Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 1er juin 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Pouvons-nous demander au témoin de

  7   lire la déclaration solennelle ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  9   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir et vous

 11   mettre à l'aise.

 12   Oui, Monsieur Tieger.

 13   LE TÉMOIN : PATRICK TREANOR [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour Monsieur le Président, Madame,

 16   Messieurs les Juges. Bonjour à tous les participants dans le prétoire.

 17   Interrogatoire principal par M. Tieger :

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur Treanor. Est-ce que vous pourriez

 19   décliner votre identité, s'il vous plaît ?

 20   R.  Je m'appelle Patrick Joseph Treanor.

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche à l'écran le

 23   document de la liste 65 ter 14044.

 24   Q.  Docteur Treanor, est-ce qu'il s'agit bien d'un exemplaire de votre CV ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Vous avez eu la possibilité de le consulter; est-ce qu'il nécessite une

 27   mise à jour ?

 28   R.  Oui. Ce CV date d'il y a quelques années depuis j'ai pris ma retraite.


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  1   J'ai quitté le TPY, et donc les Nations Unies, à la fin de l'an 2009. Je

  2   pense qu'il n'est pas mentionné que j'ai déposé, en tant que témoin expert,

  3   dans l'affaire Perisic et que j'ai également présenté des rapports d'expert

  4   dans cette affaire.

  5   Q.  Merci, Docteur.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que je pourrais verser cette pièce au

  7   dossier, ce document qui a la référence 65 ter 14044 ?

  8   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce P2536.

 10   M. TIEGER : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Treanor, en gardant à l'esprit que les Juges de la Chambre

 12   disposent de votre CV, je voudrais que vous nous parliez rapidement de

 13   votre expérience qui vous a permis de préparer les trois rapports qui sont

 14   importants pour le contexte de cette affaire. Il s'agit des documents de la

 15   liste 65 ter 00592, c'est-à-dire les dirigeants bosno-serbes, de 1990 à

 16   1992; document de la liste 65 ter 12124, les dirigeants bosno-serbes, de

 17   1993 à 1995; le document de la liste 65 ter 12124, Radovan Karadzic et les

 18   dirigeants bosno-serbes, de 1992 à 1995.

 19   R.  Ces rapports représentent la totalité de ma formation et de mon

 20   expérience dans ce domaine. J'ai commencé par étudier les langues slaves

 21   lorsque j'étais à l'université. Puis j'ai étudié l'histoire et la culture

 22   des pays des Balkans, y compris la Yougoslavie, et puis j'ai fait donc une

 23   maîtrise. J'ai obtenu ma maîtrise en 1970, et puis j'ai ensuite étudié en

 24   Bulgarie pendant deux ans dans les années 1970, et puis j'ai commencé à

 25   travailler sur une thèse de doctorat à l'Université de Londres dans les

 26   années 1970. Puis j'ai commencé à travailler là dans la région en 1977

 27   puisque j'ai travaillé en tant qu'analyste de renseignement à la

 28   bibliothèque américaine du congrès, puisque j'épluchais les publications


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  1   techniques ainsi que les publications militaires de l'Union soviétique et

  2   de l'Europe de l'est, y compris l'ex-Yougoslavie. Ensuite j'ai commencé à

  3   travailler pour le ministère de la Justice américain et j'ai fait des

  4   enquêtes sur des personnes qui étaient présumées comme ayant participé à

  5   des crimes de guerre Nazi lorsque ces personnes faisaient des demandes

  6   d'entrée aux Etats-Unis. J'ai ensuite couvert l'ex-Yougoslavie. Durant ces

  7   activités, j'ai fait des recherches dans différents pays, dans les archives

  8   dans les différents pays, y compris en ex-Yougoslavie, à Belgrade, à

  9   Zagreb, à Sarajevo, à Banja Luka.

 10   Ensuite j'ai incorporé cette institution en 1994 et j'ai commencé à faire

 11   des recherches sur les dirigeants bosno-serbes et je me suis concentré sur

 12   cette région durant toute la durée de mon poste au tribunal, et ensuite

 13   j'ai eu des responsabilités de superviseur.

 14   Q.  Docteur Treanor, d'après ces rapports, il devient rapidement évident

 15   qu'un nombre important de documents sont cités et sont utilisés dans le

 16   contexte du rapport. J'aimerais savoir si vous avez participé à la

 17   compilation de documents qui ont été utilisés dans vos rapports.

 18   R.  Oui, tout à fait. Pour ce qui est de mes activités au sein du TPY, ces

 19   rapports représentent en fait le produit et le résultat de 15 années de

 20   travail ici au Tribunal qui ont commencées en 1994, puisque c'est à ce

 21   moment-là qu'avec d'autres personnes, nous avons commencé à identifier et à

 22   compiler des documents émanant du plus haut niveau ainsi que d'autres

 23   documents émanant du SDS et de Bosnie ainsi que d'autres instances

 24   gouvernementales de Republika Srpska. Mais comme j'ai dit, j'ai commencé ce

 25   travail en 1994, et ensuite nous avons continué de manière tout à fait

 26   méthodique à glaner les documents les plus importants, y compris les

 27   journaux officiels, les coupures de presse de la région ainsi que les

 28   archives des plus hautes instances gouvernementales, y compris les procès-


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  1   verbaux de réunions, les rapports, les décisions, les ordonnances, les

  2   différentes correspondances et les différents carnets de rendez-vous des

  3   hauts dignitaires.

  4   Q.  Merci, Docteur. Comme vous l'avez dit, il s'agissait d'activités très

  5   méthodiques. J'ai quelques questions à ce sujet. Je voudrais savoir si vous

  6   avez essayé d'obtenir la totalité des documents en la matière ou que des

  7   morceaux choisis ? Deuxièmement, est-ce que vous avez essayé de compiler

  8   des documents durant vos activités, documents qui était liés à toutes les

  9   parties au conflit ?

 10   R.  Je vais commencer par répondre à la première partie de -- à la deuxième

 11   partie de votre question. Oui, en tant que chef de l'équipe de recherche et

 12   toute l'équipe de recherche d'ailleurs, nous avons compilé des documents,

 13   nous avons fait des recherches et analyses sur tous les partis au conflit,

 14   et d'un point de vue personnel, également, j'ai continué à faire des

 15   recherches sur les Bosno-serbes. Quelle était la première partie de votre

 16   question ?

 17   Q.  Je voulais savoir si vous aviez obtenu la totalité des documents, ou

 18   est-ce que vous aviez uniquement sélectionné certains de ces documents, si

 19   vous pouvez nous décrire également d'autres types de processus que vous

 20   avez suivis.

 21   R.  Nous avons essayé d'obtenir l'accès à la totalité des documents, c'est-

 22   à-dire les archives, tous les documents concernant une institution donnée,

 23   quel était l'objectif, par exemple, d'une mission donnée, par exemple,

 24   qu'il s'agisse de la présidence, du ministère de l'Intérieur, du ministère

 25   de la Défense, et cetera. En fonction de la situation, nous devions soit

 26   sélectionné les documents, les copier et les rapatrier à La Haye.

 27   Quelquefois, nous pouvions également obtenir une copie ou les scanner sur

 28   place, et nous pouvions également rapatrier toutes les archives papier à La


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  1   Haye.

  2   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, il y a un certain

  3   nombre de documents que l'Accusation souhaite utiliser, et elle a informé

  4   les Juges de la Chambre qu'elle allait utiliser ceci par -- avec le Dr

  5   Treanor. Donc, Monsieur Tieger, vous avez dit que vous souhaitiez procéder

  6   à des versements directs. Donc si vous souhaitez verser ces documents,

  7   sachez que les Juges de la Chambre préfèrent que ces documents soient

  8   versés par le truchement du témoin. Donc s'il y a des documents que vous

  9   souhaitez utiliser dans le cadre de cette déposition, faites-le par le

 10   truchement de ce témoin dans votre interrogatoire principal.

 11   M. TIEGER : [interprétation] J'ai compris vos priorités, Monsieur le

 12   Président. Nous essayons, bien sûr, de replacer dans leur contexte autant

 13   que possible les documents, et c'est ainsi que certains de ces documents

 14   seront versés directement. Donc nous essayons, bien sûr, de trouver un

 15   équilibre entre vos priorités et la manière dont nous essayons de replacer

 16   certains documents dans un contexte plus vaste.

 17   Q.  Docteur Treanor, est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les

 18   critères que vous avez utilisés pour sélectionner les documents que vous

 19   avez utilisés dans vos rapports ou comment vous avez utilisé ces documents

 20   ?

 21   R.  Pour ce qui est des rapports à proprement parler, il faut garder à

 22   l'esprit que lorsque les rapports ont été rédigés, nous avions déjà compilé

 23   énormément de documents. Pour ce qui est de la sélection dans le but

 24   d'établir ces rapports, j'ai fait usage de mes connaissances des

 25   différentes archives et de mes compétences d'expert dans la région pour

 26   voir quels seraient les thèmes qui seraient abordés dans ce rapport, et

 27   j'ai sélectionné des documents qui, d'après moi, permettraient au mieux de

 28   relater l'avancée chronologique de ces différents sujets, et ce faisant, je


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  1   crois que je l'ai rappelé dans l'introduction du rapport. J'ai essayé

  2   d'utiliser les documents les moins contestés, c'est-à-dire les documents

  3   qui émanaient du plus haut niveau des organes de l'état, comme par exemple,

  4   les procès verbaux de réunions de décisions, des ordonnances, des

  5   correspondances, des articles émanant des journaux officiels. En l'absence

  6   de document de ce type, j'utilisais des documents qui étaient peut-être

  7   moins univoques, comme par exemple, des coupures de presse. J'ai essayé de

  8   me borner à refléter les propos de certains dirigeants plutôt que des

  9   rapports de journalistes, et je me suis efforcé également de ne pas

 10   utiliser des articles d'opinion. Donc pour ce qui est des rapports, dans la

 11   plus grande partie de ceci, nous avons utilisé des documents émanant des

 12   dirigeants bosno-serbes eux-mêmes. Pour ce qui est des rapports concernant

 13   les négociations, nous avons utilisé ce qui émanait des négociations

 14   internationales ainsi que ce qui émanait des participants à ces événements

 15   particuliers, également aux discussions et à ces négociations.

 16   Q.  Comme je l'ai mentionné précédemment, Monsieur le Témoin, nous parlons

 17   ainsi d'une montagne de documents et je pense que vous avez parlé également

 18   des archives complètes dans certains cas. J'aimerais savoir si on vous a

 19   aidé à identifier les documents qui pouvaient être utiles pour la rédaction

 20   de ces rapports par d'autres membres de cette équipe de recherche, et quel

 21   est le contrôle que vous avez exercé sur des documents qui seraient

 22   utilisés pour la compilation de ce rapport.

 23   R.  Au départ, c'est moi qui réalisais l'analyse et la compilation, et j'ai

 24   commencé la rédaction, et puis l'équipe a été constituée en 1997, et

 25   seulement en 1997. Donc j'ai incorporé de personnes dans cette nouvelle

 26   équipe, et je leur demandais de travailler sur des domaines spécifiques

 27   liés aux Bosno-serbes, comme par exemple, des domaines tels que le SDS, la

 28   présidence. Ils étaient responsables de l'analyse des documents pour ces


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  1   sujets précis et ils devaient également réaliser une analyse, et ils l'ont

  2   faite sous ma supervision, et c'est donc moi qui ai ensuite passé en revue

  3   le résultat de leurs activités. Je dirais que j'ai quasiment eu la totalité

  4   des documents. Par conséquent, et plus particulièrement pour ce qui est du

  5   premier rapport, pour ce qui est des premières parties, pour ce qui est des

  6   premières parties du rapport, elles ont été rédigées par d'autres

  7   personnes, mais encore une fois, j'ai lu la totalité du rapport. Compte

  8   tenu des compétences, des connaissances que j'avais, j'en prends toute la

  9   responsabilité. Je pense que l'addendum et l'étude sur les dirigeants, il

 10   est mentionné quelles sont les personnes qui ont participé à ces activités.

 11   Ceci était principalement lié à l'utilisation de CaseMap que nous avons

 12   commencé à utiliser dans cette institution aux environs du moment où le

 13   premier rapport a été publié, c'est-à-dire en 2002 ou dans ces eaux-là.

 14   Nous avions l'habitude d'inclure des synthèses, des extraits, voire la

 15   totalité de documents de différentes instances dans le CaseMap de notre

 16   équipe, et j'avais demandé à certaines personnes de se charger de ceci,

 17   c'est-à-dire de travailler sur cette série de documents. J'ai, bien sûr,

 18   examiné ceci au peigne fin et de manière continue, et je me suis assuré que

 19   ces travaux étaient aussi complets que possible, et l'addendum au rapport

 20   ainsi que l'étude concernant les dirigeants a été principalement réalisée

 21   grâce à CaseMap, et moi-même ainsi que les autres membres de mon équipe ont

 22   donc travaillé là-dessus y compris les stagiaires.

 23   Q.  Vous parlez du fait que vous vous engagez personnellement, en termes de

 24   responsabilité concernant la totalité du rapport; qu'entendez-vous par là ?

 25   R.  Comme je l'ai dit, je connais tous les documents, je les ai quasiment

 26   tous lus, et j'ai vérifié, révisé la quasi totalité ce qui avait été rédigé

 27   par d'autres membres de l'équipe.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les


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  1   Juges, je voudrais verser au dossier les documents de la liste 65 ter,

  2   00592, 12124, 12125, s'il vous plaît.

  3   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] C'est d'accord.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous allons donc donner les cotes à ces

  5   trois rapport d'expert, mais avant une modification. Le CV de la liste 65

  6   ter, numéro 14044, qui avait reçu la cote P2536, recevra en fait la cote

  7   P2535; et les documents de la liste 65 ter, 592, 12124 et 12125 recevront

  8   respectivement les cotes P2536, P2537 et P2538.

  9   M. TIEGER : [interprétation]

 10   Q.  Docteur Treanor, je voudrais que --

 11   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais que le Greffier d'audience affiche

 12   sur les écrans le document de la liste 65 ter, 00932. Il s'agit d'un

 13   entretien avec le Dr Karadzic qui a été publié dans le magazine "Nin" en

 14   novembre 1990. Avant de vous poser des questions là-dessus, je voudrais

 15   rapidement vous demander quelque chose, en gardant à l'esprit que les

 16   rapports ont maintenant été versés au dossier. Je voudrais que vous

 17   replaciez cet entretien dans son contexte.

 18   R.  Oui. Cet entretien dans le magazine hebdomadaire belgradois "Nin," a

 19   été publié une semaine ou dix jours avant les premières élections

 20   multipartites en Bosnie-Herzégovine qui ont eu lieu le 18 novembre 1990.

 21   Dans les mois qui ont précédé cette élection, un certain nombre de partis

 22   politiques avaient été constitués en Bosnie-Herzégovine, y compris le SDS

 23   qui a été constitué le 12 juillet 1990, lors d'une assemblée constitutive à

 24   Sarajevo qui a élu Radovan Karadzic comme président de ce parti, et qui a

 25   adopté un programme ainsi que des statuts.

 26   Ces statuts précisent la manière dont le parti est organisé et fonctionné,

 27   en créant une structure organisationnelle ou hiérarchique qui semble être

 28   plus ou moins parallèle à la structure gouvernementale de la République de


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  1   Bosnie-Herzégovine. Vous avez donc le niveau central au parti -- au niveau

  2   du parti avec le conseil supérieur - "Main Board" en anglais - vous avez

  3   également l'assemblée qui se réunit chaque année, et vous avez également un

  4   organe exécutif. Vous aviez également des conseils régionaux. Il n'y avait

  5   pas de niveau régional pour le gouvernement de Bosnie, mais ils avaient des

  6   antennes de coordination régionale pour assurer la coordination des comités

  7   municipaux, et ceci était très important. La municipalité était

  8   l'institution gouvernementale au niveau local de la République. Donc les

  9   comités municipaux étaient très importants, et ils avaient organisé donc

 10   une organisation dans tout le pays. Je voudrais également mentionner

 11   rapidement le programme du parti qui incorporait toute une série de points

 12   qui sont classiques pour les partis, c'est-à-dire des aspects économiques

 13   et sociaux, et vous aviez également le souhait qui figurait dans le

 14   programme, et dans le discours du Dr Karadzic de rester au sein d'un seul

 15   état avec les autres Serbes, souhait donc des Bosno-serbes.

 16   Q.  Quelques questions de suivie en ce qui concerne la structure

 17   hiérarchique du SDS. Tout d'abord, j'aimerais savoir si l'on avait mis

 18   l'accent ou si l'on s'était efforcés de rappeler l'importance de cette

 19   hiérarchie en ce qui concerne le flux d'informations du sommet vers la base

 20   et des instructions, également, qui venaient du sommet en direction de la

 21   base.

 22   R.  Dans le statut -- dans les statuts du parti, il était précisé que les

 23   membres du parti se devaient de respecter la politique adoptée par le parti

 24   et au fil du temps, le parti a ensuite mis en place un système de

 25   communications très efficace qui permettait de transmettre les ordres et

 26   les instructions émanant du sommet en direction de la base et de recevoir

 27   également des rapports venant de la base en direction du sommet. Je devrais

 28   dire que le parti s'était efforcé de créer un système efficace, car je


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  1   pense que dans cet article, on verra dans quelle mesure ils sont arrivés à

  2   cet objectif.

  3   Q.  A compter de 1990 et jusqu'en 1995, qui était en haut de cette chaîne

  4   hiérarchique ?

  5   R.  C'était le Dr Karadzic qui était président du parti.

  6   Q.  Est-ce que je pourrais attirer votre attention, tout d'abord, sur le

  7   paragraphe 4 de la page 1 de cet article ? Il est mentionné, donc, le

  8   renouveau de la vie politique des Serbes en Bosnie-Herzégovine, ainsi que

  9   les activités organisationnelles qui devaient être réalisées dans un laps

 10   de temps relativement court. Ici, on voit qu'il est mentionné la présence

 11   de conseils ou de comités locaux et chaque membre d'un comité local du SDS

 12   est en contact avec 10 ou 20 familles serbes, de façon à ce que les

 13   informations émanant des villages les plus reculés arrivent aux oreilles du

 14   comité -- du conseil supérieur en l'espace de deux heures.

 15   R.  Oui. Ceci montre comment les efforts d'organisation avaient vraiment

 16   porté leurs fruits et qu'ils étaient en mesure, également, il était

 17   important, donc, d'avoir des contacts avec les administrés, avec les --

 18   donc, toutes les familles serbes, et surtout au moment de cette campagne,

 19   au vu des élections qui arrivaient, ils avaient utilisé cette possibilité

 20   pour transmettre également des tractes et également des documents liés à la

 21   campagne électorale.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait maintenant passer à la

 23   page 6 en version anglaise et à la page -- enfin, ça doit être la page

 24   suivante en B/C/S ? En bas de la page, on voit bien :

 25   "Tout le monde sait que les Serbes n'accepteront sous aucune

 26   condition de vivre dans des Etats -- dans plusieurs Etats indépendants et

 27   de devenir une minorité nationale hors de la Serbie. Les Serbes resteront

 28   dans un seul Etat, une Yougoslavie fédérale quelque soit sa taille."


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  1   Est-ce qu'on pourrait maintenant passer rapidement à la dernière

  2   page, la page 8, dernier paragraphe de cet article ou de cet entretien. Le

  3   Dr Karadzic dit :

  4   "Ce qui ne pouvait même pas être susurré à l'époque, c'est-à-dire les

  5   Serbes en Bosnie-Herzégovine qui remettaient tous leurs espoirs dans la

  6   mère patrie Serbie et qui ne permettront jamais que les frontières de cet

  7   Etat ne soient pas adjacentes ou -- ne permettront --"

  8   L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend : "ne permettront jamais qu'une

  9   frontière les sépare de la Serbie."

 10   M. TIEGER : [interprétation]

 11   Q.  Est-ce que vous pourriez replacer ceci dans le contexte ?

 12   R.  Oui. Le Dr Karadzic mentionne ici un des points du programme, à savoir

 13   qu'il s'agissait du souhait des Bosno-Serbes de rester dans un seul Etat,

 14   au sein d'un seul Etat, avec les autres Serbes. Ceci constitue un message

 15   très, très important, tout particulièrement durant une campagne électorale.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant revenir à

 17   la page 3 en version anglaise ?

 18   Q.  Le troisième paragraphe en partant du bas, où l'on peut lire que :

 19   "Les Serbes pourraient être mis en minorité, notamment en ce qui concerne

 20   les changements de la nature de l'Etat en Bosnie-Herzégovine. Si cela se

 21   produisait, toutes les conditions seraient remplies pour une guerre civile,

 22   parce que les Serbes en Bosnie-Herzégovine ne sont plus complètement sans

 23   moyens, mais qu'ils constituent, en fait, une entité puissante et unifiée."

 24   R.  Ici le Dr Karadzic faisait référence à la principale préoccupation liée

 25   au fait qu'il resterait au sein de la Yougoslavie, à savoir que les membres

 26   des autres nations en Bosnie-Herzégovine voulaient faire sécession de la

 27   Yougoslavie. Les Serbes constituaient une grande minorité, mais seulement

 28   un tiers, donc pas la majorité. Par conséquent, ils avaient peur d'être mis


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  1   en minorité et que la Bosnie sorte de la Yougoslavie, et ils considéraient

  2   que ceci irait fortement à l'encontre de leurs intérêts. Par conséquent, à

  3   cette époque, c'est-à-dire en octobre et en novembre 1990, ils ont pris des

  4   mesures afin d'éviter que cela se produise et un des exemples, c'est que le

  5   Dr Karadzic a envoyé une lettre à l'Assemblée de Bosnie-Herzégovine en

  6   place demandant qu'une Chambre de nationalités soit constituée qui

  7   permettrait, en fait, de mettre un veto à toute mesure qui irait à

  8   l'encontre d'une de ces nationalités. Cette missive est restée lettre

  9   morte. Ils ont également entré dans un conseil national serbe en Bosnie

 10   qui, d'après le rapport, se déclarait être le seul représentant ou la seul

 11   instance représentant la nation serbe en Bosnie et ont dit qu'ils

 12   n'accepteraient aucune décision de l'assemblée ou de qui que ce soit

 13   d'autre et que -- si cette décision allait à l'encontre des intérêts du

 14   peuple serbe en Bosnie.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais verser

 16   le document de la liste 65 ter 009132.

 17   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] D'accord.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce P2539.

 19   M. TIEGER : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur le Témoin, cet entretien -- ou plutôt, pendant la durée de cet

 21   entretien, on voit apparaître un passage où le Dr Karadzic tient les propos

 22   suivants. Il dit, au cas où il serait mis en minorité sur des questions

 23   ayant trait à des changements de l'organisation de la structure de l'Etat,

 24   toutes les conditions se trouveraient réunies pour une guerre civile. Si

 25   une telle situation devait se présenter, le Dr Karadzic indique, donc,

 26   quelle serait la nature de ce conflit, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui. La situation s'est présentée. Il a indiqué, à plusieurs occasions,

 28   quel serait le caractère d'un tel conflit. C'est à plusieurs reprises qu'on


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  1   a vu apparaître une situation de cette nature. Donc, à la mi-octobre 1991,

  2   à peu près un an et demi après que j'ai cessé de me rendre -- enfin, c'est

  3   quelque chose sur quoi je ne me suis pas penché. Ensuite les Musulmans et

  4   les députés croates et les députés musulmans dans l'Assemblée de Bosnie-

  5   Herzégovine, qui a été créée suite aux élections de 1990, ont effectivement

  6   voté des résolutions que les Serbes de Bosnie qualifient de référendum.

  7   C'est évoqué dans d'autres de mes rapports, et les Serbes de Bosnie

  8   considéraient cela comme des déclarations d'indépendance de la Bosnie. Ces

  9   résolutions ont été adoptées en l'absence des représentants du SDS à

 10   l'Assemblée des Serbes de Bosnie. Ils considéraient ces décisions comme

 11   étant illégitimes.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document numéro

 13   30351, s'il vous plaît ? Il s'agit d'un entretien encore le Dr Karadzic,

 14   Miodrag Davidovic et Luka Karadzic, le 15 octobre 1991. Je souhaiterais

 15   demander au greffier de bien vouloir afficher la page numéro 5 dans les

 16   deux langues.

