Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 23135

  1   Le mardi 17 janvier 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, à tous.

  7   Oui, Monsieur Karadzic, je vous en prie, poursuivez.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à

  9   toutes les personnes présentes.

 10   LE TÉMOIN : ROBERT FRANKEN [Reprise]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 13   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Franken. Monsieur Franken, je

 14   souhaiterais maintenant que nous parlions le plus rapidement possible de la

 15   période critique, mais aussi rapidement que faire se peut, je souhaiterais,

 16   dans un premier temps, aborder les éléments qui ont précédé cette période.

 17   J'aimerais savoir si vous aviez votre propre officier de liaison, chargé

 18   des liaisons avec les Serbes et chargé des liaisons avec les Musulmans; et

 19   si tel était le cas, qui était-il ?

 20   R.  Nous avions deux officiers de liaison, qui s'entretenaient avec les

 21   deux camps : le commandant Boering et le capitaine Melchers.

 22   Q.  Merci. Quel était le rôle des observateurs militaires et quel était leu

 23   nombre ?

 24   R.  Alors, pour ce qui est observateurs militaires, je pense que vous

 25   faites référence aux observateurs militaires des Nations Unies, quel était

 26   leur rôle, eh bien, consistait à observer justement, et à voir si les

 27   parties au conflit se comportaient conformément aux traités, et aux traités

 28   ou à l'armistice ou aux armistices qui étaient en place, et ils étaient


Page 23136

  1   entre deux et trois.

  2   Q.  Merci. Mais ils ne faisaient rien pour vous, n'est-ce pas ? Je pense,

  3   en fait, bien sûr, au Bataillon néerlandais. Les observateurs ils ne

  4   faisaient rien pour vous, bon, si ce n'est qu'ils échangeaient bien entendu

  5   les informations avec vous ?

  6   R.  Non, non, ils ne faisaient pas partie de l'organisation du Bataillon

  7   néerlandais. Moi, en fait, je n'avais absolument aucun contrôle ou aucune

  8   autorité sur eux, en tout cas, pas avant la fin de cette période. Ils

  9   étaient basés dans la ville de Srebrenica. Ils n'étaient même pas dans

 10   notre base. Ce n'est qu'au début du mois de juillet qu'ils sont venus dans

 11   votre base.

 12   Q.  Vous voulez dire lorsqu'ils sont venus se protéger avant les

 13   événements, n'est-ce pas ?

 14   R.  Lorsque vous dites venir se protéger si vous entendez qu'ils ont

 15   recherché ou qu'ils cherchaient la protection du Bataillon néerlandais dans

 16   la base, c'est exact.

 17   Q.  Merci. Je souhaiterais vous demander de bien vouloir vous intéresser au

 18   paragraphe 6 de votre déclaration. Dans ce paragraphe, vous faites

 19   référence à votre mandat, votre mission, et vous dites que votre mission

 20   consistait à dissuader toute action hostile par votre présence, en montrant

 21   que vous étiez présents, en montrant le drapeau, et puis ensuite vous

 22   poursuivez et vous dites que vous deviez faciliter et aider l'aide

 23   humanitaire et que votre mission consistait également à démilitariser

 24   l'enclave; est-ce bien exact ?

 25   R.  Oui, c'est exact.

 26   Q.  Merci. Mais la mission, elle ne prévoyait pas des actions de combat, et

 27   je pense que vous avez déjà constaté, avec une certaine amertume, qu'après

 28   le 9 ou le 10 juillet, la FORPRONU n'était plus impartiale, mais en fait


Page 23137

  1   était devenue en quelque sorte partie prenante à la guerre.

  2   R.  Ecoutez, je ne sais pas d'où vient cette amertume à laquelle vous

  3   faites référence, mais pour ce qui est de la conclusion, c'est exact. Alors

  4   -- mais ça, c'était une conséquence du fait que nous, la FORPRONU, étions

  5   attaqués.

  6   Q.  Mais il n'empêche que vous vous êtes retrouvés avec une tâche

  7   complètement nouvelle car vous deviez défendre activement Srebrenica coûte

  8   que coûte, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, c'est l'ordre que j'ai reçu le 10. Oui, c'est exact.

 10   Q.  Sur quelle base est-ce que cet ordre a été donné ? Sur la -- sur la

 11   base de quel accord avec nous ?

 12   R.  Je ne sais pas sur quelle base cela a été fait. Tout ce que je sais,

 13   c'est que j'ai reçu un ordre très clair et il s'agissait de défendre la

 14   ville de Srebrenica qui se trouvait, en quelque sorte, dans une situation

 15   tout à fait nouvelle et pour nous, c'était une situation tout à fait

 16   nouvelle.

 17   Q.  Merci. Vous, vous-même, vous avez remarqué que la situation était

 18   nouvelle par rapport à l'accord -- ou au mandat, plutôt, que vous aviez,

 19   jusqu'à ce moment-là, mandat des Nations Unies, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, cela dépassait, en quelque sorte, l'accord existant, en vigueur.

 21   C'est exact.

 22   Q.  Merci. Sur la base de cet ordre, vous avez donné ce qu'on appelle un

 23   ordre vert; est-ce bien exact ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie, avoir,

 26   dans le système e-court ou e-court, prononcé à l'anglais, le document

 27   1D04743 ? Donc 1D04743.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 23138

  1   Q.  Pourriez-vous -- pourriez-vous examiner ce document ? Est-ce que vous

  2   pourriez nous dire qu'est-ce que cela signifie "NL Burum LES" ? ? Est-ce

  3   qu'il s'agit d'un code ? Quel est ce document ?

  4   R.  Alors, NL Burum, c'est le centre de Communication qui se trouve dans le

  5   nord des Pays-bas, donc, c'est le système de communication satellitaire.

  6   Q.  Merci. Dans un certain sens, vous deviez -- enfin, vous étiez en

  7   quelque sorte redevable vis-à-vis des Nations Unies et vis-à-vis de votre

  8   gouvernement. Vous deviez présenter un rapport aux deux.

  9   R.  Non, non, ça, ce n'est pas vrai. Moi, je devais présenter mes rapports

 10   en suivant la hiérarchie des Nations Unies, à savoir directement, donc --

 11   je devais présenter mes rapports directement aux commandants du secteur

 12   nord-est.

 13   Q.  Oui mais Burum, c'est bien un centre national, n'est-ce pas ?

 14   R.  Non, ce n'est pas vrai. C'est également un centre de l'OTAN.

 15   Q.  Merci. Donc, est-ce que vous pourriez interpréter ce document pour

 16   nous, je vous prie ?

 17   R.  Oui, oui, tout à fait. Bien, enfin, je pense que c'est assez clair. Il

 18   y a un ordre qui est donné à la Compagnie B. C'est moi qui donne l'ordre,

 19   pour qu'à partir de certains lieux, ils assurent la Défense de Srebrenica.

 20   Donc vous voyez qu'il est indiqué qu'il y a tout un -- qu'il y a un

 21   historique, parce que nous, nous étions, en fait, une unité d'élite au

 22   départ. Nous étions une unité d'élite utilisée pour les assauts et les

 23   attaques aériennes. Nous avions fait notre entraînement des Nations Unies,

 24   c'est ce qu'on appelait l'entraînement bleu. Bleu, en fait, c'est une

 25   référence à la tenue vestimentaire avec les casques bleus, et cetera, et

 26   là, c'était très différent de ce que nous faisions d'habitude. C'était très

 27   -- donc, dans le cadre d'un ordre militaire normal, c'est différent ce que

 28   nous devions faire. C'est pour ça que j'ai utilisé cette phrase : Là, il


Page 23139

  1   s'agit d'un ordre vert.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie, nous

  4   intéresser à la page suivante ?

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Alors les -- là, on voit que des forces de réaction rapide sont prévues

  7   également, et dans l'ordre, vous précisez qui, justement, doit participer

  8   au -- à l'action. Nous le voyons à la deuxième page, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui. La force de réaction rapide, elle existait déjà. Je l'ai -- j'ai

 10   indiqué force de réaction rapide de la Compagnie C, qui se trouvait basée à

 11   Potocari sous le commandement de la Compagnie B, ils y étaient donc pour

 12   assurer les renforts.

 13   Puis, vous m'avez posé une deuxième question. Oui. Oui, oui. J'ai

 14   donné l'ordre précis pour que le capitaine Hageman soit le commandant des

 15   positions de blocage.

 16   Q.  Merci.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 18   dossier de ce document.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame West.

 20   Mme WEST : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. J'allais juste

 21   vous dire que cela a déjà été versé au dossier par l'Accusation. Il s'agit

 22   du document P242.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce document a déjà été versé au

 24   dossier.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Franken, est-ce que vous avez pu constater une différence

 28   entre les appuis aériens et les attaques aériennes ? Vous, est-ce que vous


Page 23140

  1   savez que c'est quelque chose que j'ai précisé lors de mes discussions avec

  2   M. Akashi.

  3   L'INTERPRÈTE : Les interprètes souhaiteraient demander au témoin de ne pas

  4   parler trop près du microphone.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ah, voilà. Encore une fois, j'ai commis cette

  6   erreur.

  7   Mais, bon, je vous dirais, en fait, qu'il y a eu -- bon, ce que je

  8   voulais dire, en fait, c'est que les attaques aériennes, ce n'est pas

  9   forcément une question militaire. Nous pouvons parler d'appui aérien

 10   proche. Ça, c'est lorsque vous avez un ou deux avions qui ont une cible

 11   bien précise qui peut être vue -- qui peuvent être vues par les soldats sur

 12   le terrain. Si vous parlez de frappes aériennes, parce que cela devait être

 13   des -- si vous devez avoir des frappes aériennes, alors, là, la force

 14   aérienne, en fonction de paramètres bien donnés, a les coudées asses

 15   franches. Les troupes sur le -- au sol ne doivent pas forcément les voir,

 16   les cibles. Bien entendu, je ne sais pas ce que vous avez dit à M. Akashi.

 17   Moi, vous savez, j'étais isolé là-bas à Srebrenica. Je ne savais pas

 18   véritablement ce qui se passait au niveau des échelons supérieurs.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Merci, mais est-ce que nous pouvons convenir qu'un appui aérien

 21   rapproché était un soutien ou un appui qui était envisagé pour les unités

 22   des Nations Unies qui pouvaient être vulnérables à des attaques ?

 23   R.  Oui, comme dans le cas d'une frappe aérienne.

 24   Q.  Merci. Mais, toutefois, les frappes aériennes, comme le général Rose et

 25   M. Akashi l'ont expliqué --

 26   L'INTERPRÈTE : -- au général Rose, se reprend l'interprète --

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  -- sont par nature, par définition, différentes. L'objectif n'était pas


Page 23141

  1   de défendre les forces des Nations Unies qui courraient un danger --

  2   plutôt, de modifier la situation sur le front, de punir, de modifier la

  3   situation.

  4   Mme WEST : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir une citation,

  5   une référence, je vous prie, pour tout ceci ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais la Chambre de première instance le sait

  7   déjà cela. Vous savez, moi, je ne peux pas toujours tout vérifier. Ils le

  8   savent déjà, nous avons présenté les détails de notre conversation avec le

  9   général Rose et M. Akashi, ils le savent cela; moi, je n'ai pas le temps de

 10   tout fournir.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, si vous n'avez pas le

 12   temps de nous donner les références, ne faites pas référence à M. Akashi,

 13   au général Rose. Contentez-vous tout simplement d'avancer votre thèse, sans

 14   ces références.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Ma thèse, c'est que nous, nous avions accepté les appuis aériens

 17   rapprochés lorsque vous étiez en danger, à la fois moi-même et le général

 18   Mladic, avions indiqué que vous aviez tout à fait le droit de riposter

 19   indépendamment de qui vous mettez en danger, mais en matière de frappes

 20   aériennes, par contre, et je fais référence aux mandats de départ, nous ne

 21   les avons jamais acceptés. De toute façon, ce n'est pas quelque chose qui

 22   avait été prévu. Donc est-ce que vous acceptez que les frappes aériennes

 23   sont quand même différentes d'un appui aérien rapproché ?

 24   R.  Ecoutez, là, vous vous lancez, vous vous donnez à ces deux opérations

 25   une connotation stratégique ou politique. Vous savez, moi, je ne suis qu'un

 26   simple soldat. Moi, j'ai utilisé, j'utilise l'appui aérien pour me défendre

 27   ou pour neutraliser un ennemi qui attaque. Si cela doit être fait grâce à

 28   un appui aérien rapproché, très bien, mais, bon, lorsque vous avez une


Page 23142

  1   frappe aérienne, cela vous donne de meilleurs moyens en quelque sorte. Vous

  2   pouvez imaginer cela, parce que je vous ai décrit quelle était la

  3   différence. Alors moi, je préfère les frappes aériennes, et je suis désolé

  4   de dire, mais en dépit de tout le respect que j'ai pour M. Akashi et les

  5   personnes de son niveau, je ne sais pas quelles étaient leurs intentions

  6   lorsqu'ils parlaient d'appui aérien. Mais, moi, en tant que soldat, je peux

  7   vous donner une réponse de soldat, et j'étais le soldat après tout qui

  8   était sur le terrain, et je peux vous dire que je préfère de loin les

  9   frappes aériennes, je sais ce que cela signifie, les frappes aériennes, et

 10   l'appui aérien rapproché.

 11   Q.  Merci. Est-ce qu'il était nécessaire d'avoir un contact visuel avec les

 12   forces serbes ? En d'autres termes, est-ce que les contrôleurs aériens

 13   avancés devaient voir les positions des forces serbes pour pouvoir être

 14   d'une certaine utilité ?

 15   R.  Ce n'était pas nécessaire, parce que nous savions -- parce que nous

 16   connaissions en fait également leur contrôle, le contrôle aérien avancé.

 17   Alors ce qui se passe en fait, bon, je vais vous expliquer très rapidement

 18   la procédure, vous avez l'avion qui arrive, bon, il prend contact avec le

 19   contrôleur aérien avancé, il donne les informations, le lieu, la cible, et

 20   cetera. Si cela ne se trouve dans son champ de vision, le contrôle en fait

 21   est transmis à un contrôleur aérien avancé, qui ensuite dirige l'avion vers

 22   la cible. Donc un contrôleur aérien avancé aéroporté, et c'est lui en fait

 23   qui dirige l'avion vers la cible. Bon, j'espère que ma réponse a été

 24   claire.

 25   Q.  Vos contrôleurs aériens avancés, qui vous dirigeaient donc pour les

 26   tirs, est-ce qu'ils étaient Néerlandais ? Est-ce qu'ils étaient placés sous

 27   votre commandement et votre contrôle ? Est-ce que vous avez en aviez

 28   d'autres ?


Page 23143

  1   R.  Oui, mes contrôleurs aériens avancés étaient Néerlandais, et enfin,

  2   oui, très heureusement, ils étaient d'ailleurs placés sous mon contrôle.

  3   Q.  Est-ce que vous aviez d'autres contrôleurs aériens avancés qui

  4   n'étaient pas Néerlandais ?

  5   R.  Non, non, je n'avais pas de contrôleur aérien avancé outre, enfin par

  6   les Néerlandais. Il y avait des soldats britanniques, un groupe de soldats

  7   britanniques qui étaient en mesure, qui savaient en fait comment

  8   fonctionnait le contrôle aérien avancé, mais ils n'étaient pas, ce n'était

  9   pas en fait un groupe de contrôle aérien avancé. Ce que je veux dire c'est

 10   que je ne les ai pas utilisés pour cette tâche.

 11   Q.  De toute façon, ce n'était pas vous qui leur donnait les missions

 12   qu'ils devaient accomplir ?

 13   R.  Ecoutez, ils coopéraient, ils faisaient partie en fait de nos

 14   structures de patrouille. Je leur donnais des ordres mais ils recevaient

 15   des ordres du commandement de Bosnie-Herzégovine également.

 16   Q.  Merci. Alors nous allons peut-être préciser les trois lignes de

 17   séparation que vous avez mentionnées, la serbe, la musulmane et celle des

 18   Nations Unies. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, consulter le

 19   paragraphe 11 de votre déclaration, où vous parlez justement de ces trois

 20   lignes de confrontation ? Pourriez-vous, je vous prie, nous dire quelle

 21   était la distance entre la ligne serbe et la ligne musulmane, et par

 22   rapport à ces lignes, où se trouvait justement la ligne des Nations Unies ?

 23   R.  Pour ce qui est de distance en mètre, vous savez, cela dépendait en

 24   fonction du lieu où vous vous trouviez, de toute façon. Alors, dans le pire

 25   des cas, c'était au nord-est, la distance entre la ligne serbe et la ligne

 26   musulmane était de 1 600 mètres environ, dans le sud, la différence ou la

 27   distance, plutôt, était de 100 à 150 mètres, et puis, il y avait également

 28   entre les deux, la ligne de séparation des Nations Unies. Pour nous, c'est


Page 23144

  1   ce qui est considéré la véritable frontière.

  2   Q.  Au nord-est, à partir de Potocari, en allant vers le nord, dans les

  3   deux camps pouvaient atteindre la ligne de séparation des Nations Unies, en

  4   faisant appel à des tireurs embusqués, mais ils ne pouvaient pas se viser

  5   l'un l'autre, enfin, ils ne pouvaient pas utiliser des tireurs embusqués

  6   pour se viser l'un l'autre, n'est-ce pas ?

  7   R.  Ecoutez, je comprends votre question, mais je ne peux pas véritablement

  8   vous le dire. Voilà comment je comprends votre question : Vous dites dans

  9   la zone nord-est, au nord-est de Potocari, les deux camps, à savoir les

 10   Serbes et l'armée de Bosnie-Herzégovine, ne pouvaient pas se tirer l'un sur

 11   l'autre, mais ils pouvaient tirer sur les Nations Unies. C'est cela que

 12   vous me posez comme question ?

 13   Q.  Oui, oui.

 14   R.  Non, non, non, non, non, non, ce n'est pas comme cela que les choses se

 15   sont passées.

 16   Q.  En fait, ce que je voulais savoir, c'est si -- vous nous avez parlé de

 17   1 600 mètres. Est-ce que c'était 1 600 mètres entre vos forces et les deux

 18   camps ? Est-ce que cela signifie qu'il y avait 800 mètres entre les deux

 19   camps et vous-même, ce qui est une bonne distance pour des tireurs

 20   embusqués, alors que 1 600 mètres, ce n'est pas véritablement une distance

 21   adéquate pour des tireurs embusqués ?

 22   R.  J'ai fait référence au 1 600 mètres. 1 600 mètres c'était ce qui

 23   séparait la ligne de séparation serbe de la ligne musulmane, ce qui ne

 24   signifie pas que les Musulmans se trouvaient à 1 600 mètres de distance des

 25   Serbes. Parce qu'ils avaient leurs positions au-delà de leurs propres

 26   frontières, tout comme les Serbes d'ailleurs. Donc lorsque je dis une

 27   distance de 1 600 mètres, certes mais, en fait, ils étaient plus proches

 28   pour certaines positions. Par exemple, il y avait une montagne au nord-est,


Page 23145

  1   dont j'ai oublié le nom d'ailleurs, un mont, et là, ils étaient à environ

  2   300 mètres l'un de l'autre, et je pense aux positions défensives des deux

  3   parties, des deux camps. Mais vous m'avez posé une question à propos de la

  4   frontière officielle sur la carte; c'est pour ça que j'ai répondu en

  5   avançant ce chiffre de 1 600 mètres. Mais je dirais que dans la pratique,

  6   les distances étaient beaucoup plus courtes, les distances entre les

  7   unités, parce qu'ils pouvaient dans les deux cas avancer en rampant -- ou

  8   plutôt, les deux positions en fait avaient tendance à déborder.

  9   Q.  Merci. Alors ai-je raison de dire que lorsque vous vous trouviez dans

 10   votre poste d'observation, vous aviez les tranchées musulmanes derrière

 11   vous, et en face de vous, vous aviez les tranchées serbes, et vous, vous

 12   étiez entre les deux, n'est-ce pas ?

 13   R.  Si vous faites référence au poste d'observation Québec et Roméo, c'est

 14   exact.

 15   Q.  Vous, vous avez dit, me semble-t-il, n'est-ce pas, que personne de

 16   Sarajevo, et je pense que vous pensiez à votre propre commandement, vous

 17   avez expliqué pourquoi la zone ou les zones n'avaient pas été

 18   démilitarisées, et c'était une interrogation que vous aviez, en fait, parce

 19   que les commandements n'exerçaient pas des pressions pour que cette partie

 20   du mandat soit respectée ?

 21   R.  Ecoutez, bon, je me souviens, en fait, avoir été assez perplexe parce

 22   qu'ils ne nous avaient fourni aucune explication. Bon, une partie de ma

 23   mission consistait à désarmer la zone, mais je vous dirais parallèlement

 24   que c'était une mission impossible, et d'ailleurs j'ai expliqué déjà

 25   pourquoi cette mission était impossible.

 26   Q.  Merci. Au paragraphe 12, vous expliquez comment la 28e Division avait

 27   plus ou moins deux QG. Il y en avait un qui se trouvait dans une salle de

 28   classe qu'ils avaient donc adapté au besoin d'un QG, puis il y avait


Page 23146

  1   l'autre QG qui se trouvait dans l'ancienne poste à Srebrenica; est-ce bien

  2   exact ?

  3   R.  Oui. Mais, là, il faut donner la définition du QG, parce que c'était

  4   assez différent de ce qu'une unité militaire appelle au sens classique du

  5   terme un QG. Bon, il y avait donc un bureau ou des bureaux où ils se

  6   rassemblaient ou se réunissaient, plutôt, pour parler ou parfois pour

  7   exposer leur litige. Mais, en fait, cela n'avait pas la configuration d'un

  8   QG normal. Il n'y avait pas de carte au mur. Il n'y avait pas de

  9   communication, et cetera, et cetera.

 10   Q.  1D1994, je vous prie, pour que vous puissiez examiner leur document

 11   pour voir si vous saviez ce qu'ils utilisaient comme postes de commandement

 12   et pour leur quartier général.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, je regarde la première

 14   phrase du paragraphe 12 et je me demande si elle est exacte parce que voilà

 15   ce qui est écrit :

 16   "Les contacts avec l'armée serbe de Bosnie passaient par le chef d'état-

 17   major de la 28e Division, à savoir Ramiz."

 18   Mme WEST : [interprétation] Je suppose qu'il s'agit d'une erreur, et je

 19   reviens là-dessus après avoir vérifié.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, poursuivez.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Rien ne vous échappe, Excellence. Moi, je ne

 22   suis pas intervenu, parce qu'à mon avis, Ramiz est d'origine serbe. Est-ce

 23   que c'est le bon document qui s'est affiché ? Non, non, D1994, ou alors

 24   1D4769.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Alors est-ce que vous savez qu'ils utilisaient le bâtiment Lovac dans

 27   la vieille ville ? Il y avait également le commandement du Groupe

 28   opérationnel numéro 8 là-bas. Est-ce que vous saviez également qu'ils


Page 23147

  1   utilisaient l'ancien QG de la Défense territoriale --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez

  3   été en mesure de suivre ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai pu suivre au compte rendu, Monsieur le

  5   Juge, mais pendant quelques secondes, je n'ai pas eu de son dans mes

  6   écouteurs.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai dû moi-même augmenter le son

  8   pendant quelques instants, mais vous avez été en mesure de suivre en tout

  9   cas. Il n'est pas nécessaire de demander à M. Karadzic de répéter sa

 10   question, n'est-ce pas ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.

 12   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour répondre à votre question, cet

 14   emplacement ou ce bâtiment Lovac dans la vieille ville Stari Grad ne m'est

 15   pas connu.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Mais leur usage du bâtiment des PTT c'est quelque chose que vous

 18   connaissiez; vous étiez au courant de cela, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Si la pièce est en 1D, c'est 1D4769 qu'il nous faut. Alors vous avez

 21   vous-même confirmé à un moment que de nombreuses maisons de particuliers

 22   étaient utilisées à des fins militaires, c'est quelque chose que vous avez

 23   dit à plusieurs reprises, n'est-ce pas ?

 24   R.  Vous voulez dire -- vous voulez parler de ma confirmation quant à cette

 25   maison par laquelle passaient de nombreuses communications à Pale, qui

 26   était un village compris dans l'enclave, oui, dans ce cas-là, oui. Mais

 27   compte tenu du matériel se trouvant dans ce qu'il était convenu d'appeler

 28   des quartiers généraux, bien entendu, nous savions qu'ils disposaient


Page 23148

  1   d'autres endroits où ils pouvaient faire fonctionner leur quartier général,

  2   mais nous ne savions pas dans quelle maison cela pouvait se trouver.

