Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 28 novembre 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Monsieur Tieger, vous avez un nouveau membre de votre équipe.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Oui, comme vous venez de le voir, c'est Mme

  9   Kimberly West qui nous a rejoints aujourd'hui.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez

 11   eu un bon week-end ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était bien. Bonjour. Je me suis très

 13   bien reposé, Monsieur le Juge.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Maître Harvey. Excusez-moi.

 16   M. HARVEY : [hors micro]

 17   [interprétation] Je vais réessayer avec ce microphone.

 18   Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Mme Sophie Breslau qui travaille avec

 19   moi dans mon équipe depuis plusieurs mois. Merci.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Monsieur Karadzic, vous avez la parole. Vous pouvez continuer.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, bonjour. Bonjour à toutes et à

 23   tous.

 24   LE TÉMOIN : KDZ039 [Reprise]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Témoin.

 28   R.  Bonjour.


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  1   Q.  Il ne nous reste plus beaucoup de temps, me semble-t-il, donc il va

  2   falloir que j'aborde quelques points-clés d'emblée. Est-il exact, avez-vous

  3   remarqué, que ceux qui ont cherché à repérer certains par leurs noms et

  4   prénoms, est-ce que c'était leurs ennemis personnels qu'ils cherchaient à

  5   trouver ou est-ce que c'était des amis ?

  6   R.  Ecoutez, je ne sais rien. Si c'était leurs amis ou leurs ennemis, ça,

  7   je ne l'ai pas su.

  8   Q.  Merci. Alors, il nous faut tout de suite parler de cet événement

  9   principal que vous avez décrit. Vous vous êtes trouvé dans cette école, et

 10   ensuite on vous a emmené à bord d'un petit TAM ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Alors, rappelez-moi, s'il vous plaît, aussi. Oui, je vous en prie,

 13   rappelez-moi qu'il faut attendre la traduction. Suivez cette traduction à

 14   l'écran, et puis quand vous voyez la lettre A apparaître, vous pourrez

 15   répondre. Donc, quelle est la distance entre cette prairie, cet endroit où

 16   ils ont fusillé les gens, et l'école ?

 17   R.  Je ne saurais pas vous dire exactement, mais dans la salle de gym, on

 18   pouvait entendre les coups de feu, et ils disaient : "Voilà, ils ont abattu

 19   tous ceux qui avaient emmenés."

 20   Q.  Et ensuite, c'est dans quel TAM que vous vous êtes trouvé, dans l'ordre

 21   ?

 22   R.  Ça, je ne sais pas. C'était peut-être deux heures avant la nuit que mon

 23   tour est venu, mais je ne sais pas dans l'ordre des TAM lequel était le

 24   mien.

 25   Q.  Et là-bas, vous étiez combien, 296, ou plus ?

 26   R.  De Bratunac, 296, c'est le nombre de nous qui avons été emmenés là dans

 27   des camions, dans des bus. Le matin, on en a emmené à partir du moment où

 28   le jour s'est levé jusqu'à ce que la salle ne se remplisse complètement,


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  1   peut-être 10 heures du matin. Mais à partir du moment où la salle était

  2   pleine, ils ont arrêté d'emmener des gens.

  3   Q.  D'accord. Dites-nous, c'est dans la salle qu'on vous a bandé les yeux ?

  4   R.  A la sortie de la salle, oui, mais on était encore à l'intérieur.

  5   Pendant qu'on sortait, c'est là qu'ils nous ont mis le bandeau.

  6   Q.  D'accord. Ils ne vous ont pas attaché les mains, n'est-ce pas ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Merci. Vous avez dit à un endroit dans vos déclarations que ces

  9   bandeaux étaient différents les uns des autres, mais de quoi étaient-ils

 10   faits ?

 11   R.  C'était du tissu, pas épais, de couleurs différentes. Et c'était

 12   découpé, c'était des bandes de 10 centimètres à peu près de large, et comme

 13   ça ils ont pu les attacher autour de nos têtes.

 14   Q.  Merci. Et après, ils vous ont enlevé cela à cet endroit ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  D'accord. Et vous, quand vous vous êtes arrivé, vous avez vu deux

 17   fosses qui ont été creusées, deux trous; c'est ça ?

 18   R.  Il y avait deux pelleteuses qui étaient en train de creuser deux trous

 19   à deux endroits différents. Quant à savoir si c'est ce soir-là qu'ils ont

 20   creusé cela ou pas, s'ils ont terminé de creuser, ça, je ne sais pas.

 21   Q.  D'accord. Merci. Alors, on vous a emmené avec ce TAM pendant quelque

 22   temps, et après vous avez continué à pied ?

 23   R.  Non, non. Avec le petit TAM, c'était avec jusqu'au bout. Je suis allé

 24   jusqu'au bout.

 25   Q.  Mais n'avez-vous pas dit à un endroit que le TAM ne pouvait pas

 26   continuer, qu'il fallait continuer à pied ?

 27   R.  Non, non. Ça, je n'ai jamais dit ça.

 28   Q.  D'accord. Donc vous êtes arrivé, vous n'étiez pas dans le premier


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  1   camion TAM, alors qu'est-ce que vous avez vu ? Où étaient les gens tués ?

  2   R.  Ecoutez, c'est une prairie, des pâturages, et là on voyait des

  3   alignements de gens qui étaient tués. Et là, nous aussi, on a été

  4   débarqués, on nous a mis là, je me suis mis là, et ils ont tiré dans le

  5   dos. Et quand tout le monde était par terre, quand tout le monde est tombé,

  6   après ils allaient vérifier qui bougeait et ils les achevaient. Tant que

  7   quelqu'un bougeait, ils tiraient des coups de feu sur nous.

  8   Q.  Et tout le monde avait les yeux bandés, personne n'a eu le bandeau

  9   enlevé par eux ?

 10   R.  Ils ne l'ont enlevé à personne.

 11   Q.  D'accord. Donc ce bandeau, normalement il faudrait que l'on le retrouve

 12   au moment de l'exhumation, n'est-ce pas ?

 13   R.  Si ça n'a pas pourri, si ça ne s'est pas décomposé, oui.

 14   Q.  D'accord. Vous venez de décrire qu'il y a eu plusieurs tournées à bord

 15   de ces petits camions TAM et que le général Mladic accompagnait ces camions

 16   dans une voiture rouge; c'est bien ça ?

 17   R.  Les camions TAM, ils étaient escortés par un soldat en uniforme gris

 18   jusqu'à ce que les gens soient débarqués, et dans cette voiture rouge. Et

 19   cette voiture rouge, elle revenait avant que le TAM ne reparte et allait

 20   escorter l'autre TAM qui allait à un autre endroit. Et quand moi j'ai été

 21   débarqué là, quand ils ont fusillé, ils se sont mis un peu de côté, et

 22   plusieurs camions TAM sont arrivés. Le général Mladic est arrivé avec cette

 23   même voiture rouge. Il était installé sur le siège arrière et il est

 24   descendu avec ce soldat qui était assis à côté du chauffeur. Ils ont

 25   remarqué comment on débarque les gens, comment on les abat. Et le TAM est

 26   reparti, alors que la voiture rouge et Mladic sont restés jusqu'à ce que

 27   tout le monde ne soit tué, tous ceux qui avaient été amenés à bord du

 28   camion TAM. Et ensuite, ils ont repris la voiture rouge, ils se sont remis


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  1   dedans et ils sont repartis par le même chemin.

  2   Q.  Et cela s'est passé le 14 juillet; c'est ça ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Mais alors, est-ce que vous savez que Mladic s'est trouvé avec Carl

  5   Bildt et le président Milosevic à Dobanovci ce jour-là pour une réunion ?

  6   R.  Mais à quelle heure est-ce qu'il est allé là-bas ?

  7   Q.  Mais il y est resté pratiquement toute la journée, toute la journée.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir le fondement, s'il

  9   vous plaît.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me fonde sur le rapport que l'on trouve dans

 11   le livre de M. Bildt et sur d'autres rapports, celui d'Akashi notamment.

 12   C'est une réunion qui est généralement connue qui s'est tenue le 14 juillet

 13   ainsi que le 15 juillet. Ils ont continué à avoir des réunions, les 14 et

 14   15 juillet.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais la nuit, il est possible qu'ils aient eu

 16   des réunions la nuit et que, de jour, il se soit tourné à côté de l'école,

 17   à côté de cette salle de gym.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 19    [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie, continuez, Monsieur

 21   Karadzic.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Et c'est quand que vous êtes parti de Bratunac pour aller dans cette

 25   école ? Le 13 au soir ?

 26   R.  Oui, c'est ça.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] 65 ter 22396, s'il vous plaît, sans diffuser à


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  1   l'extérieur.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  A quel moment avez-vous vu le général Mladic pour la première fois ce

  4   jour-là, sur la prairie ?

  5   R.  Non, dans la salle de gym. C'est de la salle que je l'ai vu arriver au

  6   seuil de la porte, et nous criions tous à l'unisson : "Pourquoi est-ce que

  7   tu nous fais suffoquer ici ? Pourquoi tu ne nous emmènes pas d'ici ?"

  8   Q.  Vous parlez de cette salle de Bratunac ?

  9   R.  Non, non. Non, c'est la salle d'Orahovo, c'est là que nous nous sommes

 10   trouvés. Et puis, voilà comment il a dit : "Si on avait pu se mettre

 11   d'accord, vous ne seriez pas ici, mais on n'a pas pu se mettre d'accord."

 12   Et il a dit : "Voilà, maintenant vous allez, pour certains, aller à Kladusa

 13   chez Fikret Abdic, et pour les autres, vous allez aller à Bijeljina. Il va

 14   y avoir des transports qui vont arriver et ils vont vous emmener."

 15   Q.  Et c'est dans quel village que vous vous êtes trouvé à ce moment-là ?

 16   Vous étiez où ?

 17   R.  Cette salle, vous voulez savoir où elle était, dans quel village ?

 18   Q.  Oui.

 19   R.  Il me semble que ce village s'appelle Orahovo.

 20   Q.  A la page 2 de cette déclaration, vous dites que c'est le village de

 21   Krizevici ?

 22   R.  C'est près de Krizevici.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Tournez la page, s'il vous plaît.

 24   M. KARADZIC : [interprétation] 

 25   Q.  Est-ce que vous voyez, vers la quinzième ligne à partir du bas, on

 26   trouve le mot "Krizevici" ? Et vous dites que dans ce TAM, il y avait --

 27   combien il y a eu de personnes à bord de ce TAM ?

 28   R.  On n'a pas compté, mais peut-être 25 à 30. Pas plus, je ne pense pas.


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  1   On était assis, on n'était pas debout.

  2   Q.  D'accord. Et vous dites qu'ils ont emmené les gens quelque part, 25 à

  3   30, et vous dites que vous étiez combien ?

  4   R.  On n'a pas compté. Personne n'a pu compter dans la salle, mais tous

  5   ceux qui ont essayé d'évaluer, eh bien, on disait plus de 

  6   2 000, jusqu'à 2 500 personnes.

  7   Q.  Et c'est à quel moment qu'ils ont commencé à emmener les gens ?

  8   R.  Je n'arrive pas à me souvenir vraiment bien de l'heure.

  9   Q.  Mais Mladic, quand est-ce qu'il est venu dans la salle ?

 10   R.  Ça non plus, je ne peux pas me souvenir maintenant de ça. Si je l'ai

 11   dit, alors c'est comme ça que ça s'est passé. Si je ne l'ai pas dit,

 12   maintenant je ne peux pas me souvenir.

 13   Q.  Et à quel moment est-ce qu'ils ont terminé d'emmener les gens à bord de

 14   ces véhicules ?

 15   R.  C'était la nuit. Non, là aussi je ne suis pas sûr, mais vers 23 heures

 16   jusqu'à minuit.

 17   Q.  Et tout était terminé ?

 18   R.  C'est ce qu'ils ont dit. Lorsque le dernier TAM est arrivé, alors celui

 19   qui était au volant du TAM a dit : "Il n'y a plus rien. On les a tous

 20   amenés et tous tués." Et puis, ils ont demandé : "Est-ce que nous allons

 21   partir avec toi ?" "Non, non, vous n'allez pas partir avec moi." "Mais

 22   qu'est-ce qu'on va faire ici, attendre ?" Il a dit : "Je ne sais pas.

 23   Personne ne m'a dit de vous emmener, vous." Et donc, le petit TAM est

 24   reparti, et eux, ils étaient là à côté des pelleteuses et ils attendaient.

 25   Puis un deuxième TAM est arrivé un peu plus tard, il s'est arrêté à côté

 26   d'eux et il a tourné légèrement. Ils ont éteint les lumières sur la

 27   pelleteuse. Et ils sont tous montés dans ce TAM et ils sont tous repartis.

 28   Q.  Et vous-même, vous étiez où pendant ce temps-là ?


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  1   R.  Alors, moi, une fois la nuit tombée, j'ai réussi à glisser sous les

  2   cadavres et je me suis caché derrière un buisson juste à côté des cadavres.

  3   Q.  Voilà ce que vous avez dit là sur cette page. Vous dites que le 14

  4   juillet, dans les heures de l'après-midi, Mladic est arrivé de nouveau, et

  5   au seuil de cette salle, il a dit que : "Pour certains, vous allez aller

  6   chez Abdic, et d'autres à Bijeljina," donc c'était dans l'après-midi ?

  7   R.  Je ne peux pas te dire maintenant quelle heure il était. J'ai déjà

  8   décrit quelle heure il était à peu près. Je ne suis pas sûr.

  9   Q.  Merci. D'après vous, il y a eu combien de tournées ?

 10   R.  Je ne sais pas.

 11   Q.  Et ça prenait combien de temps pour qu'ils prennent des gens, qu'ils

 12   les emmènent, qu'ils les abattent et qu'ils reviennent ?

 13   R.  Ils avaient à peine le temps de fumer une cigarette avant l'arrivée du

 14   second camion, mais je n'ai pas regardé l'heure.

 15   Q.  Et vous dites qu'il y a eu 100 à 120 tournées de ce 

 16   type-là ?

 17   R.  Ça, tu le sais mieux que moi.

 18   Q.  Si 20, 25, 30 personnes étaient à bord d'un TAM et si ça a commencé

 19   après l'arrivée de Mladic et si ça s'est terminé vers 23 heures, est-ce que

 20   vous pouvez voir à peu près à quoi cela ressemble, vos calculs ? Qu'est-ce

 21   qui ne va pas là-dedans, Monsieur le Témoin ?

 22   R.  Deux TAM prenaient les gens et partaient. Alors, vous n'avez qu'à faire

 23   l'addition maintenant. Moi, je ne suis pas mathématicien.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de cette déclaration.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons placer la déclaration

 26   sous pli scellé pour l'instant. Je pense que la Défense devrait fournir une

 27   version expurgée qui, elle, ne sera pas protégée. Nous allons verser les

 28   deux versions.


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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. La version sous pli scellé sera la

  2   pièce D1944, et la version expurgée sera la pièce D1945.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite que l'on passe à huis clos partiel

  4   brièvement.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  6   [Audience à huis clos partiel]

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

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 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1   [Audience publique]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, nous sommes en

  3   audience publique.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur le Témoin, à différents moments, différentes photographies

  7   vous ont été montrées. Je voudrais savoir la chose suivante : à Tuzla,

  8   avant votre premier entretien, qu'est-ce que vous avez appris ? Qui vous a

  9   informé des salles, des haies ? Quelles sont les informations que vous avez

 10   apprises à Tuzla ?

 11   R.  Mais ça, je ne peux pas m'en souvenir maintenant.

 12   Q.  Mais quelqu'un vous a décrit tout cela.

 13   R.  J'ai décrit comment était la salle, puis les gens qui avaient fait du

 14   basket en temps de paix dans cette salle ont confirmé que c'était bien de

 15   cette salle-là qu'il s'agissait.

 16   Q.  Mais pour ce qui est aussi de la clôture, de la haie, de la prairie, du

 17   passage au-dessus des rails, tout cela, des gens vous ont informé là-dessus

 18   parce que vous vous êtes renseigné ?

 19   R.  On m'a demandé : "Alors, toi, tu étais où ? Où est-ce qu'il y a eu

 20   cette fusillade ?" J'ai dit : "J'ai vu un passage au-dessus des rails quand

 21   j'étais par terre." Et on m'a dit : "Mais oui, on sait où c'est. Là, il y a

 22   la ligne ferroviaire qui passe pour Zvornik, le chemin de fer, et c'était

 23   juste à côté."

 24   Q.  Merci. Alors, dans cette prairie, est-ce que vous avez vu Mladic une

 25   seule fois ?

 26   R.  Oui, une seule fois.

 27   Q.  Mais vous avez dit dans une déclaration que vous l'avez vu cinq fois.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Je voudrais que l'on nous donne des

  3   références. C'est une manière qui induit en erreur grandement, cette façon

  4   de dire : Vous avez dit que vous l'avez vu une fois, et puis dans une

  5   déclaration, vous avez parlé de cinq fois.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que c'est la deuxième déclaration du

  8   25 juillet 1995, R0100-7222 jusqu'à 7225, page 3, dernier paragraphe,

  9   lignes 6 et 7 :

 10   Quatre ou cinq fois, dans une voiture rouge derrière le petit TAM, on a vu

 11   arriver Ratko Mladic. Il n'avait pas de couvre-chef. Il a regardé les

 12   exécutions.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous devrions afficher cela. Est-ce que

 14   c'est téléchargé ? Avons-nous le numéro 65 ter, Monsieur Nicholls, Monsieur

 15   Karadzic ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois l'avoir. Je vais le retrouver.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Il s'agit du numéro 22398, page 3 en

 18   anglais. C'est de cette page-là que parle M. Karadzic.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la déclaration qui a été donnée en

 20   juillet.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, tout à fait. Celle du 25 juillet. Page 3

 23   en anglais, j'en suis certain, mais peut-être qu'en serbe ce serait la page

 24   2.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  "J'ai vu Ratko Mladic. Il n'avait pas de couvre-chef. Il est venu

 27   derrière le TAM quatre ou cinq fois dans la voiture rouge et il a regardé

 28   les exécutions."


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  1   Vous dites que Ratko Mladic, pendant tout l'après-midi et toute la soirée

  2   quasiment du 15 juillet, est resté à observer les exécutions alors qu'il

  3   avait dit précédemment que vous alliez aller chez Fikret Abdic ou à

  4   Bijeljina, mais maintenant vous dites qu'il a regardé les exécutions.

  5   R.  Uniquement pendant une nuit, il a regardé cela. Et je ne sais pas

  6   comment s'est faite la traduction, mais en tout, en tout, je l'ai vu six

  7   fois, pas cinq fois, à partir de Potocari jusqu'à Orahovo.

  8   Q.  Alors, comment voulez-vous dire ? De quelle traduction vous avez parlé

  9   ? En serbe, dans notre langue ?

 10   R.  Ecoutez, je ne sais pas qui a rédigé ça et comment ça a été écrit.

 11   Q.  Il y a quelqu'un qui a modifié votre déclaration ?

 12   R.  Je n'en sais rien.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher la page suivante en serbe à

 14   l'attention du témoin. Il faut veiller à ce que ceci ne soit pas diffusé à

 15   l'extérieur du prétoire. Non, c'est la page précédente qu'il faut. Peut-

 16   être que c'est la page numéro 2 en serbe. Nous avons trouvé le bon passage

 17   en anglais, et maintenant nous allons trouver l'équivalent en serbe. C'est

 18   à la page 3, en fait. Page 3, s'il vous plaît. Si on part du bas de la

 19   page, ce sera la huitième ligne.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Voici ce que vous avez déclaré dans notre langue :

 22   "Alors que j'étais allongé, j'ai vu Ratko Mladic arriver en voiture rouge

 23   sans rien sur la tête. Quatre ou cinq fois, il est venu pour regarder les

 24   exécutions. Et j'ai vu les cinq Chetniks qui ont procédé aux exécutions

 25   partir en petit TAM, et puis j'ai crié : 'Il y a quelqu'un qui est vivant

 26   ?'"

 27   Donc vous, vous étiez tout ce temps-là sous les cadavres ?

 28   R.  Oui, jusqu'à la tombée de la nuit.


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  1   Q.  Et c'est seulement à partir de là que vous êtes sorti pour vous cacher

  2   dans les buissons ? Il n'y avait plus personne dans les alentours ?

  3   R.  Ils étaient toujours en train de tuer les gens, mais il n'y avait aucun

  4   éclairage. Il faisait noir. Je n'étais pas éclairé.

  5   Q.  Mais c'est ce que vous avez déclaré, n'est-ce pas ?

  6   R.  J'ai dit qu'ils avaient emmené des gens quatre ou cinq fois, après quoi

  7   Mladic est arrivé en voiture rouge. Je n'ai pas dit que Mladic était arrivé

  8   quatre ou cinq fois ou qu'il est venu quatre ou cinq fois, mais il y a eu

  9   cinq allées et venues du camion. Et on m'a demandé si on avait vu des

 10   camions qui étaient venus avant l'arrivée de Mladic et j'ai répondu qu'il y

 11   avait quatre ou cinq camions TAM qui étaient venus. Après quoi, Mladic est

 12   arrivé dans le suivant.

