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2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je souhaite à toutes et à tous un
7 bonjour.
8 Monsieur Karadzic, est-ce que vous souhaitez commencer votre contre-
9 interrogatoire.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Excellences.
11 LE TÉMOIN : KDZ354 [Reprise]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 Contre-interrogatoire par M. Karadzic :
14 Q. [interprétation] Bonjour, Témoin.
15 R. [aucune interprétation]
16 Q. Avant de commencer, je tiens à dire qu'en fait, si j'avais à faire ce
17 que je préfèrerais, c'est de renoncer à tout interrogatoire par respect
18 face à tout ce que vous avez vécu. Et, en fait, j'aimerais que vous nous
19 aidiez à bien comprendre quelle était la situation à Grbavica pendant ces
20 événements-là. Je ne souhaiterais pas aborder véritablement ce qui a été
21 votre pire expérience personnelle. Donc, pourriez-vous nous apporter votre
22 concours pour bien comprendre la nature de ces événements ?
23 Dans votre déclaration consolidée, au paragraphe 7, vous décrivez comment
24 on a pillé des voitures, comment on a pris des voitures, et c'étaient des
25 jeunes qui portaient des masques au visage qui se sont livrés à cela. Cela
26 a duré combien de temps ?
27 R. J'ai mentionné ces masques qu'ils enfilaient et qui couvraient leurs
28 visages. Je pensais à la date du 1er au 2 mars la nuit, et ce que j'ai vu
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1 grâce au média. Donc ça c'était la première chose, puisque c'était tout
2 près, à deux pas de l'endroit où je vivais. Mais par la suite, cela a
3 continué pendant une période, et je ne saurais pas déterminer de manière
4 tout à fait précise. J'ai pu le regarder depuis chez moi, de ma fenêtre. Je
5 les ai vus arrêter, par exemple, une voiture, se mettre au milieu de la
6 rue, chasser la personne qui se trouvait dans le véhicule, forcer la
7 personne à descendre de la voiture en menaçant de fusils. J'ai vu, pas une
8 fois, plusieurs fois des individus, comme ça, restés plantés dans la rue
9 après que leur véhicule a été emmené.
10 Et ça m'a énormément étonné de pouvoir assister à ce type de scène.
11 Cela a duré pendant des jours. Je ne saurais pas vous dire très exactement
12 combien de temps.
13 Q. Merci. J'aimerais savoir si j'ai bien compris qu'on a fait cela
14 également de jour, pas uniquement de nuit ?
15 R. Oui, tout à fait. Ce que j'ai vu, ce que je suis en train de vous
16 raconter, cela s'est passé de jour. La première fois où je l'ai vu, c'était
17 de nuit, parce qu'on a été réveillées par ces voix. Notre appartement n'est
18 pas très élevé, c'est au premier étage. Une fois, on s'était déjà
19 retrouvées avec des vitres brisées dans la pièce où je dormais, donc on a
20 improvisé une protection aux fenêtres. En fait, on était très exposées
21 comme si on avait été directement dans la rue. Donc ces voix, je les ai
22 entendues, et puis j'ai vu cela. Si l'on parle de cela, de ce qui s'est
23 produit la nuit.
24 Q. Merci. Je dois attendre la fin de l'interprétation. Il faut savoir que
25 nous parlons la même langue, donc il nous faut attendre un petit peu. Est-
26 ce qu'on a pu voir quel était l'âge de ces personnes masquées ?
27 R. Je pense que c'étaient des personnes plutôt jeunes. On a pu voir cela
28 d'après leurs mouvements, leurs gestes, leur allure. Peut-être la
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1 trentaine, 25-30 ans, ou légèrement plus âgés, mais je dirais des personnes
2 plutôt jeunes.
3 Q. Merci. En avril, y avait-il des policiers dans la rue, des personnes de
4 sécurité dans la rue, ou quelqu'un à qui on aurait pu s'adresser si on nous
5 prenait notre voiture ?
6 R. Non. Cela se passait si vite qu'on n'avait absolument aucun moyen de
7 réagir, on se retrouvait plantés dans la rue. Je me souviens d'un homme qui
8 avait une espèce d'imperméable au bras et il est resté là à attendre. Peut-
9 être qu'il s'est dit que c'était une espèce de contrôle, un contrôle
10 surprise qu'on lui imposait, mais en fait, on l'a simplement chassé du
11 véhicule, pendant qu'il était encore là à se demander et à regarder. On les
12 voyait repartir vers Vraca, vous savez, le carrefour qui va vers Vraca, à
13 partir de la rue Zagrebacka qui monte vers Vraca.
14 Q. Je vous remercie. Je ne vais pas élaborer cela, mais j'aimerais savoir
15 si vous avez pu savoir par la suite si on a emmené ces véhicules où que ce
16 soit et est-ce que les propriétaires ont pu revoir leurs voitures ?
17 R. Ecoutez, ça me paraît ridicule d'imaginer qu'ils aient pu s'adresser à
18 qui que ce soit pour demander qu'on leur restitue leurs véhicules. Je pense
19 vraiment que ce n'était pas envisageable.
20 Q. Au paragraphe 22 de votre déclaration consolidée, vous dites qu'à la
21 fois les Serbes et les Musulmans ont quitté en grand nombre Grbavica à
22 l'époque pendant la période où on a pu partir de Grbavica. Est-ce que c'est
23 ce que l'on peut affirmer ?
24 R. Oui, on pourrait dire cela. Les gens partaient, mais il n'y avait pas
25 vraiment de règles. Parfois il y avait des gens qui prenaient leurs
26 affaires, mais parfois ils n'en prenaient pas beaucoup. Donc, est-ce que
27 c'était fonction de ce qu'ils savaient, est-ce que c'était fonction de ce
28 qu'ils supposaient sur la suite des événements.
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1 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire à peu près jusqu'à quel
2 moment on a pu partir sans demander une autorisation, sans que ce soit
3 organisé ? Jusqu'à quel moment est-ce qu'on a pu circuler, donc quitter
4 Grbavica et revenir ?
5 R. Ecoutez, le mieux c'est que je vous parle de moi-même. Le 27 mai -- ou
6 plutôt, le 26, j'ai essayé de traverser avec ma sœur, il faut savoir que
7 ses proches étaient déjà passés en passant par le pont de la fraternité et
8 de l'unité. Ils sont passés chez de la famille de l'autre côté. Il nous
9 restait encore un petit peu de nourriture, de vivres à la maison, et on
10 s'est dit qu'on voulait tout prendre, tout ce qu'on pouvait apporter à ses
11 enfants, parce que c'est ça le plus important, qu'eux ne soient pas privés.
12 Il n'y avait pas énormément de choses, mais enfin, ce qu'on peut trouver
13 dans un ménage.
14 Donc, ce jour-là, on n'y est pas parvenues parce qu'il y avait des gardes,
15 il y avait des hommes qui montaient des gardes partout. On nous a arrêtées.
16 On nous a demandé où on voulait partir. On a expliqué qu'on souhaitait
17 passer de l'autre côté. On nous a dit que ce n'était pas possible, et donc
18 on y a renoncé. Le lendemain, le 27, on a essayé de nouveau et - comment
19 dirais-je ? - on a eu de la chance, on a pu le faire. On est passées par un
20 contrôle. A un moment, un homme nous a posé des questions -- il y avait là
21 des magasins. Tout était ouvert, on était en train de prendre des choses à
22 l'intérieur. Mais bien sûr qu'on ne réagissait pas en voyant cela. On
23 essayait plutôt de ne pas regarder, de ne pas voir. Donc là, on a pu
24 atteindre le pont. C'est une passerelle, en fait, qui mène vers l'hôtel
25 Bristol, et on est passées de l'autre côté.
26 Q. Merci. Mais lorsque vous dites : "On était en train de prendre des
27 choses à l'intérieur," est-ce que c'était du pillage ou de l'achat ?
28 R. Mais c'étaient des pillages. Tout était éventré. Les vitrines brisées.
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1 Des cartons éventrés, ouverts, des chaussures dispersées par-ci, par-là,
2 toutes sortes d'objets divers. Mais l'espace n'est pas très important,
3 c'est une très grande densité d'habitations, de bâtiments, de magasins
4 également à ce moment-là.
5 Q. Merci.
6 Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,
7 Messieurs les Juges [comme interprété], pourrait-on prévenir Mme le Témoin
8 de ménager une petite pause pour que l'interprète puisse suivre.
9 M. LE JUGE MORRISON : [aucune interprétation]
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.
11 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous n'êtes pas habituée à faire
12 cela, il n'y a pas lieu de présenter vos excuses. C'est tout à fait naturel
13 d'engager une conversation lorsque vous parlez la même langue avec votre
14 interlocuteur. Mais même si nos interprètes sont tout à fait exceptionnels,
15 il est tout à fait normal qu'ils ne puissent pas faire l'impossible.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je continuer ?
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Vous êtes revenues le même jour ?
19 R. Oui, nous sommes revenues le même jour. Je ne peux pas vous dire
20 exactement à quelle heure, mais à en juger d'après la panique qui régnait
21 dans la ville, nous avons pu comprendre qu'il se passait quelque chose.
22 Mais nous nous trouvions dans un quartier où les téléphones ne
23 fonctionnaient pas, donc je parle du quartier de Ciglana. A notre retour,
24 nous sommes tombées sur un de mes collègues de travail et il m'a demandé ce
25 que je devenais, où je me trouvais, et il m'a demandé : Où vas-tu
26 maintenant ? Je lui ai dit : Je rentre chez moi. Il m'a demandé si j'étais
27 normale, si j'étais au courant de ce qui venait de se produire ce jour-là.
28 Véritablement, je ne savais rien, je n'étais au courant de rien. On a pris
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1 la rue de Kosevo vers le bâtiment de la présidence, et là on a vu des
2 scènes atroces. Je ne pense pas pouvoir oublier cela. Des voitures de
3 différentes sortes, des ambulances, des véhicules privés qui avançaient
4 vers l'hôpital avec leurs sirènes d'alarme. Après, on a appris qu'il y
5 avait eu cet obus et que le massacre s'était produit, que l'on sait, et
6 deux des professeurs que je connaissais sont tombés -- non, attendez. Il y
7 en a un qui a été blessé, Milan Banjac, puis un autre qui avait été mon
8 professeur de mathématiques, lui a été tué à ce moment-là.
9 Nous sommes revenues. Il nous a fallu pas mal de temps. Il a fallu franchir
10 des - comment dirais-je ? - il a fallu courir lorsqu'on traversait la rue.
11 Il y avait déjà un certain nombre d'endroits où on a monté des protections
12 improvisées face aux tirs. On a couru, donc. J'avais des problèmes avec ma
13 sœur, parce qu'il faut dire que j'avais toujours été la plus courageuse de
14 nous deux. Là, il a fallu que je revienne parfois pour l'encourager pour
15 continuer. Donc nous sommes arrivées au petit pont et nous l'avons
16 retraversé.
17 Q. Merci. Plus tard, votre sœur est partie définitivement avec sa famille;
18 c'est bien cela ?
19 R. Oui. Ma sœur est partie rejoindre sa famille parce que, comme je vous
20 l'avais déjà dit, ses proches s'étaient déjà déplacés vers Ciglana. En
21 fait, le problème que j'avais, c'était celui de ma mère; si je n'ai pas
22 quitté Grbavica, c'est à cause d'elle. Mais je n'ai pas pu convaincre ma
23 mère de partir. Elle était sûre qu'on n'allait pas avoir de difficultés.
24 Puis, si je suis revenue ce jour-là, peut-être que je ne serais pas revenue
25 si on avait pu lui parler par téléphone. Parce qu'il faut savoir qu'à peu
26 près jusqu'au mois de juin les téléphones ont fonctionné chez nous. Mais ce
27 jour-là, avec ma sœur, je n'ai plus pu parler au téléphone avec ma mère. Je
28 me suis dit qu'elle devait être très inquiète, qu'elle se disait qu'on
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1 était quelque part en train de se mettre dans une queue pour acheter du
2 pain parce que c'était ça déjà qui posait problème. Donc je suis revenue
3 principalement à cause de ça, et je suis restée avec ma mère jusqu'à ce que
4 ma sœur parte, et c'était un départ dramatique, comment dirais-je.
5 Q. Très bien. Merci. Je vais vous inviter à m'apporter des réponses plus
6 brèves puisque nous n'avons pas beaucoup de temps, et là vous pourrez me
7 répondre par un oui ou un non.
8 Est-il exact de dire, et il me semble l'avoir lu quelque part dans
9 vos déclarations, que dès cette période-là il n'y avait plus de pain à
10 Grbavica, que depuis la partie fédérale de Sarajevo le pain n'arrivait plus
11 ?
12 R. Oui, c'est quelque chose que j'ai déjà décrit. Donc c'est devant
13 Mis qu'on recevait du pain. Ceux qui sont de Grbavica savent que c'est au
14 carrefour vers Vraca. Donc on faisait la queue. C'est là que le pain
15 arrivait. On attendait son tour pour prendre du pain. Je vous parle
16 maintenant de la période qui suit le 11 juin. Jusqu'à ce moment-là on
17 pouvait avoir du pain -- il y avait des hommes en armes à côté, mais s'il y
18 avait du pain, on en prenait, on était contents, on avait de la chance.
19 Puis, sinon, il fallait se débrouiller autrement.
20 Q. Merci. Combien de fois êtes-vous sortie, vous personnellement, de
21 Grbavica pour y retourner par la suite ?
22 R. Vous voulez dire pendant cette période-là ?
23 Q. Oui.
24 R. C'est le 27 mai que je suis sortie pour la dernière fois, et après le
25 retour que j'ai fait à cette occasion-là, je ne suis plus sortie. En juin,
26 cependant, je n'ai pas pu aller plus loin que cette sorte de commandement
27 situé au niveau du Soping.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mme le Témoin a parlé du 27, or le compte rendu
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1 d'audience nous parle du 25. Donc il convient de corriger cela.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Vous auriez tenté à plusieurs reprises de quitter Grbavica et vous
4 n'auriez pas eu l'autorisation de le faire, d'après ce que vous dites dans
5 votre déclaration. Alors, dites-nous, s'il vous plaît, quelle était la
6 procédure, décrivez-nous cela brièvement, pendant la deuxième moitié du
7 mois de juin lorsqu'on voulait quitter Grbavica ? D'après vos souvenirs,
8 comment cela se passait-il ? Fallait-il être placé sur une liste ? Est-ce
9 que dans la partie fédérale on dressait des listes ? Comment est-ce qu'on
10 s'y prenait pour pouvoir prendre l'autocar par le pont de fraternité et de
11 l'unité ?
12 R. Non, on ne peut pas parler de la partie fédérale. Là, je vous parle de
13 moi, de mon cas personnel. Je suis complètement isolée. Je n'ai pas de
14 téléphone. On nous a coupé la ligne, on nous a même cassé les téléphones.
15 Donc je n'avais aucun moyen de contacter qui que ce soit.
16 Mais j'avais une jeune voisine qui, peu de temps après sa sortie de
17 Grbavica, est morte tuée par un obus. En fait, elle est venue nous voir
18 chez nous, elle avait appris ce qui nous était arrivé à moi et à ma mère,
19 et elle nous a dit que si on voulait figurer sur une liste c'était
20 possible, que cette liste allait être adressée à ce commandement. Donc elle
21 nous a dit : Donnez-nous vos pièces d'identité. Moi je lui ai répondu :
22 "Amila, nous n'avons plus de pièces d'identité et je ne peux pas faire
23 cela."
24 Q. Merci. Mais auriez-vous appris qu'à différents moments il y a eu des
25 départs lorsque les Serbes pouvaient partir de la partie fédérale vers
26 Grbavica, et vice-versa pour les Musulmans, et que cela se passait en
27 empruntant le pont de fraternité et d'unité à bord d'autocars ?
28 R. Pas pendant cette période-là.
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1 Q. Mais quand ?
2 R. Plus tard, à partir du moment où on pouvait traverser le pont, on se
3 faisait enregistrer, on demandait une autorisation et on pouvait même
4 emporter ses effets personnels, pas beaucoup mais quelques effets
5 personnels. Mais ça, ça se situe en 1994, dirais-je.
6 Q. Merci. Alors, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous parler des insignes
7 que vous avez vus arborés par ces jeunes hommes en armes ? D'abord,
8 qu'avaient-ils aux couvre-chefs ?
9 R. Ecoutez, il y a eu des périodes différentes. Il y a eu des symboles
10 différents. Il y avait des cocardes, des couvre-chefs avec, au départ, des
11 étoiles à cinq branches, ce qui semblait vraiment ridicule, parce que je
12 dois dire que j'avais toujours eu une vision plutôt positive de la JNA.
13 Puis ensuite, on a vu aussi des insignes aux chemisiers et aux anoraks qui
14 avaient un drapeau, et il y avait l'inscription "Armée de la Republika
15 Srpska". C'était une inscription en toutes lettres. Une fois, on nous a mis
16 un autocollant qu'on nous a apposé sur notre porte, cela signifiait que
17 l'appartement avait été inspecté par l'armée de la Republika Srpska.
18 Q. Merci. Autrement dit, cela signifiait qu'il n'y avait plus lieu de
19 refaire des contrôles ?
20 R. Oui, c'était l'interprétation que j'en avais faite. Mais nos voisins
21 nous ont dit que nous étions obligés d'apposer notre nom à la porte et
22 qu'il fallait qu'on puisse toujours voir notre nom, parce qu'on a toujours
23 qu'il y avait là des Musulmans, et il y avait des informations qui
24 circulaient régulièrement pour informer quelqu'un de ce fait-là. Donc on a
25 dû mettre notre nom, et c'est ce qu'on a fait.
26 Q. Alors, ces fouilles qui se produisaient pendant les week-ends, qui
27 étaient les gens qui les faisaient ? Quels étaient leurs insignes ?
28 R. Il y avait des soldats en uniforme. Mais comme il y a eu beaucoup
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1 d'occasions où cela s'est reproduit, je ne pourrais pas vous décrire tous
2 ces hommes. Parfois c'était un mélange de vêtements civils et d'uniformes;
3 par exemple, une pièce d'uniforme en haut, puis un pantalon civil en bas.
4 Mais au moins, nous avons toujours reçu des visites de deux hommes à
5 chaque fois, et toujours c'est la même peur quand ils se présentent.
6 Toujours ce sentiment inexplicable, alors qu'on devrait pouvoir se
7 comporter normalement pour qu'ils ne devinent pas votre peur. C'est ce
8 qu'on se disait, que c'était mieux pour nous.
9 Q. Merci. Est-ce qu'il y a eu des parties de Grbavica où on n'était pas en
10 sécurité, où il fallait traverser en courant également, et est-ce que vous
11 vous souvenez d'avoir vu des couvertures accrochées au milieu des rues pour
12 constituer des obstacles ?
13 R. Peut-être que cela s'est passé un peu plus tard où je n'ai pas circulé
14 pendant la première période. Même un mur a été érigé une fois très près de
15 notre bâtiment en une nuit, un mur plutôt élevé allant jusqu'au milieu de
16 la rue, un peu plus élevé que la taille d'un homme moyen. C'était la
17 section de travail qui avait fait cela, et l'explication donnée était qu'on
18 tirait depuis Debelo Brdo et qu'il fallait se protéger. Encore que je dois
19 dire qu'à cet endroit-là, aucun incident ne s'était produit. A cet endroit
20 précis, je n'ai entendu ni vu aucun incident.
21 Il y avait des couvertures accrochées, effectivement, le long de cet
22 axe, donc la rue Grbavicka, qui est en direction de la promenade Vilson. A
23 plusieurs endroits il y a eu là des couvertures, et le premier que je
24 pouvais voir depuis l'endroit où j'étais, il y en avait également.
25 Q. Merci. Ces fouilles, d'après ce que vous dites dans votre déclaration,
26 se sont produites le plus souvent le week-end. Etaient-ce toujours les
27 mêmes individus qui venaient ou est-ce que cela changeait ?
28 R. Pour l'essentiel, cela changeait, ce n'étaient pas les mêmes. Je me
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1 souviens, par exemple, d'avoir reconnu sur un groupe précédent de deux
2 hommes, d'en avoir reconnu un. Ils se rendaient d'appartement en
3 appartement. Par exemple, chez nous, puis ils continuaient à partir de là.
4 Puis, nos voisions nous ont dit qu'en fait, ce qu'il faudrait faire,
5 c'était de réparer d'une certaine façon une porte qui avait été
6 complètement enfoncée et détruite.
7 Q. Vous parlez de l'entrée principale dans le bâtiment ?
8 R. Non, non, non. Je vous parle de portes d'appartement, parce qu'on
9 entrait par irruption et on cassait les portes, et il y en avait pas mal
10 dans notre appartement. Il faut savoir que dans mon entrée, il y avait 16
11 appartements en tout.
12 Q. Et de nombreuses personnes étaient parties.
13 R. Oui.
14 Q. Ceux qui venaient fouiller les appartements, ils n'étaient pas masqués
15 ?
16 R. Non.
17 Q. Vous parlez des moments où vous êtes descendues dans la cave. Il y
18 avait des endroits dans la cave où on pouvait se mettre à l'abri pendant
19 les bombardements.
20 R. En fait, c'est au sous-sol, et c'est là qu'on a découvert notre
21 naïveté. Il y avait des petites fenêtres, mais elles étaient en fait
22 suffisamment grandes pour qu'on ne s'y sente pas en sécurité, et dans ces
23 situations, on cherche à se mettre où que ce soit où on se sentirait un peu
24 plus en sécurité que chez nous. Excusez-moi, c'était en fait un appartement
25 d'un de nos voisins qui était parti, lui. Donc ce n'était pas un endroit
26 abandonné ou désert. C'était simplement un endroit où on pouvait se mettre
27 pendant quelques temps.
28 Q. Mais avec quelle fréquence vous êtes-vous rendues dans cet abri ?
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1 R. Ecoutez, pendant la journée, nous y sommes peut-être allés une fois,
2 bien que je doive dire avoir ressenti un sentiment d'angoisse, c'était
3 assez étrange. En fait, c'était la façon dont on nous regardait, c'est les
4 questions qui nous étaient posées, on nous demandait pourquoi est-ce que
5 nous n'étions pas passés de l'autre côté, qu'est-ce que nous faisions
6 encore ici. On avait l'impression, en fait, qu'ils étaient en quelque sorte
7 préoccupés, mais le message sous-jacent implicite c'était : Partez, allez-
8 vous-en.
9 Q. Mais là, vous parlez de vos voisins qui utilisaient également le même
10 abri; c'est cela ?
11 R. Oui.
12 Q. A quelle distance tombaient les obus lorsque vous vous rendiez dans cet
13 abri, quelle était la distance des obus ?
14 R. Ils tombaient assez près. Il y a eu une ou deux fois où nous avons pris
15 la fenêtre de la pièce d'à côté et nous l'avons placée dans la salle à
16 manger, puis il y avait un autre obus qui arrivait et qui brisait la
17 fenêtre à nouveau. Donc je vous parle de choses qui se passaient dans un
18 périmètre très proche de l'immeuble où j'habitais.