  3   Q.  Merci. Veuillez porter votre attention sur les points numérotés 1, 2,

  4   et cetera, où l'on n'avance des hypothèses quant aux maisons de

  5   particuliers qui ont pu être transformées en installation à usage

  6   militaire. Donc 2 et 3 parlent de maison qui appartiennent à des

  7   particuliers, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, je vois ce dont vous parlez.

  9   Q.  Pouvons-nous afficher la page suivante ? On verra qu'il y est question

 10   non seulement de maisons mais également d'étables, d'installations

 11   préfabriquées, il s'agit également des locaux de certaines entreprises.

 12   Par exemple, au numéro V, en chiffre romain, la 282e Brigade utilisait la

 13   direction d'une entreprise. Alors, Monsieur Franken, l'une des difficultés

 14   auquel vous étiez confronté en matière de démilitarisation, vous avez

 15   parlé, en fait, de la présence des combattants non pas dans des casernes

 16   mais dans des domiciles de particuliers où ils se transformaient en quelque

 17   sorte en civils et vous ne pouviez pas intervenir, vous n'aviez pas de

 18   mandat de perquisition dans un tel contexte; est-ce bien là d'une des

 19   difficultés que vous avez rencontrées ?

 20   R.  Oui, c'est exact parce que nous n'avons pu trouver aucune caserne, donc

 21   nous avons conclu qu'ils se trouvaient à l'intérieur de maisons.

 22   Q.  Compte tenu du fait que vous êtes militaire de métier et que vous avez

 23   toujours servi au sein d'unités professionnelles, est-ce que vous avez

 24   remarqué peut-être que les armées tant serbes que bosniaques étaient

 25   caractérisées par le fait que leurs effectifs, très souvent, étaient

 26   hébergés dans leurs propres maisons et domiciles et effectuaient des

 27   relèves sur la ligne de front en portant souvent des vêtements civils,

 28   c'étaient des armées populaires ? Est-ce que c'est quelque chose que vous


Page 23149

  1   avez observé ?

  2   R.  Oui, oui. Tout à fait. Nous l'avons observé.

  3   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire, dans ce cas-là, qu'il

  4   était également possible que des tirs proviennent de ces maisons ? Est-ce

  5   que vous avez remarqué que des armes étaient dissimulées dans des meules de

  6   foin et que souvent ces meules de foin étaient incendiées lorsque l'on

  7   procédait à des recherches en essayent de retrouver des armes, lorsque le

  8   conflit avait déjà commencé ?

  9   R.  Il s'agit évidemment d'une possibilité.

 10   Q.  Merci. Lorsque, par exemple, l'armée serbe avance et que les civils

 11   sont déjà partis, est-ce que vous seriez d'accord pour dire que le soupçon

 12   que des soldats aient pu rester à l'intérieur de ces maisons et qui

 13   pourraient donc vous tirer dans le dos à mesure que vous avancez est-ce que

 14   vous seriez d'accord pour dire que ce soupçon est fondé ? Est-ce que vous

 15   seriez d'accord pour dire qu'il est nécessaire de procéder à des fouilles,

 16   à des recherches de ce que l'armée ennemie aurait bien pu laisser derrière

 17   elle en partant et ce qui se trouve derrière vous lorsque vous avancez ?

 18   R.  Je peux vous proposer un million de possibilités supplémentaires, mais

 19   oui, c'est exact.

 20   Q.  Lorsque vous parlez de groupes de sabotage, manifestement, vous avez

 21   relevé les cas les plus flagrants, les plus radicaux et le commandant

 22   Nikolic vous a également informé de ce qui est advenu au village de

 23   Visnjica qui a été incendié et où des civils ont été tués, où d'autres

 24   civils ont été brûlés vivants à l'intérieur de maisons. Cela s'est produit

 25   au printemps, juste avant les événements dont nous avons parlé, n'est-ce

 26   pas ?

 27   R.  Ce que j'ai dit précédemment, c'est que le commandant Nikolic m'a

 28   simplement informé et rien de plus d'une action qui avait eu lieu dans un


Page 23150

  1   village serbe au nord de l'enclave. Il ne m'a fourni aucun détail, même

  2   lorsque je lui ai demandé de m'en donner.

  3   Q.  Mais, dans l'affaire Milosevic, en 2003 - et ce, en page 29007 du

  4   compte rendu d'audience correspondant, tout comme dans le débriefing

  5   concernant Srebrenica en page 0091388 et numéro de page 014291, numéro de

  6   page ERN - vous avez déclaré avoir reçu des informations indiquant qu'une

  7   attaque avait visé le village de Visnjica et que, dans ce village, des

  8   personnes avaient été brûlées vives à l'intérieur de maisons, n'est-ce pas

  9   ?

 10   R.  C'est exact et j'ai eu un rapport du poste d'observation Mike également

 11   à ce sujet. Alors, dans votre question, vous dites que c'est le commandant

 12   Nikolic qui m'en a informé. C'est la raison pour laquelle j'ai répondu

 13   comme je l'ai fait. J'ai répondu en disant que le major -- le commandant

 14   Nikolic ne m'a rien dit de plus -- ne m'a rien -- il n'a rien dit de plus

 15   que ce que j'ai indiqué, à savoir l'existence d'une attaque des forces

 16   bosniennes dans cette zone. Mais, moi, j'ai reçu un rapport de mon poste

 17   d'observation Mike.

 18   Q.  Très bien, je vous remercie.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous maintenant afficher le document

 20   1D04695 ?

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que vous voyez ici la mention de Becirevic Ramiz que vous

 23   connaissez vous en qualité d'adjoint de Oric ? Il parle ici des armes et

 24   des Groupes de sabotage à Srebrenica. Veuillez examiner ceci rapidement et

 25   puis nous passerons à la page suivante.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher la page suivante ?

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Alors ici, nous trouvons une description de tout ce qui s'est passé, du


Page 23151

  1   début jusqu'à la fin.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on passer à la page numéro 4 ? Page

  3   suivante, en fait.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Alors, veuillez examiner le paragraphe qui est au milieu, qui parle de

  6   l'opération parachute, "padobran" [phon]. Est-ce que vous vous rappelez

  7   que, de l'aide a été parachutée et ici, Ramiz indique qu'il y a eu des cas

  8   de meurtres commis entre eux à cause de cette aide parachutée ?

  9   R.  Non, je ne me rappelle pas qu'il y ait eu de parachutage d'une

 10   quelconque aide. Je sais seulement que nous avons eu des rapports

 11   concernant des survols en hélicoptère et ensuite, avec les patrouilles que

 12   nous avions mises en place pour le ravitaillement, nous avons essayé

 13   d'établir les lieux où ils avaient atterri et de découvrir ce qui s'était

 14   vraiment passé. Mais c'est la seule chose que je sais quant à une aide qui

 15   aurait été parachutée. Si c'est quelque chose qui se passe nuit avant, vous

 16   ne pouvez pas l'observer. Cela peut être fait de façon complètement

 17   silencieuse.

 18   Q.  Merci.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous avancer de deux pages ? Alors il

 20   faut avancer encore d'une page en anglais. Page numéro 5 en anglais. Voilà.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Voyez le premier paragraphe entier :

 23   "Après que nous avons obtenu ces deux accord portant sur la

 24   démilitarisation de Srebrenica, nous avons dû procéder à un désarmement

 25   complet."

 26   Un peu plus bas, il continue en disant :

 27   "Nous devions toujours avoir plusieurs soldats."

 28   Ensuite, plus bas :


Page 23152

  1   "Après la remise de nos armes à la FORPRONU, nous avons obtenu du matériel

  2   et des équipements techniques en -- après la remise --

  3   L'INTERPRÈTE : -- se reprend l'interprète --"

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  "-- de notre -- de nos armes à la FORPRONU, du matériel -- ainsi que de

  6   matériel et d'équipement technique en 1994, 1995, les lignes de défense et

  7   la zone de responsabilité du 2e Corps."

  8   Est-ce que vous vous rappelez avoir vu Becirevic près de Potocari dans la

  9   soirée du 10, et est-ce que vous êtes d'accord pour dire que c'est la

 10   dernière fois que vous avez vu des soldats de la 28e Division, puisque, le

 11   11 au matin ou dans la nuit du 10 au 11, ils ont quitté les lieux ? Est-ce

 12   que vous vous rappelez avoir vu, donc, Ramiz le soir du 10 ?

 13   R.  Je n'ai pas vu Becirevic. Mon officier supérieur, Karremans, avait une

 14   réunion avec lui en ville à Srebrenica et je n'ai pas vu de soldats de la

 15   28e Division à ce moment-là. Lorsqu'ils étaient déjà partis, le jour

 16   suivant, le 11, nous avons constaté qu'ils étaient partis, et à ce stade,

 17   nous ne savions pas qu'ils avaient l'intention d'opérer une percée en

 18   direction de Tuzla.

 19   Q.  Merci. Je vous remercie, mais vous saviez, n'est-ce pas, que jusqu'à la

 20   soirée du 10, ils ont combattu les Serbes, même si de tels combats, vous

 21   n'avez pas été en mesure d'en observer davantage jusqu'au matin du 11 ?

 22   R.  C'est exact. Je n'ai pas été en mesure d'observer cela dans la matinée

 23   du 11; cependant, nous avons entendu des bruits de combat et on nous en

 24   fait rapport, des bruits de combat se déroulant dans la zone située à

 25   l'ouest et au nord-ouest de Srebrenica.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je suis

 27   perplexe au vu de la façon dont vous menez votre contre-interrogatoire.

 28   Vous lisez des passages de rapports et de déclarations qui sont le fait de


Page 23153

  1   tiers, et ensuite vous posez des questions qui n'ont rien à voir avec ce

  2   que vous avez lu. Alors il n'y a aucun intérêt à donner lecture de ces

  3   passages, dans ce cas-là. Vous ne prenez pas pour -- vous ne considérez pas

  4   comme chose acquise. Je suppose que ce qui figure dans ces déclarations ou

  5   de ces rapports de tiers sera versé au dossier par la Chambre.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, mais je souhaitais demander le

  7   versement de ces déclarations. Je voulais simplement rafraîchir la mémoire

  8   de M. Franken --

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous n'avez pas

 10   posé une question portant sur le passage dont vous avez donné lecture.

 11   C'est ce que je voulais signaler.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, excusez-moi.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Alors, Monsieur le Témoin, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que

 15   la 28e Division a combattu jusqu'à la nuit du 10, et qu'ensuite, le jour

 16   suivant, le 11, il n'y a plus eu de combat à Potocari ni ailleurs à

 17   Srebrenica, du reste ?

 18   R.  Encore une fois, on m'a fait rapport de bruit de combat. Donc la

 19   conclusion logique qui en découlait c'est que l'on poursuivait un objectif

 20   plus important, que la 28e Division était toujours en train de combattre.

 21   Le lendemain matin, toutefois, le 11, il n'y avait plus de soldats de

 22   l'armée de Bosnie-Herzégovine à Srebrenica.

 23   Q.  Merci. Je voudrais maintenant que l'on examine le document 1D04767. Je

 24   voudrais que vous portiez attention à la manière à la date du 27 mai, cet

 25   ordre est donné, ordre de relever le niveau de préparation au combat ainsi

 26   que de procéder aux préparatifs au combat. Il est également donné pour

 27   ordre, signé par Ramiz Becirevic de mettre en place une interdiction de

 28   quitter la zone.


Page 23154

  1   Alors est-ce que vous avez remarqué à ce stade, que la partie musulmane

  2   était en train de préparer l'action ?

  3   R.  Comme j'ai dit précédemment, il y a eu une recrudescence des incidents

  4   pendant cette période, fin mai et juin. Donc ils ont été plus vigilants que

  5   d'habitude, mais ensuite, oui, je peux confirmer qu'il y a eu creusement de

  6   tranchées en différents endroits, mais pour autant que nous ayons pu le

  7   remarquer, cela s'est fait en réponse à la recrudescence des tensions.

  8   Q.  Merci.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous examiner le document 1D04729,

 10   ordre de procéder à des actes de sabotage du 5 juin. 1D04729 ?

 11   Je souhaiterais demander également le versement au dossier du document

 12   précédent affiché à l'écran.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous avons déjà vu ce

 14   document, hier, et il a été versé hier sous la cote D2009.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, nous ne sommes pas assez nombreux

 16   dans mon équipe, et il est difficile de s'acquitter de toutes les tâches.

 17   Alors ceci a peut-être également déjà été versé, l'ordre de procéder à des

 18   actes de sabotage que nous avons maintenant à l'écran. Donc la plupart de

 19   ces documents ont déjà été versés, nous n'allons pas perdre davantage de

 20   temps.

 21   Peut-on afficher maintenant le document 1D04783 ?

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Il semblerait qu'il n'y ait pas de traduction, donc je vais lire. C'est

 24   un rapport hebdomadaire quant au moral des troupes. Cela est fourni à la

 25   date du 30 juin, c'est-à-dire juste avant les événements de juillet, à

 26   Srebrenica. Il est écrit ici :

 27   "Tout ce qui a été fait sur ordre du commandant, de l'adjoint du commandant

 28   donc dans la profondeur du territoire temporairement occupé par l'ennemi,


Page 23155

  1   des groupes de sabotage, nos Groupes de sabotage ont été infiltrés. Ces

  2   Groupes de sabotage et de reconnaissance sont revenus le 23 juin, il

  3   s'agissait de groupes appartenant à la 282e et 283e Brigades légères. Ces

  4   groupes avaient procédé à des actes de sabotage avec succès, le 22 juin

  5   1995, sur l'axe Zeleni Jadar, en dessous du village d'Osmace. A cette

  6   occasion, quatre soldats de l'agresseur ont été liquidés et des véhicules

  7   de transport de type combi ont été détruits.

  8   "Deux AO" - je ne sais pas ce que c'est exactement - "et un pistolet ont

  9   été saisis, et il n'y a pas eu de perte de notre côté. Le 23 juin, dans la

 10   zone de Koprivna, dans la localité de Bijelo Skenje, le Groupe de sabotage

 11   de la 282e Brigade d'Infanterie légère a liquidé trois soldats de

 12   l'agresseur, et saisi un fusil M72. Le 26 juin, dans la profondeur du

 13   territoire ennemi dans la zone de la municipalité de Vlasenica et de celle

 14   de Han Pijesak, à 20 ou 40 kilomètres, des membres de la 28e Division KOV

 15   [phon], en l'espèce, le Groupe de Sabotage renforcé de la 280e Brigade

 16   légère d'Infanterie, ainsi que celui de la 284e et de la 28e Brigade, ainsi

 17   que d'autres groupes, ont mené avec succès des actions de sabotage dans les

 18   zones suivantes, localité de Visnjica, et ligne ennemie fortifiée à

 19   Bajtama, zone de Crna Rijeka, près du monument au carrefour, zone de Crna

 20   Rijeka dans la localité de Bojcino Brdo et localité de Vrani Kamen. Dans

 21   ces combats, selon nos estimations, 40 Chetniks ont été liquidés et les

 22   armes qui sont ici citées ont été confisquées, saisies."

 23   Alors est-ce que ces combats dans lesquels près de 40 Chetniks ont été,

 24   comme il est écrit ici, liquidés, des armes saisies, alors même qu'on

 25   laissait passer l'aide humanitaire, et tout ce qui se faisait par des voies

 26   illégales et par contrebande; est-ce que d'après vous l'armée serbe était

 27   censée continuer à tolérer de telles pertes tant parmi ses propres rangs

 28   que parmi les civils ?


Page 23156

  1   R.  Je suis surpris que vous me demandiez de répondre à une telle question,

  2   non. Si vous êtes dans une position défensive, et que la partie adverse

  3   lance des patrouilles de combat et rencontre du succès, vous devez réagir.

  4   Par exemple, en prenant des mesures de sécurité renforcées sur vos postes

  5   avancés, et sur vos lignes. Mais encore une fois, vous essayez -- vous

  6   insistez sur le fait qu'il y avait des actes de sabotage qui étaient lancés

  7   depuis l'intérieur de l'enclave, mais c'est quelque chose qui est tout à

  8   fait clair pour moi, et je ne l'ai jamais nié.

  9   Q.  Merci. Vous étiez également au courant pour Visnjica, au courant de ses

 10   activités, n'est-ce pas ? Maintenant, je vais vous présenter une version

 11   provenant d'une source de la Republika Srpska concernant ces mêmes

 12   événements.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais demander s'il est possible de

 14   verser également ce document au dossier.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote 2014 aux fins

 17   d'identification, Madame et Messieurs les Juges.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on examine rapidement le

 19   document 16534 de la liste 65 ter. Je crois qu'une traduction de ce

 20   document existe. Ah, excusez-moi. Dans ce cas-là, peut-on afficher la page

 21   numéro 4 ? Ceci concerne la date du 26 juin. Il s'agit d'un rapport qui est

 22   envoyé au président de la république ainsi qu'aux commandements des corps.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  "Situation sur le territoire."

 25   Ligne 10 :

 26   "L'ennemi a intensifié les Groupes de sabotage terroristes, notamment à

 27   partir des enclaves de Zepa et de Srebrenica. La population est maintenant

 28   informée de l'infiltration de Groupes de terroristes de sabotage qui sont


Page 23157

  1   passés derrière les lignes du corps. Dans le secteur du poste de

  2   commandement de l'état-major principal de la VRS, entre 14 heures 30 et 21

  3   heures 30, les forces ennemies ont exécuté une attaque à laquelle ont

  4   participé trois groupes infiltrés qui étaient composés pour chacun de 15 à

  5   20 hommes. Il y a des informations à propos de deux autres groupes. Lors

  6   des combats avec l'ennemi, nous avons eu un homme qui a été tué et trois

  7   blessés du 65e Régiment de Protection ainsi que quatre tués et cinq blessés

  8   du 67e Régiment de Communications. Les Musulmans ont également fait état de

  9   victimes civiles."

 10   Est-ce que cela correspond à ce que vous saviez ?

 11   R.  Non, parce que, comme je vous l'ai déjà dit, j'obtenais très peu

 12   d'information des Nations Unies. Nous étions extrêmement isolés donc. Bon,

 13   à un mot commençant, les renseignements que nous obtenions, c'était un peu

 14   de la foutaise, donc je n'étais absolument pas au courant. Mais une fois de

 15   plus, je ne nie pas le fait ou je ne réfute pas plutôt que différents types

 16   de patrouilles de combat, comme nous les appelons, avaient été envoyées

 17   hors de l'enclave dans la zone serbe.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ce document pourrait être enregistré

 19   aux fins d'identification ?

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demande si nous ne pourrons pas

 21   trouver la traduction de ce document, car je pense que nous devrions avoir

 22   une traduction.

 23   Mme WEST : [interprétation] Nous avons vérifié, nous n'en avons pas

 24   trouvée.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, nous enregistrerons le document

 26   aux fins d'identification.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit du document D2015 enregistré

 28   aux fins d'identification.


Page 23158

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Alors, à propos de votre liberté de mouvement, vous subissiez en fait

  4   des restrictions assez importantes, notamment dans ce qu'on appelait le

  5   triangle de Bandera ?

  6   R.  Non, pas particulièrement. En fait, c'était le seul endroit de

  7   l'enclave où nous n'avions pas de liberté de mouvement.

  8   Q.  Merci. Est-il vrai que pendant quatre jours ou sur une période de

  9   quatre jours un groupe composé de quatre soldats des Nations Unies a été

 10   capturé dans cette zone ?

 11   R.  Ce n'était pas un groupe de quatre hommes, et ils n'ont pas été

 12   capturés. Moi, j'étais moi-même le commandant d'une patrouille. La première

 13   patrouille, qui s'est rendue dans le triangle de Bandera, nous étions donc

 14   environ avec 40 types bloqués au poste d'observation Charlie et il y en

 15   avait un autre groupe, une autre de mes patrouilles, composée de six à huit

 16   gars, qui se trouvaient bloqués dans la zone de Suceska.

 17   Q.  Là, je dois vous dire que je ne comprends plus très bien, parce que,

 18   dans le compte rendu d'audience de votre déposition dans l'affaire

 19   Milosevic déposition de l'année 2003, à la page 29 906 [phon], vous avez

 20   dit qu'il y avait eu environ une centaine de soldats du 3e Bataillon

 21   néerlandais qui avaient été retenus comme otages entre le 27 et le 31

 22   janvier; est-ce que cela est vrai ?

 23   R.  Ecoutez, je ne peux pas constater s'il est vrai que j'ai dit cela ou

 24   non, mais je pense que le décalage, le problème vient du fait que lorsque

 25   je vous ai parlé de ces 40 hommes, je n'avais pas comptabilisé ceux qui se

 26   trouvaient au poste d'opération Alpha et qui n'avaient pas été en mesure de

 27   repartir à Srebrenica mais ils avaient été bloqués mais sur la base des

 28   Nations Unies. Donc, moi, je vous parle de ces 40 types qui avaient été


Page 23159

  1   donc retenus dans le triangle de Bandera. Je pense que c'est là en fait --

  2   c'est comme cela que l'on peut expliquer la différence.

  3   Q.  Je pense que vous en aviez informé vos commandements. Est-ce que la

  4   communauté internationale -- est-ce que le monde entier avait été informé

  5   de cet événement draconien ?

  6   R.  Ecoutez, moi, je ne sais pas quelle information avait été relayée à la

  7   presse civile, et cetera, et cetera. Je n'ai pas vu les conséquences, mais,

  8   de toute façon, nous n'obtenions pas de journaux dans l'enclave du fait des

  9   restrictions imposées aux convois, donc -- bon, pour autant que je le

 10   sache, non, cela n'a pas été indiqué ou relayé au public.

 11   Q.  Donc, à votre avis, est-ce que les Musulmans ou le camp musulman

 12   bénéficiait d'une position privilégiée -- ou plutôt, est-ce que, par

 13   opposition aux Serbes, est-ce qu'ils avaient bénéficier -- est-ce qu'ils

 14   bénéficiaient plutôt d'un point de vue beaucoup plus positif dans la presse

 15   mondiale ? Si les Serbes avaient cela, est-ce que vous ne pensez pas que

 16   cela aurait fait la une des journaux dans tous les médias immédiatement ?

 17   R.  Pour répondre à votre question, je vous dirais que j'aurais dû être en

 18   mesure de voir ce que les médias disaient de Srebrenica à cette période.

 19   Comme je vous l'ai déjà dit, nous n'avions pas ce type d'information, donc

 20   je ne peux pas répondre à votre question et vous dire ce qui se serait

 21   passé si au cas où les Serbes avaient telle ou telle chose, parce que

 22   j'étais complètement coupé des médias, en fait, pendant cette période, je

 23   ne savais pas ce qu'il s'y disait.

 24   Q.  J'aimerais vous montrer un document, document 1D04977. Voyons un peu ce

 25   qu'en pensait l'état-major principal de l'ABiH. Donc c'est le 5 janvier

 26   1995. J'espère qu'il y a une traduction qui existe, je n'en suis pas sûr.

 27   Vous voyez 5 janvier 1995. Kakanj c'est là où se trouve cantonné ou basé

 28   l'état-major principal. Page 7 de ce document, je vous prie. Il s'agit


Page 23160

  1   d'une directive, une directive dont  le but est de poursuivre les activités

  2   d'offensive. C'est un document de l'ABiH.

  3   S'il n'y a pas de traduction, je vais vous en donner lecture. Regardez :

  4   "Le 2e Corps a, pour tâche, de libérer les lieux suivants, Majevica, Banj

  5   Brdo, Stolice, Busija, Povrsnica, Medjednik, Brusnice et opérer une percée

  6   sur la route, la route Priboj, Lopare, Celic, ou en d'autres termes, avec

  7   l'aide d'autres corps de déverrouiller l'aide pour le territoire libre et

  8   d'atteindre la Drina d'à partir de Zepa vers Zvornik et de participer au

  9   déblocage de Sarajevo avec une partie de ces forces et sur la base de la

 10   décision de l'état-major principal. Les forces de Srebrenica et de Zepa

 11   doivent également opérer la jonction suivante : Kamen, Pogledala,

 12   Pribojevici, Bucije, Podzsplje, Rudova Brdo, Bulinovici et de participer

 13   également au déverrouillage du territoire libre avec le 1er Corps et le 2e

 14   Corps sur la base de la décision qu'ils ont reçues de l'état-major ou du

 15   corps."

