Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 8 février 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Bonjour, Général. Je vous demande de prononcer la déclaration solennelle.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  9   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   LE TÉMOIN : RUPERT SMITH [Assermenté]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger. Bonjour.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 14   Messieurs les Juges, et toutes les personnes présentes dans le prétoire.

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 16   Est-ce que je pourrais intervenir ?

 17   Hier, durant notre entretien avec le général Smith, on nous a informé qu'il

 18   avait donné en fait deux déclarations à la Police montée canadienne et

 19   qu'il avait fait une déposition dans une affaire au Canada avec la prise

 20   d'otage ceci fait l'objet du chef d'Accusation numéro 11, et nous voulions

 21   mentionner aux Juges de la Chambre que nous pensons que les déclarations

 22   précédentes constituent un outil important pour évaluer la crédibilité du

 23   témoin. Lorsque l'on prend -- et nous essayons donc d'obtenir les

 24   informations du Canada, mais c'est peu probable que nous recevions ces

 25   informations avant la fin de la déposition. Nous voulions simplement

 26   consigner au compte rendu d'audience que nous n'avons pas ces informations

 27   à l'heure actuelle. Merci.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître Robinson.


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  1   Je prends note de votre commentaire, et je voudrais aborder cela, Monsieur

  2   Karadzic, à savoir vos efforts visant à obtenir des déclarations de

  3   déposition fournies par le témoin, le général Smith, avant d'entendre sa

  4   déposition.

  5   Les Juges de la Chambre vous ont déjà signalé que dans chaque affaire toute

  6   équipe de Défense responsable de se concentrer sur les éléments qu'ils ont

  7   déjà à leur disposition, plutôt que de constamment partir à la quête vers

  8   de nouvelles informations qui n'auraient qu'une importance marginale. Nous

  9   comprenons fort bien que vous souhaiteriez avoir ceci en votre possession,

 10   tout document qui pourrait avoir le moindre lien avec votre affaire

 11   pourrait être pertinent, et ceci pourrait également être considéré comme

 12   une caractéristique du fait que vous représentez vous-même votre Défense

 13   mais je voudrais que vous compreniez qu'aucune équipe de la Défense dans ce

 14   Tribunal ou dans tout autre tribunal national qui a accès à la totalité de

 15   ces informations et qui a eu la possibilité de les analyser complètement.

 16   En continuant à vous plaindre que vous n'avez pas pu analyser tous les

 17   documents qui vous ont été communiqués par l'Accusation, Maître Karadzic,

 18   vous continuez à utiliser énormément de ressources que vous avez à votre

 19   disposition, c'est-à-dire sept membres de l'équipe de la Défense qui sont

 20   rémunérés par le Tribunal, en plus de vos associés ou collaborateurs qui

 21   travaillent pro bono et des stagiaires, et tout ceci, afin d'obtenir des

 22   informations qui ne seront pas nécessairement utiles. Par conséquent, je

 23   vous demande de prendre en compte ces conseils, de parler aux membres de

 24   votre équipe qui sont expérimentés, et de voir comment vous pouvez

 25   continuer à faire avancer ce procès, et à réfléchir à la stratégie dans

 26   cette affaire.

 27   Voilà, et je vous prie, de nous excuser, Monsieur le Général.

 28   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour à tous.

  3   Monsieur le Juge, je vous remercie pour ces conseils bien intentionnés.

  4   Cependant, la position de cette Défense est que nous devons procéder de

  5   manière différente que dans d'autres procès, car nous savons comment ces

  6   autres procès ont été conclus.

  7   Deuxièmement, je reçois un paiement pour cinq membres de la Défense, mais

  8   j'ai sept collaborateurs qui se partagent cet argent.

  9   J'ai trouvé des documents qui n'avaient pas été trouvés par d'autres

 10   équipes de la Défense, et je dois en fait apporter tous les éléments du

 11   puzzle; sinon, cela ne rimera à rien que de présenter mes éléments à

 12   décharge si je ne me servais que de ceux qui avaient été présentés dans

 13   d'autres procès qui ont été conclus avant moi.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je considère de toute façon que vous

 15   avez pris en compte ce que je vous avais dit.

 16   Monsieur Tieger, c'est à vous.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 18   Pour parler de pragmatisme, je voudrais vous faire remarquer nos

 19   systèmes "Livenote" ne fonctionnent plus, c'est-à-dire le mien et celui de

 20   M. Reid, mais quoi qu'il en soit, nous continuerons à travailler et nous

 21   avons demandé l'aide des techniciens.

 22   Interrogatoire principal par M. Tieger :

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Général.

 24   R.  Bonjour.

 25   Q.  Pourriez-vous décliner votre identité, s'il vous plaît ?

 26   R.  Rupert Anthony Smith.

 27   Q.  Général, très rapidement, je vais essayer de faire un résumé de votre

 28   parcours, je vais essayer de le faire très rapidement, et veuillez me


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  1   corriger si je cite mal votre CV.

  2   Vous avez terminé votre formation à Sandhurst, et vous êtes entré au

  3   service de l'armée britannique en 1962, et vous avez été détaché au

  4   Régiment de Parachutistes en 1964. Durant votre carrière, c'est-à-dire une

  5   carrière d'environ 40 ans, vous avez servi en Afrique, au Moyen-Orient, en

  6   Australie, en Asie, en Europe et aux Caraïbes. Pour ce qui est de vos dix

  7   dernières années dans l'armée britannique, vous avez été le général qui

  8   commandait la 1ère Division de Blindés, de 1990 à 1992, ce qui inclut la

  9   période de la Première Guerre du Golf. Vous avez également été chef en

 10   second de l'état-major de la Défense britannique pour les opérations et la

 11   sécurité, et ceci, de 1992 à 1994. J'en parlerai un peu plus dans quelques

 12   instants. Vous, vous avez assuré le commandement de la FORPRONU en Bosnie-

 13   Herzégovine, à compter de janvier 1995. Vous aviez été général commandant

 14   des forces armées britanniques en Irlande du Nord, de 1996 à 1998. Vous

 15   avez servi en tant que commandant de -- pour l'OTAN, de 1998 à 2001, et

 16   ceci a couvert les opérations des Balkans, et vous avez pris votre retraite

 17   en 2002 avec le grade de général; est-ce exact ?

 18   R.  Oui. Je suis en fait allé plus loin que -- vers l'est que l'Australie

 19   et la Malaisie, et puis, en fait, vous avez mentionné que j'avais été chef

 20   adjoint de l'état-major de la Défense, et c'était au ministère de la

 21   Défense à Londres.

 22   Q.  Nous allons, bien sûr, nous concentrer, durant votre déposition, sur la

 23   période où vous avez officié en tant que commandant de la FORPRONU en 1995,

 24   mais je voudrais tout d'abord vous demander si, avant d'avoir pris en

 25   charge cette mission, vous avez déjà travaillé dans un domaine qui vous

 26   avait permis d'obtenir des connaissances et de placer dans leur contexte

 27   les événements en Bosnie-Herzégovine, avant votre prise de fonctions, en

 28   tant que commandant de la FORPRONU.


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  1   R.  Oui. Ma responsabilité, en tant que chef adjoint de l'état-major de la

  2   Défense pour les opérations de la sécurité au ministère de la Défense à

  3   Londres, avait pour objectif d'être le responsable des opérations pour le

  4   Royaume-Uni. Toutes les opérations qui étaient menées par les forces

  5   britanniques, les forces armées britanniques, ils s'entendent qui étaient

  6   donc couchées sur papier, et tous ces dossiers passaient par mon bureau.

  7   Ceci me permettait également d'avoir connaissance des opérations des

  8   Nations Unies, également de la participation de l'OTAN dans les Balkans, du

  9   point de vue national. Donc j'avais participé à certaines des discussions

 10   qui ont amené le Royaume-Uni à décider de faire partie de ces opérations,

 11   et à préparer ces opérations, et ceci, jusqu'à la fin de l'année 1994.

 12   Q.  J'avais mentionné précédemment que vous avez été commandant en Bosnie-

 13   Herzégovine, en 1995. Savez-vous quand vous avez pris vos fonctions

 14   exactement ?

 15   R.  Je vais essayer d'être précis. Je crois que c'était le 24 janvier. Quoi

 16   qu'il en soit, c'était en janvier 1995.

 17   Q.  Général, où était votre QG ?

 18   R.  Le QG était à Sarajevo.

 19   Q.  Est-ce que c'était dans un bâtiment précis ?

 20   R.  Oui, c'était dans le bâtiment qu'on appelait la résidence, à Sarajevo.

 21   Q.  Vous avez succédé à qui ?

 22   R.  Le général Michael Rose.

 23   Q.  Quel était votre supérieur direct ?

 24   R.  Le général Janvier des forces armées françaises, qui était basé au QG

 25   des Nations Unies à Zagreb.

 26   Q.  Et est-ce qu'il y avait également un dirigeant civil des Nations Unies

 27   à qui vous faisiez rapport ?

 28   R.  Oui. Il y avait également le représentant spécial du secrétaire


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  1   général, M. Akashi, qui était à Zagreb, et vous aviez également le

  2   département responsable du maintien de la paix et le secrétaire général à

  3   New York qui étaient mes supérieurs hiérarchiques.

  4   Q.  Général, vous avez mentionné que votre QG était à Sarajevo, et il y

  5   avait également le commandement de la FORPRONU pour la Bosnie-Herzégovine.

  6   Est-ce qu'il y avait également un secteur -- un commandement pour le

  7   secteur subordonné qui était situé à Sarajevo ?

  8   R.  Oui. Il y avait ce qu'on appelle le secteur Sarajevo, ainsi que deux

  9   autres secteurs, le secteur Sarajevo, donc qui était en fait le QG d'une

 10   brigade française. Il y avait deux autres secteurs en Bosnie, en plus du

 11   secteur Sarajevo.

 12   Q.  Général, je voudrais revenir au moment où vous avez pris vos fonctions

 13   en tant que commandant, à la fin du mois de janvier 1995. Est-ce que vous

 14   pourriez décrire les circonstances et vos principales responsabilités.

 15   R.  J'ai pris mes fonctions de commandant quelque temps après la signature

 16   de ce que l'on a appelé l'accord sur la cessation des hostilités. Cet

 17   accord a été signé à la fin de l'année 1994. Cela signifie que le premier

 18   objectif consistait à mettre en œuvre l'esprit de cet accord -- ou si vous

 19   voulez, s'assurer que la FORPRONU et les Nations Unies jouent un rôle dans

 20   la mise en œuvre de l'esprit de cet accord et des éléments et des

 21   différents points qui y figuraient. Le rôle de mon commandement de la

 22   FORPRONU, donc, à proprement parler, en Bosnie-Herzégovine, pourrait être

 23   résumé de la manière suivante : Notre objectif était donc d'assurer la

 24   sécurité et d'appuyer le HCR des Nations Unies pour l'aide humanitaire et

 25   également de jouer son rôle dans ce que l'on appelait les zones de sécurité

 26   et les zones d'exclusion. Mais dans le cadre de la cessation des

 27   hostilités, de cet accord donc, c'était plus précisément la politique en

 28   matière de zone d'exclusion qui était la plus importante. Et de toute


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  1   façon, pour moi, mon principal objectif était donc de rencontrer mes

  2   différents subordonnés, de rencontrer également les Serbes de Bosnie et les

  3   parties de la fédération, et d'apprendre à mieux les connaître.

  4   Q.  A cet égard, je voudrais passer en revue différentes pièces qui

  5   reflètent des réunions qui se sont tenues immédiatement après votre

  6   arrivée.

  7   Est-ce que l'on pourrait tout d'abord demander l'affichage du document de

  8   la liste 65 ter 04754 ? Est-ce que l'on pourrait passer à la page 11 ?

  9   Dans ce journal ou ce carnet, est-ce que l'on pourrait passer à la

 10   page qui fait référence au 27 janvier, 12 heures, où il est mentionné le

 11   général Smith ?

 12   Ensuite on passera à la pièce de la liste 65 ter 04754 -- en fait, je

 13   vous prie de m'excuser. C'est déjà une pièce qui a été versée à charge.

 14   C'est la pièce P1487, et j'aimerais que la page 183 soit affichée à

 15   l'écran.

 16   La pièce P1487 a été versée au dossier comme faisant partie des

 17   carnets du général Mladic. Ici, il s'agit des entrées pour le 27 janvier

 18   1995, et on voit ici une note sous la rubrique : "Réception du général

 19   Smith." Il est mentionné que :

 20   "Il a été salué par Radovan."

 21   Général, avant de vous parler de la nature de cette réunion, je

 22   voudrais savoir si les entrées de ces deux carnets coïncident avec ce dont

 23   vous vous souvenez de cette réunion avec le général Mladic et M. Karadzic ?

 24   R.  Oui, tout à fait.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Pour ce qui est du document de la liste 65 ter

 26   04754, il s'agit d'un carnet qui a été saisi dans la perquisition de

 27   l'appartement de M. Karadzic à Belgrade lors de son arrestation. Compte

 28   tenu de la nature du document, je ne pense pas qu'il y ait d'objection,


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  1   mais je voudrais demander le versement au dossier.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait avoir l'opinion

  3   de la Défense ?

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il serait peut-être judicieux d'adopter

  6   ce carnet dans sa totalité.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait.

  8   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  9   M. TIEGER : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2242.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux poser une question ?

 13   Il y a plusieurs volumes de ces carnets. Est-ce que tous les carnets de ma

 14   secrétaire ou de mes secrétaires seront versés ou simplement un seul volume

 15   pour cette année, pour l'année en question ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avec combien de volumes ?

 17   M. TIEGER : [interprétation] Je dois vous avouer que je ne sais pas comment

 18   ces documents sont organisés. Je suppose qu'ils ont été téléchargés sous

 19   plusieurs volumes et qu'ils ont donc des références 65 ter différentes. On

 20   sait que ce carnet représente une certaine période. Nous pouvions vérifier

 21   cela, mais comme les Juges de la Chambre ont indiqué que ce serait utile de

 22   verser tous ces carnets, nous vérifions tout cela et si ce document n'est

 23   pas tiré d'une durée  complète, nous les verserons séparément.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous aimerions que tous les carnets

 25   soient versés, mais pour l'instant nous allons accepter le versement de ce

 26   document à proprement parler.

 27   Veuillez continuer, Monsieur Tieger.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Merci.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je pourrais expliquer aux Juges de

  2   la Chambre de quoi il s'agit ?

  3   Il s'agit des carnets de mes secrétaires. Ceci me permettait de savoir

  4   combien de temps on passait dans les bureaux, et cetera.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Continuez, Monsieur Tieger.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Q.  Général, comme vous le voyez d'après les notes issues des carnets du

  8   général Mladic, il mentionne que vous avez présenté votre équipe, que vous

  9   avez expliqué que votre mission avait deux volets, c'est-à-dire l'aide pour

 10   ceux qui en avaient besoin et faire de votre mieux pour faire avancer la

 11   paix dans le cadre des Nations Unies, et cetera, et cetera. Puis ensuite

 12   vous avez soulevé des questions concernant le bombardement dans la ville de

 13   Bihac, également l'échange d'officiers de liaison, et vous avez un de ces

 14   officiers de liaison du côté des Serbes de Bosnie, qui était basé à Gornje

 15   Vakuf. Général, pour ce qui est donc de ces commentaires qui vous sont

 16   prêtés, est-ce qu'ils correspondent à votre souvenir des informations que

 17   vous avez fournies ?

 18   R.  Oui, c'est le type de sujet que j'aurais abordé. Mis à part le fait que

 19   cette réunion a eu lieu et que c'est la première fois que j'ai rencontré

 20   tous les protagonistes, il est fort probable que j'ai abordé ces sujets,

 21   effectivement.

 22   Q.  Général, vous nous avez expliqué que, dès le départ, vous souhaitiez

 23   rencontrer les différents représentants des parties belligérantes. Cela

 24   semble être évident, mais pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous avez

 25   rencontré immédiatement MM. Karadzic et Mladic, et pourriez-vous nous dire

 26   ce qu'ils représentaient pour vous et quelle était l'importance de cette

 27   réunion ?

 28   R.  M. Karadzic était le président des Serbes de Bosnie, et le général


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  1   Mladic était le commandant de leur armée. Et à l'instar de mon

  2   prédécesseur, j'avais jugé nécessaire de les rencontrer parce que si nous

  3   n'avions pas de dialogue entre nous, c'est-à-dire les Nations Unies et les

  4   commandants et les dirigeants politiques des factions impliquées dans ce

  5   conflit, nous n'arriverions pas à atteindre nos objectifs. Quand je vous

  6   dis "nos objectifs," je parle de ceux des Nations Unies.

  7   Q.  Nous reparlerons de ceci durant le courant de votre déposition,

  8   Général, mais très rapidement j'aimerais vous poser la question suivante :

  9   Vous nous avez expliqué que vous vouliez les rencontrer parce que vous

 10   compreniez leur rôles de dirigeants dans ce conflit. Durant le cadre de vos

 11   activités en tant que commandant, vous avez donc eu à faire au général

 12   Mladic et au président Karadzic. J'aimerais savoir si vous avez eu la

 13   possibilité de corroborer votre hypothèse de départ en terme de leurs rôles

 14   de leaders ?

 15   R.  C'était évident, ils étaient tout à fait dans le cadre des rôles qu'ils

 16   s'étaient donnés ou des rôles ou des fonctions selon lesquelles ils

 17   s'étaient présentés à mon attention. Dans un esprit de créer ce dialogue,

 18   un des objectifs était de comprendre les intentions et les objectifs que se

 19   fixaient les différentes factions, et ce faisant, on commence à se forger

 20   une opinion pour essayer de voir si ces dirigeants s'acquittent de ses

 21   fonctions. J'en ai conclu que tant M. Karadzic, que le général Mladic,

 22   contrôlaient tout à fait la situation et menaient tout à fait à bien les

 23   objectifs qu'ils s'étaient fixés.

 24   Q.  Est-ce que vous avez été en mesure de déterminer dans quelle mesure ils

 25   travaillaient de concert ou séparément pour mener à bien leurs intentions

 26   et leurs objectifs que vous venez de mentionner ?

 27   R.  Vous voulez dire sur la durée ou au fur et à mesure que l'année s'est

 28   écoulée ?


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  1   R.  Je voudrais dire sur la durée.

  2   Q.  Sur la durée.

  3   R.  Alors sur la durée, je dirais qu'avec Koljevic et Krajisnik, ils

  4   faisaient corps, si l'on peut dire. C'est également le message qu'ils nous

  5   avaient fait passer, à savoir qu'ils travaillaient tous ensemble, et au fur

  6   et à mesure que l'année s'est écoulée, on a pu avoir des exemples de cela.

  7   Il y a eu des cas où l'on a vu des certaines tensions entre les instances

  8   politiques et militaires, comme par exemple en avril de cette année. Mais

  9   ces tensions disparaissent très rapidement, et il est évident que les

 10   dirigeants des Serbes de Bosnie ont vraiment tous continué à opérer de

 11   concert et allaient tous dans une même direction.

 12   Q.  Est-ce que les tensions que vous avez observées vous ont paru

 13   inhabituelles ou caractéristiques d'un contexte où vous avez des liens

 14   entre les instances politiques et militaires ?

 15   R.  Vous savez, il y a toujours des tensions qui ne sont pas nécessairement

 16   destructives. Mais quoi qu'il en soit, il s'agit de tensions qui existent

 17   entre les instances militaires et les instances politiques lorsque vous

 18   avez des grandes opérations. Les instances militaires essaient de

 19   transposer une intention politique en action militaire sur le terrain, et

 20   les conséquences de ces actions militaires peuvent avoir des conséquences

 21   politiques qui n'étaient pas vraiment souhaitées, et je parle d'expérience.

 22   Par conséquent, ces tensions existent constamment entre les instances

 23   politiques et les instances militaires. Ce n'est pas surprenant qu'elles

 24   existent, et c'est quand ces tensions prennent un tour destructeur que cela

 25   devient grave. Et je n'ai jamais observé ce type de tension. J'ai observé

 26   des tensions mais comme j'ai essayé de l'expliquer, il s'agissait de

 27   tensions tout à fait normales dans les circonstances que l'on connaissait à

 28   l'époque.


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  1   Q.  Alors concernant l'appareil militaire à proprement parler, c'est-à-dire

  2   la VRS, avez-vous eu la possibilité de comprendre la nature de sa propre

  3   structure de commandement et de sa hiérarchie ?

  4   R.  Oui. Encore une fois, si je me base sur les impressions qui ont été les

  5   miennes, au fil du temps, je dirais qu'il s'agissait là d'une armée dans

  6   laquelle les ordres étaient exécutés. Les instructions, si elles émanaient

  7   du sommet de la hiérarchie, donnaient lieu à des actions tout en bas de

  8   cette dernière, et inversement, il était possible de voir circuler les

  9   informations du bas de la hiérarchie vers son sommet. Je peux vous fournir

 10   un exemple à cet égard.

 11   Lorsque je me suis rendu en visite à Srebrenica, nous nous sommes perdus à

 12   un moment, et nous nous sommes retrouvés à un poste de contrôle où nous

 13   avons été retenus. C'était sur le territoire des Serbes de Bosnie. Mon

 14   officier de liaison s'est rendu au poste de contrôle, il a été en mesure de

 15   parler par téléphone directement à Mladic afin que ce dernier donne les

 16   ordres nécessaires pour que nous puissions retrouver le chemin qui a été le

 17   nôtre.

 18   Q.  Général, nous examinerons toute une série de documents pendant votre

 19   déposition, et vous aurez la possibilité de donner davantage de détail

 20   concernant certaines des situations que vous avez évoquées.

 21   Alors je voudrais que nous passions à une réunion qui a eu lieu en présence

 22   du général Mladic, peu de temps après votre arrivée. Cette réunion a eu

 23   lieu le 14 février 1995. Il s'agit du document 21988 de la liste 65 ter.

 24   Alors, Général, sur l'écran, nous avons ce document qui s'affiche, et je

 25   vous prie de ne pas hésiter à demander que l'on agrandisse le texte, si

 26   jamais vous en éprouvez la nécessité.

 27   R.  Oui, si on pouvait agrandir, ce serait quand même un peu mieux.

 28   Q.  Oui. Peut-être que l'on pourrait également faire défiler la page.


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  1   R.  Ce n'est pas la peine d'agrandir à ce point. Voilà, maintenant c'est

  2   bon.

