Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 11 mars 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je souhaite à toutes et à tous un

  7   bonjour.

  8   Monsieur Karadzic, est-ce que vous souhaitez commencer votre contre-

  9   interrogatoire.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Excellences.

 11   LE TÉMOIN : KDZ354 [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Témoin.

 15   R.  [aucune interprétation]

 16   Q.  Avant de commencer, je tiens à dire qu'en fait, si j'avais à faire ce

 17   que je préfèrerais, c'est de renoncer à tout interrogatoire par respect

 18   face à tout ce que vous avez vécu. Et, en fait, j'aimerais que vous nous

 19   aidiez à bien comprendre quelle était la situation à Grbavica pendant ces

 20   événements-là. Je ne souhaiterais pas aborder véritablement ce qui a été

 21   votre pire expérience personnelle. Donc, pourriez-vous nous apporter votre

 22   concours pour bien comprendre la nature de ces événements ?

 23   Dans votre déclaration consolidée, au paragraphe 7, vous décrivez comment

 24   on a pillé des voitures, comment on a pris des voitures, et c'étaient des

 25   jeunes qui portaient des masques au visage qui se sont livrés à cela. Cela

 26   a duré combien de temps ?

 27   R.  J'ai mentionné ces masques qu'ils enfilaient et qui couvraient leurs

 28   visages. Je pensais à la date du 1er au 2 mars la nuit, et ce que j'ai vu


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  1   grâce au média. Donc ça c'était la première chose, puisque c'était tout

  2   près, à deux pas de l'endroit où je vivais. Mais par la suite, cela a

  3   continué pendant une période, et je ne saurais pas déterminer de manière

  4   tout à fait précise. J'ai pu le regarder depuis chez moi, de ma fenêtre. Je

  5   les ai vus arrêter, par exemple, une voiture, se mettre au milieu de la

  6   rue, chasser la personne qui se trouvait dans le véhicule, forcer la

  7   personne à descendre de la voiture en menaçant de fusils. J'ai vu, pas une

  8   fois, plusieurs fois des individus, comme ça, restés plantés dans la rue

  9   après que leur véhicule a été emmené.

 10   Et ça m'a énormément étonné de pouvoir assister à ce type de scène.

 11   Cela a duré pendant des jours. Je ne saurais pas vous dire très exactement

 12   combien de temps.

 13   Q.  Merci. J'aimerais savoir si j'ai bien compris qu'on a fait cela

 14   également de jour, pas uniquement de nuit ?

 15   R.  Oui, tout à fait. Ce que j'ai vu, ce que je suis en train de vous

 16   raconter, cela s'est passé de jour. La première fois où je l'ai vu, c'était

 17   de nuit, parce qu'on a été réveillées par ces voix. Notre appartement n'est

 18   pas très élevé, c'est au premier étage. Une fois, on s'était déjà

 19   retrouvées avec des vitres brisées dans la pièce où je dormais, donc on a

 20   improvisé une protection aux fenêtres. En fait, on était très exposées

 21   comme si on avait été directement dans la rue. Donc ces voix, je les ai

 22   entendues, et puis j'ai vu cela. Si l'on parle de cela, de ce qui s'est

 23   produit la nuit.

 24   Q.  Merci. Je dois attendre la fin de l'interprétation. Il faut savoir que

 25   nous parlons la même langue, donc il nous faut attendre un petit peu. Est-

 26   ce qu'on a pu voir quel était l'âge de ces personnes masquées ?

 27   R.  Je pense que c'étaient des personnes plutôt jeunes. On a pu voir cela

 28   d'après leurs mouvements, leurs gestes, leur allure. Peut-être la


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  1   trentaine, 25-30 ans, ou légèrement plus âgés, mais je dirais des personnes

  2   plutôt jeunes.

  3   Q.  Merci. En avril, y avait-il des policiers dans la rue, des personnes de

  4   sécurité dans la rue, ou quelqu'un à qui on aurait pu s'adresser si on nous

  5   prenait notre voiture ?

  6   R.  Non. Cela se passait si vite qu'on n'avait absolument aucun moyen de

  7   réagir, on se retrouvait plantés dans la rue. Je me souviens d'un homme qui

  8   avait une espèce d'imperméable au bras et il est resté là à attendre. Peut-

  9   être qu'il s'est dit que c'était une espèce de contrôle, un contrôle

 10   surprise qu'on lui imposait, mais en fait, on l'a simplement chassé du

 11   véhicule, pendant qu'il était encore là à se demander et à regarder. On les

 12   voyait repartir vers Vraca, vous savez, le carrefour qui va vers Vraca, à

 13   partir de la rue Zagrebacka qui monte vers Vraca.

 14   Q.  Je vous remercie. Je ne vais pas élaborer cela, mais j'aimerais savoir

 15   si vous avez pu savoir par la suite si on a emmené ces véhicules où que ce

 16   soit et est-ce que les propriétaires ont pu revoir leurs voitures ?

 17   R.  Ecoutez, ça me paraît ridicule d'imaginer qu'ils aient pu s'adresser à

 18   qui que ce soit pour demander qu'on leur restitue leurs véhicules. Je pense

 19   vraiment que ce n'était pas envisageable.

 20   Q.  Au paragraphe 22 de votre déclaration consolidée, vous dites qu'à la

 21   fois les Serbes et les Musulmans ont quitté en grand nombre Grbavica à

 22   l'époque pendant la période où on a pu partir de Grbavica. Est-ce que c'est

 23   ce que l'on peut affirmer ?

 24   R.  Oui, on pourrait dire cela. Les gens partaient, mais il n'y avait pas

 25   vraiment de règles. Parfois il y avait des gens qui prenaient leurs

 26   affaires, mais parfois ils n'en prenaient pas beaucoup. Donc, est-ce que

 27   c'était fonction de ce qu'ils savaient, est-ce que c'était fonction de ce

 28   qu'ils supposaient sur la suite des événements.


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  1   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire à peu près jusqu'à quel

  2   moment on a pu partir sans demander une autorisation, sans que ce soit

  3   organisé ? Jusqu'à quel moment est-ce qu'on a pu circuler, donc quitter

  4   Grbavica et revenir ?

  5   R.  Ecoutez, le mieux c'est que je vous parle de moi-même. Le 27 mai -- ou

  6   plutôt, le 26, j'ai essayé de traverser avec ma sœur, il faut savoir que

  7   ses proches étaient déjà passés en passant par le pont de la fraternité et

  8   de l'unité. Ils sont passés chez de la famille de l'autre côté. Il nous

  9   restait encore un petit peu de nourriture, de vivres à la maison, et on

 10   s'est dit qu'on voulait tout prendre, tout ce qu'on pouvait apporter à ses

 11   enfants, parce que c'est ça le plus important, qu'eux ne soient pas privés.

 12   Il n'y avait pas énormément de choses, mais enfin, ce qu'on peut trouver

 13   dans un ménage.

 14   Donc, ce jour-là, on n'y est pas parvenues parce qu'il y avait des gardes,

 15   il y avait des hommes qui montaient des gardes partout. On nous a arrêtées.

 16   On nous a demandé où on voulait partir. On a expliqué qu'on souhaitait

 17   passer de l'autre côté. On nous a dit que ce n'était pas possible, et donc

 18   on y a renoncé. Le lendemain, le 27, on a essayé de nouveau et - comment

 19   dirais-je ? - on a eu de la chance, on a pu le faire. On est passées par un

 20   contrôle. A un moment, un homme nous a posé des questions -- il y avait là

 21   des magasins. Tout était ouvert, on était en train de prendre des choses à

 22   l'intérieur. Mais bien sûr qu'on ne réagissait pas en voyant cela. On

 23   essayait plutôt de ne pas regarder, de ne pas voir. Donc là, on a pu

 24   atteindre le pont. C'est une passerelle, en fait, qui mène vers l'hôtel

 25   Bristol, et on est passées de l'autre côté.

 26   Q.  Merci. Mais lorsque vous dites : "On était en train de prendre des

 27   choses à l'intérieur," est-ce que c'était du pillage ou de l'achat ?

 28   R.  Mais c'étaient des pillages. Tout était éventré. Les vitrines brisées.


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  1   Des cartons éventrés, ouverts, des chaussures dispersées par-ci, par-là,

  2   toutes sortes d'objets divers. Mais l'espace n'est pas très important,

  3   c'est une très grande densité d'habitations, de bâtiments, de magasins

  4   également à ce moment-là.

  5   Q.  Merci.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

  7   Messieurs les Juges [comme interprété], pourrait-on prévenir Mme le Témoin

  8   de ménager une petite pause pour que l'interprète puisse suivre.

  9   M. LE JUGE MORRISON : [aucune interprétation]

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.

 11   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous n'êtes pas habituée à faire

 12   cela, il n'y a pas lieu de présenter vos excuses. C'est tout à fait naturel

 13   d'engager une conversation lorsque vous parlez la même langue avec votre

 14   interlocuteur. Mais même si nos interprètes sont tout à fait exceptionnels,

 15   il est tout à fait normal qu'ils ne puissent pas faire l'impossible.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je continuer ?

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Vous êtes revenues le même jour ?

 19   R.  Oui, nous sommes revenues le même jour. Je ne peux pas vous dire

 20   exactement à quelle heure, mais à en juger d'après la panique qui régnait

 21   dans la ville, nous avons pu comprendre qu'il se passait quelque chose.

 22   Mais nous nous trouvions dans un quartier où les téléphones ne

 23   fonctionnaient pas, donc je parle du quartier de Ciglana. A notre retour,

 24   nous sommes tombées sur un de mes collègues de travail et il m'a demandé ce

 25   que je devenais, où je me trouvais, et il m'a demandé : Où vas-tu

 26   maintenant ? Je lui ai dit : Je rentre chez moi. Il m'a demandé si j'étais

 27   normale, si j'étais au courant de ce qui venait de se produire ce jour-là.

 28   Véritablement, je ne savais rien, je n'étais au courant de rien. On a pris


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  1   la rue de Kosevo vers le bâtiment de la présidence, et là on a vu des

  2   scènes atroces. Je ne pense pas pouvoir oublier cela. Des voitures de

  3   différentes sortes, des ambulances, des véhicules privés qui avançaient

  4   vers l'hôpital avec leurs sirènes d'alarme. Après, on a appris qu'il y

  5   avait eu cet obus et que le massacre s'était produit, que l'on sait, et

  6   deux des professeurs que je connaissais sont tombés -- non, attendez. Il y

  7   en a un qui a été blessé, Milan Banjac, puis un autre qui avait été mon

  8   professeur de mathématiques, lui a été tué à ce moment-là.

  9   Nous sommes revenues. Il nous a fallu pas mal de temps. Il a fallu franchir

 10   des - comment dirais-je ? - il a fallu courir lorsqu'on traversait la rue.

 11   Il y avait déjà un certain nombre d'endroits où on a monté des protections

 12   improvisées face aux tirs. On a couru, donc. J'avais des problèmes avec ma

 13   sœur, parce qu'il faut dire que j'avais toujours été la plus courageuse de

 14   nous deux. Là, il a fallu que je revienne parfois pour l'encourager pour

 15   continuer. Donc nous sommes arrivées au petit pont et nous l'avons

 16   retraversé.

 17   Q.  Merci. Plus tard, votre sœur est partie définitivement avec sa famille;

 18   c'est bien cela ?

 19   R.  Oui. Ma sœur est partie rejoindre sa famille parce que, comme je vous

 20   l'avais déjà dit, ses proches s'étaient déjà déplacés vers Ciglana. En

 21   fait, le problème que j'avais, c'était celui de ma mère; si je n'ai pas

 22   quitté Grbavica, c'est à cause d'elle. Mais je n'ai pas pu convaincre ma

 23   mère de partir. Elle était sûre qu'on n'allait pas avoir de difficultés.

 24   Puis, si je suis revenue ce jour-là, peut-être que je ne serais pas revenue

 25   si on avait pu lui parler par téléphone. Parce qu'il faut savoir qu'à peu

 26   près jusqu'au mois de juin les téléphones ont fonctionné chez nous. Mais ce

 27   jour-là, avec ma sœur, je n'ai plus pu parler au téléphone avec ma mère. Je

 28   me suis dit qu'elle devait être très inquiète, qu'elle se disait qu'on


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  1   était quelque part en train de se mettre dans une queue pour acheter du

  2   pain parce que c'était ça déjà qui posait problème. Donc je suis revenue

  3   principalement à cause de ça, et je suis restée avec ma mère jusqu'à ce que

  4   ma sœur parte, et c'était un départ dramatique, comment dirais-je.

  5   Q.  Très bien. Merci. Je vais vous inviter à m'apporter des réponses plus

  6   brèves puisque nous n'avons pas beaucoup de temps, et là vous pourrez me

  7   répondre par un oui ou un non.

  8   Est-il exact de dire, et il me semble l'avoir lu quelque part dans

  9   vos déclarations, que dès cette période-là il n'y avait plus de pain à

 10   Grbavica, que depuis la partie fédérale de Sarajevo le pain n'arrivait plus

 11   ?

 12   R.  Oui, c'est quelque chose que j'ai déjà décrit. Donc c'est devant

 13   Mis qu'on recevait du pain. Ceux qui sont de Grbavica savent que c'est au

 14   carrefour vers Vraca. Donc on faisait la queue. C'est là que le pain

 15   arrivait. On attendait son tour pour prendre du pain. Je vous parle

 16   maintenant de la période qui suit le 11 juin. Jusqu'à ce moment-là on

 17   pouvait avoir du pain -- il y avait des hommes en armes à côté, mais s'il y

 18   avait du pain, on en prenait, on était contents, on avait de la chance.

 19   Puis, sinon, il fallait se débrouiller autrement.

 20   Q.  Merci. Combien de fois êtes-vous sortie, vous personnellement, de

 21   Grbavica pour y retourner par la suite ?

 22   R.  Vous voulez dire pendant cette période-là ?

 23   Q.  Oui.

 24   R.  C'est le 27 mai que je suis sortie pour la dernière fois, et après le

 25   retour que j'ai fait à cette occasion-là, je ne suis plus sortie. En juin,

 26   cependant, je n'ai pas pu aller plus loin que cette sorte de commandement

 27   situé au niveau du Soping.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mme le Témoin a parlé du 27, or le compte rendu


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  1   d'audience nous parle du 25. Donc il convient de corriger cela.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Vous auriez tenté à plusieurs reprises de quitter Grbavica et vous

  4   n'auriez pas eu l'autorisation de le faire, d'après ce que vous dites dans

  5   votre déclaration. Alors, dites-nous, s'il vous plaît, quelle était la

  6   procédure, décrivez-nous cela brièvement, pendant la deuxième moitié du

  7   mois de juin lorsqu'on voulait quitter Grbavica ? D'après vos souvenirs,

  8   comment cela se passait-il ? Fallait-il être placé sur une liste ? Est-ce

  9   que dans la partie fédérale on dressait des listes ? Comment est-ce qu'on

 10   s'y prenait pour pouvoir prendre l'autocar par le pont de fraternité et de

 11   l'unité ?

 12   R.  Non, on ne peut pas parler de la partie fédérale. Là, je vous parle de

 13   moi, de mon cas personnel. Je suis complètement isolée. Je n'ai pas de

 14   téléphone. On nous a coupé la ligne, on nous a même cassé les téléphones.

 15   Donc je n'avais aucun moyen de contacter qui que ce soit.

 16   Mais j'avais une jeune voisine qui, peu de temps après sa sortie de

 17   Grbavica, est morte tuée par un obus. En fait, elle est venue nous voir

 18   chez nous, elle avait appris ce qui nous était arrivé à moi et à ma mère,

 19   et elle nous a dit que si on voulait figurer sur une liste c'était

 20   possible, que cette liste allait être adressée à ce commandement. Donc elle

 21   nous a dit : Donnez-nous vos pièces d'identité. Moi je lui ai répondu :

 22   "Amila, nous n'avons plus de pièces d'identité et je ne peux pas faire

 23   cela."

 24   Q.  Merci. Mais auriez-vous appris qu'à différents moments il y a eu des

 25   départs lorsque les Serbes pouvaient partir de la partie fédérale vers

 26   Grbavica, et vice-versa pour les Musulmans, et que cela se passait en

 27   empruntant le pont de fraternité et d'unité à bord d'autocars ?

 28   R.  Pas pendant cette période-là.


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  1   Q.  Mais quand ?

  2   R.  Plus tard, à partir du moment où on pouvait traverser le pont, on se

  3   faisait enregistrer, on demandait une autorisation et on pouvait même

  4   emporter ses effets personnels, pas beaucoup mais quelques effets

  5   personnels. Mais ça, ça se situe en 1994, dirais-je.

  6   Q.  Merci. Alors, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous parler des insignes

  7   que vous avez vus arborés par ces jeunes hommes en  armes ? D'abord,

  8   qu'avaient-ils aux couvre-chefs ?

  9   R.  Ecoutez, il y a eu des périodes différentes. Il y a eu des symboles

 10   différents. Il y avait des cocardes, des couvre-chefs avec, au départ, des

 11   étoiles à cinq branches, ce qui semblait vraiment ridicule, parce que je

 12   dois dire que j'avais toujours eu une vision plutôt positive de la JNA.

 13   Puis ensuite, on a vu aussi des insignes aux chemisiers et aux anoraks qui

 14   avaient un drapeau, et il y avait l'inscription "Armée de la Republika

 15   Srpska". C'était une inscription en toutes lettres. Une fois, on nous a mis

 16   un autocollant qu'on nous a apposé sur notre porte, cela signifiait que

 17   l'appartement avait été inspecté par l'armée de la Republika Srpska.

 18   Q.  Merci. Autrement dit, cela signifiait qu'il n'y avait plus lieu de

 19   refaire des contrôles ?

 20   R.  Oui, c'était l'interprétation que j'en avais faite. Mais nos voisins

 21   nous ont dit que nous étions obligés d'apposer notre nom à la porte et

 22   qu'il fallait qu'on puisse toujours voir notre nom, parce qu'on a toujours

 23   qu'il y avait là des Musulmans, et il y avait des informations qui

 24   circulaient régulièrement pour informer quelqu'un de ce fait-là. Donc on a

 25   dû mettre notre nom, et c'est ce qu'on a fait.

 26   Q.  Alors, ces fouilles qui se produisaient pendant les week-ends, qui

 27   étaient les gens qui les faisaient ? Quels étaient leurs insignes ?

 28   R.  Il y avait des soldats en uniforme. Mais comme il y a eu beaucoup


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  1   d'occasions où cela s'est reproduit, je ne pourrais pas vous décrire tous

  2   ces hommes. Parfois c'était un mélange de vêtements civils et d'uniformes;

  3   par exemple, une pièce d'uniforme en haut, puis un pantalon civil en bas.

  4   Mais au moins, nous avons toujours reçu des visites de deux hommes à

  5   chaque fois, et toujours c'est la même peur quand ils se présentent.

  6   Toujours ce sentiment inexplicable, alors qu'on devrait pouvoir se

  7   comporter normalement pour qu'ils ne devinent pas votre peur. C'est ce

  8   qu'on se disait, que c'était mieux pour nous.

  9   Q.  Merci. Est-ce qu'il y a eu des parties de Grbavica où on n'était pas en

 10   sécurité, où il fallait traverser en courant également, et est-ce que vous

 11   vous souvenez d'avoir vu des couvertures accrochées au milieu des rues pour

 12   constituer des obstacles ?

 13   R.  Peut-être que cela s'est passé un peu plus tard où je n'ai pas circulé

 14   pendant la première période. Même un mur a été érigé une fois très près de

 15   notre bâtiment en une nuit, un mur plutôt élevé allant jusqu'au milieu de

 16   la rue, un peu plus élevé que la taille d'un homme moyen. C'était la

 17   section de travail qui avait fait cela, et l'explication donnée était qu'on

 18   tirait depuis Debelo Brdo et qu'il fallait se protéger. Encore que je dois

 19   dire qu'à cet endroit-là, aucun incident ne s'était produit. A cet endroit

 20   précis, je n'ai entendu ni vu aucun incident.

 21   Il y avait des couvertures accrochées, effectivement, le long de cet

 22   axe, donc la rue Grbavicka, qui est en direction de la promenade Vilson. A

 23   plusieurs endroits il y a eu là des couvertures, et le premier que je

 24   pouvais voir depuis l'endroit où j'étais, il y en avait également.

 25   Q.  Merci. Ces fouilles, d'après ce que vous dites dans votre déclaration,

 26   se sont produites le plus souvent le week-end. Etaient-ce toujours les

 27   mêmes individus qui venaient ou est-ce que cela changeait ?

 28   R.  Pour l'essentiel, cela changeait, ce n'étaient pas les mêmes. Je me


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  1   souviens, par exemple, d'avoir reconnu sur un groupe précédent de deux

  2   hommes, d'en avoir reconnu un. Ils se rendaient d'appartement en

  3   appartement. Par exemple, chez nous, puis ils continuaient à partir de là.

  4   Puis, nos voisions nous ont dit qu'en fait, ce qu'il faudrait faire,

  5   c'était de réparer d'une certaine façon une porte qui avait été

  6   complètement enfoncée et détruite.

  7   Q.  Vous parlez de l'entrée principale dans le bâtiment ?

  8   R.  Non, non, non. Je vous parle de portes d'appartement, parce qu'on

  9   entrait par irruption et on cassait les portes, et il y en avait pas mal

 10   dans notre appartement. Il faut savoir que dans mon entrée, il y avait 16

 11   appartements en tout.

 12   Q.  Et de nombreuses personnes étaient parties.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Ceux qui venaient fouiller les appartements, ils n'étaient pas masqués

 15   ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Vous parlez des moments où vous êtes descendues dans la cave. Il y

 18   avait des endroits dans la cave où on pouvait se mettre à l'abri pendant

 19   les bombardements.

 20   R.  En fait, c'est au sous-sol, et c'est là qu'on a découvert notre

 21   naïveté. Il y avait des petites fenêtres, mais elles étaient en fait

 22   suffisamment grandes pour qu'on ne s'y sente pas en sécurité, et dans ces

 23   situations, on cherche à se mettre où que ce soit où on se sentirait un peu

 24   plus en sécurité que chez nous. Excusez-moi, c'était en fait un appartement

 25   d'un de nos voisins qui était parti, lui. Donc ce n'était pas un endroit

 26   abandonné ou désert. C'était simplement un endroit où on pouvait se mettre

 27   pendant quelques temps.

 28   Q.  Mais avec quelle fréquence vous êtes-vous rendues dans cet abri ?


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  1   R.  Ecoutez, pendant la journée, nous y sommes peut-être allés une fois,

  2   bien que je doive dire avoir ressenti un sentiment d'angoisse, c'était

  3   assez étrange. En fait, c'était la façon dont on nous regardait, c'est les

  4   questions qui nous étaient posées, on nous demandait pourquoi est-ce que

  5   nous n'étions pas passés de l'autre côté, qu'est-ce que nous faisions

  6   encore ici. On avait l'impression, en fait, qu'ils étaient en quelque sorte

  7   préoccupés, mais le message sous-jacent implicite c'était : Partez, allez-

  8   vous-en.

  9   Q.  Mais là, vous parlez de vos voisins qui utilisaient également le même

 10   abri; c'est cela ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  A quelle distance tombaient les obus lorsque vous vous rendiez dans cet

 13   abri, quelle était la distance des obus ?

 14   R.  Ils tombaient assez près. Il y a eu une ou deux fois où nous avons pris

 15   la fenêtre de la pièce d'à côté et nous l'avons placée dans la salle à

 16   manger, puis il y avait un autre obus qui arrivait et qui brisait la

 17   fenêtre à nouveau. Donc je vous parle de choses qui se passaient dans un

 18   périmètre très proche de l'immeuble où j'habitais.

