Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 26 octobre 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Comment allez-vous, Monsieur Atlija ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais bien, merci.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, et bonjour à vous. Bonjour, Excellences.

 11   Bonjour à toutes les personnes présentes dans le prétoire.

 12   LE TÉMOIN : IVO ATLIJA [Reprise]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 15   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Atlija.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Nous nous sommes arrêtés au moment où nous avons parlé des enseignants.

 18   Je n'ai pas eu de réponse satisfaisante eu égard à ce qui se passait à

 19   Brisevo et ce que les autorités n'étaient pas censées savoir; mais je n'ai

 20   pas eu de réponse, et je ne sais pas pourquoi vous n'avez pas évoqué cela

 21   dans votre première déclaration. Vous avez dit qu'il n'y avait que deux

 22   femmes serbes qui vivaient là avec vous, mais lui, vous ne l'avez pas

 23   mentionné, vous ne l'avez cité que plus tard.

 24   R.  Je l'ai cité plus tard parce qu'il travaillait à Brisevo. Il avait un

 25   appartement à Prijedor et une maison dans le village de Donji Rasavci. Et

 26   de temps en temps il venait à la maison du père de sa femme, parce qu'il

 27   avait épousé une femme de Brisevo également.

 28   Q.  Merci. Dans vos déclarations dans l'affaire Brdjanin, 11 962 et autres


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  1   pages, vous avez dit que la vie entre les communautés ethniques était

  2   quasiment idyllique. Comment pourriez-vous nous expliquer cela ? Pourquoi

  3   vous épiez-vous les uns les autres alors que la situation était aussi

  4   idyllique ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demanderais à M. Karadzic de bien

  7   vouloir ne pas déformer les propos du témoin. Le témoin n'a pas dit cela.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

  9   Monsieur Karadzic.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et M. Karadzic a dit : Je ne sais pas

 11   pourquoi vous n'avez pas dit ceci dans vos déclarations. Le témoin en

 12   revanche n'a fait qu'une déclaration, et c'est ce sur quoi ont porté les

 13   questions du Dr Karadzic vendredi. Ces déclarations n'étaient donc pas au

 14   pluriel.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que M. Atlija a donné une déclaration

 17   en Croatie.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Pourriez-vous m'aider en ce sens, s'il vous plaît. Quel était le nom

 20   HIC; c'est exact ?

 21   R.  J'ai donné ma première déclaration au Centre de renseignement croate.

 22   C'est ainsi que s'appelait cet institut à l'époque.

 23   Q.  Et ensuite vous avez donné une déclaration à ce Tribunal, ou en tout

 24   cas au bureau du Procureur, n'est-ce pas ?

 25   R.  J'ai donné ma deuxième déclaration à la commission du Département

 26   d'Etat des Etats-Unis. La commission chargée des crimes de guerre. Ceci

 27   s'est également produit en Croatie. A un moment donné en l'an 2000, je

 28   crois, j'ai remis une déclaration à ce Tribunal.


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  1   Q.  Merci. Donc au total trois déclarations avant votre première

  2   déposition; c'est exact ?

  3   R.  La déclaration fournie au Centre de renseignement croate a été traduite

  4   en anglais et utilisée comme fondement pour la déclaration que j'ai faite à

  5   ce Tribunal en 2000; alors que la déclaration que j'ai faite à la

  6   commission du Département d'Etat américain est un document que je n'ai

  7   jamais revu depuis.

  8   Q.  Merci. A la page 11 de cette déclaration que vous avez faite au Centre

  9   de renseignement croate, vous avez dit que les relations interethniques

 10   entre les Serbes et les Croates étaient tout à fait excellentes, que vous

 11   jouiez au football ensemble, et cetera. Cependant, on vous a posé une

 12   question dans l'affaire Brdjanin sur les raisons de cela, comment se

 13   faisait-il que les villages serbes, et croates et musulmans étaient

 14   quasiment majoritaires, dans un sens où ils étaient pures, ethniquement

 15   parlant. Et vous avez dit que vous vous voyiez, et vous aviez des relations

 16   entre vous en dehors du travail, vous aviez de bonnes relations, donc ?

 17   Sinon, vous viviez dans vos villages respectifs; c'est exact ?

 18   R.  Il est exact que les villages étaient à 100 % habités par des Serbes,

 19   des Croates et des Musulmans, cela est vrai. Mais jusqu'au moment de ces

 20   campagnes électorales, il n'y a pas eu de changements en 1990. Il n'y a pas

 21   eu d'incidents particuliers ou graves. Il n'y a pas eu de désaccords ou de

 22   différends d'une quelconque importance. Nous jouions au football ensemble.

 23   Par exemple, nous jouions d'instruments de musique à des soirées dans les

 24   villages voisins qui étaient habités par des Musulmans et des Serbes. Nous

 25   n'avons pas prêté particulièrement attention à l'appartenance ethnique de

 26   l'un ou de l'autre ni des aspirations religieuses des uns et des autres.

 27   Nous pensions que cela n'avait pas d'importance à leurs yeux non plus. Et

 28   cela n'avait pas d'importance pour nous. Alors, pour ce qui est des


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  1   premiers incidents -- eh bien, on pouvait constater que les gens n'étaient

  2   pas aussi proches les uns des autres  qu'ils étaient par le passé. Ces

  3   partis nationaux, quel que soit le nom qu'on leur donne, ces partis ont été

  4   créés lors de ces campagnes électorales.

  5   Et lorsque vous avez parlé du fait d'épier les uns les autres, c'est

  6   quelque chose que je n'ai jamais dit. Je n'ai jamais dit que nous nous

  7   épions les uns les autres. J'ai dit dans cette déclaration -- ou, plutôt,

  8   j'ai écrit dans cette déclaration que cet enseignant - je ne sais pas quel

  9   verbe j'ai utilisé dans ma déclaration - je ne sais pas si j'ai utilisé le

 10   terme "d'épier" - mais je n'ai pas dit que c'était mutuel. Je n'ai pas dit

 11   que cela allait dans les deux sens que nous nous épions mutuellement. Je

 12   n'ai pas dit cela.

 13   Q.  Merci. Alors, essayons d'avoir une idée de l'ordre chronologique dans

 14   lesquels ces événements se sont déroulés. Etait-ce en 1989 que le HDZ a été

 15   créé en Croatie ?

 16   R.  Je ne sais pas si ceci a été créé en Croatie. Je suis ici pour déposer

 17   au sujet de ce qui s'est passé à Prijedor et la région de Prijedor où

 18   j'étais moi-même, et j'ai quelque chose que j'ai ressenti au niveau de ma

 19   propre peau. Je peux dire aujourd'hui que je suppose que c'est l'année où

 20   le HDZ a été créé en Croatie, mais je n'en connais pas la date exacte.

 21   Q.  Merci. Tout d'abord, à quelle distance se trouve la frontière croate de

 22   Prijedor à vol d'oiseau ?

 23   R.  Je ne sais pas exactement, mais cela n'est pas très éloigné.

 24   Q.  Merci. Est-il exact de dire que le HDZ en Croatie a gagné les élections

 25   le 20 avril 1990 ?

 26   R.  Le HDZ a gagné les élections en Croatie en avril 1990, d'après ce que

 27   je sais ou d'après mes souvenirs.

 28   Q.  Merci. Est-ce exact qu'avant cette date-là le HDZ était entré en


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  1   Bosnie-Herzégovine de façon triomphale, et les zones croates en Bosnie-

  2   Herzégovine avaient voté dans ces élections en faveur de la Croatie ?

  3   R.  Je ne sais pas quel est le cas au sujet d'autres régions de Bosnie-

  4   Herzégovine parce que je ne m'y trouvais pas moi-même. Mais ceci n'était

  5   pas le cas dans notre région. Il n'y avait ni HDZ ni vote dans une

  6   quelconque élection en Croatie, ou en tout cas pas pour nous, les Croates

  7   qui habitions dans notre région. Je ne peux rien dire au sujet des autres

  8   régions parce que je n'y étais pas moi-même.

  9   Q.  Moi je n'étais pas en Bosnie-Herzégovine occidentale non plus, mais

 10   ceci se trouvait dans les médias. Il y avait des photographies tout à fait

 11   impressionnantes des rassemblements politiques du HDZ avec tous les

 12   insignes qu'arborait la Croatie en présence du président Tudjman, et nous

 13   entendions sa rhétorique. Ne vous souvenez-vous pas de tout cela ?

 14   R.  Je me souviens qu'il y avait des rassemblements politiques du HDZ, en

 15   particulier en Herzégovine occidentale. De tels rassemblements politiques

 16   dans d'autres régions de la Bosnie-Herzégovine également, mais je ne peux

 17   pas vous dire exactement pendant quel mois ou quelle année ceux-ci se sont

 18   produits. Je peux vous dire avec certitude qu'il n'y avait pas de

 19   rassemblements politiques qui étaient organisés dans la région au moment où

 20   j'y étais moi-même.

 21   Q.  Merci. Le Parti démocratique serbe, en avril 1990, était-il puissant

 22   lorsque le HDZ a gagné les élections en Croatie le 20 d'avril 1990 ?

 23   R.  Je ne suis pas qualifié pour répondre à cette question-là. Je ne sais

 24   pas si le Parti démocratique serbe était puissant à l'époque, et je ne sais

 25   pas dans quel sens vous l'entendez.

 26   Q.  Eh bien, vous dites qu'avant que les relations ethniques ne se

 27   dégradent à Prijedor, tout se passait bien, mais ensuite les partis

 28   politiques ont été créés. Et je peux vous dire que le SDA et le HDZ avaient


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  1   déjà été créés lorsque le SDS a été créé. Le HDZ avait été créé déjà un an

  2   et demi auparavant en Croatie. Donc à qui attribuez-vous cela : au SDS ou

  3   aux autres partis qui ont été les premiers partis à être créés, qui avaient

  4   fixé la température en quelque sorte de ces campagnes ?

  5   R.  Je vais répéter ma question [comme interprété] encore une fois. J'ai

  6   parlé dans ma déposition de ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine, alors

  7   que vous, vous ne cessez de me parler du moment où le HDZ a été créé en

  8   Croatie, et vous comparez cela à la création du SDS en Bosnie-Herzégovine.

  9   Alors que moi, je suis ici pour parler de ce que je sais à propos de ce qui

 10   s'est passé en Bosnie-Herzégovine. Je vous demande donc de bien vouloir ne

 11   pas confondre ce qui s'est passé en Croatie avec ce qui s'est passé en

 12   Bosnie-Herzégovine. Je ne suis pas compétent pour répondre à des questions

 13   sur ce qui s'est passé en Croatie.

 14   Q.  Est-ce que cela signifie, Monsieur Atlija, que vous n'allez déposer que

 15   sur ce que vous avez vu de vos propres yeux, vous personnellement ?

 16   R.  Dans ma déclaration, celle que j'ai remise à ce Tribunal et la

 17   déclaration que j'ai faite en Centre de renseignement croate, j'ai essayé

 18   d'insister sur ce que j'ai vu personnellement, sur ce que j'ai vécu

 19   personnellement, et j'ai également essayé de faire la part des choses et de

 20   dire ce dont j'avais entendu parler de tiers qui avaient vécu certaines

 21   choses elles-mêmes. J'ai toujours voulu faire cette différence pour éviter

 22   tout malentendu. Pour ce qui est des médias, vous m'avez posé différentes

 23   questions sur la Croatie, vous me posez des questions sur la création du

 24   HDZ en Croatie et de la victoire pour ce qui est du HDZ en Croatie, et

 25   cetera. Bien sûr, nous pouvions voir et entendre tout ceci dans les médias.

 26   Pour ce qui est des événements qui se sont déroulés en Croatie, je ne peux

 27   pas parler de cela dans ma déposition. Encore une fois, j'étais à Brisevo,

 28   j'étais dans la région de Prijedor. Je peux témoigner à ce sujet, je peux


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  1   vous dire exactement ce que j'ai vécu, ce que j'ai vu et ce que d'autres

  2   m'ont raconté. Ma mère était là. Ma sœur également, mes parents proches et

  3   mes amis. En revanche, ce qui s'est déroulé en Croatie était assez loin de

  4   là, n'est-ce pas ?

  5   Q.  01905236, c'est la page sur laquelle vous avez clairement précisé que

  6   vous alliez faire la part des choses entre ce que vous aviez vu vous-même

  7   et entendu vous-même et ce que vous avez entendu de la bouche d'autres

  8   personnes. Cependant, la question que je vous pose c'est : ce qui s'est

  9   passé en Croatie a-t-il eu une quelconque incidence sur d'autres régions de

 10   Bosnie-Herzégovine, oui ou non ?

 11   R.  Encore une fois vous me posez une question à laquelle je pourrais

 12   répondre de différentes façons. Différentes suppositions, hypothèses

 13   pourraient en être déduites sur ces événements qui se sont déroulés en

 14   Bosnie-Herzégovine et leurs conséquences. Je peux vous parler ce qui est

 15   arrivé aux Etats-Unis, au Bangladesh ou en Chine qui ont eu des

 16   conséquences sur la Bosnie-Herzégovine.

 17   Q.  Ecoutez, le même type de conséquence ?

 18   R.  Ecoutez, non, pas avec la même intensité.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Venez-en à votre question, Monsieur

 20   Karadzic. Votre temps est limité.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Eh bien, écoutez, voici la question : vous avez indiqué dans l'affaire

 23   Stakic à la date du 3 juillet, à la page 5 551 à la page 5 553, vous avez

 24   dit que les Serbes, au mois de mars 1992, étaient dans leurs cafés et

 25   revenaient du front et que "cette partie de la Bosnie-Herzégovine ne

 26   deviendrait jamais croate, ceci n'arriverait jamais."

 27   Cette partie-là de la Bosnie-Herzégovine a-t-elle jamais fait partie

 28   de la Croatie ?


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  1   R.  Il est vrai que ces personnes qui rentraient du front croate disaient

  2   cela. Ces personnes se vantaient de ce qu'elles avaient fait en Croatie.

  3   Elles avaient dit qu'elles planteraient des bulbes d'oignons au stade de

  4   football Maksimir.

  5   Q.  Ce n'est pas la question que je vous pose. Je vous pose la question au

  6   sujet de Prijedor, si Prijedor faisait partie de la Croatie pendant la

  7   Deuxième Guerre mondiale, sous occupation allemande ?

  8   R.  D'après ce que je sais de mes livres d'histoire, Prijedor faisait

  9   officiellement partie de la Croatie pendant la Deuxième Guerre mondiale.

 10   Mais encore une fois, je ne suis pas ici aujourd'hui pour témoigner au

 11   sujet de la Deuxième Guerre mondiale. Je suis né quasiment 20 ans après la

 12   Deuxième Guerre mondiale.

 13   Q.  Mais c'est votre propre phrase que je reprends : Les Serbes ont dit

 14   qu'ils ne permettraient jamais à cette partie de la Bosnie-Herzégovine

 15   d'appartenir à la Croatie. Et c'est ce que vous avez dit en guise

 16   d'accusation. Vous avez dit que ceci a contribué à la détérioration de la

 17   situation, et je vous demande s'il y avait des quelconques raisons à cela,

 18   que Dalibor Brozovic allait se défendre et défendre la Drina. Avez-vous

 19   entendu ces propos-là ? Dalibor Brozovic a dit cela.

 20   R.  Alors, ce que Dalibor Brozovic a dit et la date à laquelle il a dit

 21   cela, c'est là quelque chose auquel je ne peux pas répondre, je ne le sais

 22   pas.

 23   Q.  Cela suffit. Cela suffit. Je vous demandais simplement si vous en aviez

 24   entendu parler.

 25   Monsieur Atlija, vous avez déjà montré que vous êtes partial. Vous êtes en

 26   train d'accuser les Serbes d'avoir fait augmenter la température, et moi je

 27   vous demande s'il y avait une quelconque raison à cela.

 28   R.  Si vous me le permettez, je vais répondre.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Là où je vivais et là où je travaillais, il

  3   n'y avait aucune raison pour cela. Il n'y avait pas de menaces militaires

  4   ou autres émanant d'autres communautés ethniques. A savoir, pas de la part

  5   de la communauté musulmane ou croate. Et la population croate dans cette

  6   région, si je me souviens des chiffres du recensement, recensement qui a eu

  7   lieu juste avant cette date-là, il y avait environ 7 000 Croates qui

  8   vivaient dans la municipalité de Prijedor. Si on compare ce chiffre-là au

  9   nombre de Serbes qui vivaient dans cette municipalité-là ainsi que des

 10   Musulmans, c'était un chiffre négligeable, c'était tout petit. Donc nous ne

 11   pouvions être une menace pour personne.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  C'est vous qui avez soulevé cette question-là, et moi je vous dis

 14   aujourd'hui qu'avant la Deuxième Guerre mondiale, le rapport était encore

 15   davantage en faveur des Serbes. Quoi qu'il en soit, les Serbes ont dû

 16   souffrir aux mains des Croates à Prijedor pendant la Deuxième Guerre

 17   mondiale ?

 18   R.  Quelle était la composition ethnique de la population avant la Deuxième

 19   Guerre mondiale, c'est quelque chose que je ne sais pas. Je ne dispose pas

 20   de cet élément d'information.

 21   Q.  Merci.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, j'essaie toujours de comprendre

 23   la pertinence de ces questions. Passons à un autre sujet.

 24   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que M. Karadzic, peut-il nous

 27   donner les pages de compte rendu exactes, parce que je ne sais pas de quoi

 28   il parle.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 5 553, lorsqu'on lui a posé la

  2   question de savoir s'il a parlé à des Serbes et s'il savait pourquoi ils

  3   portaient des armes, il a répondu en disant que -- voici l'explication,

  4   l'explication la plus communément fournie est qu'ils souhaitaient défendre

  5   la Yougoslavie avec succès.

  6   Mais si ces propos-là sont sortis de leur contexte, il est difficile

  7   de suivre votre question. Ce qui est encore plus important -- je dois dire

  8   que je mets en doute la pertinence de cette série de questions.

  9   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que cette série de questions nous

 11   amène à la question principale.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Vous avez dit, Monsieur le Témoin, que les Serbes ont pris le pouvoir à

 14   Prijedor le 30 avril. Savez-vous quelles ont été les raisons de cette prise

 15   de pouvoir ? Et êtes-vous au courant des télégrammes qui arrivaient de

 16   Sarajevo et qui portaient sur le début de l'attaque contre la JNA et les

 17   Serbes ? Il y a eu plusieurs télégrammes qui ont été envoyés, le plus

 18   explicite est arrivé le 29. Si vous ne le savez pas, dites-le. Répondez

 19   simplement par oui ou par non.

 20   R.  Non. Je ne suis au courant d'aucun télégramme, tout simplement parce

 21   que je n'occupais aucun poste qui m'aurait permis de savoir si des

 22   télégrammes étaient arrivés ou non, et je ne connaissais personne non plus

 23   qui aurait pu me donner cet élément d'information.

 24   Q.  Merci. Savez-vous qu'il y a eu de longues négociations sur la division

 25   de la municipalité en deux ou trois parties ?

 26   R.  Oui, j'ai entendu parler de cela de mes collègues; je travaillais

 27   encore à ce moment-là. J'ai entendu dire qu'il y avait des négociations en

 28   cours. Pour ce qui est des détails de ces négociations qui portaient sur la


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  1   séparation, je ne suis pas au courant.

  2   Q.  Est-il exact que Ljubija était autrefois une municipalité ?

  3   R.  Je crois que c'était effectivement le cas.

  4   Q.  Merci. Et est-ce que vous savez qu'à l'époque où les Serbes ont pris le

  5   contrôle de Prijedor, les Croates, à savoir le HDZ, ont pris le contrôle de

  6   Ljubija, et le HDZ a pris le contrôle du poste de police ? Est-ce quelque

  7   chose dont vous êtes au courant ?

  8   R.  Je ne sais pas d'où vous tenez cette information. Ce que vous avez dit

  9   n'est pas exact. Le HDZ ou les Croates n'ont pas pris le contrôle du poste

 10   de police, ils n'ont pas pris le contrôle de Ljubija à aucun moment non

 11   plus. Ceci n'est pas exact.

 12   Q.  Nous allons y venir. Donc cela signifie que vous n'avez pas entendu

 13   dire que la cellule de Crise de Prijedor a conseillé aux Serbes

 14   minoritaires d'accepter ces autorités, de rester fidèles, et de garder le

 15   silence ? Vous n'avez pas entendu parler de cela ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Et vous-même, est-ce que vous lisiez "Glas" et "Kozarski Vijesnik", les

 18   journaux locaux ?

 19   R.  De temps en temps, je lisais "Kozarski Vijesnik".

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, j'ai oublié de vous

 21   dire que nous allons siéger aujourd'hui en vertu de l'article 15 bis

 22   aujourd'hui, en l'absence de M. le Juge Morrison, qui nous rejoindra

 23   demain.

 24   Oui, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Vous avez également dit qu'il fallait des sauf-conduits pour les non-

 28   Serbes pour qu'ils puissent se déplacer. Est-ce que les Serbes avaient


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  1   besoin de ces sauf-conduits également ou pas ?

  2   R.  A savoir si les Serbes avaient besoin de sauf-conduits, je ne le sais

  3   pas, mais je ne pense pas que c'était le cas.

  4   Q.  Oui, c'est quelque chose que vous avez dit de façon différente dans

  5   l'affaire Stakic. Vous avez dit que vous ne le saviez pas. Et dans

  6   l'affaire Zupljanin, vous avez dit qu'ils n'en avaient pas besoin. C'est

  7   exact ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant voir le

  9   numéro 65 ter 35042. Et dans ce document, le numéro ERN est le 0401-0279.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je demande à ce

 11   que le témoin soit autorisé à répondre à la question de M. Karadzic s'il le

 12   souhaite.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si le témoin a répondu à

 14   la dernière question.