19 Q. Mais pendant ces jours-là, est-ce qu'il y a des personnes de votre
20 immeuble ou de votre rue qui ont été tuées ?
21 R. Oui, je pense qu'une toute jeune fille a été tuée au tout début. Elle
22 vivait dans un immeuble avoisinant.
23 Q. Merci. Alors, est-ce qu'ils venaient de Debelo Brdo ? D'où venaient-
24 ils, ces obus ?
25 R. Ecoutez, je ne peux pas vous le dire. Mais par exemple, il y avait une
26 voiture qui était garée tout près. Il y avait des morceaux de métal
27 partout. Moi personnellement, je n'ai pas vu l'endroit où l'obus est
28 arrivé. Je n'ai vu que les conséquences de cet obus, d'ailleurs c'était
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1 assez évident.
2 Q. Aux paragraphes 82 à 91, vous décrivez comment, le 1er octobre 1992, un
3 soldat vous a forcée à lui remettre la clé de votre appartement et que par
4 la suite votre appartement a été scellé. La police militaire vous a ensuite
5 expliqué qu'il s'agissait d'un comportement tout à fait illicite et que
6 cela n'avait pas été fait à la suite d'ordre.
7 R. Non, ce n'est pas exactement ce qu'ils ont dit. Ils se sont tout
8 simplement contentés de dire que c'était une opération qui n'avait pas
9 abouti. Je leur ai même dit d'ailleurs que ce soldat s'était présenté et
10 nous avait dit son nom, Simic. Par la suite, j'ai appris qu'il était de
11 Zavidovici. Donc ils nous ont dit que l'opération avait été suspendue et
12 que personne ne devait partir de Grbavica.
13 Q. Mais vous ne savez pas à quelle unité appartenait ce dénommé Simic ?
14 R. Non, non, pas du tout. Il s'est présenté en mettant la main sur son
15 pistolet et en me disant qu'il fallait que je sorte avec lui dehors pour
16 que l'appartement puisse faire l'objet d'une perquisition. Je dois vous
17 dire que cela m'a véritablement bouleversée, contrariée. C'était la nuit.
18 Il n'y avait pas d'électricité. Nous avions une ou deux bougies. J'étais
19 là, je lui ai parlé. Il m'a dit qu'il voulait faire une perquisition dans
20 l'appartement et que, de ce fait, il avait besoin de la clé. C'est ainsi
21 que je lui ai remis la clé.
22 Q. Merci. Mais cette fois-là, est-ce que Simic est venu tout seul ?
23 R. Oui. Simic est venu tout seul, et il a dit qu'il avait été "informé",
24 et pendant longtemps après j'ai eu cette crainte, parce qu'il avait un bout
25 de papier où il y avait notre nom, et il avait dit qu'il avait été informé
26 à propos d'une mère et d'une fille qui habitaient là-bas. A chaque fois que
27 je voyais quelqu'un avec un morceau de papier identique au papier que
28 j'avais vu, je dois vous dire que j'avais besoin d'un certain temps pour
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1 retrouver mon sang-froid.
2 Alors, il est arrivé chez nous. Il est entré. Ensuite, il est ressorti. Ma
3 mère ne se sentait pas bien, donc moi j'étais en train de m'occuper d'elle.
4 Toutefois, il m'a dit que je devais l'accompagner à l'intérieur de mon
5 appartement, soi-disant pour lui montrer où se trouvaient les différents
6 objets. De toute façon, on ne voyait rien. C'était l'obscurité la plus
7 totale. D'ailleurs, je pense que nous n'avions même pas de bougies. Nous
8 avions improvisé certaines choses pour avoir de la lumière. Même cela, nous
9 n'en avions plus.
10 Q. Merci. Donc vous avez dit qu'il y avait des coupures de courant assez
11 souvent.
12 R. Oui, de temps à autre il y avait des coupures de courant, et il fallait
13 bien s'adapter à ce type de situation. D'une façon ou d'une autre, il
14 fallait essayer de survivre à ces périodes d'obscurité.
15 Q. Au paragraphe 40 de votre déclaration consolidée, vous dites qu'au
16 début du mois de juin 1992, vous avez vu pour la première fois l'auteur du
17 crime qui a été commis à votre égard, et vous dites qu'il s'appelait
18 Veselin Vlahovic, également connu sous le nom de Batko.
19 R. Non, ce n'était pas en juin. C'était en juillet 1992. Je peux vous
20 décrire brièvement la situation.
21 Je me trouvais chez une de mes voisines qui m'avait invitée. Eux, ils
22 avaient de l'électricité. La situation chez eux était plus ou moins
23 normale. Ils regardaient la télévision, ils m'ont proposée de m'asseoir, et
24 à un moment donné - bien entendu, je ne savais pas que j'allais voir ceci -
25 pendant que j'étais en train de regarder la télévision, j'ai vu cette
26 personne. Je me suis effondrée et j'ai commencé à pleurer. Eux ne savaient
27 pas ce qui se passait. Je ne leur ai rien dit, mais je pense avoir dit
28 quelque chose comme : "Ah, mais c'est lui." Ils ne m'ont pas posé de
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1 questions, mais ils se sont bien rendus compte que quelque chose s'était
2 passé.
3 Ce que j'ai vu à la télévision, et cela m'a absolument terrifiée, j'ai vu
4 ce Veselin Vlahovic qui était devant notre bâtiment. Je vous parle de ce
5 que j'ai vu à la télévision. Il y avait un char et il était à côté de ce
6 char, donc lorsque vous quittiez l'immeuble, c'est ce que vous voyiez, en
7 fait. Voilà qu'il était là et qu'il était en train de faire une déclaration
8 à un journaliste de SRNA. La question qui lui a été posée c'était : Est-ce
9 que les Musulmans sont en train de revenir à Grbavica ? Et lui a répondu :
10 les balija, ils ne vont plus jamais vivre à Grbavica. Donc c'est la
11 première fois que je l'ai vu.
12 Q. C'est la première fois que vous l'avez reconnu; c'est cela ? Vous ne
13 connaissiez pas son nom auparavant; c'est cela ?
14 R. Lorsque ce qui nous est arrivé est arrivé, il y avait une de nos
15 voisines qui, de temps à autre, venait nous amener du pain, parce que
16 c'était quand même notre problème essentiel. Enfin bon, tout était un
17 problème, mais bien entendu, sans pain, vous ne pouvez pas survivre.
18 Alors, le 28 juin, cette personne l'a emmenée, mais il y a eu une sorte de
19 miracle, il y a quelque chose qui l'a empêchée de l'emmener dans sa
20 voiture, alors que la voiture avait déjà démarré. Elle avait garé sa
21 voiture dans un endroit différent, et donc c'est un miracle qu'elle ait
22 évité d'être prise par cet homme. Mais avant cela, nous parlions, et puis
23 il avait déjà été indiqué que cette personne était connue sous le nom de
24 Batko, puis il y avait des rumeurs qui circulaient dans Grbavica.
25 Q. Je vous remercie. Hier, à la page 13 194, et je vous donne cette
26 référence pour que les autres participants puissent suivre, vous avez
27 confirmé l'appartenance de cet homme à un groupe militaire organisé. Mais
28 il est venu vous voir tout seul lorsqu'il a commis ces crimes, n'est-ce pas
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1 ?
2 R. La première fois, il est venu accompagné d'un autre soldat. Il nous a
3 demandé nos documents d'identité. Il a fait certaines observations à propos
4 de ce qui était écrit sur nos papiers d'identité : mon âge, mon allure, ce
5 genre de choses. L'autre homme n'a rien fait. C'est la première fois que
6 nous l'avons rencontré.
7 Et puis, la deuxième fois, il est venu pendant cette nuit, après que la
8 police soit venue nous voir.
9 Le lendemain, la police militaire est venue. Je vous dis qu'il s'agissait
10 de policiers militaires parce qu'ils avaient des ceinturons blancs, et
11 j'avais des parents qui avaient appartenu à cette unité en temps de paix.
12 C'est pour cela que j'ai été en mesure de reconnaître les membres de la
13 police militaire.
14 Tout le monde s'est adressé au commandant de cette unité en l'appelant
15 Zenga. Donc c'était Zenga. Je dois dire qu'il était extrêmement courtois.
16 Et il s'est adressé à nous de façon fort polie, nous a demandé nos
17 documents d'identité et nous a dit que nous, nous étions juste là, alors
18 que ses compatriotes étaient en train de se faire tuer.
19 Q. C'est celui qui avait un accent croate, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, c'était en tout cas mon impression. Je pense que c'était bien le
21 cas. On avait l'impression qu'il avait vécu en Croatie pendant très
22 longtemps. On l'entendait à son accent.
23 Q. Est-ce que vous vous souvenez que Zenga était l'abréviation utilisée
24 pour les membres de la Garde nationale de Tudjman ? Vous le saviez, cela ?
25 R. Je l'ai entendu par la suite, effectivement.
26 Q. Merci. Donc vous avez eu l'impression qu'il menaçait d'utiliser un
27 groupe de Chetniks. Je vous parle de l'auteur du crime, qu'il comptait sur
28 quelqu'un. Est-ce que cela vous a incité à dire qu'il faisait partie d'un
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1 groupe ?
2 R. Non, non, non. Je pense qu'il faisait partie de l'armée, l'armée
3 régulière. Les autres qui sont venus avec lui -- peut-être que lorsque vous
4 êtes terrifié, les gens vous paraissent beaucoup plus grands, tout vous
5 paraît beaucoup plus grand, mais toujours est-il que ceux qui étaient avec
6 lui étaient très grand. Il y en a un qui restait devant la porte, et il
7 était debout, là, avec une sorte de fusil.
8 Q. Vous parlez de Zenga maintenant ?
9 R. Oui.
10 Q. Moi je pense qu'il faudrait parler de Batko.
11 R. Ah, bien.
12 Q. Est-ce que vous, vous avez eu l'impression qu'il vous menaçait en
13 parlant d'un de ses groupes et que cela vous a incité à penser qu'il avait
14 un groupe organisé ?
15 R. Non, non. Ce n'est pas ce qu'il a dit. Je vous ai dit qu'il avait parlé
16 de mon allure, il m'a demandé s'il s'agissait de mon document d'identité,
17 il m'a demandé si c'était bien mon âge, ce type d'observations. Non, non,
18 là, il n'était pas du tout question de perquisition, absolument pas. Il n'a
19 fait aucune allusion à cela.
20 Q. Bien. Mais par la suite, dans votre déclaration, vous dites qu'il vous
21 a menacées, qu'il vous a menacées de vous remettre aux Chetniks, quelque
22 chose de ce goût-là.
23 R. Ah, oui, mais ça c'est lorsqu'il nous a emmenées avec lui pendant cette
24 nuit. Cette nuit-là et le lendemain, je ne m'en souviens pas très
25 précisément parce que j'ai du mal à juger la période. Il nous a gardées
26 dans cet appartement à Vraca dans la rue Petrovacka. Excusez-moi.
27 J'ai commencé à réagir lorsqu'il a dit qu'il allait exécuter ma mère près
28 d'un ruisseau et qu'il allait me remettre aux Chetniks. Il utilisait des
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1 termes extrêmement péjoratifs tout le temps. C'étaient des insultes
2 épouvantables, et je dois dire qu'il nous a véritablement rouées de coups
3 sans montrer la moindre once de pitié.
4 Je ne peux pas vous dire que je suis particulièrement fragile, mais je ne
5 suis pas non plus d'une constitution particulièrement solide. Tout cela
6 était absolument épouvantable, le fait de voir ma mère allongée là à côté
7 de moi. J'ai commencé à réagir lorsqu'il a dit qu'il allait faire cela à ma
8 mère. Et puis, il a également mentionné un bordel.
9 Q. Merci. Vous avez indiqué qu'il avait un comportement étrange, qu'il se
10 prenait la tête entre les mains. Vous avez fait référence à des maux de
11 tête, à un comportement assez décalé, confus. Vous pourriez nous dire de
12 quoi il s'agit ?
13 R. Nous étions dans un appartement. De toute façon, nous étions toutes les
14 deux en état de choc. Les fenêtres étaient ouvertes dans cet appartement et
15 tout était éparpillé dans cet appartement. A un moment donné, ma mère a
16 trébuché, est tombée. Il a grimpé jusqu'à cette fenêtre ouverte. Je vous
17 raconte cela et je vois sa silhouette, je le vois encore. C'était la nuit,
18 et il a dit : "Non, non, pas ici. Allons ailleurs." N'oubliez pas que je
19 suis dans un endroit que je ne connais absolument pas. Ma mère a trébuché
20 et, à un moment donné, sa chaussure est tombée. Je lui ai dit : "Maman,
21 c'est bon. Je vais te remettre ta chaussure." Puis, je me suis penchée vers
22 la chaussure, et nous avons marché sur un corps. Ça, c'était absolument
23 terrible. Enfin, de toute façon, à quoi je pouvais m'attendre.
24 Toujours est-il que nous sommes arrivés dans cet autre appartement où il y
25 avait de l'électricité, et disons que c'était le salon de cet appartement.
26 Sur la table, j'ai vu des bijoux ainsi que de l'argent. Lui, il cherchait
27 un médicament parce qu'il avait mal à la tête. Il se tenait la tête. Puis,
28 à un moment donné, il est parti dans une autre pièce. J'ai regardé ma mère
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1 et j'ai cru qu'elle m'a comprise. Nous nous sommes comprises. J'ai commencé
2 à marcher vers la fenêtre et je lui ai dit : "Maman, je vais sauter par la
3 fenêtre." Elle s'est contentée de me regarder et je n'ai vu aucun signe
4 d'acquiescement, d'approbation dans ses yeux. J'ai vu des barreaux à la
5 fenêtre, et à ce moment-là, il se met à hurler en me disant : "Mais où est-
6 ce que tu vas ?" Et donc je me suis assise près de ma mère.
7 Q. C'est cela qui m'intéresse le plus dans votre déclaration. Parce que
8 vous dites dans vos déclarations qu'il se comportait comme un fou.
9 R. Ecoutez, il se tenait la tête entre les mains, et dans sa conduite, par
10 exemple, la façon dont il conduisait sa voiture. Je n'en sais rien. A ce
11 moment-là, il se tenait la tête entre les mains et le fait est qu'il était
12 en train de chercher un médicament, un analgésique.
13 Q. Merci. Dans votre déclaration du 17 février 1996, c'est probablement le
14 21 comme vous l'avez dit hier, vous le décrivez comme faisant partie de
15 l'armée serbe sans fournir tous ces détails, mais hier, vous aviez indiqué
16 qu'il portait un ancien uniforme de la JNA sans pour autant avoir
17 d'insignes.
18 Est-ce que vous pourriez nous dire quelle était son apparence générale ?
19 Est-ce qu'il était soigné ? Quelle était son apparence générale ?
20 R. J'ai d'abord vu sa redingote. Il portait un uniforme militaire complet,
21 mais il avait cette redingote. C'est pour cela que j'ai eu cette
22 impression. Il ne donnait pas l'impression d'être très soigné, parce que de
23 toute façon, la redingote, elle n'était pas à sa taille. Elle était
24 beaucoup trop grande pour lui.
25 Le lendemain, il avait un uniforme de camouflage, enfin juste la chemise et
26 le pantalon. Puis, si vous me demandez ultérieurement, je vous dirais que
27 je l'ai vu par la fenêtre de notre appartement et j'ai l'impression qu'il
28 avait une veste militaire. De toute façon, ce que je veux dire, c'est qu'il
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1 changeait d'uniformes constamment. Voilà.
2 Q. J'étais suis un peu perplexe lorsque je vous ai entendue parler des
3 bijoux, car vous avez dit qu'ils se trouvaient dans un bocal, puis
4 maintenant, dans une autre déclaration, vous dites qu'ils étaient sur la
5 table.
6 R. Non, non, non. Là, je faisais référence aux bijoux que nous, nous
7 avions cachés chez nous. Pas dans un bocal, dans un oreiller que nous
8 avions cousu.
9 Là, dans cet appartement, moi j'étais assise. Je les ai vus. J'étais assise
10 sur un canapé, et devant moi il y avait une table qui était recouverte de
11 bijoux, de grosses chaînes. C'était plutôt évident.
12 Q. Merci.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 6, page 20 du compte rendu
14 d'audience, le témoin a dit que la troisième fois, elle l'a vu porter
15 d'autres vêtements. Peut-être que nous parlions très vite et peut-être que
16 vous n'avez pas entendu cela.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Toujours est-il que vous aviez l'impression qu'il y avait ces deux
19 appartements et que dans un des appartements, il gardait la plupart de ses
20 objets précieux ?
21 R. Le premier appartement n'était pas véritablement meublé, mais le
22 deuxième, je vous l'ai décrit, c'est l'appartement où nous avons passé la
23 nuit.
24 Q. Cela me met très mal à l'aise de parler de cette scène, mais j'aimerais
25 quand même faire la part des choses par rapport à vos déclarations, parce
26 que dans l'une de vos déclarations, vous dites que lorsque cela s'est
27 passé, votre mère se trouvait dans une autre pièce. Puis, dans une autre
28 déclaration encore, vous dites qu'avant que cet acte ne soit commis, il
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1 avait fait venir votre mère.
2 R. Non, non, non. Nous étions ensemble dans ce salon, si tant est que l'on
3 puisse appeler cela un salon, et alors, il a frappé ma mère, il l'a
4 menacée, et ensuite il l'a emmenée ailleurs. Je ne savais même pas quel
5 était le plan de cet appartement à ce moment-là.
6 Il l'a emmenée quelque part ailleurs dans l'appartement. Je l'ai entendue
7 pleurer, gémir, geindre. J'entends qu'elle le supplie de ne pas l'attacher.
8 Je l'entends dire à quel point elle a mal, puis elle lui dit : "Je pourrais
9 être ta mère."
10 A ce moment-là, il est revenu dans la pièce où je me trouvais. Ma mère,
11 elle est restée dans l'autre pièce. Mais de toute façon, comme cela a duré
12 toute la nuit, vous parlez probablement de ce qui s'est passé par la suite.
13 Bien sûr, à un moment donné, il a fait revenir ma mère.
14 Q. Je vois. C'est la première déclaration, la déclaration du 17 février,
15 page 4, ligne 15. Bien. De toute façon, ça ne change pas grand-chose.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions maintenant afficher
17 le document 1D3415, je vous prie. Merci.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. J'aimerais vous rappeler que vous avez dit qu'il appartenait à un
20 groupe militaire organisé, structuré. J'aimerais attirer votre attention
21 sur ce document. C'est un document que nous avons trouvé sur le site
22 officiel du Tribunal de Bosnie-Herzégovine. Voyez le deuxième paragraphe,
23 première ligne :
24 "L'acte d'accusation allègue, entre autres, que l'accusé Vlahovic, en tant
25 que membre des forces paramilitaires de ce qui est appelé la République
26 serbe de la BiH, devenue par la suite Republika Srpska, a persécuté la
27 population civile non serbe de Grbavica, Vraca et des localités de
28 Kovacici."
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1 Donc, est-ce que c'est ce à quoi vous faisiez référence lorsque vous
2 avez dit qu'il faisait partie d'un groupe militaire organisé ?
3 Mme EDGERTON : [aucune interprétation]
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas --
5 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Edgerton.
6 Mme EDGERTON : [interprétation] Là, je pense qu'il y a un amalgame qui est
7 fait au niveau de la question, ce qui me pose problème, Monsieur le
8 Président, parce qu'il s'agit d'un rapport de confirmation de l'acte
9 d'accusation. Le terme "forces paramilitaires" est utilisé pour décrire les
10 forces organisées de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Et je ne
11 pense pas, de toute façon, que ce soit une question qu'il convient de poser
12 à ce témoin-ci.
13 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] De toute façon, je ne pense pas que
14 le témoin aura une connaissance directe de cette question, d'après moi. Je
15 pense en fait que c'est une question qu'il faudrait peut-être poser à la
16 personne qui a rédigé l'acte d'accusation. Docteur Karadzic, je ne pense
17 vraiment pas que cette question soit particulièrement utile, et je pense
18 que vous devriez peut-être plutôt poser cette question, si vous souhaitez
19 la poser, à la personne qui a rédigé l'acte d'accusation en question.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce que nous pourrions brièvement
21 consulter deux autres documents. Le premier document, le document 1D3414.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Cet homme avoue ses crimes de guerre, et vous voyez qu'il ne ressent
24 aucun remords. Est-ce que vous pensez que c'est bien lui ?
25 R. Oui.
26 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de lui comme du "Monstre de
27 Grbavica" ?
28 R. Il est très difficile de trouver un qualificatif pour le décrire, mais
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1 je pense que ce terme est effectivement peut-être le plus approprié.
2 Q. Bien.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ce document pourrait être versé au
4 dossier ?
5 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous souhaitez que ce document soit
6 versé au dossier pour ce qui est de la véracité de la teneur du document,
7 ou est-ce que ce qui vous intéresse est d'indiquer que l'auteur de ces
8 crimes est qualifié de monstre ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Et ce qui est particulièrement
10 épouvantable ici pour moi, c'est de voir qu'il n'en conçoit aucun remords,
11 il n'y a aucun repentir.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais écoutez, si je peux me permettre de vous
13 le dire, ce n'est pas le premier. Un monstre soldat, oui.
14 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Bien --
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Edgerton, quelle est votre
17 réaction ?
18 Mme EDGERTON : [interprétation] C'est une nouvelle question de savoir
19 comment qualifier le premier point au sujet duquel j'ai réagi, à savoir
20 quelle est la définition du paramilitaire, du membre des forces
21 paramilitaires ? Donc je ne pense pas qu'on ait suffisamment de fondement
22 pour verser le document au dossier.
23 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai
24 posé la question. Le témoin a répondu très clairement en disant qu'il
25 s'agissait d'un monstre, en disant que c'était une manière précise de le
26 qualifier, et cela figure déjà au compte rendu d'audience en tant que tel.
27 Mme EDGERTON : [interprétation] Oui.
28 M. LE JUGE MORRISON : [aucune interprétation]
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons à présent demander de
2 présenter la pièce 1D3417, s'il vous plaît.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. En attendant, j'aimerais savoir s'il est exact de dire que cet homme a
5 été arrêté en Espagne et qu'il a été traduit devant le tribunal de Bosnie-
6 Herzégovine ?
7 R. Je ne comprends pas lorsque vous me demandez si c'est exact. C'est le
8 même homme. Des années ont passé, et comme nous tous, il a changé depuis le
9 temps.
10 Q. Si je vous pose la question, c'est à cause de toutes les autres
11 personnes présentes ici, parce qu'ils ne savent pas nécessairement tout ce
12 que nous apprenons en lisant et en suivant nos médias.
13 R. Oui, c'est le même homme.
14 Q. Nous avons ici l'avocat de cet homme qui s'exprime, et j'en donnerai
15 lecture en anglais. Il s'agit du deuxième paragraphe :
16 "Radivoje Lazarevic, l'avocat de la Défense qui défend le suspect Vlahovic,
17 affirme qu'il s'attend à ce que l'acte d'accusation soit dressé 'dans
18 quelques jours', puisque l'enquête avait été initiée 'il y a plus de deux
19 ans et demi'."