 19   Q.  Mais pendant ces jours-là, est-ce qu'il y a des personnes de votre

 20   immeuble ou de votre rue qui ont été tuées ?

 21   R.  Oui, je pense qu'une toute jeune fille a été tuée au tout début. Elle

 22   vivait dans un immeuble avoisinant.

 23   Q.  Merci. Alors, est-ce qu'ils venaient de Debelo Brdo ? D'où venaient-

 24   ils, ces obus ?

 25   R.  Ecoutez, je ne peux pas vous le dire. Mais par exemple, il y avait une

 26   voiture qui était garée tout près. Il y avait des morceaux de métal

 27   partout. Moi personnellement, je n'ai pas vu l'endroit où l'obus est

 28   arrivé. Je n'ai vu que les conséquences de cet obus, d'ailleurs c'était


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  1   assez évident.

  2   Q.  Aux paragraphes 82 à 91, vous décrivez comment, le 1er octobre 1992, un

  3   soldat vous a forcée à lui remettre la clé de votre appartement et que par

  4   la suite votre appartement a été scellé. La police militaire vous a ensuite

  5   expliqué qu'il s'agissait d'un comportement tout à fait illicite et que

  6   cela n'avait pas été fait à la suite d'ordre.

  7   R.  Non, ce n'est pas exactement ce qu'ils ont dit. Ils se sont tout

  8   simplement contentés de dire que c'était une opération qui n'avait pas

  9   abouti. Je leur ai même dit d'ailleurs que ce soldat s'était présenté et

 10   nous avait dit son nom, Simic. Par la suite, j'ai appris qu'il était de

 11   Zavidovici. Donc ils nous ont dit que l'opération avait été suspendue et

 12   que personne ne devait partir de Grbavica.

 13   Q.  Mais vous ne savez pas à quelle unité appartenait ce dénommé Simic ?

 14   R.  Non, non, pas du tout. Il s'est présenté en mettant la main sur son

 15   pistolet et en me disant qu'il fallait que je sorte avec lui dehors pour

 16   que l'appartement puisse faire l'objet d'une perquisition. Je dois vous

 17   dire que cela m'a véritablement bouleversée, contrariée. C'était la nuit.

 18   Il n'y avait pas d'électricité. Nous avions une ou deux bougies. J'étais

 19   là, je lui ai parlé. Il m'a dit qu'il voulait faire une perquisition dans

 20   l'appartement et que, de ce fait, il avait besoin de la clé. C'est ainsi

 21   que je lui ai remis la clé.

 22   Q.  Merci. Mais cette fois-là, est-ce que Simic est venu tout seul ?

 23   R.  Oui. Simic est venu tout seul, et il a dit qu'il avait été "informé",

 24   et pendant longtemps après j'ai eu cette crainte, parce qu'il avait un bout

 25   de papier où il y avait notre nom, et il avait dit qu'il avait été informé

 26   à propos d'une mère et d'une fille qui habitaient là-bas. A chaque fois que

 27   je voyais quelqu'un avec un morceau de papier identique au papier que

 28   j'avais vu, je dois vous dire que j'avais besoin d'un certain temps pour


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  1   retrouver mon sang-froid.

  2   Alors, il est arrivé chez nous. Il est entré. Ensuite, il est ressorti. Ma

  3   mère ne se sentait pas bien, donc moi j'étais en train de m'occuper d'elle.

  4   Toutefois, il m'a dit que je devais l'accompagner à l'intérieur de mon

  5   appartement, soi-disant pour lui montrer où se trouvaient les différents

  6   objets. De toute façon, on ne voyait rien. C'était l'obscurité la plus

  7   totale. D'ailleurs, je pense que nous n'avions même pas de bougies. Nous

  8   avions improvisé certaines choses pour avoir de la lumière. Même cela, nous

  9   n'en avions plus.

 10   Q.  Merci. Donc vous avez dit qu'il y avait des coupures de courant assez

 11   souvent.

 12   R.  Oui, de temps à autre il y avait des coupures de courant, et il fallait

 13   bien s'adapter à ce type de situation. D'une façon ou d'une autre, il

 14   fallait essayer de survivre à ces périodes d'obscurité.

 15   Q.  Au paragraphe 40 de votre déclaration consolidée, vous dites qu'au

 16   début du mois de juin 1992, vous avez vu pour la première fois l'auteur du

 17   crime qui a été commis à votre égard, et vous dites qu'il s'appelait

 18   Veselin Vlahovic, également connu sous le nom de Batko.

 19   R.  Non, ce n'était pas en juin. C'était en juillet 1992. Je peux vous

 20   décrire brièvement la situation.

 21   Je me trouvais chez une de mes voisines qui m'avait invitée. Eux, ils

 22   avaient de l'électricité. La situation chez eux était plus ou moins

 23   normale. Ils regardaient la télévision, ils m'ont proposée de m'asseoir, et

 24   à un moment donné - bien entendu, je ne savais pas que j'allais voir ceci -

 25   pendant que j'étais en train de regarder la télévision, j'ai vu cette

 26   personne. Je me suis effondrée et j'ai commencé à pleurer. Eux ne savaient

 27   pas ce qui se passait. Je ne leur ai rien dit, mais je pense avoir dit

 28   quelque chose comme : "Ah, mais c'est lui." Ils ne m'ont pas posé de


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  1   questions, mais ils se sont bien rendus compte que quelque chose s'était

  2   passé.

  3   Ce que j'ai vu à la télévision, et cela m'a absolument terrifiée, j'ai vu

  4   ce Veselin Vlahovic qui était devant notre bâtiment. Je vous parle de ce

  5   que j'ai vu à la télévision. Il y avait un char et il était à côté de ce

  6   char, donc lorsque vous quittiez l'immeuble, c'est ce que vous voyiez, en

  7   fait. Voilà qu'il était là et qu'il était en train de faire une déclaration

  8   à un journaliste de SRNA. La question qui lui a été posée c'était : Est-ce

  9   que les Musulmans sont en train de revenir à Grbavica ? Et lui a répondu :

 10   les balija, ils ne vont plus jamais vivre à Grbavica. Donc c'est la

 11   première fois que je l'ai vu.

 12   Q.  C'est la première fois que vous l'avez reconnu; c'est   cela ? Vous ne

 13   connaissiez pas son nom auparavant; c'est cela ?

 14   R.  Lorsque ce qui nous est arrivé est arrivé, il y avait une de nos

 15   voisines qui, de temps à autre, venait nous amener du pain, parce que

 16   c'était quand même notre problème essentiel. Enfin bon, tout était un

 17   problème, mais bien entendu, sans pain, vous ne pouvez pas survivre.

 18   Alors, le 28 juin, cette personne l'a emmenée, mais il y a eu une sorte de

 19   miracle, il y a quelque chose qui l'a empêchée de l'emmener dans sa

 20   voiture, alors que la voiture avait déjà démarré. Elle avait garé sa

 21   voiture dans un endroit différent, et donc c'est un miracle qu'elle ait

 22   évité d'être prise par cet homme. Mais avant cela, nous parlions, et puis

 23   il avait déjà été indiqué que cette personne était connue sous le nom de

 24   Batko, puis il y avait des rumeurs qui circulaient dans Grbavica.

 25   Q.  Je vous remercie. Hier, à la page 13 194, et je vous donne cette

 26   référence pour que les autres participants puissent suivre, vous avez

 27   confirmé l'appartenance de cet homme à un groupe militaire organisé. Mais

 28   il est venu vous voir tout seul lorsqu'il a commis ces crimes, n'est-ce pas


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  1   ?

  2   R.  La première fois, il est venu accompagné d'un autre soldat. Il nous a

  3   demandé nos documents d'identité. Il a fait certaines observations à propos

  4   de ce qui était écrit sur nos papiers d'identité : mon âge, mon allure, ce

  5   genre de choses. L'autre homme n'a rien fait. C'est la première fois que

  6   nous l'avons rencontré.

  7   Et puis, la deuxième fois, il est venu pendant cette nuit, après que la

  8   police soit venue nous voir.

  9   Le lendemain, la police militaire est venue. Je vous dis qu'il s'agissait

 10   de policiers militaires parce qu'ils avaient des ceinturons blancs, et

 11   j'avais des parents qui avaient appartenu à cette unité en temps de paix.

 12   C'est pour cela que j'ai été en mesure de reconnaître les membres de la

 13   police militaire.

 14   Tout le monde s'est adressé au commandant de cette unité en l'appelant

 15   Zenga. Donc c'était Zenga. Je dois dire qu'il était extrêmement courtois.

 16   Et il s'est adressé à nous de façon fort polie, nous a demandé nos

 17   documents d'identité et nous a dit que nous, nous étions juste là, alors

 18   que ses compatriotes étaient en train de se faire tuer.

 19   Q.  C'est celui qui avait un accent croate, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, c'était en tout cas mon impression. Je pense que c'était bien le

 21   cas. On avait l'impression qu'il avait vécu en Croatie pendant très

 22   longtemps. On l'entendait à son accent.

 23   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que Zenga était l'abréviation utilisée

 24   pour les membres de la Garde nationale de Tudjman ? Vous le saviez, cela ?

 25   R.  Je l'ai entendu par la suite, effectivement.

 26   Q.  Merci. Donc vous avez eu l'impression qu'il menaçait d'utiliser un

 27   groupe de Chetniks. Je vous parle de l'auteur du crime, qu'il comptait sur

 28   quelqu'un. Est-ce que cela vous a incité à dire qu'il faisait partie d'un


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  1   groupe ?

  2   R.  Non, non, non. Je pense qu'il faisait partie de l'armée, l'armée

  3   régulière. Les autres qui sont venus avec lui -- peut-être que lorsque vous

  4   êtes terrifié, les gens vous paraissent beaucoup plus grands, tout vous

  5   paraît beaucoup plus grand, mais toujours est-il que ceux qui étaient avec

  6   lui étaient très grand. Il y en a un qui restait devant la porte, et il

  7   était debout, là, avec une sorte de fusil.

  8   Q.  Vous parlez de Zenga maintenant ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Moi je pense qu'il faudrait parler de Batko.

 11   R.  Ah, bien.

 12   Q.  Est-ce que vous, vous avez eu l'impression qu'il vous menaçait en

 13   parlant d'un de ses groupes et que cela vous a incité à penser qu'il avait

 14   un groupe organisé ?

 15   R.  Non, non. Ce n'est pas ce qu'il a dit. Je vous ai dit qu'il avait parlé

 16   de mon allure, il m'a demandé s'il s'agissait de mon document d'identité,

 17   il m'a demandé si c'était bien mon âge, ce type d'observations. Non, non,

 18   là, il n'était pas du tout question de perquisition, absolument pas. Il n'a

 19   fait aucune allusion à cela.

 20   Q.  Bien. Mais par la suite, dans votre déclaration, vous dites qu'il vous

 21   a menacées, qu'il vous a menacées de vous remettre aux Chetniks, quelque

 22   chose de ce goût-là.

 23   R.  Ah, oui, mais ça c'est lorsqu'il nous a emmenées avec lui pendant cette

 24   nuit. Cette nuit-là et le lendemain, je ne m'en souviens pas très

 25   précisément parce que j'ai du mal à juger la période. Il nous a gardées

 26   dans cet appartement à Vraca dans la rue Petrovacka. Excusez-moi.

 27   J'ai commencé à réagir lorsqu'il a dit qu'il allait exécuter ma mère près

 28   d'un ruisseau et qu'il allait me remettre aux Chetniks. Il utilisait des


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  1   termes extrêmement péjoratifs tout le temps. C'étaient des insultes

  2   épouvantables, et je dois dire qu'il nous a véritablement rouées de coups

  3   sans montrer la moindre once de pitié.

  4   Je ne peux pas vous dire que je suis particulièrement fragile, mais je ne

  5   suis pas non plus d'une constitution particulièrement solide. Tout cela

  6   était absolument épouvantable, le fait de voir ma mère allongée là à côté

  7   de moi. J'ai commencé à réagir lorsqu'il a dit qu'il allait faire cela à ma

  8   mère. Et puis, il a également mentionné un bordel.

  9   Q.  Merci. Vous avez indiqué qu'il avait un comportement étrange, qu'il se

 10   prenait la tête entre les mains. Vous avez fait référence à des maux de

 11   tête, à un comportement assez décalé, confus. Vous pourriez nous dire de

 12   quoi il s'agit ?

 13   R.  Nous étions dans un appartement. De toute façon, nous étions toutes les

 14   deux en état de choc. Les fenêtres étaient ouvertes dans cet appartement et

 15   tout était éparpillé dans cet appartement. A un moment donné, ma mère a

 16   trébuché, est tombée. Il a grimpé jusqu'à cette fenêtre ouverte. Je vous

 17   raconte cela et je vois sa silhouette, je le vois encore. C'était la nuit,

 18   et il a dit : "Non, non, pas ici. Allons ailleurs." N'oubliez pas que je

 19   suis dans un endroit que je ne connais absolument pas. Ma mère a trébuché

 20   et, à un moment donné, sa chaussure est tombée. Je lui ai dit : "Maman,

 21   c'est bon. Je vais te remettre ta chaussure." Puis, je me suis penchée vers

 22   la chaussure, et nous avons marché sur un corps. Ça, c'était absolument

 23   terrible. Enfin, de toute façon, à quoi je pouvais m'attendre.

 24   Toujours est-il que nous sommes arrivés dans cet autre appartement où il y

 25   avait de l'électricité, et disons que c'était le salon de cet appartement.

 26   Sur la table, j'ai vu des bijoux ainsi que de l'argent. Lui, il cherchait

 27   un médicament parce qu'il avait mal à la tête. Il se tenait la tête. Puis,

 28   à un moment donné, il est parti dans une autre pièce. J'ai regardé ma mère


Page 13224

  1   et j'ai cru qu'elle m'a comprise. Nous nous sommes comprises. J'ai commencé

  2   à marcher vers la fenêtre et je lui ai dit : "Maman, je vais sauter par la

  3   fenêtre." Elle s'est contentée de me regarder et je n'ai vu aucun signe

  4   d'acquiescement, d'approbation dans ses yeux. J'ai vu des barreaux à la

  5   fenêtre, et à ce moment-là, il se met à hurler en me disant : "Mais où est-

  6   ce que tu vas ?" Et donc je me suis assise près de ma mère.

  7   Q.  C'est cela qui m'intéresse le plus dans votre déclaration. Parce que

  8   vous dites dans vos déclarations qu'il se comportait comme un fou.

  9   R.  Ecoutez, il se tenait la tête entre les mains, et dans sa conduite, par

 10   exemple, la façon dont il conduisait sa voiture. Je n'en sais rien. A ce

 11   moment-là, il se tenait la tête entre les mains et le fait est qu'il était

 12   en train de chercher un médicament, un analgésique.

 13   Q.  Merci. Dans votre déclaration du 17 février 1996, c'est probablement le

 14   21 comme vous l'avez dit hier, vous le décrivez comme faisant partie de

 15   l'armée serbe sans fournir tous ces détails, mais hier, vous aviez indiqué

 16   qu'il portait un ancien uniforme de la JNA sans pour autant avoir

 17   d'insignes.

 18   Est-ce que vous pourriez nous dire quelle était son apparence générale ?

 19   Est-ce qu'il était soigné ? Quelle était son apparence générale ?

 20   R.  J'ai d'abord vu sa redingote. Il portait un uniforme militaire complet,

 21   mais il avait cette redingote. C'est pour cela que j'ai eu cette

 22   impression. Il ne donnait pas l'impression d'être très soigné, parce que de

 23   toute façon, la redingote, elle n'était pas à sa taille. Elle était

 24   beaucoup trop grande pour lui.

 25   Le lendemain, il avait un uniforme de camouflage, enfin juste la chemise et

 26   le pantalon. Puis, si vous me demandez ultérieurement, je vous dirais que

 27   je l'ai vu par la fenêtre de notre appartement et j'ai l'impression qu'il

 28   avait une veste militaire. De toute façon, ce que je veux dire, c'est qu'il


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  1   changeait d'uniformes constamment. Voilà.

  2   Q.  J'étais suis un peu perplexe lorsque je vous ai entendue parler des

  3   bijoux, car vous avez dit qu'ils se trouvaient dans un bocal, puis

  4   maintenant, dans une autre déclaration, vous dites qu'ils étaient sur la

  5   table.

  6   R.  Non, non, non. Là, je faisais référence aux bijoux que nous, nous

  7   avions cachés chez nous. Pas dans un bocal, dans un oreiller que nous

  8   avions cousu.

  9   Là, dans cet appartement, moi j'étais assise. Je les ai vus. J'étais assise

 10   sur un canapé, et devant moi il y avait une table qui était recouverte de

 11   bijoux, de grosses chaînes. C'était plutôt évident.

 12   Q.  Merci.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 6, page 20 du compte rendu

 14   d'audience, le témoin a dit que la troisième fois, elle l'a vu porter

 15   d'autres vêtements. Peut-être que nous parlions très vite et peut-être que

 16   vous n'avez pas entendu cela.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Toujours est-il que vous aviez l'impression qu'il y avait ces deux

 19   appartements et que dans un des appartements, il gardait la plupart de ses

 20   objets précieux ?

 21   R.  Le premier appartement n'était pas véritablement meublé, mais le

 22   deuxième, je vous l'ai décrit, c'est l'appartement où nous avons passé la

 23   nuit.

 24   Q.  Cela me met très mal à l'aise de parler de cette scène, mais j'aimerais

 25   quand même faire la part des choses par rapport à vos déclarations, parce

 26   que dans l'une de vos déclarations, vous dites que lorsque cela s'est

 27   passé, votre mère se trouvait dans une autre pièce. Puis, dans une autre

 28   déclaration encore, vous dites qu'avant que cet acte ne soit commis, il


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  1   avait fait venir votre mère.

  2   R.  Non, non, non. Nous étions ensemble dans ce salon, si tant est que l'on

  3   puisse appeler cela un salon, et alors, il a frappé ma mère, il l'a

  4   menacée, et ensuite il l'a emmenée ailleurs. Je ne savais même pas quel

  5   était le plan de cet appartement à ce moment-là.

  6   Il l'a emmenée quelque part ailleurs dans l'appartement. Je l'ai entendue

  7   pleurer, gémir, geindre. J'entends qu'elle le supplie de ne pas l'attacher.

  8   Je l'entends dire à quel point elle a mal, puis elle lui dit : "Je pourrais

  9   être ta mère."

 10   A ce moment-là, il est revenu dans la pièce où je me trouvais. Ma mère,

 11   elle est restée dans l'autre pièce. Mais de toute façon, comme cela a duré

 12   toute la nuit, vous parlez probablement de ce qui s'est passé par la suite.

 13   Bien sûr, à un moment donné, il a fait revenir ma mère.

 14   Q.  Je vois. C'est la première déclaration, la déclaration du 17 février,

 15   page 4, ligne 15. Bien. De toute façon, ça ne change pas grand-chose.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions maintenant afficher

 17   le document 1D3415, je vous prie. Merci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  J'aimerais vous rappeler que vous avez dit qu'il appartenait à un

 20   groupe militaire organisé, structuré. J'aimerais attirer votre attention

 21   sur ce document. C'est un document que nous avons trouvé sur le site

 22   officiel du Tribunal de Bosnie-Herzégovine. Voyez le deuxième paragraphe,

 23   première ligne :

 24   "L'acte d'accusation allègue, entre autres, que l'accusé Vlahovic, en tant

 25   que membre des forces paramilitaires de ce qui est appelé la République

 26   serbe de la BiH, devenue par la suite Republika Srpska, a persécuté la

 27   population civile non serbe de Grbavica, Vraca et des localités de

 28   Kovacici."


Page 13227

  1   Donc, est-ce que c'est ce à quoi vous faisiez référence lorsque vous

  2   avez dit qu'il faisait partie d'un groupe militaire organisé ?

  3   Mme EDGERTON : [aucune interprétation]

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas --

  5   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Edgerton.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Là, je pense qu'il y a un amalgame qui est

  7   fait au niveau de la question, ce qui me pose problème, Monsieur le

  8   Président, parce qu'il s'agit d'un rapport de confirmation de l'acte

  9   d'accusation. Le terme "forces paramilitaires" est utilisé pour décrire les

 10   forces organisées de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Et je ne

 11   pense pas, de toute façon, que ce soit une question qu'il convient de poser

 12   à ce témoin-ci.

 13   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] De toute façon, je ne pense pas que

 14   le témoin aura une connaissance directe de cette question, d'après moi. Je

 15   pense en fait que c'est une question qu'il faudrait peut-être poser à la

 16   personne qui a rédigé l'acte d'accusation. Docteur Karadzic, je ne pense

 17   vraiment pas que cette question soit particulièrement utile, et je pense

 18   que vous devriez peut-être plutôt poser cette question, si vous souhaitez

 19   la poser, à la personne qui a rédigé l'acte d'accusation en question.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce que nous pourrions brièvement

 21   consulter deux autres documents. Le premier document, le document 1D3414.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Cet homme avoue ses crimes de guerre, et vous voyez qu'il ne ressent

 24   aucun remords. Est-ce que vous pensez que c'est bien lui ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce que vous avez entendu parler de lui comme du "Monstre de

 27   Grbavica" ?

 28   R.  Il est très difficile de trouver un qualificatif pour le décrire, mais


Page 13228

  1   je pense que ce terme est effectivement peut-être le plus approprié.

  2   Q.  Bien.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ce document pourrait être versé au

  4   dossier ?

  5   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous souhaitez que ce document soit

  6   versé au dossier pour ce qui est de la véracité de la teneur du document,

  7   ou est-ce que ce qui vous intéresse est d'indiquer que l'auteur de ces

  8   crimes est qualifié de monstre ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Et ce qui est particulièrement

 10   épouvantable ici pour moi, c'est de voir qu'il n'en conçoit aucun remords,

 11   il n'y a aucun repentir.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais écoutez, si je peux me permettre de vous

 13   le dire, ce n'est pas le premier. Un monstre soldat, oui.

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Bien --

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Edgerton, quelle est votre

 17   réaction ?

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est une nouvelle question de savoir

 19   comment qualifier le premier point au sujet duquel j'ai réagi, à savoir

 20   quelle est la définition du paramilitaire, du membre des forces

 21   paramilitaires ? Donc je ne pense pas qu'on ait suffisamment de fondement

 22   pour verser le document au dossier.

 23   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai

 24   posé la question. Le témoin a répondu très clairement en disant qu'il

 25   s'agissait d'un monstre, en disant que c'était une manière précise de le

 26   qualifier, et cela figure déjà au compte rendu d'audience en tant que tel.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE MORRISON : [aucune interprétation]


Page 13229

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons à présent demander de

  2   présenter la pièce 1D3417, s'il vous plaît.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  En attendant, j'aimerais savoir s'il est exact de dire que cet homme a

  5   été arrêté en Espagne et qu'il a été traduit devant le tribunal de Bosnie-

  6   Herzégovine ?

  7   R.  Je ne comprends pas lorsque vous me demandez si c'est exact. C'est le

  8   même homme. Des années ont passé, et comme nous tous, il a changé depuis le

  9   temps.

 10   Q.  Si je vous pose la question, c'est à cause de toutes les autres

 11   personnes présentes ici, parce qu'ils ne savent pas nécessairement tout ce

 12   que nous apprenons en lisant et en suivant nos médias.