 15   Vous en souvenez-vous ? Avez-vous dit des choses différentes. Dans

 16   l'affaire Stakic, vous avez dit que vous ne saviez pas, et dans l'affaire

 17   Zupljanin, vous avez dit qu'ils n'en avaient pas besoin ? Pourriez-vous

 18   répondre à la question, s'il vous plaît.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'en souviens, et je vais vous dire

 20   pourquoi j'ai dit cela. Dans le premier cas, j'ai dit que je n'étais pas

 21   sûr, et je le répète aujourd'hui, je n'en suis pas sûr, mais je crois

 22   qu'ils n'en avaient pas besoin, car j'ai entendu des Serbes par la suite

 23   fournir une réponse à cela. S'ils étaient armés, étaient en uniforme et

 24   s'ils portaient un fusil, ils n'avaient pas besoin de sauf-conduits. Ils

 25   étaient quasiment tous armés et en uniforme.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Vous avez dit en l'an 2000 dans l'affaire Stakic, et cela se trouve à

 28   la page 5 659, vous avez dit en réalité que vous ne saviez pas. Et dans


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  1   l'affaire Zupljanin, à 16 082, vous avez dit qu'ils n'avaient pas besoin de

  2   sauf-conduits.

  3   Veuillez regarder ce document, s'il vous plaît.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons l'agrandir, s'il vous

  5   plaît. Je ne pense pas que nous disposions de la traduction correspondante.

  6   Je ne pense pas qu'il s'agisse du bon document.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Atlija, il s'agit là de conversations téléphoniques croates.

  9   Les Services secrets croates avaient mis ces hommes sur écoute. Et au

 10   niveau de la dernière phrase, nous entendons que : "Le commandant Raskovic

 11   dirigeait le centre de presse, et le commandant Celjenac a lancé une menace

 12   et il a dit qu'il le tuerait, il le ferait abattre s'il ne consignait pas

 13   par écrit ce qu'il m'avait dit et s'il se promenait sans documents."

 14   Voyez-vous que l'attitude était extrêmement stricte à l'égard de ces

 15   questions-là et que les Serbes devaient également porter des documents sur

 16   eux ?

 17   R.  Ce document ne m'a jamais été montré auparavant. Je n'ai même jamais

 18   rien vu de la sorte. C'est la première fois que je le vois. Mais je vais

 19   répéter encore une fois : nous, les locaux de Ljubija, nous étions des

 20   Semberija [phon], nous sommes rendus à Prijedor, et on ne nous a demandé

 21   aucun sauf-conduit. Il s'agissait simplement de monter à bord d'autobus et

 22   de nous rendre à Prijedor. Et pour nous, les non-Serbes, cela ne se passait

 23   pas comme cela.

 24   Q.  Et donc, comment se fait-il qu'en 2002 vous ne saviez pas cela, et

 25   qu'en 2010 et 2011, maintenant, vous le savez ? Comment se fait-il que

 26   votre mémoire soit bien meilleure aujourd'hui qu'en 

 27   2002 ?

 28   R.  Ecoutez, ma mémoire a toujours été bonne, Monsieur Karadzic, autant que


Page 20362

  1   faire se peut. Mais si je ne sais pas quelque chose, j'ai toujours dit que

  2   je n'étais pas sûr. Mais si vous me le permettez, j'ai souvent parlé à

  3   différentes personnes et j'ai eu l'occasion d'obtenir des éléments

  4   d'information par-ci, par-là. Et si je ne suis pas certain de quelque

  5   chose, je peux peut-être avoir cet élément d'information par la suite.

  6   Q.  Veuillez me dire quel Serbe vous a dit que les Serbes n'avaient pas

  7   besoin de sauf-conduit ?

  8   R.  Je n'ai jamais de façon explicite demandé, par exemple, M. Zoran Pejic

  9   de Ljubija, je ne lui ai jamais dit de façon explicite : Est-ce qu'il vous

 10   faut un sauf-conduit pour vous rendre à Prijedor ? Mais je peux vous dire

 11   aujourd'hui que je ne sais pas combien de fois, dix, voire 20 fois peut-

 12   être, j'ai été là lorsque M. Zoran Pejic, ou un Serbe qui était surnommé

 13   Steven, je ne me souviens pas de son nom, ou de Rade Zekanovic, par

 14   exemple, ou je peux essayer de me souvenir de tous ces noms, lorsqu'ils se

 15   rendaient à Prijedor, ils montaient simplement à bord de l'autobus et se

 16   rendaient à Prijedor. Ils allaient là où ils souhaitaient se rendre. Ils

 17   allaient en voiture et se rendaient à l'endroit où ils souhaitaient se

 18   rendre.

 19   Q.  Comment savez-vous qu'ils ne portaient pas de sauf-conduit dans la

 20   poche ?

 21   R.  Je n'ai pas inspecté leurs proches. Mais si quelqu'un n'était pas un

 22   Serbe et souhaitait se rendre à Prijedor ou ailleurs à l'époque, c'est une

 23   procédure qui prenait de longues heures. On ne pouvait pas simplement aller

 24   à la gare routière, monter à bord de l'autobus, et se mettre en route.

 25   Q.  Très bien. Nous allons faire venir un autre témoin pour parler de cela,

 26   étant donné que vous ne savez pas ce que ces personnes avaient dans la

 27   proche.

 28   Vous avez eu l'occasion de voir l'incident qui s'est déroulé à


Page 20363

  1   Hambarine. Est-il exact que la guerre en Bosnie a commencé, je ne vais pas

  2   dire le 3 mars lorsque les forces croates ont attaqué Brod ou lorsque les

  3   forces croates ont attaqué Kupres le 3 avril, mais est-ce que nous

  4   pourrions dire que la guerre a commencé le 6 avril en Bosnie ?

  5   R.  Je n'ai jamais dit de toute façon que j'ai vu l'incident de Hambarine.

  6   J'ai insisté sur le fait que j'ai entendu parler de cet incident. Et

  7   deuxième point, pour répondre à la deuxième partie de votre question, la

  8   guerre en Bosnie a commencé lorsque les Serbes, les forces serbes et les

  9   formations paramilitaires serbes ont rasé au sol le village de Ravno en

 10   Bosnie orientale. Et je n'en connais pas la date.

 11   Q.  C'est la raison pour laquelle la Croatie faisait toujours partie de la

 12   Yougoslavie, et en 1991 il y a eu des conflits avec l'armée populaire

 13   yougoslave ?

 14   R.  Je vous ai dit que malheureusement je n'en connais pas la date, donc je

 15   ne peux pas vous donner de réponse exacte.

 16   Q.  Donc je ne devrais vous poser aucune question à propos de Hambarine;

 17   c'est exact ? Vous n'avez pas vu cela; c'est exact ?

 18   R.  Vous pouvez me poser toutes les questions que vous voulez, mais j'ai

 19   bien mentionné dans ma déclaration que je n'avais pas vu en tant que témoin

 20   oculaire l'incident de Hambarine mais que j'en avais entendu parler. Donc

 21   je le répète : si vous avez lu ma déclaration, dans cette déclaration il

 22   n'est jamais mentionné que j'aie été témoin oculaire de cet incident.

 23   Q.  Mais cet incident a eu lieu le 22 mai, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, le 22 mai 1992.

 25   Q.  Merci. Savez-vous que la police avait lancé un ultimatum demandant aux

 26   meurtriers parmi les réservistes de se rendre ? Et y compris Aziz

 27   Aliskovic, qui était un policier. Vous avez entendu parler de cet ultimatum

 28   dont la date a été repoussée à plusieurs reprises ?


Page 20364

  1   R.  L'ultimatum a été diffusé sur ce qui s'appelait à l'époque Radio

  2   Prijedor. Cependant, je ne suis pas d'accord avec la manière dont vous

  3   décrivez les meurtriers, ou quel que soit le nom que vous leur donnez. En

  4   effet, je ne suis pas au courant de cela. Je peux simplement dire qu'il y a

  5   eu un incident dont j'ai entendu parler, il y a eu des tirs à Hambarine,

  6   des gens ont été blessés. Je ne pense pas que qui ce soit ait été tué, mais

  7   je n'en suis pas sûr. Donc c'est la raison pour laquelle je ne peux pas

  8   vous dire si des personnes ont été tuées. J'ai entendu parler de cet

  9   ultimatum puisqu'il était diffusé continuellement à la radio, et ils

 10   voulaient tout d'abord que ce dénommé Aliskovic se rendre. C'est exact.

 11   Q.  Merci. Si je vous disais qu'il y avait six gars dans une voiture - deux

 12   Croates et quatre Serbes - et deux Serbes ont été tués, deux autres ont été

 13   grièvement blessés et deux autres ont été blessés légèrement. Donc, au

 14   total, six personnes ont été touchées. Est-ce que cela vous rappelle

 15   quelque chose ?

 16   R.  Je vous ai dit que j'avais entendu parler de cet incident. J'ai entendu

 17   parler du fait que des personnes avaient été blessées. Je ne sais pas s'il

 18   y a eu des morts. Et je suis désolé d'apprendre, si tel est le cas, que les

 19   personnes aient été tuées. Mais je ne peux pas vous dire plus de choses à

 20   ce sujet car je n'étais pas présent.

 21   Q.  Merci. Mais vous avez dit : "J'ai vu cette attaque car on était postés

 22   dans un arbre avec Milan Buzuk," et vous dites que vous avez entendu parler

 23   de l'ultimatum, et cetera. Est-ce que vous n'avez pas mentionné ceci dans

 24   votre déclaration que vous avez faite au bureau du Procureur à la page 56,

 25   le 20 octobre 2000 ?

 26   R.  Monsieur Karadzic, lorsque j'ai dit que nous regardions ce qui se

 27   passait à Hambarine, et lorsque j'ai parlé de l'attaque à Hambarine,

 28   c'était quelque chose d'autre. Nous étions sur une colline, mais c'était


Page 20365

  1   après l'ultimatum. C'est exact, nous étions sur une colline, et nous sommes

  2   montés sur un arbre de façon à mieux voir. Brisevo est à une altitude

  3   d'environ 400 ou 500 mètres, presque 500 mètres. Et, par conséquent, on a

  4   un très bon point de vue de Prijedor et des zones environnantes. Donc on

  5   pouvait voir très bien ce qui se passait à Hambarine durant l'attaque. Mais

  6   nous ne parlons pas du même incident. Vous essayez de me faire dire que

  7   j'ai vu directement en tant que témoin oculaire cet incident.

  8   Q.  J'ai parlé de l'attaque sur Hambarine. A quelle distance se trouve

  9   Brisevo de Hambarine ?

 10   R.  Eh bien, à vol d'oiseau, je dirais que c'est environ à 2 kilomètres.

 11   Mais par la route, puisqu'il faut traverser les collines et les vallées, ça

 12   prend plus longtemps. C'est environ à 10 kilomètres. Mais à vol d'oiseau,

 13   c'est à quelques kilomètres.

 14   Q.  Mais qu'est-ce que vous voulez dire deux, trois, quatre ?

 15   R.  Je dirais 2 ou 3 kilomètres.

 16   Q.  Merci. Ensuite, vous avez dit qu'ils ont ouvert le feu contre les

 17   Serbes; est-ce exact ?

 18   R.  J'ai dit que l'on pouvait entendre des tirs qui venaient de Hambarine

 19   et ces tirs étaient dirigés contre les soldats qui attaquaient Hambarine.

 20   Il s'agissait simplement d'armes d'infanterie, pas d'armes lourdes, mais on

 21   pouvait entendre les tirs. C'est exact.

 22   Q.  Merci. Pour ce qui est des hommes qui se trouvaient à Hambarine, est-ce

 23   qu'ils avaient le choix ? Est-ce qu'on leur a demandé de rendre leurs armes

 24   et est-ce qu'Aliskovic a eu la possibilité également de se rendre, ou est-

 25   ce qu'ils ont décidé de transformer Hambarine en champ de bataille ?

 26   R.  Je crois que les Serbes ont décidé de transformer Hambarine en champ de

 27   bataille, et cet incident était un bon prétexte. S'ils ne voulaient

 28   qu'Aliskovic et d'autres meurtriers, comme vous les avez appelés, ceci


Page 20366

  1   aurait pu être résolu d'une autre manière plutôt que de raser un village,

  2   de tuer des personnes et d'en faire partir beaucoup d'autres.

  3   Q.  Je ne vous demande pas cela. Ce que vous venez de nous dire ne

  4   représente pas la vérité. La vérité est tout autre. Je vous demande de

  5   répondre à mes questions. Je vous ai demandé s'ils avaient le choix.

  6   Passons à Kozarac. J'aimerais savoir si un ultimatum a été lancé au niveau

  7   de Kozarac pour qu'ils rendent leurs armes, et est-ce que c'est seulement

  8   après cela, après cet ultimatum, qu'une attaque a eu lieu ? Vous avez

  9   également parlé de cela.

 10   R.  Pour ce qui est d'un ultimatum à Kozarac, je n'en ai pas parlé parce

 11   que je n'en sais rien. J'ai parlé de l'attaque contre Kozarac parce qu'on

 12   peut voir aussi cela, mais c'est à une distance beaucoup plus importante

 13   que Hambarine.

 14   Q.  Merci.

 15   R.  Et si vous me le permettez : pour répondre complètement à votre

 16   question, est-ce qu'ils avaient le choix ou s'il agissait d'une condition

 17   qui avait été imposée pour rendre les armes, j'aimerais savoir pourquoi les

 18   Serbes avaient le droit d'imposer des conditions, de demander à d'autres de

 19   rendre les armes ? Pourquoi ?

 20   Q.  Eh bien, Monsieur, parce qu'ils tuaient des soldats et des civils parce

 21   qu'ils voulaient la guerre. Est-ce que ce n'est pas clair dans votre esprit

 22   qu'ils n'ont pas fait l'objet d'attaque jusqu'à la fin du mois de mai ? Si

 23   c'était l'objectif des Serbes de les attaquer, ils auraient pu les attaquer

 24   dès le 6 avril. Pourquoi est-ce qu'ils ne les ont pas attaqués ? Mais

 25   laissons ça de côté.

 26   R.  Monsieur Karadzic, on pourrait également dire que les Serbes auraient

 27   pu attaquer également le 1er octobre ou le 23 novembre. Mais ce n'est pas

 28   une réponse appropriée, ce n'est pas une raison pour une attaque. Que


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  1   l'attaque ait eu lieu en mai ou en avril ou en juin, je ne vois pas

  2   vraiment à quoi cela rime.

  3   Q.  Très bien. Vous connaissiez l'effectif de la 5e Brigade de Kozara,

  4   n'est-ce pas ?

  5   R.  Avant la guerre, j'étais réserviste dans la 5e Brigade de Kozara et,

  6   par conséquent, je connaissais l'effectif numérique et la composition de la

  7   brigade, effectivement.

  8   Q.  Est-ce que vous avez répondu à l'appel de mobilisation provenant de la

  9   brigade au mois de juin, je crois ?

 10   R.  Non, je n'ai pas répondu à ces appels de mobilisation.

 11   Q.  Pouvez-vous confirmer que les combats à Kozarac ont duré entre sept et

 12   huit jours ? Vous en avez parlé dans l'affaire Stakic, aux pages du compte

 13   rendu d'audience 5 558 et 5 559.

 14   R.  Nous avons pu voir de Brisevo ce qui se passait de manière générale à

 15   Kozarac, il y avait des tirs, il y avait des maisons qui brûlaient. Et

 16   effectivement, d'après ce que nous avons pu voir, ces combats ont duré

 17   entre sept et huit jours.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ce que le témoin dit, c'est que : "Ce que

 21   l'on pouvait voir, c'est qu'il y avait des maisons qui brûlaient, et ceci a

 22   duré pendant sept ou huit jours." C'est à la page du compte rendu

 23   d'audience 5 558 et 5 559 dans l'affaire Stakic.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on maintenant consulter le document de

 26   la liste 65 ter 18474.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Saviez-vous s'il y avait des unités paramilitaires non-serbes à Ljubija


Page 20368

  1   ?

  2   R.  Je ne sais pas s'il y avait des unités paramilitaires non-serbes. La

  3   seule unité militaire ou paramilitaire dont je connaissais l'existence à

  4   Ljubija était sous le commandement de Slobodan et Djoko Taranjac, qui

  5   étaient frères.

  6   Q.  Merci. Alors, consultez ce document pour un instant. Vous avez la date

  7   du 18 mai 1992. Il est mentionné que :

  8   "…dans les communes locales de Ljubija et de Donja Ljubija, il y

  9   avait une unité de la taille d'un peloton et il y avait une unité de la

 10   taille d'une compagnie également, avec des armes, des pièces de mortier."

 11   Est-ce que vous pouvez donc voir qu'avant ces incidents il existait

 12   des unités armées, au pluriel, dans ces communes locales ?

 13   R.  Je vois ce document pour la première fois, document émanant du chef de

 14   la sûreté publique, Drljaca, car je reconnais, je crois, sa signature. Mais

 15   à l'époque, je n'ai pas vu ces rapports, donc je ne savais pas ce qui se

 16   passait à l'époque.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je verser ce document au dossier.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 19   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pouvons en accepter le versement.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D1816.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Vous avez dit que le 27 mai il y a eu la première attaque contre

 25   Brisevo, et c'est un Croate, Nikola Juric, qui était derrière cette

 26   attaque.

 27   R.  Je n'ai jamais dit que Nikola Juric était à l'origine de quelque

 28   attaque que ce soit. Je vous demande de ne pas me prêter des propos que je


Page 20369

  1   n'ai pas formulés.

  2   Q.  Il est mentionné : Déclaration au Centre d'information croate,

  3   déclaration de janvier 1993.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit du document qui porte la référence

  5   1D04471.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  A la page 7 de ce document :

  8   "…de Brisevo, ils sont allés là-bas et ils ont dit d'attaquer. Les

  9   Serbes leur ont dit qu'il s'agissait d'un avertissement et qu'ils devaient

 10   rendre leurs armes. La personne derrière cela était un Croate répondant au

 11   nom de Nikola Juric."

 12   R.  Je n'ai jamais dit que Nikola Juric était à l'origine de l'attaque.

 13   L'attaque n'était pas organisée ni menée par Nikola Juric. Et par la suite,

 14   d'après ce que nous avons pu obtenir comme information, Nikola Juric a

 15   fourni sciemment des informations erronées.

 16   Q.  Vous voulez dire à l'attention des Serbes ? Des forces serbes ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Savez-vous combien de Croates ont rejoint les rangs des Serbes pour

 19   mettre fin à cette insurrection armée ?

 20   R.  Je ne vois pas de quoi vous parlez quand vous parlez d'une insurrection

 21   armée. Vous m'avez posé des questions sur une attaque contre Brisevo, et

 22   maintenant vous parlez d'une répression contre une insurrection armée.

 23   Q.  Alors, on pourrait appeler ceci une crise, la crise de la fin du mois

 24   de mai jusqu'à la fin du mois de juillet. Combien de Croates ont participé

 25   aux activités des forces serbes et combien de Croates faisaient partie de

 26   l'administration serbe et de la direction serbe ? Combien de Croates

 27   voulaient éviter la guerre ? Certains d'entre eux, d'ailleurs, les ont

 28   appelés des traîtres en public.


Page 20370

  1   R.  Vous parlez d'une crise. Mais ce qui s'est produit à Brisevo n'était

  2   pas une crise. C'était une campagne de terreur contre la population civile.

  3   Il y a eu des meurtres et des massacres.

  4   Q.  C'est aux Juges de la Chambre de décider de cela. Je vous pose une

  5   question maintenant : est-ce que vous savez que de nombreux Croates se sont

  6   rangés du côté des Serbes, tels que ce dénommé Juric, et vous dites qu'il a

  7   fourni des informations erronées aux Serbes ?

  8   R.  Ce n'est pas vrai que de nombreux Croates se sont rangés du côté des

  9   Serbes. Il y en avait très peu. Ce dont vous parlez ici n'est pas exact.

 10   Q.  Et est-ce exact de dire que vous n'aviez pas d'armes au départ, et

 11   ensuite vous avez dit que vous aviez dix ou 11 armes de chasse plus un ou

 12   deux pistolets ? Vous avez dit ceci dans votre déclaration que vous avez

 13   faite au bureau du Procureur en 2000, aux pages 6 et 7. Est-ce exact ?

 14   R.  J'ai dit qu'à l'époque lorsque les unités serbes ont lancé une attaque

 15   contre Brisevo, nous n'avions pas d'armes parce que les armes avaient été

 16   rétrocédées avant cela. Il s'agissait des armes de l'ex-Défense

 17   territoriale, il y avait plusieurs M-48 ainsi que des armes de chasse

 18   assorties de permis de port d'armes en possession de personnes qui avaient

 19   ces permis de port d'armes. Il y avait quelques pistolets également. Et les

 20   attaques n'ont eu lieu qu'après que les armes aient été rétrocédées. Une

 21   fois que les forces s'étaient assurées qu'il n'y avait pas une seule arme,

 22   un seul fusil, un seul pistolet, une seule balle dans notre village, c'est

 23   à ce moment-là qu'ils ont lancé les attaques.

 24   Q.  Nous verrons cela plus tard. Mais dans une autre affaire, mentionnée au

 25   Centre d'information croate le 30 janvier, c'est le document 1D4471, vous

 26   avez dit que vous aviez cinq M-48, une arme automatique M-47, une arme M-48

 27   que vous vous étiez procurée au marché noir, donc sans permis de port

 28   d'armes --


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  1   R.  Il y avait un permis de port d'armes.

  2   Q.  -- cinq pistolets, et également ce que l'on pourrait appeler des

  3   carabines, n'est-ce pas ? Vous avez changé certains éléments dans vos

  4   déclarations.

  5   R.  Je n'ai pas changé certains éléments dans ma déclaration. Je vais le

  6   répéter. Toutes ces armes ont été rétrocédées avant les attaques. C'est-à-

  7   dire, toutes les M-48, les cinq fusils, cette arme automatique russe, et

  8   cetera, elles ont été rétrocédées aux frères  Taranjac qui dirigeaient les

  9   autorités serbes. Et pour ce qui est des armes de chasse et des pistolets

 10   qui faisaient l'objet de permis de port d'armes, ces armes ont été remises

 11   en mai, après les attaques au mortier. Elles ont été rétrocédées aux

 12   autorités serbes à Rasavci.