20 Et dans l'avant-dernier paragraphe, vers le bas de la page, le texte se lit
21 comme suit :
22 "'Vlahovic m'a parlé à plusieurs reprises des différents problèmes qu'il
23 avait, en se plaignant de ses problèmes, et surtout des problèmes qui sont
24 liés à son état de santé mental. Je lui ai conseillé d'aller voir le
25 médecin de l'Unité de Détention. 'Je pense qu'il l'a vu deux fois et qu'on
26 a pu constater quelques symptômes,' a déclaré Lazarevic."
27 Est-ce que la description fournie par son avocat correspond à l'impression
28 que vous avez eue lorsque vous êtes arrivée dans ce deuxième appartement,
Page 13230
1 lorsqu'il s'est pris la tête et tout ça ?
2 R. Ecoutez, je ne suis absolument pas un expert en la matière. Ici, il est
3 question du temps qui est passé et de ce qui avait été fait après. Pouvoir
4 dormir tranquillement après tout cela, écoutez, cela reviendrait à un
5 miracle.
6 Q. Merci. Un instant, s'il vous plaît.
7 [Le conseil de la Défense et l'Accusé se concertent]
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Dans vos déclarations, vous parlez de ceux qui se trouvaient de l'autre
10 côté de la rivière, sur l'autre rive. Est-il exact de dire que c'était le
11 HVO de l'ABiH qui était positionné là-bas ?
12 R. Je l'ai mentionné, en fait. Au moment où nous étions passées de l'autre
13 côté par le petit pont, par la passerelle, il y avait un soldat qui a vu
14 nos pièces d'identité - le 27 mai - et il a fait des commentaires sur
15 l'origine de ma famille. Il a mentionné sa mère, originaire, disons,
16 d'Herzégovine, et il me semble qu'il a dit que c'était le HVO.
17 Q. Merci.
18 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, il y a cinq
19 minutes, le temps que l'on vous a accordé initialement pour le contre-
20 interrogatoire a expiré, mais l'appréciation a été faite avant que des
21 documents supplémentaires ne soient fournis. Toujours est-il que nous
22 allons vous inviter à terminer votre interrogatoire à 10 heures 20.
23 Madame Edgerton, vous aurez combien de questions supplémentaires ?
24 Mme EDGERTON : [interprétation] Dix minutes me suffiront après la fin du
25 contre-interrogatoire.
26 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vous remercie.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
28 M. KARADZIC : [interprétation]
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1 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui a détruit le supermarché que vous avez
2 vu en ruines et pillé ?
3 R. C'était un incendie, un incendie criminel, qui s'est emparé également
4 de notre bâtiment, parce que ces bâtiments se jouxtent. En fait, nous
5 sommes physiquement liés à leur entrepôt. Cela nous a chassées de chez
6 nous, et nous avons éteint cet incendie nous-mêmes en passant par les
7 appartements se trouvant sur le toit de ce supermarché.
8 Q. Je vous remercie. Vous dites que vous avez fait partie de la protection
9 civile. Est-ce que c'est dans le cadre des activités d'une unité de
10 protection civile que vous avez éteint cet incendie ou vous vous êtes
11 présentés volontairement ?
12 R. Ecoutez, on était prises par la panique. On est sorties spontanément,
13 on a pris ce qu'on avait, on a pris des sceaux qu'on avait trouvés et qu'on
14 avait sous la main et on a arrosé le toit du supermarché, parce que cet
15 incendie était en train de s'étendre. C'était absolument pas organisé.
16 J'étais en robe de chambre.
17 Mme EDGERTON : [interprétation] Le témoin n'a jamais dit qu'elle avait fait
18 partie de la protection civile.
19 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui. Nous allons accepter cette
20 correction. Monsieur Karadzic, continuez.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Etiez-vous assujettie à une obligation de travail ? Peut-être que j'ai
24 fait la confusion entre les deux.
25 R. Non, ce n'était pas une affection au travail obligatoire. C'était une
26 section de travail dont j'ai fait partie, constituée à Grbavica, et de
27 temps à autre, il a fallu se rendre à différents endroits : à Kijevo, à
28 Gornja Presjenica, où il y avait une exploitation militaire agricole. Je
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1 pense que c'était ça le nom de ces toponymes. C'est là qu'on allait
2 cueillir des pommes de terre, des oignons, faire des choses comparables.
3 Q. Merci. Vous receviez deux repas par jour là-bas ?
4 R. Cela dépendait un petit peu du temps qu'on y passait. On nous donnait à
5 manger, oui. Disons, on nous a donné quelque chose.
6 Q. Merci. Vous avez décrit des gens qui avaient des gaines. Est-ce que
7 vous avez vu quelqu'un utiliser un fusil pour tirs embusqués ?
8 R. Ecoutez, si je sortais tous les jours, je voyais tous les jours les
9 mêmes personnes. Je ne dirais pas qu'ils étaient très nombreux, du moins
10 pas ceux que je connaissais. Je les voyais rentrer au numéro 58 de la rue
11 Lenjin. Plus tard, cela est appelé rue Nikola Radovic.
12 Q. J'ai vu à un endroit dans votre déclaration que vous parlez, le 27
13 janvier 2006, page 0467-569, paragraphe 4, à l'organisation des femmes
14 victimes de la guerre. Vous leur dites que vous et votre mère, vous avez
15 reçu une convocation pour vous rendre à la protection civile et que cette
16 convocation a été adressée aux femmes de toute origine ethnique.
17 R. Non, c'est une traduction erronée. Ce n'était pas la protection civile;
18 c'était une section de travail.
19 Q. Je vous remercie. Maintenant les choses sont plus claires.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il me faudra passer certains points, donc je
21 suis en train de faire une sélection. Excusez-moi.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Batko, dans votre déclaration consolidée, au paragraphe 58, vous dites
24 qu'il vous a demandé de l'appeler Dragan; c'est bien cela?
25 R. Oui.
26 Q. C'est donc exact.
27 R. Je ne m'attendais pas du tout non plus qu'il me donne son vrai nom et
28 prénom en guise de respect, en quelque sorte.
Page 13233
1 Q. Vous voulez dire que cela a à voir avec ce qu'il faisait ?
2 R. Non. Moi je ne peux pas le dire. Vous, de par votre vocation et votre
3 profession, vous pouvez en parler.
4 Q. Mais il a cherché à ne pas dévoiler son identité; c'est bien cela ?
5 R. Oui. Il nous a dit : "Vous pouvez m'appeler Dragan." On ne lui avait
6 jamais rien demandé, il faut savoir.
7 Q. Au paragraphe 88, vous dites que les policiers militaires -- ou plutôt,
8 le policier militaire qui vous a demandé de prendre place, et lorsque vous
9 êtes venue lui demander de vous laisser partir ou de vous tuer, il vous a
10 dit : "Nous ne faisons pas cela." Est-ce exact ?
11 R. Oui, c'est exact.
12 Q. Et vous lui avez demandé de vous "expulser au moins jusqu'au petit
13 pont, et ils ont dit que cela ne se faisait plus et que Grbavica était
14 complètement bouclée. Ils ont dit qu'on a mis fin à ce qui s'était produit
15 hier."
16 Alors, est-ce que là vous parlez du fait qu'on avait expulsé la veille
17 plusieurs personnes ?
18 R. Oui, tout à fait. C'est une situation où on est complètement
19 désemparés. Je n'avais pas d'appartement. Je n'avais pas de pièces
20 d'identité. Je ne savais pas où me rendre, où me mettre à l'abri. Donc, si
21 j'ai parlé ainsi, c'était que j'étais complètement désespérée.
22 Q. En fait, ce sujet ne me touche pas véritablement, mais vous avez
23 mentionné un dénommé Aleksic. Il semblerait véritablement qu'il se comporte
24 d'une manière étrange. Pour autant que vous le sachiez, il n'a commis aucun
25 crime ?
26 R. Oui, c'est cela.
27 Q. Vous vous souvenez du moment où Seselj s'est rendu sur place ? Nous
28 l'avons vu hier. A la mi-mai, dans la Republika Srpska, un référendum a été
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1 organisé demandant aux gens de se prononcer sur le plan Vance-Owen, et dans
2 l'extrait que nous avons vu, il est question du vote. Il est dit que 60
3 Musulmans de Grbavica ont voté. Vous en souvenez-vous, et vous souvenez-
4 vous que Seselj s'est rendu sur place à l'occasion du référendum ?
5 R. Ecoutez, ça, je ne saurais pas vous le dire. Je sais que je n'ai pas
6 pris part à ce référendum. Sans carte d'identité, vous n'êtes personne.
7 Q. Vous dites qu'au marché on arrivait à se procurer des choses, on
8 trouvait des choses ?
9 R. Oui, c'était un petit peu improvisé et fait maison. Ce n'était pas
10 grand-chose. Quelques produits agricoles et peut-être aussi quelques objets
11 venus par l'aide humanitaire. Enfin, c'était modeste.
12 Q. Merci. Je n'aborderai plus d'autres sujets. Ou juste une question;
13 quelques noms de groupes paramilitaires. Anges blancs, est-ce que c'est un
14 nom de groupe paramilitaire qui vous dit quelque chose ?
15 R. Ecoutez, je ne sais pas. Peut-être plus tard. Non, vraiment, je ne sais
16 pas.
17 Q. Les Aigles blancs, ou le Tsar Dusan ?
18 R. Oui, Aigles blancs, peut-être. Je ne sais pas.
19 Q. Merci.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 13417, est-ce qu'on l'a versé au dossier,
21 donc le dernier document que nous avons montré ?
22 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, je ne pense pas
23 que le témoin ait pu parler de ce document. Je pense que cela fait partie
24 des documents que vous devriez chercher à verser au dossier en temps voulu
25 par d'autres moyens.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
27 M. KARADZIC : [interprétation]
28 Q. Madame le Témoin, je tiens à vous exprimer toute ma gratitude et à vous
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1 dire à quel point je me solidarise avec vous. Merci.
2 R. Merci, Monsieur l'Accusé, de votre compréhension.
3 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Edgerton.
4 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.
5 Nouvel interrogatoire par Mme Edgerton :
6 Q. [interprétation] Madame le Témoin, aujourd'hui, page 11, ligne 23,
7 jusqu'à la page 12, ligne 12, vous avez parlé avec le Dr Karadzic de la
8 période pendant laquelle vous vous rendiez au sous-sol de votre bâtiment
9 pour vous mettre à l'abri face aux bombardements, paragraphe 12 de votre
10 déclaration consolidée.
11 Est-ce que cela s'est passé pendant une période de temps spécifique, que
12 vous soyez descendues dans la cave pour vous mettre à l'abri ?
13 R. Oui, nous avons commencé à le faire, comme toutes les autres personne,
14 et avec le temps, nous l'avons fait de moins en moins souvent, parce que
15 nous ne sentions pas à l'aise, comme je l'ai déjà dit. En fait, il faut
16 savoir que nos voisins écoutaient la Radio Belgrade, et donc je devais,
17 quand je m'y trouvais, écourter les émissions de la Radio Belgrade sur les
18 événements que nous vivions. Et je n'avais pas le courage d'écouter ça,
19 parce que c'était totalement inexact.
20 J'ai compris que les autres, à force de se voir serinées toujours les mêmes
21 choses ou d'entendre toujours les mêmes choses répétées, eh bien, qu'ils
22 ont fini par y croire. Mais pas moi.
23 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire exactement pendant quelle période cela
24 a eu lieu ?
25 R. Vous voulez dire à quel moment on est descendues dans l'abri ? On
26 descendait pendant quelques heures de la journée, et parfois c'est arrivé
27 tous les jours. J'avais très, très faim à un moment, et donc on est
28 descendues dans l'abri. Nos voisins, qui étaient des soldats, ont bien
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1 entendu ce qui nous est arrivé, que quelqu'un est arrivé chez nous, qu'on
2 nous a fait sortir de chez nous. Ma mère a appelé Radoslav Vuckovic, par
3 exemple, et d'autres voisins à l'aide. Elle a appelé très fort, mais
4 personne ne nous a aidées. Je parle là de ceux qui étaient armés. Je ne
5 pense pas aux civils. Parce que, bien sûr, tout le monde a peur, c'est
6 normal, et on cherche à sauver sa propre tête.
7 Q. D'après votre réponse, il semblerait donc que c'est tout au début de la
8 guerre que vous êtes descendues dans cet abri; c'est bien cela ?
9 R. Oui.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que cette question est directrice.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, uniquement, même cela est directeur.
12 C'était juste au tout début, parce que, vous savez, après tout ce qu'on a
13 vécu, c'est un autre combat qui s'impose; entre guillemets, on cherche à
14 survivre, on se bat pour survivre, mais ce n'était plus dans l'abri.
15 Mme EDGERTON : [interprétation]
16 Q. Page 13 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui, par rapport aux
17 événements du 1er octobre 1992, Dr Karadzic vous a soumis comme suit :
18 "La police militaire vous a expliqué à ce moment-là que ce type de
19 comportement était illégal et qu'il ne se fondait sur aucun ordre."
20 Mais plus tard, plus loin dans le compte rendu d'audience d'aujourd'hui, il
21 se réfère au paragraphe 88 de votre déclaration, et il a donné la lecture
22 du texte suivant :
23 "Je lui ai demandé de nouveau de nous expulser, au moins jusqu'au petit
24 pont. On nous a dit que ça ne se faisait plus et que Grbavica était
25 complètement bouclée. Ils nous ont dit ce qui avait été fait hier a été
26 arrêté."
27 Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui est exact : ce que vous a soumis Dr
28 Karadzic ou ce qu'il a donné lecture au paragraphe 88 de votre déclaration
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1 ?
2 R. Les propos exacts de Boro Sljuka, c'était ça le nom du policier
3 militaire parce que je l'ai lu sur son badge, était les suivants : cette
4 action a été interrompue. On ne fait plus cela. Grbavica est bouclée.
5 Q. Merci. Et pour terminer, page 19, lignes 13 à 14, le Dr Karadzic vous a
6 dit que d'après vous, dans vos déclarations, au sujet de Batko, vous avez
7 dit qu'il s'est comporté comme un fou.
8 N'avez-vous jamais employé ce terme "fou" pour décrire Batko ?
9 R. Non, je ne l'ai jamais dit, et j'évite de donner ce type de
10 description. Cela revient à M. Karadzic, qui lui est psychiatre de
11 formation.
12 Mais au moment où il s'est pris la tête dans les mains, là, entre
13 guillemets, et je souligne entre guillemets, on se serait dit que cet homme
14 "ne se maîtrise pas". Il a frappé à la porte et nous a dit qu'il est venu
15 nous apporter nos cartes d'identité. Il a vraiment frappé très, très fort à
16 la porte. La porte, en fait, se déchaussait.
17 Je n'avais pas le choix, que voulez-vous que je fasse, j'ai ouvert la
18 porte. Bien entendu, il n'avait absolument pas de cartes d'identité, et
19 c'est là qu'a commencé cette série de mauvais traitements, ces événements
20 terribles. Toute la nuit, et puis ça a continué le lendemain. C'est comme
21 ça que ça a commencé. Il nous a forcées à monter dans une Golf, une Golf de
22 type 1, si je ne me trompe pas. De force, il nous a fait monter. J'avais
23 des problèmes avec ma mère. Et il a conduit très vite. Nous sommes arrivés
24 à un endroit qui lui était connu. Il savait exactement où il nous emmenait.
25 C'était en connaissance de cause qu'il agissait.
26 Personne ne m'a jamais posé la question, mais je vais vous le dire : la
27 première fois où j'ai commencé à réagir, donc lorsque je me suis dit que je
28 pourrais peut-être m'en sortir vivante -- en fait, ce qui m'a touchée le
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1 plus, c'était quand il a dit qu'il allait fusiller ma mère et qu'ensuite il
2 allait m'emmener dans un bordel et qu'il allait nous livrer aux Chetniks.
3 Et là, je me suis mise à réfléchir très rapidement, parce que tout de suite
4 après il m'a demandé -- donc tout se déroulait selon le plan, et personne
5 ne m'a demandé - je pense que cela se trouve dans ma déclaration - donc il
6 m'a demandé : "Est-ce que vous avez de quoi racheter vos têtes ?" J'ai
7 attendu un petit instant pour voir exactement ce qu'il voulait dire par là,
8 et il a dit : "Avez-vous de l'argent ?" Et je lui ai dit : "Un petit peu."
9 Il m'a dit : "Vous avez des bijoux en or ?" Je pense qu'il n'a même pas
10 terminé la question et je lui ai dit tout de suite : "Oui, oui." Question
11 de lui : "Vous en avez beaucoup ?" Réponse : "Oui." Et puis, il m'a dit :
12 "Si tu me trompes, je te tuerais sous les yeux de ta mère."
13 Et c'est à partir de ce moment-là que j'ai vécu pour le moment où il allait
14 finalement nous emmener de là, et qu'il allait me permettre que je lui
15 donne ce que je pouvais lui donner et j'espérais que ça allait lui suffire.
16 Donc là, il s'est changé. Il était en uniforme de camouflage. On aurait dit
17 une autre personne.
18 Et on est revenus - c'était toujours la même Golf - on est entrés
19 dans l'appartement, et c'est vraiment dans un état de panique qu'on s'est
20 mis à chercher cet oreiller, parce qu'avant la police militaire avait fait
21 cette fouille, donc tout était sens dessus dessous. Tout ce qui avait été
22 dans les armoires était éparpillé partout par terre. Et donc, il nous a
23 fallu un petit peu de temps pour trouver l'oreiller dans lequel ma mère
24 avait caché les bijoux.
25 Il a pris deux sachets qui renfermaient cela, et en attendant, il
26 nous menaçait, il nous disait : "Si tu m'as menti," il a tiré des coups de
27 feu juste à côté de ma tête, et il m'a dit : "Je te tuerais devant ta
28 mère." Et quand il a vu les bijoux, il les a pris et il a dit : "Si vous
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1 sortez, si vous parlez à qui que ce soit, si vous vous ouvrez à qui que ce
2 soit, j'ai mes hommes et j'ai mes tireurs embusqués," a-t-il dit, "J'ai mes
3 hommes qui vous tueront." Puis, il est parti.
4 Mme EDGERTON : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur
5 le Président.
6 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vous remercie d'être venue à La
7 Haye pour déposer devant ce Tribunal. La Défense ne conteste pas que vous
8 avez vécu des choses terribles. Vous êtes quelqu'un de très fort. Je vous
9 souhaite de bien rentrer chez vous, et beaucoup de chance pour la suite.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous remercie
11 de m'avoir offert cette occasion, même si me rappeler ces choses-là est
12 quelque chose de terrible. Merci de m'avoir permis de venir témoigner ici
13 et de dire ce qui a constitué - comment dirais-je ? - la fin du cours
14 normal de ma vie. Même s'il y a eu quelques améliorations, eh bien, cela ne
15 regarde, en fait, que moi personnellement. Je vous remercie aussi au nom de
16 ma mère, qui n'est pas en mesure de témoigner. C'est ce que je lui dois. Et
17 je l'ai fait aussi au nom de ceux qui ont été tués à Grbavica. Pour
18 certains d'entre eux, leurs restes ont été retrouvés, pour d'autres non. Je
19 vous remercie au nom des vivants et des morts. On dit que je suis quelqu'un
20 de courageux et de patient, eh bien, j'aurai la patience qu'il faut pour
21 attendre la justice, et parfois la justice arrive. Merci.
22 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Nous ferons une pause à présent
23 jusqu'à 11 heures.
24 S'il vous plaît, Madame, attendez qu'on ait baissé les stores pour que vous
25 puissiez repartir.
26 [Le témoin se retire]
27 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
28 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
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1 [Le témoin vient à la barre]
2 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Merci d'être
3 revenu pour la suite de votre témoignage. La Chambre est désolée du laps de
4 temps qui a séparé votre dernière comparution et celle d'aujourd'hui. Nous
5 allons donc poursuivre.
6 Monsieur Tieger, à vous.
7 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
8 LE TÉMOIN : NEDJELJKO PRSTOJEVIC [Reprise]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 Interrogatoire principal par M. Tieger: [Suite]
11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Prstojevic.
12 R. Bonjour.
13 Q. Monsieur Prstojevic, j'aimerais vous rappeler à quel endroit nous en
14 étions lorsque nous avons levé l'audience l'autre jour. Nous étions en
15 train de discuter des commentaires proférés par vous lors de la 17e séance
16 de l'assemblée de la Republika Srpska qui s'est tenue en juillet 1992, et
17 nous parlions de commentaires venants de vous au sujet d'une réunion tenue
18 à Ilidza avec M. Karadzic et d'autres personnes, dont vous dites qu'elle a
19 eu lieu le 18 avril 1992. Et je suis sûr que vous vous rappellerez que dans
20 le cadre de cette discussion, un mot figurant dans le texte a été discuté
21 en particulier. Je ne suis pas certain qu'il vaille vraiment la peine de
22 poursuivre cette discussion plus avant. La Chambre dispose du texte écrit.
23 Et je crois que vous avez dit ce que vous aviez à dire à ce sujet. Vous
24 avez signalé, par exemple, qu'il existait une différence entre le mot
25 "potisli" et le mot "potjerali". Mais je fais remarquer également que vers
26 la fin de votre déposition la dernière fois, les derniers mots prononcés
27 par vous ont été :
28 "Si le document est un original, dans ce cas, je l'admets et je le
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1 reconnais."
2 Et vous avez poursuivi en disant :
3 "Il y a un autre mot qui importe pour interpréter les questions que vous me
4 posez, qui est un peu différent."
5 Donc, avant d'aller plus avant, j'aimerais vous donner la possibilité de
6 dire si vous souhaitez proposer un autre mot en lieu et place du mot qui
7 apparaît dans le texte et vous rappelez que vous avez déjà employé le mot
8 "potisli" en indiquant que dans le texte ce n'est pas le mot "potjerali"
9 qui devrait être présent, mais le mot "potisli". Mais s'il y a un autre mot
10 que vous souhaitez introduire, et puisque vous avez été interrompu la
11 dernière fois en raison du temps, j'aimerais vous donner l'occasion de le
12 faire.
13 R. Je n'ai rien à proposer de différent, pas de mots différents. Ce que
14 j'ai dit ici, c'est que dans trois documents on trouve des mots différents
15 pour dire une seule et même chose, et je m'en tiens au libellé que j'ai
16 utilisé. Dans certaines portions, dans certaines régions, nous avons étendu
17 le territoire, et "potisli", c'est-à-dire "repoussé" les Musulmans sur le
18 territoire où ils étaient pratiquement une majorité.
19 Le mot que j'ai utilisé à ce moment-là ne pouvait être que "potisli", qui
20 veut dire "repoussé".