 13   R.  Oui, c'est le même homme.

 14   Q.  Nous avons ici l'avocat de cet homme qui s'exprime, et j'en donnerai

 15   lecture en anglais. Il s'agit du deuxième paragraphe :

 16   "Radivoje Lazarevic, l'avocat de la Défense qui défend le suspect Vlahovic,

 17   affirme qu'il s'attend à ce que l'acte d'accusation soit dressé 'dans

 18   quelques jours', puisque l'enquête avait été initiée 'il y a plus de deux

 19   ans et demi'."

 20   Et dans l'avant-dernier paragraphe, vers le bas de la page, le texte se lit

 21   comme suit :

 22   "'Vlahovic m'a parlé à plusieurs reprises des différents problèmes qu'il

 23   avait, en se plaignant de ses problèmes, et surtout des problèmes qui sont

 24   liés à son état de santé mental. Je lui ai conseillé d'aller voir le

 25   médecin de l'Unité de Détention. 'Je pense qu'il l'a vu deux fois et qu'on

 26   a pu constater quelques symptômes,' a déclaré Lazarevic."

 27   Est-ce que la description fournie par son avocat correspond à l'impression

 28   que vous avez eue lorsque vous êtes arrivée dans ce deuxième appartement,


Page 13230

  1   lorsqu'il s'est pris la tête et tout ça ?

  2   R.  Ecoutez, je ne suis absolument pas un expert en la matière. Ici, il est

  3   question du temps qui est passé et de ce qui avait été fait après. Pouvoir

  4   dormir tranquillement après tout cela, écoutez, cela reviendrait à un

  5   miracle.

  6   Q.  Merci. Un instant, s'il vous plaît.

  7   [Le conseil de la Défense et l'Accusé se concertent]

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Dans vos déclarations, vous parlez de ceux qui se trouvaient de l'autre

 10   côté de la rivière, sur l'autre rive. Est-il exact de dire que c'était le

 11   HVO de l'ABiH qui était positionné là-bas ?

 12   R.  Je l'ai mentionné, en fait. Au moment où nous étions passées de l'autre

 13   côté par le petit pont, par la passerelle, il y avait un soldat qui a vu

 14   nos pièces d'identité - le 27 mai - et il a fait des commentaires sur

 15   l'origine de ma famille. Il a mentionné sa mère, originaire, disons,

 16   d'Herzégovine, et il me semble qu'il a dit que c'était le HVO.

 17   Q.  Merci.

 18   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, il y a cinq

 19   minutes, le temps que l'on vous a accordé initialement pour le contre-

 20   interrogatoire a expiré, mais l'appréciation a été faite avant que des

 21   documents supplémentaires ne soient fournis. Toujours est-il que nous

 22   allons vous inviter à terminer votre interrogatoire à 10 heures 20.

 23   Madame Edgerton, vous aurez combien de questions supplémentaires ?

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Dix minutes me suffiront après la fin du

 25   contre-interrogatoire.

 26   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vous remercie.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 13231

  1   Q.  Pourriez-vous nous dire ce qui a détruit le supermarché que vous avez

  2   vu en ruines et pillé ?

  3   R.  C'était un incendie, un incendie criminel, qui s'est emparé également

  4   de notre bâtiment, parce que ces bâtiments se jouxtent. En fait, nous

  5   sommes physiquement liés à leur entrepôt. Cela nous a chassées de chez

  6   nous, et nous avons éteint cet incendie nous-mêmes en passant par les

  7   appartements se trouvant sur le toit de ce supermarché.

  8   Q.  Je vous remercie. Vous dites que vous avez fait partie de la protection

  9   civile. Est-ce que c'est dans le cadre des activités d'une unité de

 10   protection civile que vous avez éteint cet incendie ou vous vous êtes

 11   présentés volontairement ?

 12   R.  Ecoutez, on était prises par la panique. On est sorties spontanément,

 13   on a pris ce qu'on avait, on a pris des sceaux qu'on avait trouvés et qu'on

 14   avait sous la main et on a arrosé le toit du supermarché, parce que cet

 15   incendie était en train de s'étendre. C'était absolument pas organisé.

 16   J'étais en robe de chambre.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Le témoin n'a jamais dit qu'elle avait fait

 18   partie de la protection civile.

 19   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui. Nous allons accepter cette

 20   correction. Monsieur Karadzic, continuez.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Etiez-vous assujettie à une obligation de travail ? Peut-être que j'ai

 24   fait la confusion entre les deux.

 25   R.  Non, ce n'était pas une affection au travail obligatoire. C'était une

 26   section de travail dont j'ai fait partie, constituée à Grbavica, et de

 27   temps à autre, il a fallu se rendre à différents endroits : à Kijevo, à

 28   Gornja Presjenica, où il y avait une exploitation militaire agricole. Je


Page 13232

  1   pense que c'était ça le nom de ces toponymes. C'est là qu'on allait

  2   cueillir des pommes de terre, des oignons, faire des choses comparables.

  3   Q.  Merci. Vous receviez deux repas par jour là-bas ?

  4   R.  Cela dépendait un petit peu du temps qu'on y passait. On nous donnait à

  5   manger, oui. Disons, on nous a donné quelque chose.

  6   Q.  Merci. Vous avez décrit des gens qui avaient des gaines. Est-ce que

  7   vous avez vu quelqu'un utiliser un fusil pour tirs embusqués ?

  8   R.  Ecoutez, si je sortais tous les jours, je voyais tous les jours les

  9   mêmes personnes. Je ne dirais pas qu'ils étaient très nombreux, du moins

 10   pas ceux que je connaissais. Je les voyais rentrer au numéro 58 de la rue

 11   Lenjin. Plus tard, cela est appelé rue Nikola Radovic.

 12   Q.  J'ai vu à un endroit dans votre déclaration que vous parlez, le 27

 13   janvier 2006, page 0467-569, paragraphe 4, à l'organisation des femmes

 14   victimes de la guerre. Vous leur dites que vous et votre mère, vous avez

 15   reçu une convocation pour vous rendre à la protection civile et que cette

 16   convocation a été adressée aux femmes de toute origine ethnique.

 17   R.  Non, c'est une traduction erronée. Ce n'était pas la protection civile;

 18   c'était une section de travail.

 19   Q.  Je vous remercie. Maintenant les choses sont plus claires.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il me faudra passer certains points, donc je

 21   suis en train de faire une sélection. Excusez-moi.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Batko, dans votre déclaration consolidée, au paragraphe 58, vous dites

 24   qu'il vous a demandé de l'appeler Dragan; c'est bien cela?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  C'est donc exact.

 27   R.  Je ne m'attendais pas du tout non plus qu'il me donne son vrai nom et

 28   prénom en guise de respect, en quelque sorte.


Page 13233

  1   Q.  Vous voulez dire que cela a à voir avec ce qu'il faisait ?

  2   R.  Non. Moi je ne peux pas le dire. Vous, de par votre vocation et votre

  3   profession, vous pouvez en parler.

  4   Q.  Mais il a cherché à ne pas dévoiler son identité; c'est bien cela ?

  5   R.  Oui. Il nous a dit : "Vous pouvez m'appeler Dragan." On ne lui avait

  6   jamais rien demandé, il faut savoir.

  7   Q.  Au paragraphe 88, vous dites que les policiers militaires -- ou plutôt,

  8   le policier militaire qui vous a demandé de prendre place, et lorsque vous

  9   êtes venue lui demander de vous laisser partir ou de vous tuer, il vous a

 10   dit : "Nous ne faisons pas cela." Est-ce exact ?

 11   R.  Oui, c'est exact.

 12   Q.  Et vous lui avez demandé de vous "expulser au moins jusqu'au petit

 13   pont, et ils ont dit que cela ne se faisait plus et que Grbavica était

 14   complètement bouclée. Ils ont dit qu'on a mis fin à ce qui s'était produit

 15   hier."

 16   Alors, est-ce que là vous parlez du fait qu'on avait expulsé la veille

 17   plusieurs personnes ?

 18   R.  Oui, tout à fait. C'est une situation où on est complètement

 19   désemparés. Je n'avais pas d'appartement. Je n'avais pas de pièces

 20   d'identité. Je ne savais pas où me rendre, où me mettre à l'abri. Donc, si

 21   j'ai parlé ainsi, c'était que j'étais complètement désespérée.

 22   Q.  En fait, ce sujet ne me touche pas véritablement, mais vous avez

 23   mentionné un dénommé Aleksic. Il semblerait véritablement qu'il se comporte

 24   d'une manière étrange. Pour autant que vous le sachiez, il n'a commis aucun

 25   crime ?

 26   R.  Oui, c'est cela.

 27   Q.  Vous vous souvenez du moment où Seselj s'est rendu sur place ? Nous

 28   l'avons vu hier. A la mi-mai, dans la Republika Srpska, un référendum a été


Page 13234

  1   organisé demandant aux gens de se prononcer sur le plan Vance-Owen, et dans

  2   l'extrait que nous avons vu, il est question du vote. Il est dit que 60

  3   Musulmans de Grbavica ont voté. Vous en souvenez-vous, et vous souvenez-

  4   vous que Seselj s'est rendu sur place à l'occasion du référendum ?

  5   R.  Ecoutez, ça, je ne saurais pas vous le dire. Je sais que je n'ai pas

  6   pris part à ce référendum. Sans carte d'identité, vous n'êtes personne.

  7   Q.  Vous dites qu'au marché on arrivait à se procurer des choses, on

  8   trouvait des choses ?

  9   R.  Oui, c'était un petit peu improvisé et fait maison. Ce n'était pas

 10   grand-chose. Quelques produits agricoles et peut-être aussi quelques objets

 11   venus par l'aide humanitaire. Enfin, c'était modeste.

 12   Q.  Merci. Je n'aborderai plus d'autres sujets. Ou juste une question;

 13   quelques noms de groupes paramilitaires. Anges blancs, est-ce que c'est un

 14   nom de groupe paramilitaire qui vous dit quelque chose ?

 15   R.  Ecoutez, je ne sais pas. Peut-être plus tard. Non, vraiment, je ne sais

 16   pas.

 17   Q.  Les Aigles blancs, ou le Tsar Dusan ?

 18   R.  Oui, Aigles blancs, peut-être. Je ne sais pas.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 13417, est-ce qu'on l'a versé au dossier,

 21   donc le dernier document que nous avons montré ?

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, je ne pense pas

 23   que le témoin ait pu parler de ce document. Je pense que cela fait partie

 24   des documents que vous devriez chercher à verser au dossier en temps voulu

 25   par d'autres moyens.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Madame le Témoin, je tiens à vous exprimer toute ma gratitude et à vous


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  1   dire à quel point je me solidarise avec vous. Merci.

  2   R.  Merci, Monsieur l'Accusé, de votre compréhension.

  3   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Edgerton.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

  5   Nouvel interrogatoire par Mme Edgerton :

  6   Q.  [interprétation] Madame le Témoin, aujourd'hui, page 11, ligne 23,

  7   jusqu'à la page 12, ligne 12, vous avez parlé avec le Dr Karadzic de la

  8   période pendant laquelle vous vous rendiez au sous-sol de votre bâtiment

  9   pour vous mettre à l'abri face aux bombardements, paragraphe 12 de votre

 10   déclaration consolidée.

 11   Est-ce que cela s'est passé pendant une période de temps spécifique, que

 12   vous soyez descendues dans la cave pour vous mettre à l'abri ?

 13   R.  Oui, nous avons commencé à le faire, comme toutes les autres personne,

 14   et avec le temps, nous l'avons fait de moins en moins souvent, parce que

 15   nous ne sentions pas à l'aise, comme je l'ai déjà dit. En fait, il faut

 16   savoir que nos voisins écoutaient la Radio Belgrade, et donc je devais,

 17   quand je m'y trouvais, écourter les émissions de la Radio Belgrade sur les

 18   événements que nous vivions. Et je n'avais pas le courage d'écouter ça,

 19   parce que c'était totalement inexact.

 20   J'ai compris que les autres, à force de se voir serinées toujours les mêmes

 21   choses ou d'entendre toujours les mêmes choses répétées, eh bien, qu'ils

 22   ont fini par y croire. Mais pas moi.

 23   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire exactement pendant quelle période cela

 24   a eu lieu ?

 25   R.  Vous voulez dire à quel moment on est descendues dans l'abri ? On

 26   descendait pendant quelques heures de la journée, et parfois c'est arrivé

 27   tous les jours. J'avais très, très faim à un moment, et donc on est

 28   descendues dans l'abri. Nos voisins, qui étaient des soldats, ont bien


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  1   entendu ce qui nous est arrivé, que quelqu'un est arrivé chez nous, qu'on

  2   nous a fait sortir de chez nous. Ma mère a appelé Radoslav Vuckovic, par

  3   exemple, et d'autres voisins à l'aide. Elle a appelé très fort, mais

  4   personne ne nous a aidées. Je parle là de ceux qui étaient armés. Je ne

  5   pense pas aux civils. Parce que, bien sûr, tout le monde a peur, c'est

  6   normal, et on cherche à sauver sa propre tête.

  7   Q.  D'après votre réponse, il semblerait donc que c'est tout au début de la

  8   guerre que vous êtes descendues dans cet abri; c'est bien cela ?

  9   R.  Oui.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que cette question est directrice.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, uniquement, même cela est directeur.

 12   C'était juste au tout début, parce que, vous savez, après tout ce qu'on a

 13   vécu, c'est un autre combat qui s'impose; entre guillemets, on cherche à

 14   survivre, on se bat pour survivre, mais ce n'était plus dans l'abri.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation]

 16   Q.  Page 13 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui, par rapport aux

 17   événements du 1er octobre 1992, Dr Karadzic vous a soumis comme suit :

 18   "La police militaire vous a expliqué à ce moment-là que ce type de

 19   comportement était illégal et qu'il ne se fondait sur aucun ordre."

 20   Mais plus tard, plus loin dans le compte rendu d'audience d'aujourd'hui, il

 21   se réfère au paragraphe 88 de votre déclaration, et il a donné la lecture

 22   du texte suivant :

 23   "Je lui ai demandé de nouveau de nous expulser, au moins jusqu'au petit

 24   pont. On nous a dit que ça ne se faisait plus et que Grbavica était

 25   complètement bouclée. Ils nous ont dit ce qui avait été fait hier a été

 26   arrêté."

 27   Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui est exact : ce que vous a soumis Dr

 28   Karadzic ou ce qu'il a donné lecture au paragraphe 88 de votre déclaration


Page 13237

  1   ?

  2   R.  Les propos exacts de Boro Sljuka, c'était ça le nom du policier

  3   militaire parce que je l'ai lu sur son badge, était les suivants : cette

  4   action a été interrompue. On ne fait plus cela. Grbavica est bouclée.

  5   Q.  Merci. Et pour terminer, page 19, lignes 13 à 14, le Dr Karadzic vous a

  6   dit que d'après vous, dans vos déclarations, au sujet de Batko, vous avez

  7   dit qu'il s'est comporté comme un fou.

  8   N'avez-vous jamais employé ce terme "fou" pour décrire Batko ?

  9   R.  Non, je ne l'ai jamais dit, et j'évite de donner ce type de

 10   description. Cela revient à M. Karadzic, qui lui est psychiatre de

 11   formation.

 12   Mais au moment où il s'est pris la tête dans les mains, là, entre

 13   guillemets, et je souligne entre guillemets, on se serait dit que cet homme

 14   "ne se maîtrise pas". Il a frappé à la porte et nous a dit qu'il est venu

 15   nous apporter nos cartes d'identité. Il a vraiment frappé très, très fort à

 16   la porte. La porte, en fait, se déchaussait.

 17   Je n'avais pas le choix, que voulez-vous que je fasse, j'ai ouvert la

 18   porte. Bien entendu, il n'avait absolument pas de cartes d'identité, et

 19   c'est là qu'a commencé cette série de mauvais traitements, ces événements

 20   terribles. Toute la nuit, et puis ça a continué le lendemain. C'est comme

 21   ça que ça a commencé. Il nous a forcées à monter dans une Golf, une Golf de

 22   type 1, si je ne me trompe pas. De force, il nous a fait monter. J'avais

 23   des problèmes avec ma mère. Et il a conduit très vite. Nous sommes arrivés

 24   à un endroit qui lui était connu. Il savait exactement où il nous emmenait.

 25   C'était en connaissance de cause qu'il agissait.

 26   Personne ne m'a jamais posé la question, mais je vais vous le dire : la

 27   première fois où j'ai commencé à réagir, donc lorsque je me suis dit que je

 28   pourrais peut-être m'en sortir vivante -- en fait, ce qui m'a touchée le


Page 13238

  1   plus, c'était quand il a dit qu'il allait fusiller ma mère et qu'ensuite il

  2   allait m'emmener dans un bordel et qu'il allait nous livrer aux Chetniks.

  3   Et là, je me suis mise à réfléchir très rapidement, parce que tout de suite

  4   après il m'a demandé -- donc tout se déroulait selon le plan, et personne

  5   ne m'a demandé - je pense que cela se trouve dans ma déclaration - donc il

  6   m'a demandé : "Est-ce que vous avez de quoi racheter vos têtes ?" J'ai

  7   attendu un petit instant pour voir exactement ce qu'il voulait dire par là,

  8   et il a dit : "Avez-vous de l'argent ?" Et je lui ai dit : "Un petit peu."

  9   Il m'a dit : "Vous avez des bijoux en or ?" Je pense qu'il n'a même pas

 10   terminé la question et je lui ai dit tout de suite : "Oui, oui." Question

 11   de lui : "Vous en avez beaucoup ?" Réponse : "Oui." Et puis, il m'a dit :

 12   "Si tu me trompes, je te tuerais sous les yeux de ta mère."

 13   Et c'est à partir de ce moment-là que j'ai vécu pour le moment où il allait

 14   finalement nous emmener de là, et qu'il allait me permettre que je lui

 15   donne ce que je pouvais lui donner et j'espérais que ça allait lui suffire.

 16   Donc là, il s'est changé. Il était en uniforme de camouflage. On aurait dit

 17   une autre personne.

 18   Et on est revenus - c'était toujours la même Golf - on est entrés

 19   dans l'appartement, et c'est vraiment dans un état de panique qu'on s'est

 20   mis à chercher cet oreiller, parce qu'avant la police militaire avait fait

 21   cette fouille, donc tout était sens dessus dessous. Tout ce qui avait été

 22   dans les armoires était éparpillé partout par terre. Et donc, il nous a

 23   fallu un petit peu de temps pour trouver l'oreiller dans lequel ma mère

 24   avait caché les bijoux.

 25   Il a pris deux sachets qui renfermaient cela, et en attendant, il

 26   nous menaçait, il nous disait : "Si tu m'as menti," il a tiré des coups de

 27   feu juste à côté de ma tête, et il m'a dit : "Je te tuerais devant ta

 28   mère." Et quand il a vu les bijoux, il les a pris et il a dit : "Si vous


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  1   sortez, si vous parlez à qui que ce soit, si vous vous ouvrez à qui que ce

  2   soit, j'ai mes hommes et j'ai mes tireurs embusqués," a-t-il dit, "J'ai mes

  3   hommes qui vous tueront." Puis, il est parti.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur

  5   le Président.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vous remercie d'être venue à La

  7   Haye pour déposer devant ce Tribunal. La Défense ne conteste pas que vous

  8   avez vécu des choses terribles. Vous êtes quelqu'un de très fort. Je vous

  9   souhaite de bien rentrer chez vous, et beaucoup de chance pour la suite.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous remercie

 11   de m'avoir offert cette occasion, même si me rappeler ces choses-là est

 12   quelque chose de terrible. Merci de m'avoir permis de venir témoigner ici

 13   et de dire ce qui a constitué - comment dirais-je ? - la fin du cours

 14   normal de ma vie. Même s'il y a eu quelques améliorations, eh bien, cela ne

 15   regarde, en fait, que moi personnellement. Je vous remercie aussi au nom de

 16   ma mère, qui n'est pas en mesure de témoigner. C'est ce que je lui dois. Et

 17   je l'ai fait aussi au nom de ceux qui ont été tués à Grbavica. Pour

 18   certains d'entre eux, leurs restes ont été retrouvés, pour d'autres non. Je

 19   vous remercie au nom des vivants et des morts. On dit que je suis quelqu'un

 20   de courageux et de patient, eh bien, j'aurai la patience qu'il faut pour

 21   attendre la justice, et parfois la justice arrive. Merci.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Nous ferons une pause à présent

 23   jusqu'à 11 heures.

 24   S'il vous plaît, Madame, attendez qu'on ait baissé les stores pour que vous

 25   puissiez repartir.

 26   [Le témoin se retire]

 27   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 28   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.


Page 13240

  1   [Le témoin vient à la barre]

  2   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Merci d'être

  3   revenu pour la suite de votre témoignage. La Chambre est désolée du laps de

  4   temps qui a séparé votre dernière comparution et celle d'aujourd'hui. Nous

  5   allons donc poursuivre.

  6   Monsieur Tieger, à vous.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  8   LE TÉMOIN : NEDJELJKO PRSTOJEVIC [Reprise]

  9   [Le témoin répond par l'interprète]

 10   Interrogatoire principal par M. Tieger: [Suite]

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Prstojevic.

 12   R.  Bonjour.

 13   Q.  Monsieur Prstojevic, j'aimerais vous rappeler à quel endroit nous en

 14   étions lorsque nous avons levé l'audience l'autre jour. Nous étions en

 15   train de discuter des commentaires proférés par vous lors de la 17e séance

 16   de l'assemblée de la Republika Srpska qui s'est tenue en juillet 1992, et

 17   nous parlions de commentaires venants de vous au sujet d'une réunion tenue

 18   à Ilidza avec M. Karadzic et d'autres personnes, dont vous dites qu'elle a

 19   eu lieu le 18 avril 1992. Et je suis sûr que vous vous rappellerez que dans

 20   le cadre de cette discussion, un mot figurant dans le texte a été discuté

 21   en particulier. Je ne suis pas certain qu'il vaille vraiment la peine de

 22   poursuivre cette discussion plus avant. La Chambre dispose du texte écrit.

 23   Et je crois que vous avez dit ce que vous aviez à dire à ce sujet. Vous

 24   avez signalé, par exemple, qu'il existait une différence entre le mot

 25   "potisli" et le mot "potjerali". Mais je fais remarquer également que vers

 26   la fin de votre déposition la dernière fois, les derniers mots prononcés

 27   par vous ont été :

 28   "Si le document est un original, dans ce cas, je l'admets et je le


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  1   reconnais."

  2   Et vous avez poursuivi en disant :

  3   "Il y a un autre mot qui importe pour interpréter les questions que vous me

  4   posez, qui est un peu différent."

  5   Donc, avant d'aller plus avant, j'aimerais vous donner la possibilité de

  6   dire si vous souhaitez proposer un autre mot en lieu et place du mot qui

  7   apparaît dans le texte et vous rappelez que vous avez déjà employé le mot

  8   "potisli" en indiquant que dans le texte ce n'est pas le mot "potjerali"

  9   qui devrait être présent, mais le mot "potisli". Mais s'il y a un autre mot

 10   que vous souhaitez introduire, et puisque vous avez été interrompu la

 11   dernière fois en raison du temps, j'aimerais vous donner l'occasion de le

 12   faire.

 13   R.  Je n'ai rien à proposer de différent, pas de mots différents. Ce que

 14   j'ai dit ici, c'est que dans trois documents on trouve des mots différents

 15   pour dire une seule et même chose, et je m'en tiens au libellé que j'ai

 16   utilisé. Dans certaines portions, dans certaines régions, nous avons étendu

 17   le territoire, et "potisli", c'est-à-dire "repoussé" les Musulmans sur le

 18   territoire où ils étaient pratiquement une majorité.

 19   Le mot que j'ai utilisé à ce moment-là ne pouvait être que "potisli", qui

 20   veut dire "repoussé".