  3   Pourrions-nous faire défiler vers le bas, s'il vous plaît.

  4   Q.  Je voudrais vous poser quelques questions, Général, portant sur un

  5   certain nombre d'éléments figurant dans ce document.

  6   Tout d'abord, vous rappelez-vous de façon générale ce qui faisait

  7   l'objet de cette réunion principalement ?

  8   R.  Oui, je me rappelle des questions qui avaient été soulevées.

  9   Q.  Alors concernant le point numéro 2, je cite :

 10   "La finalité de la réunion était de vérifier de quelle façon le cessez-le-

 11   feu était appliqué à Bihac, de quelle façon il serait possible de laisser

 12   passer les convois humanitaires et de voir également si le CJC de Bihac

 13   pouvait être un point de départ. Nous avons souligné la difficulté de la

 14   situation humanitaire à Bihac. La réponse de Mladic a consisté à insister

 15   sur le déséquilibre qui existait de son point de vue du fait que les

 16   citoyens serbes de Bosnie n'étaient pas autorisés à recevoir de l'aide,

 17   mais étaient censés de leur côté laisser passer de l'approvisionnement tant

 18   militaire qu'en vivre vers les enclaves musulmanes."

 19   Alors pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quelles étaient vos

 20   préoccupations en matière humanitaire à l'époque, et la nature de la

 21   réponse reçue du général Mladic ?

 22   R.  Je n'ai pas souvenir très clair des détails concernant la situation à

 23   Bihac à l'époque. Mais dans une certaine mesure, c'était le manque de

 24   respect dans l'application de l'accord de cessez-le-feu qui était au cœur

 25   des préoccupations. Car les combats n'avaient jamais vraiment cessé dans

 26   cette zone, en fait, ce qui revient à dire que les combats avaient de

 27   nouveau éclaté. Je ne me rappelle pas en tout cas à quel moment cela est

 28   intervenu exactement, mais pour moi, il était clair qu'il fallait faire


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  1   passer certains convois d'aide vers Bihac, et qu'il fallait également

  2   réapprovisionner le Bataillon des Nations Unies qui se trouvait sur place,

  3   si je me souviens bien, c'était un Bataillons bangladais. C'était la

  4   convergence de tous ces évènements, les combats, la nécessité de procéder à

  5   un réapprovisionnement ainsi que de faire passer l'aide humanitaire, qui

  6   ont abouti à nous faire considérer ce problème comme étant un problème

  7   grave; comparé à tout ce dont nous devions nous occuper également à

  8   l'époque.

  9   Enfin, vous voyez ici quelque chose d'assez caractéristique de ces

 10   réunions, à savoir qu'il y avait des négociations qui s'inscrivaient dans

 11   le contexte d'un accord qui avait été passé précédemment. L'échange était

 12   du type, je ne ferai ceci que si vous faites cela. et ici, vous voyez dans

 13   ce cas précis que la condition posée était, je cite, ils doivent se retirer

 14   avant que je ne laisse passer quoi que ce soit ou qui que ce soit. Alors ce

 15   qui est avancé c'est que s'il s'agit d'approvisionner ces autres personnes,

 16   et il faut également les approvisionner eux. C'est quelque chose, c'est un

 17   argument qui continuellement a été mis en avant. Donc si vous voulez, il

 18   s'agissait d'une différence entre l'impartialité et la neutralité.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Alors à cet égard, pourrions-nous voir

 20   rapidement le point numéro 8, qui est à la page suivante ?

 21   Q.  On évoque ici une plainte émise par Tolimir, concernant la réciprocité

 22   des livraisons, le volume des livraisons qui ne correspond pas. Ensuite il

 23   est dit que :

 24   "Cela n'était pas la base sur laquelle le HCR procédait à ses

 25   évaluations mais en tout cas il a insisté."

 26   Alors qui était Tolimir ?

 27   R.  Il était général. C'était l'un des chefs d'état-major, si je ne me

 28   trompe pas. Il était chargé de la sécurité au quartier général des Serbes.


Page 11307

  1   Il accompagnait fréquemment Mladic.

  2   Q.  Mais cette plainte qu'il a émise, et la réponse qu'il a reçue suite à

  3   cela, correspondent-elles à ce que vous avez essayé de nous expliquer à

  4   l'instant ?

  5   R.  Oui, c'est un fil conducteur que l'on retrouve dans l'ensemble de ces

  6   réunions.

  7   Q.  Alors nous aurons peut-être l'occasion de revenir sur cette distinction

  8   entre impartialité et neutralité. Vous pourriez peut-être développer un peu

  9   plus dans ce contexte précis.

 10   R.  Voici comment je comprenais la chose et comment je la comprends à vrai

 11   dire aujourd'hui encore. Je voudrais m'appuyer sur un exemple. Si je ne me

 12   trompe pas, je l'ai cité également à l'époque. Si j'étais par exemple

 13   médecin dans l'armée britannique, et si j'étais déployé sur le terrain, je

 14   ne serai pas neutre, je serai médecin de l'armée britannique. Je porterai

 15   l'uniforme de cette armée; cependant, si là où j'étais cantonné on faisait

 16   venir un soldat ennemi blessé, en même temps que des blessés de ma propre

 17   armée, et si la blessure dont on avait eu à souffrir le soldat ennemi était

 18   beaucoup plus grave que celle dont souffrait le soldat de ma propre armée,

 19   mon devoir de médecin serait d'agir de façon impartiale et de traiter ce

 20   soldat ennemi non seulement de façon plus intensive, en lui délivrant

 21   davantage de médicaments par exemple, parce que sa blessure est plus grave,

 22   mais également de le traiter en premier, parce que ce serait lui le cas le

 23   plus grave. J'aurais, dans ce cas-là, appliqué ce principe d'impartialité.

 24   J'ai essayé de m'appuyer sur la distinction entre ces principes pour

 25   essayer d'expliquer la différence qu'il y avait pour les Nations Unies

 26   entre être neutre et être impartial dans les circonstances qui prévalaient

 27   en Bosnie, en 1995.

 28   Q.  Général, vous avez fait une distinction entre l'aide humanitaire au


Page 11308

  1   bénéfice des civils et les convois qui assuraient le réapprovisionnement

  2   des forces de la FORPRONU. Mais ces deux problèmes ont continué à être des

  3   sources de préoccupation pour vous, pendant que vous avez été en poste,

  4   elles ont continué à causer des tensions entre la FORPRONU et les Serbes de

  5   Bosnie, n'est-ce pas ?

  6   R.  A Bihac ou de façon générale.

  7   Q.  De façon générale.

  8   R.  A Bihac, très certainement et je dirais que de façon générale aussi.

  9   Q.  Très bien.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais que l'on passe au document P01470

 11   qui concerne une réunion entre vous-même et le président.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Demandez-vous le versement du document

 13   précédent ?

 14   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra donc la cote P2243, Madame et

 17   Messieurs les Juges.

 18   M. TIEGER : [interprétation]

 19   Q.  Donc O01470, Général, il s'agit d'un document dont vous pourrez voir la

 20   date; si on tourne la page, c'est celle du 6 mars 1995. Il y est question

 21   d'une réunion tenue le 5 mars 1995, entre vous-même et le Ratko Mladic.

 22   Peut-être pourriez-vous parcourir brièvement cette page, et puis je vous

 23   demanderais de vous concentrer sur certains passages ensuite ?

 24   Notamment sur le premier paragraphe, vers le milieu du paragraphe, on note

 25   la présence du général Tolimir. Il est également dit, je cite :

 26   "Il était clair qu'une réunion de haut niveau s'était tenue sur place

 27   pendant le week-end, à laquelle Karadzic, Krajisnik, Koljevic et Mladic

 28   avaient participé. Différents représentants de Belgrade étaient présents à


Page 11309

  1   l'arrivée du général Smith, y compris M. Budimir Kosotic…" et cetera.

  2   Alors dans la suite du document, nous verrons qu'il est fait

  3   référence à un échange avec le Pr Koljevic et également à des discussions

  4   importantes tenues avant cette réunion. Alors est-ce que vous pourriez dire

  5   aux Juges de la Chambre, pour commencer, ce que vous avez pu apprendre

  6   concernant cette réunion de haut niveau qui s'était tenue à Jahorina

  7   pendant le week-end ?

  8   R.  Alors je sais maintenant ce qui s'y est passé, donc j'ai un peu

  9   de mal à vous répondre. Mais à l'époque, en tout cas, ce que j'en avais

 10   compris, c'est qu'il y avait bien eu une réunion de haut niveau et que la

 11   décision avait été prise de considérer que l'accord de cessez-le-feu allait

 12   à [inaudible], et qu'il s'agissait maintenant de poursuivre un autre

 13   objectif du point de vue des Serbes de Bosnie, ils avaient décidé qu'il

 14   convenait pour eux de se tenir prêts à combattre pour atteindre les buts

 15   qui étaient les leurs.

 16   Q.  Alors je voudrais que nous passions au paragraphe numéro 3. Il

 17   est dit ici que vous avez demandé au général Mladic quelles étaient les

 18   raisons de la recrudescence des tirs de tireurs embusqués à Sarajevo. Alors

 19   lorsque vous avez soulevé cette question des tireurs embusqués, il

 20   s'agissait de tirs qui visaient qui et qui étaient le fait de qui?

 21   R.  Encore une fois, je ne me rappelle pas tous les détails, mais vers la

 22   fin du mois de février - et je ne peux pas vous dire exactement quand ceci

 23   a commencé - nous avons noté une augmentation de l'activité des tireurs

 24   embusqués le long de la ligne de confrontation entre les défenseurs de

 25   Sarajevo et les Serbes de Bosnie. En partie, et de façon tout à fait

 26   claire, ces activités étaient de nature tout à fait militaires. Donc

 27   c'était des soldats qui tiraient sur des soldats. Mais il y avait une autre

 28   partie de ces tirs qui visaient également la population civile.


Page 11310

  1   Q.  Cette question que vous posée au général Mladic, vous la posiez en

  2   ayant à l'esprit laquelle de ces deux parties ?

  3   R.  C'était le fait que la population civile soit visée qui me préoccupait.

  4   Q.  Est-ce que vous avez fait savoir cela clairement au général Mladic ?

  5   R.  Je crois l'avoir fait, oui.

  6   Q.  Quelle a été la réponse du général Mladic lorsque vous avez fait état

  7   de votre préoccupation suite à cette recrudescence des tirs de tireurs

  8   embusqués visant les civils ?

  9   R.  Il y a là deux choses, et encore une fois, c'est un fil conducteur que

 10   l'on retrouve très souvent dans tous les échanges de ce type. La réponse a

 11   consisté, d'une part, à dire : "Nous le faisons parce qu'eux le font

 12   aussi," et deuxièmement, ils nous également dit -- indiqué que nous

 13   n'avions rien fait pour mettre un terme à cela -- ou plutôt, que nous ne

 14   faisions rien pour les arrêter, eux, et que, par conséquent, ils devaient

 15   continuer.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Pourrions-nous maintenant passer au paragraphe

 17   numéro 4 ?

 18   Q.  Alors apparemment :

 19   "La question principale que Mladic souhaitait aborder c'était les

 20   conséquences des sanctions imposées aux Serbes de Bosnie."

 21   Dans les échanges que vous avez pu avoir sur ce sujet, nous voyons

 22   qu'en bas du premier paragraphe, il est indiqué, je cite :

 23   "Le général Mladic a alors menacé de bloquer toutes les enclaves, y compris

 24   Sarajevo, si l'on ne procédait pas à la levée des sanctions."

 25   Ensuite nous trouvons l'indication de ce que vous avez répondu.

 26   Mais est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre quel était le

 27   poids et la nature de cet échange sur ce point particulier ?

 28   R.  Bien que ceci n'ait pas été absolument clair pour moi à ce stade-là,


Page 11311

  1   nous étions très près d'arriver dans une situation dans laquelle les

  2   enclaves, y compris celle de Sarajevo, allaient se retrouver au centre de

  3   l'attention des Serbes de Bosnie, y compris dans les réunions futures. J'ai

  4   compris qu'il s'agissait pour eux d'un moyen de pression qu'ils pouvaient

  5   donc exercer sur les Nations Unies, d'un moyen également de soulager les

  6   pressions auxquelles ils étaient soumises, aussi bien en punissant en

  7   quelque sorte les Nations Unies, et par leur biais, la communauté

  8   internationale, qui leur imposait ces sanctions, qu'en dégageant une partie

  9   de leurs propres ressources et de leurs propres effectifs afin de pouvoir

 10   les affecter aux opérations qu'ils avaient l'intention de réaliser. Ça, je

 11   l'ai compris quelques jours après.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Pourrions-nous passer au paragraphe numéro 6 ?

 13   Q.  Nous voyons qu'il est ici question d'un échange entre vous-même et le

 14   Pr Koljevic, qui est arrivé en retard à la réunion, vers la fin de cette

 15   dernière en fait. Il était très agité et avait été très irrité par une

 16   lettre adressée par M. Akashi à l'intention de M. Karadzic. Alors qu'est-ce

 17   qui se trouvait au centre de cette réaction assez virulente de la part de

 18   Koljevic ?

 19   R.  Si je me rappelle bien le contenu de cette lettre, il s'agissait de la

 20   livraison de l'aide. Mais il y avait aussi un paragraphe dans cette lettre

 21   dans lequel on attirait l'attention de Karadzic sur le respect du droit

 22   international concernant les non-combattants, si je ne me trompe pas, et

 23   ceci avait été interprété comme étant une menace.

 24   Q.  Le document dit et attribue à Koljevic les propos suivants, je cite :

 25   "S'il le fait, nous le ferons tous, et nous ne nous préoccuperons pas de

 26   savoir combien d'entre nous serons entraînés dans cela."

 27   Alors si vous vous rappelez cette partie de l'échange, est-ce que cela nous

 28   donne une image précise de la position qui était celle de Koljevic ?


Page 11312

  1   R.  N'oublions pas que j'avais à faire à quelqu'un qui, manifestement,

  2   avait la gueule de bois. Je ne m'en souviens pas très bien. J'ai pris ce

  3   qu'il m'a dit de façon assez littérale, et c'est ce qu'il disait.

  4   Q.  Très bien.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Alors nous allons voir ce qui était l'objet de

  6   la colère de Koljevic de façon un peu plus précise avec le document numéro

  7   01322 de la liste 65 ter.

  8   Pouvons-nous avoir la page suivante.

  9   Q.  Général, vous voyez ici que c'est M. Akashi qui s'adresse à M.

 10   Karadzic. Il rappelle, je cite :

 11   "J'ai l'obligation solennelle de m'adresser à vous sur un sujet de la plus

 12   haute importance qui a trait à l'aide humanitaire et qui est à l'origine de

 13   la plus haute préoccupation."

 14   Ensuite, cela se poursuit. Nous trouvons une description de la nature du

 15   problème, je cite :

 16   "Les rapports des organisations humanitaires internationales ainsi que nos

 17   propres évaluations nous emmènent à considérer que nous faisons face à une

 18   situation extrêmement difficile dans laquelle on manque des médicaments de

 19   base les plus indispensables tels que l'insuline, les traitements pour

 20   affectation cardiaque, les médicaments anti-inflammatoire, les

 21   antibiotiques, et même l'aspirine."

 22   Ensuite il est question des conséquences que la population civile doit

 23   subir, et notamment les groupes les plus vulnérables tels que les enfants

 24   et les personnes âgées.

 25   Alors pourrions-nous faire défiler vers le bas pour voir le bloc de

 26   signature ? Ce serait en page suivante, s'il vous plaît.

 27   L'avant-dernier paragraphe dit, je cite :

 28   "Les autorités responsables doivent être mises devant leurs responsabilités


Page 11313

  1   quant aux dispositions applicables de la résolution numéro 771 du Conseil

  2   de sécurité du 13 août 1992."

  3   Notamment il est question de la convention de Genève et de violations du

  4   droit international humanitaire.

  5   Alors s'agissait-il là du paragraphe que vous évoquiez ?

  6   R.  Oui, c'est cet avant-dernier paragraphe que j'avais à l'esprit à

  7   l'instant.

  8   Q.  Très bien.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais qu'on verse ce document, si

 10   possible.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P2244, Madame et

 13   Messieurs les Juges.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Pourrions-nous peut-être également nous

 15   pencher sur le document numéro 13390 de la liste 65 ter, sur ce même sujet,

 16   s'il vous plaît ?

 17   Q.  Comme nous pouvons le voir à partir du bloc de signature, Général, il

 18   s'agit d'une lettre adressée par M. Karadzic à M. Akashi, en réponse à la

 19   lettre de ce dernier, datée du 4 mars que nous venons justement d'examiner.

 20   Alors voyez le second paragraphe, il y est dit que M. Akashi exagère

 21   beaucoup les difficultés du point de vue médical et du point de vue de

 22   l'approvisionnement en matériel médical et en médicament dans les enclaves

 23   orientales. Il y est dit que les informations dont il dispose ou plutôt

 24   "notre information" comme il est dit ici, "nos informations" indiquent que

 25   les problèmes ne sont pas du tout de cette ampleur, et je cite :

 26   "Là où des problèmes existent réellement, nous nous efforcerons de les

 27   résoudre."

 28   Ensuite cela se poursuit, si vous regardez la suite de la lettre, un


Page 11314

  1   certain nombre de sujets sont abordés, y compris les violations de l'accord

  2   de cessation des hostilités alléguées.

  3   En page suivante ensuite, s'il vous plaît.

  4   Il est question de soi-disant livraison d'armes aux Musulmans. Le fait que

  5   la FORPRONU ne s'est pas attaqué au problème réel, et cetera.

  6   Alors tout d'abord, Général, je voudrais vous poser la question suivante :

  7   Il y a toute une série de questions et de problèmes soulevés dans cette

  8   lettre, y compris le fait que la communauté internationale appliquerait en

  9   quelque sorte deux poids et deux mesures, et persisterait à le faire. Alors

 10   à la lumière de l'expérience qui est la vôtre, pourriez-vous nous dire si

 11   cette réponse adressée à M. Akashi par M. Karadzic était quelque chose

 12   d'inhabituel ou bien s'agissait-il là plutôt d'une réponse type et des

 13   problèmes types qui étaient soulevés, comme vous avez l'occasion de voir.

 14   R.  C'est un exemple de ce que je décrivais il y a quelques minutes, à

 15   savoir qu'il est reconnu que le problème qui se pose est un problème

 16   spécifique, après quoi arrive le fait de dire que le traitement réservé à

 17   tout le monde n'est pas celui que l'on m'accorde à moi, et que donc la

 18   FORPRONU fait partie intégrante du problème, et ne fait pas partie de la

 19   solution par rapport à ce problème particulier. Le problème principal dans

 20   ce cas précis étant l'accord de fin des hostilités de façon générale.

 21   Q.  Dans le document, M. Karadzic semble affirmer qu'il est au courant de

 22   ce qui se passe dans les enclaves. D'après votre expérience, M. Karadzic

 23   lorsque vous aviez des contacts avec lui, affirmait-il savoir ce qui se

 24   passait dans les enclaves ou n'était-il pas au courant de ce qui s'y

 25   passait ?

 26   R.  Je n'ai jamais nourri le moindre doute quant au fait qu'il savait ce

 27   qui était en train de se passer. Ce que j'ignore aujourd'hui, c'est dans

 28   quelle condition que je me suis fait cet avis, voir si je pensais qu'il


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  1   connaissait précisément tous les détails de la situation. Mais j'étais

  2   assez certain qu'il savait tout de même en général ce qui était en train de

  3   se passer; ou bien si je puis m'exprimer d'une autre façon, je me demandais

  4   peut-être s'il pouvait découvrir rapidement ce qui se passait le cas

  5   échéant.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

  7   au dossier de ce document.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, il est admis.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce P2245, Monsieur le

 10   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 11   M. TIEGER : [interprétation]

 12   Q.  Général, vous avez déjà parlé d'une visite à Srebrenica; est-ce que

 13   vous avez effectivement visité l'enclave au début du mois de mars 1995 ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Pouvez-vous décrire à l'intention des Juges de la Chambre, rapidement

 16   ce que vous avez vu pendant cette visite ?

 17   R.  Oui. Lors de notre visite à Srebrenica, qui a suivi de près la

 18   rencontre de Jahorina dont nous venons de parler, donc pendant cette

 19   visite, il convient de dire que le voyage d'aller et de retour de

 20   Srebrenica m'ont apporté de nombreux renseignements. C'était en effet la

 21   première fois en dehors de ma visite en voiture à Pale une fois, c'était

 22   donc la première fois que j'avais traversé une partie assez importante du

 23   territoire de la Bosnie. J'ai été frappé de voir à quel point cette région

 24   était désertée par les habitants, ou en tout cas à quel point on y voyait

 25   très peu de signe d'une activité économique réelle. J'ai également été

 26   frappé alors que nous nous dirigions vers Srebrenica, et au moment où nous

 27   sommes entrés dans l'enclave, j'ai été frappé par l'isolement de cet

 28   endroit, et j'ai pu ressentir à quel point cette isolation était palpable


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  1   pour la population qui se trouvait à l'intérieur de l'enclave.

  2   Q.  Avez-vous pu voir un quelconque aspect du contrôle exercé par les

  3   forces serbes de Bosnie sur l'enclave ?

  4   R.  Oui. Il y avait plusieurs postes de contrôle aux environs de l'enclave,

  5   et de nombreux signes indiquant l'existence de positions de défense autour

  6   de l'enclave. Une fouille approfondie des véhicules pénétrant dans

  7   l'enclave était effectuée, et il y avait un certain nombre de véhicules

  8   d'aide humanitaire qui ont pénétré dans l'enclave, en même temps que le

  9   véhicule à bord duquel je me trouvais, même si ces véhicules d'aide

 10   humanitaire n'avaient pas suivi le même itinéraire pour arriver à

 11   Srebrenica.

 12   Q.  Une fois à l'intérieur de l'enclave, avez-vous pu constater les

 13   conditions d'existence des habitants ainsi que les conditions d'existence

 14   du personnel de la FORPRONU ?

 15   R.  Oui. L'enclave était très peuplée. Manifestement, on n'y manquait de

 16   carburant, on voyait qu'un grand nombre d'arbres avait été abattu pour

 17   servir de bois de chauffage. Les conditions d'alimentation étaient

 18   insuffisantes, d'après ce qu'on m'a dit, et ce qui concernait plus

 19   particulièrement le Bataillon des Nations Unies, c'était la pénurie en

 20   carburant.

