Page 12606
1 Le mardi 1er mars 2011
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, à tous.
7 Nous sommes à nouveau dans la salle d'audience numéro I.
8 Aujourd'hui, nous siégeons en l'absence de la Juge Flavia Lattanzi, qui est
9 indisposée. J'espère qu'elle se mettra très bientôt.
10 Bonjour, Monsieur le Témoin.
11 LE TÉMOIN : KDZ020 [Reprise]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez 40 minutes
14 pour terminer votre contre-interrogatoire.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Bonjour à tous.
16 Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]
17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
18 R. Bonjour.
19 Q. Afin de ne pas avoir de problème, hier, vous avez mentionné Renovica;
20 est-ce que c'était quelqu'un qui avait une moustache et qui travaillait au
21 sein de la Sûreté de l'Etat également dans l'ancien système, donc c'était
22 un ancien agent professionnel ?
23 R. Je parle de Mile Renovica, qui était chef des services de Sûreté de
24 l'Etat pour Vogosca et pour Ilijas. Il portait une moustache. Mais je ne
25 sais pas depuis combien de temps il travaillait dans ces services.
26 Q. Est-ce qu'il avait été mis à ce poste par le Parti démocratique serbe
27 après les années '90 ou est-ce qu'il était en poste auparavant ?
28 R. Je ne sais pas.
Page 12607
1 Q. Pour faire preuve d'équité vis-à-vis de vous, si c'était un ancien
2 agent, effectivement, je l'ai rappelé, vous avez raison. Mais si vous
3 pensiez à quelqu'un qui faisait partie du SDS, je n'ai pas eu connaissance
4 d'une personne de ce genre.
5 Très bien. Maintenant est-ce que vous pourriez nous dire ce qui s'est passé
6 le 4 mai à Kotonje --
7 R. Je ne sais pas de quoi vous parlez précisément.
8 Q. Le 4 mai, lorsque les Serbes de Kotonje ont attaqué en tant que
9 communauté minoritaire, et qu'ils se sont enfuis en direction de
10 Grahoviste, et ensuite ils ont été capturés et interceptés à Grahoviste et
11 ensuite ils ont été tués ? Est-ce que c'était le groupe qui a été tué
12 ultérieurement ?
13 R. Vous m'avez posé une série de questions et vous avez avancé une série
14 d'éléments ici. Les Serbes de Kotonje n'étaient pas une communauté
15 minoritaire, absolument pas, parce qu'il y avait un nombre important de
16 Serbes à Kotonje qui habitaient là-bas et qui travaillaient là-bas. Je n'ai
17 pas eu vent du fait qu'ils aient fait l'objet d'une attaque le 4 mai, et je
18 n'ai pas eu vent du fait qu'ils s'étaient enfuis de Kotonje en direction
19 Grahoviste. Ce n'était pas vraiment logique même si quelqu'un était
20 attaqué, ils n'auraient pas vraiment dû partir de Kotonje en direction de
21 Grahoviste, s'ils devaient s'enfuir de Kotonje. Ça aurait été plus logique
22 de partir en direction du centre de Vogosca, dans ce secteur-là, parce que
23 les Serbes étaient déjà au pouvoir là-bas.
24 Q. Mais s'ils devaient traverser une zone qui avait un groupe armé, je
25 serais d'accord.
26 Mais consultons le document 1D3341 sur le prétoire électronique. Je crois
27 qu'il existe une traduction.
28 Il s'agit d'une annonce faite par la cellule de Crise de l'assemblée
Page 12608
1 municipale de Vogosca, et il est mentionné que par rapport à l'arrestation
2 de neuf Serbes à Grahoviste les 3 et 4 mai, on informe le public sur
3 certains détails liés à l'arrestation.
4 Je voudrais que cette page ne soit pas diffusée hors du prétoire, s'il vous
5 plaît.
6 Il est mentionné :
7 "La veille de l'arrestation, Hamdija Ackar est arrivé à Grahoviste. Est-ce
8 que vous le connaissez ?
9 R. Oui.
10 Q. Il était mentionné ensuite :
11 "…qu'il a assuré donc les habitants serbes qu'il n'y avait aucune
12 raison d'avoir peur des Musulmans; cependant, il les a conseillés de ne pas
13 se séparer. Il s'agissait donc de personnes s'appelant Hamdija Ackar. Ils
14 avaient été emportés vers les zones boisées de Barice," et cetera, et
15 cetera. On le voit plus bas dans le document.
16 Ma question est la suivante : Est-ce que ce village de Barice se trouve
17 entre Kotonje et Ugorsko ? Est-ce que cela fait partie du territoire de la
18 municipalité de Vogosca ?
19 R. Si vous allez en direction de Kobilja Glava, Hotonj, Grahoviste, et
20 cetera, et cetera, et bien sûr, Vogosca est une zone très peuplée.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que toutes les parties consultent
22 ce document. Ensuite j'aimerais que l'on passe à la page 2 en serbe. Je
23 pense qu'il s'agit également de la page 2 en version anglaise, et je
24 voudrais donc que le document ne soit pas diffusé en dehors de ce prétoire.
25 Je ne vais pas le lire à haute voix. Voilà la page 2 pour les deux
26 versions.
27 On voit bien, je vous demande de regarder le deuxième paragraphe, parce que
28 je ne vais pas donner les noms de ces personnes.
Page 12609
1 Comment est-il possible que ces voisins enfin, il est mentionné,
2 "quand ils sont arrivés à Busci, Obren Sikaras, et cetera, ils ont été
3 déshabillés et ensuite ils ont été emportés. Il est mentionné que les
4 voisins n'ont pas vu ni ne savent qui a fait cela. Est-ce que vous voyez
5 ces noms ?
6 R. Ça ne se dit pas en version bosniaque. Mais je comprends. Je vois donc
7 l'écriture en cyrillique et je peux voir les noms.
8 Q. Est-ce que vous voulez lire la version anglaise si vous n'arrivez pas à
9 lire dans ce bosniaque qui n'existe pas ? Peut-être que vous pouvez le lire
10 en anglais, ce serait plus facile pour vous.
11 R. Je vous demande de ne pas m'insulter. La langue que je parle s'appelle
12 le bosniaque. Je suis un Bosno-musulman d'ethnicité. Je suis donc de foi
13 musulmane, de confession musulmane. Hier, vous avez utilisé le nom
14 religieux pour faire référence à mon groupe ethnique. Vous devez être
15 juste. Je voudrais que vous utilisiez le terme officiel. Je parle la langue
16 bosniaque. Je comprends la langue que vous parlez, mais d'un point de vue
17 d'ethnicité, je suis Bosno-musulman, de confession musulmane. Je ne veux
18 pas être insulté ici.
19 Q. Mais vous semblez en fait revendiquer cette langue. C'est en fait la
20 langue serbe. Vous appelez Musulmans et peut-être Bosniens, mais vous
21 seriez offensés si je vous appelais quelque chose d'autre.
22 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, échangez des
23 insultes avec le témoin; ne vous fait pas uniquement perdre de votre temps,
24 mais fait perdre le temps à toutes les parties présentes dans ce prétoire.
25 Je vous demande donc de continuer votre contre-interrogatoire, posez des
26 questions précises liées à l'acte d'accusation.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord. Je n'aurais pas
28 dû répondre à l'appât.
Page 12610
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Mais quoi qu'il en soit, étant donné que vous pouvez lire l'anglais,
3 pouvez-vous lire la version anglaise ? Est-ce que vous voyez les trois noms
4 qui sont mentionnés ici ?
5 R. Oui, je vois les trois noms.
6 Q. Est-ce que vous connaissez ces personnes ?
7 R. Oui, je connais ces trois personnes.
8 Q. Est-ce que vous essayez de dire que ces familles ont fait une erreur,
9 se sont fourvoyées, et qu'ils ne savaient pas qui a emporté ces parents ?
10 R. Comment pouvez-vous savoir ce que je veux dire ? Hier, vous avez
11 demandé également ce qui s'était passé au niveau de ces événements. Vous
12 avez posé des questions et j'ai dit que cela -- mais j'ai dit que je
13 n'avais pas participé d'une manière ou d'une autre à cet incident, et que
14 je suis disposé devant tout tribunal en Bosnie-Herzégovine, dans le monde
15 ou devant un tribunal international à répondre aux questions concernant cet
16 incident. Je n'ai pas participé à cet incident. Je n'ai rien à voir avec
17 cet incident.
18 Q. Merci.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux verser cette pièce au
20 dossier ?
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.
22 Mme EDGERTON : [interprétation] Même si le témoin a reconnu certains des
23 noms mentionnés de certaines personnes impliquées, il a nié toute
24 participation à cet incident, qui était à l'origine de l'affichage de ce
25 document, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'en est-il de l'incident lui-même ?
27 Mme EDGERTON : [interprétation] Mais en ce qui concerne l'incident,
28 Monsieur le Président, nous n'acceptons pas, nous ne sommes pas disposés à
Page 12611
1 accepter que ceci ait eu lieu d'une manière ou d'une autre tel que ceci est
2 décrit dans le document. Je ne considère pas également que l'incident est
3 pertinent.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous voulez répondre,
5 Monsieur Karadzic ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Maître Robinson va répondre.
7 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
8 Tout d'abord, nous pensons que les réponses du témoin, sans ce document, ne
9 pourraient pas vraiment être placées dans ce contexte. C'est une situation
10 où le contexte fournit des éléments qui devraient être versés au dossier.
11 Même s'il est vrai que le témoin a nié les allégations concernant ce
12 document, je pense qu'il serait malheureux que les Juges de cette Chambre
13 n'acceptent pas le versement de ce document, puisque ceci est lié à un
14 témoin, et il en va de la crédibilité du témoin, parce que ce témoin a nié
15 certaines parties du contenu de ce document. Donc je pense qu'il y a
16 suffisamment d'éléments dans la réponse du témoin qui justifient le
17 versement de ce document.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, afin de comprendre le contexte de
20 la déposition de ce témoin, nous allons donc verser cette pièce au dossier.
21 Est-ce que l'on pourrait donner une cote ?
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera une pièce sous pli scellé qui
23 recevra la cote D1110.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
26 Est-ce que l'on pourrait maintenant afficher sur les écrans, le document
27 1D3326, s'il vous plaît. Ce document ne devrait pas être diffusé hors de
28 ce prétoire. Je ne sais pas si nous avons une traduction anglaise de ce
Page 12612
1 document. Quoi qu'il en soit, c'est un document qui porte la date du 12
2 mai. Oui, nous avons une traduction.
3 Est-ce que l'on pourrait passer à la page 4, de ce document, s'il vous
4 plaît. D'après la version en serbe, c'est ce qui se trouve dans la colonne
5 de droite en haut. Il est mentionné :
6 "D'après des témoins oculaires, des Serbes et des Musulmans sont arrivés,"
7 et cetera, et cetera.
8 Est-ce que vous pouvez consulter cela et en anglais, c'est à la page 6. Il
9 est mentionné :
10 "D'après donc des témoins oculaires musulmans et serbes…"
11 Il est mentionné - enfin, la même chose est répétée ici - il est mentionné
12 qu'ils ont été emmenés à Barice et l'arrestation a été faite par vous-même.
13 Vous pouvez voir ce qui a été fait ici, et qui l'a fait. Il est mentionné :
14 "La cellule de Crise de la municipalité serbe de Vogosca fera tout dans son
15 pouvoir pour procéder à un échange des neuf Serbes qui ont été arrêtés,
16 avec des détenus de Svrake, qui ont participé dans une attaque armée à
17 Vogosca."
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Est-ce que vous savez ce qui s'est produit ? Savez-vous que
20 ces personnes ont été exhumées et que l'on a retrouvé des traces de
21 massacre ?
22 R. C'est en déposant ici que j'ai entendu parler de cela. Je ne sais pas
23 si l'on a trouvé que, par exemple, ils avaient été égorgés ou qu'ils
24 avaient été massacrés. Ça, je ne le sais pas.
25 Q. Très bien.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser cette pièce au dossier
27 ?
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas pour l'instant. Il ne s'agit que
Page 12613
1 d'un article de presse et le témoin n'a rien confirmé. Je pense qu'il est
2 suffisant d'avoir versé la pièce précédente, pas celle-ci.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Est-ce que je pourrais vous rappeler qu'en fait -- ou du moins, est-ce
6 que vous vous souvenez que le 18 avril, les Bérets verts et la partie
7 musulmane du MUP, ainsi que des supporteurs du SDA issus de la municipalité
8 de Vogosca, ont lancé une attaque contre l'usine de Pretis le 18 avril ?
9 R. De quel incident parlez-vous exactement ?
10 Q. Le 18 avril il n'y a eu qu'un seul incident important qui a été fomenté
11 par ces [inaudible]. Je parle des membres des Bérets verts, de la partie
12 musulmane du MUP, des supporteurs du SDA, qui ont attaqué l'usine de
13 Pretis. Je parle de l'usine militaire de Pretis. C'était une attaque de
14 grande envergure. Est-ce que l'attaque a eu lieu ?
15 R. Vous ne mentionnez pas quelque chose d'exact.
16 Q. Très bien. Alors aidez-nous, dites-nous ce qui s'est passé.
17 R. Avec plaisir.
18 Le 18 avril, une Unité spéciale du ministère de l'Intérieur, vous
19 avez mentionné -- vous les avez appelés la partie musulmane du MUP, alors
20 qu'en fait il s'agissait d'une Unité spéciale du ministère de l'Intérieur
21 sous le commandant de Dragan Vikic, et il est de notoriété publique que
22 Dragan Vikic n'est pas un Musulman. J'espère que vous le savez également.
23 Vous savez fort bien de qui il s'agit.
24 Q. Dragan Vikic est un Croate. Il était membre de la coalition
25 croato-musulmane, n'est-ce pas ?
26 R. Je vous demanderais de ne pas m'interrompre, s'il vous plaît. Pour moi,
27 l'appartenance ethnique de Dragan Vikic n'est pas importante. Ce qui est
28 important dans ce contexte c'est de savoir qu'il n'était pas Musulman.
Page 12614
1 C'était cette unité qu'il commandait, et durant toute la guerre, il
2 s'agissait d'une unité complètement multiethnique. Il y avait des Bosno-
3 musulmans, des Serbes, des Croates, ainsi que d'autres groupes ethniques.
4 Le 18 avril, ils sont entrés dans l'usine de Pretis et ils ont saisi des
5 armes dont ils avaient besoin pour la défense de la ville de Sarajevo. Dieu
6 merci, ils y sont arrivés, parce qu'en faisant cela, ils ont sauvé des vies
7 de centaines de personnes qui auraient été bombardées en raison des crimes
8 que vous avez commis. Il s'agissait d'une action tout à fait légale et
9 légitime qui a été menée par une Unité du ministère de l'Intérieur, qui
10 était tout à fait légale, et les armes, quoi qu'il en soit, appartenaient
11 au gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Ce qui est resté dans l'usine est
12 tombé entre vos mains, et on sait très bien que vous les avez utilisées
13 très souvent, jusqu'à ce que l'OTAN bombarde cette usine.
14 Q. Monsieur le Témoin, savez-vous que la JNA -- ou plutôt, l'unité, qui
15 montait la garde à proximité de cette usine ou dans cette usine, a refusé
16 d'obtempérer après des coups de [inaudible] et après, l'aide proposée par
17 la partie serbe parce qu'ils ne voulaient pas considérer la partie serbe
18 comme une entité existante ? Ils ont considéré que cette usine était la
19 propriété de la JNA et, par conséquent, aucune attaque provenant du MUP ne
20 pouvait être considérée comme légale si la cible était une infrastructure
21 légale de la JNA ?
22 R. Encore une fois, vous ne reflétez pas la réalité. Cette usine n'avait
23 pas de gardes issus d'une Unité de la JNA. L'usine avait ses propres
24 services de sécurité interne. Il s'agissait donc d'agents de sécurité,
25 c'est comme ça qu'on les appelle dans d'autres langues. Cette unité était
26 dirigée par Risto Bajelo, et comme je l'ai déjà dit, aucune Unité de la JNA
27 n'assurait la garde de cette usine. Quant à la responsabilité pour la
28 sécurité externe, elle était du ressort du gouvernement de la Bosnie-
Page 12615
1 Herzégovine ainsi que des forces du MUP.
2 Q. Ces officiers de sécurité au sein de l'usine, ils étaient commandés par
3 qui ?
4 R. Ils étaient commandés par un Serbe, Risto Bajelo.
5 Q. Risto Bajelo, il avait qui comme supérieur hiérarchique ?
6 R. Je vous ai déjà dit, l'usine disposait de ses propres services de
7 Sécurité interne. Par conséquent, Risto Bajelo était un employé de cette
8 usine.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait demander l'affichage
10 du document 1D3327 ?
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que ceci faisait partie de la section
13 militaire de l'usine de Pretis ?
14 R. Oui.
15 L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend : Q. Est-ce que Pretis était une
16 usine d'armement ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Merci. Est-ce que l'on pourrait maintenant consulter la colonne qui est
20 à gauche, paragraphe 3 ? Il est mentionné que :
21 "Les membres des Bérets verts et ce que l'on a appelé le MUP de
22 Bosnie-Herzégovine a mené une attaque armée contre les usines Unis à
23 Vogosca, ce qui a causé déjà des premières victimes. A cette occasion,
24 certains des produits militaires, qui étaient fabriqués par l'usine Pretis,
25 ainsi qu'un nombre important de véhicules ont été volés. Ceci a déclenché
26 la prise de pouvoir par les Serbes de la municipalité, et cela a également
27 occasionné l'arrêt de la production."
28 Est-ce que c'est de cet événement que l'on parle ici ?
Page 12616
1 R. Vous avez déjà avancé certains éléments qui ne sont pas du tout exacts.
2 Cet événement n'aurait pas pu être l'élément déclencheur qui a encouragé la
3 cellule de Crise serbe à prendre le pouvoir à Vogosca, parce qu'ils avaient
4 déjà le pouvoir à Vogosca, ils faisaient ce qu'ils voulaient. Encore une
5 fois, je vous le répète, il s'agissait d'une opération de police tout à
6 fait légitime. Il n'y avait pas de Bérets verts, pas de militants, pas de
7 hordes, comme vous les appeliez souvent dans vos déclarations, qui ont
8 participé à cette opération. Par conséquent, il s'agit d'une opération de
9 police tout à fait légitime qui a été menée par les forces légitimes de la
10 Bosnie-Herzégovine.
11 Q. Par conséquent, les victimes -- donc les victimes étaient également
12 légitimes ?
13 R. Mais de quelles victimes ou de quelles pertes parlez-vous ?
14 Q. Mais combien de Bérets verts ont été tués ce jour-là ?
15 R. Cette opération a été tellement bien menée qu'aucun membre de la
16 police, que vous appelez les Bérets verts, n'a été blessé. Vous disposez
17 probablement d'informations erronées qui vous ont été fournies par ceux des
18 vôtres qui étaient à Vogosca. Personne n'a été tué, aucun des employés de
19 l'usine Pretis n'ont été blessé ni tué. Il n'y a eu des pertes que le
20 lendemain. La première opération a été menée durant la nuit, et le
21 lendemain, effectivement, il y a eu des victimes.
22 Q. Regardez :
23 "Ils ont investi l'usine le 17 avril, et sont revenus le 18 pour se saisir
24 de l'usine, ce qui a occasionné énormément de victimes."
25 Est-ce qu'il est mentionné que la cellule de Crise a pris le contrôle à ce
26 moment-là, et c'était le 14 mai ?
27 R. Je dois dire que je ne comprends pas du tout ce que vous essayez de
28 dire. Vous venez de citer toute une série de choses qui ne semblent pas
Page 12617
1 vraiment tenir la route, et je ne comprends pas. Vous m'avez vraiment
2 complètement perdu dans les questions que vous posez.
3 Q. Est-ce qu'il est mentionné que, le 13 mai 1992, cet incident a été
4 l'élément déclencheur de la prise de contrôle des Serbes ?
5 R. Monsieur, ça ne m'intéresse pas de lire des brochures qui ont été
6 imprimés par le SDS. Il s'agit de brochures que -- et de la Grande-Serbie
7 qui sont un tissu de mensonges.
8 Q. Il s'agit d'un bulletin municipal. Il ne s'agit pas d'une brochure ou
9 d'un tracte.
10 R. Est-ce qu'il s'agissait d'une municipalité conjointe ou simplement
11 serbe ?
12 Q. Serbe.
13 R. Donc vous m'attendez à ce que j'accepte des déclarations qui émanent de
14 Chetnik.
15 Q. Mais vous voyez pourquoi, Monsieur, vous avez été qualifié d'extrémiste
16 dangereux.
17 R. Si vous me permettez de répondre à cette question, j'aimerais le faire.
18 Monsieur l'Accusé, je suis Musulman, et je le resterai jusqu'à ma mort.
19 Vous n'êtes pas la bonne personne -- vous n'êtes vraiment pas la bonne
20 personne pour être dans cette position, et pour déterminer si je suis un
21 extrémiste ou pas. Je vous dis la vérité, mais je refuse d'être insulté. Je
22 ne peux être rien d'autre qu'un Musulman. Mais votre haine aveugle contre
23 les Musulmans est votre problème; pas le mien.
24 Q. Est-ce que vous voyez ce qui est mentionné ici et qui concerne le 3
25 mai, il est mentionné des Bérets verts de Kobilja Glava, avec des membres
26 du HOS, ont attaqué Blagovac ? Est-ce que Blagovac faisait partie de
27 Hotonj, mais c'était une zone où les Serbes habitaient, et est-ce que cette
28 zone a été attaquée comme l'a été la partie centrale de Vogosca ? Est-ce
Page 12618
1 qu'il y a eu des attaques quoi ont eu lieu le 3 mai ?
2 R. Il y a eu des opérations de combat. Je ne sais pas de quelle opération
3 vous pensez. Je ne sais pas s'il y en a eu une qui s'est produite le 3 mai,
4 il y avait aucun membre du HOS ni de Bérets verts qui ont participé à ces
5 opérations; Il y avait des membres de la police et des membres de la
6 Défense territoriale, qui ensuite a été rebaptisé ABiH. Bien sûr, vous avez
7 du mal à dire qu'il s'agissait de l'ABiH parce qu'elle vous a causé
8 énormément de problèmes. Bien sûr, nous parlons ici des forces de police du
9 MUP tout à fait légitimes et régulières. Mais je comprends votre besoin de
10 changer la réalité.
11 Q. Est-ce que l'ABiH existait le 3 mai ?
12 R. Il n'y avait pas de Défense territoriale régulière et légitime de
13 Bosnie-Herzégovine, qui allait ensuite devenir l'ABiH.
14 Q. Est-ce que c'était la base qui a été à l'origine de cette structure
15 régulière, quel que soit le nom que vous vouliez donner à cette force, et
16 qui a attaqué Kotonje, et la partie serbe de cette localité de Vogosca ?
17 Quelle était la raison de cette attaque ?
18 R. Tout d'abord, la TO et la police n'ont pas attaqué ce village serbe de
19 Blagovac, comme vous l'avez dit, même si dans ce village, les Serbes
20 étaient la communauté dominante. Mais il y avait également des Bosno-
21 Musulmans et des Albanais qui vivaient là-bas.
22 Maintenant, pour ce qui est de ces positions -- à partir de ces positions,
23 à partir de Blagovac, à partir des parties centrales, il y a des obus qui
24 ont été tirés et ceci pratiquement sur une base quotidienne. Qu'est-ce que
25 vous vous attendiez qu'ils fassent ? Est-ce qu'ils auraient dû rester les
26 bras ballants et ne pas répondre à ces attaques ? Des gens ont été tués par
27 ces obus, par des tireurs embusqués. L'électricité était coupée, l'eau
28 était coupée. Est-ce que vous pensez qu'ils allaient attendre simplement et
Page 12619
1 regarder sans faire quoi que ce soit ? Vous, en tant que pacificateur, vous
2 vouliez en fait procéder au nettoyage ethnique de Vogosca.
3 Q. Veuillez éviter ce genre de question.
4 Est-ce que vous avez essuyé des tirs venant de Vogosca et de toutes ces
5 parties, et ceci, avant le 3 mai ?
6 R. Je vous demande encore une fois de ne me pas m'interrompre.
7 Q. Vous perdez du temps. Veuillez répondre aux questions, et ne me posez
8 pas des questions.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Veuillez vous calmer.
10 Vous n'avez plus beaucoup de temps, Monsieur Karadzic. Encore une seule
11 question et posez des questions les unes après les autres.
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Ma question était claire. Est-ce que vous êtes en train de dire que
14 l'ouverture du feu s'est produite avant le 3 mai ?
