Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 14 février 2012

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin vient à la barre]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.Bonjour,

  7   Monsieur Nikolic.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, à vous.

 10   LE TÉMOIN : MOMIR NIKOLIC [Reprise]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

 13   Interrogatoire principal par M. Nicholls : [Suite]

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Nikolic.

 15   R.  Bonjour.

 16   Q.  Lorsque nous en avons terminé avec nos travaux hier, nous étions en

 17   train de parler du 12 juillet, et des événements de ce jour-là et nous

 18   avons parlé de ce que vous avez vu et vécu dans Potocari. L'une des choses

 19   que vous avez évoquée, et vous nous l'avez dit hier, c'est lié à la

 20   conversation avec lieutenant-colonel Vujadin Popovic avant que d'aller à

 21   Potocari et vous avez parlé au sujet de ce qui allait se passer avec les

 22   hommes et les femmes et les enfants, et vous avez dit que vous avez été

 23   témoin de mauvais traitements à Potocari et vous avec compris -- réalisé

 24   que les choses ne se passaient pas comme cela devait se faire, et puis,

 25   vous avez dit que certains hommes avaient été placés dans un premier

 26   convoi, mais rien que dans un premier convoi.

 27   Est-ce que vous pourriez me dire si on avait filmé le départ de ce premier

 28   convoi, et d'après vous, pourquoi ceci a-t-il été filmé ?


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  1   R.  Je n'ai pas d'interprétation dans mes écouteurs. J'ai compris quelque

  2   chose, mais pas plus…

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nikolic, est-ce que maintenant

  4   vous m'entendez ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai une interprétation dans mes

  6   écouteurs, maintenant.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation]

  9   Q.  Je vais vous poser la question à nouveau, Monsieur Nikolic. Hier, on

 10   s'est entretenus au sujet du 12 juillet et ce que vous avez connu comme

 11   expérience à Potocari lorsqu'on a séparé les hommes du reste. Vous nous

 12   avez dit que vous avez eu une conversation avec le lieutenant-colonel

 13   Vujadin Popovic avant que de vous en aller à Potocari, et vous avez parlé

 14   de mauvais traitements infligés aux hommes à Potocari et que vous aviez

 15   réalisé que les choses ne se passaient pas comme cela devrait se faire.

 16   Vous nous avez dit que des hommes ont été placés dans un premier convoi

 17   pour sortir. Alors, je vous demandais si ce processus au -- où on a fait

 18   monter des hommes à bord des premiers bus, c'est-à-dire un premier groupe

 19   qui s'en allait où il y avait des hommes, est-ce que ça a été filmé, et si

 20   oui, pourquoi avez-vous tiré la conclusion qui serait celle de savoir

 21   pourquoi on a filmé cette partie-là du processus ?

 22   R.  Ce que j'en sais, ce que j'ai vu, c'est que, pendant un certain temps à

 23   Potocari, il y avait un service du centre de presse de présent du

 24   commandement du Corps de la Drina. Je connais ces gens en personne et je

 25   connais leur chef, un certain Zoran, un capitaine. Mais il y avait d'autres

 26   équipes, ceux dont je suis en train de parler. C'est le service qui tombait

 27   sous la coupe du commandement du Corps de la Drina, mon commandement

 28   supérieur à moi. Alors ça a été filmé et ce que je peux dire, c'est mon


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  1   opinion. Je l'ai dit, tant de fois jusqu'à présent, et je vais la répéter à

  2   présent. Dans ce convoi, il y a eu des hommes. On a filmé la chose et étant

  3   donné que l'on sait ce qui s'est passé par la suite, la seule chose que

  4   j'ai pu tirer comme conclusion, c'est que ça avait été filmé en raison de

  5   la présence des représentants du Bataillon néerlandais et en raison des

  6   activités de propagande auxquelles vaquaient les services de presse, les

  7   journalistes travaillant pour un commandement donné. Véritablement, sur ces

  8   prises de vue, on voit -- on a voulu montrer que tout allait bien, que tout

  9   se passait selon les règles de l'art. Mais mon impression, c'est que ceci

 10   avait été fait à des fins de propagande, parce qu'il ne s'agissait que d'un

 11   seul convoi, le premier, et plus aucun convoi par la suite. Il y a, bien

 12   sûr, eu ensuite de ces prises de vue des prises de vue liées à des -- liées

 13   à des déclarations de soldats et d'officiers à ce sujet. Pour l'essentiel,

 14   tout se passait, je ne dirais pas au superlatif, mais il y avait des

 15   positions positives d'exprimées et des choses qui n'ont incriminé

 16   véritablement personne parmi les participants à l'opération.

 17   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur Nikolic, pouvez-vous apporter

 18   un éclaircissement pour moi ? Est-ce que les hommes ne se sont trouvés que

 19   dans ce premier bus ou dans le premier convoi ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Les hommes se trouvaient dans le cadre de ce

 21   premier convoi. Je ne vais pas affirmer qu'il y en avait eu dans chacun des

 22   autobus, mais je dirais que dans 95 % des bus qui avaient fait partie de ce

 23   premier convoi, il y avait quelques hommes aussi. Je ne peux pas parler de

 24   chiffres, parce que c'est impossible, mais j'ai vu qu'on a fait monter,

 25   dans un premier convoi, à bord des bus, des hommes aussi. Il y avait, par

 26   exemple, une famille qui montait dans un bus avec l'homme ou le frère ou le

 27   père, peu importe. Puis le bus suivant arrive, et là aussi, on voit des

 28   hommes monter. Donc je parle du premier convoi, non pas du premier autobus.


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  1   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Merci beaucoup.

  2   Veuillez continuer, je vous prie.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

  4   Q.  Dites-nous combien de temps vous avez passé à Potocari ce jour-là.

  5   R.  Ce jour-là, en d'autres termes, le 12, je l'ai déjà dit -- j'ai

  6   témoigné à ce sujet. J'ai été officier de permanence, et de temps en temps,

  7   j'allais séjourner à Potocari et lorsque je n'étais pas à Potocari, j'étais

  8   dans la salle des activités opérationnelles, parce que c'est là que j'étais

  9   officier de permanence.

 10   Q.  Laissez-moi vous interrompre à cet endroit. Une fois arrivée à Potocari

 11   à la date du 12. Après ces dernières réunions à l'hôtel Fontana, combien de

 12   temps êtes-vous resté là-bas avant que de retourner à Bratunac ?

 13   R.  La première fois, pas longtemps. Peut-être - je ne veux pas me tromper

 14   - une trentaine de minutes, peut-être; un peu plus ou un peu moins, mais

 15   pas longtemps. La première fois où je suis arrivé, je ne suis pas resté

 16   longtemps dans Potocari.

 17   Q.  Quand êtes-vous revenu ce jour-là ?

 18   R.  Je venais -- je suis allé à Potocari plusieurs fois, ce jour-là. Je ne

 19   peux pas être plus précis et vous donner des minutages ou des horaires

 20   précis, mais je suis retourné à plusieurs reprises, parce qu'à chaque fois

 21   qu'il y avait nécessité de résoudre certains problèmes ou certaines

 22   questions survenues là-bas, et je peux vous citer plusieurs cas de figure

 23   où j'ai été sollicité à apporter des solutions. Je sais que, la première

 24   fois où je suis allé, je suis -- je me suis vu -- enfin, je me -- j'ai

 25   rencontré M. le commandant Kingori, qui était l'un des observateurs

 26   militaires. Il m'a dit qu'il n'avait pas d'eau et je suis allé à Bratunac

 27   et une citerne d'eau a été envoyée à Potocari. Je sais aussi qu'il s'était

 28   plaint du fait que les soldats qui étaient entrés à Potocari avaient, au


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  1   niveau d'un poste d'observation, de poste de contrôle, pris du matériel,

  2   des vivres et tout le reste. De même, il s'était plaint du fait que des

  3   soldats arrivés là avaient désarmé une partie des soldats de la FORPRONU

  4   qui se trouvait à l'extérieur de la base de Potocari. Et ce genre de

  5   choses, donc, ça a été cette première fois.

  6   La fois d'après, j'y suis allé parce qu'il y a eu des problèmes au

  7   niveau du passage des convois. Le convoi, qui transportait les Musulmans de

  8   Potocari à Kladanj, a été -- a fait l'objet de tirs à la pierre, de jets de

  9   pierre. Au niveau du convoi, il y a eu des problèmes pour ce qui est de la

 10   traversée de la zone urbaine, 700 mètres, 1 kilomètre. C'est là qu'on a

 11   jeté des pierres sur le convoi.

 12   J'ai contacté la police civile, j'ai contacté le commandant de la

 13   police militaire et cette partie-là. On a, du moins, assuré un déplacement

 14   en toute sécurité du convoi pour le pas qu'on casse ou qu'on endommage les

 15   autocars ou qu'on casse les vitres.

 16   Alors c'est l'un des problèmes que j'ai résolu en me déplaçant vers

 17   Potocari.

 18   Q.  Fort bien. Alors vous vous trouviez là-bas lorsque le -- les transports

 19   ont commencé. Pouvez-vous nous dire quelle heure il était dans l'après-midi

 20   ?

 21   R.  Je pense que ces autocars du convoi sont arrivés entre 1 h et 2 h, puis

 22   ils arrivaient un par un. Et au fur et à mesure qu'ils arrivaient, on avait

 23   entamé les transports. Dès leur arrivée des autocars, on faisait monter les

 24   gens à bord, on créait une colonne, et on a tout doucement commencé à créer

 25   une colonne avec tous ces autocars qui arrivaient. Donc ça se passait tout

 26   le temps, c'est dans une continuité que les choses se faisaient. Il y a

 27   toujours eu de nouveaux autocars d'arrivés. Il y en a qui s'en allaient en

 28   colonne, d'autres arrivaient pour être remplis, et c'est la façon dont on a


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  1   procédé à l'évacuation, c'est-à-dire au transport de ces gens hors de

  2   Potocari.

  3   Q.  Bon. D'après vos souvenirs, quand est-ce que ceci s'est terminé, ce

  4   jour-là, d'après vos souvenirs ? Quand les autocars ont-ils fini de s'en

  5   aller ?

  6   R.  Dans la soirée, mais je ne sais vraiment pas vous le dire, ne me

  7   demandez pas trop de détail. Je sais que c'est dans la soirée. J'avais

  8   disposé de l'heure, parce que j'étais officier de permanence, j'ai dû noter

  9   les choses. Il était peut-être -- non, non, je ne veux pas, je ne veux pas

 10   formuler d'hypothèse. C'est dans la soirée pour cette première journée. Je

 11   sais que ça a duré longtemps, ce jour-là, mais ça s'est terminé avant la

 12   tombée de la nuit.

 13   Q.  Bien. J'aimerais qu'on nous montre le 65 ter, 22820, s'il vous plaît.

 14   En attendant que ce soit téléchargé, et je ne vais pas vous relater le

 15   récit, puisque vous en avez déjà parlé hier, vous avez dit que Vujadin

 16   Popovic s'était trouvé à Potocari, tout comme des membres de la Sûreté de

 17   l'Etat, de la RDB.

 18   Ce document est daté du 12 juillet 1995. Il est intitulé : Corps de

 19   la Drina, poste de commandement avancé, IKM. C'est envoyé par le

 20   lieutenant-colonel Vujadin Popovic, c'est très urgent. Il vous dit :

 21   "A l'intention de l'état-major principal de la VRS, secteur chargé du

 22   Renseignements et de la Sécurité, administration de la Sécurité,

 23   commandement du Corps de la Drina, département chargé de la Sécurité."

 24   Alors penchons-nous sur la partie inférieure, afin que le témoin

 25   puisse se pencher sur le paragraphe numéro 3. En version anglaise, ça doit

 26   se trouver à la page d'après.

 27   On voit ici :

 28   "Qu'il y a un groupe de réfugiés de 30 à 35 000 femmes, enfants,


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  1   personnes âgées, infirmes, malades, qui se trouvent en dessous ou en

  2   contrebas de la base de la FORPRONU, vers Srebrenica, et dans les

  3   installations des ex-usines. La sécurité a été assurée, et on a commencé à

  4   évacuer les gens vers Kladanj. Jusqu'à présent, il y a quelque 5 000 femmes

  5   et enfants à avoir été évacués. Les hommes de 17 à 60 ans, sont mis de

  6   côté, et ne sont pas transportés. Jusqu'à présent, il y en a à peu près 70,

  7   qui sont pris en charge par les instances de la sécurité et la Sûreté de

  8   l'Etat."

  9   Puis on voit un cachet, réceptionné, 12 juillet 1995 [comme

 10   interprété] - et ce que je voulais dire aussi, c'est qu'en haut de la

 11   première page, et je demande à ce que l'on nous montre la version anglaise

 12   de cette première page aussi - on voit qu'il y a sur la date, 12 juillet,

 13   17 h 30.

 14   Vous nous avez parlé du fait qu'après le premier convoi, il y a eu

 15   séparation de la totalité des hommes, et on les a gardés là-bas. Alors je

 16   voudrais qu'on en parle un peu. Paragraphe 3, Vujadin Popovic, Corps de la

 17   Drina, donc c'est le chef de la sécurité qui écrit, et c'est lui qui

 18   informe les différentes instances de ceci, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, on voit clairement qui est informé par ce monsieur Popovic.

 20   Q.  Les chiffres vous semblent-il être exacts ? Est-ce que ce qu'il indique

 21   ici de votre avis est exact, à ce moment-là ?

 22   R.  Je vois maintenant et je pense que, d'une façon générale, je suis

 23   certain, absolument certain du fait que le chiffre était plus grand. Le

 24   nombre de ces hommes était plus grand. Ici, on dit environ 70, moi,

 25   j'affirme que parmi les hommes qu'on a séparés ce premier jour, ils

 26   devaient être entre 350 et 400. C'est ce que je sais pour sûr, et au moment

 27   où l'on envoie ce rapport, il était 17 h 30, et à ce moment-là, j'affirme

 28   que les hommes étaient bien plus nombreux, ils étaient bien plus que 70. Je


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  1   vois dans le dernier paragraphe, ce que j'ai indiqué moi-même, à savoir que

  2   pour séparer ces hommes, il y avait des hommes travaillant pour la sécurité

  3   et ceux qui avaient travaillé pour la Sûreté de l'Etat.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de

  5   ce document ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce sera fait.

  7   Monsieur Nikolic, la dernière phrase que vous avez lue qui dit, on en a

  8   environ 70, ils sont pris en charge par les instances de la sécurité et de

  9   la Sûreté de l'Etat.

 10   Ces instances de sécurité auxquelles on fait référence, est-ce que ça se

 11   rapporte à vous, c'est-à-dire les instances de sécurité sur le terrain ?

 12   Est-ce que j'ai bien compris qu'il s'agissait de vous ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Les instances se trouvant sur le terrain, et

 14   je précise qu'à l'époque il y avait plusieurs instances chargées de la

 15   sécurité. Il est vrai que j'ai fait partie de ces instances, il est vrai

 16   aussi que je me trouvais dans Potocari, mais il y avait d'autres instances

 17   chargées de la sécurité, du Corps de la Drina qui était présent là. Il y

 18   avait le chef du renseignement du Corps de la Drina, le chef de l'organe

 19   chargé du Renseignement, et autres instances. Il n'y avait pas que moi, et

 20   il n'y avait pas que Popovic. Ils étaient venus d'autres unités, parce que

 21   chaque unité dans ces effectifs, y compris les unités utilisées à Potocari,

 22   dont j'ai parlé hier, dispose d'instance chargée de la sécurité dans leur

 23   propre rang.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Alors nous allons attribuer à ce

 25   document la cote suivante sur la liste des pièces à conviction de

 26   l'Accusation.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P4388, Monsieur le Président.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation]


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  1   Q.  Hier, vous nous avez fourni une évaluation, disant qu'il y avait un

  2   millier, 1 500 ou 2 000 hommes qui se déplaçaient dans une colonne de

  3   Srebrenica en direction de Potocari, et qu'ils s'étaient rassemblés là-bas,

  4   et puis vous avez déclaré que d'après vous, bon nombre d'entre eux ou la

  5   totalité de ces hommes n'étaient pas des soldats. Le chef de la sécurité et

  6   du renseignement, à Bratunac à l'époque, et tous ces hommes avaient été

  7   séparés du reste de ce qui a fait partie du premier convoi, et parmi eux,

  8   il y avait des hommes qui sont mentionnés dans le rapport Popovic, hommes

  9   qui n'étaient pas des soldats et qui n'avaient commis aucun crime contre la

 10   population serbe ?

 11   R.  Soit l'interprétation n'est pas des meilleures mais je n'ai pas compris

 12   quelle est la question que vous me posez au juste.

 13   Q.  Je vais poser ma question à nouveau. Je vais la rendre plus simple.

 14   Parmi tous ces hommes, qu'on avait mis de côté à Potocari que vous avez

 15   évoqués vous-même, y a-t-il eu des hommes qui n'étaient que des civils, qui

 16   n'étaient pas des soldats et qui n'avaient commis aucune espèce de crimes ?

 17   R.  D'après mes estimations - et c'est ce que j'ai toujours affirmé et je

 18   l'affirme une fois de plus, maintenant - la plupart des hommes, des gens à

 19   des hommes qui ont été mis de côté à Potocari, partant de ce que j'en sais,

 20   hein, la plupart de ces gens n'étaient pas censés être mis de côté pour

 21   aucune raison militaire, j'entends. Pour mettre quelqu'un de côté, vous

 22   devez disposer de renseignements disant qu'il y avait des suspicions

 23   justifiées.

 24   Pour ce qui est d'un délit au pénal commis par un individu, il

 25   n'y a pas eu de contrôle de vérification d'effectuée. Ils n'avaient aucune

 26   preuve contre ces individus alors on les a quand même mis de côté, on les a

 27   quand même séparés du reste. Ce que j'affirme, une fois de plus, c'est la

 28   chose suivante : c'est que, si on avait procédé à des vérifications et si


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  1   parmi les suspects il n'y avait pas de personne supposée avoir commis des

  2   délits au pénal ou des crimes de guerre, on aurait pu les transporter a

  3   posteriori et les acheminer ailleurs a posteriori. Ce que j'affirme, c'est

  4   que la plupart de ces gens n'avaient pas fait partie des rangs des forces

  5   armées de Bosnie-Herzégovine. Ils étaient peut-être en âge de combattre,

  6   mais ils n'étaient pas membres de ces effectifs-là. Ce que j'affirme avec

  7   certitude, c'est que tous ceux qui avaient participé, à la commission de

  8   crime de guerre, ou crime tout court, ou meurtre de personnes, ou mise à

  9   feu de biens serbes, n'étaient pas venus à Potocari. Ils sont venus à

 10   Potocari - et ça, j'en suis convaincu à 100 % - sont venus à Potocari. Ceux

 11   des gens qui étaient certains de ne rien à voir fait de mal, ils n'avaient

 12   aucune raison de prendre la route par les forêts, mais ils voulaient être

 13   au côté de leurs familles pour être évacués en toute sécurité vers les

 14   territoires libres, comme convenu.

 15   C'est mon opinion pour ce qui concerne la structure des hommes qu'on a

 16   séparés du reste.

 17   Q.  J'ai une question de suivi qui se réfère au compte rendu d'hier. Je

 18   parle de la page 24 621, lignes 24 et 25. Il a été question : c'est vous

 19   qui avez parlé de ce processus et vous aviez dit que vous pensiez qu'il y

 20   allait y avoir une espèce de tri parmi ces hommes, et vous avez dit :

 21   "Que c'était votre première pensée lorsque vous avez entendu parler de

 22   séparation des hommes. Après ça, on sait ce qui s'est passé."

 23   Alors je voulais vous poser : qu'est-ce qui s'est passé ? Que vous voulez

 24   dire quand vous avez indiqué "qu'on savait ce qu'il était advenu," de ces

 25   hommes qui avaient été séparés des autres ?

 26   R.  En effet. Ce que je voulais dire c'est la chose suivante en ma qualité

 27   d'instance chargé de la sécurité, je sais exactement quelles sont les

 28   obligations de l'organe chargé de la Sécurité à Potocari, du moins ce


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  1   qu'aurait dû être la mission de cette instance de Sécurité. Ce que j'ai

  2   déjà répondu dans la question précédente c'est la chose suivante : il

  3   fallait identifier ceux qui avaient commis des délits au pénal ou il y

  4   avait des indices vous indiquant qu'il y a eu des gens qui avaient commis

  5   des crimes vis-à-vis de la population civile, vis-à-vis de prisonniers, ou

  6   de soldats, et cetera, et cetera. Or, absolument, je pense que c'est une

  7   façon de procéder tout à fait légale et militaire qui est une façon de

  8   procéder dans toutes les armées quand il s'agit de soldats, bien entendu,

  9   ce tri ça se rapporte à des soldats qui se sont rendus et des officiers ou

 10   indépendamment du fait de savoir qu'il s'agissait de militaires ou de

 11   civils, ceux qui font l'objet de certaines suspicions vous les mettez de

 12   côté, tout le reste ne doit pas -- ne peut pas faire l'objet d'un tri

 13   militaire, des civils qui n'avaient rien à voir avec l'armée. Au sujet

 14   desquels vous n'aviez aucune espèce de renseignement, il n'y avait ni

 15   nécessité ni besoin de les interroger, et encore moins de les séparer des

 16   autres.