 21   Q.  Général, j'aimerais maintenant que nous nous penchions sur la pièce

 22   P00877. Dans ce document, il est question d'une rencontre que vous avez eue

 23   avec le général Mladic, le 7 mars 1995. Comme nous pouvons le constater en

 24   lisant le contenu du paragraphe 4, nous voyons que cette rencontre a eu

 25   lieu après votre visite à Srebrenica.

 26   Avant que l'on ne montre le bas de la page, je vous invite à vous pencher

 27   sur le paragraphe 2, dernière phrase de ce paragraphe, où il est question

 28   des problèmes principaux qui se posent dans le cadre de cette réunion, et


Page 11317

  1   l'on voit que dans l'esprit des Serbes de Bosnie un lien est établi entre

  2   le retrait de la FORPRONU des zones protégées par les Nations Unies en

  3   Croatie et la demande de retrait des Nations Unies de toutes les enclaves

  4   de Bosnie. Puis en deuxième lieu, il est question d'une explication fournie

  5   par Mladic quant à ses préoccupations militaires en rapport avec les

  6   enclaves de l'est.

  7   Nous pouvons maintenant passer à la page suivante.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce P877. Je l'indique

  9   pour le compte rendu d'audience.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, j'ai fait un lapsus, Monsieur le

 11   Président.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, je le disais pour le compte rendu

 13   d'audience.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Je vois. C'est écrit, effectivement.

 15   Q.  Donc au paragraphe 5 de ce texte, il est indiqué que le général Mladic

 16   vous interroge au sujet de la situation militaire et des actions de l'armée

 17   de Bosnie-Herzégovine dans l'enclave de Srebrenica et que vous lui dites

 18   que vous n'avez vu aucune arme dans la ville et que vous avez inspecté la

 19   zone. Encore une fois, je vous demande ce qu'est le WCP dont il est

 20   question dans ce paragraphe en anglais.

 21   R.  Le point de regroupement des armes, c'est un lieu qui est associé avec

 22   l'accord créant une zone d'exclusion. Enfin, je ne me rappelle pas le terme

 23   exact, en tout cas, avec le système créant cette zone d'exclusion des armes

 24   lourdes.

 25   Q.  Puis dans le paragraphe -- dans le reste du paragraphe, il est question

 26   du fait que Mladic vous demande d'ordonner le retrait des unités de la

 27   FORPRONU de ce secteur. Il vous indique son inquiétude par rapport à une

 28   route en particulier, et il vous présente son interprétation des frontières


Page 11318

  1   des zones protégées de Srebrenica, Gorazde et Zepa, donc il vous indique où

  2   ces zones devraient se trouver. Pouvez-vous expliquer aux Juges de la

  3   Chambre, je vous prie, de quoi traite exactement ce paragraphe ?

  4   R.  Ce qu'il m'a expliqué c'est qu'il définissait d'une façon différente

  5   les zones protégées existant dans une enclave. Selon lui, les frontières de

  6   l'enclave ne correspondaient pas nécessairement aux frontières de la zone

  7   en question, si je me souviens bien, et je pense que c'est ce qui est

  8   décrit dans ce paragraphe. Il avait une carte et il m'a apporté ses

  9   explications au vu de cette carte, en me disant que ce qui avait été

 10   convenu c'est que cette zone. A ce moment-là, il a dessiné un secteur

 11   beaucoup plus restreint qu'il décrivait comme étant un secteur limité à

 12   l'intérieur de Srebrenica, mesurant environ quatre kilomètres et demi sur

 13   un kilomètre, qui était centré sur la ville de Srebrenica en tant que tel.

 14   Donc c'est ce que lui définissait comme étant le secteur protégé et,

 15   d'après lui, c'est ce secteur qui avait fait l'objet d'un accord. Donc il

 16   estimait que si attaque il devait y avoir, cette attaque ne devait

 17   concerner que le losange en question et rien de plus.

 18   Q.  Quelle a été votre réponse à cela, Général ?

 19   R.  Ma réponse a consisté à dire que les choses n'étaient pas ainsi en

 20   réalité et que la création des enclaves avait précédé la création de la

 21   zone de sécurité, qu'il avait donc interverti l'ordre des facteurs, et que

 22   je n'étais absolument pas prêt à ordonner un quelconque déplacement des

 23   troupes si c'est cela qu'il me demandait, que je n'avais donc pas

 24   l'intention de déplacer les troupes des Nations Unies qui se trouvaient sur

 25   la ligne de confrontation existant à l'époque.

 26   Q.  Général, au milieu du paragraphe 5 à peu près nous voyons la phrase

 27   suivante, je cite :

 28   "Ces préoccupations --"


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  1   Il parle des préoccupations exprimées plus haut. Donc je reprends, je cite

  2   :

  3   "Ces préoccupations l'avaient emmené à réduire les quantités de vivres, de

  4   matériel médical et de carburant destinés aux enclaves."

  5   Alors, Général, à ce moment-là, c'est-à-dire au début du mois de mars, est-

  6   ce que vous nourrissiez le moindre doute quant au fait que l'aide

  7   humanitaire ou les approvisionnements de la FORPRONU qui étaient réduits

  8   était le fait d'initiatives locales, ou est-ce que vous pensiez que c'était

  9   le résultat de décisions ad hoc qui avaient été prises au niveau central ?

 10   R.  Si cela n'a pas été fait lors d'une conversation précise, en tout cas,

 11   c'est ce que j'ai fini par comprendre de mes divers contacts, à ce moment-

 12   là. Par la suite, je parle de cet avis comme étant ma thèse, cette thèse

 13   consistant à penser que non seulement il y avait eu des mesures punitives

 14   qui avaient été contrôlées de façon centrale et qui faisaient partie du

 15   plan global élaboré par les Serbes de Bosnie mais que, pour ce qui nous

 16   concerne, représentants des Nations Unies, nous étions dans une situation

 17   que j'ai fini par qualifier de situation d'otages et de bouclier humain.

 18   C'est cet exemple particulier qui m'a déterminé, si vous voulez, à en

 19   arriver à cet avis. Je veux parler de ce voyage particulier à Srebrenica et

 20   du voyage de retour.

 21   Q.  Général, peut-être pourrais-je vous demander de détailler plus

 22   longuement cette conception que vous aviez d'être "en situation d'otage et

 23   de bouclier humain" ?

 24   R.  Prenons Srebrenica en tant qu'exemple. Les Nations Unies étaient

 25   manifestement présentes sur place dans le but d'apporter de l'aide

 26   humanitaire et de dissuader, par leur présence, toute attaque contre

 27   l'enclave. Mais dans ce rôle, nous étions, d'une certaine façon, une espèce

 28   de bouclier protégeant les Musulmans de Bosnie depuis l'intérieur, car cela


Page 11320

  1   les mettait en situation d'organiser des attaques à partir de l'extérieur

  2   des enclaves. En même temps, nous étions devenus des espèces d'otages de

  3   fortune, et on le voit bien à la lecture de ce document : Les Serbes

  4   avaient arrêté les approvisionnements en aide alimentaire, les

  5   approvisionnements à l'Unité des Nations Unies qui se trouvaient à

  6   l'intérieur de l'enclave également. On peut trouver d'autres exemples de

  7   cette situation dans d'autres cas, et on voit bien que nous avions été pris

  8   par les Serbes de Bosnie comme des otages dont le rôle devait consister à

  9   convaincre la communauté internationale d'engager une action, et que nous

 10   étions en même temps des boucliers puisque, en nous trouvant au centre de

 11   cette zone, nous pouvions être frappés à tout moment par les uns ou par les

 12   autres.

 13   Q.  Général, en rapport avec cette idée que vous venez d'évoquer, idée

 14   selon laquelle il y avait en même temps une direction centralisée des

 15   événements dans le cadre d'un plan global eu égard aux intentions nourries

 16   par rapport aux enclaves et qu'il y avait donc dans le même temps

 17   restriction des approvisionnements, j'aimerais appeler votre attention sur

 18   la pièce P838 à présent. Dans cette pièce, nous trouvons mention de

 19   directives relatives à l'Opération numéro 7, et j'appellerais votre

 20   attention sur une partie précise de ce document.

 21   Donc je demande d'abord l'affichage de la page 10, de la version anglaise.

 22   Dernier paragraphe où il est question de la nécessité d'empêcher

 23   toute percée opérationnelle de l'ennemi le long d'axe particulier. Puis il

 24   est question un peu plus loin de la nécessité d'immobiliser sur place le

 25   plus grand nombre possible d'effectif ennemi, et un peu plus loin nous

 26   lisons, je cite :

 27   "…alors que dans la direction des enclaves de Srebrenica et de Zepa,

 28   il faudrait dans les plus brefs délais séparer complètement sur le plan


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  1   physique Srebrenica de Zepa. Il importe d'empêcher toute communication

  2   entre les personnes dans ces deux enclaves, par des opérations de combat

  3   bien planifiées et bien réfléchies, créer une situation insupportable

  4   d'insécurité complète dépourvue du moindre espoir de survie ou d'existence

  5   pour les habitants de Srebrenica et de Zepa."

  6   Avant de solliciter votre commentaire sur ce passage, Général,

  7   j'appellerais également votre attention sur le paragraphe 14 -- ou plutôt,

  8   sur la page 14, dernier paragraphe que l'on voie à l'écran qui se trouve

  9   dans l'avant-dernier tiers du paragraphe dans cette page, où nous lisons,

 10   je cite :

 11   "Les instances compétentes au sein de l'état et de l'armée qui sont

 12   responsables du travail avec la FORPRONU et les organisations humanitaires

 13   vont, par émission de permis dans le cadre d'une planification et de

 14   l'absence de tout obstacle, réduire et limiter l'appui logistique de la

 15   FORPRONU aux enclaves, et assurer l'approvisionnement matériel destiné à la

 16   population musulmane. Ce qui la rendra dépendante de notre volonté tout en

 17   nous permettant d'échapper à une quelconque condamnation de la part de la

 18   communauté internationale et de l'opinion publique internationale."

 19   Alors, Général, pouvez-vous nous dire si ce que l'on trouve dans ces

 20   passages correspond à vos constatations quant à la façon dont les enclaves

 21   étaient traitées du point de vue de l'aide humanitaire, et si cela

 22   correspond à vos constatations quant au fait que les actions des Serbes de

 23   Bosnie, par rapport à ces problèmes étaient dirigées de façon centralisée ?

 24   R.  Je vais commencer par le dernier point que vous avez évoqué.

 25   Oui, le contrôle était exercé d'une façon centrale. Ici, nous avons

 26   un ordre de haut niveau qui évoque ces diverses actions. Je ne me rappelle

 27   pas qui a signé ce document, cela était visible sur la première page

 28   affichée, mais  --


Page 11322

  1   M. TIEGER : [interprétation] Toutes mes excuses. Revenons à la page

  2   15, dernière page du document sur les écrans, dernière page.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le document est signé par le

  4   commandant suprême, M. Karadzic -- ou plutôt, par le Dr Karadzic. Puis en

  5   page 10, je vois qu'à l'époque, j'ai utilisé le terme de prise en étau pour

  6   qualifier l'enclave. J'ai dit que l'enclave était prise dans un étau. C'est

  7   un paragraphe dans lequel j'ai utilisé cette expression où l'on décrit ce

  8   qui est en train de se passer. Même si les événements réels n'ont pas

  9   correspondu en tout point à ce qui est indiqué ici, il apparaît que les

 10   événements continuent sans grand changement pendant le mois de mars et le

 11   mois d'avril et même le reste de l'année.

 12   Et puis, vous m'avez aussi indiqué l'importance de la page 14, où

 13   l'on voit une série d'ordres pour traiter les représentants de la FORPRONU

 14   en tant qu'otages et bouclier.

 15   Puis nous sommes maintenant à la page 14 à l'écran.

 16   On le voit bien ici. Vous étiez obligé de vous restreindre pour dire

 17   les choses clairement étant donné la réduction de l'appui logistique, et

 18   cetera, d'une part, mais dans le même temps, il fallait éviter de se

 19   retrouver dans une situation où l'on risquait d'être attaqué. Donc on se

 20   met à l'abri derrière la FORPRONU d'une part, et on exerce un contrôle sur

 21   la FORPRONU d'autre part.

 22   Q.  Je vous ai déjà interrogé au sujet de la nature des rapports existant

 23   entre les structures politiques et militaires, et au sujet de la nature du

 24   commandement et du contrôle exercé au sein de l'armée des Serbes de Bosnie.

 25   J'aimerais que nous revenions rapidement sur quelques documents avant la

 26   pause, dont le premier est le document 65 ter numéro 03993.

 27   Général, c'est un document qui porte la date du 31 mars 1995. Nous voyons

 28   la mention, très urgent, c'est un document qui est adressé au commandement


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  1   d'un certain nombre de corps d'armée où il est question d'une directive

  2   pour la suite des Opérations numéro 7.

  3   Si l'on poursuit la lecture, jusqu'au bas de la page et dans la page

  4   suivante dont je demande l'affichage à l'écran, on constate qu'on y voie

  5   une description des missions confiées à l'ARSK.

  6   Page suivante à l'écran, je vous prie. Avançons rapidement dans le document

  7   afin d'arriver à la page où se trouvent les signatures.

  8   Bien. Alors en rapport avec ce document, j'aimerais également vous montrer

  9   le document 65 ter numéro 18968 à présent. Ce document  date également du

 10   31 mars 1995, il confirme réception du document que nous venons de voir.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Général, pourriez-vous nous dire quelle est la nature exacte de ces

 13   deux documents : le premier qui est signé par le général Mladic, où il est

 14   fait état de la directive 7 qui existe déjà, ainsi que la nature du

 15   document suivant qui accuse réception du précédent et qui est signé par

 16   Zivanovic, adressé à l'état-major principal donc où il est question de la

 17   directive du 31 mars donnée par Mladic ?

 18   R.  Si je comprends bien les choses, les trois documents que nous venons de

 19   voir dénotent la direction politique qui s'effectue en parallèle avec la

 20   direction militaire de la situation. Ces deux directions s'exerçant à tous

 21   les niveaux hiérarchiques de la chaîne de commandement militaire. Dans ce

 22   cas précis, nous sommes au niveau du Corps de la Drina qui reçoit son

 23   propre exemplaire du document, et je reconnais dans celui-ci un certain

 24   nombre de passages tirés du premier document -- ou plutôt, du deuxième

 25   document que nous avons vu où l'on décrit les intentions qui sont nourries,

 26   et cetera.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

 28   au dossier de ces deux documents.


Page 11324

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ils sont admis.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ils deviennent les pièces à conviction

  3   P2246 et P2247, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je remarque l'heure. Il

  5   serait sans doute plus prudent de faire la pause avant de passer à un

  6   document suivant.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Nous allons faire la pause pendant

  8   une demi heure. Nous reprendrons nos débats à 11 heures.

  9   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

 10   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Q.  Général, par rapport à des commentaires que vous avez faits

 14   précédemment en ce qui concerne les ordres qui partaient d'en haut et qui

 15   redescendaient, et puis des rapports qui venaient de la base et qui

 16   arrivaient jusqu'au sommet, je voudrais vous présenter une série de

 17   documents, et vous poser des questions à leur sujet. Je pense que ce serait

 18   préférable de vous les présenter les uns après les autres, avant de vous

 19   demander de faire des commentaires.

 20   Donc je voudrais qu'on commence par le document de la liste 65 ter 01326,

 21   s'il vous plaît.

 22   Bon, celui-là ne s'affiche pas. On va essayer plutôt le document 19008.

 23   Général, il s'agit d'un document qui porte la date du 26 mars 1995, signé

 24   par M. Karadzic, et comme nous le voyons, il donne l'ordre de "la

 25   mobilisation de toutes les ressources humaines et en matériel de la

 26   Republika Srpska afin de vaincre l'ennemi."

 27   Est-ce qu'on peut maintenant passer au document qui porte la cote 06315, ou

 28   la référence 65 ter 06315. Donc je répète, 06315. Il s'agit donc d'un


Page 11325

  1   document du 28 mars 1995, donnant l'ordre de la mobilisation de toutes les

  2   ressources humaines et en matériel de Republika Srpska, avec comme objectif

  3   de mettre en défaite l'ennemi, et d'écraser l'ennemi.

  4   On peut passer à la page suivante. Vous voyez qu'il y a la signature du

  5   général Mladic.

  6   Document de la liste 65 ter suivant, avec la référence 13449. Il

  7   s'agit d'un document qui a deux dates, 27 mars et 28 mars 1995 : 

  8   "Nous avons reçu ce document de l'état-major général…," c'est ce que

  9   l'on voit en bas de la première page, et ensuite, vous voyez qu'il y a un

 10   ordre émanant du commandant, et ce document reprend l'ordre de mobilisation

 11   signé par le Dr Karadzic, et en bas, il est mentionné :

 12   "Les commandes et les unités du Corps de la Drina devront continuer à

 13   mener à bien des missions de combat tel que précisé dans les ordres

 14   précédemment reçus et organiseront l'admission et la ventilation vers les

 15   différentes unités des hommes qui auront été mobilisés."

 16   Vous voyez que c'est signé par le général Milenko Zivanovic.

 17   Enfin, document de la liste 65 ter 13439, il émane du commandement de

 18   la 1ère Brigade d'Infanterie légère de Podrinje, et fait référence à un

 19   ordre du président de la Republika Srpska sur la mobilisation de toutes les

 20   ressources humaines et en matériel, et cetera, et cetera. Il est mentionné

 21   que :

 22   "Par le biais du commandement du Corps de la Drina, nous avons reçu

 23   un ordre du président de la Republika Srpska, le Dr Radovan Karadzic…"

 24   On voit également le contenu de l'ordre, c'est-à-dire, dans le premier

 25   paragraphe :

 26   "J'ordonne par la présente la mobilisation de toutes les forces …"

 27   Ceci est signé par le commandant Rajko Kusic.

 28   Général, après avoir pris connaissance de ces documents, est-ce que vous


Page 11326

  1   pourriez nous dire si cela correspond à vos observations et aux liens entre

  2   les autorités politiques et militaires, ainsi que les structures de

  3   commandement, de contrôle de la VRS, est-ce que cela correspond également à

  4   ce que vous avez observé au niveau des mouvements visant à mettre en œuvre

  5   -- à mener à bien les intentions par le biais de moyens militaires, en 1995

  6   ?

  7   R.  C'est un bon exemple de ce que j'ai déjà mentionné, à savoir le fait

  8   que les instances militaires et politiques allaient de pair. Même si je ne

  9   savais pas que cela se passait ainsi à l'époque, on voit bien que le

 10   message politique était repris à différents niveaux de commandement, et

 11   ceci, de manière simultanée, et cela signifie également, bien sûr, qu'ils

 12   étaient informés directement du contexte politique des actions militaires,

 13   et ceci, tout le long de la chaîne de commandement militaire. Si vous

 14   voulez, tout ceci se répercutait dans les différents niveaux de la chaîne

 15   de commandement.

 16   Vous voyez ici ce que j'ai mentionné rapidement précédemment, à

 17   savoir qu'ils étaient arrivés à une décision au moment de la réunion à

 18   Jahorina, c'est-à-dire un mois avant ce document, et vous voyez donc qu'ils

 19   voulaient être tout à fait prêts.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais verser ces pièces au dossier.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser ces quatre documents.

 22   Je me demande s'il n'y a pas une copie au niveau des dates. J'aimerais

 23   savoir comment le document du Corps de la Drina pourrait porter la date du

 24   27 alors que le document de l'état-major général porte la date du 28. J'ai

 25   vérifié la version en B/C/S et il semble que la date exacte soit le 26.

 26   Est-ce que vous pourriez vérifier cela ?

 27   M. TIEGER : [interprétation] Oui, bien sûr.

 28   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]


Page 11327

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ces quatre documents recevront les cotes

  2   allant de P2248 à P2251.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais vous montrer trois autres

  4   documents. Tout d'abord, le document de la liste 65 ter 8961.

  5   Non, ce n'est pas le bon document. Est-ce qu'on pourrait enlever ce

  6   document de l'écran, s'il vous plaît ?

  7   Il s'agit en fait du document 18961. Merci, Monsieur le Greffier

  8   d'audience.

  9   Q.  Général, il s'agit d'un document du 29 mars 1995. C'est un ordre qui

 10   émane du président de la république, à savoir le Dr Karadzic. Cet ordre

 11   parle de l'établissement d'embuscades le long des axes de retrait

 12   potentiels des unités, et d'augmenter le nombre de patrouilles dans les

 13   zones susmentionnées.

 14   Est-ce que l'on pourrait maintenant passer au document de la liste 65 ter

 15   07004 ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 17   Juges, est-ce que je pourrais faire un commentaire, s'il vous plaît ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois dire que c'est un témoignage d'expert

 20   et non une déposition d'un témoin de fait. Donc j'espère que -- si les

 21   Juges de la Chambre permettent cela, j'espère qu'ils nous le permettront

 22   aussi, parce que le témoin ne connaît pas effectivement ces documents. De

 23   plus, il en fait une interprétation ad hoc et M. Tieger pose des questions

 24   qui sont à la limite des questions directrices. Et le témoin parle d'un

 25   document qu'il ne connaissait pas.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas d'accord, Monsieur

 27   Karadzic. Le témoin était commandant de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine à

 28   l'époque, et il fait une déposition en vous donnant son interprétation


Page 11328

  1   compte tenu des connaissances qu'il a.

  2   Veuillez continuer, Monsieur Tieger.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Q.  Ce document, Général, porte la date du 30 mars 1995, et si l'on descend

  5   jusqu'aux questions concernant les différents commandements du Corps de la

  6   Drina, on voit que l'ordre que nous avons vu précédemment est également

  7   mentionné, et il y a des références ensuite qui mentionnent, encore une

  8   fois, l'ordre en question.

  9   Est-ce que l'on pourrait maintenant passer au document de la liste 65 ter

 10   08162 ?

 11   Je crois que nous avons déjà vu cet ordre qui émanait du commandement du

 12   Corps de la Drina. Il porte la date du 30 mars 1995.

 13   Est-ce qu'on peut passer à la page suivante, s'il vous plaît ?

 14   Vous voyez qu'en haut de la page l'ordre du président du 29 mars 1995 est

 15   mentionné, et cet ordre, notamment au paragraphe 2, parle de

 16   l'établissement d'embuscades dans des secteurs qui sont mentionnés au

 17   paragraphe 2.