 13   Q.  Et combien de cadavres aviez-vous sur vous ? Comment avez-vous réussi à

 14   vous dissimuler, à vous soustraire à l'attention de ceux qui étaient là ?

 15   R.  Quand ils se sont déplacés, j'ai vu qu'ils alignaient les corps en

 16   rangées. Et les corps, à mesure qu'ils tombaient, tombaient les uns sur les

 17   autres. Il y a eu d'abord la première rangée, puis la seconde, la

 18   troisième, la quatrième, et ainsi de suite.

 19   Q.  Merci. Mais il y a combien de cadavres qui vous ont dissimulé ?

 20   R.  Moi, j'ai été caché par un corps qui tombait, et puis celui-là en a

 21   reçu un au-dessus de vous.

 22   Q.  Donc il y avait deux ou trois couches de corps au-dessus de vous ?

 23   R.  Oui. Et moi, j'étais celui qui était le plus près des morts.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire la même chose

 26   qu'auparavant.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1946 sous pli scellé.

 28   Il y aura une version expurgée destinée au public et elle portera la cote


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  1   D1947.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Alors, d'après ce que vous savez -- je ne demande pas votre avis.

  4   D'après ce que vous savez, il y a combien de personnes qui ont été tuées

  5   dans ce pré ?

  6   R.  Je ne l'ai jamais appris.

  7   Q.  Mais pourquoi est-ce qu'ils ont creusé ces trous ?

  8   R.  Pour enterrer les morts dedans.

  9   Q.  Mais ils n'ont pas fait ça sous vos yeux, devant vous; c'est ça ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Donc on a laissé les corps sans vie dans le pré. On avait creusé des

 12   trous, mais malgré tout on les a emmenés, les corps, dans un camion TAM;

 13   c'est ça ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que vous savez si ces personnes ont fini par être enterrées là ?

 16   R.  Sans doute que oui, puisque qu'on avait creusé ces trous.

 17   Q.  Vous décriviez ces meurtres, et j'ai examiné le compte rendu. Vous

 18   dites que vous avez vu l'homme qu'on avait tué avec une barre de fer, qu'on

 19   l'avait emmené ?

 20   R.  Oui, lui, on l'a emmené derrière l'entrepôt de Bratunac.

 21   Q.  Ils sont allés derrière l'entrepôt ?

 22   R.  Dès qu'on sort, à gauche, quand on passe par la porte. Ils ne sont pas

 23   allés derrière l'entrepôt. Ils ont tourné à gauche, et moi je revenais de

 24   la droite.

 25   Q.  A la ligne 10, vous avez dit "derrière l'entrepôt." Mais vous, vous

 26   êtes resté à l'intérieur de l'entrepôt; c'est ça ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Mais alors, comment avez-vous appris que cet homme avait été tué ?


Page 21974

  1   R.  Celui qu'on avait frappé avec une barre de fer et une hache, celui-là,

  2   vous voulez dire ? Celui-là, je l'ai vu.

  3   Q.  Mais vous étiez à l'intérieur de l'entrepôt alors que tout ça se

  4   passait bien à l'extérieur, non ?

  5   R.  Si on entre dans l'entrepôt, ce couloir, il mène jusqu'à une petite

  6   pièce. Quand on est venus de la droite, on est entrés dans l'entrepôt vers

  7   cette pièce, eh bien, eux, ils n'emmenaient les gens que sur la gauche,

  8   mais pas pour aller derrière l'entrepôt. Ils sont restés à cet endroit.

  9   C'était simplement sur la gauche par rapport à l'entrepôt. C'était juste à

 10   l'extérieur de ce couloir. Ils ne sont pas allés derrière l'entrepôt, c'est

 11   comme ça que j'ai vu. Ils ont mis une main sur l'épaule de cet homme, et je

 12   crois qu'il y avait deux ou trois hommes qui étaient de chaque côté de lui.

 13   L'un avait un fusil automatique et il était tourné vers l'homme qui

 14   s'approchait de lui, et il gueulait : "Viens plus près, rapproche-toi." Il

 15   s'est approché du soldat, et un homme qui était à sa gauche l'a frappé de

 16   cette barre de fer. Du coup, l'homme est tombé. Et celui qui était à droite

 17   avait une hache et il l'a frappé dans le dos. Et il a laissé la hache

 18   fichée dans le dos. Il a refusé de sortir -- soit qu'il ne voulait pas,

 19   soit qu'il ne pouvait pas tirer la hache du dos de cet homme. Et puis, moi

 20   je suis allé dans l'entrepôt, et c'est comme ça que ça s'est terminé.

 21   Q.  Mais vous avez vu les rails à partir du pré ?

 22   R.  J'ai uniquement vu le portail et le passage au-dessus des rails. Je

 23   sais simplement qu'on est passé en dessous dans le camion TAM, mais je ne

 24   sais pas ce qu'il y avait au-dessus. C'est après quand j'ai demandé à des

 25   gens qu'on m'a dit qu'il y avait un passage au-dessus des rails et qu'on

 26   passe en dessous.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on voie une déclaration. Il

 28   s'agit du document 22396 de la liste 65 ter, page 2, paragraphe 2.


Page 21975

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Vous dites qu'on vous a amenés là à quelle heure ?

  3   R.  Maintenant, je ne sais plus quelle heure il était. A l'époque, quand

  4   j'ai fait cette déclaration, je le savais encore et ce que j'ai dit est

  5   exact ?

  6   Q.  Il était 20 heures ?

  7   R.  Non, non, sûrement pas. Il devait être plus tôt.

  8   Q.  Pourtant, dans cette déclaration, vous dites vers 20 heures.

  9   R.  Mais je ne me souviens plus de ce que j'ai dit, ni dans quelle

 10   déclaration je l'ai dit, ni si ça a bien été repris.

 11   Q.  Si ça s'est passé au mois de juillet et si vous êtes arrivé plus tôt,

 12   il faisait encore jour, n'est-ce pas, ou est-ce que la nuit était déjà

 13   tombée ?

 14   R.  Quand je suis arrivé dans ce pré, il faisait encore grand soleil.

 15   Q.  Dans votre déclaration 1D4875, vous avez dit qu'il faisait déjà noir et

 16   que la seule lumière venait des phares du bulldozer.

 17   R.  La nuit tombait. Le bulldozer est arrivé, a allumé ses phares, et on a

 18   vu l'éclairage qui venait de ces phares, mais ils n'ont pas utilisé les

 19   phares pendant qu'il faisait encore clair.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, je vais demander que soit affichée la

 21   pièce 1D4875, page 4, paragraphe 7.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  "La seule lumière venait du bulldozer. Après les tirs, si les Serbes

 24   entendaient la voix de personnes qui étaient encore en vie, ils partaient à

 25   leur recherche pour les exécuter, les finir…

 26   "Après 19 heures, nous avons quitté la salle de gym et on nous a

 27   bandé les yeux. Quand on est sortis de la salle par la porte de gauche,

 28   j'ai enlevé mon bandeau aussitôt (apparemment, je l'ai remonté un peu) et


Page 21976

  1   donc j'ai pu voir ce qui se passait. Les Serbes s'affairaient à nous faire

  2   monter, nous disaient : 'Allez, dépêchez-vous.' On nous a fait monter dans

  3   les camions, et j'ai vu la petite voiture rouge qui nous suivait. J'ai vu

  4   des corps à chaque tournant de la route. Et puis, j'ai vu les Serbes ouvrir

  5   l'arrière…"

  6   Donc vous avez vu des cadavres en route ?

  7   R.  A un carrefour, j'ai vu autant de corps que le nombre que j'ai vu là où

  8   j'étais emmené. Ils n'étaient pas tous aussi nombreux le long de la route.

  9   Mais il y a eu là un pâturage, et là il y avait autant de corps que le

 10   nombre de corps que j'ai vus après. Le camion TAM a poursuivi sa route

 11   jusqu'au moment où il est arrivé au second tas de cadavres, puis nous avons

 12   été déchargés. Le camion a fait demi-tour, et on a tous été tués.

 13   Q.  Et personne n'a essayé de s'enfuir, de s'échapper ?

 14   R.  Mais on était épuisés. On était encerclés d'hommes avec des armes

 15   automatiques.

 16   Q.  Vous dites que vous avez seulement passé cinq ou dix minutes, qu'il

 17   faisait déjà noir et que la seule lumière venait du bulldozer ?

 18   R.  Je n'ai pas dit qu'il faisait noir quand je suis arrivé. Je vous ai dit

 19   qu'ils avaient allumé les phares pour tuer uniquement quand il a commencé à

 20   faire noir.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement du document.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous aurons la version expurgée et

 23   la version sous pli scellé.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] La version sous pli scellé sera la pièce

 25   D1948, et l'autre portera la cote D1949.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais à qui le témoin a-t-il fourni cet

 27   entretien ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyons la dernière page, s'il vous plaît.


Page 21977

  1   "David Rohde, vainqueur du prix Pulitzer, de Christian Science…"

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  3   Vous avez beaucoup d'autres questions à poser au témoin, Monsieur

  4   Karadzic ?

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais abréger. Je n'ai plus que quelques

  6   questions à poser.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Vous hésitiez à venir témoigner. C'est parce qu'on ne voulait pas vous

  9   payer les frais que vous aviez dû encourir, n'est-ce pas ?

 10   R.  Quand ?

 11   Q.  Dans ce rapport du 11 octobre 1998, numéro ERN 0067-6051, il ne fait

 12   qu'une page, ce rapport, eh bien, il dit que vous hésitiez à témoigner

 13   parce qu'on n'allait pas vous défrayer les dépenses encourues.

 14   R.  C'est la première fois que j'entends dire ça, et c'est vous qui me le

 15   dites, que je ne viendrais pas ici si quelque chose de ce genre s'est

 16   passé.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que M. Karadzic peut donner la

 19   lecture exacte de ce qui est dans ce rapport. Ce n'est pas une déclaration,

 20   c'est un rapport. Donc, là, je pense qu'on a paraphrasé les dires du

 21   témoin.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je n'ai aucune raison de douter de

 23   l'exactitude de ce qu'a dit l'Accusation.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, si vous n'allez pas insister

 25   davantage, autant continuer et passer à autre chose.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] On peut afficher le document, parce que

 27   j'aimerais demander le versement de ce document de la liste 65 ter 22400.

 28   Et, bien sûr, ce ne sera pas diffusé. Donc ce ne sera pas diffusé à


Page 21978

  1   l'extérieur. Voici ce qui est dit :

  2   "Le témoin a manifesté quelques hésitations à venir à La Haye parce

  3   qu'il y avait eu des problèmes la dernière fois par rapport au

  4   remboursement des frais."

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  C'est bien ce que vous avez dit, non ?

  7   R.  Moi ?

  8   Q.  Oui. Est-ce que vous l'avez dit comme c'est écrit ici ?

  9   R.  Je ne m'en souviens pas.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ceci peut être versé au dossier.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soyez juste, il faut lire le paragraphe

 12   et le soumettre au témoin.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Volontiers, volontiers. Je pourrais en faire

 14   une lecture à voix haute. Il affirme qu'il avait entendu de l'équipement

 15   lourd qui fonctionnait quand il était à l'école, mais ça c'est l'autre

 16   paragraphe. Ce qui m'intéresse, c'est la première phrase.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, maintenant j'ai vu. Oui, oui, nous

 18   pouvons l'admettre au dossier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1950 sous pli scellé.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien, ça suffira.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Donc vous étiez dans ce hangar quand cet homme a été emmené. A quelle

 23   distance se trouvait-il par rapport à vous ?

 24   R.  A Bratunac, vous voulez dire ?

 25   Q.  Oui, vous avez assisté à un meurtre.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et à quelle distance ces hommes se trouvaient-il de vous ?

 28   R.  Pas plus de 5 ou 6 mètres.


Page 21979

  1   Q.  Je vois. Et pourtant, dans votre déclaration du 22 juillet 1995 - la

  2   toute première, n'est-ce pas ? - vous dites qu'ils étaient à 2 mètres ?

  3   R.  Mais 2 mètres par rapport à la porte qui donnait sur la gauche, c'est

  4   ça que j'ai peut-être dit. Je n'ai pas dit qu'il y avait 2 mètres qui nous

  5   séparaient.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous devez poser votre dernière

  7   question. Terminez. Vous avez encore deux minutes pour le faire.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Je suis un peu interloqué, parce que vous dites ceci à propos des

 10   déclarations que vous avez fournies : que si c'est ça qui est écrit, c'est

 11   que vous dites que c'est juste. Alors, tout ce que vous avez eu l'occasion

 12   de dire depuis, est-ce que tout est exact ?

 13   R.  Si j'ai donné des chiffres, ça c'est juste. Quand j'ai supposé

 14   certaines choses à propos de quelque chose, disons que ça pourrait être

 15   plus, mais pas moins.

 16   Q.  Mais à part les chiffres ?

 17   R.  Ça dépend de ce que vous voulez dire. Si j'ai dit que quelque chose

 18   était sans doute vrai, c'est certainement vrai. Si j'ai donné des

 19   approximations à propos de chiffres ou de quantités, là je ne peux pas

 20   garantir que ces chiffres étaient exacts.

 21   Q.  Fort bien. Nous allons en rester là.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai terminé, Excellences.

 23   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. Merci d'être venu témoigner.

 24   R.  Je vous remercie vous aussi.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 27   Nouvel interrogatoire par M. Nicholls :

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.


Page 21980

  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Très rapidement.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] P01488, s'il vous plaît, peut-on afficher

  4   cette pièce à l'écran. C'est un extrait d'un des carnets du général Mladic.

  5   Q.  A la page 5 du compte rendu d'aujourd'hui, on vous a dit que Mladic

  6   était avec Carl Bildt et le président Milosevic à Dobanovci le 14 juillet.

  7   On vous a demandé :

  8   "Quelle heure il se trouvait ?"

  9   M. Karadzic, lui, a dit :

 10   "Il y a passé pratiquement toute la journée."

 11   Quelques lignes plus loin, vous avez dit que :

 12   "Peut-être que vous l'avez vu la nuit. Pendant la journée, il était à

 13   l'école, près de la salle de gymnastique."

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher la page 2 du

 15   carnet en anglais. Voyons d'abord le haut de la page.

 16   Q.  La date est celle du 14 juillet 1995, rencontre avec le président

 17   Milosevic, Bildt et le général de Lapresle. Vous n'avez jamais vu ce

 18   carnet, mais c'est un carnet, un journal de bord, que tenait le général

 19   Mladic. Et regardez juste en dessous de la date, là on voit une heure.

 20   Pourriez-vous lire l'heure qu'il était ? Si c'est trop petit, dites-le-moi,

 21   on pourra agrandir.

 22   Je vais vous le lire : 21 heures 15, c'est l'heure indiquée. Donc

 23   c'était après 21 heures. Voici ma question : on vous avait mis en rangée

 24   avec des autres hommes, on vous avait tiré dessus, on vous avait abattus,

 25   vous tombiez, et vous étiez tombé sous cette pile de cadavres. Est-ce que

 26   vous avez chronométré à l'aide de votre montre l'arrivée de chaque camion ?

 27   R.  Mais non. Mais j'ai vu que quand ils en avaient tué un lot, ils

 28   s'allumaient une cigarette, et elle n'était même pas finie, leur cigarette,


Page 21981

  1   quand arrivait un camion TAM, et ils jetaient leur mégot encore allumé par

  2   terre. C'est comme ça que je le sais.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux poser une question

  5   supplémentaire ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Karadzic.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une question de temps. C'est uniquement à

  8   propos de l'heure. Parce que ça c'est nouveau et ça découle des questions

  9   supplémentaires.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez déjà soulevé cette question de

 11   l'heure -- mais attendez, je vais en discuter avec mes collègues.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, vous n'avez pas le droit de poser

 14   de questions supplémentaires.

 15   Monsieur, merci d'être venu témoigner. C'est au nom de tous les Juges que

 16   je vous remercie d'être venu témoigner. Vous pouvez désormais disposer.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie, Monsieur le

 18   Président, Madame et Messieurs les Juges.

 19   [Le témoin se retire]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il nous reste à peu près une vingtaine

 21   de minutes avant la pause. Est-ce que vous voulez poursuivre aussitôt ou

 22   préférez-vous faire une pause maintenant ?

 23   M. TIEGER : [interprétation] Mme West nous dit qu'elle peut parfaitement

 24   faire entrer le témoin suivant. C'est elle qui va l'interroger au

 25   principal.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 27   Faisons entrer le prochain témoin.

 28   Mme WEST : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.


Page 21982

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour.

  2   Mme WEST : [interprétation] Ce sera le colonel Johannes Rutten qui sera

  3   notre témoin suivant.

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  6   LE TÉMOIN : [hors micro]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez prononcer la déclaration

  8   solennelle, s'il vous plaît.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   LE TÉMOIN : JOHANNES RUTTEN [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Colonel. Installez-vous, s'il

 14   vous plaît.

 15   Madame West, vous avez la parole.

 16   Mme WEST : [interprétation] Merci.

 17   Monsieur le Greffier, 65 ter 90296, s'il vous plaît.

 18   Monsieur le Président, d'après ce que j'ai compris, il y a eu distribution

 19   aux Juges de la Chambre et à la Défense du cahier qui comporte les vidéos

 20   du procès Srebrenica. Il s'agit d'un ensemble de vidéos qui sont

 21   pertinentes à Srebrenica. Je n'utiliserai qu'une vidéo aujourd'hui, et je

 22   vais donner les "time codes", mais nous allons en demander le versement

 23   séparément.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 25   Interrogatoire principal par Mme West :

 26   Q.  [interprétation] Bonjour.

 27   R.  Bonjour.

 28   Q.  Pouvez-vous décliner votre identité et quel est votre grade


Page 21983

  1   aujourd'hui.

  2   R.  Je suis Johannes Rutten et je suis lieutenant-colonel.

  3   Q.  Vous avez déposé dans les affaires Krstic, Popovic et Tolimir; exact ?

  4   R.  Oui, c'est exact.

  5   Q.  Une déclaration synthétisée a été rédigée et celle-ci comporte les

  6   parties pertinentes de vos dépositions précédentes. Vous avez eu l'occasion

  7   le 8 novembre de relire cette déclaration et de la signer ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Est-ce que cette déclaration que vous avez signée après l'avoir relue

 10   est celle qui s'affiche à l'écran ?

 11   R.  Oui, cela est exact également.

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez confirmer que cette déclaration reflète de

 13   manière fidèle les déclarations que vous avez données précédemment, de la

 14   manière dont elles ont été synthétisées ?

 15   R.  Oui, je peux le confirmer.

 16   Q.  Monsieur, si l'on vous posait des questions aujourd'hui sur les mêmes

 17   points qui figurent dans cette déclaration, est-ce que vous fourniriez les

 18   mêmes réponses aux Juges de cette Chambre ?

 19   R.  Oui, je donnerais aujourd'hui les réponses qui comporteraient les mêmes

 20   informations aujourd'hui.

 21   Mme WEST : [interprétation] Je demande le versement de la déclaration et

 22   des pièces connexes.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser au dossier le

 24   document 65 ter 90296.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P3948.

 26    M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 27   M. ROBINSON : [interprétation] La Défense n'a pas d'objection quant au

 28   versement de l'ensemble des pièces connexes.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et vous n'avez pas d'objection non plus

  2   à ce qu'on ajoute le document 23512 à la liste 65 ter ?

  3   M. ROBINSON : [interprétation] Non.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons verser cela au

  5   dossier.

  6   S'agissant de la pièce 3233 sur la liste 65 ter, qui figure au paragraphe

  7   4.13, je ne vois pas comment cela constitue une partie intégrante qui ne

  8   pourrait pas être séparée dans cette déclaration. Il s'agit du paragraphe

  9   12.

 10   Mme WEST : [interprétation] Dans cette partie de cette déposition, on l'a

 11   interrogé de comparer l'ABiH à la VRS. En fait, c'est de cela qu'il

 12   parlait. Et ici en particulier, on lui a demandé s'il a jamais vu des

 13   soldats de Bosnie-Herzégovine avec l'équipement des Nations Unies. Il a dit

 14   qu'il ne les a pas vus. Donc j'estime qu'il s'agit d'une partie intégrante

 15   de la déclaration parce que cela montre qu'il ne pense pas avoir jamais vu

 16   les membres de l'ABiH se présenter comme étant des soldats des Nations

 17   Unies.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi vous ne lui poseriez pas ces

 19   questions maintenant ?