 17   Alors, quand j'ai dit que ceux qui ont été séparés des autres à Potocari,

 18   j'ai voulu dire que ce que Popovic avait dit, c'est que j'ai compris qu'on

 19   allait faire ce que je viens de vous indiquer à l'instant, mais après tous,

 20   les hommes, qui s'étaient trouvés à Potocari, ont été mis de côté. On les a

 21   d'abord enfermés dans des maisons, ou dans des bâtiments, puis ensuite on

 22   les a transférés à Bratunac, et on les a détenus dans l'école Vuk Karadzic,

 23   pendant la première journée. Pour l'essentiel, ils ont été gardés ou

 24   installés dans cette école Vuk Karadzic. Ce que j'en sais pour sûr c'est

 25   que ces mêmes hommes, le 14 dans la matinée, ont été transférés vers le

 26   territoire de la municipalité de Zvornik, et je sais que tous ces gens, qui

 27   ont été séparés du reste à Potocari, avaient temporairement été internés,

 28   puis transférés à Bratunac puis à Zvornik, et suite au transfert vers


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  1   Zvornik, ont été exécutés sur le territoire de la municipalité de Zvornik.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois intervenir pour les besoins du compte

  3   rendu d'audience. Dans la première phrase, le témoin a dit que, lorsqu'il a

  4   entendu parler Popovic, il a compris que ce qui allait se passer c'est ce

  5   qu'il avait décrit, en parlant des activités légitimes du côté militaire,

  6   or la première phrase du compte rendu ne le montre pas, et nous ne voyons

  7   la façon dont cette première phrase a été enregistrée.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nikolic, pouvez-vous confirmer

  9   ce que M. Karadzic vient de dire ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne parle pas anglais, et je ne peux pas

 11   comparer ce que j'ai dit avec ce qui figure dans le transcript. Je peux

 12   simplement répéter ce que j'aie dit.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit ce qui suit : Lorsque j'ai entendu ce

 15   que M. Popovic a dit, j'ai compris qu'en allant à Potocari, il devait y

 16   avoir un tri militaire, qui était une procédure tout à fait légitime

 17   impliquant l'identification de ceux qui devaient être séparés des autres,

 18   et des vérifications ont été faites parce qu'il y avait la possibilité que

 19   ceux, qui avaient commis des crimes et des crimes contre l'humanité, soient

 20   également présents dans ce groupe. C'est ainsi que j'avais compris les

 21   choses, et c'est ce que j'ai dit.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, c'est la raison pour laquelle j'étais

 23   intervenu pour le transcript.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nikolic, qu'est-ce que vous

 25   avez entendu M. Popovic dire lorsque vous dites : "Quand j'ai entendu M.

 26   Popovic dire" ? Quels sont les mots de M. Popovic auxquels vous faites

 27   référence ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque M. Popovic, le 12 au matin, avant la


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  1   réunion de 10 h du matin, a dit que les femmes et les enfants devraient

  2   aller à Tuzla, et dans le territoire libre, et que les militaires et les

  3   hommes qui étaient en bonne santé pouvaient faire leur service militaire

  4   seraient séparés à Potocari.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous laisse la parole, Monsieur

  6   Nicholls.

  7   M. NICHOLLS : [interprétation]

  8   Q.  Pour préciser cela, hier à la page 24 621 vous avez dit que M. Popovic

  9   a également dit, et vous avez témoigné de ceci déjà auparavant, que tous

 10   les hommes devaient être tués, et ensuite il y avait eu des discussions sur

 11   le site où l'exécution devait avoir lieu; est-ce exact ?

 12   R.  Oui, c'est exact. J'ai témoigné sur ce point hier. Il a dit que tous

 13   les Balijas devaient être tués. C'est ce que j'entendais et je ne pense pas

 14   qu'il soit nécessaire que je me "ré-explique" sur ce point.

 15   Q.  Merci.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nikolic, si c'est ce que M.

 17   Popovic a dit, en quoi cela est-il cohérent avec le fait de se -- trier et

 18   de séparer les hommes, donc, de séparer les hommes, je voulais dire ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, pour pouvoir tuer -- pour que les gens

 20   puissent être exécutés, il faut les séparer du reste du groupe. Donc, en

 21   d'autres termes, les Musulmans séparés à Potocari faisaient partie

 22   auparavant d'un groupe de 35 000 civils et c'est là le contexte que j'ai

 23   essayé de décrire. Lorsque l'on parle de séparation des hommes et du

 24   transport des femmes et des enfants de Potocari, c'était là le contexte que

 25   j'ai décrit hier et que je décris aujourd'hui.

 26   Popovic était tout à fait clair : à Potocari, les hommes en bonne

 27   santé qui se trouvaient là-bas devaient être séparés; cependant, comme je

 28   l'ai également expliqué hier, non seulement il fallait séparer les hommes


Page 24647

  1   en bonne santé, mais tous les hommes ont été séparés du reste du groupe à

  2   Potocari. Tous ceux qui ont essayé de monter à bord des autocars, qu'il

  3   s'agisse d'hommes en bonne santé ou pas, il suffisait simplement qu'ils

  4   soient des hommes pour être séparés du reste, et tous les hommes séparés du

  5   reste du groupe étaient Musulmans. Il n'y avait personne d'autre à

  6   Potocari, et lorsque j'ai demandé ce qui allait se passer avec ces gens, M.

  7   Popovic a dit que les Balijas - c'est-à-dire qu'il faisait référence à eux

  8   - devaient être exécutés, chacun d'entre eux devait être exécuté.

  9   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur Nikolic, après que Popovic ait

 10   dit qu'ils doivent tous être exécutés, vous avez dit qu'il y a eu une

 11   discussion sur le lieu où l'exécution devait se produire; est-ce exact ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Qui a participé à ces discussions ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] M. Popovic, M. Kosoric et moi-même avons

 15   participé à cette discussion.

 16   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une précision supplémentaire, parce que

 18   ces choses ne sont pas très claires pour moi.

 19   Après avoir entendu M. Popovic dire que tous les hommes devaient être

 20   exécutés, que tous les Balijas devaient être exécutés, comment avez-vous pu

 21   penser que ce qui allait suivre serait une procédure militaire légitime

 22   appliquant l'identification de ceux qui devaient être séparés des autres,

 23   et que des vérifications étaient faites simplement parce qu'il y avait la

 24   possibilité de voir se joindre des gens qui avaient commis des crimes et

 25   des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et des crimes contre

 26   l'humanité ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai également répondu à des questions

 28   similaires auparavant.


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  1   Au moment où il a dit cela, pour être honnête, je n'ai pas pensé que

  2   tous les hommes, tous les Balijas de Potocari seraient tués et j'ai déjà

  3   témoigné à cet effet auparavant. Je pensais alors -- je ne pouvais même pas

  4   supposer que les choses allaient se produire comme elles se sont produites.

  5   C'était ce que je pensais au moment où il a dit que tous les Balijas

  6   devaient être exécutés, je pensais que comme souvent auparavant, parce que

  7   j'avais entendu beaucoup d'officiers dire des choses similaires, à savoir

  8   que les Balijas devaient être exécutés ou d'autre chose et je pensais que

  9   c'était là encore d'autres dires de Popovic qui avait l'habitude de dire ce

 10   genre de choses. Donc je pensais que ce n'était pas exactement ce qu'il

 11   voulait dire et que nous ferions, en fait, ce qui était prescrit par le

 12   règlement. Néanmoins, les choses se sont développées d'une façon différente

 13   suite à ce qu'il a dit et ce qui a suivi, c'est ce dont j'ai témoigné

 14   auparavant.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   Oui, Monsieur Nicholls. La parole est à vous.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation]

 18   Q.  Mais, là encore, après que Popovic a dit que tous les Balijas devaient

 19   être exécutés, il y a eu une discussion sur le lieu d'exécution éventuel de

 20   ces personnes, y compris donc la mine Sase et la briqueterie de Ciglana;

 21   est-ce exact ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Merci. Je m'arrête là sur ce point.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la pièce 65

 25   ter 0194 affichée à l'écran, s'il vous plaît ?

 26   Q.  Bien. Pendant que l'on essaie d'afficher cette pièce, je dirais qu'il

 27   s'agit là d'un document de la RDB de Dragan Kijac en date du 13 juillet

 28   1995, envoyé au ministre adjoint de l'Intérieur de la RS, personnellement,


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  1   et également au responsable de la RS du MUP au ministère de la Sécurité.

  2   Tout d'abord, est-ce que vous savez qui était le ministre adjoint de

  3   l'Intérieur le 13 juillet 1995 ?

  4   R.  Je savais. Je pense que c'était M. Kijac, ou peut-être pas. Il fait que

  5   j'y réfléchisse. Je pourrais vous le dire un peu plus tard, mais je ne peux

  6   pas vous le dire comme ça.

  7   Q.  Je vous parlais du ministre adjoint de l'Intérieur. Si vous ne vous en

  8   souvenez pas, pas de problème.

  9   R.  Je le connaissais, même, personnellement, mais j'avoue que j'ai du mal

 10   à me souvenir de son nom. Non, je ne peux vraiment pas. Je ne m'en souviens

 11   pas.

 12   Q.  Est-ce que vous connaissez un homme du nom de Tomo Kovac ?

 13   R.  Oui. Tout à fait, c'est bien cela. C'était soit donc l'adjoint, soit

 14   celui qui faisait office de ministre adjoint.

 15   Q.  Bien. Hier, vous nous avez parlé de la sécurité de l'Etat et que l'un

 16   des hommes qui avait été séparé et qui était sous leur garde était M.

 17   Mustafic. Regardons donc le premier document -- le premier paragraphe -

 18   pardon - de ce document qui commence par la nuit du -- l'avancée de la nuit

 19   du 13 juillet, en disant que la VRS et le MUP avaient commencé à capturer

 20   un grand nombre de soldats musulmans et qu'il y avait, donc, des embuscades

 21   dans la Région de Konjevic Polje.

 22   Un petit peu plus loin, il est dit que :

 23   "Les opérations devaient neutraliser les Musulmans et que ces

 24   opérations se poursuivaient. Des informations concernant leurs intensions

 25   et l'accès -- et l'axe - pardon - du mouvement vers Kladanj et Tuzla

 26   (Buljim-Pobudje-Konjevic Polje-Kaldrmica-Cerska-Snagovo-Crni Vrh) a été

 27   confirmé à de nombreuses reprises lors d'entretiens avec des prisonniers."

 28   Bien, en fait, en termes très simples, est-ce que c'est là simplement


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  1   une référence à des informations que les instances de sécurité ont apprises

  2   en ayant capturé des hommes musulmans ou des hommes musulmans qui ont été

  3   séparés des autres ?

  4   R.  Il s'agit essentiellement d'informations données par les

  5   Renseignements, et pour la période à laquelle il est fait référence, mais

  6   nous avions ces informations dans les structures de la police et du

  7   commandement à l'époque. En d'autres termes, ma réponse est oui, il s'agit

  8   là d'informations et de renseignements qui étaient utilisés à l'époque au

  9   niveau du commandement de l'armée et de la police.

 10   Q.  Merci. En bas de ce paragraphe il est dit, comme cela est écrit ici :

 11   "Ibgan Mustafic, l'ancien SDA de l'ancienne assemblée BH et un

 12   opposant de Naser Oric, faisaient partie des prisonniers et pourraient

 13   être, dans le cadre d'une préparation nécessaire, être utilisés par les

 14   médias."

 15   S'agit-il du même homme ou de la même personne à laquelle vous avez

 16   fait référence sous le nom de Mustafic, et vous en avez parlé hier, en

 17   disant qu'il était sous la garde de l'instance de sécurité ?

 18   R.  Oui. Ibrahim Mustafic, qui était donc député à l'assemblée de

 19   Bosnie-Herzégovine.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Je voudrais verser ce document au

 21   dossier, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, il s'agira de la pièce à

 23   conviction P4389.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation]

 25   Q.  Si nous avançons dans un ordre chronologique, Monsieur Nikolic, je

 26   voudrais maintenant en arriver au 13 juillet. Est-il exact que dans la nuit

 27   du 12 au 13 juillet vous étiez donc officier de permanence à la Brigade de

 28   Bratunac ?


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  1   R.  Oui, c'est exact. A partir de 7 heures le 12 juillet jusqu'à 7 heures

  2   le 13 juillet; c'est-à-dire 24 heures.

  3   Q.  Bien. Maintenant, je voudrais que nous revenions au 13 juillet et que

  4   vous nous disiez ce que vous aviez fait ce jour-là, où vous êtes allé, les

  5   personnes que vous avez rencontrées.

  6   En commençant par la matinée. Qu'est-ce que vous avez fait en premier le 13

  7   juillet ?

  8   R.  Le 13 -- en fait, j'étais officier de permanence du 12 au 13. Donc aux

  9   alentours de 3 heures du matin, le 13, je suis allé me coucher. J'ai dormi

 10   une heure. Aux alentours de 7 heures du matin, j'étais de retour au

 11   commandement de la Brigade de Bratunac. Donc je me suis d'abord rendu là-

 12   bas, et le matin aux alentours de 9 heures ou 9 heures 30, il y avait une

 13   réunion au commandement à laquelle assistait le général Ratko Mladic, le

 14   colonel Vasic de la police, le général Krstic, Popovic, mon commandant, et

 15   également un certain nombre d'autres officiers. Je n'étais pas présent à

 16   cette réunion, je ne sais pas de quoi ils ont parlé. Il y avait donc remise

 17   de mes fonctions avant que la réunion ne se déroule, mes fonctions avaient

 18   été reprises par un autre.

 19   J'ai parlé à mon commandant dans son bureau, et il m'a dit que le 13, je

 20   devais poursuivre les activités entreprises le 12, c'est-à-dire dans la

 21   Région de Potocari et l'opération qui était en cours dans cette région.

 22   Une fois que cette conversation avec lui a pris fin, je me suis rendu

 23   à Potocari où j'ai pu voir, comme le jour précédent, le transport des

 24   personnes qui se trouvaient sur place. Ce transport avait donc repris. J'ai

 25   vu cela et j'étais en contact avec Dusko Jevic de la Brigade spéciale du

 26   MUP. Je lui ai dit -- non, pardon, il s'agissait du 13. A ce moment-là,

 27   nous avions déjà des informations selon lesquelles sur la route entre

 28   Konjevic Polje, Sandici, Pervani, Kaldrmica et Nova Kasaba, il y avait des


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  1   gens qui se rendaient et que beaucoup de soldats musulmans et des civils

  2   avaient été capturés, et j'ai dit que s'il était en contact radio avec les

  3   unités, les unités de police, sur la route de leur dire que tous ceux qui

  4   se rendaient ou qui étaient faits prisonniers devraient être transférés

  5   dans les bâtiments prévus pour la détention de ceux qui avaient été

  6   capturés.

  7   Après un bref séjour à Potocari, je suis revenu au commandement de la

  8   Brigade de Bratunac. Je me suis rendu au siège de la police militaire. Et

  9   Mirko Jankovic, qui était donc le commandant MP, m'a dit que ce jour-là,

 10   c'est-à-dire le 13, sur la route Bratunac-Kravica-Konjevic Polje et plus

 11   loin, Ratko Mladic devait se rendre dans la région avec son équipe. Le

 12   commandant MP m'a également dit que l'Unité de la Brigade de Bratunac et de

 13   la police militaire de la Brigade de Bratunac qui escortaient et assuraient

 14   la sécurité du général Mladic à partir du moment où il était arrivé sur les

 15   lieux consistait à l'accompagner tout du long et de s'occuper de sa

 16   sécurité.

 17   Q.  Permettez-moi de vous arrêter un instant.

 18   R.  O.K.

 19   Q.  Ensuite nous pourrons reprendre sur ce point. Vous avez fait référence

 20   à la réunion du 13 au matin, réunion à laquelle vous n'avez pas assisté, et

 21   vous avez parlé du colonel Vasic de la police; est-ce qu'il s'agit de

 22   Dragomir Vasic du centre de Zvornik ?

 23   R.  Oui, Dragomir Vasic de Zvornik, chef du centre à Zvornik.

 24   Q.  Merci. Vous nous avez également dit que lorsque vous parliez avec Dusko

 25   Jevic, page 18, ligne 15, vous avez dit, S'il était en contact radio avec

 26   les unités, l'Unité de la Police, le long de la route de leur dire que tous

 27   ceux qui se rendaient ou étaient faits prisonniers seraient transférés dans

 28   les bâtiments prévus à cet effet pour abriter les prisonniers capturés.


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  1   Ma question est la suivante : Ces hommes qui ont été capturés le long de la

  2   route, allaient-ils être traités de la même façon que ceux qui avaient été

  3   séparés à Potocari, et seraient détenus dans les mêmes bâtiments à

  4   Bratunac, ou est-ce qu'il y avait quelque chose de différent dans la façon

  5   dont ces hommes capturés seraient traités ?

  6   R.  Je n'étais pas au courant d'autres intentions. Tous ceux qui avaient

  7   été séparés à Potocari et tous ceux qui avaient été faits prisonniers le

  8   long de la route jouissaient d'un même statut, et je ne suis pas au courant

  9   d'autres traitements ni d'intentions différentes à leur égard. Pour autant

 10   que je le sache, tous les hommes ont été traités de la même façon.

 11   Q.  Merci. Je vous ai interrompu alors que vous aviez commencé à nous dire

 12   comment vous avez appris que le général Mladic se trouvait dans le

 13   voisinage et devait voyager sur la route Bratunac-Kravica-Konjevic Polje.

 14   Pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait avec Mirko Jankovic concernant

 15   la sécurité de Ratko Mladic.

 16   R.  Concernant la route de Ratko Mladic et son itinéraire, c'est une

 17   obligation qui incombait aux instances de sécurité et aussi longtemps que

 18   le commandant de l'état-major principal, Ratko Mladic, se trouvait à

 19   Bratunac dans la zone de mon unité, il était de mes obligations et de mes

 20   fonctions de me charger des mesures de sécurité supplémentaires le

 21   concernant, mesures dont il jouissait sur le plan de la sécurité immédiate

 22   ainsi que le détachement de police militaire supplémentaire de notre unité.

 23   Outre cela, j'étais également dans l'obligation de vérifier la sécurité de

 24   sécurité le long de la route qu'il devait emprunter à un moment.

 25   J'ai donc en cette occasion prise des policiers militaires, et nous nous

 26   sommes rendus ensemble sur la route de Kravica-Konjevic Polje en voiture.

 27   Je voulais vérifier la sécurité de la route et m'assurer que la circulation

 28   pouvait se faire de manière fluide. J'avais déjà des informations me disant


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  1   qu'il y avait déjà des Unités de Police qui avaient été déployées le long

  2   de cette route. Je souhaitais néanmoins voir les choses par moi-même.

  3   Aux alentours de midi, peut-être, je suis parti de Bratunac et je suis

  4   arrivé à Konjevic Polje une demi-heure plus tard à une intersection ou un

  5   croisement qui va vers Bratunac, Vlasenica, ou Zvornik, et c'est croisement

  6   qui s'appelle Konjevic Polje.

  7   Donc si vous souhaitez que je vous dise ce que j'ai pu voir le long de la

  8   route, je peux le faire. Il y avait des forces de police à Sandici. Il y

  9   avait la brigade spéciale qui avaient été déployée là et qui était

 10   facilement identifiable. Portant des armes lourdes, les APC, et il y avait

 11   également des chars. Sur la route, j'ai également vu M. Borovcanin à

 12   Sandici où toute l'artillerie lourde avait été déployée, et un peu plus

 13   loin le long de cette route, il n'y avait rien de particulier quand j'y

 14   suis allé par rapport à ce que j'ai vu quand je suis revenu.

 15   Une fois que je me suis rendu à Konjevic Polje, j'ai vu quelque chose que

 16   je connaissais déjà, il y avait un point de contrôle sous le contrôle de la

 17   police. Et des hommes du poste de sécurité publique de Bratunac. Les hommes

 18   se trouvaient au point de contrôle de Konjevic Polje, il s'agissait d'un

 19   point de contrôle permanent même avant le début des opérations et avant la

 20   chute de Srebrenica.

 21   J'ai attendu environ 40 ou 45 minutes et le général Mladic est arrivé. Il

 22   est arrivé à Konjevic Polje, il s'est garé devant un immeuble jaune qui

 23   n'existe plus et il s'est mis à droite lorsqu'on arrive à Konjevic Polje,

 24   il a garé. Il y avait les hommes de sa sécurité personnelle et la police de

 25   la Brigade de Bratunac, qui l'escortaient.

 26   Moi, je me suis approché et j'ai présenté un rapport, J'ai dit : Mon

 27   Général, tout va bien, la route est sécurisée, le passage est sûr, et j'ai

 28   donc présenté à titre officiel un rapport et de façon professionnelle


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  1   concernant ce que j'étais d'ailleurs censé faire.

  2   Si vous êtes intéressés par la suite ?

  3   Q.  Je vais vous poser la question suivante : Lorsque vous alliez vers

  4   Konjevic Polje, exception faite de ces effectifs du MUP que vous avez déjà

  5   mentionnés, auriez-vous vu sur la route de Konjevic Polje des prisonniers ?

  6   R.  Je pense que pour la première fois c'est à Sandici. C'étaient des

  7   prisonniers, des gens qui s'étaient rendus à Sandici. Il y avait un groupe

  8   d'une dizaine ou d'une quinzaine d'hommes qui s'étaient déjà rendus, et eux

  9   se trouvaient à l'endroit où à Sandici se trouvait Ljubisa Borovcanin.

 10   Cette première fois, je ne me souviens pas s'il y a eu à un deuxième

 11   endroit un nombre plus grand de prisonniers, mais non, la première fois que

 12   j'y suis allé, c'est tout.

 13   Q.  A Konjevic Polje, y a-t-il eu des prisonniers lorsque vous avez vu là-

 14   bas le général Mladic ?

 15   R.  Oui. A Konjevic Polje il y avait un peu plus de prisonniers, des gens

 16   qui s'étaient rendus ou des gens qui avaient été capturés. Un certain

 17   nombre d'individus se trouvaient à Konjevic Polje dans un pré au carrefour

 18   même, ou pas loin du carrefour, et une partie des personnes emprisonnées se

 19   trouvait dans une maison ou un bâtiment qui appartenait au 5e Bataillon du

 20   Génie, c'est là qu'ils ont été installés et c'est là qu'on avait sécurisé

 21   les lieux.