 21   J'aimerais également souligner le point suivant : voyez-vous, je ne dis pas

 22   dans quel endroit il existait une majorité. Je dis dans quel endroit il

 23   existait pratiquement une majorité. J'ai ici devant moi l'allocution en

 24   question et je dispose également des statistiques. Au moment où je

 25   m'exprimais, c'est-à-dire à la 17e séance de l'assemblée, nous n'avions

 26   sous notre contrôle aucune des 20 localités communes où les Musulmans

 27   étaient numériquement majoritaires. Dans les 11 communautés locales sous

 28   notre contrôle, la majorité était chrétienne. Et dans certaines de ces


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  1   municipalités, il n'y avait pas un seul habitant musulman. Les Musulmans

  2   contrôlaient cinq communautés locales très peuplées. Les Croates

  3   contrôlaient deux communautés locales dont la population était légèrement

  4   inférieure à celle des communautés locales contrôlées par nous, et ils

  5   avaient là-bas leur propre municipalité.

  6   Sur les territoires sous notre contrôle dans les 11 communautés locales

  7   concernées, il y avait à l'époque 5 858 Musulmans, selon le recensement de

  8   1991. Et dans les zones qui étaient contrôlées par les Musulmans, selon le

  9   recensement de 1991, il y avait 6 943 Serbes. Autrement dit, un millier de

 10   Serbes de plus, alors que dans le territoire contrôlé par les Croates, il y

 11   avait 1 724 Serbes. C'est-à-dire, 2 000 Serbes supplémentaires qui étaient

 12   sous le contrôle des Croates et des Musulmans.

 13   Quant aux Croates, je ne vais pas en parler. Nous n'étions pas en guerre

 14   contre eux, et cela n'importe donc pas beaucoup, mais aux mois d'août et

 15   septembre, les Musulmans se sont emparés de deux communautés locales qui

 16   auparavant étaient sous leur contrôle : Stup, Otes et une autre communauté

 17   locale. Ils ont donc, dans la pratique, repoussé militairement les

 18   Musulmans, et les civils en ont été victimes. Il y a eu des combats féroces

 19   entre les Serbes et les Musulmans aux frontières de ces communautés

 20   locales.

 21   Q.  Monsieur Prstojevic, à l'époque de la 17e séance de l'assemblée au mois

 22   de juillet 1992, saviez-vous que la séparation par rapport aux Musulmans

 23   était ou n'était pas un objectif poursuivi par la Republika Srpska et sa

 24   direction ?

 25   R.  Notre principal objectif à Ilidza consistait à défendre et uniquement à

 26   défendre les régions ethniquement peuplées par nous. Mais lorsqu'il est

 27   devenu clair qu'il était impossible de vivre une vie décente et pacifique

 28   dans le respect et l'attention mutuelle, donc quand il est devenu évident


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  1   que cela était impossible, il a fallu protéger notre territoire et nous

  2   diriger vers la séparation.

  3   Q.  La séparation était-elle un objectif explicite pour les autorités de la

  4   Republika Srpska ?

  5   R.  Ça, je ne le sais pas finalement, et je ne saurais apporter une réponse

  6   précise à ce sujet, car quelle que soit ma réponse, elle pourrait être

  7   interprétée de façon affirmative ou négative selon la période considérée.

  8   Dans la période précédant la guerre, il est certain que cette séparation

  9   n'était pas un objectif explicite, mais plus le temps a passé, plus il est

 10   devenu visible que le camp musulman abritait un certain nombre de

 11   fondamentalistes, d'extrémistes qui impliquaient, si l'on vivait à leurs

 12   côtés, qu'on ne vivait pas simplement à côté de Musulmans du pays. Il était

 13   donc difficile de vivre à leurs côtés pour les Musulmans du pays aussi bien

 14   que pour les Serbes et les Croates.

 15   Q.  Avez-vous jamais entendu parler d'objectifs stratégiques ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Connaissiez-vous les objectifs stratégiques à l'époque où vous avez

 18   prononcé votre allocution en 1992 ? Vous les connaissiez, n'est-ce pas ?

 19   R.  Il est possible qu'on ait pu les lire déjà à l'époque dans le journal

 20   officiel. Peut-être en avait-il même été question auparavant. Chacun savait

 21   à quel moment paraissait le journal officiel, et si ces objectifs

 22   stratégiques ont été publiés dans le journal officiel, cela a dû se passer

 23   à ce moment-là. Je veux dire, le courrier mettait trois ou quatre jours à

 24   nous parvenir.

 25   Q.  Je veux voir si je pourrais vous rafraîchir la mémoire s'agissant de la

 26   date à laquelle vous avez peut-être entendu parler de ces objectifs

 27   stratégiques.

 28   Vous rappelez-vous, par exemple, que les objectifs stratégiques ont été


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  1   rendus publics par les participants de l'assemblée et même par d'autres

  2   personnes, comme par exemple par les députés du peuple ?

  3   R.  Eh bien, voyez-vous, les objectifs stratégiques, dès lors qu'ils ont

  4   été adoptés par l'assemblée, ont été publiés dans le journal officiel. Et

  5   lorsque nous avons reçu le journal officiel, nous avons pu les lire dans ce

  6   journal officiel.

  7   Il est possible aussi que le député, s'il a participé à la réunion de

  8   l'assemblée au moment de l'adoption de ces objectifs stratégiques, ait pu

  9   nous en parler à ce moment-là. Mais la direction d'Ilidza et la population

 10   d'Ilidza ne se mêlaient pas à la police de haut niveau. Pendant toute la

 11   guerre et même avant la guerre, et cela a été montré au moment de Dayton

 12   également, nous étions toujours prêts à accepter les accords conclus par

 13   les représentants politiques de haut niveau, car ce qui a été décidé à

 14   Dayton était inévitable pour Ilidza. Près de 20 000 Serbes ont été déplacés

 15   à la veille de l'application de l'accord de Dayton, c'est-à-dire qu'ils

 16   sont passés de la partie occidentale --

 17   Q.  Monsieur Prstojevic, excusez-moi, mais si nous ne voulons pas rester

 18   ici encore un mois, je vous prierais de répondre à mes questions plutôt que

 19   de donner des détails en parlant de toute la période située entre 1992 et

 20   1996. Je ne voudrais pas vous empêcher de répondre à mes questions, mais je

 21   vous demanderais de ne pas vous écarter du sujet qui est au cœur de mes

 22   questions.

 23   Alors, pendant vos interrogatoires précédents, vous avez eu la possibilité

 24   de voir un exemplaire du journal officiel qui diffusait les objectifs

 25   stratégiques, et vous avez vu que ce journal datait de novembre 1993,

 26   c'est-à-dire plus d'un an après le débat relatif aux objectifs stratégiques

 27   qui avait eu lieu à la 16e séance de l'assemblée au mois de mai 1992. Vous

 28   rappelez-vous avoir vu ce journal officiel et avoir pris connaissance de


Page 13245

  1   ces objectifs stratégiques ?

  2   R.  Bien oui, mais voyez-vous, je ne me rappelle pas la date. Ce que

  3   j'essayais de dire en parlant de toute la période jusqu'à 1996, c'était que

  4   nous ne nous mêlions pas de la politique menée en haut, mais que nous

  5   l'acceptions sans conditions. Quels que soient les objets d'un accord

  6   conclu, nous l'acceptions et le mettions en œuvre.

  7   Q.  Revenant au débat et à la question que je viens de vous poser, lorsque

  8   l'on vous a montré le journal officiel et lorsque vous avez vu que c'était

  9   un numéro de novembre 1993, est-ce que ceci vous a aidé à déterminer que

 10   c'est bien par le biais des participants à la séance de l'assemblée que les

 11   objectifs stratégiques ont été portés à votre connaissance; autrement dit,

 12   par le biais des députés ainsi que de réunions politiques ? Car il y a eu

 13   pas mal de réunions organisées par les dirigeants du peuple serbe de Pale

 14   avec des représentants de Sarajevo à ce moment-là ?

 15   R.  Eh bien, voyez-vous, il m'est très difficile de vous expliquer tout

 16   ceci. Mais voilà à peu près comment se passe une séance de l'assemblée :

 17   les employés de l'assemblée préparent les documents, ensuite se tient une

 18   réunion du club des députés, et les résultats de cette réunion sont ensuite

 19   présentés à l'assemblée. Il ne se passe pas très longtemps entre les

 20   premières réunions préparatives [phon] et la séance de l'assemblée en tant

 21   que telle.

 22   Q.  S'agissant des séances de l'assemblée auxquelles vous n'avez pas

 23   assisté, vous étiez informé de la teneur des débats par ceux qui y avaient

 24   assisté, et notamment par les députés, n'est-ce pas ?

 25   R.  D'abord, les renseignements nous provenaient par le journal

 26   officiel. Ensuite, notre député, Ljubo Bosiljcic, s'il avait assisté à la

 27   séance, nous en informait. Il ne le faisait que s'il estimait nécessaire de

 28   diffuser ce genre de renseignements. Il n'y avait pas d'autres moyens


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  1   d'être informés. Peut-être, éventuellement, pouvait-on l'être par telle ou

  2   telle personne qui aurait assisté en tant qu'invitée à ces séances, dans

  3   les mêmes conditions où j'ai moi-même assisté à la 17e séance, ou peut-être

  4   pouvait-on être informés par les présidents des municipalités de Sarajevo.

  5   Q.  Ces objectifs stratégiques allaient-ils dans le sens d'une division de

  6   la Bosnie-Herzégovine ?

  7   R.  Eh bien, je n'arrive pas à m'en souvenir ici même aujourd'hui. Si nous

  8   avons discuté des objectifs stratégiques dans le procès intenté à M.

  9   Krajisnik, je maintiens ce que j'ai dit dans ma déposition dans l'affaire

 10   Krajisnik afin de ne pas risquer de dire quelque chose d'autre aujourd'hui,

 11   car je ne peux pas m'en souvenir exactement aujourd'hui. Apparemment, la

 12   Neretva, la rivière qui traverse la région dans laquelle je suis né, est

 13   évoquée dans ces objectifs stratégiques, mais je n'ai pas de souvenir

 14   précis.

 15   Q.  Etiez-vous au courant du fait que la division de Sarajevo faisait

 16   partie de ces objectifs stratégiques, ou en tout cas était un des objectifs

 17   poursuivis par la Republika Srpska et par les autorités de la Republika

 18   Srpska, lorsque vous vous êtes exprimé en juillet 1992 devant l'assemblée,

 19   par exemple ?

 20   R.  A ce moment-là, je n'avais pas en tête les objectifs stratégiques. Vous

 21   venez de rappeler qu'ils ont été publiés en 1993, donc je ne les

 22   connaissais pas à ce moment-là. Mais tous les Serbes présents sur les zones

 23   de Sarajevo sous contrôle serbe, des zones où ils étaient présents depuis

 24   des siècles, souhaitaient que ces zones demeurent serbes et demandaient aux

 25   dirigeants, dans le cadre d'accords conclus avec les dirigeants musulmans,

 26   de faire en sorte que ces secteurs restent serbes.

 27   Les gens ne cessaient de me demander :

 28   "Est-ce qu'Ilidza a été vendue ? Est-ce qu'Ilidza va rester serbe ou est-ce


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  1   qu'elle va être remise aux Musulmans moyennant tel ou tel accord," et

  2   cetera.

  3   Q.  Nous avons parlé l'autre jour d'un accord de dupe. Ceci figure à la

  4   page 12 994 du compte rendu d'audience de l'espèce. Il s'agissait,

  5   autrement dit, d'une division moyennant un accord ou d'une division par

  6   recours aux armes ou de libération par les Serbes des territoires dont ils

  7   estimaient qu'ils leur appartenaient.

  8   Est-ce que qui que ce soit, Monsieur Prstojevic, a parlé à la 17e séance de

  9   l'assemblée de la division de Sarajevo moyennant un accord ou, en cas

 10   d'absence d'accord, par recours aux armes ?

 11   R.  Eh bien, voyez-vous, je n'ai pas assisté à cette séance jusqu'à la fin.

 12   Je n'ai pas vraiment fait particulièrement attention à ce qu'ont dit les

 13   autres députés. Lorsque j'ai terminé mon discours, je suis parti presque

 14   immédiatement, ou en tout cas peu de temps après, parce que la séance,

 15   elle, s'est poursuivie pendant pas mal de temps après mon départ. Je pense

 16   qu'elle a duré plusieurs jours, cette session de l'assemblée. Mais dans mon

 17   discours, que j'ai ici devant moi, j'ai dit, entre autres choses, que les

 18   municipalités serbes de la partie occidentale étaient enfermées à

 19   l'intérieur de deux cercles concentriques et que les vivres n'y parvenaient

 20   pas.

 21   A la fin de mon discours, et c'est ce qui vous intéresse, je crois, j'ai

 22   dit, et je lis littéralement ce que j'ai dit :

 23   "Si l'on réfléchit à toute la situation, je demande aux représentants

 24   politiques de haut niveau d'avoir l'amabilité de nous dire si le processus

 25   de paix risque d'aboutir à une division de Sarajevo et de nous le dire

 26   correctement de façon à ce que nous le sachions. Dans le cas contraire,

 27   prenons les armes pour libérer les territoires que nous considérons nous

 28   appartenir. Car autrement, il risque d'y avoir un génocide sans précédent


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  1   contre le peuple serbe de Sarajevo et de la région."

  2   Fin de citation.

  3   Je vais vous dire ce qui suit : Là où nous n'avons pas défendu nos zones

  4   ethniques par la force des armes, il s'est produit ce qui s'apparente à un

  5   génocide. Cela a été le cas à Pofalici, où toute la population a été tuée,

  6   alors que seul un soldat musulman a péri. Plus de 300 civils ont été tués à

  7   Pofalici.

  8   Voilà ce que j'ai dit, et à ce moment-là, je ne pensais pas du tout à un

  9   quelconque objectif stratégique. J'exprimais ma position personnelle.

 10   J'exprimais ma conviction personnelle.

 11   Q.  Et ce mot de "division", comment le compreniez-vous, Monsieur

 12   Prstojevic ?

 13   R.  Je vais expliquer quel était le sens que je donnais à ce mot. Personne

 14   ne me l'a expliqué, autrement dit. Je vais donc vous expliquer comment je

 15   comprenais ce mot et ce que pensaient les Serbes de la région.

 16   Dans les endroits où les Serbes constituaient une majorité numérique selon

 17   le recensement de 1991, nous souhaitions que soit créé notre Sarajevo serbe

 18   de façon à ce que personne ne puisse dépasser les Serbes sur le plan

 19   numérique dans ces endroits. Après tout, Dayton divisait Sarajevo en zones

 20   occidentales et zones orientales. Cinq communautés locales d'Ilidza

 21   devaient, très concrètement, rester dans la partie orientale, c'est-à-dire

 22   la partie serbe de Sarajevo. Il y avait aussi des municipalités entières,

 23   comme celle de Pale, qui devaient rester serbes. D'autres, telles les

 24   municipalités de Trnovo, Stari Grad ou Centar, restaient serbes en partie.

 25   Q.  Est-ce que vous aviez conscience des inquiétudes créées sur le plan

 26   démographique eu égard au taux de natalité des Musulmans et à la

 27   prolifération, ou en tout cas à l'augmentation de la population musulmane

 28   en Bosnie-Herzégovine, en particulier dans les régions de Bosnie-


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  1   Herzégovine que les Serbes considéraient comme faisant partie de leur

  2   territoire sur le plan ethnique ?

  3   R.  A Ilidza, nous disposons des éléments du recensement de 1991. Nous

  4   connaissons donc la composition ethnique d'Ilidza, le nombre de foyers

  5   vivant à Ilidza, le nombre de têtes de bétail, tous les renseignements.

  6   Mais je ne suis pas un expert. Je n'ai jamais pensé au taux de natalité, je

  7   n'ai aucune connaissance particulière à ce sujet, d'autant plus que mes

  8   parents ont eu dix enfants, moi-même étant le septième.

  9   Q.  Aviez-vous conscience du fait que d'autres personnes réfléchissaient à

 10   ce taux de natalité ? Parmi ces personnes, on trouvait un certain nombre de

 11   dirigeants bosno-serbes qui s'inquiétaient du taux de natalité des

 12   Musulmans, ce dont avaient conscience les autres membres du SDS et autres

 13   représentants du pouvoir de la Republika Srpska.

 14   R.  Ecoutez, je ne peux pas répondre à de telles questions en lieu et place

 15   de tierces personnes, mais ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui encore, les

 16   Musulmans ont une natalité assez faible et que sur ce plan, nous sommes,

 17   nous les Serbes, tout à fait à égalité avec eux, les Musulmans, ou coude à

 18   coude, je dirais.

 19   Monsieur Tieger, ce genre de questions ne me plait vraiment pas

 20   beaucoup. A l'époque, je n'avais même pas le temps de réfléchir à ce genre

 21   de choses. Et d'ailleurs, ce n'était pas nécessaire de réfléchir à ce genre

 22   de choses.

 23   Q.  Je comprends tout à fait que ce soit votre position, et je ne

 24   souhaiterais pas du tout que vous vous lanciez dans des conjectures.

 25   Reprenons le compte rendu de la 17e séance de l'assemblée, à laquelle

 26   vous avez été présent. Vous nous avez dit précédemment que M. Ostojic était

 27   le président du Conseil exécutif du SDS, que c'était quelqu'un qui vivait à

 28   Ilidza et qui était "à notre disposition sans limites." Il a pris la parole


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  1   lors de cette séance. Le saviez-vous ?

  2   R.  Oui, c'est exact de dire que M. Ostojic était quelqu'un d'Ilidza, qu'il

  3   habitait là et qu'à tout moment, il était disponible et on pouvait entrer

  4   en contact avec lui. Mais je ne sais pas ce qu'il a dit à l'assemblée. Ce

  5   que je sais, c'est que M. Ostojic a épousé une Musulmane, ça, je le sais,

  6   et je sais aussi que cette femme, avec ses deux fils, a passé toute la

  7   guerre avec nous au cœur d'Ilidza, dans la cité de Vito.

  8   Q.  C'est tout à fait intéressant, mais ce n'est pas exactement la question

  9   que je vous ai posée.

 10   Monsieur Prstojevic, à la 17e séance de l'assemblée, M. Ostojic a parlé

 11   d'un certain territoire et du nombre de Serbes, du nombre de Musulmans, des

 12   pourcentages de Serbes, Musulmans et Croates. Et je le cite, il dit :

 13   "Vu le taux de natalité, dans dix ans nous aurons perdu même le pourcentage

 14   que nous avons aujourd'hui."

 15   Page 81 en anglais et page 83.

 16   Est-ce que vous vous rappelez cela ?

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi. M. Tieger semble être en train

 18   de récuser son témoin. Je souhaite que la Chambre lui en donne permission

 19   ou non.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Premièrement, comme la Chambre l'a déjà fait

 21   remarquer, on ne peut pas le savoir d'avance, donc on ne peut pas le savoir

 22   avant que le témoin ait répondu. Le témoin peut me remercier de lui avoir

 23   rafraîchi la mémoire là-dessus. Donc il se pourrait que ce soit des

 24   éléments complémentaires qui seraient apportés et qui contrediront la

 25   position du témoin.

 26   Deuxièmement, encore une fois, je ne pense pas qu'il y ait de système

 27   judiciaire où que ce soit, dans quelque pays que ce soit, qui exige que

 28   l'une des parties au procès soit amenée à s'adresser à la Chambre pour


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  1   demander l'autorisation sur la nature de son interrogatoire au cas par cas,

  2   question par question. Je m'en remets tout à fait à la Chambre. La Chambre

  3   est déjà au courant de ce problème qui s'est posé, a approuvé la manière de

  4   laquelle j'interrogeais, et je pense que la Chambre souhaite recevoir des

  5   éléments d'information dont elle a besoin.

  6   Si M. Robinson continue à interrompre à tout moment, cela aura d'autres

  7   conséquences. Je pense que cela est non seulement inefficace, mais je pense

  8   aussi que finalement, cela réduira la valeur du témoignage.

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, on ne peut pas dire

 10   que M. Robinson se lève tout le temps.

 11   Et de manière générale, si pendant un interrogatoire principal il y a

 12   des questions qui sont posées pour préciser une réponse, c'est quelque

 13   chose de tout à fait naturel. Là, cependant, où il y a des contradictions,

 14   des points où le témoin ne maintient pas ce qu'il avait dit précédemment,

 15   il s'agit d'une récusation. Tout à fait, je suis d'accord avec vous que

 16   l'on ne peut pas le savoir tant que le témoin n'a pas répondu, donc vous ne

 17   pouvez pas savoir par avance quelle sera la suite.

 18   Pour être efficace, je dirais qu'effectivement, il nous semble que

 19   vous allez vous engager sur la voie de la récusation, et la Chambre doit

 20   vous en donner l'autorisation. Si vous allez le faire de manière, disons,

 21   tranchée, ce serait peut-être utile de présenter un document où le témoin

 22   se contredit entièrement.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Je vous remercie. Je vais essayer de

 24   procéder d'une manière à la fois efficace et transparente.

 25   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous n'êtes pas devant un jury, donc

 26   nous allons devoir prendre en considération l'ensemble des éléments à la

 27   fin de la présentation des moyens.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je suis d'accord.


Page 13252

  1   Q.  Monsieur Prstojevic, la question était de savoir si vous vous souveniez

  2   d'avoir entendu M. Ostojic parler du taux de natalité des Musulmans ou des

  3   Croates lors de cette 17e séance de l'assemblée.

  4   R.  Il me semble vous avoir entendu dire que M. Ostojic en aurait parlé en

  5   page 81 du procès-verbal de cette séance de l'assemblée. Est-ce que c'est

  6   bien cela ?

  7   Q.  Monsieur Prstojevic, page 81 en anglais. Page 83 en B/C/S. Mais je ne

  8   vous invite pas à lire pour le moment. Je vous demande si vous vous en

  9   souvenez.

 10   R.  Non, je ne m'en souviens pas, parce que c'est en page 68 que l'on

 11   trouve ce que j'ai dit. Page 68 en serbe. Monsieur Tieger, je souhaite dire

 12   la chose suivante : en 2003, j'ai bien dit à vos enquêteurs qu'à la fin du

 13   discours, il a fallu que je quitte la séance parce que j'avais un

 14   empêchement. Mais maintenant, vous maintenez la même pratique que vous

 15   aviez eue dans le procès de M. Krajisnik : vous avancez que j'aurais

 16   déclaré telle ou telle chose lors de l'audition, d'une certaine façon,

 17   alors que dans ma réflexion j'ai pu établir, aussi grâce aux documents que

 18   j'ai sur moi, les documents depuis deux jours, qu'effectivement, ce n'est

 19   pas ce que j'ai dit.

 20   J'interprète cela comme une manière que vous avez d'exercer des

 21   pressions psychologiques sur moi. Cela m'empêche de me concentrer, cela

 22   m'empêche de réfléchir et m'empêche de répondre correctement au mieux de

 23   mes souvenirs et de mes connaissances aux questions qu'on me pose. Donc je

 24   n'ai pas entendu M. Ostojic parler de cela.

 25   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur le Témoin, nous

 26   n'avons pas un temps illimité à notre disposition. Ce sera utile que vous

 27   répondiez aux questions que vous pose M. Tieger, puis après vous répondrez

 28   aux questions de M. Karadzic.


Page 13253

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  2   M. TIEGER : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Prstojevic, vous vous rappelez, cependant, n'est-ce pas, que

  4   vous avez vu un enregistrement vidéo d'une réunion ou d'un rassemblement

  5   qui s'est tenu en 1991, et M. Ostojic y a pris la parole; c'est bien cela ?