15 R. Ecoutez, Monsieur Karadzic, vous avez tiré bien avant le 7 janvier
16 1992. Vous avez tiré en utilisant des canons d'artillerie, vous avez tiré
17 en utilisant des fusils de tireurs embusqués. Vous avez utilisé tout
18 l'arsenal d'armements à votre disposition. Est-ce que vous êtes en train de
19 me dire que tout cela n'est pas vrai ?
20 Q. Merci. Merci.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons des documents qui permettront
22 d'en décider et nous pourrons donc comparer vos déclarations avec des
23 documents pertinents.
24 Je demande le versement au dossier du document que nous venons
25 d'examiner, car c'était un document de l'époque, rédigé à l'époque des
26 faits ?
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous posez
28 votre question au témoin en vous fondant sur le point de vue défendu dans
Page 12620
1 cet article de presse, et le témoin a répondu clairement à vos questions,
2 donc nous n'avons pas besoin de l'article pour comprendre dans quel
3 contexte se situe cette partie de la déposition du témoin.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
5 Je demande l'affichage à présent du document 1D3346.
6 Ceci est un article du Sandzak News Forum, qui est un forum musulman situé
7 au Sandzak, en Serbie, et nous lisons dans cette dépêche, je cite :
8 "Dans la nuit du 17 au 18 avril, des Unités spéciales du MUP, étant donné
9 la coopération qui avait déjà eu lieu auparavant, ont établi le contact
10 avec les plus hauts responsables de Vogosca et demandé un appui pour mener
11 une opération visant à sortir de l'équipement et du matériel de l'usine
12 Pretis de Vogosca pour le transporter hors de la Défense territoriale de
13 Vogosca."
14 Il est écrit ici qu'un certain nombre de membres de la Ligue patriotique
15 ont participé à cette action. Il est écrit que des unités provenant de la
16 municipalité de Stari Grad ont été dépêchées sur les lieux. Vers le bas de
17 la page, nous lisons que des éléments de l'unité de la Défense territoriale
18 de Novi Grad, conduit par feu Safet Hadzic, - qui d'ailleurs a une rue
19 portant son nom désormais - donc conduite par Safet Hadzic, sont arrivées
20 jusqu'au portail principal, et qu'à partir de la forêt et du bunker situé
21 en face, ils ont eu à essuyer des rafales de mitrailleuses dues à des
22 Chetniks.
23 Est-ce que vous êtes d'accord qu'un certain nombre de personnes ont été
24 tuées à ce moment-là et que Safet Hadzic était au nombre de ces tués ?
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que vous ne répondiez, Monsieur le
26 Témoin.
27 Madame Edgerton.
28 Mme EDGERTON : [interprétation] Il aurait pu être utile d'être prévenue à
Page 12621
1 l'avance de l'utilisation de ce document.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis d'accord et je présente mes excuses,
3 mais ceci est dû à la réfutation par le témoin d'un certain nombre de
4 choses qui sont d'une notoriété publique.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ça c'est quelque chose qui sort du
6 blogue de quelqu'un.
7 En fin, quoi qu'il en soit, pouvez-vous répondre à la question, Monsieur le
8 Témoin ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, je peux répondre, Monsieur le
10 Président.
11 Ceci a été imprimé à partir de ce qu'a posté sur internet un particulier.
12 Toute personne peut avoir son "blog" sur internet, et poster ce qu'il lui
13 plaît sur ce blogue. Je ne souhaite absolument pas commenter ce qui est
14 écrit dans ce texte, car un grand nombre de choses écrites ici sont
15 contraires à la vérité. Mais ça c'est votre problème le fait que vous
16 utilisiez ce genre de choses à des fins de propagande.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Est-ce que ceci est un blog musulman, Monsieur ?
19 R. J'ai surfé souvent sur internet et cela ne m'intéresse pas de
20 déterminer si un blog est musulman, croate, australien, israélien ou autre.
21 Ce n'est pas ma façon d'aborder ce genre de choses. Je ne sais pas si ce
22 blog est musulman. Mais, objectivement, il aurait pu être créé par des
23 Serbes.
24 Q. Les Serbes, dans ce cas précis, auraient employé le mot "Raska," n'est-
25 ce pas ?
26 R. Non, je ne suis pas d'accord. Au Sandzak, on utilise les mots qu'on
27 veut.
28 Q. Monsieur, est-ce que vous contestez que Safet Hadzic, qui est un héro
Page 12622
1 et qui a une rue baptisée à son nom, a été tué dans la nuit du 17 au 18
2 durant l'attaque de l'usine Pretis ?
3 R. M. Safet Hadzic a été tué le lendemain de l'opération menée par l'Unité
4 spéciale du MUP.
5 Mais je n'ai pas terminé. Laissez-moi finir.
6 Donc l'Unité spéciale a mené une attaque pendant la nuit, et avant l'aube,
7 elle a quitté les locaux de l'usine. Safet Hadzic, toutefois, a été tué aux
8 environs de midi le lendemain de cette nuit-là.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier du blog.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons aucun fondement justifiant
11 l'admission de ce document, Monsieur Karadzic.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
13 Je demande à présent l'affichage du document 1D3340, qui ne doit pas
14 être diffusé à l'extérieur du prétoire.
15 Ce document, nous l'avons récupéré dans les archives. Il a été créé
16 en 1993/1994. Nous n'avons pas encore de traduction de ce document. Je vais
17 donc en donner lecture.
18 Document d'archive --
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Encore un document qui n'a pas été
20 annoncé à l'avance à l'Accusation ?
21 Mme EDGERTON : [interprétation] Exact.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis vraiment désolé, mais le rythme des
23 débats me tue véritablement et influe négativement sur notre capacité à
24 présenter des éléments de preuve, tout en risquant de mettre nos santés en
25 péril.
26 Alors je vais présenter ce document à toutes les personnes intéressées. Ce
27 document d'archive, donc, a été conservé dans les archives, et il a été
28 établie en 1993 et 1994.
Page 12623
1 Je demande l'affichage de la page 4 sur les écrans, sans diffusion vers
2 l'extérieur.
3 Il est question dans cette page des actions, et des exactions, et mauvais
4 traitements commis par un certain nombre d'auteurs, dont les noms sont
5 fournis.
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. Monsieur le Témoin, regardez la colonne de gauche, paragraphe 3. On y
8 trouve le nom de "Nijaz Grebovac," et d'autres personnes. Regardez tous ces
9 noms. Est-ce que vous constatez que selon ces documents d'archives, toutes
10 ces personnes ont participé à une attaque organisée contre les Serbes de
11 Kosevo, où ces derniers ont été exécutés ? Il est également question dans
12 ce document de préparatifs en vue de combats et de fourniture d'armes aux
13 Musulmans. Est-ce que vous voyez tous les noms qui figurent dans ce
14 document ?
15 R. Sur les cinq noms que je lie ici, deux personnes seulement sont
16 originaires de Kobilja Glava. Donc ça c'est déjà une exactitude pour
17 commencer.
18 J'ai déjà nié la participation à ce que vous essayez de nous imposer ici en
19 ce moment, donc ce document n'a aucun sens à mes yeux, et le fait que mon
20 nom figure dans vos archives n'a pas de signification particulière. En
21 réalité, je suis heureux de voir que tel est le cas, car cela indique
22 quelle est ma valeur.
23 Q. Je vous remercie.
24 R. Je vous en prie.
25 Q. Lisez tous ces noms. Lisez, en particulier, au bas de la page, ce
26 passage où il est écrit que pendant le déjeuner ils ont tué la famille
27 Ristovic durant l'été 1992. Est-il vrai que la famille Ristovic a été tuée
28 chez elle à son domicile, tous les membres de la famille ? N'ayez pas peur,
Page 12624
1 dites-le simplement.
2 R. Rien ne me fait peur. Je n'ai pas peur. Il est vrai que la famille
3 Ristovic a été tuée. Mais occupez-vous de cette famille, et ne vous occupez
4 pas de moi.
5 Q. Mais qu'en est-il de ces mots qui commencent par la lettre "Z" ?
6 R. Je connais une personne correspond à ce nom. Ce sont des gens qui
7 vivaient à Kobilja Glava.
8 Q. Je vous remercie.
9 R. Ce n'est pas un secret.
10 Q. Je vous remercie.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document ou, en
12 tout cas, son enregistrement aux fins d'identification en attente de
13 traduction.
14 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, quelle est la
15 provenance de ce document ? "Un document d'archive," c'est une expression
16 qui, pour nous, n'a aucun sens.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je m'expliquer ?
18 L'armée de la Republika Srpska et le ministère ont été abolis, mais
19 l'ensemble des documents les concernant a été archivé, et ceci a été fait
20 en 1993 et 1994. C'est donc la période qui correspond à ce document, la
21 période où l'ensemble des archives a été créé. Le ministère de la Défense
22 de la Republika Srpska n'existe plus aujourd'hui, mais les archives
23 existent toujours et font partie des documents conjoints.
24 Je crains fort que l'Accusation ait été prévenue à l'avance de
25 l'utilisation de ce document.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez
27 entendu parler d'un homme dénommé Milorad Bukva ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais entendu parler de cet homme.
Page 12625
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous enregistrons ce document aux fins
2 d'identification, mais seulement dans le but de mieux comprendre le
3 contexte décrit par le témoin, car ce document a été soumis au témoin. Il a
4 reconnu certains noms et certains incidents, sans aller au-delà de cela.
5 Mme EDGERTON : [interprétation] Oui. Mais je ne sais pas quelle est la
6 nature de ce document. C'était cela l'objet de ma question, et je ne le
7 sais toujours pas davantage maintenant.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vraiment? Je vais consulter mes
9 collègues.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant la décision de la Chambre, puis-je dire
12 quelques mots ?
13 Je parle ici d'archives qui ont été créées et qui font partie intégrante
14 des archives de toute la Bosnie-Herzégovine. Ce document fait partie de ces
15 archives, et il a été annoncé hier que ce document serait utilisé au cours
16 du contre-interrogatoire. Ces archives contiennent de très nombreux
17 documents.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour le moment, nous ne sommes pas
19 convaincus qu'un fondement existe pour le versement de ce document au
20 dossier, Monsieur Karadzic. Certains éléments de ce document ont été
21 reconnus par le témoin, je pense que cela suffira pour le moment. Nous
22 n'admettons donc pas ce document dans l'immédiat.
23 Il vous reste cinq minutes pour conclure votre contre-interrogatoire.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais de pouvoir disposer de quelques
25 minutes supplémentaires.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Monsieur le Témoin, s'il vous plaît, êtes-vous sûr que ces forces
28 paramilitaires existaient à Vogosca à l'époque où vous étiez le chef de la
Page 12626
1 police ? Ces Aigles blancs, ou autres, comment est-ce que vous les
2 reconnaissiez ?
3 R. Que voulez-vous dire précisément, Monsieur l'Accusé ?
4 Q. Vous avez dit à plusieurs reprises dans plusieurs déclarations que vous
5 avez faites pendant l'interrogatoire principal qu'il y avait à Vogosca
6 plusieurs groupes de paramilitaires, en particulier les Aigles blancs et
7 les hommes de Seselj, et que vous les reconnaissiez en raison de l'Aigle
8 blanc figurant sur l'insigne qu'ils portaient.
9 R. C'est de notoriété publique que les soldats de Seselj, les Aigles
10 blancs, étaient présents à Vogosca. Ils étaient loges à l'hôtel Parc, même
11 les enfants de Vogosca le savaient. Tous les habitants de Bosnie-
12 Herzégovine le savaient, c'est de notoriété publique qu'ils ont participé à
13 des opérations militaires, et que leur chef Seselj - ne m'interrompez pas,
14 je vous prie. Je n'ai pas encore terminé - que leur chef donc Seselj a dit,
15 à plusieurs reprises en public, qu'ils étaient présents sur place. Il s'est
16 vanté de la participation de ses soldats aux combats qui se sont déroulés
17 là-bas.
18 Q. Je vous remercie.
19 R. Je vous en prie.
20 Q. Vous avez déjà dit cela.
21 Jusqu'au mois de novembre -- bien, je suis sûr que nous devons
22 accélérer un peu. Donc je demanderais que nous passions à huis clos partiel
23 quelques instants.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
25 Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi, je
26 dois présenter mes excuses à la Chambre. Je pense qu'il fallait que je le
27 fasse le plus rapidement possible.
28 Au sujet du dernier document, j'ai reçu des informations erronées au
Page 12627
1 sujet de la notification. Nous avions mal compris le courriel envoyé à
2 titre de notification. Donc je suis absolument désolée, Monsieur le
3 Président, je tiens à présenter mes excuses personnelles à toutes les
4 personnes concernées.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Passons à huis clos partiel.
6 [Audience à huis clos partiel]
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 12628
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Pages 12628-12629 expurgées. Audience à huis clos partiel.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 12630
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes en audience publique à
15 présent.
16 M. KARADZIC : [interprétation]
17 Q. Donc paragraphe 30, de votre déclaration consolidée, vous dites qu'il y
18 a eu une réunion, je cite :
19 "Je voudrais commencer par expliquer qu'à cette réunion, participaient
20 également Kemo Sabotic [phon], le chef du centre des services de Sécurité
21 et il pensait sans doute que Maksimovic assisterait à cette réunion."
22 Alors, ce "ils" au pluriel, se rapporte à qui ?
23 R. Je n'ai pas compris ce que vous me demandez.
24 Q. Bien, laissons cela de côté. Nous n'avons pas suffisamment de temps.
25 Est-ce que vous avez sous les yeux votre déclaration consolidée ?
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il serait bon d'afficher sur les écrans
27 la déclaration consolidée du témoin, paragraphe 30, qui correspond à peu
28 près à la page 9 de l'original, dans le prétoire électronique. Je suppose
Page 12631
1 qu'il n'existe pas de version en B/C/S de cette déclaration consolidée.
2 Il est question de votre déclaration, Monsieur le Témoin.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. Vous voyez ce qui est écrit dans cette page ? Une réunion a eu lieu.
5 Koprivica a parlé de Momo. Tintor participait à cette réunion. Tintor
6 répond que Momo est à l'assemblée.
7 Vous dites ici que vous avez probablement interprété des conversations
8 interceptées, je cite :
9 "Krajisnik était président de l'assemblée alors que Momo Mandic n'en était
10 pas membre et n'avait aucune raison de se trouver là-bas."
11 La suite du texte se lit comme suit :
12 "Ce qui est la raison pour laquelle je suis certain que Krajisnik a été
13 mentionné. Je suis certain que Koprivica a contacté Krajisnik pour lui
14 faire savoir quel était le problème, et qui lui a demandé des consignes
15 quant à la façon de procéder."
16 Est-ce que vous savez cela ? Est-ce que vous êtes fermement convaincu que
17 les choses se sont déroulées ainsi ? Est-ce que vous avez une preuve
18 démontrant qu'il l'a appelé ?
19 R. Je le savais.
20 Q. Comment cela se fait-il ?
21 R. Bien entendu, je le savais, parce que Koprivica me l'a dit à plusieurs
22 reprises. Il m'a également parlé du problème, et m'a dit qu'il ne prendrait
23 pas la moindre mesure avant d'avoir consulté Momo Krajisnik. Donc je le
24 savais.
25 Q. A ce moment-là, vous en arrivez à la conclusion suivante, je cite :
26 "Cela signifie que Krajisnik avait le pouvoir de donner un ordre qui devait
27 être mis en œuvre par le truchement de Koprivica et de Tintor."
28 Est-ce que c'est bien vous qui avez rédigé cela, ou est-ce que c'est
Page 12632
1 quelqu'un qui vous a demandé d'interpréter ce que Krajisnik aurait pu faire
2 et est-ce que c'est donc une idée qui vient de vous ?
3 R. Encore une fois, vous me posez une question qui manque de précision, de
4 clarté. Je vous ai déjà répondu précisément.
5 A plusieurs reprises, Rajko Koprivica m'a dit cela, il m'a même parlé de la
6 nature du problème, et m'a dit qu'il ne prendrait aucune mesure, qu'il ne
7 ferait rien avant d'avoir consulté Momcilo Krajisnik, et vous savez que les
8 choses se sont passées ainsi. Donc il n'y aucun doute à ce sujet. Je ne
9 sais pas quel est le libellé utilisé en langue bosniaque et comment cela
10 vous a été traduit en serbe, et ensuite en anglais. Mais la conclusion que
11 vous tirez ici, c'est quelque chose de tout à fait différent.
12 Q. Monsieur, je vous demande : Vous tirez la conclusion selon laquelle que
13 ceci signifie que Krajisnik -- pourquoi est-ce que vous ne l'avez pas écrit
14 clairement, que Koprivica vous a informé de cela dans ce cas précis, il
15 vous a dit qu'il avait appelé Krajisnik ?
16 R. Je n'ai pas écrit cela. Je l'ai dit oralement. Je l'ai dit aux
17 enquêteurs, et eux l'ont mis par écrit. Je ne sais pas comment ils ont
18 compris cela et retransmis cela en anglais. Ça je ne sais pas.
19 Q. Je vous en prie, je dois dire quelque chose ici pour être juste à votre
20 égard et à l'égard du bureau du Procureur et pour le compte rendu
21 d'audience.
22 Les auteurs de ces déclarations consolidées ne sont pas des témoins. Il est
23 évident que le témoin vient de dire nous l'avons entendu à l'instant que ce
24 n'est pas lui qui avait mis cela par écrit.
25 R. Non, non, non, non, je ne m'attends pas à ce que vous me donniez des
26 consignes. J'ai signé cette déclaration. Elle m'a été relue en anglais et
27 en bosniaque. Par conséquent, vous ne pouvez pas, et cette allégation selon
28 laquelle quelqu'un m'aurait soufflé des mots à écrire dans le texte ne
Page 12633
1 tient pas.
2 Q. Monsieur le Témoin, qui a choisi les mots, pour décrire ce qui figure
3 ici ?
4 R. Monsieur, j'ai parlé en bosniaque. Je ne suis pas expert en anglais. Je
5 ne sais pas comment l'interprète a traduit cela. Je n'en sais rien, mais je
6 sais ce que j'ai dit en bosniaque. J'espère que vous comprenez le
7 bosniaque.
8 Q. Très bien, je vous remercie.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrais-je m'adresser à la Chambre ?
10 Ce qui préoccupe la Défense c'est l'accumulation de clichés et de
11 différentes choses qui émanent de la déclaration consolidée ou d'autres
12 déclarations. Ceci implique que la Défense doit consacrer beaucoup de
13 moyens et de temps à l'examen de ces documents. Ce n'est pas quelque chose
14 que les témoins ont dit. C'est quelque chose que l'on trouve dans ces
15 déclarations, ce sont des documents qui ont été élaborés par le bureau du
16 Procureur. Je ne voudrais attaquer personne ici, mais je tiens à dire à la
17 Chambre que, s'agissant de la Défense, ceci créé beaucoup de confusion,
18 puisque nous provenons d'autres systèmes juridiques, et cela constitue une
19 charge supplémentaire, car un jute d'instruction n'autoriserait pas des
20 choses de ce genre à faire partie du dossier à moins que ce soient des
21 documents corroborant ce que des témoins ont pu dire. Ces déclarations
22 consolidées fourmillent de déclarations générales, de clichés politiques,
23 et j'espère seulement que la Chambre de première instance composée, de
24 Juges professionnels, et n'ayant pas de jury en face d'elle, pourra établir
25 ce qui est quoi réellement. Mais je tiens à demander à la Chambre de
26 première instance de prier le bureau du Procureur d'arrêter de surcharger
27 la Défense avec des quantités énormes, sans grande qualité de documents,
28 puisque cette quantité nuit en fait à la qualité. La Défense est inondée de
Page 12634
1 très nombreuses déclarations qui ne sont pas corroborées et qui ne seraient
2 pas acceptées dans un autre système juridique.
3 Je vous remercie, j'en ai terminé.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Espérons que les Juges pourront trier le
5 bon grain de livrai.
6 Madame Edgerton.
7 Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.
8 Nouvel interrogatoire par Mme Edgerton :
9 Q. [interprétation] (expurgé), j'aimerais vous poser quelques
10 questions supplémentaires --
11 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
12 Mme EDGERTON : [interprétation] Je pense que j'ai besoin d'une expurgation
13 du compte rendu, Monsieur le Président, à l'instant même.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
15 Mme EDGERTON : [interprétation]
16 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais vous poser quelques questions
17 supplémentaires reposant sur votre déposition ces deux derniers jours, à
18 commencer par certaines choses que vous avez dites hier.
19 En page 12 492, ligne 10 du compte rendu, vous avez parlé de septembre
20 1991, en disant, je cite :
21 "La cellule de Crise de Vogosca a été créée à l'époque que j'ai
22 mentionnée."
23 Vous avez ajouté, je cite :
24 "J'ai entendu des Serbes qui étaient à des postes importants et qui ne
25 cachaient pas parler de cela."
26 Pourriez-vous nous dire qui vous avez entendu parler de cela, et qui donc
27 vous a dit cela ?
28 R. Précisément, le premier renseignement que j'ai obtenu à ce sujet
Page 12635
1 provenait de Borislav Maksimovic, il a dit qu'en tout cas, il devait faire
2 et écouter ce que la cellule de Crise serbe avait décidé de faire. Dans un
3 contexte plus général, Koprivica m'en a même parlé aussi, car ils étaient
4 tellement sûrs d'eux et ils se sentaient tellement en sécurité qu'ils ne
5 cachaient pas l'existence de la cellule de Crise serbe, et qu'ils ne
6 pensaient pas d'ailleurs qu'il était nécessaire de le dissimuler.
7 Q. Donc vous venez de dire, en répondant à ma question, que vous aviez
8 entendu parler de l'existence de la cellule de Crise, de la bouche de Rajko
9 Koprivica et Borislav Maksimovic que vous venez de citer, n'est-ce pas ? Y
10 a-t-il un autre responsable serbe que vous auriez entendu parler de cela ?
11 R. Svetozar Stanic était là, c'était assez clair et c'était un homme tout
12 à fait juste et équitable. Slavko Jovanovic était l'ancien président de
13 l'assemblée municipale. Nous étions en assez bons termes, et nous
14 communiquions bien. Je parlais souvent avec Tintor. Il se présentait comme
15 étant le président adjoint du Parti démocratique serbe, un représentant des
16 Serbes de Vogosca, membre de la cellule de Crise serbe, et responsable de
17 tout.
18 Q. Alors pour aller plus avant : à la page 12 515, lignes 11 à 14, en
19 réponse à une question du Dr Karadzic, vous avez dit avoir entendu de
20 certains serbes qui communiquaient avec vous, que les Serbes avaient créé
21 une Défense territoriale depuis le mois de septembre à Vogosca. Vous avez
22 demandé à Dr Karadzic :
23 "Souhaitez-vous que je vous donne les noms ?"
24 Le Dr Karadzic a répondu : "Non, non."
25 Pourriez-vous nous donner ces noms ?
26 R. Il s'agit plus ou moins des mêmes personnes que j'ai déjà citées. Mais
27 la première fois que j'ai reçu cette information, c'était de Jovo
28 Baranovic, qui commandait l'état-major conjoint de la TO, plus ou moins.
Page 12636
1 Toutes les personnes que j'ai citées déjà ont confirmé ce fait et en ont
2 parlé.
3 L'INTERPRÈTE : Cabine anglaise : Est-ce que le témoin peut parler dans le
4 microphone ?
5 Mme EDGERTON : [interprétation]
6 Q. Est-ce que le témoin peut parler dans le microphone, de façon qu'on
7 puisse vous entendre davantage et mieux vous interpréter ?
8 Alors suite à votre déposition d'hier dans le débat qui a eu lieu sur le
9 remplacement de Zeljko Skrbic, pages 12 539 et 12 540, à la page 12 540,
10 vous avez dit au Dr Karadzic :
11 "Si vous me le permettez, je vais donner les raisons aux Juges de la
12 Chambre pour lesquelles ce remplacement a eu lieu."
13 Le Dr Karadzic a dit :
14 "Nous allons y venir."
15 Je me demande si vous pourriez brièvement nous expliquer pourquoi le
16 remplacement de Zeljko Skrbic a eu lieu ?
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 12637
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 Mme EDGERTON : [interprétation] Au vu de la réponse du témoin, même si je
19 crois cela ne nécessitait pas de huis clos partiel, en revanche, je crois
20 qu'il eut été préférable d'entendre sa réponse à huis clos partiel.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.