 22   Q.  Avez-vous vu si le général Mladic avait eu des échanges avec les

 23   prisonniers ? S'est-il adressé à eux ?

 24   R.  Oui. Le général Mladic, une fois sorti de sa voiture, lorsque j'ai fait

 25   mon rapport, s'est approché de ces individus qui étaient sur ce pré à

 26   Konjevic Polje au carrefour, il s'est adressé à eux en leur disant, enfin

 27   je ne cite pas mais je paraphrase, qu'ils n'avaient rien à craindre, que

 28   tout se passerait bien et qu'il n'y aurait aucun problème pour ce qui les


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  1   concernait. Il leur a parlé très brièvement. Il a dit que rien ne se

  2   passerait avec eux, qu'ils seraient transférés là où ils voudraient, et

  3   c'est tout à peu près de ce qu'il a dit à ces gens.

  4   Q.  Vous l'avez entendu proférer ces propos ?

  5   R.  Oui, je l'ai entendu, je l'ai accompagné tout le temps. Je marchais à

  6   côté de lui ou un pas derrière lui. Je l'escortais tout le temps qu'il se

  7   trouvait à Konjevic Polje, c'est la coutume militaire, donc là où il

  8   allait, je le suivais.

  9   Q.  Est-ce que vous avez eu un entretien avec le général Mladic une fois

 10   qu'il a adressé ces propos rassurants aux prisonniers ?

 11   R.  Oui. Une fois qu'il a terminé et qu'il s'est dirigé vers la voiture,

 12   donc quand il a fini de leur parler, lorsqu'il se dirigeait vers l'endroit

 13   où il avait garé sa voiture. Je lui ai demandé, Mon Général, qu'adviendra-

 14   t-il de ces gens ? C'est la question que je lui ai posée, et il ne m'a rien

 15   répondu. Il m'a juste regardé et il a fait ce geste-ci de la main comme je

 16   le montre. Il est allé vers sa voiture, sans commentaire. Il a souri et il

 17   est retourné à sa voiture.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu d'audience,

 19   le geste fait par sa main est un geste de la main droite allant de la

 20   gauche vers la droite.

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez entendu cette

 23   réponse, Monsieur Nikolic ?

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] J'ai demandé si j'avais bien décrit le geste

 25   de la main qui a été fait.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, vous savez, il faut que ce soit

 27   verbalement noté pour le compte rendu.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je vous ai montré ce que j'ai vu. Il n'y


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  1   a eu aucune espèce de commentaire. Le général Mladic n'a rien dit du tout,

  2   je vous ai montré sa gestuelle de la main. Ça allait de la gauche vers la

  3   droite, et c'est à peu près ce que j'ai dit.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation]

  7   Q.  Racontez-nous ce qui s'est passé après, ou de façon plus concrète je

  8   voudrais savoir si vous êtes tombé sur un homme qui répondait au nom de

  9   Resid Sinanovic à l'époque et ce qui s'est passé au juste.

 10   R.  A Konjevic Polje, en effet, une fois que le général Mladic est parti,

 11   qu'il a continué sa route, les membres de la police m'ont dit qu'ils

 12   avaient un prisonnier important. Alors j'ai demandé qui c'était, et on m'a

 13   dit que c'était Resid Sinanovic.

 14   Est-ce que vous voulez que je vous dise ce qui s'est passé ensuite, ou est-

 15   ce que vous voulez me poser des questions ?

 16   Q.  Je vais vous poser des questions. Alors avez-vous rencontré ce M.

 17   Sinanovic, et qu'avez-vous fait par la suite ? Où l'avez-vous emmené ?

 18   R.  Après cette information-là, le policier militaire et moi-même avons

 19   pris en charge en personne ce dénommé Sinanovic puisque c'est la police

 20   civile qui nous l'a confié.

 21   Q.  Qui était-ce avant la guerre ? Quelles étaient ses fonctions ?

 22   R.  Sinanovic, Resid était, entre autres choses, chef du poste de sécurité

 23   publique à Bratunac, avant la guerre.

 24   Q.  Est-ce que vous savez pourquoi on pensait -- ou les gens du MUP

 25   pensaient que c'était un prisonnier important ?

 26   R.  Je ne puis que le supposer. Le chef d'un poste de sécurité publique

 27   dans une petite ville, c'est une personnalité importante. Sinanovic, Resid

 28   était important probablement du fait d'avoir occupé des fonctions


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  1   importantes avant la guerre, entre autres choses, au sein du MUP, et le

  2   fait de l'avoir gardé et détenu c'est dû au fait que ce Sinanovic, Resid

  3   était sur la liste des habitants de Bratunac que l'on considérait être

  4   suspects d'avoir commis des crimes de guerre pendant ces années de conflit.

  5   C'est la raison pour laquelle c'était un prisonnier important, et c'est

  6   pourquoi je l'ai pris en charge, parce que c'était quelqu'un pour qui il y

  7   avait de sérieux indices indiquant qu'il y avait eu commission d'un crime

  8   de guerre par lui.

  9   Q.  Où l'avez-vous emmené ?

 10   R.  Ce Sinanovic je l'ai emmené en voiture à Bratunac, et je l'ai remis en

 11   personne à Celanovic, Zlatan. Cet homme, c'est quelqu'un que j'ai mentionné

 12   hier. Un juriste, qui était chargé d'interroger les prisonniers de guerre,

 13   chargé de documenter tout indice pour savoir si quelqu'un avait commis des

 14   crimes de guerre ou pas et poursuivre en justice, c'est-à-dire chargé du

 15   dépôt de plainte au pénal, pour que le prisonnier soit acheminé vers des

 16   instances de justice.

 17   Q.  Ce Zlatan Celanovic vous a-t-il fait savoir qu'il s'était entretenu

 18   avec ce M. Sinanovic et y a-t-il eu constatation de l'existence de

 19   justificatifs de poursuites parce que cela aurait été un criminel ?

 20   R.  Oui. Zlatan Celanovic avait pour mission, enfin, d'après la pratique de

 21   la brigade, il y avait, s'agissant de chaque détenu de chaque prisonnier,

 22   ou une personne appréhendée, un interrogatoire et un rapport était censé

 23   être envoyé au commandant et à moi-même.

 24   Ce Zlatan Celanovic, je crois que le même jour où je l'ai amené, ou

 25   peut-être le jour d'après, au matin, on m'a dit que, partant de toutes les

 26   informations qu'on avait recueillies de la part de Sinanovic lors de

 27   l'interrogatoire, il a fait savoir qu'il n'y avait aucun justificatif pour

 28   ce qui était de la garder et qu'il n'y avait aucune raison de présenter un


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  1   acte d'accusation ou de déposer une plainte au pénal ou quoi que ce soit de

  2   ce genre. Donc il y a eu une décision de prise une fois que des Serbes de

  3   Bratunac, qui étaient des amis à Sinanovic, ils étaient venus le voir, il y

  4   a eu décision de sa part de transférer Sinanovic vers l'école primaire de

  5   Vuk Karadzic où se trouvaient les autres prisonniers. D'après les

  6   informations que j'ai obtenues, cet homme a bel et bien été transféré là-

  7   bas.

  8   Q.  En bref, au meilleur de vos connaissances, qu'est-il advenu de ce Resid

  9   Sinanovic une fois qu'il a été transféré à cette école Vuk Karadzic à la

 10   date du 13 juillet 1995 ?

 11   R.  Une fois transféré parmi les autres détenus là-bas, ce que je sais

 12   c'est la chose suivante : Le 14 au matin, dans le cadre d'un convoi

 13   acheminé vers Zvornik, Sinanovic y est allé aussi avec les prisonniers qui

 14   se trouvaient à l'école primaire de Vuk Karadzic et dans les autres

 15   bâtiments de Bratunac.

 16   Alors je n'ai pas d'informations disant qu'à Zvornik il a été exécuté

 17   comme tant d'autres. A l'occasion de ces exécutions, il aurait été blessé,

 18   et c'est blessé qu'il a nagé pour passer de l'autre côté de la Drina. La

 19   Drina est une rivière qui constitue la frontière entre la Bosnie et la

 20   Serbie.

 21   Donc il a traversé la Drina à la nage et il est arrivé jusqu'à un

 22   restaurant dans une petite municipalité qui s'appelle Banja Koviljaca. Les

 23   gens l'on reconnu parce que ça se trouve tout près, Sinanovic allait

 24   souvent là-bas. Des gens l'ont donc reconnu et l'ont transporté à

 25   l'hôpital.

 26   A l'hôpital, tout ce qui s'est passé par la suite s'agissant des

 27   soins qu'on lui a administrés, mes avocats ont enquêté à ce sujet. Ils ont

 28   recueilli des déclarations à l'hôpital, ils ont pris la documentation


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  1   médicale de cet hôpital. Une fois qu'il a été hospitalisé, par la suite il

  2   aurait été transféré à Loznica, mais il y a une documentation complète à

  3   son sujet que mes avocats ont remis au bureau du Procureur.

  4   Une femme médecin qui a travaillé à l'hôpital était une voisine à lui

  5   de Bratunac. Lorsque la guerre a commencé, elle est passée du centre

  6   médical de Bratunac dans cette autre ville. Elle l'a reconnu. Ils avaient

  7   habité au même étage, porte à côté de porte, donc elle l'a reconnu.

  8   Elle a appelé le poste de sécurité de Bratunac. Elle a informé qui de

  9   droit là-bas, et j'imagine qu'eux ont informé le centre ou la police de

 10   Zvornik, et d'après ce que j'ai appris, la police civile l'a pris en charge

 11   à Loznica.

 12   Je le dis parce que ce sont des choses que j'ai pu apprendre. Je n'ai

 13   pas de données plus fiables, mais d'après ce que j'ai appris, la police qui

 14   l'a pris en charge l'a exécuté sur le pont entre Zvornik et la Serbie, sur

 15   cette partie-là du pont.

 16   C'est ce que j'en sais. Mes avocats ont enquêté de façon directe à ce

 17   sujet, et il y a une documentation pour ce qui est de son séjour et des

 18   soins qui lui ont été administrés à l'hôpital de Banja Koviljaca et de

 19   Loznica.

 20   Q.  Merci.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour organiser notre organigramme, je ne

 22   suis pas sûr si nous allons pouvoir siéger jusqu'à 3 heures, mais toujours

 23   est-il que la première pause sera faite à 10 heures 30 ?

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Bon. J'aimerais que nous parcourions chronologiquement le reste de

 26   cette journée du 13 juillet. Une fois que vous avez confié M. Sinanovic au

 27   dénommé Zlatan Celanovic, je crois que vous avez fait un autre trajet

 28   jusqu'à Konjevic Polje; ai-je raison de le dire ?


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  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  Est-ce que vous pouvez répondre à nouveau ?

  3   R.  Oui. J'ai répondu que j'y suis allé une fois de plus.

  4   Q.  Pourquoi y êtes-vous allé de nouveau cette fois-ci ?

  5   R.  J'y suis allé à nouveau en compagnie du commandant de la police

  6   militaire et son adjoint, Mirko Jankovic et Mile Petrovic. Au commandement

  7   de la brigade, nous avions plusieurs blindés de transport de troupes

  8   appartenant au Bataillon néerlandais. Mirko Jankovic savait conduire ce

  9   type de véhicule, et nous sommes allés sur cet axe-là, parce que c'est sur

 10   cet axe-là qu'il se passait tout ce qui se rapportait aux combats, aux

 11   emprisonnements, et tout le reste.

 12   Donc les activités étaient transférées depuis Potocari vers Kravica,

 13   Konjevic Polje, et Kasaba, vers cet axe-là. Donc je suis allé là-bas. Mirko

 14   Jankovic a pris ce blindé de transport de troupes, c'était le commandant de

 15   la police militaire. Ce Mile et moi-même on est monté à bord du blindé de

 16   transport de troupes, et en compagnie de Mirko, nous sommes allés vers

 17   l'axe que je viens de vous indiquer.

 18   Q.  Est-ce que ce blindé de transport des troupes avait disposé d'un haut-

 19   parleur ?

 20   R.  Oui. Tous les blindés de transport des troupes disposaient, parmi le

 21   matériel qu'il y avait dedans, des porte-voix, c'est-à-dire des haut-

 22   parleurs.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans votre réponse précédente, on nous a

 24   dit dans sa traduction que :

 25   "Mile et moi on est monté à bord du blindé de transport de troupes et

 26   on est allé jusqu'à Mirko ensemble."

 27   Alors est-ce que vous pourrez tirer les choses au clair ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, ce n'est pas ce que j'ai dit. Il se


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  1   peut que ma langue ait glissé. Mirko Jankovic, disais-je, savait conduire

  2   ce véhicule. Il a pris le blindé de transport de troupes. C'est Mirko qui

  3   conduisait, et Mile Petrovic et moi-même on est monté à bord de ce blindé,

  4   et avec Mirko Jankovic on est allé vers l'axe Bratunac-Konjevic Polje.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  7   Q.  Alors est-ce que vous vous êtes servi de ce porte-voix lors du voyage,

  8   et si oui, à quelle fin ?

  9   R.  Oui. Mile Petrovic, après Kravica, une fois qu'on est arrivé au village

 10   de Sandici et au-delà, en direction de Konjevic Polje, s'en est servi de ce

 11   porte-voix. Et depuis ce blindé de transport de troupes qui roulait

 12   lentement, il conviait les Musulmans à se rendre.

 13   Q.  Certains Musulmans se sont-ils rendus à vous-même et à Mirko Jankovic

 14   et Mile Petrovic ? Est-ce que vous avez réussi à emprisonner des gens ?

 15   R.  Pour dire vrai, je vous répondrais comme suit, je ne suis pas sûr que

 16   ce que vous souhaiteriez me faire dire ça avait été la conséquence des

 17   appels lancés par porte-voix. Est-ce que quelqu'un s'est rendu parce que

 18   Mile Petrovic l'a convié à le faire, peut-être que oui, mais je ne peux pas

 19   l'affirmer, je ne peux pas le nier non plus. A l'occasion de nos

 20   déplacements --

 21   Q.  Attendez, je vais vous interrompre pour reformuler ma question, peut-

 22   être la chose n'a-t-elle pas été bien interprétée à votre profit. Je veux

 23   que vous parliez de ce dont vous vous souvenez. Donc je vais vous poser ma

 24   question. Est-ce que des Musulmans se seraient rendus à vous ? Ça a été ma

 25   question.

 26   R.  Si on peut qualifier la chose comme une reddition, peut-être, je vais

 27   vous expliquer ce qui s'est passé et on peut parler de reddition ou pas.

 28   Lorsque nous étions en train de nous déplacer en direction de Konjevic


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  1   Polje, Mirko Jankovic, Mile Petrovic et moi-même, on était à bord de ce

  2   blindé de transport de troupes, et en nous déplaçant nous avons rattrapé

  3   six Musulmans qui marchaient en direction de Konjevic Polje. On a arrêté le

  4   blindé. On s'est arrêté, et on les a faits monter à bord. Ça c'est la

  5   vérité vraie au sujet de ce qui s'est passé. On les a faits monter à bord

  6   et on les a conduits jusqu'à Konjevic Polje. C'est ce qui s'est passé. Il

  7   n'y a pas eu de combat.

  8   Alors quand on dit reddition c'est quand vous obligez quelqu'un à se

  9   rendre. Mais eux marchaient, ils n'ont pas résisté du tout. Nous, on ne les

 10   a pas attaqués. Ils ne nous ont pas tiré dessus. On ne leur a pas tiré

 11   dessus. Ils ne faisaient que marcher. En termes simples, on les a faits

 12   monter à bord, on les a transportés jusqu'à Konjevic Polje.

 13   Q.  Merci de cette explication. Que s'est-il passé alors à Konjevic Polje ?

 14   R.  La deuxième fois -- puisque j'étais revenu là à Konjevic Polje, à

 15   Konjevic Polje, il y avait déjà un grand nombre de prisonniers, des gens

 16   qui s'étaient rendus. Sur ce plateau à Konjevic Polje, je ne vais pas

 17   surenchérir, mais il devait y avoir 250 à 300 hommes dans une part, puis à

 18   un autre endroit il y en avait dix ou 15. Donc dans ce secteur en masse, il

 19   y avait des gens, des Musulmans qui s'étaient rendus.

 20   Une fois arrivés à Konjevic Polje, Mirko Jankovic a garé le blindé de

 21   transport de troupes à un endroit où la route s'élargissait et j'ai dit à

 22   Mirko : S'il te plaît, emmène les gens qui sont à bord du blindé vers les

 23   gens qui se trouvaient déjà là-bas. Je suis allé, une fois que je lui ai

 24   dit cela, vers le carrefour, c'était peut-être à 50 mètres de là. Il y

 25   avait une maison incendiée, et je me suis assis sous une espèce de dalle au

 26   niveau de cette maison incendiée. Il y avait là cinq ou six Musulmans qui

 27   avaient allumé du feu pour cuire quelque chose. Il y avait des policiers

 28   civils et des Musulmans, et moi, je me suis assis sur une espèce de bloc en


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  1   béton qui était là.

  2   Au bout d'un certain temps, j'ai entendu une rafale de très, très

  3   près. Après cette rafale, au bout de cinq ou six minutes, Mile Petrovic a

  4   fait son apparition et il s'est adressé à moi, en me disant ce qui suit :

  5   Chef, j'ai vengé aujourd'hui mon frère. Alors je lui ai demandé : Qu'est-ce

  6   que tu as fait ? Il m'a dit : Je les ai abattus. C'était l'échange que nous

  7   avions eu. Je ne lui ai pas posé d'autre question. Pour être tout à fait

  8   sincère, je ne savais même pas que son frère avait été tué. En termes

  9   simples, je n'ai ni commenter ni poser d'autre question. Lui, il est parti,

 10   et ils sont allés vers Kuslat avec le blindé de transport des troupes, et

 11   c'est tout ce qu'on a eu comme échange, enfin lui et moi, pour ce qui est

 12   du sort de ces six hommes.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, est-ce que le moment

 14   se prêterait à une pause ?

 15   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est bon, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais avant que de le faire il y a un

 17   sujet que je voudrais aborder avant la pause, et je voudrais en parler en

 18   audience publique.

 19   Monsieur Robinson, à la lumière de ce qui est arrivé d'Allemagne hier, les

 20   Juges de la Chambre ont jugé qu'il fallait avant que de se pencher sur

 21   votre requête s'adresser au Conseil de sécurité allemand, pour organiser

 22   une autre interview et voir un peu comment les choses allaient se faire. Je

 23   vous fais remarquer que l'Allemagne vous propose une possibilité qui serait

 24   celle d'envoyer aux autorités allemandes des questions par écrit pour M.

 25   von Bezolt. Et je crois que vous devriez vous pencher sur ceci avec votre

 26   équipe.

 27   M. ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous allons le

 28   faire.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Nous allons faire notre pause d'une

  2   demi-heure et on reprendra à 11 heures.

  3   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

  4   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Je voudrais présenter Kirsten Schelwitz qui

  7   vient des Etats-Unis et qui est stagiaire et qui assistera ici à la -- à

  8   l'audience de ce matin.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

 10   Je peux vous confirmer maintenant que nous serons en audience jusqu'à 15

 11   heures cet après-midi.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, vous pouvez

 14   poursuivre.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation]

 16   Q.  Avant de continuer, juste deux questions, Monsieur Nikolic. Est-ce que

 17   vous connaissez un homme du nom de Nenad Deronjic ?

 18   R.  Oui, je le connais.

 19   Q.  Quelle était sa fonction ou à quelle unité ou quel groupe appartenait-

 20   il en juillet 1995 ?

 21   R.  En juin 1995, il était policier au poste de sécurité publique de

 22   Bratunac.

 23   Q.  Et juillet -- en juillet 1995 ?

 24   R.  En juillet 1995, il était également policier, mais -- ou plutôt, il

 25   était dans l'unité au point de contrôle de Konjevic Polje.

 26   Q.  Et que dire d'un homme du nom de Mirko Peric ?

 27   R.  Oui, je connais Mirko Peric personnellement. Mirko Peric était

 28   également un policier. Il appartenait à -- au poste de sécurité public à


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  1   Bratunac, et ce jour-là, le 13, lorsque j'étais à Konjevic Polje, j'ai vu

  2   Mirko Peric également au point de contrôle, à Konjevic Polje.

  3   Q.  Bien. Pour être tout à fait clair, vous dites que vous l'avez vu

  4   également comme Nenad Deronjic à Konjevic Polje le 13 juillet 1995; c'est

  5   exact ?

  6   R.  Oui, c'est exact.

  7   Q.  Bien. Après ce voyage à Konjevic Polje dont vous avez parlé, est-ce que

  8   vous êtes rentré à Bratunac ce jour-là ? --

  9   R.  Oui. Je suis rentré le même jour, le soir du même jour.

 10   Q.  Que s'est-il passé lorsque vous êtes rentré à Bratunac ce soir-là ? Qui

 11   avez-vous rencontré ? Qu'avez-vous fait ?

 12   R.  Lorsque je suis rentré à Bratunac, je me suis rendu au commandement de

 13   ma brigade. Je pense que j'étais dans la cuisine au moment où le centre de

 14   Communications m'a informé que je devrais rendre compte au colonel Beara, à

 15   Bratunac. Après le dîner, entre disons 20 h et 20 h 30 ce jour-là, je suis

 16   allé rencontrer le colonel Beara en ville.

 17   Q.  Je voudrais vous poser une question sur l'heure. Dans votre déposition

 18   précédente dans l'affaire Tolimir, à la page 12 409, vous avez dit que

 19   c'était aux alentours de 17 heures 30 ou de 18 heures que l'on vous a dit

 20   au centre de Communications que vous deviez rencontrer le colonel Beara.