 18   Donc, Général, j'aimerais savoir si ces ordres correspondent à votre

 19   observation des liens entre les structures militaires et politiques et la

 20   structure de commandement et de contrôle.

 21   R.  Oui. Comme vous pouvez le voir, le premier est en fait à l'attention du

 22   ministère de l'Intérieur, et vous voyez également qu'il faut qu'il y ait

 23   une liaison qui soit établie au premier niveau, en dessous de celui

 24   mentionné ici, c'est-à-dire lorsqu'on redescend dans la chaîne de

 25   commandement au niveau des ordres militaires.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais verser ces

 27   documents.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.


Page 11329

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ces documents recevront les cotes allant

  2   de P2252 à 2254.

  3   M. TIEGER : [interprétation]

  4   Q.  Général, j'aimerais revenir à certaines réunions qui ont eu lieu durant

  5   cette période.

  6   Je voudrais demander qu'on affiche à l'écran le document de la liste 65 ter

  7   13126.

  8   Peut-on passer à la page suivante, s'il vous plaît ?

  9   Il s'agit d'une réunion avec des responsables du gouvernement de Bosnie. Je

 10   ne pense pas qu'il y ait une signature en bas de la page, mais je voulais

 11   savoir si vous saviez qui utilisait la première personne du singulier ici.

 12   Est-ce que l'on peut aller jusqu'à la fin de cette page, la page 3, voilà ?

 13   Je vous demande maintenant de revenir à la page précédente. Désolé, je

 14   voulais dire la première page.

 15   Tout d'abord, concernant le premier paragraphe, et au vu de la date de la

 16   réunion et n'hésitez pas à consulter d'autres parties du document pour

 17   pouvoir répondre à cette question ou à répondre à d'autres questions que je

 18   vais vous poser. Il est mentionné que l'auteur de cette note a rencontré le

 19   ministre Muratovic et le général Delic et était accompagné du commandant de

 20   la force, et cetera, et que son arrivée à Sarajevo a été perturbée par ce

 21   qui semblerait avoir été deux jeunes filles qui ont été tuées, et puis la

 22   fermeture des routes bleues qui permettaient d'aller à l'aéroport de

 23   Sarajevo, et cetera, et le fait que son avion avait été touché par des feux

 24   de mitraillettes après avoir atterri a Sarajevo. L'objectif de cette

 25   réunion était lié donc à l'accord sur la cessation des hostilités. Il avait

 26   l'intention de se rendre le lendemain à Pale à l'instar des autorités

 27   serbes de Bosnie.

 28   Est-ce que vous savez à quoi il fait référence ?


Page 11330

  1   R.  Je crois que cette première personne du singulier, c'est M. Akashi, ce

  2   n'est certainement pas moi, parce que je suis le commandant du commandement

  3   de Bosnie-Herzégovine. Donc je pense qu'il s'agit de M. Akashi. Il devait

  4   donc faire référence à son avion, parce que c'est lui qui a -- c'est son

  5   avion qui a été touché, et nous étions tous à bord de cet avion lorsqu'il a

  6   été touché par des feux de mitraillette cet après-midi-là.

  7   Q.  Etant donné que cet incident est survenu et a permis d'identifier qui

  8   est l'auteur de ce document, est-ce que vous pouvez nous dire rapidement de

  9   quel incident il s'agissait, c'est-à-dire lorsque l'avion à bord duquel se

 10   trouvait M. Akashi a été pris à partie ?

 11   R.  Ces tirs venaient des Serbes de Bosnie. Je me souviens que Mladic l'a

 12   imputé aux Serbes de Bosnie par la suite. Autant que je me souvienne, nous

 13   étions en phase d'atterrir, en phase d'atterrissage donc, et nous n'étions

 14   donc pas encore au sol lorsque des tirs ont retenti. C'était à l'arrière de

 15   l'avion, en fait, une balle s'est retrouvée dans un des bagages d'un des

 16   passagers.

 17   Q.  Au paragraphe 2, il est mentionné "le bombardement de Sarajevo la nuit

 18   précédente."

 19   Est-ce qu'on pourrait ensuite passer au paragraphe 4, s'il vous plaît ?

 20   Nous voyons ici qu'il est mentionné que ces deux jeunes filles ont été

 21   tuées, incident mentionné précédemment dans le document. On voit également

 22   un peu plus bas dans le paragraphe qu'une conférence de presse :

 23   "G" [comme interprété], c'est-à-dire M. Akashi a condamné cet

 24   incident de bombardement et je suis arrivé à convaincre le ministre

 25   Muratovic de condamner le fait que ces deux jeunes filles avaient été

 26   tuées."

 27   Il y a également une référence à la fermeture et à une réouverture

 28   espérée de ces routes bleues.


Page 11331

  1   Est-ce que vous vous souvenez de ces incidents de tirs embusqués et

  2   de bombardement qui sont mentionnés dans ce document ou est-ce que vous

  3   vous souvenez que de manière il y avait des tirs embusqués, il y avait des

  4   bombardements qui touchaient Sarajevo durant cette période ?

  5   R.  Dans une question précédente, vous m'avez posé la question

  6   concernant des tirs embusqués en février. Il y a une recrudescence des

  7   incidents de bombardement et de tirs embusqués, et ceci a continué. J'ai

  8   oublié la date de cette réunion, mais ceci se passait soit à la fin soit au

  9   milieu du mois de mars, d'après ce dont je me souviens de la première page

 10   de ce document. Il y a eu cet incident où ces deux jeunes filles ont été

 11   tuées par des tireurs embusqués, et très rapidement après cela, si je me

 12   souviens bien, les routes bleues ont été fermées et on observé une

 13   recrudescence de bombardement. C'est ce qui est mentionné dans ce document.

 14   Q.  Pour que tout ceci soit bien clair, les deux jeunes filles, qui

 15   ont été tuées par des tireurs embusqués, est-ce qu'il s'agissait de

 16   victimes serbes de Bosnie ou musulmanes ?

 17   R.  Les victimes étaient des Serbes de Bosnie.

 18   Q.  Lorsque vous faites référence aux routes bleues qui avaient été fermées

 19   et une recrudescence des bombardements, qui a fermé les routes bleues et

 20   qui a été à l'origine de la recrudescence des bombardements ?

 21   R.  Les Serbes de Bosnie en réaction ont fermé les routes bleues, et ont

 22   augmenté les bombardements.

 23   Q.  Est-ce que ces bombardements portaient sur des cibles militaires ou des

 24   zones civiles ?

 25   R.  Un petit peu des deux, si je me souviens bien.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 27   Juges, j'aimerais verser cette pièce au dossier.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. 


Page 11332

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2255.

  2   M. TIEGER : [interprétation]

  3   Q.  Général, je voudrais plus de précision --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de poursuivre, Général, est-ce que

  5   vous connaissez la nature de ce document ?

  6   Est-ce qu'on pourrait voir la première page du document.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne suis pas en mesure de vous le dire,

  8   non.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans la version du prétoire

 10   électronique, est-ce que nous avons une autre page, puisqu'il s'agit en

 11   fait de la page 2 d'un document de trois pages -- d'un document de huit

 12   pages ?

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je pense que la page de couverture est

 14   manquante.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc c'était une sorte d'échange de

 16   correspondance, parce que ça ressemblait à une lettre. Est-ce que l'on

 17   pourrait voir la page précédente. D'accord, très bien, vous pourrez

 18   continuer. De toute façon le témoin nous a dit qu'il ne pouvait pas

 19   vraiment éclairer notre lanterne.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Si je peux vous aider, Monsieur le Président,

 21   nous avons reçu ce document avec une page de couverture qui était en fait

 22   une page générique mais qui n'était pas une page de couverture qui était à

 23   proprement parler lier à ce document.

 24   Q.  Général, vous avez parlé que, de manière générale, il y avait une

 25   recrudescence des incidents de bombardement et des tirs embusqués durant

 26   cette période. Je voulais vous demander tout d'abord : quel était

 27   l'objectif de prendre à partie tant des objectifs civils que militaires et

 28   quel était l'objectif d'augmenter les incidents de tirs embusqués et de


Page 11333

  1   bombardement, qui était engagé dans ces activités en recrudescence ?

  2   R.  Je fais référence à Sarajevo ici. Je m'en souviens un peu mieux, parce

  3   que j'étais basé moi-même à Sarajevo, tout simplement. Que l'on parle des

  4   tirs embusqués ou des bombardements, il y avait deux catégories

  5   d'incidents. Il y avait ceux qui -- le fait qu'ils étaient -- qu'ils se

  6   produisaient à un endroit bien donné compte tenu de la cible, ils se

  7   trouvaient à proximité de la ligne de confrontation ou de la ligne de

  8   front. Puis il y avait ceux qui se produisaient le long de certaines

  9   artères, comme par exemple, ceux que l'on appelait à Sarajevo l'allée des

 10   tirs embusqués, et dans ces artères, il y avait beaucoup de mouvements de

 11   civils, et une partie de ces artères était exposée à la ligne de

 12   confrontation. Il y avait donc des incidents de tirs embusqués à ces

 13   endroits, et je me souviens qu'un soldat a été tué alors qu'il essayait de

 14   mettre des conteneurs qui permettaient de faire écran pour que ces artères

 15   ou ces parties de ces artères ne soient pas en ligne de portée optique par

 16   rapport à la ligne de confrontation. Les bombardements avaient lieu et

 17   pouvaient donc être classés en deux catégories ou deux groupes d'incidents.

 18   Il y avait donc ceux qui étaient liés à la ligne de confrontation, et puis

 19   il y avait ceux qui étaient plus dans des secteurs arrière, c'est-à-dire

 20   qui se produisaient dans des secteurs où il y avait une population civile.

 21   Il semblait -- tout du moins, il semblait que cela se produisait de manière

 22   aléatoire et intermittente.

 23   Q.  Merci. Les bombardements des zones peuplées de civils étaient le fait

 24   de qui ?

 25   R.  Le gros des bombardements en question, qui étaient des pilonnages et

 26   des tirs d'artillerie visait l'intérieur de la ville de Sarajevo, et plus

 27   précisément des parties de Sarajevo tenues par les Bosniens. Les tirs

 28   étaient dus aux Serbes de Bosnie.


Page 11334

  1   Q.  Pendant que vous étiez commandant sur place, avez-vous été en mesure de

  2   déterminer quelle était la finalité de ces tirs visant des zones peuplées

  3   de civils ?

  4   R.  Ce qui m'a semblé pouvoir être la finalité de cela, c'était de harceler

  5   la population en général. Il n'y avait pas de cible précise, spécifique, et

  6   ces événements semblaient s'enchaîner au hasard, sans que l'on puisse,

  7   d'aucune manière, les relier entre eux, ni les relier à d'autres événements

  8   qui pouvaient s'être produits sur le terrain.

  9   Q.  Ce caractère aléatoire que vous évoquez, a-t-il -- quel effet a-t-il eu

 10   -- est-ce que cela a plutôt -- par rapport à la tentative de harceler la

 11   population, est-ce que c'est quelque chose qui allait dans ce sens-là ?

 12   R.  Pour utiliser un euphémisme, il était extrêmement éprouvant de vivre

 13   dans des zones où vous ne saviez pas où et quand le prochain obus allait

 14   tomber. Et donc, on passait tout son temps à attendre l'impact suivant.

 15   C'est quelque chose d'épuisant.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Pourrions-nous avoir maintenant le document

 17   13126 de la liste 65 ter. Alors ceci a trait aux réunions que nous avons

 18   déjà évoquées précédemment, les réunions tenues avec les représentants des

 19   Serbes de Bosnie.

 20   Pouvons-nous avoir la page suivante, s'il vous plaît, et faire défiler vers

 21   le bas, et je voudrais la suite, s'il vous plaît.

 22   Q.  Général, nous voyons ici qu'il s'agit d'une réunion du 14 mars 1995. Il

 23   est indiqué que M. Akashi s'est rendu à Pale, où il a rencontré des

 24   dirigeants serbes de Bosnie, y compris le Dr Karadzic, le général Mladic,

 25   M. Krajisnik et le Pr Koljevic; encore une fois, il était accompagné, M.

 26   Akashi, donc, par le commandant de ces forces, ainsi que son représentant

 27   en Bosnie. Au début, il est fait état de l'humeur assez combative de la

 28   direction serbe.


Page 11335

  1   Je voudrais ensuite qu'on passe au paragraphe 6.

  2   Il est ici question de la liberté de mouvement, notamment du point de vue

  3   de la livraison de l'aide humanitaire, du passage du convoi, le général

  4   Mladic insiste sur une parité absolue entre ce qui est livré, d'une part,

  5   aux Serbes de Bosnie, et ce qui est livré, d'autre part, aux enclaves; les

  6   sanctions sont également évoquées. Enfin, vers la fin du paragraphe, on

  7   retrouve le sujet des routes bleues, il est également abordé, et M.

  8   Karadzic informe M. Akashi que ses propres autorités avaient préalablement

  9   communiqué avec le gouvernement bosnien en indiquant à ce dernier la

 10   position serbe qui consistait à dire que les routes seraient bloquées,

 11   fermées pendant un mois pour chaque serbe tué par un tireur embusqué dans

 12   la zone de Sarajevo, et c'est là une position dont il a été impossible de

 13   les dissuader.

 14   Général, pourriez-vous commenter cette réunion particulière, et où elle se

 15   situe par rapport à ces questions de l'assistance humanitaire de la liberté

 16   de circulation et des objectifs généraux que vous avez évoqués ?

 17   R.  Cette réunion s'insère dans toute une série de réunions, comme vous

 18   avez pu le voir, entre M. Akashi et ses interlocuteurs, réunion qui a donné

 19   lieu à un certain nombre de réunions ultérieures, donc visant à essayer de

 20   se replacer dans le cadre de l'accord de cessation des hostilités. Mais à

 21   chaque fois, nous étions ramenés aux détails spécifiques de telle ou telle

 22   situation. Donc, par exemple, on passe des routes bleues entourant Sarajevo

 23   au sujet de Bihac et à certains détails particuliers concernant ce

 24   problème-là, plutôt que de se pencher sur l'accord de cessation des

 25   hostilités dans son ensemble.

 26   La tentative particulière, qui a été la nôtre, a consisté à essayer

 27   de mettre en place cette Commission conjointe et de la rendre

 28   opérationnelle, de façon à ce que tous ces problèmes particuliers et ces


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  1   incidents spécifiques puissent être examinés par cette Commission

  2   conjointe, plutôt que d'empêcher d'avancer sur le terrain de cet accord de

  3   cessation des hostilités. Nous étions également confrontés, de façon

  4   continuelle, à des exigences consistant à dire :

  5   "Eh bien, si X reçoit telle ou telle chose, je dois, moi aussi,

  6   recevoir la même chose et dans les mêmes quantités."

  7   Q.  Est-ce que la fermeture des routes bleues qu'évoque M. Karadzic,

  8   fermeture qui a été décidé en réponse au décès d'un Serbe suite à un tir

  9   embusqué, vous indique quoi que ce soit quant au niveau d'information qui

 10   était celui de la direction politique et militaire concernant les

 11   événements dans la zone de Sarajevo ?

 12   R.  Oui. En fait, c'était le résultat de la mort de ces deux jeunes filles,

 13   de ces deux fillettes, qui était devenu un problème politique en quelque

 14   sorte. C'était un événement traumatisant, un choc, et je n'ai pas été

 15   surpris à l'évocation de la fermeture des routes bleues. Toute ceci était

 16   lié à ces tirs embusqués qui avaient tué ces deux fillettes.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Alors, sur ce même sujet, je voudrais

 18   maintenant que l'on examine le document P879, qui est le premier d'une

 19   série de deux documents. Alors il s'agit d'un document émanant de l'état-

 20   major général de la VRS. Il est daté du 11 mars.

 21   Je voudrais que nous avancions jusqu'à la page suivante, s'il vous plaît,

 22   afin d'examiner le paragraphe numéro 6. C'est encore d'une page qu'il faut

 23   avancer.

 24   Vous voyez donc ce paragraphe, c'est le paragraphe qui figure au chiffre

 25   romain (II), situation dans le territoire, je cite :

 26   "En raison des tirs embusqués et de la mort de deux fillettes, tout

 27   mouvement des organisations militaires et de convois est interdit jusqu'à

 28   nouvel ordre."


Page 11337

  1   Pouvons-nous maintenant passer au document 12301 de la liste 65 ter, s'il

  2   vous plaît ? Il s'agit d'un document du commandement du Corps de Sarajevo-

  3   Romanija, daté du 12 mars 1995.

  4   Passons au troisième paragraphe.

  5   Encore une fois, situation dans le territoire, je cite l'ordre portant sur

  6   la fermeture, je cite : 

  7   "…des routes bleues, fermeture dès mi-mai a été remis aux unités et est

  8   exécuté."

  9   Q.  Alors, Général, ces deux documents corroborent-ils vos propres

 10   observations à l'époque ?

 11   R.  Oui.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais demander le versement du deuxième

 13   document, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P2256, Madame et

 16   Messieurs les Juges.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous maintenant passer au document

 18   10616 de la liste 65 ter, s'il vous plaît ? Il s'agit d'un rapport

 19   hebdomadaire couvrant la période qui s'étend du 12 au 18 mars 1995.

 20   Je voudrais que nous passions au paragraphe numéro 3. Il y est dit,

 21   je cite :

 22   "Les dirigeants bosno-serbes, y compris Karadzic et Mladic, lors de leur

 23   rencontre avec M. Akashi à Pale le 12 mars, ont également fait savoir très

 24   clairement l'intention qui était la leur de poursuivre la réalisation de

 25   leurs objectifs par des moyens militaires s'ils n'étaient pas en mesure de

 26   les atteindre à la table des négociations. Compte tenu des récentes

 27   évolutions, il n'y a pas de raison de croire que les Serbes se sont le

 28   moins du monde rapprochés d'une possibilité d'atteindre leurs objectifs par


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  1   l'intermédiaire de négociations."

  2   Pourrions-nous maintenant passer au paragraphe numéro 7 rapidement ? Il y

  3   est question de la fermeture des routes bleues. Les Serbes de Bosnie ont

  4   déclaré qu'ils maintiendraient la fermeture de ces routes. Ils se sont

  5   promis de les maintenir fermées et de les bloquer, en raison des tirs

  6   embusqués.

  7   Ensuite, passons au paragraphe numéro 10, qui indique, je cite :

  8   "La situation dans les enclaves orientales ne s'est pas améliorée. La

  9   FORPRONU rencontre des difficultés très importantes pour obtenir des

 10   autorisations de passage au bénéfice des convois de réapprovisionnement,

 11   notamment de réapprovisionnement en carburant. Les effectifs de la FORPRONU

 12   à Zepa sont actuellement sans réserve de carburant; ceux de Gorazde et de

 13   Srebrenica sont sur le point de se retrouver sans carburant."

 14   Q.  Alors, Général, excusez-moi d'avancer aussi vite et d'attirer votre

 15   attention sur différents points à la fois, mais d'une façon très générale,

 16   compte tenu des circonstances évoquées dans ce document, ce dernier cadre-

 17   t-il avec la compréhension que vous aviez de la situation à l'époque et les

 18   observations qui étaient les vôtres ?

 19   R.  Oui.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Dans ce cas-là, je voudrais demander le

 21   versement de ce document, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il se voit attribuer la cote P2257,

 24   Madame et Messieurs les Juges.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous passions au

 26   document 01684 de la liste 65 ter.

 27   J'aurais encore quelques autres documents du mois de mars à vous présenter.

 28   C'est là l'un d'entre eux.


Page 11339

  1   Q.  Général, c'est là un document émanant du bureau des affaires civiles,

  2   commandement de Sarajevo, il est daté du 27 mars 1995. Il y est question

  3   d'une réunion tenue à Pale, le 25 mars, à laquelle vous avez participé,

  4   vous et "moi," alors, "moi," je présume que cela se réfère à l'officier en

  5   question, ou à une autre personne évoquée dans le préambule. Donc étaient

  6   également présents Jovan Zametica et le Pr Koljevic. Koljevic a, lors de

  7   cette réunion, déclaré que, je cite :

  8   "L'intention des Serbes était, à présent, de mener à son terme la guerre

  9   par des moyens militaires."

 10   Il y a des éléments supplémentaires, y compris à la fin du second

 11   paragraphe concernant la teneur de cette discussion, donc il y a une

 12   question qui est posée directement, je cite :

 13   "Donc bien que vous souhaitiez obtenir une cessation des hostilités et un

 14   plan de paix, vous souhaitez parvenir à cet objectif de cessation des

 15   hostilités en combattant ?

 16   "Réponse de Koljevic : Oui, exactement.

 17   "Smith : Donc mon rôle et celui d'Enrique sont extrêmement limités. Si je

 18   vous comprends bien, vous vous êtes engagés sur la voie de conclure tout

 19   cela par des combats.

 20   "Koljevic : Oui, tout à fait."

 21   Ensuite, à la fin du paragraphe 3, le Pr Koljevic se réfère à un fait assez

 22   évident d'un point de vue militaire, à savoir que le temps ne joue pas en

 23   faveur des Serbes.

 24   Au paragraphe 4, vous protestez de façon tout à fait officielle et

 25   énergique contre une attaque d'artillerie lancée ce jour-là par l'armée des

 26   Serbes de Bosnie depuis l'intérieur de la zone d'exclusion Gorazde. Il est

 27   indiqué que ceci ne peut absolument pas servir les intérêts des Serbes de

 28   Bosnie, et Koljevic affirme que de son côté, il estime être "le mieux


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  1   informé de ce qui représente leurs intérêts."

  2   Enfin, au paragraphe numéro 5, je cite :

  3   "Une fermeture permanente des routes bleues, suite aux incidents de tirs

  4   embusqués à Sarajevo."

  5   Alors, Général, est-ce que ceci est un résumé exact de cette réunion, est-

  6   ce que vous avez un commentaire supplémentaire quant aux positions de

  7   l'époque, celles du Pr Koljevic ?

