Page 14308
1 Le mardi 7 juin 2011
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.
6 Est-ce que l'on pourrait passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
8 [Audience à huis clos partiel]
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 14309
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Pages 14309-14310 expurgées. Audience à huis clos partiel.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 14311
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de revenir à la déposition, je
15 voudrais parler du calendrier des audiences pour le 16 juin; il s'agit donc
16 de jeudi, de la semaine prochaine. Le 16 juin, durant la matinée, il y a
17 une réunion plénière extraordinaire des Juges ou en fait une réunion
18 plénière ordinaire qui est prévue donc le matin. Donc je propose de n'avoir
19 que trois jours d'audience cette semaine-là, et de cinq jours la semaine
20 suivante, c'est-à-dire d'avoir une audience le vendredi, 24 juin. J'espère
21 que ceci ne cause pas trop de problèmes aux différentes parties.
22 Monsieur Tieger.
23 M. TIEGER : [interprétation] Si vous nous le permettez, je voudrais
24 consulter le calendrier de comparution des témoins. Je crois que les Juges
25 de la Chambre comprendront qu'il nous faut un peu de temps pour envisager
26 les implications.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors les parties pourront
28 peut-être nous informer durant la journée d'aujourd'hui s'il y a un
Page 14312
1 problème quelconque.
2 Nous pouvons maintenant faire rentrer le témoin, M. Neskovic.
3 J'ai cru comprendre, Monsieur Karadzic, qu'il vous reste 90 minutes pour
4 conclure votre contre-interrogatoire de ce témoin.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
7 [Le témoin vient à la barre]
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Neskovic.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Merci.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
11 Monsieur Karadzic, vous poursuivre votre contre-interrogatoire.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour à vous tous.
13 LE TÉMOIN : RADOMIR NESKOVIC [Reprise]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]
16 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Neskovic.
17 R. Bonjour.
18 Q. Hier, nous parlions des incidents et des crimes qui ont eu lieu et vous
19 nous avez fait part de votre regret que ces crimes n'aient pas fait l'objet
20 de poursuites. Est-ce que vous avez essayé de savoir ce qu'il était advenu
21 des auteurs de ces faits qui leur étaient reprochés ?
22 R. Non.
23 Q. Je dois vous rappeler de ménager des pauses entre les questions et les
24 réponses de façon à faciliter le travail de nos interprètes qui risquent de
25 se fatiguer à cette cadence. Il est possible que la justice était lente,
26 mais qu'elle était rendue sans que vous ayez, peut-être, reçu des
27 informations à ce sujet.
28 R. Je dois dire que les organes de police et les organes judiciaires n'ont
Page 14313
1 pas fonctionné comme ils auraient dû à l'époque.
2 Q. Est-ce que vous voulez dire qu'ils n'existaient pas ?
3 R. Non, non, ils existaient. Ils étaient très bien organisés. Il y avait
4 un contrôle qui était exercé sur les civils. Il y avait les forces de
5 police civiles, il y avait les tribunaux civils, il y avait la sécurité
6 militaire, la police militaire, des instances judiciaires militaires et
7 donc des cours martiales. Donc, tout ceci était dûment constitué;
8 cependant, ils n'ont pas intenté de poursuites, ils n'ont pas fait grand-
9 chose. Pourquoi ? Je ne sais pas.
10 Q. Mais il est possible qu'ils aient fait leur travail sans que vous le
11 sachiez ?
12 R. Non, je ne le pense pas, mais -- parce que s'ils avaient fait leur
13 travail, Batko aurait été interpellé. Un acte d'accusation aurait été
14 prononcé contre lui et des poursuites auraient été intentées contre lui.
15 Q. Est-ce que vous étiez à Grbavica au début du mois d'août 1992 ?
16 R. Oui.
17 Q. Quand avez-vous quitté Grbavica ?
18 R. En avril 1993.
19 Q. Merci. Est-ce que vous vous souvenez -- ou plutôt, est-ce que vous
20 savez où se trouve le numéro 2 de la rue Lenin ?
21 R. Oui.
22 Q. Cela se trouve dans quelle partie de Grbavica ?
23 R. C'est Grbavica I, c'est-à-dire le centre de cette localité. C'est une
24 rue assez longue au centre de Grbavica. Il s'agit d'une rue qui débouche de
25 la rue Zagrebacka.
26 Q. Merci. Ces -- nos instances, notre autorité se trouvait quelque part
27 là-bas vers la fin du mois de mai ?
28 R. Non. C'était à -- dans la rue Zagrebacka, qui était un ancien grand
Page 14314
1 magasin. Ensuite, c'est devenu une banque et maintenant, ce bâtiment a été
2 détruit, et nous avons déménagé lorsque les Serbes -- l'armée serbe a
3 commencé à contrôler Grbavica. Je crois que c'était aux environs du 10 mai,
4 mais je n'en suis pas sûr.
5 Q. Merci. Est-ce que vous vous souvenez d'événements majeurs qui ont eu
6 lieu le 3 août 1992, lorsqu'un Serbe est entré dans une cave avec un fusil
7 et a tué Husein Dobric et un autre citoyen, Borislav. Je ne sais pas s'il
8 s'agissait d'un Serbe ou d'un Croate. Cet autre homme s'appelait Borislav.
9 Quoi qu'il en soit, cet incident a eu lieu dans un sous-sol du bâtiment au
10 numéro 2 de la rue Lenin.
11 R. Non, je ne suis pas au courant de cela.
12 Q. D'après le prénom et le nom de cet homme, Husein, c'était un Musulman,
13 n'est-ce pas ?
14 R. Oui, d'après son nom et son prénom, c'était un Bosno-Musulman, un
15 Musulman donc, étant donné que son prénom était Husein.
16 Q. Savez-vous ce qui est advenu de l'auteur de ce crime, Jovo Pejanovic ?
17 R. Non.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait demander l'affichage
19 du document D587 [phon], s'il vous plaît, sur le prétoire électronique ? Le
20 document, donc, qui porte la cote D596. Est-ce que l'on pourrait également
21 afficher la traduction sur le rétroprojecteur ?
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Est-ce qu'il s'agissait bien d'un document du tribunal militaire de
24 Sarajevo qui porte la date du 17 décembre 1992 ?
25 R. Oui.
26 Q. Est-ce qu'il s'agit d'un jugement concernant l'accusé, Jovo Pejanovic,
27 qui est donc condamné, qui est déclaré coupable, parce que le 3 août 1992,
28 vers 23 heures, il a fait irruption au numéro 2 de la rue Lenin -- enfin,
Page 14315
1 vous pouvez lire le paragraphe vous-même.
2 R. Vous voulez dire le jugement ?
3 Q. Les motifs qui justifient qu'il a été déclaré coupable.
4 R. Je n'arrive à lire que les trois premières lignes.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut faire -- est-ce que l'on
6 peut aller jusqu'au bas du document où il y a le verdict ? Voilà. Très
7 bien. Merci.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Est-ce que vous êtes d'accord -- enfin, il est mentionné qu'il est
10 déclaré coupable parce que, le 3 août, il a fait irruption dans le sous-sol
11 du bâtiment et il a tué ces deux personnes, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant passer à la
14 page suivante en serbe ? Probablement en anglais également. Page suivante,
15 s'il vous plaît. Malheureusement, nous ne disposons pas de cette partie
16 traduite en anglais.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il a été condamné à
19 10 ans de prison ? Et cette peine d'emprisonnement comprend la détention
20 préventive à compter du 4 août 1992. Etes-vous d'accord avec moi pour dire
21 que le crime a été commis par cet homme le 3 août et que le 4 août, il
22 avait déjà été arrêté et qu'il a, donc, écopé d'une peine de prison de 10
23 ans ?
24 R. Oui.
25 Q. Je suis désolé que la totalité de ce document n'ait pas été traduite.
26 Il s'agit d'un document de l'Accusation et nous aimerions que la totalité
27 du verdict ou du prononcé de jugement soit traduite. Puisqu'il s'agit d'un
28 événement majeur, il a fait l'objet de poursuites, un procès a eu lieu et
Page 14316
1 un jugement a été prononcé. Donc, je vous repose la même question. Est-ce
2 que certaines choses se passaient sans que vous soyez au courant ?
3 R. Bien sûr. Dans le domaine militaire, dans le domaine de la police, dans
4 le domaine de la sécurité, je ne -- je n'étais pas toujours au courant. Je
5 n'étais pas informé et je ne me penchais pas sur la totalité d'événements
6 de ce type.
7 Q. Très bien. Alors, maintenant, revenons à l'affaire Batko.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander l'affichage du
9 document de la liste 65 ter -- ou plutôt, du document P5268. 52568 --
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de poursuivre, je voudrais savoir
11 pourquoi ce document a été versé sans cote provisoire, étant donné qu'il
12 n'y a pas de traduction en anglais. Sur le prétoire électronique, il est
13 mentionné "traduction anglaise va être téléchargée," donc, je me demande
14 s'il est trop tard de donner une cote provisoire en attendant la traduction
15 anglaise.
16 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous avons accepté le versement de
18 ce dossier, en espérant que la version utilisée à l'époque serait
19 téléchargée immédiatement, mais ça n'a pas eu lieu.
20 Est-ce que vous avez une traduction complète de ce document en version
21 papier ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons reçu une partie de la traduction de
23 l'Accusation, et nous pensions qu'il s'agissait de la totalité de la
24 traduction. Maintenant, nous voyons que ce n'est pas le cas, donc nous
25 devons traduire le reste.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, dans ces conditions, nous allons
27 donner une cote provisoire MFI en attendant la traduction complète de ce
28 document. Très bien. Veuillez poursuivre.
Page 14317
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Il n'est plus nécessaire d'avoir ce
2 document sur le rétroprojecteur.
3 Est-ce que l'on pourra avoir le document de la liste 65 ter 52568,
4 page 115, et ensuite nous allons passer à la page 116.
5 M. TIEGER : [interprétation] Pour ce qui est du document précédent,
6 il a été communiqué tardivement. Je n'ai pas de problème. La Défense m'a
7 contacté, mais nous avons eu connaissance de cela juste avant d'entrer dans
8 le prétoire. Je voulais simplement le faire remarquer pour diverses
9 raisons. Tout d'abord, bien sûr, ces choses se produisent mais il est
10 préférable de le signaler même s'il n'y a pas d'objection de la part des
11 autres parties. Deuxièmement, ceci pourrait avoir des conséquences sur la
12 capacité de l'Accusation de reprendre ce document maintenant plutôt que
13 plus tard.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous prenons note. Veuillez
15 continuer, Monsieur Karadzic.
16 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. La Défense remercie M. Tieger pour sa
18 compréhension. Mais la raison pour laquelle nous avons utilisé ce document
19 est liée au fait que le témoin a parlé de quelque chose hier.
20 Est-ce que l'on pourrait maintenant passer aux lignes 24 et 25 qui figurent
21 sur la page affichée sur les écrans, en ce moment.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. M. Tieger vous pose la question suivante :
24 "Monsieur Neskovic, vous avez mentionné quelqu'un qui s'appelait Batko.
25 Tout d'abord, est-ce que vous savez s'il occupait un poste officiel au sein
26 de la police militaire ou de toute autre instance ?"
27 Votre réponse est la suivante :
28 "Non, c'était un monstre armé de type pathologique."
Page 14318
1 Est-ce que vous vous en tenez au fait qu'il n'occupait aucun poste
2 officiel, et qu'il n'était tel que vous l'avez décrit ?
3 R. Oui, mais il a dû être membre d'une unité quelconque, je ne sais pas
4 laquelle.
5 Q. Est-ce qu'il était membre d'unité militaire ou paramilitaire ?
6 R. Pour ce qui est des unités paramilitaires, je ne sais pas s'il y en
7 avait à Grbavica. Je crois qu'il n'aurait pas pu survivre. Je pense qu'il
8 devait d'une manière ou d'une autre relier à l'armée.
9 Q. Alors passons à la page suivante -- non, nous sommes sur cette page
10 déjà. Donc restons à cette page. Vous mentionnez :
11 "Et je ne sais pas -- il portait un uniforme de l'armée, et rien de plus.
12 Je ne sais pas s'il était membre d'une unité paramilitaire ou d'unité de
13 l'armée régulière, je ne sais vraiment pas. Je ne sais pas quelle était la
14 composition de ces formations militaires, mais je sais qu'il a commis
15 beaucoup d'exactions là-bas, parce qu'avec des efforts mutuels de la part
16 tant des Serbes que des Musulmans, nous sommes arrivés, à plus ou moins, à
17 un équilibre. Ensuite, un individu de ce type fait irruption, se comporte
18 comme un monstre et gâche tout. Je veux dire, durant la journée, il y avait
19 des officiers de police là-bas, et plus tard, il y avait également le
20 Bataillon français, et la situation en matière de sécurité était plutôt
21 bonne. Mais la nuit, nous avions des problèmes parce qu'il n'y avait pas
22 d'éclairage, il n'y avait pas d'électricité; c'est une grande ville et les
23 lignes de front traversaient la ville," et cetera, et cetera.
24 A la ligne 18, vous continuez :
25 "Et quand vous croisiez son chemin dans les rues, vous ne savez pas
26 s'il allait vous dire bonjour ou s'il allait vous tirer dessus…"
27 Donc vous pensez que Batko a choisi une nuit où la police ou les
28 citoyens ou les autorités n'étaient pas en mesure de le surveiller, de
Page 14319
1 l'empêcher de commettre les crimes qu'il a commis ?
2 R. Je n'ai pas été témoin oculaire de ses crimes, mais la nuit il n'y
3 avait aucune mesure de sécurité.
4 Q. Est-ce exact de dire que vous ne savez pas vraiment s'il allait vous
5 dire bonjour ou s'il allait vous tirer dessus lorsque vous le croisiez dans
6 la rue ?
7 R. Oui, les Serbes l'évitaient, et les Bosno-musulmans et les Croates
8 tremblaient lorsqu'on prononçait son nom.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant passer à la
10 page suivante de ce compte rendu d'audience. Il s'agit de la page 116.
11 C'est la page 16703.
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Il y est dit, je cite :
14 "Et nous sommes allés chez Simo Sipcic, qui était le chef de la
15 police à l'époque, et puis il s'est précipité là où se trouvait Batko, il
16 l'a sauvé -- là, où Batko travaillait, il a sauvé Orhan Djipa et un chien.
17 Donc Simo a été en mesure d'intervenir auprès de son cousin pour que cette
18 personne soit emmenée et emprisonnée ou tout simplement emmenée ailleurs.
19 Il voulait libérer Grbavica de cet individu, et ensuite après deux ou trois
20 semaines, ce dernier a réussi à revenir. Il ne cessait de revenir et il a
21 été encore une fois amené à demander qu'on l'écarte…"
22 Ensuite, la fin du paragraphe, je cite :
23 "Je crois que même Biljana Plavsic est intervenue à un moment et a demandé
24 qu'il soit écarté de cette zone, et on n'a pas cessé de le faire partir
25 pour le voir ensuite revenir…"
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors est-ce qu'on pourrait passer à la page
27 118, s'il vous plaît ?
28 M. KARADZIC : [interprétation]
Page 14320
1 Q. Alors, pendant que nous attendons l'affichage, vous parlez du général
2 Sipcic, n'est-ce pas, dans ce passage qui était commandant de corps d'armée
3 à l'époque lorsque vous dites qu'il a été capable d'intervenir par
4 l'intermédiaire de son cousin ?
5 R. Oui, mais il y a eu mis en isolement par les organes de la Sécurité --
6 enfin, c'était un exemple d'une tentative de quelqu'un qui se trouvait
7 employer dans le sein des organes de la Sécurité de faire quelque chose,
8 tous les autres étaient plutôt passifs.
9 Q. A la ligne 11, il est dit, une question vous est posée, je cite :
10 "Quelles étaient les cibles considérées comme étant les cibles principales
11 de ces attaques; est-ce que c'était les Musulmans et les Croates ?"
12 Vous répondez :
13 "Dans une certaine mesure, oui, mais les cibles principales de
14 ces attaques avaient toujours à voir avec l'argent et les pillages, et,
15 bien entendu, pillage notamment des Musulmans et des Croates."
16 Alors, est-il vrai que les Serbes le redoutait également, comme vous l'avez
17 dit à l'instant ? Etait-il facile de l'arrêter ?
18 R. C'est exact.
19 Q. Savez-vous que les services du Renseignement militaire avaient planifié
20 une opération visant à l'arrêter et que c'était la raison de sa fuite ?
21 R. Non, parce que nous avons eu un exemple -- nous venons de voir un
22 exemple où un homme a été arrêté dès le lendemain du jour de la commission
23 du crime qui avait été le sien. Alors que Batko, lui, a continué à se
24 livrer à ces agissements, pendant des mois et des mois. Les organes de la
25 Sécurité militaire avaient la possibilité et la compétence d'agir et de
26 l'arrêter, mais ils ne l'ont pas fait. Ils avaient la possibilité d'engager
27 des poursuites contre lui, et de le traduire en justice comme dans
28 l'exemple que nous avons examiné tout à l'heure --
Page 14321
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant, parce qu'il y a eu
2 recouvrement de la réponse avec votre question et la réponse précédente
3 n'était pas claire. Vous avez répondu "Oui," Monsieur Neskovic, à la
4 question consistant à vous demander si je reprends la question de l'accusé,
5 les Serbes le redoutaient également. Mais, en fait, quelle était votre
6 réponse à l'autre partie de la question qui consistait à vous demander s'il
7 était facile de l'arrêter ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous nous dites qu'il aurait été
10 facile de l'arrêter ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. La police militaire disposait des moyens
12 et des compétences nécessaires, les services du procureur étaient également
13 là. Ils auraient pu l'arrêter à tout moment s'ils l'avaient voulu.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Mais vous ignoriez l'existence de cette opération qui avait été
16 planifiée pour l'arrêter, et que c'est pour cette raison qu'il a fui,
17 lorsqu'il a remarqué que l'étau se resserrait ?
18 R. Oui, mais, Monsieur Karadzic, il a terrorisé la population non pas
19 pendant quelques jours, mais pendant des mois. Je n'ai pas connaissance
20 qu'une opération ait été planifiée pour l'arrêter.
21 Q. Est-ce que cet homme était protégé par quelqu'un qui était au pouvoir,
22 parmi vous ?
23 R. Par personne au sein de la cellule de Crise, non, et nous n'étions pas
24 en contact avec lui. Quant à savoir si quelqu'un au sein d'autres instances
25 ou au sein des organes de la Sécurité le protégeait, je l'ignore, c'est
26 possible.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir maintenant la page 123 ?
28 M. KARADZIC : [interprétation]
Page 14322
1 Q. Alors, pendant qu'on attend l'affichage, est-ce que le groupe de ces
2 hommes se seraient opposés à son arrestation, en recourant aux armes ?
3 R. Je crois que non. Zoran Zivkovic était le commandant de son groupe,
4 c'était un combattant célèbre, il est mort des suites de ses blessures
5 pendant la guerre. Mais je ne pense pas qu'il y aurait une résistance
6 opposée de leur part pour empêcher son arrestation.
7 Q. Voyez cette page, je cite, le Juge Anoto [phon] :
8 "Le témoin est censé répondre à cette question.
9 "A savoir de quelle façon est-il en mesure d'expliquer le fait que,
10 face aux agissements de cet homme, Batko, et d'autres, il n'a pas pris de
11 décision d'alerter les plus hautes autorités civiles et militaires, et
12 notamment au vu du fait qu'il avait la possibilité de les contacter dans le
13 cadre des attributions qui étaient les siennes ?"
14 Vous répondez :
15 "Eh bien, en ce qui me concerne, j'ai informé le chef de la police
16 militaire parce que je le connaissais en personne. C'était M. Sipcic. Les
17 officiers plus hauts gradés se trouvant à Pale n'avaient pas été informés.
18 Je ne les ai pas informés parce que je pensais qu'il incombait à la police
19 civile, au service de la Sûreté de l'Etat," et cetera, et cetera.
20 A partir de la ligne 18, je poursuis la citation :
21 "Quant à mon devoir civique et de soulever cette question, le problème
22 représenté par Batko au sein de la cellule de Crise, et quant à mon devoir
23 civique de m'opposer ouvertement à Batko, nous n'avons pas osé faire ceci,
24 nous n'aurions pas osé le faire parce que nous aurions tout simplement
25 perdu nos vies, et en dehors de toutes les obligations qui étaient les
26 nôtres, nous avions également celle de protéger nos propres vies et celles
27 de nos familles."
28 Avez-vous déclaré ceci lors de votre déposition dans l'affaire Krajisnik et
Page 14323
1 ceci correspond-il à la réalité des faits ?
2 R. Oui.
3 Q. Merci.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir maintenant la page
5 suivante, numéro 124.
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. A partir de la ligne 8, je cite :
8 "Vous avez également appris que le sommet de la direction de Pale avait été
9 informé au sujet de Batko par Biljana Plavsic, et cela n'a jamais donnée le
10 moindre résultat. Cela signifiait que les autorités civiles n'étaient pas
11 en mesure d'empêcher la commission de crimes à moins d'être elle-même à la
12 tête des forces de police et de l'armée, elles aussi."