 16   Donc, Monsieur Franken, est-ce que vous convenez que, sur la base de toutes

 17   ces activités que vous pouvez constater, pendant le printemps de l'année

 18   1995, ils avaient ces objectifs -- ou plutôt, ces ambitions qui

 19   consistaient à investir toutes la vallée de la Drina plutôt que de rendre

 20   la vie plus facile aux habitants de Srebrenica.

 21   R.  Ecoutez, moi, je ne sais pas si toutes ces activités avaient

 22   mentionnées. Bon, elles auraient pu l'être, d'ailleurs. Bon, ce que je

 23   vois, c'est qu'il s'agit plus ou moins d'un plan stratégique pour

 24   effectivement attaquer dans la direction de la Drina.

 25   Q.  Merci. Etant donné que Srebrenica et Zepa étaient des zones protégées,

 26   et au vu de l'accord relatif à la démilitarisation, est-ce qu'ils étaient

 27   en droit de planifier ce genre de choses et de prendre la Drina à ces

 28   enclaves -- de l'extraire, en quelque sorte, de ces enclaves -- ou de


Page 23161

  1   l'extraire de ces enclaves ? Je vais référence à la zone qui entoure la --

  2   la Drina ainsi que, par exemple, Podrinje. Alors est-ce qu'ils -- si nous

  3   prenons en considération les accords conclus avec les Nations Unies et les

  4   Serbes, est-ce que cela était légitime, donc, d'investir à partir de ces

  5   enclaves ?

  6   R.  Comme je vous l'ai déjà dit, Monsieur Karadzic, bon, je suis

  7   lieutenant-colonel, je ne suis pas juriste, donc je ne -- vous me demandez

  8   s'il s'agissait d'un plan légitime qui -- ou s'il était légitime de

  9   planifier. De toute façon, ils ne l'ont pas fait. Bon, est-ce qu'il était

 10   légitime de planifier ce que vous -- ce qui était considéré comme

 11   territoire ennemi, je n'en sais rien.

 12   Q.  Mais regardez -- regardez les civils qui sont tués, les activités

 13   lancées à partir des incursions -- dans le cadre d'incursions à partir de

 14   Srebrenica et de Zepa. Il s'agit d'incursions sur territoire serbe. Est-ce

 15   que -- enfin, cela n'était absolument pas conforme à ce qui avait -- à

 16   l'ordre qu'ils avaient reçu. Bon, à partir de ces deux zones démilitarisées

 17   et protégées, nous autorisons, dans un premier temps, l'aide humanitaire à

 18   atteindre ces enclaves et autour des enclaves, nous ne pouvions pas faire

 19   de tranchées, creuser des tranchées. Nos forces ne devaient absolument pas

 20   se retrouver ou être rassemblées dans cette zone.

 21   R.  Premièrement, comme je l'ai déjà indiqué, il se peut que cela soit une

 22   conséquence de ce plan stratégique. Enfin, de toute façon, cela s'est

 23   passé. De toute façon, tuer des -- les -- des civils, ce n'est jamais

 24   légitime.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ce document peut être versé au

 26   dossier ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, Monsieur Karadzic, je suis

 28   quand même préoccupé par la fréquence -- par le fait que vous utilisez,


Page 23162

  1   plutôt, assez fréquemment des documents non traduits. Alors essayez d'y

  2   accorder un peu plus d'attention et n'oubliez pas l'ordonnance ou l'une des

  3   ordonnances précédentes qui a été rendue par la Chambre à ce sujet.

  4   Nous allons donc enregistrer le document aux fins d'identification.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document D2016.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Alors, très brièvement, au paragraphe 18, vous dites que vous étiez

  8   informé du fait que les Musulmans n'avaient pas rendu toutes leurs armes,

  9   et puis, à un autre endroit, vous confirmez justement que, lorsque ces

 10   conflits ont éclaté en juillet, vous leur avez offert des armes, mais

 11   qu'ils n'étaient absolument pas intéressées, parce qu'ils disposaient

 12   d'armes plus modernes et bien meilleures; est-ce exact ?

 13   R.  C'est exact, mais, bon, de toute façon, vous m'avez posé une question à

 14   propos de ces armes modernes. Ça, c'est une -- c'est mon avis à moi. Ce

 15   n'est pas la réponse de la 28e Division.

 16   Q.  Oui, mais ils ont refusé de prendre les armes que vous leur aviez

 17   offert. C'est leurs propres armes, d'ailleurs, qui avaient été stockées

 18   dans les bâtiments qui avaient été conçus à cette fin. Ils n'ont absolument

 19   montré aucun intérêt pour cela, n'est-ce pas ?

 20   R.  C'est exact.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, très brièvement, document de la liste 65

 22   ter 16414. Alors je voudrais véritablement faire amende honorable, parce

 23   que cette fois-ci, je peux vous annoncer que le document a été traduit.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que juste avant le jour de la Saint-

 26   Sylvestre, à la fin de l'année 1994, nous avons signé un cessez-le-feu.

 27   C'était le président Carter qui avait fait la médiation pour ce cessez-le-

 28   feu et vous étiez censé être là-bas pour ce cessez-le-feu qui était censé


Page 23163

  1   d'ailleurs durer pendant quatre mois. C'est ce qu'on a appelé le cessez-le-

  2   feu Carter; vous vous en souvenez ?

  3   R.  Oui, oui, je sais qu'il existait lorsque je suis arrivé dans l'enclave,

  4   effectivement.

  5   Q.  Voyez-vous, cinq jours seulement après cela, le quartier général de

  6   l'armée musulmane a adopté la directive que nous avons vue il y a quelques

  7   minutes de cela à propos de la poursuite des activités d'offensive; n'est-

  8   ce pas exact ? C'était le 5 juillet 1995 --

  9   L'INTERPRÈTE : 5 janvier, se reprend l'interprète, 1995.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Alors regardez ce document, je vous prie. L'armée serbe était

 13   parfaitement informée des intentions de l'ennemi et il est dit là à la

 14   première phrase :

 15   "Après avoir supervisé la situation et après avoir évalué les intentions et

 16   capacités des forces musulmanes, je crois qu'ils ne vont pas respecter le

 17   cessez-le-feu signé prévoyant la cessation des hostilités pour quatre mois,

 18   mais commenceront au début de mois de mars leur offensive de printemps

 19   d'ores et déjà annoncée et vont essayer -- dans le cadre de cette

 20   offensive, essayer d'opérer la jonction entre les enclaves de Zepa et de

 21   Srebrenica et ensuite de diriger leurs forces Kladanj, Olovo et Tuzla," et

 22   cetera, et cetera.

 23   Vous voyez, cela est signé commandant adjoint colonel Manojlo

 24   Milovanovic.

 25   Donc vous convenez que notre armée supervisait la situation, disposait de

 26   renseignements exacts et avait su bien évaluer ce qui allait se passer.

 27   R.  Au vu du document que vous m'avez montré précédemment, je pense,

 28   effectivement, qu'il s'agit d'une bonne analyse.


Page 23164

  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ce document pourrait être versé au

  3   dossier ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D2017, Monsieur le

  6   Président.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D4766. Est-ce que nous pouvons examiner ce

  8   document rapidement, je vous prie ?

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Vous avez confirmé hier avoir été informé de la structure de la 28e

 11   Division ou la connaître, en tout cas, et je pense à la réunion avec Zulfo

 12   Tursunovic dans le triangle de Bandera, et vous nous avez dit que vous

 13   aviez eu l'impression de traiter avec une armée organisée; est-ce bien

 14   exact ?

 15   R.  Non, non, non, pas seulement à propos de la réunion avec Zulfo mais je

 16   vous dirais que certes, j'avais l'impression qu'il s'agissait d'une

 17   division ou d'une armée organisée en division.

 18   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, vous intéresser à ce document, regardez il

 19   s'agit du mois de juillet 1993, dès le mois de juillet 1993, il y avait une

 20   structure en place qui restait bien que par la suite, ils se sont appelés

 21   des brigades, le 280e Bataillon, le 281e Bataillon, et cetera -- des

 22   brigades, mais est-ce que vous connaissez cette structure, cette structure

 23   de leur unité ?

 24   R.  Bon, je sais ce qu'il en était pour les brigades en fait. Alors, pour

 25   ce qui est de la structure inférieure et des bataillons, du lieu où ils

 26   étaient basés, là, il s'agissait d'information que je n'avais pas.

 27   Q.  Merci. Est-ce que vous voyez que des forces assez importantes sont

 28   déployées dans des villages ? Est-ce que cela pourrait peut-être être la


Page 23165

  1   raison qui explique que des membres de la communauté internationale qui ne

  2   se rendaient que dans les villes ne soient pas conscients de l'effectif

  3   complet et de la structure de la 28e Division ?

  4   R.  Je vous dirais juste pour le compte rendu d'audience. Je ne me souviens

  5   pas de visite internationale lors de la période où je m'y suis trouvé. Bon,

  6   c'est un autre problème aussi. Il n'y avait pas de caserne au sens

  7   classique du terme, donc il m'était difficile en fait de juger ou de jauger

  8   ces structures.

  9   Q.  Non, bon, je pense, par exemple, à Médecins sans frontières, je pense à

 10   vos soldats, par exemple, également, lorsque je parle de la communauté

 11   internationale. Mais il vous était difficile -- au vu de cette dispersion

 12   ou répartition dans les villages, il vous était difficile, disais-je, de

 13   pouvoir prendre connaissance de leur effectif sans avoir un véritable

 14   service du renseignement, n'est-ce pas ?

 15   R.  Premièrement, je dirais qu'il est exact, nous ne disposions pas d'un

 16   véritable service du renseignement. Puis, deuxièmement, le problème c'est

 17   que si vous avez une armée qui n'a pas de caserne et qui ne porte pas

 18   toujours d'uniforme, il est difficile de la reconnaître en tant que armée.

 19   Si vous avez un bataillon divisé en unité disséminée dans trois ou quatre

 20   villages, et logée dans des maisons du village, il est quasiment impossible

 21   -- enfin, il nous était impossible de reconnaître qu'il s'agissait d'un

 22   bataillon ou d'une unité militaire.

 23   Q.  Merci. C'est ce que nous appelons une armée populaire. Est-ce que vous

 24   étiez informé de la doctrine de Tito, à propos de la population armée, à

 25   savoir, en cas de guerre, toute personne, indépendamment du lieu où il se

 26   trouvait, sans pour autant recevoir de directive ou d'ordre spécial, doit

 27   pouvoir obtenir une arme pour se battre.

 28   R.  Non.


Page 23166

  1   Q.  Si vous aviez été au courant de cette doctrine, vous auriez pu

  2   constater que ce qui était fait, était conforme à cette doctrine.

  3   J'aimerais, maintenant, vous demander de vous rappeler des convois. Dans le

  4   paragraphe 24, dans la deuxième partie, voilà ce que vous dites :

  5   "La VRS -- ou il avait des objets que la VRS refusait, de façon absolument

  6   catégorique. Tout ce qui avait à voir avec des systèmes d'arme, des pièces

  7   de rechange, ou des dispositifs pour tester des pièces de rechange pour les

  8   véhicules, des dispositifs pour les radios, les communications par radio,

  9   lorsque la liste était approuvée par la VRS, les camions néerlandais

 10   partaient des zones de Tuzla ou de Sarajevo, pour transporter ces objets

 11   jusqu'à l'enclave, et nous étions informés qu'un convoi avait été autorisé,

 12   et qu'il devait arriver par fax envoyé par ma base logistique…" et cetera.

 13   Est-ce que vous avez compris pourquoi l'armée de Republika Srpska faisait

 14   l'objet d'un embargo pour ce qui est des objets mentionnés au paragraphe 24

 15   ? Est-ce que, vous, vous auriez imposé un embargo si vos adversaires se

 16   trouvaient dans une zone protégée ?

 17   R.  Non, moi, je n'imposerais pas un embargo, parce que je pense que nous

 18   en avons déjà parlé hier, parce qu'hier, vous aviez dit que l'armée de la

 19   Republika Srpska n'avait aucun intérêt à affaiblir le Bataillon

 20   néerlandais. En fait, ils le faisaient en n'autorisant pas les convois.

 21   Moi, je pensais -- enfin, je pensais que le rôle des Nations Unies était

 22   évident et manifeste. Hier, c'était également le cas des Serbes d'ailleurs,

 23   comme cela a été dit hier, et de ce fait je ne comprends véritablement pas

 24   pourquoi ces convois n'obtenaient pas l'autorisation.

 25   Q.  Mais est-il exact que vous avez remarqué que cinq ou six véhicules de

 26   transport de troupes des Nations Unies ont disparu de Zepa. C'était

 27   probablement les Musulmans qui les avaient volés ou quelqu'un les a volés.

 28   R.  Alors j'avais fait état de deux véhicules de transport de troupes. Vous


Page 23167

  1   faites référence à un rapport des Nations Unies, à propos du bataillon à

  2   Zepa. Moi, je ne sais pas en fait le nombre de véhicules de troupes qui a

  3   été volé ou qui faisait l'objet du rapport. Lorsque je parle de deux

  4   véhicules de troupes, je fais référence à un de mes rapports à propos d'un

  5   de mes postes d'observation.

  6   Q.  Mais vous avez vu hier, qu'un blocus avait été planifié. Vos soldats

  7   étaient censés être désarmés, le matériel était censé être pris, c'est ce

  8   que Naser Oric avait recommandé en tout cas à ses adjoints ou à son

  9   adjoint.

 10   R.  Ecoutez, oui, je pense avoir vu hier effectivement, mais très

 11   franchement, je ne me souviens pas, je ne m'en souviens pas. Bon, je peux

 12   tout à fait aisément imaginer que des mesures de ce style ont été

 13   effectivement pris en considération.

 14   Q.  Mais est-ce que vous courriez le danger de voir les Musulmans vous

 15   imposer un blocus, et prendre votre matériel ?

 16   R.  Non, je ne le pense pas. Ils auraient pu le faire pour un poste

 17   d'observation et ses gardes, mais ils n'auraient jamais pu réussir à

 18   désarmer toute l'unité, de cette façon.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que le document précédent pourrait être

 21   versé au dossier.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 23   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je vais soulever une

 24   objection à ce sujet. C'est un document de l'année 1993, le témoin n'a pas

 25   été en mesure de confirmer le lieu où se trouvaient les bataillons, ce qui

 26   n'est absolument pas surprenant, puisque cela se passe deux ans avant son

 27   arrivée. Donc je ne pense pas que c'est à ce témoin que l'on doit présenter

 28   ce document.


Page 23168

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais il a confirmé les barrages.

  2   Mme WEST : [interprétation] Il a confirmé le nombre des brigades, mais le

  3   cœur de la question c'était le lieu, parce que la Défense a dit : ces

  4   soldats ou ces unités se trouvaient dans différents villages, puisqu'il se

  5   trouvait dans ces villages, vous ne pouvez pas être au courant. Cela s'est

  6   passé deux ans avant son arrivée, si ce document venait à être versé au

  7   dossier, il n'ajoute rien à propos de la crédibilité du témoin, parce que

  8   cela s'est passé beaucoup trop tôt par rapport à son arrivée.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je répondre ? Premièrement, le témoin a

 10   confirmé que ce type de structure avec des noms différents existait

 11   lorsqu'il est arrivé là-bas également, et puis, il a également confirmé la

 12   connotation populaire de cette armée, cette armée disséminait dans

 13   différentes maisons, différents villages, ce qui empêchait les étrangers

 14   d'observer le nombre d'effectifs et la structure de la 28e Division.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a confirmé l'existence de

 17   brigades et la façon dont les unités étaient dispersées dans les différents

 18   villages, donc nous avons un fondement qui nous permet de verser le

 19   document au dossier et qui fera l'objet de la cote D2018.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste un dernier document avant la pause.

 21   1D0473. 1D04773. Document 4773. Alors, peut-être que cela en fait partie.

 22   Mais, non, non, je ne le pense pas. C'est un document séparé. Oui, c'est

 23   bien le document en question et nous en avons également la traduction.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Alors veuillez examiner ce document. Il s'agit de la sûreté d'Etat des

 26   Musulmans. Ceci vient de Tuzla. Il y a eu écoute d'une conversation entre

 27   le général Milovanovic et le général Nikolai par ces mêmes services de la

 28   sûreté d'Etat des Musulmans. La traduction était assurée par une


Page 23169

  1   interprète, Svetlana, pour le général Nikolai. Ceci est intercepté à la

  2   date du 8 juillet 1995. Alors je voudrais, maintenant, que l'on examine la

  3   septième ligne en partant du bas. Il est dit :

  4   "Je vais vérifier de quoi il s'agit. Je ne suis pas au courant de ce

  5   problème dont parle le général, mais les forces musulmanes ont lancé des

  6   attaques sur cette partie du front qui nous fait face pendant la journée,

  7   et il y a autre chose que je souhaite dire au général. Les Musulmans, au

  8   cours des derniers jours, ont utilisé six véhicules de transport blindé de

  9   troupes de la FORPRONU dans la zone de Srebrenica. Votre commandant à

 10   Srebrenica est probablement au courant de cela et nous avons localisé ces

 11   véhicules de transport de troupes blindés dans la zone se trouvant entre

 12   Zepa et Srebrenica. Je voudrais -- je vous prierais de bien vouloir avertir

 13   vos effectifs et de leur demander d'écarter leurs -- d'écarter toutes les

 14   armes lourdes des Musulmans, notamment les véhicules de transport," et

 15   cetera.

 16   Alors, ensuite, je ne vois pas la suite. Mais est-ce que vous voyez

 17   que, d'après les informations du général Milovanovic sur la date du 8

 18   juillet, informations qu'il a fait suivre au général Nikolai, la partie

 19   musulmane disposait de six véhicules de transport de troupes blindés dans

 20   la zone s'étendant entre Zepa et Srebrenica, c'est-à-dire précisément là où

 21   les combats avaient commencé ?

 22   R.  Oui. Je vois qu'il est question ici de six véhicules de transport de

 23   troupes entre les enclaves de Srebrenica et de Zepa, mais encore une fois,

 24   nous ne pouvions pas être au courant de cela parce que nous n'avions pas la

 25   possibilité de mettre en place et d'utiliser les postes d'observation dans

 26   cette zone. Donc est-il possible que l'armée de Bosnie-Herzégovine ait

 27   utilisé six véhicules de transport de troupes blindés dans cette zone ? Ma

 28   réponse est oui.


Page 23170

  1   Q.  Oui.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous le verserons peut-être aux fins

  4   d'identification.

  5   Madame West.

  6   Mme WEST : [interprétation] Pas d'objection.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document est versé aux fins

  9   d'identification sous la cote D2019.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons ménager une pause d'une

 11   demi-heure. Après cela, Monsie0ur Karadzic, il vous restera pratiquement

 12   une heure pour mettre un terme à votre contre-interrogatoire et nous

 13   reprendrons donc à 10 heures 55.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que c'est dommage, Excellence, y

 15   compris pour les Juges de la Chambre, parce que nous avons ici un témoin

 16   qui est très bien au fait des événements et je crois que nous devrions

 17   mettre à profit la connaissance dont bénéficie le témoin et le sens de la

 18   coopération dont il a fait preuve pour jeter la lumière sur tout ce qui

 19   s'est produit dans ce contexte.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous aurions peut-être pu éviter de nous

 21   offrir le luxe de la lecture de tous ces passages superflus. Veuillez tenir

 22   compte des indications qui vont ont été données ou consulter Me Robinson

 23   quant à la façon optimale de poursuivre votre contre-interrogatoire pendant

 24   le temps qu'il vous reste.

 25   Nous reprendrons donc à 11 heures 05.

 26   --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

 27   --- L'audience est reprise à 11 heures 06.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame West.


Page 23171

  1   Mme WEST : [interprétation] Très rapidement, je dirais que le document que

  2   nous avons étudié avant la pause, le document 1D04773, la conversation

  3   interceptée, je voulais juste indiquer, aux fins du compte rendu

  4   d'audience, qu'il ne s'agit pas de Milovanovic mais c'est Tolimir, en fait.

  5   Car l'accusé a indiqué deux fois qu'il s'agissait de Milovanovic, et je

  6   voulais juste m'assurer que la Chambre comprenne de qui il s'agissait.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'accusé a dit qu'il

  8   s'agissait de Milovanovic ?

  9   Mme WEST : [interprétation] Oui. Au compte rendu d'audience, page 30, ligne

 10   29, il a dit "Milovanovic."

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est tout à fait possible. Excusez-moi du

 12   manque de précision. Mais Milovanovic s'exprimait très souvent en l'absence

 13   de Mladic. Mais, bon, bien sûr qu'il est utile de corriger et de préciser.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Poursuivez.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Document 1D4775, je vous prie.

 16   Alors une traduction existe. Je pense que la version anglaise pourrait être

 17   affichée également.

 18   En attendant qu'elle ne soit affichée, je voulais juste vous dire de quel

 19   document il s'agit. Il s'agit de la Sûreté d'Etat des Musulmans de Tuzla,

 20   une conversation interceptée entre le général Janvier et le général Mladic

 21   conversation du 10 juillet.

 22   Est-ce que cette traduction peut être affichée ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne crois pas que nous ayons la

 24   traduction.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] En effet, excusez-moi. Alors je vais vous en

 26   faire la présentation.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Le 7 juillet, il y a une conversation entre le général Mladic et le


Page 23172

  1   général Janvier. Mladic, on entend mieux sa voix, en fait, et il fait état

  2   au général Janvier du fait que les Musulmans, à plusieurs reprises, ces

  3   jours-là, ont fait des sorties de cette zone des incursions et puis ont

  4   entraîné des pertes parmi les civils. Ils ont tué six ou sept jeunes

  5   garçons dans un village, ils ont incendié le village de Vrbica, ils ont

  6   saisi du matériel technique de la FORPRONU, et ils énumèrent différentes

  7   localités dans lesquelles les Musulmans ont attaqué les civils et infligé

  8   des pertes aux forces armées ainsi qu'aux civils serbes.

  9   Est-ce que ceci cadre avec les informations dont vous disposez, les

 10   informations en fait dont le général Mladic fait état au général Janvier

 11   ici ?

 12   R.  Je ne suis pas au courant de cette conversation entre ces deux

 13   généraux, bien entendu. Ce que je me demande aussi c'est de quelle zone il

 14   s'agit quand on parle de la zone dont ils sont censés être sortis. Je ne

 15   connais pas cette zone de Vrbica; est-ce qu'ici il est question de la

 16   région de Srebrenica ou d'une autre zone ?

 17   Q.  Mais Mladic se reprend; ce n'est pas Banja Luka mais Banja Lucica, et

 18   non pas Vrbica mais Visnjica. Il dit qu'ils faisaient des sorties de la

 19   zone de Srebrenica, pour se livrer à ces tueries. Alors est-ce que vous ne

 20   saviez pas ce qu'il en était de Visnjica ?

 21   R.  Oui, c'est exact. J'ai déjà confirmé avoir reçu un rapport de la part

 22   de mon poste d'observation Mike et j'ai également reçu une plainte de la

 23   part du commandant Nikolic de la Brigade de Bratunac.

 24   Q.  Merci.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document aux fins

 26   d'identification ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D2020.


Page 23173

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Sommes-nous d'accord pour dire que vous avez déclaré que l'armée serbe

  3   de Bosnie n'avait tué aucun membre du Bataillon néerlandais ni causé de

  4   perte à ce dernier, et certainement pas au sein de l'enclave, vous avez dit

  5   cela au compte rendu de l'affaire Milosevic, n'est-ce pas ?

  6   R.  Comme je l'ai indiqué, oui, nous avons eu quelques blessés légers suite

  7   à des tirs serbes, mais il n'y a pas eu de mort causé par les Serbes.

  8   Q.  Merci. Le soldat Rensen a été tué par les forces musulmanes, n'est-ce

  9   pas ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Merci. Alors concernant les tirs de la VRS, est-il exact que vous avez

 12   observé que l'objectif de la VRS était d'immobiliser le Bataillon

 13   néerlandais ou, plutôt, qu'ils souhaitaient immobiliser tant vos forces que

 14   celles des Musulmans et qu'ils souhaitaient les empêcher d'entrer en

 15   confrontation et non pas qu'ils souhaitaient les détruire; est-ce exact ?

