Certaines personnes arrivaient,

 28   certaines s'en allaient. Il y avait des gens qui venaient de la ville pour

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  1   nous aider, et puis des Musulmans et des Serbes qui quittaient l'hôpital

  2   pour vaquer à leurs propres occupations. Donc le nombre des effectifs de

  3   l'hôpital était très variable avec le temps. Nous acceptions tous ceux qui

  4   voulaient venir. Je ne vois pas pourquoi une personne qui était proposée

  5   par l'armée aurait dû être refusée, étant donné la situation totalement

  6   misérable que nous vivions, si on pouvait nous donner quelque chose, on

  7   était prêt à le recevoir. Mais je souhaitais que ces personnes soient

  8   enregistrées officiellement à l'hôpital de façon à ce qu'elles soient au

  9   moins reconnues et reçoivent une indemnité par le ministère de la Santé. 

 10   Q.  Est-ce que vous avez mis en place un stage de chirurgie pour les

 11   membres de votre personnel ?

 12   R.  Voyez-vous, à Dobrinja, il y avait Kuzmanovic et d'autres jeunes gens

 13   serbes, des jeunes gens tout à fait bien avec lesquels j'avais l'habitude

 14   de travailler, et que je rencontrais en dehors du travail. Le Dr Vranic a

 15   organisé un tel stage pendant la guerre en Croatie. Nous avions vraiment

 16   besoin de nous perfectionner en chirurgie de guerre. Au début, tout cela

 17   nous faisait un peu rire, personne ne pensait que nous en aurions besoin à

 18   tel point. Les rapports entre les représentants des diverses communautés

 19   ethniques étaient encore bons, mais dans mon hôpital, il a fallu que je

 20   prenne tout à zéro, parce que 90 % du personnel était absent. Il a fallu

 21   d'abord que je regroupe tout l'équipement nécessaire, et la première

 22   opération que j'ai faite avec le Dr Vranic a duré sept heures. Le transport

 23   était un gros problème, les transfusions de sang posaient un problème. J'ai

 24   dû envoyer des membres de mon personnel à l'institut pour apprendre les

 25   bases de la transfusion sanguine. Nous avons donc mis en place un cours de

 26   chirurgie de guerre accéléré et il a fallu faire beaucoup de chose en

 27   préparation avant que l'hôpital ne puisse commencer à fonctionner vraiment.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

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  1   document, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le Dr Hajir a qualifié le document qu'il

  3   a sous les yeux de mémo. Il a dit que les Bérets verts possédaient deux

  4   camionnettes sur lesquelles avaient été posée une Croix-Rouge. Est-ce que

  5   vous étiez au courant de tel fait, est-ce que vous en avez entendu parler,

  6   Docteur ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le confirme pas, parce que vraiment je

  8   n'ai jamais entendu parler de cela.

  9   Voyez-vous, il y a quelque chose avec le Dr Karadzic, c'est qu'il

 10   impute tout aux Bérets verts. Je pense qu'il y a pas mal de gens qui pour

 11   des raisons personnelles ou familiales ont fait certaines choses, qu'en

 12   sais-je. Ils n'étaient pas tous des Bérets verts.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur, est-ce que vous avez dit

 14   que cela pouvait contribuer à l'augmentation de la méfiance ou est-ce que

 15   vous le disiez comme une hypothèse ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me rappelle pas maintenant à

 17   l'instant, c'étaient les véhicules médicaux. Pourriez-vous me répéter --

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, oui. Lorsque vous avez

 19   répondu à la question qui vous était posée par l'accusé, le Dr Karadzic,

 20   vous avez confirmé que de tels actes pouvaient contribuer à augmenter la

 21   méfiance, donc je me demandais si vous confirmez, par ces mots, que cette

 22   utilisation abusive des ambulances a réellement eu lieu.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas confirmé ce fait, Monsieur le

 24   Juge. Mais quand je parle je parle, de façon générale, de l'utilisation

 25   d'aide humanitaire ou de véhicules dans son propre intérêt, donc de façon

 26   générale, mais quant à ce fait précis, je ne peux rien en dire.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ce document ne peut

 28   donc pas être versé au dossier sans cette base, et je pense qu'il est temps

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  1   de conclure.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

  3   Encore un instant, je vous prie. Une question.

  4   Je demande l'affichage du document 1D135.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Docteur Hajir, vous avez estimé qu'à partir de novembre 1994, vous

  7   n'étiez plus membre de l'ABiH, et plus précisément, de sa 155e Brigade,

  8   n'est-ce pas ?

  9   R.  C'est cela.

 10   Q.  Voyez-vous dans le document qui est affiché actuellement à l'écran, à

 11   la date du 9 juin 1995, l'ABiH vous considère toujours comme un membre

 12   d'une de ses brigades. Dans ce document d'information, qui porte sur une

 13   opération à Vranduk, Détachement El Moudjahid, donc l'ABiH est informée au

 14   sujet des étrangers présents à Sarajevo au sein du 1er Corps d'armée, et on

 15   lit dans le texte :

 16   "Les noms de Nemar - entre parenthèses (Nemar Hasan) - membre de la

 17  101e Brigade, - entre parenthèses (Muhamed Mustafa Bakou), membre de la 101e

 18   Brigade, et Habib - (entre parenthèses) Youssef, Khachouf, membre de la

 19   152e Brigade, et puis Hajir (entre parenthèses) Mahmoud Youssef, membre de

 20   la 155e Brigade."