 21   R.  Je ne pense pas avoir jamais dit quoi que ce soit d'approchant.

 22   L'interprétation que j'ai entendue c'est que j'ai rencontré le colonel

 23   Beara au centre de Communications. Je n'ai jamais dit cela, mais c'est

 24   l'interprétation, c'est ce que je viens d'entendre dans mes écouteurs.

 25   Q.  C'est une erreur. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je vais vous reposer la

 26   question, nous parlions de l'heure. Dans votre déposition précédente, vous

 27   avez dit que l'on vous a demandé, à 17 h 30, 18 h, d'aller rencontrer le

 28   colonel Beara.


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  1   R.  C'est l'heure à laquelle je suis rentré à Brigade de Bratunac en

  2   revenant de Konjevic Polje et ceci est exact, c'est-à-dire que sur cette

  3   période, et chaque fois que je témoigne et je dépose je dis la même chose.

  4   Je ne veux pas donner une heure exacte parce que cela fait déjà tant

  5   d'années que je ne peux plus maintenant me souvenir réellement si c'était à

  6   une heure précise ou une demi-heure plus tard. En tout état de cause, je

  7   peux vous parler des événements et vous dire exactement ce qui s'est passé,

  8   mais je dirais que c'est à peu près l'heure à laquelle je suis revenu de

  9   Konjevic Polje. Je me suis rendu dans la cuisine pour manger un morceau, et

 10   c'est à ce moment-là que j'ai reçu cette information de la part du centre

 11   de Communications, me disant que je devais rendre compte au colonel Beara.

 12   Ceci est exact, et c'est ce que j'ai dit chaque fois que j'ai déposé, et je

 13   le confirme cette fois encore.

 14   Q.  Avez-vous rencontré le colonel ? Vous dites que vous êtes parti

 15   rencontrer le colonel Beara en ville. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est

 16   passé à ce moment-là ?00000

 17   R.  Oui. Je l'ai rencontré. Le colonel Beara m'a donné un ordre, m'a dit -

 18   comme vous le voulez, mais je dirais plutôt que c'était un ordre - d'aller

 19   au commandement de la Brigade de Zvornik pour rencontrer Drago Nikolic, le

 20   chef de la sécurité de la Brigade de Zvornik, et de lui transmettre ses

 21   ordres pour préparer les installations et également les personnes chargées

 22   de la sécurité et lui dire que les prisonniers qui sont à Bratunac seraient

 23   transférés dans la zone de la Brigade de Zvornik et qu'il fallait donc

 24   veiller aux conditions permettant de les accueillir et de leur fournir la

 25   sécurité physique dont ils avaient besoin.

 26   Q.  Est-ce que le colonel Beara vous a ordonné d'informer Drago Nikolic sur

 27   ce qui pourrait arriver aux prisonniers une fois qu'ils auraient atteint la

 28   zone sous la responsabilité de la Brigade de Zvornik ?


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  1   R.  Le colonel Beara et moi-même avons parlé très brièvement, et je vous ai

  2   rapporté l'essentiel de cette conversation. Puis le 13, j'avais déjà des

  3   informations, c'est-à-dire que je savais déjà le soir du 13, ce qui allait

  4   se passer pour ces personnes qui avaient été faites prisonnières. Ce

  5   n'était pas nécessaire de dire quoi que ce soit de direct, mais partant de

  6   ma conversation avec lui, j'avais compris que c'était là grosso modo le

  7   message du colonel Beara, c'est-à-dire que ces personnes qui devaient

  8   arriver seraient exécutées sur le territoire de la municipalité de Zvornik.

  9   Néanmoins, je peux dire que, déjà à ce moment-là -- et en fait, la

 10   situation était claire concernant leur destin.

 11   Q.  Merci.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, votre question à la

 13   ligne 5, il faut parler de "Drago Nikolic," et non pas de "Dragan Nikolic."

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est exact. Merci, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation]

 17   Q.  Bien. Je vais vous demander maintenant d'être un petit peu plus précis

 18   si vous le pouvez. Vous dites qu'il n'était pas nécessaire de dire quoi que

 19   ce soit de direct, mais que partant de la conversation avec lui, j'avais

 20   compris que c'était là grosso modo le message du colonel Beara, et que les

 21   gens qui se rendaient là-bas seraient exécutés sur le territoire de la

 22   Brigade de Zvornik.

 23   Est-ce que le colonel Beara vous a intimé l'ordre de dire à Drago Nikolic

 24   que les hommes seraient exécutés à Zvornik ?

 25   R.  En fait, je ne peux pas. En fait, c'est toujours un dilemme pour moi

 26   lorsque je dois déposer sur ce point, mais je pense -- en fait, ce n'est

 27   pas que je pense. Mais pour autant que je puisse m'en souvenir -- en fait,

 28   lorsqu'il m'a donné l'ordre de me rendre à Zvornik, il a dit entre autres


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  1   que ces personnes devraient être transférées et qu'elles seraient exécutées

  2   à Zvornik; cependant, le dilemme qui était le mien toutes ces années, c'est

  3   que je ne me souviens pas exactement comment est-ce qu'il m'a communiqué

  4   cela. Je ne peux pas être précis sur ce point. Néanmoins, ce que j'ai

  5   compris et ce que j'ai dit à Drago était -- en fait, c'était ma

  6   compréhension, à savoir que les gens seraient transférés là-bas pour être

  7   exécutés à Zvornik. C'est ainsi que j'avais compris les choses. Et c'est là

  8   le message que j'ai passé à Drago lorsque je l'ai vu. Ce que je savais

  9   c'est que ces personnes seraient transférées et exécutées sur le territoire

 10   de Zvornik.

 11   Q.  Merci. Si vous pouviez rapidement nous décrire le voyage à Zvornik et

 12   comment est-ce que vous avez rencontré Drago Nikolic et comment est-ce que

 13   vous lui avez passé cette information.

 14   R.  Oui. Après avoir reçu cet ordre j'ai pris ma voiture et j'ai conduit

 15   jusqu'à Zvornik. Le voyage jusqu'à Zvornik m'a demandé environ une heure et

 16   quart. C'est une distance de 40 à 44, 45 kilomètres jusqu'au commandement

 17   de la brigade. Je suis arrivé au quartier général de la Brigade de Zvornik,

 18   je me suis rendu à la réception et j'ai demandé à ce que l'on m'emmène voir

 19   Drago Nikolic. Les soldats à la réception m'ont attribué un soldat qui m'a

 20   escorté jusqu'à une pièce du commandement de la Brigade de Zvornik. J'y

 21   suis arrivé, et dans le bureau j'ai rencontré un officier. Je lui ai dit

 22   que je devais prendre contact directement avec Drago Nikolic. Je me suis

 23   assis, et deux ou trois minutes plus tard il a appelé un officier, un homme

 24   qui est entré dans le bureau et qui m'a demandé s'il pouvait m'aider dans

 25   la mesure où Drago Nikolic n'était pas là. Je lui ai répondu que mes ordres

 26   m'intimaient de transmettre un message directement à Drago Nikolic, et je

 27   lui ai dit que ce que je devais lui dire ne pouvais être dit à personne

 28   d'autre et ne pouvait lui être raconté.


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  1   Ensuite, l'officier dans la pièce a dit au policier, en fait, lui a donné

  2   l'ordre de m'escorter jusqu'au poste de commandement avancé, et on m'a dit

  3   que Drago Nikolic s'y trouvait et qu'il était donc l'officier de

  4   permanence. On m'a dit que le policier m'escorterait jusque-là. Nous avons

  5   quitté le commandement. Nous avons pris ma voiture, nous avons suivi donc

  6   le sentier, puis la route goudronnée. Nous sommes arrivés, nous nous sommes

  7   garés devant la maison où se trouvait donc le poste de commandement. Le

  8   policier est entré dans cette maison, a appelé Drago Nikolic, puis est

  9   ressorti, et ma conversation avec Drago Nikolic a demandé cinq, six, sept,

 10   peut-être dix minutes au maximum, et je lui ai dit que c'est le colonel

 11   Beara qui m'avait envoyé pour une certaine raison. Je lui ai donné la

 12   raison. Je lui ai transmis les ordres, et j'ai dit à Drago que j'avais des

 13   informations selon lesquelles les personnes qui iraient dans sa région

 14   seraient exécutées à Zvornik. Drago Nikolic n'a fait aucun commentaire. Il

 15   a dit : Je suis l'officier de permanence, je vais prendre contact avec mon

 16   commandement et voir quelles sont les actions qui doivent être prises.

 17   A la porte, au moment où j'étais avec Drago Nikolic, il y avait un

 18   responsable des communications, et ensuite le policier et moi-même nous

 19   sommes revenus vers la voiture et retournés à Zvornik. J'ai laissé le

 20   policier à Zvornik et j'ai continué ma route jusqu'à Bratunac.

 21   Q.  Aviez-vous rencontré Drago Nikolic avant cette nuit ?

 22   R.  Oui, je connais Drago Nikolic personnellement. Il vient de mon village.

 23   Je n'avais pas tenu de réunions avec Drago Nikolic auparavant. Peut-être

 24   nous étions-nous vus une ou deux fois au maximum auparavant, mais au cours

 25   de ces jours je n'ai ni rencontré Drago Nikolic ni parlé à Drago Nikolic.

 26   Q.  Oui, c'est exact. Mais ma question est plus simple. Ce n'était pas la

 27   première fois que vous rencontriez Drago Nikolic ce soir-là. L'aviez-vous

 28   rencontré avant ?


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  1   R.  Oui. Cette question est différente de celle à laquelle je viens de

  2   répondre. Je connaissais Drago auparavant et ce n'était pas la première

  3   fois que je rencontrais Drago. Oui, j'avais déjà rencontré Drago

  4   auparavant.

  5   Q.  Bien, vous avez continué, dites-vous, votre route vers Bratunac; avez-

  6   vous vu des autocars aller vers Zvornik alors que vous rentriez vers

  7   Bratunac ?

  8   R.  Oui. Lorsque je suis rentré à Bratunac, dans le secteur de Kuslata --

  9   dans le village de Kuslata, j'ai vu trois ou quatre autocars qui se

 10   rendaient vers Zvornik. Ils étaient pleins de gens qui se rendaient vers

 11   Zvornik.

 12   Q.  Est-ce que vous aviez des informations sur des prisonniers, des hommes

 13   prisonniers musulmans dans Bratunac qui seraient emmenés à Zvornik à ce

 14   moment-là ? Est-ce qu'il s'agissait des mêmes autocars ou d'autres autocars

 15   ?

 16   R.  Les autocars dont je viens de parler sont des autocars qui se rendaient

 17   vers Zvornik en provenance de Konjevic Polje-Drinjaca-Zvornik. Lorsque je

 18   suis arrivé à Bratunac le soir du 13 juillet, en provenance du commandement

 19   de la police militaire et de la police militaire, il m'a été dit qu'il y

 20   avait un convoi de Musulmans, cinq ou six autocars, pour autant que je

 21   puisse m'en souvenir, on m'a dit que ce convoi avait pris un itinéraire

 22   différent qui allait également vers Zvornik. Il s'agissait de Bratunac, le

 23   pont au-dessus de Drina-Polim-Zelinje-Drinjaca-Zvornik. C'est une route qui

 24   va vers Zvornik le long de la rivière Drina. Ce n'est pas une route

 25   asphaltée. Il s'agit d'un sentier, mais d'un sentier praticable que l'on

 26   pouvait utiliser.

 27   Q.  Merci pour cette précision. Maintenant, lorsque vous êtes rentré à

 28   Bratunac ce soir-là, quelle était la situation en ville ?


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  1   R.  Je suis rentré à Bratunac aux alentours de midi. A ce moment-là, la

  2   situation à Bratunac était terrible. C'était le chaos. C'est vraiment le

  3   terme approprié. Il y avait beaucoup de problèmes. La situation était telle

  4   qu'il était extrêmement difficile de contrôler quoi que ce soit dans ces

  5   conditions. Il était extrêmement difficile d'organiser quoi que ce soit

  6   dans ces conditions. Lorsque je suis arrivé à Bratunac, à ce moment-là,

  7   toutes les installations de détention étaient plus ou moins pleines dans la

  8   ville, dans toutes les rues du centre de la ville. Egalement, ça

  9   s'appliquait aux bâtiments municipaux à Bratunac et ainsi de suite, et en

 10   d'autres termes, aucune route, route principale ou route secondaire, était

 11   vide. Il y avait des autocars et des camions qui étaient arrêtés. Par

 12   exemple, devant le stade de football, le parking, donc dans la périphérie

 13   de la ville, à 1,5 kilomètres de la ville, on trouvait également des

 14   camions, des autocars avec des personnes qui avaient été amenées de Nova

 15   Kasaba et Koljevic Polje. La situation était vraiment chaotique, et cela en

 16   utilisant des termes qui ne décrivent peut-être pas la réalité dans toute

 17   sa splendeur.

 18   Q.  Pour être précis, lorsque vous parlez de ces autocars et camions et des

 19   personnes qui ont été amenées, il s'agissait de prisonniers, d'hommes

 20   musulmans prisonniers; est-ce exact ? Qui se trouvaient donc à bord de ces

 21   véhicules; est-ce exact ?

 22   R.  Dans l'ensemble, oui -- en fait, non, pas dans l'ensemble, mais dans

 23   100 % des cas, tous ceux qui se trouvaient à bord de ces vieux autocars et

 24   de ces camions étaient des prisonniers qui avaient été capturés sur ces

 25   axes le 13 au cours de la nuit et qui étaient transférés à Bratunac.

 26   Q.  Où encore y avait-il des prisonniers qui étaient détenus à Bratunac ce

 27   soir-là, le soir du 13, en dehors donc des camions et des autocars ?

 28   R.  Pour autant que je le sache, ce soir-là, il y avait également des


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  1   personnes détenues dans l'école primaire Vuk Karadzic et dans un hangar, et

  2   également la salle de sport de cette école primaire. Pour autant que je le

  3   sache, il y avait également une autre école qui abritait des prisonniers.

  4   C'était l'ancienne école secondaire, Djuro Pucar, qui est un bâtiment

  5   ancien, qui se trouvait là avant la guerre, et c'était l'école secondaire

  6   de Bratunac jusqu'à la construction de la nouvelle école secondaire. Dans

  7   ces bâtiments, on trouvait les prisonniers qui étaient détenus et qui

  8   avaient été séparés à Potocari, ou qui avaient été par la suite, étaient

  9   transportés de Konjevic Polje, de Kasaba à Bratunac.

 10   Q.  Et que dire du stade ou du terrain de jeu ?

 11   R.  Pour autant que je le sache, il y avait quelques autocars qui étaient

 12   garés dans la direction du stade. Dans la région -- dans le coin tout de

 13   suite après l'entrée, mais si vous faites référence au terrain lui-même, il

 14   n'y avait pas là de prisonniers. Il y avait des autocars mais les

 15   prisonniers étaient dans les autocars, dans cette partie du stade. Mais,

 16   dans le stade lui-même, sur l'aire de jeu, il n'y avait personne d'après

 17   les informations dont je disposais.

 18   Q.  A ce moment-là, aux alentours de minuit, la nuit du 13 juillet, qui

 19   gardait ces prisonniers, qui était chargé de leur sécurité ?

 20   R.  Je peux vous dire ce qui suit : Je peux faire référence au bâtiment,

 21   c'est peut-être la meilleure description peut-être de ce qui se passait. La

 22   sécurité de l'école Vuk Karadzic était de la responsabilité de la Brigade

 23   de Bratunac, des LMP également, des membres de la sécurité -- du poste de

 24   sécurité publique de Bratunac. Pour ce qui est des autres installations, le

 25   hangar, la salle d'éducation physique, la sécurité était ou incombait à

 26   diverses formations ou Unités de Police. Des policiers du poste de sécurité

 27   publique de Bratunac ou des policiers appartenant à des Unités spéciales,

 28   et il y avait également des policiers de compagnie, des Brigades spéciales,


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  1   plus spécialisées, qui étaient chargées de la sécurité au cours de la

  2   soirée. Je ne sais pas très bien comment cela fonctionnait. Mais ce que je

  3   sais c'est que la police militaire, des membres de la police militaire, des

  4   membres de la police civile, et que différentes structures bénéficiaient de

  5   la sécurité, qu'il y avait également des soldats qui ont bénéficié de la

  6   sécurité et des civils à qui des armes avaient été distribuées, puisqu'il

  7   n'y avait pas suffisamment de personnes chargées de la sécurité. Donc ces

  8   personnes, à qui on avait distribué des armes, étaient chargées de la

  9   sécurité des autocars et des camions qui étaient venus jusqu'à Bratunac.

 10   Donc, dans l'ensemble, tout le monde était disponible, tout le monde

 11   pouvait participer à la sécurité ou être ceux dont la tâche normale et

 12   habituelle est de s'assurer de la sécurité des autres. Ils leur incombaient

 13   de s'occuper de la sécurité des Musulmans qui étaient arrivés à Bratunac

 14   dans des camions ou dans des autocars.

 15   Q.  Avez-vous entendu si des prisonniers ont été exécutés ce soir-là dans

 16   l'un de ces centres de détention de Bratunac ?

 17   R.  Une fois que tout ceci s'est terminé, il s'est écoulé un certain temps

 18   pour ce qui est de cet entretien avec Dragan Mikovic, où j'ai appris que

 19   cette nuit-là, entre le 13 et le 14, il y a eu des exécutions dans les

 20   installations, surtout dans l'installation du hangar et dans la salle des

 21   sports. C'est ce que j'ai appris. Pour ce qui est de l'école primaire Vuk

 22   Karadzic, il n'y a pas eu d'exécution là. Mais dans les deux autres sites,

 23   le hangar et la salle des sports de l'école primaire Vuk Karadzic, c'est là

 24   les endroits où on a fait sortir des personnes pour les exécuter.

 25   En sus de ces exécutions-là, ce que je sais, et j'ai disposé d'information

 26   disant que l'on avait fait sortir des individus, et on a exécuté des gens

 27   pour se venger. On avait ciblé enfin des Serbes qui avaient perdu des

 28   membres de leurs familles, avaient demandé par leur nom et prénom, ou des


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  1   gens appartenant à des familles dont on savait que d'autres membres de la

  2   famille avaient tué des leurs.

  3   Donc j'ai eu à savoir que des individus, pour se venger, avaient fait

  4   sortir certains Musulmans, pour les emmener, pour les sortir des autocars

  5   afin de les exécuter, et ce, pour se venger.

  6   Q.  Fort bien, merci. Vous nous avez décrit la situation cette nuit-là, et

  7   vous avez commencé à nous parler de la nécessité de rencontrer le colonel

  8   Beara. Alors qu'est-ce qui s'est passé ? Est-ce que vous avez bel et bien

  9   rencontré ce colonel Beara ?

 10   R.  Si j'ai bien compris votre question, c'est celle de savoir si j'ai

 11   rencontré le colonel Beara. La chose est déjà expliquée, tant  la réunion

 12   que son évolution. Alors, si vous me demandez si j'ai rencontré Beara après

 13   mon retour de Zvornik, c'est une autre chose.

 14   Q.  Oui, justement, c'est cela la question.

 15   R.  Je vous ai déjà dit que j'étais revenu vers midi. Je suis allé à

 16   l'hôtel Fontana, où se trouvait le colonel Beara, et j'ai présenté mon

 17   rapport au colonel Beara, pour lui dire que j'étais allé à Zvornik, et que

 18   j'avais exécuté les ordres, ses ordres.

 19   Q.  Que s'est-il passé ensuite ?

 20   R.  Une fois que je lui ai dit que j'avais exécuté ses ordres, le colonel

 21   Beara a demandé à ce que je l'emmène, à ce que je l'accompagne jusqu'au

 22   bureau du SDS à Bratunac. Fontana et le bureau du SDS, ce n'est pas très

 23   loin l'un de l'autre. On s'est levé, on a quitté l'hôtel Fontana pour aller

 24   jusqu'au bureau du SDS. Arrivé là-bas, j'ai trouvé enfin on a trouvé au

 25   bureau du SDS, Miroslav Deronjic, le colonel Vasic, et j'étais arrivé moi-

 26   même avec le colonel Beara dans ces locaux-là.

 27   Q.  Et plus, vous parlez de Dragomir Vasic ?

 28   R.  Le colonel Dragomir Vasic, le chef du centre, était présent, à cette


Page 24677

  1   réunion.

  2   Q.  Que s'est-il passé ensuite ?

  3   R.  Une fois arrivé dans ces locaux - et je précise, pour les Juges de la

  4   Chambre, que ces locaux, ça se compose deux bureaux - il y avait un bureau

  5   où il y avait une table avec plusieurs chaises pour qu'on puisse s'y

  6   installer, et l'autre salle, c'est une petite salle où il y avait une toute

  7   petite table et quelques petites chaises aussi. Alors je suis arrivé avec

  8   le colonel Beara. Miroslav Deronjic nous a accueillis dans ce bureau, et

  9   j'ai dit à Miroslav Deronjic -- j'ai dit à Deronjic : Ça, c'est mon chef de

 10   l'état-major, le colonel Beara, et eux, ils sont allés dans ce bureau. Moi,

 11   je suis resté dans le bureau de l'accueil. Entre le bureau de l'accueil et

 12   le bureau de Deronjic, il y avait un mètre ou un mètre et demi au plus.

 13   Donc c'est tout petit comme local. Alors ils ont commencé à s'entretenir,

 14   ils ont commencé à se disputer. Le colonel Beara a dit qu'il avait reçu des

 15   instructions de la part de son chef à lui, au sujet de ce qu'il fallait

 16   faire avec les prisonniers. Miroslav Deronjic, lui, se référait aux

 17   instructions données par son chef, le président Karadzic, disant que son

 18   chef, à lui, avait dit ce qu'il convenait de faire avec ces prisonniers-là.