 20   Mme WEST : [interprétation] Très bien. Est-ce que je ne lirais pas tout

 21   d'abord le résumé de sa déclaration ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 23   Mme WEST : [interprétation] Le lieutenant-colonel Johannes Rutten est

 24   devenu membre de l'armée des Pays-Bas en 1979. Il a été soldat sous-

 25   officier et a occupé plusieurs postes avant d'entrer à l'école de formation

 26   des officiers en 1991. Il a terminé ses études deux années plus tard et il

 27   est devenu 2e lieutenant.

 28   A partir de janvier jusqu'en juillet 1995, le colonel a été membre du 3e


Page 21985

  1   Bataillon néerlandais de Potocari. Il a été son 1er lieutenant. Et pendant

  2   ce temps-là, il a commandé une section antichar, il a été coordinateur des

  3   patrouilles et officier du renseignement.

  4   Au printemps 1995, la situation sur le plan des vivres à Srebrenica s'est

  5   détériorée parce que les Serbes de Bosnie ne permettaient pas l'entrée dans

  6   l'enclave aux convois apportant de l'aide humanitaires. Ces difficultés ont

  7   forcé les civils musulmans désespérés d'aller fouiller dans la décharge du

  8   Bataillon néerlandais pour chercher quoi que ce soit à manger. Le colonel

  9   Rutten a pris des photos de ce qu'il a décrit comme étant un événement

 10   indescriptible. A en juger d'après cette déclaration, les Musulmans de

 11   Srebrenica n'avaient pas véritablement une structure militaire, n'avaient

 12   que des armes de petit calibre et quasiment pas de munitions. A l'opposé,

 13   la VRS était bien structurée, bien équipée. A la fin du mois de juin 1995,

 14   les forces de la VRS se sont rassemblées et ont reçu des renforts avec plus

 15   de chars et plus d'artillerie dans les collines autour de l'enclave.

 16   Le 10 juillet, le colonel a entendu des impacts de munitions derrière la

 17   base de Potocari, c'était un lance-roquette basé à Bratunac. Après le

 18   bombardement, le Bataillon néerlandais a trouvé un missile qui n'a pas

 19   explosé juste derrière la base. Les bombardements se sont intensifiés le

 20   lendemain et se sont arrêtés tard la nuit. Le bombardement ne prenait pas

 21   des cibles militaires pour cible, mais semblait vouloir prévenir les

 22   soldats du Bataillon néerlandais de sortir à l'extérieur de la base. Le

 23   résultat a été que les soldats néerlandais n'auraient pas pu être en mesure

 24   de voir ce que faisait la VRS.

 25   Dans la soirée, le colonel a entendu que la situation à Srebrenica

 26   échappait au contrôle, que les réfugiés se déplaçaient vers Potocari. Il a

 27   reçu l'ordre d'ouvrir la clôture qui entourait la base pour permettre

 28   l'entrée des réfugiés si cela s'avérait nécessaire. Les premiers réfugiés


Page 21986

  1   ont commencé à arriver juste à la frontière sud de la base des Nations

  2   Unies. A la fin de la soirée, le colonel a refermé de nouveau cette clôture

  3   autour de la base.

  4   Le lendemain, le 11 juillet, de larges groupes de réfugiés ont commencé à

  5   arriver à Potocari de Srebrenica. Le Bataillon néerlandais envoyait des

  6   camions de la base à Srebrenica. Les camions sont revenus remplis de

  7   réfugiés. Le colonel a ouvert une ouverture dans la clôture de nouveau et

  8   des réfugiés sont entrés dans la base. A la fin de la journée, 4 000 à 5

  9   000 réfugiés se trouvaient à l'intérieur de la base, mais il y en avait

 10   bien davantage à l'extérieur à l'endroit où on garait les bus. Trois

 11   groupes de soldats du Bataillon néerlandais - à la tête de l'un de ces

 12   groupes il y avait le témoin - ont sécurisé le périmètre à l'extérieur de

 13   la base avec des bandes rouges et blanches. C'était le seul moyen qu'ils

 14   avaient à leur disposition pour sécuriser cette zone placée sous la

 15   surveillance des Nations Unies.

 16   Dans la matinée du 12 juillet, le colonel a entendu des coups de feu

 17   d'armes de petit calibre, et après cela des mortiers. Il y avait des

 18   maisons qui étaient en flammes autour de l'endroit où il y avait les bus et

 19   à d'autres endroits également. Il y a eu des soldats serbes de Bosnie du

 20   type Rambo qui sont arrivés, et ça a ajouté à la panique des réfugiés.

 21   Davantage de soldats de la VRS sont arrivés à la base. Le général Mladic

 22   est arrivé avec une équipe de caméramans. Il y a eu une distribution de

 23   pain, d'eau et des bonbons par les soldats serbes de Bosnie et ça a été

 24   filmé. Et tout de suite après la fin de cette séance où on a filmé, on a

 25   arrêté la distribution. A un moment dans la journée, le colonel et ses

 26   hommes ont été détenus par les Serbes de Bosnie pendant quelques heures

 27   après que les Serbes de Bosnie se soient emparés de l'équipement et aient

 28   volé l'équipement des soldats néerlandais. Le colonel a refusé de remettre


Page 21987

  1   son équipement, et un fusil a été pointé contre sa tête par un soldat serbe

  2   de Bosnie.

  3   Les bus sont arrivés le 12 et se sont arrêtés au début de la soirée.

  4   Quasiment tous les hommes, à l'exception des très âgés, ont été séparés des

  5   autres réfugiés. Ils ont été envoyés à ce qui a été connu après sous le nom

  6   de la "maison blanche". Dans la matinée du 13, deux bus qui étaient remplis

  7   d'hommes ont quitté la "maison blanche" et ils étaient suivis d'une escorte

  8   du Bataillon néerlandais. Lorsque l'escorte a été kidnappée par les Serbes

  9   de Bosnie, le colonel a décidé de se rendre lui-même à la "maison blanche"

 10   pour voir ce qui s'y passait.

 11   A l'entrée de la "maison blanche", il a vu des sacs à dos et des effets

 12   personnels empilés, c'était un tas très important. A quelques mètres de là,

 13   il y avait toutes sortes de pièces d'identité et de passeports par terre.

 14   Même si au départ on lui a refusé l'entrée, le colonel a finalement réussi

 15   à rentrer dans la "maison blanche". Il a vu un homme musulman qui pendait

 16   de l'escalier par un bras et le colonel a demandé au soldat serbe de poser

 17   cet homme par terre. Le colonel a essayé de rentrer dans une pièce où il a

 18   entendu des voix, mais un autre Serbe de Bosnie a utilisé son arme pour

 19   l'empêcher de le faire.

 20   A un moment, le colonel a réussi à aller à l'étage, où il a vu deux pièces

 21   remplies de 50 hommes et garçons âgés de 12 à 55 ans. Il a photographié le

 22   groupe, mais il a arrêté de photographier puisqu'un soldat serbe de Bosnie

 23   est arrivé accompagné de ses camarades. Le témoin a quitté la maison à ce

 24   moment-là. Plus tard ce soir, les Serbes de Bosnie ont incendié les effets

 25   personnels et les pièces d'identité qui se trouvaient à l'extérieur de la

 26   maison. Ça a brûlé pendant deux jours.

 27   Le colonel a plus tard été informé par l'interprète local de rumeurs comme

 28   quoi les hommes ont été tués près d'un puits sur la route d'à côté. Le


Page 21988

  1   colonel et deux autres soldats néerlandais se sont rendus là et ils ont vu

  2   neufs corps d'hommes en vêtements civils par terre, leur visage tourné vers

  3   le cours d'eau. Et ils avaient tous des orifices d'entrée de balles dans

  4   leur dos. Les hommes avaient à peu près 45 à 55 ans. Le colonel a touché

  5   les corps qui étaient encore chauds. Le sang s'écoulait encore des corps et

  6   il n'y avait pas de mouches. Il estime que ces hommes avaient été récemment

  7   abattus, et il n'y avait pas de preuve que les corps aient été apportés à

  8   cet endroit. Le colonel a pris une photo des corps pendant qu'un autre

  9   soldat a ramassé les pièces d'identité qui étaient éparpillées par terre à

 10   proximité. Le colonel et les soldats ont été forcés à abandonner les pièces

 11   d'identité, à s'enfuir à partir du moment où on leur a tiré dessus. Le

 12   colonel a fait un rapport sur ce qu'il a vu à ses supérieurs. Lorsque le

 13   colonel est revenu aux Pays-Bas, il a remis sa pellicule aux Renseignements

 14   militaires néerlandais pour que les images soient développées. Le colonel a

 15   été informé plus tard qu'il y a eu une erreur lorsqu'ils ont essayé de

 16   développer les photos et que les photos n'ont pas réussi.

 17   Après avoir pris ces photos des corps, le colonel s'est rendu là où les

 18   réfugiés étaient forcés à monter dans les bus. Il a pris des photos des

 19   soldats serbes de Bosnie qui parlaient aux réfugiés le long de cette

 20   colonne de bus. Le colonel a vu les soldats serbes de Bosnie séparer les

 21   hommes de leurs familles. Le colonel a également vu ce qu'il pense être un

 22   lieutenant du Bataillon néerlandais et quelques soldats néerlandais en

 23   train d'aider au transport forcé de la population en aidant les réfugiés

 24   musulmans à partir. Le résultat a été la confrontation entre le colonel et

 25   le lieutenant, mais ce processus a continué malgré tout.

 26   Avant d'essayer d'escorter le dernier bus qui quittait la base avec

 27   les réfugiés, le colonel est revenu à la "maison blanche". A ce moment-là,

 28   le tas d'effets personnels devant était même plus important qu'avant. Il y


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  1   avait davantage de pièces d'identité et de passeports qui étaient

  2   éparpillés par terre. Le colonel et un autre soldat néerlandais se sont

  3   rendus du côté gauche de la maison qui avait été vide avant. Ils ont vu

  4   qu'il y avait plein d'hommes musulmans dans l'escalier. Le colonel a pu

  5   voir la peur sur les visages des hommes musulmans. Le colonel est allé

  6   devant la maison et a vu que le balcon était complètement rempli d'hommes

  7   et de garçons. Il a estimé qu'il y avait pratiquement 300 hommes dans la

  8   maison et sur le balcon.

  9   Le colonel a essayé d'escorter le dernier bus qui comportait les

 10   réfugiés hommes, mais il a été arrêté par les soldats serbes qui l'ont

 11   menacé d'armes. Il a accompagné le camion et il a vu le personnel médical

 12   qui se rendait à Srebrenica pour prendre les dernières personnes âgées. Là

 13   encore, les soldats serbes de Bosnie sont venus vers lui. Ils ont pris sa

 14   voiture et il a été forcé à continuer jusqu'à Srebrenica dans le camion

 15   qu'il voulait escorter. A Srebrenica, le colonel a vu les Serbes de Bosnie

 16   piller la base et conduire les APC néerlandais remplis de choses volées.

 17   Les Serbes de Bosnie avaient également pris les armes qui se trouvaient au

 18   point de rassemblement, qui avaient été confisquées des Musulmans, afin

 19   d'essayer de préserver l'enclave à l'état de démilitarisation.

 20   Q.  Est-ce que j'ai lu un résumé exact de votre déposition ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas certain…

 22   M. LE JUGE BAIRD : [aucune interprétation]

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette traduction était exacte. Merci.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que l'interprétation

 25   néerlandaise a pris un petit peu plus de temps.

 26   Mme WEST : [interprétation]

 27   Q.  Colonel, est-ce que vous préfèreriez continuer en anglais ou en

 28   néerlandais ?


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  1   R.  Ce qui prête à confusion, c'est d'entendre le néerlandais et de lire

  2   l'anglais, et, en fait, je pense que je préfèrerais parler anglais.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez le choix.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas un problème.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, est-ce que vous souhaitez qu'on

  6   change de canal ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   Mme WEST : [interprétation]

  9   Q.  Merci, Colonel. Donc je repose ma question. Est-ce que j'ai lu un

 10   résumé exact de votre déposition ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Colonel, quel est votre poste aujourd'hui au sein de l'armée ?

 13   R.  Je suis lieutenant-colonel, et je suis à la tête du bureau des affaires

 14   du personnel dans l'armée néerlandaise.

 15   Q.  Et vous êtes posté où ?

 16   R.  Je suis stationné à Muenster, en Allemagne.

 17   Q.  Je vais vous montrer une brève vidéo.

 18   Mme WEST : [interprétation] Il s'agit d'un extrait de la vidéo 65 ter

 19   40582, c'est l'ensemble des vidéos Srebrenica. Cet extrait commence à 20

 20   minutes, 39 secondes et il continuera jusqu'à 24 minutes, 48 secondes.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   Mme WEST : [interprétation] Je pense que j'aimerais donner les "time

 23   codes", donc de 20 minutes 39 jusqu'à 24:00.

 24   Q.  Colonel, est-ce que cela correspond à vos souvenirs ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et la bande que nous voyons, rouge et blanche, qui entoure les gens,

 27   c'est ce que le Bataillon néerlandais a posé ?

 28   R.  Oui, c'est la bande dont nous nous sommes servi.


Page 21991

  1   Q.  Pourquoi, quel était votre objectif ?

  2   R.  C'était pour bien délimiter ce qui était sous la garde du personnel du

  3   Bataillon néerlandais.

  4   Q.  Et lorsqu'on voit distribuer du pain et des bonbons, est-ce que cela

  5   nous donne la bonne impression de la manière dont les soldats serbes de

  6   Bosnie ont traité les réfugiés à l'époque ?

  7   R.  Oui, on a l'impression ici que c'est la manière habituelle de procéder,

  8   mais vous avez une vue complètement différente du terrain par rapport au

  9   moment où j'étais là. C'était un instant très bref, et cela s'est passé

 10   après, après que le caméraman arrête de filmer.

 11   Q.  Quelle est votre impression quant à l'objectif de ce tournage ?

 12   Pourquoi est-ce qu'on a filmé ces moments ?

 13   R.  [aucune interprétation]

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il n'y a pas de question directrice.

 16   Qu'est-ce qui vous gêne ? Pourquoi soulevez-vous votre objection ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais on lui demande son impression, alors que

 18   ce sont les faits qui doivent nous intéresser ici.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'Accusation lui demande de formuler son

 20   opinion, de nous faire part de son opinion sur ce qu'il a vu.

 21   Continuons, Madame West.

 22   Mme WEST : [interprétation] Merci.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous

 24   souhaitez que l'on vous interprète la question en néerlandais ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non, c'est parfait en anglais.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous n'avons pas besoin

 27   d'interprétation vers le néerlandais.

 28   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


Page 21992

  1   Q.  Donc, Colonel, je vais vous reposer ma question. D'après vous, d'après

  2   vos impressions, pourquoi est-ce qu'on a filmé ces scènes ?

  3   R.  Par rapport à ce que j'en sais aujourd'hui, j'allais vous dire que

  4   c'était de la désinformation pure. Mais d'après ce que je savais à

  5   l'époque, à ce moment-là, je pensais que c'était un moment de propagande

  6   parce que, comme je vous ai dit, ça s'est arrêté immédiatement après la

  7   distribution, donc on n'a plus filmé.

  8   Q.  Et à l'époque, est-ce que vous pouviez écouter les informations

  9   néerlandaises à Potocari ?

 10   R.  Non, pas à ce moment-là, pendant que j'étais à l'extérieur. Mais

 11   quelques jours plus tard, nous avons eu des communications par satellite

 12   depuis la base et nous avons vu le programme de la télévision néerlandaise,

 13   nous avons vu ces images, juste ce que nous venons de voir à l'instant, et

 14   nous avons vu ce qui s'est passé sur le terrain.

 15   Q.  Et à l'époque, est-ce qu'il y a eu des réfugiés qui sont partis de la

 16   base ?

 17   R.  A ce moment-là, il n'y avait plus de réfugiés dans la base.

 18   Mme WEST : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire une pause

 19   maintenant.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons faire une pause de 25

 21   minutes. Donc nous reprendrons à 16 heures 10.

 22   --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.

 23   --- L'audience est reprise à 16 heures 12.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Où est-ce que nous en étions ?

 25   Poursuivons, Madame West.

 26   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mon Colonel, vous avez parlé de votre

 28   impression, mais c'est l'impression que vous avez eue à l'époque, pas celle


Page 21993

  1   qui est la vôtre aujourd'hui avec le recul ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que le mot "impression" n'est pas

  3   juste, mais effectivement, c'est la situation telle que je l'ai vue sur le

  4   terrain à l'époque. Voici ma réponse.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Madame West.

  6   Mme WEST : [interprétation]

  7   Q.  Aux paragraphes 46 et 47 de votre déclaration, vous dites que vous avez

  8   été détenus par des soldats de la VRS le 12 juillet à la base de Potocari.

  9   Vous avez dit qu'ils vous ont pris le casque que vous aviez, vos armes, et

 10   que vous avez, vous et vos hommes, été détenus pendant quelques heures.

 11   Est-ce qu'à d'autres moments, on a volé à des membres du "DutchBat" les

 12   uniformes, les casques ou d'autres choses ?

 13   R.  Oui, il y a eu d'autres situations qui ont été rapportées à la

 14   compagnie et au bataillon dans ce sens.

 15   Q.  Pourquoi est-ce que vous vous êtes inquiété chaque fois qu'on prenait

 16   les uniformes ?

 17   R.  J'étais inquiet parce que quand on prend un uniforme, quand on prend

 18   notre matériel, notre équipement, ça voulait dire que les soldats de la VRS

 19   pouvaient endosser cet uniforme et prendre cet équipement pour se déguiser

 20   et passer pour des soldats de l'ONU.

 21   Q.  Et pourquoi est-ce que c'était important qu'ils ne puissent pas le

 22   faire.

 23   R.  A ce moment-là, il n'y avait plus que très peu de membres du

 24   "DutchBat". Notre position c'était une position d'impartialité envers les

 25   réfugiés, envers la population de Srebrenica. Et si on prenait nos

 26   uniformes et notre matériel, il se pouvait que les soldats de la VRS se

 27   fassent passer pour des soldats du "DutchBat".

 28   Q.  Je vais vous montrer un document de la liste 65 ter, 3233. Vous en


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  1   parlez au paragraphe 12 de votre déclaration consolidée. Il s'agit là d'un

  2   rapport qui a fait l'objet de questions qui vous ont été posées dans des

  3   dépositions antérieures. Au paragraphe 4.13 de ce rapport, c'était un

  4   débriefing après Srebrenica où des soldats du "DutchBat" s'exprimaient. Au

  5   paragraphe 4.13, je lis :

  6   "Des soldats de Bosnie-Herzégovine, en casquettes ou en casques bleus, se

  7   sont approchés à 15 mètres d'un de nos postes d'observation. Ils

  8   ressemblaient à du personnel des Nations Unies, et ils ont ouvert le feu de

  9   cette position en direction de la ligne de front de la VRS pour donner

 10   l'impression que c'était les Nations Unies qui tiraient sur eux. De cette

 11   façon, ils ont essayé de provoquer des tirs de riposte de la VRS en

 12   direction du poste d'observation pour ainsi impliquer le 'DutchBat' dans

 13   des actions de combat."

 14   Lorsqu'on vous a posé cette question dans le procès Krstic, vous avez

 15   répondu que vous n'aviez pas connaissance de ce genre d'incident.

 16   Mais aujourd'hui, est-ce que c'est le genre d'incident dont vous vous

 17   seriez inquiété si on avait volé des uniformes de l'ONU ?

 18   R.  Ça pourrait être ce genre d'incident, mais la situation qui est décrite

 19   ici ne m'est pas connue à moi personnellement.

 20   Q.  Et savez-vous s'il y a eu d'autres incidents au cours desquels des

 21   soldats de Bosnie-Herzégovine ont essayé de se faire passer pour du

 22   personnel des Nations Unies ?

 23   R.  Non.

 24   Mme WEST : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Ce sera une des pièces

 26   connexes. Elle est versée à ce titre.

 27   Mme WEST : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Vous avez fait l'objet de plusieurs auditions après les événements,


Page 21995

  1   d'abord à Zagreb. Lorsque vous étiez à Zagreb, vous souvenez-vous avoir

  2   rempli un questionnaire du TPIY ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Il y avait une question de ce questionnaire qui concernait l'identité

  5   des soldats qui vous ont retenus, ce dont nous venons de parler. Est-ce que

  6   vous avez eu une conversation avec ces soldats de la VRS à propos de leurs

  7   uniformes ?

  8   R.  Oui, parce que j'ai essayé de parler à plus de soldats de la VRS, en

  9   tout cas des gens dont je croyais que c'était des membres de la VRS, et

 10   plus tard je me suis dit que c'était des unités de la police, parce que ces

 11   hommes ont dit être de Belgrade. Ce n'était pas des soldats ordinaires de

 12   la VRS.