 17   Voyons le bas de la page en anglais. Le Dr Karadzic dit, je cite :

 18   "Ils veulent une Bosnie-Herzégovine indépendante. Ceci est une tentative

 19   d'en créer une. Mais 12 % de Serbes ont créé le chaos en Croatie, n'ont pas

 20   permis l'introduction d'un Etat oustachi dans leur foyer, et ceux-là, ici,

 21   essayent de faire la même chose, alors que nous sommes 35 %." Fin de

 22   citation.

 23   Pouvons-nous passer la page suivante ? Le Dr Karadzic continue, après

 24   quelques répliques, je cite :

 25   "Qui ? De quoi parlez vous ? Qui le fera ? Cela signifie la guerre jusqu'à

 26   l'extinction. Les Serbes ne leur pardonneront jamais une telle chose; cela

 27   les détruirait totalement. Aucun de leurs leaders ne survivraient. Ils

 28   seraient tous tués en trois ou quatre heures. Ils n'auraient pas une chance


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  1   de survie." Fin de citation.

  2   Q.  Alors, Docteur Treanor, est-ce que vous pouvez replacer cette

  3   conversation dans son contexte ?

  4   R.  Oui. Il s'agit d'une conversation qui s'est tenue entre le Dr Karadzic,

  5   son frère et un ami de la famille monténégrin. Cela a eu lieu plus tard

  6   dans la journée, la même journée lors de laquelle les résolutions portant

  7   sur la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine avaient été adoptées. Donc,

  8   elles avaient été adoptées très tôt dans la matinée du 15 octobre et

  9   manifestement, cette conversation a eu lieu après. Nous avons ici un

 10   commentaire quant à la signification de ces résolutions et des conséquences

 11   possibles, à savoir, la guerre.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander le

 13   versement du document numéro 30351 de la liste 65 ter.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

 15   demander que ce document ne soit versé qu'aux fins d'identifications.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote aux fins

 17   d'identification numéro P2540.

 18   M. TIEGER : [interprétation]

 19   Q.  Docteur Treanor, vous avez évoqué, à plusieurs reprises, la

 20   préoccupation qui existait par rapport au fait d'être mis en minorité. Vous

 21   avez dit que le Dr Karadzic et le SDS étaient préoccupés par la question de

 22   la composition ethnique de la population de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce

 23   pas ?

 24   R.  Oui. Ils l'étaient, en effet, et ils se préoccupaient des changements

 25   intervenus dans cette composition ethnique.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Pourrions-nous avoir le document numéro 18625,

 27   page 24 de la version en B/C/S et en anglais, il nous faudra la page 28.

 28   Q.  Docteur Treanor, pourriez-vous nous fournir le contexte qui était celui


Page 14010

  1   de votre réponse précédente ?

  2   R.  Oui. Le Dr Karadzic, devant l'Assemblée du SDS, a relevé plusieurs

  3   choses. Il a parlé de l'exode de dizaines de milliers de Serbes de la

  4   Bosnie-Herzégovine au cours des décennies précédentes et d'une situation

  5   qui, entre autres, le préoccupait grandement, lui ainsi que d'autres

  6   dirigeants du SDS. Plusieurs études étaient disponibles concernant les

  7   changements démographiques en Bosnie-Herzégovine, mais cette étude

  8   particulière était l'œuvre de Milorad Skoko, qui était le directeur adjoint

  9   de l'Institut républicain -- de la planification sociale. Il avait été

 10   nommé et représentait le SDS. Donc, ce rapport est daté de juin 1991. Plus

 11   tard, son auteur l'a mis à jour et d'autres auteurs ont ensuite rédigé des

 12   rapports similaires. Mais ce que je souhaitais vous dire au sujet de cette

 13   représentation graphique, c'est qu'on voit deux courbes en haut qui

 14   concernent la population musulmane et son évolution au terme de deux

 15   variantes qui sont envisagées. Mais dans les deux variantes, on voit une

 16   augmentation très importante de cette population musulmane, alors que les

 17   deux courbes du bas, qui sont plutôt horizontales, représentent, pour

 18   l'une, l'évolution de la population serbe et pour l'autre, l'évolution de

 19   la population croate. Par conséquent, les dirigeants du SDS craignaient

 20   que, dans l'hypothèse d'une Bosnie-Herzégovine indépendante, les Musulmans

 21   ne tarderaient pas à obtenir une majorité absolument au sein de la

 22   république et se trouveraient, par conséquent, en position de présider aux

 23   destinées de cette dernière, indépendamment des préoccupations des autres

 24   peuples la constituant.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page 24 de la

 26   version en B/C/S ? Page 28 en anglais.

 27   L'INTERPRÈTE : En fait, ce que je voudrais, c'est verser - se reprend

 28   l'interprète - les pages 24 en B/C/S et 28 en anglais.


Page 14011

  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Soit.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça reçoit la cote P2541.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Pourrions-nous maintenant avoir à l'écran le

  4   document numéro 06639, s'il vous plaît ? Il me faudrait la page 12 en

  5   anglais et la page qui porte le numéro ERN SA043638 en B/C/S.

  6   Q.  Alors, Docteur Treanor, est-ce que vous reconnaissez ce document ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  De quoi s'agit-il ?

  9   R.  Il s'agit d'un carnet tenu par Vojislav Maksimovic qui était un député

 10   du SDS au sein de l'Assemblée de Bosnie-Herzégovine. Il était, d'ailleurs,

 11   le président du groupe parlementaire du SDS.

 12   Q.  Nous avons là une réunion du Conseil politique à la date du 24 décembre

 13   1991. Je voudrais attirer votre attention sur les remarques du Pr

 14   Najdanovic. Il pose ici la question suivante, je cite :

 15   "Quelles sont nos frontières dans leur extension maximum ? Nous avons

 16   besoin d'un Etat serbe unique qui ne puisse pas être habité par des

 17   Musulmans, parce qu'il nous dépasseraient par leur taux de natalité." Fin

 18   de citation.

 19   Alors pourriez-vous commencer par nous dire qui était le Pr Najdanovic,

 20   nous re-expliquer ce qu'est cette instance, le Conseil politique, et nous

 21   fournir le contexte de ces commentaires ?

 22   R.  Oui. Le Conseil politique était une instance consultative, mise en

 23   place par le SDS. Elle regroupait des personnalités du parti et des

 24   intellectuels qui tentaient de se réunir une fois par semaine. Le Dr

 25   Karadzic était fréquemment présent lors de ces réunions, et il s'agissait

 26   de fournir des informations aux dirigeants du SDS sur toute une série de

 27   questions, l'idée étant d'avoir à sa disposition les meilleurs experts dans

 28   un domaine donné.


Page 14012

  1   Le Pr Slavko Leovac est également cité ici. Il était en fait le

  2   président de ce conseil, alors que le Pr Milutin Najdanovic était un député

  3   du SDS au sein de l'assemblée. Il était aussi député au sein de l'Assemblée

  4   fédérale de Belgrade, au sein de la Chambre des Républiques.

  5   Alors cette réunion a eu lieu à la date du 24 décembre 1991, et donc

  6   nous avançons dans le temps -- enfin, nous changeons de période plutôt, et

  7   c'est là quelques jours à peine après la décision de la présidence et du

  8   gouvernement de la Bosnie-Herzégovine consistant à demander une

  9   reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine auprès d'autres

 10   états et toute une série d'organes internationaux. Il s'agissait

 11   précisément de ce à quoi les Serbes de Bosnie s'étaient opposés avec

 12   détermination, et cela était une conséquence logique des résolutions du 15

 13   octobre.

 14   Par conséquent, nous voyons ici les Serbes de Bosnie envisageaient

 15   les alternatives possibles au maintien de la Bosnie-Herzégovine dans le

 16   cadre de la Yougoslavie. A titre alternatif, donc il s'agirait de définir

 17   un territoire serbe au sein de la Bosnie-Herzégovine, territoire qui d'une

 18   certaine façon pourrait être séparé du reste et qui sera susceptible de

 19   rester dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine, alors que les Croates et les

 20   Musulmans seraient libres d'en sortir. Donc il semblerait ici que l'on

 21   envisage ce type de scénario, et le Pr Najdanovic fait un commentaire pour

 22   ainsi dire d'ordre ethnographique en disant qu'il ne serait pas possible de

 23   se permettre d'avoir trop de Musulmans dans ce territoire-là, dans ce

 24   territoire serbe parce que leur taux de natalité leur ferait bientôt

 25   dépasser les Serbes.

 26   Q.  Cette préoccupation est-elle récurrente, revient-elle lors des

 27   discussions portant sur la composition ethnique de cette Bosnie-Herzégovine

 28   serbe ou d'autres aspects de la politique menée de 1991 à 1995 ?


Page 14013

  1   R.  Ce type de commentaire peut être retrouvé à plusieurs reprises,

  2   dans différentes séances de l'assemblée, au cours du temps et au fil des

  3   années. Juste après ceci -- enfin, pas juste après mais le mois suivant, le

  4   Conseil des ministres des Serbes de Bosnie s'est penché sur la version mis

  5   à jour du rapport du spécialiste en démographie que nous avons examiné à

  6   l'instant. Donc ils avaient tout ceci très présent à l'esprit.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

  8   demander le versement du document numéro 06639.

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je

 10   souhaiterais soulever une objection, parce que ceci ne présente pas de

 11   valeur probante. A titre de comparaison, est-ce qu'on pourrait retenir à

 12   charge contre Tony Blair d'avoir tenu ce genre de propos devant la Chambre

 13   des communes, ou pourrait-on tenir le président Obama responsable de propos

 14   tenus par le Tea Party devant le Congrès américain ? Je crois qu'il n'y a

 15   pas de valeur probante à présenter ici des propos qui ont été tenus par tel

 16   ou tel organe ou telle ou telle personne à moins que ce ne soit Dr Karadzic

 17   lui-même à qui l'on puisse les attribuer. Je demande que ceci ne soit pas

 18   pris en compte par manque de valeur probante. Je vous remercie.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

 20   simplement dire que ceci ne devrait pas être décompté de mon temps. Il

 21   s'agit d'un document qui fait partie de l'ensemble des éléments de preuve

 22   dont la Chambre a déjà été saisie. C'est là l'une des raisons pour laquelle

 23   j'ai présenté ceci au témoin, qui nous a confirmé qu'il s'agissait de

 24   propos récurrents chez les Serbes de Bosnie. Je crois que c'est un argument

 25   qui ne tient pas que de dire qu'un élément de preuve présente une valeur ou

 26   un poids forcément restreint à partir, alors que il s'agit d'une pièce d'un

 27   puzzle bien plus large sur lequel il convient de s'appuyer et sur lequel la

 28   Chambre s'est déjà appuyée, parce que ces éléments sous-tendent la


Page 14014

  1   politique des Serbes de Bosnie.

  2   De plus, le témoin a indiqué la relation qui existait entre la personne qui

  3   est l'auteur de ces propos, en tant que membre du Conseil politique et le

  4   Dr Karadzic. Il a été -- j'ai obtenu des précisions à ce sujet, et je crois

  5   que c'est tout à fait clair dans le rapport du témoin. Donc le témoin nous

  6   a dit très clairement qu'il s'agissait là d'un groupe de personnes sur

  7   lequel le Dr Karadzic s'appuyait et auquel il s'adressait pour avoir des

  8   informations et recueillir leurs opinions, leur point de vue dans le but

  9   d'élaborer la politique à conduire. Je crois que l'objection de Me Robinson

 10   est tout à fait spécieuse et que ce document a tout à fait vocation à être

 11   versé au dossier.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, les Juges de la Chambre sont

 14   toujours d'accord sur ce point. Si cet élément de preuve était isolé, sa

 15   valeur probante serait peut-être envisagée sous un autre angle. Mais en

 16   tant qu'un élément d'un ensemble plus large et plus complexe, nous estimons

 17   qu'en effet, il présente une valeur probante potentielle. Nous n'avons pas

 18   besoin de nous prononcer à ce stade en disant qu'il a ou qu'il n'a pas une

 19   valeur potentielle, il nous suffit de considérer qu'il a une valeur

 20   probante -- il nous suffit de considérer qu'il a une valeur probante

 21   potentielle. Sur cette base, le document sera donc versé au dossier.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document est versé sous la cote P2542,

 24   Madame et Messieurs les Juges.

 25   M. TIEGER : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez parlé de cette position qui était celle

 27   des dirigeants des Serbes de Bosnie, vous avez dit qu'elle était

 28   importante. Il s'agissait de ne permettre aucune frontière qui reviendrait


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  1   à séparer les Serbes d'autres Serbes, par exemple ceux de Serbie. Alors je

  2   voudrais que l'on affiche le document 06583 à l'écran, s'il vous plaît.

  3   Alors cette aspiration fondamentale à laquelle vous avez fait référence,

  4   aspiration fondamentale consistant à préserver l'unité des Serbes, a-t-elle

  5   connu des changements pendant cette période s'étendant de 1990 à 1995 ?

  6   R.  Non, elle n'a jamais varié. Avec votre permission, je souhaiterais

  7   apporter quelques précisions à ma réponse précédente, peut-être ne vous ai-

  8   je pas apporté tout le concours souhaitable, parce que le Dr Karadzic a

  9   fait des commentaires, à plusieurs reprises, concernant les changements

 10   démographiques et la nature des changements démographiques en cours ainsi

 11   que les préoccupations auxquelles ces changements donnaient lieu, tels

 12   celles que nous trouvons dans le document que nous avons examiné à

 13   l'instant.

 14   Q.  Est-ce que l'approche tactique adoptée par parvenir à la réalisation de

 15   cet objectif, de cette aspiration a évolué au cours du temps ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Alors, si nous penchons rapidement sur ce document qui est affiché à

 18   l'écran, et nous voyons ce qui m'intéresse en bas de page, nous voyons

 19   qu'il s'agit donc du procès-verbal d'une réunion du groupe parlementaire du

 20   SDS, donc ces députés à la date du 30 septembre 1991, et nous avons un

 21   commentaire du Dr Karadzic en bas, qui dit, je cite :

 22   "Le but de guerre du peuple serbe c'est la Yougoslavie, pour la simple

 23   raison qu'il est plus difficile de démanteler -- beaucoup plus difficile de

 24   démanteler quelque chose que de continuer à se référer à maintenir

 25   l'ancienne légalité."

 26   Est-ce que vous pourriez nous donner le contexte de ceci ?

 27   R.  Oui. Ce commentaire a été fait lors d'une réunion du groupe des députés

 28   du SDS. Le Dr Karadzic n'en était pas un député mais il était le chef du


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  1   parti, donc il assistait à ces réunions.

  2   A cette étape en septembre 1991, et comme je l'aborde dans mon

  3   rapport, me semble-t-il, dans l'étude de la direction des Serbes de Bosnie,

  4   des négociations étaient en cours entre les dirigeants des Serbes de Bosnie

  5   et d'autres dirigeants concernant l'avenir de la Bosnie. L'un des objectifs

  6   absolument prioritaires, comme le Dr Karadzic le formule ici, pour les

  7   Serbes de Bosnie, c'était de rester dans le cadre de la Bosnie. Je relève

  8   que cette notion d'objectif de guerre est placée entre guillemets. Je crois

  9   que cela signifie qu'il s'agit de leur priorité absolue ici.

 10   La stratégie, à ce stade, dans une large mesure, était fondée sur

 11   l'argument consistant à dire que la Bosnie était une partie de la

 12   Yougoslavie et qu'elle resterait une partie de la Yougoslavie jusqu'au

 13   moment où une décision serait éventuellement prise consistant à la faire

 14   sortir de ce cadre. Le Dr Karadzic pensait qu'à ce stade, un accord

 15   existait sur ce plan. Comme on peut le voir plus haut dans la page,

 16   l'accord de M. Izetbegovic consistait à dire qu'il n'y aurait pas de

 17   tentative d'un peuple d'imposer sa volonté à un autre, à savoir que tout ce

 18   qui se passerait interviendrait pas consensus. Donc si l'on se contentait

 19   d'un statut quo légal, ce qui aurait été parfaitement acceptable du point

 20   de vue des Serbes de Bosnie, cela revenait à dire qu'ils étaient en

 21   Yougoslavie et qu'il suffisait pour eux de maintenir cette forme de statut

 22   quo. C'était l'essentiel de leur approche à ce stade-là.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 24   document 06583.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P2543, Monsieur le

 26   Président.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous avoir maintenant le document

 28   00958, page 37 de la version anglaise, et 55 en B/C/S. Le numéro du


Page 14017

  1   document est 00938 et non pas "958" comme indiqué au compte rendu.

  2   Q.  Voyons le texte qui est au milieu de la page en anglais. C'est le Dr

  3   Karadzic qui s'exprime, comme nous pouvons le voir plus haut dans ce

  4   procès-verbal. Il dit, je cite :

  5   "Jusqu'à il y a deux ou trois mois, nous avons été en mesure de jouer sur

  6   la carte yougoslave, sur la carte de l'armée yougoslave, de la légalité, et

  7   cetera, mais ceci est en train d'échapper à notre contrôle. Les événements

  8   ont commencé à suivre une évolution différente : Une Bosnie serbe d'une

  9   part, et l'Herzégovine d'autre part, notre droit souverain et notre armée."

 10   Alors vous avez déjà fait allusion à ceci. Est-ce que vous pourriez nous

 11   redonner le contexte de ces propos ?

 12   R.  Oui. Nous avons eu cette réunion du Club des députés du SDS au mois de

 13   février, fin février 1991, et c'est lors de cette réunion que ces propos

 14   sont tenus. A ce moment-là, un processus de négociations intense était en

 15   cours à l'échelon international entre les dirigeants des différentes

 16   communautés ethniques en Bosnie. L'objet était l'avenir de la Bosnie. Le

 17   commentaire que nous voyons ici reflète le fait que les dirigeants des

 18   Serbes de Bosnie, à savoir le Dr Karadzic et d'autres dirigeants du SDS ont

 19   eu à changer de stratégie, à revenir sur la stratégie exprimée deux ou

 20   trois mois plus tôt, c'est-à-dire en décembre 1991. Alors sans entrer trop

 21   dans les détails, parce que je crois que c'est abordé en détail dans

 22   l'étude de la direction serbe, je dirais que c'était là l'époque encore de

 23   la guerre en Croatie dans laquelle les Serbes de Croatie étaient impliqués.

 24   Les Serbes de Croatie avaient des préoccupations similaires en Croatie à

 25   celles que les Serbes de Bosnie avaient en Bosnie, et cette guerre de

 26   Croatie était en train de toucher à sa fin. Donc un accord était proposé et

 27   mis en avant par Cyrus Vance, qui est devenu le plan Vance, et qui visait à

 28   mettre en place des mesures qui permettraient de préserver la paix dans


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  1   cette république. Les Serbes voulaient également rester dans le cadre de la

  2   Yougoslavie.

  3   Cependant, la direction à Belgrade a dit, tout à fait clairement lors des

  4   réunions tenues à Belgrade en 1991, que c'était là son point de vue - le Dr

  5   Karadzic était présent lors de ces réunions - il a été dit clairement que

  6   la Serbie ne pouvait pas poursuivre la guerre, elle n'en avait pas les

  7   moyens, et que la meilleure chose à faire pour les Croates -- les Serbes de

  8   Croatie, était d'accepter la reconnaissance que la communauté

  9   internationale leur proposait à ce stade et l'existence de leur territoire

 10   tel qu'elle était avancée à ce stade dans le cadre d'une période envisagée

 11   comme intermédiaire et sous supervision des Nations Unies, qui permettait à

 12   la direction de Belgrade de considérer que de bonnes garanties, finalement,

 13   étaient offertes concernant la possibilité qu'ils auraient à l'avenir de

 14   rejoindre la Yougoslavie ou l'Etat serbe.

 15   La même chose était considérée comme pertinente en rapport avec la Bosnie.

 16   La Serbie était donc à bout de force et n'était plus en mesure de jouer sur

 17   cette carte yougoslave. La communauté internationale aurait considéré comme

 18   une agression de la Serbie envers la Croatie et la -- aurait considéré que

 19   la Serbie agressait la Croatie et la Bosnie-Herzégovine si cette position

 20   n'avait pas été prise. Donc c'est l'une des raisons pour laquelle la

 21   direction de Belgrade a décidé qu'il convenait d'aller de l'avant et de

 22   former une nouvelle République fédérale de Yougoslavie consistant

 23   uniquement en la Serbie et le Monténégro et non pas les autres territoires

 24   que les Serbes revendiquaient en dehors de ces deux républiques. Une

 25   constitution de cette nouvelle RFY a été adoptée finalement en avril 1992,

 26   qui laissait ouverte la question de la succession.

 27   Q.  Alors, à l'époque où ces remarques et ces propos sont tenus concernant

 28   les Serbes de Bosnie et la mention de l'Herzégovine qui est faite par le Dr


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  1   Karadzic, est-ce que des efforts étaient en cours visant à mettre en place

  2   les structures qui seraient existantes sur ces territoires, et à définir

  3   les territoires qu'elles couvriraient ?

  4   R.  Oui. Les Bosno-serbes faisaient leurs propres efforts à cette fin, et

  5   la base des négociations à l'époque était la constitution et la

  6   reconnaissance d'entités séparées au sein de la Bosnie-Herzégovine.

  7   Q.  Avant que les Bosno-serbes aient constitué la république, et avant les

  8   efforts spécifiques qui avaient lieu à l'époque, c'est-à-dire à la fin

  9   février 1992, est-ce qu'il y avait des efforts qui avaient été consentis

 10   pour identifier ou déterminer les territoires au sein de la Bosnie-

 11   Herzégovine qui étaient considérés comme étant partie de la Serbie par les

 12   dirigeants du SDS ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  est-ce que vous pourriez nous dire quels étaient ces efforts et quand

 15   ces efforts ont commencé ?

 16   R.  Les efforts que je souhaiterais mentionner pourrait rentrer sous le

 17   terme générique de régionalisation. La régionalisation n'a jamais figuré en

 18   tant que tel dans le programme du SDS, mais le Dr Karadzic a parlé de ceci

 19   très brièvement après la première réunion de l'Assemblée en juillet 1990.

 20   Il a parlé de cette régionalisation. Les Serbes -- les Bosno-Serbes, on

 21   s'entend, n'étaient pas satisfaits de la manière dont le découpage

 22   municipal avait été établi en Bosnie-Herzégovine, parce que ceci s'était

 23   fait au détriment des Serbes. Ils espéraient pouvoir changer ce découpage

 24   et ils voulaient également créer des régions de municipalités qui étaient

 25   des -- il s'agissait, donc, de regrouper des municipalités par région afin

 26   de promouvoir leurs intérêts et ils voulaient également le faire pour

 27   constituer dans ces régions, sur la base ethnique. Il s'agissait, donc, de

 28   regrouper des municipalités à majorité serbe dans leurs propres régions.


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  1   Q.  Docteur Treanor, en gardant à l'esprit cette pièce P2536, votre rapport

  2   intitulé : "Les dirigeants bosno-serbes de 1990 à 1992," il y a des détails

  3   dans la partie numéro 2 qui portent sur la régionalisation. Est-ce que je

  4   pourrais rapidement vous demander d'identifier rapidement les étapes en vue

  5   de cette régionalisation ?

  6   R.  Ce processus a fait l'objet de discussions déjà au mois de janvier

  7   1991, donc immédiatement après les élections. On a discuté de cela dans le

  8   cercle du SDS et on a essayé de voir quelles étaient les communautés des

  9   municipalités. Le premier -- les premières communautés des municipalités,

 10   où les Serbes avaient une majorité, avaient été créées déjà au mois d'avril

 11   1991. Une communauté de municipalités, c'est une façon de rassembler

 12   différentes municipalités aux fins de coopérer. C'est quelque chose qui

 13   existe dans la constitution de Bosnie-Herzégovine et il s'agit, donc, de

 14   coopérer, il s'agit de réunir plusieurs municipalités aux fins d'une

 15   meilleure coopération. Il y en a eu deux de créées en Bosnie-Herzégovine

 16   déjà, à cette époque-là, et ensuite il y en a eu au mois de septembre. Ceci

 17   a abouti à la création des régions autonomes serbes.