13 Est-ce que vous vous souvenez de cela et est-ce que vous seriez d'accord
14 pour dire qu'à Grbavica, dans la municipalité de Grbavica, Budo Obradovic,
15 le président de la municipalité, a été tué ? C'était un homme qui jouissait
16 d'une grande réputation, n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce que c'est un Serbe armé qui l'a tué ?
19 R. Oui, c'était un règlement de compte personnel.
20 Q. Etait-il difficile de protéger l'homme numéro un de la municipalité
21 pour ainsi dire ? Est-ce que, dans les conditions qui prévalaient à
22 Grbavica, il a tout simplement été également victime de cette situation ?
23 Il ne pouvait pas être protégé.
24 R. Il est difficile de protéger un individu en particulier à un instant
25 particulier dans le déroulement de la guerre; cependant, il est également
26 un fait que les organes militaires et civiles chargés de la Sécurité
27 auraient pu faire plus pour protéger tant les Croates que les Musulmans et
28 les Serbes. Ils disposaient des attributions et des moyens nécessaires, ils
Page 14324
1 pouvaient faire recours à la force. Ils auraient pu faire beaucoup.
2 Q. Mais est-ce que vous-même, personnellement, vous avez pris peur ? Est-
3 ce pour cette raison que vous êtes allé chez votre collègue, Orhan Djipa,
4 afin de le protéger comme vous nous l'avez dit, mais également afin de vous
5 mettre vous-même à l'abri ?
6 R. Je suis allé chez Orhan Djipa afin de lui apporter le soutien modeste
7 que je pouvais lui apporter. C'était dans l'appartement d'Olja Varagic, une
8 Serbe de Grbavica. Ce jour-là, il avait eu des Musulmans qui avaient été
9 chassés de Grbavica vers l'autre rive, au mois d'août, je crois, et dans
10 l'appartement d'Olja Varagic, un certain nombre de personnes s'étaient
11 mises à l'abri et ils redoutaient de voir se présenter tel ou tel groupe
12 devant la porte de l'appartement qui serait à leur recherche. Donc nous
13 sommes allés là-bas et nous avons élaboré un plan rudimentaire pour le cas
14 où cette situation se présenterait. Nous avions prévus que, moi, je me
15 présenterais à la porte pour dire que c'était moi qui habitais là-bas. Ce
16 n'était pas un plan particulièrement sûr que nous avions mis au point mais,
17 heureusement, ce jour-là, aucun de ceux, qui chassaient les Musulmans vers
18 l'autre rive de la rivière, ne s'est présenté à l'entrée de cet appartement
19 et c'est ainsi que cette journée s'est écoulée calmement.
20 Q. Est-ce que vous voulez dire que vous ne pouviez donner aucun ordre mais
21 que la seule chose que vous pouviez faire c'était dire que là c'était votre
22 appartement ?
23 R. Non, je ne pouvais pas donner d'ordre. Je n'avais aucun poste de
24 commandement ni au sein des forces armées ni au sein de la police. Par
25 ailleurs, afin d'être tout à fait précis, le militaire avait une attitude
26 hostile à l'égard des autorités civiles de Grbavica. Il y a un jour où ils
27 nous ont littéralement kidnappés comme des animaux. Ils nous ont placés à
28 bord de véhicules et nous ont chassés vers la -- chassés du bâtiment de la
Page 14325
1 municipalité et ils nous ont emmenés vers la ligne de front. Nous n'avions
2 pas le droit de contacter nos familles et ils ont dit que nous étions une
3 unité antiterroriste, ils nous ont proclame unité antiterroriste. Toutes
4 les personnes, qui se trouvaient dans le bâtiment de la mairie, ont été
5 embarquées à bord de ces camions. Nous ne pouvions pas non plus prendre de
6 vêtements et comme je l'ai dit, nous ne pouvions pas informer nos familles,
7 tout cela pour être emmenés sur les lignes de front.
8 Donc, l'attitude des forces armées était pour le moins hostile, parce que
9 l'armée estimait que, dans une zone de combat, seule l'autorité militaire
10 pouvait être exercée et aucune autre. Nous, nous estimions qu'il ne pouvait
11 en être ainsi dans une ville qui était à la fois une zone de combat et un
12 lieu où les gens vivaient, une zone habitée. De toute façon, les autorités
13 militaires ne nous reconnaissaient absolument pas et n'avaient aucun
14 respect pour nous et nous ne pouvions certainement pas leur donner le
15 moindre ordre.
16 Q. Merci. Vous étiez un membre des instances du SDS dès sa création et ce,
17 jusqu'à la fin de la guerre. Ensuite, vous étiez membre de la direction du
18 Comité exécutif, notamment. Est-ce que vous avez, à quelque moment que ce
19 soit, eu l'impression que le SDS était en train de mettre au point une
20 politique au terme de laquelle les Musulmans auraient dû être chassé des
21 territoires peuples par des Serbes ?
22 R. Pas pour ce qui concerne le Conseil supérieur et les conclusions
23 adoptées par lui. Ma réponse est non, et la même réponse s'applique au
24 Comité exécutif. Quant aux échelons inférieur, je pense notamment aux
25 municipalités, il faudrait avoir la réponse à votre question municipalité
26 par municipalité, parce que je crois que la situation a varié sur le
27 terrain d'une municipalité à l'autre.
28 Q. Merci. Aviez-vous des éléments d'information vous indiquant que moi-
Page 14326
1 même, j'aurais préconisé ou souhaité que les Musulmans soient chassés des
2 municipalités et des territoires où nous, Serbes, nous étions majoritaires
3 ?
4 R. Je n'ai pas compris que cela faisait partie des variantes A et B. Dans
5 ces dernières --
6 L'INTERPRÈTE : Je n'ai pas entendu dire cela, se reprend l'interprète, mais
7 dans les variantes A et B --
8 LE TÉMOIN : [interprétation] -- il est dit que les Musulmans et les Croates
9 allaient se soumettre aux autorités serbes, qu'ils n'allaient pas être
10 chassés, mais qu'ils allaient se soumettre aux autorités serbes et
11 qu'ultérieurement, ils seraient appelés à rallier le pouvoir serbe. Donc,
12 selon les termes de ces variantes A et B, il n'a pas été question de les
13 chasser, mais de leur soumission au pouvoir serbe mis en place.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Oui, mais ce document parlant des variantes A et B a été reçu de la
16 part de ces officiers à la retraite particulièrement bien intentionnés.
17 C'est ce que la Défense soutient, de toute façon. Ce que je vous demande,
18 concernant ce document, c'est si --
19 L'INTERPRÈTE : -- indépendamment de ce document, se reprend l'interprète --
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. -- c'est si, moi, je n'ai jamais exprimé des positions par
22 l'intermédiaire du SDS selon lesquelles j'aurais ou nous aurions souhaité
23 nous débarrasser des Musulmans et des Croates.
24 R. Il y a deux questions en une dans ce que vous me demandez. Ce document,
25 tout d'abord, n'a pas été rédigé par des officiers bien intentionnés. Je
26 pense que c'était un tour joué au SDS par ce groupe d'officiers. Ça, c'est
27 la première chose. Deuxièmement, votre attitude envers les Croates et les
28 Musulmans consistait à dire qu'ils devaient reste à tout prix au sein de la
Page 14327
1 Yougoslavie, parce que vous étiez quasiment obsédé par des questions -- par
2 ces questions et la questions yougoslave, notamment, avant même la question
3 serbe qui venait en second plan dans votre programme. Vous vouliez que les
4 Musulmans et les Croates restent dans le cadre de la Yougoslavie. C'était
5 l'objectif principal de votre politique : que la Bosnie, y compris les
6 Musulmans et les Croates qui s'y trouvaient, reste dans le cadre de la
7 Yougoslavie. Cependant, leur souhait légitime était différent : ils
8 voulaient faire sécession.
9 Q. Merci. Est-ce qu'à quelque moment que ce soit, vous avez eu
10 l'impression que la politique du SDS aurait consisté à suggérer ou à
11 souhaiter ou à mettre en avant l'idée selon laquelle il convenait de
12 maltraiter les Croates et les Musulmans, leur infliger des mauvais
13 traitements ou les tuer ?
14 R. Non. Le SDS dépensait l'ensemble de son énergie à s'obstiner autour de
15 cette question yougoslave et autour de la question du maintient d'un Etat
16 qui avait déjà commencé à se décomposer, qui s'était déjà décomposé. La
17 question croate et la question n'étaient pas au premier plan; pas même la
18 question serbe, d'ailleurs. Ce qui était au premier plan, c'était la
19 question yougoslave et c'était l'objectif autour duquel étaient centrés vos
20 pourparlers avec Izetbegovic, si j'ai bien compris. Vous lui avez proposé
21 que les Musulmans restent dans le cadre de la Yougoslavie et qu'on lui
22 propose que lui soit -- lui devienne président de la Yougoslavie. Donc,
23 votre objectif numéro un, c'était la préservation de la Yougoslavie. Ce
24 n'est que en second lieu que venaient les intérêts des Serbes. Par
25 conséquent, votre politique à l'égard des Croates et des Musulmans revenait
26 tout simplement à obtenir leur maintien au sein de la Yougoslavie.
27 Q. Lorsqu'on a compris que la Yougoslavie n'allait pas être préservée,
28 n'avez-vous jamais constaté qu'au sein du SDS, on aurait préconisé ou
Page 14328
1 suggéré ou encouragé qu'il convienne de détruire en totalité les Croates
2 et/ou les Musulmans, en tant que groupes ethniques ? Est-ce que cette
3 culture-là, ce type d'intention n'a jamais existé au sein du SDS et a-t-
4 elle jamais été incluse dans le programme du SDS ? Je parle de l'intention
5 de nuire, voire de détruire ces groupes -- de nuire à, voire de détruire
6 ces groupes ethniques ?
7 R. A l'échelon du Conseil supérieur, certainement pas, pas plus qu'à celui
8 du Comité exécutif. Quant aux Comités municipaux, je ne peux pas le dire.
9 Je ne parler que de la municipalité de Novo Sarajevo qui m'est plus proche.
10 Je ne peux pas vous dire ce que les fonctionnaires locaux ont fait à
11 l'échelon des différentes municipalités ni la mesure dans laquelle ils ont
12 peut faire abus de leurs attributions. Mais du point de vue des programmes
13 qui étaient ceux du parti, il n'y avait pas, dans ce programme, d'attitude
14 hostile à l'égard de tous les Croates ou de tous les Bosniens. Cependant,
15 il était clair qu'il fallait faire tout pour empêcher les Bosniens et les
16 Croates de quitter le cadre de la Yougoslavie, et si jamais ils
17 persistaient à vouloir le quitter, il fallait établir un pouvoir serbe, une
18 autorité serbe et maintenir -- et préserver la Yougoslavie de cette façon-
19 là -- maintenir les Musulmans et les Croates sous l'autorité de ce pouvoir
20 serbe.
21 Q. [hors micro]
22 Juste un instant. Je dois vérifier le compte rendu. Il est dit :
23 "…établir un pouvoir serbe et préserver la Yougoslavie…"
24 Est-ce que vous avez dit que -- est-ce que vous n'auriez -- est-ce que vous
25 avez dit que nous souhaitions qu'ils restent dans le cadre de la
26 Yougoslavie ?
27 R. Non seulement qu'ils y restent, mais il s'agissait de prendre des
28 mesures policières tout à fait concrètes, par l'intermédiaire de
Page 14329
1 l'Assemblée du peuple serbe ou au moyen de référendum afin que l'on
2 influence les Croates et les Musulmans, dans le but que ces derniers
3 restent dans le cadre de la Yougoslavie. Que celle-ci reste entière ou
4 qu'il s'agisse d'une Yougoslavie tronquée, mais que, dans un cas comme dans
5 l'autre, ils restent au sein d'une Yougoslavie.
6 Q. Merci. Lorsque nous avons perdu cette Yougoslavie, et qu'il est devenu
7 clair que nous allions devoir accepter cette Bosnie-Herzégovine à condition
8 d'y obtenir notre propre unité constitutive, le SDS a-t-il mis en avant des
9 plans ou des idées aux termes desquels il n'y aurait pas eu de place pour
10 les Musulmans et les Croates dans cette république ou cette entité serbe,
11 et qu'il convenait de les persécuter ou bien l'opinion qui prévalait était-
12 elle celle selon laquelle les minorités devaient rester, être protégées ?
13 R. En application de la constitution du 28 février 1992, celle de la
14 Bosnie-Herzégovine serbe, tous les citoyens avaient des droits égaux en
15 vertu de la constitution. Alors c'est ce que dit la constitution.
16 Maintenant, quant à savoir dans quelle mesure les droits des citoyens ont
17 véritablement été respectés, c'est une question.
18 Q. Merci. Je voudrais revenir au sujet de Grbavica.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, Monsieur Karadzic.
20 Monsieur Neskovic, avant de poursuivre, je voudrais vous rappeler qu'il
21 convient de ménager une pause entre les questions et les réponses, afin que
22 les interprètes puissent faire leur travail.
23 Alors on m'a informé que hier, pendant votre interrogatoire principal,
24 alors que je n'ai pas pu encore prendre connaissance de l'ensemble du
25 compte rendu, vous avez répondu à M. Karadzic en indiquant que :
26 "Le document parlant des variantes A et B n'avait pas été rédigé par des
27 officiers bien intentionnés."
28 En fait, vous avez répondu cela aujourd'hui, et moi, je n'ai pas encore pu
Page 14330
1 lire l'intégralité du compte rendu de votre interrogatoire principal. Mais
2 cette réponse a entraîné une certaine confusion dans mon esprit. Vous avez
3 dit :
4 "Je crois que c'était un mauvais tour joué au SDS par ce groupe
5 d'officiers."
6 Je n'ai pas très bien compris; est-ce que vous pourriez m'expliquer ce que
7 vous entendiez par un mauvais tour ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant longtemps, nous n'avons pas su qui
9 était l'auteur de ce document. Aujourd'hui, nous savons que c'était un
10 groupe d'officiers. Le problème était qu'ils n'ont pas signé ce document,
11 c'est pour cela que j'ai parlé d'un mauvais tour. Dans un système
12 démocratique, un des principes fondamentaux est que lorsque vous avancez un
13 document dont vous êtes l'auteur, vous signez ce document. Le fait qu'ils
14 aient refusé de signer ce document était déjà une première irrégularité,
15 une première incorrection.
16 Deuxièmement, ils ont contrefait ce document en indiquant en en-tête,
17 cellule de Crise du SDS. Alors qu'aucune instance de cette nature
18 n'existait, donc quelle était leur motivation ? Ils étaient un groupe
19 extérieur au SDS, qui s'est arrogé le droit d'écrire sur un document,
20 cellule de Crise du SDS, dans l'en-tête du document.
21 Troisième irrégularité, ils n'ont pas rédigé ce document en tant que
22 proposition ou premier jet d'un document qui devait être soumis à examen,
23 ils l'ont écrit en tant qu'un ensemble d'instructions et de mesures de
24 nature militaire qui auraient à être mises en œuvre très concrètement, et
25 qui avaient trait avant tout à des questions de sécurité, de surveillance à
26 la mobilisation, re-complètement au mouvement de la JNA, et à son
27 approvisionnement, à la formation des cellules de Crise, et cetera. C'était
28 une procédure qui était également incorrecte parce qu'on ne savait pas à
Page 14331
1 qui s'adressait ce document. Dans un paragraphe, il est dit que le document
2 serait mis en œuvre exclusivement sur décision du président Radovan
3 Karadzic, et que ce document ne peut être mis en œuvre que suite à décision
4 prise par lui, s'il donnait son assentiment et en prenait la décision.
5 De plus, c'était un mauvais tour, parce que ce groupe était préoccupé par
6 la préservation de la Yougoslavie, et assimilait cette préservation de la
7 Yougoslavie aux intérêts du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine. Ils
8 faisaient une équivalence entre l'intérêt de la Yougoslavie et l'intérêt du
9 peuple serbe en Bosnie-Herzégovine ce qui n'était pas correct. Les intérêts
10 du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, son intérêt, les intérêts vitaux de
11 ce dernier, c'était légalité en Bosnie-Herzégovine et non pas la
12 préservation de la Yougoslavie. Donc le groupe dont je parle a entrepris
13 d'utiliser l'influence et les moyens dont il disposait -- l'influence dont
14 le SDS disposait et les moyens dont il disposait afin de les mettre au
15 service de la préservation de la Yougoslavie et du re-complètement de la
16 JNA en tant qu'objectif prioritaire. L'intérêt yougoslave était donc
17 l'objectif numéro 1, et l'intérêt serbe était placé au second plan,
18 l'intérêt des Serbes.
19 Il y avait également une contradiction, là, parce qu'ils souhaitaient
20 promouvoir la création et la mise en place d'une autorité serbe au sein des
21 municipalités, où nous étions majoritaires en application de la variante A,
22 et là où nous étions minoritaires en application de la variante B, pour
23 ensuite soumettre ce pouvoir à des membres d'autres groupes ethniques ou
24 nationaux, ce qui revenait à mener une politique du fait accompli; en
25 suggérant que ces Bosniens, ces Croates seraient ensuite invités à
26 participer à ce pouvoir aux côtés des Serbes avec lesquels ils seraient
27 restés au sein de la Yougoslavie, aux côtés desquels ils auraient continué
28 à fournir un soutien à la JNA. Alors peut-être que je me trompe, mais en
Page 14332
1 lisant ce document, je pense que l'on ne peut y trouver rien de positif,
2 rien de rationnel non plus ni de raisonnable du point de vue de son
3 contenu.
4 A la même époque, l'Assemblée du peuple serbe a adopté d'autres textes et
5 documents. Je parle de décembre 1991, il s'agissait de constituer des
6 municipalités serbes, de mettre en place des autorités serbes sur les
7 territoires des Serbes, et que, là, dans les municipalités où un plébiscite
8 s'était tenu, les autorités serbes de ces municipalités ayant été
9 constituées, ces dernières, ces municipalités devraient rester au sein de
10 la Yougoslavie. Donc ce groupe pensait qu'il n'y avait rien de nouveau dans
11 ce document, en fait, rien qui n'ait déjà été débattu ou présenté mais, en
12 fait, ce document a eu des conséquences négatives. Bien qu'il n'ait pas été
13 adopté par le SDS, il a été en pratique appliqué dans un certain nombre de
14 municipalités. Je considère, par conséquent, que ce document est
15 irrégulier, c'est une sorte de cheval de Troie, et c'est parfaitement
16 incorrect d'instrumentaliser ainsi les ressources d'autrui afin de servir
17 vos propres objectifs. C'est ma compréhension de la chose, et ce document a
18 été absolument incorrect.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Neskovic.
20 A vous, Monsieur Karadzic.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Vous venez de parler de "municipalités serbes," et vous, vous en aviez
24 une à Novo Sarajevo. Alors est-ce que cela implique que les autres
25 populations, si elles avaient les conditions de vie préexistantes dans ces
26 municipalités, pouvaient, elles aussi, créer leur propre municipalité ?
27 Nous voyons les mots, "municipalités serbes;" est-ce que cela implique que
28 la proposition consiste à ce qu'une municipalité se transforme en deux ou
Page 14333
1 trois municipalités en fonction des communautés ethniques concernées ?
2 R. Oui, si les autres municipalités souhaitaient le faire, elles pouvaient
3 le faire, mais le problème c'est que les autres communautés ne souhaitaient
4 pas le faire pour ne pas entrer en conflit avec celle qui s'était créée, et
5 pour autant que je le sache, il n'y a eu qu'une seule municipalité de cette
6 nature. Je pense que c'était à Olovo, là où la Communauté musulmane de
7 Bosnie et la Communauté serbe sont convenues de se diviser de la
8 municipalité avant la guerre entre les Musulmans et les Serbes, et c'est la
9 situation qui a prévalu jusqu'à la fin de la guerre. Le problème, selon
10 moi, c'est ce qui se passait lorsque d'autres communautés ne souhaitaient
11 pas diviser la municipalité, mais souhaitaient qu'elle demeure entière. A
12 ce moment-là, il y avait affrontement et même conflit.
13 Q. Vous rappelez-vous que, dans un grand nombre de municipalités, pas
14 seulement à Olovo, un accord a été conclu, l'accord du genre dont celui
15 dont vous venez de parler. Cela a été le cas, par exemple, à Bratunac,
16 Vlasenica. Il y a eu des négociations à Ilidza et dans d'autres
17 municipalités, aux fins de créer un pouvoir administratif et une autorité
18 des populations locales serbes, de façon pacifique et dans les parties
19 habitées par des Musulmans, cela se faisait au profit des Musulmans. C'est
20 ce qui s'est passé au début de la guerre. Rien n'est ressorti de tout cela.
21 Le SDS a demandé que cette proposition soit modifiée, à ce moment-là,
22 n'est-ce pas ?
23 R. Non. Je ne suis pas au courant de cela. Mais je sais ce qui s'est passé
24 à Olovo, parce que cela a été appliqué.
25 Q. Je vous remercie.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que la pièce P5 s'affiche sur les
27 écrans. Il s'agit du document présentant les versions A et B.