 13   Q.  Et est-ce qu'ils ont utilisé un terme précis pour se décrire ?

 14   R.  Oui, ils ont dit qu'ils étaient membres d'une unité spéciale,

 15   "specijalne", ont-ils dit. Et pour nous dans l'armée, des unités spéciales,

 16   ce sont des commandos ou des unités d'élite qui se voient confier des

 17   missions spéciales. Mais manifestement, c'est ce qu'ils m'ont dit, ils ont

 18   dit que c'était des unités de la police.

 19   Q.  Et qu'est-ce que ces hommes vous ont-ils dit à propos des rapports

 20   qu'ils avaient avec les forces militaires des Serbes de Bosnie ?

 21   R.  Ils n'avaient pas de rapport organique véritable. Ils ont dit que

 22   c'était des soldats de l'unité spéciale chargée d'une mission spéciale sur

 23   le terrain à Srebrenica. Je leur ai demandé combien ils étaient, et j'ai

 24   posé d'autres questions pour savoir exactement d'où ils venaient, quelle

 25   était leur mission, mais je n'ai pas obtenu davantage de précisions de leur

 26   part car ils ont compris que je leur demandais de plus en plus de choses.

 27   Q.  Quelle langue avez-vous utilisée ?

 28    R.  J'ai parlé allemand. Ils parlaient parfaitement l'allemand.


Page 21996

  1   Q.  Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

  2   Mme WEST : [interprétation] Une précision, Monsieur le Président. Pour ce

  3   qui est des pièces connexes, il y a une vidéo que nous avons citée qui

  4   porte le numéro de la liste 65 ter 40044.

  5   Puisque nous allons utiliser une compilation des vidéos du procès de

  6   Srebrenica, je ne vais pas demander le versement de ce document 40044.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons aussi constaté quel était le

  8   minutage de cette séquence, donc on peut l'enlever.

  9   Mme WEST : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une question supplémentaire. Je sais que

 11   votre résumé ne fait pas partie des pièces du dossier, mais dans un de vos

 12   résumés, à partir de la ligne 24, page 30 d'aujourd'hui, vous faites état

 13   d'une confrontation entre le colonel et un lieutenant. Je vais vous donner

 14   lecture :

 15   "Le colonel a aussi vu un homme qu'il croyait être lieutenant du 'DutchBat'

 16   et quelques soldats du 'DutchBat' qui aidaient au déplacement forcé de la

 17   population en aidant les réfugiés musulmans à quitter la zone, et ceci a

 18   entraîné une confrontation entre le colonel et le lieutenant, mais le

 19   processus s'est poursuivi."

 20   C'est quel paragraphe dans votre résumé, dans la déclaration consolidée ?

 21   Mme WEST : [interprétation] Il s'agit des paragraphes 80, 81 et 82.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce qu'on y parle de

 23   confrontation ?

 24   Mme WEST : [interprétation] Si ce n'est pas clair, m'autorisez-vous à poser

 25   quelques questions supplémentaires au témoin ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 27   Mme WEST : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Vous avez suivi l'échange que nous venons d'avoir et les inquiétudes du


Page 21997

  1   Président à ce propos. Dans votre déclaration, vous parlez d'un échange

  2   avec le lieutenant van Duijn. Sur quoi 

  3   portait-il ?

  4   R.  Moi, j'ai regardé par l'objectif de ma caméra. J'ai suivi la colonne de

  5   bus, et ça ne donnait pas une bonne impression, on avait l'impression que

  6   le "DutchBat" aidait au départ forcé de ces personnes. Donc j'en ai parlé à

  7   mon collègue. Il n'était pas de mon avis. Lui, il a dit : "Il n'y a pas de

  8   problème. On ne prête pas assistance." Il y a eu un peu une altercation.

  9   J'ai dit : "Peu m'importe quelle est votre opinion, je peux vous dire que

 10   ça ne donne pas une impression des meilleures de ce que font les Nations

 11   Unies ici sur le terrain. Or, ça c'est plus important que votre avis

 12   personnel." Et la confrontation s'est terminée parce qu'un autre collègue

 13   est arrivé et nous nous sommes arrêtés de parler.

 14   Q.  Est-ce qu'au paragraphe 81, vous faites état de cette divergence

 15   d'opinion ?

 16   R.  Oui, nous avions une divergence d'opinion.

 17   Q.  Et après cette confrontation, l'opération de départ en bus s'est

 18   poursuivie ?

 19   R.  Oui, elle a repris. Pratiquement aussitôt.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et vous avez le même grade tous les deux

 21   ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas tout à fait, il était lieutenant de

 23   première classe, et moi j'étais sous-lieutenant ou lieutenant de deuxième

 24   classe.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, je ne m'y connais pas très

 26   bien, qui était le plus haut gradé des deux ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Le lieutenant de première classe, bien

 28   entendu.


Page 21998

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Mme WEST : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   Vous avez la parole, Monsieur Karadzic -- un instant, s'il vous plaît.

  6   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soyons clairs, toutes les pièces

  8   connexes ont été versées au dossier et recevrons en temps utile chacune une

  9   cote.

 10   Oui, Mon Colonel, vous le voyez, il y a une déclaration consolidée qui a

 11   été versée en lieu et place de votre interrogatoire principal fait dans

 12   d'autres procès et c'est ce qui va faire l'objet du contre-interrogatoire

 13   de M. Karadzic.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

 16   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Rutten. Vous 

 18   m'entendez ?

 19   R.  Je vous ai reçu cinq sur cinq.

 20   Q.  Merci. Je vous demande ceci : maintenez-vous toujours ce que vous avez

 21   dit, à savoir que vous n'êtes pas disposé à nous laisser consulter vos

 22   carnets de notes ?

 23   R.  C'est exact.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Affichons les notes de récolement

 25   confidentielles -- je ne sais pas si elles ont été versées au dossier déjà

 26   par l'Accusation, il s'agit du document 1D04724. Page 2, s'il vous plaît.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Vous voyez que c'est la première fois ici que vous refusez de nous


Page 21999

  1   laisser consulter vos carnets, n'est-ce pas ?

  2   R.  Exact.

  3   Q.  Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ceci a déjà été versé au dossier ?

  5   Si ce n'est pas le cas, j'en demande le versement.

  6   Mme WEST : [interprétation] Puis-je m'adresser à vous, Monsieur le

  7   Président ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  9   Mme WEST : [interprétation] C'est un document de plusieurs pages. Le témoin

 10   vient d'identifier une partie seulement d'un document pourtant très long,

 11   et je pense que la totalité du document n'a pas été authentifiée par le

 12   témoin et ne devrait dès lors pas être versée.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous dites qu'il n'a pas été authentifié

 14   ? Qu'est-ce que vous voulez dire exactement ? Vous voulez dire qu'on n'a

 15   pas posé des questions sur tout le document ?

 16   Mme WEST : [interprétation] Si j'ai bien compris M. Karadzic, il lui a posé

 17   une question sur une seule phrase. Le témoin a répondu qu'elle était

 18   exacte. Et je pense que s'il y avait des questions sur tout le document, le

 19   témoin ne voudrait pas y répondre, donc je ne pense pas que la totalité du

 20   document doit être authentifiée.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Où est-ce qu'elle se trouve,

 22   cette phrase, tout d'abord, Monsieur Karadzic ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] "Encore des photos. Est prêt à les mettre à

 24   disposition si on donne une indication de ce qu'on recherche. Il a un

 25   carnet, un journal de bord, contenant des notes personnelles qu'il préfère

 26   ne pas communiquer."

 27   Mais je vais revenir sur ce document plus tard. Cependant, si ceci pose

 28   problème maintenant, contentons-nous pour le moment de consulter la


Page 22000

  1   première page, qui porte le numéro R0113820.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, Madame West, vous ne vous opposez

  3   pas au versement de cette page-là ainsi que de la page de garde, n'est-ce

  4   pas ?

  5   Mme WEST : [interprétation] Exact.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser ces deux pages-là.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1951.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   1D04884, c'est le document que je voudrais faire afficher maintenant.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Ce sont des notes que vous avez fournies ce mois-ci, n'est-ce pas, ou

 12   en tout cas récemment, et vous y confirmez que vous n'êtes pas disposé à

 13   nous permettre de consulter ces journaux qui sont les vôtres, n'est-ce pas

 14   ?

 15   R.  Exact.

 16   Q.  Merci.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, si le témoin confirme

 19   le contenu du document, est-il utile de le verser de façon distincte ?

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Non, ce n'est pas nécessaire. Ne serait-il

 21   pas préférable de préciser la date de rédaction du document, celle du 16

 22   novembre 2011, et qui fait état d'une discussion qui s'est déroulée le 14

 23   novembre 2011 ? Mais ceci étant dit, je pense que tout ce qui a été dit

 24   dans ce document est désormais acté au compte rendu d'audience de l'espèce.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  A la page 34 du compte rendu d'aujourd'hui, vous répondiez à une


Page 22001

  1   question que vous posait le Juge Kwon. Je veux précisément moi-même poser

  2   cette question. Vous avez dit : "Par rapport à ce que je sais aujourd'hui,"

  3   puis vous avez présenté votre opinion. Mais ça m'inquiète. Comment allons-

  4   nous faire la différence entre ce que vous saviez et ce que vous avez vu à

  5   l'époque, ce que vous pouvez confirmer comme étant un fait de l'époque

  6   d'une part, et ce qui a changé depuis sous l'influence des médias et

  7   d'autres événements qui se sont déroulés ?

  8   R.  Je m'appelle Rutten, et pas von Rutten. Je ne suis pas issu d'une

  9   famille noble allemande. Je suis un simple Néerlandais. C'est la première

 10   précision que je veux vous apporter. Autre chose, je réponds ainsi à votre

 11   question : si j'ai répondu cela, c'est que, sachant ce que nous savons

 12   aujourd'hui, nous en savons bien plus long, et aussi dans l'armée, de ce

 13   qu'il en est de la différence entre des opérations d'information et des

 14   opérations psychologiques. Et ma deuxième phrase donnait une précision. Je

 15   vous ai dit que mon opinion c'était qu'on s'était arrêté de filmer aussitôt

 16   après avoir donné de l'eau, du pain et des bonbons aux enfants, et après ce

 17   que nous avons vu deux jours plus tard. Deux jours plus tard, par

 18   communication satellitaire, nous avons vu à l'écran une situation idéale --

 19   idyllique de la façon de traiter la population musulmane de l'enclave. Or,

 20   ce n'était pas ce qui se passait sur le terrain là-bas en 1995.

 21   Q.  Merci. Ce point ne m'intéresse pas pour le moment. Nous y reviendrons

 22   car vous en avez parlé plus d'une fois. Est-ce que vous comprenez pourquoi

 23   la Défense a besoin de vos carnets ? Parce qu'ils sont contemporains de

 24   l'époque, alors que ce que ce que vous pensez aujourd'hui c'est, si vous

 25   voulez, l'amalgame, le résumé, de ce tout ce que vous avez lu ou vu depuis.

 26   N'êtes-vous pas d'accord pour penser avec moi que ces carnets nous seraient

 27   utiles, que ça nous dirait ce que vous pensiez à l'époque ?

 28   R.  Je ne suis pas un homme parfait, Monsieur Karadzic. Je n'ai pas un


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  1   souvenir parfait des événements, mais depuis 1995, il y a eu tellement de

  2   déclarations en mon nom, tellement de documents qui ont été préparés, donc

  3   c'est la situation telle qu'elle s'est présentée. Et mon carnet, ce n'est

  4   pas un carnet précis; c'est simplement un carnet dans lequel je consigne ce

  5   qui s'est passé tous les jours. C'est simplement ce que j'écris pour me

  6   préparer à la prochaine déposition, ni plus ni moins. Ce sont des notes

  7   personnelles, c'est tout.

  8   M. ROBINSON : [interprétation] Puis-je intervenir pour demander si on peut

  9   demander au témoin si on lui permettait d'expurger des notes personnelles

 10   qui ne concernent pas les événements survenus à Srebrenica, est-ce qu'il

 11   serait prêt à nous laisser consulter ce qui resterait du carnet.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Posez la question vous-même.

 13   M. ROBINSON : [interprétation]

 14   Q.  [interprétation] Je pense que vous avez entendu ma question. Est-ce

 15   que, avec ces expurgations, vous seriez prêt à nous laisser lire ces

 16   carnets ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Pourquoi pas ?

 19   R.  J'ai dit que c'est un document personnel. Je veux qu'il reste

 20   personnel, et je l'ai déjà dit. J'ai déjà dit pourquoi. Il y a eu tellement

 21   de documents en mon nom peu de temps après la chute de l'enclave qu'ils

 22   sont suffisamment spécifiques et ils sont recadrés dans une période où

 23   j'avais encore un excellent souvenir des événements.

 24   Q.  Merci. Et quand avez-vous pour la dernière fois relu ces notes de vos

 25   carnets avant de venir témoigner ici ?

 26   R.  La semaine dernière.

 27   Q.  Pour mieux vous remémorer les événements en vue de votre déposition ?

 28   R.  Oui.


Page 22003

  1   Q.  Merci.

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Je voudrais faire une requête de production

  3   forcée des carnets, mais peut-être que nous pourrions présenter cette

  4   requête en dehors de la présence du témoin pour ne pas perdre du temps.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  6   M. ROBINSON : Je vous remercie.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Karadzic.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur Rutten, excusez-moi, je vous ai accordé des titres de

 11   noblesse. Ce n'était pas intentionnel de ma part, mais il y a beaucoup de

 12   Néerlandais qui portent ce préfixe "van" avant leur nom. Alors, j'aimerais

 13   savoir si vous avez été promu depuis ce moment-là dans l'armée ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous étiez lieutenant puis vous avez été promu, et maintenant vous êtes

 16   colonel ?

 17   R.  Oui, vous avez raison.

 18   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qui en est du reste de vos camarades,

 19   Karremans par exemple, ainsi que les autres ? Est-ce qu'ils sont restés

 20   dans l'armée ? Est-ce qu'ils ont été promus, eux ?

 21   Mme WEST : [interprétation] Je ne vois pas la pertinence de cette question

 22   qui porte sur les promotions.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis d'accord.

 24   Continuez, Monsieur Karadzic, s'il vous plaît.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je ne suis pas du même avis. Je pense que

 26   c'est pertinent parce qu'il y a eu des divergences de point de vue,

 27   d'opinions, et des divergences au niveau de l'évolution des carrières entre

 28   M. Rutten et les autres.


Page 22004

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, continuez, s'il vous

  2   plaît. Prenez un autre sujet maintenant.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Quel a été le rôle principal que vous avez joué à Srebrenica ?

  6   R.  Le rôle principal, j'étais commandant d'une section antichar, et

  7   puisque mes hommes travaillaient au poste d'observation, eh bien, j'étais

  8   chargé de coordonner les patrouilles dans la partie nord de l'enclave et

  9   j'étais officier du renseignement de la compagnie vis-à-vis du bataillon.

 10   Q.  C'est exactement ce qui est écrit au paragraphe 4 de votre déclaration.

 11   C'était votre deuxième fonction. Votre première était de commander une

 12   section ou un peloton antichar ?

 13   R.  Exact.

 14   Q.  Mais vous étiez officier du renseignement. En tant que tel, vous deviez

 15   avoir connaissance de la situation et des effectifs qui se trouvaient dans

 16   les environs et vous deviez en faire rapport à vos supérieurs ?

 17   R.  Si nous avions une vision plus longue que les lignes de vision que nous

 18   avions dans l'enclave, parce qu'il y a dans l'enclave une partie

 19   montagneuse bien plus en profondeur, et c'est là que se trouvaient les

 20   Serbes, la VRS. Effectivement, si nous avions avoir pu connaissance de ça,

 21   nous aurions mieux connu la spécificité de la situation.

 22   Q.  Merci. Vous vous êtes exprimé dans les procès Krstic et Tolimir. Je

 23   vais vous donner les références. Vous avez déposé le 12 septembre 2011 dans

 24   le procès Tolimir, page 178 835; dans le procès Krstic, le 5 avril 2000,

 25   page 1 173, et à cette même page, vous avez parlé de l'inspection de

 26   convois et vous avez dit que jamais vous n'aviez détecté la présence

 27   d'armes. Alors, est-ce que vous vous êtes dit qu'il fallait mettre fin à

 28   ces inspections puisqu'on n'avait pas trouvé d'armes ?


Page 22005

  1   R.  D'après ce que je sais, on n'a jamais trouvé d'armes dans ces convois.

  2   Mais je n'ai pas compétence à ce moment-là pour dire qu'il faut empêcher ou

  3   mettre fin aux inspections par la VRS de ces convois.

  4   Q.  Merci, Monsieur. Mais vous présentez les choses comme étant votre

  5   objection, et c'est ce que vous reprochez aux Serbes, non ?

  6   R.  Pour ce qui est des convois, voici comment était la situation : au

  7   cours de cette période, il y a beaucoup moins de convois qui sont arrivés.

  8   Ils étaient vérifiés quand ils passaient par le poste d'observation Papa,

  9   vérifiés par la VRS lorsqu'ils entraient dans l'enclave, et nous, nous les

 10   vérifiions, les inspections, au moment du déchargement près de l'entrepôt

 11   dans la ville même de Srebrenica. Et jamais nous n'avons vu d'armes sortir

 12   de ces convois des Nations Unies.

 13   Q.  Ce qui m'intéresse davantage, c'est votre attitude à l'égard de ces

 14   inspections. Savez-vous qu'en vertu des conventions de Genève, la VRS avait

 15   le droit d'inspecter, non seulement les transports, mais aussi la façon

 16   dont l'aide était distribuée ? Est-ce que vous le savez, cela ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Merci. En tant qu'officier du renseignement, vous avez donné votre avis

 19   qui était de dire qu'il y avait du matériel militaire qui est arrivé mais

 20   pas en grandes quantités. Vous l'avez dit dans le procès Krstic, page 2

 21   174, et donc vous saviez qu'il y avait arrivage de matériel militaire mais

 22   que ce n'était pas en grandes quantités; est-ce exact ?

 23   R.  C'est plus tard que nous avons vu un peu d'équipement pendant mon

 24   service à Srebrenica, au printemps, mais nous n'avons pu vérifier d'où ce

 25   matériel venait exactement. En tout cas, nous n'avons jamais vu cet

 26   équipement arriver par convois des Nations Unies.

 27   Q.  Mais qu'en est-il des nouveaux uniformes et des nouvelles kalachnikovs

 28   ?


Page 22006

  1   R.  Il semblait qu'il y avait une ligne qui passait par les montagnes, par

  2   la partie sud de l'enclave, de l'armée musulmane, mais ça s'est passé à un

  3   moment où on n'était pas en mesure de parfaitement contrôler la partie sud

  4   de la frange méridionale de l'enclave.

  5   Q.  Merci. Et vous avez ajouté que vous n'avez qu'à moitié réussi à

  6   désarmer les gens qui étaient dans la zone démilitarisée de Srebrenica.

  7   N'était-ce pas là une de vos missions, n'aviez-vous pas à démilitariser les

  8   zones de protection pour vous assurer qu'il n'y avait ni effectifs, ni

  9   armes à l'intérieur de cette zone ?

 10   Mme WEST : [interprétation] Désolée d'interrompre. Donnez-nous une page

 11   comme référence.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si le témoin le confirme, je ne vois pas

 13   pourquoi perdre de temps là-dessus. Enfin, c'est dans l'affaire Krstic, 2

 14   166 est la pagination.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Donc vous avez compris qu'ils avaient des armes de petit calibre, des

 17   mortiers légers et des mortiers portatifs. Puis vous avez dit une page plus

 18   loin que ce n'est qu'à moitié que vous avez réussi à désarmer l'enclave ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous répondre ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est toujours un problème que nous avons

 21   rencontré lorsque nous avons cherché à désarmer les gens de l'ex-République

 22   yougoslave parce qu'il y a encore des armes dans l'ex-Yougoslavie, et nous

 23   n'avons jamais réussi à désarmer ces gens. Et à ce stade, je dois dire que

 24   nous n'avions pas le contrôle entier sur le désarmement de la population

 25   musulmane de l'enclave.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que d'après

 28   la loi de la guerre, d'après le droit international de la guerre, eh bien,


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  1   il faut bien désarmer les gens et il faut bien que quelqu'un soit en charge

  2   du contrôle du désarmement pour que seuls les civils restent à l'intérieur

  3   des enclaves, qu'il n'y ait plus d'armée à l'intérieur ?

  4   R.  La possession des armes ne signifie pas qu'il y ait du personnel

  5   militaire dans l'enclave. Nous savons parfaitement comment les choses se

  6   sont passées dans le passé dans l'ex-Yougoslavie. J'ai beaucoup lu là-

  7   dessus. Nous savons que la population de l'ex-Yougoslavie a toujours été

  8   bien armée pendant toutes ces décennies qui ont précédé la guerre.

  9   Q.  Je vous remercie de cette explication. Nous allons présenter des

 10   documents pour étayer notre position. Mais est-ce que vous êtes d'accord

 11   pour dire qu'à partir du moment où il y a un accord de zone de sécurité,

 12   cela implique qu'à l'intérieur de la zone il y a des civils qu'il faut

 13   protéger, qu'il ne peut pas y avoir d'armes ni d'unités armées à

 14   l'intérieur de la zone ?