 16   R.  Je ne connais pas le contexte, mais j'ai remarqué qu'ils avaient

 17   tendance à essayer de prendre de court mes postes d'observation et à les

 18   neutraliser une fois qu'ils les avaient encerclés. Mais dans le cas précis

 19   de la défense de Srebrenica, leurs objectifs n'étaient pas clairs, parce

 20   que nous étions directement pris pour cible des tirs et, bien entendu, au

 21   moyen de tir direct, vous avez également la possibilité d'immobiliser une

 22   unité. C'est exact.

 23   Q.  Merci. Vous avez dit cela dans l'affaire Tolimir, le 30 juin 2010, en

 24   pages 3 339 à 3 345 du compte rendu. Est-ce que vous vous rappelez

 25   également avoir confirmer que vous n'aviez pas reçu d'information indiquant

 26   que les Serbes avaient tiré sur une colonne de réfugiés et est-ce que vous

 27   pouvez nous confirmer avoir émis cette opinion à l'époque, à savoir qu'ils

 28   avaient les moyens de causer des pertes considérables à cette colonne de


Page 23174

  1   réfugiés, mais qu'ils n'ont pas recouru à ces moyens ?

  2   R.  Quant à la dernière partie de votre question, ils avaient effectivement

  3   les moyens d'infliger des pertes considérables. Quant à la première partie,

  4   je suis un peu étonné parce que, dans mon souvenir, j'ai eu des rapports

  5   indiquant que la colonne de réfugiés, qui était en chemin entre Srebrenica

  6   et Potocari, avait essuyé des tirs de mortiers et d'artillerie, et ensuite

  7   des bombardements qui venaient de Srebrenica, il en a fait état et j'ai

  8   également indiqué cela, mais là, il y a une incohérence, manifestement.

  9   Q.  Vous, vous parlez d'un chiffre de 114 blessés. Certains de vos soldats

 10   et certains observateurs militaires des Nations Unies ont indiqué qu'ils

 11   étaient surpris du faible nombre de blessés. Alors que vous, vous parlez

 12   donc de 114 blessés. En page 3 324 de l'affaire Tolimir, le 30 juin 2010,

 13   tout comme dans l'affaire Popovic, en page 2 480, et 2 481, à la date du 16

 14   octobre, il y a d'autres références encore. Vous indiquez que, si la VRS

 15   avait voulu tuer toutes les personnes qui faisaient partie de cette colonne

 16   de réfugiés, elle aurait pu le faire.

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  Merci. Vous avez également indiqué, dans l'affaire Popovic, que les

 19   réfugiés et civils s'étaient mis en route en prenant la direction de

 20   Potocari de leur propre initiative, en partie au moins, vous avez convenu

 21   dans la même affaire en page 2 610, que vous auriez certainement été

 22   informé si jamais colonne de réfugiées elle-même avait été bombardée. Et

 23   ensuite, il est dit :

 24   L'INTERPRÈTE : Monsieur Karadzic, citant en anglais.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  "S'ils avaient tué -- s'ils avaient voulu tuer toutes ces personnes,

 27   ils en auraient eu les moyens."

 28   R.  Je crois que c'est la même question que celle qui a déjà été posée.


Page 23175

  1   S'ils avaient effectivement souhaité les tuer tous, ils auraient pu le

  2   faire.

  3   Q.  Merci. Au paragraphe 60, vous parlez de la matinée du 11 juillet. Vous

  4   dites que la population civile se déplaçait en masse en direction de votre

  5   base. Est-ce que vous avez reçu des informations vous indiquant que les

  6   autorités musulmanes avaient émis deux ordres : premier ordre exigeant que

  7   les personnes en capacité de combattre participent à la percée vers Tuzla,

  8   et deuxième ordre que les civils prennent la direction de Potocari ? Est-ce

  9   que vous saviez que les civils se rendaient à Potocari dans le but d'être

 10   transférés en territoire musulman ?

 11   R.  Je n'ai reçu aucune information portant sur des ordres des Musulmans à

 12   ce sujet. Comme je l'ai indiqué précédemment, ils étaient hors de vue à

 13   partir du 11 juillet et c'est par l'intermédiaire des Serbes de Bosnie que

 14   j'ai appris qu'ils avaient opéré une percée en direction de Tuzla.

 15   Q.  Est-ce que je peux vous proposer une synthèse avec vos propres

 16   explications à l'appui ? Karremans a observé, pour la dernière fois le 10

 17   juillet au soir, les soldats de la 28e Division. Le 11 juillet, ils étaient

 18   déjà en route vers Tuzla. Le 11 juillet au matin, également, les civils de

 19   leur propre initiative se sont mis en route vers Potocari en direction de

 20   votre base, donc, et dès midi, le 11 heures du matin, la ville était déjà

 21   totalement vide et dans l'après-midi du 11 juillet, l'armée serbe est

 22   entrée dans une ville de Srebrenica déjà vide; est-ce exact ?

 23   R.  Pas entièrement. Le matin du 11, ils étaient déjà en route pour Tuzla,

 24   mais je ne le savais pas à ce moment-là. Je -- mais ils n'étaient plus à

 25   Srebrenica, c'est exact. A 11 heures du matin, la ville n'était pas encore

 26   tout à fait vide. Il y avait encore des Musulmans qui étaient là.

 27   S'agissait-il des derniers soldats de la 28e Division ou d'autres

 28   personnes, je ne le sais pas. Le 11, nous nous sommes retirés, et ensuite,


Page 23176

  1   les Serbes sont entrés dans une ville de Srebrenica complètement vide après

  2   qu'ils avaient déjà essayé d'entrer dans la ville le soir du 10, dans le

  3   cadre d'une attaque que j'ai déjà décrite et au sujet de laquelle j'ai dit

  4   que nous avions ouvert le feu en riposte.

  5   Q.  Merci. Pendant que les réfugiés ont été présents dans votre base, selon

  6   vos propres estimations, il y avait 10 ou 11 personnes dont le -- vous avez

  7   inhumé les corps et qui étaient décédées d'épuisement, dans certains cas de

  8   diabète, de déshydratation, et cetera. Nous avons vu plusieurs cas. Alors,

  9   concernant ces personnes, leurs corps ont-ils été inhumés derrière vos --

 10   votre bâtiment, derrière la base ?

 11   R.  Il faut faire une distinction. Je sais qu'il y a eu 11 à 13 personnes

 12   qui sont décédées à l'intérieur de la base et dont les corps ont été

 13   inhumés sur le terrain de cette dernière. Combien y a-t-il eu de blessés à

 14   l'extérieur de la base ? J'ai reçu des rapports non confirmés à ce sujet,

 15   mais encore une fois, il s'agit de personnes dont nous n'avons pas pu nous

 16   occuper et que nous n'avons pas pu inhumer, et les chiffres de 10 ou 11

 17   sont des chiffres officiels. Il s'agit du nombre de tombent qui ont été

 18   creusées par le Bataillon néerlandais. Alors, bien entendu, je ne sais pas

 19   ce qu'il en est de cette personne qui souffrait de diabète ni des autres

 20   réfugiés, mais d'un point de vue purement statistique, sur 35 000

 21   personnes, il est évident qu'il doit bien y en avoir -- bien y en avoir

 22   quelques unes souffrant de diabète, évidemment.

 23   Q.  Lieutenant-colonel, voyons maintenant jusqu'à quel point nous sommes

 24   vraiment sûrs de ces chiffres. Est-ce qu'au point culminant de la crise, à

 25   l'été 1995, lorsqu'il y a eu le plus grand nombre de réfugiés dans

 26   l'enclave, c'est-à-dire 37 000 personnes, est-ce que vous savez que, dans

 27   leurs propres documents, ils faisaient étant de 45 000 personnes dans le

 28   but de recevoir plus d'aide ?


Page 23177

  1   R.  Je ne sais pas pour quelle raison ils auraient parlé de 45 000

  2   personnes. Quant au chiffre de 37 000, c'était une estimation assez

  3   approximative que nous avions faite, mais nous ne pouvions pas aller au-

  4   delà d'une estimation approximative.

  5   Q.  Mais d'après leurs propres documents, ils ont dit -- écrit :

  6   "Nous faisons état de 45 000 personnes, mais considérez ceci comme un

  7   secret à ne pas divulguer."

  8   Ils l'ont fait pour obtenir plus d'aide. Mais, bon, nous avons un document

  9   qui a déjà été versé. Donc, au point culminant de la crise, il y avait 37

 10   000 personnes. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il y avait

 11   davantage de personnes qui entraient dans l'enclave qu'il n'y en avait qui

 12   -- qui --

 13   L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il y avait davantage de

 16   personnes qui quittaient l'enclave qu'il y en avait qui en sortait et qui

 17   prenaient la direction de Tuzla ? Est-ce que vous êtes d'accord pour dire

 18   qu'en 1995, il y avait moins de personnes, moins de 37 000 personnes là-

 19   bas, et que les seuls groupes qui entraient étaient des Groupes de sabotage

 20   ?

 21   R.  Encore une fois, c'est ce que vous dites. Nous avons procédé à une

 22   estimation du nombre de civils dans les environs immédiats de notre base et

 23   dans l'enclave à 37 000, 37 000 personnes. Je ne sais pas combien ils

 24   étaient au moment où nous sommes arrivés au mois de janvier 1995. Du point

 25   de vue des Nations Unies, ces chiffres étaient des estimations.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que des données existent

 27   provenant tant de la partie musulmane que de la partie serbe et je veux

 28   croire que la communauté internationale a également ses propres chiffres


Page 23178

  1   indiquant que 13 à 15 000 personnes ont pris la route de Tuzla, ont pris la

  2   direction de Tuzla dans ce qui était une tentative de percée ?

  3   R.  Cela semble correspondre au chiffre que j'ai pu entendre.

  4   Q.  Bien, dans ce cas-là, cela signifierait qu'il y avait eu plus de 50 000

  5   personnes à Srebrenica, alors que notre estimation à nous était qu'ils

  6   étaient un peu plus de 32 ou 33 000. Mais est-ce que vous êtes d'accord

  7   pour dire que, s'il y a bien eu 13 à 15 000 personnes ayant pris la

  8   direction de Tuzla, c'est qu'on avait affaire à des estimations vraiment

  9   très approximatives ?

 10   R.  Nous avons toujours parlé d'une estimation du nombre de personnes. Une

 11   estimation n'est jamais précise. Si c'est ce que vous dites, vous avez

 12   raison.

 13   Q.  Merci. Je voudrais maintenant que nous abordions la question de

 14   l'évacuation. Est-ce que vous saviez que le 9 juillet, les autorités, en la

 15   personne d'Osman Suljic, ont demandé par écrit que son gouvernement puisse

 16   s'adresser aux Serbes, via les Nations Unies, afin d'obtenir que l'on

 17   permette une évacuation de la population civile ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez que M. Akashi a évoqué ces entretiens

 20   avec le gouvernement des Musulmans, dans sa lettre à Kofi Annan, datée du

 21   11 juillet 1995 ? Il y dit que, sur la base des consultations auxquelles il

 22   était procédé avec le gouvernement des Musulmans, on nous a conseillé, ou

 23   on nous a demandé de nous adresser aux Serbes afin de leur adresser une

 24   demande d'évacuation de la population civile de Srebrenica.

 25   R.  Je suppose que vous voulez parler de la population musulmane. Non, je

 26   n'étais pas au courant de ces communications et je vous répète que nous ne

 27   recevions jamais la teneur de communication qui se déroulait à ce niveau-

 28   là. Au sein du Bataillon néerlandais, nous ne recevions jamais cela.


Page 23179

  1   Q.  Merci. Est-ce que vous savez qu'alors, en fait, nous avons un

  2   enregistrement vidéo de cela. Mais est-ce que vous savez que, lors de la

  3   première réunion du colonel Karremans avec le général Mladic, les premières

  4   choses qu'il a dites étaient : Je suis venu avec une mission de vous

  5   demander de permettre l'évacuation de la population civile de Srebrenica.

  6   Je crois qu'il mentionnait même que c'était le général Nikolaï qui lui

  7   avait confié cette mission.

  8   R.  C'est possible mais, personnellement, je n'étais pas au courant de

  9   cette mission, et je n'étais pas présent lors de cette réunion. J'ai bien

 10   eu un débriefing mais je n'ai pas eu accès à ce qui a été dit exactement

 11   lors de cette réunion.

 12   Q.  Fort bien. Est-ce que vous savez que Mladic a refusé d'en parler, alors

 13   il a demandé à pouvoir revenir ce soir-là avec un représentant de la

 14   communauté musulmane, avec un représentant des Musulmans pour que les

 15   Musulmans puissent indique ce qu'ils souhaitaient; est-ce que vous le

 16   saviez cela ?

 17   R.  Non, moi, je n'étais pas au courant de ce refus. Alors d'après ce que -

 18   - d'après mes souvenirs, je me souviens qu'il avait été dit à propos de

 19   cette seconde réunion, que pour les Serbes, Mladic avait proposé que

 20   l'évacuation de la population soit faite par l'armée des Serbes de Bosnie,

 21   ou quelque chose de ce goût-là, voilà, ce dont je me souviens. Mais une

 22   fois de plus, je vous le rappelle, je n'étais pas présent, et j'ai juste eu

 23   quelques éléments d'information, donc je ne peux pas véritablement en

 24   juger.

 25   Q.  Oui, mais voilà, voilà où se trouve le cœur du problème, parce que,

 26   d'après ce que nous avons pu constater, et d'après l'enregistrement de

 27   cette réunion, tout porte à croire que Karremans est arrivé en demandant

 28   donc cette évacuation à Mladic, et Mladic n'a ni accepté ni refusé. Il a


Page 23180

  1   fait référence à cette deuxième réunion, en demandant dans un premier temps

  2   que les Musulmans indiquent ce à quoi ils aspiraient. Si nous avions le

  3   temps pour ce faire, je vous montrerais un extrait, parce que je pense que

  4   toutes les parties le connaissent.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West.

  6   Mme WEST : [interprétation] Alors, là, c'est une perte absolue de temps. Ce

  7   témoin a déjà indiqué qu'il n'était pas présent lors de ces réunions, donc

  8   l'accusé se lance dans des déclarations, il n'y a aucune question qui a été

  9   posée là.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec vous.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, il n'empêche que

 12   le témoin a répété ce qui figure dans sa déclaration consolidée, à savoir

 13   l'idée de cette évacuation venait de Mladic au départ, il avait suggéré que

 14   cela se fasse à Kladanj, mais nous avons compris que ce n'est pas ce qui

 15   s'est passé, en fait. Alors je comprends fort bien que M. Franken n'était

 16   pas présent à la réunion, et je lui demande de fouiller sa mémoire.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons entendu sa réponse, et même

 18   si vous n'êtes pas d'accord avec cette réponse, je vous demanderais de bien

 19   vouloir poursuivre.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Au paragraphe 72 de la déclaration consolidée, le témoin dit ce qui

 22   suit, Monsieur Franken. Pourriez-vous, je vous prie, prendre le paragraphe

 23   72 de votre déclaration ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que nous pouvons l'examiner, je cite :

 26   "J'ai entendu parler de l'évacuation la nuit précédente. Nous savions que

 27   quelque chose de ce style allait se passer, parce que je me souviens que,

 28   lors de la deuxième réunion, il avait déjà été question plus ou moins de


Page 23181

  1   cet événement, et j'ai obtenu des détails lorsque le colonel Karremans est

  2   revenu de la troisième réunion."

  3   R.  Oui, et cela est tout à fait conforme à ce que je viens de vous dire.

  4   Q.  Ensuite, phrase suivante :

  5   "Il m'a dit qu'il avait été convenu que l'armée serbe de Bosnie allait

  6   organiser ou allait exécuter ce qui était appelé l'évacuation de la

  7   population."

  8   R.  Quelle est votre question, Monsieur ?

  9   Q.  D'où vient cette idée que c'était Mladic, qui voulait cette évacuation

 10   et qu'il avait demandé l'évacuation lors de la première réunion, et qu'il

 11   avait indiqué la destination, étant donné que vous n'étiez pas présent,

 12   quelqu'un a dû fournir de mauvais renseignements ?

 13   R.  Je ne sais pas s'il s'agissait d'information erronée, mais je me

 14   souviens que le colonel Karremans m'a dit, comme je l'ai déjà indiqué dans

 15   ma déclaration consolidée ainsi qu'ici, que je me souviens qu'il m'a dit

 16   donc qu'il y avait eu une discussion à propos de l'évacuation après ou

 17   pendant la deuxième réunion. Il s'agit de la réunion qui a eu lieu le soir

 18   du 11, et pour autant que je le sache, Mladic est arrivé, a fait cette

 19   proposition d'évacuation. Je me souviens donc qu'il s'agissait d'un choix

 20   théorique pour les Musulmans, soit ils restaient soit ils partaient. Puis

 21   ensuite, il y a eu la troisième réunion, et là, j'ai obtenu un compte

 22   rendu, on m'a fait un compte rendu très succinct de cette réunion dont je

 23   parle dans ma déclaration consolidée. Je vous donne les détails. Alors, le

 24   soir du 11, je vous dirais, pour votre gouverne personnelle, que -- et pour

 25   vous prouver que j'ai des souvenirs de ce qui s'est passé, que l'ordre

 26   émanait -- est arrivé par les Nations Unies. L'ordre émané du général

 27   Nikolaï, il avait été indiqué que le bataillon devait s'occuper de

 28   l'évacuation de la population, ce qui n'était particulièrement réaliste


Page 23182

  1   d'ailleurs, mais je l'ai expliqué au général Nikolaï.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, est-ce que le lieutenant-

  3   colonel Franken a dit, dans sa déclaration 92 ter, que l'évacuation était

  4   proposée par Mladic ?

  5   Monsieur Franken, est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela lors de

  6   votre déclaration ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dans ma déclaration consolidée, j'ai dit

  8   et je cite. Il m'a dit qu'il avait été convenu que l'armée des Serbes de

  9   Bosnie devrait effectuer ce qui était appelé l'évacuation de la population.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, vous dites il a été convenu,

 11   certes, mais est-ce que vous avez dit que cela avait proposé par Mladic ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'ai pas dit dans ma déclaration,

 13   Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je vous montrer le document (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 23183

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12 

 13  Pages 23183-23184 expurgées.

 14 

 15 

 16 

 17 

 18 

 19 

 20 

 21 

 22 

 23 

 24 

 25 

 26 

 27 

 28 


Page 23185

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Est-ce que vous saviez, Monsieur Franken, que M. Karremans - c'est

 22   peut-être quelqu'un d'autre qui était habilité par lui - a appelé au

 23   téléphone le ministère de la Défense néerlandais et il a dit qu'une

 24   évacuation était proposée ? Savez-vous, qu'après réflexion, le ministre de

 25   la Défense néerlandais a donné son approbation et leur a dit : Allez-y,

 26   faites-le, apporter votre aide à l'évacuation ?

 27   R.  Il est possible que le colonel ait eu des contacts avec le ministère de

 28   la Défense. Il faudrait vérifier mais je ne sais pas à quelle fréquence de


Page 23186

  1   tels contacts pouvaient être pris et je n'en connais pas le contenu. Je

  2   sais simplement qu'à un moment donné, on m'a donné l'ordre d'apporter mon

  3   assistance dans le cadre de l'évacuation et cette information m'ait venu du

  4   colonel Karremans. Alors quelles sont les probabilités que quelqu'un

  5   d'autre habilité par le colonel Karremans et appartenant au Bataillon

  6   néerlandais et puis avoir des contacts avec le ministère de la Défense, je

  7   pense que cette probabilité est nulle, parce que la seule personne qui

  8   aurait eu cette habilitation ou cette autorisation, c'était moi-même.

  9   Q.  Merci. Est-il exact que, dans l'affaire Krstic, le 17 octobre 2006, en

 10   page 2 582 du compte rendu d'audience, vous avez déclaré ne pas avoir

 11   refusé d'apporter votre aide dans le cadre de l'évacuation, parce que les

 12   Nations Unies avaient approuvé cette action de Mladic ou qu'elles avaient

 13   donné leur aval à Mladic pour cette opération ? Est-ce bien la formulation

 14   que vous avez utilisée dans cette affaire ?

 15   R.  C'est possible mais, en tout cas, c'est vrai un soldat ne refuse pas

 16   d'exécuter l'ordre qu'il lui est donné et il est exact de dire que les

 17   Nations Unies avaient donné leur approbation. Mais, en tout cas, les

 18   informations que j'avais à l'époque indiquaient que l'armée des Serbes de

 19   Bosnie procédait à une évacuation avec ses propres moyens. On m'a

 20   simplement dit que ce serait le CICR qui contrôlerait l'ensemble de

 21   l'évacuation, mais rien de tout cela n'était écrit. C'était verbal et ça

 22   venait du colonel Karremans.

 23   Q.  Merci. Vous vous rappelez que Mladic n'avait pas d'autobus prêt à

 24   intervenir et qu'il avait demandé à Karremans de fournir des autobus, qu'il

 25   avait répondu qu'il n'en avait pas non plus, mais qu'il apporterait une

 26   aide en carburant; et vous rappelez-vous que le 16 juillet vous aviez

 27   fourni du carburant à la VRS dans cet objectif ?

 28   R.  Lorsqu'il a demandé des autobus à Karremans, cela a dû se produire dans


Page 23187

  1   la soirée du 11. Ceci indique qu'au soir du 11, il y avait déjà eu une

  2   discussion au sujet de l'évacuation. Alors je veux bien croire qu'il a

  3   répondu -- que Karremans a répondu ne pas avoir d'autobus après qu'on lui a

  4   demandé d'en fournir, mais je suis un peu surpris qu'il ait pu proposer de

  5   fournir du carburant, parce que nous n'en avions pas. Je crois que, le 16

  6   ou le 17, du carburant a été fourni par les Nations Unies, et je crois que

  7   c'est à ces dates-là qu'on m'a ordonné de compenser le carburant que les

  8   Serbes de Bosnie -- l'armée des Serbes de Bosnie allait utiliser pour

  9   l'évacuation. Donc, j'ai reçu des Nations Unies l'ordre de leur fournir du

 10   carburant.

 11   Q.  C'est exact. Merci. Mais vous n'avez pas été présent à la réunion lors

 12   de laquelle ceci a été convenu. Est-ce que nous sommes d'accord, dans ce

 13   cas-là, pour dire que les premiers autobus sont arrivés quelque part autour

 14   de midi le 12 juillet et ceci en venant d'un peu partout de directions

 15   différents ?

 16   R.  Qu'ils soient arrivés de différentes directions, c'est évident. Lorsque

 17   le colonel Karremans est revenu de la troisième réunion, dans son briefing,

 18   il m'a dit qu'il avait été convenu de procéder à une évacuation, et au même

 19   moment, on a constaté l'arrivée de ces autobus, au même moment ou cinq

 20   minutes plus tard.

 21   Q.  Le 12, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, le 12.

 23   Q.  Mais vous ne niez pas que dès le soir du 11, la partie musulmane avait

 24   fait part de ses intentions et du souhait qui était le leur d'être évacué ?

 25   R.  Vous voulez dire qu'ils m'en auraient fait part à moi ?Q.  Non, qu'ils

 26   ont demandé devant Mladic et à Karremans à être évacué en direction de

 27   Kladanj. Si j'avais le temps de le faire, je vous présenterais cet

 28   enregistrement vidéo, mais il a déjà été versé au dossier.


Page 23188

  1   R.  Alors qu'ils aient demandé à être évacué vers Kladanj ou que cette

  2   direction ait fait l'objet d'un ordre, je l'ignore, mais je sais qu'il y a

  3   eu une question adressée au représentant du peuple musulman leur demandant

  4   s'ils souhaitaient partir ou non et leur réponse a été qu'ils souhaitaient

  5   partir. Quant à savoir si cela s'est passé lors de la seconde réunion au

  6   soir du 11 ou peu de temps auparavant, je suis désolé, mais je ne m'en

  7   souviens pas. Je sais, en revanche, que la question leur a été posée.

  8   Q.  Je souhaite vous présenter un bref enregistrement vidéo qui présente

  9   une interview que j'ai donnée à la télévision serbe à l'époque.

 10   Mme WEST : [interprétation] Excusez-moi. Monsieur le Président, je pensais

 11   simplement que ce serait peut-être le moment opportun de passer à huis clos

 12   partiel.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 14   [Audience à huis clos partiel]

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 23189

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27   [Audience publique]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.