28 M. KARADZIC : [interprétation]
Page 14334
1 Q. Nous pouvons revenir sur ce document qui est à l'écran maintenant,
2 parce que cela vous rafraîchira peut-être un peu la mémoire. Vous avez
3 peut-être confondu quelque peu un certain nombre de choses. Mon nom ne
4 figure pas dans ce document.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage, grâce au prétoire
6 électronique, de la pièce P5.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Nous attendons que le texte apparaisse à l'écran. Je vous pose, pendant
9 ce temps, la question suivante. Est-ce que quelqu'un au centre de contrôle
10 pouvait vous forcer à appliquer les dispositions contenues dans ce document
11 pour ce qui est de votre municipalité ? Est-ce que, donc, ces propositions
12 pouvaient être appliquées par la force dans votre municipalité ?
13 R. Non.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que la page suivante s'affiche en
15 serbe et peut-être en anglais également, en divisant l'écran en deux.
16 Merci.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Vous voyez ce qui est indiqué : en raison de doutes justifiés quant au
19 fait que des forces, et cetera, et cetera, des forces organisées souhaitent
20 mener à bien des actions dans le cadre de la communauté nationale du peuple
21 serbe de Bosnie-Herzégovine, aux fins de mettre en œuvre la décision --
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ralentissez, je vous prie.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Bien, alors, première phrase du texte, je cite :
25 "En raison de doutes liés à la sécession unilatérale…" Fin de citation.
26 Puis, au paragraphe 2, nous lisons, je cite :
27 "L'objet de ces activités, de ces mesures et autres actions décrites dans
28 les présentes instructions consiste à favoriser la mobilité et la
Page 14335
1 possibilité de protéger les intérêts du peuple serbe." Fin de citation.
2 Au paragraphe 8, nous lisons :
3 "Dans le cadre de la prise de toutes ces mesures, veillez à ce que les
4 droits nationaux soient respectés et que les droits de toutes les nations
5 soient respectés également, ainsi que leur implications dans les organes de
6 pouvoir et l'autorité par la suite, après création des municipalités
7 serbes." Fin de citation.
8 Est-ce que vous voyez cette page qui concerne des questions liées à la
9 défense et à la logique militaire de la Défense, n'est-ce pas ?
10 R. Non. La Yougoslavie est évoquée ici en tant qu'intérêt vital, et c'est
11 le cas également de la conservation de la Yougoslavie. Donc, tout ce qui
12 peut être fait doit être fait pour conserver cette Yougoslavie. Les
13 intérêts de la Yougoslavie et de la conservation de la Yougoslavie sont mis
14 sur un même plan que les intérêts du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine,
15 comme si les deux étaient une seule et même chose, ce qui n'est pas le cas.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous nous penchions
17 sur la version B.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Vous avez dit que vous ne compreniez pas le sens de cette version B,
20 parce que, dans la version A, nous avions le pouvoir et l'autorité. Ou bien
21 est-ce que c'est la version A que vous avez estimée être dépourvue du
22 moindre sens ?
23 R. Elle n'a pas de sens si des instructions sont données à des Serbes qui
24 se trouvent dans des municipalités où ils ont la majorité, et une
25 municipalité qu'ils ont déjà proclamée comme municipalité serbe, une
26 municipalité dans laquelle ils ont établi leur pouvoir et leur autorité,
27 alors que, dans une Assemblée municipale légale, ils avaient le pouvoir et
28 l'autorité de prendre des décisions et d'établir leur contrôle sur la
Page 14336
1 municipalité. Ils n'avaient, donc, pas besoin de cette majorité au sein de
2 la municipalité serbe. Donc, la version A me paraît dépourvue de sens. La
3 version B est plus compréhensible. En tout cas, c'est de moi point de vue.
4 Q. Convenez-vous que nous étions la majorité et avions le pouvoir et
5 l'autorité dans 37 municipalités sur 109 en Bosnie-Herzégovine ?
6 R. Je ne connais pas les chiffres exacts, je ne sais pas combien nous en
7 avions, mais une trentaine, oui, à peu près. Je pense que nous avions 34
8 députés des municipalités. Donc, le nombre semble correspondre au nombre de
9 municipalités. Mais, comme je l'ai déjà dit, je ne connais pas le chiffre
10 exact.
11 Q. Si les Musulmans souhaitaient avoir leur propre municipalité dans une
12 municipalité serbe, est-ce que c'était aussi une option ?
13 R. Non. Je crois que les officiers qui ont rédigé ce document le
14 destinaient aux Serbes. Ils voulaient défendre les moyens dont les serbes
15 disposaient pour conserver la Yougoslavie. Ils n'avaient pas à l'esprit les
16 Musulmans ou les Croates de Bosnie dans ce document. Même s'ils disent
17 qu'il importe de protéger les droits des Musulmans des Croates de Bosnie et
18 plus tard de les intégrer aux instances du pouvoir serbe, ce qui aurait dû
19 être déjà le cas à ce moment-là.
20 Q. Nous lisons --
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la page 9 du
22 document, de la version serbe et de la version anglaise.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Dans cette page, je rappelle qu'il s'agit de la version B, nous lisons,
25 je cite :
26 "Sur les voies d'accès aux zones habitées, garantir une surveillance et une
27 observation visant à déceler les dangers qui menacent la population serbe
28 et planifier les mesures correspondantes aux fins de protéger la population
Page 14337
1 serbe et d'envisager le transfert ou le transport des biens matériels
2 appartenant à cette population vers des zones et des régions plus sûres."
3 Fin de citation.
4 Alors, est-ce qu'il s'agissait de mesures offensives ou défensives dans
5 cette page ?
6 R. Je ne sais pas quelle est la nature des mesures proposées, mais, à mon
7 avis, il s'agissait de mesures illégales. Si quelqu'un devait signer ces
8 mesures, un Conseil des ministres du peuple serbe aurait dû être convoqué,
9 voire une réunion de l'Assemblée du peuple serbe, mais pas une réunion d'un
10 groupe indéterminé de gens qui n'avaient aucune fonction particulière, ni
11 au sein du parti, ni au sein du gouvernement. Ce groupe n'avait pas pouvoir
12 légal de prescrire une quelconque mesure applicable au niveau des
13 autorités. Donc, vous, avec ce groupe qui n'a rien à voir avec le
14 gouvernement ou le pouvoir et qui fait ce qu'il veut en proposant des
15 mesures qui lui plaisent, ça n'est pas acceptable.
16 Q. Très bien. Mais en partant du principe qu'ils espéraient que ces
17 mesures seraient votées à la réunion, je vous demande si la nature de ces
18 mesures était simplement destinées à protéger la population ou si elles
19 consistaient à attaquer qui que ce soit.
20 R. Il est facile de mettre les choses par écrit, mais dans la pratique, la
21 réalité est différente. Par exemple, si vous placez des gardes sur les
22 voies d'accès à un village serbe, ceci implique que vous devez armer ces
23 gardes, même s'il ne s'agit que de leur donner des fusils de chasse. Mais
24 comment est-ce que vous pouvez être sûr que le groupe de gardes, qui est
25 debout là, va agir de façon défensive et non offensive et qu'il ne va pas
26 commettre un crime ? Comment est-ce que vous pouvez contrôler ce genre de
27 situation ? Un document très important est absent dans la détermination de
28 la politique serbe, un document émanant de l'assemblée. C'est l'assemblée
Page 14338
1 qui aurait dû voter un document relatif aux comportements, aux
2 responsabilités et aux pouvoirs des municipalités serbes, puisque ces
3 municipalités étaient censées être responsables devant l'Assemblée du
4 peuple serbe. C'est cette lacune qui est créée par l'absence d'un tel
5 document qui a malheureusement été comblée par la rédaction de ce document.
6 Q. Je vous remercie. Convenez-vous que les auteurs de ce document l'ont
7 rédigé dans le respect de la Loi sur la Défense populaire généralisée et
8 sur la protection civile ?
9 R. Non.
10 Q. Vous ne connaissez pas la loi, n'est-ce pas ?
11 R. Je la connais un peu. Selon cette loi, le président d'une municipalité
12 ou le personnel de la Défense territoriale et de la protection civile sont
13 placés sous le commandement du président de la municipalité et ils ont le
14 droit de proposer quelque chose comme ce qu'on voit dans ce document, parce
15 que le président d'une municipalité est ex-officio commandant de la Défense
16 territoriale, et si qui que ce soit rédige un document de cette nature, il
17 aurait fallu que ce soit le président de la municipalité; personne d'autre
18 ne pouvait le faire.
19 Q. Convenez-vous que, jusqu'à ce jour-là, c'est-à-dire jusqu'au 19
20 décembre 1991, le SDA avait déjà dans toutes les municipalités, sauf en
21 Herzégovine occidentale, un personnel municipal faisant partie de la Ligue
22 patriotique, donc un état-major qui montait la garde, qui se divisait en
23 unité armée, et que le HDZ avait, lui aussi, ses propres unités armées et
24 ses cellules de Crise, et qu'ils créaient des cellules de Crise dans les
25 municipalités depuis bien longtemps, avant que nous n'ayons commencé à le
26 faire, et avant que Granic passe la frontière, en septembre 1991 ?
27 R. Je crois que c'est le cas mais, à Novo Sarajevo, pour autant que je le
28 sache, il n'existait pas de cellule de Crise. J'ai entendu parler de la
Page 14339
1 Ligue patriotique et des Bérets verts, mais je n'ai pas eu connaissance de
2 leur existence avant le 5 avril, date à laquelle ils ont attaqué un poste
3 de police à Sarajevo. C'est vraiment la première fois que j'ai appris qu'il
4 existait une unité paramilitaire qui s'appelait les Bérets verts.
5 Q. Dans votre municipalité de Novo Sarajevo, est-ce que le 5 avril, les
6 Bérets verts ont attaqué le poste de police et tué un policier répondant au
7 nom de Neso Petrovic [phon] ?
8 R. Selon les propos tenus par les policiers serbes qui ont pris la fuite,
9 ils ont attaqué le poste de police de Hrasno situé non loin de la mosquée.
10 Un policier était de service, il s'appelait Petrovic. Il était originaire
11 de Mesic, non loin de Rogatica, et il a été tué, et cette nuit-là, les
12 policiers serbes se sont enfuis du poste de police pour arriver à Vrace, où
13 ils se sont regroupés dans la maison de la culture, et ils y ont établi un
14 nouveau poste de police.
15 Q. Avant que la ligne de front ne soit créée à Grbavica et avant l'arrivée
16 de nos forces à Grbavica, c'est-à-dire avant le 15 mai, est-ce qu'il y a eu
17 des déplacements de population importants d'une rive à l'autre ?
18 R. Oui, pendant tout le mois d'avril, les gens ont continué à aller
19 travailler sur l'autre rive, et même plus tard ils l'ont encore fait,
20 nonobstant le conflit militaire qui avait éclaté au sujet de cet incident
21 du poste de police à Vrace. La guerre ne s'est pas diffusée facilement à
22 Sarajevo. Les gens n'acceptaient pas la guerre. Les Serbes voulaient
23 continuer à travailler ils l'ont fait pendant tout le mois d'avril. Le
24 président du Conseil exécutif Zarko Djurovic est aussi allé au travail
25 aussi longtemps qu'il a pu le faire physiquement, et les gens continuaient
26 donc à passer d'une rive à l'autre, jusqu'au mois -- ils ont continué à le
27 faire jusqu'au mois de juin.
28 Q. En dehors de ce jour où une personne a expulsé un certain nombre de
Page 14340
1 Musulmans, est-ce qu'il y a eu des échanges organisés de population pendant
2 la guerre à partir de Grbavica en direction de la ville et à partir de la
3 ville en direction de Grbavica ?
4 R. Il existait une commission chargée des échanges au niveau de la
5 république, elle était présidée par un certain Bulajic, je n'avais rien à
6 voir avec cette commission. Ça c'est le premier point. Puis, deuxième
7 point, il y a eu des échanges de population qui ont été organisés par des
8 gens qui ne respectaient pas la loi dans les deux groupes ethniques, dans
9 les deux camps, qui n'étaient pas encore en conflit ouvert, donc ces
10 groupes passaient facilement du camp musulman au camp serbe. Il y a eu des
11 échanges de population. Certaines personnes ont essayé de tirer profit
12 monétaire de ces déplacements de population, en organisant des échanges de
13 biens immobiliers, par exemple. Donc ces questions auraient dû être
14 traitées par la commission mise en place au niveau gouvernemental pour
15 s'occuper de ce type d'échange.
16 Q. Il y a quelque chose qui ne figure pas au compte rendu d'audience en
17 anglais et ce sont les mots : "A leur propre demande."
18 Est-il vrai que les gens qui n'ont pas fait l'objet d'échanges organisés
19 officiellement ont versé de l'argent à ces groupes pour que les groupes en
20 question les aident à franchir la rivière ?
21 R. J'ai entendu parler de cela. Je ne l'ai pas vu de mes yeux, mais j'ai
22 entendu des rumeurs qui circulaient quant au fait que certaines personnes
23 pouvaient être payées pour organiser le passage d'un camp dans l'autre.
24 Vous payez des gens dans ces conditions mais ces gens-là ne sont pas
25 véritablement des grands défenseurs de la loi.
26 Q. Les commissions régulières qui avaient des listes établies entre deux
27 échanges; est-ce qu'elles se servaient de ces listes pour organiser les
28 échanges ?
Page 14341
1 R. Je ne sais pas comment les choses se passaient. Les gens s'adressaient
2 à cette commission chargée des échanges, commissions officielles. Mais tout
3 cela n'avait rien à voir avec moi.
4 Q. Puis les départs se faisaient par autobus, il y avait donc
5 franchissement du pont de la Fraternité et de l'Unité dans les deux
6 directions par des autobus ?
7 R. Je vous l'ai déjà dit, je ne sais pas ce que faisait cette commission
8 ou dans quelle condition elle a organisé le transport des gens, comment
9 elle a établi les listes, quels étaient les critères qu'elle appliquait
10 mais, en tout cas, la commission était responsable devant le gouvernement.
11 C'était une question qui relevait du gouvernement.
12 Q. Ma question était la suivante : Est-il vrai que les gens demandaient à
13 ce que leurs noms figurent sur ces listes et qu'ils cherchaient même à
14 utiliser leurs connaissances pour que leurs noms figurent sur ces listes,
15 ou bien étaient-ils forcés de voir leurs noms apparaître sur la liste ?
16 R. Toutes sortes de choses ont eu lieu. Certaines personnes souhaitaient
17 partir, d'autres personnes souhaitaient rester, certaines personnes ont été
18 chassées de leurs domiciles, d'autres avaient peur et souhaitaient partir,
19 certains souhaitaient rejoindre des membres de leurs familles ailleurs. Il
20 y avait toutes sortes de motivations et de raisons qui poussaient les gens
21 à vouloir passer d'une rive à l'autre. Certaines personnes craignaient pour
22 leurs vies.
23 Q. Un témoin protégé a dit ici que son père avait vu son nom apparaître
24 sur la liste dans la partie de Sarajevo dépendant de la Fédération, et que
25 quand ils sont venus le chercher, il a refusé de partir.
26 Est-il vrai que, jusqu'à la fin de la guerre, un certain nombre de
27 Musulmans et de Croates sont restés à Grbavica, et ne souhaitaient partie ?
28 R. En effet. Ils étaient dans une situation difficile au cours du deuxième
Page 14342
1 semestre de 1992 et la situation a continué à se dégrader pendant toute la
2 guerre, mais en dépit de cela, un grand nombre de Musulmans et de Croates
3 sont restés à Grbavica pendant toute la guerre et voulaient continuer à y
4 vivre.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous allons siéger
6 jusqu'à 14 heures, jusqu'à 15 heures 45 aujourd'hui. Donc il est l'heure de
7 faire la première pause de 20 minutes.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 21.
9 --- L'audience est reprise à 10 heures 44.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous pouvez
11 poursuivre.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
13 M. KARADZIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur Neskovic, M. Tieger, en page 7 du compte rendu d'audience
15 d'hier, vous a demandé si les membres du Comité exécutif assistaient aux
16 séances des Conseils municipaux pour faire passer la politique sur le
17 terrain. Vous avez dit que c'était l'inverse, que c'était les demandes
18 venant du terrain qui étaient transmises, et vous avez dit : Ignorer si les
19 membres de l'Assemblée municipale participaient à ce genre d'action.
20 Alors je vous demande si vous savez si les membres des conseils étaient
21 élus dans leur circonscription, et s'ils avaient devoir une fois élus
22 d'assister aux réunions et de transmettre les opinions venant de leur zone
23 aux membres du Conseil exécutif ?
24 R. Selon les statuts, 70 % des membres du Conseil exécutif devaient être
25 élus au sein d'unité administrative électorale de circonscription.
26 Q. Je vous remercie. J'aimerais maintenant vous demander, puisque vous
27 faisiez partie des niveaux les plus élevés du Parti démocratique serbe,
28 étant membre du Conseil exécutif, j'aimerais vous demander si nous avons
Page 14343
1 jamais recouru à l'utilisation de mots codés dans nos conversations; est-ce
2 que nous avons utilisé des noms de code, par exemple, Linden, aigle, et
3 cetera ?
4 R. Vous parlez des communications au sein du Conseil exécutif et au sein
5 du Conseil -- du Comité exécutif et du Conseil principal ? Non.
6 Q. Je vous remercie. Mon ami, M. Tieger, est très habile dans la façon
7 dont il formule ses questions, beaucoup plus que moi d'ailleurs, mais il
8 vous a demandé une, il vous a posé une question à double composante, en
9 page 9 du compte rendu d'hier. Je vais vous en donner lecture. Voici la
10 deuxième partie de la question, je cite :
11 "Bien que vous sembliez dater le début de cette situation en faisant
12 référence à l'époque où il existait encore un gouvernement conjoint, je
13 voudrais vous demander combien de temps ceci a été le cas, à savoir est-ce
14 que c'était le cas pendant la guerre ?"
15 A la première partie de la question, vous aviez répondu par l'affirmative,
16 vous avez dit :
17 "Que mon autorité s'était appliquée pendant la guerre."
18 Finalement, vous avez déclaré, dans votre déposition, que :
19 "M. Karadzic était l'autorité incontestée au sein du Parti du SDS, et
20 que lui-même ainsi que M. Krajisnik représentaient l'autorité suprême au
21 sein du Mouvement serbe dont la politique était mise en œuvre par le
22 truchement des députés, des ministres, des responsables du MUP, des membres
23 du gouvernement, que ce soit au sein du gouvernement conjoint ou au sein du
24 gouvernement de la Republika Srpska."
25 Alors je vais vous poser la question suivante : Vous connaissez très bien
26 ma position, celle que j'ai toujours soulignée, à savoir qu'il existe une
27 différence entre nous et les communistes. Nous ne prenons pas de décision,
28 nous trouvons des solutions. Est-ce que j'ai appliqué la politique qui
Page 14344
1 correspondait à mes souhaits, et est-ce que j'ai ordonné que cette
2 politique soit appliquée sur le terrain par l'action des députés ou est-ce
3 que nous avons trouvé des solutions qui ont été appliquées par la suite ?
4 R. Cela dépend de la politique particulière dont on parle. Dans une
5 certaine politique, tel que, par exemple, la vie au sein du parti, ou la
6 définition de la politique du SDS, et l'exécution des demandes venant du
7 terrain ou le fait donc de prendre en compte les opinions exprimées par la
8 base, il y avait une démocratie absolue qui régnait depuis la base jusqu'au
9 sommet de la hiérarchie du parti. Donc s'agissant de la vie au sein du
10 parti, la démocratie régnait.
11 Mais il y avait certaines questions que vous traitiez dans une hiérarchie
12 parallèle, dirais-je, comme par exemple, la politique des cadres, et ça, je
13 ne parlerais pas de processus démocratique s'agissant de la façon dont se
14 menait cette politique des cadres. Un parti l'emportait parce que toute la
15 politique personnelle se déterminait en dehors du parti. Des gens étaient
16 choisis sur décision venant de vous, sur proposition de Dukic, et ils
17 étaient responsables devant vous. Donc, moi, je répondrais de façon
18 différente selon le type de politique dont nous parlons : définir la
19 politique du SDS, le travail du SDS à l'intérieur du parti, cela se faisait
20 effectivement d'une façon démocratique conformément au statut.
21 Maintenant, cette action parallèle qui était la vôtre lorsque vous
22 agissiez en dehors du Conseil exécutif, en dehors du Conseil principal,
23 sans consulter ses membres, c'était une action que vous aviez vis-à-vis
24 d'autres types de politique, comme par exemple, la politique du personnel,
25 et les rapports avec les pouvoirs exécutifs ou les responsables de ce
26 pouvoir exécutif. Là, je ne dirais pas que les choses se faisaient
27 démocratiquement parce que les organes du SDS ne participaient pas à ces
28 questions, et d'une certaine façon, ces organes du SDS étaient contournés,
Page 14345
1 voire trahis.
2 Q. Conviendrez-vous qu'au sein du Club des députés et de l'Assemblée, j'ai
3 dû me battre pour défendre mes positions, et j'ai souvent dû modifier mes
4 positions de départ pour accepter les exigences d'autres personnes ?