 15   R.  Oui, vous avez raison.

 16   Q.  Merci. Alors, qui avait la charge de désarmer ces gens-là, la VRS ou la

 17   FORPRONU ?

 18   R.  La FORPRONU.

 19   Q.  Mais la FORPRONU ne l'a pas fait, n'est-ce pas ?

 20   R.  C'est à cela que nous nous sommes occupés pendant la période où nous

 21   étions dans l'enclave, et je n'ai jamais déclaré et mon commandant n'a

 22   jamais déclaré que nous avions complètement rempli notre mission, cette

 23   mission-là.

 24   Q.  Mais à l'instant, vous venez de dire que le fait qu'il y ait des armes

 25   ne signifie pas qu'il y a à cet endroit une armée. Alors, est-ce que vous

 26   estimez que dans la zone de sécurité de Srebrenica, il n'y avait pas la

 27   présence de la 28e Division, qui comportait des milliers de soldats ?

 28   R.  Placées sous le commandement de Naser Oric, il y avait des parties de


Page 22008

  1   la 28e Division dans l'enclave.

  2   Q.  Ils étaient combien, d'après vos informations ? Vous étiez un officier

  3   du renseignement, vous étiez censé le savoir.

  4   R.  Je n'ai pas de chiffre à vous donner là-dessus.

  5   Q.  D'accord. Il me semble qu'à un endroit vous avez dit que c'était des

  6   réfugiés, que ce n'était pas des unités armées à proprement parler ?

  7   R.  La plupart des gens étaient des réfugiés, oui.

  8   Q.  Et si je vous soumets qu'il y avait sept unités armées qui faisaient

  9   partie de la 28e Division, qu'ils avaient un système de transmission et

 10   qu'ils étaient en communication quotidienne avec l'état-major qui leur

 11   confiait des missions, alors comment réagissez-vous à cette affirmation ?

 12   R.  Je n'exclus pas que cela soit vrai.

 13   Q.  Et si je vous soumets la chose suivante : tout de suite après la

 14   démilitarisation, 12 000 soldats sont restés sur place, et jusqu'en juillet

 15   1995, ce chiffre s'est réduit pour qu'il ne reste que 6 000 soldats à la

 16   fin, que me direz-vous ?

 17   R.  Si ce sont les chiffres que vous avez, il se peut que ce soit ça la

 18   situation. Nous n'avons pas de chiffres là-dessus.

 19   Q.  Je vous remercie.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage dans le prétoire

 21   électronique du document 1D4880.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que vous avez échangé vos informations avec vos camarades, vos

 24   collègues ? Est-ce qu'il y a eu des réunions d'information lors de vos

 25   réunions d'état-major ?

 26   R.  Oui, il y a eu des réunions d'information lors des réunions de l'état-

 27   major.

 28   Q.  Lorsque M. Franken était au courant de quelque chose, normalement vous


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  1   étiez censé le savoir vous aussi; c'est bien cela ?

  2   R.  Oui, normalement, mais je n'étais pas toujours présent aux réunions

  3   d'information parce que j'étais le coordinateur des patrouilles, donc

  4   j'étais souvent en déplacement dans l'enclave.

  5   Q.  D'accord, j'admets. Mais alors, il me faut savoir exactement sur quoi

  6   vous pouvez témoigner de manière souveraine, de première main, pour

  7   distinguer cela d'information de seconde main. Donc, est-ce que vous avez

  8   entendu parler de Sefer Halilovic ?

  9   R.  Non, ce n'est pas un nom que je connaisse particulièrement.

 10   Q.  Je vais vous en parler. Sefer Halilovic a été le premier commandant de

 11   l'ABiH -- pas le commandant suprême, parce que c'était M. Izetbegovic qui

 12   était le commandant suprême, mais il a été le chef de l'état-major.

 13   Regardez la ligne ici, s'il vous plaît. Voyez ce qui est dit, que sur le

 14   plan des quantités, les chiffres ont été réduits. Donc la 28e Division ne

 15   compte plus 12 000, ne compte plus que 6 000 hommes environ. Puis il fait

 16   quelques remarques au sujet de cette réduction, demande pourquoi. Il

 17   critique cela, critique de l'avoir fait, il les critique.

 18   Et puis, voyez ce paragraphe : "Depuis 1993…," et cetera. Est-ce que

 19   vous saviez que les autorités musulmanes, en fait, ne prêtaient pas une

 20   très grande importance à Srebrenica et à Zepa ?

 21   R.  Non, à ce moment-là, je ne le savais pas.

 22   Q.  Alors, est-ce que cela vous étonnera de voir qu'ils n'arrêtaient pas

 23   d'insister sur le fait qu'il fallait procéder à l'échange entre ces

 24   enclaves et les banlieues serbes de Sarajevo ?

 25   R.  C'est la première fois que je vois ce document. Vous voulez que je vous

 26   témoigne là-dessus ? Alors, il faudrait tout d'abord que je lise la

 27   totalité du document avant de pouvoir vous en parler.

 28   Q.  D'accord. Mais voyez cette dernière phrase ici.


Page 22010

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et puis, on tournera la page.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que vous saviez qu'une très grande offensive venait d'être

  4   lancée par les forces musulmanes à Sarajevo contre les Serbes le 15 juin ?

  5   "L'opération de levée du siège --

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut tourner la page, s'il vous

  7   plaît.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  "Le siège de Sarajevo a commencé le 15 juin 1995 et les Chetniks sont

 10   entrés dans Srebrenica le 11 juillet…"

 11   Est-ce que vous saviez qu'il y avait cette grande offensive à

 12   Sarajevo et que la 28e Division avait renforcé ses activités d'offensive

 13   pour forcer les forces serbes à se battre sur plusieurs fronts ? Et donc, à

 14   partir du 15 juin, l'offensive est permanente, l'offensive des forces

 15   musulmanes contre les forces serbes ?

 16   R.  Si cela figure dans ce document, je suppose que c'était nécessairement

 17   le cas, mais à l'époque je ne le savais, pas, et je ne le sais pas non plus

 18   aujourd'hui.

 19   Q.  Mais c'est ce qui m'inquiète, justement. Vous étiez officier du

 20   renseignement, vous étiez coordinateur des observateurs, alors comment ça

 21   se fait que vous n'ayez pas remarqué que la 28e Division était en pleine

 22   action contre les forces serbes à partir de la mi-juin, et ce, jusqu'au 11

 23   juillet ?

 24   R.  Je dois dire que cela ne s'est pas déroulé au niveau de l'enclave ou à

 25   proximité. Ce de quoi vous parlez ne se passe pas directement dans

 26   l'enclave, ne se passe pas à la frontière de l'enclave. Je n'ai pas vu ce

 27   type d'activité contre la VRS.

 28   Q.  Je vous remercie.


Page 22011

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut verser ce document au

  2   dossier.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dites-nous, s'il vous plaît, de quoi il

  4   s'agit, de quel genre de document il s'agit ? Ce serait le livre de M.

  5   Halilovic en anglais ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais nous avons déjà utilisé cela. Ça comporte

  7   déjà des annotations ainsi qu'une numérotation ERN. C'est un chapitre du

  8   livre de Sefer Halilovic "La stratégie rusée", livre dans lequel, entre

  9   autres, il aborde la question des événements de Srebrenica. Or, il a été le

 10   commandant suprême ou, enfin, il a été le commandant principal, le

 11   commandant militaire numéro un.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vous demande pas qui était M.

 13   Halilovic.

 14   Madame West.

 15   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Premièrement, le

 16   témoin a dit qu'il n'avait jamais eu l'occasion de voir ce document. Et il

 17   ne savait pas qui est M. Halilovic. En répondant, page 54, ligne 15, il dit

 18   : "Si c'est ce qui est écrit dans ce document, alors je suppose que c'est

 19   vrai, mais je ne le savais pas à l'époque, et je ne le sais pas

 20   aujourd'hui."

 21   Donc il n'a aucun moyen d'authentifier ce document et ce document ne devait

 22   pas être versé au dossier.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document a à voir avec l'existence de

 24   la 28e Division et aussi avec son effectif, et le témoin en a parlé. Est-ce

 25   que cela a à voir avec la crédibilité du témoin ? Vous n'avez pas contesté,

 26   n'est-ce pas, l'authenticité de ce document ?

 27   Mme WEST : [interprétation] Honnêtement, je ne peux pas en parler puisque

 28   le témoin ne nous a fourni aucun élément d'information sur son


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  1   authenticité. En fait, s'agissant de l'effectif de la division,

  2   précédemment on lui a posé des questions sur les 12 000 réduits à 6 000, et

  3   il a dit qu'à ce moment-là il ne le savait pas. Donc il ne peut pas en

  4   parler. Il ne peut pas parler de l'authenticité de ce document, et

  5   l'Accusation ne peut pas le faire non plus.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour ce qui est de l'authenticité de ce

  7   document, pourriez-vous nous dire d'où il vient ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Manifestement, c'est le bureau du Procureur qui

  9   l'a obtenu et l'a saisi dans le système ERN. C'est en rapport avec le

 10   paragraphe 9 de la déclaration consolidée, quand on parle des forces

 11   militaires se trouvant dans et en dehors de l'enclave. Et le témoin en a

 12   parlé. Il a dit qu'il n'y avait pas véritablement de structure, qu'il y

 13   avait des groupes de plusieurs centaines d'hommes --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Moi, je parle de l'authenticité, pas du

 15   contenu du document. Si je vous ai bien compris, vous ne savez pas du tout

 16   sur quoi porte ce document ni d'où il vient ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais du système EDS. Ce numéro porte un numéro.

 18   Et je connais le livre aussi. Il est bien connu, et je vais m'en servir

 19   souvent d'ailleurs. Mais ceci, ça s'est trouvé dans le système EDS, ou il

 20   se pourrait même que ce soit le bureau du Procureur qui me l'ait

 21   communiqué.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et vous n'avez aucune information à nous

 23   donner quant à ce document, Madame West ?

 24   Mme WEST : [interprétation] Non.

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'on peut poser des questions à

 26   l'Accusation puisqu'elle l'a dans ses différents documents. Il y a le

 27   numéro R, donc on sait que ça vient de l'article 70. On ne sait pas très

 28   bien d'où vient ce document, mais l'Accusation le sait.


Page 22013

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Mais pourquoi discuter de ceci 

  3   ici ? Pourquoi demander encore, en plus, au Procureur de savoir d'où vient

  4   ce document alors que l'accusé aurait pu se servir de l'extrait du livre

  5   pour commencer ? Et on peut se demander si l'information fournie par le

  6   témoin suffit pour bien recadrer l'information ou pour authentifier les

  7   affirmations qu'on trouve dans le livre ou pas. Mais pourquoi s'intéresser

  8   à ce document en particulier plutôt que de s'intéresser au livre même ? Je

  9   ne vois pas très bien.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai posé une question au témoin à propos du

 13   nombre de soldats de l'armée musulmane dans l'enclave. Paragraphe 9, alinéa

 14   (c) de la déclaration --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour le moment, ce qui m'intéresse

 16   uniquement, c'est l'authenticité du document.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais on peut donner une cote provisoire MFI, et

 18   puis on montrera le livre. On a quand même reçu le document de

 19   l'Accusation.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document concerne des événements dont

 22   l'accusé dit que vous deviez avoir connaissance, Monsieur le Témoin, ou

 23   concerne des événements survenus pendant votre présence sur place. Donc

 24   nous avons une justification pour le verser, mais comme nous ne sommes pas

 25   encore satisfaits de l'authenticité du document, il recevra une cote

 26   provisoire.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1952 MFI.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Karadzic.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   Examinons rapidement 1D4885.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce que vous voyez ici, Monsieur Rutten, 17 août 1994, une année et

  5   demie après que cette région soit devenue une zone de sécurité ? Voyez ici,

  6   on a la 280e, la 281e, la 282e, la 283e, la 284e Brigades et un bataillon

  7   indépendant de Srebrenica, ainsi que la 285e à Zepa, mais ça, ça dépasse

  8   votre zone, n'est-ce pas ? Regardez les unités de l'ABiH, il y en a sept.

  9   Au paragraphe 9, vous, vous dites dans votre déclaration qu'il n'y avait

 10   pas de véritable structure de l'ABiH, n'est-ce pas ?

 11   R.  Il n'y en avait pas quand nous y étions. Moi, je n'ai jamais vu ce

 12   document auparavant. Je vous ai dit que nous n'étions pas bien placés du

 13   tout pour avoir des renseignements dans l'enclave, et par les filières

 14   onusiennes, nous avons reçu encore moins d'information en matière de

 15   renseignements.

 16   Q.  Certes, mais vous avez dit n'avoir jamais su où se trouvait leur QG et

 17   que vous n'aviez jamais été à ce QG ?

 18   R.  Exact.

 19   Q.  Est-ce que vous n'y êtes pas allés parce que vous n'aviez pas envie d'y

 20   aller ou est-ce que des contraintes vous avaient été posées qui vous

 21   empêchaient de le faire ?

 22   R.  Mais on ne savait pas où il était, ce QG. Vous venez de me montrer un

 23   document qui n'indique pas que nous savions où était leur QG, à savoir que

 24   le "DutchBat" savait où se trouvait leur QG. Vous me montrez ici qu'il y

 25   avait des unités dans l'enclave. Mais moi je n'ai jamais vu ce document;

 26   c'est la première fois que je le vois.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Examinons le document -- non attendez, je


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  1   demande d'abord le versement de ce document-ci. C'est un télégramme.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et quelle en est l'origine ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est ma Défense qui l'a obtenu des archives de

  4   l'ABiH, et c'est un télégramme par lequel Naser Oric répond à son état-

  5   major principal le 20 août 1994, et vous voyez le numéro d'ordre. Il y a

  6   tout ce qu'il faut. Il y a en plus un numéro ERN des archives du bureau du

  7   Procureur, mais je n'ai pas retrouvé le numéro ERN.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Moi, je ne vois aucun numéro ERN sur

  9   cette page, et il a l'air assez neuf ce document.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est un télégramme que nous avons obtenu,

 11   que ma Défense a obtenu, mais je suis sûr que le bureau du Procureur l'a

 12   aussi. On peut lui donner une cote provisoire, et après avoir trouvé le

 13   numéro ERN, nous vous le donnerons.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West.

 15   Mme WEST : [interprétation] Nous le recherchons nous aussi. Dès que nous

 16   avons davantage d'information, nous vous en ferons part.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Cote provisoire, Monsieur le

 18   Greffier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 1D1953 MFI.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   Numéro de la liste 65 ter 03231. Paragraphe 2.34. Je le lis :

 23   "Les forces de l'ABiH de l'enclave sont organisées en quatre brigades qui

 24   représentent en tout des effectifs s'élevant à 3 000 à 

 25   4 000 hommes. Il y a pratiquement uniquement des armes légères, auxquelles

 26   s'ajoute un emploi limité de mitrailleuses, d'armes antichar et de

 27   mortiers. En dépit du fait que le 'DutchBat', conformément à sa mission, a

 28   tout fait pour désarmer l'ABiH, le bataillon n'y a réussi qu'à moitié. Les


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  1   unités régulières de la BiH étaient renforcées par la milice locale. Il

  2   était assez difficile de prévoir les opérations, car les unités étaient mal

  3   formées et fort peu disciplinées…," et cetera.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Savez-vous que ceci s'est dit lors d'une des séances de débriefing au

  6   ministère néerlandais, me semble-t-il ? Est-ce que vous avez ces éléments

  7   d'information ? Vous les connaissez ?

  8   R.  Il se peut que je l'aie lu au cours de ces 16 dernières années, c'est

  9   bien possible, mais il existe ces informations. Mais ceci était la remarque

 10   que je vous faisais, à savoir qu'il y avait des groupes distincts. La

 11   dernière phrase ne dit-elle pas ce que j'ai déjà dit ? C'était ce que nous

 12   avons vu sur le terrain, c'est des unités à peine formées et fort peu

 13   disciplinées.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, l'Accusation n'a demandé le

 15   versement que d'un paragraphe de ce rapport de mise au point. Quel était ce

 16   débriefing ou cette mise au point de retour d'information ?

 17   Mme WEST : [interprétation] Oui. Ici, c'est le rapport d'Assen effectué par

 18   le gouvernement néerlandais en septembre 1995 au cours duquel plusieurs

 19   personnes ont été entendues, Ça fait plus de 100 pages.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A l'avenir, incluez la première page

 21   pour que les Juges sachent sur quoi porte le document.

 22   Mme WEST : [interprétation] Fort bien, je le ferai.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Au paragraphe 9 de votre déclaration consolidée, je pense qu'on y voit

 27   des failles. Il y avait bien une structure qui existait. Pourtant, dans ce

 28   paragraphe, vous avez déclaré que vous n'aviez aucun renseignement


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  1   indiquant que l'ABiH ait quitté l'enclave pour mener à l'extérieur de

  2   l'enclave des opérations. Or, ceci nous montre qu'elle a bien mené des

  3   actions qui étaient imprévisibles parce que les éléments n'étaient pas

  4   disciplinés, n'est-ce pas ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voulez-vous voir le paragraphe 9 de

  6   votre déclaration consolidée ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, affichons le document.

  9   Mme WEST : [interprétation] J'ai une copie, une version imprimée.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce serait plus utile. Merci.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le commandant

 13   Nikolic vous en a parlé. Et dans d'autres paragraphes de votre déclaration,

 14   on voit que vous n'avez pas cru un mot de ce que vous disaient les Serbes,

 15   que vous n'avez rien vérifié, n'est-ce pas ?

 16   R.  Ce n'est pas exact, pas tout à fait. En effet, nous n'étions tout

 17   simplement pas en mesure de vérifier car nous ne pouvions pas dépasser la

 18   limite de l'enclave. On n'avait pas de liberté de mouvement à l'extérieur

 19   de l'enclave, donc nous -- il n'était même pas possible d'aller vérifier.

 20   Q.  Mais est-ce que vous avez envoyé un rapport à propos de ce que vous

 21   avait dit le commandant Nikolic, à savoir que la nuit précédente, ils

 22   étaient sortis de l'enclave, avaient brûlé des villages et avaient tué des

 23   villageois ? Est-ce que vous avez envoyé ça dans un rapport quel qu'il soit

 24   ?

 25   R.  Voici ce que vous faites maintenant : vous parlez d'untel jour, d'un

 26   moment précis, mais ce n'est pas comme ça que ça s'est passé. La VRS ne

 27   cessait de nous parler de situations qui s'étaient peut-être produites,

 28   mais comme on n'avait aucun contrôle, aucune liberté de circulation pour


Page 22018

  1   aller vérifier ce qui nous était dit, il était inutile de vérifier toutes

  2   ces rumeurs qui venaient de tout le monde et n'importe qui, qui nous

  3   rapportait tout le temps des choses.

  4   Q.  Mais est-ce que vous niez le fait que ces forces que vous étiez censés

  5   désarmer -- n'étiez-vous pas supposé transformer la zone en zone

  6   démilitarisée ? Alors, est-ce que vous niez que ces forces sont sorties,

  7   sont allées incendier des villages et ont tué au moins 4 000 civils parmi

  8   lesquels il y avait à peine quelques soldats ? Est-ce que vous contestez

  9   tout cela ? Vous le niez ?

 10   R.  Je ne le conteste pas. Je ne le nie pas. A l'époque, on ne savait pas

 11   ce qui se passait en dehors de notre champ de vision. Je ne pouvais parler

 12   que de cela. C'est ce que je vous ai dit précédemment. On ne pouvait parler

 13   que de ce qu'on pouvait voir. Je l'ai dit au paragraphe 9 :

 14   "Même quand on était sur la limite de l'enclave, par exemple, au

 15   poste d'observation Oscar en octobre [comme interprété], il n'était pas

 16   possible de voir les villages serbes dans notre champ de vision. On ne

 17   pouvait donc pas voir s'il y avait eu des attaques sur les villages."

 18   C'était dans le document. Je ne vois pas la pertinence de ces

 19   questions.

 20   Q.  Bon, d'accord. Mais saviez-vous qu'il s'agissait d'unités qui étaient

 21   sous votre protection ? Comment se fait-il que vous ne les ayez pas vus

 22   faire des sorties, procéder à des pillages et s'impliquer dans toutes

 23   sortes d'activités ?

 24   R.  Notre bataillon n'était composé que de 350 soldats -- il s'agissait en

 25   fait d'un bataillon d'infanterie. Cela signifie que nous n'étions pas dans

 26   l'enclave de toute façon, puisque la VRS ne les avait pas autorisés à

 27   retourner dans l'enclave. Par conséquent, nous nous trouvions dans une

 28   situation très difficile à l'intérieur de l'enclave. Il était difficile


Page 22019

  1   d'avoir des personnes qui occupaient les différents postes d'observation.