 18   M. TIEGER : [interprétation] On va examiner maintenant la pièce 65 ter

 19   10825.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je signale qu'il s'agit là de la pièce

 21   P2530.

 22   M. TIEGER : [interprétation]

 23   Q.  Ici, nous avons un document qui parle de -- en fait, c'est une décision

 24   qui porte sur la régionalisation et les régions autonomes; est-ce exact ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Ici, nous avons une décision portant aux nominations d'un QG chargé de

 27   Régionalisation. Il date du 25 septembre 1991. Au niveau du deuxième

 28   paragraphe de ce document, on parle de la mise en œuvre de la décision et


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  1   des conclusions qui ont été prises au moment du Conseil des organes

  2   régionaux et de la république -- et au niveau de la République du

  3   [inaudible], ce qui a eu lieu le 7 septembre 1991.

  4   R.  C'est exact. C'est un important document, puisque c'est un des rares

  5   documents que nous possédons et qui est relatif aux décisions qui ont été

  6   prises au niveau du conseil. Nous connaissons le nom de cette décision.

  7   C'est tout ce que nous connaissons. Nous n'avons pas pu nous procurer les

  8   textes de ces décisions. Mais comme les Juges de la Chambre peuvent le

  9   voir, ces décisions concernent la proclamation, comme il est écrit ici, la

 10   proclamation des régions autonomes.

 11   Q.  Est-ce qu'il existe, parmi les documents que vous possédez, des

 12   documents où l'on fait mention de cette réunion du 7 septembre, de ces

 13   conseils ?

 14   R.  Oui. Nous avons plusieurs conversations interceptées où l'on fait

 15   mention de cela, effectivement.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Le document précédent a une cote qui commence

 17   par P, donc je pense que c'est une pièce à conviction, donc, le document

 18   que j'ai cité en donnant son numéro, 10825.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, effectivement. Il s'agit de la pièce

 20   P2530.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Je vais demander que l'on examine la pièce

 22   3194. C'est un document 65 ter. La troisième page en anglais, s'il vous

 23   plaît. Et la quatrième page en B/C/S.

 24   Q.  Il s'agit d'une conversation entre le Dr Karadzic et Slobodan

 25   Milosevic, et dans cette partie-là, le Dr Karadzic dit :

 26   "J'ai une grande Assemblée plénière, ici, avec tous mes fonctionnaires. Je

 27   suis allé à Trebinje et j'ai remplacé quelques bons à rien. Cela m'a pris

 28   très longtemps."


Page 14022

  1   Est-ce que vous pouvez placer ça dans le contexte de la réunion qui a

  2   eu lieu le 7 septembre ?

  3   R.  Oui. Tout d'abord et sur la base de documents et pièces à conviction

  4   qui viennent de la conversation interceptée et qui figurent dans ces notes

  5   de bas de page de mon rapport, je pense que cette conversation interceptée

  6   a eu lieu le 6 septembre. Ici, le Dr Karadzic mentionne cette grande

  7   réunion plénière qui allait se produire le lendemain, à savoir le 7. Je

  8   pense que, là, il fait référence à cette réunion qui a été mentionnée dans

  9   le document précédent.

 10   Q.  Maintenant, je vais parler de la conversation interceptée du 8 décembre

 11   -- du 8 septembre.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Je vais demander que cette pièce soit versée

 13   au dossier.

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Nous allons demander que ceci soit

 15   marqué aux fins d'identification.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P2544.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Maintenant, je vais demander que l'on regarde

 18   la pièce 65 ter 3204. La première page en anglais, mais aussi la première

 19   page en B/C/S. Il s'agit d'une conversation entre Mirko Jovic et Jovan

 20   Tintor. A la première page, Tintor dit :

 21   "Tu sais quoi ? Eh bien, nous n'avons rien de concret. Demain, ça va être

 22   le chaos total. Hier, nous avons pris la décision que la Bosnie peut

 23   rester, officiellement, mais on va la partager. Il va y avoir une Bosnie

 24   serbe et une Bosnie croate et une Bosnie musulmane."

 25   Pouvez-vous, s'il vous plaît, situer cela dans le contexte de la réunion

 26   qui avait eu lieu le 7 septembre et nous expliquer de quoi il s'agit.

 27   R.  Oui. Il s'agit, donc, d'un -- d'une conversation entre deux

 28   fonctionnaires du SDS. Ils ne sont pas d'un niveau très élevé. M. Jovan


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  1   Tintor assistait à la réunion. On peut le conclure sur la base de leur

  2   entretien, de leur conversation, et il est -- on peut le voir, il parle du

  3   partage de la Bosnie, la Bosnie qui va -- qui allait être partagée en trois

  4   parties : la Bosnie serbe, la Bosnie croate et la Bosnie musulmane. Je

  5   souhaite faire quelques commentaires à ce sujet, puisque ceci peut --

  6   d'après moi, cela ne m'a pas paru très clair à l'époque, c'est pour cela.

  7   Donc les Serbes de Bosnie voulaient vivre dans leur propre région, et

  8   cela leur importait peu de savoir si la Bosnie allait rester dans la

  9   Yougoslavie fédérale ou non. Donc ils ont négocié avec les dirigeants

 10   musulmans à l'époque, comme je l'ai dit dans mon rapport, en se disant

 11   qu'il allait y avoir une régionalisation de Bosnie. Les Musulmans n'étaient

 12   pas ravis à entendre cela. Là, j'utilise un euphémisme, mais lors de la

 13   réunion du 30 septembre, comme on l'a vu plus tôt, le Dr Karadzic était

 14   fort heureux d'annoncer qu'Izetbegovic avait accepté de discuter de cette

 15   régionalisation. 

 16   Donc c'est de cette façon-là que la régionalisation avait été mise à

 17   profit de Serbes de Bosnie, pour par la suite diviser la Bosnie en trois

 18   parties en dépit du fait que la Bosnie allait ou pas rester en Yougoslavie.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Je vais demander que ceci soit versé au

 20   dossier.

 21   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] En tant que document MFI.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, il s'agira de la pièce P2545 MFI.

 23   M. TIEGER : [interprétation]

 24   Q.  Docteur Treanor, vous avez dit que l'option yougoslave avait été

 25   changée, que cette stratégie-là avait été modifiée, et qu'on a commencé à

 26   jouer la carte d'une Bosnie-Herzégovine serbe. Pourriez-vous nous dire

 27   quelle était la première institution créée qui devait par la suite devenir

 28   la République des Serbes de Bosnie ?


Page 14024

  1   R.  La première institution centrale créée était l'Assemblée du peuple

  2   serbe de Bosnie-Herzégovine. Elle a été créée le 24 octobre 1991, quelques

  3   jours après l'adoption de la résolution portant sur la souveraineté, la

  4   résolution que j'ai mentionnée plus tôt.

  5   Q.  Je vais demander qu'on présente maintenant la pièce 30379. Je voudrais

  6   que l'on examine assez rapidement trois paragraphes de ce document. Le

  7   premier paragraphe se trouve à la première page. Donc, ici, nous avons une

  8   conversation qui a eu lieu le 24 octobre 1991, et il s'agit d'une

  9   conversation entre le Dr Karadzic et Slobodan Milosevic. A la première

 10   page, le Dr Karadzic dit :

 11   "Il faut que l'on prépare tout, et nous avons tout préparé pour avoir une

 12   situation de fait, et là, ils vont se casser les dents, ils doivent de

 13   toute façon le faire, parce qu'à aucun prix, nous n'allons vivre dans un

 14   même pays. C'est une chose accomplie, c'en est fini de cela."

 15   Ensuite, à la page 5, le Dr Karadzic dit :

 16   "Dis-lui que les Serbes continuent, que tu ne peux pas exercer les

 17   pressions sur nous, que tu ne peux pas adoucir notre position. Nous allons

 18   avoir un contrôle absolu de tout le territoire en Bosnie-Herzégovine, et

 19   aucun de ces avocats ne va pas pouvoir venir là-bas. Ils ne vont pas

 20   contrôler plus que 65 % de ce territoire, c'est notre objectif. Nous avons

 21   calculé tous nos pas. Nous devons établir le contrôle sur nos territoires.

 22   La Croatie ne va pas contrôler plus de 30 % de son territoire, et la Bosnie

 23   ne va pas contrôler plus de 60 % de son territoire."

 24   Docteur, pourriez-vous situer cela dans le contexte ?

 25   R.  Cela, cette conversation a eu lieu le jour de la création de

 26   l'Assemblée des Serbes de Bosnie; cependant, cette conversation a eu lieu

 27   avant la réunion, car le Dr Karadzic s'était rendu à Belgrade, la vielle,

 28   où il a assisté à la réunion des dirigeants serbes. Est-ce qu'à cette


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  1   occasion, il y a eu l'occasion de s'entretenir directement avec M.

  2   Milosevic, je ne le sais pas. Mais dans cette conversation, M. Milosevic

  3   essaie d'expliquer au Dr Karadzic qu'il ne faudrait pas créer cette

  4   assemblée, parce qu'il ne fallait pas comme il lui disait utiliser des

  5   mesures illégales. Donc il ne peut pas répondre à une mesure illégale par

  6   une autre mesure illégale, à savoir la proclamation d'une Assemblée serbe

  7   suite à la proclamation d'une Assemblée bosniaque ou souveraineté

  8   bosniaque. Le Dr Karadzic, en revanche, lui répond qu'ils ne peuvent pas

  9   continuer dans ce sens, qu'il s'agit d'un plan qu'il qu'ils réalisent.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je souhaiterais verser ceci au dossier.

 11   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, comme un document MFI.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P2546, MFI,

 13   Monsieur le Président.

 14   M. TIEGER : [interprétation]

 15   Q.  Docteur Treanor, vous avez parlé de la création de Région autonome

 16   serbe qui a eu lieu au mois de septembre 1990. Ensuite au mois d'octobre,

 17   l'Assemblée des Serbes de Bosnie a été créée. On va revenir sur les Régions

 18   autonomes serbes. Donc on a identifié un certain nombre de territoires,

 19   mais mis à part cela, est-ce que ces Régions autonomes avaient une autre

 20   fonction, à l'époque ?

 21   R.  Dans le contexte de cette entité bosno-serbe naissante, c'était

 22   exactement cela que représentait l'assemblée. C'était donc un organe

 23   législatif qui ne disposait pas d'organe exécutif, à l'époque. Les seuls

 24   organes exécutifs qu'ils contrôlaient, c'était les municipalités. Moi, j'ai

 25   déjà dit que, là, il s'agissait des unités fondamentales de la gestion

 26   locale en Bosnie-Herzégovine. Ils ont aussi créé les régions autonomes

 27   serbes, les SAO pour les utiliser en tant qu'organes exécutifs pour

 28   communiquer avec les organes gouvernementaux pour opposer cela aux organes


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  1   du parti.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Je vais vous demander à présent d'examiner un

  3   certain nombre de documents. Le premier de ces documents va être le

  4   document 30400. Il s'agit ici d'une conversation entre le Dr Karadzic et le

  5   général Simovic, à la date du 2 novembre 1991. Veuillez examiner la

  6   quatrième page en B/C/S et en anglais. Ici le Dr Karadzic s'adresse au

  7   général Simovic, il lui explique au niveau du troisième paragraphe ce qui

  8   suit :

  9   "J'ai donné l'ordre, j'ai donné à toutes les municipalités, à tous les

 10   présidents de municipalités, j'ai donné un ordre. Ils ont introduit les

 11   postes de commandement, ils ont introduit une situation de guerre, une

 12   mobilisation générale a été annoncée car elle est en cours, et j'ai dit

 13   qu'il faut qu'il…" et cetera, et cetera.

 14   Pourriez-vous situer cela dans le contexte? Savez-vous de quel ordre parle

 15   ici le Dr Karadzic ?

 16   R.  Oui. Cette conversation a eu lieu entre le Dr Karadzic et Tomislav

 17   Simovic. Tomislav Simovic, à l'époque, était le ministre de la défense de

 18   la République serbe. Ils parlent de la guerre en Croatie, la guerre en

 19   Croatie qui est en cours, et de la nécessité de faire en sorte qu'il y ait

 20   suffisamment de soldats dans l'armée. C'était une question extrêmement

 21   importante, et le Dr Karadzic et le SDS ont participé à cela, à savoir ils

 22   essayaient de faire en sorte que les jeunes hommes répondent à l'appel à la

 23   mobilisation ou bien qu'ils se présentent volontairement en tant que

 24   volontaires pour aller faire la guerre là-bas. Donc c'est de cela qu'ils

 25   parlent.

 26   Q.  Très bien.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Maintenant, je vais demander que ceci soit

 28   versé au dossier et je pense que nous allons le marquer aux fins


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  1   d'identification, comme demande M. Robinson.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce MFI P2547.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Pourriez-vous à présent examiner la pièce

  4   054106 ?

  5   Q.  Ici, nous avons un télex qui contient un ordre qui vient du SDS de

  6   Sarajevo. Il a été communiqué lors de la réunion de tous les présidents

  7   municipaux, et je vais vous demander de nous dire de quoi il s'agit. Donc

  8   c'est le Dr Karadzic qui a présidé à la réunion, et on y dit -- on dit,

  9   dans cet ordre, qu'il faut former immédiatement le commandement de la

 10   municipalité, monter la garde, mettre en place une mobilité absolue et

 11   totale de la Défense territoriale. A la fin, on voit que c'est Radoslav

 12   Brdjanin qui est chargé de la mise en place de ces décisions. Il s'agit

 13   d'un remplaçant du président de l'Assemblée de la Région autonome.

 14   R.  Oui, c'est l'unique version de cet ordre que nous avons. C'est un ordre

 15   dont on fait mention dans la conversation précédente, et vous pouvez voir

 16   que ce qui est dit dans ce document corrobore ce qui est dit au cours de la

 17   conversation entre le Dr Karadzic et le général Simovic. Il y a autre chose

 18   que je souhaite ajouter au sujet de ce document, c'est-à-dire que tout en

 19   haut du document, on voit qu'il s'agit là d'un ordre du SDS qui avait été

 20   communiqué par le Dr Karadzic lors de la réunion de présidents des

 21   municipalités. Ici, dans la traduction, on voit les "maires." Mais non.

 22   Les municipalités avaient leurs présidents, les présidents des Assemblées

 23   municipales. Ces municipalités avaient aussi des conseils, différents

 24   conseils exécutifs. C'était des organes exécutifs. Il y avait aussi les

 25   présidents des municipalités. Le président d'une municipalité c'était le

 26   fonctionnaire le plus haut placé d'une municipalité. Donc ici nous avons

 27   une réunion des fonctionnaires du gouvernement, membres du SDS, qui

 28   reçoivent un ordre du Dr Karadzic, et il est transmis par un fonctionnaire


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  1   de la Région autonome de la Krajina. Donc ici nous voyons que le Dr

  2   Karadzic utilise la Région autonome comme un moyen de transmettre les

  3   ordres aux officiels du gouvernement.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Je vais demander que cette pièce soit versée

  5   au dossier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P2548.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Maintenant, je vais demander que l'on examine

  8   la pièce 65 ter 30392. C'est une conversation entre M. Brdjanin, qui a été

  9   mentionnée dans ce document, et le Dr Karadzic, à la date du 31 octobre

 10   1991. Je vais vous demander d'examiner la page 5 en anglais et la page 4 en

 11   B/C/S.

 12   Q.  Dr Karadzic dit à Brdjanin :

 13   "Mais écoute, écoute-moi. Il faut absolument que tu fasses ton boulot. Vous

 14   ne pouvez pas m'appeler comme une nounou pour tout. Vous avez le pouvoir

 15   entre vos mains. Vous avez les présidents des municipalités. Exercez donc

 16   ce pouvoir énergiquement jusqu'au bout. Vous ne pouvez pas m'appeler pour

 17   tout. Il faut que la Krajina reste pure et il faut que l'armée ait

 18   suffisamment d'hommes de la Krajina. Vous avez tout. Tout a été écrit, tout

 19   vous a été envoyé. Il faut que tout ceci soit mis en place. Appelez chaque

 20   président de la municipalité pour vérifier si le travail a été fait, si

 21   tout cela a été fait, parce que moi je suis trop fatigué. Je ne peux pas

 22   tout faire."

 23   R.  Cette conversation a eu lieu quelques jours après que l'ordre que nous

 24   venons de voir a été émis, et quelques jours avant la conversation entre

 25   Simovic et le Dr Karadzic. Ici, on voit que le Dr Karadzic encourage

 26   Brdjanin à mettre en place l'exécution de cet ordre, et d'une façon assez

 27   générale, il lui dit qu'il faut absolument qu'il exerce les pouvoirs qu'il

 28   a et qu'il vérifie que les autres fonctionnaires fassent leur travail. Donc


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  1   il est intéressant de remarquer ici que M. Brdjanin ici dans ce contexte

  2   est aussi un fonctionnaire du gouvernement et un fonctionnaire du parti;

  3   autrement dit, il est le président du comité exécutif de la municipalité de

  4   Celinac, mais en même temps, il était le remplaçant du président de

  5   l'Assemblée de la Région autonome de la Krajina et donc il était aussi,

  6   comme on l'a vu, chargé de coordonner l'exécution de cet ordre. Donc il

  7   avait une fonction exécutive tout en étant un député de l'Assemblée des

  8   Serbes de Bosnie. Donc c'est une des nombreuses conversations que le Dr

  9   Karadzic a eue avec toute une série de fonctionnaires municipaux où il leur

 10   donne des ordres. Il leur dit ce qu'ils doivent faire pour exercer les

 11   pouvoirs qu'ils ont. Qu'il s'agisse des fonctionnaires du parti ou du

 12   gouvernement, peu importe.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je souhaite que cette pièce soit versée au

 14   dossier.

 15   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, oui. Mais est-ce

 16   qu'il s'agira d'une pièce qui va être marquée aux fins d'identification ?

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Il s'agira de la pièce MFI P2549.

 18   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Il est venu le moment de prendre la

 19   pause. Nous allons prendre la pause à présent et reprendre l'interrogatoire

 20   du Dr Treanor à 11 heures.

 21   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 22   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 23   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, c'est à vous.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Docteur Treanor, après avoir créé les régions autonomes serbes en

 26   septembre, est-ce que des mesures ont été prises pour les intégrer aux

 27   structures d'Etat naissantes de ce qui devait devenir la République serbe

 28   de Bosnie ?


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  1   R.  Oui. Comme je l'indique dans mon rapport et dans mon étude de la

  2   direction, d'ailleurs, je vais reprendre en indiquant les dates les plus

  3   importantes. En novembre 1991, une fois que le plébiscite bosno-serbe a eu

  4   lieu qui s'est achevé avec une majorité très importante pour que les Serbes

  5   de Bosnie demeurent au sein de la Yougoslavie, l'Assemblée bosno-serbe a

  6   vérifié la création des Régions autonomes, qui étaient au nombre de cinq,

  7   et précisé quelles étaient les municipalités et même les parties de

  8   municipalités qui en faisaient partie. Le 9 janvier 1992, la République

  9   serbe de Bosnie-Herzégovine a été proclamée, comme c'est indiqué dans mon

 10   rapport, et cette déclaration établit que le territoire de la République

 11   serbe de Bosnie-Herzégovine se compose des territoires englobant les

 12   Régions autonomes serbes auxquelles s'ajoute un certain nombre d'autres

 13   territoires, qui ne sont pas définis précisément, mais qui recouvrent les

 14   zones où les Serbes constituaient la majorité de la population avant le

 15   génocide de la Seconde Guerre mondiale. A l'époque-là, l'Assemblée bosno-

 16   serbe était également en train de rédiger une constitution pour la

 17   République serbe de Bosnie et l'existence des régions et districts évoqués

 18   dans cette partie du rapport en faisaient partie.

 19   Q.  J'aimerais que nous parlions d'un autre processus décrit dans votre

 20   rapport, à savoir la composition de la direction bosno-serbe entre 1990 et

 21   1992 dont il est question dans la pièce P2536. Dans les paragraphes 61 à 64

 22   de votre rapport, vous traitez des consignes données le 19 décembre 1991,

 23   et connues sous le nom de version A et version B. Pouvez-vous nous dire

 24   rapidement quelle était la version A et quelle était la version B et quel

 25   était l'objectif poursuivi, de façon générale, dans ce document présentant

 26   les deux versions ?

 27   R.  Ce qu'il est convenu d'appeler le document présentant les versions A et

 28   B est une série de consignes données au nom du Conseil principal du SDS --


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  1   aux Conseils municipaux du SDS. En tout cas, c'est ce qu'on peut déduire,

  2   car le document traite des actions menées au niveau municipal de façon

  3   générale, et deux séries d'actions principales sont évoquées plus

  4   précisément, actions qui peuvent être entreprises dans des circonstances

  5   particulières dans le cadre des étapes 1 et 2, comme on les appelle.

  6   Certaines variantes sont décrites du point de vue des actions qui peuvent

  7   être prises et des différentes phases à respecter selon le genre de

  8   municipalités concernées. En effet, les municipalités sont classées en

  9   types A et B, le type A représentant les municipalités dans lesquelles le

 10   SDS a le pouvoir politique, c'est-à-dire dans lesquelles il dispose de la

 11   majorité à l'Assemblée de la municipalité, et le type B représentant les

 12   municipalités dans lesquelles le SDS n'est pas au pouvoir, mais qui, tout

 13   de même, on une minorité serbe réelle.

 14   Q.  Vous parlez du niveau auquel ces instructions sont données aux

 15   responsables du SDS au niveau municipal et vous évoquez des actions qui

 16   sont décrites dans ce document présentant les versions A et B le 19

 17   décembre, n'est-ce pas ?

 18   R.  Ces mesures sont précisées et représentes, par exemple, la création

 19   d'une Assemblée serbe dans la municipalité où -- concernées, c'est-à-dire

 20   dans les municipalités où les Serbes sont majoritaires, et dans celles où

 21   les Serbes sont minoritaires, il s'agit de créer des cellules de Crise,

 22   d'ériger des barrages routiers et d'établir diverses méthodes de contrôle

 23   physiques et institutionnelles.

 24   Q.  Est-ce que vous avez estimé que les efforts du -- de la direction du

 25   SDS, et du Dr Karadzic en particulier, poursuivent la progression et

 26   l'application des consignes du 19 décembre présentées dans ce document qui

 27   présentent les versions A et B étaient réels ?

 28   R.  Oui. Comme je l'ai dit, le Dr Karadzic a été très actif pour veiller à


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  1   ce que ces consignes soient menées à bien.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Passons au document 30489, plus précisément la

  3   page 3 de ce document. C'est une conversation entre le Dr Karadzic et

  4   Momcilo Krajisnik, à la date du 21 décembre 1991. J'aimerais qu'on affiche

  5   la page 3 de la version anglaise également, sur les écrans, de la Krajina,

  6   d'après ce que lui a rapporté un certain Cizmovic. Le Dr Karadzic dit :

  7   "Très bien, jusqu'au nouvel an serbe, puis nous verrons."

  8   Après quoi, Momcilo Krajisnik lui dit :

  9   "Mais d'où est venue l'idée que nous devrions coordonner tout cela ?"

 10   La réponse qui lui est faite est la suivante :

 11   "Vous le savez bien. Qui va mettre en œuvre ce qui a été décidé la nuit

 12   dernière ?"

 13   A quoi, il est rétorqué :

 14   "Le Conseil des ministres."

 15   Puis l'autre interlocuteur dit :

 16   "Mais ils vont s'enfuir, ils vont fuir la municipalité."

 17   Le Dr Karadzic dit :

 18   "Mais ils ne peuvent pas fuir sans cesse d'une municipalité à l'autre."

 19   Ensuite il poursuit en disant qu'ils ne peuvent pas fuir d'une

 20   municipalité à l'autre en permanence ou faire ceci et cela.

 21   M. Krajisnik rétorque :

 22   "Ils ne s'enfuiront pas."