5 R. Si vous deviez vous battre pour défendre vos positions au sein du
6 parti, vous le faisiez parce que vous étiez entouré de gens qui avaient une
7 liberté de pensée et qui agissaient dans un comportement démocratique.
8 Parfois le Conseil exécutif prenait une décision que vous n'appréciez pas,
9 et dans ce cas-là, vous vous fâchiez, mais vous finissiez par l'accepter.
10 Donc ma réponse est oui, s'agissant de ces questions-là. Mais si nous
11 parlons d'autres questions que vous ne souhaitiez même pas soumettre au
12 Conseil exécutif ou au Conseil supérieur, dans ce cas-là, le Conseil
13 exécutif n'avait pas la possibilité d'en discuter. Vous agissiez en dehors
14 du SDS avec un petit groupe de personnes selon les modalités que je ne
15 connais pas, et vous déterminiez les rapports entre le SDS et le
16 gouvernement dans le cadre de la politique du personnel, en dehors des
17 instances dirigeantes du SDS.
18 Q. Vous étiez membre de la Commission chargée du Personnel. Le président
19 de cette commission était le président du Conseil exécutif, M. Dukic,
20 n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Conviendrez-vous que notre position consistait à dire qu'au ministère
23 de l'Intérieur, par exemple, le parti ne devait pas intervenir sur les
24 questions de personnel ? Les Serbes, qui étaient nommés à ces postes,
25 devaient défendre les intérêts du peuple serbe alors que le parti devait
26 rester en dehors de tout cela. Est-ce que vous avez une objection par
27 rapport à cette position ?
28 R. Non. Ce n'est pas exactement cela, parce que le parti est responsable
Page 14346
1 de la façon complète de diriger par les élus. Le parti a une responsabilité
2 historique très importante vis-à-vis de l'action que mènent les gens qui
3 n'ont jamais été élus ou nommés. Donc le parti a le droit de nommer des
4 personnes au MUP, comme d'autres le faisaient, mais votre position et la
5 position de Dukic n'étaient pas la même. Vous proposiez que les Serbes
6 soient nommés au MUP, alors qu'ils n'avaient rien à voir avec la population
7 serbe, sauf pour Mico Stanisic, qui a fini par devenir chef du MUP à
8 Sarajevo. Zepinic, Mandic et d'autres, que vous-même et Dukic avez mis en
9 place, n'avaient rien à voir avez le peuple serbe.
10 Q. Mais ces nominations se sont faites par le biais de la Commission
11 chargée du Personnel, n'est-ce pas ?
12 R. Non. J'étais membre de la Commission chargée du Personnel. On
13 l'appelait Commission chargée du Personnel et des Questions d'organisation.
14 Elle n'a jamais nommé qui que ce soit à des postes de hautes
15 responsabilités ou de responsabilités inférieures. Son action -- le bilan
16 de son action est égal à zéro : pas une seule nomination n'a été discutée
17 par cette commission. Elle n'avait rien à dire et n'a d'ailleurs jamais été
18 sollicitée pour donner son point de vue. Elle n'a jamais été interrogée sur
19 quoi que ce soit.
20 Q. Je vous remercie. Nous trouverons des procès verbaux des réunions des
21 cette commission. Vous rappelez-vous que Dukic, qui était habilité à
22 négocier le partage du pouvoir avec le SDA et l'union démocratique croate,
23 était un homme respecté ? Nous lui avons confié ces négociations parce que
24 nous avions confiance en lui.
25 R. Non. Il n'était pas habilité à agir dans ce domaine. Il a été chargé de
26 vous aider et, vous, en tant que président du parti, vous étiez le
27 véritable interlocuteur d'Izetbegovic et de Kljujic. Dukic était chargé par
28 le parti de vous aider à accomplir cette tâche. Maintenant, le fait que son
Page 14347
1 rôle soit passé d'assistant à preneur de décision sur les questions de
2 personnel, ça, c'est une autre question.
3 Q. Je vous remercie.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions brièvement
5 sur la pièce P2568, page 6 dans le prétoire électronique, qui concerne la
6 présidence de Guerre de Novo Sarajevo.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Est-il exact qu'au sein de la municipalité de Novo Sarajevo, vous avez
9 refusé d'appliquer le système de présidence de guerre en déclarant que vous
10 n'aviez pas besoin d'un commissaire, parce que vous étiez capable de tenir
11 des réunions de l'Assemblée municipale aux -- de l'Assemblée municipale
12 sans autre intervention.
13 R. Exact.
14 Q. Est-ce qui que ce soit vous a contraint à appliquer une présidence de
15 guerre, ou est-ce que ces instances n'étaient envisagées comme devant
16 exister que si l'assemblée était empêchée de se réunir ?
17 R. Ces instances existaient, mais elles étaient au nombre de trois, ce qui
18 créait une certaine confusion. Les commissions, les présidences, les
19 assemblées, tout cela, ça devenait très confus.
20 Q. Je cite :
21 "A l'époque où vous êtes devenu membre de la commission de guerre pour la
22 municipalité serbe de Novo Sarajevo…" Fin de citation.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Affichage de la page suivante, je vous prie.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Suite de la citation :
26 "…en juillet 1992 et en particulier le 21 juillet 1992." Fin de citation.
27 Vous répondez, je cite :
28 "Oui, même si aujourd'hui -- enfin, jusqu'à aujourd'hui, je n'ai pas très
Page 14348
1 bien compris de quoi s'occupait cette Commission de Guerre. Quel était
2 l'objet de cette Commission de Guerre ? Quel était son travail ? Qu'est-ce
3 qu'elle était censée faire ?" Fin de citation.
4 Un peu plus loin, vous dites, je cite :
5 "Jusqu'au jour d'aujourd'hui, honnêtement, je ne sais pas vraiment de quoi
6 s'occupait exactement ce genre de commission, car à l'époque déjà, et à
7 Grbavica, en particulier, dans la municipalité de Novo Sarajevo,
8 l'Assemblée municipale et le Comité exécutif de la municipalité avaient
9 déjà été créés." Fin de citation.
10 Donc, vous avez reformulé votre pensée, parce que le gouvernement municipal
11 était capable de fonctionner normalement et donc, vous n'aviez pas besoin
12 d'appliquer des mesures d'urgence comme la création d'une Commission ou
13 d'une présidence de Guerre, n'est-ce pas ?
14 R. Oui. C'était inutile. Je vous ai dit que nous avons mis en place
15 l'Assemblée en juin des élus du Conseil exécutif --
16 L'INTERPRÈTE : -- les membres du Conseil exécutif, correction de
17 l'interprète, ont été élus --
18 LE TÉMOIN : [interprétation] -- de même que le président de la municipalité
19 et par la suite, il était inutile de mettre en place une Commission de
20 Guerre.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. S'agissant de la période précédente, vous avez dit, dans votre
23 déclaration écrite et dans le début de votre audition, que les -- qu'un
24 certain nombre d'institutions étaient absentes et que ceci créait une
25 situation très grave, plongeant certaines régions dans un chaos complet,
26 parce qu'il n'y avait pas suffisamment de représentants au sein du
27 gouvernement et qu'il n'y avait pas de gouvernement à Grbavica.
28 R. En effet. J'ai parlé du gouvernement comme d'un groupe introverti, peu
Page 14349
1 nombreux, qui a transféré le fardeau de la guerre sur les municipalités et
2 ne s'est plus occupé de rien. C'est la raison pour laquelle les dirigeants
3 municipaux ont eu la vie si dure. Ils n'avaient pas de moyens, ils
4 n'avaient aucune aide, ils n'avaient pas de financement. Ils faisaient face
5 à des problèmes gigantesques et il y avait très peu d'aide venant du
6 gouvernement, voire aucune aide du tout.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions maintenant
8 sur le document 1D3487, grâce au prétoire électronique. Page 40 en serbe,
9 37 en anglais. Il s'agit de la page 40 en serbe et page 37 en anglais,
10 comme je le disais.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Vous mentionnez ici -- il semble, en fait, que nous ayons la version
13 anglaise des deux côtés de l'écran.
14 Vous mentionnez que la situation était plutôt difficile à gérer et Karadzic
15 dit qu'au sein de la cellule de Crise, vous avez également les forces de la
16 police, de l'armée et vous avez le président de la municipalité, le Comité
17 exécutif, la Croix-Rouge, et cetera, et cetera, et vous avez également les
18 députés de ces municipalités ainsi que les membres du Conseil supérieur du
19 SDS. Je ne pense pas qu'il y avait des comités locaux et qu'il s'agissait
20 d'une présidence de Guerre. En fait, nous avons donné lecture d'un ordre,
21 Sarovic et moi-même. Sarovic avait un rôle là-bas et il nous a conseillé de
22 ne pas accepter tout cela, parce que cela signifierait que Sarovic et moi-
23 même, nous serions les responsables des états-majors et que nous serions,
24 par conséquent, les commandants d'une armée. Nous n'étions pas capable
25 d'assurer le commandement d'une armée et encore moins de prendre le
26 commandement de la police et de l'armée. Donc, il a dit que nous devions
27 éviter cela par tout moyen possible, mais également d'une manière aussi
28 élégante que possible en présentant des arguments qui iraient dans ce sens,
Page 14350
1 et vous avez rejeté cela, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer à la page
4 suivante, autant en serbe qu'en anglais ?
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Vous avez dit que vous ne pouviez pas exercer de contrôle si vous aviez
7 une assemblée, une municipalité, c'est-à-dire qu'en fait, vous aviez quand
8 même le contrôle sur une assemblée qui était composée de 30 à 40 personnes.
9 C'était la raison.
10 Maintenant, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que,
11 dans de nombreuses municipalités, ils n'arrivaient pas à établir
12 d'Assemblée municipale ou de Comité exécutif jusqu'au mois de juin et
13 qu'ils avaient de quelqu'un -- besoin de quelqu'un qui devait se rendre sur
14 place ?
15 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vraiment prononcer à ce sujet. J'avais
16 peu d'informations durant la guerre à Sarajevo, et je ne savais pas
17 exactement ce qui se passait durant les mois d'avril et de mai en 1992. Je
18 ne savais pas ce qui se passait hors de Novo Sarajevo dans les autres
19 municipalités, je n'avais pas d'information à ce sujet.
20 Q. Merci.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant afficher la
22 page 46 en serbe, et 43 en anglais.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. La question est la suivante :
25 "A partir d'août 1992 jusqu'à la fin de la guerre, vous avez occupé quelle
26 position ?"
27 Vous répondez :
28 "Aucune. A compter du 5 juin je n'avais aucun poste officiel au niveau
Page 14351
1 politique. Il s'agissait d'un vote à butin secret, démocratique. J'ai perdu
2 les élections et c'est Branko Radan qui les a gagnées car il a obtenu la
3 majorité des voix et il est devenu président du Comité exécutif."
4 Ensuite un peu plus bas, vous expliquez :
5 "Cela s'est passé jusqu'à mai 1993, c'est-à-dire que j'étais en poste de
6 juin 1992 jusqu'en mai 1993 et j'ai ensuite été remplacé par un autre
7 dirigeant à l'époque. Je ne sais pas pourquoi, j'étais énervé et j'ai donc
8 quitté Sarajevo," et cetera, et cetera.
9 Donc c'est ainsi que ce sont déroulés les événements dans votre
10 municipalité, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, la situation s'est détériorée. Nous avons organisé des élections
12 démocratiques. Je me suis présenté pour être président du Comité exécutif
13 de la municipalité locale. J'ai perdu et c'est un autre candidat qui a
14 gagné, nous avons donc changé de poste, et j'étais responsable de la
15 reconstruction de maisons endommagées ainsi que de la réhabilitation des
16 conduites d'eau et d'électricité. Et j'ai donc fait de mon mieux dans ce
17 domaine. Je suis allé à Belgrade pour obtenir un financement pour rétablir
18 les réseaux, il y avait également des valves qui devaient être remplacées.
19 Lorsque je suis revenu à Grbavica, j'ai été étonné parce que tout le monde
20 a fait preuve d'un manque de respect patent. Mais ils m'ont dit que
21 quelqu'un m'avait remplacé à mon poste. Il y avait un autre président en
22 1993, et je pense que c'est cet homme qui a été tué, Budo Obradovic. Ils
23 m'ont dit : "Vous avez été remplacé de votre poste parce que vous n'êtes
24 pas allé travailler pendant trois jours, et compte tenu du droit du
25 travail, vous ne vous êtes pas présenté à votre travail pendant plus de
26 trois jours et par conséquent vous perdez votre poste."
27 C'était absolument incroyable parce qu'ils savaient très bien où
28 j'étais allé, et je leur ai demandé si quelqu'un d'autre avait été nommé
Page 14352
1 pour me remplacer, ils ont répondu : "Oui, il s'agit de Slavko Tosovic.
2 J'ai bien compris que tout ceci était intentionnel. Ils avaient fait exprès
3 de me remplacer et utilisant le prétexte que la situation en matière de
4 sécurité en ce qui me concernait était difficile. Puis, pour des raisons
5 économiques et pour en fait sauver ma peau, j'ai décidé d'emmener femme et
6 enfant et de partir en direction de Teslic, et de Teslic, je suis allé à
7 Banja Luka, et je ne suis pas reparti de là. Il s'agissait donc du mois
8 d'avril 1993.
9 Q. Merci. Il s'agissait d'un poste très bien payé que vous occupiez, donc
10 ils vous ont remplacé ?
11 R. Je ne sais pas. Je pense qu'il y avait des pressions et il y avait des
12 groupes qui se formaient, et je ne faisais pas partie de ces groupes de
13 pression, ni de ces groupes d'intérêt qui étaient liés au monde des
14 affaires.
15 Q. Merci.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer à la page 48 en
17 serbe, et 45 en anglais.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Là, vous nous expliquez quels sont les contacts que vous avez, la
20 fréquence des contacts avec le président Karadzic.
21 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Vous dites que vous l'avez rencontré à cinq reprises avant 1993, et
24 qu'après 1993, vous avez eu de nombreux contacts, des contacts fréquents.
25 Quand on vous demande pourquoi vous rencontriez Karadzic souvent, - est-ce
26 que l'on peut passer à la page suivante en serbe - on vous demande quels
27 étaient les motifs de ces réunions. En bas de cette page en anglais, on
28 peut voir -- on vous demande :
Page 14353
1 "Environ cinq fois. Durant toute la guerre ?
2 Réponse :
3 "Eh bien, en 1993, j'étais en contact avec lui fréquemment."
4 Question :
5 "Pour quelle raison ?"
6 Réponse :
7 "Eh bien, par exemple, en 1992, lorsque le SDS a été réactivé en février,
8 je suis redevenu membre du Conseil supérieur et des Comités exécutifs."
9 Est-ce exact ?
10 R. Le nouveau parti n'était plus uniquement le parti de la Bosnie-
11 Herzégovine mais un parti de toutes les terres serbes, et le Conseil
12 supérieur n'était pas composé de membres élus. Le président était Jovo
13 Mijatovic, et j'étais responsable des activités sur le terrain, que j'ai
14 décrites précédemment.
15 Q. Merci. Donc au niveau du siège du SDS ils ne partageaient pas
16 l'attitude que vous aviez observée au sein de la municipalité de Novo
17 Sarajevo, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Merci.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, compte tenu du fait que je n'ai pas
21 suffisamment de temps, je souhaiterais verser ce document 1D3487, qui est
22 un entretien avec la Défense et M. Neskovic, et M. Neskovic a confirmé ses
23 positions, celles qui ont été présentées durant cet entretien. Par
24 conséquent, je souhaiterais verser ce document au dossier, s'il vous plaît.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
26 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection. Dans d'autres cas de
27 figure, pour d'autres raisons, il y aurait des objections à ce sujet. Mais
28 ce document a en fait été mentionné à plusieurs reprises et, par
Page 14354
1 conséquent, des préoccupations, que j'aurais pu mentionner dans d'autres
2 cas, ne nous permettent pas d'avoir une objection au versement au dossier
3 de ce document.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous acceptons le versement
6 de ce document au dossier.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce D1278.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant consulter
9 la page 50 de ce document, et c'est les pages 46 et 47 en anglais ?
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Durant votre mandat au sein du SDS, nous avions une relation dynamique.
12 Il y avait beaucoup de désaccords, de dissension, mais également des
13 accords. Mais vous avez quitté le SDS qu'en 1997, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, effectivement, en 1997.
15 Q. On peut voir ici dans cet entretien, votre réponse était :
16 "Non, ce n'est pas important pour moi. C'est la raison pour laquelle j'ai
17 quitté le SDS en 1997, parce que je n'étais pas d'accord avec ce qu'il
18 avait fait en 1996."
19 Qu'entendiez-vous par là ? Que s'est-il passé en 1996 qui vous a laissé
20 penser que le SDS était plus ce qu'il était ?
21 R. Lors de l'Assemblée électorale de 1996, j'avais cru comprendre que la
22 base démocratique s'effilochait, si l'on peut dire, et je n'étais plus
23 d'accord avec les politiques en matière de personnel. A l'époque, vous
24 vouliez abolir le Comité exécutif et établir une présidence qui allait
25 régionaliser le parti, et j'étais opposé à cela, et Miladin Bosic, par
26 exemple, avait été proposé comme candidat à la présidence même s'il
27 s'agissait de personne qui n'avait jamais travaillé au sein du SDS. Puis
28 vous avez fait usage de votre autorité et vous avez incorporé Marko Pavic,
Page 14355
1 de Prijedor, au sein du SDS, et il est devenu député du Conseil supérieur,
2 c'était un député, même si jusque-là, il n'était pas membre du SDS. Puis
3 vous avez également Goran Popovic, et puis vous avez -- on pouvait voir
4 cette tendance, comme vous l'avez -- vous aviez insisté dès 1990, des
5 postes devaient être occupés par des personnes qui étaient nommées par vous
6 même s'ils n'avaient rien à voir avec le SDS auparavant, sauf qu'à ce
7 moment-là, c'était vraiment pour les plus hauts postes du SDS que vous
8 vouliez exercer ce pouvoir de choisir et de nommer les personnes qui
9 étaient ensuite donc qui avaient des fonctions régulières démocratiques au
10 sein du SDS. Vous avez, en fait, des mesures de procédure appropriées,
11 c'est-à-dire les Conseils municipaux, les Conseils locaux, et M. Bosic est
12 devenu donc membre de la présidence en 1996, et il est maintenant le
13 président du SDS d'ailleurs.
14 Puis j'étais également en désaccord avec vous concernant les contacts
15 la Communauté internationale et les accords de Dayton. Nous pensions que
16 ceci ne pouvait pas vraiment s'appliquer, on ne considérait pas que ceci
17 était vraiment très sérieux même si on l'a signé. J'ai peut-être tort, mais
18 j'ai l'impression que la source démocratique d'origine s'était tarie au
19 sein du SDS. Ma principale objection était la régionalisation du parti avec
20 la nomination d'une présidence -- plutôt, qu'un Comité exécutif, et j'ai
21 considéré, de cette manière, que le parti serait régionalisé et que vous
22 auriez en fait des princes régionaux, et que le parti allait se
23 désintégrer. Il ne s'agissait pas d'une bonne politique et que cela
24 n'émanait pas de la vision organisationnelle qui avait été celle de 1991.
25 Je considérais que le parti allait commencer à se désintégrer par le biais
26 d'une mauvaise organisation et par le biais également de mauvaise politique
27 en matière de personnel.
28 Donc je me suis tu, puisque c'étaient mes réflexions, et en 1997,
Page 14356
1 j'ai décidé de quitter le parti.
2 Q. Merci. Etes-vous d'accord pour dire qu'à l'époque, je me préparais déjà
3 à me retirer parce que j'avais promis qu'après l'assemblée, c'est-à-dire
4 après la fin du mois de juin, j'allais quitter le parti, et qu'avec Pavic,
5 et avec les factions plus à gauche, nous devons pourrions renforcer le SDS.
6 Beaucoup de dissidents étaient contre cela, depuis de nombreuses années,
7 donc est-ce que c'est ce que vous me reprochiez, à savoir que j'avais nommé
8 ou j'avais encouragé la nomination de personnes à tendance plus gauchiste ?
9 R. La base de ma critique c'était en fait que vous aviez contourné les
10 procédures démocratiques, et vous ne pouvez pas devenir membre d'une
11 présidence sans passer par une procédure démocratique. Maintenant, si les
12 mouvances de gauche voulaient agir de manière démocratique, elles pouvaient
13 également créer un parti qui était de gauche. Qu'est-ce que cela avait à
14 voir avec le Parti serbe démocratique ?
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, le moment est venu
16 pour vous de mettre un terme à votre contre-interrogatoire.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Alors je vais poser une dernière
18 question, et je crois qu'on la trouve -- ou on trouve son contexte à la
19 page 47 en anglais.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Vous dites :
22 "Oui, je sais, en 1996, ça n'avait rien à voir avec cela, mais il y a
23 beaucoup d'événements que je n'ai pas pu expliquer, et je n'ai jamais
24 compris qu'il n'avait pas été permis aux responsables du SDS de participer
25 au gouvernement qui avait gagné les élections."
26 Donc c'était l'attitude que vous aviez, de manière générale, puisque
27 je voulais en fait élargir la base du SDS.