  2   Nous avions très peu de personnel qui était resté dans l'enclave - et là je

  3   ne parle pas du personnel d'infanterie, je parle du personnel de logistique

  4   - ce qui signifie qu'il était quasiment impossible de pouvoir bien observer

  5   la frontière. Donc, encore une fois, je pense que vous étiez au courant de

  6   la situation dans laquelle se trouvait le Bataillon néerlandais. Par

  7   conséquent, je ne vois pas où est la pertinence de cette question.

  8   Q.  Merci. J'aimerais savoir si M. Akashi était au courant de cela ? Si

  9   vous n'étiez pas au courant, comment se fait-il que M. Akashi était au

 10   courant ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on afficher le document 1D4882, s'il

 12   vous plaît. Je répète, 1D4882.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Il s'agit d'un document de janvier 1994, un télégramme, en fait, qui a

 15   été envoyé par M. Akashi au Secrétaire général pour information à

 16   l'attention de Kofi Annan.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on passer à la page suivante, s'il

 18   vous plaît.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que vous pourriez consulter le paragraphe numéro 4, où M. Akashi

 21   explique que la question des rotations n'est pas le problème, mais il

 22   s'agit plutôt du contrôle approprié et du bon usage des aérodromes et

 23   également des zones de sécurité. Et si vous regardez le paragraphe qui est

 24   en bas, il est mentionné que le gouvernement de Bosnie a utilisé cet

 25   avantage tactique qui était la présence des soldats de la FORPRONU, et bien

 26   au-delà des objectifs qui étaient stipulés dans les différentes résolutions

 27   pertinentes du Conseil de sécurité. Et si vous regardez les deux dernières

 28   lignes de cette page, il est mentionné :


Page 22020

  1   "Les forces bosno-musulmanes, grâce à la présence de la FORPRONU, se sont

  2   récemment lancées dans une approche offensive accrue, en utilisant en

  3   partie les zones de sécurité comme un point d'ancrage de leurs opérations.

  4   Pour ce qui est des Bosno-serbes, il s'agit d'une préoccupation importante

  5   qui les a amenés à remettre en question de plus en plus l'impartialité de

  6   la FORPRONU. Dans les préparatifs politiques pour les deux opérations, par

  7   conséquent, il faut garder à l'esprit que la question avait changé en ce

  8   qui concerne les Résolutions 836 et 844 du Conseil de sécurité."

  9   Donc, Monsieur Rutten, est-ce que vous pouvez bien voir ici que Son

 10   Excellence, M. Akashi, disposait d'informations laissant penser que cette

 11   zone était en fait une base, un point de départ, qui permettait de lancer

 12   des attaques contre les positions serbes, alors que vous, de votre côté,

 13   vous n'étiez pas au courant ? Comment cela est-il possible ?

 14   R.  Vous devez demander à M. Akashi, parce que c'est lui qui commandait,

 15   pas moi.

 16   Q.  Il y a d'autres éléments très importants; cependant, je n'ai pas

 17   suffisamment de temps.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on verser ce document au dossier, s'il

 19   vous plaît.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame West.

 21   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je ne remets pas en

 22   question l'authenticité de ce document, mais ce témoin ne peut rien

 23   confirmer dans ce document. Je voudrais mentionner également que ce

 24   document porte la date du 26 janvier 1994, et ce témoin venait d'arriver à

 25   Srebrenica 15 jours auparavant. Par conséquent, je ne pense pas que ce soit

 26   le témoin approprié pour verser ce document au dossier.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   Mme WEST : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. Il s'agit d'un


Page 22021

  1   document de 1994, et non de 1995. Et le témoin, en fait, n'est arrivé qu'un

  2   an plus tard.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, alors --

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je répondre ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] La question concernant l'abus des zones de

  7   sécurité était encore plus prononcée en 1995, par rapport à 1994. C'est une

  8   pratique qui a continué à avoir lieu. Par conséquent, ceci reflète la

  9   situation qui a perduré en ce qui concerne l'abus des zones de sécurité.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Etant donné que le colonel Rutten est

 11   arrivé à Srebrenica en 1995, nous ne pouvons pas dire que ceci est lié à sa

 12   crédibilité en tant que témoin. Nous ne pouvons, par conséquent, pas verser

 13   cette pièce au dossier.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si cela vous convient, nous allons

 16   pouvoir faire une pause maintenant.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 18   Juges, je voudrais vous demander de vous re-pencher sur le temps qui m'a

 19   été imparti pour ce témoin. J'aimerais disposer de plus de temps car il y a

 20   un certain nombre de paragraphes que j'aimerais remettre en question.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous devez vous concentrer sur les

 22   points importants. Quoi qu'il en soit, il vous restera plus d'une heure,

 23   donc ça vous conviendra peut-être. Nous allons faire une pause de 25

 24   minutes et nous allons reprendre à 17 heures 50.

 25   --- L'audience est suspendue à 17 heures 26.

 26   --- L'audience est reprise à 17 heures 54.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, continuez.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur Rutten, je voudrais rapidement passer en revue quelques

  2   documents qui vont vous rafraîchir la mémoire en ce qui concerne les

  3   événements qui ont eu lieu pendant que vous étiez sur place.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher le document

  5   1D04699.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Est-ce exact que les forces musulmanes à Srebrenica étaient très

  8   hostiles à votre attention, qu'elles vous empêchaient de circuler

  9   librement, qu'elles vous arrêtaient, et cetera; est-ce 

 10   exact ?

 11   R.  Nous n'avons pas eu directement des problèmes avec les Musulmans au

 12   sein de l'enclave. Ce que vous mentionnez ici n'est pas exact, tout du

 13   moins pour la période durant laquelle j'étais présent là-bas.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on afficher la version anglaise du

 15   document 1D04699, ou est-ce qu'on pourrait le placer sur le rétroprojecteur

 16   ? Enfin, je ne sais pas.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Ce document date du 28 janvier 1995, vous étiez donc présent là-bas. Il

 19   est mentionné que vos mouvements sont restreints dans les zones de Suceska

 20   et Podgaj. Il est également mentionné que le commandant du Bataillon

 21   néerlandais à Srebrenica avait demandé à ses patrouilles d'entrer dans la

 22   zone qui était hors limite au niveau des mouvements. Par conséquent, est-ce

 23   exact qu'il y avait des zones auxquelles vous n'aviez pas le droit

 24   d'accéder ?

 25   R.  Oui, je suis au courant. Cela correspond à une période en janvier où il

 26   y avait certains problèmes avec le commandant de Bosnie-Herzégovine dans

 27   cette région. Et ça a, en fait, été résolu un peu plus tard durant le mois

 28   de janvier 1995, effectivement.


Page 22023

  1   Q.  Merci. Mais j'aimerais savoir si vous aviez accès au triangle de

  2   Bandera ?

  3   R.  C'était le triangle qui se trouvait à proximité du poste d'observation

  4   Alpha, et nous avions une restriction de mouvement pour une brève période,

  5   effectivement.

  6   Q.  Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous aviez liberté

  7   d'accès partout ailleurs autour de l'enclave ?

  8   R.  Oui, mis à part ce qui s'est passé en janvier 1995, c'est-à-dire juste

  9   après que nous ayons pris le commandant de l'enclave -- c'est-à-dire que

 10   l'ancien bataillon avait quitté les lieux, et un peu plus tard ils nous ont

 11   un peu testés, si vous voulez. Ils ont essayé de voir comment nous

 12   réagirions s'ils plaçaient des entraves à notre liberté de mouvement.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais est-ce que l'on pourrait verser ce

 15   document au dossier, s'il vous plaît.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, savez-vous quel est

 17   l'original ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Sur le prétoire électronique.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est la version B/C/S qui

 20   est une traduction de la version anglaise, ou vice versa ?

 21   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je crois savoir que

 22   d'après le système, la version B/C/S est l'original.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La version B/C/S que nous voyons sur

 24   l'écran à l'heure actuelle ?

 25   Mme WEST : [interprétation] Effectivement.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait voir la totalité de la

 27   page, parce qu'en haut de la page il y a en fait un numéro. Voilà, il

 28   s'agit du document original. C'est un télégramme qui a été envoyé par le 8e


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  1   Groupe opérationnel. Et nous avons également la traduction qui elle se

  2   trouve sur le rétroprojecteur.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  4   Alors, d'accord, nous pouvons accepter le versement de ce document.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Qui deviendra la pièce D1956.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  7   Pourrait-on demander l'affichage du document 1D04701, et nous avons

  8   également une traduction pour ce document.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que les Serbes avaient demandé que Zepa

 11   ne soit pas décrétée une zone démilitarisée parce que nous avions fait

 12   l'objet d'attaques en provenance de Zepa ?

 13   R.  Toutes ces questions portent sur la zone de Zepa et je ne connais pas

 14   bien ce type d'information, et je ne le connaissais pas bien non plus à

 15   l'époque, en 1995.

 16   Q.  Mais regardez cet ordre qui porte sur le 8e Groupe opérationnel, mais

 17   qui ne porte pas uniquement sur Zepa. Au paragraphe 2 --

 18   L'INTERPRÈTE : Les interprètes ne trouvent pas le paragraphe que M.

 19   Karadzic vient de lire.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Ensuite, il y a une question d'hélicoptères qui doivent être cachés,

 22   puis vous avez également des hélicoptères qui étaient utilisés pour le

 23   transport de représentants politiques de Srebrenica et de Zepa, et cetera,

 24   et cetera.

 25   Est-ce que vous ne voyez pas qu'un plan avait été établi pour cacher

 26   les activités qui avaient lieu dans les zones de sécurité et, par

 27   conséquent, ils étaient arrivés à cacher leurs activités militaires ?

 28   R.  Ce document porte sur la zone de Zepa. Je ne connais pas bien les


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  1   choses qui se sont passées à Srebrenica pour en parler parce que ce n'est

  2   pas mentionné ici. Il est mentionné ici qu'il s'agissait du Bataillon

  3   ukrainien qui était cantonné à Zepa.

  4   Q.  Mais sans vouloir vous offenser, Monsieur Rutten, si vous regardez les

  5   points 1, 2 et 3, on parle de la totalité du 8e Groupe opérationnel, et il

  6   est bien mentionné Srebrenica. Puis il est mentionné que ces unités vont

  7   être en état de préparation pleine et entière au combat, que ceci doit être

  8   mené en coordination avec ce qui se passe à Zepa et que tout ceci devrait

  9   rester secret. Donc cela porte bien sur Srebrenica. Et puis, au point 6, il

 10   est mentionné 

 11   que :

 12   "Le commandement du 2e Corps va mener toutes les activités

 13   préparatoires qui figurent dans la directive et qui sont liées à

 14   l'engagement des forces dans les directions des zones protégées de

 15   Srebrenica et de Zepa."

 16   Saviez-vous que juste à côté de vous, des opérations militaires

 17   étaient lancées, et tout particulièrement à Srebrenica et à Zepa ? De plus,

 18   saviez-vous que, pour cette raison précise, l'armée serbe ne voulait plus

 19   que ces zones soient décrétées des zones "démilitarisées" ? Ici, nous avons

 20   un aveu de la part de l'ABiH; il s'agit d'une déclaration qui montre bien

 21   qu'ils menaient ces activités qui étaient clandestines.

 22   R.  Nous n'étions pas en mesure de prendre connaissance de ce document, du

 23   moins pas que je sache. Et je crois qu'ils sont arrivés à garder tout cela

 24   secret parce que ce n'était pas arrivé à nos oreilles.

 25   Q.  Merci, Monsieur Rutten. Je ne m'attends pas à ce que vous connaissiez

 26   le document. Je m'attends à ce que vous soyez au courant des événements qui

 27   sont décrits dans ce document. Mais quoi qu'il en soit, je suis satisfait

 28   de votre réponse.


Page 22026

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je pourrais verser cette pièce au

  2   dossier.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais avant cela.

  4   Colonel Rutten, est-ce que vous dites que vous n'étiez pas présent ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je n'étais pas présent -- parce qu'en

  6   fait, je vois ce document pour la première fois. Nous ne savions pas que

  7   ces activités avaient lieu.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce document porte la date du 17

  9   février 1995 --

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui -- enfin, je vous prie de m'excuser.

 11   J'étais présent, mais je disais qu'ils étaient arrivés à mener cette

 12   opération en secret parce qu'au sein du Bataillon néerlandais, nous

 13   n'étions pas au courant de ces activités.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 15   Madame West.

 16   Mme WEST : [interprétation] Pas d'objection.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pouvons accepter le versement.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Qui deviendra la pièce D1955.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   Pourrait-on maintenant afficher le document 1D4704, s'il vous plaît.

 21   Je crois qu'il y a une traduction pour ce document.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Regardez, Monsieur Rutten, il s'agit d'un document du 8 juillet,

 24   commandement de la 28e Division, ou plutôt, commandement du 2e Corps, et il

 25   s'agit des performances au combat des unités et des commandements de la 28e

 26   Division. Et bien qu'ils soient encerclés, il est mentionné qu'ils ont

 27   décidé de contribuer au maximum à la lutte contre l'agresseur, et donc ils

 28   ont renforcé leurs activités plus en profondeur dans les territoires


Page 22027

  1   occupés temporairement. L'objectif était d'empêcher les forces ennemies

  2   d'envoyer des troupes supplémentaires en direction du théâtre des

  3   opérations de Sarajevo en provenance des zones environnantes de Srebrenica

  4   et de Zepa, et en raison des pertes, principalement humaines, ceci

  5   forcerait l'agresseur de resserrer ses troupes dans une zone aux environs

  6   de Srebrenica et de Zepa. Et ensuite, il est mentionné que des actions de

  7   sabotage avaient été menées à bien derrière les lignes ennemies. Soixante

  8   Chetniks avaient été liquidés et beaucoup d'équipement avait été saisi : 16

  9   fusils automatiques, trois mitraillettes, et cetera :

 10   "Dans le village de Visnjica, des quantités importantes de munitions

 11   ont été saisies, mais les soldats étaient très fatigués et, par conséquent,

 12   ne pouvaient pas les transporter. Par conséquent, les munitions ont été

 13   détruites, ainsi que toutes les infrastructures qui pouvaient

 14   potentiellement être utilisées par l'agresseur à des fins militaires."

 15   Est-ce que vous pensez qu'une armée désorganisée et faible peut organiser

 16   des incursions derrière les lignes ennemies de l'armée serbe, incendier des

 17   villages, faire prisonniers des douzaines de soldats ennemis, saisir du

 18   matériel, de l'équipement, et cetera ? Est-ce que vous étiez au courant que

 19   ces opérations avaient lieu ? Et est-ce que cela représente vraiment une

 20   force affaiblie ou faible ?

 21   R.  C'est la première fois que je vois ce document. Je n'ai pas eu

 22   connaissance de ce document durant la période où je me trouvais dans

 23   l'enclave. Nous n'étions pas au courant de cela. J'ai essayé de

 24   l'expliquer, nous avions notre champ de vision, mais c'est tout, et nous

 25   étions très peu dotés en matériel. Nous avions peu d'information également

 26   sur la situation avec la FORPRONU et, par conséquent, nous ne savions pas

 27   ce qui se passait, mis à part nos champs de vision. Et là, vous parlez

 28   d'une zone plus vaste aux environs des enclaves de Srebrenica et de Zepa.


Page 22028

  1   Notre bataillon n'avait aucune information quelle qu'elle soit concernant

  2   ces activités.

  3   Q.  Mais, Monsieur Rutten, il s'agit de forces qui sortaient des zones

  4   protégées, qui tuaient des personnes, qui incendiaient tous les bâtiments

  5   que l'armée pouvait utiliser, et lorsque je parle de "bâtiments", cela

  6   pouvait également être des maisons. Et il s'agissait en fait d'actions

  7   coordonnées avec le 1er Corps de Sarajevo -- il n'est pas mentionné

  8   explicitement, mais on sait de quoi il s'agit. Par conséquent, les Serbes

  9   ne pouvaient pas envoyer leurs soldats dans la zone de Sarajevo. Et puis,

 10   la dernière ligne mentionne : Utilisation de ces informations seulement

 11   pour les informations internes à l'attention des commandements et des

 12   unités du 1er Corps de l'ABiH. Par conséquent, cela signifie que vous ne

 13   deviez pas être au courant, et c'est exactement ce qui s'est passé.

 14   Monsieur Rutten, ce que j'essaie de dire ici, c'est que votre

 15   position ou vos déclarations ne sont pas basées sur des faits tangibles. Je

 16   ne vous critique pas, mais le fait est que ceci s'est bien produit le 8

 17   juillet puisque nous avons un document de l'ABiH. Vous avez donc des forces

 18   bosno-musulmanes qui sont sorties des zones protégées et qui ont lancé des

 19   attaques, n'est-ce pas ?

 20   Mme WEST : [interprétation] Objection. Ce que nous voyons ici, c'est

 21   l'accusé qui fait une déclaration. Et la seule question est : est-ce que ma

 22   déclaration est exacte ? Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question

 23   appropriée que l'on devrait poser au témoin et, par conséquent, je crois

 24   que cette question devrait être exclue.

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas

 26   d'accord. On peut avancer une thèse et poser ensuite la question au témoin

 27   pour savoir s'il est d'accord avec cette thèse. Ceci est tout à fait

 28   approprié dans le contre-interrogatoire. Et je crois que même le Juge


Page 22029

  1   Morrison a demandé au Dr Karadzic ou proposé à celui-ci d'avoir des

  2   questions beaucoup plus ciblées.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, est-ce que vous pourriez

  4   développer --

  5   Mme WEST : [interprétation] Oui.

  6   Il ne s'agit pas simplement d'une thèse. L'accusé présente un

  7   argument, mais en fait, il ne s'attend pas vraiment à ce que le témoin

  8   réponde par "oui" ou par "non". Il essaie de présenter un argument.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Effectivement, vous avez certains

 10   éléments dans votre déclaration qui peuvent être considérés purement et

 11   simplement comme des arguments, et pas des arguments que vous devriez

 12   présenter au témoin. Et je pense que, par conséquent, vous auriez pu poser

 13   une question plus simple. Quoi qu'il en soit, Monsieur le Témoin, est-ce

 14   que vous êtes en mesure de répondre à la question ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Le problème -- en fait, si une armée ou un

 16   groupe de personnes souhaite mener des actions secrètes et qu'ils le font

 17   durant la nuit dans une zone très étendue, où il y a moins de 400 employés

 18   des Nations Unies qui sont présents pour assurer la garde de ces enclaves,

 19   et qu'en plus cela se passe dans une zone montagneuse, c'est tout

 20   simplement impossible, on ne peut pas assurer la sécurité d'une zone de ce

 21   type. Et c'est mentionné d'ailleurs, à savoir que nous n'avions pas

 22   suffisamment de soldats sur le terrain. Et la situation est également

 23   difficile sur le terrain. Donc, avec un manque de matériel et un manque de

 24   personnel, il était très difficile de mener à bien cette mission. C'est ce

 25   que vous voyez ici.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, Monsieur Karadzic --

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne remets pas ceci en question. Je voulais

 28   simplement simplifier la question.


Page 22030

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation]  -- vous avez entendu la réponse du

  2   témoin, à savoir qu'il n'était pas au courant de la situation dans son

  3   ensemble. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi vous continuez à poser

  4   des questions similaires. Vous n'avez pas beaucoup de temps. Je pense que

  5   vous devez vraiment en venir au vif du sujet, c'est-à-dire réfugiés,

  6   séparation entre les hommes et les autres, les neufs corps, et cetera. Il y

  7   a énormément de points importants sur lesquels vous devriez vous

  8   concentrer.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vais passer à cela immédiatement.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Mais je voudrais simplifier ma question. Monsieur Rutten, si vous aviez

 12   vu que des actions étaient menées, si vous aviez su ce qui se passait, est-

 13   ce que vos conclusions concernant leur force de frappe et leurs compétences

 14   auraient été les mêmes ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Merci. Si jamais il nous reste du temps, je reviendrai sur ce sujet,

 17   mais pour le moment je dois en venir le plus rapidement possible aux faits,

 18   c'est-à-dire à cet événement au mois de juillet. Alors, vous avez dit avoir

 19   rencontré la direction civile de Srebrenica. Est-ce que vous avez rencontré

 20   également la direction militaire et est-ce que, pour vous, les choses

 21   étaient claires, est-ce que vous saviez qui était le chef, qui étaient les

 22   adjoints, et cetera ?

 23   R.  Nous avions une vue d'ensemble, au moins pour la partie nord de

 24   l'enclave.

 25   Q.  Cela signifie-t-il que je ne dois vous interroger qu'au sujet de la

 26   partie nord de l'enclave ?

 27   R.  Oui, parce que ma compagnie correspondait à la zone de responsabilité,

 28   en fait, de la Compagnie Charlie.


Page 22031

  1   Q.  Merci. Comment s'appelle la localité où vous étiez ? Est-ce que c'était

  2   Suceska ou… ? Comment s'appelait la localité au sens large où vous vous

  3   trouviez ?