  8   R.  Oui, ceci correspond à mes souvenirs. Je crois que c'est au paragraphe

  9   3 que se trouve cela. Lorsque je dis "Enrique et moi," en fait, c'est mes

 10   propos que l'on cite parce qu'il est écrit :

 11   "Enrique et moi, que pouvons-nous faire dans cette situation ?"

 12   Q.  Je crois que c'est dans la page de couverture que l'on voie également

 13   le nom d'Enrique Aguilar [phon], n'est-ce pas ?

 14   R.  Comme je l'ai dit plus tard, c'est à la fin du mois de février, au

 15   début du mois de mars, que je commençais à concevoir cette idée, cette

 16   théorie, au fur et à mesure que les preuves s'accumulaient, à savoir que

 17   c'est bien la direction dans laquelle on s'acheminait, et que les Serbes

 18   étaient déterminés à parvenir à une solution par la force.

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   R.  Si je me rappelle bien, nous venions juste d'assister à deux attaques,

 21   l'une d'elles avait été lancée, si je ne me trompe pas, dans le nord-est,

 22   et l'autre, à l'ouest. Il s'agissait d'attaques d'une assez grande ampleur,

 23   lancées par l'armée bosnienne, qui avaient rencontré là quelque succès face

 24   aux Serbes de Bosnie.

 25   Q.  Merci, Général. Au paragraphe numéro 4, on vous prête les propos

 26   suivants -- vous protestez -- vous dites que des protestations énergiques

 27   et officielles seront formulées suite à une attaque d'artillerie.

 28   Alors, je voudrais maintenant que nous passions rapidement au document


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  1   01326 de la liste 65 ter.

  2   La page de couverture nous indique qu'il s'agit d'un document qui émane de

  3   vous, qui est daté du 25 mars 1995. L'objet est une lettre de protestation

  4   adressée au général Mladic.

  5   Pourrions-nous passer à la page suivante, s'il vous plaît ?

  6   Vous écrivez pour faire état de votre préoccupation extrême quant aux

  7   agissements de votre armée, celle du général Mladic donc, cet après-midi;

  8   ensuite, il est question d'un incident survenu à Gorazde, des rapports

  9   préliminaires indiquent que sept civils ont été grièvement blessés. Il est

 10   fait état de plusieurs attaques lancées simultanément dans les environs de

 11   Mostar, lors desquelles six civils supplémentaires ont été blessés et un

 12   enfant a été tué.

 13   Une copie est envoyée au Pr Koljevic. Alors cette lettre de protestation

 14   est-elle bien celle à laquelle il est fait référence dans le document

 15   précédent que nous avons examiné ?

 16   R.  Oui.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais, dans ce cas-là, en demander le

 18   versement.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit. Avons-nous déjà versé le document

 20   précédent, cependant ?

 21   M. TIEGER : [interprétation] Dans ce cas-là, je voudrais demander le

 22   versement des deux, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Les documents reçoivent les cotes

 25   respectives P2258 et P2259, Madame et Messieurs les Juges.

 26   M. TIEGER : [interprétation]

 27   Q.  Général, on arrive au mois d'avril, cette période est-elle marquée par

 28   une amélioration ou par une détérioration de la situation ?


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  1   R.  La situation n'a cessé de se détériorer.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous passer au document 01327 de la

  3   liste 65 ter ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous ai laissé faire, Monsieur

  5   Tieger, mais vous vous êtes déjà référé à cette théorie un certain nombre

  6   de fois. Est-ce que vous allez y revenir -- est-ce que vous allez

  7   développer ceci ?

  8   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez tout à fait

  9   raison. Je pense que le meilleur moment aurait été de le faire au moment où

 10   cela a été soulevé. Donc je serai tout à fait heureux de demander au

 11   général de vous expliquer de quoi il s'agit.

 12   Général, vous avez entendu la question du Président; excusez-moi de ne pas

 13   vous avoir demandé de nous expliquer ceci précédemment.

 14   R.  En tant que commandant, j'avais l'habitude, lorsque je faisais face à

 15   des circonstances marquées par un degré d'incertitude important et afin de

 16   me concentrer sur la collecte d'information permettant de mieux comprendre

 17   les questions auxquelles il convenait de répondre, de procéder sur la base

 18   d'une hypothèse, de collecter ensuite des informations, parvenir à une

 19   série de théories explicatives qui ensuite étaient mises à l'épreuve des

 20   faits. Si d'autres faits, événements venaient renforcer mon idée, elle s'en

 21   trouvait renforcée. Si en revanche les faits venaient contredire cette

 22   théorie, il convenait de procéder à une nouvelle analyse.

 23   Pendant mes quatre à six premières semaines en poste, l'utilisation de

 24   cette méthode m'a conduit à considérer que les deux parties étaient à la

 25   recherche d'une solution militaire.

 26   Peut-être conviendra-t-il d'expliquer un peu mieux pourquoi j'ai procédé

 27   ainsi. En tant que commandant des Nations Unies qui se trouvait interposé,

 28   j'ai procédé de cette façon pour mieux comprendre le contexte des


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  1   événements dans lesquels je me trouvais plongé. C'était la raison pour

  2   laquelle je souhaitais parvenir à une explication cohérente sur la base de

  3   l'hypothèse initialement formulée. La conclusion à laquelle nous sommes

  4   parvenus c'est que des deux côtés, tant du côté de la Fédération que des

  5   Bosno-serbes, on s'efforçait de résoudre les problèmes par le recours à la

  6   force et non pas par négociation.

  7   Les arguments purement militaires en faveur de cette idée étaient notamment

  8   que les Bosniens représentaient une majorité tellement importante de la

  9   population alors qu'ils se trouvaient simultanément réduits dans des zones

 10   si petites du territoire, que l'on pouvait observer chez eux une

 11   réorganisation, une redistribution de leurs armes. Ils disposaient en outre

 12   de l'avantage numérique. En revanche, les Serbes de Bosnie avaient étendu à

 13   ce point leur territoire et disposaient d'une population à tel point

 14   clairsemée qu'il n'était pas en mesure de défendre ni de tenir les

 15   territoires qu'ils avaient conquis. Ils ne semblaient pas disposés ni ne

 16   donnaient la moindre indication pouvant laisser penser qu'ils seraient

 17   disposés à négocier en proposant des territoires en échange de concession,

 18   en retour. Donc j'ai procédé par déduction et j'ai compris que les Serbes

 19   de Bosnie allaient s'appuyer sur leur puissance de feu plutôt que sur un

 20   avantage numérique qui n'existait pas de leur côté. Ce qui impliquait de

 21   faire, de procéder à une rotation des effectifs. Alors que du côté des

 22   Bosniens et de la Fédération où existait un avantage numérique, il y avait

 23   une probabilité bien plus importante que l'on passe à l'offensive. C'est

 24   sur cette base et sur cette hypothèse que je me suis efforcé de comprendre

 25   ce qui se passait, que j'ai rédigé ce que j'ai pu rédiger au mois de mars.

 26   Les événements qui se sont produits pendant le mois de mars tels que ceux

 27   qui ont été présentés à travers certains des documents, sont venus

 28   conforter cette théorie. Les événements survenus des deux côtés.


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  1   Alors est-ce que c'était là une explication suffisante ? Est-ce que vous

  2   souhaitez que je développe davantage ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Je laisse à M. Tieger de décider.

  4   M. TIEGER : [interprétation]

  5   Q.  Je ne veux pas m'approprier des questions les Juges de la Chambre, et

  6   pour être plus précis, concernant cette thèse que vous venez de développer,

  7   quelles sont les conclusions que vous en avez tirées en ce qui concerne les

  8   enclaves et ou Sarajevo ?

  9   R.  Comme on l'a déjà montré, les enclaves avaient pour objectif d'exercer

 10   une pression sur les Nations Unies, et des Bosniaques dans les forces qui

 11   étaient dans les enclaves. Du point de vue des Serbes de Bosnie, selon moi,

 12   c'était lié au fait qu'il n'y avait pas suffisamment de troupes. Etant

 13   donné que ces enclaves, et je fais référence à Srebrenica, Zepa et Gorazde,

 14   elles se trouvaient dans des zones arrières, et par conséquent, ils

 15   n'avaient pas suffisamment de troupes pour contenir ces enclaves. Ces

 16   troupes avaient un meilleur usage sur les lignes de front en position de

 17   défense contre des attaques plus importantes et plus menaçantes par les

 18   forces de l'armée de la Fédération et des forces bosniaques. Ce n'est pas

 19   pour cela que j'ai parlé du fait qu'elles allaient être rétrécies si l'on

 20   peut dire, mais c'était simplement qu'il fallait qu'elles soient réduites

 21   en taille et en importance de façon à utiliser moins de force pour en

 22   assurer le contrôle et pour pouvoir redéployer des forces à des fins

 23   d'autres activités.

 24   Q.  Général, après avoir mentionné une détérioration supplémentaire de la

 25   situation en avril, j'avais attiré votre attention sur ce document qui

 26   porte la date du 5 avril 1995, et qui fait référence à une réunion qui

 27   s'est tenue entre vous et le Dr Karadzic, le 5 avril 1995 également.

 28   Le début de la synthèse de ce document stipule que cette réunion a eu lieu


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  1   ce jour-là, c'est-à-dire le 5 avril dans un hôtel à proximité de Pale, que

  2   c'était donc une réunion secrète qui s'est tenue en privé, qu'il y avait

  3   très peu de participants :

  4   "Il y avait en fait un assistant par parti concerné, et le Dr Zametica

  5   accompagnait le Dr Karadzic."

  6   Qui était le Dr Zametica ?

  7   R.  Autant que je me souvienne, c'était un conseiller ou un porte-parole du

  8   président, Dr Karadzic donc.

  9   Q.  Dans le deuxième paragraphe, on parle des aspects généraux qui ont été

 10   abordés durant cette réunion, et je voudrais aborder quelques points plus

 11   précis qui sont mentionnés dans le paragraphe 3. Là, on voit que la

 12   situation à l'époque a été abordée, et vous avez mentionné que vous aviez

 13   des préoccupations très importantes concernant certaines actions qui

 14   étaient imputables à l'armée des Serbes de Bosnie. Vous avez parlé

 15   également d'un nombre plus important d'attaques contre les zones de

 16   sécurité et également des violations des zones d'exclusion totale en

 17   ciblant directement donc le personnel de la FORPRONU, et également le fait

 18   que les convois d'aide humanitaire avaient été perturbés dans leur

 19   mouvement tout particulièrement à Sarajevo, et que de manière collective,

 20   ces actions créent un climat de tension accrue et qu'à terme, vous seriez

 21   obligé de répondre par des frappes aériennes de l'OTAN et que ceci n'était

 22   pas dans l'intérêt des Serbes de Bosnie.

 23   Ensuite vous mentionnez que le Dr Karadzic avait mentionné qu'il souhaitait

 24   une contre-offensive et il voulait également qu'il y ait des zones de

 25   confrontation, qui soient très clairement définies.

 26   Ensuite des discussions, qui sont reprises dans le paragraphe 4, à la page

 27   suivante, où vous expliquez qu'en tant que commandant de l'OTAN, vous devez

 28   vous assurer que les mandats et les zones de sécurité sont respectés.


Page 11346

  1   Ensuite il y a une discussion sur les zones de sécurité, et puis il y a

  2   d'autres discussions qui sont reprises dans les paragraphes suivants,

  3   c'est-à-dire les liens entre Pale et Knin, le mandat des Nations Unies pour

  4   la Bosnie, la solution politique envisagée, la cessation des hostilités, et

  5   cetera, et cetera.

  6   Puis au paragraphe 10, il y a également -- je vous prie de m'excuser, au

  7   paragraphe 9, au petit (b), il est mentionné la réponse que prévoie faire

  8   le Dr Karadzic si les Musulmans lancent une offensive.

  9   Au paragraphe 10, il est mentionné que le Dr Karadzic n'avait aucune

 10   préoccupation par rapport aux menaces que présentait l'OTAN, il avait

 11   annoncé qu'ils étaient en état de préparation absolue pour faire face à

 12   l'OTAN, et je le cite :

 13   "A ce stade, il a dit qu'il emploierait les armes de l'armée des Serbes de

 14   Bosnie qui n'avaient pas encore été employées jusqu'à présent. Il a dit

 15   qu'il avait des ressources et il disait que 'ce n'était pas sur notre

 16   contrôle mais sur le contrôle des paramilitaires qui seraient utilisés si

 17   les municipalités étaient réduites en taille'."

 18   Est-ce que vous savez ce que cela signifiait lorsque le Dr Karadzic dit

 19   qu'il avait des ressources dans le cadre du contrôle paramilitaire qui

 20   seraient utilisées si les municipalités étaient réduites en taille ?

 21   R.  Bien, je ne pense pas que nous avons été très clairs. Mais ce n'était

 22   pas la première fois, vous voyez, que des menaces indéfinies étaient

 23   proférées, mais je ne sais pas très bien ce qui est dit ici. Nous n'étions

 24   pas très clair sur tous ces sujets.

 25   Q.  Par ailleurs, la nature même de cette rencontre étant donnée les sujets

 26   qui ont été abordés, à savoir l'action des Musulmans, l'aide apporté par la

 27   FORPRONU, et cetera. Qu'en pensez-vous ?

 28   R.  Bien, oui. Je suis incapable de me rappeler si ce qui est écrit au


Page 11347

  1   début du document, concerne la convocation de la réunion par nous ou par le

  2   Dr Karadzic. Je ne sais pas qui l'a convoquée. Je pense que tout cela s'est

  3   passé parce que je n'étais pas en mesure de rencontrer Mladic. Alors comme

  4   je l'ai déjà dit, la situation était en train de se dégrader, d'ailleurs il

  5   y a  des éléments qui le prouvent, et donc il était clair que tôt ou tard,

  6   nous en arriverions à une situation où l'OTAN serait contrainte de réagir

  7   étant donné que ces zones étaient des zones protégées, et cetera. Donc je

  8   tenais à ce que ce point soit tout à fait bien compris.

  9   Nous faisons ceci parce que les Bosniaques font cela. Ce genre d'échanges

 10   correspondait à la nature même de la situation à ce moment-là, je savais ce

 11   qui était en train de faire les Bosniaques, donc je n'ai pas été surpris de

 12   la nature de ces échanges.

 13   Q.  L'aide humanitaire, est-ce qu'elle a été abordée ?

 14   R.  Je suis sûr que nous avons parlé de l'aide humanitaire.

 15   Q.  J'aimerais, dans ces conditions, appeler votre attention sur le

 16   paragraphe 3, plus particulièrement, la dernière partie de ce paragraphe 3.

 17   R.  [aucune interprétation]

 18   Q.  Où on voit que le Dr Karadzic affirme --

 19   R.  [aucune interprétation]

 20   Q.  Excusez-moi, vous voulez parler, Monsieur.

 21   R.  Oui, je vois de quoi vous voulez parler. Nous subissons des sanctions,

 22   et par conséquent, vous en subirez également; autrement dit, tant que les

 23   sanctions ne sont pas levées à notre encontre, vous n'aurez pas la

 24   possibilité d'approvisionner qui que ce soit dans les enclaves.

 25   Q.  Apparemment, le Dr Karadzic a ajouté qu'il disposait de renseignements

 26   selon lesquels les enclaves étaient approvisionnées et selon lesquelles

 27   l'aide humanitaire était utilisée pour approvisionner les Unités de l'ABiH.

 28   Est-ce que les enclaves étaient bien approvisionnées ? Est-ce que l'aide


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  1   humanitaire a été effectivement utilisée pour aider les Unités de l'ABiH ?

  2   R.  Non, nous n'étions pas approvisionnés. Enfin, je veux dire nous avons

  3   déjà vu qu'il était question de pénurie en carburant et autres produits,

  4   donc, non, nous n'avons pas approvisionné l'armée des Musulmans.

  5   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais que nous passions à quelques

  6   documents qui concernent la fin du mois d'avril, l'un concerne le 22 avril,

  7   et l'autre le 30 avril. Le premier document c'est le document 65 ter numéro

  8   03888.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Entre-temps, nous allons verser au

 10   dossier le document précédent.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P2260,

 13   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

 14   M. TIEGER : [interprétation]

 15   Q.  Général, le document affiché à l'écran actuellement indique, comme on

 16   peut le lire, qu'il date du 22 avril 1995. Il est fait état de réunions

 17   tenues à Sarajevo et à Pale le 20 avril 1995. Dans la première partie de ce

 18   document, il est question d'une rencontre avec les responsables

 19   gouvernementaux musulmans de Bosnie, et dans la deuxième moitié du

 20   document, d'une rencontre tenue avec des responsables bosno-serbes.

 21   Affichage de la page 2.

 22   J'aurais dû indiquer, pour le compte rendu d'audience, que, dans la

 23   synthèse du document, il est indiqué que M. Akashi était accompagné par

 24   vous et que vous avez rencontré des responsables du gouvernement bosniaque

 25   ainsi que des responsables bosno-serbes à Pale. Ce document indique que,

 26   durant cette réunion, trois questions principales ont été abordées, à

 27   savoir la prorogation de l'accord de fin des hostilités, la sécurité et le

 28   réapprovisionnement du personnel de la FORPRONU, ainsi que la situation à


Page 11349

  1   l'aéroport de Sarajevo. Au début de la discussion, il est donc question de

  2   l'accord de cessation des hostilités, et il est indiqué que le Dr Karadzic

  3   a déclaré, je cite :

  4   "Cet accord a été enfreint si massivement par les Musulmans qu'il n'existe

  5   pas, et que les Serbes ne vont plus conclure le moindre arrangement qui

  6   pourrait être conclu à nos dépends."

  7   S'agissant maintenant du deuxième sujet, la sécurité et le

  8   réapprovisionnement du personnel des Nations Unies, il en est question au

  9   paragraphe 9. M. Akashi évoque le sujet des attaques directes. Le Dr

 10   Karadzic, pour sa part, nie toute responsabilité mais admet qu'il y a eu un

 11   certain nombre d'erreurs et indique que, si une escalade se produit, je

 12   cite :

 13   "Nous ne pourrons pas respecter les zones de sécurité."

 14   Enfin, s'agissant du troisième sujet, l'aéroport de Sarajevo, une

 15   discussion se mène et vous protestez de même que M. Akashi au sujet de la

 16   situation qui prévaut à l'aéroport, et dans la dernière phrase, nous

 17   lisons, je cite :

 18   "Le Dr Karadzic a refusé de sanctionner la remise en service des routes

 19   bleues en déclarant que 'les routes et le tunnel sont des problèmes

 20   particuliers qui nous concernent' et 'que' - je cite - 'ils demeureront

 21   fermés jusqu'à la fin de la guerre, aussi longtemps que les tirs des

 22   tireurs isolés contre les Serbes se poursuivent'."

 23   Alors, d'abord, Général, en faisant appel à vos souvenirs, je vous demande

 24   si ceci résume bien la situation du point de vue des sujets abordés pendant

 25   la réunion, la synthèse étant faite par le colonel Baxter ?

 26   R.  Oui, oui.

 27   Q.  Qu'est-ce que ceci a signalé pour vous, eu égard à la viabilité de

 28   l'accord de cessation des hostilités ? A votre avis, qu'est-ce que tout


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  1   cela signifiait par rapport à l'éventualité de nouveaux événements

  2   prochains et aux actions que vous pourriez avoir prises en votre qualité de

  3   commandant de la FORPRONU ?

  4   R.  Ceci démontre dans quelle situation nous nous trouvions. Nous sommes

  5   toujours, à ce moment-là, en tant que représentant des Nations Unies, en

  6   train d'essayer de progresser ou, en tout cas, de Nations Unies pas

  7   permettre que l'accord de cessation des hostilités échoue totalement. Les

  8   deux parties entreprennent des actions et présentent des demandes qui sont

  9   contradictoires les unes par rapport aux autres, puisque durant cette

 10   réunion il n'y a pas de terrain commun.

 11   Nous pouvons aussi comprendre à la lecture de ce document un autre facteur

 12   qui est le suivant, à savoir qu'un rapport a été fait au secrétaire général

 13   des Nations Unies, dans lequel il est question de ce que la FORPRONU

 14   devrait faire à l'avenir, et cetera, donc ceci est discuté pendant la

 15   réunion. Je pense que les deux parties jouaient de cette incertitude par

 16   rapport à l'avenir l'une contre l'autre. Donc il est indiqué également

 17   qu'il devient de plus en plus difficile de réapprovisionner les gens et

 18   d'utiliser l'aéroport qui était évidemment une source d'approvisionnement

 19   importante pour Sarajevo.

 20   Q.  Pour que tout soit clair, quel était le rôle de l'aéroport dans tout

 21   cela ? Quel était le rôle de son ouverture ou de sa fermeture eu égard aux

 22   approvisionnements en aide humanitaire destinés à la population de Sarajevo

 23   ?

 24   R.  L'aide humanitaire arrivait par avion, et puis il y avait aussi les

 25   routes bleues. Je ne me souviens pas exactement combien il y avait de

 26   routes bleues ou à quel endroit elles se trouvaient exactement, mais il y

 27   en avait une en tout cas qui traversait l'extrémité de l'aéroport et

 28   reliait l'aéroport à Butmir, qui se trouvait donc du côté Igman, du côté de


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  1   la colline, par rapport à l'aéroport et par rapport à la ville. Ce sont ces

  2   routes bleues et l'aéroport que tout le monde devait traverser, et

  3   notamment le HCR ainsi que les Nations Unies. La fermeture de l'aéroport et

  4   des routes bleues était importante parce qu'elle coupait toute possibilité

  5   aux Nations Unies d'acheminer les approvisionnements vers Sarajevo, vers la

  6   ville de Sarajevo en tant que telle.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Général.

  8   Je demande le versement au dossier de ce document, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document est admis.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce P2261, Monsieur le

 11   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 12   M. TIEGER : [interprétation]

 13   Q.  J'aimerais maintenant, Général, que nous nous penchions sur le document

 14   65 ter numéro 21110.

 15   A ce stade, Général, vous-même ainsi que M. Akashi et le général Janvier

 16   dont les noms figurent dans ce document, êtes-vous à ce stade en train

 17   d'accomplir des efforts liés à l'accord de fin des hostilités, ou plutôt

 18   est-ce que vous en êtes au bout des efforts que vous effectuez pour

 19   maintenir en vie cet accord de cessation des hostilités ?