 23   Et le Dr Karadzic réplique :

 24   "Mais ils doivent fuir."

 25   Alors pouvez-vous replacer cela dans le contexte à notre intention, Docteur

 26   Treanor ?

 27   R.  Oui. Cette conversation a lieu le 21 décembre 1991 qui, comme cela

 28   était dit, se situe à la -- au lendemain d'une réunion très importante qui


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  1   est décrite dans le détail dans mon rapport, et je crois, comme cela est

  2   indiqué dans le rapport, que est durant cette réunion que le document

  3   contenant les versions A et B a été distribué. J'en conclue, étant donné ce

  4   qui s'est passé ensuite, la consigne avait été donnée d'entamer

  5   l'application de la phase 1 de ce document.

  6   Q.  Il est fait référence ici à un certain Cizmovic et au fait qu'il

  7   pourrait fuir d'une municipalité à l'autre. Qui était M. Cizmovic ?

  8   R.  Le lendemain, le 21 décembre, une séance de l'Assemblée bosno-serbe

  9   s'est tenue; cette séance a nommé un Conseil des ministres. M. Cizmovic est

 10   devenu, à cette occasion, membre de ce conseil des ministres et il avait

 11   pour fonction la coordination des régions autonomes serbes. M. Cizmovic

 12   était originaire de Banja Luka et, apparemment, certains à Banja Luka ne

 13   l'appréciaient guère. C'était un juriste. J'espère que ce n'est pas la

 14   raison pour laquelle il n'était pas apprécié. Mais, enfin, d'après cette

 15   conversation, je conclurais que, parmi les fonctions qui étaient les

 16   siennes, figurait la mission de vérifier ou même de veiller à la mise en

 17   œuvre des consignes contenues dans le document présentant les versions A et

 18   B qui était un document émanant du parti.

 19   Q.  Je vous demanderais de vous pencher sur quelques conversations avec M.

 20   Cizmovic.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Pour l'instant, je demande le versement du

 22   document 30489 au dossier.

 23   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Il faudrait d'abord qu'il soit

 24   enregistré aux fins d'identification.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document devient la pièce P2350 [comme

 26   interprété] enregistrée aux fins d'identification.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Alors le document 30491, c'est une

 28   conversation entre M. Karadzic et M. Cizmovic à la date du 21 décembre


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  1   1991. On le voit à la première page du document. Je demande maintenant

  2   l'affichage de la page 2 aussi bien en anglais qu'en B/C/S.

  3   Q.  Vers le bas de cette page 2, nous voyons que le Dr Karadzic déclare à

  4   M. Cizmovic, je cite :

  5   "La chose la plus importante maintenant, en cet instant même, c'est que ces

  6   documents…" Fin de citation, la phrase n'est pas terminée.

  7   Cizmovic dit :

  8   "La réalisation."

  9   A quoi le Dr Karadzic répond :

 10   "Bien. Bien."

 11   A la page suivante en anglais, mais toujours la même page en B/C/S, nous

 12   voyons que le Dr Karadzic dit à Cizmovic :

 13   "Vous avez toute habilitation pour visiter toutes nos municipalités, y

 14   compris celles qui ne sont pas à nous mais, en tout cas, toutes celles qui

 15   sont à nous.

 16   Il poursuit en disant :

 17   "Ils connaissent les problèmes qui se posent et ils utiliseront

 18   certainement mieux les conseils provenant de vous."

 19   Pourriez-vous replacer cette conversation dans son contexte, Docteur

 20   Treanor ?

 21   R.  Cette conversation se déroule le même jour que la conversation avec M.

 22   Krajisnik, c'est-à-dire le lendemain du jour, si je ne me trompe, où le

 23   document contenant les versions A et B a été distribué. Le Dr Karadzic

 24   donne certaines instructions à M. Cizmovic quant à la meilleure façon de

 25   mener à bien sa mission. Je remarque qu'il ait fait mention de tourner des

 26   municipalités et non pas de tourner des régions autonomes serbes. Donc j'en

 27   conclus qu'il parle de l'exécution des consignes contenues dans le document

 28   présentant les versions A et B. Je remarque qu'il préfère parler de tourner


Page 14035

  1   des municipalités, même de nos municipalités en parlant donc des

  2   municipalités correspondant à la version A, alors que les municipalités où

  3   ils ne sont pas au pouvoir constituerait les municipalités de type B.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  5   document, Monsieur le Président, aux fins d'identification, bien sûr.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Un commentaire sera fait.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document devient la pièce P2551,

  9   enregistré aux fins d'identification.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Passons au document 65 ter, numéro 30558.

 11   C'est une conversation entre M. Cizmovic et le Dr Karadzic, à la date du 16

 12   janvier 1992. Je demande l'affichage de la page 7 en anglais, correspondant

 13   à la page 8, en B/C/S.

 14   Q.  Dans cette partie de la conversation, M. Cizmovic dit au Dr Karadzic :

 15   "J'ai parlé à Bijeljina" - et il poursuit en disant - "ils sont prêts

 16   à coopérer pleinement, même chose pour la Bosnie du nord. J'ai préparé un

 17   questionnaire pour eux tous."

 18   Dr Karadzic dit :

 19   "Hm-hm."

 20   M. Cizmovic dit :

 21   "Ce que nous avons réussi à faire, jusqu'où nous sommes allés, et où

 22   nous voulons arriver, et jusqu'à quel point nous sommes prêts à appliquer

 23   le premier niveau des consignes."

 24   Pourriez-vous, je vous prie, replacer cette partie de la conversation

 25   dans son contexte, Docteur Treanor ?

 26   R.  Oui. Cette conversation se déroule plusieurs semaines après la

 27   conversation que nous avons vue tout à l'heure, à savoir après la

 28   proclamation de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Dans cette


Page 14036

  1   conversation, M. Cizmovic rend compte au Dr Karadzic quant à ce qui a été

  2   fait dans certaines municipalités. Je remarque la référence qui est faite à

  3   une question figurant dans son questionnaire, quant à la possibilité pour

  4   les municipalités concernées d'appliquer la première phase des consignes.

  5   Donc, encore une fois, j'en conclus que c'est une référence au document

  6   présentant les versions A et B.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement au dossier du document

  8   30558, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Enregistré aux fins

 10   d'identification.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P2552,

 12   enregistrée aux fins d'identification.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je demande l'affichage du document 30564, qui

 14   est encore une fois une conversation entre le Dr Karadzic et M. Cizmovic,

 15   mais celle-ci a lieu le 22 janvier 1992. Je demande l'affichage de la page

 16   5 de la version anglaise correspondant également à la page 5 dans la

 17   version B/C/S.

 18   Q.  M. Cizmovic dit, au Dr Karadzic, qu'il a parlé à Doboj, et il poursuit

 19   en indiquant que :

 20   "Tout se déroule normalement," et cetera.

 21   Et puis il dit;

 22   "Comme je ne pouvais pas assister à la réunion, j'ai dit qu'ils

 23   devraient prendre note du problème et voir jusqu'où ils sont allés pour

 24   prendre la mesure du problème et voir ce qu'ils pouvaient faire par eux-

 25   mêmes."

 26   Le Dr Karadzic répond :

 27   "Il faudra faire appel à des experts s'ils ne peuvent pas faire les choses

 28   eux-mêmes."


Page 14037

  1   M. Cizmovic rétorque, en disant :

  2   "Si nous devions intervenir, nous mettrons en place une équipe."

  3   Il poursuit, en disant que :

  4   "La situation est la même à Bijeljina."

  5   Il dit;

  6   "J'en ai fini de cela avec eux aussi. Je dois encore voir ce qui se

  7   passe à Birac."

  8   Ensuite on passe à la page suivante, où il est question de Birac, de la

  9   Romanija et de l'Herzégovine. Le Dr Karadzic dit :

 10   "Très bien."

 11   Cizmovic répond :

 12   "Mais je veillerais à ce que tout soit terminé par eux dans le délai

 13   prescrit qui est court."

 14   Ensuite la conversation se poursuit, en page 7 de la version anglaise,

 15   aussi bien que de la version B/C/S, et M. Cizmovic dit :

 16   "Aujourd'hui, nous avons aussi créé la cellule de Crise qui agira lorsque

 17   personne ne peut agir par lui-même, et qui pourra se réunir plus

 18   promptement lorsque l'assemblée ne peut pas le faire."

 19   Le Dr Karadzic déclare :

 20   "Excellent."

 21   Cizmovic rétorque :

 22   "C'est le travail à faire parce que l'objectif doit être mené à bien. Les

 23   consignes doivent être appliquées."

 24   Le Dr Karadzic dit :

 25   "Oui, c'est exact."

 26   Est-ce que vous pourriez placer tout cela dans son contexte, Docteur

 27   Treanor ?

 28   R.  Cette conversation se déroule une semaine à peu près après la


Page 14038

  1   conversation que nous avons vue tout à l'heure, et encore une fois, M.

  2   Cizmovic rend compte au Dr Karadzic au sujet des activités qui ont été

  3   menées à bien. Encore une fois, il parle de Bijeljina, qui est une

  4   municipalité dans ce document. Il évoque également Birac et l'Herzégovine

  5   qui sont des régions. Je rappelle qu'il était coordinateur pour ce qui se

  6   passait dans les Régions autonomes serbes, donc il travaillait également au

  7   niveau des régions. Je remarque la référence à la création d'une cellule de

  8   Crise et au fait que les consignes doivent être menées à bien. Encore une

  9   fois, j'en conclus qu'il fait référence au document présentant les versions

 10   A et B, et aux activités qui sont les siennes s'agissant de veiller à

 11   l'exécution de ces consignes.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement au dossier du

 13   document, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Le document est enregistré aux fins

 15   d'identification.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce P2553, enregistrée

 17   aux fins d'identification.

 18   M. TIEGER : [interprétation]

 19   Q.  Docteur Treanor, vous soulignez également, dans votre rapport, au

 20   paragraphe 64 de celui-ci, que la phase 2 des instructions du 19 décembre

 21   est activée par le Dr Karadzic, à la date du 14 février 1992, lors d'une

 22   réunion élargie. La transcription de ce procès-verbal de cette réunion a

 23   déjà été versée au dossier, donc je ne vais pas consacrer du temps à son

 24   examen. Il s'agit de la pièce P00012, mais je vous demande s'il comporte

 25   des références précises à cette activation de la part du Dr Karadzic.

 26   R.  Oui. La réunion qui a eu lieu ce jour-là, qui est une de ce réunions

 27   élargies correspondant au genre de réunion dont il est question dans mon

 28   rapport, donc d'une réunion analogue à celle du 20 décembre 1991, le Dr


Page 14039

  1   Karadzic fait état de la phase 2 à plusieurs reprises pendant son

  2   allocution durant la réunion. Il dit, entre autres choses, et ce, de façon

  3   explicite, que vous avez été réuni pour activer la phase 2, et il établit

  4   un lien entre l'activation de la phase 2, et le passage -- et le vote de la

  5   résolution par l'Assemblée bosniaque, en l'absence des députés du SDS,

  6   d'une décision portant referendum sur l'indépendance de la Bosnie-

  7   Herzégovine.

  8   Q.  Docteur Treanor, s'agissant des différents types ou des différentes

  9   mesures dont vous parlez, eu égard à la détermination ou la définition du

 10   territoire et à la prise de contrôle d'autres territoires, dans le but de

 11   créer des structures d'état, et cetera, est-ce que vous avez trouvé des

 12   indication montrant qu'il y avait eu planification ou, en tout cas,

 13   réflexion faite à l'avance ?

 14   R.  Il existe certainement des éléments qui indiquent qu'une planification

 15   s'est faite à l'avance à ce sujet, et je remarque qu'entre autres l'aspect

 16   progressif des étapes qui ont été mises en place, de façon générale, par

 17   les Bosno-serbes qui correspondent à celles qui ont été mises en place par

 18   les Serbes de Croatie -- qui seront mises en place par les Serbes de

 19   Croatie un peu plus tard.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Penchons-nous sur la pièce P00953, page 3 de

 21   la version anglaise, correspondant à la page 2 de la version B/C/S. C'est

 22   une interview du Dr Karadzic dans le journal "Srpsko Oslobodjenje," en

 23   janvier 1995.

 24   Q.  Vers le bas de la page qui est à l'écran, répondant à la question

 25   suivante : "Qu'est est-il du rôle du Parti démocratique serbe dans la lutte

 26   politique et dans la préparation de l'organisation du peuple serbe," nous

 27   voyons la réponse du Dr Karadzic qui se lit comme suit, je cite :

 28   "Nous avions une liste d'actions et de mesures à prendre, mais nous


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  1   attendions toujours que les Musulmans fassent une erreur, et lorsqu'ils en

  2   ont fait une, nous avons créé une union de municipalités et les régions

  3   autonomes serbes, suivi par l'établissement des régions, et finalement par

  4   notre Assemblée, et par la République serbe de Bosnie-Herzégovine."

  5   Pourriez-vous replacer tout cela dans son contexte et apporter des

  6   explications complémentaires, je vous prie ?

  7   R.  Oui, cette interview a lieu trois ans après la proclamation de la

  8   République serbe de Bosnie-Herzégovine pratiquement, et pas mal

  9   d'événements ont eu lieu depuis la création de cette République serbe de

 10   Bosnie-Herzégovine. J'y reviendrai plus tard. Mais, ici, le Dr Karadzic

 11   évoque le fait qu'ils avaient établi un plan à l'avance, un plan comportant

 12   plusieurs étapes, et qu'ils attendaient le moment le plus opportun pour

 13   mettre en œuvre chacun de ces étapes. Il s'exprime, de façon critique, par

 14   rapport aux dirigeants serbes de Croatie vis-à-vis du calendrier établi par

 15   eux, et les étapes que ces derniers mettront en place correspondent

 16   finalement à celles qui ont été mises en place par les Serbes de Bosnie. Je

 17   pense que nous en avons déjà parlé. Il peut y avoir d'autres étapes qui ont

 18   été prévues à l'avance, mais ici, ce qui est certain c'est qu'il évoque ces

 19   étapes comme consistant principalement à attendre le moment le plus

 20   opportun, et il lie cette attente à la commission d'erreurs par la partie

 21   adverse, si je puis m'exprimer ainsi.

 22   Q.  Docteur Treanor, comme vous l'avez fait remarquer, ce document date de

 23   1995. Le Dr Karadzic s'exprime, dans un cadre public, n'est-ce pas ? Il

 24   indique ce qu'il avait déjà indiqué précédemment dans d'autres instances,

 25   mais de façon moins publique, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions sur le

 28   document 06361, à présent.


Page 14041

  1   Q.  Docteur Treanor, ce document est un procès-verbal d'une réunion de la

  2   présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, tenue le

  3   9 décembre 1991. J'aimerais que nous nous penchions sur la page 78 de la

  4   version anglaise, correspondant à la page 106 de la version B/C/S.

  5   En haut de cette page, le Dr Karadzic explique aux participants à la

  6   réunion que :

  7   "Il nous faut être malins et préparer les choses sur le plan juridique et

  8   sur la plan factuel."

  9   Mais j'aimerais appeler votre attention sur les commentaires que l'on

 10   trouve au paragraphe suivant, qui se lisent comme suit, je cite :

 11   "Nous avons établi une liste d'actions, dix actions orientées dans le sens

 12   que nous souhaitons, de façon à produire des résultats. La Bosnie demeure

 13   au sein de la Yougoslavie soit dans son ensemble, soit dans nos régions,

 14   mais nous ne ferons rien tant qu'Alija n'aura pas commis une erreur.

 15   Lorsque Alija aura commis une erreur, nous passerons au numéro 5 et nous

 16   attendrons. Quand Alija commettra une autre erreur, nous passerons au

 17   numéro 6."

 18   Donc ceci explique, n'est-ce pas, qu'ils n'ont pas pris au hasard la mesure

 19   prise au sujet du plébiscite puisqu'il risquait d'y avoir des effets

 20   négatifs, et cetera. Il conclut, je cite :

 21   "Nous devons tous jouer dans la même cour."

 22   Alors, Docteur Treanor, est-ce que vous pourriez placer ceci dans le

 23   contexte des discussions qui avaient lieu à l'époque ?

 24   R.  Oui. D'abord, je dirais que cette rencontre s'est tenue à la présidence

 25   de Belgrade. Ce n'est pas une réunion de la présidence de Belgrade, c'est

 26   une réunion officielle, mais une réunion entre les membres de la

 27   présidence, les membres en exercice de la présidence à l'époque et un

 28   invité ou d'autres dirigeants serbes venus de Croatie et de Bosnie, y


Page 14042

  1   compris le Dr Karadzic. Et le débat porte, de façon générale, sur la

  2   guerre, sur la situation de l'époque, sur les efforts déployés pour

  3   rétablir la paix, sur le plan Vance, et ce genre de choses.

  4   Ici, le Dr Karadzic déclare, encore une fois, qu'il avait à l'esprit un

  5   certain nombre de mesures et que les Serbes de Bosnie attendent le bon

  6   moment pour exécuter chacune de ces mesures. Il fait référence à 10

  7   mesures. Alors est-ce que ces mesures étaient précisément au nombre de 10,

  8   ou est-ce qu'il évoque le chiffre de 10 de façon symbolique6 C'est une

  9   autre question, je ne le sais pas. Mais il est question ici de la mesure

 10   numéro 5 et de la mesure numéro 6. Ceci semble indiquer qu'un plan existait

 11   pour mettre en œuvre un certain nombre de mesures et que les Serbes de

 12   Bosnie attendaient le bon moment pour exécuter chacune de ces mesures.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement au dossier du document

 14   06361.

 15   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P2554.

 17   M. TIEGER : [interprétation]

 18   Q.  Docteur Treanor, eu égard à ce plan qu'esquisse le Dr Karadzic et aux

 19   étapes de sa mise en œuvre, est-ce qu'il en a parlé sur le terrain ? Est-ce

 20   qu'il en a parlé aux responsables du SDS dans les régions et les

 21   municipalités ?

 22   R.  Oui, de façon générale.

 23   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions sur le

 24   document 30354 de la liste 65 ter à présent, je vous prie. Il s'agit d'un

 25   entretien entre le Dr Karadzic, le Dr Vukic, et Boro Sendic, à la date du

 26   16 octobre 1991. Je voudrais que nous passions à la page numéro 2 dans les

 27   deux langues.

 28   Q.  Alors, tout d'abord, le Dr Karadzic dit -- après qu'il y ait cette


Page 14043

  1   plainte selon laquelle ils ont été isolés, il dit que :

  2   "C'est hors de question, que nous n'avons pas du tout été isolés. Il

  3   y a eu des conférences de presse, des conversations téléphoniques. Tout se

  4   passe très bien. Personne n'a le droit d'abandonner les Serbes en Bosnie

  5   centrale ni en Herzégovine orientale. Il faut faire pression sur les

  6   autres. Nous devons faire pression sur les autres pour qu'il y ait

  7   cessation, parce que si nous faisons cessation, nous n'obtiendrons même pas

  8   le tiers de ce qui nous revient."

  9   Alors pouvons-nous avoir la page 6 de l'anglais et la même en B/C/S.

 10   Ici, il dit, je cite :

 11   "Nous viendrons. Nous avons élaboré un scénario. Nous n'allons pas

 12   faire le moindre geste aujourd'hui mais, si nécessaire, nous le ferons

 13   demain parce que ce serait dommage de faire cela aujourd'hui. Mais demain

 14   ça pourrait être très utile. Tout a été étudié et élaboré."

 15   Ensuite, dans la cinquième case en partant du bas, je cite :

 16   "Nous avons eu une longue réunion qui a duré cinq heures. Nous avons

 17   éclairci de nombreux points et simplifié les choses. Bien entendu, il ne

 18   s'agissait pas de secrets stratégiques, mais d'aspects de nature

 19   stratégique, qui a été cachée. Nous avons éclairci tout cela. Nous avons

 20   rédigé une proclamation à l'intention du peuple serbe, et cetera, et

 21   ensuite, à la page suivante, je cite :

 22   "Oui, il devrait y avoir une réunion avec seulement un petit nombre d'entre

 23   nous et certains se verront confier des tâches, et nous avons un journal

 24   des événements concernés. Nous savons exactement quelles sont les étapes

 25   qui devraient être suivies." Fin de citation.

 26   Alors, est-ce que vous pourriez replacer ceci dans son contexte en

 27   identifiant les interlocuteurs ? Le Dr Vukic, et M. Sendic, et le Dr

 28   Karadzic semblent intervenir ? Alors est-ce que vous pourriez replacer ceci


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  1   dans son contexte en identifiant les interlocuteurs : le Dr Vukic, M.

  2   Sendic et le Dr Karadzic semblent intervenir ?

  3   R.  Oui. Le Dr Karadzic parle avec le Dr Vukic. Ce dernier est le président

  4   de la municipalité de Banja Luka, il appartient au SDS. Je ne sais pas

  5   exactement qui est Boro Sendic. J'aurais tendance à déduire que c'est un

  6   représentant local et officiel du SDS. En tout cas, cette conversation

  7   prend place un jour après qu'un mémorandum a été adopté par l'Assemblée des

  8   Serbes de Bosnie par lequel -- enfin, auquel j'ai fait référence, et --

  9   L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend : Un jour après l'adoption par

 10   l'Assemblée de Bosnie d'un mémorandum dont j'ai parlé auquel les Serbes de

 11   Bosnie s'étaient largement opposés.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc, dans les parties de cette conversation

 13   qui concerne le Dr Lukic, nous voyons que le dernier se demande ce qui est

 14   en train de sa passer maintenant qu'ils n'ont plus de plan. Ils contrôlent

 15   la situation. Une réunion vient juste de se ternir, et comme nous le

 16   savons, il y a bien eu une réunion, à cette époque-là, une réunion du

 17   Conseil du parti. Alors, manifestement, il ne souhaite pas trop en parler

 18   au téléphone, mais il assure au Dr Vukic qu'il y a bien une stratégie et

 19   qu'il s'efforce de s'y tenir.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Est-il possible de verser ce document 30354,

 21   Monsieur le Président ?

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, aux fins d'identification.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P2555 aux fins

 24   d'identification.

 25   M. TIEGER : [interprétation]

 26   Q.  Encore un autre document que je souhaite vous montrer, Monsieur le

 27   Témoin, en rapport avec la façon dont les étapes à suivre et les plans qui

 28   avaient été conçus étaient communiqués aux échelons inférieurs sur le


Page 14045

  1   terrain.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir à l'écran le

  3   document 30543 ? Nous avons ici une conversation qui a pris place le 11

  4   janvier 1992, y participent le Dr Karadzic et Nenad Stevandic. Je voudrais

  5   que nous affichions la page numéro 6 en anglais et la page numéro 4 en

  6   B/C/S.

  7   Q.  Au début de la moitié inférieure de cette page, le Dr Karadzic dit à M.

  8   Stevandic, je cite :

  9   "Ecoutez, Nenad, ils ne peuvent pas. Nous avons tout ceci dans nos plans.

 10   Nous avons tous les coups suivants et les étapes suivantes qui sont

 11   prévues. Ils ne doivent pas le faire avant que nous ne le fassions dans

 12   l'ensemble de la Bosnie. Pourquoi est-ce qu'ils jouent au plus malin ? Ils

 13   essaient de m'expliquer à moi la politique qui est la mienne." Fin de

 14   citation.

 15   Ensuite, plus bas, je cite :

 16   "Cependant, nous faisons tout le reste. Nous aurons une réunion du Conseil

 17   des ministres aujourd'hui et nous avons tout fait -- nous avons fait tout

 18   ce qu'il fallait aujourd'hui. Ils persistent, cependant, à aller plus vite

 19   que la musique. Mais faites les arrêter pendant quelques temps et qu'ils

 20   essaient de synchroniser leur travail et leurs activités avec le parti."

 21   Fin de citation.

 22   Est-ce que vous pourriez nous fournir le contexte ?

 23   R.  La conversation avec Nenad Stevandic ? Stevandic était un membre du SDS

 24   à Banja Luka. Je ne suis pas sûr de la question de savoir s'il avait un

 25   poste officiel à l'époque. Plus tard, il a été membre de la cellule de

 26   Crise de la Région autonome de Krajina et ceci se passe quelques jours

 27   après la proclamation de la République serbe. Le Dr Karadzic se réfère à

 28   des rumeurs -- à de fausses rumeurs au sein du parti. Il assure son


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  1   interlocuteur qu'il y a bien un plan et que tout sera fait en temps et en

  2   heure.