  4   R.  Je ne comprends pas ce que vous vouliez exactement.

  5   Q.  Là où vous étiez, c'était la zone de responsabilité de quelle brigade

  6   musulmane ?

  7   R.  Je ne m'en souviens pas vraiment en ce moment précis.

  8   Q.  Est-ce que vous avez rencontré le commandant de cette brigade locale ?

  9   R.  Non. Seulement le commandant en second, Sabanovic.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter le nom.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Sabanovic.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Merci.

 14   Je dois passer maintenant sur certaines parties, mais vous me

 15   pardonnerez, vous connaissez votre propre déclaration. Lorsque vous avez vu

 16   que certains Néerlandais apportaient leur aide dans l'évacuation des

 17   réfugiés et aidaient à ce qu'ils montent à bord de véhicules, vous avez

 18   déclaré que ceci était inapproprié. Vous vous en êtes pris aux soldats

 19   serbes, vous avez dit que c'était inapproprié, et en présence de M. van

 20   Duijn, n'est-ce pas ?

 21   R.  Je ne m'en suis jamais pris à des soldats serbes. Je ne vois pas où

 22   est-ce que vous lisez ça.

 23   Q.  Mais vous avez exprimé votre opposition à ce qu'ils faisaient, vous

 24   avez élevé une objection, vous avez dit que c'était inapproprié, n'est-ce

 25   pas ?

 26   R.  Non, Monsieur Karadzic, il n'y a pas de peut-être ici. Je ne m'en suis

 27   jamais pris au moindre soldat serbe. Je voudrais être tout à fait clair.

 28   J'ai exprimé des protestations, non pas à l'endroit des soldats serbes,


Page 22032

  1   parce que M. Mane qui était près de M. van Duijn - en fait, Mane c'était un

  2   surnom - eh bien, il ne participait pas à la conversation entre moi et M.

  3   van Duijn. J'avais une conversation avec un de mes lieutenants qui

  4   intervenait. C'est ça la situation qui s'est passée sur le terrain.

  5   Q.  Très bien. Peut-être n'ai-je pas été précis. Donc, en fait, vous aviez

  6   un différend avec van Duijn au sujet de cette question de savoir si le

  7   Bataillon néerlandais devait ou non s'occuper de cela; est-ce exact ?

  8   R.  Oui, c'est exact.

  9   Q.  Savez-vous sur quoi se fondait van Duijn dans son opinion qui était

 10   différente ? Et plus précisément, est-ce que vous saviez ce que les Nations

 11   Unies nous demandaient à nous concernant les 

 12   réfugiés ?

 13   R.  Pas à ce moment-là. C'est plus tard que j'ai vu certains documents --

 14   j'ai vu un document qui était totalement nouveau pour moi, c'était un

 15   document dans l'affaire Tolimir, mais à ce moment-là je n'étais pas au fait

 16   des documents des Nations Unies. M. van Duijn avait une opinion différente

 17   du rôle des Nations Unies.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que nous examinions le document

 19   D1039 très brièvement.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Donc vous n'avez pas participé aux pourparlers avec Mladic, Akashi,

 22   Karadzic, pas à ce niveau-là, n'est-ce pas ? Vous êtes arrivé, vous avez

 23   exprimé votre opinion, alors que vous ignoriez ce qui c'était passé

 24   précédemment, n'est-ce pas ?

 25   R.  Non. C'est le lieutenant van Duijn qui participait aux pourparlers avec

 26   Karadzic, Akashi et Mladic. C'est la situation telle qu'elle se présentait

 27   sur le terrain. Lui, il essayait d'aider les réfugiés à quitter rapidement

 28   l'enclave. Mais pour moi, dans cette situation-là, nous nous retrouvions


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  1   plus ou moins à collaborer à ce transfert, ou à cette expulsion, de la

  2   population musulmane de l'enclave. Et c'est ce que nous savions de la

  3   situation sur le terrain à ce stade. Nous ne connaissions pas ce document

  4   qui a été présenté ici à l'affichage.

  5   Q.  Merci. Donc la façon dont vous avez décrit cette évacuation, en fait,

  6   n'était pas exacte, compte tenu du manque dans lequel vous étiez ? Il vous

  7   manquait cette information, n'est-ce pas ? Plus précisément, si vous aviez

  8   su ce que M. Akashi nous demandait, vous n'auriez pas qualifié cette

  9   évacuation comme vous l'avez qualifiée; ai-je raison ?

 10   R.  Je remets en question ce que vous dites. Je ne suis pas d'accord parce

 11   que - je ne remets pas du tout, en revanche, en question les documents de

 12   M. Akashi - mais M. Akashi n'avait pas une vision claire de ce qui se

 13   passait réellement sur le terrain, ni des activités de la VRS. Et la

 14   réalité était totalement différente de ce qu'on disait à M. Akashi dans les

 15   pourparlers. J'ai déjà dit plus tôt comment se passait la distribution de

 16   pain, d'eau et de friandises aux enfants, et cela aussi nous donne une

 17   situation différente --

 18   Q.  Nous y viendrons --

 19   R.  Laissez-moi finir ma réponse, s'il vous plaît. Cela aussi donne une

 20   vision complètement différente de la situation sur le terrain.

 21   Q.  Alors, je vous prie de regarder le point numéro 2, qui concerne les

 22   soldats néerlandais, 2(a). Il y est dit, je cite : "Il vous sera ordonné de

 23   procéder de telle et telle manière." Alors, est-ce exact que vous avez reçu

 24   effectivement un tel ordre ?

 25   R.  Non, je n'ai jamais reçu ces ordres.

 26   Q.  Est-ce que quelqu'un d'autre a reçu des ordres ? Est-ce que c'était

 27   Akashi qui était votre commandant suprême, est-ce que c'était lui qui était

 28   à la tête des forces dans Nations Unies du côté civil ?


Page 22034

  1   R.  Oui. Je ne remets pas en cause l'autorité de M. Akashi. Ce que j'essaie

  2   de dire, c'est qu'au début du mois de juillet, nous n'étions pas au courant

  3   de ce qui se passait, ni de ce qui est écrit ici dans ce document. Ceci

  4   n'est arrivé que plus tard, probablement entre les mains de mon commandant,

  5   mais moi je n'étais pas au courant de l'existence de ce document.

  6   Q.  Donc cela signifie que vous n'étiez pas la bonne personne pour faire

  7   des remarques ou des objections concernant l'évacuation des réfugiés. Vous

  8   n'étiez pas celui qui était bien placé pour le faire. C'était Karremans qui

  9   aurait dû le faire, ou Franken d'ailleurs, parce que, l'un comme l'autre,

 10   ils disposaient de ce document.

 11   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, juste une remarque. Il

 12   n'y a absolument aucune preuve de l'idée avancée par l'accusé, à savoir que

 13   Franken ou Karremans auraient disposé de ce document.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez passer à

 15   votre question suivante.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur le Témoin, nous avons donc établi que vous ne faisiez pas

 19   partie du sommet de la chaîne de commandement, ce qui vous aurait permis,

 20   si vous y aviez été, de recevoir des documents de ce type, n'est-ce pas ?

 21   R.  Je crois que c'est exact.

 22   Q.  Merci. Savez-vous que le gouvernement musulman a demandé aux Nations

 23   Unies de nous persuader de procéder à l'évacuation de toute la population

 24   de Srebrenica ?

 25   R.  Non, je l'ignorais.

 26   Q.  Et cela n'a été évoqué à aucun moment, ni dans les briefings, ni à

 27   d'autres moments, n'est-ce pas ?

 28   R.  C'est la première fois que j'entends dire cela.


Page 22035

  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on voir la page numéro 2.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Voyons le second paragraphe, quinzième ligne en partant du haut. Je

  5   cite :

  6   "Suite aux consultations menées avec le gouvernement bosnien, et afin

  7   d'éviter une catastrophe humanitaire à long terme, les Serbes de Bosnie se

  8   verront demander leur accord afin que tous les résidents de Srebrenica, y

  9   compris les hommes, soient autorisés à partir pour prendre le chemin de

 10   Tuzla si c'est ce qu'ils souhaitent."

 11   Vous ne saviez pas cela, n'est-ce pas ?

 12   R.  Non, je n'étais pas au courant de cela.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et page suivante.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Je cite :

 16   "Les Néerlandais recevront pour instruction de rester dans l'enclave de

 17   Srebrenica au moins jusqu'au moment où des arrangements auront pu être

 18   négociés et finalisés avec les autorités bosno-serbes en vue du départ de

 19   ces personnes de l'enclave."

 20   Donc vous ne saviez pas que ceci vous avait été donné pour ordre ?

 21   R.  Non, je n'étais pas au courant de cela.

 22   Q.  Merci. Avez-vous été présent à deux réunions entre Mladic et vos

 23   représentants, ainsi qu'avec les représentants de la partie musulmane, aux

 24   dates du 11 et du 12 ? Est-ce que vous avez été présent à ces réunions ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Avez-vous entendu dire que le 12, Mladic a déclaré qu'il n'avait pas

 27   d'autocars et a demandé que ces derniers soient fournis par les Nations

 28   Unies ?


Page 22036

  1   R.  A ce moment-là de l'année 1995, je n'étais pas au courant de cette

  2   information.

  3   Q.  Est-ce que vous l'avez appris plus tard ?

  4   R.  Oui. Plus tard, mais des années plus tard, nous avons appris ce qu'il

  5   en était de ces événements, mais pas, en tout cas, dans l'ordre que vous

  6   présentez aujourd'hui.

  7   Q.  Est-ce que vous vous rappelez que Mladic ne disposait même pas de

  8   carburant qui aurait été prêt à être utilisé pour l'évacuation et il a

  9   demandé que ce soit vous qui fournissiez le carburant nécessaire à

 10   l'évacuation ?

 11   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

 12   intervenir parce que le témoin a déjà indiqué n'avoir pas participé à ces

 13   deux réunions. M. Karadzic lui a pourtant posé des questions

 14   supplémentaires concernant ces deux réunions, et maintenant il persiste

 15   dans cette même voie. Alors, je voudrais juste savoir ce qu'il en est,

 16   parce que concernant des déclarations faites par Mladic lors de ces deux

 17   réunions, je crois que ce témoin n'est pas en position de se prononcer à ce

 18   sujet. Enfin, c'est ma position.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'en conviens.

 20   Monsieur Karadzic, votre temps est limité. Veuillez avancer.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que ces questions sont légitimes parce

 22   qu'elles concernent l'unité à laquelle appartenait cet officier.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Nous allons avancer.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Alors, Monsieur Rutten, qui a amené les civils à Potocari ?

 27   R.  Pour la plupart, les civils ont été contraints à se rendre à pied à

 28   Potocari, et notre bataillon a essayé d'aider les personnes qui n'étaient


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  1   pas en mesure de marcher jusqu'à Potocari. Et les effectifs de la VRS qui

  2   exerçaient une pression à partir du sud de l'enclave vers le nord faisaient

  3   avancer la population parce que cette dernière essayait de se sauver face

  4   au feu ennemi de la VRS.

  5   Q.  Lorsque vous dites qu'ils ont été "forcés", est-ce que ce sont les

  6   événements qui les y ont contraints ou bien quelqu'un est-il venu chez eux,

  7   à leurs maisons, pour leur dire qu'ils devaient aller à Potocari ? Et si

  8   oui, qui était-ce ? Et d'ailleurs, sont-ils arrivés à Potocari bien avant

  9   que les Serbes n'entrent à Srebrenica ?

 10   R.  Les Serbes, ou en tout cas la VRS, avaient déjà pénétré dans la partie

 11   sud de l'enclave quelques jours plus tôt dans le cadre de l'OP Echo. Donc,

 12   en fait, ils étaient sur le territoire des Nations Unies. Plus tard, il y a

 13   eu un feu nourri dans la partie sud visant également les positions de

 14   blocage des Nations Unies, à un moment également visant la ville de

 15   Srebrenica. A ce stade, les civils de Srebrenica ont dû quitter la ville.

 16   Et à ce stade également, le bataillon a donné pour ordre de porter une

 17   assistance maximale à la population civile et aux réfugiés de Srebrenica

 18   afin qu'ils puissent être en sécurité près de Potocari.

 19   Q.  Monsieur Rutten, savez-vous que les autorités civiles ont informé la

 20   population et lui ont indiqué, lui ont ordonné même, de se rendre à

 21   Potocari bien avant que l'armée serbe ne s'approche de ces villages et bien

 22   avant que l'armée serbe n'entre dans la ville même de Srebrenica ?

 23   R.  Ceci semble très raisonnable de dire que les autorités musulmanes ont

 24   fait cela. Parce que les événements survenus dans d'autres parties de l'ex-

 25   Yougoslavie étaient l'expérience sur laquelle ils se fondaient, parce que

 26   la VRS n'y allait pas vraiment avec le dos de la cuillère, si vous me

 27   passez l'expression, avec la population musulmane.

 28   Q.  Ce n'est pas ce que je vous demande, Monsieur Rutten. Je vous demande


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  1   si vous savez si les autorités civiles ont donné ordre, et la digression

  2   que vous faites est partiale et mal intentionnée. Donc vous reconnaissez

  3   qu'il est tout à fait possible que les autorités civiles aient donné un tel

  4   ordre, et vous considérez que c'était quelque chose d'approprié ?

  5   R.  Il ne s'agit pas uniquement de ce que je savais à l'époque des ordres

  6   donnés par les autorités civiles. Si vous dites que je suis partial, c'est

  7   un point de vue qui vous appartient et je n'ai rien à dire de plus à ce

  8   sujet. La seule chose que j'aurais à ajouter, c'est que si vous appartenez

  9   à un gouvernement civil s'efforçant de sauver sa propre population face à

 10   une armée qui est en train d'avancer, vous avez à intervenir le plus tôt

 11   possible afin d'assurer la sécurité de vos propres civils et de vos

 12   réfugiés. Et à mon avis, c'est ce qu'ils ont fait.

 13   Q.  Merci. Alors, concernant les divergences que vous aviez avec M. van

 14   Duijn, est-ce que vous saviez -- en fait, vous dites même ici -- alors, je

 15   vais essayer de retrouver l'endroit exact où vous dites cela. Vous avez

 16   qualifié cette évacuation de façon très négative. Est-ce que vous savez

 17   quelle était la position de la direction musulmane concernant l'évacuation

 18   ?

 19   R.  Je ne comprends pas votre question. Quelle est votre question précise ?

 20   Q.  Vous et votre collègue aviez des positions différentes concernant

 21   l'évacuation. Est-ce que vous saviez si les autorités musulmanes étaient

 22   plutôt d'accord avec votre collègue ou si elles se seraient souscrites à

 23   votre position à vous ? Quelle était la position des autorités musulmanes ?

 24   R.  Ceci n'est pas du tout pertinent pour moi parce qu'en tant que membre

 25   des forces des Nations Unies sur le terrain, j'avais une responsabilité qui

 26   était la mienne propre.

 27   Q.  Mais est-ce que cette opposition qui a été la vôtre à l'évacuation

 28   entrait également dans le cadre de vos obligations, de vos fonctions ?


Page 22039

  1   R.  Je vous ai déjà répondu.

  2   Q.  Vous dites avoir vu neuf personnes tuées. Est-ce que vous avez assisté

  3   à leur mort ? Est-ce que vous les avez vues se faire tuer ?

  4   R.  Non, nous n'avons pas vu cela. Elles avaient été tuées peu avant que

  5   nous arrivions sur place.

  6   Q.  Et comment savez-vous qu'ils ont été tués ?

  7   R.  Nous avons pu voir que leurs corps n'avaient pas été déplacés après

  8   qu'on leur ait tiré dessus.

  9   Q.  Mais c'est quelque chose que vous avez remarqué en passant, peut-être.

 10   Mais est-ce que vous savez que pour parvenir à de telles conclusions, il

 11   faut procéder à une enquête, et notamment à une enquête de police

 12   scientifique ? Est-ce que cela a été fait par vous sur ce site ?

 13   R.  Il n'y avait aucune indication, aucune trace, d'un déplacement des

 14   corps de ces personnes. On les avait abattues, et personne n'avait déplacé

 15   leurs corps. Nous n'avions pas le temps de mener une enquête sur le site

 16   parce que peu de temps après que j'aie pris quelques clichés, nous avons

 17   essuyé des tirs de la part de la VRS.

 18   Q.  C'est ce que je vous demande, Monsieur Rutten. Pour pouvoir affirmer

 19   devant un tribunal que des personnes ont été tuées sur ce site, il faut que

 20   cela soit le résultat d'une enquête. Alors, est-ce que c'est quelque chose

 21   que vous avez conclu sur la base d'une enquête ou bien vous êtes-vous fondé

 22   sur vos propres impressions ?

 23   R.  Le peu de temps dont nous avons disposé à cet endroit nous a permis de

 24   nous faire nos propres impressions. Deux autres collègues ont eu la même

 25   impression que moi, et c'est tout ce sur quoi nous pouvions nous appuyer.

 26   Q.  Merci. Vous avez pris des documents, et lorsque des soldats serbes se

 27   sont approchés de vous, vous avez donné l'ordre que ces documents ou ces

 28   papiers soient jetés, n'est-ce pas ?


Page 22040

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Pourquoi ?

  3   R.  En fait, nous étions derrière les passages de barrage, donc si jamais

  4   nous avions à traverser les positions de barrage et les lignes là où se

  5   trouvait le personnel de la VRS, ce dernier aurait pu se rendre compte de

  6   ce que nous faisions.

  7   Q.  Je vous remercie. Donc vous ne souhaitiez pas que l'on retrouve ces

  8   documents en votre possession. Je voudrais maintenant vous poser quelques

  9   questions concernant les documents qui appartenaient aux prisonniers. Moi,

 10   j'avance que ce n'était pas dans l'intérêt de l'armée serbe que ces

 11   documents soient dissociés des personnes auxquelles ils correspondaient.

 12   Mais au contraire, l'intérêt qu'il y avait à se débarrasser de ces

 13   documents était celui des prisonniers qui redoutaient ou qui pouvaient

 14   s'attendre à une enquête. Alors, est-ce que vous avez déterminé qui s'est

 15   débarrassé de leurs papiers, de ces documents ?

 16   R.  Vous parlez des documents qui étaient entassés devant la "maison

 17   blanche", je suppose ?

 18   Q.  Oui.

 19   R.  Dans l'affaire Tolimir, j'ai expliqué en détail la façon dont nous

 20   procédons dans l'armée lorsque nous essayons de déterminer si des civils

 21   sont en fait du personnel militaire ou non. Nous procédons en conformité

 22   avec les conventions de Genève et nous conservons et préservons tous les

 23   documents et papiers appartenant aux personnes que nous plaçons en

 24   détention. Dans ce cas précis, devant la "maison blanche", tous les civils

 25   ont été forcés de laisser là tous leurs effets personnels ainsi que leurs

 26   papiers d'identité, qu'il s'agisse des passeports, de permis de travail ou

 27   de tout autre document personnel. Il n'y avait pas là de raison évidente de

 28   se débarrasser de ces papiers. La seule raison que je puisse imaginer,


Page 22041

  1   c'est le fait de ne pas permettre l'identification des personnes que vous

  2   détenez.

  3   Q.  Monsieur Rutten, nous n'avions pas intérêt à ce qu'ils ne soient

  4   identifiés, alors qu'eux avaient intérêt à ne pas être identifiés. C'est

  5   complètement l'inverse. Les organes d'enquête souhaitent procéder à une

  6   identification, mais l'auteur potentiel, lui, se débarrasse des papiers

  7   pour ne pas être identifié. Est-ce que vous avez vu qui s'est débarrassé

  8   des papiers ?

  9   R.  Des soldats de la VRS se tenaient devant la "maison blanche" et

 10   pointaient leurs armes sur ces personnes pour les forcer à se débarrasser

 11   de leurs papiers. Je parle ici de civils musulmans, y compris des enfants,

 12   des adolescents de 12 ans. Ensuite, ils les ont détenus à l'intérieur et

 13   ultérieurement transportés. Je ne crois pas que ce soit exact, ce que vous

 14   dites. Je ne crois pas que ce soit l'inverse. La VRS menait là une

 15   opération qui n'était pas conforme aux conventions de Genève.

 16   Q.  Avez-vous vu qu'ils leur prenaient leurs papiers et qu'ils les jetaient

 17   ? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez vu de vos propres yeux ?

 18   R.  J'ai vu de mes propres yeux que des soldats de la VRS pointaient leurs

 19   armes sur des civils pour les forcer à jeter leurs documents personnels et

 20   leurs papiers d'identité, et il s'agissait de civils.

 21   Q.  Oui, mais vous avez indiqué que lorsque vous êtes arrivé, tous ces

 22   documents d'identité étaient déjà entassés en une pile.