 19   Alors, pour les besoins des Juges de la Chambre, je suis tenu d'expliquer

 20   une chose parce que je sais que c'est contradictoire, mais je raconte les

 21   choses telles qu'elles se sont passées. Le colonel Beara m'avait envoyé à

 22   Zvornik pour dire que les prisonniers devaient aller à Zvornik. Ça c'est

 23   passé lorsque je suis arrivé au centre-ville et lorsque j'ai reçu mes

 24   ordres. Maintenant une fois que je suis retourné au bureau du SDS, le

 25   colonel Beara insiste à cette réunion-là pour que les prisonniers restent à

 26   Bratunac. Pourquoi tout ceci s'est-il passé ? Etant donné que j'étais

 27   officier de permanence dans la journée du 12 et je sais comment les ordres

 28   ont été donnés, et je l'étais jusqu'au 13, donc je le dis pour les Juges de


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  1   la Chambre, les décisions au fil de ces deux journées-là, et en particulier

  2   le 13, ont changé et ont évolué à telle vitesse. Parce que vous receviez

  3   maintenant un ordre au bout d'une demi-heure, il y avait un rectificatif de

  4   l'ordre, une correction de faite, et un autre ordre vous arrivait, et en

  5   terme simple, c'est la situation telle qu'elle se présentait à Bratunac, à

  6   ce moment-là, en particulier le 13, lorsqu'il y a eu beaucoup de problèmes.

  7   Miroslav Deronjic, lui, insistait pour dire qu'il avait reçu des

  8   instructions disant que tous les prisonniers se trouvant à Bratunac

  9   devaient être transférés à Zvornik. Alors, d'abord, ils se sont disputés.

 10   Ils ont proposé les opinions de l'un à celles de l'autre, puis ils se sont

 11   assis à table. Miroslav a sorti des verres, et ils ont -- il a servi à

 12   boire et ils se sont mis à discuter de façon plus posée. Alors je l'ai déjà

 13   dit dans tous mes témoignages jusqu'à présent. Le 13 au soir vers midi ou

 14   midi et -- entre midi et midi et demi, là où il y a eu cette réunion, le

 15   statut ou si vous préférez le sort des prisonniers était absolument

 16   sécurisé, plus personne ne posait la question de savoir ce qu'il fallait

 17   faire avec les prisonniers. D'après ce que j'ai appris, il a été question

 18   de façon tout à fait ouverte. Il a été dit qu'ils seraient exécutés ces

 19   prisonniers. La question qui se posait c'était de savoir s'il fallait les

 20   exécuter à Bratunac ou si on allait les exécuter à Zvornik. Et c'est là

 21   qu'il y a eu cette dispute. Miroslav Deronjic insistait avec ténacité et

 22   obstination. Il disait qu'il avait assez de problèmes à Bratunac. Il ne

 23   voulait aucune exécution à Bratunac. Il ne voulait pas que quoi que ce soit

 24   se passe là, et c'est la raison pour laquelle il insistait tant. Au final,

 25   ils sont tombés d'accord. A la fin de la réunion, ils ont tous accepté que

 26   les prisonniers soient transférés le lendemain à Zvornik vers la zone de

 27   responsabilité de la Brigade de Zvornik.

 28   En sus de ces questions-là que je viens d'évoquer, il a été également


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  1   discuté toute une série d'autres choses pour ce qui est de la solution des

  2   problèmes courants à Bratunac d'assurer la sécurité des prisonniers, vis-à-

  3   vis des périls qui menaçaient s'ils sortaient des autocars, des camions, et

  4   cetera. C'étaient des questions liées à la sécurité des gens et on en a

  5   discuté pour se concerter sur la façon dont les choses devaient être

  6   résolues afin que tout se passe en sécurité, c'est cela qui a été abordé

  7   encore à cette réunion-là.

  8   Q.  Bon. Je voudrais que les choses soient dites de façon extrêmement

  9   claire. Vous avez déjà témoigné à ce sujet. Qu'a dit au juste Miroslav

 10   Deronjic ? Quelles étaient les instructions qu'il avait reçues du président

 11   Karadzic au sujet des prisonniers ?

 12   R.  Miroslav Deronjic avait affirmé qu'il avait reçu des instructions

 13   disant que la totalité des prisonniers de Bratunac, tous ceux qui se

 14   trouvaient à Bratunac devaient quitter Bratunac le lendemain. Ça c'est sur

 15   ce point que Miroslav Deronjic avait insisté. Il a dit : J'ai reçu des

 16   instructions de la part du président Karadzic, disant que les prisonniers

 17   de Bratunac devaient être transférés à Zvornik, et Deronjic a enchaîné pour

 18   dire qu'il ne voulait pas que des exécutions ou des tueries aient lieu à

 19   Bratunac, et qu'il avait suffisamment de problèmes comme cela et qu'il n'en

 20   voulait pas davantage. C'est ce que j'ai entendu de sa bouche au sujet des

 21   prisonniers.

 22   Q.  Merci.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour être tout à fait clair, Monsieur

 24   Nikolic, dans votre témoignage antérieur, les éléments de témoignage, qui

 25   ne sont pas versés au dossier dans cette affaire, alors vous devrez

 26   probablement vous répéter. Mais sur quoi a donc insisté Beara ? Je ne suis

 27   pas du tout sûr que vous ayez évoqué la chose.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] M. Beara, à cette réunion-là, à la différence


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  1   des ordres qu'il m'avait donnés à moi, vers 8 heures et demie, lorsqu'il

  2   m'avait dit qu'il serait tous transférés à Zvornik, et que je devais

  3   informer Drago Nikolic de la chose, afin qu'il assure ce qu'il fallait,

  4   enfin le nécessaire. A cette réunion-là, il avait insisté pour que ces

  5   prisonniers-là soient gardés à Bratunac, et ce que je vous ai dit

  6   jusqu'ici, parce que je sais qu'il y a une différence, une divergence.

  7   C'est contraire l'un à l'autre. L'un exclut l'autre. Alors, à cette

  8   occasion, il insiste pour qu'on les garde à bon nombre, puis par la suite -

  9   - non, à l'occasion de la première réunion, il avait insisté pour qu'on les

 10   envoie à Zvornik; et la deuxième fois, il insiste pour qu'on les garde à

 11   Bratunac. Ça c'est contradictoire. Mais, moi, je vous dis ce qui s'est

 12   passé là-bas. Je sais que l'un est contradictoire par rapport à l'autre,

 13   mais je sais aussi que je vous dis la vérité.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois intervenir pour le compte rendu. Ce que

 15   le témoin a dit c'est que "c'était contradictoire." Il a aussi dit que l'un

 16   exclut l'autre, or ça n'a pas été consigné.

 17   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demanderaient à ce que M. Karadzic parle

 18   dans son micro.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Est-ce que vous avez dit que

 20   Beara vous avait dit que ces soldats devaient rester à Bratunac ? Est-ce

 21   qu'il a utilisé ce terme "les soldats" ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Les prisonniers. J'ai dit les

 23   prisonniers. J'ai peut-être fait un lapsus. Il a été question des

 24   prisonniers se trouvant à Bratunac. La totalité des prisonniers, parmi eux

 25   il y avait, bien sûr, des soldats aussi.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais attirer l'attention de tout un

 27   chacun sur le fait que les prisonniers et les personnes détenues, les

 28   captifs ce n'est pas pareil.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. Nous avions entendu le mot de

  2   "soldats." "Soldiers." Alors, ce n'est pas pareil.

  3   Veuillez continuer, Monsieur Nicholls.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation]

  5   Q.  Bien. Vous nous avez dit qui s'était tombé d'accord au final à cette

  6   réunion. Alors que s'est-il passé ensuite ? qu'avez-vous entrepris vous-

  7   même, suite aux événements que vous venez de nous décrire ?

  8   R.  Après cela, il était tard. Je me suis rendu au commandement de la

  9   Brigade de Bratunac, et le commandement de la Brigade de Bratunac, eh bien,

 10   là il y avait des collègues dans la salle des opérations et certains

 11   étaient présents, et je leur ai dit que nous avions devoir travailler

 12   jusqu'aux premières heures de l'aune, et je leur ai dit que j'avais des

 13   informations selon lesquelles ces prisonniers et tous ceux qui étaient à

 14   Bratunac, tous les Musulmans, devraient être transférés dans la région sous

 15   la responsabilité de la Brigade de Zvornik dans les jours qui suivaient.

 16   Q.  Bien, passons au jour suivant, c'est-à-dire le 14 juillet, et dites-

 17   nous ce qui s'est passé avec les prisonniers.

 18   R.  Le lendemain, conformément avec ce qui avait été prévu le jour suivant,

 19   au cours de la matinée, les autocars ont commencé à arriver, il y avait

 20   également quelques camions. Dans la colonne ainsi formée, il y avait des

 21   camions qui venaient de cette direction, et ceux qui étaient déjà à bord de

 22   ces camions y sont restés et ont simplement rallié la colonne.

 23   Aux premières heures du 14 -- ou le matin du 14, ceux qui étaient

 24   détenus dans les bâtiments ou les installations sont montés à bord des

 25   camions. Cette colonne était menée par un APC conduit par Mirko Jankovic et

 26   également par le commandant de la section. Le convoi faisait environ un

 27   kilomètre ou un kilomètre et demi. Ceux qui ont été capturés le 12 et tous

 28   ceux qui avaient été faits prisonniers et amenés à Bratunac le 13, tous se


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  1   sont rendus à l'AOR de la Brigade de Zvornik le 14.

  2   Q.  Si vous savez ce qu'il en était de l'escorte ou des gardes qui

  3   escortaient ces transports, s'agissait-il de la police militaire, de la

  4   Brigade de Bratunac, ou qui en fait s'est chargé de l'escorte de ce convoi

  5   de prisonniers le 14 ?

  6   R.  L'escorte du convoi, c'est-à-dire donc les autocars et les camions et

  7   toutes les personnes qui étaient à bord de ces autocars et de ces camions,

  8   bénéficiait des mêmes détails de sécurité. Certains des policiers

  9   militaires qui étaient disponibles ont participé à la sécurité de ce convoi

 10   ainsi que certains membres de la police civile. Il y avait également ceux

 11   qui s'étaient chargés de garder les camions qui se trouvaient à l'extérieur

 12   de ces installations. Donc cela incluait des membres de la police

 13   militaire, de la police civile, des soldats, et même également des civils

 14   qui étaient armés. Et ils ont tous escorté ceux qu'ils avaient gardés la

 15   nuit précédente. Et c'est ainsi que l'escorte du convoi était organisée. La

 16   colonne était conduite par un APC conduit lui-même par un commandant de la

 17   police militaire et l'APC appartenait au Bataillon néerlandais.

 18   Q.  Merci. Je vais maintenant passer à autre chose et vous parler de

 19   quelque chose qui s'est produit quelques jours plus tard, après le 14, à

 20   savoir le problème du personnel local de la FORPRONU et des organisations

 21   internationales présentes dans l'enclave.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher la pièce

 23   65 ter 02123, s'il vous plaît ?

 24   Q.  Ce n'est pas très lisible, mais je pense que vous connaissez ce

 25   document qui émane du commandement et de l'instance de renseignement de la

 26   Brigade d'Infanterie légère de Bratunac en date du 18 juillet 1995,

 27   situation dans la région de Srebrenica.

 28   Si nous pouvions maintenant descendre un petit plus bas dans le document.


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  1   En bas à gauche pour la version serbe.

  2   Est-ce que vous pouvez voir votre nom figurant en bas de cette page ?

  3   R.  Oui, effectivement, je vois mon nom.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation] Y a-t-il une autre page sur le prétoire

  5   électronique pour la version B/C/S ? Si tel est le cas, pourrions-nous

  6   passer à la page suivante ?

  7   Q.  Il y a une transcription manuelle de ce même document, comme vous

  8   pouvez le voir, Monsieur. Pourriez-vous nous dire pourquoi est-ce qu'il y a

  9   deux versions de ce document, donc une version manuelle et l'autre tapée à

 10   la machine ?

 11   R.  Je dois là vous corriger. Il n'y a pas deux versions. Il existe une

 12   seule version. C'est ainsi que des documents comme celui-ci étaient

 13   envoyés. Vous, opérationnel, vous envoyez le rapport, vous l'écrivez à la

 14   main, vous l'envoyez au centre de communication, qui se charge de le taper

 15   et de l'envoyer. Ensuite vous recevez votre document écrit à la main et la

 16   version tapée à la machine. C'est là la procédure habituelle lorsque vous

 17   envoyez un rapport à votre commandement hiérarchique ou à ceux qui étaient

 18   les destinataires de ce genre de rapport.

 19   Ce rapport était néanmoins particulier. J'ai dit hier que dans mon bureau

 20   il y avait le colonel Jankovic qui partageait le bureau avec moi et qui

 21   travaillait pour l'administration des renseignements de l'état-major

 22   principal. Tous deux nous envoyions en général toutes les informations à

 23   notre commandement hiérarchique ensemble. Ce qui veut dire en termes

 24   pratiques que lorsque nous avions suffisamment d'informations, nous nous

 25   asseyions pour préparer un brouillon de ce sur quoi nous voulions faire un

 26   rapport. Ce n'est pas là mon écriture. Le colonel Jankovic a écrit ce

 27   rapport à la main, et une fois cela fait, je l'ai pris et dans la mesure où

 28   il s'agissait du QG de ma brigade, je l'ai emmené au centre de


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  1   communication pour qu'il soit envoyé. Cela s'est fait automatiquement. La

  2   personne au le centre de communication a tapé ce texte et l'a envoyé en

  3   mettant également mon nom sur le rapport. Donc vous avez le texte du

  4   colonel Jankovic avec mon nom dans la partie signature. C'est là

  5   l'explication.

  6   Q.  Merci pour cette explication. Si vous regardez le bas de ce document --

  7   si l'on pouvait passer à la page suivante de la version B/C/S, s'il vous

  8   plaît.

  9   Il y a une question concernant le personnel local et les organisations

 10   internationales, et il est dit :

 11   "Pourriez-vous me dire quelle est votre position concernant l'autorisation

 12   d'évacuation des organisations internationales, Médecins Sans Frontières,

 13   et comment en fait faire avec ce que l'on appelle le personnel local ? Ceci

 14   s'applique également aux interprètes des militaires et de la FORPRONU. La

 15   sécurité régionale de l'Etat, RDB, nous a fait connaître un avis, le

 16   président Karadzic aurait déjà aboli tout le personnel local utilisé par la

 17   FORPRONU. Nous considérons qu'il ne devrait pas être maintenu."

 18   Mais avant tout, qu'est-ce que ce que signifie "personnel local" lorsqu'il

 19   s'agit d'organisations internationales ?

 20    R.  Le terme de "personnel local," lorsqu'il s'agit d'organisations

 21   internationales, y compris le Bataillon néerlandais, parce qu'il y avait

 22   également des personnes de la communauté locale de Srebrenica qui

 23   travaillaient pour le Bataillon néerlandais, ceci incluait essentiellement

 24   le personnel technique, et plus particulièrement, les personnes chargées de

 25   la maintenance comme les plombiers, les électriciens, les mécaniciens et

 26   différents types d'artisans et des travailleurs qui s'occupaient de la

 27   maintenance des bâtiments ou de l'aspect technique.

 28   Lorsque nous avons soulevé cette question, nous avions à l'esprit les


Page 24685

  1   personnes qui travaillaient avec la FORPRONU, le CICR, l'UNHCR -- et je ne

  2   sais pas si j'oublie quelqu'un. Oui, en fait, les observateurs militaires.

  3   Oui, il s'agissait donc de Musulmans de l'enclave de Srebrenica, et nous

  4   avons demandé ce que nous devions faire avec eux.

  5   Donc vous voyez quelle était la situation, nous pensions qu'il ne fallait

  6   pas les garder prisonniers mais leur permettre de partir avec ceux qui les

  7   employaient.

  8   Q.  Juste cette phrase :

  9   "La RDB" --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, si vous permettez. Est-ce

 11   que l'on pourrait demander au témoin de lire cette phrase ?

 12   Pourriez-vous lire cette phrase commençant par "la RDB."

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] "La RDB nous a fait connaître la position qui

 14   serait celle du président Karadzic, qui avait donc accordé son pardon à

 15   tout le personnel local travaillant pour la FORPRONU. Nous étions d'avis

 16   qu'ils ne devaient pas être détenus."

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Oui, Monsieur Nicholls, la parole est à vous.

 19   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci --

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une intervention concernant le transcript. Le

 21   témoin a dit que les observateurs internationaux avaient également du

 22   personnel sur place, est-ce que cela inclut les observateurs internationaux

 23   ou seulement le personnel local qui travaillait pour eux ?

 24   M. NICHOLLS : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce n'était pas le moment approprié

 26   d'intervenir, Monsieur Karadzic, ce n'est pas une question de traduction.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Monsieur Nikolic, la dernière phrase que vous venez de lire, lorsque


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  1   vous avez écrit cela -- ou plutôt, excusez-moi, lorsque le colonel Jankovic

  2   l'a écrit et que ce texte a donc été envoyé, que signifie cela, que le

  3   président Karadzic a accordé son pardon à tout le personnel local, qu'avez-

  4   vous compris ?

  5   R.  Je n'ai pas eu d'interprétation.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous m'entendez maintenant,

  7   Monsieur Nikolic ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation]

 10   Q.  Donc je repose ma question, Monsieur Nikolic. Excusez-moi.

 11   Lorsque cette dernière phrase a été rédigée par Jankovic, et envoyée,

 12   quelle a été la signification de cela ? Comment avez-vous compris cela, que

 13   le président Karadzic aurait pardonné ou gracié l'ensemble de ce personnel,

 14   le personnel local ?

 15   R.  Ecoutez, je ne sais pas ce que vous cherchez comme explication, quelle

 16   partie de cette phrase.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais vous expliquer, Monsieur

 18   Nikolic. En anglais, on a dit pour la première fois que "le président

 19   Karadzic aurait accordé le pardon au personnel local," et lorsqu'on a lu la

 20   version écrite, on a lu "aboli." Donc je ne sais pas quelle est la

 21   différence entre "pardonner," accorder son pardon,  et "abolir," mais c'est

 22   peut-être de là que vient la confusion.

 23   Est-ce que vous souhaitez réagir, Monsieur Nikolic ? Est-ce que vous voulez

 24   nous dire quelque chose à ce sujet ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr, maintenant, je comprends très

 26   bien ce qui pose problème.

 27   Je ne vais pas maintenant rentrer dans l'explication du sens du "pardon

 28   accordé" ou "abolition" dans mon Etat, mais dans ma langue, d'après ce que


Page 24687

  1   je vois ici, cela veut dire que le service de la Sûreté de l'Etat a fait

  2   savoir que M. Karadzic aurait libéré ces gens-là, qu'il ne fallait pas les

  3   garder en détention et qu'il ne fallait pas les séparer du reste. Si ça

  4   avait été le contraire, on aurait séparé ces gens-là, et ils ne seraient

  5   pas partis avec les forces de la FORPRONU ni avec ceux pour qui ils

  6   travaillaient. Donc ça c'était une chose. Alors, vu qu'il y a des

  7   différences linguistiques, je vais ajouter quelque chose, peut-être que

  8   cela va encore préciser les choses. Dans mon Etat, là où je vis, peut-être

  9   - non pas peut-être, mais certainement - enfin, c'est quelque chose qui a

 10   été rédigé par le colonel Jankovic, le terme "abolition," "gracier," cela

 11   concerne quelqu'un qui a déjà été condamné, or, là, nous avons affaire à

 12   des gens qui n'avaient jamais été condamnés, il ne s'agissait pas de les

 13   gracier. Tout simplement, il fallait donner la possibilité à ces gens-là de

 14   quitter le territoire de l'enclave de Srebrenica ensemble avec ceux pour

 15   qui ils travaillaient. Donc il n'y avait pas lieu de gracier, puisqu'ils

 16   n'avaient jamais fait l'objet d'une condamnation. C'était simplement des

 17   employés des organisations internationales. Alors je ne sais pas si cela

 18   est devenu un peu plus clair, maintenant, mais, dans tous les cas, cela ne

 19   signifiait pas ce que l'on voit ici dans la version anglaise.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation]

 21   Q.  Je vous remercie. Je vais changer de sujet.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Il sera versé au dossier.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P4390.

 25   M. NICHOLLS : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur, je vais vous demander, maintenant, de nous parler de toute

 27   opération dont vous seriez au courant et qui aurait consisté à déplacer les

 28   corps de Musulmans tués après la chute de Srebrenica, donc de toute


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  1   opération de ré ensevelissement.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste une question de suivi, Monsieur

  3   Nicholls. L'évaluation qui a été donnée par l'Accusation pour

  4   l'interrogatoire principal de ce témoin était de neuf heures; est-ce que

  5   vous avez fini cela ?

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] J'en aurai terminé assez rapidement,

  7   Monsieur le Président. En fait, je ne sais pas exactement combien de temps

  8   il me reste, mais il faudrait moins d'une heure.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que vous avez utilisé à peu

 10   près six heures en gros. Veuillez poursuivre.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce qui intéresse la Chambre,

 12   Monsieur Nicholls. A ce sujet, je pourrais vous dire beaucoup de choses. Je

 13   sais exactement comment cette opération s'est déroulée.

 14   M. NICHOLLS : [interprétation]

 15   Q.  Alors je vais vous poser ma question de la manière suivante : A partir

 16   du mois de septembre 1995, est-ce que, de la part de lieutenant-colonel

 17   Vujadin Popovic, vous avez reçu des ordres à cet effet, ou est-ce que vous

 18   en avez parlé avec lui ?

 19   R.  Oui. C'était à peu près en septembre 1995. Ma brigade et moi-même avons

 20   reçu une visite. C'est donc le lieutenant -- le lieutenant-colonel Vujadin

 21   Popovic du Corps de la Drina, qui est venu nous voir du commandement, et il

 22   nous a dit que l'état-major principal avait ordonné de déplacer les restes

 23   des Musulmans qui avaient été ensevelis à Glogova dans des charniers qui se

 24   situent là-bas, donc de déplacer le reste à d'autres sites dans -- situés

 25   sur le territoire de la municipalité de Srebrenica, puisque Glogova se

 26   situe dans la municipalité de Bratunac.