22 Mme EDGERTON : [interprétation]
23 Q. En outre, à la page 12 549, ligne 10, on vous a posé la question hier :
24 "Pourriez-vous nous dire qui voulait mobiliser le président de Vogosca, la
25 TO, en septembre 1991 ?"
26 Vous avez répondu :
27 "La situation dans la municipalité était telle que la force de police
28 existante était incapable d'imposer l'ordre public. Il était nécessaire de
Page 12638
1 mobiliser la TO pour permettre d'améliorer la situation au sein de la
2 municipalité."
3 A la page 12 571, ligne 5, vous avez donné vos raisons estimées valables
4 pour rassembler ces Unités de la TO. Je souhaite vous demander quelle était
5 la situation en septembre 1991 à Vogosca qui a mené à cette tentative de
6 mobilisation de la Défense territoriale ?
7 Je vous demande de bien vouloir, dans votre réponse, si vous pensez que
8 votre réponse est susceptible de divulguer votre identité, n'hésitez pas à
9 demander un huis clos partiel.
10 R. Nous pouvons, dans ce cas, passer tout de suite à huis clos partiel.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, faisons cela.
12 Nous sommes actuellement à huis clos partiel.
13 [Audience à huis clos partiel]
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 12639
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page 12639 expurgée. Audience à huis clos partiel.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 12640
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 [Audience publique]
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur le Témoin.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Les unités de la police spéciale ont mené leur
23 action pendant la nuit, et à l'aube ont quitté l'usine où l'enceinte de
24 Pretis. Donc l'action de la police s'est arrêtée là. Il n'y a eu aucune
25 victime de part et d'autre pendant cette action menée par la police.
26 Personne n'a été blessé, personne n'a été tué, et la police a mené
27 rondement cette action sans que personne ne soit tué, de façon très
28 professionnelle.
Page 12641
1 Le lendemain, le groupe de Safet Hadzic, ces membres de la Défense
2 territoriale de Novi Grad se sont rendus à l'usine pour y prendre des
3 armes. L'usine de Pretis a deux portes, la première est la porte d'entrée
4 et l'autre est la porte dite porte industrielle. Ils sont entrés par la
5 porte dite industrielle, parce qu'elle est plus près de la route qui mène à
6 Kobilja Glava. Safet Hadzic et son groupe de la TO de Novi Grad ne savaient
7 pas cela, et plutôt que d'entrer dans l'usine Pretis par cette porte
8 industrielle, ils ont tenté de rentrer par la porte principale. A la porte
9 principale, des membres de la TO serbe les ont interceptés, et dès qu'ils
10 sont descendus de leur véhicule, et qu'ils sont arrivés à la porte
11 principale, ces personnes ont tiré dessus. Safet Hadzic a été tué à cette
12 occasion-là, et je ne sais pas combien d'autres membres de la TO de Novi
13 Grad ont été tués également, quatre ou cinq ont été tués environ, et six ou
14 sept personnes ont été blessées.
15 Ceci est la vérité, c'est ainsi que les choses se sont passées.
16 Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.
17 Je n'ai pas d'autres questions à poser, Messieurs les Juges.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci met donc un terme à votre
19 déposition, Monsieur le Témoin. Nous vous remercions d'être venu à La Haye
20 pour venir témoigner.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie de m'avoir écouté.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous souhaite un bon voyage de retour
23 et attendez que nous baissions les stores. Attendez juste quelques
24 instants.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allons-nous passer pendant quelques
27 instants ou passons pour quelques instants à huis clos partiel.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes actuellement à huis clos
Page 12642
1 partiel.
2 [Audience à huis clos partiel]
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 12643
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 [Audience publique]
6 L'INTERPRÈTE : Précision de l'interprète : Le nom cité par Me Robinson est
7 M. Petronijevic.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je remarque l'heure. Nous allons faire
9 une pause d'une demi-heure.
10 Monsieur Tieger.
11 M. TIEGER : [interprétation] Très brièvement. Dans l'intérêt de
12 l'efficacité en général de ces débats, et du décorum, nous évitons en fait
13 de nous lever. Mais, dans ce cas, je dois dire que, pour ce qui est des
14 commentaires faits à propos des déclarations consolidées, nous rejetons ces
15 commentaires, estimons qu'ils sont tout à fait inexacts.
16 M. ROBINSON : [interprétation] Puisque nous avons quelques minutes avant de
17 faire la pause, puis-je aborder cette question ? C'est quelque chose qui
18 revient souvent et qui est dit -- est mentionné par le Dr Karadzic. Lorsque
19 nous en parlons, il a porté ceci à l'attention des Juges à plusieurs
20 reprises. Je sais que M. le Juge Morrison a indiqué au Dr Karadzic qu'il
21 devait expliquer par écrit.
22 Je souhaite indiquer ce que le Dr Karadzic me demande à plusieurs reprises,
23 et je lui ai toujours donné la même réponse. Quel est l'effet ou
24 l'incidence de ces déclarations consolidées et des choses très générales
25 qui figurent dans ces déclarations consolidées. Je lui indiquais qu'en
26 vertu de l'article 92 ter, tout constitue des éléments de preuve, comme si
27 le témoin avait prononcé ces paroles dans le prétoire. S'il souhaite
28 récuser ces éléments de preuve, c'est quelque chose qu'il doit faire
Page 12644
1 pendant son contre-interrogatoire. Ce conseil n'est pas quelque chose que
2 le Dr Karadzic souhaite entendre, parce qu'il estime ne pas avoir assez de
3 temps pour pouvoir traiter de toutes ces questions pendant son contre-
4 interrogatoire. C'est la raison pour laquelle il est frustré par cela, et
5 c'est quelque chose qu'il exprime à plusieurs reprises aux Juges de la
6 Chambre.
7 Je vous prie de bien vouloir m'en excuser, mais c'est la raison pour
8 laquelle il fait cela.
9 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je crois que Me Robinson, votre
10 conseil, est tout à fait approprié, me semble-t-il, et c'est inévitable.
11 Ceci concerne les Juges; je crois que je peux parler au nom de mes
12 collègues. Il y a des quantités très importantes de preuve, ou des éléments
13 de preuve en grand nombre qui sont présentés aux Juges de la Chambre. Il
14 est inévitable que certains de ces éléments de preuve aient plus de valeur
15 probante que d'autres, quelquefois certains documents, il s'avère que
16 certains documents n'ont aucune valeur probante. Mais tout un chacun
17 s'efforce -- les parties doivent s'efforcer de réduire la charge de la
18 preuve et donc faire trois choses : concentrer l'attention des Juges de la
19 Chambre sur des points importants; réduire ce temps du procès; et le temps
20 très important qu'il faut évidemment pour rédiger un jugement lorsqu'il est
21 plus concis et précis. Dans ce cas, évidemment, c'est beaucoup plus aisé.
22 Il s'agit en fait de règles importantes mais les Juges de la Chambre
23 souhaitent que les parties aient ceci à l'esprit.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Même si l'interrogatoire principal se
25 fait en entendant des témoins viva voce, on ne peut pas aborder tous les
26 éléments. Il est important de se concentrer sur les points essentiels, et
27 ensuite les Juges, qui sont des Juges professionnels, peuvent, évidemment,
28 chercher sur tous ces éléments.
Page 12645
1 Nous allons lever l'audience pendant une demi-heure et reprendre à 11
2 heures.
3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Muracevic.
7 Est-ce que vous voulez prononcer la déclaration solennelle, s'il vous
8 plaît ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
10 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et
11 rien que la vérité.
12 LE TÉMOIN : ESET MURACEVIC [Assermenté]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir, s'il vous
15 plaît.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.
18 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci.
19 Interrogatoire principal par Mme Sutherland :
20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Muracevic.
21 Est-ce que vous pourriez décliner votre identité ?
22 R. Bonjour. Je m'appelle Eset Muracevic.
23 Q. Comme nous en avons déjà parlé, une partie de votre déposition va se
24 faire par écrit, par conséquent, nous devons régler quelques formalités
25 liées au dépôt de cette déposition écrite.
26 Est-ce exact, n'est-ce pas, que vous avez fait une série de déclarations
27 aux autorités de Bosnie, et vous avez également fait des déclarations ou
28 des dépositions concernant un certain nombre de suspects ?
Page 12646
1 R. Oui, effectivement.
2 Q. Vous avez également fourni des dépositions ou des déclarations à
3 certains membres du bureau du Procureur de ce Tribunal, n'est-ce pas ?
4 R. C'est exact.
5 Q. Vous avez également eu la possibilité de re-parcourir une déclaration
6 qui harmonise les différentes informations dans ce que nous appelons une
7 déclaration de témoin harmonisée, n'est-ce pas ?
8 R. C'est exact.
9 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience, est-ce
10 que l'on pourrait afficher sur les écrans le document de la liste 65 ter
11 90228, s'il vous plaît ?
12 Q. Monsieur Muracevic, est-ce qu'il s'agit bien de la déclaration que vous
13 avez parcourue à nouveau ? Est-ce que vous reconnaissez la signature qui
14 est en bas de la page ?
15 R. Oui, il s'agit d'une déclaration que j'ai signée.
16 Q. Vous avez apporté un paraphe en bas de chacune des pages et vous avez
17 signé la dernière page, n'est-ce pas ?
18 R. C'est exact.
19 Q. Est-ce que vous pouvez confirmer que cette déclaration est exacte ?
20 R. Oui, cette déclaration est exacte.
21 Q. Si l'on vous posait les mêmes questions aujourd'hui et que celle qui
22 figure dans cette déclaration, est-ce que vous apportiez les mêmes réponses
23 devant les Juges de cette Chambre ?
24 R. Oui, je fournirais les mêmes réponses.
25 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que je pourrais verser le document
26 de la liste 65 ter 90228, qui est la déclaration du témoin, versé ce
27 document donc au dossier.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
Page 12647
1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce P2361.
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Avec la permission des Juges de la
3 Chambre, je vais lire le résumé de la déposition du témoin.
4 Avant le conflit en Bosnie-Herzégovine, le témoin travaillait pendant de
5 nombreuses années en tant que secrétaire de la commune locale de Svrake,
6 dans la municipalité de Vogosca. Le témoin a décrit les événements des
7 élections multipartites et des changements qui se sont opérés dans ce
8 village, à partir de ce moment-là.
9 Au début de l'année 1992, des postes de contrôle ont été établis sur tous
10 les axes principaux. Au début du mois de mars 1992, des maisons appartenant
11 à des Musulmans ont fait l'objet de tir d'infanterie et un autre armement a
12 été incendié. Des barricades ont été établies dans le secteur de Svrake.
13 Le témoin a décrit l'armement de la population serbe locale par la JNA et
14 par les autres. Des armes de l'usine de Pretis à Vogosca ont été pris et
15 emmenés à la caserne militaire de Semizovac, où la population bosno-serbe
16 locale pouvait recevoir des armes automatiques et de la munition.
17 Au début du mois de mai 1992, le village de Svrake a été attaqué par les
18 formations militaires du SDS, des maisons ont été détruites, et le village
19 a été pillé.
20 Le 4 mai 1992, lorsqu'un convoi d'environ 600 villageois a essayé de partir
21 en direction du territoire contrôlé par le gouvernement de Bosnie à Breza,
22 le dernier groupe de 430 villageois a été arrêté par la police et par des
23 soldats et a été envoyé vers la caserne militaire de Semizovac.
24 De mai à décembre 1992, le témoin a été détenu dans un certain nombre de
25 centres différents sous le contrôle des autorités bosno-serbes. Il a tout
26 d'abord été détenu dans un centre connu sous le nom du Bunker, qui était à
27 proximité d'un restaurant appelé Kontiki, ou Kod Sonja. Pendant qu'il était
28 détenu dans le bunker, il a en fait été envoyé vers un autre centre pour
Page 12648
1 une nuit, connu sous le nom du garage de Naka, où un nombre important de
2 population non-serbe local était détenu. Vers le 11 août, lui, ainsi que
3 d'autres détenus, ont été transférés du bunker vers un centre de détention
4 connu sous le nom de la maison de Planjo.
5 Le témoin a décrit comment les détenus ont fait l'objet d'interrogatoire,
6 ont été roués de coups, ont fait l'objet d'abus, et de menace de mort par
7 les gardes, les personnes qui les ont interrogés, ainsi que d'autres
8 groupes, y compris les hommes de Seselj, qui rentraient dans le bunker ou
9 dans la maison de Planjo. Branko Vlaco, qui était le responsable du centre
10 de détention de Vogosca, était régulièrement présent lorsque les détenus
11 faisaient l'objet de ces actes de maltraitances.
12 Le témoin a décrit les conditions de détention au bunker. Les détenus
13 recevaient très peu de nourriture, devaient dormir à même le sol froid, et
14 mouillé, et n'ont pas reçu de soins médicaux. Un certain nombre de détenus
15 sont sortis du bunker pour un échange et on ne les a jamais revus.
16 A un certain nombre de reprises, le témoin et d'autres détenus sont
17 sortis du bunker et de la maison de Planjo pour des travaux forcés à
18 proximité des lignes de front, où ils étaient utilisés comme bouclier
19 humain. Un certain nombre des détenus ont été tués et blessés alors qu'ils
20 exerçaient des travaux forcés et qu'ils étaient utilisés comme bouclier
21 humain. Les corps de ceux qui ont été tués durant ces travaux forcés ont
22 été remmenés à la maison de Planjo et enterrés par d'autres détenus dans un
23 cimetière local. Le témoin a décrit une visite en août 1992 de la maison de
24 Planjo par Momcilo Mandic et par un journaliste de la station de télé et de
25 Radio serbe de Pale. Mandic a dit aux détenus qu'il n'y avait pas besoin de
26 les échanger parce qu'ils étaient chez eux.
27 Le 5 décembre 1992, le témoin a été transporté de la maison de Planjo vers
28 la ligne de front et a été utilisé comme bouclier humain, et alors qu'il
Page 12649
1 était sur la ligne de front, il est arrivé à s'évader et à passer sur un
2 territoire détenu par le gouvernement de Bosnie.
3 Après qu'il se soit évadé, le témoin a résidé à Sarajevo. Il a décrit le
4 climat de terreur qui existait au sein de la population civile, en raison
5 des bombardements et des tirs des tireurs embusqués, des forces bosno-
6 serbes, ainsi que des exemples précis de bombardements de la ville entre
7 1993 et 1995, lorsqu'il a été blessé suite à un bombardement.
8 En 1996, après la réintégration, le témoin a trouvé un certain nombre de
9 documents dans le bâtiment de la municipalité de Vogosca et a fourni ces
10 documents à un certain nombre d'agences de Bosnie-Herzégovine ainsi qu'au
11 TPY. Ce témoin a fourni des informations concernant certains de ces
12 documents ainsi que des documents supplémentaires qui lui ont été montrés.
13 Ceci termine le résumé de la déclaration écrite du témoin.
14 Q. Monsieur Muracevic, en tant que secrétaire de la Commune locale de
15 Svrake, quelles étaient vos fonctions au début de l'année 1992 ?
16 R. En tant que secrétaire de la Commune locale, je devais gérer des
17 questions techniques liées à l'organisation de la vie au niveau local de la
18 commune. Mais ceci signifiait qu'il fallait également assurer la
19 coordination avec les partis politiques lorsque des mesures devaient être
20 prises au niveau de la Commune locale. J'étais donc responsable de tout
21 cela.
22 Environ 1 200 personnes habitaient dans mon village. C'était principalement
23 des Musulmans. Je dirais qu'en fait, il y avait 1 035 Musulmans, il n'y
24 avait que 170 Serbes, et le reste de la population était composée de
25 personnes appartenant à d'autres communautés ethniques, des Croates, des
26 Yougoslaves, et ceux qui se déclaraient comme appartenant à d'autres
27 groupes ethniques.
28 Avant la guerre, mon village était un des villages les plus connus pour ces
Page 12650
1 bonnes relations interethniques. Par conséquent, avant la guerre, rien ne
2 nous laissait penser ou ne nous laissait présager les événements qui se
3 sont produits plus tard, c'est-à-dire en 1992 et par la suite.
4 Q. Votre déclaration reprend des détails de vos interrogatoires et des
5 passages à tabac dans le bunker, ainsi que des conditions de détention.
6 C'est aux paragraphes 20 à 61. Il y a également votre période de détention
7 à la maison de Planjo. Il s'agit des paragraphes 62 à 84. Je ne vais pas
8 vous poser des questions ni demander des détails concernant ces
9 paragraphes, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps et je voudrais vous
10 présenter un certain nombre de documents.
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait demander
12 l'affichage du document de la liste 65 ter 19133. Il s'agit d'une photo. En
13 fait, ce document est composé de deux photos. Est-ce qu'on pourrait
14 afficher la première. Il s'agit d'une photo d'extérieur.
15 Q. Monsieur le Témoin, je vous demande de vous pencher sur la photo qui
16 est tout à fait en haut à gauche. Est-ce que vous reconnaissez ce qui est
17 sur la photo ?
18 R. Cette photo représente le camp ou ce qu'on appelait le bunker qui était
19 à proximité du restaurant Kontiki ou Kod Sonja, comme on le connaissait.
20 Lorsque j'étais détenu là-bas, ce bunker n'avait pas un toit en tuiles. La
21 photo du dessous représente une des pièces à l'intérieur du bunker, dans
22 laquelle nous étions détenus.
23 Q. Merci.
24 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je voudrais verser ce document de la
25 liste 65 ter, qui porte la référence 19133, et qui est composée de ces deux
26 photos.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est un document différent
28 de la carte, qui comporte également ces photos ?
Page 12651
1 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, nous pouvons bien
2 sûr demander le versement de la totalité de la carte, qui fait partie --
3 ah, désolé. J'avais demandé l'affichage du document qui a la référence
4 19133. En fait, les deux photos représentaient le document de la liste 65
5 ter 01449. Donc c'est à vous de décider.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Etant donné que grâce à l'ordinateur on
7 peut procéder à des agrandissements, je ne pense pas qu'il soit nécessaire
8 d'accepter séparément ces deux photos.
9 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, mais nous pouvons en fait demander
10 le versement des deux photos, qui représente la référence 01449.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, si vous le souhaitez.
12 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Désolé.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce n'est pas grave. Nous allons verser
14 la référence 01449.
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je suis désolée, Monsieur le Président.
16 J'ai fait une erreur, ma langue a fourché lorsque j'ai parlé du document
17 qui représentait les photos. Il s'agit en fait de la référence 65 ter
18 10449.
19 Je voudrais maintenant demander l'affichage du document de la liste
20 65 ter 23096, et je voudrais avoir la permission d'utiliser cette photo,
21 c'est-à-dire de la rajouter sur la liste 65 ter.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'on peut, dans ce cas-là,
23 verser ce document de la liste 65 ter 19133 ?
24 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2362.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
28 Q. Monsieur Muracevic, est-ce que vous voyez ce qui est représenté sur la
Page 12652
1 photo ?
2 R. Cette photo représente l'un des camps que l'on appelait le garage de
3 Naka. Il s'agit d'une usine, ou plutôt d'un atelier de réparation où l'on
4 pouvait changer les pneus de véhicules et que l'on connaissait donc sous le
5 nom de garage de Naka.
6 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit que l'on vous avait emmené
7 simplement pour une nuit à cet endroit et qu'ensuite vous étiez revenu au
8 bunker; est-ce exact ?
9 R. C'est exact. J'ai vu environ 150 personnes, des résidents de mon
10 village, qui étaient détenus à cet endroit-là.
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
12 Juges, j'aimerais verser cette pièce au dossier.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2363.
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
16 Q. Monsieur Muracevic, qu'est-il advenu de la maison dans laquelle vous
17 habitiez en 1992 ?
18 R. Depuis l'attaque contre mon ville, et puis l'armée de l'air de la JNA
19 avait également souvent bombardé mon village, et à proximité de ma maison,
20 huit bombes d'avion sont tombées, mais sans exploser; cependant, après que
21 le village ait été recapturé par des représentants des Serbes de Bosnie,
22 c'est-à-dire 10 ou 15 jours plus tard, ils ont utilisé un certain nombre de
23 détenus du camp qui étaient cantonnés au bunker avec moi, et ils ont forcé
24 ces gens à transporter ces bombes qui n'avaient pas explosé à l'intérieur
25 de ma maison, à l'intérieur de la mosquée locale de Svrake, et une
26 troisième dans les locaux de Nurija Selimovic, c'est-à-dire à la commune
27 locale, et en faisant détoner ces engins explosifs, ils ont démoli ma
28 maison, la mosquée ainsi que les locaux de Selimovic.
Page 12653
1 Q. Je voudrais maintenant passer à ce que vous décrivez dans les
2 paragraphes 69 à 84, de votre déclaration, à savoir comment les détenus
3 étaient utilisés pour des travaux forcés et comme bouclier humain. Est-ce
4 que vous pourriez tout d'abord décrire aux Juges de la Chambre ce que vous
5 deviez faire lorsque vous étiez soumis à des travaux forcés ?
6 R. Les détenus devaient s'acquitter de certains travaux sous
7 l'autorisation de Branko Vlaco, qui était le gardien de la prison ou le
8 directeur de la prison. D'une certaine manière, c'est lui qui avait donné
9 son feu vert pour que les détenus soient utilisés. Les détenus étaient
10 forcés à faire différents travaux, principalement sur la ligne de front.
11 Cela comprenait notamment des tranchées qui devaient être creusées, des
12 tranchées de communication également, ainsi que d'autres structures de
13 fortification. Ces travaux, qui étaient menés sur les lignes de front,
14 avaient lieu sur les lignes de séparation entre l'armée serbe et l'armée de
15 la Bosnie-Herzégovine. La majorité des détenus qui devaient faire ces
16 travaux forcés étaient pour ainsi dire exposés aux tirs de part et
17 d'autres. Beaucoup des personnes qui ont été envoyées pour faire ces
18 travaux forcés ne sont jamais revenues vivantes. Certains ont été tués et
19 enterrés aux cimetières locaux soit de Svrake soit à proximité des centres
20 de détention.
21 Evidemment, certains travaux se faisaient à la demande des populations
22 locales, comme par exemple les travaux dans les champs, d'autres unités
23 faisaient des demandes similaires, telles que par exemple la brigade serbe
24 de Raljovac, et puis il y avait des activités ou des travaux liés au poste
25 de police d'Ilidza, et cetera. Mais la plupart de ces travaux forcés
26 étaient effectués sur les lignes de front à l'endroit où des détenus
27 étaient donc exposés aux tirs de part et d'autre. Comme je l'ai dit, pas
28 mal d'entre eux ont été tués durant les travaux forcés qu'ils effectuaient,
Page 12654
1 d'autres ont été nombreux à être grièvement blessés. Certains de ces
2 détenus grièvement blessés n'ont pas reçu de soins médicaux appropriés, ce
3 qui a engendré des complications, et cela signifie également que leurs
4 blessures ont mis du temps à se résorber.
5 Q. Quel a été l'impact psychologique également, étant donné que vous étiez
6 visé comme bouclier humain ?
7 R. Bien sûr, le simple fait de savoir que vous êtes, vous pouvez être pris
8 à partie par l'une ou l'autre des parties au combat, fait beaucoup
9 d'anxiété en vous. J'ai été blessé personnellement lorsque j'effectuais ces
10 travaux forcés, mais je n'ai pas reçu de soins médicaux appropriés. Il y a
11 eu des complications au niveau de ma main gauche. Avant la guerre, je
12 pouvais jouer de la guitare, mais étant donné que cette blessure n'a pas
13 été soignée correctement, je ne suis plus en mesure de jouer de la guitare.
14 Q. Lorsque vous étiez envoyé sur la ligne de front pour effectuer des
15 travaux forcés, que deviez-vous faire exactement ?
16 R. De manière générale, on nous demandait de creuser des tranchées à
17 proximité de la ligne de front. A plusieurs reprises, lorsque j'étais
18 envoyé là-bas, j'ai participé à des travaux consistant à creuser des
19 tranchées, puis à les recouvrir. Une fois, avant que je ne m'échappe,
20 j'avais l'impression qu'ils nous préparaient à devenir des boucliers
21 humains, puisque nous devions creuser les tranchées le long des lignes de
22 séparation qui faisaient face à Rajlovac et à Zuc. Donc nous devions
23 creuser des tranchées, transporter des munitions ainsi que des armes
24 lourdes, et nous devions également approvisionner en matériel les lignes de
25 front que ce soit en munition ou en objet de ce type.
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
27 Juges, je n'ai pas d'autres questions à poser.
28 Je voudrais verser les pièces associées, qui sont recensées au
Page 12655
1 paragraphe 88 de la déclaration ainsi que celles qui figurent au paragraphe
2 9 de cette même déclaration -- désolée, paragraphe 10, en fait.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais l'une d'entre elles a déjà été
4 versée au dossier ?