 13   Q.  Vous avez dit la chose suivante, à savoir que : "Aucun dégât n'a été

 14   réalisé."

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de répondre, Monsieur Atlija,

 16   allez-y, Madame Sutherland.

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je voudrais demander à M. Karadzic de ne

 18   pas déformer les propos de la déposition du témoin. Dans sa déclaration, il

 19   dit qu'il y avait un certain nombre d'armes qui étaient recensées et qui

 20   ont toutes été rétrocédées. Elles ont été donc remises. C'est à la page 7

 21   de la traduction en anglais de ce document.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je disais simplement qu'il a mentionné

 24   qu'ils disposaient de ce nombre d'armes.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que vous avez dit qu'aucun dégât n'a été déploré après ce

 27   premier bombardement ?

 28   R.  Aucun dégât, et personne n'a été blessé, heureusement.


Page 20372

  1   Q.  Merci. Ensuite, vous mentionnez qu'ils vous ont demandé de rendre les

  2   Bofors et ils vous avaient dit que qui que ce soit qui serait interpellé en

  3   possession d'armes serait envoyé en prison, n'est-ce pas ?

  4   R.  Les autorités militaires serbes nous ont envoyé un message nous

  5   demandant de rendre ces Bofors. Et ensuite, ils sont passés d'une maison à

  6   l'autre et ont demandé s'ils avaient des armes. Et on avait averti tout le

  7   monde que si on trouvait des armes dans ces maisons, les personnes seraient

  8   arrêtées et envoyées en prisons. Mais ils ne parlaient plus des Bofors.

  9   Q.  Cependant, vous avez dit ceci dans une déclaration au Centre

 10   d'information croate, document 04471, et à la page 7, vous avez dit que

 11   quelles que soient les armes qui seront trouvées, les personnes seraient

 12   envoyées en prison. Mais au fur et à mesure que le temps s'est écoulé, vous

 13   avez renforcé vos accusations contre les Serbes, Monsieur Atlija, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  Non, ce n'est pas exact. Je ne rajoute aucune accusation contre les

 16   Serbes. Je n'accuse personne de manière générale lorsque je parle de cette

 17   attaque contre Brisevo. Je parle des autorités serbes ainsi que des

 18   instances paramilitaires serbes qui ont organisé cela, mais je n'accuse pas

 19   les Serbes dans leur ensemble. Je n'accuse jamais personne de manière

 20   générale comme ceci.

 21   Q.  En 1993, vous avez dit que tout propriétaire d'arme retrouvée sera

 22   envoyé en prison, et ensuite vous mentionnez qu'il serait tué. Comment se

 23   fait-il que votre mémoire ait changé de cette manière, de manière aussi

 24   prononcée ?

 25   R.  En 1993, je n'avais pas la possibilité de dire quoi que ce soit à qui

 26   que ce soit. Vous avez probablement déformé par erreur ce que j'ai dit. Je

 27   n'ai pas la déclaration devant moi et je ne peux, par conséquent, pas la

 28   vérifier.


Page 20373

  1   Q.  Le 30 janvier 1993, est-ce que vous avez fait une déclaration au Centre

  2   d'information croate ?

  3   R.  Oui, effectivement. Vous avez raison. Je me suis trompé, pas vous.

  4   Q.  Donc vous avez parlé à quelqu'un en 1993, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, effectivement. Je croyais que ce n'était pas la bonne date. Mais

  6   vous avez raison, c'était le 30 janvier 1993.

  7   Q.  Puis du temps s'écoule, et ensuite nous arrivons au 24 juin. Mais

  8   revenons un peu en arrière. Est-ce que vous vous souvenez ce qui s'est

  9   passé le 30 avril, est-ce que vous vous souvenez qui a attaqué Prijedor ?

 10   Est-ce que vous savez ce qui s'est passé durant cette attaque et qui était

 11   à l'origine de cette attaque ?

 12   R.  Le 30 avril, vous voulez dire en 1992 ?

 13   Q.  Non, le 30 mai.

 14   R.  Le 30 mai 1992, nous avons entendu des tirs sur Prijedor d'où nous

 15   étions à Brisevo. Un peu plus tard, après avoir parlé avec certaines

 16   personnes, nous avons obtenu plus d'information, et nous avons appris qu'un

 17   petit groupe d'hommes armés dirigé par Slavko Ecimovic a essayé d'attaquer

 18   soit la totalité de Prijedor soit de participer à ces attaques. Je ne peux

 19   pas vous dire, mais ils ont été capturés. Et Slavko Ecimovic a été

 20   incarcéré au camp d'Omarska et a été tué là-bas. Et par revanche, toute sa

 21   famille a été tuée, sa femme, son frère, la femme de son frère qui était

 22   enceinte.

 23   Q.  Est-ce que vous avez vu cela ? Est-ce que vous avez vu tout ce dont

 24   vous parlez ?

 25   R.  Ses enfants ont été amenés à Brisevo par un agent de police. Tout ceci

 26   peut être vérifié, Monsieur Karadzic.

 27   Q.  Nous poserons des questions à ce sujet à d'autres témoins. Mais je

 28   voudrais que vous nous parliez de ce que vous avez vu. Vous n'avez pas vu à


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  1   la télé le HDZ qui avançait de manière triomphante à travers la Bosnie-

  2   Herzégovine, et vous nous parlez de choses dont vous avez entendu parler.

  3   R.  Je vous dis ce que j'ai vu, mais vous essayez de me faire dire des

  4   choses qui vous conviennent. Je vous fais part de mon expérience, de ce que

  5   j'ai vécu. Et si cela ne vous arrange, j'en suis désolé.

  6   Q.  Mais vous n'avez pas d'éléments concernant le 30 mai, le 31 mai ou le

  7   1er juin ? Vous ne savez pas ce qui s'est passé durant ces combats, ou vous

  8   n'en savez pas grand-chose. Dites-nous ce que vous savez.

  9   R.  Si vous voulez que je vous donne plus de précisions, je vais vous en

 10   donner. Nous avons pu entendre les tirs à Prijedor à partir de Brisevo où

 11   nous nous trouvions. Nous n'étions pas en mesure de voir ce qui s'est passé

 12   à Prijedor parce que la ville est assez éloignée de Brisevo, donc on ne

 13   pouvait pas voir ce qui se passait là-bas. C'est exact. Mais nous avons

 14   entendu les tirs.

 15   Q.  Mais vous avez parlé de la crise suivante, ou l'attaque suivante, comme

 16   vous voulez l'appeler, à Brisevo le 24 juin 1992; est-ce exact ? Le 24 juin

 17   ?

 18   R.  Brisevo a fait l'objet d'une attaque le 24 juillet.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on consulter le document 1D4473.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  D'après les services de renseignement militaire, on parle ici de la 6e

 22   Brigade de Partisans à Sanski Most. Des extrémistes, des extrémistes

 23   musulmans arrivent; il y a des préparatifs qui se font contre le peuple

 24   serbe; des groupes d'extrémistes quittent des zones peuplées et vont dans

 25   des zones boisées; ils utilisent des tranchées, ils réalisent des exercices

 26   là-bas. Et la nuit, ils amènent du ravitaillement. Des groupes plus

 27   importants sont dans la forêt. Vous avez une cinquantaine d'extrémistes, de

 28   Bérets verts, donc, qui sont présents là-bas. Il est mentionné : Bloquer


Page 20375

  1   les forces ennemies dans certains endroits, y compris le village d'Atlija.

  2   Donc bloquer les forces ennemies pour les empêcher de repartir.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer à la page

  4   suivante.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Je continue, donc : Les unités devraient recevoir des dispositifs de

  7   combat. On devrait donner un appui par le biais d'un détachement de mortier

  8   de 120 millimètres. Il est interdit d'ouvrir le feu sauf si c'est

  9   absolument nécessaire, c'est-à-dire jusqu'à ce que l'ennemi apparaisse.

 10   C'est le colonel Basara qui a fait une excellente déposition dans ce

 11   prétoire.

 12   Est-ce que vous essayez de m'induire en erreur ?

 13   R.  Non, je n'essaie pas de vous induire en erreur, ni quoi que ce soit

 14   ici, Monsieur Karadzic. Mais je pense qu'il n'y avait aucune unité

 15   militaire à Brisevo. J'habitais là-bas et je peux vous garantir qu'il n'y

 16   avait aucune unité militaire à Brisevo, mis à part lorsque les membres de

 17   la 5e Brigade de Krajina et la 6e Brigade de Kozara sont arrivés. Mais

 18   qu'est-ce qu'ils considéraient comme nécessaire ? Puisqu'ils ont ouvert le

 19   feu contre des femmes, des enfants et des hommes. Aucune femme, aucun

 20   enfant, aucun homme n'a été tué à Brisevo alors qu'ils portaient des armes

 21   ou qu'ils portaient des uniformes, donc vous ne pouvez pas me convaincre

 22   qu'il y avait des unités militaires à Brisevo qui ont résisté.

 23   Q.  N'avez-vous pas dit qu'il y avait des soldats qui sont arrivés au

 24   village et ensuite ils ont demandé qui leur tirait dessus, et vous avez dit

 25   que personne ne tirait depuis cet endroit, et ils avaient déjà dit qu'il

 26   n'y avait aucune raison pour que vous vous inquiétiez, n'est-ce pas ?

 27   R.  En fait, ils se cachaient dans le sous-sol, étant donné qu'il y avait

 28   là un abri en béton qui permettait de se protéger du pilonnage. Les soldats


Page 20376

  1   arboraient les insignes. Mon père et Pero Dimac ont quitté le sous-sol, et

  2   ils étaient en train de crier, et ils criaient : Qui nous tire dessus ? Et

  3   mon père a répondu que personne ne tirait. Voyez, nous n'avons pas d'armes.

  4   Et ensuite, ils ont demandé qui se trouvait dans le sous-sol.

  5   L'INTERPRÈTE : L'interprète demande à ce que le témoin réitère sa réponse.

  6   Il parle trop vite.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Atlija, veuillez répéter votre

  8   réponse à nouveau, s'il vous plaît.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous nous cachions dans le sous-sol. Nous nous

 10   cachions du pilonnage. Il y a dix ou 12 soldats qui sont arrivés en portant

 11   d'uniformes militaires. Ils avaient des brassards rouges sur leurs manches.

 12   Mon père et Pero Dimac ont crié. Les soldats criaient et ont dit : Pourquoi

 13   vous nous tirez dessus ? Mon père a répond que personne ne leur tirait

 14   dessus, qu'ils étaient les seuls qui étaient en train de tirer. Ils ont

 15   dit, de toute façon, qu'ils ne disposaient pas d'armes. Ils lui ont demandé

 16   qui se trouvait dans le sous-sol, et il a répondu en disant qu'il n'y avait

 17   que quelques femmes dans le sous-sol. Stole Stora [phon] a dit qu'il

 18   pouvait rentrer à la maison, qu'il était inutile de continuer à se mettre à

 19   l'abri et à se cacher. Malheureusement, il a obtempéré à ce qu'ils lui ont

 20   dit, il a été tué devant la maison.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce document peut-il être versé au dossier.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D1817, Madame, Messieurs les Juges.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur le Témoin, dans les endroits voisins cités ici, Carakovo, y

 26   avait-il des unités militaires, y avait-il des tranchées, y avait-il des

 27   casemates ou des bunkers, oui ou non ? Veuillez répondre par oui ou par

 28   non. Vous êtes libre de répondre à votre guise.


Page 20377

  1   R.  Je réponds toujours librement. Je ne réponds pas comme je le souhaite,

  2   je réponds conformément à ce que je sais. Et nous ne le savions pas, parce

  3   que nos mouvements étaient extrêmement limités, et je ne me déplaçais pas

  4   dans les villages que vous avez mentionnés.

  5   Q.  Fort bien. A ce moment-là, vous ne le saviez pas. Est-ce quelque chose

  6   que vous avez appris par la suite ? Parce qu'il y a beaucoup de choses sur

  7   lesquelles vous témoignez aujourd'hui qui s'avèrent être des choses dont

  8   vous avez entendu parler par la suite. Aviez-vous entendu parler des

  9   infrastructures et des forces à Kurevo par la suite ?

 10   R.  Je ne sais pas de quelles infrastructures vous souhaitez parler. Mais

 11   ce que j'ai appris, c'est quelque chose que j'ai appris par la suite de la

 12   bouche de Ljubija. Ceci avait été organisé par les frères Taranjac, ou,

 13   plutôt, par l'unité qu'ils commandaient, et à plusieurs reprises ils ont

 14   mené ce qui s'était appelé le ratissage de Kurevo, et à ce moment-là on

 15   pouvait entendre des tirs depuis cet endroit. Je ne m'y suis pas rendu moi-

 16   même. Je ne me suis pas rendu dans la forêt Kurevo Brdo à ce moment-là. Je

 17   n'ai pas pu voir de mes propres yeux s'il y avait des tranchées ou des

 18   casemates à cet endroit-là.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons apporter une correction

 21   à la page 28, s'il vous plaît, ligne 20, où on peut lire "mon unité

 22   militaire." Il ne s'agit pas de "mes unités militaires." Il ne s'agit pas

 23   de mes unités militaires. Il s'agit d'unités militaires qui appartenaient à

 24   ces communautés locales, appartenant à des Croates et des Musulmans.

 25   Bien.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Alors maintenant, vous dites que vous étiez limité dans vos

 28   déplacements. Voyons ce qu'on pourrait y lire. Ils sont venus et ils


Page 20378

  1   cherchaient certaines personnes; c'est exact ? Ils souhaitaient voir ou ils

  2   ont demandé à voir -- et il y avait un Croate qui était là. Il y avait un

  3   Croate, n'est-ce pas, un Bijekic ? Parmi ces personnes qui étaient venues,

  4   il y avait Dragan Vikic, Radan Dulovic [phon], Bjegic [phon], qui est

  5   également Croate, et vous dites que les autres personnes étaient des

  6   Serbes. Et ils recherchaient Bozo Zuro [phon], Jakara, Jago Ivandic; c'est

  7   exact ? Cependant, ils n'étaient pas là, donc ils cherchaient Joso Barasic

  8   [phon] et Gremo Komilev [phon], Vanko Marasic [phon].

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pardonnez-moi. Je m'excuse auprès des

 10   interprètes.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Ils n'étaient pas chez eux. Ces personnes-là n'étaient pas chez elles.

 13   Ces Croates qu'ils recherchaient, ils recherchaient pas n'importe quel

 14   Croate. Ils recherchaient les Croates que vous avez cités dans cette

 15   déclaration, n'est-ce pas ?

 16   R.  Alors, maintenant, vous parlez de villageois qui sont emmenés dans les

 17   camps. C'est avant l'attaque de Brisevo.

 18   Q.  Le 24 juin, vous dites qu'ils sont venus, qu'ils recherchaient

 19   certaines personnes; c'est exact ?

 20   R.  C'est exact. Ils ont trouvé certaines de ces personnes chez elles, ils

 21   sont allés les chercher à bord d'une camionnette ou d'un autobus qu'ils

 22   avaient. Ils leur ont posé des questions devant le magasin de Brisevo ?

 23   Q.  Cependant, ces personnes-là n'étaient pas chez elles. Et vous dites que

 24   vos déplacements étaient limités, n'est-ce pas ?

 25   R.  C'est exact. Brisevo représente quatre mètres carrés. Donc si nos

 26   déplacements étaient limités, cela ne signifie pas que nous devions

 27   simplement rester chez nous. Les personnes pouvaient se rendre dans le

 28   magasin, dans les champs où les gens s'occupaient encore de travaux


Page 20379

  1   agricoles.

  2   Q.  Et vous dites que certaines personnes avaient été demandées de se

  3   présenter à la police régulièrement. Etait-ce votre cas ?

  4   R.  Certaines personnes avaient reçu des messages indiquant que ces

  5   dernières devaient aller pour un entretien. Et ces personnes ne sont jamais

  6   revenues. Rade Norak [phon], un policier, a posé une question à Nedo, une

  7   personne de la région, à mon sujet; mais moi, je ne me suis pas présenté au

  8   poste de police de Ljubija et Nedo non plus. Fort heureusement je ne l'ai

  9   pas fait.

 10   Q.  Merci. Vous dites que le 15 juillet il y a eu ce différend avec les

 11   soldats qui se trouvaient là, et vous décrivez cet incident où vous dites

 12   qu'il y avait plusieurs soldats en état d'ébriété qui étaient impliqués.

 13   Leur voiture est tombée en panne, ils ont demandé de l'aide, et ces Croates

 14   sont arrivés, ils leur ont proposé du cognac, ils se sont saoulés et ils se

 15   sont querellés par la suite.

 16   R.  Ceci n'est pas exact, Monsieur Karadzic. Ces hommes qui sont venus les

 17   aider, puisqu'on leur a demandé de leur venir en aide pour faire sortir la

 18   voiture, on leur a proposé quelque chose à boire, chose qu'ils ont refusée,

 19   on leur a ensuite forcé à boire. Ils ont été passés à tabac, maltraités, et

 20   Milan Ivandic a été coupé; on l'a coupé à la jambe avec un tournevis.

 21   Q.  Et un peu plus loin vous avez dit -- je dois sauter certains passages.

 22   Vous avez entendu parler de cet incident également et vous n'avez rien vu.

 23   Qui vous a parlé de cet incident ?

 24   R.  C'est quelque chose dont nous avons entendu parler des frères de Milan

 25   Ivandic, qui avaient participé à cela. Malheureusement, ils ont tous été

 26   tués par la suite.

 27   Q.  A un moment donné vous dites que Milan Buzuk vous avait dit cela, à un

 28   autre endroit vous dites que c'est son frère ou plutôt votre frère qui vous


Page 20380

  1   a dit cela. Qui vous a dit cela exactement ?

  2   R.  Mon frère n'était pas là à aucun moment. Milan Buzuk était là. Pejo

  3   Ivandic, Stipo Ivandic, Milan Ivandic. Milan Ivandic a reçu des coups à la

  4   jambe ou aux pieds. Les frères de Milan Ivandic étaient là, et Milan Buzuk

  5   est un voisin.

  6   Q.  Merci. Ce lac se trouve à quelle distance de chez vous ?

  7   R.  Vous voulez parler de par rapport à la maison où je vivais ?

  8   Q.  Oui, à Brisevo ?

  9   R.  A 200 mètres environ, par rapport à la route qui va de Brisevo et --

 10   L'INTERPRÈTE : Le nom du village est inaudible.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Au mois de -- vous êtes allé vous baigner dans le lac ?

 13   R.  Maintenant vous parlez du lac de Stara Rijeka ?

 14   Q.  Oui.

 15   R.  Officiellement cela est rattaché à Stara Rijeka. Cela est plus loin.

 16   C'est plus de 200 kilomètres. C'est à 2 kilomètres et demi.

 17   Q.  Vous pouviez vous rendre à ce lac pour aller nager, donc vos

 18   déplacements n'étaient pas si limités que cela ?

 19   R.  Alors si vous pensez que 2 ou 3 kilomètres de liberté de circulation

 20   permettent de vivre de façon correcte, ça c'est un opinion qui vous

 21   appartient. Mais en ce qui me concerne, j'estime que mes déplacements sont

 22   très limités, dans ce cas.

 23   Q.  Donc le 24 juillet au matin, à quelle heure exactement cette attaque a-

 24   t-elle eu lieu, cette attaque du mois de juillet contre Brisevo ?

 25   R.  Vers 3 heures 30 du matin. C'est à ce moment-là que nous avons entendu

 26   l'explosion des premiers obus.

 27   Q.  Cependant, dans l'affaire Zupljanin vous avez dit que c'était vers 4

 28   heures 30. Page 16 095 du compte rendu d'audience. Mais cela n'a pas


Page 20381

  1   d'importance. Maintenant --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il faut que vous songiez à terminer

  3   votre contre-interrogatoire d'ici cinq minutes.

  4   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pardonnez-moi, je ne sais pas si M.

  7   Karadzic a peut-être commis une erreur lorsqu'il a posé la question en

  8   disant qu'au mois de juin il avait nagé dans le lac. Est-ce qu'il peut

  9   reposer la question à propos du mois à M. Atlija, s'il vous plaît.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma question était la suivante : Si aux mois de

 11   juin et juillet, avant cette attaque au mois de juillet, ils sont allés

 12   nagés. Il a répondu en disant, oui, qu'ils étaient allés nager.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  N'est-ce pas ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je ne peux pas terminer en cinq

 16   minutes.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai déjà répondu à la question. On

 18   pouvait arriver jusque-là.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Et vous êtes allé nager.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Après avoir passé autant de temps sur

 22   des questions marginales et peu pertinentes, vous ne pouvez pas vous

 23   plaindre du fait que vous n'ayez pas suffisamment de temps. Il vous reste

 24   cinq minutes, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je vous demande de bien vouloir

 26   demander au Procureur de ne pas poser des questions ou d'intégrer des

 27   questions marginales à leurs déclarations. Je ne sais pas ce que c'est. Je

 28   ne sais pas quel est peut-être le fondement pour une condamnation. Pourquoi


Page 20382

  1   font-ils venir un témoin aussi ambitieux qui n'a été le témoin oculaire que

  2   dans un seul meurtre ? Et c'est quelque chose qui est arrivé lorsque

  3   l'homme s'est prétendument mis à courir, on lui a demandé de courir et nous

  4   disposons d'énormément d'éléments d'information. Il s'agit de ouï-dire et

  5   donc d'éléments de seconde main. Donc ceci n'est pas mon problème.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez-moi, si j'étais à votre place,

  7   plutôt que de présenter des arguments je poserais des questions.

  8   Cela étant dit, Madame Sutherland, avez-vous des questions

  9   supplémentaires ?