 27   Q.  Est-ce que cet ordre a été exécuté, l'ordre de les déplacer ?

 28   R.  Oui. Cet ordre a été exécuté. Dans ma brigade, on a appelé cette


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  1   opération l'assainissement, et cette opération de déplacement s'est passée

  2   conformément à l'ordre de l'état-major principal.

  3   Q.  Quelles sont les instances qui ont pris part à cela ? La VRS, le MUP,

  4   la protection civile ? Quels organes, quelles instances ?

  5   R.  Parmi -- ou plutôt, à partir des lignes [inaudible], donc lorsqu'on a

  6   décidé de déplacer ces corps jusqu'au moment où cela a été fait, je peux

  7   vous énumérer plusieurs instances qui y ont pris part. Donc, il y a eu

  8   participation -- la participation de la -- du pouvoir exécutif, pour

  9   l'essentiel, politique exécutif de Bratunac. Donc le Conseil exécutif, son

 10   président, le président de la municipalité et le chef du MUP, ensuite.

 11   Alors, y ont pris part des représentants -- des entreprises qui comptaient

 12   des engins de terrassement, des tractopelles ou d'autres engins qui

 13   pouvaient creuser.

 14   Ensuite, l'entreprise Rad Bratunac, l'entreprise de services publics,

 15   entreprise d'Etat, briqueterie de Bratunac. Ensuite, de Srebrenica,

 16   plusieurs entreprise : Les engins de l'entreprise Radnik qui est une

 17   entreprise du bâtiment; ensuite, les engins des mines Sase ainsi que leurs

 18   camions, des camions de l'"Autotransport" de Srebrenica. Je ne sais pas si

 19   j'en oublie. Il me semble que je les ai tous énumérés. Donc ça, c'est pour

 20   ce qui est des entreprises. En d'autres parts, nous avons les structures

 21   militaires. La Brigade de Bratunac s'est vue confier cette mission puisque

 22   les charniers se trouvent dans la zone de responsabilité de cette Brigade.

 23   La police militaire de la Brigade de Bratunac y a pris part. Ensuite, pour

 24   sécuriser la route Konjevic Polje-Bratunac, Bratunac-Ljubovija, elle a --

 25   donc elle a été chargée de cela. Ensuite, la police civile au poste de

 26   sécurité publique de Bratunac chargée exactement des mêmes missions que la

 27   police militaire, donc de sécuriser ces voies de communication : Bratunac-

 28   Konjevic Polje et Bratunac-Ljubovija, et de faire dévier la circulation,


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  1   donc de réorienter la circulation vers d'autres voies de communication.

  2   Pour ce qui est du camp de la Drina, le 5e Bataillon du Génie y a pris part

  3   avec ses engins, et il faut savoir une chose importante. Le carburant

  4   nécessaire à cette opération a été mis à la disposition par le commandement

  5   du Corps de la Drina à deux reprises, il me semble, vers cinq tonnes pour

  6   une première fois et deux tonnes et demie de carburant une deuxième fois.

  7   L'ensemble de ces actions ont été précédées de réunions, réunions tenues

  8   dans la municipalité de Bratunac, dans les bureaux du chef de l'exécutif

  9   local qui s'est engagé d'assurer la partie qui ne relevait pas, donc, de --

 10   qui n'était pas du ressort militaire, donc de se charger de prendre contact

 11   avec les chefs des entreprises pour qu'il mette à la disposition de

 12   l'opération les engins nécessaires. Donc, à partir du mois de septembre,

 13   donc, elle a duré à peu près deux mois avec interruption -- donc deux mois,

 14   pour l'essentiel.

 15   Au départ, lorsqu'elle a commencé, il -- elle était censée être une

 16   opération secrète. C'est ce que je savais. J'étais au courant de cela. Mais

 17   compte tenu du nombre de participants et compte tenu du nombre, donc, de

 18   salariés des services publics, de la police militaire, police civile, de

 19   l'ensemble des structures civiles, compte tenu de tous ces camions, engins

 20   de terrassement, tractopelles, ULT qui ont été pris dans les différentes

 21   entreprises du bâtiment et autres, à aucun moment, dans aucun de ces

 22   segments cette opération n'a pu être secrète, malgré l'intention initiale.

 23   Donc cela n'a pas été une action secrète. Tout le monde savait que cette

 24   opération a eu lieu. Voilà. En bref, c'est ce que je pourrais vous dire.

 25   Après, je suis à votre disposition pour vous donner plus de détails,

 26   s'il le faut.

 27   Q.  Merci. Je vais vous montrer un document.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] 65 ter 02084. La première page, s'il vous


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  1   plaît. 

  2   Q.  Nous allons voir s'afficher la traduction dans un instant. Il est

  3   question, donc, de rapports de réunion de la 1ère Brigade d'Infanterie

  4   légère de Bratunac.

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

  6   Q.  Dites-nous si vous reconnaissez ce document, M. Nikolic -- ou plutôt,

  7   ce livre.

  8   R.  Oui. Ces sont des rapports qui ont été rendus lors des réunions de ma

  9   réunion de la 1ère Brigade légère de Bratunac.

 10   Q.  Comment est-ce que ce livre a-t-il été utilisé ? Quelle en a été la

 11   finalité ou qui a pris des notes ?

 12   R.  Alors les procès-verbaux des réunions de toutes les unités, de la

 13   mienne, y compris, étaient tenus pour garder une trace de ce qui a fait

 14   l'objet de réunion, de quoi on a parlé, et il s'agissait surtout du

 15   commandement au sens strict du terme de la brigade, donc commandant avec

 16   ses associés les plus proches, et en fonction des problèmes traités des

 17   commandants de bataillons, d'autres unités pouvaient venir prendre part à

 18   la réunion, donc si en fonction du sujet. Donc c'est un document qui -- un

 19   document que l'on tient régulièrement, qu'on établit régulièrement dans une

 20   brigade et un procès-verbal est toujours établi suite à chacune des

 21   réunions de ce type-là tenue dans la brigade.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nikolic, à l'attention des

 23   interprètes, je vous demande de bien vouloir vous rapprocher du microphone.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi.

 25   M. NICHOLLS : [interprétation]

 26   Q.  Page 11 en anglais, s'il vous plaît; 24 en B/C/S.

 27   Nous voyons qu'il s'agit d'une réunion de travail des commandants avec le

 28   commandement de la brigade, et commandants de bataillons, le 16 octobre


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  1   1995. C'est le colonel Blagojevic qui s'exprime.

  2   Je crois que l'on nous montre la fin de chacune des pages d'une

  3   réunion qui s'est terminée à 10 heures du matin. Nous voyons que le nom

  4   Nikolic figure dans ce procès-verbal. Est-ce que vous pouvez nous dire s'il

  5   s'agit de vous-même ou de quelqu'un d'autre ?

  6   R.  Oui, ce procès-verbal est issu d'une réunion dans ma brigade. Le

  7   Nikolic en question c'est bien moi-même.

  8   Q.  Nous voyons quels sont les trois points que vous auriez dits et c'est

  9   le troisième qui nous intéresse. En anglais, il se lit comme suit :

 10   "Actuellement nous travaillons sur des missions données par l'état-major

 11   principal de l'armée de la Republika Srpska. Assainissement. Mesures

 12   d'assainissement."

 13   Est-ce que c'est ce qui est dit dans votre version ? Vous pouvez donner

 14   lecture de cela.

 15   R.  "Actuellement nous sommes employés sur des missions confiées par

 16   l'état-major principal de la VRS (Assainissement)."

 17   Q.   Donc, dans votre langue, on parle de "asanacija;" c'est bien ça le mot

 18   ? L'ai-je bien prononcé ?

 19   R.  Si, si, parfaitement.

 20   Q.  Alors qu'est-ce que cela vous dit ? De quelle mission il s'agit ? De

 21   quelle tâche ?

 22   R.  Si vous m'interrogez sur ce que je viens de lire. Alors, lors de cette

 23   réunion, j'ai rendu compte à mon commandant que j'étais employé à ce

 24   moment-là, donc j'entends par là également la police militaire, parce que,

 25   lorsque le chef de la police militaire n'était pas présent, généralement je

 26   présentais aussi leurs activités donc j'ai informé mon commandant du fait

 27   que j'étais en train d'exécuter les missions confiées par l'état-major

 28   principal. Donc cela concerne l'assainissement, et je vous ai déjà dit que


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  1   cette opération de déplacement de Glogova était mené, était traité dans ma

  2   brigade sous le titre : "Assainissement."

  3   Q.  Donc, pour que ce soit tout à fait clair, il s'agit de l'opération de

  4   déplacement de Glogova.

  5   R.  Ce point que je viens de lier concerne cette question-là, oui, que vous

  6   avez évoquée, et la note en tout aborde beaucoup de questions. Mais le

  7   point que nous venons de voir à l'instant concerne effectivement le

  8   déplacement de Glogova.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

 10   Peut-être de la page de garde, je demande le versement de cette page-ci.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, de deux pages. Ce sera la cote

 12   suivante, à savoir ce sera la pièce de l'Accusation P4391.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne sais pas si cela vous paraît

 14   acceptable mais je préférerais faire une pause maintenant et revoir mes

 15   notes.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous prenons une heure de pause et

 17   nous reprendrons à 13 heures 25.

 18   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 22.

 19   --- L'audience est reprise à 13 heures 28.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls, je vous en prie,

 21   veuillez poursuivre.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 23   Juges.

 24   Q.  Monsieur Nikolic, nous avons discuté hier au début de votre déposition

 25   de votre plaidoyer de culpabilité au sein de ce Tribunal, vous avez accepté

 26   la responsabilité qui était la vôtre. Permettez-moi de vous poser la

 27   question suivante : Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quels

 28   sentiments vous nourrissez suite aux événements de Srebrenica et au sort


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  1   qui a été réservé aux Musulmans de Bosnie en juillet 1995.

  2   R.  Oui. A chaque fois que je dépose, j'en profite pour exprimer mes

  3   regrets pour tout ce qui s'est passé là-bas. J'ai bien conscience en effet

  4   du fait que des crimes épouvantables ont été commis à Srebrenica, je sais

  5   que des individus ont été tués, que des familles ont perdu leurs fils,

  6   leurs enfants, leurs pères, leurs frères, leurs sœurs, et tout le reste. Je

  7   ressens un sentiment de responsabilité personnelle, et c'est

  8   particulièrement difficile pour moi, parce que je travaillais dans une

  9   école où un grand nombre de ceux qui ont perdu leurs vies étaient éduqués,

 10   et je n'ai tout simplement pas été à même d'aider ceux qui ont perdu leurs

 11   vies là-bas, j'ai manqué de courage. Peut-être ai-je pu en aider certains,

 12   mes amis musulmans, ceux qui étaient mes amis avant la guerre, mais cela

 13   n'a pas été suffisant, et une fois de plus je souhaiterais profiter de

 14   cette occasion qui m'est offerte pour présenter à toutes les familles des

 15   victimes et à toutes les victimes des crimes qui ont été commis là-bas mes

 16   plus sincère excuses.

 17   Je tiens à dire à quel point je suis désolé d'avoir été présent sur

 18   place, d'avoir exécuté les ordres qui m'ont été donnés et à quel point je

 19   regrette d'avoir contribué à la commission des crimes qui ont été commis.

 20   Je tiens encore une fois à présenter mes sincères excuses aux victimes de

 21   ces crimes, et je regrette profondément de ne pas avoir pris la fuite au

 22   moment où il apparaissait si inéluctable que ces choses-là auraient lieu.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser,

 24   Monsieur le Président, à ce stade-ci.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Nicholls.

 26   Monsieur Karadzic, je vous en prie.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour, Monsieur le Président,

 28   Messieurs les Juges. Bonjour à tous.


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  1   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  2   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Nikolic. 

  3   R.  Bonjour, Monsieur Karadzic.

  4   Q.  Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier d'avoir accepté de me

  5   rencontrer ainsi que l'équipe de la Défense, je crois que nous sommes

  6   d'accord les uns comme les autres pour affirmer que nous entendons parvenir

  7   dans toute la meure du possible à la vérité, quelle qu'elle soit, et je

  8   pense que vous nous apporterez votre concours dès lors qu'il s'agit de

  9   parvenir à cet objectif. Une fois de plus, soyez en remercié, Monsieur.

 10   Je souhaiterais que l'on affiche à l'écran la pièce à conviction P4391, un

 11   élément assez récemment présenté, et je vous invite à bien vouloir

 12   télécharger sur le prétoire électronique cette pièce 4391. Ma question est

 13   la suivante : Ces individus serbes et musulmans, les connaissiez-vous, en

 14   connaissiez-vous beaucoup ?

 15   Pardon. Il s'agit en fait de la pièce à conviction 4390. Il s'agit en fait

 16   de la pièce précédente, 4390.

 17   Connaissiez-vous un grand nombre de ces personnes ? Vous nous avez

 18   dit que vous leur aviez donné des cours à certains d'entre eux.

 19   R.  Je n'ai rien là sous les yeux, je ne vois rien apparaître à l'écran.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] 4390, telle est la cote de la pièce. 02123 de

 21   la liste 65 ter.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi ne pas montrer la partie

 25   manuscrite au témoin. Page 3, probablement.

 26   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on faire un gros plan ?

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Voyez-vous la partie qui a trait aux Musulmans blessés, après le 23,

  2   sont restés après l'évacuation organisée par le CICR et ont été remis au

  3   CSB de Zvornik. Date : 23 juillet; est-ce que c'est exact ?

  4   R.  Oui, c'est exact.

  5   Q.  Halilovic, Osman est le nom du soldat. Connaissez-vous cet individu ?

  6   R.  Monsieur Karadzic, je connaissais beaucoup de personnes répondant au

  7   nom de Halilovic à Bratunac et Srebrenica. Je ne vous cacherai pas que je

  8   ne sais pas si je connaissais ce Halilovic-là, mais je puis vous dire que

  9   je connaissais beaucoup de gens dans la région de Bratunac et de

 10   Srebrenica.

 11   Q.  Merci. Vous souvenez-vous quel âge avait cet individu répondant au nom

 12   de Halilovic auquel il fait référence dans ce rapport ?

 13   R.  Il faut que je vous dise une chose, et je m'adresse aux Juges de la

 14   Chambre, il s'agit de ce Halilovic auquel on fait référence dans le

 15   rapport. Mais il y a aussi un rapport écrit qui ne concerne que lui et que

 16   j'ai remis au commandement du Corps de la Drina, c'est un homme qui a une

 17   quarantaine d'années, peut-être plus jeune encore même. Je ne veux pas dire

 18   des bêtises, mais je sais exactement de qui il s'agit, et je sais ce qui

 19   lui est arrivé.

 20   Q.  A-t-il été arrêté et remis au CSB de Zvornik dans la zone de

 21   responsabilité de votre brigade; est-ce exact ?

 22   R.  Non, ce n'est pas exact, il n'a pas été arrêté. Il a été blessé,

 23   c'était un des blessés à qui l'on a fourni un logement au centre sanitaire

 24   de Bratunac, puis les responsables du CSB l'ont pris en charge. Il figurait

 25   sur leur liste et il était décrit comme auteur d'un crime de guerre. Et les

 26   agents opérationnels de la sécurité d'Etat de Zvornik l'ont pris en charge

 27   et ont continué de traiter son dossier en quelque sorte au centre de

 28   Zvornik.


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  1   Q.  Fort bien. Que s'est-il passé ensuite ? Vous ne le savez pas ?

  2   R.  Oui, bien entendu que je le sais. Osman Halilovic a été interrogé. Je

  3   ne sais pas quel a été l'issue du traitement qui lui a été réservé, mais

  4   quoi qu'il en soit, si les informations dont je dispose sont exactes, il a

  5   été présenté aux autorités judiciaires.

  6   Q.  Merci pour ces informations. Nous allons essayer de trouver les

  7   informations relatives à cette affaire afin que nous sachions exactement de

  8   quel Osman il s'agit. Merci beaucoup.

  9   Vous nous l'avez déjà dit au cours de nos entretiens, vous ne savez pas

 10   grand-chose des questions relatives à la police, mais très brièvement, vous

 11   occupiez un poste important à partir de 1986, un poste qui était lié --

 12   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Vous ne connaissez pas grand-

 13   chose aux événements politiques.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour être précis, dans nos entretiens j'ai dit

 15   que je n'avais pas participé activement aux événements politiques parce que

 16   je ne faisais pas partie des instances législatives ou exécutives, mais

 17   bien entendu s'agissant des événements politiques, puisque j'occupais un

 18   poste dans le domaine du renseignement, j'avais connaissance de nombreux

 19   éléments de ces événements politiques, mais j'ai dit que je n'étais pas un

 20   témoin crédible lorsque l'on me posait des questions politiques parce que

 21   je ne participais pas à la vie politique du pays, et que je n'étais pas

 22   membre d'une organisation politique ou d'une autre -- ou plus précisément,

 23   du SDS qui était au pouvoir à ce moment-là.

 24   En réponse à votre deuxième question, oui, effectivement, en 1986 j'ai

 25   quitté l'école secondaire où je travaillais et j'ai travaillé à l'état-

 26   major de la Défense territoriale, où j'étais commandant adjoint des

 27   services de Renseignements de l'état-major de la Défense territoriale de

 28   Bratunac.


Page 24699

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  J'attends la fin de l'interprétation pour pouvoir vous poser la

  3   question, pourriez-vous en faire de même.

  4   R.  Oui. Je m'efforcerai de le faire.

  5   Q.  Quelle était la discipline que vous enseigniez à l'école secondaire ?

  6   R.  J'y ai passé cinq années scolaires, et j'enseignais la défense et la

  7   protection. C'était le nom de la discipline, une discipline habituelle dans

  8   les écoles secondaires à l'époque.

  9   Q.  Ce sujet avait-il trait aux droits et à la défense de tous les peuples,

 10   à l'autoprotection et la doctrine de Tito sur les populations non armées ?

 11   R.  Ce sujet de la défense et de la protection avait un propre cursus en

 12   quelque sorte qui incluait également les domaines que vous avez évoqués. Je

 13   suis d'accord avec vous.

 14   Q.  Merci. Demain nous vous demanderons d'apporter des précisions sur ce

 15   point, mais nous allons examiner autre chose à présent : En page 59 le

 16   terme "asanacija" a été référé, l'on a parlé de mesures d'assainissement et

 17   d'hygiène ou de nettoyage du terrain. "Asanacija," donc les mesures

 18   d'"asanacija," est-ce que c'est couvert par la loi et par la protection

 19   civile qui est chargée de prendre de telles mesures tant en période de paix

 20   qu'en période de guerre, en période de paix suite à une catastrophe

 21   naturelle et puis en période de guerre suite à une bataille ?

 22   R.  Oui, Monsieur Karadzic. Je suis professeur, c'est un domaine que je

 23   connais. Je sais exactement quelles sont les mesures d'assainissement et

 24   d'hygiène qu'il faut prendre. Il s'agit de mesures visant la protection

 25   civile, mesures que l'on prend aux fins de prévention. Si ce n'est pas

 26   possible de prendre des mesures préventives, alors des mesures d'hygiène et

 27   d'assainissement sont prises afin d'éliminer les conséquences de

 28   catastrophes naturelles, ou les conséquences d'activités de guerre, et


Page 24700

  1   cetera, et cetera.

  2   Q.  Merci. Ceci inclut éliminer les cadavres ou les restes d'animaux ou

  3   d'individus. Eliminer les résultats de tous types d'activités

  4   extraordinaires ou d'événements.

  5   R.  Tout cela dépend du type d'événement, des catastrophes. Donc les

  6   mesures d'assainissement et d'hygiène dépendent de l'événement à proprement

  7   parler.

  8   Q.  Il s'agit d'une obligation légale, n'est-ce pas, prendre de telles

  9   mesures, il faut prendre de telles mesures. Ce n'est pas une décision que

 10   quelqu'un doit prendre, ce n'est pas une décision à caractère volontaire,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Tout groupe de population prend les mesures d'assainissement parce

 13   qu'il en va de leur intérêt. Je suis d'accord avec vous, c'est une

 14   obligation légale et il ne s'agit pas d'une décision qui est prise de façon

 15   individuelle.

 16   Q.  Merci. En ce qui concerne la période qui précède la guerre, très

 17   brièvement, vous occupiez ce poste à partir de 1986, n'est-ce pas, et

 18   jusqu'au moment où éclata la guerre, et au cours de cette période vous avez

 19   eu la possibilité, n'est-ce pas, de faire état de rapports ou d'avoir

 20   connaissance de rapports relatifs à des menaces éventuelles à la sécurité

 21   du pays ou de menaces à la sécurité des forces armées; est-ce exact ?

 22   R.  Si votre question était plus précise, il me serait peut-être possible

 23   de vous fournir une réponse plus précise. Mais d'une manière générale,

 24   compte tenu du poste que j'occupais, j'avais la possibilité d'obtenir des

 25   informations de ce type aussi.

 26   Q.  Puis-je affirmer sans me tromper que la Défense territoriale à tous les

 27   niveaux territoriaux faisait partie intégrante des forces armées de la

 28   Yougoslavie, et que parallèlement au plan administratif, on considérait que


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  1   cela relevait des municipalités et de la défense. Le président de la

  2   municipalité était le président du Conseil de la Défense et il y avait

  3   également une brigade municipale pour la Défense territoriale, n'est-ce

  4   pas, pour la protection territoriale, en fait ?

  5   R.  Oui. Il y a des éléments précis dans vos propos et certains qui ne sont

  6   pas tout à fait exacts et je vais m'efforcer de corriger ces imprécisions.