  3   Q.  La référence au Conseil des ministres ?

  4   R.  Il s'agit bien du Conseil des ministres qui a vu ses membres nommés le

  5   21 décembre. Ce Conseil des ministres s'est bien réuni ce jour-là, je

  6   crois. En tout cas, il l'a fait à cette époque.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous verser ce document au dossier,

  8   s'il vous plaît ?

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il est versé au dossier sous la cote

 10   P2556 aux fins d'identification, Madame, Messieurs les Juges.

 11   M. TIEGER : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur le Témoin, votre rapport abordant en détail l'organisation

 13   fortement hiérarchisée du SDS, vous en avez déjà parlé et vous avez parlé,

 14   aussi, de la façon dont on insistait sur la nécessité de se conformer à la

 15   politique et aux instructions fournies par la direction centrale du SDS,

 16   donc, exigence de conformité aux échelons inférieurs. Je voulais vous

 17   demander si vous avez eu l'occasion d'observer des échanges d'information

 18   qui passaient en direction de représentants qui se trouvaient sur le

 19   terrain. Mais plus généralement et de façon plus rapide, je voudrais vous

 20   demander quel type de communication était utilisé pour faire passer ces

 21   informations vers les -- vers la base, et notamment les informations --

 22   quel type de communication était utilisé en retour pour fournir les

 23   informations relatives à la mise en place des instructions et leur mise en

 24   œuvre.

 25   R.  Il y avait toute une variété de moyens à la disposition du Dr Karadzic

 26   et d'autres dirigeants du SDS. Tout d'abord, comme on le voit, cela est

 27   discuté dans les rapports. Il y a eu de nombreuses réunions à géométrie

 28   variable, parfois faisant participer des représentants officiels de toute


Page 14047

  1   la Bosnie, à la fois des fonctionnaires du parti et des fonctionnaires du

  2   gouvernement qui appartenaient au SDS. Ils communiquaient par téléphone,

  3   par fax, comme nous l'avons vu, et également par courrier. Nombre de ces

  4   courriez étaient faxés. C'était une technologie qui était disponible dans

  5   ce contexte, et je crois qu'ils ont utilisé toute une série de moyens qui

  6   s'offraient à eux.

  7   Q.   Quel était le rôle du Dr Karadzic dans cette communication vers la

  8   base, qu'il s'agisse de l'échelon régional ou municipal ?

  9   R.  Si l'on se penche sur l'ensemble des documents que j'ai pu examiner,

 10   non pas l'ensemble de ceux qui sont mentionnés dans le rapport,

 11   certainement pas. En tout cas, il est possible de dire que le Dr Karadzic

 12   semble avoir joué un rôle très actif, qu'il ait été un dirigeant très actif

 13   et très présent. Il n'hésitait pas à s'appliquer, si vous voulez. Il a

 14   organisé des réunions de grande ampleur, et ce, assez régulièrement. Il

 15   utilisait systématiquement le téléphone pour s'adresse aux dirigeants qui

 16   se trouvaient aux différentes échelons à travers l'ensemble du pays et il

 17   s'adressait directement aux dirigeants municipaux tout comme aux dirigeants

 18   régionaux du SDS. Il parlait aux dirigeants bosno-serbes et plus haut

 19   placés au sein du gouvernement bosniaque, aux membres de la présidence, aux

 20   membres du gouvernement, avec Momcilo Krajisnik, aussi, qui était président

 21   de l'assemblée, et avec Slobodan Milosevic et d'autres personnalité à

 22   Belgrade.

 23   M. TIEGER : [interprétation] En rapport avec ceci, concernant la

 24   communication avec -- la communication que le Dr Karadzic avait avec

 25   différentes personnalités sur le terrain. Je voudrais que nous affichions

 26   le document 30058. Il s'agit d'une conversation téléphonique du 24 juin

 27   1991 entre le Dr Karadzic et Goran Babic. Je voudrais que nous passions à

 28   la page 3 en anglais, et en B/C/S, également.


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  1   Q.  Juste deux ou trois entrées et je vous demanderai de bien vouloir nous

  2   en fournir le contexte. Il y a une discussion qui porte sur plusieurs

  3   personnes au milieu de la page. Le Dr Karadzic cite leurs noms. Il dit, je

  4   cite :

  5   "Toutes ces personnes qui nous ont causé des problèmes ne peuvent pas

  6   rejoindre le parti. C'est l'ordre que je donne. Dites-leur que je vais

  7   mettre en place des nouvelles mesures à Prijedor et que je leur dirai qui

  8   sera le président là-bas."

  9   M. TIEGER : [interprétation] Ensuite nous passons à la page 4 en anglais,

 10   et je crois que c'est toujours la page 3 en B/C/S.

 11   Q.  Karadzic dit, je cite :

 12   "Dites-leur tout. Dites-leur que je démantèlerai le conseil et je remettrai

 13   en place dix personnes pour diriger le parti."

 14   Ensuite dernière page, le Dr Karadzic dit :

 15   "Si vous n'avez pas été en mesure d'organiser de vraies élections

 16   démocratiques, si vous n'êtes pas capable de le faire, je déciderai de 10 à

 17   15 personnes qui dirigeront cela comme je l'ai fait la dernière fois. Je

 18   vais nommer 10 à 15 personnes qui pourront prendre la direction des

 19   affaires."

 20   Alors pourriez-vous commenter, s'il vous plaît ?

 21   R.  Oui. C'est une conversation avec Goran Babic, qui était membre du

 22   SDS à Prijedor. Je ne suis pas sûr du poste exact qu'il occupait, mais il

 23   appelle le Dr Karadzic parce qu'il est préoccupé par l'évolution de la

 24   situation, la situation du parti sur place. Nous voyons que le Dr Karadzic

 25   lui donne des instructions quant à la façon dont il conviendrait de

 26   s'organiser. Il lui dit qu'ils ne sont pas en mesure de le faire eux-mêmes

 27   et que c'est lui qui va le faire pour eux en fait.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous verser ce document, Monsieur le


Page 14049

  1   Président ?

  2   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, aux fins d'identification.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P2557, Monsieur le

  4   Président, Madame et Messieurs les Juges.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous maintenant passer au document

  6   30328 de la liste 65 ter ? Il s'agit ici d'une conversation du 8 octobre

  7   1991 à laquelle participent le Dr Karadzic et un certain Brane de Visegrad.

  8   Pourrions-nous passer, s'il vous plaît, à la page numéro 3.

  9   Q.  Vers le milieu de cette page, la deuxième moitié, il est question de

 10   délai. Le Dr Karadzic dit :

 11   "Donnez-leur une semaine."

 12   Puis il poursuit. Vers le bas de la page, il dit, je cite :

 13   "Dans le cas contraire, nous travaillerons à mettre en place des

 14   organes parallèles du pouvoir dans le but de protéger le peuple serbe."

 15   Je poursuis la citation :

 16   "Il faudrait le leur dire ouvertement, et c'est tout."

 17   Alors, Monsieur le Témoin, pourriez-vous replacer cette conversation dans

 18   son contexte et dans celui des communications qui étaient faites à partir

 19   de l'organe central du SDS, et notamment de la part du Dr Karadzic

 20   s'adressant à la base ?

 21   R.  Il y a une conversation là avec quelqu'un de Visegrad qui est un

 22   représentant du SDS sur place, ce Brane, et qui faisait état de la

 23   situation sur un problème local. Encore une fois, on voit le Dr Karadzic

 24   fournir des instructions quant à la façon d'aborder ce problème. Il est

 25   fait référence à la mise en place de leur propre poste de police sur le

 26   terrain, et je tendrais à situer ceci vers octobre 1991. Il y avait alors

 27   des discussions entre les dirigeants serbes qui portaient sur la mise en

 28   place d'un ministère de l'Intérieur séparé pour les Serbes de Bosnie.


Page 14050

  1   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

  2   document aussi, s'il vous plaît.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P2558 aux fins

  4   d'identification.

  5   M. TIEGER : [interprétation]

  6   Q.  Comme vous venez de le dire, Monsieur Treanor, ces deux conversations

  7   téléphoniques se sont faites avec des représentants locaux du SDS. Nous

  8   avons pu voir qu'il s'agissait de conversations similaires dans leur nature

  9   puisque des instructions sont fournies. Mais est-ce que le Dr Karadzic a

 10   fourni également des instructions d'une nature proche à des représentants

 11   se trouvant à l'échelon régional ?

 12   R.  Oui, je crois que j'ai vu également de tels cas.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document 30363.

 14   Q.  Il s'agit ici d'une conversation du 18 octobre 1991 entre M. Karadzic

 15   et M. Brdjanin. Vous l'avez déjà évoquée précédemment.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais que nous passions à la page 2 en

 17   anglais. C'est en fin de page 1 en B/C/S et cela déborde sur la page

 18   suivante.

 19   Q.  Le Dr Karadzic dit, je cite :

 20   "Que voulez-vous dire lorsque vous dites que nous ne vous supportons pas ?

 21   Nous avons toujours fait tout ce qui était nécessaire et tout sera toujours

 22   fait. Nous sommes toujours avec vous et nous essaierons toujours d'apaiser

 23   les choses. Mais, écoutez, vous ne pouvez pas refuser de venir aujourd'hui

 24   parce que nous prenons une décision qui sera importante pour l'Europe et

 25   une décision que l'Europe va être obligée d'accepter. Vous comprenez ?"

 26   Brdjanin dit :

 27   "Ça n'a pas d'importance. J'applique la politique qui vient du quartier

 28   général et elle est mise en œuvre ici. Mais, au cours du mois écoulé, nous


Page 14051

  1   avons eu l'impression qu'ils font n'importe quoi -- enfin, excusez-moi, et

  2   que personne ne réagit."

  3   Ensuite page 3 en anglais, Karadzic dit :

  4   "Nous ne sommes pas un deuxième Parti communiste, où il est possible de

  5   démettre quelqu'un de ses fonctions par décret, et ce,  bien que nous ayons

  6   appliqué l'état d'urgence. Je ne sais pas si vous avez reçu cette

  7   information."

  8   M. Brdjanin répond :

  9   "Oui, bien sûr."

 10   Le Dr Karadzic dit que :

 11   "Les conseils municipaux doivent se réunir tous les jours et que nous

 12   devons faire cela aujourd'hui."

 13   Est-ce que vous pourriez replacer cette conversation dans son contexte ?

 14   R.  Oui. Cette conversation est un exemple très intéressant de ce type de

 15   communications et de la façon dont les choses étaient planifiées au SDS. La

 16   conversation prend place le 18 octobre. Ce jour-là, le Dr Karadzic a

 17   déclaré l'état d'urgence au sein du parti. Il s'agit de quelque chose dont

 18   M. Brdjanin était déjà au courant. M. Karadzic se réfère à une réunion

 19   censée se tenir ce jour-là. Cette réunion est censée se tenir en réponse à

 20   l'adoption du mémorandum sur la souveraineté de la Bosnie qui a donc été

 21   adopté quelques jours plus tôt. Lors de cette réunion, les dirigeants du

 22   SDS, entre autres choses, ont décidé ou décideront de mettre en place leur

 23   propre assemblée ainsi que de tenir un plébiscite parmi les Serbes de

 24   Bosnie. Il insiste auprès du Dr Brdjanin en disant que c'est très

 25   important, que cette réunion est très importante et qu'il doit y être

 26   présent. En effet, il a été présent.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons verser 30363 ?

 28   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Aux fins d'identification.


Page 14052

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, sous la cote P2559, aux fins

  2   d'identification.

  3   M. TIEGER : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez évoqué différents moyens de communication

  5   avec la base. Je voudrais que nous examinions rapidement le document numéro

  6   00949. Il s'agit ici d'un document qui porte la date du 15 août 1991. Il

  7   est envoyé par le Dr Karadzic, président du SDS, instruction sur le terrain

  8   obligatoire pour tous et adressé à tous les conseils municipaux du SDS. Il

  9   est dit :

 10   "Les conseils municipaux doivent se réunir une fois par semaine.

 11   Chaque membre de conseil local doit avoir la tâche de garder le contact

 12   avec 10 à 20 foyers. A chaque réunion, tout membre de conseil local doit

 13   fournir un rapport sur la situation en terme de sécurité, sur le plan

 14   politique," et cetera.

 15   Alors pourriez-vous replacer ceci dans son contexte ?

 16   R.  Oui, ce document nous donne un exemple d'un certain type de

 17   communication. Il s'agit d'une lettre ou d'une circulaire, si vous le

 18   voulez, émanant du Dr Karadzic. Le document ne porte pas de signature, or

 19   l'original cependant il porte le cachet du SDS, et c'était monnaie courante

 20   à l'époque que de procéder ainsi avec un en-tête également. Donc nous

 21   voyons que le Dr Karadzic 0leur dise ce qu'ils doivent faire. Les conseils

 22   municipaux doivent tenir des réunions régulières, et il a également fourni

 23   des instructions quant à la façon de procéder aux échelons qui sont encore

 24   plus bas. Ce n'est qu'un exemple parmi les moyens de communication qui

 25   étaient à la disposition des dirigeants du parti pour s'adresser aux

 26   échelons plus bas.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous verser ce document numéro 00949 ?

 28   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui.


Page 14053

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P2560.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais que nous avancions jusqu'au mois

  3   de mars 1992.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il me semble que ceci a déjà été versé hier, et

  5   qu'il possède déjà une cote en D ou peut-être en P.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous avez peut-être raison, il me

  7   semble reconnaître le document, mais il faudra vérifier.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Merci. En tout état de cause, je voudrais

  9   demander l'affichage de ce document du 23 mars 1992, sous le numéro 05420.

 10   Q.  Il s'agit d'un document strictement confidentiel qui était censé être

 11   détruit après lecture. Il porte le nom de la signature du Dr Karadzic,

 12   ainsi qu'un cachet. Il porte la date du 23 mars 1992. Pourriez-vous nous

 13   expliquer ce que représente, ce document et le contexte dans lequel il

 14   s'insère ? 

 15   R.  Oui. Ce document a été émis à la date du 23 mars 1992. A ce moment-là,

 16   les dirigeants des Serbes de Bosnie étaient en train de mettre en

 17   fonctionnement leur structure gouvernementale, ils venaient d'adopter une

 18   constitution le 28 février 1992, ainsi que des textes de Loi connexes

 19   portant sur le gouvernement, les ministères afin de commencer à construire

 20   un édifice législatif sur la base de cette constitution. A cette date,

 21   effectivement, ils ont publié un certain nombre de ces lois dans le journal

 22   officiel, dans la gazette officielle, et en application des textes en

 23   question, les lois dont je parle devaient entrer en vigueur le 31 mars. Il

 24   y a eu une proclamation solennelle de la constitution de la république, le

 25   27 mars, avec un gouvernement élu à la différence du Conseil des ministres

 26   qui avait existé précédemment. Le gouvernement avait à présent un statut

 27   codifié dans la loi, et c'est à cela que -- j'ai déjà parlé de ceci en

 28   fait. C'était donc une période très riche et très active d'établissement


Page 14054

  1   des différentes structures, notamment au sommet du parti où ces différentes

  2   structures ont été mises en fonctionnement. Le Dr Karadzic encore une fois,

  3   nous voyons recourt à une communication écrite. Il informe les présidents

  4   de municipalités de la mise en place de ces organes, et la façon de

  5   communique qu'il utilise tente à me faire considérer qu'il y avait là, que

  6   sur le terrain, on s'attendait à recevoir ce type de communication. Je

  7   relève également qu'il a envoyé ce document, en tant que président du

  8   parti, qui était sa seule fonction en ce moment-là. Il n'avait aucun poste

  9   au sein du gouvernement, ni dans les structures officielles de Bosnie-

 10   Herzégovine, à la différence de nombreux autres dirigeants dont nous avons

 11   parlé. Mais il envoie ceci à tous les présidents de municipalités. J'en

 12   conclurais qu'il envoie ceci à tous les présidents de municipalités serbes,

 13   puisque ces derniers étaient les seuls susceptibles d'obéir au chef du SDS.

 14   C'est plutôt intéressant à cet égard. Nous voyons encore une fois, comme

 15   dans le fax du 26 octobre 1991, c'est en tant que chef du parti qu'il

 16   fournit des instructions aux fonctionnaires du gouvernement qui se trouvent

 17   aux échelons inférieurs.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais demander le versement du 05420,

 19   s'il n'a pas déjà été versé, mais je ne suis pas sûr que cela puisse être

 20   déterminé à ce stade.

 21   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Dr Karadzic avait tout à fait raison

 23   par rapport au document précédent, quant à donc son versement, et ce

 24   document va être versé également.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le document précédent, c'est le document P2529.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Exactement, Monsieur le Président. C'est

 27   bien le document P2529, alors que le document présent, à savoir 05420, va

 28   devenir la pièce P2560.


Page 14055

  1   M. TIEGER : [interprétation]

  2   Q.  Docteur Treanor, vous avez parlé et détaillé dans votre rapport les

  3   processus de régionalisation et de création des municipalités serbes.

  4   Maintenant, nous allons regarder un autre document, un document de la fin

  5   mars 1992, à partir du moment où le conflit a commencé; est-ce que le Dr

  6   Karadzic et les dirigeants des Serbes de Bosnie ont pris d'autres mesures

  7   pour identifier leur priorité ? Est-ce qu'il s'agissait là des aspects

  8   territoriaux ?

  9   R.  Oui, en effet. A la 16e Session de l'Assemblée des Serbes de Bosnie,

 10   qui a eu lieu le 12 mai 1992, c'est une session extrêmement importante. Ils

 11   ont décidé de changer les structures institutionnelles de la république.

 12   Ils ont créé une présidence à trois membres. Ils ont élu le Dr Karadzic à

 13   la présidence de cette présidence. Ils ont créé l'armée. Ils ont élu le Dr

 14   -- le général Ratko Mladic à la tête de cette armée. Le Dr Karadzic a

 15   abordé les objectifs stratégiques du peuple serbe, le premier objectif, et

 16   cetera. Tout cela est décrit dans mon rapport.

 17   Q.  Je vais vous arrêter un instant et je vais peut-être vous aider en vous

 18   présentant le document 19154.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pourriez-vous répéter le numéro, s'il

 20   vous plaît ?

 21   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Excusez-moi. Il s'agit du numéro 19154.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci doit être chargé -- téléchargé dans

 23   le système de prétoire électronique, Monsieur Tieger.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Voilà. Je pense que nous l'avons dans le

 25   système de prétoire électronique.

 26   Q.  Je suis désolé de vous avoir interrompu, mais je pensais que ce

 27   document allait peut-être nous être utile à nous et aux Juges. Vous pouvez

 28   continuer avec votre réponse par rapport à, donc, l'adoption de ces


Page 14056

  1   objectifs stratégiques dont vous parliez.

  2   R.  Oui. Comme je l'ai déjà dit, ces objectifs stratégiques ont été définis

  3   lors de cette réunion et on en a -- ils en ont discuté auparavant, et le Dr

  4   Karadzic a fait un discours et il leur a fourni des détails au sujet de

  5   cela. Cette carte, de façon assez nette, résume ces objectifs. Le premier,

  6   comme on le voit, est donc d'avoir -- de séparer le peuple serbe des deux

  7   autres communautés ethniques pour qu'ils habitent dorénavant dans leurs

  8   entités à eux.

  9   Ensuite, c'est donc -- le deuxième, c'est couloir, à savoir, faire un

 10   couloir entre Semberija qui est à l'est et la Krajina bosnienne --

 11   bosniaque à l'est [comme interprété]. C'est important comme point, à cause

 12   des zones habitées par les Croates d'un côté et les Musulmans de l'autre.

 13   Donc, il était important d'avoir ce corridor pour tenir ensemble, dans une

 14   même unité cette République des Serbes de Bosnie, entre l'est et l'ouest,

 15   mais aussi pour rendre possible la communication entre la Serbie à l'est et

 16   ces portions importantes de territoire qui représentait la République serbe

 17   de la Krajina avec Knin, pour la capitale, qui est plutôt vers le sud.

 18   C'est là où il est écrit "objectif 4". Donc c'était un corridor extrêmement

 19   portant permettant la communication.

 20   Ensuite, le troisième met l'accent sur l'importance de la vallée de

 21   la Drina. Nous avons deux volets, là. D'un côté, là où se trouve -- il faut

 22   faire un corridor là où se trouve la frontière avec la Serbie et la

 23   République -- enfin, du Monténégro, des parties du Monténégro. Ils

 24   voulaient avoir, donc, une communication directe avec ces Etats habités par

 25   des Serbes, la Yougoslavie et le Monténégro. Ils ne voulaient pas voir de

 26   territoires musulmans entre les deux, puisqu'il y avait pas mal de

 27   Musulmans qui habitaient la vallée de la Drina. Donc il s'agissait aussi

 28   d'établir un corridor de -- qui faciliterait la communication entre


Page 14057

  1   Semberija au nord et l'Herzégovine au sud. Ceci s'approche de l'objectif

  2   quatre sur la carte. Donc il s'agit là de zones assez larges habitées par

  3   une population musulmane. C'est nombreux et c'est pour ça qu'il était

  4   important d'établir ce corridor.

  5   L'objectif 4, créer une frontière sur Una et Neretva. Vous voyez cela

  6   sur la carte, en bas. Donc, je ne pense -- là, on voit que la rivière

  7   Neretva fait un -- suit, donc, tout le cours, mais je ne pense pas qu'ils

  8   voulaient avoir la frontière sur tout le cours de Neretva. Ensuite, donc,

  9   sans doute, une frontière qui irait au sud -- du sud de Sarajevo vers peut-

 10   être la mer. Ensuite, là où on voit la rivière Una, c'est l'objectif 4 qui

 11   est tout en haut. C'est une rivière qui se déverse dans la Sava et qui est

 12   au nord et ne se trouve pas sur la carte, mais c'est la frontière nord de

 13   la Bosnie.

 14   La rivière Una représente la frontière avec la Croatie, pour une

 15   partie -- pour un -- pour une partie du cours de cette rivière. Ensuite,

 16   vous pouvez voir que, d'après ces objectifs, les Serbes de Bosnie ne

 17   réclament pas à obtenir le territoire au nord et à l'ouest de l'Una. C'est

 18   la Krajina de Cazin, où vit une population à majorité musulmane, donc, ils

 19   ne demandent pas cela.

 20   Ensuite, sous 5, vous voyez Sarajevo. Il s'agit de diviser Sarajevo.

 21   En ce qui concerne l'objectif 6, il faut obtenir un accès à la mer. Il me

 22   donne -- il ne précise pas l'endroit exactement mais, sans doute, à un

 23   endroit à proximité de cette flèche sur la carte, probablement

 24   l'Herzégovine serbe qui est dans l'endroit le plus près de la mer.

 25   Q.  Vous avez dit que ces objectifs ont été articulés de façon très claire

 26   lors de la session de travail de l'Assemblée serbe de Bosnie qui a eu lieu

 27   le 12 mai 1992. Est-ce que ces objectifs ont été maintenus pendant tout le

 28   conflit, jusqu'à la fin, en 1995 ?


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  1   R.  Oui, en effet. Ces objectifs sont sous-jacents aux positions tenues par

  2   les négociateurs des Serbes de Bosnie à la tête desquels se trouvait Dr

  3   Karadzic, pendant toutes les négociations qui ont eu lieu relatives à la

  4   paix et qui ont duré pendant toute la guerre, jusqu'aux accords de Dayton.

  5   Q.  Maintenant, je vous demande d'examiner la pièce 01344.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, souhaitez-vous

  7   verser au dossier cette carte ?