Page 23190

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous écoutions cet

  2   entretien que j'ai donné à l'époque, cette interview qui porte donc sur

  3   l'évacuation de la population.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. Le document, que nous

  5   avons abordé à huis clos partiel, est donc placé sous pli scellé.

  6   Est-ce que vous avez une référence sur votre liste 65 ter sur

  7   l'enregistrement ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] 4000 -- 40582 dans la liste 65 ter et cela

  9   commence à 16 minutes 45 secondes.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ceci fait également partie du

 11   jeu d'enregistrement vidéo ?

 12   Mme WEST : [interprétation] C'est la cote D4201.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 16   "La partie serbe garantie une pleine et entière sécurité à tous ceux

 17   qui se trouvent au camp de Potocari ainsi que aux membres des formations

 18   armées des Musulmans à condition qu'ils remettent leurs armes et se

 19   rendent. Monsieur le Président, quelle est la situation à Srebrenica ?

 20   Karadzic : Vous avez dit -- ce que vous avez dit est exact, mais à titre

 21   d'exemple de la supériorité des armes serbes et de l'armée serbe ainsi que

 22   les généraux serbes, c'est ainsi que les choses devraient se passer, parce

 23   que nous donnons la possibilité que ces civils soient protégés et que l'on

 24   puisse contrôler tout ce qui se passe. Aucun civil n'a péri et depuis le

 25   cessez-le-feu, la paix règne.

 26   "Et n'oublions pas que les Serbes ont été chassés de Srebrenica au

 27   début de la guerre et maintenant, ils sont en train de revenir peu à peu.

 28   Les organes des autorités locales et municipaux aux déjà été élus et sont


Page 23191

  1   en place et dans le cadre de règlement de cette situation, on constate une

  2   activité de ces réfugiés qui souhaitent partir. Mais en fait, la très

  3   grande majorité de ces réfugiés a exprimé le désir d'aller à Tuzla.

  4   Probablement qu'une partie d'entre eux déclareront également vouloir aller

  5   chez Abdic et nous sommes tout à fait prêts à leur donner satisfaction

  6   compte tenu du fait que nous avons signé un accord indiquant que chaque

  7   citoyen a le droit de choisir l'endroit où il vivra, même si nous, nous

  8   estimons qu'il y a des endroits où ils ne devraient pas aller, chez Abdic

  9   notamment, mais, en tout cas, une chose est certaine, ce -- cet endroit ne

 10   sera plus jamais un point d'appui pour les terroristes et s'ils souhaitent

 11   reconnaître les autorités de la Republika Srpska et être des citoyens de

 12   cette dernière, ils n'ont pas à partir. Mais il s'est arrivé que la plus

 13   grande partie d'entre eux souhaite partir et souhaite partir à Tuzla."

 14   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Les interprètes avaient également une

 16   transcription. Je ne sais pas si vous avez lu une traduction ou si vous

 17   l'aviez dans vos écouteurs.

 18   Je voudrais que l'on puisse verser ce que nous avons entendu à partir

 19   de 45 minutes 16 jusqu'à 47:50.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous étiez au courant de cette position

 22   de la partie serbe concernant les civils à Srebrenica ?

 23   R.  Bon, si je n'étais pas au courant de cette interview, évidemment, ni de

 24   cette position dont vous parlez, je ne pouvais que voir sur le terrain la

 25   façon dont les Serbes agissaient.

 26   Q.  Mais vous saviez que cette alternative était également prévue au cas où

 27   ils auraient souhaité rester, bien que vous ayez dit que en pratique, cette

 28   option était assez improbable.


Page 23192

  1   R.  Non seulement assez improbable, mais purement théorique. Où étaient-ils

  2   sensé rester dans un environnement qui leur était hostile sans pouvoir

  3   bénéficier de vivres ni de soins médicaux ? Donc c'était purement

  4   théorique. En pratique, c'était une option purement inexistante.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste une précision. Madame West. Est-ce

  6   que ceci fait partie de l'enregistrement vidéo prévu dans le cadre du

  7   procès et que nous avons versé ?

  8   Mme WEST : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Où puis-je trouver la table ou l'index

 10   figurant à la fin de la transcription avec la liste des sources vidéo

 11   concernant Srebrenica mise à jour ?

 12   Mme WEST : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais c'est

 13   quelque chose que je devrais vérifier ça me prendra un peu de temps.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ou bien, disposez-vous du numéro de page

 15   dans l'exemplaire papier de la transcription concernant cet extrait ?

 16   Mme WEST : [interprétation] Je suis en train d'essayer de vérifier.

 17   Excusez-moi.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demande pourquoi on a fourni à la

 19   Chambre une transcription séparée. Ceci provient probablement de la

 20   Défense, parce que cela ne fait pas partie de la liasse initiale.

 21   Mme WEST : [interprétation] Je suppose que c'est le cas, dans ce cas ce

 22   n'est pas moi qui vous ai fourni cette transcription à part.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour parier toute éventualité et ne sachant pas

 24   ce qui avait déjà été fourni par l'Accusation, nous avons fourni cette

 25   transcription, bien que les sous titres soient également présents dans

 26   l'enregistrement.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Comme Mme West l'a indiqué,

 28   si ceci fait déjà partie du jeu d'enregistrement vidéo qui a été présenté,


Page 23193

  1   il n'est pas nécessaire que vous en demandiez le versement. Mais nous

  2   reviendrons vers vous à ce sujet.

  3   Veuillez poursuivre.

  4   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Paragraphes 86, 87 et 88 de votre déclaration, s'intéressent à la

  7   séparation des hommes, des hommes valides. En fait, vous ne l'avez pas dit

  8   ici mais vous l'avez dit au paragraphe 86. Vous dites qu'en tout, d'après

  9   les évaluations, on a mis de côté sur les 30 000, 600 à 700 hommes qui ont

 10   fait l'objet d'un interrogatoire, donc on a cherché à savoir s'il

 11   s'agissait de criminels de guerre. Est-ce que vous voulez bien, s'il vous

 12   plaît, jeter un coup d'œil sur ces trois paragraphes ?

 13   Voyez-vous ces trois paragraphes ?

 14   R.  Oui, je les vois. Je vois cela à l'écran même si je n'ai pas

 15   d'impression papier.

 16   Q.  D'accord, vous avez donc vu cela; est-il exact que vous déclarez --

 17   voyons précisément où vous l'avez déclaré que cela ne faisait pas partie de

 18   quelque chose d'inhabituel et que ce n'était pas erroné compte tenu du fait

 19   qu'il s'agissait d'un très grand nombre de prisonniers. C'est ce que vous

 20   déclarez dans Blagojevic et Jokic, le 15 septembre 2003, page 1 501 du

 21   compte rendu d'audience. Dans l'affaire Tolimir, le 30 juin 2010, page 3

 22   326; Popovic, 16 octobre 2006, page 2 497; et aussi dans Krstic, et cetera.

 23   Le 4 avril 2000, dans Krstic, 2 037, page de compte rendu d'audience, vous

 24   dites que vous pensiez qu'il n'y avait, là, aucun mal, que c'était quelque

 25   chose d'habituel de séparer ceux qui étaient considérés comme étant

 26   potentiellement des responsables des crimes.

 27   R.  Oui, c'est ce que j'aie déclaré, c'est vrai. Nous avons appris, ces

 28   jours-là, qu'il y avait un rassemblement aux populations très important


Page 23194

  1   mélangé aux soldats, et cetera. Donc on sépare les hommes de la population

  2   et on vérifie pour savoir qui est combattant et qui ne l'est pas. Dans le

  3   cas de cette procédure, si on cherche à savoir qui sont les combattants, on

  4   ne cherche pas véritablement à savoir qui sont les criminels de guerre. Et

  5   puis donc on va se retrouver avec des prisonniers de guerre et c'est la

  6   procédure normale. Le problème se pose à partir de leur traitement, du

  7   traitement qui leur est réservé après qu'on les a séparés.

  8   Q.  Merci. C'est ce que vous avez dit dans l'affaire Blagojevic, Popovic,

  9   que la séparation s'est passée correctement et qu'il était difficile

 10   d'identifier les combattants parce que les combattants ne portaient pas

 11   d'uniforme; exact ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci. Vous avez également déclaré, n'est-ce pas, qu'à ce moment-là,

 14   rien ne permettait de penser que ces hommes seraient tués. Il n'y avait

 15   aucun indice permettant de penser cela.

 16   R.  Cela est exact. Oui, au début.

 17   Q.  Merci. 1D04752 à présent, s'il vous plaît. C'est le débriefing dans

 18   votre armée. Vous vous souvenez, vous avez donné une déclaration à l'armée

 19   néerlandaise pendant le débriefing ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Merci. Page 2, s'il vous plaît. Nous n'avons pas le temps d'examiner

 22   tous les paragraphes. A la page 2, premier paragraphe :

 23   "Le témoin a vu que, pendant les trois derniers convois qui ont

 24   quitté la base, les hommes ont simplement marché avec les femmes du moins

 25   autant qu'ils pouvaient les voir lui. Il a également vu deux hommes

 26   brièvement séparés du reste du groupe mais à qui l'on a donné

 27   l'autorisation de rejoindre le convoi par la suite."

 28   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'environ 250 jusqu'à 300 hommes


Page 23195

  1   sont partis avec leurs familles vers Kladanj, que l'on ne les a pas laissés

  2   sur place en tant que combattants ?

  3   R.  Je ne pourrais pas accepter ce chiffre parce que je ne connais pas le

  4   chiffre exact. Effectivement, j'ai donné un débriefing et le chiffre que

  5   j'aie cité, à ce moment-là, est exact. Les derniers convois que j'aie vus

  6   moi-même, et à en juger d'après les rapports, étaient les convois où les

  7   hommes ont peu rejoindre les autocars. Ça c'est exact, c'est une

  8   observation qui vient de moi.

  9   Q.  Moi non plus, je ne serais pas d'accord avec le chiffre, mais vos

 10   soldats, à ce moment-là, ont dû en enregistrer au moins autant, donc le

 11   chiffre réel ne peut être que plus élevé.

 12   "Donc voyons ici l'évacuation des réfugiés a été arrangée et a fait

 13   l'objet d'un accord sur papier par les généraux Mladic et Smith. Le

 14   bataillon avait le rôle d'appliquer ce plan et le Bataillon néerlandais a

 15   reçu des consignes allant dans ce sens de la part de la FORPRONU."

 16   Est-ce que cela est exact ? Est-ce que vous avez déclaré à votre armée ?

 17   R.  Ce n'est pas ce que j'ai dit. C'est ce qui s'est passé. C'est la

 18   vérité.

 19   Q.  Voyons maintenant le texte où il est question d'une maison, de la

 20   maison. Est-ce que vous pouvez simplement regarder cela, s'il vous plaît,

 21   pour éviter que j'en donne lecture ?

 22   Votre réponse n'a pas été entièrement consignée. Vous avez dit : Ce n'est

 23   pas quelque chose simplement qui vient de moi, que j'ai déclaré mais

 24   c'était vrai, c'était exact.

 25   R.  Oui, c'est exact. Oui, justement, ce n'est pas quelque chose que j'ai -

 26   - j'ai raconté. C'était la vérité.

 27   Q.  Merci. Donc je suppose que nous avons précisé cela. Est-ce que vous

 28   voyez ce paragraphe ? Il y avait des gens qui rentraient, qui sortaient de


Page 23196

  1   cette maison. Cela correspond également à la vérité; c'est bien cela ?

  2   R.  Vous voulez dire la maison blanche ? Oui, il y a eu des gens qui sont

  3   rentrés et puis des gens qui sont ressortis.

  4   Q.  Merci. Il est question ici de neuf corps qui ont été retrouvés dans le

  5   pré, près de cette maison. Est-il exact de dire que personne n'a vu à quel

  6   moment ni où ont perdu la vie ces -- ces gens ?

  7   R.  Nous avons vu comment, puisqu'ils ont été tous abattus et allongés,

  8   alignés, mais il n'y avait pas de présence des Nations Unies au moment de

  9   l'événement.

 10   Q.  Vous n'êtes pas tout à fait certain si c'est là qu'ils ont été abattus

 11   ou s'ils ont été tués ailleurs et apportés à cet endroit ?

 12   R.  Non, je ne le sais pas. Je ne peux que déclarer ce dont j'ai fait -- au

 13   sujet de quoi j'ai fait rapport, à savoir qu'il y avait neuf corps alignés

 14   et qu'ils avaient tous été abattus.

 15   Q.  Très bien. Voyons la page suivante : vous parlez des Médecins Sans

 16   frontières. Vous dites qu'ils avaient 59 blessés dont ils s'occupaient et

 17   puis vous dites que vous avez vu 239 hommes non séparés et qui ont rejoint

 18   leurs familles dans la mesure où vous avez pu le voir et jusqu'au moment où

 19   vous les voyez. Donc, nous voyons qu'il est question ici de Médecins Sans

 20   frontières qui ont dressé une liste de noms et puis au paragraphe suivant,

 21   le témoin a déclaré -- le voyez-vous ?

 22   R.  Oui. Oui, d'accord.

 23   Q.  D'accord. Merci. Donc, nous n'allons plus examiner ce texte. Vous

 24   maintenez, par conséquent, ce qui figure dans ce débriefing. C'est bien

 25   cela ?

 26   R.  Oui. C'était ma déclaration qui est véridique, qui correspond à la

 27   vérité, et cetera.

 28   Q.  D'accord, merci.


Page 23197

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons verser cela au dossier

  2   ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction D2022.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il vous reste cinq minutes, Monsieur

  6   Karadzic.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Est-il exact de dire que vous avez déclaré que les Serbes de Bosnie ou

 10   l'armée serbe de Bosnie n'était pas présente au moment au M. van Duijn a

 11   décidé de son propre chef de continuer avec l'évacuation ? Puisque vous

 12   avez déclaré dans votre déclaration -- ou plutôt, dans le cadre de

 13   l'enquête parlementaire du -- portant sur Srebrenica, le 11 novembre 2002,

 14   0308050607, 06 et 07 à la fin, pages de la déclaration. Donc les Serbes

 15   n'étaient pas présents au moment au moment où van Duijn a pris cette

 16   décision.

 17   R.  C'est exact, et dans la mesure où je m'en souviens, cela s'est passé

 18   dans la matinée du 13.

 19   Q.  Merci. Est-il exact de dire que, du 12 au 13, les Serbes n'étaient

 20   absolument pas présents dans votre base de Potocari ? Et voire même que le

 21   lendemain matin, ils sont arrivés tard ?

 22   R.  Entre le 12 et le 13, vous voulez dire dans la nuit ? Il y a eu

 23   quelques unités serbes, mais l'unité qui s'était occupée de l'évacuation

 24   est partie. Quant à savoir s'ils sont arrivés tard ou avez du retard, je ne

 25   le sais pas, mais au moment où les autocars étaient sur place dans la

 26   matinée du 13, ils étaient là. Le lieutenant van Duijn a donné la

 27   possibilité ou a autorisé le départ des autocars, parce qu'il a pensé que

 28   ça allait lui permettre de faire monter des hommes dans les autocars. Juste


Page 23198

  1   pour que ce soit consigné au compte rendu d'audience, il n'y a jamais eu de

  2   Serbes, uniquement à titre occasionnel et individuel. Il n'y a jamais eu de

  3   troupes d'unités militaires serbes dans ma base de Potocari.

  4   Q.  Je vous remercie.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, est-ce que nous pouvons examiner le

  6   document 4976, 1D ?

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce que vous avez jamais pris part à la rédaction d'une publication

  9   intitulée : "Au nom de la paix" ? Est-ce que c'est votre texte ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît. Nous n'avons

 13   pas suffisamment de temps pour tout examiner. Nous allons demander que ce

 14   soit versé au dossier.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Etes-vous d'accord avec ce que vous déclarez ici :

 17   "L'armée de Bosnie-Herzégovine est devenue sage et ils ont rejeté le blâme.

 18   Ils ont compris que la Défense n'était pas possible avec 4 ou 5 000 hommes,

 19   donc la 28e Division a fait une percée vers Tuzla."

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page suivante.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  "Plus tard, les rapports données par l'ABiH étaient que c'est -- cette

 23   percée a réussi."

 24   Est-ce que vous vous souvenez qu'on a déclaré qu'environ 2 000 combattants

 25   -- ou plutôt, que la partie musulmane a déclaré --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le haut, le haut de la page.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, tout à fait. La division a fait une

 28   percée.


Page 23199

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Donc, est-ce que vous savez que la partie musulmane, donc la sûreté de

  3   l'Etat a identifié environ 10 000 combattants qui ont réussi à passer, donc

  4   sur les 13 à 15 000 qui étaient partis initialement, qui ont tenté de

  5   percer.

  6   R.  Je sais que les autorités musulmanes ont fait ce rapport disant que la

  7   percée vers Tuzla a réussi et cela s'est passé au moment où j'étais de

  8   retour aux Pays-bas. J'ai vu, quelque part dans ce rapport, le chiffre de

  9   10 000 hommes qui seraient arrivés, et sachant qu'il y en a au moins 15

 10   000, pour autant que je sache, qui sont partis, j'ai été surpris que l'on

 11   qualifie cette percée de réussie. C'est pourquoi c'est très douteux de

 12   parler de réussite.

 13   Q.  Est-ce que vous savez que, depuis le premier jour dans les différents

 14   rapports, on a parlé d'environ 3 000 victimes de cette percée, qu'il y a eu

 15   des combats sans arrêt entre les armées musulmanes et serbes pendant ces

 16   trois premiers jours et qu'il y a eu beaucoup de victimes, autant parmi les

 17   Musulmans que dans les rangs serbes ?

 18   Mme WEST : [interprétation] Je voudrais que l'on nous cite une référence

 19   pour cette déclaration.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une donnée. Si le témoin peut confirmer,

 21   je n'ai pas besoin de rechercher le document.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez déclaré que depuis le

 23   premier jour, il y a eu de nombreux rapports. L'Accusation est en droit de

 24   vous demander de citer une référence à l'appui.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais nous avons déjà versé au dossier ces

 26   documents. L'Accusation devrait connaître l'affaire. Nous les avons déjà

 27   versés au dossier.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Non, non. Sans entraîner le témoin


Page 23200

  1   sur une fausse piste, soyez précis lorsque vous citez les rapports, lorsque

  2   vous dites "divers rapports depuis le premier jour," soyez précis. Ou bien

  3   reformulez cette question autrement, posez-la directement.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci bien.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Alors est-ce que vous pouvez confirmer que les combats ont duré, voire

  7   même dans le triangle de Bandera, jusqu'au 16 juillet ? Même si le gros n'a

  8   opéré ces percées que jusqu'au 16 juillet, il y a eu encore des combats

  9   dans le triangle de Bandera ?

 10   R.  Ce que je peux dire c'est que le poste d'observation Alpha, qui est

 11   resté en place jusqu'au 14, y compris le 14, dans la mesure où je m'en

 12   souviens, je peux confirmer qu'il y a eu effectivement des combats à l'est

 13   de ce poste d'observation, donc cela veut dire vers le nord. Quant à savoir

 14   s'ils ont continué à combattre en route jusqu'à Tuzla, je ne le sais pas.

 15   Les seules informations que j'avais au sujet de la percée c'était ce qui a

 16   été dit par le colonel Jankovic, la première chose qu'il m'a dite c'est

 17   qu'ils allaient opérer une percée plus tard, que 6 000 hommes avaient été

 18   faits prisonniers de guerre. Mais ça c'est le seul élément d'information

 19   que j'avais à ce moment-là au sujet de l'emplacement et des actions des

 20   restes de la 28e Division.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre dernière question, Monsieur

 22   Karadzic.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans le cadre de cette dernière question, je

 24   voudrais simplement présenter deux interceptions importantes, 65 ter 30942,

 25   s'il vous plaît, pour commencer.

 26   Normalement nous devrions avoir une traduction de cela.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous l'avons.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que le témoin puisse voir la


Page 23201

  1   traduction.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas besoin du B/C/S. Vous

  3   pouvez enlever le B/C/S.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Donc nous avons ici une conversation interceptée qui se situe à 12

  6   heures 40. Je ne vois pas encore la date. Le 12 juillet à 12 heures 40.

  7   Deux interlocuteurs serbes se parlent et le texte se lit comme suit :

  8   "Y : Nous commençons l'évacuation de ceux qui souhaitent partir pour

  9   Kladanj.

 10   "X : O.K.

 11   "Y : Relaye cela… juste… assure les moyens de transport.

 12   "Y : Et apporte des renforts avec des camions et des autocars, et il

 13   faudrait envoyer une citerne d'eau pour qu'on leur donne de l'eau et de la

 14   nourriture. Ce matin nous l'avons organisé ici. Nous leur avons tout donné.

 15   Je leur ai parlé et nous accepterons tous les civils qui souhaitent rester,

 16   ils peuvent rester, et ceux, qui ne le souhaitent pas, peuvent choisir où

 17   ils souhaitent se rendre."

 18   Donc c'est l'interception qui vient du côté musulman, ce sont deux

 19   responsables serbes qui se parlent. Est-ce que cela correspond à nos

 20   affirmations; à savoir que la population civile musulmane avait le choix,

 21   ils pouvaient dire ce qu'ils souhaitaient ?

 22   R.  Nous l'avons déjà vu cela. J'ai déjà répondu qu'effectivement,

 23   théoriquement ils avaient le choix, mais je vous ai dit que c'était de la

 24   pure théorie, cette option de rester, ce n'était pas une véritable

 25   possibilité. Donc en fait, tout le monde devait quitter l'enclave. Et là

 26   encore, Lalic a parlé de Kladanj, dans la mesure où je suis au courant de

 27   cela, d'après ce que le colonel Karremans m'a dit dans son débriefing, donc

 28   il n'y avait pas d'autres options où aller, je ne connais pas d'autres


Page 23202

  1   destinations possibles.

  2   Q.  Mais est-ce que nous sommes d'accord pour dire que cette population

  3   civile qui a fait l'objet d'évacuation, que dans cette population personne

  4   n'a été tuée. Il n'y a pas eu de victimes dans cette masse importante de

  5   gens. Vous l'avez vu, et on vous a informé également là-dessus. Est-ce que

  6   sur la base de ces informations-là vous pouvez nous confirmer qu'il n'y a

  7   pas eu là de victimes ?

  8   R.  Si vous parlez de la période où ils se sont trouvés plus ou moins sous

  9   notre contrôle, il y a eu des suicides, et est-ce qu'il y a eu des gens qui

 10   ont été tués en route pour Kladanj ou est-ce qu'il y a eu des mauvais

 11   traitements ou des viols ou je ne sais quoi, tout cela je ne le sais pas

 12   parce que quand j'ai essayé de les faire escorter, les escortes n'ont pas

 13   pu continuer, on les a arrêtées et on les a mis de côté par l'armée des

 14   Serbes de Bosnie. Donc je ne peux pas être d'accord avec votre affirmation.

 15   Q.  Mais vous n'avez pas non plus d'information ni de preuve comme quoi

 16   quelqu'un aurait été tué.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous perdez là votre

 18   temps. Le témoin vous a dit qu'il ne le savait pas.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande le versement de ce document,

 20   et je n'ai plus qu'un seul document à présenter. Très bref, de la même

 21   catégorie. 

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous attribuerons une cote MFI.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document D2023 MFI.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 25   30967, s'il vous plaît. Nous n'avons pas besoin de la version serbe ici non

 26   plus.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  En attendant, Monsieur Franken, saviez-vous que vos soldats qui sont


Page 23203

  1   partis en tant qu'escortes ont été arrêtés, maltraités et soupçonnés par

  2   des soldats lorsqu'ils sont arrivés à Kladanj, par les soldats de Bosnie-

  3   Herzégovine ?

  4   R.  Je sais qu'il y a eu un premier groupe qui est parti avec le premier

  5   convoi, qu'ils ont rencontré des problèmes lorsqu'ils ont traversé la ligne

  6   de confrontation, et qu'il y avait le commandant Boering qui était là et le

  7   capitaine Voerman. Mais je ne sais rien de ce que vous dites, des mauvais

  8   traitements infligés par l'ABiH. Et si cela a eu lieu, je suis sûr que

  9   j'aurais eu des rapports si cela avait eu lieu. Je sais qu'on les a arrêtés

 10   et qu'ils ont eu beaucoup de problèmes avec les Serbes de Bosnie, avec les

 11   membres de l'armée serbe de Bosnie.