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, au total il y a sept pièces
6 associées. Non, en fait il y en a 11 au total, parce qu'il y a quelques-
7 unes qui sont arrivées par le biais de témoins qui ont comparut très
8 récemment. Donc je voudrais verser tous les documents de la liste 65 ter
9 qui n'ont pas été versés depuis notre avis qui a été déposé le 25 février
10 2011.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Procédons par ordre.
12 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que vous voulez que je donne
13 lecture des références 65 ter.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, un par un.
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] 01526.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 01526.
17 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que vous voulez que je fasse une
18 description de chacun de ces documents ? C'est à la page 3 de cette
19 notification définitive.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pourrons peut-être faire ceci après
21 la pause. Je ne crois pas que je sois en mesure de vous aider, parce que je
22 n'ai pas apporté avec moi la notification définitive qui semble être
23 différente du document précédent.
24 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président --
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc on y reviendra plus tard.
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Parce que la première notification
27 comportait deux tableaux, et en fait, on a fait fusionner ces deux tableaux
28 en un seul, que l'on a joint à la notification définitive.
Page 12656
1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors reprenons au début.
3 Vous aviez dit 1526 ?
4 Mme SUTHERLAND : [interprétation] 01526.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
6 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le deuxième document fait partie de la
7 référence 65 ter 15568. C'est un document qui porte la date du 20 mai.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le document 15568 ?
9 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, c'est la page 14 du document de la
10 liste 65 ter 15568.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est donc différent de ce
12 qui est dans le document 15568A ?
13 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit
14 d'un ordre venant du quartier général de la cellule de Crise de la
15 municipalité serbe de Vogosca, concernant des permis de sortie de la
16 municipalité, et c'est signé par le commandant Jovan Tintor.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, merci, je l'ai trouvé.
18 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le 01542.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez revenir au
20 précédent ?
21 Mme SUTHERLAND : [interprétation] 01526 --
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, le document 15568.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Désolée. Oui, voilà.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est un document de 27 pages. Est-ce
25 que vous voulez verser la totalité des pages de ce document ?
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Le témoin a
27 fourni ce document dans sa totalité au bureau du Procureur en 2001. Dans
28 cette piasse de documents, il y en a certains que nous souhaiterions verser
Page 12657
1 au dossier aujourd'hui.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez précisé les numéros
3 de page de ce document ?
4 Mme SUTHERLAND : [interprétation] C'est la page 14 --
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.
6 Mme SUTHERLAND : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Seulement la page 14 ?
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation] C'est la traduction anglaise dont je
9 parle.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien --
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] En fait, il s'agit du numéro ERN 0200-
12 0627.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Votre document suivant ?
14 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il s'agit du document 01542, c'est la
15 liste des membres du Détachement spécial.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ensuite ?
17 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le document suivant est le document
18 11320.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
20 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je remarque que c'est un doublon par
22 rapport à un autre document.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui. Cela fait partie intégrante
24 également d'une pièce à conviction plus importante qui constitue le
25 document numéro 15568. Donc c'est également un doublon.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Le document suivant ?
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le numéro 01544.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
Page 12658
1 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le document numéro 11204.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
3 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le document suivant fait partie de la
4 pièce 15568, page 16 de la version anglaise. Avec numéro ERN 0200-0629.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
6 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le document 01572.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est également une partie d'un autre
8 document.
9 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui. Je souhaitais faire une liste des
10 documents dont je parle qui font partie d'un autre document plus volumineux
11 et que le témoin a produit devant le bureau du Procureur.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
13 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le document suivant est le document
14 14342.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
16 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le document 01584.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 1584. Vous pourriez nous dire quel est
18 ce document ? Ah oui, je l'ai retrouvé.
19 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le
20 Président, il s'agit de la pièce P01605.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Ce document a déjà été versé au
22 dossier.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] En effet.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord.
25 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le document suivant est le numéro 01586.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le document suivant est le numéro 01591.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est très difficile de retrouver les
Page 12659
1 documents qui ne sont pas présentés dans un ordre croissant ou décroissant
2 sur le plan numérique. 1591.
3 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il date --
4 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] -- du 21 juillet 1992.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
7 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il traite de --
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, très bien, oui. Le suivant ?
9 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le 01592.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Qui porte également la date du 21
12 juillet. Le suivant est le 01594.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, qui fait également partie de la
14 pièce à conviction précédente.
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
17 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le 01598.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
19 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le 01603, qui fait partie
20 de la pièce P01606.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. C'est déjà une pièce à
22 conviction.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant de la liste est le télex du 6
24 août, qui porte le numéro 01605, qui fait partie de la pièce P01142.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous devons le verser au
26 dossier ?
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit de
28 deux documents. Dans l'index des pièces à conviction, ce document porte la
Page 12660
1 date du 10 août, mais, en fait, il y en a deux qui sont contenus dans ce
2 document qui datent respectivement du 6 août et du 10 août.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez dit que ce document faisait
4 partie d'une pièce déjà versée au dossier ?
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors pourquoi est-ce que nous devons le
7 verser une nouvelle fois au dossier ?
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ah, toutes mes excuses. Ce n'est pas
9 nécessaire, en effet. Je lisais simplement la liste d'identification.
10 Excusez-moi.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc nous n'avons pas besoin
12 ce document au dossier. Oui.
13 Mme SUTHERLAND : [interprétation] D'accord. Le suivant est le document
14 23097, et je demande l'autorisation de l'ajouter à la liste des pièces à
15 conviction. Ce document --
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'a dit le témoin au sujet de ce
17 document dans sa déclaration écrite ?
18 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il ressort du document qu'il émane de la
19 municipalité serbe de Vogosca et qu'il est adressé au ministère de la
20 Justice. Avant la guerre, Ratko Babic travaillait au sein du tribunal
21 municipalité serbe de Vogosca, et il était juge municipal dans ce tribunal.
22 Donc le témoin a identifié l'expéditeur du document.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que pour verser ce document au
24 dossier, vous pourriez poser quelques questions au témoin. Je ne pense pas
25 que le paragraphe 88 constitue un fondement suffisant justifiant le
26 versement de ce document au dossier indépendamment de la déclaration écrite
27 du témoin. Je vous autoriserai à poser quelques questions au témoin au
28 sujet de ce document après la fin de ce que nous sommes en train de faire.
Page 12661
1 Mme SUTHERLAND : [interprétation] D'accord.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Document suivant ?
3 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Numéro 01610.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La même remarque je pense concerne ce
5 document. Vous faites référence au paragraphe 88 de la déclaration du
6 témoin ?
7 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc je vous demanderais de poser
9 quelques questions au témoin à ce sujet.
10 Et le document suivant ?
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, tous les
12 documents dont je suis en train de parler sont évoqués au paragraphe 88.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais c'est ainsi.
14 Mme SUTHERLAND : [aucune interprétation]
15 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
16 Mme SUTHERLAND : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lorsque les documents ne justifient
18 aucun commentaire de ma part je ne formue aucun commentaire.
19 Veuillez poursuivre, Madame Sutherland.
20 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le document suivant dont je demande le
21 versement est le 01607.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le 14359.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
25 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le 14358.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le 01615.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Ah, mais ce document est déjà une
Page 12662
1 pièce à conviction, la pièce P2326.
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je ne le savais pas, Monsieur le
3 Président. Je vous remercie.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le document suivant dont je demande le
6 versement au dossier est le 18962.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le document suivant dont
9 je demande le versement, qui est le 18858, qui porte la date du 30 août
10 1992. C'est la liste dressée par la prison de Vogosca, concernant 139
11 prisonniers dont les noms sont annexés au bulletin quotidien. Personnes
12 emprisonnées à partir du 30 août 1992.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ce document a été déjà versé
14 au dossier par le truchement du témoin précédent; est-ce qu'il ne constitue
15 pas la pièce P2357 ?
16 Mme SUTHERLAND : [interprétation] M. Reid vérifiera. J'ai essayé de
17 vérifier moi-même, hier, Monsieur le Président --
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Le Juriste hors classe de la
19 Chambre le confirme, c'est une pièce à conviction déjà versée au dossier.
20 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
21 Le document suivant est le document 14378.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 14378.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, et le suivant est le 14357.
24 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
26 M. ROBINSON : [interprétation] J'aimerais que nous revenions au document
27 14378.
28 Est-ce que vous ne pensez pas que le commentaire fait par vous précédemment
Page 12663
1 --
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Le témoin n'a pas pu confirmer la
3 nature du document ou en tout cas n'a proposé aucun renseignement
4 complémentaire au sujet de ce document. Donc c'est encore un document qui
5 devrait faire l'objet de questions de votre part adressées au témoin.
6 Je vous remercie, Maître Robinson.
7 Oui, et donc ensuite c'est le 14357 ?
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, vous n'aviez pas
9 de commentaire à faire au sujet du 14357, donc c'est au sujet du 14378 que
10 je devrais --
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Que vous devriez poser des questions au
12 témoin, avant d'en demander le versement.
13 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui. Donc le suivant, c'est le 14388.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Mais est-ce que nous avons une
15 traduction anglaise téléchargée dans le système informatique pour ce
16 document ?
17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ne nous devrions pas
19 l'enregistrer aux fins d'identification ?
20 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une
21 traduction ici, donc il devait y en avoir une pour le prétoire
22 électronique. M. Reid va télécharger le document que je viens de lui
23 montrer.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Document suivant.
25 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Document numéro 01622.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le document suivant dont l'Accusation
28 demande le versement au dossier est le document 12928.
Page 12664
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter le numéro ?
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation] 12928, excusez-moi si j'ai mal formulé le
3 numéro à l'instant.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le 01625.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
7 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le 14375.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 14375, oui.
9 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant, Monsieur le Président, est le
10 01635.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que ce document était aussi
12 déjà une pièce à conviction, la pièce P2307. Pourriez-vous vérifier ? Oui,
13 on me le confirme à l'instant.
14 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le numéro 06677.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
16 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant c'est le 06679.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
18 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le suivant est le 014387.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez une traduction anglaise de ce
20 document ?
21 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. M. LE JUGE
22 KWON : [interprétation] Elle n'a pas été téléchargée, mais sous réserve de
23 son téléchargement rapide --
24 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc passons au document suivant.
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] 01647.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
28 Mme SUTHERLAND : [interprétation] 01653.
Page 12665
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 12666
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation] 14386.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous vérifier que la traduction
4 anglaise a bien été téléchargée ?
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
6 Le document suivant est une portion du document 15568, à savoir la page 22
7 de la traduction anglaise, dont le numéro ERN est 0200-0634.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le numéro 65 ter ?
9 Mme SUTHERLAND : [interprétation] 15568.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, 155 --
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il s'agit de tout un lot de document,
12 Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous en avons déjà parlé.
14 Mme SUTHERLAND : [interprétation] C'est une liste qui comporte 26 noms.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Poursuivez.
16 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Une liste qui concerne le village de
17 Nahorevo. M. Reid me précise qu'il s'agit du document 15568J.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, mais vous avez dit le document
19 suivant fait partie du document 15568. Je vous demandais quel était le
20 numéro 65 ter de ce document ?
21 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le numéro 65 ter c'est le numéro 15568.
22 Il s'agit d'un lot de 25 pages dont certaines comportent un numéro
23 individuel, comme c'est le cas de celui-ci, à savoir dans ce cas précis
24 15568J.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous remercie. Donc vous
26 demandez maintenant le versement au dossier du 15568J ?
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
Page 12667
1 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ce sera tout, Monsieur le Président, eu
2 égard aux demandes de versement de documents.
3 Les photographies ont été admises ce matin ou, en tout cas, récemment.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous ne demandez pas le versement au
5 dossier du 14382 ?
6 Mme SUTHERLAND : [interprétation] C'est un document, Monsieur le Président,
7 pour lequel il m'avait demandé au préalable de poser quelques questions au
8 témoin à son sujet.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, je parlais du 14368. Je ne crois
10 pas que nous ayons parlé du 14382.
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] D'accord. Toutes mes excuses, Monsieur le
12 Président. Oui, je demande le versement au dossier du 14382.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Mais j'aimerais que vous posiez
14 quelques questions au témoin à son sujet --
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] D'accord.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- si vous tenez à verser ce document au
17 dossier.
18 Est-ce que nous en avons terminé avec le 19933 ? Nous l'avons admis ?
19 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, ce matin, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Le 23096 ?
21 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il a également été admis ce matin.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord. Très bien. Donc nous avons
23 parlé de tous les documents.
24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il y a un autre -- il y d'autres
26 éléments que je n'ai pas évoqués, mais ce sont les documents qui ont déjà
27 été versés au dossier. Donc veuillez interroger le témoin au sujet des
28 documents qui doivent faire l'objet de question. Vous vous rappelez leurs
Page 12668
1 numéros.
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'aimerais
3 que nous commencions par le dernier de ces documents, si vous le permettez.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre micro.
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] J'aimerais donc que nous commencions par
6 le dernier.
7 Je demande l'affichage du document 65 ter numéro 14382.
8 Q. Monsieur Muracevic, c'est une demande qui provient du poste de sécurité
9 publique d'Ilijas, qui est adressée au directeur de la prison de Vogosca et
10 qui concerne dix prisonniers qui devaient être chargés d'accomplir un
11 certain nombre de missions pour le SJB d'Ilijas les 12 et 13 septembre
12 1992.
13 Vous avez dit, dans votre déclaration écrite, que vous ne vous rappeliez
14 pas le nom des prisonniers qui avaient été contraints de faire des travaux
15 pour le SJB d'Ilijas; mais est-ce que les prisonniers étaient tenus
16 d'accomplir un certain nombre de travaux pour le SJB d'Ilijas ? C'est la
17 question que je vous pose même si vous ne vous rappelez pas le nom des
18 personnes qui devaient faire ce genre de travaux.
19 R. Ils devaient travailler pour eux, parce qu'il y avait pas mal d'équipes
20 qui venaient sur place demander des prisonniers pour l'accomplissement de
21 certains travaux; entre autres, les représentants du poste de police
22 d'Ilijas. C'est-à-dire que c'est simplement un des documents qui montre que
23 le poste de police d'Ilijas prenait des détenus du camp pour la réalisation
24 d'un certain nombre de travaux. Je ne sais pas quelle était la nature des
25 travaux qui leur était demandé, mais il est permis de supposer, compte tenu
26 de la date à laquelle ceci se passait, il est fort probable que ces travaux
27 avaient quelque chose à voir avec des activités de combat menées dans le
28 secteur d'Ilijas, c'est-à-dire non loin de Ravno Nabosce.
Page 12669
1 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
2 versement au dossier de ce document.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document
5 devient la pièce P2386.
6 Mme SUTHERLAND : [interprétation] J'aimerais l'affichage du document 65 ter
7 numéro 14378, je vous prie.
8 Q. Monsieur Muracevic, ce document est une demande qui provient du chef du
9 SJB de Vogosca, qui est adressée au directeur de la prison de Vogosca et
10 qui demande que huit prisonniers soient mis à disposition pour un certain
11 nombre de travaux dans l'intérêt du SJB. Ce document porte la date du 1e
12 septembre 1992.
13 Dans votre déclaration écrite, au paragraphe 88, vous déclarez ne pas
14 pouvoir vous rappeler le nom des détenus qui étaient contraints de réaliser
15 des travaux pour le SJB de Vogosca. Mais je vous repose la même question
16 que tout à l'heure : Est-ce que vous savez que des personnes ont été
17 extraites du lieu de détention dans le but de réaliser des travaux au poste
18 de police de Vogosca ? Je vous pose cette question en dépit du fait que
19 vous ne vous rappelez pas le nom de ces détenus.
20 R. Je savais que des représentants de la police serbe de Vogosca ont
21 emmené des détenus dans le but de leur faire accomplir un certain nombre de
22 travaux. En réalité, pendant une certaine période, j'ai moi-même été emmené
23 par ces représentants de la police de Vogosca.
24 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ceci figure au paragraphe 34 de la
25 déclaration consolidée du témoin, Monsieur le Président, et je dis cela
26 également dans l'intérêt de l'accusé.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Ce document est admis au dossier.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Et devient la pièce à conviction P2384,
Page 12670
1 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je voudrais parler maintenant des deux
3 télégrammes, datés respectivement des 6 et 10 août 1992.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pour interroger le témoin au sujet du
6 premier de ces deux télégrammes, celui du 6 août, j'aurais besoin de
7 demander d'abord l'affichage de deux documents, à commencer par la pièce
8 P01606.
9 Monsieur le Président, je ne pense pas en fait que le témoin pourra en dire
10 plus que ce qui figure dans sa déclaration écrite, donc je me demandais si
11 nous ne pourrions pas demander le versement au dossier de ces documents par
12 voie de demande de versement automatique sans présence du témoin.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans un stade ultérieur de la procédure
14 ?
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous ne demandez pas leur versement
17 aujourd'hui même ?
18 Mme SUTHERLAND : [interprétation] En effet.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
20 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vous remercie.
21 Q. Monsieur Muracevic, je n'ai plus de questions à vous poser.
22 R. [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Muracevic, vous allez
24 maintenant être contre-interrogé par M. Radovan Karadzic.
25 Monsieur Karadzic, à vous.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
27 Mais avant d'en arriver là, je voudrais faire remarquer dans l'intérêt du
28 compte rendu d'audience que l'Accusation nous a communiqué le fait que ce
Page 12671
1 témoin avait témoigné dans une procédure en Bosnie, et nous n'avons pas
2 encore reçu la transcription de sa déposition en Bosnie. Nous espérons
3 recevoir ce document à un moment ou à un autre. C'est un procès dans lequel
4 étaient impliqués Momcilo Mandic, Mladen Milanovic, Sretko Damjanovic, et
5 Borislav --
6 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le patronyme.
7 M. ROBINSON : [interprétation] Donc je crois savoir qu'il a témoigné dans
8 un procès intenté à chacune des ces personnes. Nous n'avons pas les
9 transcriptions des dépositions qu'il a pu faire dans ces procès. Je
10 souhaitais que ceci soit consigné au compte rendu, et le cas échéant, si
11 nous devons présenter une requête, nous le ferons à ce sujet.
12 Je vous remercie.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
15 Contre-interrogatoire par M. Karadzic :
16 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Muracevic.
17 R. Bonjour, Monsieur Karadzic.
18 Q. Selon vos déclarations écrites, vous avez travaillé à Svrake en qualité
19 de secrétaire de la communauté locale, de 1981 à 1992, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Je dois vous demander - et me rappeler à moi-même d'ailleurs - de
22 ménager de brèves pauses entre les questions et les réponses, de façon à
23 permettre aux interprètes d'interpréter ce que nous disons.
24 Suis-je en droit de dire qu'avant le changement de système suite aux
25 élections de 1990, vous travailliez en tant que secrétaire de la communauté
26 locale ?
27 R. Oui.
28 Q. Etiez-vous, à l'époque, membre d'un quelconque parti politique ?
Page 12672
1 R. Oui. J'étais membre de la Ligue des communistes.
2 Q. Je vous remercie. Le fait que je ménage une pause est dans l'intérêt
3 des interprètes. Je souhaiterais que cela ne vous trouble pas.
4 Est-ce qu'ensuite vous êtes devenu membre du parti qui a succédé à la Ligue
5 des communistes ?
6 R. En 1990, étant membre de la Ligue des Communistes, j'étais secrétaire
7 de la conférence municipale de l'assemblée de l'Alliance socialiste de
8 Vogosca, et par la suite, j'ai adhéré à l'organisation politique qui
9 portait pour nom. Le Conseil des forces de réforme, c'est Nenad Kuzmanovic
10 qui dirigeait cette organisation politique en Bosnie-Herzégovine, à
11 l'époque.
12 Q. Je vous remercie. Dans une de vos déclarations écrites, nous lisons le
13 sigle "SDB" --
14 R. Vous savez, comment au sein de la Ligue des Communistes, le SDB s'est
15 transformé à l'époque -- enfin, en tout cas, j'étais membre de la Ligue des
16 Communistes, qui ensuite est devenue SDB, mais juste avant le début du
17 conflit, j'étais membre du Conseil des formes réformistes, dirigé pour M.
18 Nenad Kuzmanovic.
19 Q. Merci. Vous pouvez suivre également le compte rendu d'audience à
20 l'écran, lorsque le curseur s'arrête, cela signifie que les interprètes ont
21 terminé leur interprétation.
22 Suis-je en droit de dire qu'après avoir été secrétaire de la communauté
23 locale, pendant 11 à 12 années, vous faisiez partie des personnes en vue de
24 votre localité ?
25 R. Je ne sais pas si l'on peut appeler ça des gens en vue. Mais étant
26 quelqu'un qui accomplissait un certain nombre de travaux techniques dans
27 l'intérêt de la communauté locale, je faisais partie des habitants que tout
28 le monde connaissait, d'une certaine façon, j'étais très impliqué dans la
Page 12673
1 vie publique de ma localité, étant donné que j'étais concerné par toutes
2 les actions entreprises dans l'intérêt de la population du village.
3 Q. Avez-vous remarqué que la création du SDA, du SDS, et du HDZ a eu lieu
4 avant les élections de 1992 dans votre village ?
5 R. Oui, j'avais remarqué que le Parti SDS et le Parti SDA avaient été
6 formés dans mon village. Autre les partis politiques qui existaient avant -
7 je pense à la Ligue des Communistes et de l'Alliance socialiste - il n'y
8 avait pas d'autre alternative avant cela.
9 Q. Il n'y avait pas trop de Croates à cet endroit-là, donc vous n'aviez
10 pas le HDZ à cet endroit-là ?
11 R. C'est exact, nous ne l'avions pas.
12 Q. Merci. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire qui représentait le
13 SDA ? Qui faisait partie ou était membre ? Qui était les membres du parti
14 dans votre village ?
15 R. C'était surtout la population locale appartenant au Groupe ethnique
16 musulman, personne en particulier et personne ne ressortait
17 particulièrement. C'était surtout les habitants de la localité.
18 Q. Et est-ce que vous essayez de dire que les Musulmans plus en vue sont
19 restés loyaux envers les partis de gauche, et que le SDB et les partis de
20 la réforme sont passés du côté de la SDA ?
21 R. Je crois qu'il y a peu de personnes qui sont passées au SDA et au SDS,
22 bien qu'un certain nombre de personnes ou membres de ces partis sont
23 devenus membres du SDA et du SDS.
24 Q. Merci. Dans votre déclaration consolidée, au paragraphe 3, vous avez
25 dit que la structure ethnique de la population était la suivante : il y
26 avait 1 240 personnes au total dans le village de Svrake; il y avait 1 030
27 Bosno-musulmans, 170 Serbes, 2 Croates et 21 personnes qui se disaient
28 Yougoslaves, 18 personnes des autres groupes ethniques. Qui était ces
Page 12674
1 autres groupes ethniques, d'après vous ?
2 R. Surtout les Roms, les Albanais, et les autres personnes qui se disaient
3 autres et s'étaient déclarés comme tels et faisaient valoir le groupe
4 ethnique auquel ils appartenaient. Ce sont les chiffres du recensement de
5 1991.
6 Q. Donc ces personnes ne déclaraient pas appartenir à un des trois peuples
7 constitutifs, serbe, croate, ou bosno-musulman; c'est exact ?
8 R. Oui.
9 Q. Ai-je raison de dire qu'il y avait moins de Serbes que les autres ? Il
10 y avait 16 ou 17 % de Serbes et les autre représentaient 18 ?
11 R. Il y avait 170 Serbes au total. Donc si vous comparez les chiffres, on
12 arrive à cela, même si les autres s'étaient déclarés ou avaient déclaré
13 qu'ils étaient Yougoslaves ou autres. Parmi eux, il y avait également des
14 Bosno-musulmans et des Serbes qui n'avaient pas déclaré qu'ils
15 appartenaient à un groupe ethnique précis, au terme de la définition d'un
16 groupe ethnique.
17 Q. Merci. Je ne sais pas si nous parlions de personnes ou de pourcentage.
18 R. Je crois qu'il s'agit de personnes, d'individus et non pas de
19 pourcentage. 170 personnes appartenant au groupe ethnique serbe habitaient
20 dans ma localité.
21 Q. Ce qui représentait 17 %?
22 R. Je n'ai jamais fait ce calcul. Mais je suppose que c'est exact.
23 Q. Merci. En d'autres termes, il s'agissait d'un village majoritairement
24 musulman, pour ne pas dire qu'il était quasiment entièrement musulman.