28 R. Non, si l'on élargissait la base du parti, ça devenait un mouvement
Page 14357
1 populaire et ce n'était plus un parti politique. Donc je ne suis pas
2 d'accord, ma réponse est négative.
3 Mais si j'ai bien compris votre question, est-ce qu'on vous reprochait cela
4 ? La réponse est oui, on vous critiquait, on vous reprochait cela à compter
5 de 1996 -- de 1990 à 1996, la grande majorité des membres vous ont reproché
6 cela jusqu'à ce que vous vous retiriez. Vous avez continué à protéger les
7 cadres de la Ligue des Communistes et, en 1996, vous avez commencé à les
8 nommer au plus haut niveau de la gestion du parti du SDS.
9 Q. Merci, Monsieur Neskovic. Je suis désolé que nous n'ayons pas eu plus
10 de temps pour aborder ces questions, et que n'ayons pas pu vous rencontrer
11 avant votre déposition. Peut-être que nous devrons en fait revenir sur
12 certaines questions et certaines réponses plus tard. Mais quoi qu'il en
13 soit, je vous remercie beaucoup.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
15 M. TIEGER : [interprétation] Merci.
16 Nouvel interrogatoire par M. Tieger :
17 Q. [interprétation] Monsieur Neskovic, à la page 30, je crois de votre
18 déclaration que vous avez faite à la Défense, l'équipe de la Défense de M.
19 Karadzic, vous avez mentionné que vous aviez consulté le compte rendu d'une
20 réunion de la cellule de Crise de Novo Sarajevo, en décembre 1991. Dans ce
21 document, vous -- et vous dites en fait que ce document n'est pas
22 authentique, qu'il est monté de toutes pièces, et que rien n'est exact dans
23 ce document. Alors je ne sais pas si c'est un problème de traduction, mais
24 je voulais me repencher sur le compte rendu de cette réunion, qui a été
25 abordée durant votre déposition dans l'affaire Krajisnik. Ce document, donc
26 le procès-verbal, le compte rendu de cette réunion de la cellule de Crise
27 porte la cote P2575.
28 Ce document porte la date du 23 décembre 1991. Il s'agit donc du procès-
Page 14358
1 verbal de cette réunion quelques jours après la diffusion des variantes A
2 et B du document par M. Karadzic. Le document fait référence à des
3 documents reçus par le Conseil supérieur du SDS de Bosnie-Herzégovine,
4 immédiatement après cela, comme on peut le voir, on mentionne 11 points.
5 Dans la déposition dans l'affaire Krajisnik, vous avez confirmé qu'il
6 s'agissait exactement des 11 points mentionnés dans les variantes A et B du
7 document, et ce que l'on peut voir dans la pièce P2575 corresponde aux
8 points qui figurent dans les documents, dans les variantes A et B. Par
9 exemple, si on prend le point 2, dans les documents, les variantes A et
10 variante B, et même variante A fait référence à secrétariat municipal, et
11 on voit dans ce document que cela figure également dans ce document, et
12 puis le point 3, fait référence aux cellules de Crise, donc vous avez
13 également les mêmes noms qui sont repris dans ces deux documents.
14 Par conséquent, Monsieur Neskovic, est-ce exact de dire que, lorsque vous
15 avez examiné ces documents dans l'affaire Krajisnik, vous n'avez pas dit
16 que ce procès-verbal avait été monté de toutes pièces. Vous avez simplement
17 dit qu'il y avait des éléments qui manquaient dans ce procès-verbal, et
18 dans un autre document que vous avez, vous précisez, en disant que vous ne
19 pouviez pas voir qui était le commandant de la cellule de Crise. J'ai donc
20 invité vous-même et les autres participants à consulter les pages du compte
21 rendu d'audience allant de 16671 à 16672.
22 En bref, Monsieur Neskovic, c'est le commentaire que vous avez fait durant
23 votre déposition dans l'affaire Krajisnik, n'est-ce pas ? Oui, c'est à vous
24 que je m'adresse; est-ce exact ?
25 R. Je suis désolé si certains propos que j'aurais tenus ont été mal
26 compris, et je me dois de m'expliquer. Ce document n'est pas un faux. Il
27 s'agit d'un document de la cellule de Crise de Novo Sarajevo, et au vu de
28 son contenu, il parle de la variante A. La variante A est utilisée ici. Les
Page 14359
1 critiques et les commentaires que j'ai formulés consistent à dire qu'il n'y
2 avait pas de signature. On ne savait pas qui était le commandant de la
3 cellule de Crise, alors que d'après les a variantes A et B, ça aurait dû
4 être le président du Comité exécutif de la municipalité, à savoir Zarko
5 Djurovic.
6 Vous aviez, donc, Zarko Djurovic qui était président du Comité exécutif, et
7 vous avez Milivoj Prijic qui était le président de l'Assemblée municipale
8 du SDS. Même s'ils ont eu des altercations et qu'ils n'étaient pas toujours
9 d'accord l'un avec l'autre, ils avaient également des réserves quant à
10 l'application des variantes A et B, et par conséquent, une réunion a eu
11 lieu. Cette réunion a été appelée : Réunion de la cellule de Crise, et tout
12 est exact dans ce procès-verbal. Ce n'est donc pas un faux. Ce n'est pas
13 monté de toutes pièces.
14 Mais si vous regardez bien, les points 4 et 5 ne sont pas mentionnés.
15 Vous avez les points 1, 2, 3, 6, 7, 8, 9 et 11, alors que les points 4 et 5
16 étaient les points-clés des variantes A et B, puisque le point 4 portait
17 sur la formation de la cellule de Crise et le point 5 portait sur la
18 mobilisation des troupes sur la JNA, et sur la constitution, de différentes
19 instances d'autorité. Donc, les points 4 et 5 étaient peut-être les points
20 les plus importants et ils n'apparaissent pas sur ce document. Tous les
21 autres points sont abordés dans ce document, mais vous n'avez pas de
22 mention de la création d'une municipalité séparée de Novo Sarajevo avec des
23 instances distinctes.
24 Par conséquent, il s'agit d'un document qui est exact, mais ma
25 remarque, dans ma déposition dans l'affaire Krajisnik, était le dilemme que
26 j'ai rencontré, le problème. Je ne sais pas si Djurovic a participé à cette
27 réunion et je vois qu'il n'a pas signé, alors que ça devait être le
28 président. C'était donc mon problème. Je me demandais qui était le chef ou
Page 14360
1 le responsable de la cellule de Crise; sinon, je n'ai aucune objection à
2 faire vis-à-vis du document. C'est un document original, un document tout à
3 fait valable et c'est un document qui émane de Novo Sarajevo.
4 Q. Monsieur Neskovic, avant de passer à autre chose, très rapidement, est-
5 ce que vous pourriez préciser ? Vous essayez d'identifier, donc, le
6 commandant et le commandant en second. Vous avez déjà mentionné que,
7 d'après les variantes A et B de ces documents, le commandant devait être le
8 président du Comité exécutif ou le président de l'Assemblée municipale. Par
9 conséquent, je vous demande de -- de vous concentrer sur le point 3, où il
10 est mentionné -- il est mentionné : "Formiran Krisni Stab," et cetera, et
11 puis il dit : "odredjen komandant po funktija." Cela veut dire "en fonction
12 de la fonction".
13 R. Oui. En fait, de facto, compte tenu du rôle qu'il occupait, Zarko
14 Djurovic était également président du Comité exécutif, compte tenu de la
15 fonction qu'il avait.
16 Q. Merci. Je voudrais maintenant passer à autre chose. C'est un thème qui
17 a été abordé par le menu durant votre contre-interrogatoire et cela porte
18 sur le concept de régionalisation. Il semble que, durant les échanges que
19 vous avez eus avec M. Karadzic hier et durant les échanges que vous avez
20 eus lors d'un entretien avec l'équipe de la Défense, vous vous êtes
21 concentré plus particulièrement sur ce qui se passait à Banja Luka et sur
22 le fait qu'il y avait une tendance à la régionalisation - c'est à la page 8
23 de votre entretien - et vous avez avancé que des régions avaient été
24 constituées en raison de la guerre en Croatie et que d'autres régions
25 avaient emboîté le pas de la Krajina, tout du moins sur papier. C'est à la
26 page 14 de votre entretien et aux pages 14 255 et 14 256.
27 Tout d'abord, avant la guerre en Croatie, Monsieur Neskovic, est-ce que
28 c'est exact de dire que des communautés de municipalités ou des
Page 14361
1 Associations de municipalités étaient constituées ? Est-ce exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Savez-vous dans quelle mesure l'accusé a parlé de ces initiatives de
4 création de Communautés de municipalités suivies par la création de Régions
5 autonomes ainsi que d'autres mesures, des initiatives qui étaient prévues à
6 l'avance et qui avaient amenées à la constitution des organes et des
7 différentes structures de la Republika Srpska. Est-ce que vous êtes au
8 courant de tout cela ?
9 R. J'étais au courant de trois processus distincts de régionalisation.
10 Certains étaient liés les uns aux autres. D'autres fonctionnaient plutôt en
11 parallèle et de manière isolée. Le premier processus, c'était, en fait, les
12 députés serbes qui ont entamé ce processus à compter du 24 octobre et
13 jusqu'à la création de la Republika Srpska. Ensuite, le deuxième processus
14 émanait de municipalités de Banja Luka, d'Herzégovine et de Romanija qui
15 ont créé ces Communautés de municipalités au printemps 1991. En septembre
16 1991, elles se sont transformées en régions, au pluriel, autonomes serbes.
17 C'était donc la deuxième série de mesures en vue d'une régionalisation.
18 Puis la troisième série de mesures, c'est tout ce qu'ont fait M.
19 Izetbegovic et M. Karadzic dans le domaine de la régionalisation. Comme je
20 le disais, ces trois initiatives fonctionnaient en parallèle. Quelquefois,
21 il y avait également des mesures conjointes.
22 Après le 24 octobre 1991, si l'on peut lire, ces processus parallèles
23 ont fusionnés et un seul processus a amené à la création de l'entité serbe
24 qui était la République de Bosnie-Herzégovine.
25 Q. Avez-vous su qu'une consultation ou un processus qui peut
26 éventuellement répondre à une autre dénomination a eu lieu dans le cadre
27 d'une séance plénière ou d'un symposium parmi les instances municipales,
28 régionales et républicaines du SDS le 7 septembre 1991, consultation qui
Page 14362
1 portait, donc, sur la régionalisation -- sur la régionalisation ?
2 R. J'ai assisté à plusieurs réunions. Il y en a une qui a traité de ce
3 sujet. Je ne sais pas si c'est de cette région que vous parlez. Elle s'est
4 tenue dans l'immeuble du MIG, près de Pale. Donc, pendant cette réunion, on
5 a discuté de la question de la régionalisation. L'immeuble dans lequel se
6 déroulait la réunion était un immeuble réservé à la restauration. Est-ce
7 que d'autres réunions se sont déroulées en dehors de celle dont je parle,
8 je ne m'en souviens pas, mais, en tout cas, celle-ci, celle qui a eu lieu
9 dans l'immeuble MIG, a bien porté sur la régionalisation et je le sais
10 parce que j'y ai assisté.
11 M. TIEGER : [interprétation] Penchons-nous sur le document 65 ter numéro
12 16722, qui est le procès-verbal de la troisième réunion du Conseil exécutif
13 du Parti démocratique serbe, tenue le 16 septembre 1991.
14 Q. Le premier point à l'ordre du jour est la décision relative à la
15 nomination de personnel responsable dans le cadre de la régionalisation. Ce
16 point est considéré comme discuté et ayant donné lieu à adoption
17 conformément à la conclusion votée lors de la consultation de Pale. Puis,
18 un peu plus bas dans la page, nous voyons qu'il est question d'un accord
19 relatif à la tenue d'une réunion conjointe avec les membres du Conseil
20 exécutif de l'état-major régional, nos membres au sein du gouvernement, en
21 vue de définir les questions et les missions dans le cadre de ces problèmes
22 importants et urgents."
23 Donc cette réunion a débattu des conclusions adoptées lors de la réunion
24 précédente dont j'ai déjà parlé, et a entrepris des actions conformes aux
25 conclusions adoptées lors de la réunion précédente, n'est-ce pas ?
26 R. Je ne sais pas si ceci concerne la réunion dont vous parlez, mais
27 s'agissant de régionalisation, la régionalisation faisait partie de
28 l'action officielle du conseil, et le parti estimait que cette
Page 14363
1 régionalisation était une bonne politique pour contrer les défauts de la
2 centralisation. Donc le parti était engagé dans la centralisation et s'il
3 est fait référence à une réunion ou à une consultation, je ne le sais pas.
4 Mais voyez-vous cette consultation n'a peut-être pas donné lieu à des
5 conclusions tout à fait précises à la fin d'une réunion. Ceux qui ont
6 participé la réunion dans l'immeuble du MIG à Pale et qui voulaient parler
7 de régionalisation souhaitaient que le débat se déroule de façon plus
8 approfondie. Il est possible donc qu'à partir de ce moment-là le parti ait
9 été davantage centré sur la régionalisation, en tout cas.
10 Q. Je vous remercie.
11 M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce
12 document, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est admis.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce P2524, Monsieur le
15 Président, Madame, Messieurs les Juges.
16 M. TIEGER : [interprétation] Je demanderais maintenant l'affichage du
17 document suivant, document 65 ter numéro 17542 -- ah, non, excusez-moi, ce
18 n'est pas le bon numéro.
19 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
20 M. TIEGER : [interprétation] Je crois qu'en fait, il s'agit du
21 document numéro 06602.
22 Q. Monsieur Neskovic, ce document est le procès-verbal de la 5e
23 Réunion du Comité exécutif du Parti démocratique serbe de Bosnie-
24 Herzégovine, tenue le 7 novembre 1991, et au point 5 de l'ordre du jour,
25 nous voyons la mention suivante, je cite : "Rapport au sujet de la
26 régionalisation."
27 M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais que s'affiche maintenant la
28 page 5 de la version anglaise et donc le paragraphe 5 de cette page 5. Je
Page 14364
1 prierais M. le Greffier de bien vouloir afficher également après l'avoir
2 trouvé la page dans laquelle se trouve le même paragraphe dans la version
3 B/C/S, c'est vers la fin du document. Je vous remercie.
4 Q. Il est indiqué dans cette partie du texte, entre autres, je cite :
5 "Que les conditions devront être créées dans la région pour permettre de
6 réaliser le principe selon lequel toute région doit inclure et intégrer les
7 trésors nationaux et trésors du territoire. L'objectif est de créer une
8 Bosnie-Herzégovine serbe au sein de la Yougoslavie et d'établir des
9 relations avec les Musulmans et les Croates sur la base du principe de
10 Confédération."
11 Donc, Monsieur Neskovic, le Conseil exécutif continue à travailler à la
12 régionalisation, et il détermine en particulier les portions de territoire
13 au sein de la Bosnie-Herzégovine qui deviendront la partie serbe de la
14 Bosnie-Herzégovine et qui abriteront des trésors nationaux et trésors
15 territoriaux recherchés par les Serbes, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Je vous remercie.
18 M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce
19 document, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est admis.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce P2585, Monsieur le
22 Président, Madame, Messieurs les Juges.
23 M. TIEGER : [interprétation] Enfin, j'aimerais que nous nous penchions sur
24 le document 01472 dont je demande l'affichage.
25 Q. Ce document est un procès-verbal de la réunion du Comité principal et
26 du Conseil exécutif tenue le 3 décembre 1991. Là encore, nous voyons que la
27 régionalisation figure à l'ordre du jour en première page, d'ailleurs voici
28 la question que je souhaitais vous poser. Il y a à peine un instant,
Page 14365
1 Monsieur Neskovic, vous avez déclaré que la régionalisation avait pour
2 objet de mettre à mal la centralisation, en tout cas, qu'elle était dirigée
3 contre la centralisation. J'aimerais vous renvoyer si vous n'y voyez pas
4 d'inconvénient à la première entrée où l'on voit les commentaires de M.
5 Karadzic formulés durant cette réunion, ceci se trouve en page 2 de la
6 version anglaise et je crois à la même page donc page 2 de la version
7 B/C/S.
8 Le Dr Karadzic dit, je cite :
9 "Ils veulent une Bosnie indépendante - ils ont adopté cette décision à
10 l'assemblée et recherchent la coopération internationale - et dans ce cas
11 précis, en nous accrochant à nos territoires, nous empêcherons leur
12 indépendance."
13 Monsieur Neskovic, lorsque vous parlez de régionalisation comme étant une
14 voie de résistance à la centralisation, est-ce que la régionalisation
15 pouvait également avoir pour effet d'empêcher l'indépendance ou les
16 tentatives d'indépendance de la part de la Bosnie-Herzégovine et donc les
17 efforts déployés par les pouvoirs musulmans et croates de Bosnie pour
18 asseoir cette indépendance ?
19 R. La régionalisation à laquelle a participé activement le SDS avait deux
20 conséquences. L'une était l'aspiration que cette régionalisation puisse
21 empêcher l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire que, soit,
22 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine reste au sein de la Yougoslavie; soit,
23 si cela était impossible, qu'une partie de la Bosnie-Herzégovine au moins
24 continue à faire partie de la Yougoslavie, à savoir donc la partie de la
25 Bosnie-Herzégovine dans laquelle les Serbes après référendum avaient la
26 majorité relative. C'était donc l'une des conséquences possible, l'objectif
27 prioritaire étant toujours la préservation de la Yougoslavie, et cette
28 conséquence a dominé jusqu'à la fin jusqu'aux conclusions de la Commission
Page 14366
1 Badinter.
2 Une fois que l'option yougoslave a échoué, une fois que la régionalisation
3 serbe en tant que moyen de conservation de la Yougoslavie a échoué, la
4 régionalisation s'est vue dotée d'un objectif différent, qui consistait à
5 accepter l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine mais l'a transformée de
6 l'intérieur, avec la production de la régionalisation. Donc la
7 régionalisation avait deux conséquences possibles et l'une de ces
8 conséquences a prévalu pendant une période, l'autre ayant prévalu pendant
9 une autre période.
10 Donc vous avez raison, jusqu'à la fin de 1991, la première conséquence de
11 la régionalisation consistait à conserver la Yougoslavie, et à empêcher la
12 Bosnie-Herzégovine de devenir indépendante.
13 M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce
14 document, si je ne l'ai pas déjà fait, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est admis.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande une précision parce qu'en serbe,
17 dans le document serbe, les propos qui viennent d'être cités sont les
18 propos qui ont été proférés par le Pr Milojevic, et pas par le Dr Karadzic
19 pendant cette réunion.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous regardons bien la même
21 page, Monsieur Tieger ? Pouvez-vous nous aider sur ce point ?
22 M. TIEGER : [interprétation] Il y a une référence qui est faite par le Dr
23 Karadzic à M. Milojevic, mais l'orateur c'est le Dr Karadzic.
24 M. ROBINSON : [interprétation] Peut-être M. Tieger, pourrait-il nous dire
25 où le nom du Dr Karadzic apparaît dans la version serbe du texte. Moi, je
26 ne trouve pas ce passage.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai posé
28 la question, de savoir si nous étions, bien sur, la même page.
Page 14367
1 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas capable
2 de lire ce texte aussi rapidement que j'aurais souhaité pouvoir le faire,
3 vu les circonstances. Mais nous pouvons revenir sur cette question, je
4 pense que la réponse du témoin concernait davantage la régionalisation que
5 la question dont nous parlons maintenant.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, la version en serbe comporte sept
7 pages, donc nous pouvons y revenir un peu plus tard.
8 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi ne pas poursuivre, nous
10 admettons le document.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P2586,
12 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.
13 M. TIEGER : [interprétation]
14 Q. Monsieur Neskovic, hier, et pendant toute votre déposition ainsi
15 d'ailleurs que durant votre entretien avec les représentants du bureau du
16 Procureur, vous avez parlé des Conseils principaux et exécutifs comme étant
17 des organes qui appliquaient la politique décidée par la biais d'un certain
18 nombre de structures d'une part, et par le biais des députés, du Club des
19 députés, et de l'Assemblée d'autre part. Alors, d'abord, s'agissant des
20 députés et de la façon dont ils appliquaient la politique du parti, voire
21 la politique mise en place par les dirigeants du Mouvement serbe, il est
22 exact, n'est-ce pas, que les députés étaient tenus de promouvoir la
23 politique du parti parce que c'était le parti, c'est-à-dire le SDS qui les
24 avait élus. Je vous renvois en particulier à la page 14238 de la déposition
25 -- du compte rendu d'audience de l'affaire Krajisnik, où on trouve la
26 partie de votre déposition en tant que témoin portant sur ce point.
27 C'est correct, c'est exact, n'est-ce pas, Monsieur Neskovic, vous avez bien
28 dit que les députés étaient tenus de promouvoir la politique du parti parce
Page 14368
1 que c'était le parti qui les avait élus, n'est-ce pas ?
2 R. Oui, dans tous les partis, les députés font la promotion et diffusent
3 la politique du parti, et les députés du SDS, d'après ce que je sais,
4 faisaient la promotion, défendaient, diffusaient le programme et la
5 politique du Parti démocratique serbe. Mais il n'était pas obligé à cela
6 par le Comité exécutif ou le Conseil supérieur, ils agissaient de façon
7 indépendante en diffusant la politique du parti.