 12   Q.  Mais on les a arrêtés par l'armée de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 13   L'armée de Bosnie-Herzégovine à la ligne de confrontation n'a pas accepté

 14   qu'ils traversent et a soupçonné leur présence là ?

 15   R.  Oui, c'est exact. Après j'ai entendu qu'il y a eu même des coups de feu

 16   qui ont été tirés en leur direction, mais c'était parce que l'unité de

 17   l'ABiH qui était déployée à cet endroit n'était pas au courant du fait

 18   qu'ils étaient en route, et pour autant que je le sache, l'unité

 19   responsable de cette zone des Nations Unies ne le savait pas, donc c'est

 20   pour cela qu'il y a eu une action. Mais cette information, je l'ai eue plus

 21   tard.

 22   Q.  Là aussi, nous avons une interception. Krstic et Sobot se parlent. Vous

 23   voyez que Krstic demande combien d'autocars, et cetera. Je ne vais pas en

 24   donner lecture, vous pouvez le lire vous-même. Il est dit jusqu'au tunnel.

 25   Krstic dit, "Bien entendu," et là, on va avoir le débarquement, et voyez ce

 26   que Krstic dit :

 27   "Faites attention. Rien ne doit arriver à aucun d'entre eux."

 28   Est-ce que c'est une attitude appropriée de la part d'un commandant, un


Page 23204

  1   exemple de cela ?

  2   R.  Oui. S'il dit : "Il ne faut pas qu'il leur arrive quoi que ce soit,"

  3   oui, ça c'est ce qu'il souhaite. Oui, je confirme.

  4   Q.  Mais vous ne diriez pas qu'il s'agit d'un ordre puisqu'il s'adresse à

  5   un subordonné ?

  6   R.  O.K. Oui. Je ne savais pas que c'était un subordonné.

  7   Q.  Monsieur Lieutenant-colonel, je vous remercie. Je vous prie de bien

  8   vouloir comprendre que je ne souhaitais aucunement vous attaquer ni

  9   soupçonner ni vous-même ni les Nations Unies, ni votre armée, ni les Pays-

 10   Bas. La seule chose que je souhaitais que l'on entende, c'était la vérité.

 11   R.  Très bien.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous aurez quelques questions

 13   supplémentaires ?

 14   Mme WEST : [interprétation] Oui, cinq minutes.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, nous allons continuer --

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que nous pouvons verser au

 17   dossier le dernier document, s'il vous plaît ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons attribuer une cote MFI,

 19   D2024 MFI.

 20   Oui, Madame West.

 21   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Nouvel interrogatoire par Mme West :

 23   Q.  [interprétation] Monsieur Franken, nous allons reprendre à l'endroit où

 24   nous nous sommes arrêtés. On vient de vous montrer deux conversations

 25   téléphoniques interceptées, la première écoute qui vous a été montrée était

 26   datée du 12 juillet à midi 40 de l'après-midi, donc c'est l'écoute dans

 27   laquelle Y dit :

 28   "Nous allons tout leur donner. Je leur ai parlé. Nous allons accepter tous


Page 23205

  1   les civils qui le souhaitent et qui souhaitent rester. Ceux qui ne le

  2   souhaitent pas peuvent choisir l'endroit où ils souhaitent se rendre."

  3   La question, qui vous a été posée, est celle-ci : Ceci coïncide-t-il

  4   avec la position de la Défense, à savoir que les Musulmans avaient le droit

  5   de décider pour eux-mêmes ? Ensuite on vous a montré une autre écoute datée

  6   du même jour, mais à 13 heures 05. Environ 25 minutes plus tard où Krstic

  7   dit :

  8   "Faites en sorte que rien ne leur arrive."

  9   Je souhaite vous montrer la conversation téléphonique interceptée qui se

 10   trouve au milieu et qui porte le numéro 65 ter 30953. Ceci a lieu le même

 11   jour, dix minutes après la première écoute, à midi 50, entre Mladic et une

 12   autre personne, dit le texte. Et là, cette personne dit :

 13   "Allez-y, Général.

 14   "Mladic : Ces camions et ces autocars sont-ils partis ?

 15   "Réponse : Oui.

 16   "Mladic : Excellent. Continuez à surveiller la situation. Ne permettez pas

 17   à des petits groupes de s'infiltrer. Ils se sont tous rendus et ont

 18   capitulé. Nous allons tous les évacuer, ceux qui le souhaitent et ceux qui

 19   ne le souhaitent pas.

 20   "Je comprends bien, Général."

 21   Alors voici la question que j'ai à vous poser : Ceci coïncide-t-il avec ce

 22   que vous avez vu le 12 et le 13, à savoir que tout le monde a été évacué,

 23   ceux qui le souhaitaient et ceux qui ne le souhaitaient pas ?

 24   R.  Comme je l'ai déjà déclaré, ceci coïncide avec mes propres

 25   observations.

 26   Q.  Aujourd'hui à la page 36 du compte rendu d'audience, M. Karadzic vous a

 27   posé une longue question, il a dit qu'il souhaitait que vous fournissiez un

 28   résumé de l'explication à fournir et il y a eu plusieurs déclarations de


Page 23206

  1   faites. Il vous a affirmé que ceci s'est passé dans la matinée du 11. Dans

  2   la matinée du 11, les civils se sont mis en route de leur plein gré en

  3   direction de Potocari, et je vais vous poser cette question-ci maintenant :

  4   En vous fondant sur vos propres observations dans les mois qui ont précédé

  5   et les jours qui ont précédé ces événements, est-ce que ces civils qui sont

  6   partis en direction de Potocari sont partis de leur plein gré ?

  7   R.  Non, ceci m'a échappé. Le déplacement de la population depuis

  8   Srebrenica et en direction de Potocari a été l'initiative de notre

  9   Compagnie B, car il y avait un mouvement de panique massif à l'intérieur de

 10   la ville en raison du pilonnage. Ils ont envahi et investi la base de la

 11   Compagnie B dans à tel point que la compagnie ne pouvait plus mener à bien

 12   ses actions militaires, la Compagnie B donc m'a contacté et m'a dit qu'ils

 13   allaient les diriger vers Potocari et demander qu'une permission soit

 14   donnée, c'est ce que j'ai fait. Et en réalité, je ne souhaite pas manquer

 15   de respect, nous avons essayé de guider une foule qui était en train de

 16   piétiner les gens qui se trouvaient là.

 17   Q.  Une dernière question qui émane de votre déclaration consolidée.

 18   Paragraphe 12, où il est dit que :

 19   "Les contacts avec les armées serbes de Bosnie se passaient par le

 20   truchement du chef d'état-major de la 28e Division, Ramiz."

 21   S'agit-il là en réalité de l'armée musulmane de Bosnie ?

 22   R.  Ça doit être l'ABiH et l'armée musulmane de Bosnie. Cela aurait dû se

 23   passer entre les deux parties, et si cela s'était passé, s'il y avait eu

 24   ces échanges entre les parties, il n'y aurait pas eu de conflit.

 25   Q.  Merci.

 26   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas

 27   d'informations concernant la vidéo que l'accusé nous a montrée, cette vidéo

 28   D4201, la vidéo qui montre l'entretien avec Karadzic. Il y a trois passages


Page 23207

  1   de cet entretien, du 90 à 34. Pour ce qui est de la transcription, c'est le

  2   D4202, et pour la copie papier, qui est la retranscription de cette même

  3   séquence vidéo -- à la page 261 du prétoire électronique, on vous a posé

  4   une question sur la source de ces images et de l'ouvrage à la page 8 029 et

  5   la page 411 du prétoire électronique.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez donner nous redonner le numéro

  7   du compte rendu d'audience, s'il vous plaît.

  8   Mme WEST : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le numéro du compte

  9   rendu d'audience se termine par 7879 et la copie papier est celle du livre,

 10   page 261 du prétoire électronique.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Questions de la Cour :

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, moi j'ai juste une seule

 14   question. La page 5 [comme interprété] du compte rendu d'aujourd'hui.

 15   Pardonnez-moi, votre écran. Lignes 2 à 3. Vous ne pouvez pas repartir en

 16   arrière sur votre écran. Mais vous avez dit que vous avez reçu des rapports

 17   indiquant que des colonnes de réfugiés se rendant de Srebrenica à Potocari

 18   ont fait l'objet de tirs par des mortiers et des pièces d'artillerie. Vous

 19   souvenez-vous avoir dit cela ?

 20   R.  C'est exact, j'ai dit cela.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, à quel moment, cela s'est-il

 22   passé et vous, vous vouliez parler de quel moment, de quelle date lorsqu'il

 23   y a eu des tirs contre la colonne de réfugiés ?

 24   R.  Ils ont commencé à se déplacer vers Potocari je pense vers 10 heures

 25   30, donc je parle à partir de 10 heures 30 et c'est jusqu'à 13 heures, 13

 26   heures, c'est une estimation que je fais en me fondant sur ma mémoire.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc le 11 juillet; c'est exact ?

 28   R.  Oui, c'est exact.


Page 23208

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et lorsque vous déclarez que cette

  2   colonne a fait l'objet de tirs, est-ce que vous voulez dire par là que la

  3   colonne de réfugiés a été prise pour cible particulièrement par les forces

  4   serbes de Bosnie ?

  5   R.  Cela je ne peux pas le prouver, il y avait une colonne qui marchait le

  6   long d'une route et il y a eu des mortiers et des pièces d'artillerie qui

  7   touchaient cette colonne et dans le voisinage direct de cette route. Il n'y

  8   avait pas de déplacement de l'armée ni de cibles militaires à cet endroit-

  9   là, à l'exception de ma Compagnie B qui se trouvait à l'arrière de la

 10   colonne. Donc je crois que ceci confirme la conclusion à savoir qu'ils

 11   tiraient de façon délibérée sur la colonne.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans le voisinage direct, quelle

 13   distance aviez-vous à l'esprit ?

 14   R.  Donc s'il s'agit de tirs indirects, sans doute qu'un observateur

 15   pouvait voir la colonne. Cela aurait pu être l'œuvre de certaines parties

 16   de l'infanterie, comme cela est indiqué dans nos rapports, d'un côté ou de

 17   l'autre, et les informations que j'ai fournies parlaient d'unités qui

 18   tiraient. Il aurait pu s'agir de cela, d'après mon souvenir, de mortiers à

 19   partir desquels on pouvait tirer, donc à une distance de 3 à 4 kilomètres.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Au paragraphe 61 de votre déclaration

 21   consolidée, on peut lire. Après avoir cité les rapports que vous venez de

 22   citer aujourd'hui, vous avez déclaré :

 23   " … avoir donné l'ordre au commandant Otter de la base de trouver une route

 24   jusqu'au camp parce que la route devant notre base était dans la ligne de

 25   mire directe de l'artillerie serbe et leurs chars, et je ne souhaitais pas

 26   que ces colonnes de civils se déplacent le long de cette route parce que

 27   j'avais des raisons de croire qu'on allait leur tirer dessus."

 28   Sur quoi vous fondez-vous pour croire à l'époque qu'on allait tirer sur la


Page 23209

  1   colonne de réfugiés à cette époque ?

  2   R.  Il y avait énormément de pilonnage aléatoire dans la ville de

  3   Srebrenica déjà auparavant, ou peut-être des cibles militaires auraient pu

  4   se trouver. Le pilonnage de la colonne, la colonne qui se dirigeait vers

  5   nous et les tirs avant que cette masse de réfugiés ne parvienne jusqu'à

  6   nous depuis le poste d'observation Papa et dans le voisinage de notre base,

  7   et il y a eu un avertissement émanant du général Mladic par la radio qui

  8   avait indiqué qu'il n'accepterait pas que les réfugiés entrent dans notre

  9   camp, dans notre base. Ces deux éléments m'ont permis de conclure qu'il

 10   serait hasardeux de laisser ces réfugiés rentrer par le grand portail et il

 11   fallait trouver un autre itinéraire, une autre voie pour ces réfugiés pour

 12   qu'ils ne soient pas touchés par l'artillerie serbe.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, colonel

 14   Franken.

 15   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Karadzic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de ce

 18   document rétrospectivement ? Ceci n'a pas été versé au dossier. Il s'agit

 19   de quelque chose qui fait partie de ce livre. C'est un document dont M.

 20   Franken est l'auteur.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci sera versé au dossier.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D2025.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaite vous remercier d'être venu

 24   une nouvelle fois témoigner devant ce Tribunal. Vous pouvez maintenant

 25   disposer.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si cela est possible, je vais rendre une

 28   courte décision orale et je demande au représentant du greffe si je peux le


Page 23210

  1   faire et il me faut au moins de cinq minutes.

  2   Vous pouvez maintenant partir. Merci.

  3   [Le témoin se retire]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci concerne le témoin suivant.

  5   Les Juges de la Chambre sont saisis "d'une requête de l'Accusation

  6   aux fins d'exclure des éléments de preuve des crimes commis à Srebrenica en

  7   1993," déposée le 12 janvier 2012, dans laquelle l'accusé a demandé à ce

  8   que des éléments de preuve relatifs à des crimes commis à Srebrenica en

  9   1993 par les Serbes de Bosnie soient exclus de la déclaration consolidée de

 10   M. Pyers Tucker dont l'Accusation va demander le versement conformément à

 11   l'article 92 ter.

 12   L'Accusation a répliqué le 16 janvier en s'opposant à la requête.

 13   Ayant examiné la déclaration de Tucker ainsi que les paragraphes que visent

 14   l'exclusion les Juges de la Chambre sont d'accord avec l'accusé pour dire

 15   que pour des crimes commis par les Serbes de Bosnie en 1993 ne font pas

 16   l'objet d'accusation dans l'acte d'accusation. Par conséquent, l'accusé ne

 17   peut être tenu pénalement responsable de ces derniers.

 18   Cependant, la Chambre estime que de tels éléments de preuve, tels qu'ils

 19   figurent dans la déclaration de Tucker peuvent être versés au dossier étant

 20   donné qu'il s'agit d'éléments pertinents concernant l'entreprise criminelle

 21   commune principale qui visait à déplacer les Musulmans de Bosnie et les

 22   Croates de Bosnie de territoire revendiqué par les Serbes de Bosnie en

 23   Bosnie-Herzégovine entre 1991 et 1995, tel qu'allégué dans l'acte

 24   d'accusation, ainsi que des éléments de contexte et la préparation de

 25   l'entreprise criminelle commune qui visait à éliminer les Musulmans de

 26   Bosnie à Srebrenica entre le 11 juillet 1995 et le 1er novembre 1995. Plus

 27   particulièrement, ceci peut s'avérer pertinent et permettre d'établir la

 28   participation de l'accusé dans ces deux entreprises criminelles communes


Page 23211

  1   tel qu'allégué ainsi que l'élément moral requis pour la commission de

  2   crimes, et l'actus reus relatif à ces crimes commis en juillet 1995.

  3   La requête de l'Accusation est par conséquent rejetée.

  4   Les Juges de la Chambre souhaitent également faire remarquer que la requête

  5   a été déposée moins de trois jours ouvrages avant le début de la déposition

  6   de Tucker alors que l'accusé disposait de la déclaration de ce dernier

  7   pendant plus de deux mois et donc demandant à l'Accusation et les Juges de

  8   la Chambre de rendre une décision précipitée et sans motif valable. Les

  9   Juges de la Chambre par conséquent demandent à l'accusé à l'avenir toutes

 10   les fois où cela s'avère possible de déposer de telle requête suffisamment

 11   longtemps en avance pour permettre à l'Accusation de répliquer dans un

 12   cadre temporel fixé par le Règlement de procédure et de preuve.

 13   Nous allons donc faire une pause pendant une heure et reprendre à 14

 14   heures.

 15   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 44.

 16   --- L'audience est reprise à 13 heures 47.

 17   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète. Actus reus précisé l'élément

 18   matériel.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous reprenons à 13 heures 45.

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons siéger jusqu'à la fin de

 22   l'audience d'aujourd'hui conformément à l'article 15 bis. Madame la Juge

 23   Lattanzi ayant dû s'absenter pour des raisons officielles.

 24   Est-ce que le témoin peut prononcer la déclaration solennelle, s'il vous

 25   plaît ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 27   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 28   LE TÉMOIN : PYERS TUCKER [Assermenté]


Page 23212

  1   [Le témoin répond par l'interprète]

  2   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  3   M. ROBINSON : [interprétation] Je souhaite vous présenter, si vous me le

  4   permettez, Nathalie Daufin, une jeune stagiaire de France, qui va nous

  5   assister. Merci.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Madame Edgerton.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Bonjour à vous.

  8   Interrogatoire principal par Mme Edgerton :

  9   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, si vous m'entendez, je vous

 10   demande de bien vouloir de nous donner votre nom et prénom, pour le compte

 11   rendu d'audience ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Pyers William Tucker.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation]

 14   Q.  Merci. Vous souvenez-vous avoir donné des déclarations au bureau du

 15   Procureur ici au Tribunal concernant le temps que vous avez servi et

 16   travaillé pour la FORPRONU lorsque vous étiez en Bosnie-Herzégovine, vos

 17   déclarations datent de 2002 et 2005 ?

 18   R.  C'est exact. Je m'en souviens.

 19   Q.  Et vous avez également témoigné devant ce Tribunal à trois moments

 20   différents dans les affaires le Procureur contre Stanislav Galic en 2002,

 21   le Procureur contre Naser Oric en 2005, ainsi que le Procureur contre

 22   Momcilo Perisic en 2009; est-ce exact ?

 23   R.  C'est exact.

 24   Q.  Maintenant, au mois de mai cette année -- pardonnez-moi. Au mois de mai

 25   de l'année 2010, avez-vous signé une autre déclaration pour le bureau du

 26   Procureur permettant de consolider tous les éléments figurant dans ces

 27   dépositions antérieures susmentionnées ?

 28   R.  C'est exact.


Page 23213

  1   Q.  Et aux fins de préparer votre déposition d'aujourd'hui, avez-vous pu

  2   revoir cette déclaration ainsi que les documents connexes qu'elle citait ?

  3   R.  Oui, tout à fait.

  4   Q.  Disposez-vous d'un exemplaire de cette déclaration ?

  5   R.  Effectivement.

  6   Q.  Merci. Je pourrais peut-être attirer votre attention au paragraphe 24

  7   de cette déclaration qui se trouve à la page 6 et demander à ce que le

  8   numéro 65 ter 08556 soit affiché, s'il vous plaît.

  9   Monsieur Tucker, ce paragraphe évoque une lettre qui comporte le numéro

 10   00412219 qui serait une lettre du général Morillon -- pardonnez-moi,

 11   adressée au général Morillon par un groupe de Musulmans de Bosnie datée du

 12   24 octobre 1992 qui font part de leurs protestations contre des expulsions

 13   de Grbavica.

 14   Le document que je viens de citer est le numéro 65 ter 08556, qui devrait

 15   apparaître pendant quelques instants sur votre écran informatique. Le

 16   voyez-vous ?

 17   R.  Oui, tout à fait.

 18   Q.  Bien. Alors ce document en réalité fait référence à -- ou constitue

 19   plutôt un appel des citoyens du village se trouvant à l'aéroport dans le

 20   secteur de Sarajevo et dans le quartier de Dobrinja et n'a rien à voir avec

 21   Grbavica; est-ce exact ?

 22   R.  C'est exact.

 23   Q.  Malgré cela, souhaitez-vous modifier le paragraphe 24 de votre

 24   déclaration ?

 25   R.  Oui, on devrait lire que :

 26   "La lettre est une lettre de protestation contre les expulsions des

 27   localités près de l'aéroport."

 28   Q.  Merci. Alors afin d'aborder une autre correction, peut-être que nous


Page 23214

  1   pourrions passer au paragraphe 167 de votre déclaration où sous le titre :

  2   "Réunions à Tuzla et Zvornik, 10 mars 1993," nous voyons qu'il est fait

  3   état à la dernière phrase d'un document incomplet, une page d'un rapport

  4   des observateurs militaires des Nations Unies intitulé : "Rapport spécial

  5   sur la situation dans le secteur de Srebrenica." Avez-vous trouvé ce

  6   paragraphe ?

  7   R.  Oui, tout à fait.

  8   Q.  Je vous encouragerais donc à marquer une pause pendant quelques minutes

  9   avant que vous ne répondiez à mes questions et que mes collègues des

 10   cabines interprètes puissent faire leur travail correctement et

 11   interprètent les réponses très précisément, à la fois pour le Dr Karadzic

 12   ainsi que l'auditoire.

 13   Est-ce que nous pouvons maintenant afficher le paragraphe suivante, numéro

 14   65 ter 11418. En attendant cela, Monsieur Tucker, étant donné que vous avez

 15   regardé ce document lorsque vous avez préparé votre déclaration, nous avons

 16   retrouvé la page 2 manquante du document en question, le numéro 65 ter

 17   11418 constitue le document complet.

 18   Je souhaite que vous regardiez maintenant, s'il vous plaît, le document qui

 19   apparaît sur votre écran informatique, y compris la deuxième page 2

 20   manquante, et veuillez nous dire quand vous aurez eu l'occasion de

 21   parcourir ce document.

 22   R.  Je vois la première page, qui est la page d'origine, mais je ne vois

 23   pas encore la deuxième page, qui était la page manquante. Ça y est. Je vois

 24   à quoi ressemble la deuxième page.

 25   Q.  Est-ce que mon collègue peut agrandir la deuxième page, s'il vous plaît

 26   ?

 27   Monsieur Tucker, en ce qui concerne ce document-ci, votre commentaire était

 28   le suivant, à savoir que cette note illustrait vos souvenirs des événements


Page 23215

  1   à l'époque.

  2   R.  C'est exact, et la deuxième page concorde avec ce qui se passait à

  3   Srebrenica à ce moment-là, au moment-là où j'y suis arrivé.

  4   Q.  Après avoir vu le document dans son intégralité, souhaitez-vous

  5   modifier ou amender le paragraphe 167 de votre déclaration de quelque

  6   manière que ce soit ?

  7   R.  Non. Je pense que c'est exact.

  8   Q.  Merci. Y a-t-il d'autres corrections ou précisions que vous souhaitiez

  9   apporter à cette déclaration de 2010 ?

 10   R.  Il y a une omission au paragraphe 201, et l'avant-dernière phrase du

 11   paragraphe 201 se lit comme suit : "Cependant, pas un seul obus n'est tombé

 12   sur la ville de Srebrenica," et se termine. C'est un extrait incomplet des

 13   documents d'origine, et après "Srebrenica" il faudrait insérer "depuis

 14   l'arrivée du général Morillon" pour que la phrase se lise comme suit :

 15   "Cependant, aucun obus n'est tombé sur la ville de Srebrenica depuis

 16   l'arrivée du général Morillon."

 17   Q.  Merci. Est-ce que ceci met un terme aux corrections ou précisions que

 18   vous souhaitez apporter à votre déclaration de 2010 ?

 19   R.  Oui, tout à fait.

 20   Q.  Alors, si je devais vous poser les mêmes questions aujourd'hui que

 21   celles qui ont donné lieu à vos réponses qui figurent dans vos déclarations

 22   écrites, vos réponses seraient-elles les mêmes ?

 23   R.  Oui, tout à fait.

 24   Q.  Merci.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Dans ce cas, compte tenu de votre réponse,

 26   je vous demande, Monsieur le Président, de bien vouloir accepter le

 27   versement au dossier de la déclaration consolidée de M. Tucker - numéro 65

 28   ter 90293 - en tant que pièce à conviction de l'Accusation.


Page 23216

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P4203, Madame, Messieurs les Juges.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie. Je vais maintenant lire

  4   le résumé de cette déposition.

  5   Entre le mois d'octobre 1992 et le mois de mars 1993, Pyers Tucker, un

  6   officier de l'armée britannique, a servi dans les Nations Unies en qualité

  7   de membre de la FORPRONU. Il a été envoyé au QG du commandement de l'ABiH

  8   en tant qu'assistant militaire du commandant de l'ABiH à l'époque, le

  9   général Philippe Morillon.