25 R. Oui.
26 Q. Dans votre déclaration consolidée, au paragraphe 4, vous dites, je vais
27 devoir le lire en anglais parce que nous ne disposons de version serbe.
28 "Les habitants, appartenant au groupe ethnique serbe, ont commencé à se
Page 12675
1 rendre dans les villages serbes voisins, comme Semizovac, Krivoglavci, et
2 Paljevo Brdo. Ceci dans le courant de l'année 1991, et plus souvent pendant
3 les premiers mois de l'année 1992. Ceci arrivait en général la nuit et
4 pendant la journée ils rentraient chez eux pour aller nourrir le bétail.
5 Etant donné que j'étais secrétaire de la commune locale, nous avons
6 organisé nos hommes appartenant au groupe ethnique bosno-serbe de s'occuper
7 des maisons serbes de façon à ce qu'il y ait aucun cambriolage."
8 Vous avez entendu la traduction; s'agit-il bien de votre déclaration ?
9 R. Oui.
10 Q. Pouvez-vous dire, aux Juges de la Chambre et aux parties présentes,
11 pourquoi les Serbes ont passé la nuit dans des villages serbes et non pas à
12 Svrake, chez eux dans leurs maisons ?
13 R. Pendant l'année 1991, lors des rassemblements politiques que vous
14 organisiez et consacriez à l'organisation du plébiscite pour le peuple
15 serbe, vous aviez l'habitude d'annoncer ceci. Dans les municipalités qui
16 passeraient sous le contrôle serbe, vous interdiriez la vente de biens à
17 des Bosno-musulmans, vous interdiriez la construction de maisons à
18 l'intention des Bosno-musulmans dans les territoires placés sous votre
19 contrôle, et les fondations d'une maison musulmane seront plastiquées.
20 C'est quelque chose que vous disiez lors des rassemblements politiques que
21 vous organisiez pour le peuple serbe.
22 A un moment donné, dans le courant de l'année 1992, vous avez menacé
23 publiquement, depuis l'assemblée, que les Bosno-musulmans pourraient
24 disparaître si un conflit venait à éclater. Tout ceci a eu un effet sur la
25 population locale, qui avait reçu des consignes des représentants du Parti
26 démocratique serbe, quelque chose dont nous n'étions pas au courant. En
27 tant que bons voisins, puisque les rapports interethniques étaient bons,
28 ceci nous était apparut étrange car, à partir de l'année 1991, les gens se
Page 12676
1 rendaient à Paljevo, Krivoglavci, et certaines personnes avaient des
2 maisons de week-end, de campagne, à ces endroits-là. Donc d'une certaine
3 façon, nous avions peur que des criminels locaux se livrent à des
4 cambriolages. Nous craignions un incident, et nous craignions que la
5 population serbe crée un incident d'une manière ou d'une autre.
6 Je dis ceci car, en 1991 ou au début de l'année 1992, la majorité de la
7 population de la municipalité de Svrake n'étaient composée de Musulmans, et
8 qu'ils n'ont provoqué aucun incident qui aurait pu justifier un
9 comportement de ce type. Il n'y a eu aucun incident lié à un quelconque
10 cambriolage de biens, ou de quelqu'un qui aurait menacé leur sécurité. Je
11 crois que le fait qu'ils continuaient à quitter cette localité c'était en
12 raison du Parti démocratique serbe et de l'antenne locale, qui avaient des
13 liens avec les structures municipales, qui avaient un lien aux instances
14 dans la république placées sous votre contrôle.
15 Q. Est-ce que vous essayez de dire que le peuple serbe était tellement
16 obéissant qu'il allait dormir ailleurs, dans un cadre peu confortable, en
17 suivant les recommandations du Parti démocratique serbe ?
18 R. Il n'y a pas d'autre raison. Parce que la population musulmane ne
19 pouvait pas -- on ne pouvait pas attribuer à la population musulmane ce
20 genre de choses, parce qu'ils écoutaient tout le monde. Ils n'ont pas
21 quitté leurs maisons parce que quelqu'un leur a demandé de partir ou les a
22 chassés. Au cours de toutes les conversations avec eux, nous leur
23 demandions de ne pas partir, mais ils n'écoutaient pas.
24 Q. Merci. Monsieur Muracevic, quand avez-vous entendu dire en public que
25 les Musulmans ne seraient pas autorisés à construire des maisons sur le
26 territoire serbe, et que la fondation des maisons serbes serait plastiquée
27 ? Quand avez-vous entendu parler de cela ?
28 R. Dans les documents, il y a un enregistrement audio d'une telle
Page 12677
1 déclaration. Je ne l'ai pas avec moi. Il y a un enregistrement audio qui
2 reprend votre déclaration.
3 Q. Vous avez étudié ces enregistrements audio de mes déclarations des
4 allocutions que je faisais dans le cadre de mon parti ?
5 R. Par la suite, j'ai eu l'occasion d'entendre et de lire toutes sortes de
6 choses, comme on dit; bien évidemment, pas avant le conflit, mais après la
7 guerre.
8 Q. Ah-ah. Quelqu'un vous a montré cela après la guerre. Qui vous a montré
9 cela ?
10 R. J'ai eu l'occasion de lire ceci dans un journal ou un bulletin de la
11 Commission d'état chargée des Enquêtes sur les crimes de guerre.
12 Q. Bien. Dans ce cas, il faut tenir compte du fait que ce que vous dites
13 n'est pas fondé sur votre propre expérience, ce que vous avez vécu sur le
14 terrain, mais que ceci se fonde sur votre étude des documents portant sur
15 les crimes de guerre, et que ces documents ont été compilés par l'Etat.
16 R. En 1991, je n'ai pas eu l'occasion d'entendre ces transcriptions ou de
17 les lire. J'ai eu l'occasion de lire cela après la guerre.
18 Q. Après avoir lu tout ceci, est-ce exact de dire que, moi, lors d'un
19 rassemblement politique, j'ai communiqué ce que j'avais dit à M.
20 Izetbegovic en réponse à son idée qui consistait à déplacer quatre millions
21 de Musulmans en direction de la Turquie ? J'ai dit qu'il pouvait faire cela
22 mais qu'il ne fallait pas qu'ils soient déplacés vers les zones serbes et
23 qu'il ne fallait pas modifier de façon artificielle la composition
24 ethnique. De telles localités ne pouvaient pas être installées dans des
25 régions serbes. C'est ce que j'avais dit à M. Izetbegovic, et j'avais dit
26 ceci lors d'une réunion en petit comité. Est-ce ainsi que cela a été dit ?
27 R. Ecoutez, vous avez le droit de dire ce que vous voulez, mais ce que
28 vous dites n'est pas quelque chose dont je suis au courant. Ce que je sais
Page 12678
1 c'est que tout ceci est dû à ce que vous avez fait avec les autorités
2 locales, le SDS local, dans ma commune et ma municipalité.
3 Par exemple, dans le territoire placé sous le contrôle des Serbes au
4 début de l'année 1992, ce qui veut dire que, dans un territoire contrôlé
5 par les forces serbes à Vogosca, 13 127 citoyens ont été expulsés, dont 11
6 000 étaient des Bosno-musulmans. Ceci s'est passé sur les territoires
7 placés sous votre contrôle depuis le mois de mai 1992, et ce, jusqu'à la
8 mi-juin 1992, au moment où les autorités serbes de la municipalité de
9 Vogosca ont organisé quelque chose qui ressemblait à un recensement. Vous
10 avez chassé 13 127 non-Serbes, habitants non-Serbes, y compris 11 000
11 Bosno-musulmans.
12 Si c'est cela dont vous -- que vous avez évoqué avec M. Izetbegovic
13 en privé, ou si vous êtes parvenu à un quelconque accord sur quelque chose,
14 dans ce cas, soit. Mais je sais ce qui se passait sur le territoire placé
15 sous votre contrôle.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais attendre, bien sûr.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.
19 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pardonnez-moi si j'interviens, mais il y
20 a peut-être un problème de traduction à la page 71, ligne 1 : "Jusqu'à la
21 mi-juin 1992." M. Karadzic souhaite peut-être préciser et demander au
22 témoin s'il s'agit de 1992 ou 1993.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
24 Je ne vois pas la page 71. Il y a quelque chose qui s'est arrêté au niveau
25 de mon écran.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Monsieur le Témoin --
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons le même ordinateur.
Page 12679
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Alors vous dites ici, au début de cette page que les autorités serbes,
3 jusqu'à la mi-juin 1992, ont chassé 11 000 -- en réalité, 13 127 personnes
4 ?
5 R. Pardonnez-moi, j'ai commis une erreur. Je veux parler du mois de juin
6 1993. C'était un lapsus.
7 Q. Merci. Monsieur le Témoin, dites-vous cela parce que c'est quelque
8 chose que vous avez vu de vos propres yeux, ou est-ce que vous dites ceci
9 en vous fondant sur ce que vous avec lu, les documents qui vous ont été
10 remis par la Commission d'état chargée d'enquêter sur les crimes de guerre
11 ?
12 R. Je parle surtout en fonction de ce que j'ai vécu, parce que 1 036
13 Bosno-musulmans de mon village sont partis à ce moment-là. Aucun d'entre
14 eux n'est resté. Les Bosno-musulmans ne sont pas restés à Tihovici non
15 plus, qui était majoritairement musulman.
16 Donc il s'agit d'informations qui ont été recueillies, en partie, pendant
17 la guerre. D'après les documents, au moment de l'intégration de Vogosca à
18 la Fédération de Bosnie-Herzégovine, la Commission chargée du Recensement a
19 établi un rapport sur la municipalité de Vogosca et précise combien de
20 citoyens il y avait en 1993 sur le territoire contrôlé par les forces
21 serbes. Donc, de mai 1992 jusqu'à la date du recensement en juin 1993,
22 entre 13 127 citoyens non-serbes ont été expulses, places dans des camps
23 dans le territoire placé sous votre contrôle. Ce qui comprenait plus de 11
24 000 Bosno-musulmans et les autres personnes appartenaient à d'autres
25 groupes ethniques et les personnes qui ne s'étaient pas déclarées
26 yougoslaves.
27 Q. Monsieur Muracevic, ai-je raison de vous dire que vous êtes poète ?
28 R. Oui, entre autres, j'écris de la poésie également.
Page 12680
1 Q. Merci. Je crois que beaucoup de personnes sont dignes de respect et en
2 particulier les poètes. Bien sûr, vous avez fait un serment solennel ici,
3 puis-je vous poser cette question : Vous n'êtes pas un expert pour ce qui
4 est des questions liées au gouvernement de Bosnie. Vous parlez de beaucoup
5 de choses et vous êtes fiable, il y a un certain nombre de choses, beaucoup
6 de choses que vous avez vécues vous-même. Donc pourquoi auriez-vous besoin
7 de vous pencher sur des documents remis par le gouvernement de la Bosnie-
8 Herzégovine; est-ce que quelqu'un vous a aidé à préparer votre déposition ?
9 R. Pardonnez-moi, le gouvernement ou personne -- le gouvernement ou
10 certaines personnes m'ont donné des documents pour que je prépare ma
11 déposition.
12 Après le 23 février 1996, lorsque nous sommes rentrés dans le
13 territoire contrôlé par les Serbes à Vogosca, j'ai trouvé certains
14 documents dans la municipalité où je travaillais. Il y avait d'autres
15 documents aussi, il y avait les documents que nous voyons aujourd'hui qui
16 s'y trouvaient. C'est ce que j'ai trouvé dans le bâtiment de la
17 municipalité, dans les écoles, dans le Kontiki, qui était un genre de petit
18 hôtel dans le voisinage du camp, et cetera.
19 Donc nous ne parlons pas de documents que j'ai rassemblés
20 personnellement. Nous parlons de documents qui m'ont été remis par le
21 gouvernement ou quelqu'un d'autre de façon à préparer ma déposition.
22 Q. Monsieur le Témoin, vous avez pu donc voir ce qui s'est advenu de ces 1
23 000 habitants de votre village. Vous ne pouviez pas savoir ce qui est
24 arrivé à ces 13 000 personnes. Je vais confirmer cela, c'est quelque chose
25 que vous avez vécu vous-même.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Muracevic, le gouvernement ou
27 quelqu'un d'autre vous a-t-il remis des documents pour que vous puissiez
28 préparer cette déposition ? Lignes 5, 6, page 73.
Page 12681
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Le gouvernement ne m'a donné aucun document de
2 façon à ce que je puisse me préparer. Quoi qu'il en soit, les documents que
3 j'ai rassemblés personnellement ont été mis à la disposition de différentes
4 agences.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Pardonnez-moi,
7 Monsieur Karadzic. Vous m'avez demandé et le Président de la Chambre a pris
8 la parole et je ne vous ai pas répondu.
9 Dans le secteur de la municipalité de Vogosca, je suis resté dans les camps
10 jusqu'au 5 décembre 1992. Donc j'ai eu l'occasion de voir et d'entendre ce
11 qui arrivait dans le secteur que vous contrôliez à Vogosca, ce qui veut
12 dire que cela ne portait pas seulement sur mon village mais sur l'ensemble
13 du secteur à Vogosca placé sous le contrôle serbe.
14 Pendant ma détention dans différents camps, de temps en temps, on faisait
15 venir d'autres personnes, d'autres endroits dans la municipalité de
16 Vogosca. Ces personnes-là, à ce moment-là, m'ont raconté ce qui se passait
17 dans leur région respective. Si nous parlons du nombre de personnes
18 expulsées du territoire placé sous votre contrôle, c'est quelque chose dont
19 j'ai une connaissance personnelle.
20 Q. Merci. Je vous remercie, j'espère que ceci vaut pour d'autres
21 participants également. Donc si vous parlez de tout ce que vous avez vu de
22 vos propres yeux, je me demande si ce que vous avez -- cela. Je vais poser
23 une question sur ce que vous avez vu de vos propres yeux. Il y a quelques
24 instants, vous nous avez donné un chiffre qui est le chiffre de 13 127, qui
25 est le chiffre que vous avez vu dans les journaux, chiffre fourni par la
26 commission chargée des enquêtes sur les crimes de guerre. Est-ce vous qui
27 avez recueilli ces informations ou quelqu'un vous les a-t-il communiquées ?
28 R. Il n'est pas exact que ces documents m'ont été remis par le
Page 12682
1 gouvernement de Bosnie. Ce sont des documents que j'ai trouvés moi-même
2 dans le bâtiment municipal de Vogosca, que les Serbes avaient laissé là.
3 Pour ce qui est de ma connaissance personnelle de l'expulsion de la
4 population, j'ai simplement comparé les deux et j'ai utilisé le document de
5 1991, et nous sommes parvenus au chiffre que j'ai cité. Donc je veux parler
6 du document que les Serbes ont laissé après le 23 février 1996, lorsque
7 cette région est devenue une partie intégrante de la Fédération de Bosnie-
8 Herzégovine.
9 Q. Est-ce que vous essayez de dire que dans les locaux où les autorités
10 serbes étaient avant, vous avez trouvé des documents qui avaient été
11 fournis par une Commission musulmane chargée d'enquêter sur les crimes de
12 guerre, avant même que le document ait été compilé. Parce que ce document
13 n'avait pas été compilé avant février 1992.
14 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète de la cabine anglaise : 1996.
15 M. KARADZIC : [interprétation]
16 Q. -- Monsieur Muracevic, et je vous demande, en tant que poète digne de
17 toute estime, de nous dire la vérité.
18 R. Monsieur Karadzic, vous ne dites pas la vérité. J'ai trouvé ce document
19 après le mois de février 1996, dans les locaux qui avaient -- auparavant,
20 ont été contrôlés par la partie serbe. Donc personne ne m'a remis ce
21 document. Je l'ai trouvé personnellement, dans le bâtiment de la
22 municipalité de Vogosca.
23 L'INTERPRÈTE : Précision de l'interprète : Il est important de corriger,
24 personne ni du gouvernement, ni d'ailleurs ne m'a donné des documents.
25 M. KARADZIC : [interprétation]
26 Q. Est-ce un document du gouvernement musulman de Bosnie ou un document
27 fourni par les autorités serbes ?
28 R. Il s'agit d'un document fourni par les autorités serbes et non pas par
Page 12683
1 le gouvernement de Bosnie.
2 Q. Pourriez-vous nous montrer ce document ?
3 R. [aucune interprétation]
4 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Nous avons le document, enfin, je ne sais
5 pas si nous avons le document.
6 Je crois que M. Karadzic mélange un petit peu les documents. Nous
7 avons remis les notes de récolement à M. Karadzic, il y a quelques jours.
8 Nous avons dit qu'il y a un document serbe qui avait été retrouvé dans le
9 bâtiment de la municipalité. Nous lui avons également communiqué un
10 document dont le témoin est l'auteur, et qui comporte ce chiffre de 13 127.
11 Donc il s'agit là des deux documents que cite le témoin.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame Sutherland. Mme SUTHERLAND
13 : [aucune interprétation]
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Souhaitez-vous voir ce document
15 maintenant, Monsieur Karadzic ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant je sais quel document a été évoqué
17 par Mme Sutherland. Laissez-moi parler d'un document qui a été fourni par
18 la Commission chargée des Enquêtes sur les crimes. Cela n'était pas le
19 document, c'était un recensement intermédiaire qui avait été fait pendant
20 la guerre. Ce qui m'intéresse c'est le document qui a été remis au témoin
21 par la commission chargée des enquêtes sur les crimes de guerre. Si mon
22 LiveNote fonctionnerait correctement, j'aurais pu vous donner les numéros
23 de page.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, vous ne dites pas la vérité sur ce
25 que nous évoquons. Je n'ai jamais dit avoir reçu ce document de la
26 Commission chargée des Enquêtes sur les crimes de guerre. Au lieu de cela,
27 je l'ai trouvé dans le bâtiment de la municipalité lorsque je suis arrivé,
28 le 23 février 1996, sur le territoire qui avait été placé sous le contrôle
Page 12684
1 des Serbes. il n'est pas exact de dire qu'une quelconque personne de cette
2 Commission chargée des Enquêtes sur les crimes de guerre m'a remis ce
3 document ou que quelqu'un ou un représentant des autorités de l'Etat.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Lorsque je vous demande comment vous savez cela, n'avez-vous pas vous-
6 même cité cette Commission chargée d'enquêter sur les crimes de guerre ?
7 R. Je vous ai répondu et dit cela par rapport à votre apparition en public
8 dans le cas du plébiscite de 1993.
9 Q. Qui vous a remis ces documents ?
10 R. Ce qui se rapporte au plébiscite, c'est cela que vous voulez dire, le
11 plébiscite de 1991 ? Votre question n'est pas claire.
12 Q. Qui vous a remis les documents qui avaient été fournis à présent la
13 Commission chargée d'enquêter sur le crime de guerre que vous avez cité ici
14 ?
15 R. Personne ne me les a donnés. J'ai lu ceci dans un bulletin de cette
16 commission, et une partie de ces discours a été publiée dans les médias; et
17 plus particulièrement, dans le journal "Oslobodjenje," et on a cité votre
18 déclaration, celles que vous avez faites dans le cadre du plébiscite. Donc
19 personne ne m'a remis ceci personnellement. J'ai eu l'occasion de lire tout
20 ceci dans un document public.
21 Q. Sauf votre respect, Monsieur le Témoin, vous avez dit, dans une
22 allocution publique, c'est quelque chose que j'ai dit en réalité dans une
23 réunion restreinte de mon parti, et donc que c'était une interprétation de
24 ce que j'avais abordée avec M. Izetbegovic en privé.
25 Qui vous a remis les documents qui n'étaient pas dans le domaine public ?
26 R. De tel document n'existe pas. J'ai simplement cité une partie de votre
27 allocution que vous avez faite avant le plébiscite de 1991. Il y avait des
28 déclarations plus générales qui ont été publiées par les médias, il y a
Page 12685
1 d'autres choses que vous avez dites hormis ce sur quoi je me suis
2 concentré, donc dans le bulletin publié par la Commission d'Etat chargée
3 d'enquêter sur les crimes de guerre, une partie de ces éléments a été
4 publiée dans "Oslobodjenje." Malheureusement, je ne disposais pas d'un
5 exemplaire de ce journal ici avec moi.
6 Q. Encore une question. Ce que vous avez abordé, étiez-vous au courant de
7 tout ceci en 1992 ?
8 R. Je savais certaines choses, parce que vos discours enflammés lors des
9 rassemblements politiques du SDS avaient pour objectif d'éveiller ou de
10 réveiller la conscience nationale des Serbes. Peut-être que vous n'étiez
11 pas leur inciter cela personnellement, mais vous vous exprimiez de façon
12 assez poétique, et ce qui a donné lieu à certaines réactions.
13 Q. Monsieur le Témoin, je souhaite recueillir une réponse de vous, vous ne
14 saviez rien au sujet de cette réunion parce que cette réunion était
15 restreinte et qu'elle n'était pas publiée, c'est quelque chose que vous ne
16 saviez pas en 1992. Est-ce que vous me dites que les agriculteurs serbes
17 étaient au courant de cela en 1992, ou qu'ils allaient passer la nuit dans
18 les villages serbes parce qu'ils craignaient ce qui pouvait leur arriver ?
19 R. Je pense que des membres des Serbes auraient pu être au courant de
20 cela, parce qu'ils assistaient régulièrement à des rassemblements
21 politiques ou des réunions que vous organisiez, où vous faisiez des
22 discours, et vous lanciez des appels aux habitants du village. Je ne sais
23 pas pour ce qui est de cette réunion particulière, qui portait sur le
24 plébiscite, mais ils assistaient aux réunions que vous organisiez.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce l'heure de la pause ?
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 30
27 minutes et nous reprenons à 13 heures 03.
28 --- L'audience est suspendue à 12 heures 33.
Page 12686
1 --- L'audience est reprise à 13 heures 04.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, veuillez
3 poursuivre.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Monsieur Muracevic, début mars, vous avez envoyé votre famille en
7 Allemagne, n'est-ce pas ?
8 R. Je n'ai pas envoyé ma famille en Allemagne début mars, mais c'est ma
9 famille, c'est-à-dire mon épouse et mes enfants qui, le jour de l'attaque
10 sur mon village, ma famille est donc partie en visite chez la mère de mon
11 épouse. Ensuite pendant la guerre, ma famille est partie en Allemagne chez
12 mon frère, qui vivait et travaillait en Allemagne déjà depuis de nombreuses
13 années.
14 Q. Je ne m'y retrouve plus, maintenant, Monsieur Muracevic. Car dans votre
15 déclaration écrite, au paragraphe 2 de votre déclaration consolidée, vous
16 dites, je cite :
17 "Mon épouse et mes enfants ont quitté la Bosnie-Herzégovine en mars 1992,
18 et sont revenus en 1996, après la guerre."
19 Vous avez par ailleurs dit à peu près la même chose, durant l'un de vos
20 interrogatoires par les membres du bureau du Procureur en 1996, c'est-à-
21 dire avant le retour de votre famille.
22 R. Ma famille a quitté notre localité en mai 1992, le 2 mai, pour être
23 précis.
24 Q. Mais pourquoi avez-vous dit dans votre déclaration consolidée qu'elle
25 était partie en mars ?
26 R. Je ne sais pas, j'ai fait pas mal de déclarations, il y en a plusieurs.
27 Je ne sais pas pourquoi il a été écrit que c'était le mois de "mars." Mais
28 le fait c'est que, le jour même de l'attaque contre mon village, ma famille
Page 12687
1 a quitté la localité pour aller chez la mère de mon épouse, qui est de
2 Visoko.
3 Q. Quand votre famille a-t-elle quitté la Bosnie-Herzégovine ?
4 R. Pendant l'année 1992. Mais, en tout cas, mon épouse et mes enfants ont
5 passé quelque temps à Visoko chez ma belle-mère, après quoi ils sont partis
6 chez ma sœur à Zenica, et ensuite ils ont pris contact avec mon frère en
7 Allemagne, et ils ont finalement quitté la Bosnie-Herzégovine pour se
8 rendre en Allemagne en 1992.
9 Q. Mais quel mois de 1992 ?
10 R. Je ne sais pas exactement quelle est la date de leur départ en
11 Allemagne, mais en tout cas, c'était vers la fin de l'année 1992.
12 Q. Quand avez-vous appris la date de leur départ ?
13 R. La première fois que j'ai parlé au téléphone avec ma famille c'était en
14 1993, après mon évasion du camp. C'est donc à ce moment-là que je les ai
15 eus au téléphone pour la première fois et c'est seulement à ce moment-là
16 que j'ai appris que mon épouse et mes enfants étaient chez mon frère en
17 Allemagne.
18 Q. Mais le lendemain de votre évasion, vous avez dit, aux autorités de
19 Bosnie-Herzégovine, que votre famille était à Visoko, n'est-ce pas ?
20 R. Avant mon évasion, je savais que ma famille était à Visoko, mais je
21 n'avais pas de détail sur le sort de ma famille, et je ne savais pas
22 encore, à ce moment-là, au moment même où j'ai fait ma déposition, je ne
23 savais pas encore que ma famille en fait avait quitté la Bosnie-
24 Herzégovine, car c'est seulement en 1993 que j'ai appris très précisément
25 que ma famille était hors de Bosnie-Herzégovine.