21 J'aimerais également souligner le point suivant : voyez-vous, je ne dis pas
22 dans quel endroit il existait une majorité. Je dis dans quel endroit il
23 existait pratiquement une majorité. J'ai ici devant moi l'allocution en
24 question et je dispose également des statistiques. Au moment où je
25 m'exprimais, c'est-à-dire à la 17e séance de l'assemblée, nous n'avions
26 sous notre contrôle aucune des 20 localités communes où les Musulmans
27 étaient numériquement majoritaires. Dans les 11 communautés locales sous
28 notre contrôle, la majorité était chrétienne. Et dans certaines de ces
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1 municipalités, il n'y avait pas un seul habitant musulman. Les Musulmans
2 contrôlaient cinq communautés locales très peuplées. Les Croates
3 contrôlaient deux communautés locales dont la population était légèrement
4 inférieure à celle des communautés locales contrôlées par nous, et ils
5 avaient là-bas leur propre municipalité.
6 Sur les territoires sous notre contrôle dans les 11 communautés locales
7 concernées, il y avait à l'époque 5 858 Musulmans, selon le recensement de
8 1991. Et dans les zones qui étaient contrôlées par les Musulmans, selon le
9 recensement de 1991, il y avait 6 943 Serbes. Autrement dit, un millier de
10 Serbes de plus, alors que dans le territoire contrôlé par les Croates, il y
11 avait 1 724 Serbes. C'est-à-dire, 2 000 Serbes supplémentaires qui étaient
12 sous le contrôle des Croates et des Musulmans.
13 Quant aux Croates, je ne vais pas en parler. Nous n'étions pas en guerre
14 contre eux, et cela n'importe donc pas beaucoup, mais aux mois d'août et
15 septembre, les Musulmans se sont emparés de deux communautés locales qui
16 auparavant étaient sous leur contrôle : Stup, Otes et une autre communauté
17 locale. Ils ont donc, dans la pratique, repoussé militairement les
18 Musulmans, et les civils en ont été victimes. Il y a eu des combats féroces
19 entre les Serbes et les Musulmans aux frontières de ces communautés
20 locales.
21 Q. Monsieur Prstojevic, à l'époque de la 17e séance de l'assemblée au mois
22 de juillet 1992, saviez-vous que la séparation par rapport aux Musulmans
23 était ou n'était pas un objectif poursuivi par la Republika Srpska et sa
24 direction ?
25 R. Notre principal objectif à Ilidza consistait à défendre et uniquement à
26 défendre les régions ethniquement peuplées par nous. Mais lorsqu'il est
27 devenu clair qu'il était impossible de vivre une vie décente et pacifique
28 dans le respect et l'attention mutuelle, donc quand il est devenu évident
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1 que cela était impossible, il a fallu protéger notre territoire et nous
2 diriger vers la séparation.
3 Q. La séparation était-elle un objectif explicite pour les autorités de la
4 Republika Srpska ?
5 R. Ça, je ne le sais pas finalement, et je ne saurais apporter une réponse
6 précise à ce sujet, car quelle que soit ma réponse, elle pourrait être
7 interprétée de façon affirmative ou négative selon la période considérée.
8 Dans la période précédant la guerre, il est certain que cette séparation
9 n'était pas un objectif explicite, mais plus le temps a passé, plus il est
10 devenu visible que le camp musulman abritait un certain nombre de
11 fondamentalistes, d'extrémistes qui impliquaient, si l'on vivait à leurs
12 côtés, qu'on ne vivait pas simplement à côté de Musulmans du pays. Il était
13 donc difficile de vivre à leurs côtés pour les Musulmans du pays aussi bien
14 que pour les Serbes et les Croates.
15 Q. Avez-vous jamais entendu parler d'objectifs stratégiques ?
16 R. Oui.
17 Q. Connaissiez-vous les objectifs stratégiques à l'époque où vous avez
18 prononcé votre allocution en 1992 ? Vous les connaissiez, n'est-ce pas ?
19 R. Il est possible qu'on ait pu les lire déjà à l'époque dans le journal
20 officiel. Peut-être en avait-il même été question auparavant. Chacun savait
21 à quel moment paraissait le journal officiel, et si ces objectifs
22 stratégiques ont été publiés dans le journal officiel, cela a dû se passer
23 à ce moment-là. Je veux dire, le courrier mettait trois ou quatre jours à
24 nous parvenir.
25 Q. Je veux voir si je pourrais vous rafraîchir la mémoire s'agissant de la
26 date à laquelle vous avez peut-être entendu parler de ces objectifs
27 stratégiques.
28 Vous rappelez-vous, par exemple, que les objectifs stratégiques ont été
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1 rendus publics par les participants de l'assemblée et même par d'autres
2 personnes, comme par exemple par les députés du peuple ?
3 R. Eh bien, voyez-vous, les objectifs stratégiques, dès lors qu'ils ont
4 été adoptés par l'assemblée, ont été publiés dans le journal officiel. Et
5 lorsque nous avons reçu le journal officiel, nous avons pu les lire dans ce
6 journal officiel.
7 Il est possible aussi que le député, s'il a participé à la réunion de
8 l'assemblée au moment de l'adoption de ces objectifs stratégiques, ait pu
9 nous en parler à ce moment-là. Mais la direction d'Ilidza et la population
10 d'Ilidza ne se mêlaient pas à la police de haut niveau. Pendant toute la
11 guerre et même avant la guerre, et cela a été montré au moment de Dayton
12 également, nous étions toujours prêts à accepter les accords conclus par
13 les représentants politiques de haut niveau, car ce qui a été décidé à
14 Dayton était inévitable pour Ilidza. Près de 20 000 Serbes ont été déplacés
15 à la veille de l'application de l'accord de Dayton, c'est-à-dire qu'ils
16 sont passés de la partie occidentale --
17 Q. Monsieur Prstojevic, excusez-moi, mais si nous ne voulons pas rester
18 ici encore un mois, je vous prierais de répondre à mes questions plutôt que
19 de donner des détails en parlant de toute la période située entre 1992 et
20 1996. Je ne voudrais pas vous empêcher de répondre à mes questions, mais je
21 vous demanderais de ne pas vous écarter du sujet qui est au cœur de mes
22 questions.
23 Alors, pendant vos interrogatoires précédents, vous avez eu la possibilité
24 de voir un exemplaire du journal officiel qui diffusait les objectifs
25 stratégiques, et vous avez vu que ce journal datait de novembre 1993,
26 c'est-à-dire plus d'un an après le débat relatif aux objectifs stratégiques
27 qui avait eu lieu à la 16e séance de l'assemblée au mois de mai 1992. Vous
28 rappelez-vous avoir vu ce journal officiel et avoir pris connaissance de
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1 ces objectifs stratégiques ?
2 R. Bien oui, mais voyez-vous, je ne me rappelle pas la date. Ce que
3 j'essayais de dire en parlant de toute la période jusqu'à 1996, c'était que
4 nous ne nous mêlions pas de la politique menée en haut, mais que nous
5 l'acceptions sans conditions. Quels que soient les objets d'un accord
6 conclu, nous l'acceptions et le mettions en œuvre.
7 Q. Revenant au débat et à la question que je viens de vous poser, lorsque
8 l'on vous a montré le journal officiel et lorsque vous avez vu que c'était
9 un numéro de novembre 1993, est-ce que ceci vous a aidé à déterminer que
10 c'est bien par le biais des participants à la séance de l'assemblée que les
11 objectifs stratégiques ont été portés à votre connaissance; autrement dit,
12 par le biais des députés ainsi que de réunions politiques ? Car il y a eu
13 pas mal de réunions organisées par les dirigeants du peuple serbe de Pale
14 avec des représentants de Sarajevo à ce moment-là ?
15 R. Eh bien, voyez-vous, il m'est très difficile de vous expliquer tout
16 ceci. Mais voilà à peu près comment se passe une séance de l'assemblée :
17 les employés de l'assemblée préparent les documents, ensuite se tient une
18 réunion du club des députés, et les résultats de cette réunion sont ensuite
19 présentés à l'assemblée. Il ne se passe pas très longtemps entre les
20 premières réunions préparatives [phon] et la séance de l'assemblée en tant
21 que telle.
22 Q. S'agissant des séances de l'assemblée auxquelles vous n'avez pas
23 assisté, vous étiez informé de la teneur des débats par ceux qui y avaient
24 assisté, et notamment par les députés, n'est-ce pas ?
25 R. D'abord, les renseignements nous provenaient par le journal
26 officiel. Ensuite, notre député, Ljubo Bosiljcic, s'il avait assisté à la
27 séance, nous en informait. Il ne le faisait que s'il estimait nécessaire de
28 diffuser ce genre de renseignements. Il n'y avait pas d'autres moyens
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1 d'être informés. Peut-être, éventuellement, pouvait-on l'être par telle ou
2 telle personne qui aurait assisté en tant qu'invitée à ces séances, dans
3 les mêmes conditions où j'ai moi-même assisté à la 17e séance, ou peut-être
4 pouvait-on être informés par les présidents des municipalités de Sarajevo.
5 Q. Ces objectifs stratégiques allaient-ils dans le sens d'une division de
6 la Bosnie-Herzégovine ?
7 R. Eh bien, je n'arrive pas à m'en souvenir ici même aujourd'hui. Si nous
8 avons discuté des objectifs stratégiques dans le procès intenté à M.
9 Krajisnik, je maintiens ce que j'ai dit dans ma déposition dans l'affaire
10 Krajisnik afin de ne pas risquer de dire quelque chose d'autre aujourd'hui,
11 car je ne peux pas m'en souvenir exactement aujourd'hui. Apparemment, la
12 Neretva, la rivière qui traverse la région dans laquelle je suis né, est
13 évoquée dans ces objectifs stratégiques, mais je n'ai pas de souvenir
14 précis.
15 Q. Etiez-vous au courant du fait que la division de Sarajevo faisait
16 partie de ces objectifs stratégiques, ou en tout cas était un des objectifs
17 poursuivis par la Republika Srpska et par les autorités de la Republika
18 Srpska, lorsque vous vous êtes exprimé en juillet 1992 devant l'assemblée,
19 par exemple ?
20 R. A ce moment-là, je n'avais pas en tête les objectifs stratégiques. Vous
21 venez de rappeler qu'ils ont été publiés en 1993, donc je ne les
22 connaissais pas à ce moment-là. Mais tous les Serbes présents sur les zones
23 de Sarajevo sous contrôle serbe, des zones où ils étaient présents depuis
24 des siècles, souhaitaient que ces zones demeurent serbes et demandaient aux
25 dirigeants, dans le cadre d'accords conclus avec les dirigeants musulmans,
26 de faire en sorte que ces secteurs restent serbes.
27 Les gens ne cessaient de me demander :
28 "Est-ce qu'Ilidza a été vendue ? Est-ce qu'Ilidza va rester serbe ou est-ce
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1 qu'elle va être remise aux Musulmans moyennant tel ou tel accord," et
2 cetera.
3 Q. Nous avons parlé l'autre jour d'un accord de dupe. Ceci figure à la
4 page 12 994 du compte rendu d'audience de l'espèce. Il s'agissait,
5 autrement dit, d'une division moyennant un accord ou d'une division par
6 recours aux armes ou de libération par les Serbes des territoires dont ils
7 estimaient qu'ils leur appartenaient.
8 Est-ce que qui que ce soit, Monsieur Prstojevic, a parlé à la 17e séance de
9 l'assemblée de la division de Sarajevo moyennant un accord ou, en cas
10 d'absence d'accord, par recours aux armes ?
11 R. Eh bien, voyez-vous, je n'ai pas assisté à cette séance jusqu'à la fin.
12 Je n'ai pas vraiment fait particulièrement attention à ce qu'ont dit les
13 autres députés. Lorsque j'ai terminé mon discours, je suis parti presque
14 immédiatement, ou en tout cas peu de temps après, parce que la séance,
15 elle, s'est poursuivie pendant pas mal de temps après mon départ. Je pense
16 qu'elle a duré plusieurs jours, cette session de l'assemblée. Mais dans mon
17 discours, que j'ai ici devant moi, j'ai dit, entre autres choses, que les
18 municipalités serbes de la partie occidentale étaient enfermées à
19 l'intérieur de deux cercles concentriques et que les vivres n'y parvenaient
20 pas.
21 A la fin de mon discours, et c'est ce qui vous intéresse, je crois, j'ai
22 dit, et je lis littéralement ce que j'ai dit :
23 "Si l'on réfléchit à toute la situation, je demande aux représentants
24 politiques de haut niveau d'avoir l'amabilité de nous dire si le processus
25 de paix risque d'aboutir à une division de Sarajevo et de nous le dire
26 correctement de façon à ce que nous le sachions. Dans le cas contraire,
27 prenons les armes pour libérer les territoires que nous considérons nous
28 appartenir. Car autrement, il risque d'y avoir un génocide sans précédent
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1 contre le peuple serbe de Sarajevo et de la région."
2 Fin de citation.
3 Je vais vous dire ce qui suit : Là où nous n'avons pas défendu nos zones
4 ethniques par la force des armes, il s'est produit ce qui s'apparente à un
5 génocide. Cela a été le cas à Pofalici, où toute la population a été tuée,
6 alors que seul un soldat musulman a péri. Plus de 300 civils ont été tués à
7 Pofalici.
8 Voilà ce que j'ai dit, et à ce moment-là, je ne pensais pas du tout à un
9 quelconque objectif stratégique. J'exprimais ma position personnelle.
10 J'exprimais ma conviction personnelle.
11 Q. Et ce mot de "division", comment le compreniez-vous, Monsieur
12 Prstojevic ?
13 R. Je vais expliquer quel était le sens que je donnais à ce mot. Personne
14 ne me l'a expliqué, autrement dit. Je vais donc vous expliquer comment je
15 comprenais ce mot et ce que pensaient les Serbes de la région.
16 Dans les endroits où les Serbes constituaient une majorité numérique selon
17 le recensement de 1991, nous souhaitions que soit créé notre Sarajevo serbe
18 de façon à ce que personne ne puisse dépasser les Serbes sur le plan
19 numérique dans ces endroits. Après tout, Dayton divisait Sarajevo en zones
20 occidentales et zones orientales. Cinq communautés locales d'Ilidza
21 devaient, très concrètement, rester dans la partie orientale, c'est-à-dire
22 la partie serbe de Sarajevo. Il y avait aussi des municipalités entières,
23 comme celle de Pale, qui devaient rester serbes. D'autres, telles les
24 municipalités de Trnovo, Stari Grad ou Centar, restaient serbes en partie.
25 Q. Est-ce que vous aviez conscience des inquiétudes créées sur le plan
26 démographique eu égard au taux de natalité des Musulmans et à la
27 prolifération, ou en tout cas à l'augmentation de la population musulmane
28 en Bosnie-Herzégovine, en particulier dans les régions de Bosnie-
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1 Herzégovine que les Serbes considéraient comme faisant partie de leur
2 territoire sur le plan ethnique ?
3 R. A Ilidza, nous disposons des éléments du recensement de 1991. Nous
4 connaissons donc la composition ethnique d'Ilidza, le nombre de foyers
5 vivant à Ilidza, le nombre de têtes de bétail, tous les renseignements.
6 Mais je ne suis pas un expert. Je n'ai jamais pensé au taux de natalité, je
7 n'ai aucune connaissance particulière à ce sujet, d'autant plus que mes
8 parents ont eu dix enfants, moi-même étant le septième.
9 Q. Aviez-vous conscience du fait que d'autres personnes réfléchissaient à
10 ce taux de natalité ? Parmi ces personnes, on trouvait un certain nombre de
11 dirigeants bosno-serbes qui s'inquiétaient du taux de natalité des
12 Musulmans, ce dont avaient conscience les autres membres du SDS et autres
13 représentants du pouvoir de la Republika Srpska.
14 R. Ecoutez, je ne peux pas répondre à de telles questions en lieu et place
15 de tierces personnes, mais ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui encore, les
16 Musulmans ont une natalité assez faible et que sur ce plan, nous sommes,
17 nous les Serbes, tout à fait à égalité avec eux, les Musulmans, ou coude à
18 coude, je dirais.
19 Monsieur Tieger, ce genre de questions ne me plait vraiment pas
20 beaucoup. A l'époque, je n'avais même pas le temps de réfléchir à ce genre
21 de choses. Et d'ailleurs, ce n'était pas nécessaire de réfléchir à ce genre
22 de choses.
23 Q. Je comprends tout à fait que ce soit votre position, et je ne
24 souhaiterais pas du tout que vous vous lanciez dans des conjectures.
25 Reprenons le compte rendu de la 17e séance de l'assemblée, à laquelle
26 vous avez été présent. Vous nous avez dit précédemment que M. Ostojic était
27 le président du Conseil exécutif du SDS, que c'était quelqu'un qui vivait à
28 Ilidza et qui était "à notre disposition sans limites." Il a pris la parole
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1 lors de cette séance. Le saviez-vous ?
2 R. Oui, c'est exact de dire que M. Ostojic était quelqu'un d'Ilidza, qu'il
3 habitait là et qu'à tout moment, il était disponible et on pouvait entrer
4 en contact avec lui. Mais je ne sais pas ce qu'il a dit à l'assemblée. Ce
5 que je sais, c'est que M. Ostojic a épousé une Musulmane, ça, je le sais,
6 et je sais aussi que cette femme, avec ses deux fils, a passé toute la
7 guerre avec nous au cœur d'Ilidza, dans la cité de Vito.
8 Q. C'est tout à fait intéressant, mais ce n'est pas exactement la question
9 que je vous ai posée.
10 Monsieur Prstojevic, à la 17e séance de l'assemblée, M. Ostojic a parlé
11 d'un certain territoire et du nombre de Serbes, du nombre de Musulmans, des
12 pourcentages de Serbes, Musulmans et Croates. Et je le cite, il dit :
13 "Vu le taux de natalité, dans dix ans nous aurons perdu même le pourcentage
14 que nous avons aujourd'hui."
15 Page 81 en anglais et page 83.
16 Est-ce que vous vous rappelez cela ?
17 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi. M. Tieger semble être en train
18 de récuser son témoin. Je souhaite que la Chambre lui en donne permission
19 ou non.
20 M. TIEGER : [interprétation] Premièrement, comme la Chambre l'a déjà fait
21 remarquer, on ne peut pas le savoir d'avance, donc on ne peut pas le savoir
22 avant que le témoin ait répondu. Le témoin peut me remercier de lui avoir
23 rafraîchi la mémoire là-dessus. Donc il se pourrait que ce soit des
24 éléments complémentaires qui seraient apportés et qui contrediront la
25 position du témoin.
26 Deuxièmement, encore une fois, je ne pense pas qu'il y ait de système
27 judiciaire où que ce soit, dans quelque pays que ce soit, qui exige que
28 l'une des parties au procès soit amenée à s'adresser à la Chambre pour
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1 demander l'autorisation sur la nature de son interrogatoire au cas par cas,
2 question par question. Je m'en remets tout à fait à la Chambre. La Chambre
3 est déjà au courant de ce problème qui s'est posé, a approuvé la manière de
4 laquelle j'interrogeais, et je pense que la Chambre souhaite recevoir des
5 éléments d'information dont elle a besoin.
6 Si M. Robinson continue à interrompre à tout moment, cela aura d'autres
7 conséquences. Je pense que cela est non seulement inefficace, mais je pense
8 aussi que finalement, cela réduira la valeur du témoignage.
9 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, on ne peut pas dire
10 que M. Robinson se lève tout le temps.
11 Et de manière générale, si pendant un interrogatoire principal il y a
12 des questions qui sont posées pour préciser une réponse, c'est quelque
13 chose de tout à fait naturel. Là, cependant, où il y a des contradictions,
14 des points où le témoin ne maintient pas ce qu'il avait dit précédemment,
15 il s'agit d'une récusation. Tout à fait, je suis d'accord avec vous que
16 l'on ne peut pas le savoir tant que le témoin n'a pas répondu, donc vous ne
17 pouvez pas savoir par avance quelle sera la suite.
18 Pour être efficace, je dirais qu'effectivement, il nous semble que
19 vous allez vous engager sur la voie de la récusation, et la Chambre doit
20 vous en donner l'autorisation. Si vous allez le faire de manière, disons,
21 tranchée, ce serait peut-être utile de présenter un document où le témoin
22 se contredit entièrement.
23 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Je vous remercie. Je vais essayer de
24 procéder d'une manière à la fois efficace et transparente.
25 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous n'êtes pas devant un jury, donc
26 nous allons devoir prendre en considération l'ensemble des éléments à la
27 fin de la présentation des moyens.
28 M. TIEGER : [interprétation] Je suis d'accord.
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1 Q. Monsieur Prstojevic, la question était de savoir si vous vous souveniez
2 d'avoir entendu M. Ostojic parler du taux de natalité des Musulmans ou des
3 Croates lors de cette 17e séance de l'assemblée.
4 R. Il me semble vous avoir entendu dire que M. Ostojic en aurait parlé en
5 page 81 du procès-verbal de cette séance de l'assemblée. Est-ce que c'est
6 bien cela ?
7 Q. Monsieur Prstojevic, page 81 en anglais. Page 83 en B/C/S. Mais je ne
8 vous invite pas à lire pour le moment. Je vous demande si vous vous en
9 souvenez.
10 R. Non, je ne m'en souviens pas, parce que c'est en page 68 que l'on
11 trouve ce que j'ai dit. Page 68 en serbe. Monsieur Tieger, je souhaite dire
12 la chose suivante : en 2003, j'ai bien dit à vos enquêteurs qu'à la fin du
13 discours, il a fallu que je quitte la séance parce que j'avais un
14 empêchement. Mais maintenant, vous maintenez la même pratique que vous
15 aviez eue dans le procès de M. Krajisnik : vous avancez que j'aurais
16 déclaré telle ou telle chose lors de l'audition, d'une certaine façon,
17 alors que dans ma réflexion j'ai pu établir, aussi grâce aux documents que
18 j'ai sur moi, les documents depuis deux jours, qu'effectivement, ce n'est
19 pas ce que j'ai dit.
20 J'interprète cela comme une manière que vous avez d'exercer des
21 pressions psychologiques sur moi. Cela m'empêche de me concentrer, cela
22 m'empêche de réfléchir et m'empêche de répondre correctement au mieux de
23 mes souvenirs et de mes connaissances aux questions qu'on me pose. Donc je
24 n'ai pas entendu M. Ostojic parler de cela.
25 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur le Témoin, nous
26 n'avons pas un temps illimité à notre disposition. Ce sera utile que vous
27 répondiez aux questions que vous pose M. Tieger, puis après vous répondrez
28 aux questions de M. Karadzic.
Page 13253
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
2 M. TIEGER : [interprétation]
3 Q. Monsieur Prstojevic, vous vous rappelez, cependant, n'est-ce pas, que
4 vous avez vu un enregistrement vidéo d'une réunion ou d'un rassemblement
5 qui s'est tenu en 1991, et M. Ostojic y a pris la parole; c'est bien cela ?