  8   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Très bien.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P2561, Monsieur le

 11   Président.

 12   M. TIEGER : [interprétation]

 13   Q.  Bien, là, vous avez donc l'entretien avec le Dr Karadzic de Nevesinje

 14   en 1995. Je vais vous demander d'examiner la page 3 en anglais et 5 en

 15   B/C/S. Donc Dr Karadzic, quand on lui pose une question au sujet des

 16   frontières sud et ouest par rapport à l'Herzégovine et on lui demande si

 17   l'Herzégovine allait revenir dans ses frontières historiques, à savoir la

 18   rivière Neretva, et là, le Dr Karadzic cite justement les six objectifs

 19   stratégiques qui ont été adoptés par l'assemblée. Il dit que :

 20   "L'objectif numéro 3 définit la rivière Neretva comme la frontière de

 21   ce territoire serbe…"

 22   Et il dit :

 23   "Nous n'allons pas céder cela. Nous ne le ferons jamais. On obtiendra

 24   cette frontière par des moyens militaires ou politiques."

 25   Ensuite il continue.

 26   Pourriez-vous replacer cela dans le contexte ? Est-ce que cela

 27   reflète justement ce que vous venez de dire ?

 28   R.  Oui. Cette interview a eu lieu au mois de mai 1995, à l'époque où il y


Page 14059

  1   avait une certaine inquiétude dans la population et parmi les dirigeants de

  2   la Republika Srpska. Les forces croates avaient conquis une partie de la

  3   RSK, à savoir l'entité serbe en Croatie, ce qui a provoqué un certain --

  4   une réaction surprise, enfin un certain choc parmi les Serbes de deux

  5   entités.

  6   Dans cet article, on voit que le Dr Karadzic rassure la population en

  7   disant que les dirigeants tiennent à réaliser encore ces six objectifs

  8   stratégiques, en particulier, ce qui concerne le plus le peuple

  9   d'Herzégovine, la frontière Neretva, qui n'avait pas encore fait l'objet

 10   d'une conquête militaire, et l'accès à la mer. C'est quelque chose qui

 11   n'avait pas encore été à l'époque conquis, ni par voie militaire ni par le

 12   biais de négociations.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je demande à ce que ce document soit versé au

 14   dossier.

 15   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Très bien.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P2562.

 17   M. TIEGER : [interprétation]

 18   Q.  Donc, là, dans ce document, on voit ce que le Dr Karadzic dit

 19   publiquement au sujet de ces objectifs stratégiques. Tout d'abord, je vais

 20   vous demander une question au sujet de ces objectifs stratégiques, à savoir

 21   est-ce que l'on a parlé d'une façon explicite de la réalisation de ces

 22   objectifs, mais parfois on a parlé aussi des objectifs individuels qui

 23   faisaient partie de ces objectifs stratégiques, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, effectivement. Vous allez trouver des références faites à ces

 25   objectifs stratégiques en tant que tel, mais aussi très souvent, on parle

 26   des objectifs individuels qui permettent de mesurer dans quelle mesure les

 27   objectifs stratégiques ont été réalisés.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Maintenant, je vais demander que l'on examine


Page 14060

  1   la pièce 05321. Ce document représente une réunion municipale qui a eu lieu

  2   le 20 août 1994. Les participants : le Dr Karadzic, Milan Martic, le

  3   président de la RSK, et M. Krajisnik.

  4   Q.  Donc il s'agit d'un procès-verbal. A la fin de la page 5 en anglais et

  5   la page 4 du B/C/S, le Dr Karadzic dit que :

  6   "Ce n'est pas bien d'être serré sous le pont à Brcko parce que c'est un

  7   tunnel et pas un corridor, et dans ces conditions, vous devriez vous rendre

  8   puisqu'on ne sera pas en mesure de vous aider. Vous devez tout contrôler."

  9   A la page 6 en anglais et page 4 en B/C/S, on parle de la vulnérabilité de

 10   la route qui relie Kljuc et Jajce, qui est une communication qui pourrait

 11   être prise assez facilement par les forces adverses.

 12   Donc à la page 7 en anglais et à la page 4 du B/C/S, pour terminer, on

 13   parle d'une référence, on donne une référence aux cartes qui ne sont pas

 14   acceptables, à savoir les enclaves de l'est ne sont pas acceptables.

 15   Pourriez-vous, s'il vous plaît, placer cela dans le contexte et surtout

 16   dans le contexte des objectifs stratégiques ?

 17   R.  Cette réunion a eu lieu peu de temps après que les rapports entre la

 18   Republika Srpska et la RFY ont été interrompus car on a rejeté le plan du

 19   Groupe de contact de la Republika Srpska, et donc une carte a été présentée

 20   par ce groupe, soi-disant Groupe de contact, au mois de juillet. On a

 21   demandé aux parties de l'accepter ou de la rejeter, et les autres parties

 22   l'ont acceptée, mais les Serbes de Bosnie ne l'ont pas acceptée. Donc ils

 23   ont proposé de continuer les négociations, mais ils ne voulaient pas

 24   accepter la carte.

 25   Ici, le Dr Karadzic, lors d'une réunion avec le président de la RSK - et il

 26   soutenait la position serbe dans ces cas précis - parle donc, mais dans la

 27   perspective des objectifs stratégiques de cette histoire de carte. Donc,

 28   là, il fait la référence au tunnel de Brcko, et quand il parle du tunnel de


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  1   Brcko, en réalité, il parle du corridor. Il dit que ce corridor est

  2   tellement petit que ça ne leur permettrait pas d'avoir cette route de

  3   communication alors que c'est très important et qu'un corridor aussi étroit

  4   ne serait pas acceptable. Ensuite il mentionne cette route entre Kljuc et

  5   Jajce, cette zone-là. Il parle de la frontière sur Una -- sur la rivière

  6   Una. Selon la carte, on ne voulait pas céder cette portion-là non plus, ce

  7   qui a permis aux Musulmans d'avoir un territoire assez vaste à l'Est de la

  8   rivière Una.

  9   Ensuite il est intéressant de voir qu'il parle des enclaves, parce

 10   qu'en 1992, le Dr Karadzic avait dit que des enclaves de ce type pourraient

 11   représenter une option. Mais, ici, ce n'est plus une option, ce n'est pas

 12   acceptable. Donc, là, il y a un peu de va et vient mais, en tout cas, il

 13   dit clairement quelle est sa position par rapport aux conquêtes

 14   territoriales.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Je vais demander que cette pièce soit versée

 16   au dossier.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci deviendra la pièce P2563.

 18   M. TIEGER : [interprétation]

 19   Q.  Une dernière question par rapport au dernier document que je vais vous

 20   présenter, à savoir le document 01363, j'ai voulu avancer. Là, on est au

 21   mois de juillet 1995. C'est une interview du Dr Karadzic qu'il a donnée à

 22   El Pais, et je vais vous demander d'examiner deux références qui s'y

 23   trouvent.

 24   Tout d'abord, en bas de la page 9 en B/C/S, après avoir dit que "La

 25   priorité numéro 1 est de faire partie de la Serbie," il continue et il dit

 26   :

 27   "Non, maintenant, nous avons un état d'un seul tenant avec des

 28   territoires connexes."


Page 14062

  1   Ensuite il parle de ce qui pourrait se parler -- il pensait qu'il

  2   pourrait être le problème si jamais le plan n'était pas réalisé.

  3   On lui posait une question au sujet de l'avenir de Sarajevo, il dit

  4   que :

  5   "Sarajevo allait être transformé en deux villes différentes, deux

  6   villes voisines si les Musulmans le souhaitent; sinon, Sarajevo deviendra

  7   une ville serbe puisque cette ville avait été construite dans la zone

  8   serbe."

  9   Donc est-ce que ceci démontre que le Dr Karadzic adhère toujours à ces

 10   objectifs stratégiques ?

 11   R.  Oui, ici, on voit qu'il fait référence ici à deux objectifs

 12   particuliers, l'un qui concerne la rivière Drina, où il dit que les

 13   enclaves ne sont pas viables, elles doivent disparaître. Ensuite, un petit

 14   peu plus loin, même s'il montre un petit peu plus de flexibilité par

 15   rapport à cela, il continue, et il aborde l'avenir de Sarajevo, ce qui

 16   représentait aussi un des objectifs, et il dit clairement que les Serbe

 17   adhèrent toujours à ces objectifs -- à cet objectif-là, à savoir de diviser

 18   Sarajevo.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Je vais demander que ce document soit versé au

 20   dossier.

 21   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P2564.

 23   M. TIEGER : [interprétation]

 24   Q.  Docteur Treanor, nous avons parlé du rôle du Dr Karadzic au sein du

 25   parti, et je voudrais vous poser quelques questions au sujet de sa fonction

 26   au sein des structures formelles de la Republika Srpska, à partir du moment

 27   où ces structures ont été créées. Donc, tout d'abord, est-ce que c'était

 28   lui qui était vraiment à la tête du SDS, et comment cela se traduisait par


Page 14063

  1   rapport à sa position dans la Republika Srpska ?

  2   R.  Oui. Je dirais même qu'il a continué à être le dirigeant du parti mais,

  3   en plus, il a été le premier à avoir une -- il a eu aussi en plus cette

  4   fonction officielle qui est celle du président de soi-disant Conseil de

  5   sécurité national, qui était soutenu par l'Assemblée des Serbes de Bosnie,

  6   le 27 mars 1991. Donc c'est une période d'activation des organes du

  7   gouvernement. Dans mon rapport, je parle de ce Conseil de sécurité national

  8   qui agissait en tant qu'organe suprême exécutif de la République des Serbes

  9   de Bosnie pendant une période courte, une sorte de cellule de Crise

 10   centrale, donc le Dr Karadzic est devenu le président de ce conseil. Il y

 11   avait deux autres membres en exercice du gouvernement et ils se sont réunis

 12   assez fréquemment, entre les mois d'avril et le début du mois de mai, pour

 13   examiner la situation et pour prendre des décisions par rapport à la

 14   création de la république et la guerre qui s'est pointée.

 15   Ensuite le 12 mai, comme je l'ai dit, il y a eu des changements dans la

 16   structure de la présidence. Ils ont établi une présidence à trois

 17   personnes. C'est le Dr Karadzic qui a été élu à la présidence de cette

 18   présidence, cote à cote donc avec le Dr Plavsic et Koljevic. Ensuite c'est

 19   devenu une présidence à cinq personnes au mois de juin 1991, le premier

 20   ministre Djeric a été inclus donc dans cette présidence et M. Krajisnik.

 21   Ensuite, le 17 décembre 1992, cette assemblée a encore changé de structure,

 22   de façon temporaire, c'est-à-dire en attendant que les élections se

 23   tiennent en vertu de la constitution, et ces élections ne pouvaient avoir

 24   lieu qu'après la fin de la guerre. A la suite de cela, le Dr Karadzic a été

 25   élu à la présidence en tant que président, et le Dr Plavsic et Koljevic en

 26   tant que vice-présidents.

 27   Donc tous ces organes que j'ai mentionnés démontraient un certain exercice

 28   de pouvoir en tant que président de la république. Le président de la


Page 14064

  1   république était aussi le commandant en chef de l'armée en temps de paix et

  2   en temps de guerre. Il avait énormément de devoirs, de responsabilités en

  3   tant que président, il avait de pouvoir disciplinaire, des attributs enfin

  4   le pouvoir qui lui permettait de nommer des fonctionnaires, des officiers.

  5   Le commandant de l'état-major principal, normalement, on devait être un

  6   officier de carrière en uniforme. Mais selon les lois en vigueur, même

  7   celui-ci, même cet officier ne pouvait faire que ce que le commandant des

  8   forces armées, à savoir le président lui indiquait de faire. Il avait le

  9   pouvoir que lui donnait le président. Donc c'est finalement le président de

 10   la république qui était le commandant en chef de l'armée, à savoir le Dr

 11   Karadzic.

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, nous allons prendre

 13   notre deuxième pause à présent, et nous allons reprendre nos travaux à 13

 14   heures 01.

 15   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

 16   --- L'audience est reprise à 13 heures 01.

 17   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] A vous, Monsieur Tieger.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, juste avant de prendre la pause, vous nous parliez

 20   de M. Karadzic en qualité de commandant en chef des forces armées ou de

 21   commandant suprême des mêmes forces armées, des forces armées des Serbes de

 22   Bosnie et du rôle très actif qui avait été le sein dans l'exercice de cette

 23   compétence. Vous avez également parlé de son exercice de ce poste de

 24   commande --

 25   L'INTERPRÈTE : Vous avez parlé du poste - se reprend l'interprète - de

 26   commandant de l'état-major général.

 27   M. TIEGER : [interprétation]

 28   Q.  Alors, dans votre rapport, on trouve mention de certains frictions


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  1   entre le commandant suprême, donc le Dr Karadzic d'une part et d'autre

  2   part, le général Mladic qui est à la tête de l'état-major général. Je

  3   voudrais vous présenter quelques documents à cet égard.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Le premier d'entre eux, sur la liste 65 ter,

  5   porte le numéro 06507. 06507. Alors ce document est date du 5 août. Il

  6   correspond à un -- une interview faite par la télévision des Serbes de

  7   Bosnie, une interview de M. Karadzic, qui elle-même date du 4 août 1995. Dr

  8   Karadzic y explique toute une série de choses.

  9   Q.  Docteur Treanor, vous êtes -- vous connaissez ce document ? Je voudrais

 10   que vous nous en redonniez le contexte, s'il vous plaît.

 11   R.  Oui. Je crois mettre -- m'appuyer sur ce document dans mon étude de la

 12   direction des Serbes de Bosnie. Il s'agit là d'un entretient qui a eu lieu

 13   dans la soirée, tard dans la soirée, d'ailleurs, du 4 août. Cela était lié

 14   à la réorganisation des plus hauts échelons du commandement de la -- du

 15   commandement militaire de la Republika Srpska, à laquelle avait le Dr

 16   Karadzic, et à l'éviction du général Mladic en tant que commandant de

 17   l'état-major général. Il avait été nommé conseiller du commandant suprême,

 18   c'est-à-dire du Dr Karadzic, et là, tout le monde est surpris et sous le

 19   choc de cette nouvelle.

 20   L'entretien en lui-même, a lieu à un moment où sur le terrain, la

 21   situation évolue toujours sur le plan militaire et ceci, très rapidement.

 22   Certains succès, mais aussi les défaites sont enregistrés du côté des

 23   forces des Serbes de Bosnie et ce même jour, les forces croates lancent

 24   leur attaque -- leur opération Tempête dirigée contre ce qui reste du

 25   territoire de la RSK et notamment la capitale, Knin, et d'ailleurs, nombre

 26   de ces opérations avaient été lancées depuis certaines parties du

 27   territoire de la Bosnie récemment prises par les forces croates.

 28   Donc c'était une période de crise sur le plan militaire et également


Page 14066

  1   de crise potentielle de façon tout à fait générale. On voit, dans mon

  2   rapport, la façon dont M. Milosevic réagit publiquement. Il y a des lettres

  3   qui sont envoyées et quasiment à l'identique envoyées au général Mladic. Il

  4   est assez intéressant de constater que le président Izetbegovic, quant à

  5   lui, déclare qu'il est temps de renoncer aux moyens militaires pour passer

  6   à des moyens politiques et tenter de négocier la paix.

  7   Q.  Le Dr Karadzic explique-t-il, dans cet entretien, les efforts qui sont

  8   les siens pour essayer de mener à bien cette réorganisation et fait-il les

  9   louanges de certains commandants ? Parle-t-il de certains événements et

 10   critique-t-il certains autres ?

 11   R.  Oui. Il mentionne certains de succès et des défaites. Il donne

 12   également les noms de certains commandants en relevant que ce n'était pas

 13   leur faut ni une erreur de leur part qui avait entraîné la défaite, ce qui

 14   implique qu'il en attribue la responsabilité au général Mladic. Dans cet

 15   entretien, le Dr Karadzic affirme son intention de poursuivre absolument

 16   les luttes sur le plan militaire en procédant, notamment, à cette

 17   réorganisation dont le but est d'augmenter l'efficacité du commandement

 18   militaire, y compris à l'égard des forces de la RSK et sur le plan de la

 19   coopération de cette dernière avec la VRS, puisque un conseil conjoint de

 20   la Défense avait été formé par ces deux entités quelques mois auparavant à

 21   peine, comme je le détaille dans mon rapport. Donc, il y a certainement --

 22   je pense qu'on peut certainement dire qu'il y a des critiques tout à fait

 23   fortes qui sont dirigées ici contre le général Mladic et sa performance.

 24   Q.  Merci.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais demander le versement du 06507.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P2565, Madame,

 27   Messieurs les Juges.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Pourrions-nous maintenant passer au document


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  1   04106 de la liste 65 ter ? Il s'agit d'un document qui porte la date du 5

  2   août 1995. Le sujet est visible dans l'en-tête et il semble que nous

  3   trouvions ici mention de -- des mêmes aspects et des mêmes problèmes que

  4   nous venons juste d'aborder à l'aide du document précédent. C'est signé par

  5   le généralement Mladic.

  6   Q.  Alors, Docteur Treanor, connaissez-vous ce document ? Est-ce qu'il

  7   correspond au même problème que vous venez d'évoquer ? Est-ce que vous

  8   pourriez nous en redonner le contexte ?

  9   R.  Oui. C'est la réponse du général Mladic aux mesures prises par le Dr

 10   Karadzic consistant à l'écarter de son poste de commandant de l'état-major

 11   général. Dans cette lettre, il critique implicitement le Dr Karadzic pour

 12   sa gestion des opérations militaires, y compris sur le terrain. Il dit que

 13   les mesures qu'il vient juste de prendre compromettront l'efficacité des

 14   structures militaires et de la VRS. Donc, à son tour, il se livre à des

 15   critiques et il dit que ceci intervient au moment où une unification des

 16   Serbes est en cours sur le plan étatique et militaire, mais où cette

 17   unification n'est pas encore aboutie. Donc, il semble considérer que les

 18   mesures prises par le Dr Karadzic sont de nature à compromettre ce

 19   processus également et le général Mladic met en avant les forces et les

 20   succès qui ont été emportés par la Republika Srpska en affirmant que cette

 21   dernière et son armée ont créé toutes les conditions nécessaires à la fin

 22   de le guerre, fin de la guerre qui peut désormais être obtenue par des

 23   moyens politiques et diplomatiques, quelque soit les personnes à qui il en

 24   attribue le crédit. Alors, ceci correspond à peu près à ce que M. Milosevic

 25   suggérait et cela indique qu'il peut y avoir eu, à ce stade, un certain

 26   désaccord entre le Dr Karadzic et le général Mladic quant à l'opportunité

 27   de poursuivre des opérations militaires pour atteindre leurs objectifs, par

 28   contraste à l'alternative qui consisterait à utiliser des moyens politiques


Page 14068

  1   et à s'engager dans des négociations de paix.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais demander le versement du numéro

  3   04106.

  4   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Soit.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P2566, Madame, Monsieur

  6   les Juges.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais maintenant, pour finir sur ce

  8   sujet, passer au document 06182, s'il vous plaît. 

  9   Q.  Ceci porte la date du 23 août 1995. Nous avons là un procès-verbal

 10   d'une séance -- de la 42e Séance, en fait, du conseil suprême de la

 11   Défense, tenue à cette même date. En page 5 de l'anglais, 6 du B/C/S, nous

 12   pouvons voir qu'il est fait mention, dans la deuxième moitié de la page, du

 13   général Mladic. Le général Mladic s'est vu demandé s'il accepterait une

 14   solution négociée par le président Milosevic et il n'a pas voulu exprimer

 15   son opinion en expliquant qu'il n'était qu'un soldat du peuple.

 16   Ensuite, en page 7, le général Mladic se voit attribuer des propos

 17   suivants, il n'aurait pas voulu contribuer à une division du peuple serbe.

 18   Plus loin, vers le bas de la page, il est dit qu'au nom de l'état-major

 19   général de la VRS, il acceptera le plan de paix tel qu'il a été avancé et

 20   convenu à Genève.

 21   Alors, Docteur Treanor, est-ce que vous pourriez replacer ce document dans

 22   son contexte ?

 23   R.  Oui. Il s'agit d'une réunion qui s'est tenue à Belgrade, quelques

 24   semaines après cet échange de correspondance que nous venons de voir, et

 25   des événements continuaient à se dérouler. Je voudrais notamment mentionner

 26   la réussite de l'opération Storm, qui avait quasiment éliminé la RSK comme

 27   facteur dans les conflits. Puis il s'agit donc d'une réunion du Conseil

 28   suprême de la RFY, qui jouait le rôle de commandant suprême des forces


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  1   armées de la RFY. Le général Mladic, bien sûr, faisait partie des

  2   commandants, c'était donc un  général dans l'armée de la RFY, et l'on voit

  3   ici qu'une pression est exercée par les instances dirigeantes et politiques

  4   de la RFY pour appuyer le souhait de M. Milosevic de négocier la paix à ce

  5   stade. M. Milosevic avait déjà contacté l'ambassadeur Holbrooke qui

  6   essayait d'organiser ces négociations, et nous voyons que le général Mladic

  7   refuse, de manière plutôt loyale, de suivre, il suit par ce biais les

  8   dirigeants politiques de Republika Srpska. Il refuse de suggérer qu'il y

  9   ait une réunion plus élargie qui comprendrait les dirigeants politiques de

 10   Republika Srpska de façon à ce qu'ils puissent envisager cette question.

 11   Q.  Merci.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que je pourrai verser cette pièce au

 13   dossier ?

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] D'accord.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça ce sera la pièce P2567 Monsieur le

 16   Président.

 17   M. TIEGER : [interprétation]

 18   Q.  Docteur Treanor, vous avez parlé dans votre déposition déjà des

 19   objectifs stratégiques et du fait que l'on continuait à y adhérer. Vous

 20   avez décrit quels étaient les facteurs qui étaient à l'origine des tensions

 21   survenues entre le Dr Karadzic et le général en mai 1995. Dans ces

 22   documents ou dans d'autres documents, j'aimerais savoir s'il y a des

 23   éléments qui laissent penser que le Dr Karadzic et le général Mladic

 24   n'étaient pas d'accord avec les objectifs stratégiques et le besoin

 25   immédiat de les mettre en œuvre ?

 26   R.  Non. Je n'ai pas vu d'élément qui tendrait à démontrer qu'ils n'étaient

 27   pas d'accord avec les objectifs du conflit. Il s'agissait d'obtenir

 28   l'unification de tous les Serbes soit en réalisant les objectifs


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  1   individuels ou stratégiques. Le général Mladic, lors de la 16e Session de

  2   l'Assemblée, le 9 mai 1992, quand ces objectifs ont été adoptés, a pris la

  3   parole et était en faveur des objectifs -- de ces objectifs-là.

  4   Ensuite, suite à cette session de travail, il a donné un certain

  5   nombre d'ordres, d'ordres militaires pour que les opérations se fassent

  6   conformément à ces objectifs, et je dirais même que le Dr Karadzic et les

  7   autres dirigeants de Serbes de Bosnie, quand ils ont exprimé ces objectifs

  8   -- ces objectifs militaires, ils voulaient qu'ils soient atteints. Donc le

  9   Dr Karadzic a fait référence à cela une fois dans l'assemblée. Je pense

 10   qu'il a dit que le Dr Mladic voulait conquérir toute la Bosnie et le Dr

 11   Karadzic a répondu que ce n'était pas possible, qu'il fallait quand même

 12   laisser de la place aux autres, aux autres peuples pour qu'ils puissent

 13   vivre là aussi.

 14   Là, M. Milosevic était un petit peu -- enfin, a exprimé quelques

 15   critiques lors d'une réunion. Je pense que c'était avec le Conseil suprême

 16   de la Défense, il a dit que le général Mladic avait dit que, partout où un

 17   soldat serbe a mis les pieds, ceci deviendrait la Serbie. Il était en

 18   désaccord avec cette déclaration. Mais, là, ce sont les propos relatés par

 19   d'autres, et de toute façon, je ne vois pas qu'il ait fait ou je ne sais

 20   pas qu'il ait fait quoi que ce soit qui ne serait pas en accord ou conforme

 21   à ces objectifs, à savoir à l'unification de tous les Serbes.

 22   Q.  Vous avez mentionné l'intérêt de M. Milosevic dans les

 23   négociations de la paix, à ce moment-là. Pourriez-vous nous dire quelles

 24   étaient les pressions auxquelles avaient été exercées à l'époque soumis M.