 20   R.  Cette réunion, si elle n'est pas la dernière destinée à maintenir

 21   l'accord en vie est, en tout cas, l'une des dernières. Je ne sais pas s'il

 22   y en a eu après celle-ci. Je ne suis pas sûr non plus qu'il y en ait eu.

 23   Q.  Encore une fois, ces efforts sont donc déployés par vous même et M.

 24   Akashi, et dans le cas précis de la réunion dont nous parlons maintenant

 25   déployée également par le général Janvier, et donc c'est une rencontre que

 26   vous avez tous les trois avec des responsables gouvernementaux bosniaques,

 27   musulmans et des responsables bosno-serbes.

 28   Passons à la page 3 du document, paragraphe 9, où il est indiqué que vous


Page 11352

  1   avez donc tous les trois, rencontré le Dr Karadzic, le Pr Koljevic, M.

  2   Krajisnik, M. Buha et le général Tolimir pour discuter d'une prorogation de

  3   l'accord de cessation des hostilités et pour discuter de la conclusion d'un

  4   accord relatif à l'aéroport de Sarajevo.

  5   Voyons donc ce qui est dit au paragraphe 10 quant au sujet abordé sur le

  6   thème de l'accord de cessation des hostilités. Au milieu de la page, donc

  7   nous lisons que le Dr Karadzic présente sa position selon laquelle un

  8   cessez-le-feu provisoire va à l'encontre des intérêts des Bosno-serbes.

  9   Mais il considère qu'il est possible d'annoncer un tel accord provisoire

 10   pour peu que toutes les attaques musulmanes cessent et que les Bosno-serbes

 11   se voient accorder ce qu'il appelle "une égalité de traitement," entre

 12   guillemets, de la part de la communauté internationale, et puis il ajoute

 13   que pour qu'il retire ses troupes, il doit être récompensé par une levée

 14   complète des sanctions contre la Republika Srpska.

 15   Qu'est-ce que ceci vous signale, Général, quant aux perspectives de

 16   prorogation ou de résurrection de l'accord de cessation des hostilités ?

 17   R.  Je crois que je ne m'attendais pas à ce que cet accord survive. Il

 18   n'était plus viable.

 19   Q.  Cette référence, qui est faite à un lien entre l'accord de cessation

 20   des hostilités et une égalité de traitement de la part de la communauté

 21   internationale, ainsi qu'une levée complète des sanctions, cette référence

 22   porte sur quoi ?

 23   R.  Je pense que, d'après moi, d'après ce que je pensais à l'époque, tout

 24   ceci était lié à la demande permanente qui consistait à dire que toutes les

 25   pressions exercées sur la Republika Srpska devaient être levées, pour que

 26   la Republika Srpska puisse envisager de participer à la moindre

 27   négociation.

 28   Q.  Je vous remercie, Général.


Page 11353

  1   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je suis à votre

  2   disposition. Je peux passer au document suivant ou --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce document, en tout cas, est admis

  4   en tant que pièce P2262.

  5   Mais je n'avais pas bien compris ce que vous vouliez dire. Je remarque

  6   l'heure qu'il est.

  7   Donc il est l'heure de faire la deuxième pause d'une demi heure. Nous

  8   reprendrons donc nos débats à 13 heures.

  9   --- L'audience est suspendue à 12 heures 29.

 10   --- L'audience est reprise à 13 heures 00.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, c'est à vous.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Q.  Général, lorsque vous avez examiné le document où il était question de

 14   cette réunion tenue le 30 avril, vous avez dit penser qu'il y avait peut-

 15   être eu une autre réunion après celle-ci.

 16   A cet égard, j'aimerais que nous nous penchions sur le document 65 ter

 17   03890. Dans ce nouveau document il est question d'une réunion qui s'est

 18   tenue le 1er mai 1995, et il est indiqué au début de ce document, je cite :

 19   "M. Akashi, accompagné du général Smith, a participé à une nouvelle série

 20   de réunions aujourd'hui à Sarajevo et à Pale dans le cadre d'une dernière

 21   tentative destinée à atteindre un accord relatif à la prorogation de

 22   l'accord de cessation des Hostilités."

 23   Encore une fois, il est indiqué, dans ce document, que les rencontres se

 24   font séparément avec les deux parties respectives. Dans ce cas précis, il

 25   s'agit donc des Croates de Bosnie rencontrés rapidement, comme c'est

 26   indiqué au paragraphe 2, et donc cette première rencontre est suivie d'une

 27   deuxième avec les responsables du gouvernement bosniaque, puis d'une

 28   troisième réunion avec les responsables bosno-serbes de Pale. Au paragraphe


Page 11354

  1   7, nous lisons, je cite :

  2   "Une réunion s'est tenue à Pale aujourd'hui entre M. Akashi et le Dr

  3   Karadzic. Ce dernier étant accompagné de M. Krajisnik, du Dr Zametica et du

  4   général Subotic."

  5   Au début de ce passage, il est indiqué qu'il n'était pas prévu que des

  6   changements importants se produisent par rapport à la veille, le Dr

  7   Karadzic déclarant qu'il n'avait rien à ajouter à la discussion que lui-

  8   même et M. Akashi avait eue la veille, et le débat porte ensuite sur la

  9   situation dans le secteur ouest. Là, c'était donc un sujet qui intéressait

 10   la Croatie, n'est-ce pas, Général ?

 11   R.  Oui, oui. Je pense que c'est ce jour-là ou la veille que le secteur

 12   ouest a été attaqué. Je ne suis pas sûr de me rappeler cela avec toute la

 13   précision nécessaire, mais je pense que c'est bien cette situation qui a

 14   servi de contexte au débat.

 15   Q.  Plus précisément, j'appelle votre attention à présent sur le paragraphe

 16   8 qui se lit comme suit, je cite :

 17   "Karadzic a déclaré qu'Akashi pouvait compter sur la bonne volonté des

 18   Bosno-Serbes, mais que, la situation se dégradant, il était probable qu'une

 19   certaine dégradation se produise également dans leur relation. Il a dit que

 20   la communauté internationale traitait les Serbes comme des 'bêtes en cage,'

 21   et que c'est donc comme des bêtes qu'ils devraient se comporter."

 22   Alors Akashi, exprimant l'espoir qu'ils agiraient plutôt dans la dignité en

 23   ayant conscience des conséquences de leurs actions.

 24   Je vous demande, Général, puisque je vois qu'à la fin de la réunion vous

 25   avez prononcé un commentaire, donc j'aimerais appeler votre attention sur

 26   ce passage rapidement, mais voici ma question : C'est bien à cette réunion

 27   que vous avez fait référence il y a quelques instants dans votre déposition

 28   comme étant une réunion faisant partie des dernières phases de tentative


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  1   destinées à obtenir une prorogation de l'accord de cessation des

  2   hostilités, n'est-ce pas ? C'est bien ce qui est ressorti de cette réunion

  3   ?

  4   R.  Oui, je pense que c'était la dernière de cette série de réunion, et je

  5   tire cette conclusion à la lecture du commentaire qui figure à la fin de ce

  6   document. Si je me souviens bien, une fois que l'assistant militaire a fini

  7   de rédiger le rapport relatif à cette réunion, je lui ai demandé de me le

  8   remettre parce que je souhaitais ajouter la transcription de mes propos à

  9   la fin de la réunion, à savoir établir un petit rapport entre ce qui

 10   figurait à la fin de son procès-verbal et la thèse que je défendais et que

 11   je commençais à développer à ce moment-là.

 12   Q.  J'aimerais vous renvoyer précisément à la fin de la page 3 qui se lit

 13   comme suit, je cite :

 14   "Les Serbes sont de plus en plus difficiles à comprendre. Toutefois, ils

 15   semblent avoir décider de rechercher une décision par des vois militaires,

 16   et cette décision semble bénéficier d'un appui de Pale. Ils sont isolés et

 17   de plus en plus difficiles à convaincre. Leurs seules façons de réagir par

 18   rapport à ce qu'ils appellent 'Leur ennemi international' concernent les

 19   sanctions imposées par les Nations Unies sur les enclaves, et concernent

 20   donc la nécessité pour eux d'agir contre les Nations Unies, et de prendre

 21   des otages."

 22   Vous poursuivez, en disant, je cite :

 23   "Pour frapper l'ABiH, ils doivent se concentrer et coordonner leurs actions

 24   avec leurs alliés, République serbe de Krajina et éventuellement la JNA."

 25   Donc lorsque vous dites RSK c'est une référence à l'armée des Bosno-Serbes

 26   ?

 27   R.  Oui, des Serbes de Croatie, c'est-à-dire des Serbes des deux Krajina.

 28   Q.  Vous poursuivez en disant, je cite :


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  1   "Pour eux la solution consisterait à prendre l'offensive, ils chercheront à

  2   amener l'OTAN dans le jeu dès que l'occasion se présentera de façon à

  3   gagner la sympathie des Serbes et à disposer de l'excuse nécessaire pour

  4   s'emparer d'otages et éventuellement punir les Nations Unies par dans tirs

  5   : méthodes qui ont toujours neutralisées l'OTAN par le passé."

  6    Est-ce que ce commentaire rend bien compte de ce qui vous inquiétait à

  7   l'époque ? Général, est-ce que ce commentaire reflète bien ce qui s'est

  8   passé durant cette réunion ?

  9   R.  Cela rend certainement compte de mon inquiétude et ceci reflète bien ce

 10   qui a été dit dans cette réunion, en tout cas, à la façon dont je l'ai

 11   compris, qui a suscité chez moi une inquiétude par rapport à l'avenir étant

 12   donné ce qui était en train de se passer à ce moment-là.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

 14   au dossier de ce document.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est admis.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Et devient la pièce P2263, Monsieur le

 17   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 18   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous parlions d'une

 19   réunion qui a eu lieu le 9 mai. Document 65 ter numéro 01334 à l'écran, je

 20   vous prie.

 21   Q.  Général, comme indiqué dans ce document, il résume les propos tenus

 22   durant une rencontre entre vous et le Dr Karadzic, à la date du 9 mai, et

 23   dans le premier paragraphe, nous voyons que cette réunion s'est tenue dans

 24   un hôtel non loin de Pale. Cette réunion était secrète et privée, et encore

 25   une fois, le Dr Zametica accompagnait le Dr Karadzic. La discussion se

 26   conclut comme indiqué au deuxième paragraphe, je cite :

 27   "L'attaque récente des Bosnos-serbes sur Sarajevo et les rapports de presse

 28   quant à une éventuelle réaction de l'OTAN ont été évoqués par Karadzic très


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  1   clairement. Celui-ci ayant indiqué que, dans le cas d'une attaque de

  2   l'OTAN, les Nations Unies seraient considérées et traitées comme des

  3   ennemis."

  4   Il a également confirmé que l'armée des Bosno-serbes avait décidé d'imposer

  5   des sanctions contre les Nations Unies. Et le débat ensuite porte sur les

  6   différentes options applicables à l'avenir et sur la stratégie qui est à la

  7   disposition de la Republika Srpska.

  8   Ensuite passons au paragraphe 3, Général, sous le sujet intitulé, de façon

  9   générale : "Question générale discutée," et sous le sujet plus précis des

 10   frappes aériennes de l'OTAN. La première phrase de ce passage explique

 11   pourquoi vous aviez recommandé que des frappes aériennes soient effectuées

 12   par l'OTAN en réaction aux attaques au mortier et à l'artillerie de l'armée

 13   des Bosno-serbes contre Sarajevo, les 7 et 8 mai. Il est indiqué dans le

 14   document que vous avez indiqué clairement que votre recommandation ne

 15   résultait pas de l'attaque spécifique contre Butmir, mais qu'elle était le

 16   résultat d'une attaque intensive à l'aide d'armes lourdes contre la zone

 17   protégée de Sarajevo et contre la population civile de Sarajevo.

 18   D'abord, pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce que vous avez

 19   expliqué au Dr Karadzic ce jour-là, et nous donner un peu le contexte de

 20   cette discussion ?

 21   R.  La discussion sur les frappes aériennes, vous voulez dire ?

 22   Q.  Oui.

 23   R.  Dans mon souvenir, encore une fois, il me semble que c'était à peu près

 24   à midi, ou peu après midi que cela s'est passé, parce qu'il y avait un

 25   tunnel qui passait sous l'aéroport. Il avait été creusé, il était dirigé

 26   par les Bosniaques, et la sortie de ce tunnel du côté du mont Igman à

 27   l'aéroport se faisait à Butmir. Alors il y avait un groupe de Bosniaques

 28   qui n'était pas majoritaire -- un groupe de Bosniaques parmi lesquels un


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  1   certain nombre d'hommes qui n'étaient pas majoritaires portaient

  2   l'uniforme, qui avaient été attaqués par des obus alors qu'ils étaient à

  3   l'entrée de ce tunnel, et un certain nombre d'entre eux ont été tués. Je

  4   pense que ceci a suscité une réaction très importante. Donc je ne sais pas

  5   qui avait été tué exactement, mais je suppose qu'une ou plusieurs personnes

  6   parmi les tués étaient des personnes importantes. Donc les Bosniaques ont

  7   immédiatement exigé de nous que nous recourions à des frappes aériennes,

  8   puisque cette attaque avait visé une zone protégée. J'ai refusé de réagir

  9   de cette façon en avançant l'argument selon lequel je considérais que ceci

 10   s'était passé sur la ligne de confrontation, et que certaines des victimes

 11   portaient un uniforme. Mais par la suite, parce que toutes les demandes

 12   présentées étaient arrivées finalement jusqu'à Zagreb, j'ai expliqué à M.

 13   Akashi et aux membres de son QG pour quelle raison j'avais refusé de

 14   décider des frappes aériennes. Donc dans la soirée, les zones de Sarajevo

 15   habitées par des civils, pas toutes les zones, mais certains des quartiers

 16   civils de Sarajevo ont été attaqués par des tirs de mortier -- des tirs

 17   d'obus, et à ce moment-là, j'ai demandé une frappe aérienne en m'appuyant

 18   sur le fait que désormais nous étions en face à une population civile qui

 19   était en train de se faire pilonner et que ce pilonnage n'était justifié

 20   par rien de militaire. Puisque cette population civile ne constituait pas

 21   une cible militaire. Mais ma demande a été rejetée, et voilà ce que j'ai

 22   explique dans ce document. Tout ceci a fait couler beaucoup d'encre dans la

 23   presse, beaucoup trop d'entre, et c'est la raison pour laquelle je

 24   m'explique face au Dr Karadzic durant cette réunion.

 25   Q.  Tout d'abord, Général, quelle a été la réaction du Dr Karadzic aux

 26   explications apportées par vous, s'agissant de la recommandation que vous

 27   aviez faite d'utiliser les frappes aériennes ? Comment a-t-il réagi à votre

 28   explication concernant le fait qu'un quartier civil avait été pilonné ?


Page 11359

  1   R.  Si je me souviens bien, la distinction n'a pas été établie. Ce qui a

  2   fait l'objet d'une réaction de sa part, c'est que pour peu qu'il y ait des

  3   frappes aériennes, il affirmait qu'il y aurait réplique de sa part.

  4   Q.  Le Dr Karadzic a-t-il refusé -- a-t-il nié que les Bosno-serbes aient

  5   pilonné les secteurs civils ?

  6   R.  Non, si je me souviens bien, non.

  7   Q.  Est-ce que comme vous l'avez déjà indiqué précédemment, il vous a

  8   expliqué sa position, à savoir que d'après lui, les Nations Unies auraient

  9   fait quelque chose pour provoquer ce qui venait de se passer, ou est-ce

 10   qu'il vous a expliqué son mécontentement par rapport aux Nations Unies de

 11   façon générale ?

 12   R.  Il est possible qu'il y l'ait fait, je ne m'en souviens pas. Je n'ai

 13   pas encore lu l'ensemble du paragraphe.

 14   Q.  D'accord. Je vais donc vous prier de bien vouloir le faire, en vous

 15   invitant à vous concentrer sur le paragraphe 3.

 16   R.  Oui, donc nous revenons à la Slavonie occidentale.

 17   Q.  Est-ce que le Dr Karadzic vous a averti de ce qui se passerait, si

 18   l'OTAN recourait aux frappes aériennes, à ce moment-là ?

 19   R.  Oui. C'est ce qu'il entendait par "réplique de sa part." Il a déclaré

 20   que nous serions sanctionnés de la même façon qu'il se sentait sanctionné.

 21   Nous serions donc considérés comme des ennemis et traité comme tels.

 22   Q.  Regardez le paragraphe 4, c'est dans ce paragraphe qu'il est fait état

 23   de ce que vous expliquez quant aux raisons qui ont abouti à la décision de

 24   ne pas recourir aux frappes aériennes de l'OTAN, dans ce cas précis. Vous

 25   dites clairement que les pressions internationales résultent de problème

 26   tel que celui qui s'est produit à l'aéroport et que ces pressions pour que

 27   les zones protégées soient respectées ont de forte chance de s'intensifier,

 28   et le Dr Karadzic déclare, je cite :


Page 11360

  1   "Le Conseil de sécurité est l'ennemi du peuple serbe, et l'instrument de la

  2   politique hostile des Etats-Unis."

  3   Il indique qu'il ne respectera pas les organisations internationales ou

  4   résolutions adoptées par ces organisations, je cite :

  5   "Je ne respecterais que les décisions qui vont dans l'intérêt du peuple

  6   serbe."

  7   Un peu plus loin, je cite:

  8   "Nous avons tourné une nouvelle page et nous ne coopérerons plus."

  9   Il confirme donc que cette décision a été prise avant les événements de

 10   Croatie.

 11   Alors, d'abord, Général, je vous demande si ceci, ce qui est écrit

 12   dans ce document, rend bien compte des propos tenus par le Dr Karadzic à

 13   votre égard durant cette réunion.

 14   R.  Je crois que c'est un procès-verbal assez fidèle, oui.

 15   Q.  Notamment en ce qui concerne ce dont nous venons de parler il y a un

 16   instant, à savoir ce qu'il vous a dit lorsqu'il a établi un lien entre ce

 17   qui était en train de se passer et les événements futurs ?

 18   R.  Ah, les commentaires qui figuraient dans le document précédent, oui,

 19   ils étaient tout à fait dans la même ligne d'idée que les commentaires que

 20   l'on trouve dans ce document-ci.

 21   Q.  Enfin, encore une question s'agissant du paragraphe 5, qui concerne les

 22   sanctions et l'aide humanitaire. Dans la dernière phrase de ce paragraphe,

 23   nous lisons, je cite :

 24   "Interrogé au sujet des vivres et des convois d'aide humanitaire, il a

 25   confirmé que les Serbes avaient imposé leurs propres 'résolutions'

 26   (sanctions) à l'encontre des Nations Unies."

 27   Est-ce que ceci rend bien compte des restrictions de l'aide humanitaire,

 28   des approvisionnements, et cetera, diminution de ces distributions d'aide


Page 11361

  1   et d'approvisionnement qui sont liés, pour lui, aux sanctions imposées aux

  2   Serbes de Bosnie ?

  3   R.  Oui, et l'ensemble de ce paragraphe porte davantage sur les sanctions

  4   qu'il prévoit d'imposer aux Nations Unies que sur quoi que ce soit d'autre.

  5   La discussion toute entière a portée sur les tentatives visant à obtenir

  6   davantage de carburant, et cetera, d'autres produits également pour les

  7   enclaves.

  8   Q.  Général, j'aimerais revenir sur la question de cette attaque du

  9   quartier civil ou de plusieurs quartiers civils à l'aide d'obus, qui a

 10   suscité votre recommandation de recourir aux frappes aériennes. Vous avez

 11   déjà indiqué, lorsque vous parliez d'une attaque ayant eu lieu dans les

 12   mois précédents, qu'il y avait progression régulière ou, en tout cas,

 13   augmentation régulière du nombre de pilonnages et de tirs de tireurs

 14   isolés. Mais au mois de mai, comment est-ce que vous décririez la fréquence

 15   ou la régularité, ou disons la normalité des attaques à l'obus contre des

 16   quartiers civils de la part des forces bosno-serbes ?

 17   R.  Je pense - et je vous parle de mémoire - que c'est vers la fin du mois

 18   d'avril qu'une espèce de situation de régularité s'est établie de ce point

 19   de vue. C'est ce que je pense aujourd'hui. A ce moment-là, les choses

 20   n'avaient pas beaucoup empirées par rapport à la situation de la fin du

 21   mois d'avril, mais cela n'a cessé d'empirer au fil du temps, mais je ne me

 22   rappelle pas qu'à ce moment précis, il y ait eu un degré d'escalade

 23   important qui était franchi en dehors de cet incident particulier qui a

 24   fait l'objet de ma part d'une demande de frappes aériennes.

 25   Q.  Je vous remercie, Général.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 27   document, Monsieur le Président

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est admis.


Page 11362

  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il devient la pièce P2264, Monsieur le

  2   Président, Madame, Messieurs les Juges.

  3   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous nous penchions

  4   sur le document 65 ter numéro 01333.

  5   Nous venons de voir la première page. Je demande maintenant l'affichage de

  6   la page suivante. Dans cette page nous voyons sous le titre "Objet" les

  7   mots suivants, je cite :

  8   "Observations suite à la rencontre avec le Dr Karadzic le 9 mars 1995."

  9   Affichage de la page suivante à présent.

 10   Q.  Vous vous rappelez ce document, Général ?

 11   R.  Oui. Oui, oui. C'est moi qui en suis l'auteur. J'ai écrit ce document

 12   car je souhaitais soumettre un certain nombre de sujets à M. Akashi.

 13   Q.  Je vous invite, si vous le voulez bien, à lire rapidement ce document.

 14   Prenez le temps nécessaire pour se faire. J'aimerais que vous disiez aux

 15   Juges de la Chambre quels sont les sujets particuliers que vous souhaitiez

 16   communiquer à votre interlocuteur en écrivant cette lettre.