8 Q. En fait, n'est-il pas exact que les députés pouvaient être démis de
9 leurs fonctions et privés de leur mandat s'ils s'écartaient de la ligne
10 politique ou du programme politique du parti ? Par exemple, des éléments de
11 preuve ont été soumis à l'institution dans laquelle nous sommes
12 aujourd'hui, qui concernent la 51e Séance de l'Assemblée, tenue les 14 et
13 15 juin 1995, qui montre que les mandats, d'Andjelko Grahovac, Risto
14 Jugovic, Milan Trbojevic, et Milan Tesic, ont été annulés en raisons des
15 positions politiques adoptées par ces trois hommes qui étaient contraires à
16 celles du parti.
17 R. Je suis au courant de ces cas, mais le parti n'avait pas légalement le
18 droit de leur retirer leur mandat. Si je me souviens bien, le parti
19 pouvait, par exemple, remplacer Grahovac, au sein des instances du parti,
20 il pouvait donc expulser Grahovac et Trbojevic des postes qui étaient les
21 leurs au sein du parti, mais pour le reste, je ne suis pas sûr. Le parti
22 n'avait pas mandat de démettre de leurs fonctions des députés. Il
23 n'existait aucun mécanisme qui permettait d'agir ainsi. Je ne connais pas
24 les détails relatifs à Grahovac et Trbojevic, mais Trbojevic avait modifié
25 sa base électorale, me semble-t-il. Grahovac avait fait autre chose. Je
26 suis désolé, je ne peux pas vous aider beaucoup plus, je ne suis pas sûr,
27 en tout cas, que le parti avait légalement le droit d'agir comme il l'a
28 fait.
Page 14369
1 Q. Quel que ce soit l'aspect légal ou pas d'un tel acte, est-ce que vous
2 savez que cette décision de retirer leur mandat à ces députés se fondait
3 sur une décision signée par le Dr Karadzic, que l'on retrouve dans le
4 document 65 ter numéro 18028 ? Aucune nécessité d'afficher ce document
5 maintenant à l'écran mais, en tout cas, ce document lui-même se fondait sur
6 les conclusions du Comité principal que l'on trouve dans le document 65
7 ter, numéro 18026. Est-ce que vous êtes au courant, Monsieur Neskovic, de
8 cette progression des décisions prises par les responsables du parti, qui
9 ont abouti finalement au retrait du mandat de ces députés ?
10 R. Je ne me rappelle pas les détails, il est possible que j'aie moi-même
11 assisté à la réunion dont vous parlez. Je crois d'ailleurs qu'en 1995 c'est
12 la première fois que le parti a fait ce genre de chose, mais en tout cas,
13 s'il a retiré les mandats à ces hommes, il l'a fait sans être dans son
14 droit, mais je ne connais pas les détails.
15 M. TIEGER : [interprétation] Je vais demander le versement automatique de
16 ces documents plus tard pour accélérer le processus, Monsieur le Président.
17 Q. Monsieur Neskovic, autre sujet. Je crois qu'en page, j'aurais peut-être
18 du mal à trouver le numéro exact de la page, mais en tout cas pendant votre
19 entretien avec les représentants du bureau du Procureur -- pendant votre
20 rencontre avec les représentants de la Défense, me semble-t-il, vous avez
21 dit qu'il y avait sept ou huit députés qui étaient membres du Comité
22 principal. Donc ces députés étaient individuellement en capacité de
23 conseiller le Comité exécutif sur les évolutions que l'on pouvait constater
24 au sein du Club des députés et de l'Assemblée, n'est-ce pas ?
25 M. ROBINSON : [interprétation] Objectif. Question directrice.
26 M. TIEGER : [interprétation]
27 Q. Est-ce que ces personnes, Monsieur Neskovic, étaient en mesure, étant
28 donné les postes qu'ils occupaient en tant que députés et membres du Club
Page 14370
1 des députés, de conseiller le Comité principal sur l'évolution de la
2 politique décidée au sein du Club des députés ?
3 R. Oui, ils étaient huit ou peut-être une dizaine, et ils pouvaient
4 conseiller le Comité principal au sujet de la politique du Club des
5 députés, car ils avaient effectivement un rôle consultatif. Mais il n'y a
6 pas eu d'incidence de ces conseils de la part du Comité principal. Il n'a
7 pas été sous l'influence du Club des députés. Cela étant, ils avaient la
8 possibilité d'influer, oui, de conseiller.
9 Q. En fait, moi, je dénombre 15 députés -- ou plutôt, 14, qui étaient
10 également membres du Comité principal du SDS entre 1991 et 1992. J'ai ici
11 les noms sous les yeux et je vous demanderais de confirmer ce qu'il en est.
12 Milovan Bjelosevic, Dr Buha, Dusko Kozic, Momcilo Krajisnik, Vojo
13 Kupresanin, Grujo Lalovic, le Dr Milutin Najdanovic, Miladin Nedic, Milan
14 Novakovic, Srdjo Srdic, Veljko Stupar, Dobrivoje Vidic, Milenko Vojinovic
15 et Goran Zekic. Etaient-ils députés et membres du Comité principal du SDS ?
16 R. Oui, ils étaient membres du Comité principal, si je me souviens bien.
17 En tout cas, je connais tous ces hommes.
18 Q. Merci. Monsieur Neskovic, il y a encore quelques sujets que j'aimerais
19 aborder avec vous. Dans votre entretien avec la Défense, vous -- et durant
20 votre audition hier également, je crois, vous avez dit qu'il y avait
21 impossibilité de contacter qui que ce soit par téléphone à Novo Sarajevo
22 entre le 10 avril et le 10 mai 1992. Alors, voici ma première question.
23 Pendant cette période, pouviez-vous contacter des responsables de la police
24 ou des responsables militaires dans la zone de Novo Sarajevo ?
25 R. Nous pouvions contacter sans problème les responsables politiques, mais
26 cela impliquaient de faire le tour de toute la région de Sarajevo pour
27 arriver physiquement jusqu'à eux. Avec les militaires, je crois que nous
28 avons eu un contact durant une réunion conjointe à Vogosca, me semble-t-il,
Page 14371
1 réunion durant laquelle le général Galic s'est exprimé. Nous avions été
2 convoqué pour entendre ce qu'il avait à dire. Des contacts avec les
3 responsables de la police, nous pouvions en avoir sans difficulté, mais à
4 condition de faire le voyage pour contourner toute la ville de Sarajevo
5 afin d'arriver jusqu'à eux.
6 L'INTERPRÈTE : Pour arriver jusqu'à Ilijas, Hadzici, et cetera, correction
7 de l'interprète.
8 M. TIEGER : [interprétation]
9 Q. Eu égard aux contacts téléphoniques avec Vrace, entre Vrace et Novo
10 Sarajevo, est-ce qu'ils étaient possibles ?
11 R. Oui. Vrace fait partie de Novo Sarajevo. C'est une colline.
12 Q. Savez-vous si les responsables de Vrace pouvaient communiquer par
13 téléphone pendant cette période avec les responsables bosno-serbes de Pale
14 ou d'autres -- ou d'ailleurs ?
15 R. Responsables, je ne sais pas. Je pense que peut-être la seule
16 possibilité aurait été dans l'école de Vrace, l'école du MUP. Je crois
17 qu'il y avait une ligne téléphonique dans cette école du MUP et qu'on
18 pouvait, donc, utiliser cette ligne de l'école du MUP pour communiquer avec
19 les responsables de Pale à partir de Vrace, éventuellement.
20 Q. Enfin, Monsieur Neskovic --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Je n'ai pas l'impression
22 que le système LiveNote fonctionne en ce moment. Je crois même qu'il ne
23 fonctionne pas.
24 Monsieur Tieger, de combien de temps aurez-vous besoin pour vos questions
25 supplémentaires ?
26 M. TIEGER : [interprétation] Pas plus de cinq minutes, c'est certain,
27 Monsieur le Président. Peut-être même pas autant.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Poursuivons.
Page 14372
1 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie.
2 Q. Enfin, Monsieur Neskovic, en particulier durant la dernière partie du
3 contre-interrogatoire, vous avez discuté du document contenant les versions
4 A et B et proposé un certain nombre de points de vue au sujet des
5 responsables de l'armée qui ont participé ou ont pu participer à la
6 rédaction de ce document. Est-ce que vous voulez dire que vous savez qui a
7 rédigé ce document, Monsieur Neskovic ? Ou est-ce que vous proposiez
8 simplement votre avis en répondant aux positions exprimées par l'accusé, à
9 savoir que ce document avait été rédigé par des responsables de la JNA à la
10 retraite ? Je vous pose cette question, entre autres, parce que, dans votre
11 entretien -- en page 60 de la transcription de votre entretien -- enfin, je
12 vais d'abord vous poser la question, parce que je crois comprendre que vous
13 avez dit un certain nombre de choses dans votre déposition dans l'affaire
14 Krajisnik --
15 R. Je ne savais pas qui était l'auteur du document présentant les versions
16 A et B. Quant au fait que j'étais informé du fait que ce document a été
17 rédigé par un groupe d'officiers à la retraite, c'est un renseignement qui
18 m'a été transmis plus tard, après un procès qui a eu lieu dans
19 l'institution où nous sommes aujourd'hui. Je crois que c'est M. Karadzic
20 qui a dit pendant un interrogatoire que le document avait été écrit par un
21 groupe d'officiers à la retraite qui avaient eu peur. C'est en fonction de
22 ça, en admettant que ceci était conforme à la vérité, même si je l'ai
23 seulement entendu après le procès grâce à internet, que j'ai dit que
24 c'était un groupe d'officiers qui était l'auteur de ce document. A
25 l'époque, je n'en avais pas la moindre idée.
26 Q. Je vous remercie, Monsieur Neskovic.
27 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, ceci met un terme à mes
28 questions supplémentaires. Je vous remercie.
Page 14373
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, puis-je poser une question ?
3 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, je remarque également que la
4 référence au document du 3 décembre se retrouve en page 3 de la version
5 B/C/S' si je crois -- si j'ai bien vérifié.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tieger.
7 Monsieur Karadzic, c'est bien sur le même sujet que vous voulez intervenir
8 ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais demander au témoin s'il sait avec
10 certitude que ce ne sont pas les instances officielles du SDS qui ont écrit
11 ce document.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le sais effectivement. Ni les organes
13 officiels du SDS, ni la Commission juridique, ni le Comité exécutif ne sont
14 l'auteur de ce document.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a déjà répondu.
16 [La Chambre de première instance se concerte]
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci met un point final à votre
18 déposition, Monsieur Neskovic. Au nom des Juges de la Chambre et du
19 Tribunal dans son ensemble, nous vous remercions d'être venu à La Haye pour
20 témoigner. Vous êtes maintenant libre de vous retirer.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire maintenant une pause,
23 d'une demi-heure. Nous reprendrons nos débats à midi 30.
24 [Le témoin se retire]
25 --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.
26 --- L'audience est reprise à 12 heures 33.
27 [Le témoin vient à la barre]
28 [La Chambre de première instance se concerte]
Page 14374
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Treanor.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez passé
4 longtemps à attendre vous étiez déjà là au moment où il a fallu lever
5 l'audience, et veuillez accepter nos excuses pour cela. Nous avons essayé
6 de tenir compte autant que possible des contraintes qui sont les vôtres.
7 Donc il est regrettable que vous n'ayez pas pu redémarrer plutôt, mais nous
8 avons essayé de faire de notre mieux, et ce n'était pas possible.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. Je
10 comprends entièrement. Je comprends tout à fait.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est à vous, Monsieur Karadzic,
12 veuillez poursuivre votre contre-interrogatoire.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.
14 LE TÉMOIN : PATRICK TREANOR [Reprise]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]
17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Bonjour, Monsieur
18 Treanor.
19 R. Bonjour, Docteur Karadzic.
20 Q. Est-ce que depuis vendredi, vous avez eu l'occasion d'avoir des
21 contacts avec l'Accusation ?
22 R. Non.
23 Q. Vous a-t-on expliqué les raisons pour lesquelles la poursuite de votre
24 contre-interrogatoire a dû être un peu repoussé dans le temps ?
25 R. Non.
26 Q. Saviez-vous que le bureau du Procureur a procédé à des entretiens avec
27 M. Cizmovic et qu'il y a à cet effet des documents qui sont disponibles au
28 sein des services du bureau du Procureur ?
Page 14375
1 R. De quel document parlez-vous ?
2 Q. Je parle de l'entretien du Procureur avec M. Jovan Cizmovic. Je crois
3 en fait qu'il y a deux entretiens.
4 R. Je n'ai pas connaissance de ces entretiens.
5 Q. Merci. Pensez-vous qu'il puisse y avoir d'autres documents que ceux-là
6 qui ne vous auraient peut-être pas été communiqués -- on n'aurait pas mis à
7 votre disposition avant la fin de la rédaction de votre rapport ?
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais comment pourrait-il le savoir,
9 Monsieur Karadzic ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Alors, nous poursuivrons avec ceci, pour le moment nous allons
13 reprendre là où nous nous étions arrêtés, ma question précédente portait en
14 fait sur les éléments qu'il s'agisse de documents d'enregistrements vidéos.
15 Je vais reprendre le contre-interrogatoire. Est-ce que vous convenez que la
16 partie croato-musulmane, du gouvernement et de la présidence de Bosnie-
17 Herzégovine, a passé outre l'opposition des membres serbes des mêmes
18 organes, en demandant la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, auprès de
19 la Communauté internationale, comme vous dites au paragraphe 95 de votre
20 rapport ?
21 R. Oui.
22 Q. Conviendrez-vous qu'un tel appel demandant la reconnaissance de la
23 Bosnie-Herzégovine, et une telle initiative ne pouvait être l'initiative en
24 fait que du parlement, de l'Assemblée de Bosnie-Herzégovine et non pas une
25 initiative qui n'émanerait que du gouvernement de la présidence ?
26 R. Je ne sais pas.
27 Q. Puisqu'il s'agit d'une initiative qui implique un changement de nature
28 que la République de Bosnie-Herzégovine et qui est de nature
Page 14376
1 constitutionnelle, ne seriez-vous pas d'accord pour dire précédemment qu'il
2 s'agit d'une question de nature constitutionnelle ?
3 R. Je crois qu'on peut dire cela de façon générale, oui.
4 Q. Merci.
5 Alors, conviendrez-vous que la réponse de Badinter à cette requête a été
6 fournie et que c'est l'opinion numéro 4 qui traite justement de cette
7 réponse ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je voudrais qu'on ait le document numéro
9 5816 de la liste 65 ter à l'écran.
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Vous rappelez-vous que cette initiative de la Bosnie-Herzégovine a reçu
12 une réponse de la part de M. Badinter ? Est-ce que vous avez disposé de
13 cette opinion au moment de votre travail ?
14 R. Oui.
15 Q. Alors je voudrais que nous examinions la première page. On y trouve une
16 description des différentes questions dans l'ordre où elles sont abordées,
17 alors il est dit au point 4 que :
18 "Le 27 décembre 1991, le président de la présidence de Bosnie-Herzégovine
19 s'est adressé à Lord Carrington par lettre."
20 Je vais donner lecture en anglais. Donc je cite :
21 "Lettre du 27 décembre 1991, émanant du président de la présidence de la
22 République socialiste de Bosnie-Herzégovine et adressée à Lord Carrington,
23 président de la Conférence sur la Yougoslavie, et portant sur la
24 constitution 'd'une Assemblée du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine'."
25 Il est dit plus loin --
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors est-ce que nous pourrions avoir à l'écran
27 en fait la page suivante ?
28 M. KARADZIC : [interprétation]
Page 14377
1 Q. Penchons-nous sur ce qui suit, je cite :
2 "La constitution actuelle de la SRBH garantit des droits égaux 'aux nations
3 de Bosnie-Herzégovine, aux Musulmans, Serbes, et Croates, ainsi qu'aux
4 membres d'autres groupes nationaux et ethniques vivant sur son
5 territoire'."
6 Alors il serait utile de lire la page dans son intégralité, mais je ne vais
7 pas en donner lecture tout un chacun peur le faire. Il est ensuite dit au
8 point numéro 2, je cite :
9 "La commission relève également que :
10 "Petit (a). Que les déclarations et entreprises suscitées fournies par la
11 présidence et le gouvernement de la RSBH ont été telles que constatées,
12 mais que les membres serbes de la présidence se sont distanciés de ces
13 déclarations et de ces actions."
14 Troisième paragraphe, je cite :
15 "En dehors du cadre institutionnel de la RSBH, le 10 novembre 1991, le
16 'peuple serbe de Bosnie-Herzégovine' a voté dans le cadre d'un référendum
17 se prononçant pour un Etat yougoslave commun. Le 21 décembre 1991, une
18 'Assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine' a adopté une résolution
19 appelant à la constitution d'une 'République serbe de Bosnie-Herzégovine'
20 au sein d'un Etat yougoslave fédéral, si les Communautés croates et
21 musulmanes de Bosnie-Herzégovine décidaient de 'changer d'attitude à
22 l'égard de la Yougoslavie'."
23 Point numéro 4 --
24 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, je ne suis pas sûr s'il
25 s'agissait d'une erreur dans la lecture que l'accusé mais il s'agit de la
26 date du 21 décembre 1991, il fait la référence.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est probablement moi qui ai mal lu.
Page 14378
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Point numéro 4 -- ou plutôt, la suite nous dit que, je cite :
3 "Le 9 janvier 1992, cette assemblée a proclamé l'indépendance de la
4 République serbe de Bosnie-Herzégovine."
5 Paragraphe numéro 4 :
6 "Dans ces conditions, la Commission d'Arbitrage est d'avis que la volonté
7 des peuples de Bosnie-Herzégovine de constituer la RSBH en tant qu'état
8 souverain et indépendant ne peut être considéré comme ayant été pleinement
9 établi.
10 "Cette évaluation est sujette à réexamen si des garanties appropriées sont
11 fournies par la république en question, dans son processus de demande de
12 reconnaissance notamment au moyen de referendum impliquant tous les
13 citoyens de la RSBH sans distinction et effectué sous supervision et sur
14 surveillance internationale."
15 Conviendrez-vous que l'Assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine a
16 réagi à cette demande de la partie croato-musulmane de la présidence et du
17 gouvernement, leur demandant de revenir sur leur décision, faute de quoi,
18 l'Assemblée serbe proclamerait la République serbe de Bosnie-Herzégovine et
19 que, par ailleurs, la réponse de la Commission d'Arbitrage, sur ce même
20 point et cette même question, nous la trouvons dans ce paragraphe numéro 4
21 ?
22 R. Oui, d'un point de vue tout à fait général, c'est exact.
23 Q. Merci.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser cette partie numéro 4 de
25 l'opinion ?
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
27 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit d'un extrait de l'opinion
Page 14379
1 émise par la commission Badinter, ces trois pages en ont été versées. Bon,
2 soit.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] L'extrait est versé sous la cote D1279,
4 Madame et Messieurs les Juges.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche le document D86,
6 page 46 en anglais, et 96 en serbe.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Lors d'une Séance de l'Assemblée du peuple serbe, un représentant -- ou
9 plutôt, un député de l'opposition, le Dr Kalinic, a pris la parole. Alors
10 est-ce que vous avez porté la moindre attention au discours qui l'a
11 prononcé devant l'Assemblée du peuple serbe ? Il s'agit du paragraphe 4,
12 page 96 en serbe, 46 en anglais.
13 R. Excusez-moi, mais de quelle séance s'agit-il ?
14 Q. Celle du 21 décembre, la Séance de l'Assemblée du peuple serbe qui
15 s'est tenue après cette décision prise par le gouvernement.
16 R. Oui, je l'ai lu.
17 Q. Alors je voudrais attirer votre attention sur cette réponse de M.
18 Kalinic, qui était présent au sein de l'Assemblée du peuple serbe, à
19 l'époque, mais non pas en qualité de membre du SDS, il était membre des
20 forces dites de la réforme, je cite :
21 "Ecoutez, je peux dire ici, en mon nom, mais j'espère que c'est également
22 votre avis, que personne n'a le droit de faire des remontrances au peuple
23 musulman ni de l'empêcher et de l'entraver. Il s'agit d'un peuple avec ses
24 propres traductions, son propre territoire, et ses droits souverains.
25 Personne n'a le droit de l'empêcher de fonder son propre état national,
26 mais sur les territoires, pour reprendre les propos de M. Izetbegovic, que
27 ce même peuple musulman est en position de contrôler dans des conditions
28 prospères. De même que le peuple serbe, et probablement je suppose le
Page 14380
1 peuple croate non plus en Bosnie-Herzégovine, n'aurait jamais l'idée de
2 fonder son état ou sa communauté nationale et ses structures
3 institutionnelles là où il n'est pas en mesure de contrôler en toute
4 prospérité ces territoires."
5 Alors vous rappelez-vous que M. Izetbegovic, avant les élections, avait
6 déclaré que, si la Croatie quittait la Yougoslavie, la Bosnie lui
7 emboîterait le pas ? Donc, si nous ne pouvons pas avoir l'ensemble de la
8 Bosnie, dans ce cas, les territoires, qui feraient sécession pour le compte
9 des Musulmans, seraient ceux exclusivement qui pourraient être viables dans
10 ce cas, n'est-ce pas ?