 10   Le témoin dépose sur ses observations et expériences vécues lorsqu'il a

 11   servi et travaillé pour les Nations Unies en Bosnie-Herzégovine, et en

 12   particulier sur les événements qui ont entouré Sarajevo et Srebrenica

 13   pendant qu'il était là-bas. Le témoin parle du pilonnage incessant, des

 14   tireurs embusqués, du froid et de la faim qu'a enduré la population civile

 15   de Sarajevo. Il parle du pilonnage qui ne cessait jamais contre la

 16   population civile de Sarajevo et les qualifie d'actes de terrorisme et

 17   d'intimidation. Il témoigne sur les opérations coordonnées militaires et

 18   des bombardements répétés contre la ville qui n'auraient pu être effectués

 19   qu'avec l'autorisation de la chaîne de commandement des forces serbes de

 20   Bosnie autour de la ville.

 21   En mars 1992, M. Tucker s'est rendu avec le général Morillon dans les

 22   enclaves orientales --

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi, en mars 1993.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Pardonnez-moi. Des endroits qui

 25   comprenaient notamment Konjevic Polje et Srebrenica, et à l'époque, lorsque

 26   les opérations de l'armée serbe de Bosnie étaient menées contre ces

 27   secteurs détenus par les Musulmans, ils ont progressivement réduit ces

 28   enclaves et obligé la population civile à s'enfuir dans des lieux plus sûrs


Page 23217

  1   au moment où tous ces villages tombaient les uns après les autres et

  2   étaient placés sous le contrôle des Serbes de Bosnie. L'impression perçue

  3   était celle d'une dynamique impitoyable que l'on ne pouvait arrêter et qui

  4   ne se terminerait qu'avec la mort de toutes les personnes qui se trouvaient

  5   dans l'enclave. La seule question que l'on se posait alors était quand

  6   toutes ces personnes seraient-elles tuées.

  7   Le témoin parle d'une situation au plan humanitaire désespérée auquel

  8   faisaient face des milliers de réfugiés qui s'étaient entassés à Srebrenica

  9   pour y trouver refuge à l'approche des forces serbes. La plupart des gens

 10   pensaient que les Serbes de Bosnie allaient les tuer et la seule question

 11   était de savoir à quel moment cela se produirait. Il témoigne des

 12   pilonnages contre des colonnes de réfugiés alors qu'ils tentaient de se

 13   mettre à l'abri; le pilonnage des forces de l'ONU alors qu'ils

 14   fournissaient leur aide aux habitants de Konjevic Polje; Le pilonnage d'un

 15   point aérien humanitaire alors qu'ils tentaient d'évacuer les blessés de

 16   Srebrenica.

 17   Le témoin dépose sur l'appel lancé par le général Morillon depuis

 18   Srebrenica en direction du peuple serbe disant qu'il était venu à

 19   Srebrenica dans l'intérêt de la paix. Lorsque Morillon a quitté Srebrenica,

 20   la situation s'en est trouvée exacerbée.

 21   Le témoin a accompagné le commandant en Bosnie-Herzégovine lors des

 22   réunions avec le Dr Karadzic, le général Mladic, ainsi que les autres

 23   dirigeants politiques et militaires des factions belligérantes, en présence

 24   également des représentants des Républiques de Serbe et de Croatie. M.

 25   Tucker a conservé des notes de ces réunions et c'est sur la base de ces

 26   réunions qu'il a rédigé ces rapports pour son commandant au QG de la

 27   FORPRONU ainsi que d'autres rapports en fonction de ce qui était jugé utile

 28   à l'époque. Il parle de questions qui ont été soulevées de façon répétée


Page 23218

  1   par le général Morillon en présence des dirigeants serbes de Bosnie,

  2   notamment le problème de la liberté de circulation des forces des Nations

  3   Unies et les convois d'aide humanitaire. M. Tucker décrit de façon répétée

  4   l'entrave délibérée de la part des Serbes de Bosnie lors de l'arrivée du

  5   flot d'aide en direction des réfugiés.

  6   Q. Alors j'ai quelques questions pour vous, Monsieur Tucker, et je

  7   vais essayer maintenant de vous demander de vous reporter à ces paragraphes

  8   de votre déclaration écrite que nous avons abordés un peu plus tôt.

  9   Tout d'abord, j'aimerais vous poser des questions à propos de vos

 10   observations sur les pilonnages de Sarajevo, et on fait référence ici aux

 11   paragraphes 23 et 91 de votre déclaration.

 12   Au paragraphe 23, vous parlez de deux types de tirs entrant et tirés

 13   par les forces serbes autour de Sarajevo, il s'agit dans un cas de tirs

 14   concentrés, alors que dans l'autre il s'agit d'obus uniques qui

 15   atterrissent autour de la ville et qui n'ont pas d'objectif militaire

 16   particulier, et cependant, au paragraphe 91, vous faites état également de

 17   quelque chose que vous décrivez comme étant du pilonnage punitif.

 18   Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendiez par ce terme de

 19   "pilonnage punitif" ?

 20   R.  Par "pilonnage punitif," j'entends qu'il y aurait une attaque

 21   menée par l'infanterie depuis les forces à l'intérieur de Sarajevo qui

 22   attaquent en direction du territoire détenu par les Serbes. De façon

 23   générale, ces attaques d'infanterie avançaient relativement bien parce que

 24   les forces des Serbes de Bosnie ne disposaient pas beaucoup de forces

 25   d'infanterie. Les Serbes de Bosnie utilisaient alors les armes lourdes dont

 26   ils disposaient pour repousser l'attaque, et à ce moment-là ils pouvaient

 27   faire venir les réserves d'infanterie pour repousser les hommes

 28   d'infanterie directement sur la ligne de front et après cela ils


Page 23219

  1   utilisaient des pièces d'artillerie. Après quoi ils avaient l'habitude de

  2   façon générale de pilonner le secteur de la ville d'où provenaient ces tirs

  3   d'infanterie, et là nous interprétions cela de la manière suivante, il

  4   s'agissait de punir ce secteur et d'où provenaient les attaques.

  5   Q.  Est-ce que cela avait un lien avec les deux types de coups de feu

  6   que vous avez décrits au paragraphe 23 ?

  7   R.  Oui. Il s'agirait de la première catégorie, donc des tirs

  8   concentrés.

  9   Q.  Je vous remercie. Je souhaite maintenant avancer dans le temps de

 10   manière chronologique, un peu plus loin dans votre déclaration, sous le

 11   chapeau 31 octobre 1992, attaque sur Sarajevo. Au paragraphe 37, vous

 12   parlez d'attaque militaire coordonnée lancée par l'armée des Serbes de

 13   Bosnie depuis le nord et le sud du centre de Sarajevo avec l'objectif

 14   apparent de couper la ville en deux, donc deux parties, est et ouest, et

 15   j'aimerais savoir si vous pouviez, s'il vous plaît, nous dire sur quoi vous

 16   vous êtes basé pour identifier ainsi l'objectif de cette opération.

 17   R.  Pour commencer, je souhaite dire que c'était la dernière occasion que

 18   j'ai eue pendant ma mission en Bosnie de voir l'armée des Serbes de Bosnie

 19   lancer une attaque d'envergure contre Sarajevo qui n'avait pas été

 20   déclenchée par une attaque lancée précédemment depuis la ville vers

 21   l'extérieur, donc par les forces loyales à la présidence. Alors comment

 22   est-ce que j'ai su que cette attaque a eu lieu ? Premièrement, je me suis

 23   trouvé sur place à Sarajevo et j'ai pu entendre les coups de feu, donc les

 24   bombardements, les tirs de mitrailleuses, les coups de feu d'armes de petit

 25   calibre, en provenance du nord et du sud. Autrement dit, de deux

 26   directions. Puis deuxièmement, au cours de la soirée, bien entendu, nous

 27   voulions savoir exactement ce qui était en train de se passer, nous

 28   recevions des rapports de manière régulière de notre QG du secteur


Page 23220

  1   Sarajevo, et les observateurs militaires envoyaient des rapports sur ce

  2   qu'ils ont pu voir, et en fait il semblait que c'était ça l'objectif de

  3   l'attaque, donc il était possible effectivement en attaquant ainsi de

  4   couper Sarajevo en deux.

  5   Q.  Je vous remercie. Alors je voudrais maintenant aborder un autre

  6   document, un document qui ne figure pas parmi les références de votre

  7   déclaration écrite, à savoir le document 65 ter 21921. Il s'agit d'un

  8   rapport de combat émanant du commandant Vinko Pandurevic, qui était le

  9   commandant de la Brigade d'Infanterie légère de Zvornik. Le document porte

 10   la date du 15 février 1993, et il s'adresse au commandement du Corps de la

 11   Drina.

 12   Nous n'avons pas besoin, je pense, de la version serbe si M. Karadzic n'en

 13   a pas besoin. Merci.

 14   Donc, Monsieur le Témoin, je pense que vers la fin de l'année dernière dans

 15   le cadre des préparatifs précédant votre déposition vous avez eu l'occasion

 16   de voir ce document ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Je souhaite voir la page 2, s'il vous plaît, de la traduction, c'est le

 19   paragraphe 8 qui m'intéresse, qui se lit comme suit : "Les forces ennemies

 20   dans les secteurs de Cerska, Konjevic Polje et Srebrenica ont été

 21   encerclées, entre autres."

 22   J'aimerais savoir, Monsieur Tucker, si d'après vous il y a un lien entre ce

 23   que l'on voit ici et l'opération que vous avez vue représentée sur la carte

 24   dans le bureau du commandant Pandurevic deux semaines plus tard ? Vous en

 25   parlez au paragraphe 155 de votre déclaration.

 26   R.  Le paragraphe 8, que nous voyons ici où il est question des forces

 27   ennemies dans le secteur de Cerska, Konjevic Polje, et Srebrenica comme

 28   étant encerclées, correspond au début de la situation représentée sur la


Page 23221

  1   carte que j'aie vue dans le bureau du commandant Pandurevic au début du

  2   mois de mars.

  3   Deuxièmement, il est fait référence à des opérations offensives intenses en

  4   direction de Teocac, Kalesija et Tuzla, et c'étaient des attaques qui

  5   étaient lancées par des forces loyales à la présidence.Je ne suis pas au

  6   courant de Teocac mais je suis au courant des actions de Kalesija et de

  7   Tuzla. Je sais qu'il y a eu des rapports relayés dans les Nations Unies

  8   faisant état d'offensive. Ce n'était pas à ce moment-là précisément mais

  9   légèrement plus tard, vers la fin du mois de février, depuis ces zones-là

 10   vers l'enclave afin d'essayer d'enlever la pression qui s'exerçait sur

 11   l'enclave.

 12   Q.  Je vous remercie.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir ce document

 14   versé au dossier ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P4204.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur Tucker, ensuite dans votre déclaration vous parlez de votre

 19   déploiement à Konjevic Polje et également à Srebrenica. A ce sujet,

 20   j'aimerais savoir si pendant ces périodes-là pendant que vous étiez en

 21   mission dans ce secteur vous avez eu l'occasion d'avoir des échanges avec

 22   la population locale ?

 23   R.  Oui, j'ai eu l'occasion de parler à des gens du cru, tant à Konjevic

 24   Polje qu'à Srebrenica, et généralement c'était par le truchement de

 25   l'interprétation qui était fournie par le sergent qui était l'interprète du

 26   général Morillon -- ou plutôt, qui était son garde du corps, et aussi grâce

 27   à l'interprétation fournie par le HCR ils nous accompagnaient.

 28   Q.  C'est au cours de cette conversation que vous avez appris d'où étaient


Page 23222

  1   originaires ces gens-là ?

  2   R.  Oui, c'était généralement la première question que l'on leur posait. On

  3   leur demandait d'où ils étaient venus.

  4   Q.  Qu'est-ce que vous ont apporté leurs réponses ?

  5   R.  Que pour la plupart, ils étaient venus d'un certain nombre de localités

  6   d'où on les a nettoyées ethniquement, et il y a eu des réfugiés que j'aie

  7   rencontrés à Konjevic Polje et à Srebrenica qui, en fait, étaient partis

  8   plusieurs fois, cinq ou six fois. Ils ont -- par exemple, ils ont été

  9   expulsés une première fois en mai, et puis après ils ont pris la fuite,

 10   puis il y a eu des attaques puis ils ont dû repartir. Pour certains d'entre

 11   eux, c'étaient des gens qui étaient venus de Cerska mais également les gens

 12   de Konjevic Polje, qui est un tout petit village. Donc pour la plupart, il

 13   s'agissait de gens qui avaient été en fait délogés plusieurs fois.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais prendre un autre document

 16   militaire. 65 ter 14350. Un ordre de combat du 14 mars 1993. Milenko

 17   Zivanovic qui était le commandant du Corps de la Drina.

 18   De nouveau, s'il n'y a pas d'objection je souhaite qu'on enlève la version

 19   serbe.

 20   Q.  Donc, Monsieur Tucker, là encore, c'est un document que vous avez vu

 21   dans le cadre de vos préparatifs à venir déposer ici devant ce Tribunal.

 22   R.  Oui, c'est exact.

 23   Q.  Le premier paragraphe de ce document se lit comme suit :

 24   "Suite à des attaques réussies des forces du corps les forces de l'ennemi

 25   ont subi des pertes très importantes, en particulier pour ce qui est des

 26   hommes dans les secteurs généraux de Srebrenica, Skelani, Bratunac, Cerska

 27   et Konjevic Polje. Ils ont également perdu une partie importante du

 28   territoire qu'ils avaient tenu avant le début des attaques."


Page 23223

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Je ne sais pas ce qui est arrivé au

  2   document qui s'affiche à l'écran, excusez-moi.

  3   Est-ce que nous pouvons reprendre le premier paragraphe, s'il vous plaît ?

  4   Q.  Donc pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin, si

  5   cela correspond à vos observations et à votre souvenir de la situation

  6   militaire sur place ?

  7   R.  Ce premier paragraphe reflète la situation telle qu'elle se présentait

  8   le 15 mars sur place. Donc c'est peu de temps après notre arrivée à

  9   Konjevic Polje -- ou plutôt, départ de Konjevic Polje, arrivée à

 10   Srebrenica. En fait, c'est à ce moment-là que Cerska et Konjevic Polje ont

 11   été capturées par les Serbes de Bosnie.

 12   Q.  Alors, sur la deuxième page de la traduction de ce document et je

 13   souhaite que l'on affiche le premier paragraphe entier de la page 2. Vous

 14   verrez qu'il est fait référence comme suit que :

 15   "Le moral de l'ennemi n'est plus solide pour des raisons suivantes."

 16   R.  Je ne vois pas cela. Excusez-moi.

 17   Q.  Vous voyez le premier grand paragraphe ?

 18   R.  Oui, oui. En haut de la page.

 19   Q.  Donc il se lit comme suit :

 20   "Le moral de l'ennemi est perturbé pour des raisons suivantes : pertes de

 21   secteurs importants et de la route Nova Kasaba-Konjevic Polje-Drinjaca, il

 22   se retrouve coincer dans une zone qui n'arrête pas de se réduire : pertes

 23   importantes, manque de munition et de nourriture et attaques constantes par

 24   nos forces." 

 25   Donc j'aimerais savoir si cela correspond à ce que l'on voyait sur la

 26   carte. Donc, au paragraphe 155, vous parlez des enclaves qui n'arrêtent pas

 27   de se réduire.

 28   R.  Oui, c'est une description exacte de l'évolution de la situation sur le


Page 23224

  1   terrain.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande, s'il vous plaît, que ce

  3   document devienne une pièce à conviction de l'Accusation.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document P4205.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Tucker, sur la base des informations que vous aviez et compte

  8   tenu du fait que vous étiez en mission sur le terrain, est-ce que vous

  9   voulez faire des commentaires éventuellement sur les évaluations de la

 10   puissance de combats musulmane ?

 11   Est-ce que nous pouvons, s'il vous plaît, réafficher la première page ?

 12   Cela figure dans les trois derniers paragraphes de la traduction de la

 13   première page de celle-ci.

 14   R.  Ces rapports ne reflètent pas la totalité de la situation qui se

 15   présentait sur le terrain. Il est possible, certes, que les forces qui se

 16   trouvaient à l'intérieur de l'enclave aient eu certaines de ces armes, mais

 17   surtout ce qu'elles avaient, c'était un très petit nombre de ces armes.

 18   Ensuite ils n'avaient quasiment aucune munition et c'est cela qui est

 19   encore plus important. Donc cela ne sert à rien d'avoir une arme si on ne

 20   peut pas avoir de munition pour se servir de cette arme, et ce paragraphe,

 21   en fait, exagère la capacité de ces forces et la puissance de combat

 22   effective des forces musulmanes à l'intérieur de l'enclave. Il faut savoir

 23   qu'il n'y avait pas de force militaire organisée à l'intérieur de

 24   l'enclave. Il y avait une population civile, des réfugiés qui se sont

 25   trouvés sous attaque. Il n'avait pas de force militaire organisée, pas de

 26   chaîne de commandement, pas de moyen de transmission, pas d'arme, rien. Les

 27   armes qu'ils avaient effectivement c'étaient les armes qu'ils avaient

 28   reprises de leurs ennemis des Serbes de Bosnie.


Page 23225

  1   Alors lorsque je me suis trouvé à Konjevic Polje et aussi à

  2   Srebrenica, en moyenne, le nombre de balles pour des AK-47 qu'avaient ces

  3   soldats, enfin ces personnes, parce que ce n'étaient pas des soldats,

  4   c'étaient simplement des civils qui se sont trouvés forcés à prendre l'arme

  5   parce qu'on les a attaqués, en moyenne, ils avaient moins d'une cartouche

  6   par AK-47, et c'était rare de voir un soldat avoir deux cartouches, deux

  7   balles.

  8   J'ai vu un de ces chars T-55, que l'on a mentionnés, à Srebrenica, et

  9   le char n'avait peut-être que quelques litres de diesel qui lui restaient

 10   encore, et cinq ou six obus. Donc il était quasiment inutile dans une

 11   situation de combat.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tucker, vous parlez

 14   d'exagération. Oui, ce paragraphe exagère de manière substantielle

 15   l'efficacité de la puissance de combat de ces forces. Mais vous voulez dire

 16   que c'est le Corps de la Drina, son commandement, qui exagère la puissance

 17   des forces ennemies lorsqu'il s'adresse à ses organes subordonnés ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Tucker, dans votre déclaration, aux paragraphes 198 à 200,

 21   vous parlez d'une réunion qui a eu lieu entre le général Morillon et le

 22   général Milovanovic au pont jaune, la réunion du 15 mars 1993.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Au sujet de cette réunion, je souhaite

 24   faire afficher le document 65 ter 08052, s'il vous plaît.

 25   Q.  Ce document porte cette même date, donc la date du 15 mars 1993. Il

 26   vient du général Milovanovic et il s'adresse à l'état-major de la VRS, au

 27   Dr Karadzic, le Premier ministre de la Republika Srpska, et au Corps de la

 28   Drina. Vous avez vu ce document vers la fin de l'année dernière dans le


Page 23226

  1   cadre de vos préparatifs précédant cette déposition.

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  Est-ce que ce rapport vient du général Milovanovic et s'adresse-t-il au

  4   Dr Karadzic en constituant un rapport à l'issue de cette même réunion dont

  5   vous parlez dans votre déclaration ?

  6   R.  Oui. On dirait que c'est la même réunion.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P4206.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande à présent l'affichage du

 11   document 65 ter 09132, rapport de combat régulier émanant du commandement

 12   du Corps de la Drina et adressé à l'armée des Serbes de Bosnie, son état-

 13   major, et qui porte la date du 17 mars 1993.

 14   Q.  S'agit-il là d'un autre document que vous avez examiné en novembre de

 15   l'année dernière, Monsieur Tucker ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Je vous invite maintenant à porter votre attention sur la dernière

 18   phrase du paragraphe 8 de ce document, ce sera en bas de la page, et la

 19   phrase se lit comme suit :

 20   "J'ai décidé d'utiliser une partie des forces afin de resserrer

 21   l'encerclement de Srebrenica et de forcer par-là les Musulmans à se rendre,

 22   d'utiliser les forces qui restent pour fortifier les lignes…"

 23   Le texte déborde sur la page suivante. C'est là que nous verrons la fin du

 24   paragraphe.

 25   Monsieur Tucker, cette décision, est-ce qu'elle correspond à l'opération

 26   militaire que vous avez vue représentée sur la carte affichée dans le

 27   bureau du commandant Pandurevic au début du mois de mars et dont vous

 28   parlez au paragraphe 155 ?


Page 23227

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Je vous remercie.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande que ce document soit versé au

  4   dossier en tant que pièce à conviction de l'Accusation.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, tout à fait.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P4207.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation]

  8   Q.  Un peu plus loin, la journée du 18 mars 1993, à savoir le paragraphe

  9   206 de votre déclaration, vous dites :

 10   "Pendant la journée, nous sommes restés sur la ligne de front pendant que

 11   le général Morillon s'est rendu à bord de sa jeep à Zvornik pour obtenir le

 12   convoi."

 13   Alors, premièrement, lorsque vous parlez de "nous", de qui s'agit-il ?

 14   R.  C'était moi-même, et aussi le transporteur blindé canadien ainsi que

 15   son chauffeur.

 16   Q.  A quel endroit de la ligne de front vous êtes-vous trouvés ?

 17   R.  C'était le pont jaune. C'était le "no man's land" entre les forces

 18   serbes de Bosnie. C'étaient en fait des bunkers, comme des tranchées de la

 19   Première Guerre mondiale, d'un côté, et puis de l'autre côté, les forces

 20   musulmanes un peu plus loin dans un village et dans les hauteurs. Le pont

 21   jaune était au milieu de ce "no man's land," et c'était un pont à moitié

 22   détruit. En fait, on avait fait en sorte qu'un véhicule armé à chenilles ou

 23   même un quatre-quatre puisse traverser. On a rempli le fossé donc créé.

 24   Mais une voiture, par exemple, de tourisme, ordinaire, n'aurait pas pu

 25   traverser le pont.

 26   C'est là que j'ai garé le M113 canadien, au haut de ce tas, sur le

 27   pont.

 28   Q.  Est-ce qu'il s'est passé quelque chose pendant que vous étiez là ?


Page 23228

  1   R.  Quand nous sommes arrivés, le général Morillon s'est rapidement adressé

  2   aux Serbes au bunker et à la ligne de front serbe. Le général Morillon,

  3   ensuite, est parti avec sa jeep vers Zvornik afin d'obtenir un convoi

  4   d'aide humanitaire. Il m'a demandé de rester là sur cette ligne de front

  5   afin d'essayer de faire en sorte que cette ligne de front reste ouverte,

  6   parce que normalement on se servait de toutes sortes d'alibis pour empêcher

  7   les forces humanitaires ou les Nations Unies de passer ou de rester, et

  8   donc, il y avait des combats, et cetera. Donc il m'a demandé de rester sur

  9   place afin de garder ce point du front ouvert pour qu'il puisse repasser à

 10   son retour.

 11   Dès que le général Morillon est parti vers Bratunac, un certain

 12   nombre de chars et de transporteurs blindés serbes de Bosnie sont sortis

 13   des bois derrière le bunker, se sont positionnés sur la route et ont avancé

 14   vers le pont jaune afin d'essayer d'attaquer en direction de Srebrenica.

 15   Toutefois, mon transporteur canadien bloquait le pont, et il était

 16   difficile pour un char d'essayer de passer. Donc je me suis mis, moi,

 17   devant le char et j'ai gesticulé à l'intention du char pour qu'il s'arrête

 18   et pour qu'il n'avance pas.