 17   R.  Il me faudra encore un petit instant pour me rafraîchir la mémoire.

 18   Est-ce qu'on peut faire défiler le texte à l'écran ? Merci.

 19   Page suivante maintenant à l'écran, s'il vous plaît.

 20   Oui, je vois. Donc, l'objectif que je poursuivais en rédigeant cette lettre

 21   était le suivant : Je souhaitais m'assurer que l'importance de ce que nous

 22   nous apprêtions à vivre était portée à l'attention de mon interlocuteur. Je

 23   souhaitais m'assurer que mes interlocuteurs comprenaient bien quelle était

 24   ma façon de comprendre ce qui était sur le point de se produire, à savoir

 25   que nous allions nous trouver rapidement dans une situation très difficile,

 26   et qu'il y avait une certaine probabilité que nous soyons emmenés à

 27   recourir à la force armée, probabilité qui était de plus en plus évidente,

 28   qu'il fallait donc dans ces conditions que nous nous assurions que les


Page 11363

  1   nations qui contribuaient à l'action des Nations Unies par envoi de leurs

  2   forces sur place étaient bien derrière nous et prêtes aux événements qui

  3   risquaient de se produire sous peu, prêtes à nous soutenir dans la

  4   situation dans laquelle nous allions sans doute nous trouver assez

  5   rapidement, à savoir une situation dans laquelle nous serions emmenés à

  6   attaquer une partie ce qui, inévitablement, allait profiter à l'autre

  7   partie. Je pense que, quelque part dans le texte, j'utilise le mot

  8   "partial." Oui, effectivement.

  9   Q.  Vous avez appelé notre attention déjà sur le paragraphe 5 du document

 10   précédent et indiquez que la discussion avait porté sur la diminution de

 11   l'aide à la FORPRONU. Est-ce que ceci est repris également dans le

 12   paragraphe 4 de ce document-ci, où vous dites, je cite :

 13   "Il" - d'après le contexte, je crois que par "il," vous désignez le Dr

 14   Karadzic - "a été explicite dans ses explications indiquant que la quasi-

 15   totalité des restrictions imposées à l'acheminement de l'aide humanitaire

 16   constituait une sanction contre les soldats du Conseil de sécurité, et que

 17   pour qu'il lève les sanctions en question, il lui fallait du carburant."

 18   R.  Oui, j'ai trouvé le paragraphe. La raison pour laquelle j'ai évoqué ces

 19   nouveaux sujets, qui n'avaient pas été mis autant en exergue précédemment,

 20   réside dans la diversité de nos mandats. Si vous passez à la page suivante,

 21   vous voyez que j'y évoque mon opinion, selon laquelle il fallait que nous

 22   soyons sûrs de savoir qui était derrière nous, qui nous soutenait et qui

 23   nous accordait sa confiance.

 24   Q.  Vous avez parlé tout à l'heure de l'emploi du mot "partial;" on le voit

 25   bien au dernier paragraphe, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, c'est dans le dernier paragraphe.

 27   Q.  Je cite :

 28   "Par conséquent, nous devrions vérifier si, oui ou non, les nations et


Page 11364

  1   particulièrement les TCN;" est-il indiqué dans le texte ?

  2   R.  Oui :

  3   "Les nations qui contribuent par l'envoie de soldats."

  4   Q.  Donc si ces nations, qui contribuent par l'envoie de soldats, sont

  5   prêtes à entamer un processus qui, pour réussir, devra sans doute impliquer

  6   le recours à la force et risque d'être considéré comme partial."

  7   Bien, je vous remercie. Je demande le versement au dossier de ce document,

  8   Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est admis.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il devient la pièce P2265, Monsieur le

 11   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Général, j'aimerais appeler votre attention à

 13   la situation qui prévalait à la fin du mois -- ou plutôt, deux mois plus

 14   tard, donc à la date du 21 mai 1995, alors que le Dr Karadzic est à Pale.

 15   Vous le rencontrez donc. Je veux parler du document 65 ter numéro 1338.

 16   Q.  Encore une fois, dans ce document, comme je l'ai déjà indiqué, nous

 17   voyons qu'il est question d'une réunion à Pale, comme d'habitude réunion

 18   secrète et privée, et le Dr Karadzic est toujours accompagné par le Dr

 19   Zametica, et dans ce cas précis, par Deyan Mihov, qui est le coordinateur

 20   en exercice responsable des affaires civiles.

 21   Dans le deuxième paragraphe du document, nous lisons, Général, ce qui suit,

 22   je cite :

 23   "Karadzic a toujours l'air confiant, mais il a donné l'impression d'être

 24   inaccessible et difficile à convaincre. Il apparaît que l'isolement

 25   continue à produire un effet sur sa personne et qu'il fait preuve d'une

 26   conviction de plus en plus importante en développant ses propres

 27   arguments."

 28   Général, peut-être voudriez-vous prendre connaissance du reste du document,


Page 11365

  1   mais moi je voudrais simplement vous prier d'approfondir un peu -- ou

  2   plutôt, de préciser quelle est la nature exacte de votre interaction, à ce

  3   moment-là, avec le Dr Karadzic qui vous a poussé à mettre par écrit cette

  4   observation.

  5   R.  C'est une position que j'étais en train d'acquérir. Je ne pense pas que

  6   ce soit la première fois que j'ai indiqué qu'il était difficile à

  7   convaincre qu'il était difficile de communiquer avec lui. J'avais

  8   l'impression que le Dr Karadzic et d'autres étaient de plus en plus

  9   inaccessibles et qu'ils perdaient conscience de la réalité du monde qui les

 10   entourait, ce petit monde de Pale et des Bosno-Serbes, étaient tout entier

 11   de plus en plus inconscient de ce qui se passait dans ces environs, et

 12   j'avais de plus en plus le sentiment que ce petit monde de Pale ne tenait

 13   plus compte de la situation dans le monde extérieur, et de ce que les gens

 14   pouvaient penser d'eux à l'extérieur, et qu'ils ne tenaient plus compte non

 15   plus de la façon dont le monde extérieur pouvait comprendre ses réactions à

 16   lui, et que donc à l'extérieur, on pouvait comprendre différemment les

 17   réactions de ce petit monde de Pale; voilà à quoi je fais référence ici.

 18   Q.  Pour que tout soit clair, est-ce que cette mention concerne

 19   l'incapacité à obtenir des renseignements par rapport au monde extérieur,

 20   ou est-ce que ceci concerne ce que des tiers pensaient ou disaient, en

 21   rejetant éventuellement ces renseignements provenant du monde extérieur ?

 22   R.  Ah, je pense qu'il s'agit ici d'une incapacité à rechercher les

 23   informations, plutôt que d'un rejet de ces informations. Tous les médias

 24   étaient au courant de ce qui était en train de se passer et je pense que

 25   tout simplement, à l'intérieur, il n'y avait pas interprétation ou même pas

 26   prise en compte de ceux qui écrivaient ou  disaient les médias.

 27   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais que nous revenions sur quelques

 28   paragraphes précis. D'abord, le paragraphe 4.


Page 11366

  1   Q.  Il est discuté des enclaves, comme je peux le constater à lecture de ce

  2   paragraphe et vers la fin du paragraphe, nous voyons que le Dr Karadzic a

  3   déclaré, je cite :

  4   "Les enclaves sont une bombe à retardement qui est sur le point

  5   d'exploser."

  6   Est-ce que vous comprenez ce qu'il a voulu dire par ces mots ? Est-ce que

  7   c'était une nouvelle idée qu'il avançait pour la première fois ? Est-ce que

  8   ceci vous a signalé quelque chose de particulièrement important lorsque

  9   vous avez entendu cette remarque ?

 10   R.  Je pense que je l'ai comprise comme exprimant la crainte d'une attaque

 11   à grande échelle de la part de l'armée des Serbes de Bosnie, attaque qui

 12   donc partirait de l'intérieur de l'enclave sur le plan territorial. Je

 13   pense que c'est cela qu'il était en train de dire, en tout cas, dans mon

 14   souvenir, c'est la façon dont j'ai compris ces mots.

 15   Q.  Au paragraphe 7, il est indiqué que le Dr Karadzic a dit clairement que

 16   les Serbes ne pourraient pas supporter un conflit de faible intensité mais

 17   durable dans le temps, et que si la guerre continuait, il a indiqué

 18   clairement qu'il préférait une solution militaire, et même le retrait des

 19   Nations Unies.

 20   Est-ce que c'était une nouvelle conception qu'il développait devant vous ?

 21   Comment est-ce que vous avez compris cette remarque dans le contexte des

 22   renseignements que vous aviez obtenus jusque-là au sujet du processus de

 23   paix, de façon générale, et dans le contexte des événements qui se

 24   développaient eu égard à l'aide humanitaire, aux enclaves de l'est, ou de

 25   Sarajevo ?

 26   R.  Je ne suis pas sûr de me rappeler ce que je savais du processus de paix

 27   qui était mené avec le Groupe de contact. A l'époque, nous étions

 28   complètement concentrés sur l'accord de cessation des hostilités, qui


Page 11367

  1   n'était pas identique au plan mis en place par le Groupe de Contact, mais

  2   tout ceci correspond bien à ce que j'ai compris des intentions des Bosno-

  3   Serbes à l'époque et mon sentiment c'était qu'ils ne pouvaient plus tenir

  4   longtemps, qu'ils ne pouvaient pas supporter pendant longtemps un conflit

  5   de faible intensité. Je pense que je ne suis pas contradictoire dans ma

  6   position en interprétant les choses de cette façon, donc il fallait que les

  7   choses s'arrêtent, il fallait qu'ils l'emportent militairement dans le

  8   cours de cette année-là. Voilà ce que j'ai pensé, c'était mon impression,

  9   ceci correspond à ce qui est indiqué dans ce texte.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Général.

 11   Je demande le versement au dossier de ce document.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est admis.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il devient la pièce P2266, Monsieur le

 14   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 15   M. TIEGER : [interprétation]

 16   Q.  Général, cette rencontre dont nous venons de parler a eu lieu le 21

 17   mai, et elle s'est tenue dans le contexte que vous venez de décrire, je ne

 18   vais pas faire le moindre effort pour paraphraser vos propres propos à

 19   l'instant mais, en tout cas, vous avez parlé de pilonnage régulier de la

 20   ville. Entre cette rencontre et quelques jours plus tard, est-ce que vous

 21   vous rappelez des événements qui ont dégradé encore la situation et qui ont

 22   abouti de votre part à des recommandations d'action ?

 23   R.  Oui. Il y a eu deux incidents qui se situent dans une série

 24   d'incidents, à ce moment-là, dont je ne me rappelle pas les dates exactes,

 25   mais parce que pendant un moment, je n'étais plus sur place au moment du

 26   premier de ces incidents. Si ma mémoire est bonne, j'avais dû partir pour

 27   participer à une réunion de l'OTAN mais, en tout cas, tous ces incidents se

 28   sont déroulés dans les environs de Sarajevo. Le premier dans cette série


Page 11368

  1   d'incidents a été une intensification des combats sur la ligne de

  2   confrontation, si ma mémoire est bonne, tout près du cimetière juif, qui a

  3   donc abouti à une aggravation des pilonnages, et notamment des pilonnages

  4   de quartiers civils. Cette situation a duré toute la nuit puis il y a eu

  5   une accalmie pendant la journée, et ce sont ces 24 heures-là où je n'étais

  6   plus présent sur place. Mais si ma mémoire est bonne, à ce moment-là, nous

  7   avons assisté à l'extraction d'un certain nombre d'armes lourdes hors des

  8   points de regroupement des armes lourdes, et ces armes ont été utilisées

  9   pour prendre à partie des cibles situées à Sarajevo.

 10   Q.  Je ne voudrais pas vous demander de vous appesantir trop longuement sur

 11   ce sujet, mais peut-être pourrait-il être utile que vous nous dites

 12   rapidement ce qu'étaient les points de regroupement des armes lourdes et

 13   quelle était exactement la superficie des zones que ces armes pouvaient

 14   couvrir.

 15   R.  Une fois que les zones protégées ont été créées, il y a une nouvelle

 16   idée qui a été adoptée en rapport avec la création de ces zones protégées,

 17   qui a été l'instauration de zones d'exclusion. Donc autour d'une zone

 18   protégée était délimitée une zone d'exclusion dans laquelle il était

 19   interdit de placer des armes lourdes, armes lourdes qui devaient être

 20   regroupées dans ce qui a été appelé des centres ou des lieux de

 21   regroupement des armes lourdes. Donc ceci concernait les zones protégées

 22   aussi bien à l'intérieur des enclaves qu'à l'extérieur des enclaves.

 23   Les lieux de regroupement des armes lourdes pouvaient être des lieux

 24   relativement vastes sur le plan de leur superficie. Je n'ai pas de carte

 25   sous les yeux pour vous dire quelle était leur dimension exacte, mais vous

 26   n'aurez sans doute aucune difficulté à le découvrir par vous-même. Ces

 27   lieux pouvaient abriter un grand nombre de véhicules et de canons dans des

 28   parkings de voitures ou des stades de football, le cas échéant. Donc les


Page 11369

  1   centres de Regroupement d'armes pouvaient couvrir une superficie

  2   importante, et il était possible que des personnes, à partir de ces

  3   centres, se saisissent d'armes et les utilisent.

  4   Nous avions des Détachements des Nations Unies qui surveillaient les

  5   centres de Regroupement des armes lourdes, les plus importants et les plus

  6   vastes, donc nous savions ce qui se passait dans ces centres de

  7   Regroupement et nous savions si une arme avait été utilisée ou pas.

  8   Q.  Général, quelle était votre inquiétude et quelle a été la réaction,

  9   s'il y en a eue, au fait que l'armée bosno-serbe ait sortie des armes de

 10   ces centres de Regroupement des armes lourdes ?

 11   R.  Ceci nous emmène à parler du deuxième des deux incidents annoncés par

 12   moi il y a un instant. A mon retour sur les lieux, un deuxième incident

 13   s'est donc produit, dont je ne me rappelle pas la date exacte dans

 14   l'immédiat mais, en tout cas, il a eu lieu trois ou quatre jours après

 15   celui dont je parlais il y a un instant, celui qui a provoqué la reprise

 16   des combats. Il y a donc eu intensification des pilonnages contre des

 17   quartiers civils, et si je me souviens bien, de nouvelles armes lourdes ont

 18   été retirées des centres de Regroupement, en tout cas, d'un centre de

 19   Regroupement des armes.

 20   Donc après qu'un certain nombre de tentatives aient été faites pour obtenir

 21   la restitution de ces armes lourdes, j'ai recommandé que l'on recourt aux

 22   frappes aériennes, et j'ai donc demandé à l'OTAN d'effectuer une telle

 23   frappe aérienne. J'ai fait cette recommandation - il faudrait que j'en

 24   vérifie la date exacte - mais, en tout cas, elle a été approuvée par M.

 25   Akashi.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Passons maintenant au document 65 ter numéro

 27   01340.

 28   Pouvons-nous tourner la page, s'il vous plaît ?


Page 11370

  1   Q.  Ce document nous montre un enregistrement d'une conversation

  2   téléphonique passée entre vous et le général Mladic à 20  heures 45. Je

  3   crois que la page précédente nous indique la date du 24 mai. Peut-être

  4   peut-on revenir en arrière d'une page pour vérifier ? Donc il s'agit d'un

  5   appel téléphonique au cours duquel on se réfère à "la nuit précédente," qui

  6   aurait donc été celle du 24. 

  7   Alors pouvons-nous maintenant revenir à la page que nous avions en premier,

  8   c'est-à-dire la page suivante ?

  9   Général, pourriez-vous nous guider à travers cette conversation

 10   téléphonique en vous appuyant, si nécessaire, sur le document ?

 11   R.  Ce que nous avons ici c'est un ensemble d'événements parmi ceux que

 12   j'ai décris précédemment.

 13   Excusez-moi, je ne parlais pas en face du micro.

 14   Nous avons formulé une demande de remise et de retour des armes aux points

 15   de collecte d'armes, et bien que nous ayons formulé cette demande, elle n'a

 16   pas été satisfaite. J'ai émis un avertissement à l'intention des deux

 17   parties, que j'ai fait publier dans la presse, et je l'ai citée au général

 18   Mladic. Alors cela ne donne pas une idée absolument exacte de la teneur de

 19   cet avertissement, mais ce que je me souviens d'avoir dit c'était que si

 20   les armes n'étaient pas restituées avant un certain délai, qui devait

 21   couvrir, je pense, jusqu'à 12 heures la journée suivante, des frappes

 22   aériennes seraient menées, des frappes aériennes seraient entamées. Alors -

 23   - excusez-moi. En fait, je crois avoir indiqué que les combats s'étaient

 24   arrêtés à un moment ou à un autre de la journée suivante, je pense peut-

 25   être vers midi, et 24 heures après les armes devaient être restituées aux

 26   points de collecte. Alors j'ai fait savoir ceci à la fois de façon tout à

 27   fait directe au général Mladic et à la partie bosnienne. J'ai également

 28   donné une conférence de presse et le contenu de ces avertissements a fait


Page 11371

  1   l'objet d'une diffusion sur toutes les chaînes de télévision. Alors,

  2   ensuite il a proposé que l'on se réunisse. Il n'a pas accepté les termes de

  3   cet avertissement. Il voulait que je fasse preuve de retenue. Alors je lui

  4   ai expliqué que je n'étais pas responsable de la Slavonie occidentale mais

  5   de la Bosnie, et j'avais besoin de le rencontrer avant la fin du mois. Donc

  6   j'ai essayé de mettre en avant le fait que la question du recours ou non à

  7   la force était entièrement entre les mains du général Mladic. S'il

  8   restituait les armes, ces dernières ne seraient pas utilisées.

  9   Q.  A-t-il restitué ces armes ?

 10   R.  Non, les armes n'ont pas été restituées, donc l'OTAN, par conséquent, a

 11   reçu l'autorisation du secrétaire général des Nations Unies et de son

 12   représentant spécial, M. Akashi, de procéder à des frappes.

 13   Q.  Donc il y a eu une frappe aérienne, le 25, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Où ces frappes ont-elles eu lieu ?

 16   R.  La cible était un dépôt de munitions et un certain nombre de bunkers à

 17   proximité de Pale. Le choix s'est porté sur ces installations parce qu'il

 18   s'agissait d'un dépôt de munitions, et par conséquent, on a supposé qu'il y

 19   avait là une quantité importante de munitions dont la perte aurait des

 20   conséquences. De plus, ces installations se trouvaient près de Pale, donc

 21   tout un chacun pouvait être témoin de ces frappes. Puisqu'il s'agissait

 22   d'une installation militaire et d'un dépôt de munitions, il était par

 23   ailleurs peu probable que des civils se trouvent à proximité et qu'ils

 24   puissent, par conséquent, devenir des civils.

 25   Q.  Suite à la frappe aérienne du 25, les autorités bosno-serbes ont

 26   répondu -- ou plutôt ont-elles répondu en restituant les armes, ou ont-

 27   elles répondu de quelle qu'autre façon que ce soit ?

 28   R.  Ils n'ont pas restitué ces armes, et pendant cette soirée, toutes les


Page 11372

  1   zones de sécurité ont été bombardées à un intervalle d'une heure ou moins.

  2   L'attaque lancée contre Tuzla a tué environ 70 personnes sur la place

  3   principale de Tuzla.

  4   Q.  Est-ce que vous avez été en mesure de déterminer si ces attaques

  5   étaient le résultat d'initiative locale, ou bien des attaques qui avaient

  6   fait l'objet d'une planification centralisée ?

  7   R.  Je crois qu'elles avaient fait l'objet d'une direction, qu'elles

  8   avaient été dirigées d'une façon centralisée. Ce qui me mène à procéder à

  9   cette déduction, c'est que toutes les zones de sécurité ont été prises pour

 10   cible, et bombarder à une heure d'intervalle.

 11   Q.  Compte tenu de tout cela, que s'est-il passé ensuite, le jour suivant ?

 12   R.  Nous avons frappé à nouveau. La première exigence, à savoir restituer

 13   les armes n'avait pas été satisfaite, alors je ne me rappelle pas

 14   maintenant si c'était quatre bunkers ou davantage mais, en tout cas, au

 15   moins quatre bunkers supplémentaires ont été pris pour cible dans le cadre

 16   de la même installation, du même dépôt de munitions par l'OTAN. La réaction

 17   immédiate à cette frappe a été la capture des observateurs des Nations

 18   Unies qui se trouvaient à Pale, par les Bosniens, tel que dit par le

 19   témoin. On m'a alors appelé au téléphone, et indiqué que si jamais tout

 20   ceci ne s'arrêtait pas, les hommes en question seraient égorgés.

 21   Q.  Alors je voudrais que nous réexaminions les événements du 26, et

 22   notamment certaines des conversations téléphoniques que vous avez pu avoir.

 23   Commençons par le document 0686.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si l'Accusation ne souhaite pas demander le

 25   versement du document précédent, moi, en revanche, je souhaiterais le

 26   demander.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne crois pas qu'il y ait la moindre

 28   question à ce sujet. L'Accusation va sans doute en demander le versement;


Page 11373

  1   il sera versé sous la cote 2267.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Je m'apprêtais en fait à demander le versement

  3   des conversations téléphoniques en un seul lot. Mais je suis heureux que

  4   cela ait été fait.

  5   Je voudrais maintenant que l'on passe au document 01686, c'est celui dont

  6   j'avais besoin.

  7   Q.  Alors ce document reprend deux conversations téléphoniques que vous

  8   avez eues avec le général Mladic, à la date du 26 mai, n'est-ce pas,

  9   Général ?

 10   Je voudrais passer à la première conversation. Ce que nous indique le

 11   document c'est que cette conversation a eu lieu à 10 heures du matin, le 26

 12   mai 1995. Vous commencez par indiquer que les agissements de la veille à

 13   l'après-midi, qui ont été le fait des Bosno-serbes, représentaient des

 14   violations flagrantes des zones de sécurité, notamment dans le cas de

 15   Tuzla, et que cela s'appliquait en fait également aux victimes civiles

 16   tombées dans les autres zones, et cetera. Alors, Général, peut-être que

 17   vous pourriez nous guider à travers cette conversation téléphonique que

 18   vous avez eue, en soulignant les parties les plus importantes.

 19   R.  Je ne me souviens pas et je ne vois pas cela non plus ici, de la partie

 20   qui a été à l'origine de cette conversation téléphonique. Mais c'est

 21   manifestement après la prise en otage de ces personnes que ceci intervient,

 22   et également après que ces hommes ont été menottés à certaines

 23   installations comme des ponts ou autres. Je n'arrive pas maintenant me

 24   rappeler tous les détails.

 25   Alors le fait de persister à ne pas restituer les armes au point de

 26   collecte, de persister à prendre pour cibles des civils et de maintenir --

 27   Q.  Excusez-moi, Général, de l'interruption. Je vais vous demander de lire

 28   un extrait peut-être dans un premier temps -- le premier paragraphe, de


Page 11374

  1   lire peut-être la totalité du document dans un premier temps.