11 R. Je ne suis pas au courant de cette remarque de M. Izetbegovic.
12 Q. Dans les conversations interceptées, et d'autres éléments que vous avez
13 consultés, avez-vous trouvé la confirmation de cette idée initiale d'un
14 partage de la Bosnie -- ou plutôt, d'une transformation de la Bosnie, et
15 surtout du fait qu'elle provenait d'Alija Izetbegovic ainsi que du fait
16 que, moi, j'ai été surpris et que j'ai informé de cela le président
17 Milosevic, alors que M. Zulfikarpasic en a fait état dans son ouvrage, par
18 ailleurs ?
19 R. L'idée venant de M. Izetbegovic. Non, je n'arrive pas à me souvenir
20 d'avoir dit quoi que ce soit d'aussi précis. Bien sûr, je suis au courant
21 d'un certain nombre de conversations au cours desquelles l'idée est
22 discutée avec M. Milosevic. Mais encore une fois, cela correspond au 30
23 septembre 1991, à la réunion du Club des députés, pendant laquelle le Dr
24 Karadzic a mis en avant l'idée selon laquelle M. Izetbegovic a été disposé
25 à discuter du sujet de la régionalisation. Mais, de là, à dire qu'il était
26 à l'origine de cette idée, je ne me souviens de rien qui permettrait d'être
27 aussi précis.
28 Q. Merci. Alors vous rappelez-vous que le journal de Zagreb, Jutanjelis
Page 14381
1 [phon], a été le premier à publier cette idée d'un découpage en canton de
2 la Bosnie, et que Mme Plavsic a réagi, en disant qu'il s'agissait là d'une
3 proposition au sujet de laquelle il serait intéressant de réfléchir.
4 R. Je ne m'en souviens pas non plus, je ne crois pas pouvoir faire le lien
5 avec ce que v évoquez.
6 Q. Très bien. Dans ce cas-là, demain, nous procurerons les documents
7 idoines. Alors est-ce que vous avez prêté attention à ce discours du Dr
8 Kalinic devant l'assemblée, le 21 décembre, discours dans lequel il
9 confirme le droit de chacun des trois peuples à organiser chacun pour son
10 compte le fonctionnement de la vie publique sur les territoires où il est
11 majoritaire, et qu'il reconnaît ce droit aussi bien aux Musulmans qu'aux
12 Croates ? Ce droit d'exerce d'un contrôle souverain ?
13 R. Oui, j'ai lu ce discours.
14 Q. Ne croyez-vous pas qu'il serait peut-être utile que cette position
15 exprimée par le Dr Kalinic puisse être incluse dans votre travail, dans
16 votre rapport ?
17 R. Non, pas particulièrement, je ne vois pas ici de différence
18 fondamentale entre ceci et ce que le SDS suggérait de son côté, à l'époque,
19 à savoir que les peuples souhaitant quitter le cadre de la Yougoslavie
20 étaient libres de le faire, et que les Serbes, quant à eux, y resteraient.
21 Quant au Dr Kalinic, je dois dire que, si je m'en souviens bien, à
22 l'époque, il était député indépendant au sein de l'Assemblée de la
23 République socialiste de la Bosnie-Herzégovine. Il avait quitté le Parti
24 réformiste. Je voudrais également dire qu'à l'époque, il était également
25 membre de l'Assemblée du peuple serbe, comme vous le signalez. Cette
26 Assemblée, donc, du peuple serbe, qui a convoqué une réunion du Club des
27 députés du SDS - et il a rejoint les rangs de ce club, si je puis dire-
28 donc, au cours des années qui ont suivi, le Dr Kalinic a rejoint le SDS et
Page 14382
1 il a même été le président de ce parti. Je ne vois donc pas de grande
2 différence entre ses positions et celles du SDS.
3 Q. Merci. J'attire votre attention sur le paragraphe numéro 103 de votre
4 rapport sous la référence 1225. Vous y évoquez la façon dont le Pr Koljevic
5 a rencontré les dirigeants croates afin de discuter du partage ethnique de
6 la Bosnie-Herzégovine. Pourriez-vous retrouver ce paragraphe ? Il y est
7 dit, je cite :
8 "De façon générale, en 1992, alors que la BSL était toujours en train de se
9 pencher sur la possibilité d'une solution négociée avec la direction
10 croate, l'allié politique de Karadzic, Koljevic, a demandé, de façon
11 pressante, une réorganisation de la Bosnie dans le but d'homogénéiser
12 certaines zone." Fin de citation.
13 Est-ce que vous voyez ce paragraphe ? Vous vous référez au procès-verbal de
14 cette conversation entre le président Koljevic et le président Boras,
15 c'est-à-dire les membres de la présidence de Bosnie-Herzégovine d'une part,
16 et d'autre part, le président Tudjman.
17 R. C'est le paragraphe 103 ?
18 Q. Oui.
19 R. Oui, je vois le paragraphe en question. Je ne vois personnes tout ce
20 que vous avez lu, en revanche.
21 Q. "C'est ainsi qu'au mois de janvier 1992…" C'est ainsi que commencer le
22 passage. Enfin, en tout cas, vous l'avez eu sous forme papier.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche ce procès-verbal
24 avec la pièce P986, qui est le procès-verbal en question, procès-verbal de
25 discussion avec le président Tudjman, page 46 dans la version serbe et 35
26 en anglais.
27 M. KARADZIC : [interprétation]
28 Q. Alors, voyez ce que dit le président Boras, Franjo Boras, membre de la
Page 14383
1 présidence de la Bosnie-Herzégovine, dit au nom des Croates, je cite :
2 "En réponse en votre question, Monsieur le Président, j'ajouterais que les
3 Musulmans seraient fort peu enclins à accepter ceci et d'ailleurs, qu'ils
4 ne seraient pas particulièrement heureux d'entendre notre conversation
5 d'aujourd'hui. Leur conception avec Alija à leur tête, qui la partage, est
6 celle d'une Bosnie-Herzégovine souveraine en tant qu'Etat constitué de
7 citoyens. Par là même, ce que le Pr Koljevic a déjà souligné, il
8 s'efforcerait de s'assurer une domination du peuple musulman en Bosnie-
9 Herzégovine avec une mise à l'écart progressive des -- de ces deux peuples,
10 notamment du peuple croate qui est en minorité là-bas." Fin de citation.
11 Est-ce que vous avez pris en compte les craintes exprimées par M. Boras ?
12 R. Oui. J'ai lu le procès-verbal et j'ai fait mon propre résumé de cette
13 réunion au sein de ce paragraphe. Donc, je pense en avoir pris -- en avoir
14 tenu compte. Par ailleurs, Franjo Tudjman avait des craintes similaires
15 concernant la menace démographique que représentaient les Musulmans en
16 raison de leur taux de natalité, des craintes similaires, donc que celles
17 qui émanaient des cercles du SDS.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir la page 47 afin de voir --
19 de pouvoir constater ce que dit le Pr Koljevic. C'est la page 37 en
20 anglais.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Le Pr Koljevic, je cite :
23 "Je vais vous dire ce que m'a dit l'ambassadeur d'Allemagne. Lors d'une
24 longue conversation, une phrase est ressortie de façon particulièrement
25 marquante, parce que de façon assez paradoxale, eux, ils pensent que nous,
26 les Croates et les Serbes, serions, en quelque sorte, des pompiers bien
27 plus efficaces pour isoler les Musulmans en Bosnie-Herzégovine qui, dans
28 cette optique, n'auraient plus la possibilité d'établir ces liens
Page 14384
1 transversaux et de continuer à se connecter." Fin de citation.
2 Ensuite, vous voyez, donc :
3 "Le rôle qui est ainsi assigné à nos -- à notre peuple…"
4 Vous voyez qu'il y avait cette conviction assez profondément ancrée
5 dans bien des Etats européens où l'on considérait qu'il fallait retenir les
6 Croates et les Serbes, qu'il fallait leur permettre de rester en Bosnie
7 afin d'exercer un contrôle sur les Musulmans ?
8 R. Je sais que ces propos ont été prêtés à un chef d'Etat ou des chefs
9 d'Etat européens qui resteront sans nom par les dirigeants bosno-serbes.
10 Q. Alors, regardez ce que le président Tudjman dit ici :
11 "Oui, mais ce n'est pas uniquement l'opinion de Eff, à savoir que le monde
12 dans sa totalité a peur de ce que vous avez appelé la grande transversale
13 et la création d'un Etat islamique en Europe." Fin de citation.
14 Est-ce que vous avez pris en compte l'opinion exprimée par le président
15 Tudjman, à savoir ce n'est pas uniquement l'opinion du ministre Eff, mais
16 le fait qu'il y a un lien entre la Bosnie et le monde islamique par le
17 biais de cette transversale verte est une menace importante pour l'Europe ?
18 R. Encore une fois, j'ai lu la transcription de cette réunion et je vous
19 ai dit ce que je pensais des points importants de la réunion. Pour ce qui
20 est de ce concept de transversale verte, il s'agirait, en fait, d'un
21 couloir musulman qui irait des Balkans à la Turquie et c'est une zone qui
22 était basée -- qui commencerait par une zone, donc, en Serbie, appelée le
23 Sandjak qui est à proximité de la Bosnie et où il y a une grande majorité
24 de Musulmans. Donc, encore une fois, c'est une idée que l'on a prêtée à
25 différentes personnes et de toute façon, elle était considérée comme une
26 menace pour la Serbie à proprement parler. Une des raisons liées à
27 l'objectif stratégique de la vallée de Drina qui a été abordée durant ma
28 déposition avait pour objectif d'éviter la création de ce couloir musulman,
Page 14385
1 de cette transversale verte, en plaçant un territoire serbe en
2 interposition dans la vallée de la Drina de façon à ce que les Musulmans
3 soient séparés. Les Musulmans qui étaient à l'ouest de la Drina par rapport
4 à ceux qui se trouvaient dans le Sandjak.
5 Q. Merci. Nous reviendrons à l'objectif stratégique numéro 3. Mais votre
6 paragraphe 103 ne reflète pas ce que le président Tudjman a dit. Tudjman
7 n'était pas préoccupé du tout par la Serbie. Il était préoccupé par
8 l'Europe. Il déclare qu'il s'agit d'une menace pour l'Europe, pas pour la
9 Serbie, n'est-ce pas ?
10 R. Il semble que c'est ce qui dit effectivement.
11 Q. Merci.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant voir la
13 page 54 en serbe et 42 en anglais, s'il vous plaît.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Ici, le Pr Koljevic parle du besoin de ré agencer le découpage des
16 municipalités. M. Lerotic, qui est conseiller de Tudjman, demande : S'il
17 est possible de faire cela, parce que Koljevic dit qu'il est possible de
18 séparer une partie des municipalités qui ont un arrière pays.
19 Voyons ce que Boras a dit, il est député à la présidence de Bosnie-
20 Herzégovine :
21 D'après la constitution de la Bosnie-Herzégovine, il est possible --
22 il y a une possibilité pour que l'Assemblée municipale prenne une décision
23 visant à organiser un référendum au niveau local où il n'y a qu'un seul
24 groupe ethnique et les personnes pouvant voter pourraient donc créer une
25 communauté séparée ou rejoindre une autre municipalité limitrophe, et
26 l'Assemblée de Bosnie-Herzégovine se bornera à confirmer les résultats."
27 Etes-vous au courant de cela ? Est-ce que vous savez ce que M. Boras disait
28 est exact, à savoir que c'était une possibilité qui était prévue par la
Page 14386
1 constitution ?
2 R. Je ne me souviens pas de cette disposition précise. Mais je suis
3 convaincu qu'elle figure dans la constitution. Je ne m'en souviens
4 simplement pas brûle-pourpoint.
5 Q. Nous avons vu que, durant cette réunion entre le Pr Koljevic et les
6 dirigeants croates, les Serbes et les Croates sont convaincus que la
7 Communauté européenne va insister pour une Bosnie-Herzégovine unifiée parce
8 que le facteur histanic [phon] que doit être contrôlé. Etes-vous d'accord
9 avec cela ? Etes-vous d'accord avec le fait que les considérations
10 politiques mondiales dépassent de loin les problèmes internes de Bosnie-
11 Herzégovine et les droits de Bosnie-Herzégovine ? Nous avions accepté que
12 la Bosnie-Herzégovine soit indépendante à condition qu'elle fasse l'objet
13 d'une restructuration avant son indépendance. En d'autres termes, êtes-vous
14 d'accord pour dire que les Serbes avaient abandonné leur statut de peuple
15 constitutif et avaient arrêté d'insister sur le concept de Yougoslavie à
16 condition que la Bosnie soit transformée et que les Serbes puissent en
17 obtenir quelque chose ?
18 R. Vous savez, ceci est un sujet complexe. Je pense que nous en avons déjà
19 parlé dans le cadre de ma déposition et dans les rapports, à savoir que les
20 dirigeants du SDS insistaient précisément là-dessus, à savoir que la
21 Bosnie-Herzégovine devait d'abord être indépendante et qu'ensuite elle
22 devrait être - l'interprète se reprend ici - que si la Bosnie-Herzégovine
23 briguait une indépendance, elle devait tout d'abord être transformée et
24 ensuite l'indépendance pourrait être acceptée par référendum après
25 conclusion d'un accord. Les négociations se feraient sur les auspices
26 d'instances internationales en février.
27 Pour ce qui est de l'abandon du concept de Yougoslavie, c'est là où les
28 choses se compliquaient. Et d'ailleurs, la déclaration d'une République
Page 14387
1 serbe de Bosnie-Herzégovine mentionne qu'elle faisait partie de la
2 Yougoslavie, et la Bosnie en faisait partie à l'époque, et la constitution
3 de la République bosno-serbe adoptée le 20 février 1992 stipule également
4 que la République serbe de Bosnie-Herzégovine fait partie intégrante de la
5 Yougoslavie et cette disposition dans la constitution n'a jamais été
6 modifiée durant les années de conflit qui s'en sont suivies.
7 A la fin de l'été 1992, il y a eu des débats au sein de l'Assemblée bosno-
8 serbe, mais l'idée d'abandonner cette clause dans la constitution a été
9 rejetée. Une des raisons pour lesquelles les choses ont évolué ainsi, c'est
10 que le plébiscite du peuple serbe qui a eu lieu en novembre 1991 s'était
11 prononcé en faveur d'un maintien de la République en Yougoslavie, et les
12 résultats de ce référendum semblait confirmer leur souhait de rester en
13 Yougoslavie. Nous en avons vu mention dans le rapport de la Commission
14 Badinter qui fait référence donc à ce référendum.
15 Donc d'un côté, vous aviez les dirigeants du SDS qui étaient disposés
16 à accepter une Bosnie indépendante transformée mais simplement dans une
17 période d'intérim avant que la partie serbe de la Bosnie qu'il souhaitait
18 constituer sous forme de confédération donc que cette partie serbe rejoigne
19 à un stade ultérieur les autres entités serbes afin de créer un Etat serbe
20 unique.
21 Q. Docteur, est-ce que vous faites une distinction entre les résultats des
22 négociations politiques, et ce qui se passe après qu'une guerre éclate ? En
23 d'autres termes, savez-vous qu'en cas de résultats négociés d'un point de
24 vue politique, nous nous étions engagés à n'annexer aucun territoire à quoi
25 que ce soit, et cela ne s'est pas produit puisque la Bosnie-Herzégovine est
26 entrée en guerre ?
27 R. Les négociations, qui en général sont mentionnées comme étant les
28 négociations du plan Cutileiro, ne se sont jamais soldées par un accord. Il
Page 14388
1 y a eu plusieurs documents qui ont constitué la base de négociations
2 ultérieures, et y compris le point que vous avez mentionné mais il n'y a
3 jamais eu d'accord. Je crois que les principaux points de la police bosno-
4 serbe dans ce domaine -- ou plutôt, qu'ils auraient voulu à terme rejoindre
5 un Etat unique serbe, quelle que soit la teneur de l'accord en question,
6 mais de toute façon, rien n'était couché sur papier puisqu'il n'y avait pas
7 vraiment d'accord.
8 Q. Je dois dire que je nie catégoriquement cela, Docteur, et je voudrais
9 vous rappeler le contenu de votre paragraphe 96 dans votre rapport, et je
10 vais vous présenter la thèse de la Défense. En cas d'accord, en cas de
11 solution négociée, en cas d'un nouvel arrangement qui aurait fait l'objet
12 d'un accord, les Serbes s'étaient engagés à rester au sein d'une Bosnie
13 tant que les frontières de la Bosnie étaient respectées, alors qu'en cas de
14 guerre, tout résultat devenait possible; n'est-ce pas exact ? En fait,
15 c'est préférable de donner lecture du paragraphe 96 une fois qu'il
16 s'affiche à l'écran. En discutant --
17 "Karadzic a également informé qu'une nouvelle approche concernant la
18 Bosnie-Herzégovine pouvait être adoptée mais de manière prudente le 21
19 décembre, en parlant donc pour la première fois d'une transformation dans
20 la Bosnie qui avait été abordée durant les négociations avec les Musulmans
21 et les Croates qui étaient les dirigeants en Bosnie-Herzégovine.
22 "Karadzic a fait remarquer 'Je peux vous informer que notre première
23 proposition incorpore l'idée d'une transformation fondamentale de la
24 Bosnie-Herzégovine en une union de trois communautés qui seraient sur un
25 pied d'égalité, trois communautés nationales, et plus précisément, ce que
26 nous offrons, c'est une solution qui permettrait à la Bosnie-Herzégovine de
27 devenir confédération basée sur une autonomie territoriale et individuelle,
28 à savoir une indépendance mutuelle.'
Page 14389
1 "De plus, les dirigeants bosno-serbes avaient suggéré -- et là, vous citez
2 : 'La constitution de trois entités en Bosnie-Herzégovine qui ne
3 menaceraient pas les autres communautés et qui ne seraient pas en faveur
4 d'un affrontement de façon à ce que les institutions communes puissent être
5 constituées au niveau de la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire la République
6 de Bosnie-Herzégovine telle qu'elle existe'."
7 Fin de citation.
8 "Enfin, la Bosnie serbe et croate pourrait être en mesure de nouer des
9 liens avec la Yougoslavie d'une part et la Croatie d'autre part."
10 Docteur, est-ce que vous savez que c'est quotidiennement qu'il y avait des
11 conférences et des communiqués, d'abord Cutileiro, puis la Conférence de
12 Lisbonne, puis le plan Vance-Owen, puis le plan Stoltenberg, puis le Groupe
13 de contact, et tout cela s'est terminé avec les accords de Dayton, avec non
14 pas trois mais deux entités ayant des liens spéciaux avec la Croatie d'une
15 part et avec la Yougoslavie, c'est-à-dire la Serbie, d'autre part ?
16 R. Oui, je sais qu'il y a eu de nombreuses conférences et de nombreux
17 pourparlers.
18 Q. Ce n'est pas une réponse qui est satisfaisante pour moi. Est-ce que
19 vous êtes en mesure de m'indiquer où nous aurions dit que les accords ou
20 les solutions négociés pour la Bosnie-Herzégovine feraient l'objet d'une
21 violation par un acte de sécession de notre part ? Est-ce que vous êtes
22 d'accord pour dire tout de même qu'en cas de guerre, nous ne sommes plus
23 d'accord et nous ne sommes plus liés par quelque obligation que ce soit
24 pour ce qui est de maintenir la Bosnie dans ses frontières existantes ?
25 R. Reprenons la situation avant la guerre. J'ai l'impression que vous
26 souhaitiez faire une distinction. Le discours auquel j'ai fait référence
27 dans ce paragraphe représente une tentative, à mon avis, d'alerter le
28 peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, y compris les membres du SDS, au sujet
Page 14390
1 des difficultés auxquelles il fallait s'attendre, que toute chose n'allait
2 pas être aussi simple que le SDS se l'était peut-être imaginé, en matière
3 de maintien au sein du cadre yougoslave, par le simple résultat du
4 référendum ou du plébiscite. Je pense que j'ai parlé de ceci lors de
5 l'interrogatoire principal, du fait que les dirigeants de Belgrade
6 n'étaient pas en position sur le plan international de s'opposer à cela et
7 qu'ils n'avaient pas d'autre choix que de former une nouvelle Yougoslavie
8 constituée seulement de deux républiques fédérées et qu'inclure les
9 territoires serbes de Bosnie et de Croatie n'était pas une option pour eux.
10 En tout cas, cela ne pouvait passer que par une phase intermédiaire, et
11 c'est là qu'on voit apparaître publiquement des références à ce type
12 d'alternative, ce qui a fini par mécontenter différents cercles des Serbes
13 de Bosnie, et je ne me suis pas penché sur cela.