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pas à ce stade, Monsieur le Président.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Et un peu plus loin vous dites qu'il y avait des Chetniks, il y avait

 13   des Chetniks en grand nombre. Est-ce que vous appelez tous les Serbes des

 14   Chetniks ou s'agissait-il réellement de Chetniks que vous avez reconnus

 15   parce que vous avez vu quelque chose ?

 16   R.  Ecoutez, je n'appelle pas tous les Serbes des Chetniks. Et je n'accuse

 17   ni ne condamne un peuple entier ni une nation entière. Je n'estime pas

 18   qu'ils soient tous les mêmes. Mais néanmoins, il y  avait un certain nombre

 19   qui arborait la cocarde de la Deuxième Guerre mondiale, il y en avait qui

 20   portait l'insigne avec l'aigle blanc, qui arborait les quatre S, les têtes

 21   de mort, et certains portaient des insignes de l'ancienne JNA.

 22   Q.  Merci. Après cela vous avez parlé à de nombreuses familles de victimes

 23   ?

 24   R.  Quasiment toutes les familles.

 25   Q.  Et dans quel but ?

 26   R.  Monsieur Karadzic, il s'agissait là de personnes avec lesquelles

 27   j'avais passé toute ma vie. Il était naturel que je souhaite savoir ce qui

 28   s'était passé pour exprimer à ces personnes mes condoléances. Pour que nous


Page 20383

  1   puissions nous organiser à l'avenir, à savoir comment survivre, que

  2   devions-nous faire, comment pouvions-nous sortir de la région, qui était

  3   encore en vie, qui avait été tué, comment enterrer nos morts ou les morts,

  4   chose qui s'est avérée être extrêmement difficile.

  5   Q.  Merci. Et ensuite, vous avez rassemblé ces éléments d'information, et

  6   ces éléments d'information, vous les avez inclus dans votre déclaration. Et

  7   ces informations indirectes émanent de ces conversations que vous avez eues

  8   avec ces familles ?

  9   R.  Monsieur Karadzic, j'ai essayé de mettre le doigt sur les choses que

 10   j'ai vues moi-même et ce que j'ai dit sur la base de ce que j'ai entendu de

 11   conversations que j'ai eues avec des tiers, des membres de la famille ou

 12   d'autres personnes.

 13   Q.  Pero Dimac, dites-vous, a dû partir dans la forêt, c'est ce qu'on lui a

 14   commandé de faire, ordonné de faire, et ensuite on lui a tiré dessus ?

 15   R.  C'est le seul meurtre que j'ai vu. On ne lui a pas dit de courir dans

 16   la forêt. On lui a indiqué dans quelle direction il devait courir. Il n'a

 17   pas réussi à faire deux pas. Ils lui ont tiré dessus dans le dos au niveau

 18   de la tête.

 19   Q.  Vous étiez juste à côté et vous avez entendu que ces hommes lui ont dit

 20   cela ?

 21   R.  Je n'étais même pas à 15 mètres de l'endroit.

 22   Q.  Eh bien, écoutez, vous aviez très peur des Serbes si vous étiez à 15

 23   mètres ?

 24   R.  Ecoutez, je n'avais pas le choix. Je n'ai pas pu aller plus loin. Et je

 25   dois vous dire que je ne crains personne, hormis Dieu.

 26   Q.  Merci. Et vous avez dit que vous avez donné vos déclarations, que vous

 27   avez remises à des groupes, il s'agissait de 12 amis, et vous avez essayé

 28   de rationaliser ces déclarations ?


Page 20384

  1   R.  Nous n'avons rien rationalisé. Une fois que nous avons remis des

  2   déclarations au Centre d'information croate, avec ces quelque 12 survivants

  3   de Brisevo, nous avons préparé ces déclarations. Je souhaitais simplement

  4   entendre leurs points de vue. Je souhaitais être aussi objectif que

  5   possible, parce que quelque soit mon niveau de subjectivité, lorsque je

  6   fais une déclaration, il y a forcément un élément de subjectivité qui

  7   s'introduit dans la déclaration.

  8   Q.  Vous souhaitiez que ceci soit une déclaration commune ? Vous souhaitiez

  9   que tout le monde soit sur un pied d'égalité, vous souhaitiez que ces gens-

 10   là vous apportent des informations et vice-versa ?

 11   R.  Non, il ne s'agissait pas d'une déclaration commune. Je souhaitais

 12   entendre leurs points de vue. Toutes les fois qu'on lit une déclaration, on

 13   découvre des choses. Et lorsqu'on lit le compte rendu d'audience ici après,

 14   on constate qu'il y a des erreurs typographiques qui se sont glissées dans

 15   le texte, dans la manière dont le texte est formulé.

 16   Q.  Veuillez regarder l'année 2002 --

 17   L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise n'a pas entendu le numéro

 18   de page de référence.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Maintenant le 1196. Je crois que ceci est un extrait de l'affaire

 21   Stakic.

 22   "De nombreux éléments que vous avez dits dans cette déclaration se

 23   fondaient sur ce que d'autres personnes vous avaient rapporté, et il ne

 24   s'agissait pas de votre connaissance personnelle de la situation; c'est

 25   exact ?

 26   "Réponse : Il est vrai que certains passages sont fondés sur des éléments

 27   d'information qui me sont parvenus par d'autres personnes, mais dans mes

 28   déclarations, j'ai tenté de faire la différence entre ce que j'avais vu


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  1   personnellement et vécu personnellement et ce que j'avais entendu dire ou

  2   parler d'autres personnes."

  3   Mais vous dites que vous avez rencontré ce groupe, à savoir si ces 12

  4   personnes étaient à Zagreb, et ces 12 personnes étaient à Zagreb; c'est

  5   exact ?

  6   R.  Oui, à l'époque nous étions tous à Zagreb. Et comme je l'ai dit dans

  7   l'affaire Stakic, lorsque je fais une déclaration et lorsqu'on me pose une

  8   question, j'essaie d'insister sur ce que j'ai vu et entendu

  9   personnellement, et les éléments qui me parviennent d'une autre source ou

 10   ceux dont j'ai entendu parler par quelqu'un d'autre.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez nous donner le numéro de la

 12   page dans l'affaire Stakic, s'il vous plaît.

 13   La page du compte rendu d'audience, s'il vous plaît.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] 119 --

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je crois que M. Karadzic cite une page

 16   qui est extraite de l'affaire Brdjanin, si la page commence par "119".

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pardonnez-moi. De 2002. D'après moi, il s'agit

 18   du 1D4470. Oui, c'est exact, vous avez raison, c'est Me Ackerman qui est le

 19   conseil de la Défense. Pardonnez-moi, il s'agit bien de l'affaire Brdjanin.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, il est temps maintenant pour vous

 21   de poser votre dernière question.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le numéro de la page.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ceci peut être versé au dossier.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De quoi parlez-vous, Monsieur Karadzic ?

 25   Vous voulez parler du compte rendu d'audience dans l'affaire Brdjanin ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Nous disposons de la page suivante

 27   également, où il est fait mention des victimes à Brisevo, lorsque le témoin

 28   a dit que 68 personnes au total avaient été tuées, et cetera.


Page 20386

  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ceci fait partie des pages du compte

  2   rendu d'audience dans l'affaire Stakic. Mais je demande à ce que M.

  3   Karadzic me donne le numéro de la page du compte rendu d'audience dans

  4   l'affaire Brdjanin, parce qu'il l'a citée il y a un instant. Les

  5   interprètes n'ont pas pu saisir le numéro de la page du compte rendu

  6   d'audience. Il a dit que cela commençait par "119", mais il n'a pas

  7   terminé.

  8   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] 11 966. 11 967. Page 40, et il s'agit du

 10   document 1D4470. Dans le prétoire électronique, il s'agit de la page 40.

 11   1D4470. Et la page du compte rendu d'audience est 

 12   11 966 et 11 967.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose qu'il n'y a pas d'objection

 14   de votre part, Madame Sutherland.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Bien, oui. Inutile, puisque M. Karadzic a

 16   simplement lu au témoin ce qu'il avait dit dans l'affaire Brdjanin. Donc la

 17   question et la réponse sont déjà au compte rendu d'audience. Je ne sais pas

 18   pourquoi ces deux pages doivent être versées au dossier.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, je ne vois pas en quoi nous ne

 20   pourrions pas admettre ces deux pages pour mieux comprendre le contexte.

 21   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons le verser au dossier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D1818.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, votre dernière

 25   question.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Atlija, vous avez dit que vous avez assisté à l'ensemble des

 28   exhumations, quasiment. Quand ces exhumations ont-elles eu lieu ?


Page 20387

  1   R.  Je crois que ces exhumations ont eu lieu en 1990 -- je crois que les

  2   premières victimes ont été enterrées dans le cimetière de Grosica, entre

  3   Stara Rijeka et --

  4   L'INTERPRÈTE : Un autre endroit inaudible.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Et ensuite, les victimes ont été enterrées

  6   dans des champs, dans des jardins et dans des forêts. Il se peut qu'ils

  7   aient été exhumés par la suite. Cela, c'était peut-être en 1998.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Donc, alors, pour la première fois ?

 10   R.  Ecoutez, l'année exacte, je ne sais pas. Je ne me souviens pas de la

 11   date exacte.

 12   Q.  Et vous avez dit que quelqu'un vous a dit que l'on pouvait voir des

 13   traces de dents sur la poitrine d'une des victimes; c'est exact ?

 14   R.  Ceci n'est pas exact, Monsieur Karadzic. Ceci ne s'est pas passé

 15   pendant une exhumation. Ceci s'est passé pendant l'enterrement des

 16   victimes, lorsque ces victimes venaient d'être tuées. Et je crois qu'il

 17   s'agit de Kaja Komljen qui gisait dans un champ, déshabillé.

 18   Q.  Monsieur le Témoin, en fait, je vais vous dire maintenant, parce qu'il

 19   faudra que vous reveniez témoigner à la barre, vous étiez un militant, vous

 20   interviewiez des personnes à l'époque, vous avez rassemblé des éléments

 21   d'information et vous souhaitiez connaître à la fois l'expérience vécue

 22   d'autres personnes ainsi que les points de vue de ces autres personnes, et

 23   c'est ce que vous avez présenté ou inclus dans votre déclaration -- dans

 24   vos déclarations que vous avez faites en Croatie, les déclarations que vous

 25   avez remises aux Américains et les déclarations que vous avez remises au

 26   bureau du Procureur à plusieurs reprises lorsque vous avez témoigné. Vous

 27   avez vu un meurtre, et vous ne savez pas s'il y avait des unités à

 28   l'endroit en question, mais vous avez interviewé des témoins, des victimes,


Page 20388

  1   et vous souhaitiez être un témoin militant ?

  2   R.  Non, ceci n'est pas exact. Je ne suis le militant de personne, Monsieur

  3   Karadzic. Je n'ai pas mené d'interviews de façon explicite avec quiconque.

  4   J'ai d'autres soucis qui me préoccupent. Je dois me préoccuper de ma vie et

  5   des conditions de vie de ma propre famille. Alors, pour ce qui est de me

  6   rappeler à la barre, cela ne me pose aucun problème. Je me mettrai à la

  7   disposition des Juges de cette Chambre.

  8   Q.  Je vous remercie.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne pense pas que nous ayons épuisé les

 10   questions avec ce témoin. Même si je suis un amateur, tout ce qui figure

 11   dans une déclaration peut présenter un danger pour moi. Je ne sais pas sur

 12   quoi les Juges de la Chambre vont concentrer leurs efforts. Je vais

 13   maintenant demander à Me Robinson de me dire pourquoi il est nécessaire de

 14   rappeler à la barre ce témoin, et cela fera partie de notre prochaine

 15   requête.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Karadzic.

 17   Madame Sutherland, vous n'avez pas de questions 

 18   supplémentaires ?

 19   Mme SUTHERLAND : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Sutherland.

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, avant de faire partir

 22   le témoin, je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur un point. Ceci

 23   peut être fait en présence du témoin, parce que je pense que vous pourrez

 24   peut-être poser une question au témoin à ce sujet.

 25   Vous savez que nous avons à déposer notre 60e requête pour des

 26   violations en ce qui concerne la communication de pièces, et il s'agit donc

 27   d'une lettre écrite par le Procureur pour s'assurer que le témoin ne soit

 28   pas rapatrié de Bosnie à partir du pays où il habite. Nous avons reçu


Page 20389

  1   quatre autres documents, et aujourd'hui nous avons donc déposé un addendum

  2   à notre requête qui joint également quatre documents qui devraient être

  3   considérés par les Juges de la Chambre.

  4   De plus, il y a un autre document qui a été mentionné qui n'a pas

  5   encore été transmis à la Défense et qui concerne les efforts de

  6   l'Accusation pour le compte de ce témoin. Donc, par conséquent, nous avons

  7   décidé que, compte tenu qu'il n'y a pas eu une communication complète et

  8   compte tenu également que nous n'avons pas eu suffisamment de temps, nous

  9   aborderions ceci après l'audition du témoin, soit en demandant de faire

 10   recomparaître le témoin soit en déposant une requête pour que ces documents

 11   soient versés directement et sans le truchement du témoin.

 12   Et nous aimerions donc attirer l'attention de ceci aux Juges de la

 13   Chambre. Merci.

 14   Et puis, je voulais également poser une question au témoin, si les Juges de

 15   la Chambre sont d'accord, ce serait de savoir si le nom du pays dans lequel

 16   il réside doit rester confidentiel ou s'il n'a pas d'objection à ce que

 17   ceci constitue des éléments qui ne seront plus confidentiels. Pour

 18   l'instant, toutes les annexes ont été déposées sous pli scellé parce que

 19   nous voulions nous assurer que le témoin se prononce pour savoir s'il

 20   voulait que ceci reste confidentiel ou pas. Donc nous aimerions que les

 21   Juges de la Chambre se prononcent à ce sujet en lui posant des questions à

 22   ce sujet.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mis à part cela, vous n'avez pas

 24   d'autres questions à poser au témoin ?

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je ne pense pas

 26   que nous disposons de toutes les informations nécessaires qui permettraient

 27   de poser des questions appropriées au témoin à ce sujet.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Atlija, est-ce que vous pouvez


Page 20390

  1   répondre à la question qui a été posée par Me Robinson ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous parlez de la question concernant le

  3   nom du pays dans lequel j'habite à l'heure actuelle, je peux répondre en

  4   disant que j'habite en République fédérale d'Allemagne.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Ceci conclut votre déposition,

  6   Monsieur Atlija. Au nom des Juges de cette Chambre et au nom du Tribunal

  7   dans son ensemble, je souhaiterais vous remercier d'être venu à La Haye

  8   pour déposer. Vous pouvez maintenant disposer.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause, et nous

 11   allons entendre la déposition d'un témoin protégé. Mais avant de ce faire,

 12   je crois qu'il y a des questions administratives qui devront être traitées

 13   en l'absence du témoin. Nous allons donc faire une pause de 25 minutes, et

 14   nous reprendrons à 16 heures 15.

 15   [Le témoin se retire]

 16   --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

 17   --- L'audience est reprise à 16 heures 20.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comme je l'avais déjà dit, nous avons

 19   des questions d'intendance à régler.

 20   Tout d'abord, commençons par les questions les plus simples. Tout d'abord,

 21   une requête pour une prorogation du délai pour répondre à la requête en

 22   vertu de l'article 92 quater. Maître Robinson, pourriez-vous nous confirmer

 23   que la Défense a reçu la décision confidentielle du 15 septembre 2011 dans

 24   l'affaire Tolimir ?

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous avons reçu

 26   cette décision.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et je suppose donc que vous allez

 28   répondre dans les 14 jours à compter d'aujourd'hui ?


Page 20391

  1   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, nous aimerions avoir ce délai. Je pense

  2   que nous pourrons être plus rapides, mais d'un point de vue de procédure,

  3   nous aimerions bénéficier de ce délai de 14 jours à partir du moment où

  4   nous recevons cette décision.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est d'accord.

  6   Il y a également une requête pendante concernant les mesures de protection

  7   pour le témoin suivant, mais nous donnerons notre décision une fois que le

  8   témoin entrera dans le prétoire en audience à huis clos partiel.

  9   Cependant, il y a un autre aspect que nous souhaitions aborder en ce

 10   qui concerne le témoin suivant, donc pas celui qui va arriver mais celui

 11   d'après.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Je n'ai pas besoin de l'aborder avec

 13   vous, mais je voulais simplement m'assurer que vous saviez que nous avions

 14   déposé la 61e requête concernant une violation en matière de communication

 15   concernant ce témoin, et nous demandons donc que la déposition de ce témoin

 16   soit exclue. Et c'est également le remède que nous avions demandé pour le

 17   témoin précédent, et nous allons procéder de la même manière. Donc, il

 18   n'est pas nécessaire, en fait, de prendre une décision concernant cette

 19   requête avant d'entendre le témoin.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je dois dire que nous n'avons pas pris

 21   connaissance de votre requête. Est-ce que c'est lié à M. Mevludin

 22   Sejmenovic ?

 23   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, à l'instar du témoin précédent. Hier,

 24   nous avons reçu des pièces qui nous ont donc été communiquées, et il

 25   mentionnait que la Défense était intervenue pour ses conditions de séjour

 26   en écrivant une lettre au gouvernement, et c'était en violation de

 27   l'article 68, puisque ceci ne nous avait pas été communiqué. Nous avons

 28   donc demandé des remèdes, y compris l'exclusion de la déposition de ce


Page 20392

  1   témoin, et également d'avoir une ordonnance pour obtenir des communications

  2   supplémentaires.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est la seule requête que

  4   vous avez déposée concernant ce témoin ?

  5   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On m'avait dit que vous souhaitiez

  8   soulever une question concernant la manière dont le témoin devrait déposer.

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est exact. Et je suis désolé, j'avais

 10   totalement oublié cela. Nous demandons également que ce témoin dépose viva

 11   voce. Et si vous souhaitez que je motive cette requête, je peux le faire

 12   maintenant.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Vous avez 720 pages qui correspondent au

 15   compte rendu d'audience de la déposition du témoin dans l'affaire Stakic,

 16   il s'agit d'une déposition en vertu de l'article 92 ter, et ceci couvre des

 17   sujets de A à Z. Vous avez dit à M. Karadzic dans son contre-interrogatoire

 18   qu'il n'était pas nécessaire de reprendre avec tous les témoins tous les

 19   différents aspects du conflit avec chacun des témoins, mais c'est

 20   exactement ce que fait cette déposition dans le cadre des questions posées

 21   par l'Accusation. Et nous pensons que le temps octroyé pour le contre-

 22   interrogatoire basé sur le champ qui est couvert par cette déposition 92

 23   ter est tout à fait inapproprié. Nous pensons que ce serait beaucoup plus

 24   juste que l'Accusation pose des questions viva voce dans le cadre d'un

 25   interrogatoire principal étant donné qu'elle a choisi de ne pas se limiter

 26   aux éléments de l'article 92 ter et que, par conséquent, le contre-

 27   interrogatoire puisse être géré et correspondre beaucoup plus au champ

 28   couvert par la déposition du témoin.


Page 20393

  1   Merci.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puis-je avoir les arguments de

  3   l'Accusation.

  4   Oui, Monsieur Tieger.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. La position

  6   adoptée par Me Robinson n'est pas fondée pour différentes raisons. D'un

  7   point de vue factuel, c'est inexact. Il n'a pas fait part d'une base

  8   légitime pour refuser le versement de ce compte rendu d'audience en vertu

  9   de l'article 92 ter. Et d'ailleurs, les Juges de cette Chambre ont déjà

 10   traité de cette question. Tout d'abord, la situation qui a été décrite peut

 11   également induire en erreur. Vous savez que dans cette Chambre on donne

 12   lecture de la totalité de chacun des documents qui sont mentionnés, et le

 13   nombre de sujets couverts par ce témoin se concentre sur la municipalité de

 14   Prijedor et n'est pas plus important, d'ailleurs il est en fait bien

 15   inférieur au nombre de sujet qui seront abordés par un certain nombre

 16   d'autres témoins dont les dépositions ont été tout à fait correctement

 17   acceptées en vertu de l'article 92 ter.

 18   Deuxièmement, le périmètre assez vaste d'une déclaration ne peut pas

 19   constituer une base de refus de recevabilité en vertu de l'article 92 ter,

 20   et il n'y a aucune raison pour ce faire. D'ailleurs, les Juges de cette

 21   Chambre se sont connus du périmètre de cette déclaration en fournissant un

 22   nombre important d'heures de contre-interrogatoire pour que l'accusé puisse

 23   aborder cela. Nonobstant le fait qu'il y a des journées et des journées de

 24   contre-interrogatoire qui sont également incluses dans la déclaration

 25   consolidée -- enfin, ce n'est pas la déclaration consolidée, c'est la

 26   déclaration en vertu de l'article 92 ter. Il s'agissait d'une déposition

 27   qui a été faite devant une Chambre de première instance dans une seule

 28   affaire. Et c'était tout à fait logique que cela se fasse dans le cadre de


Page 20394

  1   l'affaire en question et ce sera tout à fait logique que ça se fasse dans

  2   le cadre de cette affaire. Ceci irait tout à fait à l'encontre de l'esprit

  3   de l'article 92 ter que de rejeter la demande du versement de la totalité

  4   de ce compte rendu d'audience, y compris le contre-interrogatoire très

  5   long, sans expurgation et sans enlever quoi que ce soit sur la base des

  6   arguments qui ont été avancés par Me Robinson, notamment étant donné que

  7   les Juges de la Chambre ont octroyé un nombre important d'heures de contre-

  8   interrogatoire, ce qui permet également de prendre en compte le nombre

  9   vaste de sujets qui sont abordés dans cette déclaration.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, vous avez fait

 11   référence à la pratique des Juges dans cette Chambre, ou de cette Chambre

 12   tout simplement. Il faut garder à l'esprit que ce témoin se concentre

 13   vraiment sur les différents éléments et faits qui sont reprochés à

 14   l'accusé. Est-ce que vous pourriez nous fournir une déclaration succincte

 15   sous forme d'une déclaration consolidée plutôt que de demander le versement

 16   d'un compte rendu d'audience long de 720 pages ? Il est vrai que nous

 17   devrions lire les 720 pages.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, les documents qui

 19   sont appropriés peuvent être mentionnés et devraient être mentionnés dans

 20   une déclaration consolidée. Ils seraient mentionnés sous leur cote ERN.