  6   R.  Mais ça, je l'ai vu il y a quelques jours quand je me préparais à venir

  7   témoigner ici à La Haye. C'était le dernier jour des préparatifs. J'ai vu

  8   une réunion du comité local -- en fait, de l'assemblée du conseil local du

  9   SDS de Dobrinja, et c'est là que M. Ostojic a parlé. Il était invité à

 10   cette réunion.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer la pièce 40132.

 12   Je souhaite montrer le tout début de cela pour que nous puissions voir M.

 13   Ostojic.

 14   Q.  Et vous aviez reconnu M. Ostojic comme étant l'orateur ? Là où il tient

 15   à saluer tout le monde au nom du conseil principal du SDS.

 16   R.  On ne voit pas l'orateur à l'image que j'ai sous les yeux. Cependant,

 17   le 2 mars dernier, j'ai vu cet enregistrement vidéo pour la première fois.

 18   Q.  A l'époque, vous avez vu un extrait dans lequel vous avez reconnu M.

 19   Ostojic; c'est bien cela ?

 20   R.  Oui.

 21   M. TIEGER : [interprétation] -- 20:11.4 à 20:21.2, s'il vous plaît, et à

 22   l'intention des interprètes, je précise que c'est à peu près à la page 8,

 23   au milieu de la transcription.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Nous pouvons empêcher ce qui est dans la déclaration d'Izetbegovic.

 27   Il y est dit qu'il y aura un Etat islamique avec 51 % d'entre eux.

 28   Messieurs, c'est ce qu'on nous dit. Nous ne sommes pas pressés. Nous avons


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  1   une philosophie orientale de la vie --"

  2   Inintelligible. Suite :

  3   [voix sur voix] "Mes grands-enfants ne devraient pas vivre dans un

  4   Etat islamique --"

  5   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  6   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons attendre une seconde,

  7   interrompre le visionnage. Cela pourrait aider peut-être les interprètes :

  8   cela se situe un petit peu au-dessus du milieu de la page où l'on voit les

  9   noms Izetbegovic et le chiffre "51 %".

 10   Merci. Donc reprenons. Ce serait peut-être le mieux.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 13   "Nous pouvons empêcher ce qui se trouve dans la déclaration

 14   d'Izetbegovic. Il y est dit qu'il y aura là un Etat islamique avec  51 %

 15   d'entre eux. Messieurs, c'est ce qu'on nous dit. Mais nous ne sommes pas

 16   pressés. Nous vivons d'après une philosophie orientale la vie. Mes grands-

 17   enfants n'ont pas à vivre dans un Etat islamique. Il y a l'intention

 18   d'islamiser la Bosnie, et nous, Messieurs, nous sommes dans une situation

 19   de génocide par la natalité --"

 20   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Le texte s'affiche en anglais.

 21   L'INTERPRÈTE : La cabine française suit les sous-titres anglais sans

 22   entendre l'original.

 23   [voix sur voix] "Messieurs, nous sommes donc dans une situation de génocide

 24   par la natalité. Une famille serbe --"

 25   Interruption de la bande, note de la cabine française.

 26   Poursuite de la traduction des sous-titres :

 27   [voix sur voix] "Une famille serbe, deux personnes, un enfant. Il y

 28   en a deux. Et du côté de la famille de Sejo, il y en a sept. Donc cette


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  1   fixation, cette idée politique absurde du peuple serbe appelée le

  2   yougoslavisme, va disparaître."

  3   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  4   M. TIEGER : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Prstojevic, donc il est fait référence à ce "génocide

  6   prénatal. Une famille serbe, un enfant. Mais du côté du voisin Sejo, il y

  7   en a sept." Donc c'est une référence par rapport au taux de natalité des

  8   Musulmans ?

  9   R.  Ecoutez, je n'ai absolument pas entendu ce que M. Ostojic disait. Je ne

 10   sais pas pour quelle raison, je suppose que c'est pour des raisons

 11   techniques, mais je ne l'ai pas entendu parler.

 12   Deuxièmement, quand j'ai écouté ce discours le 2 mars, de la manière dont

 13   j'ai compris mon rôle, c'était uniquement de déterminer l'identité de

 14   l'orateur. Je n'ai pas vraiment cherché à écouter ses paroles, et j'ai

 15   encore moins noté quoi que ce soit.

 16   Troisièmement, je suis un retraité, je suis quelqu'un qui élève du bétail,

 17   donc ce n'est pas dans mes moyens de commenter un discours prononcé par un

 18   professeur, il me semble que c'était un professeur, M. Ostojic, donc

 19   commenter son discours en 1991. Cela, eh bien, je lui manquerais de

 20   correction si je le faisais.

 21   Ecoutez, je vais vous dire quelque chose. J'ai trois enfants. Mon frère

 22   cadet, il en a quatre. Et ce n'est pas vraiment vrai que les Serbes n'ont

 23   qu'un seul enfant par famille.

 24   Q.  Une dernière question à ce sujet, Monsieur Prstojevic. Est-ce que vous

 25   affirmez que vous n'avez jamais entendu d'inquiétudes exprimées au sujet

 26   d'une situation défavorable pour les Serbes sur le plan démographique, y

 27   compris par rapport au taux de natalité des Musulmans, de quelque membre du

 28   SDS que ce soit ou la direction serbe, direction de la Republika Srpska ?


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  1   R.  Comment voulez-vous que je m'en souvienne ? Ecoutez -- mais maintenant

  2   je me rappelle, j'ai regardé la télévision, la chaîne Belgrade 1, parce que

  3   je peux capter ça, et je me souviens qu'on a parlé pas mal de la natalité

  4   là, mais pas avant la guerre, du tout. Je ne me souviens pas du tout

  5   d'avoir entendu parler de la natalité, et ni pendant la guerre.

  6   Q.  Lors de la 17e séance de l'assemblée, on a parlé de la réunion d'Ilidza

  7   du 18 avril. Quand est-ce que vous avez eu l'occasion de revoir M. Karadzic

  8   après cette réunion ? Vous en souvenez-vous ?

  9   R.  J'ai du mal à m'en souvenir exactement, mais il y a eu des réunions.

 10   C'était surtout pendant la deuxième moitié de l'année 1992. Et lors de ces

 11   réunions, il va y avoir le président Karadzic.

 12   Q.  Je ne parle pas de la deuxième moitié de l'année 1992. Puisque vous ne

 13   vous en souvenez pas exactement, est-ce que cela pourrait vous aider peut-

 14   être d'entendre ce que vous avez dit en  2005 ? Il a été question de cette

 15   réunion du mois d'avril. Vous avez mentionné des réunions qui ont été

 16   organisées par la suite à Pale, et l'on vous a demandé :

 17   "Combien de temps s'est passé entre la réunion d'Ilidza et votre

 18   déplacement à Pale ?"

 19   Et vous avez dit :

 20   "Je ne me souviens pas exactement."

 21   Page 28 en anglais. Page 47 de la pièce 65 ter 22231.

 22   "Je ne m'en souviens pas vraiment, mais je pense que c'était en mai. Mais

 23   ce qui est important, c'est que Vojo Djordjevic était encore commandant du

 24   Corps de Sarajevo-Romanija. Il était à l'époque à Lukavica lorsque nous

 25   sommes allés à Pale. C'était vers le 10 mai à peu près."

 26   Puis, on vous a demandé quelle a été son importance, et puis vous avez

 27   parlé de la chronologie des événements. Et lorsqu'on vous a demandé quelle

 28   était la fréquence de vos déplacements vers Pale, vous avez dit que vous y


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  1   êtes allé de plus en plus souvent au fur et à mesure que la guerre

  2   avançait. Et tout de suite après le 10 mai à peu près, il y a eu, d'après

  3   vous, une autre réunion qui s'est tenue à Pale.

  4   Alors, Monsieur Prstojevic, est-ce que vous pouvez confirmer que c'est bien

  5   ce que vous avez dit, est-ce que cela vous permet de vous rappeler et est-

  6   ce que cela vous permet d'en savoir plus de cette réunion qui se serait

  7   tenue le 10 mai ou à peu près à ce moment-là, réunion à Pale donc, avec M.

  8   Karadzic et avec d'autres intervenants ?

  9   R.  Dans mes documents je dois pouvoir retrouver la date de cette réunion,

 10   mais mon souvenir -- écoutez, ce n'était pas Vojo Djordjevic le commandant

 11   du Corps de Sarajevo-Romanija; c'était Vojislav Djurdjevac, plutôt. Ça, je

 12   l'ai remarqué. Pendant la pause, j'espère pouvoir retrouver cette date. Je

 13   sais que tous les présidents des municipalités de la ville étaient présents

 14   à cette réunion et qu'ils étaient très mécontents de la direction parce que

 15   le siège du gouvernement était resté à Pale. Et je retrouverai dans les

 16   notes plus exactement -- je sais, en fait, que nous avons critiqué la

 17   direction et qu'à son tour, la direction nous a critiqués.

 18   Q.  Là, vous avez dit que de plus en plus souvent, on vous convoquait pour

 19   vous rendre à Pale plus la guerre avançait. Donc, est-ce que vous pouvez

 20   nous dire de quoi il a été question à ces réunions ?

 21   R.  Oui, c'est vrai. Plus la guerre durait, plus il y avait de réunions.

 22   Alors, quasiment toutes les réunions, à l'exception de cette première,

 23   étaient des réunions où on parlait de la situation de sécurité, situation

 24   militaire et situation politique, mais à un très haut niveau, et c'est

 25   surtout lors de cette première réunion qu'il y a eu des dissensions. Donc

 26   c'étaient surtout les questions de sécurité, des questions politiques.

 27   Puis aussi, nous, on voulait obtenir un certain nombre de choses de

 28   la part de la direction. Il nous fallait des moyens logistiques, on avait


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  1   des besoins, des besoins pour l'armée, puis aussi la population avait

  2   besoin de choses. Puis, il était question aussi de la coopération au niveau

  3   local; les autorités civiles d'une part, puis l'armée, le MUP. Et aussi, il

  4   fallait renforcer l'état de droit.

  5   Q.  Il y a eu des contacts directs que vous avez eus. Vous, vous êtes allé

  6   à Pale, notamment, mais est-ce que vous avez également eu des contacts avec

  7   la direction, par exemple dans le cadre de conversations téléphoniques ?

  8   R.  Pour l'essentiel, je dois dire que je me souviens de contacts directs.

  9   Quand les lignes téléphoniques fonctionnaient, bien sûr, l'on s'appelait

 10   par téléphone à chaque fois que cela était nécessaire. Si surtout ils

 11   étaient disponibles, ces représentants des autorités dont on avait besoin

 12   et qui étaient compétents.

 13   Q.  Et les services de téléphone, ils fonctionnaient de façon normale, par

 14   exemple en avril et en mai 1992; c'est bien cela, n'est-ce pas ? Est-ce que

 15   vous avez eu la possibilité de voir de nombreuses conversations

 16   téléphoniques pour lesquelles vous aviez été l'un des interlocuteurs à

 17   l'époque ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais soulever une objection parce que là,

 21   je pense qu'il s'agit vraiment d'une question directrice.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Eh bien, dans un premier temps, il y a déjà eu

 24   une réponse qui a été apportée à la question, donc je peux reposer cette

 25   question compte tenu du nombre de conversations interceptées qui ont été

 26   consultées et qui ont déjà été versées au dossier. Si cela pose problème,

 27   je peux reposer la question, mais nous avons déjà obtenu une réponse et

 28   nous avons une feuille de récolement dans laquelle le témoin confirme qu'il


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  1   a bien pris part à des douzaines de conversations interceptées dont nous

  2   avons vu le texte. Il vous appartient d'en décider, Monsieur le Juge.

  3   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je voulais tout simplement vous

  4   demander votre avis, mais il me semble que cette question ne fait pas

  5   partie de la catégorie des questions directrices. Vous avez présenté une

  6   option, deux options en fait, ensuite vous avez posé une question. Si vous

  7   pouvez reformuler, je pense que ce serait mieux.

  8   M. TIEGER : [interprétation]

  9   Q.  Eh bien, voilà ce que j'aimerais savoir étant donné que le témoin a

 10   déjà répondu à la question -- voilà ce que j'aimerais  savoir : est-ce que

 11   vous pourriez, je vous prie, nous donner un exemple; donnez-nous le nom des

 12   personnes avec qui vous étiez en contact ? Est-ce qu'il s'agissait, par

 13   exemple, d'organes, d'organisations ? Je pense, par exemple, à des

 14   responsables de la JNA, à des responsables du MUP, à différentes autorités

 15   politiques à Pale, et je pense également à d'autres dirigeants municipaux

 16   dans la région de Sarajevo, ce genre de choses. Pourriez-vous nous donner

 17   les noms de personnes avec qui vous étiez en contact, soit en faisant

 18   référence aux conversations précises que vous avez écoutées l'autre jour,

 19   soit en faisant référence à d'autres auxquelles vous penseriez maintenant ?

 20   R.  Au niveau local, je dirais qu'au niveau des municipalités, il y avait

 21   constamment des conversations téléphoniques avec les commandants de

 22   brigades, avec les représentants de la JNA, et ce, jusqu'au 19 mai. Puis, à

 23   partir du 19 mai, c'est des contacts qui ont été établis avec les

 24   commandants du corps, avec des personnes venant d'une vingtaine de communes

 25   locales. Et lorsque les téléphones fonctionnaient, il y a eu des contacts

 26   avec notre gouvernement à Pale, avec les dirigeants à Pale. Si le besoin se

 27   faisait sentir, nous n'hésitions pas à appeler les dirigeants à Pale, et

 28   j'entends par cela les membres du gouvernement, ainsi que certains


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  1   ministres et d'autres hauts fonctionnaires de l'Etat.

  2   Q.  Est-ce que vous avez eu des contacts avec d'autres dirigeants locaux

  3   des municipalités de la région de Sarajevo ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Je vous ai posé une question l'autre jour à propos de la cellule de

  6   Crise. Voilà la question que j'aimerais vous poser maintenant : j'aimerais

  7   savoir si les cellules de Crise ont été remplacées par un autre organe, et

  8   -- premièrement, voilà quelle est ma question : est-ce que la cellule de

  9   Crise a été remplacée par un autre organe ?

 10   R.  Oui, effectivement.

 11   Q.  Et quel était cet organe justement ?

 12   R.  Le commissaire de Guerre.

 13   Q.  Bien. Et est-ce que le commissaire --  qui était le commissaire de

 14   Guerre à Ilidza, et est-ce que cette personne avait des liens avec les

 15   dirigeants de la Republika Srpska ?

 16   R.  Le premier commissaire de Guerre pour la municipalité serbe d'Ilidza et

 17   pour la municipalité serbe de Rajlovac était Miroslav Radovanovic. Il avait

 18   une maîtrise.

 19   Q.  Vous --

 20   R.  Il est venu à Ilidza, j'entends par cela qu'il avait été envoyé par les

 21   dirigeants de Pale. Je ne sais pas, d'ailleurs, quel organe a créé le

 22   bureau du commissaire de Guerre. Il s'est présenté et il a commencé à nous

 23   aider dans le cadre de notre travail.

 24   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du commissaire de Guerre pour Vogosca et

 25   Ilijas ?

 26   R.  Il s'agissait du Dr Nikola Poplasen.

 27   Q.  Est-ce que vous saviez que le commissaire de Guerre, M. Radovanovic,

 28   avait été envoyé par les dirigeants de Pale ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et que diriez-vous du contrôle qu'exerçaient les dirigeants de Pale sur

  3   Ilidza ? Comment est-ce que vous le qualifieriez, ce contrôle ?

  4   R.  Il ne faut pas oublier que c'était une époque particulièrement

  5   difficile, particulièrement tourmentée. La confusion régnait. Tout

  6   simplement, nous ne nous connaissions pas. Au sein du conseil municipal,

  7   sur 38 personnes, je n'en connaissais qu'une avant l'établissement du

  8   conseil municipal. Donc il faut savoir qu'en matière de coopération, que je

  9   qualifierais d'horizontale, il y avait quand même certains conflits. Je

 10   pense au personnel de la Défense territoriale; au MUP; à la partie civile;

 11   au commissaire, qui lui se rendait compte de la situation, puis ensuite

 12   coordonnait avec ses supérieurs hiérarchiques. Tout cela pour vous dire

 13   qu'il pouvait critiquer quelqu'un, mais il pouvait harmoniser la

 14   coopération également.

 15   Deuxièmement, moi je pense que son objectif était véritablement de nous

 16   aider, de faire en sorte qu'il y ait une coopération, parce que la

 17   situation était fort complexe à Ilidza. Il y avait ce que j'appellerais

 18   deux espaces de sécurité publique : il y avait un poste de sécurité au

 19   milieu, il y avait la police frontalière, puis il y avait quatre unités de

 20   police. Donc il fallait véritablement assurer le lien entre tous ces

 21   organes pour que l'ordre public recommence à régner et à prévaloir. Il

 22   fallait savoir qui était responsable si la coopération n'était pas bonne,

 23   mais qui était responsable si quelque chose ne fonctionnait pas bien. Donc

 24   lui, c'était la personne qui fournissait les évaluations, qui nous

 25   évaluait. Je pourrais vous dire qu'il était au-dessus de la mêlée alors que

 26   tous les autres étaient égaux, mais il était au-dessus de nous parce qu'il

 27   pouvait évaluer notre travail, alors que nous, nous ne pouvions pas évaluer

 28   son travail.


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  1   Q.  J'aimerais vous poser une question à propos de ce que vous avez dit en

  2   2005, page 28 pour la version anglaise et 47 pour la version B/C/S. Là, une

  3   fois de plus, vous parlez de réunions avec Pale, et vous dites :

  4   "Et ce qui est encore plus important, c'est qu'il nous avait envoyé un

  5   commissaire de Guerre."

  6   Et ensuite, vous indiquez que Radovanovic a été envoyé à Ilidza, que

  7   Poplasen a été envoyé à Ilijas, et voilà ce que vous dites, je cite :

  8   "Donc les dirigeants de Pale contrôlaient pratiquement, par le truchement

  9   de ces commissaires de Guerre, les dirigeants locaux. Ils avaient été

 10   envoyés dans ces endroits pour être les supérieurs des organes municipaux."

 11   J'aimerais savoir, Monsieur Prstojevic, si cela était exact et si vous

 12   développez votre propos sur l'impact du rôle joué par les commissaires ?

 13   R.  Oui, j'ai dit la même chose, mais formulé de façon différente, car il

 14   est plutôt clair que la personne qui évalue le travail de quelqu'un d'autre

 15   et qui présente un rapport à propos de ce travail a une position supérieure

 16   à celle des dirigeants locaux. Les déclarations, elles sont tout à fait

 17   compatibles l'une avec l'autre.

 18   Q.  Nous avions parlé de réunions. A ce propos, est-ce que vous vous

 19   souvenez d'une réunion qui a eu lieu à Jahorina en septembre 1992 ou à un

 20   moment de l'année 1992 ?

 21   R.  Oui, je m'en souviens.

 22   Q.  Est-ce que vous vous souvenez qui a participé à cette réunion ?

 23   R.  Les plus hauts dirigeants politiques étaient présents. Tout cela était

 24   dirigé par le président Karadzic, et il y avait le président Krajisnik, et

 25   il y avait certains ministres. Je sais qu'il y avait le ministre des

 26   Finances, quelqu'un qui s'appelait Petra. Je ne me souviens pas des autres

 27   ministres. Mais parmi les dirigeants militaires, le général Mladic était

 28   présent, le commandant de toutes les brigades de Sarajevo. Tous les


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  1   présidents municipaux étaient présents également. Les présidents des

  2   Comités exécutifs étaient également présents. C'était quand même une

  3   réunion où il y avait beaucoup de personnes.

  4   Q.  Monsieur Prstojevic, j'aimerais maintenant vous poser quelques

  5   questions compte tenu de l'observation que vous avez lue à propos de la 17e

  6   assemblée, donc je vais vous poser des questions à propos de la division de

  7   Sarajevo. Il avait également été question de savoir si l'on devait avoir

  8   recours aux armes afin de libérer les territoires. Je pense que la citation

  9   exacte était les territoires qui, je cite, "d'après nous, sont les nôtres."

 10   Avant que je ne vous présente le premier document, j'aimerais vous poser

 11   une autre question. Il a été question de la situation démographique à

 12   Ilidza. Où se trouvaient les quartiers musulmans -- non, en fait,

 13   j'aimerais vous poser une autre question : Butmir, Sokolovic Kolonija et

 14   Hrasnica, par exemple, est-ce qu'il s'agissait de quartiers qui étaient

 15   peuplés majoritairement par des Musulmans ?

 16   R.  Notre décision relative à la création de la municipalité serbe d'Ilidza

 17   prise le 5 avril a été prise pour laisser partir des communautés musulmanes

 18   où les Musulmans étaient majoritaires. Alors, il y avait Hrasnica 1,

 19   Hrasnica 2, Sokolovic Kolonija, Butmir, une partie de Donji Kotorac, et

 20   ainsi qu'à Stupsko Brdo et à Donji Kotorac, il y a une partie où les

 21   Musulmans étaient majoritaires. Alors, nous avons également fait fi de Stup

 22   1 et d'Otes.

 23   Non, je vais me corriger. Non, à Stup 1, il y a un quartier qui s'appelle

 24   Doglodi où les Serbes étaient majoritaires. Bien sûr, cela n'a pas été pris

 25   en considération, mais il faut savoir que Stup 1 a été donné aux Croates.

 26   C'est là qu'ils ont formé leur municipalité et le HVO jusqu'à ce que les

 27   Musulmans les en aient chassés, ce dont je vous ai parlé un peu plus tôt.

 28   Pour ce qui est des autres communes locales, il faut savoir qu'elles


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  1   avaient une majorité chrétienne. J'en ai la description, donc je peux vous

  2   donner lecture de tout cela. Il y a des communes locales où il n'y avait

  3   pas un seul Musulman. Il y avait des communautés où il n'y avait pas un

  4   seul Croate.

  5   L'INTERPRÈTE : Les interprètes aimeraient demander au témoin de répéter sa

  6   toute dernière phrase.

  7   M. TIEGER : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Prstojevic, les interprètes n'ont pas entendu la dernière

  9   phrase que vous venez de prononcer. Pourriez-vous la répéter, je vous prie.

 10   R.  Excusez-moi. Ils n'ont pas compris. C'est un proverbe serbe. Lorsque

 11   les gens s'entendent, on dit qu'ils s'entendent comme larrons en foire. Ce

 12   que je veux dire, en fait, c'est que nous avons réussi à rester là sans

 13   avoir de querelle, mais vous savez, ce qui est décidé dans les hautes

 14   sphères politiques, cela est décidé. Mais il faut savoir que les Croates

 15   faisaient l'objet de pressions assez fortes de la part des dirigeants de

 16   Zagreb et de la part des dirigeants de Bosnie pour qu'ils commencent à nous

 17   faire guerre, mais ils savaient que cela n'allait pas dans leur intérêt.

 18   Donc ils savaient que nous n'allions pas toucher leurs territoires, nous ne

 19   voulions absolument pas le faire d'ailleurs, et je les félicite de cela.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, là, attendez, parce que dans sa réponse,

 21   le témoin a fait référence aux relations entre les Serbes et les Croates.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Est-ce que cela est exact, Monsieur

 23   ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Oui, oui. Je parlais

 25   des relations entre les Croates et les Serbes à Ilidza ainsi que des

 26   relations avec les Croates dans la municipalité de Kiseljak, où ils sont

 27   majoritaires. Mais ils ont une frontière avec nous. Il faut savoir que 11

 28   kilomètres de cette frontière est une zone qui n'a jamais été revendiquée


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  1   par quiconque, et d'ailleurs nous n'avons jamais eu d'incidents, il n'y a

  2   jamais eu des débordements. Il y avait des communautés locales à Ilidza

  3   pendant la guerre où il y avait beaucoup plus de Croates pendant la guerre

  4   que pendant la paix; par exemple, la commune de Blazuj, où il y avait

  5   beaucoup de résidences secondaires.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que le document P1006 pourrait être

  7   affiché à l'écran, Monsieur le Greffier.