6 R. Mais ça, je l'ai vu il y a quelques jours quand je me préparais à venir
7 témoigner ici à La Haye. C'était le dernier jour des préparatifs. J'ai vu
8 une réunion du comité local -- en fait, de l'assemblée du conseil local du
9 SDS de Dobrinja, et c'est là que M. Ostojic a parlé. Il était invité à
10 cette réunion.
11 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer la pièce 40132.
12 Je souhaite montrer le tout début de cela pour que nous puissions voir M.
13 Ostojic.
14 Q. Et vous aviez reconnu M. Ostojic comme étant l'orateur ? Là où il tient
15 à saluer tout le monde au nom du conseil principal du SDS.
16 R. On ne voit pas l'orateur à l'image que j'ai sous les yeux. Cependant,
17 le 2 mars dernier, j'ai vu cet enregistrement vidéo pour la première fois.
18 Q. A l'époque, vous avez vu un extrait dans lequel vous avez reconnu M.
19 Ostojic; c'est bien cela ?
20 R. Oui.
21 M. TIEGER : [interprétation] -- 20:11.4 à 20:21.2, s'il vous plaît, et à
22 l'intention des interprètes, je précise que c'est à peu près à la page 8,
23 au milieu de la transcription.
24 [Diffusion de la cassette vidéo]
25 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
26 "Nous pouvons empêcher ce qui est dans la déclaration d'Izetbegovic.
27 Il y est dit qu'il y aura un Etat islamique avec 51 % d'entre eux.
28 Messieurs, c'est ce qu'on nous dit. Nous ne sommes pas pressés. Nous avons
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1 une philosophie orientale de la vie --"
2 Inintelligible. Suite :
3 [voix sur voix] "Mes grands-enfants ne devraient pas vivre dans un
4 Etat islamique --"
5 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
6 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons attendre une seconde,
7 interrompre le visionnage. Cela pourrait aider peut-être les interprètes :
8 cela se situe un petit peu au-dessus du milieu de la page où l'on voit les
9 noms Izetbegovic et le chiffre "51 %".
10 Merci. Donc reprenons. Ce serait peut-être le mieux.
11 [Diffusion de la cassette vidéo]
12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
13 "Nous pouvons empêcher ce qui se trouve dans la déclaration
14 d'Izetbegovic. Il y est dit qu'il y aura là un Etat islamique avec 51 %
15 d'entre eux. Messieurs, c'est ce qu'on nous dit. Mais nous ne sommes pas
16 pressés. Nous vivons d'après une philosophie orientale la vie. Mes grands-
17 enfants n'ont pas à vivre dans un Etat islamique. Il y a l'intention
18 d'islamiser la Bosnie, et nous, Messieurs, nous sommes dans une situation
19 de génocide par la natalité --"
20 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Le texte s'affiche en anglais.
21 L'INTERPRÈTE : La cabine française suit les sous-titres anglais sans
22 entendre l'original.
23 [voix sur voix] "Messieurs, nous sommes donc dans une situation de génocide
24 par la natalité. Une famille serbe --"
25 Interruption de la bande, note de la cabine française.
26 Poursuite de la traduction des sous-titres :
27 [voix sur voix] "Une famille serbe, deux personnes, un enfant. Il y
28 en a deux. Et du côté de la famille de Sejo, il y en a sept. Donc cette
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1 fixation, cette idée politique absurde du peuple serbe appelée le
2 yougoslavisme, va disparaître."
3 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
4 M. TIEGER : [interprétation]
5 Q. Monsieur Prstojevic, donc il est fait référence à ce "génocide
6 prénatal. Une famille serbe, un enfant. Mais du côté du voisin Sejo, il y
7 en a sept." Donc c'est une référence par rapport au taux de natalité des
8 Musulmans ?
9 R. Ecoutez, je n'ai absolument pas entendu ce que M. Ostojic disait. Je ne
10 sais pas pour quelle raison, je suppose que c'est pour des raisons
11 techniques, mais je ne l'ai pas entendu parler.
12 Deuxièmement, quand j'ai écouté ce discours le 2 mars, de la manière dont
13 j'ai compris mon rôle, c'était uniquement de déterminer l'identité de
14 l'orateur. Je n'ai pas vraiment cherché à écouter ses paroles, et j'ai
15 encore moins noté quoi que ce soit.
16 Troisièmement, je suis un retraité, je suis quelqu'un qui élève du bétail,
17 donc ce n'est pas dans mes moyens de commenter un discours prononcé par un
18 professeur, il me semble que c'était un professeur, M. Ostojic, donc
19 commenter son discours en 1991. Cela, eh bien, je lui manquerais de
20 correction si je le faisais.
21 Ecoutez, je vais vous dire quelque chose. J'ai trois enfants. Mon frère
22 cadet, il en a quatre. Et ce n'est pas vraiment vrai que les Serbes n'ont
23 qu'un seul enfant par famille.
24 Q. Une dernière question à ce sujet, Monsieur Prstojevic. Est-ce que vous
25 affirmez que vous n'avez jamais entendu d'inquiétudes exprimées au sujet
26 d'une situation défavorable pour les Serbes sur le plan démographique, y
27 compris par rapport au taux de natalité des Musulmans, de quelque membre du
28 SDS que ce soit ou la direction serbe, direction de la Republika Srpska ?
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1 R. Comment voulez-vous que je m'en souvienne ? Ecoutez -- mais maintenant
2 je me rappelle, j'ai regardé la télévision, la chaîne Belgrade 1, parce que
3 je peux capter ça, et je me souviens qu'on a parlé pas mal de la natalité
4 là, mais pas avant la guerre, du tout. Je ne me souviens pas du tout
5 d'avoir entendu parler de la natalité, et ni pendant la guerre.
6 Q. Lors de la 17e séance de l'assemblée, on a parlé de la réunion d'Ilidza
7 du 18 avril. Quand est-ce que vous avez eu l'occasion de revoir M. Karadzic
8 après cette réunion ? Vous en souvenez-vous ?
9 R. J'ai du mal à m'en souvenir exactement, mais il y a eu des réunions.
10 C'était surtout pendant la deuxième moitié de l'année 1992. Et lors de ces
11 réunions, il va y avoir le président Karadzic.
12 Q. Je ne parle pas de la deuxième moitié de l'année 1992. Puisque vous ne
13 vous en souvenez pas exactement, est-ce que cela pourrait vous aider peut-
14 être d'entendre ce que vous avez dit en 2005 ? Il a été question de cette
15 réunion du mois d'avril. Vous avez mentionné des réunions qui ont été
16 organisées par la suite à Pale, et l'on vous a demandé :
17 "Combien de temps s'est passé entre la réunion d'Ilidza et votre
18 déplacement à Pale ?"
19 Et vous avez dit :
20 "Je ne me souviens pas exactement."
21 Page 28 en anglais. Page 47 de la pièce 65 ter 22231.
22 "Je ne m'en souviens pas vraiment, mais je pense que c'était en mai. Mais
23 ce qui est important, c'est que Vojo Djordjevic était encore commandant du
24 Corps de Sarajevo-Romanija. Il était à l'époque à Lukavica lorsque nous
25 sommes allés à Pale. C'était vers le 10 mai à peu près."
26 Puis, on vous a demandé quelle a été son importance, et puis vous avez
27 parlé de la chronologie des événements. Et lorsqu'on vous a demandé quelle
28 était la fréquence de vos déplacements vers Pale, vous avez dit que vous y
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1 êtes allé de plus en plus souvent au fur et à mesure que la guerre
2 avançait. Et tout de suite après le 10 mai à peu près, il y a eu, d'après
3 vous, une autre réunion qui s'est tenue à Pale.
4 Alors, Monsieur Prstojevic, est-ce que vous pouvez confirmer que c'est bien
5 ce que vous avez dit, est-ce que cela vous permet de vous rappeler et est-
6 ce que cela vous permet d'en savoir plus de cette réunion qui se serait
7 tenue le 10 mai ou à peu près à ce moment-là, réunion à Pale donc, avec M.
8 Karadzic et avec d'autres intervenants ?
9 R. Dans mes documents je dois pouvoir retrouver la date de cette réunion,
10 mais mon souvenir -- écoutez, ce n'était pas Vojo Djordjevic le commandant
11 du Corps de Sarajevo-Romanija; c'était Vojislav Djurdjevac, plutôt. Ça, je
12 l'ai remarqué. Pendant la pause, j'espère pouvoir retrouver cette date. Je
13 sais que tous les présidents des municipalités de la ville étaient présents
14 à cette réunion et qu'ils étaient très mécontents de la direction parce que
15 le siège du gouvernement était resté à Pale. Et je retrouverai dans les
16 notes plus exactement -- je sais, en fait, que nous avons critiqué la
17 direction et qu'à son tour, la direction nous a critiqués.
18 Q. Là, vous avez dit que de plus en plus souvent, on vous convoquait pour
19 vous rendre à Pale plus la guerre avançait. Donc, est-ce que vous pouvez
20 nous dire de quoi il a été question à ces réunions ?
21 R. Oui, c'est vrai. Plus la guerre durait, plus il y avait de réunions.
22 Alors, quasiment toutes les réunions, à l'exception de cette première,
23 étaient des réunions où on parlait de la situation de sécurité, situation
24 militaire et situation politique, mais à un très haut niveau, et c'est
25 surtout lors de cette première réunion qu'il y a eu des dissensions. Donc
26 c'étaient surtout les questions de sécurité, des questions politiques.
27 Puis aussi, nous, on voulait obtenir un certain nombre de choses de
28 la part de la direction. Il nous fallait des moyens logistiques, on avait
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1 des besoins, des besoins pour l'armée, puis aussi la population avait
2 besoin de choses. Puis, il était question aussi de la coopération au niveau
3 local; les autorités civiles d'une part, puis l'armée, le MUP. Et aussi, il
4 fallait renforcer l'état de droit.
5 Q. Il y a eu des contacts directs que vous avez eus. Vous, vous êtes allé
6 à Pale, notamment, mais est-ce que vous avez également eu des contacts avec
7 la direction, par exemple dans le cadre de conversations téléphoniques ?
8 R. Pour l'essentiel, je dois dire que je me souviens de contacts directs.
9 Quand les lignes téléphoniques fonctionnaient, bien sûr, l'on s'appelait
10 par téléphone à chaque fois que cela était nécessaire. Si surtout ils
11 étaient disponibles, ces représentants des autorités dont on avait besoin
12 et qui étaient compétents.
13 Q. Et les services de téléphone, ils fonctionnaient de façon normale, par
14 exemple en avril et en mai 1992; c'est bien cela, n'est-ce pas ? Est-ce que
15 vous avez eu la possibilité de voir de nombreuses conversations
16 téléphoniques pour lesquelles vous aviez été l'un des interlocuteurs à
17 l'époque ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous en prie.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais soulever une objection parce que là,
21 je pense qu'il s'agit vraiment d'une question directrice.
22 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger.
23 M. TIEGER : [interprétation] Eh bien, dans un premier temps, il y a déjà eu
24 une réponse qui a été apportée à la question, donc je peux reposer cette
25 question compte tenu du nombre de conversations interceptées qui ont été
26 consultées et qui ont déjà été versées au dossier. Si cela pose problème,
27 je peux reposer la question, mais nous avons déjà obtenu une réponse et
28 nous avons une feuille de récolement dans laquelle le témoin confirme qu'il
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1 a bien pris part à des douzaines de conversations interceptées dont nous
2 avons vu le texte. Il vous appartient d'en décider, Monsieur le Juge.
3 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je voulais tout simplement vous
4 demander votre avis, mais il me semble que cette question ne fait pas
5 partie de la catégorie des questions directrices. Vous avez présenté une
6 option, deux options en fait, ensuite vous avez posé une question. Si vous
7 pouvez reformuler, je pense que ce serait mieux.
8 M. TIEGER : [interprétation]
9 Q. Eh bien, voilà ce que j'aimerais savoir étant donné que le témoin a
10 déjà répondu à la question -- voilà ce que j'aimerais savoir : est-ce que
11 vous pourriez, je vous prie, nous donner un exemple; donnez-nous le nom des
12 personnes avec qui vous étiez en contact ? Est-ce qu'il s'agissait, par
13 exemple, d'organes, d'organisations ? Je pense, par exemple, à des
14 responsables de la JNA, à des responsables du MUP, à différentes autorités
15 politiques à Pale, et je pense également à d'autres dirigeants municipaux
16 dans la région de Sarajevo, ce genre de choses. Pourriez-vous nous donner
17 les noms de personnes avec qui vous étiez en contact, soit en faisant
18 référence aux conversations précises que vous avez écoutées l'autre jour,
19 soit en faisant référence à d'autres auxquelles vous penseriez maintenant ?
20 R. Au niveau local, je dirais qu'au niveau des municipalités, il y avait
21 constamment des conversations téléphoniques avec les commandants de
22 brigades, avec les représentants de la JNA, et ce, jusqu'au 19 mai. Puis, à
23 partir du 19 mai, c'est des contacts qui ont été établis avec les
24 commandants du corps, avec des personnes venant d'une vingtaine de communes
25 locales. Et lorsque les téléphones fonctionnaient, il y a eu des contacts
26 avec notre gouvernement à Pale, avec les dirigeants à Pale. Si le besoin se
27 faisait sentir, nous n'hésitions pas à appeler les dirigeants à Pale, et
28 j'entends par cela les membres du gouvernement, ainsi que certains
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1 ministres et d'autres hauts fonctionnaires de l'Etat.
2 Q. Est-ce que vous avez eu des contacts avec d'autres dirigeants locaux
3 des municipalités de la région de Sarajevo ?
4 R. Oui.
5 Q. Je vous ai posé une question l'autre jour à propos de la cellule de
6 Crise. Voilà la question que j'aimerais vous poser maintenant : j'aimerais
7 savoir si les cellules de Crise ont été remplacées par un autre organe, et
8 -- premièrement, voilà quelle est ma question : est-ce que la cellule de
9 Crise a été remplacée par un autre organe ?
10 R. Oui, effectivement.
11 Q. Et quel était cet organe justement ?
12 R. Le commissaire de Guerre.
13 Q. Bien. Et est-ce que le commissaire -- qui était le commissaire de
14 Guerre à Ilidza, et est-ce que cette personne avait des liens avec les
15 dirigeants de la Republika Srpska ?
16 R. Le premier commissaire de Guerre pour la municipalité serbe d'Ilidza et
17 pour la municipalité serbe de Rajlovac était Miroslav Radovanovic. Il avait
18 une maîtrise.
19 Q. Vous --
20 R. Il est venu à Ilidza, j'entends par cela qu'il avait été envoyé par les
21 dirigeants de Pale. Je ne sais pas, d'ailleurs, quel organe a créé le
22 bureau du commissaire de Guerre. Il s'est présenté et il a commencé à nous
23 aider dans le cadre de notre travail.
24 Q. Est-ce que vous vous souvenez du commissaire de Guerre pour Vogosca et
25 Ilijas ?
26 R. Il s'agissait du Dr Nikola Poplasen.
27 Q. Est-ce que vous saviez que le commissaire de Guerre, M. Radovanovic,
28 avait été envoyé par les dirigeants de Pale ?
Page 13261
1 R. Oui.
2 Q. Et que diriez-vous du contrôle qu'exerçaient les dirigeants de Pale sur
3 Ilidza ? Comment est-ce que vous le qualifieriez, ce contrôle ?
4 R. Il ne faut pas oublier que c'était une époque particulièrement
5 difficile, particulièrement tourmentée. La confusion régnait. Tout
6 simplement, nous ne nous connaissions pas. Au sein du conseil municipal,
7 sur 38 personnes, je n'en connaissais qu'une avant l'établissement du
8 conseil municipal. Donc il faut savoir qu'en matière de coopération, que je
9 qualifierais d'horizontale, il y avait quand même certains conflits. Je
10 pense au personnel de la Défense territoriale; au MUP; à la partie civile;
11 au commissaire, qui lui se rendait compte de la situation, puis ensuite
12 coordonnait avec ses supérieurs hiérarchiques. Tout cela pour vous dire
13 qu'il pouvait critiquer quelqu'un, mais il pouvait harmoniser la
14 coopération également.
15 Deuxièmement, moi je pense que son objectif était véritablement de nous
16 aider, de faire en sorte qu'il y ait une coopération, parce que la
17 situation était fort complexe à Ilidza. Il y avait ce que j'appellerais
18 deux espaces de sécurité publique : il y avait un poste de sécurité au
19 milieu, il y avait la police frontalière, puis il y avait quatre unités de
20 police. Donc il fallait véritablement assurer le lien entre tous ces
21 organes pour que l'ordre public recommence à régner et à prévaloir. Il
22 fallait savoir qui était responsable si la coopération n'était pas bonne,
23 mais qui était responsable si quelque chose ne fonctionnait pas bien. Donc
24 lui, c'était la personne qui fournissait les évaluations, qui nous
25 évaluait. Je pourrais vous dire qu'il était au-dessus de la mêlée alors que
26 tous les autres étaient égaux, mais il était au-dessus de nous parce qu'il
27 pouvait évaluer notre travail, alors que nous, nous ne pouvions pas évaluer
28 son travail.
Page 13262
1 Q. J'aimerais vous poser une question à propos de ce que vous avez dit en
2 2005, page 28 pour la version anglaise et 47 pour la version B/C/S. Là, une
3 fois de plus, vous parlez de réunions avec Pale, et vous dites :
4 "Et ce qui est encore plus important, c'est qu'il nous avait envoyé un
5 commissaire de Guerre."
6 Et ensuite, vous indiquez que Radovanovic a été envoyé à Ilidza, que
7 Poplasen a été envoyé à Ilijas, et voilà ce que vous dites, je cite :
8 "Donc les dirigeants de Pale contrôlaient pratiquement, par le truchement
9 de ces commissaires de Guerre, les dirigeants locaux. Ils avaient été
10 envoyés dans ces endroits pour être les supérieurs des organes municipaux."
11 J'aimerais savoir, Monsieur Prstojevic, si cela était exact et si vous
12 développez votre propos sur l'impact du rôle joué par les commissaires ?
13 R. Oui, j'ai dit la même chose, mais formulé de façon différente, car il
14 est plutôt clair que la personne qui évalue le travail de quelqu'un d'autre
15 et qui présente un rapport à propos de ce travail a une position supérieure
16 à celle des dirigeants locaux. Les déclarations, elles sont tout à fait
17 compatibles l'une avec l'autre.
18 Q. Nous avions parlé de réunions. A ce propos, est-ce que vous vous
19 souvenez d'une réunion qui a eu lieu à Jahorina en septembre 1992 ou à un
20 moment de l'année 1992 ?
21 R. Oui, je m'en souviens.
22 Q. Est-ce que vous vous souvenez qui a participé à cette réunion ?
23 R. Les plus hauts dirigeants politiques étaient présents. Tout cela était
24 dirigé par le président Karadzic, et il y avait le président Krajisnik, et
25 il y avait certains ministres. Je sais qu'il y avait le ministre des
26 Finances, quelqu'un qui s'appelait Petra. Je ne me souviens pas des autres
27 ministres. Mais parmi les dirigeants militaires, le général Mladic était
28 présent, le commandant de toutes les brigades de Sarajevo. Tous les
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1 présidents municipaux étaient présents également. Les présidents des
2 Comités exécutifs étaient également présents. C'était quand même une
3 réunion où il y avait beaucoup de personnes.
4 Q. Monsieur Prstojevic, j'aimerais maintenant vous poser quelques
5 questions compte tenu de l'observation que vous avez lue à propos de la 17e
6 assemblée, donc je vais vous poser des questions à propos de la division de
7 Sarajevo. Il avait également été question de savoir si l'on devait avoir
8 recours aux armes afin de libérer les territoires. Je pense que la citation
9 exacte était les territoires qui, je cite, "d'après nous, sont les nôtres."
10 Avant que je ne vous présente le premier document, j'aimerais vous poser
11 une autre question. Il a été question de la situation démographique à
12 Ilidza. Où se trouvaient les quartiers musulmans -- non, en fait,
13 j'aimerais vous poser une autre question : Butmir, Sokolovic Kolonija et
14 Hrasnica, par exemple, est-ce qu'il s'agissait de quartiers qui étaient
15 peuplés majoritairement par des Musulmans ?
16 R. Notre décision relative à la création de la municipalité serbe d'Ilidza
17 prise le 5 avril a été prise pour laisser partir des communautés musulmanes
18 où les Musulmans étaient majoritaires. Alors, il y avait Hrasnica 1,
19 Hrasnica 2, Sokolovic Kolonija, Butmir, une partie de Donji Kotorac, et
20 ainsi qu'à Stupsko Brdo et à Donji Kotorac, il y a une partie où les
21 Musulmans étaient majoritaires. Alors, nous avons également fait fi de Stup
22 1 et d'Otes.
23 Non, je vais me corriger. Non, à Stup 1, il y a un quartier qui s'appelle
24 Doglodi où les Serbes étaient majoritaires. Bien sûr, cela n'a pas été pris
25 en considération, mais il faut savoir que Stup 1 a été donné aux Croates.
26 C'est là qu'ils ont formé leur municipalité et le HVO jusqu'à ce que les
27 Musulmans les en aient chassés, ce dont je vous ai parlé un peu plus tôt.
28 Pour ce qui est des autres communes locales, il faut savoir qu'elles
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1 avaient une majorité chrétienne. J'en ai la description, donc je peux vous
2 donner lecture de tout cela. Il y a des communes locales où il n'y avait
3 pas un seul Musulman. Il y avait des communautés où il n'y avait pas un
4 seul Croate.
5 L'INTERPRÈTE : Les interprètes aimeraient demander au témoin de répéter sa
6 toute dernière phrase.
7 M. TIEGER : [interprétation]
8 Q. Monsieur Prstojevic, les interprètes n'ont pas entendu la dernière
9 phrase que vous venez de prononcer. Pourriez-vous la répéter, je vous prie.
10 R. Excusez-moi. Ils n'ont pas compris. C'est un proverbe serbe. Lorsque
11 les gens s'entendent, on dit qu'ils s'entendent comme larrons en foire. Ce
12 que je veux dire, en fait, c'est que nous avons réussi à rester là sans
13 avoir de querelle, mais vous savez, ce qui est décidé dans les hautes
14 sphères politiques, cela est décidé. Mais il faut savoir que les Croates
15 faisaient l'objet de pressions assez fortes de la part des dirigeants de
16 Zagreb et de la part des dirigeants de Bosnie pour qu'ils commencent à nous
17 faire guerre, mais ils savaient que cela n'allait pas dans leur intérêt.
18 Donc ils savaient que nous n'allions pas toucher leurs territoires, nous ne
19 voulions absolument pas le faire d'ailleurs, et je les félicite de cela.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, là, attendez, parce que dans sa réponse,
21 le témoin a fait référence aux relations entre les Serbes et les Croates.