26 Q. Mais après l'année 1993, vous saviez quelle était la date du départ de
27 votre famille. Alors pourquoi est-ce que, dans votre déclaration
28 consolidée, vous parlez du mois de mars ?
Page 12688
1 R. C'est sans doute une coquille, une faute de frappe. Car j'ai toujours
2 dit que ma famille était partie au mois de mai, donc je pense que c'est une
3 coquille.
4 Q. Vous dites que vous avez organisé des patrouilles nocturnes chargées de
5 veiller à vos maisons, n'est-ce pas, dans le village ?
6 R. Oui. Avec la police locale et les habitants, nous nous sommes occupés
7 de la protection de certaines maisons de façon à éviter des cambriolages
8 qui auraient pu provoquer un incident car éventuellement des représentants
9 serbes auraient pu dire que quelqu'un s'était attaqué à leur propriété.
10 Q. Mais, Monsieur Muracevic, je ne comprends pas très bien. En dehors de
11 vos patrouilles, il y avait la police, alors je comprends mal que les
12 Serbes aient eu tellement peur qu'ils soient allés dormir dans un autre
13 village. Est-ce que tout ce que vous avez fait n'aurait pas pu leur donner
14 un sentiment de sécurité ? Or c'est l'inverse, n'est-ce pas, qui s'est
15 produit. Puisqu'ils quittaient le village pour aller dormir ailleurs.
16 R. Je crois que, factuellement [phon], les choses ne correspondent pas à
17 ce que vous dites. Je pense même que les Serbes de la localité avaient des
18 consignes se rapportant à l'attaque de notre village par les Serbes, y
19 compris avant l'attaque effective qui a eu lieu le 2 mai. Donc c'est en
20 raison de ces informations qu'ils avaient très probablement qu'ils
21 préféraient quitter le village pendant la nuit pour aller dormir ailleurs
22 afin d'éviter l'action de certaines unités de l'armée.
23 Q. Je comprends que vous ayez l'opinion qui est la vôtre, chacun a un dos
24 et chacun a aussi des opinions, mais je vous prierais de ne pas vous parler
25 de vos opinions ici; je vous demande de parler des faits. Quand a eu lieu
26 l'attaque ?
27 R. Ils ont commencé à quitter notre village vers la fin de l'année 1991.
28 Donc dès après les élections multipartites, on a commencé à sentir dans
Page 12689
1 notre village que l'équilibre des rapports interethniques avait disparu. Le
2 village voisin de Krivoglavci a vécu une situation particulière, parce que
3 selon la municipalité de Vogosca de l'époque, qui était un lieu important
4 pendant les élections multiethniques avec des représentants croates, serbes
5 et musulmans. Ce village avait envoyé à la municipalité de Vogosca une
6 pétition pour demander l'interdiction de la vente des maisons appartenant à
7 des Serbes et profitant à des Musulmans et d'interdire aux Musulmans de
8 construire des maisons dans ce village, village où il y avait 250 habitants
9 d'appartenance ethnique serbe. Donc tout ça, d'une certaine façon, a
10 affecté le comportement des habitants dans notre village. Vers la fin de
11 l'année 1991, certains ont commencé à partir en 1992, les départs étaient
12 pratiquement quotidiens.
13 Compte tenu de tout ce qui s'est passé au début de mai, ceci montre sans
14 doute que les Serbes savaient ce qui allait se passer dans le village à
15 l'avance, avant l'attaque même du village.
16 Q. Six mois avant donc ?
17 R. Oui. Oui, c'est à peu près cela.
18 Q. Est-ce que vous avez présenté au bureau du Procureur cette pétition qui
19 interdisait cette vente de bien immobilier aux Musulmans ?
20 R. Non, je ne l'ai pas apporté avec moi, mais c'est un document public.
21 Donc on peut le trouver dans les archives de la municipalité. Je n'ai pas
22 apporté ce document avec moi, mais comme je vous le disais, on peut le
23 trouver dans les archives municipales de Vogosca.
24 Q. Ai-je raison de dire, Monsieur Muracevic, que vous avez fait au moins
25 une dizaine de déclarations ou d'autres types de déposition ?
26 R. Oui, on peut résumer la chose ainsi.
27 Q. Dans combien de déclarations et de dépositions avez-vous mentionné
28 cette pétition ?
Page 12690
1 R. A plusieurs reprises, mais je ne peux pas vous le dire avec certitude.
2 Q. Nous allons demander à Mme Sutherland de nous sauver la mise, parce que
3 je dois dire que je n'ai retrouvé nulle part dans vos déclarations ni dans
4 les dépositions que vous avez faites dans d'autres procès. C'est la
5 première fois que j'entends parler de cela. Alors qu'avez-vous à dire ?
6 R. Je ne peux pas être certain. Mais je sais que vous avez pas mal de
7 déclarations à votre disposition, mais je viens de mentionner cette
8 pétition, je ne l'ai pas mentionnée ici.
9 Mais il est vrai qu'après une des premières séances, après donc les
10 élections multipartites, je parle des séances de l'assemblée municipale,
11 auquel participait également le SDS. Ce document a été reçu, et on peut le
12 trouver dans les archives municipales.
13 Q. Merci. Il s'agit d'un document de premier choix. S'il existe, nous en
14 avons vraiment besoin. S'il n'existe pas, dans ce cas-là, Monsieur
15 Muracevic, votre déclaration et votre déposition seront à lire sous un jour
16 complètement différent, n'est-ce pas ?
17 R. Le document existe, et nous ferons de notre mieux pour vous le
18 transmettre.
19 Q. Merci. Vous avez dit, dans le paragraphe 8 de votre déclaration, il
20 s'agit de votre déclaration harmonisée. Vous avez donc dit que des
21 incidents ont commencé à se produire, et que le poste de sécurité publique
22 avait été divisé en fonction de l'appartenance ethnique; des postes de
23 contrôle avaient été établis sur les axes routiers. Est-ce que vous faites
24 un lien entre ces postes de contrôle et le référendum ?
25 R. Bien, pour la plupart de ces postes de contrôle ou de barricades ou
26 barrages routiers, ils étaient liés au référendum concernant l'indépendance
27 de Bosnie-Herzégovine. Même s'il y avait certains barrages, peut-être que
28 je peux les appeler ainsi, mais il y avait des postes de contrôle à
Page 12691
1 l'entrée de certains villages qui étaient principalement peuplés de Serbes,
2 ils existaient auparavant également. Mais si nous parlons de barrages
3 routiers, dans ce cas-là, on peut effectivement les lier à la période
4 autour du référendum.
5 Q. Ce que vous nous avez dit concernant la période qui précédait le
6 référendum, est-ce que vous pourriez peut-être nous donner des informations
7 plus précises ou des preuves à cet effet ?
8 Vous avez mentionné que ces barrages avaient quelque chose à voir avec ce
9 qui se passait autour du référendum. Mais de quoi parlez-vous exactement ?
10 R. Le 29 février et le 1er mars 1992, il y a eu un référendum qui
11 permettait aux citoyens de s'exprimer sur l'indépendance de la Bosnie-
12 Herzégovine. Dès la nuit du 29 février, les choses ont commencé à évoluer.
13 A Krivoglavci, qui est le village à proximité de la rocade de Vogosca, il y
14 a eu des tirs qui ont retenti, et donc le bureau de vote a été fermé.
15 Le 1er mars 1992, la population locale d'appartenance ethnique serbe a
16 obtenu une énorme quantité d'armes issues de la caserne de Semizovac. Il
17 s'agissait d'armes de la Défense territoriale qui étaient stockées à la
18 caserne Semizovac, et tout ceci a été emporté en direction de Krivoglavci,
19 et également dans d'autres endroits qui étaient peuplés de Serbes.
20 Après 2 mars, les barrages routiers ont commencé à voir le jour dans toute
21 la ville.
22 Q. Monsieur Muracevic, est-ce que vous essayez de nous dire que les Serbes
23 empêchaient le bon déroulement du référendum ?
24 R. A Blagovac et dans d'autres secteurs, effectivement. D'ailleurs, la
25 commune locale de Blagovac n'a pas autorisé l'établissement d'un bureau de
26 vote à Blagovac, parce qu'un des bureaux de vote a été transféré à
27 l'Université de Vogosca. Pour ce qui est de Krivoglavci, étant donné que le
28 vote a eu lieu sur deux jours, le bureau de vote de Krivoglavci a dû être
Page 12692
1 fermé en raison des provocations émanant des Serbes. Il y a également des
2 tirs qui ont retenti.
3 Q. Monsieur Muracevic, est-ce que vous savez que vous avez reçu des
4 compliments -- que nous avons reçu des compliments des Nations Unies et de
5 l'Union européenne, parce que nous avons permis à des Musulmans et à des
6 Croates de voter. Dans des villages peuplés de Serbes et dans des villes
7 peuplées de Serbes, il n'y avait pas de bureau de vote parce que les Serbes
8 ne voulaient pas voter, n'est-ce pas exact ?
9 R. Ce n'est pas exact. Je ne suis pas au courant de ces compliments. Mais
10 quoi qu'il en soit, pour ce qui est de la question de voter à Krivoglavci
11 et à Blagovac; ça ne peut pas être associé à ces compliments, puisqu'il y a
12 eu des obstacles à ces votes, à ces endroits-là. Il y avait des Serbes qui
13 ont voté pour ce référendum, dans la commune locale de Svrake, des Serbes
14 sont venus voter.
15 Q. Pourquoi ceci n'a pas été relayé par la presse, parce que vous n'êtes
16 pas loin de Sarajevo ?
17 R. Vous ne dites pas la vérité ou vous n'avez pas lu la presse locale,
18 notamment ce qui concerne ces incidents à Krivogalavci, au bureau de vote
19 là-bas. Ceci a été relayé par la presse. D'ailleurs, durant la nuit du
20 premier jour au deuxième jour du référendum à Krivoglavci, la population
21 serbe a attaqué un véhicule de police, à bord duquel il y avait trois
22 policiers d'appartenance ethnique différente. Il y avait même des Serbes,
23 parmi eux. Ce véhicule a été criblé de balles, balles de fusil, parce que,
24 durant la première et la deuxième nuit du référendum, à Krivoglavci, il y a
25 eu des tirs. De cette manière, on a fait pression sur la famille Muracevic,
26 et le lendemain, la patrouille de police est intervenue mais a été attaquée
27 par la population serbe. La population serbe locale. Cette patrouille est
28 arrivée à quitter le village, ils sont partis de Krivoglavci, ils sont
Page 12693
1 partis en direction de Svrake, et de Svrake, ils sont arrivés à atteindre
2 Vogosca.
3 Q. De quoi s'agit-il ? Est-ce qu'il s'agit d'une unité ou de villageois de
4 Krivoglavci ?
5 R. Je ne peux pas dire s'il s'agissait d'une unité ou de villageois. Tout
6 ce que je peux vous dire, c'est que la population locale avait très
7 probablement des armes. Je n'ai pas déposé concernant cet incident, mais
8 j'étais un témoin lorsque la police a quitté Krivoglavci et s'est rendue à
9 Svrake. Je me suis personnellement rendu au poste de police de Vogosca,
10 avec eux, afin qu'ils y arrivent à bon port. Parce qu'ils avaient tellement
11 peur de tout ce qui s'était passé, et parce qu'ils avaient été pris à
12 partie en tant qu'officiers de police.
13 Q. Très bien. Mais pourquoi est-ce que l'on tourne autour du pot ici ?
14 Pourquoi vous ne me parlez pas du principal incident qui s'est produit, à
15 savoir l'établissement de tous ces barrages routiers ? Pourquoi est-ce que
16 vous évitez cela ? N'est-ce pas exact que des barrages routiers et des
17 barricades ont été établies parce qu'un membre d'un mariage serbe avait été
18 tué à proximité de Bascarsija ?
19 R. Je ne peux dire quoi que ce soit à ce sujet. Je n'ai pas organisé
20 l'établissement de ces barrages routiers ni de ces barricades. Donc je ne
21 peux pas vraiment vous parler de tout cela. quoi qu'il en soit cela s'est
22 produit durant cette période, mais je ne peux pas vous donner d'information
23 quant aux raisons, quant à cet incident où un membre d'un groupe
24 participant à un mariage serbe aurait été tué, parce que je n'avais rien à
25 voir avec cela.
26 Q. Donc vous ne pouvez pas nous dire si c'était en raison du référendum,
27 c'est ce que vous venez de dire ?
28 R. Mais tout ceci est lié au contexte de l'époque, ceci se passait durant
Page 12694
1 cette période. Maintenant, quant à savoir la raison exacte, vous la
2 connaissez probablement puisque c'est vous qui en étiez à l'origine.
3 Q. Au paragraphe 8, vous mentionnez qu'en plus de ces barrages routiers,
4 de ces barricades, les postes de sécurité publique étaient divisés en
5 fonction de l'appartenance ethnique, n'est-ce pas ? Est-ce que vous vous
6 souvenez de cela ou, est-ce que vous voulez que j'en donne lecture ?
7 R. C'était durant le mois de mars, il y a eu une division des forces de
8 police en fonction des appartenances ethniques, effectivement, cela s'est
9 produit. Le poste de police a été divisé en fonction de l'appartenance
10 ethnique.
11 Q. Merci. Est-ce que les Musulmans ont érigé ces barrages routiers en même
12 temps ?
13 R. Non, pas en même temps. Cela s'est produit après lorsque la population
14 musulmane a vu que ces barrages routiers aient été érigés par les Serbes.
15 Il y a eu une brève période, et puis les barricades ou les barrages
16 routiers ont été érigés dans certaines localités. Mais très rapidement, ils
17 ont été démantelés et ils n'existaient plus. Après que ces barricades aient
18 été érigées en mars, les Serbes ont également érigé des barricades, des
19 barrages routiers ainsi que des postes de contrôle, et ils ont continué à
20 vérifier les véhicules et les gens qui traversaient ces différentes
21 localités. Donc ils ont conservé le contrôle de ces postes de contrôle.
22 Q. Est-ce que vous essayez de nous dire que ces barricades n'ont pas été
23 démantelées dès le 3 mars dans tout Sarajevo ?
24 R. Non, non, ils ont été démantelés par le SDS dans tout Sarajevo.
25 Q. Est-ce que vous essayez de nous dire qu'ils n'ont pas été retirés, que
26 ces barricades n'ont pas été démantelées le 3 mars ? Ce que vous avez dit
27 au sujet du SDS, vous devriez le prouver, Monsieur Muracevic, et je vous
28 demande de vous en tenir à ce que vous savez.
Page 12695
1 R. Les représentants des Serbes ont érigé ces barricades et ces barrages
2 routiers qui étaient liés aux événements du 2 mars. Je parle donc des
3 barrages routiers à proprement parler, et ceux-ci ont été ensuite
4 démantelés. Mais dans la plupart des emplacements où ils se trouvaient dans
5 la municipalité de Vogosca, il y avait donc également des barrages
6 routiers. Il y avait des postes de contrôle, et ces contrôles étaient
7 réalisés par les forces serbes et par la police serbe. Ils vérifiaient les
8 véhicules, et ainsi que le mouvement des personnes qui allaient et venaient
9 dans différentes localités.
10 Q. Voyons ce qui est marqué au paragraphe 8 :
11 "Après cela, le poste de sécurité publique de Vogosca s'est séparé le long
12 des lignes ethniques. Les policiers musulmans et croates sont partis en
13 direction du village de Svrake et ont établi un poste de police là-bas,
14 ainsi qu'un poste de contrôle le long de l'axe principal, Sarajevo-Zenica,
15 dans le village Svrake."
16 Qui a érigé ces postes de contrôle, d'après le paragraphe 8 de votre
17 déclaration ?
18 R. C'étaient des gens qui habitaient sur place, mais en partie également
19 c'étaient les forces de police, et en partie la Défense territoriale,
20 n'est-ce pas ? Enfin, tout autour de nous, il y avait les forces serbes qui
21 avaient érigé ces postes de contrôle, un peu de partout. Donc c'était une
22 manière de protéger nos quartiers.
23 Q. Donc il s'agissait des Musulmans et des Croates, comme ceci est
24 mentionné dans le paragraphe, n'est-ce pas ?
25 R. Les Musulmans en partie, oui.
26 Q. De cette manière, l'axe qui parte en direction de Zenica était bloqué -
27 - ou plutôt, on devait traverser un poste de contrôle si l'on voulait aller
28 à Zenica, n'est-ce pas ?
Page 12696
1 R. Non. L'axe Sarajevo-Zenica n'était pas bloqué. Les véhicules de la JNA
2 et tous les autres véhicules pouvaient aller et venir, c'est-à-dire que la
3 JNA passait par là, de toute façon.
4 Q. Merci. Est-ce qu'il y avait un poste de contrôle à Kobilja Glava
5 également ?
6 R. Oui, je crois. Donc suite aux barricades et aux barrages qui avaient
7 été érigés par les Serbes, des postes de contrôle de riposte ont été érigés
8 dans les zones où les Musulmans étaient en majorité; c'est-à-dire Kobilja
9 Glava, Barice, Svrake, et cetera.
10 Q. Ce sont des localités principalement musulmanes, n'est-ce pas ?
11 R. Pour la plupart, oui. La plupart des habitants étaient Musulmans.
12 Q. Dans le paragraphe 9, vous mentionnez que les Serbes occupaient les
13 postes les plus élevés dans le système général, tant au niveau militaire
14 que politique, qu'économique, qu'au niveau de l'éducation, en fait à tous
15 les niveaux. C'est ce que vous mentionnez. Vous mentionnez que c'était à
16 tous les niveaux. Est-ce que vous vous en tenez à ce que vous avancez dans
17 ce paragraphe ?
18 R. Oui. Dans ma municipalité, tous les postes clés, que ces postes soient
19 associés à la municipalité à proprement parler, ou à la police, ou aux
20 établissements scolaires, ou à d'autres établissements publics, même au
21 niveau de la caserne, c'était donc les Serbes qui occupaient ces postes
22 clés. Je peux le confirmer parce que j'étais secrétaire de la Conférence
23 municipale de l'Alliance socialiste des travailleurs au moment du
24 référendum -- ou plutôt, juste avant les élections multipartites en 1990,
25 et par conséquent, j'ai pu voir ce qui se passait, comment les choses ont
26 évolué au sein de la municipalité de Vogosca avec les différents
27 fonctionnaires. Juste avant les élections multipartites, lorsque les
28 mandats sont arrivés à expiration, le président de la municipalité -- ou
Page 12697
1 plutôt, le chef de la Ligue des communistes de la municipalité, et puis les
2 chefs des établissements scolaires, et cetera, et cetera, plutôt que de
3 respecter la répartition ethnique en fonction du nombre d'habitants qui
4 appartenait à ces différents groupes ethniques, la plupart de ceux qui
5 étaient en poste ont vu leur mandat prolongé. Il n'y avait, par conséquent,
6 aucun équilibre lié à l'appartenance ethnique. C'était principalement des
7 Serbes qui sont restés à ces postes, à ces postes clés.
8 Q. Monsieur Muracevic, est-ce que la municipalité de Vogosca est une
9 partie intégrante de la ville de Sarajevo ?
10 R. Oui, à l'époque, c'était le cas.
11 Q. Est-ce que vous essayez de nous dire que, dans la ville de Sarajevo, en
12 République de Bosnie-Herzégovine, la Communauté nationale serbe était
13 prédominante et pouvait actionner tous les leviers du pouvoir ?
14 R. D'après ce que je pouvais voir dans la municipalité, ce que je pouvais
15 observer, je dirais que la plupart des postes importants étaient occupés
16 par des Serbes.
17 Q. Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui s'appelait Alija Delimustafic
18 ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce que c'était un Musulman ? Est-ce qu'il était ministre de
21 l'Intérieur ?
22 R. Oui, il était Musulman et ministre de l'Intérieur.
23 Q. Est-ce que Avdo Hebib était Musulman, et est-ce qu'il était son adjoint
24 responsable des services de police ?
25 R. Tout d'abord, vous voulez que je parle de la structure de la ville de
26 Bosnie-Herzégovine ? J'ai fait l'objet de certains actes de torture dans la
27 municipalité de Vogosca, principalement au niveau de Svrake. Donc je
28 voudrais parler de ces positions.
Page 12698
1 Lorsque j'ai dit, dans ma déclaration, que tous les postes-clés étaient
2 détenus par les Serbes, ce que je voulais dire c'était principalement dans
3 la municipalité de Vogosca, c'est-à-dire sur le territoire sur lequel
4 j'habitais.
5 Q. Est-ce que le président de la municipalité de Vogosca était Musulman ?
6 R. Après les élections multipartites, le président de la municipalité,
7 après Dieu seul sait combien d'années, a finalement été un Musulman. Mais
8 je peux compter sur les doigts d'une seule main le nombre de Musulmans qui
9 étaient nommés à ces postes-clés.
10 Q. Qu'en est-il du chef du poste de la sécurité publique et le numéro un
11 au niveau du ministère de l'Intérieur ? Est-ce qu'il n'était pas Musulman ?
12 R. Un moment donné, oui. Mais peu de temps après les élections
13 multipartites, ce poste est revenu à un Serbe.
14 Q. Qu'en est-il de Vehid Hodzic ? Est-ce qu'il était Serbe ?
15 R. Non, non. Vehid Hodzic était un des Musulmans qui a été nommé à la tête
16 des services de Police. Avant cela, aucun Musulman n'était responsable de
17 postes de police. Après les élections multipartites, c'est-à-dire après les
18 élections pluriethniques en 1990, on a essayé de rééquilibrer les choses de
19 façon à ce que le président de la municipalité soit un Musulman et puis que
20 le chef de la police soit un Musulman. Je parle également de la situation
21 avant ces élections de 1990.
22 Q. Très bien. Mais à l'époque de la crise à Vogosca, et c'est ce
23 dont nous parlons à l'heure actuelle, est-ce que vous confirmez que les
24 Serbes détenaient tous les leviers du pouvoir dans la municipalité de
25 Vogosca, dans la ville de Sarajevo, et en Bosnie-Herzégovine ? Restons-en à
26 Vogosca.
27 R. Le président de la municipalité de Vogosca qui supervisait les
28 instances législatives, et là la moitié des membres étaient musulmans, et
Page 12699
1 le chef du comité exécutif était un Musulman, et c'est celui qui avait le
2 pouvoir exécutif.
3 Q. Monsieur Muracevic, vous vous souvenez que ce n'est que récemment que
4 les autorités exécutives sont devenues très importantes ou plus
5 importantes. Mais, à l'époque, la personne-clé était le président de la
6 municipalité.
7 R. Ça en est peut-être ainsi, mais le pouvoir exécutif reste le pouvoir
8 exécutif. Le président de la municipalité, pour ce qui est donc de la
9 première personne qui a été nommée ou élue après les premières élections,
10 on ne lui demandait pas de faire grand-chose.
11 Q. Très bien. Nous y reviendrons plus en détail un peu plus tard.
12 Vous connaissez bien les directives, n'est-ce pas ?
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.
14 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais
15 pas si le témoin a fait une erreur. A la page 92, les lignes 2, 3 et 4, il
16 a dit -- il a mentionné qui était président de la municipalité de Vogosca,
17 et il a parlé également du chef du comité exécutif et il a donné leur
18 appartenance ethnique. Je ne sais pas s'il ne s'est pas trompé.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons entendu ceci de la bouche d'autres
20 témoins. On peut, cependant, obtenir une confirmation, à savoir que le
21 président de la municipalité était un Musulman et que le président du
22 comité exécutif était un serbe.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Dans ce système, est-ce que le président de la municipalité avait un --
26 était au dessus du président du comité exécutif, n'est-ce pas ?
27 R. D'une certaine manière, le président du comité exécutif n'était pas au
28 dessus, dans la hiérarchie, du président de la municipalité. D'un point de
Page 12700
1 vue pratique, c'était le contraire.
2 Q. Donc en pratique, le président musulman de la municipalité était au
3 niveau supérieur par rapport au président du comité exécutif, n'est-ce pas
4 ?