 21   Dans ce cas précis, la longueur de la déclaration est augmentée parce que,

 22   plutôt que de se fier à d'autres documents, il suffit de consulter le

 23   compte rendu d'audience. Je ne pense pas que ceci cause plus de travail à

 24   cette Chambre.

 25   Et étant donné le poste qu'occupait le témoin, il aurait été

 26   envisageable, voire tentant, de l'Accusation dans l'affaire Stakic de

 27   fournir une déclaration consolidée qui rentrait dans les détails sur les

 28   activités de l'assemblée républicaine, des différentes questions qui


Page 20395

  1   étaient abordées, les interactions entre les différents participants à ce

  2   niveau, les objectifs concernant les Bosno-Serbes, mais ceci ne fait pas

  3   partie de la déposition dans l'affaire Stakic, qui passe assez rapidement

  4   en revue la toile de fond et passe directement aux faits qui sont

  5   reprochés.

  6   Il n'est donc pas surprenant qu'il y ait des références à des

  7   événements à Prijedor qui sont antérieurs à l'attaque contre la population

  8   civile musulmane, y compris les tentatives d'armement des Serbes, et

  9   cetera, mais ceci n'a jamais été considéré comme une base inappropriée pour

 10   le versement d'une déclaration en vertu de l'article 92 ter. La déposition

 11   dans l'affaire Stakic ne représente tout simplement pas une tentative de se

 12   lancer dans des questions qui ne sont que secondaires. Et de mentionner

 13   simplement que c'est le cas compte tenu de la longueur du compte rendu

 14   d'audience n'est pas exact. C'est ce que j'essaie de vous expliquer.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis d'accord avec vous pour dire que

 16   la taille d'une déclaration en vertu de l'article 92 ter ne constitue pas

 17   un obstacle pour son versement, mais est-ce que vous n'êtes pas également

 18   d'accord pour dire que c'est aux Juges de la Chambre de décider si une

 19   déclaration en vertu de l'article 92 ter est versée au dossier ou pas ?

 20   M. TIEGER : [interprétation] Il y a des questions qui relèvent de la

 21   discrétion des Juges de cette Chambre qui doivent être prises en compte. Je

 22   ne pense pas que ceci peut se faire de manière arbitraire. Mais ce que

 23   j'indique aux Juges de la Chambre, c'est que l'Accusation s'est conformée

 24   pleinement à la lettre et à l'esprit de l'article 92 ter en l'espèce. Et je

 25   ne pense pas qu'une requête émanant de Me Robinson aurait été déposée s'il

 26   connaissait aussi bien le compte rendu d'audience que moi, parce que je

 27   l'ai parcouru. Je pense que c'est une réaction au vu du nombre de pages. Je

 28   pense que cela signifie simplement des documents qui ne sont pas inclus


Page 20396

  1   mais qui sont simplement mentionnés. Vous ne lisez pas la totalité des

  2   documents. Et toute personne qui suit le compte rendu d'audience pourrait

  3   ensuite utiliser les documents qui sont mentionnés.

  4   Mais ce n'est pas le cas ici. On ne peut pas dire que l'Accusation a

  5   exploité mal à propos les dispositions de l'article 92 ter pour demander à

  6   inclure des documents qui ne devraient pas être transmis aux Juges de cette

  7   Chambre et que ceci constitue une charge supplémentaire et indue aux

  8   participants. Nous fournissons donc un compte rendu d'audience dans une

  9   autre affaire qui correspond tout à fait à la pratique de versement de

 10   déclaration en vertu de l'article 92 ter ou de série de documents en vertu

 11   de l'article 92 ter qui ont été versés au dossier par les Juges de cette

 12   Chambre de par le passé. Et je pense qu'il ne faut pas donc se laisser

 13   obnubiler par le nombre de pages que constitue ce document, mais c'est dans

 14   l'esprit de l'article 92 ter que ceci est versé.

 15   M. ROBINSON : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais poser une question à M.

 17   Tieger avant de vous donner la parole, Maître Robinson.

 18   Compte tenu de cette pratique et compte tenu de ce qui s'est passé dans la

 19   Chambre de première instance de l'autre affaire, j'aimerais savoir combien

 20   de temps il vous faudrait pour une déposition viva voce dans le cadre de

 21   votre interrogatoire 

 22   principal ? Si vous êtes en mesure de répondre à cette question.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Je ne crois pas que je sois en mesure de le

 24   faire, Monsieur le Président, mais probablement, cela nous prendrait plus

 25   longtemps, et je dirais que cela nous prendrait injustement plus longtemps

 26   que de le faire par le truchement d'un versement en vertu de l'article 92

 27   ter --

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais cela durerait moins que cinq


Page 20397

  1   heures, puisque c'est le temps que nous avons octroyé pour le contre-

  2   interrogatoire, n'est-ce pas ?

  3   M. TIEGER : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur le Président -- enfin,

  4   vous me demandez de présenter des arguments sur des activités que je n'ai

  5   pas encore menées. Je suis convaincu que cette période de cinq heures pour

  6   le contre-interrogatoire est tout à fait appropriée, d'ailleurs même

  7   généreuse, compte tenu d'une inclusion d'un contre-interrogatoire très long

  8   dans les documents qui relèvent de l'article 92 ter. Et je suis également

  9   pleinement convaincu que tout conseil et même toute personne qui se

 10   considère comme un amateur serait en mesure de couvrir tout ce qui figure

 11   dans les documents versés en vertu de l'article 92 ter durant les cinq

 12   heures, même s'il choisit de couvrir les mêmes thèmes qui sont abordés dans

 13   le contre-interrogatoire précédent.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 15   Oui, Maître Robinson.

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, mis à part la

 17   longueur, il n'y a pas un périmètre très bien délimité concernant

 18   l'expérience du témoin. Il y a beaucoup de discussions concernant les

 19   aspects politiques, la toile de fond, et je pense que c'est le critère qui

 20   est beaucoup plus important que la longueur. Et si nous n'en avions pas

 21   déjà entendu parler de la déposition de M. Treanor, de M. Donia et d'autres

 22   témoins, peut-être que ce témoin serait le témoin idoine pour aborder tout

 23   ceci. Mais ce que je souhaitais dire, c'est qu'à ce stade dans le procès,

 24   avoir tous ces éléments mentionnés dans le cadre d'un interrogatoire

 25   principal serait une perte de temps et serait injuste compte tenu des

 26   limites qui sont imposées dans le cadre des contre-interrogatoires.

 27   Et pour ce qui est donc du contre-interrogatoire qui a été fait au

 28   nom du Dr Stakic, le Dr Karadzic n'a pas trouvé ceci comme étant très utile


Page 20398

  1   et très lié aux questions qu'il souhaite soulever, et ceci n'a certainement

  2   pas servi le Dr Stakic, qui purge une peine très longue. Cela signifie

  3   qu'il ne peut pas être restreint aux thèmes qui ont été abordés dans le

  4   contre-interrogatoire dans l'affaire susmentionnée. Merci.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît.

  6   Oui, Monsieur Tieger.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Je dois dire, avec tout le respect que je dois

  8   à mon confrère, ceci est inexact. Ce n'est pas le cas, bien au contraire,

  9   cette déposition ne se concentre pas principalement sur les aspects

 10   politiques ou sur la toile de fond. Et d'ailleurs, compte tenu du poste

 11   qu'occupait le témoin, il en parle bien moins que l'on pourrait s'y

 12   attendre. Le fait que l'on mentionne le Dr Donia est, en fait, induit en

 13   erreur parce que la déposition de ce témoin ne ressemble pas du tout à

 14   celle de M. Donia. Le témoin parle principalement de ce qu'il a observé à

 15   Prijedor, et pas de la toile de fond générale et du contexte. Le témoin,

 16   donc, fait des commentaires sur les aspects politiques, mais se concentre

 17   sur des éléments très concrets qui se sont déroulés à Prijedor, et il en

 18   parle de manière très rapide.

 19   Mais si c'est le problème de Me Robinson, dans ce cas-là il aurait

 20   été beaucoup plus approprié d'informer l'Accusation que la Défense avait

 21   des objections sur des parties bien précises et de nous faire part des

 22   parties en question de façon à ce que l'on puisse savoir si ces arguments

 23   étaient appropriés. Et de cette manière, on aurait pu décider si on pouvait

 24   procéder à l'expurgation de ces parties-là. Mais ces arguments qui sont

 25   très généraux sont très tardifs et sont inappropriés, parce que c'est une

 26   tentative de dresser un portrait qui est inexact et de considérer que la

 27   déclaration présente des manquements sans donner la possibilité à

 28   l'Accusation de répondre à des préoccupations qui sont vraiment précises.


Page 20399

  1   Et nous nous en tenons à notre position de départ, à savoir que nous

  2   pensons qu'il s'agit d'une demande de versement tout à fait appropriée qui

  3   ne contient pas de discussions d'ordre général, puisque ça semble être les

  4   doléances de Me Robinson, mais qu'il s'agit de discussions très ciblées. Et

  5   nous pensons que nous devrions continuer à demander le versement de ce

  6   compte rendu d'audience.

  7   Si les Juges de la Chambre jugent que le nombre d'heures octroyées

  8   pour le contre-interrogatoire n'est pas suffisant compte tenu du fait que

  9   l'accusé devra traiter certains éléments, dans ce cas-là les Juges de la

 10   Chambre pourront, bien sûr, réagir à ce sujet, mais je ne pense pas que

 11   ceci sera nécessaire.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons entendu les parties et nous

 15   allons maintenant rendre oralement notre décision au sujet de cette

 16   requête.

 17   La Chambre remarque le volume important des éléments de preuve dont le

 18   versement au dossier est demandé en rapport avec ce témoin, à savoir 734

 19   pages de compte rendu d'audience et 31 pièces connexes qui portent sur sept

 20   incidents. En fait, c'est ce qui a amené la Chambre a accordé cinq heures

 21   de contre-interrogatoire à l'accusé. Au vu et tenant compte des arguments

 22   développés devant elle aujourd'hui, la Chambre estime que l'audition de ce

 23   témoin en personne serait plus appropriée du point de vue de l'efficacité

 24   du déroulement du procès. Pour un témoin qui sera entendu au sujet des

 25   crimes, ce qui est le cas de ce témoin-ci, il n'était pas nécessaire de

 26   proposer à la Chambre neuf jours de témoignage. Ce témoin est typiquement

 27   un témoin pour lequel une déclaration plus courte aurait pu et aurait dû

 28   être élaborée par l'Accusation si celle-ci devait être versée au dossier en


Page 20400

  1   application de l'article 92 ter.

  2   Ainsi, la Chambre ordonne que M. Mevludin Sejmenovic soit entendu en

  3   tant que témoin viva voce, sous réserve de la décision qui sera rendue au

  4   sujet de la requête évoquée par Me Robinson.

  5   Ceci nous amène à notre témoin suivant, n'est-ce pas, Maître Robinson

  6   ?

  7   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est une autre

  8   question dont j'ai déjà parlé à vos collaborateurs et je souhaitais

  9   l'évoquer pour demander le versement au dossier d'une version publique ou

 10   d'une version expurgée d'un document qui a déjà été versé au dossier sous

 11   pli scellé. Je me demandais si c'était le moment pour moi d'en parler

 12   devant vous ou si un autre moment serait plus adapté.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne pourriez-vous pas présenter cette

 14   requête par écrit, Maître Robinson ?

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Cela peut se faire par écrit, mais

 16   j'aimerais également lire pour enregistrement au compte rendu d'audience la

 17   partie qui a été exclue, car vous avez ordonné que la diffusion soit

 18   expurgée à l'époque, donc cette partie n'a jamais fait partie intégrante de

 19   la déposition publique de ce témoin.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais une requête publique fait partie

 21   des documents qu'il --

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il serait préférable, à notre

 23   avis, que ce document soit traité comme les autres documents qui ont été

 24   autorisés en tant que documents publics à l'époque. Mais si vous estimez

 25   que c'est une perte de temps, alors je m'exprimerai par écrit.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce n'est pas tant le problème du temps

 27   qui me préoccupe. Mais je préférerais en tout état de cause que vous

 28   soumettiez cette requête par écrit, je l'apprécierais.


Page 20401

  1   M. ROBINSON : [interprétation] Très bien.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons besoin de passer à

  3   huis clos partiel pour faire entrer le témoin ? Il faut d'abord que les

  4   stores soient baissés.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Madame.

  7   L'INTERPRÈTE : Réponse du témoin, hors micro.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour une nouvelle fois, Madame. Avant

  9   que vous ne prononciez la déclaration solennelle, nous avons un point à

 10   traiter à huis clos partiel.

 11   Je demanderais donc que nous passions à huis clos partiel.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 13   le Président, Madame, Messieurs les Juges.

 14  [Audience à huis clos partiel][Confidentialité partiellement levée par ordonnance de la Chambre]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va maintenant faire connaître

 16   sa décision orale au sujet de la modification des mesures de protection.

 17   Témoin KDZ080, requête déposée le 18 octobre 2011, par laquelle l'accusé

 18   demandait que la Chambre annule les mesures de protection consistant à

 19   octroyer au témoin un pseudonyme ainsi que la déformation de son image à

 20   l'écran et la déformation de sa voix, mesures accordées au témoin (expurgé)

 21   (expurgé), et ce, en raison des déclarations publiques faites par

 22   le témoin depuis lors.

 23   Le 25 octobre, l'Accusation a déposé sa réponse en annexant une

 24   déclaration de l'enquêteur de l'Accusation, qui a rencontré le témoin à la

 25   date du 21 octobre. Le témoin a fait savoir à l'enquêteur que pour un

 26   certain nombre de raisons, et en particulier la situation politique

 27   actuelle en Bosnie-Herzégovine, elle n'était pas d'accord pour que lui

 28   soient supprimées ses mesures de protection.


Page 20402

  1   La Chambre remarque, pour commencer, qu'en vertu de l'article 75(I)

  2   du Règlement, elle a consulté (expurgé)

  3   (expurgé), le Juge qui a

  4   estimé que la suppression des mesures de protection n'était pas garantie

  5   dans les circonstances actuelles.

  6   La Chambre rappelle également qu'en vertu de l'article 75(J), la

  7   Chambre peut ordonner la suppression des mesures de protection, sans

  8   l'accord du témoin, dans des circonstances exceptionnelles et "sur la base

  9   d'une situation d'urgence en présence de circonstances très importantes ou

 10   dans le cas où le seul résultat possible d'un rejet de la requête

 11   résulterait en une erreur judiciaire."

 12   La Chambre a examiné avec attention la déclaration de l'enquêteur de

 13   l'Accusation, ainsi que les renseignements contenus dans l'annexe B à cette

 14   réponse, et considère que des circonstances exceptionnelles ne sont pas

 15   présentes. Au contraire, au vu des renseignements fournis quant aux

 16   tensions interethniques accrues à Prijedor depuis quelques mois, la Chambre

 17   estime que la poursuite des mesures de protection consistant à accorder un

 18   pseudonyme, une déformation de l'image à l'écran et une déformation de la

 19   voix est garantie.

 20   (expurgé)

 21   (expurgé)

 22   (expurgé)

 23   (expurgé)

 24   (expurgé)

 25   (expurgé)

 26   (expurgé)

 27   (expurgé)

 28   (expurgé)


Page 20403

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13   [Audience publique]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que -- désolé, il faudrait tout

 15   de même que nous revenions à huis clos partiel.

 16   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre] 

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Est-ce que, Madame Edgerton, nous

 18   pouvons sans risque désigner le témoin sous les mots "Madame le Témoin" ?

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Revenons en audience

 21   publique.

 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous sommes maintenant en audience

 24   publique.

 25   Madame le Témoin, je vous inviterais à présent à prononcer la

 26   déclaration solennelle.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 28   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.


Page 20404

  1   LE TÉMOIN : KDZ080 [Assermentée]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir

  4   confortablement, Madame.

  5   Partant du principe que vous êtes au courant de la décision rendue au sujet

  6   des mesures de protection, je vous repose la question : est-ce que vous

  7   êtes d'accord ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'accord.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 11   Interrogatoire principal par Mme Edgerton :

 12   Q.  [interprétation] Madame le Témoin, m'entendez-vous dans une langue que

 13   vous comprenez ?

 14   R.  Je vous entends.

 15   Q.  Merci.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Dans ce cas, je demanderais l'affichage du

 17   document 65 ter numéro 90289. 90289.

 18   Q.  Est-ce que vous voyez apparaître un document sur l'écran devant vous,

 19   Madame ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous voyez votre nom sur ce document ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-il bien orthographié ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Merci.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement de ce dossier comme

 27   pièce de l'Accusation, à conserver sous pli scellé.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.


Page 20405

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P3690,

  2   conservé sous pli scellé, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

  3   Juges.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation]

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10   Q.  Et les 21 et 22 octobre de cette année, j'aimerais savoir si des

 11   représentants de ce Tribunal vous ont relu une déclaration qui synthétisait

 12   un certain nombre de portions des dépositions faites par vous dans ces deux

 13   affaires précédentes pour en faire un seul et même document, n'est-ce pas ?

 14   R.  Je m'en souviens. Oui, c'est exact.

 15   Q.  Je vous remercie.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Le numéro 65 ter, je l'indique pour le

 17   compte rendu d'audience, est le numéro 90288.

 18   Q.  Alors suite à la relecture devant vous de cette déclaration consolidée,

 19   vous avez déterminé qu'un certain nombre de paragraphes nécessitaient que

 20   vous leur apportiez des correctifs, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Je vais donc donner lecture de ces corrections que vous souhaitez

 23   introduire dans le texte, et vous me direz à la fin si j'ai bien pris en

 24   compte toutes les demandes de correction.

 25   Tout d'abord, au paragraphe 8, vous faites remarquer que le nom "Omer

 26   Marjanovic" doit se lire "Omer Kevanovic" [phon] [comme interprété].

 27   Et dans le même paragraphe, le nom de "Sead Mehmenovic" [phon] [comme

 28   interprété] doit se lire "Esad Mehmedanovic" [phon] [comme interprété],


Page 20406

  1   n'est-ce pas ?

  2   Au paragraphe 10, au niveau de votre deuxième réponse, vous avez dit : "Ils

  3   ont été emmenés dans le camp de concentration d'Omarska et n'ont pas été

  4   revus depuis." Vous souhaitiez ajouter les mots suivants : "Leurs restes

  5   mortels ont été découverts dans des fosses communes et enterrés plus tard

  6   par leurs familles."

  7   Au paragraphe 27, en lieu et place de l'expression "et ils ont levé trois

  8   doigts en pleurant," il convient de lire "et ils ont levé trois doigts en

  9   riant."

 10   Et dans le paragraphe 37, la dernière phrase doit se lire "ils ont jubilé"

 11   au lieu de "ils ont crié."

 12   La dernière phrase du paragraphe 41 doit se lire "des chants de guerre" au

 13   lieu de "des cris de guerre."

 14   Et au paragraphe 46, au lieu du nom "Sead ou Said Borosejevic" [phon]

 15   [comme interprété], il convient de lire "Smail Borosevic" [phon] [comme

 16   interprété].

 17   Au paragraphe 61, dans votre première réponse, vous souhaitez supprimer les

 18   mots "et ils nous ont emmenés pour nous abattre."

 19   Et au paragraphe 79, il y a une faute de frappe, à savoir que le mot

 20   "Zazine" doit s'écrire "Cazin."

 21   Est-ce que ce sont là toutes les corrections importantes que vous

 22   souhaitiez apporter à ce document ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Ayant relevé ces corrections à la date du 27 [comme interprété]

 25   octobre, vous avez signé la déclaration en question, n'est-ce pas ?

 26   R.  Exact.

 27   Q.  Une fois ces corrections apportées au document, êtes-vous satisfaite

 28   quant au fait que la déclaration que vous avez signée correspond à ce que


Page 20407

  1   vous avez dit ? Et je vous demande de répondre en vous appuyant sur vos

  2   souvenirs personnels.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Si je devais vous poser aujourd'hui les mêmes questions que celles qui

  5   vous ont été posées pendant les procès Kvocka et Brdjanin, est-ce que vous

  6   y apporteriez les mêmes réponses qu'à l'époque ?

  7   R.  Oui.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demanderais, dans ces conditions, que la

  9   déclaration consolidée du témoin, document 65 ter numéro 90288, soit versée

 10   au dossier et conservée sous pli scellé.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Accepté.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P3691, à

 13   conserver sous pli scellé, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 14   Juges.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation]

 16   Q.  Je vais maintenant lire un bref résumé de la déposition du témoin qui a

 17   été écrite.

 18   Le témoin vient de la ville de Prijedor. Elle témoignera de la prise de la

 19   ville par les Serbes et des mesures discriminatoires qui ont été prises

 20   contre les non-Serbes, y compris des déplacements forcés de populations

 21   organisés par les forces serbes. Le témoin a été arrêté en juin 1991 [comme

 22   interprété] et emmené au camp d'Omarska, où elle a été détenue jusqu'au

 23   mois d'août 1992. Elle présente dans sa déposition ses observations et fait

 24   part de ce qu'elle a vécu dans le camp ainsi que des sévices importants

 25   qu'ont subis les détenus non-serbes présents dans ce camp.

 26   Elle évoque le nombre de prisonniers qui ont été frappés, humiliés et

 27   tués, au nombre desquels se trouvaient des personnes qu'elle a reconnues.