22 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Est-ce que cela est exact, Monsieur
23 ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Oui, oui. Je parlais
25 des relations entre les Croates et les Serbes à Ilidza ainsi que des
26 relations avec les Croates dans la municipalité de Kiseljak, où ils sont
27 majoritaires. Mais ils ont une frontière avec nous. Il faut savoir que 11
28 kilomètres de cette frontière est une zone qui n'a jamais été revendiquée
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1 par quiconque, et d'ailleurs nous n'avons jamais eu d'incidents, il n'y a
2 jamais eu des débordements. Il y avait des communautés locales à Ilidza
3 pendant la guerre où il y avait beaucoup plus de Croates pendant la guerre
4 que pendant la paix; par exemple, la commune de Blazuj, où il y avait
5 beaucoup de résidences secondaires.
6 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que le document P1006 pourrait être
7 affiché à l'écran, Monsieur le Greffier.
8 Q. Monsieur Prstojevic, je vous avais dit que j'allais vous montrer
9 quelques documents qui datent de cette époque.
10 En attendant que la version anglaise ne soit affichée, j'aimerais vous
11 indiquer, Monsieur Prstojevic, qu'il s'agit d'un document qui émane du
12 commandement du Corps de Sarajevo-Romanija.
13 Puisque je vais présenter toute une série de documents à ce sujet, Monsieur
14 le Juge, je ne sais pas si vous voulez faire la pause un peu plus tôt que
15 prévue. Je vois que le greffier semble penser qu'il s'agit d'une très bonne
16 idée, puisque visiblement, ils ont un petit problème technique.
17 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, je pense que c'est
18 effectivement une très bonne idée. Donc nous allons faire la pause
19 maintenant et nous reprendrons à 12 heures 55.
20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.
21 --- L'audience est reprise à 12 heures 57.
22 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger.
23 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 J'avais demandé l'affichage d'une pièce, la pièce P1006. Je vois qu'elle
25 est déjà sur nos écrans.
26 Q. Et je pense, Monsieur Prstojevic, que vous étiez en train de la
27 consulter sur votre écran, n'est-ce pas ? Il s'agit du document du 12
28 septembre 1992, document du Corps de Sarajevo-Romanija.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous ne l'avons pas sur les écrans. Maintenant
2 ça va.
3 M. TIEGER : [interprétation]
4 Q. Eh bien, je recommence. C'est un document qui porte la date du 12
5 septembre 1992. Il émane du commandement du Corps de Sarajevo-Romanija, il
6 est adressé au commandement du poste de commandement du Corps de Sarajevo-
7 Romanija. Et nous lisons dans le texte :
8 "Dans le télégramme de l'état-major principal de la VRS du 7 septembre
9 1992, nous avons reçu des missions émanant de la conférence relative aux
10 questions militaires et politiques pour la région de la RSK tenue le 6
11 septembre 1992 à Jahorina."
12 A laquelle assistaient le commandement de la RSK, les commandants de
13 brigade, les présidents de l'assemblée municipale, les chefs des bureaux de
14 recrutement municipaux, les membres de l'état-major principal et les
15 membres de gouvernement et de la présidence de la République serbe.
16 D'abord, Monsieur Prstojevic, est-ce que ceci a un rapport avec ce que vous
17 avez dit précédemment lorsque vous décriviez la tenue d'une réunion à
18 Jahorina, à laquelle vous assistiez et à laquelle, d'après ce que vous avez
19 dit, ont assisté également les présidents des municipalités, les présidents
20 de Conseils exécutifs, et cetera ?
21 R. Voyez-vous, ceci était la première réunion de ce genre qui s'était
22 tenue depuis le début de la guerre, réunion au plus haut niveau. Mais ce
23 dont je parlais tout à l'heure, c'était d'une autre réunion du même type
24 que celle-ci qui a eu lieu après celle dont il est question dans ce
25 document. Après un certain temps, mais je ne sais pas combien de temps
26 après la réunion dont il est question dans ce document.
27 Mais eu égard au document que j'ai maintenant devant moi à l'écran,
28 j'aurai besoin d'en voir la fin pour vérifier qui a signé ce document. Et
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1 avec mes excuses, j'aimerais rappeler une erreur accidentelle, sinon
2 délibérée, de M. Tieger, lorsqu'il a dit que devant l'assemblée, j'ai parlé
3 de la façon de diviser Sarajevo. Ceci est inexact, et on le voit à la
4 lecture de ce texte, je n'ai demandé à personne comment diviser Sarajevo.
5 Mais ce que j'ai fait, c'est mettre l'accent sur la nécessité d'un accord
6 pacifique.
7 Q. Nous avons vos propos enregistrés au compte rendu d'audience, Monsieur
8 Prstojevic, et nous les avons sur papier également. Je suis sûr que la
9 Chambre prêtera la plus grande attention à tous les renseignements émanant
10 de votre déposition.
11 Alors, ce document est signé par M. Galic, commandant du SRK. Et si cela
12 peut vous aider à vous en assurer, je ne vois aucun problème à ce que l'on
13 vous montre le bas du document. Voilà, c'est fait.
14 J'aimerais maintenant que nous parlions des différentes missions qui ont
15 été définies à l'issue de cette réunion du 6 septembre 1992 à Jahorina,
16 missions dont on trouve la liste dans ce document, en particulier au
17 premier paragraphe de la page qui est actuellement à l'écran. Je cite :
18 "Premièrement, garantir une défense décisive ayant été sur les lignes
19 atteintes, améliorer la position opérationnelle du corps d'armée," et
20 cetera, et cetera.
21 Puis, à la fin, si l'on prend le passage qui commence à la troisième ligne
22 à partir du bas, nous lisons :
23 "… et libérer et prendre le contrôle de portions importantes de la ville,
24 ainsi que des secteurs proches de la ville (Mojmilo, le carrefour de Stup)
25 et les localités (Donji Kotorac, Hrasnica, Butmir et Sokolovic Kolonija)."
26 Alors, d'abord, Hrasnica, Butmir et Sokolovic Kolonija, vous les avez
27 définis comme étant des quartiers musulmans, n'est-ce pas ? Mais qu'en
28 était-il de Donji Kotorac ? Etait-ce également un quartier musulman ?
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1 R. Oui. Et c'est toujours le cas aujourd'hui, selon les termes de l'accord
2 de paix de Dayton.
3 Q. Qu'en est-il de Gornji Kotorac ? Est-ce que c'était aussi un quartier
4 musulman ?
5 R. Kotorac constitue une seule et même communauté locale.
6 Q. Mais on voit la mention de Donji Kotorac dans le texte. Qu'en était-il
7 de Gornji Kotorac ?
8 R. Kotorac était une localité locale qui abritait 1 950 habitants, dont 1
9 153 étaient musulmans, le reste étant composé de chrétiens. Donji et Gornji
10 Kotorac étaient une seule et même communauté locale. Les Musulmans étaient
11 principalement concentrés dans Donji Kotorac. Quant à Gornji Kotorac,
12 c'était une enclave qui se trouvait au milieu d'une population serbe. On y
13 trouvait à peu près 70 foyers. Et si l'on compte une moyenne de quatre
14 personnes par foyer, on multiplie par quatre, ce qui nous donne à peu près
15 un maximum de 300 habitants.
16 Mais la ligne constituée par Butmir, Kotorac, Donji Kotorac et le
17 mont d'Ilaca, et cetera, avait une importance stratégique aussi bien pour
18 les Musulmans que pour nous. C'est pourquoi Gornji Kotorac ainsi que
19 Srednji Kotorac, le Kotorac moyen, ont été des endroits où l'artillerie n'a
20 pas cessé d'opérer, et dans la pratique, la population musulmane aussi bien
21 que la population serbe qui vivait dans ces quartiers a fini par être
22 évacuée. C'est dans Gornji Kotorac et Srednji Kotorac que l'on trouve le
23 plus grand nombre de victimes civiles. En fait, il y a eu 41 victimes
24 civiles, dont deux Musulmans et 39 Serbes dans ces deux quartiers.
25 Q. Passons rapidement à un autre document en rapport avec le fait de
26 libérer certains quartiers d'Ilidza.
27 M. TIEGER : [interprétation] Ce document est le document 65 ter numéro
28 10773.
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1 Q. Monsieur Prstojevic, il s'agit d'un extrait du procès-verbal de la 2e
2 séance de l'assemblée de la municipalité serbe d'Ilidza qui s'est tenue le
3 29 août 1992, comme on peut le lire au début du document. Il est indiqué
4 que 41 députés ont assisté à cette séance, que vous étiez président de
5 l'assemblée de la municipalité serbe d'Ilidza et qu'en cette qualité vous
6 avez prononcé le discours d'ouverture. Après avoir salué les députés et
7 invités présents, il est dit qu'à l'ordre du jour figurait un discours du
8 président de la municipalité serbe d'Ilidza qui devait parler de la
9 situation politique et de la situation sécuritaire. Et nous voyons à la
10 ligne 5 du "point 1" les mots suivants, je cite :
11 "Commandement militaire - réalisation des objectifs de guerre, défense et
12 libération des territoires non encore libérés."
13 Vous rappelez-vous cette séance, Monsieur Prstojevic ?
14 R. Oui. C'est la 2e séance de la municipalité serbe de l'assemblée
15 municipale serbe d'Ilidza.
16 Q. Est-ce que ce qui est écrit au point 1 indique que c'est vous qui avez
17 parlé aux personnes assemblées ?
18 R. Oui.
19 Q. Quels étaient les objectifs de guerre et quels étaient les territoires
20 qui n'avaient pas encore été libérés dont vous parlez dans votre discours
21 d'ouverture ?
22 R. Voyez-vous, notre principal objectif de guerre était d'assurer la
23 défense des régions peuplées par des Serbes, ce qui était loin d'être
24 facile. Ceci figure à la ligne 4 du texte.
25 Il importe toujours d'envisager l'avenir avec un optimisme relatif.
26 Etant donné que les forces musulmanes ne cessaient de nous attaquer, nous
27 avons formulé des menaces verbales en disant que nous aussi allions nous
28 mettre à attaquer un certain nombre d'endroits. Mais ça, nous ne l'avons
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1 jamais fait. Et j'affirme, en me fondant également sur cet ordre de l'état-
2 major général de l'armée de la Republika Srpska, que nous avons vu tout à
3 l'heure que jamais les unités du RSK n'ont attaqué Hrasnica 1, Hrasnica 2,
4 Sokolovic Kolonija ou Butmir pendant toute la durée des actions menées dans
5 ces secteurs.
6 Ils ne l'ont jamais fait dans le but de s'emparer de ces localités.
7 J'irais même jusqu'à dire qu'en vertu de la décision prise par nous de
8 créer une municipalité serbe, les communautés locales dont je viens de
9 citer les noms, y compris Stupni Do et Donji Kotorac, faisaient partie de
10 nos secteurs à ce moment-là. Mais durant les débats parlementaires, si l'un
11 ou l'autre des députés était mécontent de ce qu'avait dit telle ou telle
12 personne, nous pensions éventuellement que ces propos n'étaient pas
13 pertinents et qu'ils ne méritaient pas d'être mis en œuvre et d'être
14 considérés comme des conclusions officielles. La personne qui a proposé
15 cette conclusion ne l'a fait que sur le papier.
16 J'ai été très surpris de voir que c'est ce qu'avait dit l'état-major
17 général, parce que nous n'étions pas prêts à faire ce qui est indiqué ici,
18 mais je sais, et on trouve d'ailleurs un libellé à peu près identique dans
19 les conclusions émanant de cette séance de l'assemblée dont nous sommes en
20 train de parler, mais en dépit de cela, je sais qu'il n'y a pas la moindre
21 preuve démontrant que nous aurions lancé une quelconque offensive contre
22 ces territoires. Vous pouvez d'ailleurs demander aux Musulmans de confirmer
23 mes dires que je maintiens ici aujourd'hui.
24 Q. Il semble que nous ayons un petit problème technique. J'aimerais que
25 nous passions rapidement à l'examen de la page 2 de ce document. Dans cette
26 page, au paragraphe figurant au regard du numéro 1, on trouve une mention
27 qui, je crois, correspond à ce que vous venez de dire lorsque vous avez
28 évoqué des conclusions. Il s'agit, en effet, de "Proposition de décisions
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1 prises à la réunion du club des députés." Au petit 1, nous lisons :
2 "Dans le but de libérer complètement le territoire de la municipalité serbe
3 d'Ilidza, il importe de coordonner très rapidement les opérations dans le
4 but de créer une route passant par un corridor qui traverse Lukavica."
5 Et en vue de mener à bien cette mission, il importe de créer une
6 coordination entre toutes les unités militaires, le poste de sécurité
7 publique, et cetera, et cetera.
8 Quel était le territoire qui était traversé par le corridor dont il est
9 question ici, corridor qui doit traverser Lukavica ?
10 R. J'aimerais lire une phrase que vous avez laissée de côté délibérément.
11 Elle se trouve dans le deuxième paragraphe et elle se lit comme suit, je
12 cite :
13 "Dans le but de mener à bien cette mission importante, il importe d'établir
14 une coordination entre toutes les autorités militaires," fin de citation,
15 "et de veiller à créer un commandement uni sur toutes les forces armées,
16 groupes armés et individus."
17 J'aimerais souligner que ceci ne corrobore pas quoi que ce soit --
18 Q. Non, Monsieur Prstojevic. Avant de poursuivre, j'ai une chose à vous
19 dire. Je pense que je vous ai traité avec la plus grande courtoisie. Ce
20 document est actuellement sous les yeux des Juges de la Chambre. J'ai fait
21 référence à une phrase dans ce document, et je pense qu'il importe de
22 conserver ici la décence nécessaire des débats. Je l'ai fait et je vous
23 invite instamment à en faire autant.
24 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur le Témoin, j'appuie ce que
25 M. Tieger vient de dire. Le rôle du témoin consiste à répondre honnêtement
26 et impartialement aux questions qui lui sont posées.
27 M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur le Témoin, je soutiens M.
28 Tieger dans ce qu'il vient de dire et je soutiens également mes collègues
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1 de la Chambre.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. Dans ce cas, je présente mes excuses
3 à M. Tieger.
4 Pourquoi est-ce que cette conclusion figure dans ce texte ? Dans le
5 mois où s'est déroulée cette réunion - je vais vérifier la date - la
6 direction des Serbes avait remis l'aéroport de Butmir de Sarajevo qui
7 auparavant était sous le contrôle de nos forces, et toute la circulation
8 provenant de l'ouest d'Ilidza et de l'est d'Ilidza passait par cette piste
9 d'aéroport. Mais lorsque l'aéroport a été remis aux forces internationales
10 des Nations Unies, pendant une période assez longue, je ne sais plus si
11 c'était une année entière ou même davantage, en tout cas pendant une
12 période assez longue, nous n'avons plus été en mesure de passer par cette
13 piste de l'aéroport. Au lieu de cela, il est devenu nécessaire de
14 contourner complètement l'ouest de Sarajevo, le nord-ouest de Sarajevo et
15 le nord-est de Sarajevo également pour atteindre cet endroit.
16 M. TIEGER : [interprétation]
17 Q. Monsieur Prstojevic, excusez-moi de vous interrompre. Il apparaît
18 clairement que vous êtes en train de lire quelque chose qui est écrit dans
19 un document. Quel est ce document ?
20 R. Ce que vous avez sur l'écran devant vous, moi je l'ai ici sur papier.
21 Et je ne lis pas ce qui figure dans ce texte; je parle de mémoire. C'est le
22 procès-verbal de la réunion de la 2e séance de l'assemblée de la
23 municipalité serbe d'Ilidza. Je n'invente rien.
24 Q. Non, non, cela ne pose pas de problème. Je voulais simplement savoir ce
25 que vous étiez en train de faire. Il faut que chacun sache à tout moment ce
26 qui se passe dans ce prétoire. Je ne tente en rien de vous empêcher de vous
27 référer à des documents apportés par vous. Mais lorsque vous regardez un
28 document en particulier, il serait bon que vous nous disiez quel est ce
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1 document.
2 R. Je vais vous le dire. Dans mon cartable, j'ai apporté toutes les
3 transcriptions de mes auditions de 2003, 2005 et 2006. J'ai donc en
4 particulier le compte rendu de ma déposition dans l'affaire Krajisnik et
5 j'ai même les notes de récolement des récolements qui se sont menés avec
6 vous. Voilà pourquoi j'ai de nombreux documents dans mon cartable.
7 Deuxièmement, quand je suis arrivé ici, je me suis mis à écrire au
8 sujet de l'hiver à Ilidza, j'ai donc ces notes sur moi également. Je peux
9 les consulter chaque fois que la nécessité s'en fait sentir.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une intervention, excusez-moi. Le témoin a dit
11 : "Je ne lis pas les documents que j'ai sur moi," alors qu'au compte rendu
12 en anglais il est écrit : "J'ai lu." Une correction est donc nécessaire.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, en effet. Je ne lis pas. Je regarde
14 simplement et je parle de mémoire. Mais ce corridor de Lukavica a été
15 discuté pendant une quinzaine de minutes à la réunion de l'assemblée
16 municipale. En passant par là, le chemin était beaucoup plus court et
17 épargnait trois heures de transport, et on n'était plus exposés aux tirs à
18 partir de Lukavica.
19 Voyons quelles sont les missions assignées au Corps de Sarajevo-Romanija et
20 à la brigade. Le corridor ne devait être ouvert qu'à la fin de la guerre,
21 parce qu'entre-temps, la FORPRONU nous avait donné un certain nombre de
22 lieux de passage à travers la piste de l'aéroport sous son contrôle. Donc
23 là, il ne peut pas être question de Butmir, parce que Butmir est un
24 quartier où les gens vivaient en bonne indigence et ils ne nous auraient
25 pas attaqués même s'ils en avaient reçu l'ordre de la direction.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois encore demander une précision au compte
27 rendu en anglais. Le témoin a dit : "On tirait sur nous quand on allait
28 vers Lukavica," alors qu'au compte rendu en anglais il est écrit qu'on tire
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1 sur Lukavica, "to be opened towards Lukavica." Est-ce que le témoin -- ah
2 non, "to fire from Lukavica." Donc : "On ne pouvait pas atteindre le
3 corridor serbe parce que des tirs provenaient de Lukavica." J'aimerais que
4 le témoin précise ce qu'il a voulu dire sur ce sujet.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour aller d'Ilidza à Rajlovac, puis à
6 Vogosca, puis à Pale, puis à Lukavica, il fallait trois heures de voyage.
7 Pendant ce voyage de trois heures, il y avait un certain nombre de lieux
8 qui étaient couverts par des tirs de tireurs embusqués et des tirs de
9 mitrailleuses, et celui qui était visé par ces tirs courait un véritable
10 danger de mort.
11 M. TIEGER : [interprétation]
12 Q. Je vais vous montrer un autre document, Monsieur Prstojevic, mais avant
13 cela --
14 M. TIEGER : [interprétation] Je ne présente pas une objection
15 particulièrement ferme par rapport à l'intervention qui vient d'avoir lieu,
16 mais je pense qu'il importe de faire remarquer au compte rendu que la bonne
17 façon d'intervenir dans le but qui était celui de l'intervention en
18 question consiste à faire remarquer simplement l'existence d'un problème et
19 à demander une précision plutôt que d'apporter une réponse. Or c'est ce que
20 l'accusé a fait lorsqu'il a dit qu'il convient de faire ceci ou cela.
21 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] En principe c'est exact, Monsieur
22 Tieger, mais par ailleurs, s'il y a une erreur, le plus tôt elle est
23 signalée, mieux c'est.
24 M. TIEGER : [interprétation] Comme je viens de le dire, Monsieur le Juge
25 Morrison, je n'ai pas de problème particulier par rapport à ce genre
26 d'intervention demandant une précision au compte rendu d'audience, mais je
27 pense qu'il importe que l'habitude se prenne de présenter ce genre
28 d'observation d'une façon qui ne risque pas de poser le moindre problème.
Page 13275
1 J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur le document 65 ter numéro
2 0898 -- ah, et je demande le versement au dossier du document précédent,
3 Monsieur le Président, le 10773. Egalement, je demande le versement au
4 dossier de la partie de la vidéo que nous avons vue avant le document
5 04132.
6 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je puis m'exprimer ? A mon avis, la
8 vidéo ne doit pas mériter d'être versée au dossier car le témoin s'est
9 contenté de reconnaître la personne qui parlait. Il n'a rien apporté de
10 nouveau par rapport aux positions de M. Ostojic sur le fond. Mais je
11 présente cette remarque pour le principe également.
12 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Toutefois, le témoin a identifié
13 l'orateur, et en raison de cela, même si c'est le seul élément qui le
14 justifie, la vidéo devrait être admise au dossier.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Elle devient
16 la pièce P2448. Quant au document 10773, il devient la pièce P2449.
17 M. TIEGER : [interprétation]
18 Q. Monsieur Prstojevic, j'aimerais maintenant que nous passions au
19 document 65 ter numéro 0989. Avant de nous pencher sur le fond de ce
20 document -- je ne suis pas sûr, d'ailleurs, que ce soit le bon document qui
21 soit à l'écran actuellement. Mais quoi qu'il en soit, j'aimerais vous poser
22 encore une question au sujet du corridor dont vous venez de parler. Vous
23 rappelez-vous à quel moment ce corridor était censé être ouvert, à quel
24 moment les premières tentatives pour obtenir l'ouverture de ce corridor
25 ont-elles eu lieu ?
26 R. Une seule tentative a eu lieu et elle a eu lieu au moment où les
27 Musulmans ont lancé leur offensive de juin 1992. Cette offensive contre
28 nous a démarré très précisément le 8 juin 1992. Il s'agissait d'une attaque
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1 qui visait tous les villages et toutes les localités habitées par des
2 Serbes autour de Sarajevo. Mais en même temps a été lancée une attaque à
3 partir de l'extérieur. La municipalité de Nova Sarajevo-Lukavica a subi une
4 attaque féroce, de même que la partie de Lukavica que défendaient les
5 forces d'Ilidza. Kasindol a été attaquée depuis l'intérieur et depuis
6 l'extérieur, ainsi que Vojkovici, Grlica, Krupac, la partie centrale de
7 Kotorac, Srednji Kotorac.
8 Dans les combats qui ont eu lieu ce jour-là, le 1er Corps a subi les
9 pertes les plus importantes, selon les renseignements qui ont été fournis
10 plus tard par l'auteur d'un livre. Une fois que nos forces ont stabilisé la
11 situation, et ceci a nécessité cinq ou six jours de combats --
12 Q. Monsieur Prstojevic, je ne vous demande pas tous les détails relatifs à
13 la coordination de cette opération. Ce n'est ni le lieu ni l'heure pour
14 cela. Mais avançons un peu, si vous le voulez bien.
15 Est-ce que les propositions visant à ouvrir un corridor impliquaient
16 la perspective d'une attaque contre Butmir ou Dobrinja ?
17 R. Contre Butmir, absolument jamais. Mais s'agissant de Dobrinja, je
18 voulais justement dire ce qui suit : lorsque nous avons repoussé cette
19 attaque qui a duré une trentaine de jours, les combats ont duré une
20 trentaine de jours, à ce moment-là, notre armée a lancé une offensive dans
21 une partie de la localité de Dobrinja ainsi qu'à Dobrinja 1 et Dobrinja 4.