  7   Les forces de l'ancienne République fédérative yougoslave étaient

  8   composées de la JNA et de la Défense territoriale. Il s'agissait de deux

  9   branches parallèles à égalité d'armes. Vous me parlez de la TO. Il s'agit

 10   de la Défense territoriale qui était une des composantes des forces armées

 11   de l'ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie. Elle était

 12   organisée au niveau des républiques. Chaque république disposait de sa

 13   propre Défense territoriale, et chaque municipalité, au niveau de son

 14   propre territoire, disposait d'une Défense territoriale municipale. Le plus

 15   haut niveau d'organisation, au niveau de l'organisation municipale, était

 16   la Défense -- était l'état-major de la Défense territoriale municipale,

 17   bien entendu, et le plus haut niveau d'organisation pour les unités, en

 18   revanche, au niveau territorial ou municipal, était les Détachements de la

 19   Défense territoriale. Il s'agissait d'unités dont les effectifs étaient

 20   équivalents à ceux d'un bataillon, brigade ou bataillon indépendant. Ils

 21   étaient un peu plus fournis, ces effectifs, qu'à un bataillon classique au

 22   sens traditionnel. Dans la municipalité -- dans la Défense territoriale

 23   municipale, outre les états-majors municipaux, il y avait également des

 24   états-majors de secteur, lesquels étaient formés dans les communes qui

 25   couvraient un vaste territoire et l'on formait un détachement dans ce que

 26   l'on appelle des sortes de communes locales qui étaient assez vastes d'un

 27   point de vue territoriale ou géographique.

 28   Outre les détachements, il y avait également des compagnies de


Page 24702

  1   Défense territoriale et des sections indépendantes au sein de la Défense

  2   territoriale et du système de Défense territoriale. Telle était, donc, la

  3   structure de la Défense territoriale, du haut de la pyramide jusqu'au

  4   niveau municipal. Il est vrai que la Défense territoriale était dirigée et

  5   approvisionnée par les instances des communautés, le président de la

  6   municipalité tant le président du conseil, comme vous l'avez dit. Mais

  7   lorsqu'il s'agit du commandement, le niveau hiérarchique suivant est

  8   l'état-major des districts, et pour Bratunac et Srebrenica, il s'agissait

  9   du -- de l'état-major de district de Tuzla, donc l'état-major qui était

 10   responsable de la formation, du contrôle et de l'approvisionnement de la

 11   Défense territoriale au niveau des municipalités de Bratunac et de

 12   Srebrenica. Puis, il y avait l'état-major de la république dont le centre

 13   est assis à Sarajevo. Il s'agissait du niveau de contrôle le plus élevé.

 14   Q.  Merci pour ces informations. Elles nous seront utiles. Puis-je affirmer

 15   sans peur de me tromper que cet état-major existait également en période de

 16   guerre ? Cette structure dont vous venez de nous parler existait en période

 17   de paix également, et en période de paix, il s'agit de veiller à ce qu'il y

 18   ait une aptitude au combat adéquate en cas de nécessité de défendre le pays

 19   ?

 20   R.  Vous, vous savez tout cela fort bien, mais je vais fournir les

 21   explications aux Juges de la Chambre. La JNA et ses commandements d'état-

 22   major et ses unités - pardon - étaient pour la plupart des unités comptant

 23   des effectifs maximum, en principe. Contrairement aux Unités de la JNA, les

 24   états-majors, commandements et unités de la Défense territoriale ne

 25   constituaient pas une force aux effectifs permanents, c'est-à-dire qu'il y

 26   avait toujours un noyau pour chacune de ces formations uniquement. Il

 27   arrivait souvent que les effectifs varient. Par exemple, en période de

 28   guerre, l'état-major de la Défense territoriale était très différent de


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  1   l'état-major de la Défense territoriale en période de paix, quoi qu'il en

  2   soit; vous disiez qu'il y avait des états-majors dans la structure

  3   organisationnelle, ainsi que des commandements et des unités qui

  4   bénéficiaient d'effectifs. Vous avez raison. Ils pouvaient, effectivement,

  5   mobiliser des personnels et les armements et équipement étaient fournis au

  6   niveau de l'état-major municipal et, le cas échéant, l'on procédait à un

  7   appel à la mobilisation, et ensuite, on augmentait les effectifs.

  8   Q.  Merci. Je vais essayer de poser des questions simples, qui, je

  9   l'espère, trouveront dans votre bouche une réponse simple : oui ou non.

 10   Vous êtes d'accord pour affirmer qu'il y avait des armes, dans les

 11   municipalités et dans les compagnies, appartenant à la Défense territoriale

 12   et que le pays était plein d'armes. Il y avait des dépôts d'armements dans

 13   les municipalités, dans les communes et dans les compagnies.

 14   R.  Je comprends le sens de votre question. Les armes des unités, états-

 15   majors et commandements de la Défense territoriales étaient dans des

 16   entrepôts de la Défense territoriale et qu'elle était contrôlée. Certaines

 17   de ces armes, certains de ces armements, outre les autres, étaient entre

 18   les mains de compagnies qui avaient leurs propres unités de Défense

 19   territoriale, ce qui signifiait que ces armes-là, détenues par les

 20   compagnies, par exemple, la Compagnie Vihor, une compagnie dans ma zone de

 21   responsabilité. Là, les armes, elles étaient -- leurs armes, elles étaient

 22   stockées dans leur locaux, tout comme les équipements dont ils disposaient.

 23   Donc, il y a une petite différence entre ce que vous dites et ce que j'ai

 24   expliqué.

 25   Q.  Merci. Cela veut dire qu'ils les payaient en utilisant leurs propres

 26   fonds, avec l'accord de la Défense territoriale, et ensuite, ils les

 27   utilisaient pour armer leurs propres compagnies, en d'autres termes les

 28   armes étaient les leurs, leur appartenaient ?


Page 24704

  1   R.  Oui. Il y avait une procédure légale qu'il fallait suivre qui indiquait

  2   comment on pouvait se procéder à des achats d'équipements et d'armes. Il y

  3   avait également des règlements en place régissant la façon de maintenir en

  4   lieux sûrs les équipements en question.

  5   Q.  Merci. Etes-vous d'accord pour affirmer qu'entre le début de la guerre

  6   en Bosnie-Herzégovine et le moment de l'établissement de la Republika

  7   Srpska et de l'armée de la Republika Srpska, au moment où elle a fait

  8   sécession de la JNA, les 19 et 20 mai, êtes-vous d'accord pour affirmer que

  9   les brigades municipales et états-majors municipaux de la Défense

 10   territoriale étaient les réserves tactiques de la JNA et qu'elles ont

 11   continué d'exister au sein des structures de la VRS en tant qu'unités

 12   régulières ? Ou pour être plus précis, qui assurait la Défense de Bratunac

 13   avant l'établissement de la VRS ?

 14   R.  Avant que ne soient formées les Brigades de la VRS, toutes les

 15   activités de Défense relevaient de la compétence des unités, commandements

 16   et états-majors de la Défense territoriales.

 17   Q.  Merci. Est-il exact que d'affirmer qu'à Bratunac, certes, mais

 18   également ailleurs et un peu partout dans la république, ces brigades sont

 19   devenues des brigades municipales, grosso modo, appui logistique et

 20   paiement inclus. En d'autres termes, les liens qu'ils avaient avec les

 21   municipalités dont ils dépendaient étaient très étroits, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui. Je peux marquer mon accord à ce que vous venez de dire. Les

 23   mécanismes pour fournir les effectifs à ces unités, avant même la formation

 24   de la VRS et suite à la création de cette VRS, ces mécanismes s'inspiraient

 25   des principes territoriaux. En d'autres termes, si vous souhaitez former

 26   une brigade dans la zone de Bratunac, cela signifiait par la force des

 27   choses que vous trouviez les effectifs sur le territoire de la municipalité

 28   et cela fonctionnait à tous les niveaux de la république.


Page 24705

  1   Q.  Merci. En tant qu'officier, quelle distinction faites-vous entre une

  2   armée populaire, répartie sur un territoire, parce que simplement ces

  3   hommes-là avaient leurs familles sur le territoire, qui étaient attaquées

  4   par une partie adverse, elle aussi basée sur des principes territoriaux,

  5   par opposition à une armée régulière, permanente, avec des soldats d'actif

  6   permanente, dont les familles ne sont pas concernées par tout ce qui se

  7   passe ?

  8   R.  Voilà une question redoutablement complexe, je vais essayer d'y

  9   répondre aussi brièvement que possible. En ce qui concerne votre question,

 10   je peux vous dire qu'il y avait une différence énorme entre les Unités de

 11   la TO et les professionnels de la JNA, les Unités de la JNA, qui étaient

 12   présentes là. Maintenant, si vous souhaitez une analyse de tout ce que j'ai

 13   dit, je vais essayer de ne pas le faire. Mais quoi qu'il en soit, ma

 14   réponse consisterait à dire que, oui, effectivement, il y avait une

 15   différence entre les unités dont les soldats étaient des agriculteurs, des

 16   musiciens ou des professeurs, qui étaient là pour être les hommes de la TO,

 17   de la Défense territoriale, et les Unités professionnelles de la JNA. Il y

 18   avait une différence.

 19   Q.  Merci. Je vous pose cette question en raison des propos que vous tenus

 20   en page 20 d'hier. Vous disiez en effet qu'il y avait des individus

 21   irresponsables qui utilisaient des tireurs embusqués pour tirer un peu

 22   partout à Srebrenica, contrairement aux ordres qui leur avaient été donnés.

 23   Le fait que les gens se connaissent, et le fait qu'ils avaient des motifs

 24   personnels, tel que la vengeance, par exemple, et du fait que des membres

 25   de la famille étaient concernés par ce qui se passait, est-ce que tout cela

 26   démultipliait les risques de voir des incidents de ce type se produire,

 27   c'est-à-dire des gens irresponsables qui commenceraient à tirer sans

 28   respecter ou même en désobéissant aux ordres ? J'essaie simplement


Page 24706

  1   d'évaluer quel pouvait être -- en quoi consistait cette stratégie, c'est-à-

  2   dire qu'il ne s'agissait pas de forces armées professionnelles mais

  3   simplement d'individus qui se retrouvaient entraîner dans ce tourbillon de

  4   la guerre.

  5   R.  Monsieur Karadzic, je ne voudrais pas m'aventurer dans ce genre de

  6   conjecture. Car à chaque fois que vous me posez une question, je pourrais

  7   en fait vous donner mon opinion, et mon analyse. Mais, là, très

  8   concrètement, de la manière dont je comprends les choses, ce que vous venez

  9   de dire, en fait, ne saurait pas être comparé, et d'ailleurs, je ne pense

 10   pas qu'il y ait une relation de cause à effet, donc du fait que quelqu'un

 11   ne soit pas militaire de carrière, qu'il soit déployé sur le front, et qui

 12   tire sur une cible qui ne soit pas une cible militaire. Non, écoutez, je

 13   vais vous dire comment je comprends ces choses-là. Peu importe si quelqu'un

 14   est un militaire de carrière ou pas, si on a envie de tirer sur quelque

 15   chose qui ne constitue pas une cible militaire, on va le faire, même si on

 16   est professionnel. Donc je ne vois pas de lien direct entre ces deux

 17   choses. Ce lien que vous établissez, je ne le vois pas, donc, entre le fait

 18   de ne pas être un militaire de carrière, d'être disons un amateur dans ce

 19   domaine, et le fait de tirer sur des cibles non militaires.

 20   Q.  Non, non, je ne pensais pas à cela. Je voulais dire qu'un militaire de

 21   carrière a ses proches, qui sont loin de l'endroit où les choses se

 22   passent, et ce n'est pas la même chose pour les autres. Donc vous avez dit

 23   que, vous-même, à un moment qu'il y avait le risque de vengeance, de

 24   vengeance personnelle, qu'à un endroit vous avez dû sécuriser l'endroit où

 25   se trouvaient les prisonniers, à cause de cela. Donc j'aimerais savoir si

 26   cet élément-là est important, l'élément de risque de vengeance personnelle.

 27   Est-ce que c'est un élément qui est plus important dans cette situation-là

 28   que lorsqu'il s'agit de deux armées professionnelles qui s'opposent ?


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  1   R.  Je n'ai pas eu l'occasion d'être enrôlé dans des unités

  2   professionnelles. Je ne peux vous parler que de cette armée populaire,

  3   comme vous l'appelez, donc de cette armée qui a existé au niveau des

  4   municipalités. Là, je peux vous affirmer qu'effectivement, la vengeance est

  5   un facteur à prendre en considération. Il y a eu des assassinats de part et

  6   d'autre, et de morts de part et d'autre, dans ce cadre-là. Mais je voudrais

  7   qu'on soit tout à fait précis, et j'estime que la vengeance ne s'est

  8   manifestée que de manière très sporadique, c'étaient des cas isolés, et

  9   lorsqu'on parle de Srebrenica et de Bratunac, je ne pense pas que l'on

 10   puisse en parler de manière générale. Il y a eu des vengeances

 11   personnelles, il y a eu des gens de tués dans ce cadre-là. Ça, c'est

 12   manifeste.

 13   Q.  D'accord. Alors, pour ce qui est des tirs qui échappent au contrôle,

 14   page 20 du compte rendu d'audience d'hier, je voulais peut-être simplifier

 15   un petit peu. Prenez un officier; est-ce qu'il lui est plus difficile de

 16   contrôler ce type-là de soldat ou de militaire, les soldats dont les

 17   familles souffrent de la guerre que lorsque cela n'est pas le cas ? Est-ce

 18   que vous, en tant qu'officier -- est-ce que vous pouvez nous confirmer

 19   qu'il est plus difficile de contrôler ces soldats-là ?

 20   R.  Mais, bien sûr, il y a une règle dans l'armée, plus votre armée est

 21   professionnelle, plus elle est formée, et plus il est facile à contrôler,

 22   et l'inverse est vrai. Lorsque vous avez des individus pas bien formés ou

 23   qui ont été formés il y a très longtemps, entraînés il y a très longtemps,

 24   bien sûr, qu'il sera beaucoup plus difficile de commander ces unités-là,

 25   par rapport aux unités professionnelles.

 26   Q.  D'accord, merci. Juste une petite question pour terminer : entre 1986

 27   et 1991, la sécession de la Slavonie et de la Croatie, est-ce que, dans le

 28   cadre de vos activités, dans le service du Renseignement, est-ce que vous


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  1   avez appris éventuellement qu'une guerre civile devenait possible sinon

  2   certaine ? Est-ce que vous avez suivi ces tensions qui se sont déclarées

  3   sur la scène politique, à savoir la Défense territoriale ? Vous-même, en

  4   tant qu'officier du renseignement, est-ce que vous avez travaillé là-

  5   dessus, sur ce sujet-là, pendant cette période-là ?

  6   R.  En tant que chargé du renseignement pendant cette période qui a précédé

  7   la guerre, j'ai eu des activités comparables à celles que j'ai eues pendant

  8   la guerre. Pendant la guerre, je vous ai déjà dit ce que j'ai fait, mais

  9   dans une situation de danger imminent de guerre, dans une situation qui

 10   précède à celle-là, on déploie des activités comparables. Donc quand je

 11   suis arrivé à l'état-major, et pendant les deux, trois ou quatre années qui

 12   ont suivi c'était précisément cette situation-là, où j'ai eu des

 13   informations que vous évoquez à mon niveau. A mon niveau, donc au niveau

 14   municipal, effectivement, j'ai apprécié le risque d'un conflit, voire d'une

 15   guerre civile qui risquerait de se déclencher dans la municipalité de

 16   Bratunac.

 17   Q.  Est-ce que vous avez remarqué, à un moment donné, avant que la guerre

 18   n'éclate, une Division de la Drina a été constituée par Nurif Rizvanovic,

 19   un ex-officier d'active ?

 20   R.  Nurif Rizvanovic était quelqu'un que je connais personnellement et je

 21   sais ce qu'il a fait. Nous avons effectivement appris -- et c'est aussi

 22   quelqu'un qui est originaire de Glogova. Nous avons appris, à un moment

 23   donné, que Nurif Rizvanovic, pendant cette période qui a précédée la

 24   guerre, s'employait à armer les gens, à rassembler l'argent des fonds, de

 25   l'armement, et donc il armait les gens dans plusieurs villages, donc de

 26   Glogova, Rance y compris Hranca, Konjevic Polje, Sandici, et cetera. Donc,

 27   dans ce secteur-là, oui, ce sont des informations que j'ai eues au sujet de

 28   ces activités, et j'ai informé de cela à mes supérieurs au niveau de


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  1   l'état-major du district qui était basé à Tuzla.

  2   Q.  Merci. Enfin, c'est un peu moins important, mais je voudrais que les

  3   Juges le sache. Est-ce qu'il est exact de dire que c'était l'un des chefs,

  4   au début de la guerre, et que Oric et Tursunovic l'ont éliminé après une

  5   espèce de procès improvisé, qu'il y a eu un assassinat ?

  6   R.  Je voudrais juste ajouter quelque chose. Vous m'avez interrogé au sujet

  7   de la 28e Division. Je n'avais pas ce type d'information et je pense que

  8   ces activités ne peuvent pas être rattachées aux activités de la 28e

  9   Division pendant cette période-là. Si, pendant la période qui a suivi, mais

 10   pas pendant celle-là; sinon, je suis au courant de cet incident et j'ai un

 11   certain nombre d'informations concernant le sort qui a été réservé à ce

 12   monsieur.

 13   Q.  Est-ce qu'il a été éliminé par ses adversaires qui viennent des rangs

 14   du peuple musulman, Oric et Tursunovic ?

 15   R.  Ecoutez, toutes les informations que j'ai eues pendant la guerre et

 16   après me permettent de penser que c'était lorsque Oric et Zulfo Tursunovic

 17   se sont rendus dans le secteur qu'il commandait qu'ils l'ont emmené pour

 18   Srebrenica et qu'entre Konjevic Polje et Srebrenica, ils l'ont liquidé, à

 19   un moment donné en route.

 20   Q.  Merci. Vous étiez un officier du renseignement. Est-ce que vous étiez

 21   au courant de la création de la Ligue patriotique et des Bérets verts

 22   également, c'est-à-dire des activités de Sefer Alilovic à commencer du mois

 23   d'avril 1991. Est-ce que cela a été très important pour les Musulmans sur

 24   le plan militaire ?

 25   R.  Oui. A l'époque, j'ai été informé de la création de différentes unités

 26   des états-majors, des commandements de la Ligue patriotiques; cependant, je

 27   dois dire que cela n'a jamais été véritablement de mon ressort. Moi, je me

 28   suis occupé de ce qui se passait dans ma municipalité. En fait, je savais


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  1   tout ce qui était important par rapport à l'armement, toutes les activités

  2   liées à cela, enfin toutes les activités qui déroulaient des ordres venus

  3   des différentes instances de la Ligue patriotique.

  4   Q.  Merci. Est-il exact ce que je savais, à savoir que les Musulmans eux-

  5   mêmes de Bratunac n'étaient pas vraiment belliqueux, mais que Hranca,

  6   Glogova et d'autres localités musulmanes comptaient des extrémistes,

  7   beaucoup d'extrémistes et se sont dotées d'unités paramilitaires et se sont

  8   armées même avant la guerre.

  9   R.  Oui. Sur le territoire de la municipalité de Bratunac, c'est vrai. Il y

 10   a des villages, il y a des communautés locales qui sont plus "va-t-en

 11   guerre," que ne l'est le centre-ville et je pourrais vous en citer quelques

 12   unes. Glogova, par exemple, vous l'avez mentionnée. C'est une grande

 13   communauté locale, très belliqueuse. Konjevic Polje également. Une partie

 14   de Voljavica et de Zaluzje, aussi. Donc la ville même de Bratunac et la

 15   population de Bratunac étaient beaucoup moins portées à la dispute ou

 16   conflit si on les compare à Glogova ou Konjevic Polje.

 17   Q.  Osman Malagic de Voljavica, est-il exact de dire qu'en juillet, août,

 18   déjà, il était devenu largement connu en tant que commandant grâce à ses

 19   actions menées contre les Serbes ?

 20   R.  Je connais Malagic de Voljavica et en fait, je dois dire qu'à un moment

 21   donné, j'avais en tête l'ensemble de ces incidents qui se sont produits,

 22   mais maintenant, je ne me souviens plus de chacun de ces noms, ni de chacun

 23   de ces événements.

 24   Q.  Merci. Juste une question politique. Avez-vous remarqué que juste avant

 25   la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, la partie serbe a renoncé de se

 26   battre pour la Yougoslavie et qu'elle s'intéressait à la réorganisation de

 27   la Bosnie et qu'il y a eu des accords politiques qui ont été passés à ce

 28   moment-là. Il s'agissait de créer deux municipalités séparées à Bratunac.


Page 24711

  1   R.  Oui. Oui, oui, je suis au courant de tout ce que vous venez de dire et

  2   je sais qu'on a pris cette initiative de créer la municipalité serbe de

  3   Bratunac et la municipalité musulmane de Bratunac, et je ne sais pas si

  4   vous voulez que je vous parle plus en détail de cela. Je connais les

  5   détails.

  6   Q.  Est-ce qu'il est vrai de dire que la police s'est scindée en deux

  7   postes, et ce, sans problèmes, un processus absolument sans aucune entrave

  8   et que le -- le processus de séparation a été quasiment terminé, et de

  9   création de ces deux municipalités, ou bien est-ce que vous voulez nous

 10   parler d'autre chose, choisir autre chose ?

 11   R.  Moi, j'ai vu qu'on a traduit que c'est en paix et dans l'amour que cela

 12   s'est passé. Non, non, non. On peut dire que c'était en paix, mais ce

 13   n'était pas dans l'amour ni idyllique. En fait ce n'était pas serein ou

 14   calme du tout. Je vais vous dire la vérité.