 28   Ce témoin et d'autres commençaient leur journée en dénombrant les cadavres


Page 20408

  1   qui avaient été jetés au sol aux environs de la "maison blanche".Le témoin

  2   décrit les conditions de vie infligées aux détenus femmes d'Omarska et

  3   indique que les femmes détenues subissaient des agressions physiques et

  4   sexuelles par le personnel du camp. Elle parle du fait que le personnel du

  5   camp a créé des structures dans ce camp qui permettaient à certaines

  6   personnes d'y pénétrer, et en particulier elle évoque une visite au camp au

  7   mois de juillet 1992 par une délégation dont faisaient partie Radoslav

  8   Brdjanin, Stojan Zupljanin, et d'autres.

  9   En août 1992, le témoin a été transféré au camp de Trnopolje, où elle

 10   décrit également les conditions de vie et la situation qui y régnait. Afin

 11   de pouvoir quitter finalement le camp de Prijedor tenu par les Serbes, le

 12   témoin a été contraint de signer un document dans lequel elle faisait don

 13   de tous ses biens à la Région autonome de Krajina.

 14   C'est sur ces mots que s'achève le résumé de la déposition du témoin,

 15   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges. Et sur ces mots, je

 16   demanderais le versement au dossier des pièces connexes qui n'ont pas

 17   encore été versées au dossier, à savoir les documents 65 ter 13442 et

 18   13650, qui sont les deux documents évoqués par le témoin dans sa

 19   déclaration écrite.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ces deux documents sont versés au

 21   dossier.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ils deviennent les pièces P3692 et P3693.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aurais quelques mots à vous communiquer,

 24   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, par rapport à ces

 25   documents qui ne sont pas sous pli scellé. Mais j'aimerais les revoir dans

 26   quelques minutes, si cela ne pose pas de problème.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas de problème. Ce sera le cas, Madame

 28   Edgerton.


Page 20409

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie. C'est la fin de mon

  2   interrogatoire principal.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous ne devrions pas passer à

  4   huis clos partiel quelques instants.

  5   [Audience à huis clos partiel]

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

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 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28   [Audience publique]


Page 20410

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame le Témoin, les documents écrits

  2   qui reprennent vos dépositions faites dans des affaires précédentes ont été

  3   versées au dossier sous forme d'une déclaration dont vous avez entendu

  4   lecture pendant le récolement. Et maintenant vous serez contre-interrogée

  5   par M. Karadzic, l'accusé.

  6   Monsieur Karadzic, c'est à vous.

  7   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous sommes en audience publique ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous sommes en audience publique.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Bonjour, Madame le Témoin.

 15   R.  Bonjour.

 16   Q.  Pourrais-je débuter mon contre-interrogatoire sur cette affirmation

 17   venant de vous selon laquelle le 30 avril, on vous a fait rebrousser chemin

 18   alors que vous vous étiez présentée à votre 

 19   travail ? Est-ce que vous avez été licenciée ou est-ce que l'on vous a dit

 20   de rentrer chez vous ?

 21   R.  J'ai déjà décrit l'événement.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'entends pas les interprètes. Micro, s'il

 23   vous plaît.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que le micro du témoin ne fonctionnait

 26   pas.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Comment ça, je ne comprends pas ?

 28   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]


Page 20411

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous n'entendez pas

  2   les réponses du témoin; c'est cela ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] En effet, c'est exact.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne comprends pas quel est le

  5   problème. Mais les techniciens vont se pencher sur la question.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que le problème est résolu.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux commencer à parler ?

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Oui, je vous en prie.

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12   Serbes ont pris le contrôle de la ville. Ils ont démoli les organes légaux

 13   du pouvoir et ont pris le contrôle de toutes les institutions, y compris

 14   celle dans laquelle je travaillais. Le premier jour ouvré, je suis partie

 15   normalement au travail, je me suis rendue dans le bâtiment où je

 16   travaillais, et devant le bâtiment j'ai trouvé un groupe de personnes

 17   armées qui m'ont demandé où j'allais. J'ai répondu que j'allais au travail.

 18   Et à ce moment-là, ces hommes qui se trouvaient là et qui étaient en

 19   possession d'une liste ont brandi cette liste. Je leur ai donné mes nom et

 20   prénom, et à ce moment-là ils m'ont dit que je ne travaillais plus à cet

 21   endroit. Ils ne m'ont pas licenciée; ils m'ont simplement transmis ce

 22   renseignement que j'ai accepté consistant à me dire que je ne travaillais

 23   plus à cet endroit.

 24   Q.  Merci. Je vais m'efforcer de vous poser les questions les plus précises

 25   possibles de façon à ce que vous puissiez y répondre éventuellement par

 26   "oui" ou par "non".

 27   A quelle date avez-vous été relevée de vos fonctions ?

 28   R.  Je n'ai jamais reçu le moindre document qui m'aurait permis de savoir à


Page 20412

  1   quelle date j'ai été relevée de mes fonctions.

  2   Q.  Donc, officiellement, au jour d'aujourd'hui, vous n'avez toujours pas

  3   reçu votre licenciement ?

  4   R.  Non, je n'ai pas reçu le document officiel le stipulant.

  5   Q.  Merci. Mais savez-vous que pendant ces journées-là, ces journées de

  6   crise, il a été dit à tout le monde qu'ils devaient rentrer chez eux pour

  7   que leur sécurité soit garantie ?

  8   R.  Cela a été dit uniquement à des personnes dont l'appartenance ethnique

  9   n'était pas l'appartenance ethnique serbe. Les autres ont continué leur vie

 10   normalement et ont continué à travailler normalement.

 11   *Q.  Vous avez dit que pratiquement toutes les personnes qui travaillaient

 12   au tribunal appartenaient au groupe ethnique serbe.

 13   R.  Non. J'ai dit que ceux qui étaient Serbes ont continué à travailler. Le

 14   tribunal, jusqu'au moment du changement de pouvoir, était un endroit où

 15   travaillaient des Serbes et des non-Serbes.

 16   Q.  Mais vous avez dit que très peu de temps après cela, la quasi-totalité

 17   des employés au tribunal étaient des ressortissants du groupe ethnique

 18   serbe. Alors, ce qui m'intéresse, c'est la "quasi-totalité". Qui n'a pas

 19   été ?

 20   R.  Après la prise du pouvoir, ils sont restés à travailler dans

 21   l'institution où j'ai travaillé moi-même, et c'étaient des gens qui étaient

 22   des ressortissants du groupe ethnique serbe.

 23   Q.  Vous avez dit la "quasi-totalité". Alors, moi, ce que je voudrais

 24   savoir, c'est ce qui se trouve derrière le "quasi".

 25   R.  Ecoutez, je ne sais pas.

 26   Q.  Est-ce que vous avez été suspectée --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Un instant.

 28   Madame Edgerton.


Page 20413

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais avoir une expurgation, lignes 2

  2   et 3 de la page 63, s'il vous plaît. Et si c'est bon, il est bon de laisser

  3   la question qui se trouve juste au-dessus en audience publique.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passons, je vous prie, à huis clos

  5   partiel pour quelques instants.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  7   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]  

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous expliquer la

  9   raison pour laquelle ces lignes 2 et 3 devraient être expurgées.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est parce que dans la question : "…vous

 11   avez dit… peu de temps après, la quasi-totalité… des employés du tribunal

 12   étaient du groupe ethnique serbe." Et j'ai bien peur que la réponse parle

 13   de l'institution où elle a travaillé, donc ça peut dévoiler l'identité du

 14   témoin.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et alors, les lignes 19 et 20 à la page

 16   précédente, qu'en est-il ?

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, en réalité, c'est vrai. Je m'excuse.

 18   J'ai omis de le remarquer.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Alors, est-ce qu'on va caviarder

 20   aussi les questions elles-mêmes ?

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Ce serait bien plus simple, oui.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous ne devrions pas faire déclarer

 23   ceci en audience publique pour indiquer que le témoin aurait travaillé dans

 24   un tribunal, n'est-ce pas ?

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, c'est quelque chose que nous devrions

 26   éviter parce que ça risque de dévoiler son identité.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 28   Gardez cela à l'esprit, Monsieur Karadzic.


Page 20414

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Et je m'excuse de n'avoir pas été plus

  2   précise, Monsieur le Président.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, je demanderais à ce que nous restions

  4   encore quelques instants à huis clos partiel.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Vous avez indiqué, Madame, que dans cette institution où vous avez

  7   travaillé, vous-même, il y a eu plusieurs noms, Nedo Ceric, Omer

  8   Marijanovic -- Kerenovic.

  9   R.  "Kerenovic", oui.

 10   Q.  Sead --

 11   R.  C'est Esad.

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14   Alors, est-ce que ces noms figurent sur la même liste que vous lorsque vous

 15   avez été suspectée de réunion clandestine et préparatifs d'une insurrection

 16   armée ? Nous ne sommes pas en train de parler maintenant de l'exactitude ou

 17   de l'inexactitude de ces affirmations. Est-ce que cette liste se trouve

 18   être exacte ?

 19   R.  Mais moi je ne sais pas de quelle liste vous parlez.

 20   Q.  Vous ne savez pas qu'il y avait des renseignements disant que vous

 21   rencontriez ces gens-là pour préparer une insurrection 

 22   armée ?

 23   R.  Non, je ne suis pas au courant de cette information. C'est ridicule.

 24   C'est des gens que j'avais rencontrés avant que les Serbes ne s'emparent du

 25   pouvoir. Je les ai fréquentés à titre privé et au travail. Mais je ne

 26   savais pas qu'il y avait eu des accusations de prononcées, parce que je

 27   n'ai jamais vu un acte d'accusation par écrit me disant pourquoi j'ai été

 28   détenue au camp de détention à Omarska.


Page 20415

  1   Q.  Bon, on va sauter certains éléments. Et vous allez me dire si vous avez

  2   été interrogée à Omarska ?

  3   R.  Oui, mais sans papier aucun. Ils l'ont fait comme ça, par cœur, sans me

  4   donner un acte d'accusation, sans parler d'un droit à la défense. Et rien

  5   n'a été consigné du tout au procès-verbal dans ce camp de détention,

  6   lorsqu'on m'a interrogée. Et je l'ai raconté -- mais enfin, ce que j'ai

  7   répondu n'a été consigné nulle part. Et c'est partant de ces conversations

  8   avec ces investigateurs, ces enquêteurs, que j'ai pu supposer quelles sont

  9   les raisons pour lesquelles on me mettait en accusation.

 10   Q.  Mais quelles sont les circonstances au sujet desquelles vous avez --

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que vous ne répondiez, Madame le

 12   Témoin, est-ce qu'on a besoin de rester à huis clos 

 13   partiel ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, ce n'est pas obligatoire. On a fini de

 15   citer les noms.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, nous allons retourner en audience

 17   publique.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 19   [Audience publique]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voulez bien reposer votre question,

 21   Monsieur Karadzic.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, volontiers.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Alors, quelles sont les circonstances au sujet desquelles vous avez été

 25   interrogée ?

 26   R.  Eh bien, si ce n'était pas tragique, ça aurait été comique. Ils étaient

 27   deux, deux investigateurs, Nenad Babic et Nenad Trncic [phon], et ils m'ont

 28   demandé ce qui suit. Par exemple, ceci : est-ce que j'étais partie voter


Page 20416

  1   aux élections en faveur d'une Bosnie-Herzégovine indépendante et souveraine

  2   ? *La deuxième question a été si je connaissais Mirza Mujadzic. C'était

  3   quelqu'un qui était, disons, de haut placé au Parti de l'Action

  4   démocratique. On m'a demandé si j'avais rencontré Nedzad Ceric [phon], Omer

  5   Kerenovic, et Mirsad Mehmedagic [phon]. Ce sont trois de mes collègues de

  6   travail que vous avez mentionnés à l'instant. C'était à peu près ce type de

  7   question.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que ceci, il faudra aussi qu'on le

  9   caviarde. Pour ce qui est donc du fait d'avoir évoqué des collègues de

 10   travail.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce qu'on vous a posé des questions -- celle de savoir où vous avez

 13   séjourné ces jours-là ? Est-ce qu'on vous a posé des questions au sujet de

 14   la régularité du référendum ?

 15   R.  Je ne me souviens pas d'avoir eu à parler de ce type de détail. On m'a

 16   posé la question probablement. Mais enfin, s'ils savaient où est-ce que je

 17   rencontrais les gens, ça présuppose qu'il y ait eu une filature. Mais moi

 18   je séjournais, bien entendu, dans mon appartement.

 19   Q.  Bon. Et voyons un peu ce que vous avez dit à cette commission d'experts

 20   le 7 mars 1994. Je vous renvoie à la page 3. Et laissez-moi voir un peu où

 21   est-ce que ça se trouve. C'est le 1D04486. En page 3, vous dites qu'on vous

 22   a posé des questions au sujet du fait de savoir si vous aviez connaissance

 23   d'un montage ou d'une falsification du référendum pour l'indépendance de la

 24   Bosnie-Herzégovine. Vous a-t-on posé la question ?

 25   R.  Oui, probablement. Vous venez de me rafraîchir la mémoire.

 26   Q.  Merci. Et qui dans votre municipalité avait été compétent pour ce qui

 27   est des votes, référendums et du fait aussi de les proclamer comme étant

 28   bien conduits, réguliers et en ordre ?


Page 20417

  1   R.  D'après la loi de l'époque, le président du tribunal était aussi le

  2   président de la commission électorale.

  3   Q.  Donc c'est le Tribunal qui avait à donner un mot final ?

  4   R.  Non, pas le Tribunal, le président de cette commission électorale pour

  5   ce qui est de sa fonction. Parce que le président du tribunal a été en même

  6   temps le président de la commission électorale. C'était une commission qui

  7   en était chargée, ce n'était pas un homme seul.

  8   Q.  Bon, et si quelqu'un se plaignait, qui est-ce qui tranchait au final ?

  9   R.  Je ne sais pas quelle était la deuxième instance. Je ne m'en souviens

 10   plus, c'était il y a fort longtemps. Probablement y avait-il eu une

 11   commission centrale à Sarajevo ou ailleurs, mais je ne voudrais pas

 12   m'étendre sur ce type de sujet.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, si cela vous arrange,

 14   la Chambre souhaiterait faire une pause à présent pour 25 minutes. Nous

 15   allons reprendre à 18 heures moins 10. Et une fois que nous aurons repris,

 16   Madame le Témoin, veuillez garder à l'esprit pour ce qui est de l'intérêt

 17   d'une interprétation complète et entière la nécessité de faire une pause

 18   entre les questions et les réponses.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, merci.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vingt cinq minutes.

 21   --- L'audience est suspendue à 17 heures 26.

 22   --- L'audience est reprise à 17 heures 53.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic. A vous.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  En parlant de la prise de Prijedor, vous avez dit que les non-Serbes

 27   ont reçu l'ordre de porter un ruban autour de la manche, c'est cela ?

 28   R.  Exact.


Page 20418

  1   Q.  Et les Serbes aussi ont-ils porté un ruban autour de la manche ?

  2   R.  Je n'ai pas remarqué cela.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre le 65 ter 35042.

  4   Excellences, est-ce que la page qu'on a montrée tout à l'heure est

  5   recevable, le 0401029 ? Je crois que c'est la pièce qu'on a montrée au

  6   témoin précédent.

  7   L'INTERPRÈTE : Le 0401279.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On s'en occupera plus tard. Concentrons-

  9   nous maintenant sur le témoignage de ce témoin-ci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais donc le 0401-0276.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Je vais vous montrer une interprétation d'une conversation radio qui a

 13   été suivie par les services secrets croates qui, eux, étaient sur écoute.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] On ne nous a pas fait notification de ce

 16   document, Monsieur le Président, et ça, c'est une interprétation d'une

 17   communication. C'est quelque chose qui ferait l'objet d'une objection.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est un document qui nous a été envoyé

 19   par l'Accusation, et les gens de Croatie n'ont pas tout transmis à la

 20   lettre, mais je me propose de vous donner lecture de la substance.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Il s'agit du 30 mai 1992 --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Il y a une objection qui a

 24   été soulevée par l'Accusation. Vous devriez attendre une décision.

 25   Il n'y a pas eu de notification au sujet du témoin antérieur non

 26   plus. Est-ce que vous êtes en mesure de répondre ? Parce que moi, je ne

 27   vois pas cette référence 65 ter. J'ai vérifié la notification. Alors, peut-

 28   être M. Robinson pourrait-il nous aider.


Page 20419

  1   M. ROBINSON : [interprétation] En réalité, Monsieur le Président, je ne

  2   peux pas le faire parce que je ne me suis pas occupé de ceci, mais si vous

  3   me donnez une minute, je vais m'en occuper avec M. Karadzic ou avec le

  4   commis à l'affaire. Excusez-moi.

  5   [Le conseil de la Défense se concerte]

  6   M. ROBINSON : [interprétation] On vient de me faire savoir qu'il n'y a pas

  7   eu de notification, ni au sujet de l'un ni au sujet de l'autre de ces deux

  8   documents.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous dire

 10   pourquoi vous n'avez pas été à même de notifier la partie adverse de ce

 11   document, et pourquoi est-il si nécessaire et pertinent de vous servir de

 12   ce document avec ce témoin, Monsieur Karadzic ?

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, nous ne sommes pas suffisamment

 14   nombreux. Nous sommes en train de nous épuiser au travail, et il y a ici

 15   une -- enfin, on évoque une stigmatisation raciale d'un groupe ethnique.

 16   Or, ici, le document dit le contraire. Je voulais juste montrer de quoi

 17   cela avait l'air et comment les choses se sont présentées.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez dit que vous vouliez

 19   qu'une partie que vous aviez montrée à un témoin antérieur soit versée au

 20   dossier. Donc votre intention n'est pas celle de verser au dossier ce

 21   document avec ce témoin-ci ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais si ce n'est pas possible, on n'est

 23   pas obligé de le faire. Je voulais juste le montrer au témoin pour

 24   illustrer l'affirmation selon laquelle il ne s'agit pas de racisme mais

 25   d'une intention qui visait à permettre entre les parties amies à

 26   s'identifier entre elles.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre ne voit pas de raison

  2   suffisante pour ce qui est de vous autoriser à montrer ce document au

  3   témoin. Je vous prie de passer à un autre sujet, Monsieur Karadzic.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je crois

  6   que c'est équitable, et nous ne nous en plaignons pas, mais je crois que le

  7   temps est opportun pour vous faire savoir que nous allons avoir de ce type

  8   de problème à l'avenir encore, parce que déjà, dès aujourd'hui, nous avons

  9   perdu un membre de l'équipe parce qu'il y a eu une réduction des fonds

 10   alloués, et c'est une question qui est encore en suspens. C'est envoyé

 11   comme requête au Président. Il y a 17 % de personnes qui travaillent en

 12   moins sur cette affaire, notamment pour ce qui est du commis à l'affaire,

 13   et il s'agit aussi des traductions, des chargements de documents au

 14   dossier.

 15   Qui plus est, nous avons 150 par employé, et le travail régulier

 16   requiert 225 à 250 heures par mois. Ce sont là des tâches qui, si l'on

 17   englobe la communication des notifications pour les pièces à conviction, la

 18   présentation des documents à l'avance, les traductions, tout ceci est assez

 19   difficile à réaliser, et quels que soient les efforts investis par nous,

 20   c'est la situation telle qu'elle se présente.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous apprécions grandement votre

 22   présentation de la situation et vous avez jugé que nos décisions étaient

 23   équitables, que vous n'alliez pas vous en plaindre, et je vous demande de

 24   continuer.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Vous nous avez dit qu'il y a eu prise du pouvoir au niveau de la

 28   municipalité de Prijedor. Saviez-vous qu'avant cela il y a eu des


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  1   concertations, et presque concerté le fait de créer deux municipalités; une

  2   municipalité serbe et une municipalité musulmane ?

  3   R.  Non, je ne le savais pas.

  4   Q.  Merci. Saviez-vous que M. Cehajic était passé du côté gauche de la Sava

  5   pour essayer ou pour commencer à créer une municipalité, et le poste de

  6   police de Ljubija avait été destiné à devenir un MUP musulman ?

  7   R.  J'entends parler de la chose pour la première fois.

  8   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez quelle a été la raison principale de la

  9   prise du pouvoir à la date du 30 avril ?

 10   R.  Je ne le sais pas.

 11   Q.  Bon. Avez-vous entendu dire qu'il y a eu, à la date du 12 avril, puis

 12   le 17 ou 18 avril, mais l'essentiel ou le principal le 29 avril, il y a eu

 13   un télégramme d'arrivé du ministère de la Défense et du ministère de

 14   l'Intérieur aussi pour dire qu'il fallait lancer une attaque contre les

 15   Serbes et la JNA ?

 16   R.  C'est la première fois que je l'entends parler.

 17   Q.  Merci. Alors, est-ce que vous avez entendu dire qu'il y a eu la partie

 18   serbe à s'être manifestée pour dire ce qu'elle jugeait nécessaire de faire

 19   et ce que les autres étaient censés faire aussi ?

 20   R.  La radio locale était placée sous le contrôle des autorités serbes, et

 21   les communiqués étaient horribles pour les non-Serbes. Je me souviens bien

 22   d'un communiqué qui disait que les habitants de Prijedor, des groupes

 23   ethniques non-serbes, sur les fenêtres de leurs appartements et de leurs

 24   maisons, devaient mettre des drapeaux blancs.

 25   Q.  Merci, on y viendra tout de suite. Donc, maintenant, nous en sommes

 26   déjà au mois de mai. Ça va du 30 mai au 9 juin. Or, moi, je vous pose ma

 27   question pour demander quand est-ce que la partie serbe a pris le pouvoir à

 28   Prijedor ? Vous vous souvenez du fait d'avoir encouragé la partie musulmane


Page 20422

  1   à créer des autorités à elle dans leurs parties de la ville ?

  2   R.  Je n'ai jamais su cela.

  3   Q.  Merci. A un endroit, vous affirmez que le 30 mai, Prijedor a été

  4   attaquée. Qui a attaqué Prijedor le 30 mai ?