  8   Q.  Monsieur Prstojevic, je vous avais dit que j'allais vous montrer

  9   quelques documents qui datent de cette époque.

 10   En attendant que la version anglaise ne soit affichée, j'aimerais vous

 11   indiquer, Monsieur Prstojevic, qu'il s'agit d'un document qui émane du

 12   commandement du Corps de Sarajevo-Romanija.

 13   Puisque je vais présenter toute une série de documents à ce sujet, Monsieur

 14   le Juge, je ne sais pas si vous voulez faire la pause un peu plus tôt que

 15   prévue. Je vois que le greffier semble penser qu'il s'agit d'une très bonne

 16   idée, puisque visiblement, ils ont un petit problème technique.

 17   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, je pense que c'est

 18   effectivement une très bonne idée. Donc nous allons faire la pause

 19   maintenant et nous reprendrons à 12 heures 55.

 20   --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.

 21   --- L'audience est reprise à 12 heures 57.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 24   J'avais demandé l'affichage d'une pièce, la pièce P1006. Je vois qu'elle

 25   est déjà sur nos écrans.

 26   Q.  Et je pense, Monsieur Prstojevic, que vous étiez en train de la

 27   consulter sur votre écran, n'est-ce pas ? Il s'agit du document du 12

 28   septembre 1992, document du Corps de Sarajevo-Romanija.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous ne l'avons pas sur les écrans. Maintenant

  2   ça va.

  3   M. TIEGER : [interprétation]

  4   Q.  Eh bien, je recommence. C'est un document qui porte la date du 12

  5   septembre 1992. Il émane du commandement du Corps de Sarajevo-Romanija, il

  6   est adressé au commandement du poste de commandement du Corps de Sarajevo-

  7   Romanija. Et nous lisons dans le texte :

  8   "Dans le télégramme de l'état-major principal de la VRS du 7 septembre

  9   1992, nous avons reçu des missions émanant de la conférence relative aux

 10   questions militaires et politiques pour la région de la RSK tenue le 6

 11   septembre 1992 à Jahorina."

 12   A laquelle assistaient le commandement de la RSK, les commandants de

 13   brigade, les présidents de l'assemblée municipale, les chefs des bureaux de

 14   recrutement municipaux, les membres de l'état-major principal et les

 15   membres de gouvernement et de la présidence de la République serbe.

 16   D'abord, Monsieur Prstojevic, est-ce que ceci a un rapport avec ce que vous

 17   avez dit précédemment lorsque vous décriviez la tenue d'une réunion à

 18   Jahorina, à laquelle vous assistiez et à laquelle, d'après ce que vous avez

 19   dit, ont assisté également les présidents des municipalités, les présidents

 20   de Conseils exécutifs, et cetera ?

 21   R.  Voyez-vous, ceci était la première réunion de ce genre qui s'était

 22   tenue depuis le début de la guerre, réunion au plus haut niveau. Mais ce

 23   dont je parlais tout à l'heure, c'était d'une autre réunion du même type

 24   que celle-ci qui a eu lieu après celle dont il est question dans ce

 25   document. Après un certain temps, mais je ne sais pas combien de temps

 26   après la réunion dont il est question dans ce document.

 27   Mais eu égard au document que j'ai maintenant devant moi à l'écran,

 28   j'aurai besoin d'en voir la fin pour vérifier qui a signé ce document. Et


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  1   avec mes excuses, j'aimerais rappeler une erreur accidentelle, sinon

  2   délibérée, de M. Tieger, lorsqu'il a dit que devant l'assemblée, j'ai parlé

  3   de la façon de diviser Sarajevo. Ceci est inexact, et on le voit à la

  4   lecture de ce texte, je n'ai demandé à personne comment diviser Sarajevo.

  5   Mais ce que j'ai fait, c'est mettre l'accent sur la nécessité d'un accord

  6   pacifique.

  7   Q.  Nous avons vos propos enregistrés au compte rendu d'audience, Monsieur

  8   Prstojevic, et nous les avons sur papier également. Je suis sûr que la

  9   Chambre prêtera la plus grande attention à tous les renseignements émanant

 10   de votre déposition.

 11   Alors, ce document est signé par M. Galic, commandant du SRK. Et si cela

 12   peut vous aider à vous en assurer, je ne vois aucun problème à ce que l'on

 13   vous montre le bas du document. Voilà, c'est fait.

 14   J'aimerais maintenant que nous parlions des différentes missions qui ont

 15   été définies à l'issue de cette réunion du 6 septembre 1992 à Jahorina,

 16   missions dont on trouve la liste dans ce document, en particulier au

 17   premier paragraphe de la page qui est actuellement à l'écran. Je cite :

 18   "Premièrement, garantir une défense décisive ayant été sur les lignes

 19   atteintes, améliorer la position opérationnelle du corps d'armée," et

 20   cetera, et cetera.

 21   Puis, à la fin, si l'on prend le passage qui commence à la troisième ligne

 22   à partir du bas, nous lisons :

 23   "… et libérer et prendre le contrôle de portions importantes de la ville,

 24   ainsi que des secteurs proches de la ville (Mojmilo, le carrefour de Stup)

 25   et les localités (Donji Kotorac, Hrasnica, Butmir et Sokolovic Kolonija)."

 26   Alors, d'abord, Hrasnica, Butmir et Sokolovic Kolonija, vous les avez

 27   définis comme étant des quartiers musulmans, n'est-ce pas ? Mais qu'en

 28   était-il de Donji Kotorac ? Etait-ce également un quartier musulman ?


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  1   R.  Oui. Et c'est toujours le cas aujourd'hui, selon les termes de l'accord

  2   de paix de Dayton.

  3   Q.  Qu'en est-il de Gornji Kotorac ? Est-ce que c'était aussi un quartier

  4   musulman ?

  5   R.  Kotorac constitue une seule et même communauté locale.

  6   Q.  Mais on voit la mention de Donji Kotorac dans le texte. Qu'en était-il

  7   de Gornji Kotorac ?

  8   R.  Kotorac était une localité locale qui abritait 1 950 habitants, dont 1

  9   153 étaient musulmans, le reste étant composé de chrétiens. Donji et Gornji

 10   Kotorac étaient une seule et même communauté locale. Les Musulmans étaient

 11   principalement concentrés dans Donji Kotorac. Quant à Gornji Kotorac,

 12   c'était une enclave qui se trouvait au milieu d'une population serbe. On y

 13   trouvait à peu près 70 foyers. Et si l'on compte une moyenne de quatre

 14   personnes par foyer, on multiplie par quatre, ce qui nous donne à peu près

 15   un maximum de 300 habitants.

 16   Mais la ligne constituée par Butmir, Kotorac, Donji Kotorac et le

 17   mont d'Ilaca, et cetera, avait une importance stratégique aussi bien pour

 18   les Musulmans que pour nous. C'est pourquoi Gornji Kotorac ainsi que

 19   Srednji Kotorac, le Kotorac moyen, ont été des endroits où l'artillerie n'a

 20   pas cessé d'opérer, et dans la pratique, la population musulmane aussi bien

 21   que la population serbe qui vivait dans ces quartiers a fini par être

 22   évacuée. C'est dans Gornji Kotorac et Srednji Kotorac que l'on trouve le

 23   plus grand nombre de victimes civiles. En fait, il y a eu 41 victimes

 24   civiles, dont deux Musulmans et 39 Serbes dans ces deux quartiers.

 25   Q.  Passons rapidement à un autre document en rapport avec le fait de

 26   libérer certains quartiers d'Ilidza.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Ce document est le document 65 ter numéro

 28   10773.


Page 13269

  1   Q.  Monsieur Prstojevic, il s'agit d'un extrait du procès-verbal de la 2e

  2   séance de l'assemblée de la municipalité serbe d'Ilidza qui s'est tenue le

  3   29 août 1992, comme on peut le lire au début du document. Il est indiqué

  4   que 41 députés ont assisté à cette séance, que vous étiez président de

  5   l'assemblée de la municipalité serbe d'Ilidza et qu'en cette qualité vous

  6   avez prononcé le discours d'ouverture. Après avoir salué les députés et

  7   invités présents, il est dit qu'à l'ordre du jour figurait un discours du

  8   président de la municipalité serbe d'Ilidza qui devait parler de la

  9   situation politique et de la situation sécuritaire. Et nous voyons à la

 10   ligne 5 du "point 1" les mots suivants, je cite :

 11   "Commandement militaire - réalisation des objectifs de guerre, défense et

 12   libération des territoires non encore libérés."

 13   Vous rappelez-vous cette séance, Monsieur Prstojevic ?

 14   R.  Oui. C'est la 2e séance de la municipalité serbe de l'assemblée

 15   municipale serbe d'Ilidza.

 16   Q.  Est-ce que ce qui est écrit au point 1 indique que c'est vous qui avez

 17   parlé aux personnes assemblées ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Quels étaient les objectifs de guerre et quels étaient les territoires

 20   qui n'avaient pas encore été libérés dont vous parlez dans votre discours

 21   d'ouverture ?

 22   R.  Voyez-vous, notre principal objectif de guerre était d'assurer la

 23   défense des régions peuplées par des Serbes, ce qui était loin d'être

 24   facile. Ceci figure à la ligne 4 du texte.

 25   Il importe toujours d'envisager l'avenir avec un optimisme relatif.

 26   Etant donné que les forces musulmanes ne cessaient de nous attaquer, nous

 27   avons formulé des menaces verbales en disant que nous aussi allions nous

 28   mettre à attaquer un certain nombre d'endroits. Mais ça, nous ne l'avons


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  1   jamais fait. Et j'affirme, en me fondant également sur cet ordre de l'état-

  2   major général de l'armée de la Republika Srpska, que nous avons vu tout à

  3   l'heure que jamais les unités du RSK n'ont attaqué Hrasnica 1, Hrasnica 2,

  4   Sokolovic Kolonija ou Butmir pendant toute la durée des actions menées dans

  5   ces secteurs.

  6   Ils ne l'ont jamais fait dans le but de s'emparer de ces localités.

  7   J'irais même jusqu'à dire qu'en vertu de la décision prise par nous de

  8   créer une municipalité serbe, les communautés locales dont je viens de

  9   citer les noms, y compris Stupni Do et Donji Kotorac, faisaient partie de

 10   nos secteurs à ce moment-là. Mais durant les débats parlementaires, si l'un

 11   ou l'autre des députés était mécontent de ce qu'avait dit telle ou telle

 12   personne, nous pensions éventuellement que ces propos n'étaient pas

 13   pertinents et qu'ils ne méritaient pas d'être mis en œuvre et d'être

 14   considérés comme des conclusions officielles. La personne qui a proposé

 15   cette conclusion ne l'a fait que sur le papier.

 16   J'ai été très surpris de voir que c'est ce qu'avait dit l'état-major

 17   général, parce que nous n'étions pas prêts à faire ce qui est indiqué ici,

 18   mais je sais, et on trouve d'ailleurs un libellé à peu près identique dans

 19   les conclusions émanant de cette séance de l'assemblée dont nous sommes en

 20   train de parler, mais en dépit de cela, je sais qu'il n'y a pas la moindre

 21   preuve démontrant que nous aurions lancé une quelconque offensive contre

 22   ces territoires. Vous pouvez d'ailleurs demander aux Musulmans de confirmer

 23   mes dires que je maintiens ici aujourd'hui.

 24   Q.  Il semble que nous ayons un petit problème technique. J'aimerais que

 25   nous passions rapidement à l'examen de la page 2 de ce document. Dans cette

 26   page, au paragraphe figurant au regard du numéro 1, on trouve une mention

 27   qui, je crois, correspond à ce que vous venez de dire lorsque vous avez

 28   évoqué des conclusions. Il s'agit, en effet, de "Proposition de décisions


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  1   prises à la réunion du club des députés." Au petit 1, nous lisons :

  2   "Dans le but de libérer complètement le territoire de la municipalité serbe

  3   d'Ilidza, il importe de coordonner très rapidement les opérations dans le

  4   but de créer une route passant par un corridor qui traverse Lukavica."

  5   Et en vue de mener à bien cette mission, il importe de créer une

  6   coordination entre toutes les unités militaires, le poste de sécurité

  7   publique, et cetera, et cetera.

  8   Quel était le territoire qui était traversé par le corridor dont il est

  9   question ici, corridor qui doit traverser Lukavica ?

 10   R.  J'aimerais lire une phrase que vous avez laissée de côté délibérément.

 11   Elle se trouve dans le deuxième paragraphe et elle se lit comme suit, je

 12   cite :

 13   "Dans le but de mener à bien cette mission importante, il importe d'établir

 14   une coordination entre toutes les autorités militaires," fin de citation,

 15   "et de veiller à créer un commandement uni sur toutes les forces armées,

 16   groupes armés et individus."

 17   J'aimerais souligner que ceci ne corrobore pas quoi que ce soit --

 18   Q.  Non, Monsieur Prstojevic. Avant de poursuivre, j'ai une chose à vous

 19   dire. Je pense que je vous ai traité avec la plus grande courtoisie. Ce

 20   document est actuellement sous les yeux des Juges de la Chambre. J'ai fait

 21   référence à une phrase dans ce document, et je pense qu'il importe de

 22   conserver ici la décence nécessaire des débats. Je l'ai fait et je vous

 23   invite instamment à en faire autant.

 24   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur le Témoin, j'appuie ce que

 25   M. Tieger vient de dire. Le rôle du témoin consiste à répondre honnêtement

 26   et impartialement aux questions qui lui sont posées.

 27   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur le Témoin, je soutiens M.

 28   Tieger dans ce qu'il vient de dire et je soutiens également mes collègues


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  1   de la Chambre.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. Dans ce cas, je présente mes excuses

  3   à M. Tieger.

  4   Pourquoi est-ce que cette conclusion figure dans ce texte ? Dans le

  5   mois où s'est déroulée cette réunion - je vais vérifier la date - la

  6   direction des Serbes avait remis l'aéroport de Butmir de Sarajevo qui

  7   auparavant était sous le contrôle de nos forces, et toute la circulation

  8   provenant de l'ouest d'Ilidza et de l'est d'Ilidza passait par cette piste

  9   d'aéroport. Mais lorsque l'aéroport a été remis aux forces internationales

 10   des Nations Unies, pendant une période assez longue, je ne sais plus si

 11   c'était une année entière ou même davantage, en tout cas pendant une

 12   période assez longue, nous n'avons plus été en mesure de passer par cette

 13   piste de l'aéroport. Au lieu de cela, il est devenu nécessaire de

 14   contourner complètement l'ouest de Sarajevo, le nord-ouest de Sarajevo et

 15   le nord-est de Sarajevo également pour atteindre cet endroit.

 16   M. TIEGER : [interprétation] 

 17   Q.  Monsieur Prstojevic, excusez-moi de vous interrompre. Il apparaît

 18   clairement que vous êtes en train de lire quelque chose qui est écrit dans

 19   un document. Quel est ce document ?

 20   R.  Ce que vous avez sur l'écran devant vous, moi je l'ai ici sur papier.

 21   Et je ne lis pas ce qui figure dans ce texte; je parle de mémoire. C'est le

 22   procès-verbal de la réunion de la 2e séance de l'assemblée de la

 23   municipalité serbe d'Ilidza. Je n'invente rien.

 24   Q.  Non, non, cela ne pose pas de problème. Je voulais simplement savoir ce

 25   que vous étiez en train de faire. Il faut que chacun sache à tout moment ce

 26   qui se passe dans ce prétoire. Je ne tente en rien de vous empêcher de vous

 27   référer à des documents apportés par vous. Mais lorsque vous regardez un

 28   document en particulier, il serait bon que vous nous disiez quel est ce


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  1   document.

  2    R.  Je vais vous le dire. Dans mon cartable, j'ai apporté toutes les

  3   transcriptions de mes auditions de 2003, 2005 et 2006. J'ai donc en

  4   particulier le compte rendu de ma déposition dans l'affaire Krajisnik et

  5   j'ai même les notes de récolement des récolements qui se sont menés avec

  6   vous. Voilà pourquoi j'ai de nombreux documents dans mon cartable.

  7   Deuxièmement, quand je suis arrivé ici, je me suis mis à écrire au

  8   sujet de l'hiver à Ilidza, j'ai donc ces notes sur moi également. Je peux

  9   les consulter chaque fois que la nécessité s'en fait sentir.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une intervention, excusez-moi. Le témoin a dit

 11   : "Je ne lis pas les documents que j'ai sur moi," alors qu'au compte rendu

 12   en anglais il est écrit : "J'ai lu." Une correction est donc nécessaire.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, en effet. Je ne lis pas. Je regarde

 14   simplement et je parle de mémoire. Mais ce corridor de Lukavica a été

 15   discuté pendant une quinzaine de minutes à la réunion de l'assemblée

 16   municipale. En passant par là, le chemin était beaucoup plus court et

 17   épargnait trois heures de transport, et on n'était plus exposés aux tirs à

 18   partir de Lukavica.

 19   Voyons quelles sont les missions assignées au Corps de Sarajevo-Romanija et

 20   à la brigade. Le corridor ne devait être ouvert qu'à la fin de la guerre,

 21   parce qu'entre-temps, la FORPRONU nous avait donné un certain nombre de

 22   lieux de passage à travers la piste de l'aéroport sous son contrôle. Donc

 23   là, il ne peut pas être question de Butmir, parce que Butmir est un

 24   quartier où les gens vivaient en bonne indigence et ils ne nous auraient

 25   pas attaqués même s'ils en avaient reçu l'ordre de la direction.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois encore demander une précision au compte

 27   rendu en anglais. Le témoin a dit : "On tirait sur nous quand on allait

 28   vers Lukavica," alors qu'au compte rendu en anglais il est écrit qu'on tire


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  1   sur Lukavica, "to be opened towards Lukavica." Est-ce que le témoin -- ah

  2   non, "to fire from Lukavica." Donc : "On ne pouvait pas atteindre le

  3   corridor serbe parce que des tirs provenaient de Lukavica." J'aimerais que

  4   le témoin précise ce qu'il a voulu dire sur ce sujet.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour aller d'Ilidza à Rajlovac, puis à

  6   Vogosca, puis à Pale, puis à Lukavica, il fallait trois heures de voyage.

  7   Pendant ce voyage de trois heures, il y avait un certain nombre de lieux

  8   qui étaient couverts par des tirs de tireurs embusqués et des tirs de

  9   mitrailleuses, et celui qui était visé par ces tirs courait un véritable

 10   danger de mort.

 11   M. TIEGER : [interprétation]

 12   Q.  Je vais vous montrer un autre document, Monsieur Prstojevic, mais avant

 13   cela --

 14   M. TIEGER : [interprétation] Je ne présente pas une objection

 15   particulièrement ferme par rapport à l'intervention qui vient d'avoir lieu,

 16   mais je pense qu'il importe de faire remarquer au compte rendu que la bonne

 17   façon d'intervenir dans le but qui était celui de l'intervention en

 18   question consiste à faire remarquer simplement l'existence d'un problème et

 19   à demander une précision plutôt que d'apporter une réponse. Or c'est ce que

 20   l'accusé a fait lorsqu'il a dit qu'il convient de faire ceci ou cela.

 21   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] En principe c'est exact, Monsieur

 22   Tieger, mais par ailleurs, s'il y a une erreur, le plus tôt elle est

 23   signalée, mieux c'est.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Comme je viens de le dire, Monsieur le Juge

 25   Morrison, je n'ai pas de problème particulier par rapport à ce genre

 26   d'intervention demandant une précision au compte rendu d'audience, mais je

 27   pense qu'il importe que l'habitude se prenne de présenter ce genre

 28   d'observation d'une façon qui ne risque pas de poser le moindre problème.


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  1   J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur le document 65 ter numéro

  2   0898 -- ah, et je demande le versement au dossier du document précédent,

  3   Monsieur le Président, le 10773. Egalement, je demande le versement au

  4   dossier de la partie de la vidéo que nous avons vue avant le document

  5   04132.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je puis m'exprimer ? A mon avis, la

  8   vidéo ne doit pas mériter d'être versée au dossier car le témoin s'est

  9   contenté de reconnaître la personne qui parlait. Il n'a rien apporté de

 10   nouveau par rapport aux positions de M. Ostojic sur le fond. Mais je

 11   présente cette remarque pour le principe également.

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Toutefois, le témoin a identifié

 13   l'orateur, et en raison de cela, même si c'est le seul élément qui le

 14   justifie, la vidéo devrait être admise au dossier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Elle devient

 16   la pièce P2448. Quant au document 10773, il devient la pièce P2449.

 17   M. TIEGER : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur Prstojevic, j'aimerais maintenant que nous passions au

 19   document 65 ter numéro 0989. Avant de nous pencher sur le fond de ce

 20   document -- je ne suis pas sûr, d'ailleurs, que ce soit le bon document qui

 21   soit à l'écran actuellement. Mais quoi qu'il en soit, j'aimerais vous poser

 22   encore une question au sujet du corridor dont vous venez de parler. Vous

 23   rappelez-vous à quel moment ce corridor était censé être ouvert, à quel

 24   moment les premières tentatives pour obtenir l'ouverture de ce corridor

 25   ont-elles eu   lieu ?

 26   R.  Une seule tentative a eu lieu et elle a eu lieu au moment où les

 27   Musulmans ont lancé leur offensive de juin 1992. Cette offensive contre

 28   nous a démarré très précisément le 8 juin 1992. Il s'agissait d'une attaque


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  1   qui visait tous les villages et toutes les localités habitées par des

  2   Serbes autour de Sarajevo. Mais en même temps a été lancée une attaque à

  3   partir de l'extérieur. La municipalité de Nova Sarajevo-Lukavica a subi une

  4   attaque féroce, de même que la partie de Lukavica que défendaient les

  5   forces d'Ilidza. Kasindol a été attaquée depuis l'intérieur et depuis

  6   l'extérieur, ainsi que Vojkovici, Grlica, Krupac, la partie centrale de

  7   Kotorac, Srednji Kotorac.

  8   Dans les combats qui ont eu lieu ce jour-là, le 1er Corps a subi les

  9   pertes les plus importantes, selon les renseignements qui ont été fournis

 10   plus tard par l'auteur d'un livre. Une fois que nos forces ont stabilisé la

 11   situation, et ceci a nécessité cinq ou six jours de combats --

 12   Q.  Monsieur Prstojevic, je ne vous demande pas tous les détails relatifs à

 13   la coordination de cette opération. Ce n'est ni le lieu ni l'heure pour

 14   cela. Mais avançons un peu, si vous le voulez bien.

 15   Est-ce que les propositions visant à ouvrir un corridor impliquaient

 16   la perspective d'une attaque contre Butmir ou Dobrinja ?

 17   R.  Contre Butmir, absolument jamais. Mais s'agissant de Dobrinja, je

 18   voulais justement dire ce qui suit : lorsque nous avons repoussé cette

 19   attaque qui a duré une trentaine de jours, les combats ont duré une

 20   trentaine de jours, à ce moment-là, notre armée a lancé une offensive dans

 21   une partie de la localité de Dobrinja ainsi qu'à Dobrinja 1 et Dobrinja 4.