 21   Rien ne négatif dans ce texte n'est dit à votre sujet, mais ils n'ont

 22   rien de répréhensif à dire au sujet des autres non plus. Est-ce que vous

 23   étiez au courant de cela, et est-ce que vous connaissiez les hommes dont

 24   les noms figurent au côté du vôtre dans ce document ?

 25   R.  Je connais encore aujourd'hui Hasan et Mustafa, le numéro 1 et numéro 2

 26   de cette liste. Le premier est un ingénieur agronome qui travaillait le

 27   lopin de terre situé entre Alipasino Polje et Cengic Vila. Parce que, vous

 28   savez, aujourd'hui là-bas il y a une mosquée et une boite de nuit. A

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  1   l'époque c'était un secteur qui était inutilisé, et il a travaillé ce lopin

  2   de terre pour faire pousser des légumes et alimenter des gens.

  3   Je connais encore aujourd'hui aussi M. Bakou, mais je ne le connaissais

  4   pendant la guerre. Je ne savais même pas qu'il existait. Quant à M.

  5   Khachouf, je ne le connais pas du tout.

  6   Le fait qu'ils me considéraient comme membre de la 155e Brigade en 1995,

  7   est certainement une erreur. Si j'avais été membre de cette brigade,

  8   j'aurais certainement perçu une pension plus importante. Ce qui est vrai

  9   c'est que je n'étais pas membre de l'armée à l'époque. Si je l'avais été,

 10   peut-être eusse été préférable pour moi, ma pension aurait été plus

 11   importante.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante à l'écran, je vous prie, de façon

 13   à ce que nous voyons la signature et la raison pour laquelle ce Détachement

 14   El Moujahid a exprimé du ressentiment vis-à-vis de l'ABiH.

 15   Je demande un gros plan sur l'avant-dernier paragraphe qui se lit comme

 16   suit, je cite;

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  "Le comportement du Détachement El Moudjahid vis-à-vis de l'ABiH s

 19   caractérise par une absence générale de confiance, qui remonte aux

 20   événements de l'automne 1992, alors que, dans le cadre de la prise du

 21   village de Cekrcici, ils ont été acculés parce que l'ABiH n'a pas assuré la

 22   sécurité de ce détachement sur ses flancs."

 23   Est-ce que vous savez où se trouve Cekrcici ?

 24   R.  Oui. Je suis passé par là plusieurs fois. Je ne sais rien au sujet du

 25   Détachement El Moudjahid. J'ai entendu parler de son existence, mais

 26   vraiment je n'en connais pas les membres. Je ne sais pas ce qu'ils

 27   faisaient ni comment ils travaillaient. Je n'ai pas la moindre idée.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Docteur Hajir, pour tout ce

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  1   que vous avez fait en qualité de médecin dans l'intérêt des Serbes, des

  2   Musulmans, et des Croates sans distinction, ainsi que pour la déposition

  3   que vous avez faite ici.

  4   Je demande le versement au dossier du document qui est à l'écran

  5   actuellement ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons l'enregistrer aux fins

  7   d'identification.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D857, cote MFI,

  9   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de faire de

 11   pause.

 12   Madame Sutherland.

 13   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi.

 14   L'Accusation possède une traduction que nous pouvons envoyer à la Défense

 15   pour téléchargement dans le prétoire électronique. Je remarque également

 16   que la question du Dr Karadzic se lit comme suit, je cite :

 17   "Ils ne disent rien de négatif à votre sujet, mais ils n'ont rien non plus

 18   à dire au sujet des autres."

 19   En fait, après la liste de ces quatre personnes dans le texte, on a une

 20   phrase qui se lit comme suit, je cite :

 21   "Nous avons rendu compte à leur sujet dans d'autres documents émanant de

 22   nous. Les personnes en question ont vécu dans la République de Bosnie-

 23   Herzégovine avant l'agression. Nous n'avons aucun renseignement à notre

 24   disposition au sujet de ces personnes qui puisse présenter le moindre

 25   intérêt, du point de vue du renseignement."

 26   Je pense que le Dr Karadzic a mal présenté les choses qui figurent dans ce

 27   document.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose qu'il n'y a pas d'objection

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  1   par rapport à l'admission de ce document. Donc nous l'admettons.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je expliquer ?

  3   Lorsque j'ai dit : "Rien négatif à votre sujet au témoin," je voulais dire

  4   au sujet des quatre personnes dont les noms figuraient dans le texte. Mais

  5   les autres membres du Détachement El Moudjahid --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, Monsieur Karadzic, ce n'est

  7   pas nécessaire.

  8   Madame Sutherland, des questions supplémentaires ?

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce que je vous ai demandé, c'est si vous

 11   aviez des questions complémentaires à poser.

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Non. Excusez-moi, j'étais en train de

 13   m'entretenir sur un autre sujet. Non, je n'ai pas l'intention de poser des

 14   questions complémentaires.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   Docteur Hajir, votre témoignage est terminé. Nous vous remercions d'avoir

 17   consenti à témoigner devant le Tribunal international.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie également.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous êtes livre de vous en  aller à

 20   présent.

 21   [Le témoin se retire]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins qu'il n'y ait d'autres sujets à

 23   aborder, ce serait tout pour aujourd'hui, nous allons reprendre nos travaux

 24   demain à 14 heures et quart.

 25   L'audience est levée.

 26   --- L'audience est levée à 10 heures 34 et reprendra le mercredi 3 novembre

 27   2010, à 14 heures 15.

 28