  5   R.  Je l'ai entendu dire. Il y aurait eu un groupe d'individus qui ne

  6   pouvaient pas se concilier ou accepter le fait que Prijedor était désormais

  7   une ville serbe, et que partout il y aurait des insignes serbes, toute

  8   l'iconographie serbe, les drapeaux et tout le reste, et prétendument il y

  9   aurait eu ce groupe qui avait essayé de rétablir à Prijedor la situation

 10   antérieure à la prise du pouvoir par les Serbes. J'ai entendu parler de

 11   cette intrusion, de cette irruption d'un groupe d'individus, comme vous

 12   l'avez dit.

 13   Q.  C'est un groupe, ce n'est pas une unité, n'est-ce pas ?

 14   R.  Non, c'était un tout petit groupe. Trop petit pour pouvoir s'opposer à

 15   l'armée ou aux paramilitaires et à la police des Serbes.

 16   Q.  Et combien de Serbes y a-t-il eu de tués à ce moment-là ?

 17   R.  Croyez-moi bien que je ne le sais pas. Vous ne pouviez pas prêter foi à

 18   ce que la radio serbe disait parce que les informations étaient placées

 19   telles que cela était convenable aux autorités serbes en place. On créait

 20   une ambiance au terme de laquelle tous les non-Serbes constituaient une

 21   menace aux yeux de cette autorité serbe nouvellement mise en place.

 22   Q.  Moi je crains fort, Madame le Témoin, que la menace à l'égard du peuple

 23   serbe -- enfin, concernait le peuple serbe, et non pas l'autorité serbe. Et

 24   c'est la raison pour laquelle la partie serbe s'est emparée du pouvoir,

 25   parce qu'il y avait une attaque de fomentée. Mais voyons un peu ce que vous

 26   dites au paragraphe 13 dans votre déclaration consolidée. (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5   Alors, qu'est-ce qui s'est passé en premier, Madame, l'attaque ou les

  6   arrestations ?

  7   R.  Même avant l'attaque, il y a eu des gens qui ont été emmenés pour des

  8   interrogatoires, des entretiens informatifs. Et très souvent j'ai été en

  9   position moi-même de voir que des appartements étaient fouillés, des

 10   maisons étaient fouillées, on vérifiait vos pièces d'identité, et cetera.

 11   Q.  Bon. Dites-nous maintenant si vous saviez que Prijedor était attaquée

 12   sur quatre ou cinq axes ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez que ces groupes, comme vous les

 15   qualifiez, étaient arrivés jusqu'au centre et il s'en est fallu de peu

 16   qu'ils s'emparent de la radio, du ministère de l'Intérieur et des autres

 17   institutions ?

 18   R.  Impossible de voir un si petit groupe d'individus réussir à s'emparer

 19   de la totalité de ces points d'importance et institutions importantes en

 20   ville.

 21   Q.  Merci.  Vous n'ignorez pas le fait, parce que vous en avez parlé dans

 22   les procès antérieurs, que vous avez été désignée comme étant une

 23   extrémiste, n'est-ce pas ?

 24   R.  Probablement.

 25   *Q.  Avez-vous lu cela dans le "Kozarski Vjesnik" et est-ce que vous avez

 26   commenté la chose dans vos témoignages antérieurs ?

 27   R.  Oui, je l'ai lu. Mais enfin, je ne l'ai lu rien que lorsque j'ai réussi

 28   à quitter Prijedor. Cet article-là où il est question de moi, en me


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  1   qualifiant d'extrémiste, je l'ai lu sur le territoire libéré.*

  2   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut tomber d'accord pour dire qu'à Prijedor, il y

  3   avait eu presque 50 000 Musulmans ?

  4   R.  Je ne sais pas quel était le nombre exact. Je l'ignore. Je ne sais pas

  5   combien de Musulmans il y avait sur le territoire de la municipalité.

  6   Q.  Alors, s'il y a un quart de mineurs, il reste quand même 

  7   40 000, et ça nous fait 20 000 femmes. Pourquoi parmi toutes ces femmes on

  8   vous a qualifiée d'extrémiste, vous ?

  9   R.  Je me pose la question aussi.

 10   Q.  Merci. Vous aviez dit qu'il s'agissait là d'une armée bariolée, c'est-

 11   à-dire que les uniformes étaient très variés, les insignes aussi. Que

 12   pourriez-vous nous en dire de plus ? Est-ce que tous les Serbes, vous les

 13   qualifiez de Chetniks, ou est-ce que vous avez remarqué qu'il y avait

 14   véritablement des gens qui méritaient d'être qualifiés de "Chetniks" ?

 15   R.  Non, je ne les qualifie pas de Chetniks, tous. J'ai dit que dans cette

 16   espèce de bariolage de diversification très grande d'uniformes, il y avait

 17   des uniformes et des insignes où l'on avait cherché à ressembler à tout ce

 18   que l'iconographie chetnik sous-entendait.

 19  (expurgé)

 20   des rubans, et vous avez dit que pour la population non-serbe la chose

 21   était perçue de façon pénible, parce que si on voulait sortir acheter

 22   quelque chose, il fallait qu'on mette un ruban blanc, et aux fenêtres des

 23   maisons il fallait mettre un drapeau blanc ou un drap blanc.

 24   Alors, est-ce que vous saviez qu'à la Radio Prijedor, on avait fait

 25   savoir que ceux qui ne voulaient pas se battre, ceux dont les maisons

 26   n'allaient pas tirer des coups de feu devaient afficher une toile ou un

 27   drap blanc ?

 28   R.  Non, ça ne s'est pas passé comme cela.


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  1   Q.  Le saviez-vous ?

  2   R.  Je ne sais pas si on avait véritablement dit qu'on n'allait pas tirer

  3   depuis ces maisons.

  4   Q.  Merci. Pourquoi certains Musulmans n'avaient pas été suspects et

  5   d'autres l'ont été, d'après vous ?

  6   R.  Je ne sais pas qui est-ce qui procédait à ce type d'évaluation.

  7   Q.  Dites-nous alors s'il est exact de considérer qu'un certain nombre de

  8   Musulmans et de Croates étaient là à être d'accord avec les Serbes, et que

  9   les autres les qualifiaient de traîtres ?

 10   R.  Il y en a eu fort peu. Et qui à ce moment-là avait osé parler de

 11   traîtres ?

 12   Q.  Peut-être plus tard. Mais êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il y

 13   a eu bon nombre de Musulmans et de Croates qui étaient du côté serbe, ou

 14   qui étaient d'accord avec les Serbes du point de vue de l'avenir à réserver

 15   à la Bosnie et Prijedor ?

 16   R.  Je ne sais pas. C'est possible. Je ne le sais pas.

 17   *Q.  Merci. Bon. Dites-nous à présent la chose suivante : le 30 s'est passé,

 18   et jusqu'au 9 juin -- enfin, ce n'est que le 20 juin que vous avez appris

 19   de la bouche de parents ou de proches à vous que le MUP s'intéressait à

 20   vous, et non pas à lui ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Alors, vous vous êtes présentée, mais dites-nous où au juste vous a-t-

 23   on arrêtée ?

 24   R.  Ce n'était pas une arrestation classique. Ce proche à moi, le jour

 25   avant le jour où j'ai été arrêtée, a été, lui, emmené au camp de

 26   concentration d'Omarska. Pour être plus précise, le 8 juin 1992. Une fois

 27   qu'il est revenu, il m'a contactée, il m'a appelée pour me dire que le

 28   commandant du camp et son adjoint, Zeljko Mejakic et Miroslav Kvocka, lui


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  1   avaient dit que ce n'était pas commode, parce que l'un des deux était connu

  2   fort bien par moi, alors il n'était pas commode pour eux de m'arrêter dans

  3   la cité, dans le voisinage où j'habitais. Ils ont donc dit qu'il fallait

  4   que je me présente au poste de police pour un entretien informatif, et je

  5   devais me présenter auprès d'un dénommé Mijic, Ranko. Et j'ai justement

  6   fait cela le lendemain. J'y suis allée. Je suis allée au poste de police à

  7   Prijedor.

  8   Q.  Merci. Alors, il vous a dit qu'il avait été arrêté par erreur et que

  9   c'était vous qu'on voulait, et non pas lui-même, n'est-ce pas ?

 10   R.  Il a dit que c'était moi qu'ils demandaient. Etait-ce une erreur ou

 11   pas, je ne le sais pas. C'est ultérieurement qu'il sera constaté qu'aux

 12   yeux de cette autorité nouvellement mise en place du côté serbe, j'avais

 13   plus d'importance, entre guillemets, et probablement me serais-je trouvée

 14   plutôt avant lui sur une liste de ceux qui devaient être arrêtés.*

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos partiel, je

 24   vous prie, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Huis clos partiel, je vous prie.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 27   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]  

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai

  5   demandé s'il y avait un risque d'identification. Mais pourquoi est-ce que

  6   cela s'est déroulé à huis clos partiel ? Est-ce qu'il y avait un risque de

  7   révélation de l'identité du témoin ?

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vais consulter ma collègue, si vous me

  9   le permettez, Monsieur le Président.

 10   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Eh bien, le récit de l'arrestation de ce

 12   membre de sa famille ce jour en particulier, ainsi que sa libération

 13   ultérieure et le fait qu'il ait appris que c'était en fait elle qu'on

 14   recherchait, Monsieur le Président, eh bien, ce récit par lui-même permet

 15   l'identification du témoin étant donné ce qu'elle a vécu de très

 16   particulier à Prijedor. Et le fait que son frère et sa sœur sont très

 17   faciles à identifier. Etant donné que la différence entre leurs noms se

 18   limite à une différence de quelques lettres.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. L'argument est pris en

 20   compte --

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolée, mais je vous entends à peine.

 22   Je vous entends très mal.

 23   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame le Témoin, est-ce que vous avez

 25   entendu ce que vient de dire Mme Edgerton ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, malheureusement. En tout cas, je l'ai

 27   entendu si bas que je n'ai pas réussi à tout saisir.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Etant donné la situation très


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  1   particulière qui caractérise l'arrestation du frère et de la sœur, les

  2   lignes qui viennent d'être citées risquaient de permettre la révélation de

  3   votre identité, voilà ce qu'a dit Mme Edgerton, en un mot. Et donc, la

  4   question a été discutée à huis clos partiel.

  5   Madame Edgerton.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Puisque nous

  7   sommes toujours à huis clos partiel, ma collègue a eu le temps de vérifier

  8   cet article cité par le Dr Karadzic dans lequel le témoin est évoqué,

  9   article du "Kozarski Vjesnik", et elle a découvert que le témoin que vous

 10   avez devant vous est la seule femme qui est nommée dans cet article parmi

 11   un certain nombre de personnes identifiées en tant qu'extrémistes à

 12   l'époque. Par conséquent, ce détail permettrait également la révélation de

 13   l'identité du témoin. Ceci se trouve en page 73, ligne 25, jusqu'à la page

 14   74, ligne 3 du compte rendu de l'audience d'aujourd'hui, dont je demande le

 15   caviardage.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Puisque nous sommes toujours à huis clos

 18   partiel, j'aimerais demander au témoin une précision.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Madame le Témoin, votre frère est-il bien Nusret Sivac, alors que vous

 21   vous appelez Nusreta Sivac, donc la différence entre vos deux prénoms se

 22   limite à un caractère, une lettre ?

 23   R.  Oui, oui.

 24   Q.  Donc c'est bien votre frère ? Et c'est bien de lui qu'il s'agissait ?

 25   R.  Oui, oui, oui.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais rappeler à la Chambre que ce

 27   monsieur a témoigné ici sous le pseudonyme KDZ414.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, il ne bénéficiait pas de mesures de


Page 20429

  1   protection.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ah, oui, peut-être. C'est possible. C'est

  3   possible. Toutes mes excuses.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Donc, Madame, vous êtes arrivée jusqu'au poste de police, mais vous n'y

  6   avez pas pénétré, n'est-ce pas ?

  7   R.  C'est exact. Je n'y suis pas entrée. Je suis restée devant l'entrée du

  8   poste de police, à l'extérieur.

  9   Q.  Et ensuite, on vous a emmené à Omarska; c'est bien cela ?

 10   R.  Oui, on m'a emmenée jusqu'au camp d'Omarska. C'est exact.

 11   Q.  Merci. Encore un peu à huis clos partiel.

 12   Etant donné votre profession, vous savez quelle est la dimension de

 13   la cellule qui se trouve au poste de police de Prijedor, n'est-ce pas ?

 14   R.  Je n'y suis jamais allée. Croyez-moi, je n'ai pas vu quelle était sa

 15   dimension.

 16   Q.  Mais combien de personnes pouviez-vous ordonner d'y placer en détention

 17   ? Dix, peut-être, n'est-ce pas ?

 18   R.  Je n'ai pas fait attention à cela. J'étais occupée à d'autres tâches.

 19   Q.  Mais vous êtes d'accord que ce n'est pas une cellule très grande ?

 20   R.  Eh bien, je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas quelle était sa

 21   taille.

 22   Q.  Vous parlez d'Omarska en parlant de camp. Mais est-ce qu'il y avait des

 23   enquêteurs qui travaillaient jour après jour là-bas dans la journée jusqu'à

 24   17 heures ?

 25   R.  Tous les jours, il y avait des enquêteurs qui venaient à Omarska et qui

 26   travaillaient du matin jusqu'au soir.

 27   Q.  Merci. Savez-vous que ce membre de votre famille a été arrêté peu de

 28   temps après vous, une semaine ou une dizaine de jours après vous, et qu'il


Page 20430

  1   a été arrêté sur la base de la déclaration faite par une certaine personne

  2   qui l'a mêlé à ses propres actions ?

  3   R.  Je ne sais pas pourquoi il a été arrêté.

  4   Q.  D'après ce que vous savez, combien y a-t-il eu de personnes qui ont

  5   séjourné à Prijedor ?

  6   R.  A Prijedor ?

  7   Q.  A Omarska, des gens de Prijedor.

  8   R.  Vous pensez à la totalité ? Encore une fois, je n'entends pas bien.

  9   Q.  Combien y a-t-il eu de personnes qui ont été emmenées à Omarska et qui

 10   ont été interrogées ?

 11   R.  Je ne sais pas combien de personnes y ont été interrogées, mais il

 12   s'est trouvé là-bas des milliers de personnes. Des milliers, vraiment. Je

 13   ne suis pas en mesure de citer un chiffre tout à fait exact. Mais il y a eu

 14   des milliers de personnes qui ont été emprisonnées là-bas, des gens de

 15   toutes sortes, de toutes professions, venus de tous les horizons, et parmi

 16   ce total, 37 femmes. Il y avait aussi là-bas, parmi les prisonniers, des

 17   personnes mineures.

 18   Q.  Est-ce que vous savez que les autorités de Prijedor se sont servies

 19   d'Omarska en tant que centre d'interrogatoire parce que l'unité de

 20   détention du poste de police publique était trop petite ?

 21   R.  Non, non, je ne suis pas d'accord avec cela. C'était un camp, ce

 22   n'était pas du tout un centre d'interrogatoire. Mais où est le problème ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Je pensais que nous étions toujours à huis

 25   clos partiel, Monsieur le Président, et --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, oui. Je vous remercie. J'étais sur

 27   le point de prendre la parole. Est-ce que nous avons toujours besoin de

 28   rester à huis clos partiel ?


Page 20431

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, revenons en audience publique.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique,

  4   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges.

  5   [Audience publique]

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Donc ma question est la suivante : est-ce que vous savez que les

  8   autorités de Prijedor et de Keraterm, quand ce dernier est devenu trop

  9   petit, ainsi que celles d'Omarska, ont considéré que certains lieux étaient

 10   trop petits pour mener les interrogatoires et que c'est la raison pour

 11   laquelle il a été décidé d'agir comme on a agi vis-à-vis des détenus ?

 12   R.  Monsieur Karadzic, dans des centres d'interrogatoire, les gens ne sont

 13   pas torturés ou ne subissent pas de sévices. Les centres d'interrogatoire,

 14   c'est quelque chose de tout à fait différent.

 15   Q.  Je vous remercie.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions nous pencher sur la

 17   pièce P2772.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  C'est le 3 août, n'est-ce pas, que vous avez quitté le centre pour vous

 20   rendre à Trnopolje ?

 21   R.  Oui. Le départ du camp de concentration d'Omarska vers un autre camp

 22   appelé Trnopolje s'est déroulé ce jour-là.

 23   Q.  Je vous remercie. Pourriez-vous jeter un coup d'œil sur ce document, où

 24   il est indiqué que 1 446 personnes ont été interrogées, fait qui est

 25   enregistré dans des documents officiels en bonne et due forme, et que dès

 26   lors qu'une responsabilité criminelle était engagée, ces personnes ont été

 27   transférées dans le camp de Trnopolje où les Musulmans étaient protégés des

 28   combats qui se menaient sur le territoire de la municipalité, la sécurité


Page 20432

  1   du camp étant assurée par des membres de l'armée de la République serbe de

  2   Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous seriez d'accord avec ce rapport

  3   officiel ?

  4   R.  Je ne suis absolument pas d'accord avec rien de tout cela.

  5   Q.  Si je devais vous dire que 59 % des personnes qui ont été mises en

  6   détention et interrogées ont ensuite été relâchées et que 41 % ont été

  7   envoyées à Manjaca, qu'est-ce que vous répondriez, 59 et 41 faisant bien un

  8   total de 100 %, n'est-ce pas ?

  9   R.  Je ne suis pas d'accord avec cela. Je ne suis pas d'accord avec ces

 10   pourcentages.

 11   Je n'entends plus rien. Il y a un problème technique. J'ai un

 12   problème avec mon micro. Il y a des interruptions de son. Je ne sais pas ce

 13   qui se passe. Tout s'interrompt, je n'ai plus de signal, je n'entends plus

 14   rien. Je n'entends pas ma voix.

 15   Q.  Si cela peut vous aider, je vous dirais qu'il est même préférable que

 16   vous n'entendiez pas votre voix. Cela vous fatiguera moins.

 17   R.  [aucune interprétation]

 18   Q.  L'important c'est que vous entendiez les interprètes.

 19   R.  Je n'entends absolument pas l'interprétation.

 20   Q.  Mais est-ce que vous entendez ma voix à moi dans vos écouteurs ?

 21   R.  Vous, je vous entends, mais les interprètes, je ne les entends pas.

 22   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Et les Juges, je les entends. Je les entends

 24   bien. J'entends le Juge et l'interprète.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que nous avons suivi

 26   intégralement votre déposition jusqu'à présent, donc cela est peut-être dû

 27   à ce processus de déformation de votre voix pendant votre déposition. Et

 28   aussi longtemps que vous n'aurez pas de problème à entendre les questions


Page 20433

  1   que vous pose M. Karadzic, nous pouvons poursuivre, je pense.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. Merci.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Monsieur Karadzic, à vous.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que vous avez répondu à ma dernière question ?

  7   R.  Eh bien, je peux la relire. Je ne sais pas si c'est indispensable, mais

  8   enfin. Je ne suis pas d'accord avec ce que vous avez dit. Je ne suis

  9   absolument pas d'accord avec ces pourcentages relatifs aux nombres de

 10   personnes qui ont été relâchées et à celles qui sont restées en détention.

 11   Q.  Merci. Est-ce que vous contestez que 1 446 personnes ont été envoyées à

 12   Manjaca ?

 13   R.  Je ne sais pas. Je ne connais pas le nombre exact de personnes qui ont

 14   été envoyées à Manjaca. Mais vraiment, c'est ridicule ici de nous accrocher

 15   au sujet de chiffres. On pourrait citer n'importe quel chiffre. Des

 16   prisonniers ont été envoyés à Manjaca. Ça, je le sais. Comme d'autres ont

 17   été envoyés à Trnopolje, ce que je sais aussi.

 18   Q.  Merci. Nous avons le chiffre officiel de personnes qui sont arrivées à

 19   Manjaca, donc ce chiffre est incontestable.

 20   Bon, voyons maintenant, est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la

 21   différence, quel est le critère pourquoi est-ce que vous, vous avez été

 22   envoyée en détention et d'autres ont été relâchés ? Pourquoi est-ce que

 23   certains ont été renvoyés à Manjaca et pas d'autres, qui ont été relâchés ?

 24   R.  Moi, je suis incapable de vous dire pour quelle raison cela s'est

 25   passé. Je ne sais pas si c'est une question de destin, qui décidait du

 26   destin des prisonniers. *Moi, j'ai survécu parmi de très, très nombreuses

 27   personnes qui venaient de la même institution que moi et qui n'ont pas

 28   survécu. Moi, je suis la seule parmi toutes ces personnes à avoir survécu,


Page 20434

  1   parmi les personnes qui travaillaient dans mon institution et qui ont été

  2   enfermées à Omarska.*

  3   Q.  Merci. Nous reviendrons sur cela plus tard. J'ai du mal à m'y retrouver

  4   lorsque je lis un certain nombre de choses que vous avez dites, car vous

  5   dites à un endroit que vous êtes passée à côté de l'immeuble du SUP, et à

  6   un autre endroit vous dites que vous êtes passée à côté du tribunal avant

  7   d'être emmenée.

  8   R.  Je suis passée par le tribunal pour aller jusqu'à l'immeuble du SUP,

  9   siège de la sécurité publique, parce que les deux immeubles sont tout près

 10   l'un de l'autre. Et donc, pour arriver jusqu'à l'immeuble du SUP, il

 11   fallait passer d'abord devant l'immeuble du tribunal. Et j'ai été

 12   interpellée alors que je me trouvais devant le poste de sécurité publique,

 13   comme je l'ai déjà dit.

 14   Q.  Merci. Dans votre déclaration, vous parlez de la légitimité et de la

 15   légalité des institutions de la République de Bosnie-Herzégovine. Est-ce

 16   que vous estimez que le référendum qui a été mené s'est mené légalement et

 17   proprement ?