  2   Alors vous répétez, dans ce premier paragraphe, ce que -- enfin, on y

  3   trouve en tout cas ce que vous nous avez déjà expliqué, à savoir qu'il y

  4   avait là une possibilité de stabiliser la situation si Mladic acceptait de

  5   faire preuve de mesures et restituait les armes manquantes avant de quitter

  6   également les zones d'exclusion. Vous dites que M. Akashi aurait également

  7   appelé M. Karadzic, afin de faire passer un message similaire, et que la

  8   capture et la détention de soldats de l'ONU et les attaques fréquentes

  9   visant leur position brouillaient la situation, et notamment

 10   compromettaient la sécurité que pouvait représenter le drapeau bleu des

 11   Nations Unies et les véhicules blancs des Nations Unies. Ensuite Mladic,

 12   qui prend la parole, et je vous laisse lire, il vous accuse d'être fou et

 13   complètement déraisonnable.

 14   Encore une fois, au paragraphe suivant, vous évoquez le fait qu'il ne

 15   s'agit pas de menace mais simplement d'un avertissement fondé sur un

 16   ultimatum il y a un an. Encore une fois, la discussion porte sur l'identité

 17   de ceux qui peuvent influer sur une résolution ou non du problème.

 18   R.  Oui. L'essentiel de ce que j'essaie de faire passer, c'est que la

 19   solution est entre les mains de Mladic. Je parle des zones d'exclusion et

 20   des résolutions qui fondent les zones de sécurité et les zones d'exclusion.

 21   Donc si les civils là-bas étaient attaqués et que les armes n'étaient plus

 22   dans les points de collecte d'armes, qu'étais-je censé faire aux termes de

 23   mon mandat ? Je dépendais entièrement de Mladic et de sa bonne volonté à

 24   reconnaître la situation telle qu'elle était. S'il ne souhaitait pas que

 25   cela advienne, je ne pouvais rien faire d'autre. C'est ce que j'essaie de

 26   faire passer à ce stade.

 27   Q.  Vous avez déjà mentionné qu'il y a eu cette deuxième série de frappes

 28   aériennes le 26, et suite à ces deux séries de frappes, du personnel des


Page 11375

  1   Nations Unies a donc été capturé. Est-ce que vous votre QG a reçu un appel

  2   téléphonique qui portait sur le fait qu'une personne des Nations Unies

  3   avait été détenue ?

  4   R.  Oui. Comme je le disais, on a reçu un appel téléphonique et on nous a

  5   dit : Nous avons maintenant pris ces personnes en otage. Regardez la télé,

  6   et vous pourrez avoir confirmation de cela. Ces personnes sont détenues et

  7   sont à proximité de cibles potentielles, et elles risquent d'être égorgées.

  8   Nous avons reçu ce message également par le truchement de l'officier de

  9   liaison, c'est-à-dire l'officier de liaison des Serbes de Bosnie, le

 10   colonel Indic qui était basé à Lukavica, et cela s'est passé durant cet

 11   après-midi-là.

 12   Q.  Vous avez parlé avec le colonel Indic à combien de reprises ce jour-là

 13   ?

 14   R.  Je ne sais pas si j'ai parlé personnellement, mais je crois que nous

 15   avons reçu des messages, un ou deux, et ils étaient peut-être à mon

 16   attention; autant que je m'en souvienne, mais je n'en suis pas sûr.

 17   Q.  Selon vous, quels étaient les contacts qu'entretenait Indic avec Mladic

 18   ?

 19   R.  Indic était l'officier de liaison de Mladic et il était basé à la

 20   caserne de Lukavica, caserne qui se trouvait du côté serbe de la ligne de

 21   front entre les Musulmans et les Serbes à Sarajevo. C'est par son

 22   truchement que nous avions des tractations avec Pale, c'est-à-dire

 23   lorsqu'on devait se rendre à Pale, et lorsqu'il fallait organiser des

 24   réunions, c'est à lui que nous nous adressions.

 25   Q.  Tout d'abord, Indic vous a fait savoir ou a fait savoir à votre QG ce

 26   qu'il se passerait ou ce qu'il adviendrait des otages en cas de nouvelles

 27   frappes aériennes ?

 28   R.  En fait, ils avaient déjà été placés à proximité de cibles


Page 11376

  1   potentielles; du moins ce que les Serbes considéraient comme des cibles

  2   potentielles, cela signifie que si ces cibles étaient attaquées par les

  3   frappes aériennes ces otages seraient tués. De plus, je sais qu'il y avait

  4   un terme "serbo-croate," qui était utilisé et que l'on pourrait traduire

  5   par "étranglement" ou "mort par suite à être secoué;" c'était quelque chose

  6   comme ça, ça voulait dire quelque chose comme cela.

  7   Q.  Est-ce qu'il vous a dit également que vous pourriez donc obtenir

  8   confirmation dans les médias ?

  9   R.  Oui, tout à fait, et d'ailleurs nous avons vu une photo des images d'un

 10   de nos hommes à la télévision.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais maintenant attirer votre attention

 12   sur la deuxième conversation téléphonique que vous avez avec le général

 13   Mladic ce jour-là, c'est-à-dire le 26, cette deuxième conversation

 14   téléphonique a eu lieu à 14 heures 50. Est-ce qu'on pourrait passer à la

 15   page suivante, s'il vous plaît ?

 16   Q.  Comme je le disais, il s'agit d'une nouvelle conversation téléphonique

 17   entre vous et le général Mladic, le 26 mai 1995, à 14 heures 50. Je vais

 18   vous demander d'attirer plus particulièrement votre attention sur le

 19   paragraphe 4, je vous poserai des questions : Dans le troisième paragraphe,

 20   vous voyez qu'il est mentionné que vous n'aviez aucun droit de poser des

 21   questions au général Mladic et que le devenir des personnes arrêtées était

 22   entre vos mains; il avait dit qu'en cas de frappes aériennes. Il avait

 23   mentionné qu'il utilisait -- il y a un mot donc qui est entre guillemets;

 24   vous avez demandé de préciser ce que ce mot voulait dire. Il a répondu que

 25   :

 26   "S'il y avait des attaques ou des frappes aériennes supplémentaires, tout

 27   le monde verrait le réponse à la télé."

 28   Vous avez dit que c'était un mot donc en B/C/S, un mot qui s'appelle donc


Page 11377

  1   en B/C/S "hripe," et vous avez dit que c'était en fait une sorte

  2   d'étranglement.

  3   R.  Oui, c'est ce que j'essaie de décrire précédemment, c'est ceux qu'on

  4   avait menacé de faire à ces otages.

  5   Q.  Est-ce que cette conversation a eu lieu avant ou après les

  6   communications que vous avez eues avec Indic ?

  7   R.  Je n'en suis pas sûr. Je pense que ces conversations -- ou du moins le

  8   fait qu'on m'est ramené ces propos ceci s'est produit après, mais je n'en

  9   suis pas sûr je ne me souviens plus vraiment de l'ordre des événements ce

 10   jour-là.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser cette pièce au

 12   dossier ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout à fait. Ce sera la pièce P2268.

 14   M. TIEGER : [interprétation]

 15   Q.  Général, vous souvenez-vous de combien de personnes donc des membres

 16   des Nations Unies ont été pris en otage par les autorités serbes de Bosnie

 17   ?

 18   R.  Je crois que c'était à la fin de ces incidents, on était arrivé à plus

 19   de 300, je crois.

 20   Q.  Est-ce que vous pensez qu'il s'agissait d'efforts isolés locaux ou est-

 21   ce que c'était une décision prise ou contrôlée au niveau central ?

 22   R.  Il était évident que ceci émanait d'un contrôle central. De plus, il

 23   n'y avait aucun Russe. Enfin, c'était clair que les Russes n'avaient pas

 24   été pris en otage et que, par contre, des personnes d'autres nationalités

 25   étaient prises en otage.

 26   Q.  Durant la conversation que vous avez eue avec le général Mladic, nous

 27   voyons la transcription de cette conversation, mais je voulais savoir s'il

 28   y avait des doutes quant à son rôle dans cette prise d'otage ?


Page 11378

  1   R.  Je pense qu'il n'y avait aucun doute dans nos esprits qu'il était

  2   responsable de cet incident de prise d'otage, effectivement.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais attirer votre attention sur un

  4   certain nombre de documents.

  5   Tout d'abord, j'aimerais que l'on affiche le document de la liste 65 ter

  6   08047. C'est un document du 27 mai 1995, signé par le général Milosevic, et

  7   qui porte sur un des membres de la FORPRONU, du HCR des Nations Unies, et

  8   d'autres organisations internationales qui avaient été faits prisonniers.

  9   On recense également les différentes nationalités de ces otages, et il est

 10   mentionné également que :

 11   "Des membres de la FORPRONU ressortissants russes ne devaient pas

 12   être faits prisonniers, et que les Russes, qui avaient été capturés,

 13   devaient être libérés."

 14   Q.  Est-ce que c'est ce que vous avez observé ?

 15   R.  Je n'ai pas observé, bien sûr, ces rapports. Mais ce que j'ai pu

 16   observer, effectivement - et les Russes nous l'avaient expliqué - l'Unité

 17   russe de la FORPRONU nous avait donc dit qu'ils ne seraient pas pris à

 18   partie.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Très rapidement trois autres documents.

 20    P01247 [comme interprété]. Il s'agit du secteur de la Sécurité et du

 21   Renseignement de l'ARSK, état-major principal, et ce document mentionne --

 22   nous donne des informations laissant penser que :

 23   "Les frappes aériennes de l'OTAN vont recommencer, et ils

 24   recommandent que les membres des Nations Unies qui seront capturés soient

 25   placés dans des zones où d'autres frappes aériennes pourraient avoir lieu."

 26   Maintenant si on peut passer à la pièce P02137.

 27   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Il n'est pas sûr de la

 28   référence précédente, P2417.


Page 11379

  1   M. TIEGER : [interprétation] Encore une fois, il s'agit d'un document

  2   émanant de l'état-major principal de la VRS portant la date du 27 mai 1995,

  3   à l'attention des commandements des 1er et 2e Corps de la Krajina, et

  4   cetera. Encore une fois, il est mentionné qu'ils partent du principe d'une

  5   décision avait été prise de poursuivre les frappes aériennes de l'OTAN,

  6   frappes aérienne sur des entrepôts, des postes de commandement, et cetera,

  7   et vous voyez que l'ordre est donné, comme on le voit dans le document,

  8   tout d'abord :

  9   "Que le personnel de la FORPRONU capturé ainsi que des membres du

 10   personnel d'autres organisations humanitaires internationales dans leurs

 11   zones de responsabilité devraient être envoyés dans la zone de

 12   responsabilité de l'ARSK, à destination d'entrepôt et de zones à proximité

 13   des postes de commande, des positions donc où des feux ou des frappes

 14   pourraient être effectuées, et dans des endroits qui pourraient constituer

 15   d'autres cibles potentielles de ces frappes aériennes."

 16   Si l'on continue à la page suivante.

 17   Vous voyez qu'il y a un ordre pour que :

 18   "Le déploiement des forces de la FORPRONU au niveau des entrepôts,

 19   donc forces de la FORPRONU, mais capturées, on s'entend dans les zones qui

 20   étaient des bases logistiques ou des entrepôts logistiques, et ceci a été

 21   approuvé par le président de la Republika Srpska, et les médias tant

 22   étrangers que locaux ont été informés de cela."

 23   On voit ensuite les commandements des unités sont personnellement

 24   responsables de l'exécution de cet ordre.

 25   Q.  Général, est-ce que ces documents correspondent à vos observations à

 26   l'organisation de la prise d'otage et du déploiement de ces otages et des

 27   conclusions que vous avez pu en tirer, et du fait qu'il s'agissait soit

 28   d'ordres locaux soit d'ordres centraux ?


Page 11380

1`  1   R.  On voit bien que ces ordres sont approuvés par le président. Cela

  2   montre au moins qu'il a des connaissances de ces incidents et qu'il avait

  3   également donné des orientations quant à la manière dont ces personnes

  4   allaient être prises en charge.

  5   Pour ce qui est maintenant de mes observations à l'époque, même si, bien

  6   sûr, je n'ai pas eu connaissance de ces documents à l'époque, lorsque les

  7   otages ont été libérés, nous avons appris qu'ils avaient changé d'endroit

  8   en petits groupes. Certains de ces groupes ont pu déterminer où ils se

  9   trouvaient, et qu'il y avait visiblement une signification à ces

 10   mouvements, et certaines de ces personnes ont également donné des

 11   informations lorsqu'ils ont été libérés.

 12   Q.  Est-ce que vous saviez que les otages avaient été répartis dans

 13   différentes zones de responsabilité ?

 14   R.  Pas à ce moment-là; c'est seulement par la suite que j'ai appris que

 15   c'est ainsi que les choses s'étaient passées.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Alors il y a une conversation du 28 mai entre

 17   vous et le général Mladic, qui porte le numéro 01345, sur la liste 65 ter.

 18   Pouvons-nous voir la page suivante, s'il vous plaît ?

 19   Q.  On nous donne ici un résumé qui nous indique, Général, que c'est vous

 20   qui étiez à l'origine de cette conversation téléphonique.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Alors, Monsieur le Président, je souhaiterais

 22   que nous puissions passer à huis clos partiel.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 25   Monsieur le Président.

26 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]

27   M. TIEGER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, j'ai essayé de

 28   déterminer aussi précisément que possible les enjeux en application de


Page 11381

  1   l'article 77 [comme interprété], mais on m'a dit que nous sommes contraints

  2   de passer à huis clos partiel, pour essayer d'obtenir des éléments de

  3   preuve du général Smith à propos de l'incident du pont Vrbanja. C'est la

  4   raison pour laquelle par excès de précaution, j'ai préféré procéder ainsi.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

  6   Maître Robinson.

  7   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

  8   Mais il semblerait que nous ayons ici affaire à un document des Nations

  9   Unies. Je me demande donc si la requête en application de l'article 70

 10   émanait des Nations Unies, parce que, dans le cas contraire, si c'est d'une

 11   autre entité que venait la demande, l'article 70 ne s'appliquerait pas.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Non, c'est des Nations Unies qu'émanait la

 13   requête, Monsieur le Président. Comme j'ai dit, j'ai essayé d'être aussi

 14   prudent que possible parce que je ne sais pas avec une certitude absolue

 15   dans quelle mesure la restriction à laquelle nous sommes contraints serait

 16   complètement en accord avec -- en cohérence avec les autres documents ou

 17   les autres témoins que nous aurons à entendre. Mais, en tout cas, je

 18   m'apprête à me pencher sur la question à huis clos partiel, c'est la raison

 19   pour laquelle je demandais que nous passions à huis clos partiel. Il n'y a

 20   pas d'autre source impliquée.

 21    M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 22   Si j'ai bien compris, ce sont les Nations Unies qui ont demandé que

 23   toutes les informations, concernant l'incident du pont de Vrbanja, soient

 24   abordées à huis clos partiel, à la différence du gouvernement français,

 25   n'est-ce pas ?

 26   M. TIEGER : [interprétation] Sans entrer dans trop de détails, je puis dire

 27   - en tout cas, c'est ma compréhension à ce stade - que concernant la

 28   déposition de ce témoin particulier, lorsque nous avons demandé à ce qu'une


Page 11382

  1   vérification soit faite au terme de l'article 70, cette question s'est

  2   posée et nous avons compris que la restriction en application de l'article

  3   70 à laquelle nous sommes confrontés maintenant continuait à s'appliquer.

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que ceci

  5   pourrait revenir à priver le Dr Karadzic d'un procès équitable parce que

  6   concernant cet incident particulier, du moins du point de vue du Dr

  7   Karadzic, il est affirmé que quatre otages auraient été pris et auraient

  8   été échangés le 18 juin, et c'est une partie des thèses avancées par le Dr

  9   Karadzic que de dire que des conditions ont été ultérieurement placées à

 10   leur libération et que cela s'appliquait également à l'incident du pont de

 11   Vrbanja et aux Serbes qui ont été capturés. Donc c'est le premier document

 12   des Nations Unies que nous voyons en application de l'article 70. Il y a

 13   une restriction, par conséquent, qui en découle et qui fait qu'on ne peut

 14   pas l'aborder en audience publique, mais -- enfin, j'ai cru comprendre que

 15   ce n'était pas les Nations Unies qui étaient à l'origine de cette demande.

 16   Par ailleurs, l'incident du pont de Vrbanja impliquait un Bataillon

 17   français et le gouvernement français a formulé ce type de requête, donc je

 18   crois qu'il est important de garder à l'esprit la condition applicable au

 19   terme de l'article 70 tel que demandé par le Procureur, et ce dernier se

 20   trouve maintenant confronté précisément à cette limite, puisqu'il s'agit

 21   d'un document qui a été fourni par la source correspondante sous cette

 22   condition.

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28   Q.  Général, je voudrais vous laisser la possibilité de nous dire ce que


Page 11383

  1   vous savez de cette conversation téléphonique après que vous l'aurez

  2   examinée.

  3   Le résumé nous indique que pendant cette conversation, Mladic a réfuté les

  4   accusations de mauvais traitements qui auraient été infligés aux personnes

  5   détenues, il vous a accusé d'agir pour le compte du gouvernement bosnien et

  6   a demandé un arrêt immédiat de tous les vols militaires et tous les vols de

  7   transport de l'OTAN, ainsi que la libération inconditionnelle de tout le

  8   personnel serbe détenu. La première partie de la discussion commence avec

  9   les propos que Mladic vous adressent au sujet du pont de Vrbanja -- en

 10   fait, non, excusez-moi. C'est vous qui mettez en avant les éléments

 11   principaux de cette situation, et vous demandez à Mladic de demander à ses

 12   hommes de faire preuve de retenue et de traiter correctement les personnes

 13   détenues, et cetera.

 14   Alors vous pourriez peut-être nous décrire rapidement ce dont vous avez

 15   discuté.

 16   R.  J'aurai peut-être encore une fois besoin d'aide pour ce qui est de

 17   retrouver l'enchaînement exact dans le temps et les dates précises, mais

 18   c'est dans les premières heures de la matinée de l'une de ces journées. Je

 19   crois que c'était la date du 28 mais je n'en suis pas sûr. C'est donc dans

 20   ces premières heures de la matinée qu'un groupe de Serbes de Bosnie vêtus

 21   d'uniformes de soldats français ont attaqué et pris le contrôle du poste de

 22   contrôle situé au niveau du pont de Vrbanja, qui avait accueilli des

 23   soldats français -- en fait, des soldats français y étaient en poste.

24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais vous interrompre, Général.

 25   Pouvons-nous peut-être entendre cette partie de la déposition en audience

 26   publique, parce que nous nous sommes déjà penchés sur la question de ce

 27   document et peut-être serait-il possible de repasser en audience publique

 28   sans que le général s'appuie sur le document à proprement parler ?


Page 11384

  1   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que j'aurai à

  2   aborder à nouveau l'ensemble de cette question, peut-être demain, et je

  3   vais demander des précisions supplémentaires.

  4   Si j'ai bien compris, les restrictions ne concernent pas le document lui-

  5   même mais la requête, en ce qui concerne, en tout cas, cette déposition

  6   particulière ou le fait d'obtenir des éléments de preuve du général à ce

  7   sujet.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si j'ai bien compris, ceci n'est pas

  9   produit par ni sur demande des Nations Unies.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je crois, à ce stade, que je vais devoir

 11   revenir sur une bonne partie de ce que j'ai dit. A ce stade, et selon moi,

 12   la compréhension que j'avais des restrictions qui s'appliquent n'était pas

 13   la bonne, et je crois que la meilleure façon de procéder serait de laisser

 14   de côté ce document pour le moment et de revenir sur ce point demain, une

 15   fois que j'aurai obtenu des précisions supplémentaires. Je crois que nous

 16   pourrons aborder la question de l'incident du pont de Vrbanja en audience

 17   publique. Je ne crois pas que cela devrait poser problème, mais je

 18   préférerais pouvoir m'en assurer avant de poursuivre.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En tout cas, je relève l'heure et je

 20   crois qu'il serait bon peut-être de lever l'audience. La journée a été

 21   longue déjà.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je simplement m'exprimer, Monsieur le

 23   Président ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant.

 25   Je voudrais que nous revenions en audience publique d'abord.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 27   [Audience publique]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.


Page 11385

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte tenu de l'évaluation qui est celle de la

  2   Défense et qui consiste à dire que trop peu de temps lui a été attribué

  3   pour un témoin aussi important que le général Smith, nous sommes tout à

  4   fait prêts à faire des efforts supplémentaires consistant à siéger plus

  5   longtemps, lors d'audiences plus longues, si jamais toutes les parties au

  6   procès sont d'accord. Donc, si nous pouvions bénéficier de cela, je pense

  7   que ce serait idéal si on nous donnait des heures de temps supplémentaire

  8   au titre du contre-interrogatoire. Dans ce cas-là, nous n'aurions pas à

  9   déborder sur la semaine prochaine; cependant, si le témoin a la possibilité

 10   de rester la semaine prochaine également, ce serait une très bonne solution

 11   aussi.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La salle d'audience est déjà prise toute

 13   la journée demain. Nous allons étudier la question de savoir s'il serait

 14   envisageable de prévoir une prolongation jeudi ou vendredi.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, j'imagine qu'on

 16   demandera également au témoin quelles sont ses propres possibilités et

 17   contraintes et que l'Unité des Victimes et des Témoins s'en chargera.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous demanderons à l'Unité

 19   des Victimes et des Témoins de procéder ainsi.

 20   Nous levons l'audience et reprendrons demain à 9 heures.

 21   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : page 79 du compte rendu

 22   anglais, ligne 4, à 13:59:21, corriger la réponse du général par ce qui

 23   suit :

 24   "C'est à moi qu'il incombait de déterminer si la population civile

 25   était attaquée et si les armes se trouvaient hors des points de collecte.

 26   C'était mon devoir et c'était parfaitement conforme à mon mandat. Il

 27   incombait à Mladic, quant à lui, de reconnaître cela et de mettre un terme

 28   à ses agissements s'il souhaitait que les frappes cessent."


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  1   --- L'audience est levée à 14 heures 28 et reprendra le mercredi 9 février

  2   2011, à 9 heures 00.

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