 22   Et c'est à ce moment-là qu'une tentative a donc été faite pour ouvrir le

 23   corridor dont nous parlions.

 24   Les combats en question ont duré quelques jours. Les forces

 25   musulmanes ont été repoussées dans un secteur déterminé, et 2 000 à  2 100

 26   unités d'habitation ont été prises et les forces impliquées sont restées à

 27   cet endroit jusqu'à la fin de la guerre pour assurer la défense. Donc une

 28   tentative a été faite pour créer le corridor.


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  1   Q.  Vous avez dit que Butmir n'avait jamais été attaqué. Est-ce que vous

  2   n'avez jamais entendu parler ou est-ce que vous n'avez jamais envisagé

  3   l'idée d'attaquer Butmir ?

  4   R.  Nous, nous n'avions jamais indiqué ou entendu que nous livrions

  5   bataille contre tous les Musulmans. Plutôt, contre les fanatiques et les

  6   intégristes. Il faut savoir que Butmir c'est un quartier où les gens vivent

  7   depuis très, très, très longtemps ensemble. Si quelqu'un avait voulu

  8   justement investir Butmir, cela aurait été une proie particulièrement

  9   facile pour l'armée serbe. Toutefois, nous nous étions opposés à cela. Tous

 10   les habitants de Butmir étaient absolument opposés à cela. Ce qui fait que

 11   la direction et nous, nous n'avons jamais attaqué Butmir.

 12   Il faut savoir qu'après le premier semestre de 1992, ils ne nous ont

 13   pas attaqués nous non plus, d'ailleurs.

 14   Q.  Bien.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Je vais essayer à nouveau ce document 65 ter

 16   08989. Merci, Monsieur le Greffier.

 17   Q.  Monsieur Prstojevic, voici un document que vous avez déjà vu

 18   auparavant, me semble-t-il. Vous voyez : "Republika Srpska SDS, conseil

 19   municipal du SDS d'Ilidza," et cela est intitulé : "Déclaration du SDS

 20   d'Ilidza sur la façon de travailler en temps de guerre." Vous voyez qu'il

 21   s'agit d'une réunion qui a eu lieu le 6 février 1993 à Ilidza, et le

 22   conseil municipal du SDS d'Ilidza a adopté ce programme de travail. Est-ce

 23   que vous le connaissez, ce document ? Il me semble que vous le connaissez,

 24   n'est-ce pas, Monsieur Prstojevic ?

 25   R.  Oui, je l'ai, je l'ai ce document. Regardez, je l'ai maintenant. Il

 26   s'agit d'un document tout à fait local, effectivement, un document qui

 27   émane du conseil municipal du SDS d'Ilidza. Il s'agit effectivement du

 28   programme de travail du SDS d'Ilidza en ce qui concerne le travail en temps


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  1   de guerre.

  2   Pour ce qui est de ce document, je vous dirais que nous l'avons

  3   adopté à notre propre initiative et personne ne nous a demandé d'adopter ce

  4   document.

  5   Q.  Est-ce que vous le connaissez, ce document ?

  6   R.  Oui, oui, tout à fait. Le voilà.

  7   L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise indiquent qu'ils ont

  8   beaucoup de problèmes à entendre le témoin. Est-ce que l'on pourrait

  9   débrancher les microphones qui ne sont pas utilisés ?

 10   M. TIEGER : [interprétation]

 11   Q.  Pour ce qui est en fait de cette déclaration, est-ce qu'elle n'est pas

 12   conforme à ce que vous compreniez de la position adoptée par les autorités

 13   de la Republika Srpska ou du conseil principal du SDS à l'époque ?

 14   R.  C'est moi qui ai essentiellement rédigé ce texte. Lorsque j'ai écrit ce

 15   texte, je ne savais absolument pas quel était le point de vue du conseil

 16   principal du SDS. J'avais juste une petite équipe à ma disposition et nous

 17   avions tous réfléchi à une ébauche de plan.

 18   Q.  Oui, je comprends tout à fait ceci, mais vous avez insisté pour dire

 19   qu'il s'agissait d'un document local, donc je me suis tout simplement

 20   contenté de vous demander si vous considériez que ce document, que vous

 21   avez vous-même rédigé, était compatible ou incompatible, correspondait ou

 22   ne correspondait pas aux positions des autorités de la Republika Srpska ou

 23   aux autorités du SDS.

 24   R.  Figurez-vous que je n'ai pas véritablement réfléchi à cette question.

 25   Mais non, je pense que les deux sont tout à fait compatibles. N'oubliez pas

 26   que moi, ce qui était au cœur de mes préoccupations, c'était l'intérêt

 27   local.

 28   Q.  Regardez le paragraphe 3, je vous prie. Il y est fait référence à une


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  1   libération de tous les territoires d'appartenance ethnique serbe. Il y est

  2   question de renforcer le contrôle sur ces territoires, et à la dernière

  3   phrase de ce troisième paragraphe, il est question de l'aide très

  4   importante des habitants d'Ilidza qui a été apportée aux Serbes se trouvant

  5   sur les territoires des autres municipalités de Srpsko Sarajevo.

  6   Alors, à quoi faites-vous référence ici précisément ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Puis-je ?

  8   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, nous allons entendre votre

  9   objection.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Tieger, qui est extrêmement érudit, a dit

 11   que cela avait trait à une libération. Mais il s'agit en fait de défense,

 12   parce qu'en fait, il est écrit que la population serbe d'Ilidza dirigée par

 13   le SDS a défendu --

 14   M. TIEGER : [aucune interprétation]

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] -- et non pas libéré, mais donc défendu.

 16   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, qu'en pensez-vous ?

 17   M. TIEGER : [interprétation] Je ne voulais pas interrompre l'accusé de

 18   cette façon, mais j'ai dit en principe que les objections ne doivent pas

 19   être formulées comme elle viennent d'être formulées.

 20   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] M. Tieger a pris les devants,

 21   Docteur Karadzic. Là, vous faites une remarque, une observation, et vous

 22   essayez de présenter un élément de preuve. Ce sont des observations de

 23   votre part qui n'ont absolument aucune valeur pour ce qui est des moyens de

 24   preuve et du document, et je pense que vous vous fondiez pour cette

 25   objection sur un élément qui était tellement ténu que la Chambre n'est pas

 26   en mesure d'accepter cette objection.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux essayer de vous faire

 28   comprendre quel est mon raisonnement ?


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  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, vous avez demandé

  2   si vous pouviez le faire, et je vous dis pour le moment que vous ne pouvez

  3   pas.

  4   Est-ce que vous pouvez laisser M. Tieger poursuivre son interrogatoire

  5   principal. S'il y a bien entendu des questions qui vous tiennent à cœur,

  6   vous reviendrez sur ces questions pendant le contre-interrogatoire. Vous

  7   serez tout à fait libre de le faire à ce moment-là.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

  9   Q.  Monsieur Prstojevic, une fois de plus, j'aimerais vous poser la

 10   question à quoi faisiez-vous référence lorsque vous avez écrit que la

 11   population serbe d'Ilidza a apporté une aide considérable aux Serbes se

 12   trouvant sur les territoires des autres municipalités de Srpsko Sarajevo ?

 13   A quoi faites-vous référence là ?

 14   R.  Eh bien, écoutez, c'est assez clair. Les quartiers serbes formaient un

 15   tout. Lorsque les opérations de combat ont eu lieu, nous avons transféré

 16   les unités de la Défense territoriale d'un quartier ou d'une partie de la

 17   municipalité de la ville vers une autre partie, et ce, à la suite de

 18   l'accord conclu par les commandants de la Défense territoriale ou sur la

 19   base d'accords conclus par les commandants des cellules de Crise.

 20   Si Ilidza n'avait pas transféré ainsi ces forces de la partie est de la

 21   ville à la partie ouest, nous nous serions complètement effondrés.

 22   Q.  Page suivante, je vous prie. Sur la première page, il s'agissait

 23   de la déclaration, et là il s'agit des tâches prévues par ce programme de

 24   travail. Regardez ce qui est écrit juste en dessous du titre :

 25   "Un vautour aux ailes noires est en train de survoler notre

 26   territoire serbe, le territoire serbe sur lequel nous avons vécu depuis la

 27   nuit des temps. Il menace d'anéantir notre nom serbe, notre culture serbe,

 28   les lieux de culte serbes et de transformer la Serbie à Pashalik de


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  1   Belgrade."

  2   Premièrement, quelle est cette référence à ce vautour

  3   aux ailes noires qui survole le territoire serbe ?

  4   R.  Eh bien, voyez-vous, les Serbes s'expriment beaucoup à l'aide de

  5   symboles. Ce dragon dont il est question menace les hommes de mort. Il y a

  6   plusieurs centaines d'années, l'empire serbe s'est désintégré et effondré,

  7   et depuis les poètes ont dit que l'Empire serbe, tout ce que cela

  8   représente pour les Serbes, était menacé à cause d'un dragon à sept têtes.

  9   Ce qui signifie qu'il existait un véritable danger de mort, et je pense à

 10   la survie biologique de notre peuple dans certaines zones.

 11   Alors, là, il s'agit d'une introduction de cette partie du texte, mais elle

 12   est tout à fait véridique, cette introduction, parce qu'il faut savoir

 13   qu'il y a de nombreuses localités qui ont quasiment disparu de la surface

 14   de Sarajevo, où tous les habitants ont été tués. J'avais déjà mentionné

 15   Pofalici.

 16   Q.  Est-ce que vous étiez au courant d'opérations militaires menées à bien

 17   par des Serbes de Bosnie au cours desquelles des civils croates de Bosnie

 18   ou musulmans de Bosnie avaient été tués ?

 19   R.  Oui, je suppose que ce type d'opérations a eu lieu, et à ce moment-là,

 20   nous suivions très, très peu ce qui était diffusé par les médias parce que

 21   nous avions très peu de temps. La guerre faisait rage jour et nuit.

 22   Toutefois, certes, il y a eu des crimes commis probablement par les trois

 23   camps.

 24   Q.  Bien. Nous allons reprendre notre examen du document. Il s'agit donc

 25   des tâches du SDS d'Ilidza et il est question de l'autorité juridique de la

 26   municipalité serbe d'Ilidza, de la façon elle doit être établie. Paragraphe

 27   1.2, plus précisément. Il semblerait qu'une conclusion soit tirée -- mais

 28   il est question de la partie non libérée de Dobrinja, de Vojnicko Polje, du


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  1   Trnovo Serbe, de Butmir, Hrasnica, Sokolovic Kolonija et des parties de

  2   Kiseljak serbe.

  3   Cela faisait partie des tâches que l'on trouve sur ce programme de travail

  4   du SDS d'Ilidza, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, c'est ce qui est écrit ici, et c'est ce qui est écrit par la suite

  6   également :

  7   "Pour parvenir à cet objectif, il faudra protéger le plus possible la

  8   population non serbe loyale, car il y a dans certains quartiers de Kiseljak

  9   700 Serbes qui habitent là-bas."

 10   Cela n'a jamais fait l'objet d'aucun litige entre nous et la municipalité

 11   de Kiseljak. D'ailleurs, je dois dire qu'ils continuent à vivre de nos

 12   jours dans la municipalité de Kiseljak et il n'y a pas eu de guerre. Je

 13   vous ai déjà dit que nous n'avions pas attaqué Butmir. Nous n'avons pas

 14   attaqué Hrasnica et nous n'avons pas attaqué Vojnicko Polje. Je vous ai

 15   déjà parlé de Dobrinja d'ailleurs à cet égard, de certains quartiers de

 16   Trnovo.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges --

 18   Q.  Ah, excusez-moi, vous n'aviez pas terminé, Monsieur ?

 19   R.  Non, je n'ai pas terminé. J'étais en train de vous parler de certains

 20   quartiers de Trnovo. Certains quartiers de Trnovo seront des zones

 21   d'appartenance ethnique serbe libérées en juillet 1993. Toutefois, nous ne

 22   donnions pas des ordres. Nous savons pertinemment qui commence les

 23   opérations militaires. Ce que vous voyez là correspond à notre souhait.

 24   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais maintenant demander le versement au

 25   dossier de ce document.

 26   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, cela sera versé au dossier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2450.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je vous demande juste une petite minute, je


Page 13283

  1   vous prie.

  2   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  3   M. TIEGER : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Prstojevic, j'aimerais attirer votre attention sur certaines

  5   conversations interceptées. Vous les avez déjà lues d'ailleurs, et vous

  6   avez déjà, me semble-t-il, fourni certaines observations à leur sujet.

  7   Notamment, il y en a certaines à propos desquelles des questions vous ont

  8   été posées, et vous avez vous-même demandé la possibilité de formuler à

  9   nouveau des observations. Donc j'aimerais, dans un premier temps, attirer

 10   votre attention sur le document P1086.

 11   J'aimerais vous demander d'examiner rapidement ce document. Je pense que

 12   vous reconnaîtrez cette conversation immédiatement d'ailleurs, parce que

 13   vous avez déjà eu la possibilité de l'écouter et de lire, qui plus est, le

 14   texte de cette conversation auparavant. Donc il s'agit d'une conversation

 15   entre vous et, dans un premier temps, quelqu'un qui s'appelle Mrki, puis

 16   ensuite il s'agit d'un certain Novakovic.

 17   Et comme vous pouvez le constater sur la première page, au bas de cette

 18   première page, voilà ce que vous dites : "Mais pourquoi est-ce que Miki ne

 19   m'a pas appelé ?" Et Milenko répond : "Il vous a appelé pour vérifier

 20   auprès de vous de ces gens à Kotorac." Puis ensuite, Milenko dit : "Qu'est-

 21   ce qu'on doit en faire de ces personnes ?" Et vous lui demandez : "Vous les

 22   avez arrêtées ? Qu'avez-vous fait ?"

 23   Et maintenant je vais demander l'affichage de la deuxième page. Donc les

 24   questions se poursuivent à propos des personnes qui ont été arrêtées. Et

 25   Milenko dit : "Oui, ils sont là-bas sur la route. Ils y sont tous. Les

 26   hommes sont séparés des femmes." Ensuite, il dit : "On vient juste de

 27   m'informer que les hommes sont à la prison de Kula et les femmes sont

 28   parties dans la direction de Butmir." Puis ensuite, il vous dit : "Voilà


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  1   Novakovic. Il va te parler." Puis ensuite, vous lui demandez : "Est-ce que

  2   vous avez nettoyé Kotorac aujourd'hui ?" Il dit : "Oui, oui, ils l'ont

  3   fait. Moi je ne connais pas les détails exacts parce qu'en fait, j'étais

  4   occupé à autre chose." La conversation se poursuit, et vous lui dites :

  5   "C'est bon, mais je te demande pourquoi est-ce que vous avez emmené les

  6   femmes à Butmir ?" Et Novakovic répond : "Non, non. Ils ont dit que les

  7   femmes n'étaient pas à Butmir." Et vous, vous dites : "Non, non, ils ne

  8   peuvent pas aller à Butmir parce que nous allons nettoyer Butmir également

  9   en temps voulu."

 10   Puis, à la troisième page, voilà ce que vous dites : "Butmir sera

 11   complètement débarrassé, nettoyé, tout comme Sokolovic ainsi que Hrasnica."

 12   Et Novakovic, ce à quoi il vous dit : "Ah, bien, écoute, moi je ne

 13   sais pas où les emmener." Et vous lui dites : "Eh bien, il y a Bascarsija.

 14   Eh bien, tu n'as qu'à les emmener à pied là-bas." Novakovic dit : "Ah." Et

 15   vous, vous dites : "Les femmes." Et Novakovic : "Bon, bien." Et vous dites

 16   : "Et les hommes en prison." Et Novakovic : "Eh bien, je vais vérifier

 17   maintenant et je te dirais ce qu'il en est." Et là vous, vous dites :

 18   "Ecoute, dis-leur ceux qui se convertissent à la religion orthodoxe sur-le-

 19   champ, ils peuvent rester, les femmes et les enfants." Novakovic dit :

 20   "Bon, bien, d'accord." Et ensuite, vous, vous dites : "Très bien, fais-le,

 21   mais ne fais aucune erreur. Tu as fait un travail excellent, et cela

 22   signifie qu'en temps voulu Butmir fera l'objet d'un nettoyage. Dis-le aux

 23   gens qui sont là-bas."

 24   Et ensuite, vous vous saluez et la conversation se termine.

 25   Donc, Monsieur Prstojevic, vous vous souvenez avoir eu cette

 26   conversation ?

 27   R.  Je ne me souviens pas de cette conversation. D'abord, en 2003, j'avais

 28   réfuté l'existence de cette conversation, et il m'a vraiment fallu un jour


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  1   entier pour essayer de m'en souvenir. Ce n'est que le lendemain, lorsqu'on

  2   m'avait rafraîchi la mémoire, que je me suis rendu compte de ce qui s'était

  3   passé, que j'ai entendu ma voix. C'est à ce moment-là que je me suis rendu

  4   compte de ce qui s'était passé, en fait, et que j'avais eu cette

  5   conversation. Donc je l'ai accepté. Mais il y a autre chose que j'aimerais

  6   vous dire. Vous venez juste de résumer très sommairement cette

  7   conversation. D'après ce que vous avez dit, moi je suis vraiment plus

  8   coupable que le premier des coupables. Mais si vous développez un peu et si

  9   vous arrivez à une analyse ou une évaluation analytique de ce discours,

 10   vous verrez que les conclusions sont différentes, car il faut prendre en

 11   considération la situation qui prévalait à l'époque. C'est ce que

 12   j'essayais de faire en 2003. D'ailleurs, je l'ai, ceci. Le fruit de cet

 13   effort, je l'ai dans mon attaché-case, parce que j'avais eu assez de temps

 14   pour le faire.

 15   Il faut quand même savoir que c'est le document le plus sérieux pour

 16   Ilidza. Il faut essayer de bien comprendre la situation, parce qu'il y a

 17   des phrases qui ont été omises dans le texte, des mots omis, il y a

 18   également des erreurs de traduction. Moi j'ai maintenant cette conversation

 19   sur papier. Vous me l'aviez donnée en 2005. J'aimerais que la conversation

 20   originale soit entendue par les Juges de la Chambre de première instance

 21   pour que je puisse apporter les corrections indiquées, les omissions qui

 22   ont été faites, et vous fournir une explication analytique de la

 23   conversation que j'ai eue. Je dirais voilà -- voilà ce que j'ai dit, voilà

 24   les paragraphes et voilà ce qu'il en a été.

 25   Q.  Ecoutez, Monsieur Prstojevic. Premièrement, je vous dirais que j'ai lu

 26   le texte. Je n'ai pas, comme vous l'avez dit, résumé. Est-ce que vous

 27   pourriez peut-être indiquer -- parce que vous m'avez dit en fait que je

 28   vous avais noirci, en quelque sorte. Mais est-ce que vous voulez nous lire


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  1   les extraits de cette conversation où vous êtes plus blanc que neige ?

  2   R.  Je vais vous dire que je dors du sommeil du juste et que les gens de ce

  3   quartier, de cette zone, sont venus me rendre visite après la guerre en

  4   tant que voisin. Mais j'aimerais que l'on puisse entendre la conversation,

  5   et ensuite je fournirai des observations à propos de cette conversation.

  6   Pour ce qui est de la Chambre de première instance, j'aimerais leur

  7   expliquer ce que sont les symboles, ce qui est la réalité et ce qui peut

  8   être interprété, parce que même si vous avez lu le texte, parce qu'en fait,

  9   je fais référence "aux femmes et aux enfants". En fait, il s'agit de

 10   personnes fragiles, des personnes qui ne sont pas en âge de porter les

 11   armes. Si vous ne placez pas cela dans le juste contexte de la phrase, vous

 12   ne prenez pas en considération tout ce qui a été dit. Regardez lorsqu'il

 13   est question de la religion orthodoxe.

 14   Si l'on commence par la rébellion des Serbes contre les Turcs au

 15   début du XIXe siècle --

 16   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que le

 17   Procureur souhaite développer ce propos bien précis ?

 18   M. TIEGER : [interprétation] Non, pas particulièrement, Monsieur le Juge.

 19   Si vous souhaitez que l'on entende la conversation interceptée, que cela ne

 20   tienne, puisque apparemment on accuse l'Accusation, on dit que l'Accusation

 21   a omis des extraits de la conversation interceptée et n'a fait référence

 22   qu'à certains passages bien précis. Donc il vous appartient d'en décider.

 23   En ce qui me concerne, ce document se passe d'explication. Il suffit de le

 24   lire. Mais le témoin a toute latitude pour faire des observations à propos

 25   du document. Ce n'est pas la peine non plus d'y passer beaucoup de temps

 26   pour ce qui est de l'examen de ce document, mais il appartient à la Chambre

 27   d'en décider. Mais je ne souhaite surtout pas éviter que l'on diffuse cette

 28   conversation interceptée.


Page 13287

  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez dit en

  2   répondant à la question qui vous était posée au sujet de cette écoute que

  3   vous ne vous souveniez pas. Il me semble que vous dites aujourd'hui, en

  4   tout cas ce sont les mots prononcés par vous, que vous avez participé à la

  5   conversation qui est enregistrée dans cette écoute, mais vous dites

  6   aujourd'hui, n'est-ce pas, que l'intégralité de ce que vous avez dit n'a

  7   pas été consigné dans la transcription écrite ? Est-ce que j'ai bien

  8   compris votre analyse ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, voyez-vous, en 2003, je n'ai pas admis

 10   l'existence de cette conversation dès le premier jour parce que je ne

 11   disposais que de la transcription, et il m'a semblé que ce texte avait été

 12   composé à partir de trois segments différents. Mais en 2003, j'ai admis

 13   qu'il s'agissait d'une conversation entre moi et une personne dont

 14   l'identité n'est pas déterminée, car cette personne s'est présentée à moi

 15   en utilisant un nom de code, et je ne sais toujours pas de qui il s'agit

 16   aujourd'hui. Mais nous n'utilisions pas de noms de code, nous n'utilisions

 17   pas de pseudonymes pendant la guerre.

 18   Aujourd'hui, ce que je souhaite, c'est que cette écoute soit diffusée

 19   de façon à ce que je puisse indiquer quels sont les vocables qui n'ont pas

 20   été interprétés par l'interprète, de façon à ce que je puisse préciser le

 21   sens à donner à cette conversation, expliquer avant tout ce qui s'est passé

 22   dans la région, dans quelles conditions cette conversation a eu lieu. Parce

 23   que cette conversation a eu lieu pendant des combats féroces qui ont fait

 24   huit morts et dix blessés ce jour-là, et toute la partie est d'Ilidza a été

 25   attaquée ce jour-là également.

 26   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, une seconde.

 27   Monsieur le Témoin, est-ce que la réponse à ma question est "oui" ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est une conversation que j'ai avec une


Page 13288

  1   personne dont l'identité n'est pas déterminée.

  2   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci.

  3   Docteur Karadzic.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Deux interventions par rapport au compte rendu

  5   d'audience. A la ligne 24, page 79, le propos n'est pas complet. Le témoin

  6   a dit qu'il s'agissait d'une figure de style de la part de ce poète qui

  7   évoquait la loyauté. Puis, page 81, ligne 5, il faudrait que soit répété le

  8   nombre exact de personnes tuées et de personnes blessées. Je pense que les

  9   chiffres consignés au compte rendu ne sont pas exacts.

 10   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Ceci est vérifiable.