 18   R.  Je crois que le référendum était légal. Il s'est mené dans le respect

 19   du droit, et une majorité en est sortie.

 20   Q.  Quelle était la majorité nécessaire ?

 21   R.  Si je me souviens bien, 64 % environ du corps électoral s'est prononcé

 22   pour une vie dans l'indépendance et la souveraineté en Bosnie-Herzégovine.

 23   Mais cela s'est passé il y a longtemps.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, passons à d'autres

 25   sujets.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Je dirais simplement que même si c'était exact, ce pourcentage ne

 28   serait pas suffisant. Mais, Madame le Témoin, 64 % du total des électeurs a


Page 20435

  1   effectivement voté, donc le résultat a été un dépècement sous la contrainte

  2   de la Bosnie-Herzégovine et une sécession imposée ?

  3   R.  Je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus.

  4   Q.  Merci. Vous avez dit - cela se trouve dans votre déclaration écrite -

  5   je vais en donner le numéro dans un instant. Donc il s'agit du document

  6   1D04484. Page 11. Vous avez dit qu'il existait chez nous à l'époque des

  7   cours martiales qui fonctionnaient. Est-ce que c'est exact ?

  8   R.  Eh bien, je vais vous dire ce qu'il en est. Quand vous vous trouvez

  9   dans un camp alors qu'aucune accusation n'a officiellement été retenue

 10   contre vous et que vous êtes dans l'obligation de répondre par

 11   l'affirmative à toutes les questions que vous posent les interrogateurs,

 12   que vous êtes obligé d'être d'accord avec eux. Donc tout se fait sous la

 13   contrainte, avec y compris des sévices qui vous sont imposés, sévices de

 14   toutes sortes.

 15   Vous ne savez pas qui a ordonné que ce traitement vous soit imposé,

 16   enfin moi je ne le savais pas. Mais de toute évidence, les gens qui

 17   faisaient ce genre de choses étaient dans l'obligation de le faire. Vous ne

 18   savez pas de quoi on vous accuse, vous êtes sans aucune possibilité de vous

 19   défendre, vous n'avez pas la moindre idée de ce que toutes ces personnes

 20   écrivent dans les procès-verbaux qu'ils rédigent parce qu'on ne vous les

 21   montre pas. Comment est-ce que vous pouvez appeler cela autrement que cour

 22   martiale ?

 23   Q.  Est-ce que vous avez déjà comparu devant un tribunal, Madame ?

 24   R.  Je ne sais pas. Les tribunaux fonctionnaient à l'époque. Pourquoi est-

 25   ce qu'on fait comparaître devant un tribunal ? On le fait quand on doit le

 26   juger, comme cela se passe ici dans cette salle d'audience.

 27   Q.  Mais est-ce que vous êtes d'accord qu'il existe des procédures

 28   préliminaires, comme cela est le cas ici, avant un procès et que parfois,


Page 20436

  1   d'ailleurs, on n'arrive pas jusqu'au stade du 

  2   procès ?

  3   R.  Bien sûr que non. Dans l'ancienne Bosnie-Herzégovine, y compris, vous

  4   savez bien qu'avant une personne comparaisse devant un tribunal, il y a

  5   dépôt de plainte et que vous obtenez des documents, vous êtes informé des

  6   raisons pour lesquelles vous êtes soupçonné, vous avez un droit de vous

  7   défendre, vous êtes en détention préventive, vous avez le droit à faire

  8   appel. Et tout cela a cessé d'exister complètement dans le camp d'Omarska.

  9   Cela n'existait tout simplement pas.

 10   Q.  Soyons précis, Madame. Est-ce que vous savez comment sont traités les

 11   prisonniers de guerre ? Est-ce que vous savez qui décide de les capturer et

 12   qui décide de ceux qui peuvent être considérés comme prisonniers de guerre

 13   et de ceux qui sont considérés comme des détenus qui ne sont pas des

 14   prisonniers de guerre ?

 15   R.  Il y a des conventions, des règles, qui régissent les prisonniers de

 16   guerre et leur traitement. On ne les soumet pas à des sévices.

 17   Q.  Mais nous parlons maintenant de l'aspect juridique des choses. Vous

 18   n'avez pas été jugée pour quoi ce soit. Vous avez été interrogée et ensuite

 19   relâchée.

 20   R.  J'ai été maintenue dans le camp de concentration d'Omarska pendant près

 21   de deux mois et ensuite emmenée dans un autre camp, celui de Trnopolje.

 22   Cela n'a rien à voir avec de la prison préventive. C'était un camp. Et je

 23   l'ai dit dans les procès précédents où j'ai témoigné, j'ai dit quelles

 24   étaient les conditions d'existence là-bas, ce que j'ai vécu personnellement

 25   et la façon dont j'ai été traitée.

 26   Q.  Laissons cela de côté. Pour l'instant, nous parlons de l'aspect

 27   juridique des choses.

 28   R.  Mais cela n'a rien à voir avec la légalité. Monsieur Karadzic, il


Page 20437

  1   s'agissait d'un camp. Comprenez-le bien. Un camp de concentration. Toutes

  2   les règles étaient oubliées là-bas. La législation nationale,

  3   internationale, tout était oublié.

  4   Q.  Mais vous savez ce qui se passait lorsque des charges étaient retenues

  5   contre quelqu'un, et la période d'emprisonnement préventif pouvait

  6   atteindre six mois dans notre pays, n'est-ce pas ?

  7   R.  Mais ceci n'a rien à voir avec ce dont nous parlons. De quelle prison

  8   préventive vous parlez ? Est-ce que vous comprenez que je n'avais pas la

  9   moindre idée de la raison pour laquelle je me trouvais là. Je n'ai jamais

 10   rien vu d'écrit sur un papier. Tout n'était que torture, sévices et

 11   contrainte. Les gens disparaissaient. Il y avait des agressions.

 12   J'attendais seulement le moment où ils allaient arriver --

 13   Q.  Limitez-vous à ma question. Je vous demande quelle est la période de

 14   prison préventive maximum ? Est-ce qu'elle est bien de six mois chez nous ?

 15   R.  C'était le cas à l'époque.

 16   Q.  Et vous êtes restée un peu plus longtemps qu'un mois à Omarska, n'est-

 17   ce pas ?

 18   R.  En effet.

 19   Q.  Est-ce que vous savez que Trnopolje était considéré comme le salut à

 20   l'époque ?

 21   R.  Non, moi je n'appellerais pas cela du salut. Je parle de mon point de

 22   vue et d'après ce que j'ai vécu personnellement.

 23   Q.  Mais il y en a qui, sans doute, étaient plus au courant.

 24   R.  Celui qui a écrit cela devrait ressentir les sentiments que j'ai

 25   éprouvés. J'ai pensé à l'époque, et j'ai même espéré, que peut-être c'était

 26   le chemin vers la liberté. Mais quand je suis arrivée là où je suis

 27   arrivée, là-bas aussi j'ai eu peur.

 28   Q.  Mais, Madame, vous êtes restée là-bas cinq jours et puis vous êtes


Page 20438

  1   partie de là-bas; est-ce bien exact ?

  2   R.  C'est exact.

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8   R.  Pour autant que je m'en souvienne, j'ai rectifié ma déclaration. Ce

  9   n'était pas sur le front, mais sur la joue de (expurgé) Un homme

 10   est entré, qui ne faisait pas partie du personnel du camp. Quand je dis

 11   "personnel du camp", je dis qu'il n'était ni chef ni gardien. Il ne faisait

 12   pas partie des structures du camp. Ce jour il est venu, cet homme, portant

 13   un uniforme et un couvre-chef avec une cocarde. Il a sorti de sa botte un

 14   couteau, il s'est approché de (expurgé) qui était assise dans le

 15   coin du restaurant, et il a taillé avec son couteau une croix dans sa joue.

 16   Je l'ai dit, cette scène, on s'en souvient très bien.

 17   Q.  Merci. Ça, vous l'avez dit --

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 19   Madame Edgerton.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Ça, c'est l'une des choses que nous avions

 21   discuté auparavant. Et j'aimerais que nous passions rapidement à huis clos

 22   partiel, s'il vous plaît.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 25   le Président.

 26   [Audience à huis clos partiel]

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

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  5  (expurgé)

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 14  (expurgé)

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 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18   [Audience publique]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, allez-y.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Donc, ici, nous avons une déclaration qui dit qu'il y a une croix sur

 23   le front de taillée. *Dans une deuxième déclaration -- et c'est une

 24   commission d'expert, interview de 1994. Page 88, où vous avez dit que

 25   c'était sur le visage. Et dans le journal "Oslobodjenje" daté du 6 août

 26   1997, page 8, vous avez dit que c'était sur le sein que ceci avait été

 27   taillé.

 28   R.  Non, non, pas sur le sein. C'est une erreur, une grande erreur. C'est


Page 20440

  1   sur la joue. Sur le visage.

  2   Q.  Est-ce que vous avez fait rectifier dans "Oslobodjenje" ?

  3   R.  Je ne sais pas. Je n'ai pas du tout lu cet article dans "Oslobodjenje".

  4   Je ne sais pas comment on a pu rédiger les choses ainsi. Je n'ai pas lu

  5   cela. C'est la première fois que j'entends dire que c'était ce qu'on avait

  6   écrit, croyez-moi bien. C'est sur le visage. Je le dis de façon tout à fait

  7   claire. Sur sa joue.

  8   Q.  Vous nous avez dit tout à l'heure que vous vous en souveniez très bien,

  9   et maintenant on voit qu'il y a trois variantes.

 10   R.  Non. La joue, c'est une partie du visage. Il n'y a qu'une variante.

 11   Q.  Je n'ai plus le temps de m'occuper de ces divergences. Mais bon, un

 12   instant, maintenant.

 13   Vous avez évoqué le meurtre de Mehmedalija Sarajlic --

 14   R.  Oui.

 15   Q.  -- et vous avez dit à cet effet que vous n'avez fait que reconnaître

 16   son corps, entre autres; c'est bien cela ?

 17   R.  Il portait un costume clair, et qu'il portait tout le temps, jusqu'à

 18   son exécution.

 19   Q.  Mais dans la déclaration que vous avez faite auprès de la commission

 20   d'experts, vous avez indiqué que vous avez entendu dire qu'il avait été tué

 21   mais que vous n'aviez pas vu son corps.

 22   R.  Je suis d'accord avec ce que j'ai dit ici devant ce Tribunal, et cela

 23   se trouve être indiqué au compte rendu des témoignages faits par moi

 24   antérieurement.

 25   Q.  La déclaration que vous avez faite auprès de la commission des experts

 26   américains, c'est une chose sur laquelle vous vous rétractez ?

 27   R.  Je ne sais pas. Je ne l'ai pas lue. Je ne peux pas vous dire s'il y a

 28   des erreurs ou pas dedans.


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  1   Q.  Vous parlez d'interpellations dans le cours de la nuit.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et vous parlez de choses dont vous avez entendu parler. Mais ce sont là

  4   des choses que vous n'avez pas vues.

  5   R.  Quelles choses n'ai-je pas vues ? Je ne comprends pas. Pouvez-vous

  6   reformuler la question.

  7   Q.  Zeljko Meakic a appelé Jadranka - je ne vais pas donner le nom de

  8   famille - pour qu'elle sorte, et c'est devenu quelque chose qui se répétait

  9   au fil des nuits.

 10   Alors, vous n'avez pas vu parce que vous avez dit - là, je suis en

 11   train de paraphraser - vous n'avez ni vu ni entendu pour laisser croire que

 12   quelqu'un était puni de toutes ces choses --

 13   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas compris, "faites aux prisonniers du

 14   camp" ou "à l'égard des prisonniers du camp".

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Alors, vous nous dites s'il y a des personnes qui ont été tuées.

 17   Quelles exécutions avez-vous vues ?

 18   R.  J'ai vu beaucoup de meurtres et beaucoup de tortures.

 19   Q.  Laissez les tortures de côté. Quels sont les meurtres que vous avez vus

 20   ?

 21   R.  Je ne peux pas me souvenir maintenant des noms et des prénoms des

 22   personnes qui ont été tuées, mais la journée à Omarska commençait par le

 23   fait de compter les personnes qui avaient été tuées et jetées sur le gazon

 24   devant la "maison blanche."

 25   Q.  Qui peut confirmer ceci, Madame ?

 26   R.  Confirmer quoi ?

 27   Q.  Ce que vous êtes en train de nous dire.

 28   R.  Les squelettes des fosses communes peuvent le confirmer. Il y a eu


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  1   beaucoup de charniers d'exhumés où l'on a retrouvé et ensuite identifié des

  2   détenus qui étaient à Omarska. C'est confirmé par des squelettes de ces

  3   gens qui ont été retrouvés dans les charniers, et hélas, il y a beaucoup de

  4   gens qu'on n'a pas encore retrouvés, nonobstant le fait qu'il se soit passé

  5   beaucoup de temps depuis.

  6   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez nous décrire les meurtres que vous avez

  7   vus et nous dire ce qui s'est passé ?

  8   R.  Pour l'essentiel, avant --

  9   Q.  Non, non. Attendez. Dites-nous : tel jour, j'ai vu telle chose. Faites-

 10   le en votre qualité de témoin.

 11   R.  Comme un vrai témoin, parce que je ne suis pas un bon témoin comme ça.

 12   Alors avant, je vais vous dire, des fois, recevoir une balle, c'était une

 13   récompense à Omarska, parce qu'avant que de liquider des individus, ils

 14   étaient terriblement tabassés par des objets.

 15   Q.  Mais attendez, Madame, je n'ai pas le temps. C'est très volontiers que

 16   j'aimerais entendre vos récits, et si vous avez vécu ce que vous affirmez

 17   avoir vécu, je crois que vous pourriez bénéficier d'une solidarité, une

 18   compassion de ma part. Mais je vous demande à présent de nous décrire quels

 19   sont les meurtres que vous avez vus de vos yeux. Il s'est passé telle

 20   chose, untel était là, untel, lui, a tiré dessus.

 21   R.  Le plus souvent, à Omarska, les gens succombaient à ces tortures

 22   terribles. Ils mouraient suite aux tortures. Ils étaient terriblement

 23   battus avec des morceaux de fer ou des morceaux de bois, et les gens

 24   préféraient être abattus par un coup de revolver ou un coup de feu de

 25   fusil. Ils succombaient, ils terminaient leur vie parce qu'ils ne pouvaient

 26   plus subir ces terribles tortures, et c'est de cela que les gens mouraient

 27   le plus. Ce n'était pas aussi simple que de prendre un pistolet et de

 28   l'abattre. Avant de le faire, on le tabassait, on le torturait de toutes


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  1   sortes de façons, et le détenu succombait à ces tortures.

  2   Q.  Donc, vous n'avez vu aucun meurtre ?

  3   R.  J'en ai vu beaucoup.

  4   Q.  Mais décrivez-nous un meurtre.

  5   R.  Ils l'ont torturé, battu --

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, si vous le

  7   permettez, je suis navrée, mais je ne voudrais pas qu'on aille plus loin.

  8   Je voudrais que nous passions à huis clos partiel, et ce, pour une autre

  9   expurgation.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, passons à huis clos partiel.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 12   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Page 89, et dans "LiveNote" on dit qu'il

 15   s'agit des lignes 11 à 13 -- je crois que c'est la page 90, ligne 3. Il est

 16   fait référence à un article concret et à une date concrète d'un journal où

 17   le témoin aurait dit ce qu'elle aurait dit. Alors, il serait facile de

 18   l'identifier en retrouvant l'article, et je m'excuse d'avoir interrompu, et

 19   je crois que ceci devrait être expurgé, s'il vous plaît.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelles lignes avez-vous dit,

 21   concrètement ?

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Ça prête quelque peu à confusion,

 23   "LiveNote" au compte rendu, mais c'est à la page 89 et ça s'arrête à la

 24   ligne 12. Ça commence à la page 89, ligne 11.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] "Est-ce que vous avez rectifié cela pour

 26   ce qui est" - du nom - "de la revue 'Oslobodjenje'" ? Est-ce que vous

 27   pouvez donner lecture du passage.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Le passage qui permet d'identifier ce


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  1   témoin, c'est celui-ci : "Dans une autre déclaration que vous avez faite

  2   auprès d'une commission d'experts, l'interview de 1994 en page 8 --" oui,

  3   je viens de le retrouver. "Dans le journal d''Oslobodjenje' …du 6 août

  4   1997, en page 8, vous avez dit … à la poitrine."

  5   Donc, ces deux choses doivent être expurgées, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Et l'accusé a donc dit : "Est-ce

  7   que vous aviez corrigé ceci auprès du journal 'Oslobodjenje'" ? Et le

  8   témoin a fait référence à l'article. Est-ce que c'est bon ? Est-ce que ceci

  9   fait référence à ce sujet abordé par le magazine ?

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Je crois que nous devrions procéder à une

 11   expurgation initiale. C'est le deuxième passage, si cela vous arrange.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Merci. Nous allons retourner

 13   maintenant en audience publique.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 15   [Audience publique]

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, moi je voudrais savoir combien de

 17   temps il me reste pour demain ? J'ai un dernier sujet à aborder, et il faut

 18   que je l'aborde, or j'ai à peine touché à un certain nombre de sujets. Le

 19   dernier des sujets qui concerne la personnalité et les événements sont

 20   encore à aborder. J'aimerais avoir si ce n'est pas une session entière

 21   demain, au moins une heure.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que cela pourrait être la cas,

 23   mais je vais vous le faire savoir dans quelques minutes. Entre-temps,

 24   veuillez continuer.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Alors ça, je peux vous le dire avec certitude. Est-ce que les fonctions

 28   que vous avez eues au niveau de votre institution c'était quelque chose qui


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  1   était de nature à toucher à la municipalité ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Donc s'il y avait eu une municipalité musulmane de créée, une

  4   institution équivalente aurait existé là-bas aussi, n'est-ce pas ?

  5   R.  Je ne sais pas. Comment voulez-vous que je sache ?

  6   Q.  Bon. Si à Sarajevo, où il y a dix municipalités, il y a une institution

  7   dans chacune de ces dix municipalités ?

  8   R.  Non, ce ne sont pas des institutions musulmanes.

  9   Q.  Moi je dis quand il y a une municipalité en place, est-ce qu'elle

 10   dispose d'une institution de ce genre ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Ne savez-vous pas qu'on avait proposé aux Musulmans et aux Croates

 13   employés par l'administration de l'Etat, c'était de prêter allégeance

 14   auprès de l'institution serbe ou de passer travailler dans une institution

 15   musulmane ?

 16   R.  Mais où ? A quelle ville faites-vous référence maintenant ?

 17   Q.  A Prijedor, on a proposé la chose aux Musulmans et aux Croates de

 18   signer un acte, et certains ont signé cet engagement de mettre en œuvre les

 19   dispositions légales de la Republika Srpska, d'autres ne l'ont pas fait.

 20   Ceux qui ne l'ont pas fait auraient dû attendre la création d'une

 21   institution musulmane équivalente. Est-ce que vous ne saviez pas qu'il y a

 22   eu une signature d'allégeance de proposée ?

 23   R.  Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est qu'une détenue du camp nous a

 24   raconté qu'elle avait signé un acte d'allégeance. Elle travaillait au

 25   centre de sécurité publique à Prijedor, et on l'a quand même emmenée au

 26   camp, elle et son mari. Une autre n'a pas signé, elle a été emmenée au camp

 27   aussi. Alors je ne sais pas si la chose avait été mise en œuvre. Si les

 28   choses avaient été telles, comme vous le dites, si on avait donc signé un


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  1   acte d'allégeance, et cetera, moi je n'en sais rien.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous allons lever

  3   l'audience pour aujourd'hui, et vous allez avoir 25 minutes demain pour

  4   terminer votre contre-interrogatoire.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons reprendre demain à 14 heures

  7   15.

  8   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Puis-je évoquer une chose pour ce qui est

 11   d'une requête complémentaire qui a été présentée pendant la pause. Nous

 12   allons demander à ce que ces pièces auxiliaires demeurent confidentielles,

 13   parce qu'on y évoque l'identité du témoin. Et pour des raisons de sécurité,

 14   nous le ferons aussi parce qu'il s'agit d'habitude de questions qui sont

 15   abordées dans des requêtes déposées à titre confidentiel.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et aussi --

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Enfin, cela est aussi valable pour la 61e

 18   requête. Nous demanderions à ce que les pièces connexes soient également

 19   placées sous pli scellé.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] En réalité, Monsieur le Président, nous

 21   serions contents de voir biffée toute adresse ou toute autre information,

 22   et nous pensons qu'il vaudrait mieux ne pas placer le tout sous pli scellé.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, on va se pencher dessus.

 24   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Mais je suis navrée, Monsieur le

 25   Président, ce sont des documents publics en ce moment-ci, à moins que vous

 26   ne décidiez autrement.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce que je voulais dire, c'est qu'on


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  1   placerait temporairement cela sous pli scellé et on se penchera

  2   ultérieurement dessus.

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'agissant maintenant de la requête

  5   présentée par M. Robinson pour ce qui est de la levée de la confidentialité

  6   de la décision rendue par la Chambre au sujet de ce témoin, nous sommes

  7   d'accord pour dire que l'on peut supprimer la confidentialité de la

  8   décision. Exception faite du dernier passage qui se rapporte aux mises en

  9   garde relatives au témoin, dans le compte rendu que j'ai sous les yeux, il

 10   s'agit de la ligne 21, page 52, jusqu'à la ligne 24 de la page 53 du compte

 11   rendu d'audience, cette partie-là peut être rendue publique.

 12   Oui. Et j'oublie toujours de mentionner qu'il s'agit de la partie

 13   audio et de la partie vidéo aussi bien. Nous allons lever l'audience.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le jeudi 27 octobre

 16   2011, à 14 heures 15.

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* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 3 juillet 2013.

* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 3 juillet 2013.

* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 3 juillet 2013.

* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 3 juillet 2013.

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* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 3 juillet 2013.