5 R. A l'époque, le comité exécutif était beaucoup plus consulté. On prenait
6 beaucoup plus en compte son autorité. Le président de la municipalité était
7 celui qui demandait aux différentes personnes de mener à bien telle ou
8 telle tâche. Mais le comité exécutif disposait de sa propre instance, et au
9 sein de cette instance, il pouvait prendre des décisions sans avoir à faire
10 appel à des instances extérieures. Dès que cette instance était constituée,
11 le président du comité exécutif pouvait appliquer les décisions jusqu'à ce
12 que la prochaine assemblée se réunisse ou jusqu'à ce que quelqu'un attire
13 son attention sur le fait qu'il ne menait pas à bien sa tâche. Mais,
14 officiellement, le président de la municipalité était le poste numéro un
15 et, par conséquent, il se trouvait au dessus du comité exécutif.
16 Q. Qu'en est-il du comité exécutif ? Es-ce que le comité exécutif -- ou
17 plutôt, son président pouvait agir hors du champ d'action du secrétariat,
18 ou est-ce qu'il agissait sous le contrôle du secrétariat ? Est-ce que son
19 cabinet était composé d'un secrétaire ?
20 R. Je ne peux pas entrer dans les détails du cabinet. Mais le président du
21 comité exécutif devait tout faire. Je ne sais pas s'il devait consulter les
22 membres de son cabinet. Je pense à d'autres membres du secrétariat. Ce
23 n'est pas quelque chose que je peux confirmer parce que je ne savais pas
24 exactement comment cela fonctionnait en détail, et comment est-ce qu'il
25 s'acquittait de ses responsabilités en tant que président du comité
26 exécutif.
27 Q. Monsieur Muracevic, vous faisiez partie du système. Vous étiez
28 président. Vous étiez le secrétaire de la commune locale. Est-ce exact de
Page 12701
1 dire que le gouvernement municipal était composé du secrétariat et que le
2 cabinet était composé de secrétaires au pluriel ?
3 R. Oui, dans la plupart des cas, oui, c'est ainsi que cela aurait dû se
4 dérouler.
5 Q. Est-ce que vous savez que les principales fonctions au niveau du
6 secrétariat au sein du comité exécutif de Vogosca étaient détenues par des
7 Musulmans, les principaux postes, donc ?
8 R. Ecoutez, dans ma précédente déclaration - et nous parlions des
9 relations qui ont précédé ce qui s'est produit, nous parlions donc de 1990
10 - donc quelle était la situation jusqu'aux élections multipartites ? Après
11 les élections multipartites, il y a eu un certain équilibre qui a été
12 obtenu dans les différentes fonctions et l'exécution des différentes
13 tâches, mais, en pratique, ça n'a pas vraiment fonctionné parce que les
14 représentants du comité exécutif, qui étaient principalement des Serbes,
15 sont arrivés à un accord avec le président du comité exécutif, et ces
16 membres n'ont pas vraiment consulté les membres du comité exécutif qui
17 étaient musulmans. Ils ont, en fait, simplement pris des mesures qu'ils
18 pensaient qu'ils devaient prendre.
19 Q. Mais vous n'avez pas participé à ces réunions. C'est simplement une
20 impression que vous avez dégagée, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, c'était mon impression. C'est la raison pour laquelle je ne
22 voulais pas vraiment me lancer dans des discussions concernant les
23 activités de ces instances gouvernementales, mais l'impression que j'avais,
24 c'est que la plupart des représentants au sein du comité exécutif, qui
25 étaient Serbes, consultaient plus le président du comité exécutif et
26 mettaient en œuvre -- et créaient des postes selon ce qu'ils devaient faire
27 ou ce qu'ils jugeaient nécessaire de faire, et ils consultaient beaucoup
28 moins les membres du comité exécutif qui étaient des Musulmans.
Page 12702
1 Q. Mais nous parlons ici du comité exécutif, et vous ne savez pas vraiment
2 ce qui se passait. Vous n'avez pas participé à ces réunions donc vous ne
3 pouvez pas le savoir. Est-ce que vous savez que le principal secrétariat
4 était détenu par les Musulmans ?
5 R. Mais c'est ce que je vous dis. Les politiques mises en œuvre par le
6 comité exécutif ne correspondaient pas à ce qui faisait l'objet des
7 décisions au niveau de l'assemblée municipale et ce qui aurait dû être
8 établi durant les réunions du comité exécutif, et les choses ont évolué
9 différemment et au profit des Serbes, d'une certaine manière.
10 Q. Monsieur Muracevic, vous avez dit précédemment que le président du
11 comité exécutif ne pouvait pas agir d'une autre manière que par le
12 truchement du secrétariat, donc comment expliquez-vous cette impression qui
13 est la vôtre que quelque chose était fait lorsque le président du comité
14 exécutif n'avait pas de pouvoir, mis à part les pouvoirs dont sont investis
15 le secrétariat et le secrétaire ?
16 R. Je vais vous expliquer ce que j'entends par là. Durant une certaine
17 période, ma commune locale, afin de mettre en œuvre différents projets,
18 aurait dû recevoir 200 000 dinars. Je ne sais pas à quoi ça correspond.
19 Puis ensuite, suite à une proposition du comité exécutif, seulement 100 000
20 dinars étaient prévus pour mettre en œuvre ce projet. Voilà donc ce qui
21 était important. S'il y avait une décision que ça devait être 200 000
22 dinars, pourquoi est-ce que le président du gouvernement n'allait nous
23 donner que 100 000 dinars ? Donc sur la base de tout cela, on pouvait avoir
24 l'impression que le président du comité exécutif faisait fi de l'opinion de
25 ses collègues du comité exécutif qui se trouvaient être des Musulmans.
26 Q. Merci, Monsieur Muracevic. Par analogie, dans chaque gouvernement en
27 Europe, les Serbes seraient responsables, parce que tous les gouvernements
28 font quelque chose de ce genre. Ils promettent quelque chose et puis
Page 12703
1 ensuite ils n'en donnent que la moitié.
2 Quoi qu'il en soit, est-ce exact de dire que la guerre dans votre zone a
3 commencé le 2 mai ?
4 R. Les attaques ont été menées ou ont commencé le 2 mai 1992.
5 Q. Merci. Vous avez dit dans votre déclaration, cependant, que :
6 "La guerre dans notre secteur a commencé le 2 mai."
7 Est-ce exact ?
8 R. Oui. Plus particulièrement, dans ma commune locale, elle a commencé le
9 2 mai, même si la guerre en Bosnie-Herzégovine a commencé plus tôt, n'est-
10 ce pas ? Quoi qu'il en soit, des obus tombaient déjà avant le 2 mai et
11 avaient été lancés par les forces serbes.
12 Q. Laissons cela de côté pour l'instant étant donné que vous ne le savez
13 pas. Nous avons une liste des munitions qui ont été utilisées
14 quotidiennement, et ceci porte sur la zone de Sarajevo.
15 R. Ce n'est pas que je ne savais pas que des obus tombaient sur Sarajevo.
16 On pouvait entendre les détonations à Vogosca également, les détonations
17 des obus qui tombaient sur Sarajevo et que l'on pouvait donc entendre à
18 Vogosca mais également à l'endroit où je vivais, c'est-à-dire à Svrake.
19 Donc vous ne pouvez pas dire que les obus touchaient Sarajevo avant le 2
20 mai.
21 Q. Merci. D'accord. Comment expliquez-vous qu'à partir du 6 avril, lorsque
22 la guerre a éclaté à Sarajevo, et jusqu'au 2 mai, il n'y avait pas de
23 guerre où vous étiez ?
24 R. Comment est-ce que cela est possible ? Mon village, avant le 2 mai,
25 était totalement encerclé. Dès le début de l'année 1992, nous étions
26 encerclés par les forces serbes qui se trouvent autour du village et qui
27 avaient des gardes armés qui avaient creusé des trachées. Puis à partir des
28 barrages qui ont été érigés en mars, le village a eu du mal à obtenir de la
Page 12704
1 nourriture, notamment dans les magasins qui fonctionnaient encore. Très
2 souvent, les citoyens faisaient l'objet de contrôle au poste de contrôle,
3 ces postes de contrôle où l'on vérifiait également des véhicules et où des
4 véhicules étaient confisqués.
5 Q. A un autre endroit, Monsieur Muracevic, vous avez dit qu'il y avait des
6 événements qui se produisaient plus loin que Svrake et qui étaient
7 responsables de ces pénuries de nourriture, mais ce n'est pas comme cela
8 que vous représentez les choses aujourd'hui.
9 R. Non, ce n'est pas exact. A partir de 1992, le village a complètement
10 été bloqué par les forces serbes, et ceux-ci surveillaient l'entrée et la
11 sortie de tous les villageois qui entraient dans cette zone, y compris les
12 véhicules qui approvisionnaient le village. Donc du début de l'année 1992
13 jusqu'à l'attaque contre mon village, les magasins avaient énormément de
14 mal à s'approvisionner en nourriture afin que les villageois puissent les
15 acheter.
16 Q. Monsieur Muracevic, paragraphe 8, un peu plus tôt, nous avons lu que le
17 poste de contrôle près de votre village était tenu par des Musulmans, et
18 non pas par des Serbes. Donc, maintenant, c'est quelque chose de nouveau.
19 Personne n'était au courant de cela avant aujourd'hui. Vous parlez
20 d'encerclement. Quelles forces ont encerclé le village de Svrake à partir
21 de 1992 ?
22 R. Monsieur Karadzic, je ne sais pas si vous faites ceci délibérément ou
23 si vous déformez tout ce que je dis intentionnellement. Si vous regardez le
24 village de Svrake, mon village, il était entouré de différents endroits qui
25 étaient contrôlés par la population serbe. C'est stratégique. Toutes les
26 directions-clés, Vogosca, Semizovac, Ilijas, Zenica-Sarajevo, l'autoroute,
27 qui permettait d'entrer dans mon secteur, disposait de postes de contrôle à
28 l'entrée de mon village de Svrake. A Manjez, dans la direction d'Ilijas, il
Page 12705
1 y avait également un poste de contrôle qui était contrôlé par les Serbes. A
2 Vogosce également, lorsqu'il y a un carrefour qui mène à l'autoroute, la
3 police musulmane de Svrake, je dirais - pardonnez-moi - ne disposait pas de
4 beaucoup de postes de contrôle, et au-delà des postes de contrôle, il y
5 avait des postes de contrôle tenus par des policiers serbes depuis la
6 direction d'Ilijas et de Vogosca parce que l'autoroute traverse Svrake,
7 donc dans la direction d'Ilijas, avant d'entrer dans Svrake dans un
8 quartier appelé Malacici [phon], il y avait un poste de contrôle serbe, et
9 à la sortie de Svrake également, lorsque vous arrivez en direction de
10 Krivoglavci, en direction de l'autoroute de Vogosca. C'est là que les
11 Serbes avaient érigé des postes de contrôle.
12 Q. Monsieur Muracevic, essayons de gagner du temps un petit peu. Ai-je
13 raison de dire qu'un peu plus tôt vous avez dire que Svrake a été encerclé
14 par des forces serbes et qu'après cela, à l'instant, vous dites que Svrake
15 a été encerclé par des localités serbes. Laquelle de ces deux affirmations
16 est exacte ?
17 R. Ces deux. L'encerclement par des forces serbes et l'encerclement par
18 des localités serbes. Krivoglavci et Ilijas, étaient des localités placées
19 sous le contrôle des Serbes, et toute cette région autour de mon village de
20 Svrake : Krivoglavci, Paljevo, Semizovac, était tenue par les Serbes.
21 Q. Les Serbes y vivaient-ils, ou est-ce que des forces armées se
22 trouvaient là ?
23 R. Les deux. Il y avait des personnes qui y vivaient et il y avait des
24 forces armées également qui étaient là, et ceci s'est fait en collaboration
25 avec les forces de police serbes qui étaient déployées à cet endroit-là.
26 Q. Avant le 27 mars 1992, une force de police serbe était-elle déployée à
27 cet endroit-là ?
28 R. Alors avant même la division de la police le long de lignes ethniques,
Page 12706
1 ceci fonctionnait déjà. Avant 1992, il y avait deux entités distinctes qui
2 faisaient partie -- qui travaillaient dans le même poste de police mais qui
3 n'agissaient pas ensemble. Cela dit, j'ai beaucoup de réticence à parler du
4 travail de la police parce que je n'ai pas de connaissances sur le
5 fonctionnement et la structure de la police. Tout ce que je sais c'est que
6 ces policiers serbes prêtaient main forte ou investissaient les barrages
7 routiers, ils vérifiaient le passage surtout des Musulmans et des Croates,
8 ce qui donnait l'impression que, même avant la division officielle, ils
9 agissaient en fonction de l'appartenance ethnique et agissaient en tant que
10 deux entités différentes.
11 Q. Merci. Est-ce que des officiers de police musulmans tenaient les postes
12 de contrôle ?
13 R. Si vous voulez parler du croisement de Vogosca, de l'artère principale
14 qui relie Semizovac, et plus loin à Tuzla, Zenica et Sarajevo, ces postes
15 étaient surtout tenus par les officiers de police serbes. Il y avait peut-
16 être un ou deux Musulmans qui étaient de temps en temps avec eux, mais je
17 n'en ai jamais vu à ces postes de contrôle.
18 Q. Pour ce qui est du poste de contrôle qui se trouve sur l'autoroute en
19 direction de Zenica dans le secteur de Svrake, ces postes étaient-ils
20 occupés par des hommes ordinaires ou par la police ?
21 R. Surtout par les réservistes et l'homme de la rue. Les officiers
22 musulmans qui étaient là s'occupaient surtout du maintien de l'ordre public
23 dans le village.
24 Q. Monsieur Muracevic, je ne vous tiens pas responsable de ces postes de
25 contrôle, mais vous avez dit au paragraphe 8 que ceci a été fait par les
26 policiers ?
27 R. Pardonnez-moi. Lorsque je parle de policiers, je veux parler des
28 réservistes de la police, parce que d'une certaine façon ils agissaient
Page 12707
1 comme s'ils appartenaient à une seule et même entité.
2 Q. Merci. Savez-vous qu'Hasan Efendic, le commandant de la Défense
3 territoriale de la Bosnie-Herzégovine, avait donné deux directives aux fins
4 d'attaquer la JNA et les Serbes ? La première directive datait du 12 avril
5 et l'autre directive du 29 avril.
6 R. Je ne connais pas l'existence de ces directives.
7 Q. Mais savez-vous ce qui est arrivé à Pretis, dans la nuit du 17 au 18
8 avril ?
9 R. Oui, je sais plus ou moins.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors pouvons-nous regarder quelques instants
11 le D400, s'il vous plaît ?
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Etiez-vous au courant de cette deuxième directive qui a été communiquée
14 à la fin du mois d'avril ?
15 R. Je ne savais rien, que ce soit au sujet de la première directive ou de
16 la seconde.
17 Q. Monsieur Muracevic, est-ce que vous admettez que le 29 avril est une
18 date qui est très proche du 2 mai ?
19 R. Vous n'avez pas besoin de moi pour confirmer cela. Cela me paraît tout
20 à fait évident que ces deux dates sont très proches.
21 Q. Veuillez regarder cette directive. Est-ce qu'on peut y lire que :
22 "J'ordonne un blocage entier et massif le long de toutes les artères et
23 intersections en Bosnie-Herzégovine sur lesquelles la JNA commence à se
24 retirer ainsi que le MUP -- le territoire de la République de Bosnie-
25 Herzégovine sur lequel les Unités de l'ex-JNA commencent à retirer leurs
26 moyens matériels et techniques. Veuillez mener à bien le blocus dans la
27 région au sens large du terme," et cetera.
28 Y avait-il des installations militaires à Svrake ?
Page 12708
1 R. Non. Nous n'avions aucune installation militaire à Svrake. Tout
2 d'abord, à propos de ce document, je dois dire que c'est la première fois
3 que je vois ce document et je n'en avais aucune connaissance en 1992. Comme
4 je vous l'ai dit, c'est la première fois que je le vois. Comme je vous l'ai
5 dit, il n'y avait aucune installation militaire dans le village de Svrake.
6 Q. Il n'y avait aucune installation militaire ? A quelle distance se
7 trouvait votre maison de cet endroit ? Où était l'installation militaire ?
8 R. La caserne de la JNA à Semizovac se trouvait sur la rive droite de la
9 Bosna, et ma maison se trouvait sur la rive gauche de la Bosna,
10 littéralement en face de la caserne.
11 Q. Vous voyez ce point 2 où on peut lire :
12 "Donc menez à bien le blocus de la région au sein large du terme où se
13 trouvent les installations militaires."
14 Est-ce que ceci comprend l'installation militaire que vous avez évoquée,
15 indépendamment du fait que vous n'étiez pas au courant et vous ne saviez
16 pas sur quelle base les choses évoluaient de cette façon ?
17 R. Pour ce qui est de la caserne, il s'agit d'une installation militaire.
18 Mais je ne peux pas vous dire quelle était l'intention de l'auteur de cet
19 ordre. Je sais qu'aucune attaque n'a été lancée contre Svrake contre cette
20 installation militaire en rapport avec cet ordre ou un quelconque autre
21 ordre non plus. Cette installation militaire se trouvait dans une commune
22 différente dans cette région sur l'autre rive de la Bosna, et toutes les
23 artères principales à l'époque étaient placées sous contrôle serbe. Par
24 conséquent, personne n'aurait pu menacer de quelque façon que ce soit une
25 installation, et nous n'avions pas les ressources nécessaires non plus.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir la pièce 1D3354 ?
27 M. KARADZIC : [interprétation]
28 Q. Vous avez réussi à vous échapper le 5 décembre; c'est exact ?
Page 12709
1 R. Oui.
2 Q. Vous avez fait votre première déclaration le 6 décembre, un jour après
3 vous être échappé ?
4 R. C'est exact.
5 Q. Il s'agit bien de cette déclaration-ci ?
6 R. Oui, tout à fait.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant regarder la
8 page 2, quelque part au milieu, après le paragraphe qui commence par "Le 1er
9 mars," où on peut lire que :
10 "Des colonnes militaires ont commencé à se déplacer dans tous les sens en
11 raison de cette directive qui indiquait qu'il ne fallait pas toucher à
12 l'armée et compte tenu d'une pénurie de matériels -- ou de moyens matériels
13 et d'équipements, nous n'avons pas arrêté ces convois ou nous ne les avons
14 pas contrôlés."
15 M. KARADZIC : [interprétation]
16 Q. Ce qui signifie que vous étiez au courant de ces directives, c'est de
17 puisque, entre autres, les directives indiquaient qu'il ne fallait pas
18 toucher à l'armée ?
19 R. C'était un fait de notoriété publique, et il fallait que les dirigeants
20 de la municipalité de Bosnie-Herzégovine lancent un appel au peuple pour
21 qu'ils fassent preuve de retenue et qu'il n'y ait pas d'affrontements avec
22 la JNA. Il n'y avait pas de directive écrite à cet effet. Les choses --
23 ceci était simplement dérivé des différentes déclarations faites par les
24 hommes politiques à l'intention de la population pour qu'il n'y ait pas
25 d'affrontements avec la JNA. Le fait est que les colonnes traversaient mon
26 village, sont passées par Semizovac et qu'ils avaient -- disposaient des
27 ressources de la JNA, qui était cantonnée dans, évidemment, des régions
28 contrôlées par les Serbes.
Page 12710
1 Q. Merci. Vous souvenez-vous du fait que, le 23 et le 24 décembre, les
2 dirigeants militaires de Yougoslavie sont venus et ont organisé une réunion
3 rassemblant tous les dirigeants de Bosnie-Herzégovine, et les dirigeants
4 musulmans voulaient que la JNA soit -- agisse davantage et empêche le
5 conflit interethnique ? Est-ce quelque chose qui a été publié ?
6 R. Ecoutez, je ne me souviens pas des détails. Je sais qu'il y avait
7 différentes options possibles pour ce qui est de la JNA. Il ne fallait pas
8 que la JNA ne s'ingère dans tout ceci. Il fallait aider la population. Mais
9 je ne me souviens pas dans tous les détails. Je sais qu'il y avait
10 différentes options possibles proposées à l'intention de la JNA pour
11 qu'elle participe de façon plus active à la pacification de la situation,
12 mais nous étions tous témoins de ce qui arrivait et les choses n'évoluaient
13 pas en fonction de ce qui avait fait l'objet d'accords.
14 Q. Merci. Avez-vous participé aux préparatifs de défense militaire de
15 votre village ?
16 R. D'une certaine façon, après avoir tout étudié et analysé tout ce qui
17 nous arrivait, d'une certaine façon, nous avons été contraints et forcés de
18 nous protéger dans le cas où une attaque serait dirigée contre notre
19 village.
20 Q. Donc vous étiez un participant actif -- vous avez participé de façon
21 active aux préparatifs de défense; est-ce exact ?
22 R. Oui. Vous pouvez le dire ainsi, mais je n'étais pas le seul responsable
23 de cela. Vous pourriez dire qu'en tant que secrétaire de la commune locale,
24 d'une certaine façon, cela faisait partie de mes devoirs et de ma
25 responsabilité. Je devais m'occuper de la population qui vivait dans mon
26 village.
27 Q. Si vous regardez ce paragraphe -- regardez le second à partir du bas,
28 qui se lit comme suit :
Page 12711
1 "Le 1er mai, moi, Ferid Cutara, commandant de la Défense territoriale de
2 Svrake; Nijaz Salkic, policier d'active; en accord avec Mirsad Durak,
3 chauffeur du nom de Gras qui garait souvent son autocar devant ma maison à
4 Svrake, décidons de transférer un mortier à bord d'un autocar de Gras en
5 direction de Grad, au club des officiers de policier, et nous avons réussi
6 à faire cela même si nous devions passer les barrages routiers. En retour
7 de la ville…"
8 Arrêtons-nous ici.
9 Savez-vous que dès le 6 avril, les lignes de séparation ont été établies ?
10 Vous avez réussi à les passer avec ce mortier ?
11 R. A propos de ce mortier, il faut savoir que le barrage routier avait été
12 érigé le long de l'autoroute et qu'il avait arrêté un véhicule conduit par
13 un Serbe. Après avoir inspecté le véhicule, ils ont établi que certaines
14 parties de l'équipement cité se trouvaient dans la voiture. Etant donné que
15 nous n'avions pas besoin de ces pièces et équipements à Svrake, nous
16 n'avions pas l'intention de nous en servir, donc nous avons décidé de les
17 transférer à la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine à la manière
18 dont cela est décrit dans ma déclaration.
19 Q. N'oublions pas que cette voiture a été conduite par un Serbe. A Svrake,
20 vous disposiez d'un mortier et d'après vous, ce mortier pouvait être mieux
21 utilisé dans la ville de Sarajevo, donc vous l'avez mis à bord d'un autocar
22 Gras, vous avez passé les postes de contrôle serbes et vous avez réussi à
23 le déposer à Sarajevo ?
24 R. Je ne peux pas vous répondre de façon aussi simple que cela et de
25 répondre par oui ou par non. Nous parlons de certains moyens matériels --
26 de l'équipement et de matériel dont nous disposions à ce moment-là.
27 Q. Je ne vous demande pas pourquoi vous l'avez fait. Je vous demande si
28 vous l'avez fait.
Page 12712
1 R. Vous pouvez regarder le procès-verbal ou le compte rendu, mais ceci
2 était dû au fait que les Serbes locaux recevaient des armes provenant de la
3 caserne de la JNA et que le mortier, placé à bord du véhicule conduit par
4 un Serbe, a été confisqué en route. Etant donné que nous n'avions aucune
5 intention de tirer sur des Serbes avec le mortier, nous avons décidé de le
6 remettre à la formation de Bosnie-Herzégovine, à savoir la Défense
7 territoriale de Bosnie-Herzégovine, à l'époque, instance légale, à
8 l'époque. Nous n'en avions pas besoin parce que nous ne souhaitions nous
9 battre contre personne en utilisant ce mortier.
10 Q. Quand avez-vous confisqué ce mortier à ce Serbe ?
11 R. C'était la veille du 1er mai, à savoir le dernier jour du mois d'avril
12 1992.
13 Q. Pourquoi n'avez-vous pas décrit cela ?
14 R. Qu'est-ce que vous voulez dire, que je n'ai pas décrit cela ? Qu'est-ce
15 que vous entendez par cela ? Si vous savez, pouvez-vous lire que j'ai
16 décrit cet événement dans toutes les déclarations que j'ai données ?
17 Q. Comment avez-vous réussi à passer la ligne de front ? A ce moment-là,
18 les transports en commun -- un autocar des transports en commun avait
19 réussi à passer ?