 11   Je reviens à vous, Monsieur Tieger. Ce témoin est un témoin à charge et

 12   c'est vous qui menez l'interrogatoire. La Chambre ne décidera donc pas à la

 13   place de l'Accusation de quelle façon doit se dérouler cet interrogatoire,

 14   mais si le témoin n'est pas satisfait du compte rendu d'audience, c'est une

 15   perte de temps, et cela risque de conduire à un poids diminué pour

 16   l'élément de preuve aux yeux des Juges.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Je vais donc procéder à la diffusion de

 18   l'écoute en question. J'en demande la diffusion. Est-ce que chacun a la

 19   transcription ? Est-ce que les interprètes ont la transcription écrite ?

 20   L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent qu'ils n'ont pas la transcription

 21   écrite.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] C'est une autre possibilité qui me

 23   vient à l'esprit. Que se passerait-il si nous passions à un autre sujet et

 24   que dans l'intervalle, puisqu'il faudra qu'il y ait un certain laps de

 25   temps entre les deux, donc dans les 25 minutes en question, le témoin

 26   compare la transcription avec l'enregistrement audio avec quelqu'un du

 27   bureau du Procureur. Si les deux s'entendent, nous pouvons ne pas revenir

 28   sur la question. Si un problème se pose, alors la question doit être


Page 13289

  1   abordée en temps utile dans le prétoire.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, s'il est possible de

  3   faire diffuser cette conversation maintenant, j'aimerais que cela soit

  4   fait. Je pense que le témoin va apporter son concours de toute façon.

  5   J'aimerais que l'on franchisse cette étape et que l'on passe au reste de

  6   l'interrogatoire ensuite pour arriver à sa conclusion. Cela ne devrait pas

  7   prendre trop longtemps. Cela semble une voie d'achoppement pour le témoin

  8   et j'aimerais donc que nous satisfassions le témoin. Mais voyons si une

  9   transcription peut être fournie aux interprètes rapidement. L'exercice ne

 10   prendra que quelques minutes. Ensuite, je passerai à autre chose.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je intervenir ?

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Si cela est utile, Docteur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense, en tout cas si tout va bien, que la

 14   majorité de mes interventions sont utiles.

 15   J'aimerais que la transcription soit fournie aux interprètes, mais

 16   cela n'apportera pas grand-chose car le témoin a également une objection

 17   par rapport à la traduction.

 18   Est-ce qu'on pourrait entendre les interprètes interpréter de nouveau

 19   la conversation ?

 20   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Si je comprends bien, c'est ce que

 21   nous nous apprêtons à faire, en tout cas c'est l'intention de M. Tieger.

 22   M. TIEGER : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez une transcription écrite de

 24   cette conversation sous les yeux ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Eh bien, peut-être pourriez-vous demander un arrêt de la diffusion au

 27   moment où, d'après vous, il y a quelque chose d'important qui ne figure pas

 28   dans la transcription écrite de cette écoute. Donc, pendant que nous


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  1   écoutons la conversation, vous pouvez nous dire où nous arrêter.

  2   R.  Il y aura pas mal d'occasions de s'arrêter. Là où il y a trois petits

  3   points, je vais le faire, oui, d'accord.

  4   Q.  Faites-le en fonction de ce que vous entendez de la diffusion audio. Et

  5   vous nous indiquerez, n'est-ce pas, ce qui est écrit dans la transcription.

  6   Pouvez-vous déjà nous donner lecture du numéro qui se trouve en haut du

  7   texte de la transcription ?

  8   R.  CD76-9-3/04/026.

  9   Q.  Et le numéro qui est juste au-dessus sur la droite ?

 10   R.  0401-3853. J'ai un peu de mal à lire parce que j'ai écrit quelque chose

 11   par-dessus. Mais oui, c'est ça.

 12   Q.  Cela ira. Merci.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur Reid.

 14   [Diffusion de la cassette audio]

 15   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 16   "Prstojevic : Allô, allô. Oui, bonsoir. Bonsoir à vous. Comment allez-vous

 17   ?

 18   L'inconnu : Ça pourrait aller mieux. Dites-moi.

 19   Prstojevic : Je suis Prstojevic. J'ai besoin de Mrki.

 20   L'inconnu : Mrki n'est pas là, mais Mrki 2 est là.

 21   Prstojevic : Bon, allez, Mrki 2.

 22   L'inconnu : Un instant, je vous en prie.

 23   Prstojevic : Allô, allô.

 24   Milenko : Oui.

 25   Prstojevic : Bonsoir.

 26   Milenko : Bonsoir.

 27   Prstojevic : Comment allez-vous ? C'est Prstojevic qui vous parle.

 28   Milenko : Je suis ici, je remplace Mika.


Page 13291

  1   Prstojevic : Oui. Qui est à l'appareil ?

  2   Milenko : C'est Milenko.

  3   Prstojevic : Milenko ?

  4   Milenko : Oui.

  5   Prstojevic : Pourquoi est-ce que Mika m'a appelé ?

  6   Milenko : C'est Mika qui a appelé pour voir avec toi les gens de Kotorac.

  7   Prstojevic : Oui.

  8   Milenko : Qu'est-ce qu'on fait avec eux ?

  9   Prstojevic : Est-ce que vous les avez arrêtés ? Qu'est-ce que vous avez

 10   fait ?

 11   Milenko : Il y a des gens là-bas. Un instant, un petit instant."

 12   Milenko demande aux gens qui l'entoure de faire silence.

 13   [voix sur voix] "Milenko : Je vous en prie.

 14   Prstojevic : Allô.

 15   Milenko : Oui.

 16   Prstojevic : Où sont ces gens-là ? Est-ce qu'ils ont été arrêtés ?

 17   Milenko : Non.

 18   Prstojevic : Mais…

 19   Milenko : Là-bas sur la route. Ce sont uniquement des hommes en bas et

 20   uniquement des femmes sur la route.

 21   Prstojevic : Ah.

 22   Milenko : Un instant, un instant.

 23   Prstojevic : Et en haut, est-ce qu'il y en a ?

 24   Milenko : Les hommes disent… voilà, je viens de recevoir la nouvelle. Les

 25   hommes sont à Kula, en prison, et les femmes sont parties vers Butmir.

 26   Prstojevic : Passe-moi Tepavcevic [phon].

 27   Milenko : Le voilà. Voilà Novakovic. Il peut parler avec toi.

 28   Novakovic : Allô.


Page 13292

  1   Prstojevic : Allô.

  2   Novakovic : Salut, Nedjo.

  3   Prstojevic : Salut.

  4   Novakovic : Comment vas-tu ?

  5   Prstojevic : Bien. Est-ce que Kotorac a été nettoyée aujourd'hui ?

  6   Novakovic : Oui. Je ne connais pas les détails parce que je vaquais à

  7   d'autres occupations.

  8   Prstojevic : Oui.

  9   Novakovic : C'est comme tu veux. Je peux t'appeler plus tard.

 10   Prstojevic : Mais je t'en prie, je le jure devant Dieu, pourquoi est-ce que

 11   vous avez emmené les femmes à Butmir --"

 12   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 13   M. TIEGER : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur Prstojevic, la Chambre aura la possibilité d'écouter cet

 15   enregistrement audio et d'entendre le son de votre voix et d'entendre la

 16   réponse de votre interlocuteur. Mais pourquoi est-ce que vous ne dites pas

 17   à la Chambre maintenant quel problème vous avez avec cette écoute ?

 18   R.  Il y a des mots qui n'ont pas été transcrits, mais ils n'ont pas

 19   d'importance par rapport à la signification de cette écoute, parce que les

 20   interprètes ont réussi à transmettre tout ce qui était important. C'est la

 21   raison pour laquelle je n'ai pas arrêté la diffusion.

 22   Le même problème se pose à la dernière page, et si vous me permettez,

 23   je vais essayer de vérifier le contenu de cette conversation du mieux

 24   possible car j'ai besoin d'expliquer ce qui s'est passé à Kotorac ce jour-

 25   là et cette nuit-là, la nuit du 22 au 23 avril, parce que c'est important

 26   pour les 300 habitants musulmans de Gornji Kotorac. Tout le reste, c'est

 27   une toute autre histoire. Les témoins auront toute possibilité de le

 28   confirmer ou pas.


Page 13293

  1   Alors, si vous me permettez, je voudrais dire que le 22, quand a eu

  2   lieu la première attaque généralisée sur Ilidza, c'était la première ou la

  3   deuxième des attaques ordonnées par les Musulmans contre les Serbes, nous

  4   avons eu 56 blessés et 11 morts. Mais ce qu'il importe de dire, c'est que

  5   dans cette localité qui abritait 300 habitants --

  6   Q.  Monsieur Prstojevic, je vous ai donné la possibilité d'expliquer

  7   ce que vous souhaitiez expliquer, à savoir de dire ce qui, selon vous,

  8   n'avait pas été transcrit dans la transcription écrite de cette écoute.

  9   Vous avez donc vérifié tout l'enregistrement et sa transcription, et

 10   maintenant vous vous embarquez dans des explications qui ne correspondent

 11   pas à ce qu'il vous a été demandé de faire initialement. Ce n'est pas cela

 12   que je vous demande de faire maintenant, mais j'ai des questions à vous

 13   poser par rapport à tout cela.

 14   Eu égard à ce que les interprètes viennent de nous faire entendre, et

 15   que je crois comprendre que vous avez confirmé, s'agissant de cette

 16   référence au fait qu'il faut tous les emmener à la Bascarsija à pied, est-

 17   ce que vous pourriez nous dire quel était l'endroit mentionné dans cette

 18   partie de la phrase ?

 19   R.  Oui, j'ai dit ça, mais je l'ai dit à un moment particulier de la

 20   conversation. Toute la population civile y avait déjà passé plusieurs

 21   heures, puisque cela s'est passé entre 14 heures 30 et 19 heures, date à

 22   laquelle j'ai eu cette conversation téléphonique. Donc, pendant les heures

 23   séparant 14 heures 30 de 19 heures, toute la population civile était à

 24   Dobrinja ou à Butmir déjà.

 25   Et la Bascarsija, c'est l'endroit qui se trouve quand on prend la

 26   rocade et qu'on passe par le territoire serbe, à une dizaine de kilomètres

 27   à peu près. C'est une partie centrale de la ville où on trouve des artisans

 28   et des petites échoppes qui représentent le symbole même de la partie


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  1   musulmane de Sarajevo sous contrôle musulman.

  2   Dobrinja 1 se trouvait à 300 mètres de l'endroit où nous étions nous-

  3   mêmes. C'est un endroit où des soldats et des civils ont été emprisonnés.

  4   Butmir se trouve à 700 mètres de distance.

  5   Monsieur Tieger, voilà ce que je vous demande : à la ligne 4 de la

  6   transcription écrite, je dis : "Bonsoir." Et dans les deux lignes avant le

  7   bas de la page, je dis encore à deux reprises : "Bonsoir". J'ai accouru

  8   après les combats. Nous avions subi huit morts et 50 blessés. Vous avez les

  9   chiffres sur papier. J'ai constaté que quelqu'un m'avait appelé, quelqu'un

 10   qui n'avait pas été identifié. Donc j'ai lâché mon fusil et j'ai commencé à

 11   parler au téléphone. Aujourd'hui encore -- parce que ce téléphone c'était

 12   le téléphone du poste de sécurité publique de Kula, et tout cela se passe

 13   dans le poste de sécurité publique de Kula. Donc je pense que ce jour-là,

 14   pour une raison ou une autre, quelqu'un a codé cette conversation pour

 15   essayer de me couvrir par rapport à quelque chose qui avait déjà été fait.

 16   Moi je n'essaie pas d'échapper à quoi que ce soit. Les gens qui participent

 17   à une attaque armée sont des participants à des combats et il faut qu'ils

 18   en assument les conséquences.

 19   Mais des gens qui portent des armes et qui utilisent ces armes, des

 20   femmes, des enfants, et nombre d'entre eux qui étaient des appelés mais

 21   qui, en fait, se baladaient à bord de voitures particulières de luxe ou

 22   conduisaient des tracteurs lorsqu'ils voulaient aller quelque part -- il y

 23   avait des appelés qui se conduisaient de cette façon. Moi je ne sais pas

 24   combien ils étaient. En tout cas, ils étaient moins d'une vingtaine, et ils

 25   ont été maintenus en prison pendant une dizaine de jours avant d'être

 26   relâchés ou échangés sans que cela donne lieu aux moindres poursuites en

 27   justice.

 28   Q.  Monsieur Prstojevic, le temps dont dispose la Chambre est limité. Je


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  1   vais maintenant passer à une autre conversation interceptée. La pièce P1492

  2   sur les écrans, je vous prie.

  3   Monsieur Prstojevic, ceci est une conversation interceptée en date du

  4   14 juin 1992. Là encore, c'est une conversation que vous avez eu toute

  5   possibilité d'entendre à plusieurs reprises, mais au sujet de laquelle vous

  6   souhaitez faire des commentaires devant la Chambre. C'est une conversation

  7   entre vous-même et un certain Radomir d'abord, puis ensuite un certain

  8   Dragan Despotovic apparemment.

  9   Voyons d'abord rapidement la question. Vous vous rappelez que cette

 10   conversation a été évoquée dans votre déposition dans l'affaire Krajisnik

 11   et que cette écoute a été discutée pendant le procès Krajisnik ?

 12   R.  Elle m'a été présentée dans l'affaire Krajisnik, mais comme je l'ai

 13   déjà dit, je ne me rappelle précisément d'aucune conversation. J'interprète

 14   les choses d'après la date, mais j'ai dit que personne n'avait été tué et

 15   que personne n'avait été blessé, et que des Musulmans vont rester. Deux ont

 16   été tués uniquement en juin, mais c'est nous qui avons subi les victimes

 17   les plus nombreuses dans la population civile dans toutes les communautés

 18   locales, 39, parce que c'était une zone où les combats étaient absolument

 19   incessants, permanents. D'ailleurs, les 39 morts sont des morts de civils

 20   qui ont tué des gens qui n'avaient pas réussi à partir.

 21   Q.  Passons rapidement en revue cette conversation. Je vous demanderais de

 22   formuler vos commentaires. Ensuite, le temps imparti à l'audience sera

 23   arrivé à son terme.

 24   Passons à la page 2 à l'écran. Vous demandez à Dragan :

 25   "Dis-moi, est-ce qu'ils ont déconnecté tous les téléphones des Turcs

 26   de Kasindol ?" L'interlocuteur dit : "Quoi ?" Vous dites : "Est-ce qu'ils

 27   ont débranché tous les téléphones des Turcs de Kasindol ?" Et Dragan répond

 28   : "Tous les téléphones ont été débranchés." Vous dites : "Ils les ont


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  1   débranchés ?" Dragan répond : "Ils sont en train d'être débranchés." Et

  2   Dragan dit : "Les téléphones de tout le monde." Vous dites : "Est-ce qu'il

  3   y en a qui ont été débranchés avant ?" Dragan répond : "Il y en a qui ont

  4   été débranchés avant."

  5   Et puis, la conversation se poursuit en page suivante. Je cite, vous

  6   dites : "Mais dis-moi ce qu'il en est, s'il te plaît." Dragan dit : "Oui."

  7   Vous : "Qu'est-ce que nous allons faire ? Est-ce qu'il serait bon qu'on y

  8   réfléchisse et qu'on organise les gens d'un côté ou de l'extérieur pour les

  9   chasser tous ? Personne n'a besoin d'être blessé ou tué. Tout le monde a

 10   été chassé." Et Dragan dit : "Ce serait la bonne solution." Vous dites :

 11   "C'est un peu -- enfin, disons que vous avez fait les préparatifs. J'ai une

 12   décision qui date d'avant." Dragan dit : "Eh bien, nous avons essayé une

 13   fois, mais il y avait des gardes et les choses sont restées en l'état." Et

 14   vous dites : "Eh bien, tu ne peux pas. Non, ils sont partis. Ils feront

 15   savoir s'ils sont toujours là. S'ils arrivent, ils iront en enfer, et lui

 16   ira avec eux." Et Dragan dit : "D'accord." Et vous dites : "A bientôt. A

 17   Bascarsija."

 18   Alors, Monsieur Prstojevic, je suppose que vous parlez de la même

 19   Bascarsija que celle dont vous parliez dans l'autre conversation ici ?

 20   R.  C'est la partie musulmane de Sarajevo qui s'appelle ainsi.

 21   Q.  Quand vous parlez d'organiser des gens de l'extérieur pour les chasser

 22   tous, à quoi pensez-vous ?

 23   R.  S'il vous plaît, cette conversation a lieu pendant l'offensive menée

 24   par les Musulmans au mois de juin. Et ce que vous n'avez pas lu ici, c'est

 25   que le village dont il est question -- moi je suis originaire de ce

 26   village. C'est le dernier village quand on va vers Trnovo. Il a une faible

 27   population. Il a été attaqué aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur.

 28   Vous n'avez pas dit que les tirs d'artillerie contre ce village ont été


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  1   assez précis. Dans cette conversation, je parle avec un homme qui est

  2   chargé de la logistique, un peu comme un membre de la Croix-Rouge;

  3   autrement dit, quelqu'un qui n'a pas l'aptitude à porter les armes. Dans ce

  4   village, il n'y avait que 105 Musulmans sur une population totale de 1 703

  5   habitants. Autrement dit, un nombre de foyers --

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir ?

  7   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Non, pas en ce moment, Docteur

  8   Karadzic.

  9   Monsieur le Témoin, est-ce que vous auriez une réponse brève et ferme par

 10   rapport à la question posée par M. Tieger ? Sans évoquer les conditions qui

 11   ont entouré tout cela, qui aviez-vous à l'esprit lorsque vous avez parlé de

 12   personnes de l'extérieur ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, on sait de qui on parle dans des

 14   circonstances de ce genre, quand un endroit est territorialement cerné et

 15   menacé de chute. A ce moment-là, le MUP et la police militaire prennent

 16   leurs jambes à leur cou et arrêtent tous ceux qui sont d'âge à porter les

 17   armes, même s'il s'agit de Serbes. Ils les arrêtent même s'ils sont en

 18   train de s'enfuir de la région pour vérifier s'il n'y a pas une cinquième

 19   colonne qui est impliquée, des traîtres. Ils s'occupent de perquisitionner

 20   la zone et de vérifier qui tire à partir d'où, qui est en train de guider

 21   les pièces d'artillerie, parce qu'on était à Kotlina, là. Quelqu'un devait

 22   nécessairement guider les tirs d'artillerie et corriger la précision des

 23   tirs.

 24   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] La question posée par M. Tieger

 25   portait sur le point suivant, la partie de la conversation qui se lit comme

 26   suit : "Ne serait-il pas bon qu'on y réfléchisse un peu pour voir s'il ne

 27   faudrait pas organiser des gens de l'extérieur pour les chasser tous ?"

 28   Est-ce que vous dites dans votre réponse que cela signifiait que le MUP et


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  1   la police militaire devraient être chargés de les expulser ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Le MUP de la partie occidentale d'Ilidza et la

  3   police militaire, mais, Monsieur le Président, ces gens n'ont jamais

  4   déménagé. Sur les 25 foyers que je connais, il y en a au moins cinq qui

  5   sont restés à nos côtés pendant toute la guerre. L'une de ces maisons se

  6   trouve à 200 mètres de la grand-route, et ce sont des gens qui sont

  7   toujours là. Ils vivent toujours là aujourd'hui, ce qui veut dire que nous

  8   n'avons pas agi comme c'est dit dans cette conversation parce que

  9   l'offensive s'est terminée. Il n'était plus nécessaire d'agir dans ce sens

 10   et rien n'a été fait.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Je vais reprendre la dernière question.

 12   Q.  Monsieur Prstojevic, vous dites que :

 13   "Le lieu dont il est question était en danger…"

 14   On vous a interrogé à ce sujet --

 15   M. TIEGER : [interprétation] Et je pense que j'ai l'autorisation de

 16   la Chambre, dans un exercice de récusation ou de rafraîchissement de la

 17   mémoire du témoin, de dire ce que j'ai à dire.

 18   Q.  On vous a demandé en 2005 de parler de cette conversation, et ceci

 19   figure en page 41 du compte rendu. On vous a posé la question suivante, je

 20   cite :

 21   "Quand vous dites 'emmener des gens de l'extérieur', à qui pensez-vous ?"

 22   Page 41 de la version anglaise et page 77 de la version B/C/S.

 23   Et vous répondez, je cite :

 24   "Par exemple, je pense aux groupes d'Arkan ou de Boban, qui étaient

 25   originaires de Pale, à tout groupe venant de l'extérieur."

 26   Voilà ce que vous avez dit, n'est-ce pas, Monsieur Prstojevic, et c'est ce

 27   que vous pensiez en parlant de "gens de l'extérieur" ?

 28   R.  Ça c'est inexact. Je vais revoir tous ces documents ultérieurement. Je


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  1   vais demander une suspension d'audience immédiatement pour examiner ces

  2   documents. Je n'ai pas dit cela. Vous êtes totalement dans l'erreur,

  3   Monsieur Tieger. Vous verrez, j'ai toutes les réponses que j'ai fournies à

  4   l'époque. Cela figure dans les documents que j'ai dans mon cartable.

  5   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, combien de temps

  6   vous faut-il encore pour votre interrogatoire principal ?

  7   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, si on continue au même

  8   rythme, il me faudra, bien sûr, beaucoup de temps. Je vais relire le compte

  9   rendu d'audience d'aujourd'hui, je vais réfléchir aux positions exprimées

 10   par le témoin, et je peux assurer à la Chambre que je m'efforcerai de

 11   réduire le reste de l'interrogatoire principal au minimum.

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je pensais simplement, sur le plan

 13   des principes, au témoin prévu pour la semaine prochaine. Est-ce qu'il

 14   faudra modifier l'ordre de passage des témoins ?

 15   M. TIEGER : [interprétation] Je suis sûr que ce sera nécessaire étant donné

 16   la durée du contre-interrogatoire qui a été accordé par la Chambre, et

 17   j'apprécie que la Chambre se penche sur cette question. Je m'en tiendrai

 18   très certainement à l'estimation courte que j'ai faite, ce qui me laisse un

 19   temps relativement court pour en terminer, à moins que la Chambre n'ajuste

 20   les allocations de temps du contre-interrogatoire de façon imprévue par

 21   moi. Mais je pense que c'est à ce moment-là que le témoin prévu pour la

 22   semaine prochaine sera entendu.

 23   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Bien.

 24   Nous allons maintenant suspendre et --

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire un mot ?

 26   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Uniquement si c'est véritablement

 27   utile, Monsieur Karadzic, encore une fois.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains que la correction du compte rendu ne


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  1   me lèse du point de vue du temps qui m'a été imparti pour le contre-

  2   interrogatoire, parce que le compte rendu en anglais fourmille d'erreurs.

  3   Par exemple, ce n'est pas le mois de juillet qui devait être prononcé pour

  4   l'offensive dont il a été question; il s'agissait de l'offensive du mois de

  5   juin. Et le nombre n'était pas  1 005, mais 105, ou quelque chose comme ça.

  6   Les Serbes étaient majoritaires, donc ceci modifie considérablement le fond

  7   du problème. Et je crains que je vais devoir consacrer pas mal de temps à

  8   apporter des corrections aux transcriptions et compte rendu d'audience

  9   parce que, véritablement, les documents en question ont été présentés d'une

 10   façon très sélective par M. Tieger. Mais je crains que ceci n'empiète

 11   beaucoup sur le temps qui m'a été imparti pour le contre-interrogatoire.

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Nous allons franchir le pont au

 13   moment où nous arriverons à ce pont. C'est la meilleure des choses à faire.

 14   Nous allons maintenant suspendre et reprendrons mardi à 9 heures du matin.

 15   [Le témoin quitte la barre]

 16   --- L'audience est levée à 14 heures 34 et reprendra le mardi 15 mars 2011,

 17   à 9 heures 00.

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