22 Et c'est à ce moment-là qu'une tentative a donc été faite pour ouvrir le
23 corridor dont nous parlions.
24 Les combats en question ont duré quelques jours. Les forces
25 musulmanes ont été repoussées dans un secteur déterminé, et 2 000 à 2 100
26 unités d'habitation ont été prises et les forces impliquées sont restées à
27 cet endroit jusqu'à la fin de la guerre pour assurer la défense. Donc une
28 tentative a été faite pour créer le corridor.
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1 Q. Vous avez dit que Butmir n'avait jamais été attaqué. Est-ce que vous
2 n'avez jamais entendu parler ou est-ce que vous n'avez jamais envisagé
3 l'idée d'attaquer Butmir ?
4 R. Nous, nous n'avions jamais indiqué ou entendu que nous livrions
5 bataille contre tous les Musulmans. Plutôt, contre les fanatiques et les
6 intégristes. Il faut savoir que Butmir c'est un quartier où les gens vivent
7 depuis très, très, très longtemps ensemble. Si quelqu'un avait voulu
8 justement investir Butmir, cela aurait été une proie particulièrement
9 facile pour l'armée serbe. Toutefois, nous nous étions opposés à cela. Tous
10 les habitants de Butmir étaient absolument opposés à cela. Ce qui fait que
11 la direction et nous, nous n'avons jamais attaqué Butmir.
12 Il faut savoir qu'après le premier semestre de 1992, ils ne nous ont
13 pas attaqués nous non plus, d'ailleurs.
14 Q. Bien.
15 M. TIEGER : [interprétation] Je vais essayer à nouveau ce document 65 ter
16 08989. Merci, Monsieur le Greffier.
17 Q. Monsieur Prstojevic, voici un document que vous avez déjà vu
18 auparavant, me semble-t-il. Vous voyez : "Republika Srpska SDS, conseil
19 municipal du SDS d'Ilidza," et cela est intitulé : "Déclaration du SDS
20 d'Ilidza sur la façon de travailler en temps de guerre." Vous voyez qu'il
21 s'agit d'une réunion qui a eu lieu le 6 février 1993 à Ilidza, et le
22 conseil municipal du SDS d'Ilidza a adopté ce programme de travail. Est-ce
23 que vous le connaissez, ce document ? Il me semble que vous le connaissez,
24 n'est-ce pas, Monsieur Prstojevic ?
25 R. Oui, je l'ai, je l'ai ce document. Regardez, je l'ai maintenant. Il
26 s'agit d'un document tout à fait local, effectivement, un document qui
27 émane du conseil municipal du SDS d'Ilidza. Il s'agit effectivement du
28 programme de travail du SDS d'Ilidza en ce qui concerne le travail en temps
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1 de guerre.
2 Pour ce qui est de ce document, je vous dirais que nous l'avons
3 adopté à notre propre initiative et personne ne nous a demandé d'adopter ce
4 document.
5 Q. Est-ce que vous le connaissez, ce document ?
6 R. Oui, oui, tout à fait. Le voilà.
7 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise indiquent qu'ils ont
8 beaucoup de problèmes à entendre le témoin. Est-ce que l'on pourrait
9 débrancher les microphones qui ne sont pas utilisés ?
10 M. TIEGER : [interprétation]
11 Q. Pour ce qui est en fait de cette déclaration, est-ce qu'elle n'est pas
12 conforme à ce que vous compreniez de la position adoptée par les autorités
13 de la Republika Srpska ou du conseil principal du SDS à l'époque ?
14 R. C'est moi qui ai essentiellement rédigé ce texte. Lorsque j'ai écrit ce
15 texte, je ne savais absolument pas quel était le point de vue du conseil
16 principal du SDS. J'avais juste une petite équipe à ma disposition et nous
17 avions tous réfléchi à une ébauche de plan.
18 Q. Oui, je comprends tout à fait ceci, mais vous avez insisté pour dire
19 qu'il s'agissait d'un document local, donc je me suis tout simplement
20 contenté de vous demander si vous considériez que ce document, que vous
21 avez vous-même rédigé, était compatible ou incompatible, correspondait ou
22 ne correspondait pas aux positions des autorités de la Republika Srpska ou
23 aux autorités du SDS.
24 R. Figurez-vous que je n'ai pas véritablement réfléchi à cette question.
25 Mais non, je pense que les deux sont tout à fait compatibles. N'oubliez pas
26 que moi, ce qui était au cœur de mes préoccupations, c'était l'intérêt
27 local.
28 Q. Regardez le paragraphe 3, je vous prie. Il y est fait référence à une
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1 libération de tous les territoires d'appartenance ethnique serbe. Il y est
2 question de renforcer le contrôle sur ces territoires, et à la dernière
3 phrase de ce troisième paragraphe, il est question de l'aide très
4 importante des habitants d'Ilidza qui a été apportée aux Serbes se trouvant
5 sur les territoires des autres municipalités de Srpsko Sarajevo.
6 Alors, à quoi faites-vous référence ici précisément ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Puis-je ?
8 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, nous allons entendre votre
9 objection.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Tieger, qui est extrêmement érudit, a dit
11 que cela avait trait à une libération. Mais il s'agit en fait de défense,
12 parce qu'en fait, il est écrit que la population serbe d'Ilidza dirigée par
13 le SDS a défendu --
14 M. TIEGER : [aucune interprétation]
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- et non pas libéré, mais donc défendu.
16 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, qu'en pensez-vous ?
17 M. TIEGER : [interprétation] Je ne voulais pas interrompre l'accusé de
18 cette façon, mais j'ai dit en principe que les objections ne doivent pas
19 être formulées comme elle viennent d'être formulées.
20 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] M. Tieger a pris les devants,
21 Docteur Karadzic. Là, vous faites une remarque, une observation, et vous
22 essayez de présenter un élément de preuve. Ce sont des observations de
23 votre part qui n'ont absolument aucune valeur pour ce qui est des moyens de
24 preuve et du document, et je pense que vous vous fondiez pour cette
25 objection sur un élément qui était tellement ténu que la Chambre n'est pas
26 en mesure d'accepter cette objection.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux essayer de vous faire
28 comprendre quel est mon raisonnement ?
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1 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, vous avez demandé
2 si vous pouviez le faire, et je vous dis pour le moment que vous ne pouvez
3 pas.
4 Est-ce que vous pouvez laisser M. Tieger poursuivre son interrogatoire
5 principal. S'il y a bien entendu des questions qui vous tiennent à cœur,
6 vous reviendrez sur ces questions pendant le contre-interrogatoire. Vous
7 serez tout à fait libre de le faire à ce moment-là.
8 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.
9 Q. Monsieur Prstojevic, une fois de plus, j'aimerais vous poser la
10 question à quoi faisiez-vous référence lorsque vous avez écrit que la
11 population serbe d'Ilidza a apporté une aide considérable aux Serbes se
12 trouvant sur les territoires des autres municipalités de Srpsko Sarajevo ?
13 A quoi faites-vous référence là ?
14 R. Eh bien, écoutez, c'est assez clair. Les quartiers serbes formaient un
15 tout. Lorsque les opérations de combat ont eu lieu, nous avons transféré
16 les unités de la Défense territoriale d'un quartier ou d'une partie de la
17 municipalité de la ville vers une autre partie, et ce, à la suite de
18 l'accord conclu par les commandants de la Défense territoriale ou sur la
19 base d'accords conclus par les commandants des cellules de Crise.
20 Si Ilidza n'avait pas transféré ainsi ces forces de la partie est de la
21 ville à la partie ouest, nous nous serions complètement effondrés.
22 Q. Page suivante, je vous prie. Sur la première page, il s'agissait
23 de la déclaration, et là il s'agit des tâches prévues par ce programme de
24 travail. Regardez ce qui est écrit juste en dessous du titre :
25 "Un vautour aux ailes noires est en train de survoler notre
26 territoire serbe, le territoire serbe sur lequel nous avons vécu depuis la
27 nuit des temps. Il menace d'anéantir notre nom serbe, notre culture serbe,
28 les lieux de culte serbes et de transformer la Serbie à Pashalik de
Page 13281
1 Belgrade."
2 Premièrement, quelle est cette référence à ce vautour
3 aux ailes noires qui survole le territoire serbe ?
4 R. Eh bien, voyez-vous, les Serbes s'expriment beaucoup à l'aide de
5 symboles. Ce dragon dont il est question menace les hommes de mort. Il y a
6 plusieurs centaines d'années, l'empire serbe s'est désintégré et effondré,
7 et depuis les poètes ont dit que l'Empire serbe, tout ce que cela
8 représente pour les Serbes, était menacé à cause d'un dragon à sept têtes.
9 Ce qui signifie qu'il existait un véritable danger de mort, et je pense à
10 la survie biologique de notre peuple dans certaines zones.
11 Alors, là, il s'agit d'une introduction de cette partie du texte, mais elle
12 est tout à fait véridique, cette introduction, parce qu'il faut savoir
13 qu'il y a de nombreuses localités qui ont quasiment disparu de la surface
14 de Sarajevo, où tous les habitants ont été tués. J'avais déjà mentionné
15 Pofalici.
16 Q. Est-ce que vous étiez au courant d'opérations militaires menées à bien
17 par des Serbes de Bosnie au cours desquelles des civils croates de Bosnie
18 ou musulmans de Bosnie avaient été tués ?
19 R. Oui, je suppose que ce type d'opérations a eu lieu, et à ce moment-là,
20 nous suivions très, très peu ce qui était diffusé par les médias parce que
21 nous avions très peu de temps. La guerre faisait rage jour et nuit.
22 Toutefois, certes, il y a eu des crimes commis probablement par les trois
23 camps.
24 Q. Bien. Nous allons reprendre notre examen du document. Il s'agit donc
25 des tâches du SDS d'Ilidza et il est question de l'autorité juridique de la
26 municipalité serbe d'Ilidza, de la façon elle doit être établie. Paragraphe
27 1.2, plus précisément. Il semblerait qu'une conclusion soit tirée -- mais
28 il est question de la partie non libérée de Dobrinja, de Vojnicko Polje, du
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1 Trnovo Serbe, de Butmir, Hrasnica, Sokolovic Kolonija et des parties de
2 Kiseljak serbe.
3 Cela faisait partie des tâches que l'on trouve sur ce programme de travail
4 du SDS d'Ilidza, n'est-ce pas ?
5 R. Oui, c'est ce qui est écrit ici, et c'est ce qui est écrit par la suite
6 également :
7 "Pour parvenir à cet objectif, il faudra protéger le plus possible la
8 population non serbe loyale, car il y a dans certains quartiers de Kiseljak
9 700 Serbes qui habitent là-bas."
10 Cela n'a jamais fait l'objet d'aucun litige entre nous et la municipalité
11 de Kiseljak. D'ailleurs, je dois dire qu'ils continuent à vivre de nos
12 jours dans la municipalité de Kiseljak et il n'y a pas eu de guerre. Je
13 vous ai déjà dit que nous n'avions pas attaqué Butmir. Nous n'avons pas
14 attaqué Hrasnica et nous n'avons pas attaqué Vojnicko Polje. Je vous ai
15 déjà parlé de Dobrinja d'ailleurs à cet égard, de certains quartiers de
16 Trnovo.
17 M. TIEGER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges --
18 Q. Ah, excusez-moi, vous n'aviez pas terminé, Monsieur ?
19 R. Non, je n'ai pas terminé. J'étais en train de vous parler de certains
20 quartiers de Trnovo. Certains quartiers de Trnovo seront des zones
21 d'appartenance ethnique serbe libérées en juillet 1993. Toutefois, nous ne
22 donnions pas des ordres. Nous savons pertinemment qui commence les
23 opérations militaires. Ce que vous voyez là correspond à notre souhait.
24 M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais maintenant demander le versement au
25 dossier de ce document.
26 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, cela sera versé au dossier.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2450.
28 M. TIEGER : [interprétation] Je vous demande juste une petite minute, je
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1 vous prie.
2 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
3 M. TIEGER : [interprétation]
4 Q. Monsieur Prstojevic, j'aimerais attirer votre attention sur certaines
5 conversations interceptées. Vous les avez déjà lues d'ailleurs, et vous
6 avez déjà, me semble-t-il, fourni certaines observations à leur sujet.
7 Notamment, il y en a certaines à propos desquelles des questions vous ont
8 été posées, et vous avez vous-même demandé la possibilité de formuler à
9 nouveau des observations. Donc j'aimerais, dans un premier temps, attirer
10 votre attention sur le document P1086.
11 J'aimerais vous demander d'examiner rapidement ce document. Je pense que
12 vous reconnaîtrez cette conversation immédiatement d'ailleurs, parce que
13 vous avez déjà eu la possibilité de l'écouter et de lire, qui plus est, le
14 texte de cette conversation auparavant. Donc il s'agit d'une conversation
15 entre vous et, dans un premier temps, quelqu'un qui s'appelle Mrki, puis
16 ensuite il s'agit d'un certain Novakovic.
17 Et comme vous pouvez le constater sur la première page, au bas de cette
18 première page, voilà ce que vous dites : "Mais pourquoi est-ce que Miki ne
19 m'a pas appelé ?" Et Milenko répond : "Il vous a appelé pour vérifier
20 auprès de vous de ces gens à Kotorac." Puis ensuite, Milenko dit : "Qu'est-
21 ce qu'on doit en faire de ces personnes ?" Et vous lui demandez : "Vous les
22 avez arrêtées ? Qu'avez-vous fait ?"
23 Et maintenant je vais demander l'affichage de la deuxième page. Donc les
24 questions se poursuivent à propos des personnes qui ont été arrêtées. Et
25 Milenko dit : "Oui, ils sont là-bas sur la route. Ils y sont tous. Les
26 hommes sont séparés des femmes." Ensuite, il dit : "On vient juste de
27 m'informer que les hommes sont à la prison de Kula et les femmes sont
28 parties dans la direction de Butmir." Puis ensuite, il vous dit : "Voilà
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1 Novakovic. Il va te parler." Puis ensuite, vous lui demandez : "Est-ce que
2 vous avez nettoyé Kotorac aujourd'hui ?" Il dit : "Oui, oui, ils l'ont
3 fait. Moi je ne connais pas les détails exacts parce qu'en fait, j'étais
4 occupé à autre chose." La conversation se poursuit, et vous lui dites :
5 "C'est bon, mais je te demande pourquoi est-ce que vous avez emmené les
6 femmes à Butmir ?" Et Novakovic répond : "Non, non. Ils ont dit que les
7 femmes n'étaient pas à Butmir." Et vous, vous dites : "Non, non, ils ne
8 peuvent pas aller à Butmir parce que nous allons nettoyer Butmir également
9 en temps voulu."
10 Puis, à la troisième page, voilà ce que vous dites : "Butmir sera
11 complètement débarrassé, nettoyé, tout comme Sokolovic ainsi que Hrasnica."
12 Et Novakovic, ce à quoi il vous dit : "Ah, bien, écoute, moi je ne
13 sais pas où les emmener." Et vous lui dites : "Eh bien, il y a Bascarsija.
14 Eh bien, tu n'as qu'à les emmener à pied là-bas." Novakovic dit : "Ah." Et
15 vous, vous dites : "Les femmes." Et Novakovic : "Bon, bien." Et vous dites
16 : "Et les hommes en prison." Et Novakovic : "Eh bien, je vais vérifier
17 maintenant et je te dirais ce qu'il en est." Et là vous, vous dites :
18 "Ecoute, dis-leur ceux qui se convertissent à la religion orthodoxe sur-le-
19 champ, ils peuvent rester, les femmes et les enfants." Novakovic dit :
20 "Bon, bien, d'accord." Et ensuite, vous, vous dites : "Très bien, fais-le,
21 mais ne fais aucune erreur. Tu as fait un travail excellent, et cela
22 signifie qu'en temps voulu Butmir fera l'objet d'un nettoyage. Dis-le aux
23 gens qui sont là-bas."
24 Et ensuite, vous vous saluez et la conversation se termine.
25 Donc, Monsieur Prstojevic, vous vous souvenez avoir eu cette
26 conversation ?
27 R. Je ne me souviens pas de cette conversation. D'abord, en 2003, j'avais
28 réfuté l'existence de cette conversation, et il m'a vraiment fallu un jour
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1 entier pour essayer de m'en souvenir. Ce n'est que le lendemain, lorsqu'on
2 m'avait rafraîchi la mémoire, que je me suis rendu compte de ce qui s'était
3 passé, que j'ai entendu ma voix. C'est à ce moment-là que je me suis rendu
4 compte de ce qui s'était passé, en fait, et que j'avais eu cette
5 conversation. Donc je l'ai accepté. Mais il y a autre chose que j'aimerais
6 vous dire. Vous venez juste de résumer très sommairement cette
7 conversation. D'après ce que vous avez dit, moi je suis vraiment plus
8 coupable que le premier des coupables. Mais si vous développez un peu et si
9 vous arrivez à une analyse ou une évaluation analytique de ce discours,
10 vous verrez que les conclusions sont différentes, car il faut prendre en
11 considération la situation qui prévalait à l'époque. C'est ce que
12 j'essayais de faire en 2003. D'ailleurs, je l'ai, ceci. Le fruit de cet
13 effort, je l'ai dans mon attaché-case, parce que j'avais eu assez de temps
14 pour le faire.
15 Il faut quand même savoir que c'est le document le plus sérieux pour
16 Ilidza. Il faut essayer de bien comprendre la situation, parce qu'il y a
17 des phrases qui ont été omises dans le texte, des mots omis, il y a
18 également des erreurs de traduction. Moi j'ai maintenant cette conversation
19 sur papier. Vous me l'aviez donnée en 2005. J'aimerais que la conversation
20 originale soit entendue par les Juges de la Chambre de première instance
21 pour que je puisse apporter les corrections indiquées, les omissions qui
22 ont été faites, et vous fournir une explication analytique de la
23 conversation que j'ai eue. Je dirais voilà -- voilà ce que j'ai dit, voilà
24 les paragraphes et voilà ce qu'il en a été.
25 Q. Ecoutez, Monsieur Prstojevic. Premièrement, je vous dirais que j'ai lu
26 le texte. Je n'ai pas, comme vous l'avez dit, résumé. Est-ce que vous
27 pourriez peut-être indiquer -- parce que vous m'avez dit en fait que je
28 vous avais noirci, en quelque sorte. Mais est-ce que vous voulez nous lire
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1 les extraits de cette conversation où vous êtes plus blanc que neige ?
2 R. Je vais vous dire que je dors du sommeil du juste et que les gens de ce
3 quartier, de cette zone, sont venus me rendre visite après la guerre en
4 tant que voisin. Mais j'aimerais que l'on puisse entendre la conversation,
5 et ensuite je fournirai des observations à propos de cette conversation.
6 Pour ce qui est de la Chambre de première instance, j'aimerais leur
7 expliquer ce que sont les symboles, ce qui est la réalité et ce qui peut
8 être interprété, parce que même si vous avez lu le texte, parce qu'en fait,
9 je fais référence "aux femmes et aux enfants". En fait, il s'agit de
10 personnes fragiles, des personnes qui ne sont pas en âge de porter les
11 armes. Si vous ne placez pas cela dans le juste contexte de la phrase, vous
12 ne prenez pas en considération tout ce qui a été dit. Regardez lorsqu'il
13 est question de la religion orthodoxe.
14 Si l'on commence par la rébellion des Serbes contre les Turcs au
15 début du XIXe siècle --
16 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que le
17 Procureur souhaite développer ce propos bien précis ?
18 M. TIEGER : [interprétation] Non, pas particulièrement, Monsieur le Juge.
19 Si vous souhaitez que l'on entende la conversation interceptée, que cela ne
20 tienne, puisque apparemment on accuse l'Accusation, on dit que l'Accusation
21 a omis des extraits de la conversation interceptée et n'a fait référence
22 qu'à certains passages bien précis. Donc il vous appartient d'en décider.
23 En ce qui me concerne, ce document se passe d'explication. Il suffit de le
24 lire. Mais le témoin a toute latitude pour faire des observations à propos
25 du document. Ce n'est pas la peine non plus d'y passer beaucoup de temps
26 pour ce qui est de l'examen de ce document, mais il appartient à la Chambre
27 d'en décider. Mais je ne souhaite surtout pas éviter que l'on diffuse cette
28 conversation interceptée.
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1 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez dit en
2 répondant à la question qui vous était posée au sujet de cette écoute que
3 vous ne vous souveniez pas. Il me semble que vous dites aujourd'hui, en
4 tout cas ce sont les mots prononcés par vous, que vous avez participé à la
5 conversation qui est enregistrée dans cette écoute, mais vous dites
6 aujourd'hui, n'est-ce pas, que l'intégralité de ce que vous avez dit n'a
7 pas été consigné dans la transcription écrite ? Est-ce que j'ai bien
8 compris votre analyse ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, voyez-vous, en 2003, je n'ai pas admis
10 l'existence de cette conversation dès le premier jour parce que je ne
11 disposais que de la transcription, et il m'a semblé que ce texte avait été
12 composé à partir de trois segments différents. Mais en 2003, j'ai admis
13 qu'il s'agissait d'une conversation entre moi et une personne dont
14 l'identité n'est pas déterminée, car cette personne s'est présentée à moi
15 en utilisant un nom de code, et je ne sais toujours pas de qui il s'agit
16 aujourd'hui. Mais nous n'utilisions pas de noms de code, nous n'utilisions
17 pas de pseudonymes pendant la guerre.
18 Aujourd'hui, ce que je souhaite, c'est que cette écoute soit diffusée
19 de façon à ce que je puisse indiquer quels sont les vocables qui n'ont pas
20 été interprétés par l'interprète, de façon à ce que je puisse préciser le
21 sens à donner à cette conversation, expliquer avant tout ce qui s'est passé
22 dans la région, dans quelles conditions cette conversation a eu lieu. Parce
23 que cette conversation a eu lieu pendant des combats féroces qui ont fait
24 huit morts et dix blessés ce jour-là, et toute la partie est d'Ilidza a été
25 attaquée ce jour-là également.
26 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, une seconde.
27 Monsieur le Témoin, est-ce que la réponse à ma question est "oui" ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est une conversation que j'ai avec une
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1 personne dont l'identité n'est pas déterminée.
2 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci.
3 Docteur Karadzic.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Deux interventions par rapport au compte rendu
5 d'audience. A la ligne 24, page 79, le propos n'est pas complet. Le témoin
6 a dit qu'il s'agissait d'une figure de style de la part de ce poète qui
7 évoquait la loyauté. Puis, page 81, ligne 5, il faudrait que soit répété le
8 nombre exact de personnes tuées et de personnes blessées. Je pense que les
9 chiffres consignés au compte rendu ne sont pas exacts.
10 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Ceci est vérifiable.
11 Je reviens à vous, Monsieur Tieger. Ce témoin est un témoin à charge et
12 c'est vous qui menez l'interrogatoire. La Chambre ne décidera donc pas à la
13 place de l'Accusation de quelle façon doit se dérouler cet interrogatoire,
14 mais si le témoin n'est pas satisfait du compte rendu d'audience, c'est une
15 perte de temps, et cela risque de conduire à un poids diminué pour
16 l'élément de preuve aux yeux des Juges.