 23   R.  J'ai été à plusieurs occasions à l'extérieur et à l'intérieur de la

 24   "maison blanche". Cette pile de documents personnels et d'effets personnels

 25   ne cessait de grossir, et le jour suivant elle était en train de brûler. Il

 26   n'y avait donc aucune raison de confisquer ces papiers d'identité à ces

 27   civils.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document 19458 de la


Page 22042

  1   liste 65 ter.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Rutten, est-ce que vous savez que le service du Renseignement

  4   militaire serbe disposait d'une liste d'environ 400 personnes -- en fait,

  5   387 criminels de guerre qui avaient commis des crimes contre des civils

  6   serbes et qu'il s'agissait en fait de membres de la 28e Division ?

  7   R.  Je n'étais pas au courant de l'existence de cette liste en 1995.

  8   Q.  Veuillez vous reporter à cette liste, et notamment à la dernière page.

  9   Vous y verrez que cette liste a été dressée le 12 juillet 1995. On peut

 10   voir ici qu'à ce moment-là, on présume que ces personnes sont toujours

 11   présentes à Srebrenica. Est-ce que vous conviendrez qu'un grand bon nombre

 12   d'entre eux sont partis en empruntant les bois ? Vous avez vu vous-même ces

 13   personnes au moment où elles se séparaient de leurs familles ?

 14   R.  Un jour plus tôt, je savais déjà qu'un grand nombre d'hommes musulmans,

 15   certains accompagnés de leur famille, avaient quitté l'enclave. Alors, à

 16   supposer que cette population musulmane ait toujours été présente dans

 17   l'enclave, elle a été transportée ou a subi une expulsion forcée de la part

 18   de la VRS. Mais je ne savais pas en fait que ces personnes se seraient

 19   trouvées parmi la population toujours présente dans l'enclave.

 20   Q.  Jusqu'à présent, Monsieur Rutten, vous n'avez jamais dit que les Serbes

 21   confisquaient aux prisonniers musulmans leurs papiers d'identité sous la

 22   menace de leurs armes. Vous n'avez jamais dit cela. C'est la première fois

 23   que vous dites ceci aujourd'hui. Vous avez vu ces documents jetés sur une

 24   pile et vous pensez avoir vu cette pile de documents brûler, mais jusqu'à

 25   présent vous n'avez jamais déclaré que ces papiers d'identité avaient été

 26   confisqués sous la menace des armes, n'est-ce pas ?

 27   R.  Les soldats de la VRS portaient des armes en bandoulière. Ils n'avaient

 28   donc même pas besoin de pointer leurs armes. Il leur suffisait de dire aux


Page 22043

  1   civils de jeter leurs papiers. Ils n'avaient pas besoin de pointer leurs

  2   armes parce que la population était effrayée. Et ensuite, vous dites que

  3   c'est la première fois que j'aurais dit cela, que c'était la première fois

  4   que je disais que la pile de documents brûlait. Mais j'ai même fourni au

  5   Tribunal une photographie prise par moi de cette pile de documents en train

  6   de brûler et une photographie que j'ai prise également à l'extérieur de

  7   l'enclave où l'on peut voir cette pile de document en train de brûler

  8   devant la "maison blanche". Je crois que c'est suffisant à ce stade.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher cette photographie. Numéro

 10   2733 de la liste 65 ter.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Et pendant qu'elle s'affiche, je voudrais vous demander la chose

 13   suivante, Monsieur Rutten : est-il exact que les prisonniers musulmans se

 14   débarrassaient non seulement de leurs documents d'identité mais également

 15   de leur argent et de tout le reste afin que les Serbes ne retrouvent pas

 16   tout ceci sur eux ?

 17   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je me dois d'intervenir.

 18   Il est mentionné :

 19   "Est-ce exact que les détenus musulmans ne se débarrassaient pas

 20   uniquement de leurs documents, mais également de leur argent…"

 21   Mais ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées, parce que les

 22   détenus musulmans ne se débarrassaient pas de cela de leur propre chef.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il faisait référence à des

 24   éléments de preuve en formulant la question, Madame West ?

 25   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, dans ce cas-là, je

 26   retirerais ce que je viens de dire, si je me trompe.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, continuons.

 28   Pouvez-vous répondre à la question, Monsieur le Colonel 


Page 22044

  1   Rutten ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] La seule chose dont j'ai été témoin pour ce

  3   qui était de se débarrasser de l'argent, c'est qu'à un moment donné j'étais

  4   à proximité du sergent major. Du personnel de la VRS était posté sous un

  5   escalier et demandait de l'argent. Ils ont arrêté de faire cela au moment

  6   où nous sommes arrivés. C'est la seule fois où j'ai vu quelque chose qui se

  7   passait au sujet de l'argent.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Savez-vous que les Musulmans essayaient de se débarrasser de leur

 10   argent de façon à ce que cela ne tombe pas dans les mains des Serbes ?

 11   R.  C'est ce que vous avancez. Moi, je ne suis pas au courant de cela,

 12   comme je l'ai déjà dit.

 13   Q.  Je voudrais que vous consultiez ce qui est mentionné dans votre

 14   déclaration.

 15   Cet entretien a eu lieu le 6 décision 1995. Le numéro ERN est 013889

 16   jusqu'à 883, à la page 11. Vous mentionnez que les Musulmans avaient

 17   proposé de l'argent mais qu'ils n'avaient pas accepté parce qu'en fait, ils

 18   ne voulaient pas que cet argent tombe dans les mains des Serbes. Ce n'est

 19   pas ce que vous avez mentionné ?

 20   R.  Ce jour-là, il y avait deux soldats d'un peloton commando, qui se

 21   trouvait à proximité de la maison, et effectivement, ils m'ont dit cela.

 22   Mais ils n'avaient pas accepté l'argent de la part des Musulmans.

 23   Q.  C'est ce que vous avez dit. C'est qu'ils ne l'avaient pas accepté, mais

 24   les Musulmans voulaient se débarrasser de l'argent; alors que vous, vous

 25   pensiez qu'ils ne voulaient pas se débarrasser de documents qui pourraient

 26   aider qui que ce soit à les identifier ?

 27   R.  Alors, maintenant vous faites un lien entre le fait de se débarrasser

 28   de l'argent sans faire usage de la force et le fait de se séparer de


Page 22045

  1   documents d'identité par la force, et ce n'est pas uniquement par la force

  2   des armes, mais ça peut être également le fait que vous êtes encerclé par

  3   la VRS, qui contrôle donc la totalité de la zone. Et cela signifie que les

  4   populations avaient peur. La VRS était responsable également des activités

  5   de départ de ces populations. Pour ce qui est de ces populations civiles,

  6   ils ne voulaient pas se séparer de leurs documents d'identité; ils

  7   recevaient des ordres leur demandant de se séparer de ces documents. C'est

  8   quelque chose de différent.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer à cette photo

 11   2733.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Rutten, ils ne voulaient pas que les Serbes prennent le

 14   contrôle de Srebrenica, mais ça s'est passé. Est-ce que vous avez pu voir

 15   vous-même les personnes qui étaient effrayées dans ces photos qui ont été

 16   présentées durant l'interrogatoire principal ?

 17   R.  Je ne comprends pas votre question. Vous voulez dire ce qui s'est passé

 18   dans la "maison blanche" ? Je ne comprends pas ce que vous voulez dire

 19   exactement.

 20   Q.  Ce que nous avons vu, les personnes qui reçoivent du pain et qui

 21   abordent tout cela avec les soldats serbes. Est-ce que vous avez vu des

 22   gens qui avaient peur ou est-ce qu'il s'agissait simplement d'un

 23   comportement normal ?

 24   R.  Ces personnes n'avaient pas été nourries depuis plusieurs jours, donc

 25   ils étaient prêts à accepter quoi que ce soit. J'ai vu des gens qui étaient

 26   effrayés parce qu'on les forçait à monter à bord de bus. J'ai vu des gens

 27   qui étaient effrayés dans la "maison blanche". J'ai pris des photos

 28   d'hommes très jeunes, des adolescents, en fait.


Page 22046

  1   Q.  Voilà la photo, et vous dites qu'il s'agit en fait de documents qui

  2   brûlent, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, j'ai dû prendre cette photo. Je me devais de la prendre parce qu'à

  4   proximité du portail, on ne pouvait pas vraiment prendre cette photo, mais

  5   j'ai vu cette pile de documents qui brûlaient, et il s'agissait

  6   effectivement d'une pile de documents.

  7   Q.  Est-ce qu'il y a une date qui nous permet de déterminer quand la photo

  8   a été prise, et est-ce que vous avez pu voir qui avait mis le feu à cette

  9   pile de documents ?

 10   R.  Cela s'est produit le 13, après que la plupart des Serbes soient

 11   partis. Et cette pile brûlait déjà durant la nuit, et c'est durant la

 12   journée que j'ai pris cette photo.

 13   Q.  Est-ce que vous avez vu qui avait mis le feu à cette pile de documents

 14   ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Etant donné qu'aujourd'hui c'est la première fois que vous avez

 17   développé plus avant vos accusations contre les Serbes - j'espère que les

 18   Juges de la Chambre me donneront plus de temps demain - est-ce que vous

 19   pensez que ce serait envisageable qu'en fait, au fur et à mesure que le

 20   temps s'écoule, vous proférez des accusations de plus en plus prononcées

 21   contre les Serbes ? Et quelles sont les influences qui pourraient avoir un

 22   effet là-dessus, est-ce que c'est ce qui s'est produit ici dans les

 23   tribunaux, par exemple ?

 24   R.  Dans toutes mes déclarations, j'ai utilisé les mêmes propos. Vous

 25   pouvez remonter aux déclarations de 1995. Tout ceci est tout à fait

 26   cohérent avec les auditions auxquelles j'ai participé, tant aux Pays-Bas

 27   qu'à l'étranger. Donc c'est la seule manière que je peux adopter pour

 28   répondre à ce que vous avancez en ce qui concerne le personnel militaire de


Page 22047

  1   la VRS.

  2   Q.  Est-ce que vous avez vu des Serbes commettant des crimes de guerre ?

  3   R.  Je ne vois pas vraiment où vous voulez en venir, parce que vous parlez

  4   de manière très générale de crimes de guerre.

  5   Q.  A ce moment-là, est-ce que vous avez vu de vos propres yeux des Serbes

  6   commettant des crimes de guerre quels qu'ils soient ?

  7   R.  J'étais à proximité de la "maison blanche" - et je peux vous donner un

  8   exemple très simple - j'ai vu un homme qui était pendu dans un escalier

  9   avec un bras, qui se tenait donc à l'escalier, et j'ai vu un soldat de la

 10   VRS qui a fait descendre cet homme. C'était un civil, qui portait des

 11   habits de civil, et il n'y avait aucune raison de le traiter ainsi. Et j'ai

 12   également vu énormément de très jeunes gens qui étaient détenus dans la

 13   "maison blanche". Il s'agissait de garçons de 12 à 15 ans, et ils étaient

 14   tous en habits de civils. Donc je ne vois pas pourquoi une armée garde des

 15   civils en détention et les transporte à bord de bus pour les faire sortir

 16   d'une enclave vers une destination inconnue.

 17   Q.  Et est-ce que vous savez qu'à l'heure actuelle, à Sarajevo, il y a des

 18   protestations émanant de personnes qui étaient des mineurs et qui étaient,

 19   cependant, des soldats et qui n'ont pas reçu de dédommagement ? C'est

 20   précisément hier et avant-hier que ceux de l'époque qui avaient 14 ou 15

 21   ans protestent. Il s'agissait de combattants à l'époque et ils avaient 14

 22   ou 15 ans à l'époque.

 23   Mme WEST : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame West.

 25   Mme WEST : [interprétation] J'aimerais savoir quelle est la pertinence de

 26   ce type de question.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous êtes arrivé au

 28   terme du temps qui vous était imparti. La Chambre ne souhaite pas vraiment


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  1   vous donner plus de temps de plus. Et ceci est tout à fait indépendant de

  2   ce que je viens de dire, on vient de m'informer que le témoin n'était pas

  3   disponible demain.

  4   Est-ce exact ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, est-ce que je peux poser une dernière

  7   question ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais vous permettre de continuer

  9   jusqu'à 19 heures 10, avec la patience du personnel.

 10   Oui, Monsieur Tieger.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Oui, je me suis levé un peu plus rapidement

 12   que Mme West. Je crois qu'elle souhaitera peut-être demander ne serait-ce

 13   qu'un tout petit peu de temps pour des questions supplémentaires. Mais je

 14   ne peux pas parler en son nom, évidemment.

 15   Mme WEST : [interprétation] Merci. J'aurais besoin de cinq minutes

 16   seulement.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci concerne également le quartier

 18   pénitentiaire, parce qu'il y a des dispositions horaires et des délais à

 19   respecter pour le transfert de M. Karadzic. Nous ne pouvons pas dépasser 19

 20   heures 10. Par conséquent, si vous pouviez vous partager le temps restant

 21   en deux parts égales deux minutes et demie.

 22   Allez-y, Monsieur Karadzic.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 24   Pouvons-nous examiner le document de la liste 65 ter numéro 19717.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour votre information, la photographie

 26   est l'une des pièces connexes de la déclaration consolidée. N'est-ce pas ?

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce P3961, Madame et Messieurs

 28   les Juges.


Page 22049

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que vous avez fait cette déclaration à un groupe parlementaire

  4   des Pays-Bas -- non.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, ce n'est pas le bon document. 19717 de

  6   la liste 65 ter.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce qu'en 2002, vous avez eu un entretien avec un groupe

  9   parlementaire des Pays-Bas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Alors, je vais maintenant vous donner lecture de ceci en attendant que

 12   cela s'affiche. M. Koenders vous a demandé, je cite :

 13   "N'avez-vous remarqué aucune violation des droits de l'homme qui aurait été

 14   commise à l'intérieur du complexe par les Serbes de Bosnie ?"

 15   Votre réponse : "Non."

 16   Et ensuite -- je crois que c'est ce document-là.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer à la page suivante.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de cet entretien ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Ensuite -- non.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, c'est probablement à la page suivante que

 23   cela se trouve. Page suivante.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Avez-vous dit dans le cadre de cet entretien que sur ce site-là, vous

 26   n'avez pas vu -- voilà, le président vous demande ce qu'il en est des

 27   intimidation.

 28   "Est-ce que vous-même, vous n'avez pas vu," dit-il, "des crimes de guerre


Page 22050

  1   commis à cet endroit ?"

  2   R.  Il parle de crimes commis à l'intérieur du complexe, c'est-à-dire à

  3   l'intérieur de notre campement, de notre zone. Je pense que vous vous

  4   écartez un petit peu, parce que c'est ce que j'ai dit en 2002, et c'est

  5   exact, mais cela n'a rien à voir avec ce que nous venons d'examiner qui a

  6   trait à ma déclaration.

  7   Q.  Mais vous ne parlez pas que du complexe. Vous parlez du dépôt de bus et

  8   d'une zone plus large, n'est-ce pas ? Je n'arrive pas à retrouver la bonne

  9   page, mais vous dites, je peux vous le lire, je cite :

 10   "Le complexe de Potocari était une section de cantonnement des Nations

 11   Unies quant au bataillon. Le dépôt de bus se trouvait au sud.

 12   Manifestement, des événements s'y produisaient. Nous essayions d'empêcher

 13   certains d'entre eux de se produire, mais je n'ai pas observé de violation

 14   directe des droits de l'homme. Je n'ai observé que des menaces,

 15   personnellement."

 16   R.  Encore une fois, ceci est exact parce qu'il s'agit de cette ancienne

 17   station de bus -- de ce dépôt de bus, mais il ne s'agit pas là des autres

 18   zones où je me suis trouvé pendant ces quelques jours avant la chute de

 19   l'enclave. Donc il n'y a absolument aucune incohérence là entre ce que je

 20   dis ici et ce que j'ai déclaré devant la commission qui m'a auditionné aux

 21   Pays-Bas.

 22   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, pardonnez-moi

 23   d'interrompre, mais je ne voudrais pas perdre le temps qui m'a été

 24   attribué.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Nous souhaitons demander le versement de

 26   ces paragraphes, voire du document dans son intégralité.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous retrouverons la page et nous donnerons la


Page 22051

  1   bonne référence de page. Et j'ai terminé. Merci.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci sera versé.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D1954. Et

  4   juste pour corriger le compte rendu d'audience, le document 1D4880 s'est vu

  5   attribuer la cote D1951 aux fins d'identification, mais en fait, la bonne

  6   cote est D1952.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc la liste des criminels de guerre peut être

  8   versée.

  9   Mme WEST : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons redonner le numéro.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] D1957.

 12   Mme WEST : [interprétation] Merci.

 13   Nouvel interrogatoire par Mme West :

 14   Q.  [interprétation] Alors, en page 50 du compte rendu d'aujourd'hui,

 15   l'accusé vous a posé une question concernant votre déposition dans

 16   l'affaire Krstic au sujet du type de munitions dont disposait l'ABiH. Il ne

 17   vous a pas demandé ce qu'il en était des munitions dont disposait l'ABiH,

 18   ce qui figure dans votre déposition dans l'affaire Krstic. Alors, pourriez-

 19   vous nous le dire ?

 20   R.  Eh bien, ils avaient très peu de munition. En tout cas, ce dont ils

 21   m'ont parlé et ce que nous avons pu voir représentait très peu de choses.

 22   Ils nous ont dit, en tout cas, que l'essentiel de ce dont ils disposaient,

 23   ils le tenaient de nos postes de collecte d'armes.

 24   Q.  Je vous remercie. Aujourd'hui, en page 90 du compte rendu d'audience,

 25   vous parliez de la photographie montrant la pile de documents d'identité en

 26   train de brûler. En ligne 10, vous dites, je cite :

 27   "Ceci s'est passé la journée après le 13, après que la plupart des Serbes

 28   étaient déjà partis."


Page 22052

  1   Vous parliez des Serbes ou des Musulmans ?

  2   R.  Des Musulmans.

  3   Q.  Merci.

  4   Mme WEST : [interprétation] Alors, nous allons demander l'affichage du

  5   document D1039, document présenté par M. Karadzic, qui est daté du 11

  6   juillet 1995.

  7   Q.  Si vous examinez la première page, vous avez indiqué qu'au moment où

  8   ceci a été déclaré, en fait, ce n'était pas ce qui se passait sur le

  9   terrain. Ensuite, l'accusé vous a donné lecture d'une portion de ce texte.

 10   Je note juste que c'est la date du 11 juillet, alors que le cachet indique

 11   que cela a été réceptionné à 22 heures, donc tard dans la nuit. Numéro 1,

 12   je cite :

 13   "La finalité de ce message est de vous informer des plans que j'élabore

 14   afin de gérer la situation à Srebrenica…"

 15   Ensuite, page 2, (b), au sujet duquel vous avez été interrogé. Je vais en

 16   donner lecture, je cite :

 17   "Suite à des consultations avec le gouvernement bosnien, et afin d'éviter

 18   une catastrophe humanitaire à long terme, les Serbes de Bosnie se verront

 19   demander leur accord pour que les résidents de Srebrenica, y compris les

 20   hommes, soient autorisés à quitter la zone pour gagner Tuzla si c'est ce

 21   qu'ils souhaitent."

 22   Alors, Colonel, vous étiez sur place et c'est ce qui se passait cette nuit-

 23   là et le jour suivant, à savoir tous les résidents de Srebrenica, y compris

 24   les hommes, se sont vus permettre de partir pour gagner Tuzla si c'était là

 25   ce qu'ils souhaitaient. Est-ce bien ce qui s'est passé ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Que s'est-il passé sur le terrain, dans ce cas-là ?

 28   R.  Eh bien, sur le terrain, les hommes ont été séparés et ils sont partis


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  1   à bord de bus à partir de la "maison blanche" pour quitter l'enclave via

  2   l'OP Papa.

  3   Q.  Et en page 3, au bas de la page 3 de ce document, il est dit, je cite :

  4   "Actions du Conseil de sécurité." C'est ce qu'Akashi demande au Conseil de

  5   sécurité. Ensuite, si vous passez à 4(e), je cite :

  6   "Tous ceux qui souhaitent partir de Srebrenica pour gagner Tuzla doivent se

  7   voir permettre de le faire sous la protection du HCR."

  8   Alors, c'est quelque chose qu'Akashi a demandé. Est-ce que ceci n'a jamais

  9   été réalisé ?

 10   R.  Non.

 11   Mme WEST : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ceci met un terme à votre

 13   déposition, Colonel Rutten. Je souhaite vous remercier au nom des Juges de

 14   la Chambre et du Tribunal d'être revenu déposer.

 15   Vous êtes donc libre de repartir, et nous vous souhaitons bon retour

 16   chez vous.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 18   [Le témoin se retire]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous reprendrons demain à 9 heures. Et

 20   je remercie le personnel pour son indulgence.

 21   --- L'audience est levée à 19 heures 13 et reprendra le mardi 29 novembre

 22   2011, à 9 heures 00.

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