 25   Milosevic pour terminer le conflit qu'il s'agisse des pressions politiques

 26   ou financières ?

 27   R.  A l'époque, mais cela durait depuis un moment déjà, la RFY

 28   s'était vu exposer à des pressions extraordinaires, financières et autres


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  1   qui se sont accrues, qui devenaient de plus en plus sévères. C'est ceci a

  2   eu un effet certain sur l'économie et sur la place de la RFY dans la

  3   société mais aussi ceci a eu un effet sur le niveau de vie, l'inflation, et

  4   cetera. Donc la situation était vraiment grave et il fallait d'urgence

  5   agir. Ceci a une influence considérable sur la capacité de la RFY de

  6   continuer à approvisionner du point de vue militaire, mais aussi avec

  7   d'autres denrées, la Republika Srpska, puisque eux-mêmes ne pouvaient plus

  8   assurer pour leur propre besoin suffisamment de munitions et de matériel

  9   militaire. Ils n'avaient plus suffisamment de denrées eux-mêmes pour

 10   pouvoir fournir de l'aide. Donc, à cette époque-là - et là, on parle du

 11   milieu de l'année 1994 - ils ont décidé de ne plus fournir l'aide, de ne

 12   plus donner à la Republika Srpska, que la Republika Srpska va devoir

 13   acheter ces denrées ou du matériel, ou bien de produire eux-mêmes, et donc

 14   c'était avant la cessation de relation qui a eu lieu au mois d'août 1994,

 15   par rapport à ce plan du Groupe de contact. Donc, de toute façon, les aides

 16   de la RFY envoyées à la Republika Srpska allaient diminuer.

 17   Une année plus tard, la situation ne s'est pas améliorée. La RFY n'a

 18   pas pu s'approvisionner non plus, les militaires de haut niveau de la RFY

 19   ont bien fait comprendre aux dirigeants politiques, lors d'une réunion du

 20   Conseil suprême de la Défense, que cette aide allait cesser. Donc ils ne

 21   pouvaient pas continuer à mener la guerre, et il fallait que la paix se

 22   fasse.

 23   Q.  C'est quelque chose qui figure dans votre rapport. Mais est-ce que la

 24   RFY payait aussi les salaires des officiers de la Republika Srpska ?

 25   R.  Oui, le général Mladic était un officier de l'armée yougoslave.

 26   D'autres officiers - et ils étaient nombreux, on ne les compte pas en

 27   millier - recevaient aussi bien -- étaient aussi bien les officiers de

 28   l'armée de la Republika Srpska que de l'armée yougoslave, et il y avait


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  1   même des sous-officiers qui relevaient de la même catégorie --

  2   Q.  Donc, quand les dirigeants de la RFY ont parlé de cette charge

  3   financière, est-ce que c'était seulement la charge financière, ou bien est-

  4   ce qu'il y avait vraiment un désir de mettre fin à la guerre ?

  5   R.  C'était une charge à l'époque, mais ce n'était pas le seul problème

  6   qu'ils avaient, mais en tout cas cela représentait un problème. C'était un

  7   problème à l'époque pour eux.

  8   Q.  Vous avez parlé des objectifs stratégiques. Est-ce que le fait qu'on a

  9   continué à adhérer aux objectifs stratégiques ? Est-ce que c'était un

 10   facteur dans les réunions qui ont eu lieu entre 1992 et 1995 ?

 11   R.  Oui. Ces négociations tournaient toujours autour de deux points. Tout

 12   d'abord, il y avait les questions de territoire. Le point de vue des

 13   négociateurs serbes visait à atteindre le plus possible de territoires

 14   conformément à ces objectifs, donc de réaliser ces objectifs. S'ils

 15   n'étaient pas contents avec les propositions territoriales qu'on leur

 16   faisait, ils les rejetaient si elles ne correspondaient pas aux objectifs.

 17   L'autre problème, c'était la nature d'une éventuelle autorité centrale en

 18   Bosnie-Herzégovine qui pourrait être créée pour les trois communautés. Ils

 19   insistaient pour que cette autorité, pour que cet organe soit un organe

 20   faible et pour que leur organe de gouvernement soit le plus fort possible;

 21   autrement dit, ils étaient en faveur d'une Confédération. C'était leur

 22   point de vue, le point de vue serbe parce que, pour eux, une Confédération,

 23   cela n'était pas un Etat, ce n'était pas la même chose. Donc ils voulaient

 24   que cette Bosnie unifiée soit aussi faible que possible, qu'il ne s'agisse

 25   pas là d'un état unitaire mais d'une confédération, de sorte qu'eux

 26   puissent s'associer avec d'autres Serbes dans d'autres pays.

 27   Q.  Je vais vous poser une question au sujet d'un paragraphe au niveau de

 28   la pièce P2538. C'est votre rapport, là où vous parlez de Radovan Karadzic


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  1   et des dirigeants serbes. Donc c'est le paragraphe 326, et là, vous

  2   racontez les commentaires qui ont été dits lors de la 4e Session du Conseil

  3   supérieur de la Défense. C'est M. Milosevic qui parle au mois de décembre

  4   1995 et il parle de Dayton, et pendant qu'il parle, il évoque ce qui a été

  5   noté suite à Dayton, et ensuite il se rappelle de ce qui s'est passé une

  6   année plus tôt en Republika Srpska, et voici ce qu'il dit :

  7   "Vous ne devriez plus penser à ce que, vous, vous souhaitez avoir, mais

  8   vous devriez penser à ce qui vous appartient. Vous ne pouvez pas avoir plus

  9   que vous n'avez, puisque vous ne constituez qu'un tiers de la population.

 10   Avoir plus que la moitié ne serait pas juste. Vous ne pouvez pas et vous ne

 11   devez pas prendre ce qui n'est pas à nous."

 12   Ensuite il parle de :

 13   "Zvornik et Foca, où la majorité serbe a pris tout ce territoire."

 14   Il parle de :

 15   "Posavina, où vous aviez une majorité serbe, et cela, il ne faut pas

 16   le dire parce que cela appartient aux Serbes. Sarajevo appartient aux

 17   Serbes."

 18   A ce moment-là, il cite Mladic. Il demande donc :

 19   "Quand les Serbes vont avoir la majorité à Sarajevo ?"

 20   Donc ces références que l'on fait à Zvornik, à Foca, le long de la Drina,

 21   la référence à Sarajevo, est-ce que ce sont les objectifs stratégiques ?

 22   R.  Oui, effectivement, ceci montre qu'ils adhèrent bien à ces objectifs

 23   stratégiques.

 24   Q.  Ces commentaires, est-ce que cela démontre bien qu'ils continuent à

 25   adhérer ? Je parle des dirigeants serbes de Bosnie, aux objectifs

 26   stratégiques qu'ils font le long des négociations.

 27   R.  Ceci montre bien le point de vue de Milosevic, à savoir il souhaite

 28   réaliser ces objectifs, et il veut savoir ce qu'il a été réalisé et ce


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  1   qu'il faut encore réaliser.

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis désolé, je dois intervenir parce qu'il

  4   y a beaucoup trop de questions tendancieuses. Il s'agit là d'un témoin du

  5   Procureur, et M. Tieger ne peut pas poser des questions de cette sorte.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous avons une

  7   différence entre la déposition des témoins experts qui vont déposer au

  8   sujet de leurs rapports d'expert, et des témoins qui vont déposer au sujet

  9   des faits. Donc c'est vrai qu'il s'agit là des questions directives dans

 10   une certaine mesure, et un témoin habituel ne pourrait pas répondre -- nous

 11   ne permettrons pas à un témoin habituel de répondre à ces questions. Mais,

 12   ici, il s'agit d'un témoin expert et M. Tieger est bien conscient de la

 13   différence de traitement.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Q.  Je voudrais revenir rapidement à un commentaire que vous avez fait au

 16   début de votre déposition concernant un point qui a été soulevé

 17   précédemment, à savoir les préoccupations démographiques qui avaient été

 18   exprimées lors de la réunion du conseil politique. Nous avons vu une pièce

 19   à cet effet et vous avez mentionné que le Dr Karadzic lui-même avait fait

 20   des commentaires à plusieurs reprises faisant état de ces préoccupations

 21   démographiques. Si je me souviens bien, je crois que vous avez mentionné

 22   l'assemblée. Par conséquent, je voudrais revenir sur une séance de

 23   l'assemblée et sur des commentaires formulés par le Dr Karadzic.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de la 37e Séance de l'Assemblée, qui

 25   s'est tenue le 10 janvier 1994, et qui porte la cote 1385, donc 01385, et

 26   je voudrais passer à la page 107 en version anglaise et page 79 en version

 27   B/C/S.

 28   Q.  Il s'agit de propos du Dr Karadzic. Si l'on consulte le deuxième


Page 14075

  1   paragraphe en version anglaise, c'est en bas de la page 107. Il dit :

  2   "On peut se considérer comme étant les vainqueurs après avoir occupé ces

  3   terres, étant donné que ces terres sont maintenant à 100 % serbes. Par

  4   conséquent, même si l'on arrivait aux environs de 50 %, on devrait être

  5   plus que satisfait. Il s'agit de l'empire de Dusan."

  6   On continue à la page suivante en anglais. Il y a différents pourcentages

  7   qui sont mentionnés :

  8   "33 % qui devront leur être donnés, et pour ce qui est des 44 % des

  9   Musulmans, plus les deux ou trois pour cent de la population qui se sont

 10   déclarés comme étant Yougoslaves, ce n'est pas suffisant."

 11   Puis il continu dans ce paragraphe en disant :

 12   "D'une certaine manière, la Communauté européenne accepte ceci, mais

 13   donnez-nous Novi Prijedor, Sanski Most jusqu'à Kljuc. Donnez-nous jusqu'à

 14   la vallée de la Sana. Donnez-nous les endroits où nous sommes majoritaires.

 15   Mais nous disons que nous ne pouvons pas donner cela. Nous sommes en

 16   majoritaires depuis même avant la Deuxième Guerre mondiale, et la

 17   Communauté européenne dit : Ça, c'est remonté à la nuit des temps; c'est de

 18   l'histoire. Ne mentionnez pas ceci maintenant."

 19   Puis ensuite, si l'on va à la page suivante en anglais, c'est la page 109,

 20   je crois. C'est la page 83 en B/C/S. Le Dr Karadzic dit :

 21   "La seule chose qu'on peut dire, c'est la chose suivante : Messieurs les

 22   Musulmans, prenons une partie des terres des Croates et vous pourrez rester

 23   avec nous en Yougoslavie." Fin de citation.

 24   Ensuite, il continue, dit :

 25   "Vous ne pouvez pas tout avoir. Ce n'est pas la même chose que d'avoir 24 %

 26   ou 25 % des Musulmans à Nevesinje. Le 23 % passerait à 24 % le lendemain,

 27   et le lendemain, ce serait 25 % encore, parce que c'est ainsi que les

 28   choses fonctionnent avec eux. Ils étaient à 50 % et, maintenant, ils sont


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  1   partis." Fin de citation.

  2   Donc, Docteur Treanor, vous voyez qu'il y a des références sur les

  3   préoccupations démographiques que vous avez mentionnées dans votre -- le

  4   début de votre déposition.

  5   R.  Oui, la dernière partie concernant la population à Trebinje est un des

  6   éléments que j'avais observés. Vous avez donné lecture à des parties

  7   intéressantes, puisqu'il s'agit des zones où des génocides ont été commis

  8   et qui émanaient d'un désir prononcé de s'approprier ces régions. Mais la

  9   dernière partie, en fait, c'est un exemple qui est d'une séance du Club des

 10   députés du 28 février 1992, où il y a eu une longue discussion concernant

 11   la Krajina de Bosnie. Il a déclaré, donc, une république indépendante, ou

 12   peut-être qu'elle rejoigne la RSK. Entre autres, le Dr Karadzic a dit que

 13   ce serait stupide que de faire cela, parce que, très rapidement, les Serbes

 14   dans la zone seraient mis en minorité par les Musulmans et ça deviendrait

 15   un Etat musulman.

 16   Q.  Merci, Monsieur le Témoin.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Ceci met fin à l'interrogatoire principal.

 18   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur Treanor.

 22   R.  Bonjour, Docteur Karadzic.

 23   Q.  Avant de rentrer plus dans les détails, je souhaiterais tout d'abord

 24   m'enquérir quant à l'origine de votre engagement. Comment avez-vous décidé

 25   d'accepter ce poste et comment vous êtes-vous impliqué dans ce travail à

 26   l'heure actuelle ?

 27   R.  Je vais expliquer rapidement mes liens avec cette institution. Comme je

 28   vous l'ai dit, j'ai travaillé tout d'abord au sein du ministère de la


Page 14077

  1   Justice américain dans des affaires impliquant des anciens criminels de

  2   guerre nazis qui souhaitaient rentrer sur le territoire américain ou qui

  3   s'y trouvaient déjà. J'ai travaillé, donc, au sein de ce ministère,

  4   jusqu'en 1980, après que notre bureau ait été mis sur pied, à Washington,

  5   pour s'acquitter des tâches que j'ai mentionnées, dans l'espace de quelques

  6   années qui ont suivi la constitution d'un autre bureau, notre pays avait

  7   emboîté le pas. Il s'agit de pays qui avaient vu arriver un flux de

  8   réfugiés et d'autres immigrés après la Deuxième Guerre mondiale et je fais,

  9   par exemple, référence à l'Australie, au Canada et au Royaume-Uni. Nous

 10   avons travaillé en étroite collaboration avec nos homologues dans ces pays.

 11   J'ai travaillé, par exemple, avec les membres du bureau en Australie. Je

 12   connaissais Graham Blewitt, et lui me connaissait. Nous nous connaissions

 13   par notre réputation et nous nous connaissions de nom.

 14   Lorsque cette institution a été créée, cela m'a intéressé d'y travailler,

 15   compte tenu de mon parcours d'enquête sur les crimes de guerre et de mes

 16   connaissances de la zone géographique concernée. Par conséquent, j'ai écrit

 17   une lettre à Graham Blewitt et -- lui proposant mes services, et il a eu

 18   l'amabilité d'honorer ma demande.

 19   Q.  Merci. Pendant combien de temps avez-vous travaillé en tant

 20   qu'enquêteur au sein de ce tribunal -- ou plutôt, au sein du bureau du

 21   Procureur ?

 22   R.  Je ne sais pas ce que vous entendez par "enquêteur," parce que d'un

 23   point de vue technique, il s'agit d'un rôle fonctionnel au sein du bureau

 24   du Procureur. Je crois que, lorsque j'ai rejoint les rangs du TPY, mon --

 25   même si mon contrat disait "enquêteur," j'ai été, en fait, avec -- j'ai

 26   donc, très rapidement, été promu, puisqu'il y a eu, en fait, une

 27   revalorisation des différents postes dans le cadre du système des Nations

 28   Unies; et au sein, donc, des cadres dirigeants du bureau du Procureur et du


Page 14078

  1   tribunal, il y a eu des descriptions de postes et ils avaient besoin, donc,

  2   d'un certain nombre de personnes. C'est à ce moment-là qu'ils ont, donc,

  3   élaboré un profil de poste pour un poste qu'ils ont appelé "chercheur" ou

  4   "fonctionnaire responsable des recherches". J'ai donc postulé. Mais quoi

  5   qu'il en soit, je crois que c'était en 1997 que tout cela s'est passé, et

  6   donc je suis devenu fonctionnaire responsable des recherches et je suis

  7   donc, ensuite, resté à ce poste jusqu'à ma retraite que j'ai prise il y a

  8   quelques années. Au total, j'ai passé 15 ans et demi au tribunal.

  9   Q.  Merci. Je voudrais attirer votre attention sur votre propre déclaration

 10   que vous avez faite au tribunal international le 27 janvier 2004. Dans

 11   cette déclaration, vous avez confirmé qu'en tant que chef d'équipe pour les

 12   enquêteurs ou pour les chercheurs, vous vous êtes rendus en Republika

 13   Srpska à deux reprises en décembre 1997 et en janvier 1998. Est-ce exact de

 14   dire qu'effectivement, vous vous êtes rendu en Republika Srpska et est-ce

 15   exact de dire que le gouvernement de la Republika Srpska vous a donné accès

 16   à toutes ses archives et que vous avez été en mesure de vous servir dans

 17   les archives.

 18   R.  Effectivement. Je me suis rendu à Pale, à l'époque, et nous avons eu un

 19   accès assez important, mais je ne dirais pas que nous avons eu accès à tous

 20   les documents. Nous avons eu accès à beaucoup de documents. Suffisamment de

 21   documents pour que nous soyons bien occupés, mais il semblait que certains

 22   documents manquaient. Je peux rentrer dans les détails, si vous le

 23   souhaitez.

 24   On nous a donné accès aux archives de la présidence de la Republika Srpska,

 25   mais on nous a fait savoir très clairement que ces archives ne seraient

 26   disponibles que pendant un laps de temps très court et que l'on pouvait se

 27   servir en faisant des photocopies de ces documents d'archive, mais une fois

 28   que nous aurions eu la possibilité de faire ceci, on ne pourrait pas


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  1   revenir. Nous avions l'impression qu'il y avait également des documents

  2   manquants dans ces archives.

  3   Q.  Merci. Je vais essayer de poser des questions très brèves et je vous

  4   permettrais d'y répondre simplement par oui ou par non. Etes-vous d'accord

  5   pour dire qu'à ce moment-là, en Republika Srpska, c'était le gouvernement

  6   du Parti démocratique serbe qui était au pouvoir ?

  7   R.  Vous voulez dire à l'époque où j'étais sur place, effectivement, oui.

  8   Q.  Merci. Quand a-t-on fait appel à vous en tant qu'expert ? Quand ceci a-

  9   t-il lieu ?

 10   R.  C'est une question très intéressante. Je crois que, comme tout le monde

 11   le sait dans ce prétoire, ce qui se passe dans les procès de ce type de

 12   parlement, c'est de faire usage de témoins experts, de types divers dans

 13   différents types de procès. Et d'ailleurs, aux Etats-Unis dans le cadre de

 14   nos enquêtes sur des crimes de guerre, nous utilisons des experts comme

 15   témoins. C'est une pratique communément répandue aux Etats-Unis d'utiliser

 16   des experts externes, c'est-à-dire des personnes qui ne sont pas payées par

 17   l'Accusation. C'est ce qui se passe aux Etats-Unis et peut-être également

 18   ce qui se passe dans d'autres pays. Au sein de cette institution, lorsque

 19   le besoin se fait ressentir de faire déposer un expert de ce type dans un

 20   procès la même approche est adoptée, peut-être sous influence anglo-

 21   saxonne.

 22   Cependant, au fur et à mesure que nous avons essayé de compiler ces

 23   documents, comme je l'ai décrit au début de ma déposition, nous avons

 24   accumulé des volumes très, très importants de documents, et ceci sur une

 25   période de plusieurs années, nous avons réalisé des analyses continues. Je

 26   souhaiterais rappeler que moi-même et mon équipe ont toujours travaillé

 27   avec les documents d'origine, c'est-à-dire dans la langue d'origine et non

 28   des documents traduits. Cela signifie que l'on pouvait donc travailler


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  1   immédiatement sur ces documents dès que nous nous les étions procurés.

  2   Mais d'un point de vue pratique, il n'était pas possible d'engager un

  3   expert externe qui pourrait donc pondre un rapport circonstancié sur la

  4   base de ces documents. C'était le sentiment de ma direction et j'étais du

  5   même avis. Je me suis rendu à cet avis, étant donné quelqu'un qui avait

  6   passé des mois à lire ces documents, à rédiger un rapport, enfin si vous

  7   voulez c'était impossible de trouver quelqu'un, un expert dans le même

  8   domaine. Il s'agissait de personnes qui étaient, soit, des professeurs

  9   d'université, par exemple, et cela aurait coûté énormément de temps et

 10   d'argent que de recruter les services de quelqu'un comme cela pour refaire

 11   quelque chose que quelqu'un employé par le bureau du Procureur pouvait

 12   faire.

 13   Donc pour ces deux raisons pratiques nous avons décidé d'adopter une

 14   pratique d'utiliser cet expert en interne, comme on les appelle, et donc

 15   c'est de cette manière que je suis devenu un expert travaillant au sein du

 16   Tribunal, un expert en interne et que j'ai rendu mon premier rapport signé

 17   de mon nom dans le cadre de l'affaire Krajisnik, et d'ailleurs j'ai déposé

 18   dans cette affaire. Et j'ai fait de même dans d'autres affaires depuis.

 19   Q.  Merci. Je vous avais demandé quand, et vous avez répondu à la question

 20   pourquoi. Quoi qu'il en soit, ceci est toujours utile. J'aimerais savoir en

 21   quelle qualité vous avez déposé dans l'affaire Brdjanin, puisque c'était

 22   avant l'affaire Krajisnik, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, vous avez tout à fait raison. J'ai déposé, pour la première fois,

 24   dans l'affaire que vous venez de mentionner en tant qu'expert interne. Mais

 25   quand vous m'avez demandé depuis quand je travaille en tant qu'expert,

 26   j'étais déjà employé au sein du bureau du Procureur. Donc ce n'est pas à ce

 27   moment-là que j'ai rejoint les rangs du Tribunal. Si vous voulez, en fait,

 28   c'est mon profil de poste qui a changé.


Page 14081

  1   Q.  Merci. Je vous demande ceci parce que nous avons eu des témoins pour

  2   l'Accusation qui étaient également des enquêteurs et qui ont déposé en tant

  3   qu'enquêteurs. Nous n'avons jamais eu ce cas de figure auparavant puisque

  4   vous avez décrit votre travail comme étant nécessaire parce que d'autres

  5   experts auraient coûté plus cher et ça aurait été beaucoup plus difficile

  6   de les recruter.

  7   Par exemple, si l'on consulte le document 1D3522, on voit sur ce

  8   document que le Juge David -- enfin, nous attendons donc que ce document

  9   s'affiche sur les écrans, 1D3522. Dans l'introduction de ce document 1225,

 10   au paragraphe 2, vous mentionnez qu'on vous avait donné une mission, quand

 11   je dis "on," je parle du bureau du Procureur. De quelle mission précise

 12   s'agissait-il ? Cette mission que vous avez reçue du bureau du Procureur,

 13   qu'étiez-vous censé faire ? Est-ce que vous pourriez être aussi bref que

 14   possible ? J'ai demandé 40 heures pour mon contre-interrogatoire et on m'a

 15   à peine donné un quart de ce que j'avais demandé, donc c'est la raison pour

 16   laquelle je vous demande d'avoir l'amabilité d'être aussi bref que

 17   possible.

 18   R.  La mission que j'ai reçue du bureau du Procureur, en ce qui concerne

 19   ces rapports, vous le trouverez dans un exemple de la lettre que j'ai reçue

 20   de M. Tieger, et vous la trouverez à la deuxième page des pièces jointes du

 21   document intitulé : "Etude sur les dirigeants." Il n'y avait pas de lettre,

 22   si vous voulez, de la même teneur que celle-ci pour les précédentes études

 23   mais la procédure était très similaire.

 24   Q.  Est-ce que le bureau du Procureur vous a fixé des objectifs, parce que,

 25   si l'on regarde cet extrait d'un compte rendu d'audience, qui s'affiche

 26   maintenant à l'écran, j'aimerais savoir si vous deviez atteindre certains

 27   objectifs ?

 28   Non, ce n'est pas la page exacte.


Page 14082

  1   Est-ce que vous pourriez tout d'abord répondre à ma question ? Est-ce

  2   qu'on vous a donné un objectif ou des objectifs lorsque le bureau du

  3   Procureur vous a chargé de vous lancer dans ces études ou dans des

  4   recherches ?

  5   R.  Encore une fois, je vous invite à consulter la lettre que j'ai

  6   mentionnée précédemment, lettre qui comportait certaines instructions -- ou

  7   plutôt, une demande.

  8   Q.  Est-ce que l'on pourrait consulter la page 14 de ce document, s'il vous

  9   plaît. A la ligne 17, vous voyez que le Juge David vous demande si l'on

 10   vous avait fixé certains objectifs dans vos recherches, et vous avez

 11   confirmé qu'effectivement, on vous avait donné des objectifs, n'est-ce pas

 12   ?