20 R. A ce moment-là, si un autocar des services de transport publics
21 quittait Sarajevo, il ne pouvait que passer sur le territoire contrôlé par
22 les Serbes. S'il passait de Kobilja Glava, qui se trouve de l'autre côté de
23 Vogosca, et sur le chemin du retour, il devait - cet autocar - passer
24 devant les barrages routiers contrôlés par les Serbes qui se trouvaient là.
25 Donc c'est la raison pour laquelle nous avons transporté ce mortier à bord
26 d'un autocar qui était avant à Svrake, et cet autocar a réussi à traverser
27 Vogosca pour arriver jusqu'à Sarajevo.
28 Q. Si vous aviez été découverts par les Serbes, que se serait-il passé ?
Page 12713
1 R. Ils nous auraient sans doute tiré dessus et nous serions morts.
2 Q. Merci. Vous dites que :
3 "Sur le chemin du retour ou en rentrant de la ville avec les membres de la
4 cellule municipale de la TO, et de Bakir, et de Mustafa Hajrulahovic, nous
5 nous sommes mis d'accord pour transférer ou transporter ces mortiers à
6 Sarajevo."
7 "Avec Ferid Cutura, j'ai transporté des obus de mortier à bord d'un
8 véhicule de police que nous avons caché parmi les vivres que nous
9 transportions à l'intention de la police."
10 Il semblerait que vous étiez courageux et vous avez réussi à cacher quatre
11 mortiers qui étaient destinés à Svrake, ce qui signifie que cela n'était
12 pas vrai ce que vous nous avez dit, à savoir que vous n'aviez aucune
13 intention d'ouvrir le feu sur [phon] Svrake.
14 R. Nous n'avions pas l'intention de nous rendre à Sarajevo, mais compte
15 tenu des circonstances, nous n'avions aucune garantie. Il eut été
16 impossible pour nous de refaire ce que nous avions fait le 1er mai, à
17 savoir de transporter ces mortiers jusqu'à Sarajevo.
18 Q. Les Serbes étaient-ils au courant des actions que vous meniez ?
19 R. Je suppose que oui.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.
21 Mme SUTHERLAND : [interprétation] M. Karadzic n'a pas cité le compte rendu
22 d'audience de façon correcte. En réalité, il s'agit d'un mortier et de
23 quatre tirs à partir d'un mortier, et non pas de quatre mortiers.
24 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'il s'agit d'une erreur de
26 traduction -- si je ne leur en veux pas parce que compte tenu de la vitesse
27 à laquelle nous parlons, il est possible que les interprètes fassent des
28 erreurs.
Page 12714
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Monsieur Muracevic, étiez-vous membre de la cellule de Crise ?
3 R. Compte tenu de mon poste, en tant que secrétaire de la commune locale,
4 j'étais membre de la cellule de Crise.
5 Q. A Svrake, dans votre commune locale ?
6 R. Oui, dans ma commune et je coordonnais les différentes choses avec la
7 cellule de Crise de Vogosca. Je veux parler des Musulmans qui étaient
8 majoritaires.
9 Q. Quand la cellule de Crise de Svrake a-t-elle été créée ?
10 R. Après les élections pluripartites et au moment où toutes ces choses ont
11 commencé à se produire, ensemble avec les habitants du village, une
12 tentative a été faite pour assembler différentes personnes. Tout ceci a
13 commencé à la fin du mois de septembre, au début du mois d'octobre 1991.
14 Q. Merci. La cellule de Crise municipale a-t-elle été créée en même temps
15 ?
16 R. Je crois que celle-ci a également été créée vers la mi-septembre ou
17 dans les environs de cette date.
18 Q. Merci. Alors je vais vous rafraîchir la mémoire.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux avoir la première page de ce
20 document.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Le troisième paragraphe se lit comme suit :
23 "Jusqu'au moment où a été fait prisonnier."
24 Monsieur Muracevic, faites-vous une différence entre fait prisonnier et une
25 arrestation ?
26 R. Une arrestation et le fait d'être fait prisonnier, pour moi, sont une
27 seule et même chose. Je veux dire, bon, une arrestation, cela signifie que
28 je suis fait prisonnier lorsque la population quitte mon village, à savoir
Page 12715
1 le 4 mai 1992, à savoir ensemble avec une colonne des gens de Svrake.
2 Lorsqu'en accord avec les représentants des Serbes qui se trouvaient à
3 Semizovac, nous avons convenu, qu'ils allaient laisser partir les habitants
4 de Svrake et traverser Semizovac. Moi, je faisais partie de cette colonne,
5 et les Serbes n'ont pas honoré cet accord, ils ont laissé passer une partie
6 de la colonne, et ensuite ils ont fait prisonnier ou arrêter une partie de
7 la colonne, ce groupe qui a été emmené à la caserne de Semizovac. Moi, je
8 faisais partie du lot, et donc c'est à ce moment-là que j'ai été fait
9 prisonnier.
10 Q. Merci. Avant que nous poursuivions avec ce paragraphe : Est-il exact
11 qu'il y avait une certaine confusion, et que c'est à cause de vos deux
12 négociateurs musulmans qui ne vous ont pas informé de ce qu'avaient promis
13 les Serbes, ils ont simplement fait sortir leurs gens, et vous, vous avez
14 tout simplement réussi à vous présenter sans qu'il y ait eu un quelconque
15 accord avec les Serbes ?
16 R. Nos négociateurs ont dit aux personnes qu'à 14 heures, ils allaient
17 cesser de tirer sur nous, et que dans cet intervalle, toute personne qui
18 souhaitait quitter le village pouvait le faire; cependant, la zone où se
19 trouvait ma commune est assez grande. Toutes les personnes se trouvant dans
20 ma commune ne pouvaient pas se trouver dans un seul bâtiment. Ils étaient
21 répartis sur l'ensemble du territoire de la commune. Donc nous avions très
22 peu de temps, il était quasiment impossible de faire sortir 1 000 personnes
23 qui s'y trouvaient là, donc ces personnes pouvaient traverser ou passer ou
24 traverser ou devant ce barrage routier pendant une ou deux. Les Serbes ont
25 dit qu'ils allaient autoriser le passage pendant deux heures, mais au bout
26 d'une heure et 20 minutes déjà, ils ont coupé la colonne et n'y ont pas
27 autorisé toutes les personnes de Svrake d'atteindre Breza et d'autres
28 parties de cette région.
Page 12716
1 Q. A un moment donné, vous dites, Monsieur Muracevic, dans votre
2 déclaration, que vos négociateurs ont retenu certains éléments
3 d'information, les garanties émanant des Serbes. Ils ont fait sortir leurs
4 gens, et après, ils se sont organisés, et cette colonne a été arrêtée ?
5 R. Je ne peux pas simplement répondre par oui ou par non à votre question.
6 Lorsque les négociateurs sont revenus, ils nous ont expliqué quelles
7 étaient les conditions. Le problème, qui se pose, se pose de la façon
8 suivant : Moi-même ainsi que d'autres personnes qui travaillaient avec moi,
9 nous allions dans le village pour essayer de rassembler toutes les
10 personnes qui s'y trouvaient, et les négociateurs ont réussi à quitter le
11 village en premier, et ceux qui vivaient le plus près de l'autoroute entre
12 Zenica et Sarajevo sont partis avec eux, c'était les premiers à partir
13 ainsi que d'autres personnes qui étaient là n'ont tout simplement pas eu le
14 temps de partir en même temps qu'eux. C'est à ce moment-là que ceci est
15 arrivé.
16 Q. Compte tenu de votre explication, la colonne, qui a fait l'objet d'un
17 accord, est passée, et la colonne, qui n'a pas fait l'objet d'un accord,
18 n'est pas passée ?
19 R. Non. L'accord disait que tous les habitants du village pouvaient
20 partir. Mais les Serbes n'ont pas honoré cet accord et ne l'ont pas
21 respecté. Au moment où la colonne a quitté le village, ils ont simplement
22 coupé la colonne. Ceux qui ont réussi à sortir ont réussi, et les autres
23 ont été emmenés dans la caserne de Semizovac. Moi, je faisais partie de ce
24 deuxième groupe. En tant que secrétaire de la commune locale, cela fait dix
25 ans que je travaillais là, et je ne pouvais pas me permettre d'être à la
26 tête de la colonne et d'être le premier à partir, alors que certains de mes
27 concitoyens restaient dans le village, et je m'étais efforcé d'être parmi
28 les derniers à quitter le village.
Page 12717
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pardonnez-moi, Madame Sutherland. Vous
2 êtes restée debout pendant quelques minutes.
3 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, si M. Karadzic
4 peut me donner la déclaration qu'il cite, j'en serai fort reconnaissante.
5 Je leur en serais fort reconnaissante. Merci.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais le faire c'est certain. Toutes mes
7 excuses.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Mais revenons sur ce paragraphe.
10 Donc jusqu'au moment des arrestations, vous êtes d'accord qu'on fait
11 prisonnier de guerre un soldat qui est un homme honorable, et qu'on arrête
12 ou qu'on incarcère un voleur ?
13 R. J'ai déjà dit ce qu'il en était de la prise de prisonniers de guerre.
14 Dans ce groupe dont je faisais partie, j'ai été emmené à la caserne de la
15 JNA, qui était finalement l'une des premières prisons installée sur le
16 territoire de ma communauté locale.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains fort qu'en anglais "taken prisoner"
18 ne soit pas une traduction parfaite pour "arozabija vaje." Car, en tout
19 cas, il ne s'agit pas d'arrestation.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Je cite :
22 "J'ai participé à l'organisation de la Défense territoriale. Je faisais
23 partie de l'état-major municipal de la Défense territoriale au moment où
24 Abdil Kula et plus tard Murat Cutura ont dirigé cet état-major de la
25 cellule de Crise."
26 Alors arrêtons-nous sur ce point un instant. Ce Murat Cutura, est-ce qu'il
27 faisait partie de la police de Vogosca ? Est-ce que c'était une
28 personnalité importante là-bas ?
Page 12718
1 R. Il travaillait dans la police de Vogosca. Mais je ne sais pas si
2 c'était véritablement une personnalité importante. Il travaillait dans la
3 police à Vogosca.
4 Q. Vous rappelez-vous que Skrbic, Zoran, je crois, a été démis de ses
5 fonctions, et remplacé au sein de la police par ce Cutura Murat ?
6 R. Je ne suis pas sûr de cela. Mais Murat Cutura était, en tout cas, l'un
7 des officiers qui travaillait au poste de police, qui faisait là un travail
8 qui n'était pas particulièrement important ou responsable. Il émettait des
9 permis de port d'armes et ce genre de chose établissait des listes de noms.
10 Je ne connais pas exactement la hiérarchie qui était en vigueur au poste de
11 police, et je ne savais pas exactement ce qui se passait au poste de
12 police.
13 Q. Je crois que, selon le compte rendu d'audience en anglais, il est dit à
14 tort que vous auriez dit ne pas avoir participé à l'organisation de la
15 Défense territoriale. Vous avez dit que vous aviez participé à
16 l'organisation de la Défense territoriale, n'est-ce pas, puisque dans votre
17 déclaration écrite, vous dites, je cite :
18 "J'ai participé à l'organisation de la Défense territoriale."
19 R. Bien sûr, en qualité de secrétaire de la communauté locale, il est tout
20 à fait logique que j'aie participé à toutes ces activités. Il y avait un
21 rapport avec la vie quotidienne et la possibilité de travailler dans ma
22 communauté locale, et ceci impliquait d'oeuvrer à la protection des
23 habitants et d'être impliqué dans tout ce qui se passait autour de nous.
24 Or, il régnait ce danger ou cette menace de voir éclater un conflit dans
25 mon village, qui risquait aussi d'être attaqué.
26 Q. Je vous remercie.
27 Je cite :
28 "A la même époque, j'étais membre de la cellule de Crise de Svrake,
Page 12719
1 Semizovac et Gora. Par le truchement d'un groupe organisé de cinq jeunes
2 gens, nous maintenions le contact avec les Bérets verts, et le poste de
3 radio dont nous disposions était mis en fonctionnement par Dzafer Devic de
4 Svrake. Puisque les Unités de la Défense territoriale étaient déjà
5 présentes sur place, nous avons œuvré à mettre en place les formations de
6 la police de réserve, et plus tard, à recruter des hommes pour les verser
7 dans cette nouvelle unité de la Défense territoriale. En coopération avec
8 la cellule de Crise municipale, j'ai participé à l'acquisition d'armes
9 destinées à Semizovac, Svrake et Gora, armes que nous payions entre 600 et
10 800 marks allemands la pièce, en fonction du type d'arme. Certains
11 militants du SDA ont participé à l'acquisition d'armes par d'autres voies
12 également."
13 Est-ce que les Serbes savaient ce que vous étiez en train de faire ?
14 R. Bien sûr qu'ils le savaient, parce qu'ils étaient les principaux
15 vendeurs de ce genre d'armes, étant donné que des habitants de ma
16 communauté locale et des communautés locales voisines, plusieurs jours
17 avant toutes ces actions, ont pénétré dans la caserne de Semizovac et ont
18 littéralement pris possession de toutes les armes présentes sur place
19 gratuitement. Par la suite, ils les ont revendus aux personnes dont vous
20 venez de citer les noms. En tout état de cause, il ne s'agissait pas
21 d'acquisition d'armes par des moyens organisés habituels. Finalement, cela
22 impliquait des achats d'armes aux Serbes de la localité, qui avaient obtenu
23 ces armes des soldats de la JNA de la caserne de Semizovac.
24 Q. Je vous remercie. Murat Cutura et Ferid Cutura, est-ce qu'ils ont un
25 lieu de parenté ?
26 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas s'ils ont un lieu de parenté. Je ne sais
27 vraiment pas.
28 Q. C'est un nom de famille assez rare. Est-ce que vous ne seriez pas au
Page 12720
1 courant s'ils étaient liés par le sang ? Est-ce que vous ne savez pas qu'en
2 fait il s'agit de deux frères ?
3 R. Je n'en suis pas sûr. Je ne sais pas, et je ne voudrais pas émettre des
4 hypothèses.
5 Q. Je vous remercie. Monsieur Mucarevic, pouvez-vous nous expliquer à tous
6 ici pour quelle raison votre déclaration consolidée ne comporte aucun
7 élément relatif à cela dans les deux premières pages de cette déclaration ?
8 R. En qualité de secrétaire de la communauté locale, je m'occupais de
9 l'organisation de la vie et du travail sur le territoire de la communauté
10 locale, ce qui impliquait de protéger la population locale. Cela signifiait
11 que tout me concernait. Dans la déclaration faite par moi, qui a été remise
12 ici, il y a une référence à des déclarations et à des documents. Je ne vois
13 pas comment ceci aurait pu être dissimulé d'une quelconque façon par
14 rapport à vous. Je pense que dans la déclaration que j'ai faite, où il est
15 question d'autres déclarations antérieures également, il y a une référence
16 aux autres déclarations que j'ai faites que vous venez de citer. Donc je ne
17 pense pas que quoi que ce soit ait pu être dissimulé. Après tout, il n'y a
18 rien à cacher.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.
20 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le témoin a raison lorsqu'il dit que,
21 dans la déclaration consolidée du témoin, au paragraphe 11, il est question
22 de l'organisation et de ce que faisais le témoin par rapport à la Défense
23 territoriale et aux armes. Il y a aussi des notes en bas de page, aussi
24 bien dans la version anglaise que dans la version serbe, qui peuvent aider
25 M. Karadzic. Donc la déclaration antérieure du témoin comporte des notes en
26 bas de page associées au paragraphe 11, dans lesquelles le témoin décrit
27 tout ce dont M. Karadzic vient de parler, hormis le prix acquitté pour les
28 armes en question.
Page 12721
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
3 Mais ces ventes et achats d'armes ne correspondent pas, en fait, avec les
4 affirmations de M. Mucarevic dans ses déclarations ultérieures selon
5 lesquelles Svrake n'était pas armée et ne disposait que d'armes de chasse.
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. N'est-ce pas, Monsieur le Témoin ? C'est ce que vous avez dit dans vos
8 déclarations ultérieures, que Svrake ne possédait pas suffisamment d'armes
9 et que les seules armes en possession de la population à cet endroit
10 étaient des armes de chasse ?
11 R. Toutes les armes disponibles étaient très peu nombreuses. Les gens qui
12 achetaient certaines armes les payaient très cher, et n'avaient pas les
13 munitions correspondantes pour les armes déterminées qu'ils achetaient
14 parce que, finalement, les gens versaient de l'argent pour acheter des
15 armes pour lesquelles il était impossible de trouver des munitions pendant
16 des années déjà, depuis des années avant ces événements, sur le marché.
17 Q. Je vous remercie.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois à la Chambre de première instance, au
19 témoin et à Mme Sutherland une référence s'agissant de cet accord conclu
20 entre les Serbes et les Musulmans portant sur les déplacements de civils
21 hors des zones de combat. C'est le document 1D3351.
22 Alors on peut maintenant enlever ce qui est affiché à l'écran, et demain
23 nous nous occuperons des documents que la Défense souhaite verser au
24 dossier en tant qu'éléments de preuve.
25 Je demande l'affichage maintenant du document 1D3351.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. En décembre, Monsieur le Témoin, vous avez fourni une nouvelle
28 déclaration -- ou plutôt, deux nouvelles déclarations datant respectivement
Page 12722
1 des 24 et 26 décembre, n'est-ce pas ?
2 R. Il y a eu plusieurs déclarations. Je ne me souviens pas en ce moment
3 précis quel est leur nombre exact, mais je pense qu'elles sont mentionnées
4 dans les documents pertinents, n'est-ce pas ? Oui, c'est l'une de ces
5 déclarations.
6 Q. C'est celle du 26 décembre 1992.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que le troisième paragraphe
8 s'affiche à l'écran -- ou plutôt, la troisième page.
9 M. KARADZIC : [interprétation]
10 Q. Vous dites ici, je cite :
11 "Les forces ennemies nous ont demandé à plusieurs reprises de nous rendre.
12 Sans avoir consulté toute la population de Svrake, Hajrudin Djulevic est
13 allé négocier avec l'ennemi. Hajrudin était le commandant du poste de
14 police de Svrake, et Senad était membre de la cellule de Crise. Pendant les
15 pourparlers, ils ont reçu des assurances selon lesquelles toute personne
16 souhaitant quitter le village de Svrake pour aller vers le village de Gora
17 aurait la possibilité de le faire. Mais après le retour de Djulevic et de
18 Senad dans le village, ces deux hommes n'ont pas informé tous les habitants
19 de ce qui s'était passé et, au lieu de cela, le 5 mai 1992, les gens ont
20 commencé à quitter le village de façon organisée. Ainsi les forces ennemies
21 ont autorisé une petite partie de la population à quitter Svrake, mais ont
22 arrêté les 400 autres habitants qui voulaient suivre les traces des
23 premiers et les ont enfermés dans un hangar dans l'enceinte de la caserne
24 de Semizovac, où nous sommes tous restés ensemble jusqu'au 6 mai. Après
25 qu'une liste des détenus a été dressée, les responsables ont fait en sorte
26 que Spiric et Miro Kuzman organisent la fouille et le pillage de nos
27 maisons," et cetera, et cetera.
28 Est-ce que ceci est la vérité, à savoir qu'un groupe dont la composition
Page 12723
1 avait été acceptée par Djulevic et Kerla a réussi à quitter la localité, et
2 qu'un autre groupe qui s'apprêtait à partir de façon désorganisée a été
3 arrêté et renvoyé à la caserne ?
4 R. Kuzman et Spiric se sont -- vous dites Kuzman et Spiric. Mais ce sont
5 deux autres hommes, Djulevic et Kerla, qui se sont entendus quant au fait
6 que tous les habitants du village pourraient partir. Mais ces deux hommes
7 n'ont pas informé les habitants du village de ce qui avait été conclu
8 lorsqu'ils sont revenus. Cela ne veut pas dire qu'il n'était pas prévu
9 qu'il y ait deux groupes qui s'en aillent. Mais, très simplement, pendant
10 que moi-même et mes collaborateurs essayions de faire en sorte, il porte
11 qu'un accord soit conclu au niveau de la communauté locale avec Kuzman et
12 Spiric. Eux, par ailleurs, sont partis en dehors sans informer de
13 l'existence de cet accord. Vous comprenez cela ? Donc, lorsque la colonne a
14 commencé à partir, certains de ces habitants n'ont pas pu s'en aller assez
15 vite et à un certain moment, la colonne a été coupée. Donc c'est simplement
16 qu'il y avait une seule colonne et qu'une partie de la colonne a été
17 autorisée à partir et pas l'autre alors que l'accord concernait la
18 population toute entière et pas seulement un seul groupe.
19 Q. Monsieur Mucarevic, je vous remercie des détails que vous avez apportés
20 et de toutes les explications complètes venant de vous. Tous les
21 participants en tireront profit. Mais je vais demander à la Chambre de
22 première instance de m'accorder un peu plus de temps demain. Toutefois, je
23 vais tout de même essayer d'en terminer de ce sujet.
24 400 personnes, avez-vous dit. Est-il exact que sur ces 400 personnes, neuf
25 ont fini dans le bunker, en prison ?
26 R. Sur les cinq premiers, oui, car il n'y en avait pas neuf. C'était à un
27 autre moment que nous avons été neuf, mais les autres sont arrivés plus
28 tard.
Page 12724
1 Q. Est-il vrai que les femmes et les enfants ont été relâchés le 6 pour
2 rentrer à leur village et qu'après 33 jours, le reste des hommes a
3 également été libéré, mais avait obligation de se présenter au travail, et
4 que vous êtes restés au nombre de neuf dans le bunker et plus tard s la
5 maison de Planja, n'est-ce pas ?
6 R. Nous avons été transférés de Semizovac dans le bunker. Un certain
7 nombre des personnes qui avaient été capturées dans la caserne de Semizovac
8 ont été emmenées là-bas, et certains sont rentrés dans le village avec les
9 femmes alors que tous les hommes ont été emmenés dans un autre camp, qui
10 s'appelait le garage de Naka, à la sortie de l'autoroute de Vogosca. Après
11 quelques jours, ils sont rentrés dans le village de Svrake mais devaient
12 rendre compte tous les soirs du fait qu'ils dormaient dans la maison de
13 Planjo. Mais avant cela, des gens étaient rentrés dans le garage de Naka,
14 un groupe d'hommes a été transféré avec nous dans la maison de Planja, dans
15 la localité de Kontiki. Donc certains hommes sont rentrés à Svrake. Ils
16 avaient obligation de se présenter à la maison de Planjo pour y passer la
17 nuit toutes les nuits, alors que plus tard, les conditions ont été changées
18 et ils ont été obligés de rester toute la journée dans la maison de Planjo,
19 et certains d'entre eux étaient envoyés pour accomplir une obligation de
20 travail au quotidien. D'autres ont complètement disparu et on n'en a plus
21 jamais entendu parler.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Comment de temps travaillons-nous aujourd'hui ?
23 Est-ce que nous avons encore le temps pour une autre question ?
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons déjà dépassé l'horaire.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, encore une seule question.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Puisque vous nous avez confirmé que les Serbes savaient ce que vous
28 faisiez - je veux parler de ces distributions d'armes -- le fait que neuf
Page 12725
1 personnes ont été choisies sur un total de 400 personnes semblait indiquer
2 que les Serbes étaient au courant de certaines choses dans le détail.
3 R. Non, je ne pensa pas que c'était le cas parce que neuf personnes, y
4 compris moi, en tant que secrétaire de la communauté locale, si vous pensez
5 au fait que nous participions à un genre de système, il y avait toujours
6 parmi nous dans le camp dans gens qui n'avaient participé à rien.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à la Chambre de première
8 instance, étant donné les très nombreuses questions dans des domaines très
9 divers auxquelles répond le témoin, que me soit accordé un peu plus de
10 temps demain. Je n'ai pas dit que les questions évoquées par le témoin
11 étaient extrêmement vastes, mais très vastes.
12 Bon, enfin, ce sont des détails qui échappent à la traduction, étant donné
13 la vitesse du débit. Pour ma part, je m'efforce d'être toujours très
14 précis.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce serait une bonne raison pour vous
16 inciter à planifier la conduite de votre contre-interrogatoire de façon
17 plus efficace.
18 Nous suspendons jusqu'à demain, 9 heures.
19 [Le témoin quitte la barre]
20 --- L'audience est levée à 14 heures 33 et reprendra le mercredi 2 mars
21 2011, à 9 heures 00.
22
23
24
25
26
27
28