17 M. TIEGER : [interprétation] Je vais donc procéder à la diffusion de
18 l'écoute en question. J'en demande la diffusion. Est-ce que chacun a la
19 transcription ? Est-ce que les interprètes ont la transcription écrite ?
20 L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent qu'ils n'ont pas la transcription
21 écrite.
22 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] C'est une autre possibilité qui me
23 vient à l'esprit. Que se passerait-il si nous passions à un autre sujet et
24 que dans l'intervalle, puisqu'il faudra qu'il y ait un certain laps de
25 temps entre les deux, donc dans les 25 minutes en question, le témoin
26 compare la transcription avec l'enregistrement audio avec quelqu'un du
27 bureau du Procureur. Si les deux s'entendent, nous pouvons ne pas revenir
28 sur la question. Si un problème se pose, alors la question doit être
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1 abordée en temps utile dans le prétoire.
2 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, s'il est possible de
3 faire diffuser cette conversation maintenant, j'aimerais que cela soit
4 fait. Je pense que le témoin va apporter son concours de toute façon.
5 J'aimerais que l'on franchisse cette étape et que l'on passe au reste de
6 l'interrogatoire ensuite pour arriver à sa conclusion. Cela ne devrait pas
7 prendre trop longtemps. Cela semble une voie d'achoppement pour le témoin
8 et j'aimerais donc que nous satisfassions le témoin. Mais voyons si une
9 transcription peut être fournie aux interprètes rapidement. L'exercice ne
10 prendra que quelques minutes. Ensuite, je passerai à autre chose.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je intervenir ?
12 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Si cela est utile, Docteur Karadzic.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense, en tout cas si tout va bien, que la
14 majorité de mes interventions sont utiles.
15 J'aimerais que la transcription soit fournie aux interprètes, mais
16 cela n'apportera pas grand-chose car le témoin a également une objection
17 par rapport à la traduction.
18 Est-ce qu'on pourrait entendre les interprètes interpréter de nouveau
19 la conversation ?
20 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Si je comprends bien, c'est ce que
21 nous nous apprêtons à faire, en tout cas c'est l'intention de M. Tieger.
22 M. TIEGER : [interprétation]
23 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez une transcription écrite de
24 cette conversation sous les yeux ?
25 R. Oui.
26 Q. Eh bien, peut-être pourriez-vous demander un arrêt de la diffusion au
27 moment où, d'après vous, il y a quelque chose d'important qui ne figure pas
28 dans la transcription écrite de cette écoute. Donc, pendant que nous
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1 écoutons la conversation, vous pouvez nous dire où nous arrêter.
2 R. Il y aura pas mal d'occasions de s'arrêter. Là où il y a trois petits
3 points, je vais le faire, oui, d'accord.
4 Q. Faites-le en fonction de ce que vous entendez de la diffusion audio. Et
5 vous nous indiquerez, n'est-ce pas, ce qui est écrit dans la transcription.
6 Pouvez-vous déjà nous donner lecture du numéro qui se trouve en haut du
7 texte de la transcription ?
8 R. CD76-9-3/04/026.
9 Q. Et le numéro qui est juste au-dessus sur la droite ?
10 R. 0401-3853. J'ai un peu de mal à lire parce que j'ai écrit quelque chose
11 par-dessus. Mais oui, c'est ça.
12 Q. Cela ira. Merci.
13 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur Reid.
14 [Diffusion de la cassette audio]
15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
16 "Prstojevic : Allô, allô. Oui, bonsoir. Bonsoir à vous. Comment allez-vous
17 ?
18 L'inconnu : Ça pourrait aller mieux. Dites-moi.
19 Prstojevic : Je suis Prstojevic. J'ai besoin de Mrki.
20 L'inconnu : Mrki n'est pas là, mais Mrki 2 est là.
21 Prstojevic : Bon, allez, Mrki 2.
22 L'inconnu : Un instant, je vous en prie.
23 Prstojevic : Allô, allô.
24 Milenko : Oui.
25 Prstojevic : Bonsoir.
26 Milenko : Bonsoir.
27 Prstojevic : Comment allez-vous ? C'est Prstojevic qui vous parle.
28 Milenko : Je suis ici, je remplace Mika.
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1 Prstojevic : Oui. Qui est à l'appareil ?
2 Milenko : C'est Milenko.
3 Prstojevic : Milenko ?
4 Milenko : Oui.
5 Prstojevic : Pourquoi est-ce que Mika m'a appelé ?
6 Milenko : C'est Mika qui a appelé pour voir avec toi les gens de Kotorac.
7 Prstojevic : Oui.
8 Milenko : Qu'est-ce qu'on fait avec eux ?
9 Prstojevic : Est-ce que vous les avez arrêtés ? Qu'est-ce que vous avez
10 fait ?
11 Milenko : Il y a des gens là-bas. Un instant, un petit instant."
12 Milenko demande aux gens qui l'entoure de faire silence.
13 [voix sur voix] "Milenko : Je vous en prie.
14 Prstojevic : Allô.
15 Milenko : Oui.
16 Prstojevic : Où sont ces gens-là ? Est-ce qu'ils ont été arrêtés ?
17 Milenko : Non.
18 Prstojevic : Mais…
19 Milenko : Là-bas sur la route. Ce sont uniquement des hommes en bas et
20 uniquement des femmes sur la route.
21 Prstojevic : Ah.
22 Milenko : Un instant, un instant.
23 Prstojevic : Et en haut, est-ce qu'il y en a ?
24 Milenko : Les hommes disent… voilà, je viens de recevoir la nouvelle. Les
25 hommes sont à Kula, en prison, et les femmes sont parties vers Butmir.
26 Prstojevic : Passe-moi Tepavcevic [phon].
27 Milenko : Le voilà. Voilà Novakovic. Il peut parler avec toi.
28 Novakovic : Allô.
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1 Prstojevic : Allô.
2 Novakovic : Salut, Nedjo.
3 Prstojevic : Salut.
4 Novakovic : Comment vas-tu ?
5 Prstojevic : Bien. Est-ce que Kotorac a été nettoyée aujourd'hui ?
6 Novakovic : Oui. Je ne connais pas les détails parce que je vaquais à
7 d'autres occupations.
8 Prstojevic : Oui.
9 Novakovic : C'est comme tu veux. Je peux t'appeler plus tard.
10 Prstojevic : Mais je t'en prie, je le jure devant Dieu, pourquoi est-ce que
11 vous avez emmené les femmes à Butmir --"
12 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
13 M. TIEGER : [interprétation]
14 Q. Monsieur Prstojevic, la Chambre aura la possibilité d'écouter cet
15 enregistrement audio et d'entendre le son de votre voix et d'entendre la
16 réponse de votre interlocuteur. Mais pourquoi est-ce que vous ne dites pas
17 à la Chambre maintenant quel problème vous avez avec cette écoute ?
18 R. Il y a des mots qui n'ont pas été transcrits, mais ils n'ont pas
19 d'importance par rapport à la signification de cette écoute, parce que les
20 interprètes ont réussi à transmettre tout ce qui était important. C'est la
21 raison pour laquelle je n'ai pas arrêté la diffusion.
22 Le même problème se pose à la dernière page, et si vous me permettez,
23 je vais essayer de vérifier le contenu de cette conversation du mieux
24 possible car j'ai besoin d'expliquer ce qui s'est passé à Kotorac ce jour-
25 là et cette nuit-là, la nuit du 22 au 23 avril, parce que c'est important
26 pour les 300 habitants musulmans de Gornji Kotorac. Tout le reste, c'est
27 une toute autre histoire. Les témoins auront toute possibilité de le
28 confirmer ou pas.
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1 Alors, si vous me permettez, je voudrais dire que le 22, quand a eu
2 lieu la première attaque généralisée sur Ilidza, c'était la première ou la
3 deuxième des attaques ordonnées par les Musulmans contre les Serbes, nous
4 avons eu 56 blessés et 11 morts. Mais ce qu'il importe de dire, c'est que
5 dans cette localité qui abritait 300 habitants --
6 Q. Monsieur Prstojevic, je vous ai donné la possibilité d'expliquer
7 ce que vous souhaitiez expliquer, à savoir de dire ce qui, selon vous,
8 n'avait pas été transcrit dans la transcription écrite de cette écoute.
9 Vous avez donc vérifié tout l'enregistrement et sa transcription, et
10 maintenant vous vous embarquez dans des explications qui ne correspondent
11 pas à ce qu'il vous a été demandé de faire initialement. Ce n'est pas cela
12 que je vous demande de faire maintenant, mais j'ai des questions à vous
13 poser par rapport à tout cela.
14 Eu égard à ce que les interprètes viennent de nous faire entendre, et
15 que je crois comprendre que vous avez confirmé, s'agissant de cette
16 référence au fait qu'il faut tous les emmener à la Bascarsija à pied, est-
17 ce que vous pourriez nous dire quel était l'endroit mentionné dans cette
18 partie de la phrase ?
19 R. Oui, j'ai dit ça, mais je l'ai dit à un moment particulier de la
20 conversation. Toute la population civile y avait déjà passé plusieurs
21 heures, puisque cela s'est passé entre 14 heures 30 et 19 heures, date à
22 laquelle j'ai eu cette conversation téléphonique. Donc, pendant les heures
23 séparant 14 heures 30 de 19 heures, toute la population civile était à
24 Dobrinja ou à Butmir déjà.
25 Et la Bascarsija, c'est l'endroit qui se trouve quand on prend la
26 rocade et qu'on passe par le territoire serbe, à une dizaine de kilomètres
27 à peu près. C'est une partie centrale de la ville où on trouve des artisans
28 et des petites échoppes qui représentent le symbole même de la partie
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1 musulmane de Sarajevo sous contrôle musulman.
2 Dobrinja 1 se trouvait à 300 mètres de l'endroit où nous étions nous-
3 mêmes. C'est un endroit où des soldats et des civils ont été emprisonnés.
4 Butmir se trouve à 700 mètres de distance.
5 Monsieur Tieger, voilà ce que je vous demande : à la ligne 4 de la
6 transcription écrite, je dis : "Bonsoir." Et dans les deux lignes avant le
7 bas de la page, je dis encore à deux reprises : "Bonsoir". J'ai accouru
8 après les combats. Nous avions subi huit morts et 50 blessés. Vous avez les
9 chiffres sur papier. J'ai constaté que quelqu'un m'avait appelé, quelqu'un
10 qui n'avait pas été identifié. Donc j'ai lâché mon fusil et j'ai commencé à
11 parler au téléphone. Aujourd'hui encore -- parce que ce téléphone c'était
12 le téléphone du poste de sécurité publique de Kula, et tout cela se passe
13 dans le poste de sécurité publique de Kula. Donc je pense que ce jour-là,
14 pour une raison ou une autre, quelqu'un a codé cette conversation pour
15 essayer de me couvrir par rapport à quelque chose qui avait déjà été fait.
16 Moi je n'essaie pas d'échapper à quoi que ce soit. Les gens qui participent
17 à une attaque armée sont des participants à des combats et il faut qu'ils
18 en assument les conséquences.
19 Mais des gens qui portent des armes et qui utilisent ces armes, des
20 femmes, des enfants, et nombre d'entre eux qui étaient des appelés mais
21 qui, en fait, se baladaient à bord de voitures particulières de luxe ou
22 conduisaient des tracteurs lorsqu'ils voulaient aller quelque part -- il y
23 avait des appelés qui se conduisaient de cette façon. Moi je ne sais pas
24 combien ils étaient. En tout cas, ils étaient moins d'une vingtaine, et ils
25 ont été maintenus en prison pendant une dizaine de jours avant d'être
26 relâchés ou échangés sans que cela donne lieu aux moindres poursuites en
27 justice.
28 Q. Monsieur Prstojevic, le temps dont dispose la Chambre est limité. Je
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1 vais maintenant passer à une autre conversation interceptée. La pièce P1492
2 sur les écrans, je vous prie.
3 Monsieur Prstojevic, ceci est une conversation interceptée en date du
4 14 juin 1992. Là encore, c'est une conversation que vous avez eu toute
5 possibilité d'entendre à plusieurs reprises, mais au sujet de laquelle vous
6 souhaitez faire des commentaires devant la Chambre. C'est une conversation
7 entre vous-même et un certain Radomir d'abord, puis ensuite un certain
8 Dragan Despotovic apparemment.
9 Voyons d'abord rapidement la question. Vous vous rappelez que cette
10 conversation a été évoquée dans votre déposition dans l'affaire Krajisnik
11 et que cette écoute a été discutée pendant le procès Krajisnik ?
12 R. Elle m'a été présentée dans l'affaire Krajisnik, mais comme je l'ai
13 déjà dit, je ne me rappelle précisément d'aucune conversation. J'interprète
14 les choses d'après la date, mais j'ai dit que personne n'avait été tué et
15 que personne n'avait été blessé, et que des Musulmans vont rester. Deux ont
16 été tués uniquement en juin, mais c'est nous qui avons subi les victimes
17 les plus nombreuses dans la population civile dans toutes les communautés
18 locales, 39, parce que c'était une zone où les combats étaient absolument
19 incessants, permanents. D'ailleurs, les 39 morts sont des morts de civils
20 qui ont tué des gens qui n'avaient pas réussi à partir.
21 Q. Passons rapidement en revue cette conversation. Je vous demanderais de
22 formuler vos commentaires. Ensuite, le temps imparti à l'audience sera
23 arrivé à son terme.
24 Passons à la page 2 à l'écran. Vous demandez à Dragan :
25 "Dis-moi, est-ce qu'ils ont déconnecté tous les téléphones des Turcs
26 de Kasindol ?" L'interlocuteur dit : "Quoi ?" Vous dites : "Est-ce qu'ils
27 ont débranché tous les téléphones des Turcs de Kasindol ?" Et Dragan répond
28 : "Tous les téléphones ont été débranchés." Vous dites : "Ils les ont
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1 débranchés ?" Dragan répond : "Ils sont en train d'être débranchés." Et
2 Dragan dit : "Les téléphones de tout le monde." Vous dites : "Est-ce qu'il
3 y en a qui ont été débranchés avant ?" Dragan répond : "Il y en a qui ont
4 été débranchés avant."
5 Et puis, la conversation se poursuit en page suivante. Je cite, vous
6 dites : "Mais dis-moi ce qu'il en est, s'il te plaît." Dragan dit : "Oui."
7 Vous : "Qu'est-ce que nous allons faire ? Est-ce qu'il serait bon qu'on y
8 réfléchisse et qu'on organise les gens d'un côté ou de l'extérieur pour les
9 chasser tous ? Personne n'a besoin d'être blessé ou tué. Tout le monde a
10 été chassé." Et Dragan dit : "Ce serait la bonne solution." Vous dites :
11 "C'est un peu -- enfin, disons que vous avez fait les préparatifs. J'ai une
12 décision qui date d'avant." Dragan dit : "Eh bien, nous avons essayé une
13 fois, mais il y avait des gardes et les choses sont restées en l'état." Et
14 vous dites : "Eh bien, tu ne peux pas. Non, ils sont partis. Ils feront
15 savoir s'ils sont toujours là. S'ils arrivent, ils iront en enfer, et lui
16 ira avec eux." Et Dragan dit : "D'accord." Et vous dites : "A bientôt. A
17 Bascarsija."
18 Alors, Monsieur Prstojevic, je suppose que vous parlez de la même
19 Bascarsija que celle dont vous parliez dans l'autre conversation ici ?
20 R. C'est la partie musulmane de Sarajevo qui s'appelle ainsi.
21 Q. Quand vous parlez d'organiser des gens de l'extérieur pour les chasser
22 tous, à quoi pensez-vous ?
23 R. S'il vous plaît, cette conversation a lieu pendant l'offensive menée
24 par les Musulmans au mois de juin. Et ce que vous n'avez pas lu ici, c'est
25 que le village dont il est question -- moi je suis originaire de ce
26 village. C'est le dernier village quand on va vers Trnovo. Il a une faible
27 population. Il a été attaqué aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur.
28 Vous n'avez pas dit que les tirs d'artillerie contre ce village ont été
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1 assez précis. Dans cette conversation, je parle avec un homme qui est
2 chargé de la logistique, un peu comme un membre de la Croix-Rouge;
3 autrement dit, quelqu'un qui n'a pas l'aptitude à porter les armes. Dans ce
4 village, il n'y avait que 105 Musulmans sur une population totale de 1 703
5 habitants. Autrement dit, un nombre de foyers --
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir ?
7 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Non, pas en ce moment, Docteur
8 Karadzic.
9 Monsieur le Témoin, est-ce que vous auriez une réponse brève et ferme par
10 rapport à la question posée par M. Tieger ? Sans évoquer les conditions qui
11 ont entouré tout cela, qui aviez-vous à l'esprit lorsque vous avez parlé de
12 personnes de l'extérieur ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, on sait de qui on parle dans des
14 circonstances de ce genre, quand un endroit est territorialement cerné et
15 menacé de chute. A ce moment-là, le MUP et la police militaire prennent
16 leurs jambes à leur cou et arrêtent tous ceux qui sont d'âge à porter les
17 armes, même s'il s'agit de Serbes. Ils les arrêtent même s'ils sont en
18 train de s'enfuir de la région pour vérifier s'il n'y a pas une cinquième
19 colonne qui est impliquée, des traîtres. Ils s'occupent de perquisitionner
20 la zone et de vérifier qui tire à partir d'où, qui est en train de guider
21 les pièces d'artillerie, parce qu'on était à Kotlina, là. Quelqu'un devait
22 nécessairement guider les tirs d'artillerie et corriger la précision des
23 tirs.
24 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] La question posée par M. Tieger
25 portait sur le point suivant, la partie de la conversation qui se lit comme
26 suit : "Ne serait-il pas bon qu'on y réfléchisse un peu pour voir s'il ne
27 faudrait pas organiser des gens de l'extérieur pour les chasser tous ?"
28 Est-ce que vous dites dans votre réponse que cela signifiait que le MUP et
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1 la police militaire devraient être chargés de les expulser ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Le MUP de la partie occidentale d'Ilidza et la
3 police militaire, mais, Monsieur le Président, ces gens n'ont jamais
4 déménagé. Sur les 25 foyers que je connais, il y en a au moins cinq qui
5 sont restés à nos côtés pendant toute la guerre. L'une de ces maisons se
6 trouve à 200 mètres de la grand-route, et ce sont des gens qui sont
7 toujours là. Ils vivent toujours là aujourd'hui, ce qui veut dire que nous
8 n'avons pas agi comme c'est dit dans cette conversation parce que
9 l'offensive s'est terminée. Il n'était plus nécessaire d'agir dans ce sens
10 et rien n'a été fait.
11 M. TIEGER : [interprétation] Je vais reprendre la dernière question.
12 Q. Monsieur Prstojevic, vous dites que :
13 "Le lieu dont il est question était en danger…"
14 On vous a interrogé à ce sujet --
15 M. TIEGER : [interprétation] Et je pense que j'ai l'autorisation de
16 la Chambre, dans un exercice de récusation ou de rafraîchissement de la
17 mémoire du témoin, de dire ce que j'ai à dire.
18 Q. On vous a demandé en 2005 de parler de cette conversation, et ceci
19 figure en page 41 du compte rendu. On vous a posé la question suivante, je
20 cite :
21 "Quand vous dites 'emmener des gens de l'extérieur', à qui pensez-vous ?"
22 Page 41 de la version anglaise et page 77 de la version B/C/S.
23 Et vous répondez, je cite :
24 "Par exemple, je pense aux groupes d'Arkan ou de Boban, qui étaient
25 originaires de Pale, à tout groupe venant de l'extérieur."
26 Voilà ce que vous avez dit, n'est-ce pas, Monsieur Prstojevic, et c'est ce
27 que vous pensiez en parlant de "gens de l'extérieur" ?
28 R. Ça c'est inexact. Je vais revoir tous ces documents ultérieurement. Je
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1 vais demander une suspension d'audience immédiatement pour examiner ces
2 documents. Je n'ai pas dit cela. Vous êtes totalement dans l'erreur,
3 Monsieur Tieger. Vous verrez, j'ai toutes les réponses que j'ai fournies à
4 l'époque. Cela figure dans les documents que j'ai dans mon cartable.
5 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, combien de temps
6 vous faut-il encore pour votre interrogatoire principal ?
7 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, si on continue au même
8 rythme, il me faudra, bien sûr, beaucoup de temps. Je vais relire le compte
9 rendu d'audience d'aujourd'hui, je vais réfléchir aux positions exprimées
10 par le témoin, et je peux assurer à la Chambre que je m'efforcerai de
11 réduire le reste de l'interrogatoire principal au minimum.
12 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je pensais simplement, sur le plan
13 des principes, au témoin prévu pour la semaine prochaine. Est-ce qu'il
14 faudra modifier l'ordre de passage des témoins ?
15 M. TIEGER : [interprétation] Je suis sûr que ce sera nécessaire étant donné
16 la durée du contre-interrogatoire qui a été accordé par la Chambre, et
17 j'apprécie que la Chambre se penche sur cette question. Je m'en tiendrai
18 très certainement à l'estimation courte que j'ai faite, ce qui me laisse un
19 temps relativement court pour en terminer, à moins que la Chambre n'ajuste
20 les allocations de temps du contre-interrogatoire de façon imprévue par
21 moi. Mais je pense que c'est à ce moment-là que le témoin prévu pour la
22 semaine prochaine sera entendu.
23 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Bien.
24 Nous allons maintenant suspendre et --
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire un mot ?
26 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Uniquement si c'est véritablement
27 utile, Monsieur Karadzic, encore une fois.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains que la correction du compte rendu ne
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1 me lèse du point de vue du temps qui m'a été imparti pour le contre-
2 interrogatoire, parce que le compte rendu en anglais fourmille d'erreurs.
3 Par exemple, ce n'est pas le mois de juillet qui devait être prononcé pour
4 l'offensive dont il a été question; il s'agissait de l'offensive du mois de
5 juin. Et le nombre n'était pas 1 005, mais 105, ou quelque chose comme ça.
6 Les Serbes étaient majoritaires, donc ceci modifie considérablement le fond
7 du problème. Et je crains que je vais devoir consacrer pas mal de temps à
8 apporter des corrections aux transcriptions et compte rendu d'audience
9 parce que, véritablement, les documents en question ont été présentés d'une
10 façon très sélective par M. Tieger. Mais je crains que ceci n'empiète
11 beaucoup sur le temps qui m'a été imparti pour le contre-interrogatoire.
12 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Nous allons franchir le pont au
13 moment où nous arriverons à ce pont. C'est la meilleure des choses à faire.
14 Nous allons maintenant suspendre et reprendrons mardi à 9 heures du matin.
15 [Le témoin quitte la barre]
16 --- L'audience est levée à 14 heures 34 et reprendra le mardi 15 mars 2011,
17 à 9 heures 00.
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