 19   Les chars, donc, se sont arrêtés les uns après les autres parce que

 20   j'étais devant le premier, et enfin les chars ont rebroussé chemin derrière

 21   les lignes de front serbes et se sont remis dans les positions sur la

 22   gauche et sur la droite du pont jaune. Et puis, je me suis rendu dans le

 23   bunker et j'ai eu un entretien avec un colonel serbe de Bosnie. Il

 24   commandait cet endroit. Il a crié vers moi. Il a attrapé une kalachnikov à

 25   l'un de ses soldats, il a armé la kalachnikov et l'a pointée sur mon

 26   estomac, et puis il m'a crié dessus. Et puis, il a demandé que le capitaine

 27   de la section de chars vienne dans le bunker, puis ensuite il a crié de

 28   nouveau à l'attention du capitaine de la section de chars, et finalement


Page 23229

  1   ils sont repartis. Puis je suis revenu vers le transporteur blindé, et

  2   pendant les six heures à venir à peu près, eh bien, j'ai circulé entre le

  3   transporteur blindé et le bunker. J'avais les Serbes devant moi et les

  4   Musulmans derrière moi, et à chaque fois que je m'adressais au colonel

  5   serbe et disais : Vous devez arrêter de tirer depuis la position A vers la

  6   position B, et lui, il répondait : J'ordonnerai à mes hommes d'arrêter de

  7   tirer si les Musulmans arrêtent de tirer à un autre endroit, et puis,

  8   j'allais vers le transporteur blindé, je prenais la radio pour parler aux

  9   hommes des Nations Unies à Srebrenica puis je leur demandais de s'adresser

 10   aux Musulmans de Srebrenica, en leur demandant d'arrêter d'attaquer à un

 11   autre endroit. Et puis, je recevais le message que eux feraient cela

 12   effectivement à partir du moment où les Serbes arrêteraient d'attaquer à un

 13   autre endroit. Et puis, on a fait la navette comme cela pendant très

 14   longtemps. Les combats, en fait, se sont intensifiés, et la situation a

 15   empiré. Puis finalement, les chars ont également essayé de repasser de

 16   nouveau, et je me suis replacé devant eux, je les ai bloqués, empêchés

 17   d'avancé. Je ne souhaitais pas qu'ils traversent le pont. J'ai dit qu'il ne

 18   fallait pas qu'ils attaquent Srebrenica. Et puis finalement, les choses se

 19   sont calmées. Vingt minutes plus tard, le colonel serbe a pris la jeep et

 20   il est parti rapidement vers Bratunac, et puis le général Morillon est

 21   arrivé avec le convoi.

 22   Q.  Merci de votre réponse, Monsieur Tucker. Est-ce que nous pouvons

 23   avancer un petit peu et passer à un autre document qui est un document

 24   militaire, le numéro 65 ter 960. Il s'agit d'un rapport de combat qui émane

 25   du commandement du Corps de la Drina à l'intention de l'état-major

 26   principal serbe de Bosnie, daté du 20 mars 1993. Monsieur Tucker, il s'agit

 27   là d'un autre document que vous avez examiné à la fin de l'année dernière;

 28   c'est exact ?


Page 23230

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Alors, entre autres choses, au paragraphe 3 de ce document, qui se

  3   trouve sur la deuxième page de la version traduite que vous avez sous les

  4   yeux, enregistre le progrès d'un convoi de la FORPRONU comprenant quelque

  5   500 à 1 000 femmes et enfants jusqu'à Zuti Most, qui est le pont jaune, qui

  6   parvient pour finir à Zvornik. Et je me demande, Monsieur Tucker, s'il

  7   s'agit du même convoi que vous décrivez au paragraphe 212 de votre

  8   déclaration ?

  9   R.  Oui, tout à fait.

 10   Q.  Ceci -- ou ceci coïncide-t-il avec les souvenirs que vous avez de la

 11   situation à l'époque ?

 12   R.  Oui, c'est cela.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que vous accepteriez le versement au

 14   dossier de ce document comme une autre pièce à charge de l'Accusation.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, tout à fait.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça sera la pièce P4208, Madame, Messieurs

 17   les Juges.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Tucker, est-ce que vous pourriez regardez le paragraphe 245 de

 20   votre déclaration, s'il vous plaît, sur le thème des convois. Et le 245

 21   comporte le titre : "Rencontre avec Mladic, Beara [comme interprété] et

 22   Buha à Belgrade le 26 mars 1993." Ce paragraphe définit quatre points qui

 23   ont fait l'objet d'un accord suite à cette réunion. Le dernier point qui

 24   figure ici concerne :

 25   "Un convoi comportant quelque 20 camions qui devaient quitter Zvornik

 26   pour atteindre Srebrenica le 27 mars pour aller apporter aide et assistance

 27   et permettre aux femmes et enfants de revenir. Il n'y a pas d'hommes en âge

 28   de porter les armes."


Page 23231

  1   " Le but de ce convoi était de livrer de l'aide et d'évacuer les

  2   blessés, les femmes et les enfants sur leur voyage de retour. Il n'y avait

  3   pas d'hommes en âge de porter les armes."

  4   Est-ce que vous voyez ce paragraphe de votre déclaration ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Savez-vous si cette évacuation a finalement eu lieu ou 

  7   non ?

  8   R.  Je sais que cette évacuation a eu lieu car j'étais, en réalité, à

  9   Belgrade à l'époque, mais j'ai vu cela à la télévision, j'ai vu ce qui

 10   s'est passé, et j'ai vu que l'évacuation a effectivement eu lieu, mais

 11   qu'il y a eu un événement désastreux qui s'est produit lors du chargement

 12   des camions à Srebrenica parce que les réfugiés ont été pris de panique.

 13   Ils ont tenté de monter à bord des camions, et des tirs ont été tirés, et

 14   il y a des personnes qui ont été écrasées à bord de ces camions. Cela fait

 15   l'objet d'un reportage à la télévision et cela a été diffusé par les médias

 16   internationaux, et c'est quelque chose que j'ai vu à la télévision lorsque

 17   j'étais à Belgrade.

 18   Q.  Merci.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Alors, pour finir, je souhaite afficher le

 20   numéro 65 ter 01216, s'il vous plaît.

 21   Q.  Monsieur Tucker, ce document est un document des Nations Unies,

 22   Résolution 819 du Conseil de sécurité des Nations Unies datée du 16 avril

 23   1993. Est-ce que nous pourrions avoir la page suivante de ce document, s'il

 24   vous plaît.

 25   Alors, au point 1, on peut lire dans ce document :

 26   "Exige que toutes les parties et autres personnes concernées traitent

 27   Srebrenica et ses environs comme zone protégée qui devait être libre de

 28   toute attaque armée et de tout acte hostile."


Page 23232

  1   Est-ce que nous pouvons faire défiler ce document vers le bas, s'il vous

  2   plaît. Regardez le point cinq de la résolution :

  3   "Réaffirme que toute prise ou acquisition de territoire par voie de

  4   menace ou de force, notamment par la pratique du 'nettoyage ethnique', est

  5   illégale et inacceptable."

  6   Connaissez-vous ce document ?

  7   R.  Oui, tout à fait.

  8   Q.  Est-ce que vous pouvez placer ce document dans le contexte des

  9   événements de Srebrenica que nous avons abordés et que vous décrivez dans

 10   votre déclaration écrite ?

 11   R.  Oui, tout à fait. Ce qui s'est passé, c'est que le général Morillon et

 12   son équipe, y compris moi-même, sommes arrivés à Srebrenica les 11 et 12

 13   mars, et nous avons constaté que la situation était absolument terrible à

 14   l'intérieur de Srebrenica. Le général Morillon a alors proclamé depuis

 15   l'intérieur de Srebrenica qu'il déclarait que Srebrenica serait une zone

 16   protégée, et cette résolution du Conseil de sécurité des Nations est en

 17   fait ce qui a suivi, à savoir la mise en œuvre par le général Morillon de

 18   ces exigences concernant Srebrenica, que cette ville devait être une zone

 19   protégée.

 20   Q.  Merci.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Alors, puis-je demander le versement au

 22   dossier de cette pièce suivante de l'Accusation ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] P4209, Messieurs les Juges.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. Messieurs les Juges, ceci met un

 26   terme à mon interrogatoire principal de M. Tucker, et cela étant dit, je

 27   souhaite maintenant passer aux pièces connexes qui sont citées dans la

 28   déclaration consolidée du témoin, et je souhaite également les verser au


Page 23233

  1   dossier.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il des objections, Maître Robinson

  3   ?

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Moi-même, j'ai trois questions. Le

  6   document que nous avons vu au début de la déposition de M. Tucker, qui est

  7   cette lettre envoyée au général Morillon, numéro 65 ter 8556, est-ce que

  8   vous pourriez télécharger ce document ? Est-ce que vous disposez d'une

  9   version plus lisible. Voici ma question.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Malheureusement pas, Monsieur le Président.

 11   J'ai regardé, et c'est souvent le cas, j'ai fait des recherches, mais pour

 12   l'instant je n'ai pas pu trouver de version plus lisible. Bien sûr, si je

 13   peux mettre la main dessus, j'en avertirai mon collègue, M. Reid, et ceci

 14   sera téléchargé.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors, la question suivante

 16   que j'ai pour vous est la suivante : le numéro 65 ter 21651, le journal de

 17   M. Tucker, demandez-vous le versement au dossier de ce journal dans son

 18   intégralité ou juste la page 50, qu'a citée le témoin ?

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, que la page 50 citée par le témoin.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Et pour finir, le

 21   numéro 65 ter 21986, qui figure dans la déclaration du témoin, paragraphe

 22   39. Je crois que le témoin n'a pas commenté ce document. Je ne sais pas si

 23   vous souhaitez le verser, je souhaite que vous abordiez la question avec M.

 24   Tucker maintenant.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] J'entends bien, Monsieur le Président, mais

 26   je vais retirer ma demande de versement au dossier de ce document-là.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas les pièces connexes

 28   restantes, outre celles qui ont déjà été versées au dossier, seront versées


Page 23234

  1   au dossier et nous allons leur donner une cote en temps utile.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tucker, vos dépositions dans

  4   les procès précédents ont été versées, comme vous l'avez entendu, au

  5   dossier sous la forme de déclarations consolidées, et M. Karadzic va

  6   maintenant vous poser des questions dans le cadre de son contre-

  7   interrogatoire.

  8   Même si nous n'avons que 20 minutes, je souhaite que vous commenciez

  9   votre contre-interrogatoire, Monsieur Karadzic.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellences. Je souhaite rappeler à tout

 11   un chacun ce que nous savons tous déjà, à savoir que cette déclaration

 12   comporte plus de 300 paragraphes. Je dis cela en raison du temps qui m'a

 13   été imparti.

 14   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Tucker. Puis-je vous demander de

 16   bien vouloir nous donner des éclaircissements sur votre mandat -- ou

 17   plutôt, sur le mandat des forces onusiennes à Sarajevo ? Quelles étaient

 18   vos fonctions et vos responsabilités que vous avez abordez dès le

 19   paragraphe 13 ? Quelles étaient les principales missions de la FORPRONU en

 20   Bosnie ?

 21   R.  La principale mission de la FORPRONU en Bosnie consistait à faciliter

 22   la mise à disposition d'aide humanitaire à ceux qui en avaient besoin.

 23   Q.  Merci. Vous souvenez-vous du fait que la présence des forces onusiennes

 24   en Bosnie exigeait notre consentement, et nous l'avons donné ?

 25   R.  C'est exact. Et il est exact que la FORPRONU a été déployée en Bosnie-

 26   Herzégovine en vertu du chapitre VI de la résolution du Conseil de sécurité

 27   des Nations Unies.

 28   Q.  Le mandat d'origine sur la base duquel nous avons accepté la présence


Page 23235

  1   de forces étrangères sur notre territoire n'a jamais mentionné la question

  2   de l'ingérence dans les opérations armées, n'est-ce pas ?

  3   R.  A strictement parler, vous avez raison, mais si les forces onusiennes

  4   étaient attaquées, elles étaient en droit de se défendre.

  5   Q.  Merci. Nous sommes donc d'accord sur ce point. Vous étiez en droit de

  6   vous défendre.

  7   Saviez-vous que le général Mladic a déclaré à plus d'une reprise que

  8   les forces des Nations Unies sont libres de riposter avec des tirs si la

  9   VRS leur tire dessus ?

 10   R.  Oui. J'ai entendu le général Mladic à une ou deux reprises dire cela

 11   par le truchement d'interprètes un peu plus tôt.

 12   Q.  Merci. Compte tenu de ce droit des forces onusiennes de se défendre, ce

 13   droit englobe-t-il également les frappes aériennes, vous savez que nous

 14   avons accepté cela sans aucune objection ?

 15   R.  Lorsque j'étais en Bosnie les frappes aériennes n'ont jamais été

 16   mentionnées, donc je ne suis pas en mesure ici aujourd'hui ni d'infirmer ni

 17   de confirmer cela.

 18   Q.  Bien. Dans ce cas, je ne vais pas poursuivre sur ce thème. En réalité,

 19   je ne voulais pas parler de frappes aériennes à proprement parler. Je

 20   voulais parler d'appui aérien rapproché, qui est différent des frappes

 21   aériennes d'après ce que j'ai compris au cours de mes négociations avec les

 22   Nations Unies.

 23   R.  En fait, ce que je veux dire c'est que lorsque j'étais en Bosnie en

 24   1992 et 1993, je n'ai jamais entendu parler ni de frappes aériennes ni

 25   d'appui aérien rapproché et d'aucune action menée depuis le ciel. La seule

 26   chose dont j'ai entendu parler, c'étaient les ponts aériens et le largage

 27   de matériel, qui ont commencé en février 1993 dans le secteur des enclaves.

 28   Q.  Merci. Est-ce que vous comprenez donc pourquoi des officiers serbes


Page 23236

  1   étaient en colère lorsque vous faisiez face aux chars serbes et que vous

  2   entraviez leur action ?

  3   R.  Non, pas du tout. Les chars serbes avaient l'intention de mener des

  4   actions agressives et d'après ce que j'ai compris, ils ne respectaient pas

  5   les accords.

  6   Q.  A quels accords pensez-vous ?

  7   R.  Les multiples cessez-le-feu et les multiples occasions au cours

  8   desquelles on nous a dit que nous avions l'autorisation d'avancer dans une

  9   direction ou une autre, à de multiples occasions où je me suis trouvé en

 10   Bosnie.

 11   Q.  Vous parlez de ceci au paragraphe 14, non pas de l'incident mais de la

 12   position serbe. En réalité, au paragraphe 16 - n'est-ce pas ? - c'est ainsi

 13   que vous perceviez la position serbe, à savoir la reconnaissance de la

 14   Republika Srpska, et ensuite il devait y avoir une trêve ou un cessez-le-

 15   feu simultané sur l'ensemble du territoire de Bosnie-Herzégovine par

 16   opposition à des cessez-le-feu locaux et provisoires qui avaient été

 17   proposés par la partie bosnienne; c'est exact ?

 18   R.  C'est exact, mais il ne s'agit pas ici de la totalité du récit.

 19   C'étaient les Serbes de Bosnie qui avaient été attaqués, qui avaient lancé

 20   des attaques au début du conflit en Bosnie, en avril, et en mai, et au

 21   moyen d'armes, s'étaient saisi d'importants territoires. Ce que les Serbes

 22   de Bosnie souhaitaient était d'avoir un territoire dont ils se

 23   saisissaient, et lorsque j'étais moi-même en Bosnie, ils ont terminé le

 24   nettoyage ethnique; c'est-à-dire le nettoyage ethnique du secteur qui se

 25   trouvait au sud-ouest de Banja Luka, le nettoyage ethnique des enclaves de

 26   Srebrenica, Kamenica, Zepa et Gorazde.

 27   Les Serbes de Bosnie tentaient de sécuriser ce qu'ils avaient saisi

 28   par la force des armes. Par conséquent, ils souhaitaient avoir un cessez-


Page 23237

  1   le-feu total sur l'ensemble de la Bosnie pour pouvoir consolider les

  2   territoires dont ils s'étaient emparés. Les Musulmans avaient perdu ce

  3   territoire et ne souhaitaient pas que la situation soit reconnue comme

  4   telle et devienne réalité, par conséquent, ne souhaitaient pas avoir ce

  5   cessez-le-feu total. En réalité, pour des raisons politiques, ils disaient

  6   vouloir un cessez-le-feu total. Et par conséquent, ils tentaient de mener

  7   des attaques locales, et lorsqu'ils étaient sous pression ils demandaient à

  8   ce moment-là qu'un cessez-le-feu local soit conclu. Même s'ils disaient que

  9   le cessez-le-feu total était ce qu'ils souhaitaient, je crois que la

 10   manière, dont l'a compris le général Morillon, c'est que, dans les faits,

 11   ils  voulaient continuer à se battre.

 12   Voilà le contexte général que je puis vous donner.

 13   Q.  Merci. Donc vous pensez que si vous avez été informé des objectifs de

 14   la guerre de part et d'autre, dans les deux camps, si c'est le cas, d'après

 15   vous, quel était l'objectif de guerre pour la partie musulmane ?

 16   R.  A la manière dont j'ai compris l'objectif de guerre du côté musulman,

 17   les Musulmans souhaitaient réétablir ou établir à nouveau un pays

 18   multiethnique en Bosnie-Herzégovine, qui avait été reconnu

 19   internationalement au début de l'année 1992.

 20   Q.  Et les Serbes se sont emparés de quels territoires ? Ils ont pris ces

 21   territoires à qui, ces territoires dont ils se sont emparés pendant la

 22   guerre ?

 23   R.  Les Serbes de Bosnie se sont emparés de territoires qu'ils jugeaient

 24   justifiés, et lorsqu'ils se sont emparés de ces territoires, il y a une

 25   réunion à Pale en novembre 1992 au cours de laquelle le général Morillon,

 26   moi-même, et le Dr Karadzic, le général Mladic et le Pr Koljevic, donc à

 27   laquelle réunion toutes ces personnes ont assisté. Lors de cette réunion,

 28   le Dr Karadzic a sorti une carte qui montrait la répartition ethnique sur


Page 23238

  1   toutes les régions de Bosnie-Herzégovine, et il a déclaré que les Serbes de

  2   Bosnie n'avaient saisi que ces territoires auxquels ils avaient droit,

  3   territoires sur lesquels la population était représentée à plus de 50 % par

  4   les Serbes de Bosnie.

  5   Q.  Est-ce qu'on peut dire dans ce cas que les Serbes ont pris ou se sont

  6   emparés de territoires, qui étaient leurs propres territoires, sur lesquels

  7   la population serbe de Bosnie était majoritaire et où, d'après les

  8   élections qui s'étaient tenues, ils exerçaient l'autorité ?

  9   R.  Alors, je ne sais pas quel a été le résultat d'élections puisque je

 10   n'ai pas connaissance de cela, et je ne peux pas dire ou faire de

 11   commentaire sur la règle de la majorité. Ce que je puis dire, c'est que sur

 12   le territoire que les Serbes ont pris, ils ont attaqué et chassé les

 13   citoyens qui n'étaient pas Serbes de Bosnie. Ils les ont chassés de ces

 14   régions, ce qui est communément appelé maintenant la pratique du nettoyage

 15   ethnique, et que l'enlèvement de personnes qui n'étaient pas Serbes de

 16   Bosnie de régions que revendiquaient les Serbes pour eux-mêmes a été mené

 17   de façon brutale, souvent a provoqué la mort et a donné lieu à des

 18   conditions de vie extrême pour de nombreux civils innocents.

 19   Q.  Est-ce quelque chose que vous avez vu de vos propres yeux ou est-ce que

 20   vous avez lu cela dans l'acte d'accusation ? Il y a un passage de l'acte

 21   d'accusation qui parle précisément de cela. Est-ce que vous disposez des

 22   conclusions des enquêtes qui ont établi ce que vous venez de dire ?

 23   R.  J'ai vu par moi-même quels ont été les résultats du nettoyage ethnique

 24   dans le secteur sud-ouest de Banja Luka et j'ai également vu de mes propres

 25   yeux le nettoyage ethnique qui s'est déroulé dans l'enclave de Srebrenica

 26   en mars, qui est décrit dans ma déclaration. Et en ma qualité d'assistant

 27   militaire du général Morillon, je me trouvais au cœur de la FORPRONU. Nous

 28   recevions tous les rapports préparés le long de la chaîne de commandement


Page 23239

  1   de la FORPRONU en Bosnie, et j'ai ainsi reçu les rapports en toutes

  2   occasions lorsque les forces de la FORPRONU, les soldats, ont constaté de

  3   leurs propres yeux le nettoyage ethnique qui se déroulait et qu'ils ont vu

  4   les conséquences de ce nettoyage ethnique lorsque ceci avait eu lieu. La

  5   dernière source d'information provenait du HCR des Nations Unies, du

  6   personnel du HCR des Nations Unies, qui eux-mêmes étaient le témoin du

  7   nettoyage ethnique qui se déroulait ou avaient vu les conséquences du

  8   nettoyage ethnique qui avait eu lieu précédemment.

  9   Q.  Merci beaucoup. Nous allons y venir et évoquer cela demain. Alors, je

 10   vais vous poser cette question-ci maintenant : savez-vous ce que signifie

 11   l'expression "peuples constitutifs" dans le contexte de notre pays ? Il y

 12   avait trois peuples constitutifs de ce type en Bosnie-Herzégovine. Savez-

 13   vous qu'aucune décision ne peut être prise et qu'aucun amendement

 14   constitutionnel ne peut être effectué sans l'accord des trois peuples

 15   constitutifs qui composaient cet Etat constitutif ?

 16   R.  J'étais un officier de l'armée travaillant pour les Nations Unies, et

 17   ce que vous me décrivez est quelque chose qui ne relevait pas de mon

 18   domaine de compétence, ne relevait pas de mes responsabilités.

 19   Q.  Oui, mais connaissiez-vous un petit peu les tenants et les aboutissants

 20   de la vie politique et les circonstances qui prévalaient sur ce territoire

 21   avant la guerre, que nous aurions pu mettre un terme à la sécession en

 22   Bosnie-Herzégovine en refusant de donner notre accord et que nous avons été

 23   d'accord à une seule condition ? Savez-vous cela ? Savez-vous qu'une

 24   conférence de presse [comme interprété] s'est tenue avant que n'éclate la

 25   guerre en Bosnie ?

 26   R.  Je suis au courant de cela, je l'ai appris par les médias.

 27   Q.  Saviez-vous que la Communauté européenne à l'époque, la Communauté

 28   européenne, à l'époque, avait proposé une solution qui nous aurait permis


Page 23240

  1   d'accepter l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, cela signifiait que la

  2   Bosnie-Herzégovine aurait été transformée en trois Etats constitutifs, et

  3   que nous avons accepté l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine à cette

  4   condition-là ?

  5   R.  Cela est en dehors de mon champ de compétence.

  6   Q.  Sauf votre respect, Monsieur Tucker, vous parlez d'autres choses qui

  7   sont en dehors de votre champ de compétence, vous parlez de choses qui ont

  8   des conséquences politiques. C'est la raison pour laquelle je vous pose la

  9   question. Le 18 mars, les trois parties ont accepté l'accord de Lisbonne en

 10   vertu duquel la Bosnie-Herzégovine serait indépendante mais serait composée

 11   de trois unités constitutives, trois administrations à un niveau inférieur

 12   et une administration en commun, une direction commune ? Savez-vous cela ?

 13   R.  Pardonnez-moi, Monsieur Karadzic, mais je suis ici pour témoigner sur

 14   ce qui s'est passé à l'époque au moment où je me trouvais en Bosnie. Les

 15   événements précédant mon séjour en Bosnie ou après mon séjour en Bosnie

 16   sont des questions auxquelles doivent répondre des personnes qui ont

 17   participé à ces événements.

 18   M. ROBINSON : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président, et

 19   pardonnez-moi, Monsieur Karadzic. Avant que nous ne levions l'audience

 20   aujourd'hui, je souhaite simplement préciser que nous avons un calendrier

 21   pour demain, parce que le témoin a indiqué qu'il avait une réunion et qu'il

 22   ne sera pas disponible pour une partie de l'audience de demain, et peut-

 23   être qu'il serait utile, avant qu'il ne parte aujourd'hui, de nous

 24   organiser.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tucker, après avoir entendu ce

 26   que vient de dire Me Robinson, pourriez-vous nous dire quelle est votre

 27   position par rapport à vos projets de voyage 

 28   demain ?


Page 23241

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai une réunion du conseil d'administration.

  2   J'ai besoin d'assister à une conférence entre 14 heures et 15 heures demain

  3   après-midi.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A quel endroit ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une "conference call," et je crois

  6   que je peux -- à partir du moment où j'ai accès à un téléphone, je peux le

  7   faire dans n'importe quel endroit dans ce bâtiment. J'ai simplement besoin

  8   d'une pièce et d'un téléphone pour pouvoir entrer en contact avec les

  9   personnes qui assistent à cette réunion.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin suivant serait-il disponible

 12   demain après-midi ? Voilà.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Je ne sais pas du tout, mais je peux, en

 14   tout cas, me renseigner.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'une manière ou d'une autre, nous

 16   allons essayer d'arranger cela pour vous, Monsieur.

 17   Quoi que ce je regarde l'heure. Il est l'heure de faire -- de lever

 18   l'audience pour aujourd'hui. Nous reprendrons demain à 9 heures.

 19   --- L'audience est levée à 15 heures 00 et reprendra le mercredi 18 janvier

 20   2012, à 9 heures 00.

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28