14 Cependant, je voudrais relever l'utilisation du mot "confédération" ici.
15 J'en ai déjà parlé. Les dirigeants serbes de Belgrade et ceux de Bosnie
16 insistaient sur le fait qu'une Confédération n'était pas un Etat. Pour
17 cette raison, ils avaient rejeté l'idée consistant à transformer la RSFY en
18 Confédération, parce que si c'était une Confédération qui était choisie,
19 les Serbes ne se retrouveraient pas tous dans un seul et même Etat. Donc,
20 la position, adoptée par le SDS au début des négociations du plan
21 Cutileiro, appelait à la mise en place d'une Confédération en Bosnie qui,
22 de leur point de vue, n'aurait pas été un Etat mais qui aurait été
23 constituée de trois entités différentes, et il y a eu des références à
24 plusieurs reprises par le Dr Karadzic et d'autres dirigeants, références au
25 fait que l'entité serbe et l'entité croate seraient libres d'établir toute
26 relation qu'elles jugeraient souhaitable à l'avenir, que ce soit avec la
27 Serbie ou la Croatie. Tout cela c'était avant que la guerre ne démarre. Ils
28 ne l'ont pas dit pendant les négociations à proprement parler, mais ils le
Page 14391
1 disaient entre eux, qu'il y aurait cette liberté d'association avec la
2 Serbie dans l'avenir, sous la forme souhaitée.
3 Q. Merci.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous maintenant avoir la pièce P782,
5 page 2 ?
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. La thèse de la Défense est la suivante, Dr Treanor : si la Bosnie-
8 Herzégovine doit sortir de la Yougoslavie, elle doit être organisée comme
9 la Suisse. Est-ce que vous vous rappelez cette proposition que nous avons
10 avancée d'éviter que la Bosnie-Herzégovine se transforme en Suisse des
11 Balkans et que toute communauté de plus de 20 ou 30 000 habitants de la
12 même appartenance ethnique puisse être constituée en cantons ? Est-ce que
13 vous vous en souvenez ?
14 R. Je m'en souviens très vaguement, oui.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Pouvons-nous avoir la page 2, s'il vous
16 plaît ? Je ne sais pas quelle est la page en serbe, mais je crois que -- en
17 fait, je crois que c'est la même page.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Je cite :
20 "La Bosnie-Herzégovine continuerait à exister dans ses frontières
21 existantes et à être placée sous l'autorité du gouvernement de Bosnie-
22 Herzégovine."
23 Point numéro 3 :
24 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine française signalent que le
25 document n'est pas disponible.
26 Numéro 3 :
27 "La souveraineté est détenue par les citoyens des nations de Bosnie-
28 Herzégovine et les autres groupes nationaux qui souhaiteraient le
Page 14392
1 réaliser."
2 Je crois que c'est la page 1, en fait --
3 R. De quel document s'agit-il ?
4 Q. Page 1, points numéro 2 et point numéro 3.
5 Il est indiqué en haut "Indépendance."
6 "La Bosnie-Herzégovine continuerait," et cetera. C'est le point
7 numéro 2.
8 Ensuite, la page numéro 3.
9 Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que ce document est celui
10 autour duquel un accord a été trouvé consistant à dire que ce serait là
11 l'organisation future de la Bosnie, et que cela a été ensuite connu sous le
12 nom de plan Cutileiro ?
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 1, s'il vous plaît.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je crois que c'est le document qu'on
15 appelle généralement accord de Sarajevo, qui n'est certainement pas
16 considéré comme un accord final. Comme il est indiqué c'est une version de
17 travail qui est censée servir de support pour des négociations futures,
18 mais ce sont en effet les termes de ce document.
19 M. KARADZIC : [interprétation]
20 Q. Mais comment pouvez-vous dire, Docteur Treanor, que ce ne sont pas là
21 les conditions ? Ne sont-ce pas là les conditions qui font l'objet des
22 négociations ? Les trois premiers points le disent n'avons-nous pas ici
23 pris l'engagement de ne pas faire sécession et de ne pas nous associer avec
24 les Etats voisins ? Il n'est pas possible de reprendre à zéro les
25 négociations chaque matin comme le faisait Izetbegovic.
26 R. Non. Ce n'est pas la façon dont je comprends ce document. En tout cas,
27 je ne le comprends pas comme un engagement. Il s'agit de jeter les bases
28 pour les négociations futures.
Page 14393
1 Q. Oui, mais justement Izetbegovic ne considérait pas cela comme des
2 conditions et c'est ainsi que la guerre a démarré. Est-ce que vous voyez
3 que les Serbes, les Croates et les Musulmans étaient censés jouir de droit
4 souverain qui devait réaliser par leur participation citoyenne au sein des
5 unités constituantes ?
6 R. Les dirigeants des Serbes de Bosnie, y compris le Dr Karadzic,
7 considéraient ceci comme étant le point le plus important de ces
8 négociations, et la victoire la plus importante qu'ils souhaitaient obtenir
9 dans l'ensemble de cette négociation qu'ils souhaitaient voir reconnaître
10 par leurs partenaires les deux autres partis ainsi que par la communauté
11 internationale, à savoir que la Bosnie-Herzégovine pouvait être partagée ou
12 découpée selon des lignes de partage ethnique.
13 Q. Merci. Demain, nous verrons demain donc qui se réjouissait de tout
14 cela, de cette éventualité; est-ce que c'était bien les Serbes seuls qui
15 s'en réjouissaient ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je voudrais simplement que nous affichions
17 la page 2.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Est-ce que vous saviez qu'Ajanovic avait déclaré qu'il s'agissait là
20 d'une victoire musulmane ?
21 R. Je crois avoir lu à l'époque une partie de ses déclarations. Bien
22 entendu, à l'époque et après la date que porte ce document, je crois que
23 les Bosniens et les Croates aussi, il me semble, ont commencé à faire
24 marche arrière.
25 Q. Mais je crains que vous n'ayez confondu Docteur Treanor. Parce que les
26 Musulmans ont mis une semaine avant de changer de position. Mais êtes-vous
27 d'accord quant au fait que c'était une victoire serbe si la Bosnie
28 demeurait au sein de la Yougoslavie ou si les territoires serbes étaient
Page 14394
1 restés yougoslaves, cela aurait été une victoire pour nous ? Et au
2 contraire d'une telle victoire, ce qui est décrit ici a été un coup
3 pénible.
4 R. Je pense que c'est ce que j'ai dit, que les Musulmans ainsi que les
5 Croates ont finalement battu en retraite et refusé d'adopter ce document,
6 donc, oui, effectivement, c'est ce que les Serbes espéraient obtenir, à
7 savoir demeurer au sein de la Yougoslavie, qui est en cause. Je
8 rappellerais aux Juges de la Chambre qu'en mars 1992, la Bosnie faisait
9 encore techniquement partie de la Yougoslavie. Nous avons constaté, pendant
10 mon interrogatoire principal, que c'est à peu près à ce moment-là, qu'a eu
11 lieu la réunion de Belgrade à laquelle le Dr Karadzic a assisté au début du
12 mois de mars, et que la position des Serbes semblait consister à penser que
13 la Bosnie demeurerait au sein de la Yougoslavie aussi longtemps que se
14 poursuivraient les négociations et que la JNA resterait dans les parties
15 serbes de la Bosnie aussi longtemps que la Bosnie restait dans le giron de
16 la Yougoslavie.
17 Q. Docteur Treanor, si nous avions eu davantage de temps nous aurions pu
18 préciser tous ces éléments, mais pour le moment je vous demanderais de vous
19 pencher sur le paragraphe D6, les différentes circonscriptions. Est-ce que
20 vous convenez que l'accord que nous avons sous les yeux stipule que les
21 différentes unités constitutives possèdent leurs propres assemblées, leur
22 propre gouvernement, leur propre pouvoir exécutif, et leur propre pouvoir
23 législatif ? Convenez-vous que ce texte prévoit que les unités
24 constitutives bosniennes soient en possession de quelque chose qui
25 ressemble beaucoup à ce que possédaient les républiques en Yougoslavie ?
26 R. Je ne sais pas jusqu'où vous poussez la comparaison entre ces unités et
27 les unités qui faisaient partie de la Yougoslavie, mais dans cette partie
28 du document, il est certain que ce sont ces questions-là qui sont traitées.
Page 14395
1 Q. Je vous remercie.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante à l'écran, je vous prie.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. En page 3, article 2, nous lisons, je cite :
5 "Les membres d'une nation, qui se retrouveraient en minorité dans une unité
6 constitutive particulière, reçoivent une protection égale à celle qui est
7 décrite à l'article 2, paragraphe 3 du projet de convention."
8 Est-ce que vous savez et est-ce que vous convenez que nous avons adopté ce
9 document avec tous les articles sans aucune exception, sans aucune réserve,
10 nous avons accepté tous les articles ?
11 R. Oui, je crois que les trois partis en présence ont accepté ce document
12 comme base de négociations le 18 mars 1992.
13 Q. Les Serbes, par conséquent, ont-ils accepté qu'une partie d'entre eux
14 résiderait dans des Unités constitutives régies par les Musulmans de Bosnie
15 et les Croates et est-ce que les Musulmans de Bosnie et les Croates de
16 Bosnie ont accepté le fait qu'une partie d'entre eux résiderait sur des
17 territoires régis par les Serbes, dans le respect de leurs droits
18 respectifs ?
19 R. C'est bien ce qu'indique ce document, oui.
20 Q. Mais vous, dans votre rapport, en page 4, dans la conclusion 2 et je
21 parle du document 5912, vous dites, je cite :
22 "Par le truchement de structures liées aux parties et sous l'influence ou
23 sous le contrôle des dirigeants bosno-serbes, le -- les processus
24 politiques et administratifs qui, finalement, ont permis aux Bosno-Serbes
25 de se garantir le contrôle des territoires et ont conduit au nettoyage
26 ethnique à grande échelle dirigé contres les non-Serbes de ces territoires
27 au printemps 1992…"
28 R. Oui, c'est bien ce qui est indiqué dans ce texte.
Page 14396
1 Q. Convenez-vous que le 18 mars 1992, nous nous sommes consacrés à faire
2 respecter ce qui était convenu, à savoir le fait que les minorités
3 nationales existeraient et que les droits des uns et des autres seraient
4 protégés.?
5 R. Oui, encore une fois, ce sont bien les dispositions que l'on trouve
6 dans ce document.
7 Q. Mais avez-vous trouvé quelque part mention du fait qu'après mon retour
8 de Bruxelles, le 3 mai 1992, répondant à un journaliste qui me demandait si
9 des transferts de population étaient prévus, j'ai répondu :
10 "Nous ne préconisons pas et ne prévoyons pas des déplacements de
11 population."
12 Est-ce que vous avez pris cela en compte ? Oui ou non ?
13 R. Je ne me rappelle pas précisément ce document.
14 Q. Je me permettrais d'appeler votre attention sur le chapitre E, intitulé
15 : "Définition des unités constitutives," je cite :
16 "Un groupe de travail sera mise en place dans le but de définir le
17 territoire des unités constitutives sur la base des principes nationaux et
18 de prendre en compte les critères économiques, géographiques et autres. Une
19 carte fondée sur la majorité relative ou absolue d'un groupe ethnique dans
20 chaque municipalité constituera la base du travail au sein de ce groupe de
21 travail et sera soumis uniquement à des amendements justifiés sur la base
22 des critère susmentionnés. Un exemplaire est annexé à la présente
23 déclaration." Fin de citation.
24 Alors, est-ce que vous voyez, Docteur, que les principes ont été convenus
25 et que nous avons poursuivi le travail ? Donc, ce qui fait l'objet de
26 négociations, ici, ce ne sont plus des principes, mais ce sont bien des
27 cartes, c'est-à-dire la représentation physique des unités constitutives en
28 tant que tel, et cetera, et cetera ?
Page 14397
1 R. Oui, les négociations avaient avancé, à ce moment-là.
2 Q. En page 5 de ce même document, nous voyons qu'un projet de carte est
3 annexé au document, donc, projet de carte représentant la division ethnique
4 de la Bosnie-Herzégovine.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande d'ailleurs que le prétoire
6 électronique nous permette de voir la pièce D91 sur les écrans.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Ce n'est pas tout à fait l'original. C'est une carte qui a été un peu
9 remaniée, mais enfin, il est écrit, tout de même, que c'est la carte
10 correspondant au plan de paix Carrington-Cutileiro. Est-ce que vous êtes
11 d'accord que, sur cette carte, on ne voit aucune continuité territoriale,
12 ni pour les Serbes, ni pour les Musulmans, ni pour les Croates ? Est-ce que
13 les différentes unités constitutives se voient octroyer, d'après cette
14 carte, un territoire qui n'est continu ni pour les uns, ni pour les autres
15 ?
16 R. Je vais vous dire que la carte Cutileiro -- est-ce que celle-ci est
17 bien la carte Cutileiro, je ne sais pas mais, en tout cas, la carte
18 Cutileiro n'avait pour but que d'illustrer les majorités ethniques
19 relatives sur la base du recensement de 1991. Comme les Juges de la Chambre
20 peuvent le voir, eux-mêmes, il me semble que la carte que nous avons sous
21 les yeux illustre ce qu'il est convenu d'appeler des cantons. Je pense que
22 cela correspond aux unités constitutives, et nous voyons que les cantons
23 revenant aux trois populations constituent des territoires qui,
24 effectivement, ne sont pas contigus et pas continus.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, je ne vous avais pas vu,
26 Monsieur Tieger.
27 Vous avez la parole.
28 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. D'abord, je me
Page 14398
1 demandais si la Défense ne pourrait pas définir exactement les
2 modifications qui ont peu être apportées à ce document et nous dire dans
3 quelle condition et à quelle date ces modifications ont pu être apportées.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous nous aider, Monsieur
5 Karadzic ?
6 [Le conseil la Défense se concerte]
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous ne sommes pas à l'origine des
8 modifications. Nous avons reproduit ce document à partir du document 1D00
9 et le numéro qui correspond, mais, en tout cas, je demanderais maintenant
10 l'affichage du document 782, page 4. Le document original avait été établi
11 à la main. En tout cas, il est très -- très, très semblable. Simplement
12 celui-ci est un peu plus élaboré sur le plan technique. J'en ai demandé
13 l'affichage de façon à ce que nous puissions constater qu'il était admis
14 que la continuité territoriale ne soit garantie à aucune des trois unités
15 constitutives. En tout cas, c'est le document original. On peut le
16 retourner à l'écran.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais la carte précédente qui aurait été
18 modifiée, Monsieur Tieger, est-ce que ce n'est pas celle qui constitue déjà
19 une pièce à conviction en l'espèce ?
20 M. TIEGER : [interprétation] Je ne peux pas le garantir, Monsieur le
21 Président, sans vérification. Mais nous pouvons immédiatement vérifier.
22 C'est certain.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce D91. Bien, nous
24 allons poursuivre.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Docteur Treanor, convenez-vous, s'il vous plaît, du fait que nous avons
28 ici la carte dessinée à la main qui était celle que l'on discutait dans le
Page 14399
1 cadre de la recherche de l'accord et que l'autre que nous avons montrée
2 avant était un peu plus élaborée sur le plan technique, plus parfaite sur
3 le plan technique, mais qu'elle était identique à celle qui est dessinée à
4 la main ?
5 R. Je reconnais certainement la carte que je vois à l'instant, qui est
6 celle qui a été dessinée à la main. Elle n'est pas très conviviale, comme
7 les Juges peuvent s'en rendre compte. Donc, il me faudrait examiner celle-
8 ci et l'autre carte en les mettant côte à côte pour les étudier dans le
9 détail afin de voir s'il y a des différences ou si elles sont identiques.
10 Mais d'un point de vue général, il me semble qu'elles sont les mêmes.
11 Encore une fois, cette carte-ci illustre les majorités relatives des trois
12 principales populations en Bosnie-Herzégovine, municipalité par
13 municipalité.
14 Q. Merci.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons encor élément temps de demander
16 l'affichage de la pièce D0302 qui nous permettra de voir l'enthousiasme qui
17 nous animait tous dans le but d'éviter une guerre. La pièce D302 nous
18 permet de voir qu'un haut responsable du Parti d'Action démocratique, un
19 député, Irfan Ajanovic, commente l'accord qui a été conclu.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais donc que l'on divise l'écran eu
21 deux parties et que d'un côté, on affiche l'original et de l'autre côté la
22 traduction de la partie surlignée du texte. Il nous faut la traduction à
23 l'écran. Mais je vais donner lecture de cette partie. Donc, le titre de cet
24 article est le suivant : "Réactions au sein du SDA au cinquième round en
25 Bosnie-Herzégovine," et juste en dessous du titre, nous lisons :
26 "Les Musulmans sont satisfaits de l'accord conclu sur la définition
27 de l'Etat."
28 Je demande qu'on agrandisse le texte serbe. Merci.
Page 14400
1 Donc, comme vous le constatez vous-même, n'est-ce pas, il est indiqué qu'il
2 a formulé ses commentaires et qu'en tant que porte-parole, il a déclaré que
3 la nation musulmane représenterait une majorité de 82 % sur son unité
4 constitutive ou futur canton ethnique, alors que le peuple serbe ne
5 représenterait que 50 %…"
6 Un peu plus loin, il énumère les avantages liés à l'accord et il indique
7 que la partie musulmane s'est bien débrouillée lors de la négociation de
8 cet accord, comme l'a fait la Croatie, bien que celle-ci se soit un tout
9 petit peu moins bien débrouillée, alors que la partie serbe est celle qui
10 est la plus mal lotie, voire même la plus lésée.
11 J'aimerais maintenant qu'on affiche le document 1D303 --
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, Monsieur Karadzic. Il est
13 temps de suspendre pour aujourd'hui. Pourriez-vous poser une question et en
14 terminer pour aujourd'hui ?
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pensais que ceci était inclus dans la même
16 question. Peut-on consacrer une minute à l'examen de la pièce 303 ?
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Docteur Treanor, vous voyez que le SDA renonce à adopter l'accord de
20 Sarajevo. C'est ce qui est écrit. Ceci se passe le 26 mars -- en tout cas,
21 entre le 18 et le 26 mars.
22 "Après le jubilée et la fête qui a eu lieu à cette occasion, le SDA renonce
23 à l'accord que nous avions réussi à obtenir…"
24 Est-ce que vous avez fait remarquer et souligner, dans votre rapport, le
25 fait qu'un accord avait été obtenu et qu'il avait besoin d'être peaufiné un
26 peu plus, mais qu'une semaine plus tard, une semaine après l'obtention de
27 cet accord, le SDA y a renoncé ?
28 R. Oui, je crois que je l'ai indiqué dans mon rapport. Je crois que j'ai
Page 14401
1 évoqué ce fait dans -- en indiquant que les deux accords, l'accord de
2 Lisbonne conclu en février et l'accord de Sarajevo conclu en mars, ont été
3 tous les deux rejetés plus tard par le SDA.
4 Q. Merci.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais que l'on réduise le texte en
6 serbe.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Mais, en tout cas, il est indiqué dans le même article qu'un millier
9 d'obus provenant de Croatie sont tombés sur Bosanski Brod, jusqu'à ce
10 moment-là.
11 Est-ce que vous saviez que nous avons négocié, nous avons essayé de faire
12 avancer la vie politique sous les obus qui pleuvaient sur nous à ce moment-
13 là ?
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que l'on rapetisse le texte en serbe
15 à l'écran. Alors, soit une réduction du texte -- bien, voilà.
16 M. KARADZIC : [interprétation]
17 Q. Ce qui est écrit ici se lit comme suit, je cite :
18 "Un millier d'obus sont tombés jusqu'à présent sur Bosanski Brod…"
19 Est-ce que vous saviez que nous vivions dans ces conditions ? Il est
20 également indiqué un peu plus loin dans l'article que des obus pleuvent
21 également sur Derventa; le saviez-vous ?
22 R. Oui. Je savais que cela se passait ainsi à l'époque.
23 Q. Merci.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous allons faire traduire cette page de
25 "Politika" également, avec l'autorisation des Juges de la Chambre.
26 J'indique que j'en ai terminé pour aujourd'hui.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je tenais à faire remarquer que ce
28 document qui a été évoqué sous le numéro de pièce D303 est le document qui
Page 14402
1 a été rejeté, dont le versement au dossier a été rejeté. Il a été
2 enregistré comme ayant été rejeté. Vous l'avez utilisé avec le Dr Donia,
3 mais d'après le prétoire électronique, ce document n'a pas été admis au
4 dossier. Enfin, nous poursuivrons demain.
5 Monsieur Tieger.
6 M. TIEGER : [interprétation] Je voulais simplement dire, Monsieur le
7 Président, que la proposition d'horaire --
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
9 M. TIEGER : [interprétation] -- pour la suite de ce mois, nous n'y voyons
10 aucun problème.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, au lieu du 16, nous allons siéger
12 le 24, vendredi --
13 M. TIEGER : [interprétation] C'est ce que nous avons compris, et nous
14 n'avons défini aucun problème.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on admettre ce document ?
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comme lors de l'audition du Dr Donia, je
17 ne pense pas que nous disposions des fondements nécessaires pour admettre
18 ce document par le truchement de ce témoin.
19 Nous poursuivrons demain à partir de 9 heures.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais il a confirmé, Votre Excellence, il a
21 confirmé qu'il savait qu'au départ ils étaient contents de cette situation
22 et qu'ensuite, ils ont rejeté les deux textes des deux accords. Il l'a
23 confirmé.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous y reviendrons demain.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
26 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mercredi 8 juin
27 2011, à 9 heures 00.
28