 13   R.  Oui, de manière générale, et si vous consultez cette lettre, il fallait

 14   que je rende un rapport sur un sujet précis. On ne vous demande pas

 15   simplement de rendre un rapport. Il faut rédiger un rapport sur un thème

 16   bien précis, et on vous donne également un cadre temporel et on vous donne

 17   également quelques précisions. Tout ceci figure dans la lettre de M.

 18   Tieger, et il est possible également qu'on vous donne des buts ou des

 19   objectifs. Vous avez des conversations concernant la longueur du rapport,

 20   par exemple, que vous pouvez avoir avez les personnes qui vous demandez de

 21   rédiger ce rapport.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser cette page 14

 24   du compte rendu d'audience au dossier, s'il vous plaît ?

 25   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

 26   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] De toute façon, cela fait partie

 27   d'un compte rendu officiel d'un procès, donc la réponse est oui.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce à décharge D1257.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant consulter

  2   rapidement le document 1D3551, s'il vous plaît ?

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Ces rapports ont été établis alors que vous étiez toujours associé au

  5   bureau du Procureur, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci. Très bien. Vous avez confirmé cela également dans votre

  8   déposition dans une autre affaire.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait consulter la page 599

 10   du document dont j'ai donné la cote ? Je répète : il s'agit de la page 599,

 11   sur le système de prétoire électronique. Ce qui m'intéresse plus

 12   particulièrement, ce sont les lignes 13 à 22.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Dans ce passage et dans le cadre de l'interrogatoire, on vous a posé la

 15   question suivante :

 16   "Et ceci a été, donc, rédigé de votre main, mais encore une fois, ceci n'a

 17   pas été établi dans un vide complet. C'est suite à de nombreuses années de

 18   travail au sein du bureau du Procureur, n'est-ce pas ?"

 19   Vous avez confirmé dans cette déposition en répondant par

 20   l'affirmative.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut verser cette pièce au

 22   dossier ?

 23   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Tout à fait. Pour les mêmes raisons

 24   que la pièce précédente.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce D1258.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce qu'il est également vrai que vous avez participé à

 28   l'interrogatoire de témoins pour le compte du bureau du Procureur ?


Page 14084

  1   R.  J'étais présent durant l'audition de certains témoins, y compris d'un

  2   témoin pour l'affaire de M. Krajisnik. Mais je n'ai jamais mené moi-même

  3   l'interrogatoire de manière indépendante.

  4   Q.  Mais est-ce que vous avez posé des questions durant les interrogatoires

  5   qui étaient menés par d'autres personnes ?

  6   R.  Oui, de temps en temps, y compris durant l'interrogatoire de M.

  7   Krajisnik.

  8   Q.  Merci.

  9   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Dans la précédente réponse,

 10   remplacer "y compris un témoin avec M. Krajisnik" ou "dans l'affaire de M.

 11   Krajisnik" par "y compris à l'interrogatoire de M. Krajisnik". Reprise des

 12   débats.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Merci. Est-ce que vous avez donné votre aide à d'autres responsables du

 15   bureau du Procureur à plusieurs reprises ou dans différentes circonstances

 16   ? Est-ce que vous les avez aidés également, ou est-ce que eux vous ont aidé

 17   dans la rédaction de ce rapport ?

 18   R.  Je vais répondre d'abord à la partie de votre question qui concerne mon

 19   rapport. Je crois que j'ai déjà dit que d'autres membres de mon équipe, de

 20   manière générale, ont participé aux efforts visant à préparer le rapport,

 21   et j'ai pu bénéficier de la collaboration d'un nombre important de

 22   personnes. Je dirais que la quasi-totalité des travaux d'analyse, si ce

 23   n'est la totalité, a été réalisée par moi-même ou par des membres de mon

 24   équipe. Mais j'ai également aidé d'autres personnes qui travaillaient au

 25   sein du bureau du Procureur, évidemment.

 26   Q.  Merci. Dans l'introduction, vous mentionnez que l'objectif principal de

 27   ce rapport est de réaliser une description et de mieux faire comprendre le

 28   contexte plus vaste au sein duquel M. Karadzic, ainsi que d'autres


Page 14085

  1   dirigeants bosno-serbes ont participé à une -- à des violations à grande

  2   échelle du droit humanitaire en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que le bureau du

  3   Procureur vous a suggéré également de prendre en compte le comportement

  4   d'autres parties belligérantes et est-ce que le contexte plus vaste ne

  5   consisterait pas à se pencher sur le comportement des Serbes dans le

  6   contexte du comportement d'autres parties dans la région ?

  7   R.  Vous avez pris connaissance des instructions qui m'avaient été données

  8   pour la rédaction de ce rapport, mais je pourrais dire, également, que les

  9   membres de mon équipe s'étaient penchés sur toutes les parties au conflit.

 10   D'ailleurs, certains membres de mon équipe ont déposé dans des affaires

 11   impliquant d'autres parties au conflit. Par contre, on ne m'a jamais

 12   suggéré, et je crois que je l'ai mentionné clairement dans les propos

 13   introductifs figurant dans tous mes rapports, nous n'avons, donc, jamais

 14   essayé de rédiger un manuel d'histoire exhaustif de ces conflits. Mais nous

 15   avons utilisé le grand nombre de documents qui est à la disposition du

 16   tribunal et que nous avons pu obtenir.

 17   Q.  Merci. Au paragraphe 1 de l'introduction du document 1225, vous

 18   mentionnez qu'un des principaux objectifs des dirigeants serbes et plus

 19   particulièrement de Radovan Karadzic était, donc, très clair. On peut se

 20   demander s'il est possible, vraiment, d'évaluer les objectifs de Radovan

 21   Karadzic si l'on se borne à étudier qu'un seul comportement. Comment, par

 22   exemple, pouvez-vous étudier un match de boxe si la caméra se borne à faire

 23   un gros plan sur l'un des deux boxeurs ? Ça ne me semble pas très juste

 24   comme manière d'étudier une situation.

 25   R.  Je suis d'accord avec ce que vous suggérez ici. Mais je pense que c'est

 26   au tribunal de se prononcer sur ce sujet, puisque mon rôle était clairement

 27   décrit dans la lettre mentionnée.

 28   Q.  Merci. Vous semblez être très honnête dans vos propos introductifs,


Page 14086

  1   puisque vous mentionnez que ce document n'est pas exhaustif. Etant donné

  2   que vous dites que ce rapport n'est pas vraiment complet, est-ce que l'on

  3   pourrait espérer avoir un rapport complet un jour ou l'autre ?

  4   R.  Je ne sais pas.

  5   Q.  Il s'agit du paragraphe 4, et vous mentionnez même si les faits

  6   susmentionnés ne donnent pas une image complète du conflit dans la zone en

  7   question, le rapport ne se devait pas être un manuel d'histoire complet sur

  8   les conflits, et encore moins de tous les conflits qui ont frappé la

  9   totalité de l'ex-Yougoslavie. Ne pensez-vous pas que les Juges de la

 10   Chambre se doivent de recevoir une image complète de l'histoire, et ce qui

 11   s'est passé ?

 12   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, je laisse la décision aux Juges

 13   de la Chambre.

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Effectivement. Ce n'est pas tout à

 15   fait une question, Docteur Karadzic, que vous venez de poser. Vous êtes

 16   plutôt en train d'entamer un débat, et comme vous l'avez indiqué à juste

 17   titre, vous ne disposez que neuf heures. je pense qu'il serait plus

 18   efficace de passer à des questions plus précises, mais peut-être est-ce à

 19   vous d'en décider mais, en tout cas, à des questions plus circonscrites de

 20   façon au Dr Treanor de vous répondre d'une façon plus précise également.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vais m'y efforcer, mais j'espère que

 22   la Chambre va consacrer un nouveau temps de réflexion au temps qui m'est

 23   imparti pour le contre-interrogatoire de ce témoin.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25    Q.  En page 78 du compte rendu de l'audience d'aujourd'hui, durant

 26   l'interrogatoire principal, lignes 19 et 20, vous avez parlé "des

 27   modifications démographiques survenues à Trebinje;" quelle a été la cause

 28   de ces changements démographiques - et je parle uniquement de Trebinje -


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  1   qu'est-ce qui a abouti au changement de la structure démographique de la

  2   population de Trebinje ?

  3   R.  Je ne crois pas me souvenir avec certitude du document qui était

  4   discuté à ce moment-là.

  5   Q.  En page 78 du compte rendu de l'audience d'aujourd'hui, lignes 19 et

  6   20, vous avez déclaré qu'il y avait eu changement de la structure

  7   démographique de Trebinje. Est-ce qu'en disant cela, vous pensiez à des

  8   transformations dues à des interventions extérieures, comme par exemple, à

  9   un nettoyage ethnique, en tout cas, vous avez confirmé qu'il y avait eu

 10   modification de la structure démographique de Trebinje, n'est-ce pas ?

 11   R.  Encore une fois, je ne suis pas sûr de ce à quoi il est fait référence,

 12   et je n'ai pas le compte rendu sous les yeux en ce moment.

 13   Q.  Je vous demande un instant de patience, voilà, ligne 19, je cite :

 14   "Oui, la dernière partie qui portait sur la population de Trebinje,

 15   c'est une chose que j'ai vue, quant à la première partie dont vous avez

 16   donné lecture, il y avait une référence intéressante à des zones où un

 17   génocide avait été commis, et à leur désir continu de s'emparer de ces

 18   zones," et cetera, et cetera.

 19   Vous rappelez-vous, vous avez parlé de Trebinje, à ce moment de l'audience

 20   ?

 21   R.  Oui, effectivement, M. Tieger a parlé de Trebinje, et maintenant, je me

 22   rappelle ce passage. C'est un passage que j'avais déjà pris connaissance

 23   par le passé, mais je ne sais pas exactement quelles sont les modifications

 24   démographiques qui ont eu lieu, ni dans quelle condition elles ont eu lieu.

 25   Q.  Je vous remercie.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document D471, de

 27   façon à ce que nous voyons si vous avez disposé de ce document, et si vous

 28   en avez tenu compte. D471, c'est une pièce de la Défense.


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  1   Q.  Connaissez-vous cette consigne envoyée par le Parti d'Action

  2   démocratique, le SDA, à la date du 20 janvier 1993, consigne visant à

  3   l'évacuation de Trebinje qui est signée par Hasan Cengic ?

  4   R.  Je ne me rappelle pas avoir déjà vu ce document.

  5   Q.  Je vous prierais d'en prendre connaissance maintenant dans ces

  6   conditions, de façon à voir quelles sont les raisons qui justifient de

  7   dépeindre une image exhaustive de la situation à Trebinje, et

  8   j'apprécierais que nous voyons à l'écran le document original avec le nom

  9   de l'expéditeur et sa signature.

 10   Convenez-vous que dans le but d'évaluer les actions et les comportements de

 11   la partie serbe, il était indispensable de prendre connaissance également

 12   de ce document qui provient de la partie musulmane ?

 13   R.  Tout ce que je peux dire, c'est que ce document me semble très utile.

 14   Q.  Merci. J'aimerais que nous nous penchions sur certaines des conclusions

 15   que vous tirez dans votre rapport, en commençant par la page 4, du document

 16   65 ter numéro 592. Peut-être n'est-ce pas indispensable d'afficher le

 17   document, car c'est un document très connu, mais j'appellerais votre

 18   attention et celle de tous les autres participants à la présente audience

 19   sur le document 65 ter, numéro 5912, qui est déjà une pièce à conviction de

 20   l'Accusation. C'est le résumé de votre déposition. Je ne pense qu'il y ait

 21   une nécessité de relire ce document. En tout cas, il y est écrit que la

 22   direction serbe, par le truchement du Parti démocratique serbe, a sapé à la

 23   base de façon active le système politique existant.

 24   Un peu plus loin en page 12, paragraphe 4, il est indiqué que, je cite :

 25   "Le présent rapport a pour mission de décrire l'armée des Serbes de

 26   Bosnie ainsi que les structures politiques des Serbes de Bosnie en

 27   présentant des faits et ce, en se concentrant sur les mesures prises par la

 28   direction des Serbes de Bosnie sur le plan de l'organisation, dans le but


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  1   de prendre le contrôle d'un certain nombre de territoire dans la République

  2   de Bosnie-Herzégovine, qui avait déjà été reconnue internationalement."

  3   Puis au paragraphe 287 de ce même document, nous lisons qu'au mois

  4   d'octobre, les dirigeants bosno-serbes ont commencé à saper à la base les

  5   fondements de l'Etat mixte, et cetera, et cetera. 

  6   Puis page 94, paragraphe 165, nous lisons que les députés serbes ont quitté

  7   une séance de l'Assemblée de Bosnie-Herzégovine.

  8   Je vous prierais maintenant de vous pencher sur un autre document, le

  9   document 12125, qui porte sur le même sujet. Paragraphe 268 de ce document,

 10   12525, je cite :

 11   "Ont été détruites le 15 octobre 1992 --

 12   L'INTERPRÈTE : Correction:

 13   "La confiance de Karadzic en Alija Izetbegovic a été détruite le 15

 14   octobre 1992 durant la séance au cours de laquelle a été adopté la

 15   déclaration d'indépendance."

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Puis finalement, voyons le document 65 ter numéro 592, page 62,

 18   paragraphe 95, où nous lisons qu'il est question de la direction du SDS, je

 19   cite :

 20   "Ces représentants à l'étranger et à l'intérieur du pays continuent à

 21   contrer les activités," et cetera, et cetera.

 22   Puis un peu plus loin :

 23   "En faveur de quoi le référendum concernant toute la Bosnie-

 24   Herzégovine entre le 29 février et le mois de mars 1992. A cette occasion,

 25   le SDS a prévenu que l'existence de la Bosnie-Herzégovine à l'intérieur de

 26   la Yougoslavie fédérale était pratiquement terminée."

 27   Alors est-ce que -- sur la base de ces théories, peut-on dire que votre

 28   position consistait à penser qu'à l'époque, le SDS sapait activement à sa


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  1   base l'ordre social et politique de Bosnie-Herzégovine ?

  2   R.  Je commenterais ce passage. Je n'ai pas eu le temps d'étudier tous ces

  3   documents. Mais je lis ce qui figure à l'écran et je pense qu'il y a des

  4   inexactitudes. Il est question de structures politiques. Je ne pense pas

  5   qu'il soit question de problèmes sociaux. Je veux dire je suis d'accord

  6   avec ce qui est écrit dans ces rapports.

  7   Q.  Est-ce qu'il s'ensuit que le SDS a pris des mesures sur le plan de

  8   l'organisation pendant les années 1991 et 1992 avec pour objectif de

  9   s'emparer d'un certain nombre de territoires faisant partie de l'état

 10   reconnu par la communauté internationale à cette époque-là, à savoir la

 11   République de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que c'est ce qu'on peut conclure

 12   à la lecture de votre rapport ?

 13   R.  En 1991, il n'existait pas d'Etat de Bosnie-Herzégovine reconnu par la

 14   communauté internationale. Mais, enfin, limitons-nous à cette période 1991

 15   et 1992, et dans ce cas, ma réponse est oui.

 16   Q.  Je vous remercie. Dans ces conditions, est-ce qu'il en découle la

 17   conclusion que les actions menées par le Parti d'Action démocratique et

 18   l'Union démocratique croate étaient conformes à la constitution et

 19   entièrement légales, les actions qui ont mené à l'indépendance de la

 20   Bosnie-Herzégovine de la part de ces deux partis ?

 21   R.  Non, je ne pense pas que ce soit une conclusion qui découle de ce qui

 22   vient d'être dit.

 23   Q.  Mais en vous fondant sur ce que vous savez et ce que vous avez analysé,

 24   ces actions de ces deux partis ont-elles été conformes à la constitution et

 25   conformes à la loi ?

 26   R.  Je ne suis pas juriste, donc je ne saurais vraiment commenter ce point.

 27   Le seul aspect que je puisse commenter c'est l'aspect politique de tout

 28   cela, si vous le souhaitez.


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  1   Q.  Politiquement, étant donné qu'il est question de trois peuples

  2   constitutifs, quelle était la situation, à votre avis ?

  3   R.  Je dirais que le SDA et le HDZ ce sont engagés dans une pratique

  4   parlementaire très animée, c'est certain. Je pense que c'est tout ce que je

  5   peux dire. A cet égard, je soulignerais aussi que le SDS avait demandé que

  6   la question de la souveraineté bosniaque - et nous parlons de février 1992

  7   - soit discutée au Conseil chargé des Affaires nationales. Je ne me

  8   souviens pas de son nom exact. Mais quoi qu'il en soit, c'était un conseil

  9   qui était responsable de tout amendement à la constitution bosniaque à

 10   l'époque, un conseil donc qui s'occupait de questions ayant un rapport

 11   direct avec les intérêts vitaux de l'un ou l'autre des peuples de Bosnie-

 12   Herzégovine. Il avait été convenu à ce moment-là au sein de l'assemblée que

 13   la chose serait faite, mais elle n'a jamais été faite.

 14   Q.  Je vous remercie. Mais je ne suis tout de même pas d'accord, parce que

 15   vous appréciez les positions politiques serbes en les évaluant sur le plan

 16   politique mais également sur le plan juridique puisque vous portez des

 17   jugements juridiques en disant que certaines actions sapaient à la base

 18   l'ordre politique existant. Donc maintenant je vous demande si tout cela

 19   s'est passé dans le vide. Est-ce qu'il n'y avait pas aussi des mesures qui

 20   étaient prises par la partie d'en face qui étaient illégales et contraires

 21   à la constitution et qui ont provoqué une réaction de la part des Serbes ?

 22   Pour dire les choses plus simplement, voici ma question : Est-ce que vous

 23   n'avez pas commenté dans votre rapport les dispositions constitutionnelles

 24   et législatives de l'époque ?

 25   R.  Oui, je suppose que j'ai traité des dispositifs constitutifs et

 26   juridiques dans mon rapport en ma qualité d'expert de l'histoire et de la

 27   politique de l'ex-Yougoslavie mais pas en tant qu'expert en droit ou en

 28   loi. Mais, oui, bien sûr. J'espère qu'il apparaît clairement à la lecture


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  1   de ces rapports que ces événements ne se sont pas déroulés dans le vide,

  2   que les mesures prises par les dirigeants bosno-serbes et par le SDS

  3   étaient intimement liées à l'évolution qui avait lieu au niveau de la

  4   Yougoslavie dans son ensemble, et au niveau de la Bosnie en particulier,

  5   c'est-à-dire que le contexte était marqué par cette marche vers

  6   l'indépendance de la part du SDA et du HDZ. Voilà le contexte que je me

  7   suis efforcé de dépeindre.

  8   Quant aux actions légales ou illégales des membres de ces partis, je ne

  9   rentre pas dans cette question.

 10   Q.  Est-ce que, dans ces conditions, il nous faut partir du principe que

 11   toutes les références juridiques que l'on trouve dans votre rapport au

 12   sujet des actes des dirigeants bosno-serbes devraient être laissées de

 13   côté, totalement ignorées ? Est-ce que nous devons donc totalement ignorer

 14   tous les avis juridiques que vous donner dans votre rapport au sujet du

 15   comportement de Radovan Karadzic et des autres dirigeants bosno-serbes ?

 16   M. TIEGER : [interprétation] La question est très vaste. Je ne suis pas sûr

 17   de bien comprendre ce que le Dr Karadzic entend par les mots "références

 18   juridiques" qui sont très certainement sujets à interprétations diverses.

 19   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, Docteur Karadzic. Le problème

 20   c'est que, par ces mots, vous rouvrez un débat plutôt que de poursuivre un

 21   contre-interrogatoire. Rien ne vous empêche d'ailleurs d'exposer votre

 22   position en temps utile durant la déposition de qui que ce soit en

 23   indiquant que certaines positions ne doivent pas être prises en compte, à

 24   votre avis, ou ne sont pas justifiées. Mais je ne pense pas que les Juges

 25   de la Chambre soient considérablement aidés par la voie dans laquelle vous

 26   vous êtes engagé dans votre contre-interrogatoire de ce témoin.

 27   Encore une fois, la décision vous appartient, mais je pensais que votre

 28   temps pourrait être peut-être mieux utilisé si vous soumettiez au Dr


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  1   Treanor une des conclusions qui est la sienne pour la contester ou demander

  2   à son sujet des compléments d'information.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Si tel est le cas, je vais

  4   conclure cette partie de mon contre-interrogatoire.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que le référendum, au sujet de l'indépendance de la Bosnie-

  7   Herzégovine, était légal à l'époque ? Autrement dit, vous vous êtes occupé

  8   de l'aspect constitutionnel et de l'aspect juridique des décisions prises

  9   par les dirigeants bosno-Serbes au sujet de la régionalisation et autres

 10   toute décision qui avait un rapport étroit avec les décisions prises par

 11   les parties d'en face, et c'est dans ce contexte que je vous demande si la

 12   décision qui a été prise au sujet de l'indépendance de la Bosnie-

 13   Herzégovine était légale et si elle a été appliquée de façon légale ?

 14   R.  Encore une fois, je ne saurais commenter la légalité de tout cela, sur

 15   le plan technique, avant le vote de la résolution, je ne saurais commenter

 16   non plus l'aspect légal ou pas de la séance de l'assemblée qui a précédé le

 17   vote de la résolution, séance qui a été très houleuse et que l'on peut

 18   considérer comme une pratique parlementaire particulièrement acerbe, mais

 19   ce que je peux commenter c'est la position du SDS, qui certes n'était pas

 20   favorable à ce qui était en train de se passer mais qui savait ce qui

 21   allait se passer. Donc le référendum a été organisé finalement sur

 22   proposition de la Commission Badinter, comme on l'appelait, étant donné

 23   l'existence d'éléments indiquant qu'un référendum pourrait être pris en

 24   compte par un certain nombre d'Etats étrangers pour reconnaître ou pas

 25   l'indépendance de la Bosnie, et le SDS a adopté la position consistant à

 26   dire : Eh bien, nous, nous avons eu notre référendum en novembre, laissons-

 27   les organiser les leurs. Ils peuvent avoir leur référendum s'ils le

 28   souhaitent, mais nous n'allons pas y participer. En fait, ce qui a été


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  1   discuté à l'époque c'est le fait que le référendum serbe n'avait pas été

  2   boycotté de cette façon par les responsables de la partie d'en face mais

  3   eux ont dit : Eh bien, en février, voyez-vous, nous allons vous laisser

  4   faire votre référendum, et nous attendons les résultats, mais nous n'y

  5   participerons pas.

  6   Q.  Je vous remercie. Ce dont la Défense doit s'occuper, ce sont les

  7   conclusions tirées par vous. La Défense se doit de vérifier l'exactitude ou

  8   l'inexactitude de vos conclusions, et à cette fin, il est important qu'elle

  9   examine les voix qui vous ont mené à ces conclusions. Donc je vous pose la

 10   question suivante : D'après ce que vous savez, le référendum a-t-il bien

 11   été mené dans les conditions proposées par Badinter ? Est-ce qu'il y a eu

 12   deux tiers de votant participant aux votes, et est-ce que donc deux tiers

 13   des députés de l'Assemblée de Bosnie-Herzégovine a ratifié cette décision

 14   d'organiser un référendum, c'était la majorité requise par l'assemblée pour

 15   un tel vote ?

 16   Je vous demanderais de bien vouloir répondre le plus brièvement possible.

 17   Est-ce que le référendum a été organisé et mené à bien de façon légale,

 18   même selon les propositions de Badinter puisque Badinter vient d'être

 19   mentionné; si vous le savez ?

 20   R.  Je dois dire que je ne sais pas.

 21   Q.  Merci.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Ceci met un point final à l'audience

 23   d'aujourd'hui, Docteur Karadzic. Nous allons donc suspendre pour

 24   aujourd'hui et reprendrons nos débats à 9 heures demain matin.

 25   --- L'audience est levée à 14 heures 28 et reprendra le jeudi 2 juin 2011,

 26   à 9 heures 00.

 27  

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