 15   Il y a eu des querelles et des conflits qui ont éclaté justement à cause de

 16   ces séparations. Il y a eu, par exemple, un poste de police dans un

 17   bâtiment où il y avait le poste serbe et le poste musulman de sécurité

 18   publique, dans un même bâtiment. Dans un même bureau, vous aviez de

 19   permanence le serbe et le musulman en même temps, l'un dans le poste

 20   musulman soi-disant et l'autre dans le poste serbe. Puis, il s'en suit la

 21   division du territoire de la municipalité de Bratunac. Donc vous avez le

 22   territoire serbe que nous avons appelé municipalité serbe de Bratunac et

 23   puis d'autre vous avez le territoire musulman. Mais est-ce que vous pouvez

 24   vous imaginer ce que c'est que de partager le territoire de cette manière-

 25   là ? Mais même, théoriquement, ce serait quasiment impossible. Comment

 26   voulez-vous qu'on  -- un exemple : Vous avez Bratunac donc et puis vers

 27   Konjevic Polje, vous avez le village de Repovac qui est un village serbe.

 28   Ensuite Hranca, qui est en partie un village musulman, puis l'autre partie


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  1   se compose de 20 % à peu près de Serbes. Ensuite, le village de Glogova,

  2   100 % Musulmans, puis Kravica, à 100 % Serbe dans l'enchaînement. Donc

  3   alors comment avez-vous séparé cela ? Puis, vous avez des endroits où c'est

  4   à 50/50, 60/40, que la population est partagée, et ça a été une approche

  5   complètement erronée de vouloir continuer à partager. On a partagé

  6   également les entreprises et alors c'est là lorsqu'on a partagé les

  7   entreprises que les Serbes qui travaillaient dans des entreprises

  8   musulmanes donc ils sont revenus aux Musulmans. Là, ils se sont faits

  9   licencier et les Musulmans ont été engagés et inversement dans les autres

 10   entreprises. Donc ça a été une situation mais de chaos généralisé. Après

 11   tout cela, donc quand on s'est retrouvé dans cette espèce de confusion,

 12   alors, là, ils ont mis sur pied des points de contrôle. Alors, par exemple,

 13   vous partez de chez vous pour Konjevic Polje, alors on vous arrête tout de

 14   suite à Repovac au bout de 2 kilomètres. Puis à Glogova au bout de trois0

 15   kilomètres, puis on va vous arrêter à Kravica, quatre kilomètres plus loin.

 16   On va vous arrêter à Sandici à un kilomètre plus loin. Donc, mais je vous

 17   dis pratiquement, concrètement ce qui s'est passé dans la réalité des

 18   choses, et partout, à tous les niveaux. Donc chaque village musulman avait

 19   ses gardes, ses barricades, ses barrages, son poste de contrôle. Vous aviez

 20   exactement la même chose du côté du village serbe. Donc c'est une vie

 21   absolument divisée. Bratunac est une bourgade, c'est toute une petite

 22   localité. Donc sur le plan politique, il y a eu division. Pour ce qui est

 23   des partis politiques c'était exactement précisément le long des lignes

 24   d'appartenance ethnique, SDS d'un côté, SDA de l'autre, Musulmans/Serbes.

 25   Vous avez toutes les instances politiques, toutes les entreprises et

 26   ensuite la circulation, la police, la circulation est limitée.

 27   Puis, dans ce cadre-là, dans ce contexte-là, vous avez ceux qui se sont

 28   mobilisés pour armer les leurs. Les Serbes d'un côté, les Musulmans qui


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  1   arment les leurs, et soi-disant tout cela se passe de manière illégale.

  2   Moi, je m'intéressais à cela à titre professionnel et je savais exactement

  3   d'où ces armes venaient, qui s'en chargeait, et j'en ai informé.

  4   Q.  D'accord. Merci. Alors une question : Si vous étiez chef de la police,

  5   à Glogova, par exemple, s'il y avait un criminel qui était recherché; est-

  6   ce que vous enverriez en mission des policiers musulmans ou des policiers

  7   serbes ? Est-ce que ça n'engendrait pas des complications si vous envoyez

  8   la police serbe en patrouille donc à dominante serbe ou serbe pour régler

  9   un problème de criminalité à Glogova ou inversement des Musulmans dans un

 10   village serbe, à ce moment-là, au moment où la méfiance régnait ? Est-ce

 11   que ce ne serait pas risqué, à ce moment-là ?

 12   R.  Oui, dans ce contexte-là que vous venez de poser. Le moment est -- si

 13   on tient compte du fait que toutes les divisions mentionnées sont déjà en

 14   place, bien sûr, que je vais vous dire, non. Non, je n'enverrais jamais à

 15   Glogova des policiers serbes.

 16   Q.  Et inversement ?

 17   R.  Bien sûr, inversement.

 18   Q.  Merci. Est-il exact de dire que la première division s'est produite

 19   vers le 30 août ? C'est à ce moment-là que la JNA s'est vue empêcher

 20   d'avoir accès à des documents relatifs à la mobilisation au bureau

 21   militaire de Bratunac ? C'est à ce moment-là des partisans du SDA, dizaine

 22   de milliers de ces gens-là, se sont rassemblés pour empêcher la JNA de

 23   prendre ces documents ?

 24   R.  Ce que je connais bien dont je peux vous parler avec certitude, c'est

 25   qu'on a empêché des membres de la JNA, c'est-à-dire l'équipe qui était

 26   venue s'en charger de prendre les documents du secrétariat chargé de la

 27   Défense populaire à Bratunac, et c'est pour la première fois que, de

 28   manière organisée, il y a eu une protestation et un conflit quelque chose


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  1   donc qui a été pour la première fois organisé par le SDA.

  2   Q.  Merci. Alors convenez-vous ou savez-vous qu'il y a eu pas mal d'actions

  3   armées lancées dès le mois de mars, par des unités paramilitaires

  4   musulmanes, qu'il y a eu des actes de sabotage, et de nombreuses actions

  5   militaires ?

  6   R.  Monsieur Karadzic, est-ce que vous pourriez juste me préciser l'année;

  7   vous parlez du mois de mars de quelle année ?

  8   Q.  Excusez-moi. Je parle de l'année 1992. Donc, avant que la guerre

  9   n'éclate au moment des négociations des pourparlers de Lisbonne, est-ce

 10   que, dès le mois de mars, les Musulmans ont lancé différentes actions, et

 11   pendant notre entretien, je vous ai remis leurs documents, les documents où

 12   ils précisent la nature de toutes ces actions.

 13   R.  Le mois de mars 1992, pour autant que je sache, sur le territoire de la

 14   municipalité de Bratunac, il n'y a pas eu de conflit armé, à ce moment-là,

 15   et il y a eu des malentendus, des querelles, des disputes, des conflits,

 16   oui, protestation. Si vous me citez une action concrète ou si vous me

 17   montrez un document peut-être que ça va me permettre de me rappeler mais,

 18   là, sans cela, je vous dirai qu'au mois de mars, sur le territoire de la

 19   municipalité de Bratunac, il n'y a pas eu de conflit armé.

 20   Q.  Merci. Si vous vous limitez dans vos réponses que la municipalité de

 21   Bratunac, je ne vais pas insister. Mais est-ce qu'il est vrai qu'à partir

 22   du moment où la guerre a éclaté, en fait, vous connaissez également la

 23   situation à Srebrenica assez bien ? Vous n'ignorez pas ce qui se passe là-

 24   bas. Vous ne connaissez pas uniquement Bratunac.

 25   R.  Ecoutez, Srebrenica, à partir du moment où la guerre a éclaté, oui,

 26   j'en sais pas mal de choses. Bien sûr, je suis tout à fait disposé à vous

 27   dire tout ce que je sais et si j'ignore certaines choses je vais vous le

 28   signaler. Je ne vais pas parler de ce que je ne connais pas.


Page 24715

  1   Q.  Merci. Le 18 avril 1992, d'après ce que vous nous avez dit hier, vous

  2   avez été mobilisé et vous êtes devenu l'assistant du commandant chargé du

  3   renseignement. A ce titre-là, je vous demande la chose suivante : Vous avez

  4   été dans la Défense territoriale; est-ce que vous savez que M. Izetbegovic

  5   a déclaré une mobilisation générale dès le 4 avril 1992 ?

  6   R.  Je ne me souviens pas exactement de la date, mais je sais

  7   qu'effectivement, cette mobilisation générale a été proclamée en avril. Je

  8   n'ai particulièrement prêté attention à la date.

  9   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que le 8 avril, on a remplacé le

 10   commandant de la TO républicaine, le général Vukosavljevic, et que le 8

 11   avril, Izetbegovic a constitué une nouvelle Défense territoriale, qui ne

 12   comptait plus de Serbes, et qu'il a déclaré l'état de danger imminent de

 13   guerre, et que nous, nous l'avons fait le 16 avril ?

 14   R.  Alors, pour ce qui est de ce s'est passé au niveau de l'état-major de

 15   la république, ou au niveau de la présidence, ce qu'a fait Alija

 16   Izetbegovic, là, je ne peux pas vous confirmer des choses de manière

 17   précise. Toutefois, je dois dire que j'étais au courant de ce qui se

 18   passait dans la Défense territoriale. Il y a eu effectivement effondrement

 19   de la Défense territoriale de l'époque, une nouvelle a été créée, et dans

 20   ma municipalité, j'ai pris part à la création de la Défense territoriale de

 21   Bratunac.

 22   Q.  Merci. Vous êtes devenu l'assistant du commandant chargé du

 23   renseignement, et il me semble que vous avez dit hier, que pendant quelque

 24   temps, vous avez été chargé du renseignement et de la sécurité, des deux.

 25   R.  Lorsque la Brigade de Bratunac a été créée, en 1992, dès sa création

 26   jusqu'à la fin, j'ai occupé les postes de chef chargé du renseignement et

 27   de la sécurité de la Brigade d'Infanterie légère de Bratunac, donc pendant

 28   toute la période.


Page 24716

  1   Q.  Merci. Est-ce que vous aviez des assistants chargés d'un côté du

  2   renseignement, et d'autre part, de la sécurité, ou c'est vous même qui vous

  3   chargiez de tout cela, puisque ce n'était pas une très grande brigade. Donc

  4   est-ce que vous aviez des hommes qui étaient chargés spécialement de cela

  5   ou c'est vous-même qui faisiez le tout ?

  6   R.  D'après l'organigramme de la Brigade d'Infanterie légère, un chargé du

  7   renseignement est prévu à ce niveau-là. Donc à un moment donné, j'ai eu un

  8   chargé du renseignement, et puis il y a eu des moments où je n'avais

  9   personne ou j'étais seule. Mais d'après l'organigramme, c'est prévu.

 10   Q.  Vous nous avez dit, n'est-ce pas, que vous informiez votre

 11   commandement, le commandant de la brigade d'un côté par la filière

 12   professionnelle, et que de part la filière technique ou professionnelle,

 13   vous aviez également votre supérieur au niveau du commandement du corps;

 14   est-ce bien exact ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Merci. Peut-on affirmer qu'il en allait de même dans d'autre secteur

 17   d'activité, c'est-à-dire que le long de cette chaîne hiérarchique, l'on

 18   recevait ces ordres ou ces instructions ou que cela marchait dans les deux

 19   sens ?

 20   R.  Oui. On recevait ces ordres de ces supérieurs hiérarchiques. Pour ce

 21   qui est des rapports professionnels, on reçoit des instructions en

 22   provenance des instances supérieures.

 23   Q.  Merci. Soyons plus précis. Si vous receviez deux ordres contradictoires

 24   émanant du commandement de la brigade, d'une part et du commandement du

 25   corps de l'autre, deux instances supérieures chargées du renseignement et

 26   de la sécurité, lequel aurait -- l'emporterait sur l'autre ?

 27   R.  Monsieur Karadzic, c'est une question théorique, hypothétique, c'est

 28   une hypothèse, très exactement cela. Après tout, il y a une règle, il y a


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  1   une loi, les instances chargées de la sécurité ou du renseignement sont

  2   gérées et commandées par le commandant de l'unité dont vous faites partie.

  3   Le commandement immédiat chargé des organes de sécurité était entre les

  4   mains de mon commandant de brigade. C'est lui qui pouvait gérer, contrôler

  5   et commander, et qui en avait l'habilitation.

  6   Le long de la filière professionnelle, il y avait également une

  7   gestion professionnelle qui suivait l'autre filière, l'autre ligne chargée

  8   du renseignement et de la sécurité.

  9   Au niveau de la brigade, personne ne me gérait, professionnellement.

 10   Le niveau supérieur hiérarchique à moi était le chef du renseignement et de

 11   la sécurité du Corps de la Drina. C'était là la règle. Ensuite, il y a des

 12   exceptions lorsque l'on est sur le terrain, ou dans le cadre d'opération de

 13   combat, tout comme lorsque le commandant est absent. Mais il y a des

 14   officiers qui du commandement supérieur, et chacune des exceptions est

 15   envisagée au cas par cas.

 16   Q.  Merci. Si je vous ai bien compris, s'il y a un membre qui est au

 17   commandement, en visite, c'est lui qui a la voix prépondérante en quelque

 18   sorte.

 19   R.  D'une manière générale, non. Permettez-moi de citer un exemple

 20   pratique. Il y a la Brigade de Bratunac, si le commandant du corps est

 21   présent, et dit au commandement de la brigade, à partir d'aujourd'hui,

 22   c'est moi qui suis ici et c'est moi qui assurerais le commandement et le

 23   contrôle des opérations. Alors, et c'est là son droit, il décide d'assurer

 24   le commandement dans la zone de responsabilité de ma brigade. Ceci étant

 25   dit, indépendamment de la question de savoir s'il est présent ou pas dans

 26   ma zone de responsabilité, s'il n'assume pas la responsabilité, alors c'est

 27   le commandant de la brigade qui continuerait à assurer le commandement de

 28   la brigade, donc qu'il a la charge. Il n'y a pas de délégation de


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  1   responsabilité ou de pouvoir de commandement associée directement à votre

  2   arrivée dans la zone de responsabilité. Ce n'est pas automatique.

  3   Q.  Alors voyons un peu si je vous comprends bien. La composante sécurité

  4   est davantage attachée à la brigade, parce que la tâche qui leur incombe

  5   est d'assurer la sécurité de la brigade, de ces soldats, de ces matériels.

  6   Vous en avez discuté dans l'affaire Blagojevic, en 2003, en page 1 606,

  7   vous dites, je cite :

  8   "Les attributions étaient entre autres de planifier, de proposer des

  9   mesures de sécurité dont l'objectif était de protéger les forces et les

 10   matériels, les forces ainsi que leur équipement, ainsi que tout ce qui peut

 11   être menacé par une éventuelle attaque ennemie ou en cas de tout événement

 12   provenant de l'extérieur de l'unité."

 13   De ce point de vue-là, il y a un lien entre vous et la brigade, et sa

 14   sécurité, n'est-ce pas ? Des menaces potentielles, des actes de trahison

 15   figuraient également parmi les domaines relevant de votre prérogative,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Pardon, mais lorsqu'il s'agit de questionnement et enseignement de

 18   sécurité, je suis, avant tout, attaché à la brigade. Pour toutes les

 19   questions de sécurité et de renseignement, ainsi que pour le contre-

 20   renseignement, je dépends exclusivement de la brigade, je suis associé

 21   exclusivement à la brigade.

 22   Q.  Merci de ce point de vue. C'était probablement le cas. Vous étiez censé

 23   tout savoir de votre brigade et des soldats qui la composaient : leurs

 24   aptitudes, les menaces, les dangers, les opérations visant la brigade,

 25   opérations de l'extérieur visant la brigade.

 26   R.  Si l'on examine conjointement les questions, renseignements et

 27   sécurité, il faut savoir que la tâche prioritaire était de connaître les

 28   dangers, de savoir quelles étaient les menaces pour l'unité. C'est là le


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  1   devoir premier d'un chargé du renseignement que de savoir qui est votre

  2   ennemi, qui est la partie adverse et quelles sont les forces de la partie

  3   adverse. Une fois que vous avez cette information, une fois que vous avez

  4   des informations sur l'ennemi et sur ses intentions, sur les opérations

  5   qu'il mène, sur la force dont il dispose, une fois que vous avez procédé à

  6   une analyse et à une évaluation précise de cette situation et en vous

  7   fondant sur les informations dont vous disposez, vous prévoyez ou vous

  8   proposez au commandant les mesures à prendre, mesures nécessaires visant à

  9   dissuader ou à rejeter les activités de [inaudible], et ce, afin de

 10   protéger ses propres unités, son propre personnel, ses propres équipements,

 11   ses propres actifs, et cetera.

 12   Q.  Merci. En page 24 400 -- 24 508 du compte rendu d'hier, vous nous

 13   disiez qu'il y avait une autre obligation qui était faite à l'agent de

 14   [inaudible] dans le domaine du contre-renseignement. En l'occurrence, il

 15   s'agissait de recueillir des éléments de preuve, des documents et des

 16   informations relatives au crime commis dans votre zone de responsabilité,

 17   incluant l'ensemble des unités. Est-ce que cela incluait également des

 18   crimes commis par nos soldats tout comme par les soldats ennemis ?

 19   R.  Je peux vous dire comment les choses se faisaient dans ma brigade.

 20   Voyez-vous, les [inaudible] -- fournir les informations sur les crimes,

 21   établir les rapports sur les crimes, c'était une tâche permanente, elle

 22   n'était pas limitée dans le temps, c'est-à-dire que, depuis le début de la

 23   guerre jusqu'à la fin de la guerre, les instances chargées de la Sécurité

 24   recueillaient des renseignements, des informations, fournissaient des --

 25   rédigeaient des rapports sur les crimes qui avaient été commis dans ma zone

 26   de responsabilité et ce par l'une et l'autre des parties.

 27   Q.  Donc tout cela ne dépendait pas de l'auteur des crimes; est-ce exact ?

 28   R.  Oui, c'est exact.


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  1   Q.  Est-ce que ça incluait également tout crime pouvant avoir eu lieu en

  2   dehors des zones -- des activés de combat, donc qui n'avaient strictement

  3   rien à voir avec les hostilités, c'est-à-dire en période de cessez-le-feu,

  4   par exemple, dès lors que étaient associés à ces crimes des soldats.

  5   R.  Mes activités avaient essentiellement trait au personnel militaire :

  6   notre unité, les soldats de -- et officiers de ma brigade, puisque -- si

  7   l'on parle de mon unité. Mais je ne disposais d'aucune information relative

  8   à des membres de structures civiles ou d'individus qui ne faisaient pas

  9   partie des structures militaires. Là, je n'avais aucune information. En

 10   revanche, pour ce qui est des soldats et des officiers de ma brigade, là,

 11   je savais tout ce qui se faisait et tout ce qui se passait.

 12   Q.  Merci. Vous nous avez dit que compte tenu du fait que vous n'étiez pas

 13   avocat ou juriste, que vous étiez un assistant, lequel était censé replacer

 14   tout cela dans un cadre juridique. C'est ce que vous affirmez à la même

 15   page du compte rendu, 24568. La personne en question était Zlatan Celanovic

 16   qui était un juriste et dont la tâche était de rédiger un rapport au pénal

 17   incluant toutes les informations que vous aviez mises à sa disposition afin

 18   d'en -- de l'inclure dans une procédure à caractère juridique.

 19   R.  Je vais essayer d'être plus précis dans la réponse que je vais apporter

 20   à votre question, parce qu'il y a des zones d'inexactitude dans vos propos.

 21   Zlatan Celanovic était un [inaudible] de -- chargé des affaires morales des

 22   troupes, affaires religieuses et personnelles. En fait, c'était un avocat

 23   de profession, mais il avait un bureau près de la police et toutes les

 24   questions, qui étaient liées aux questions de droit pénal, relevaient de sa

 25   compétence. Il en était chargé. Donc, il procédait à des interrogatoires de

 26   prisonniers de guerre, de gens qui avaient pris la fuite pour aller de

 27   l'autre côté. Il recueillait des informations sur des crimes commis par des

 28   membres de la Brigade de Bratunac. Il rédigeait les rapports au pénal et il


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  1   présentait toutes les pièces et éléments de preuve, ainsi que les rapports

  2   au commandant de la brigade aux fins de signature par ce dernier. J'ai

  3   participé à tout cela, c'est-à-dire que ma participation consistait à

  4   fournir les informations. Je -- je me faisais le relais de ces informations

  5   auprès de Zlatan Celanovic afin qu'il puisse à son tour les utiliser pour

  6   corroborer les faits établis dans le rapport au pénal qu'il allait

  7   présenter. C'était là que je jouais, l'aide que je lui apportais. Ensuite,

  8   c'est à lui qu'il appartenait, une fois que le document avait signé par le

  9   commandant, de le transférer au procureur militaire compétent ou aux cours

 10   -- aux tribunaux militaires compétents pour le -- la suite.

 11   Q.  Merci. A la ligne 8, vous nous "disez" qu'il avait un bureau auprès de

 12   la police. Qu'entendez-vous là ? La police militaire ?

 13   R.  Oui. Il avait un bureau dans les locaux de la police militaire de

 14   Bratunac, de la Brigade de Police militaire de Bratunac.

 15   Q.  Merci. Vous avez évoqué le rôle qui était le vôtre, vis-à-vis des

 16   autorités policières dans l'affaire Blagojevic -- ou de la police militaire

 17   - pardon - dans l'affaire Blagojevic, en page 1 606. Il vous était possible

 18   de proposer que l'on ait recours à une Compagnie ou à un Bataillon de la

 19   Police militaire, conformément aux ordres du commandant de brigade. Vous

 20   étiez chargé également de communiquer avec la police civile. Est-ce exact ?

 21   R.  Permettez-moi de vous corriger. Il s'agissait ni d'une Compagnie, ni

 22   d'un Bataillon de la Police militaire. Il s'agit -- en fait, il s'agissait

 23   d'une section de la PM qui faisait partie de la Brigade de Bratunac.

 24   En ce qui concerne le lien qui m'unissait à la police militaire, il

 25   avait trait essentiellement à la gestion professionnelle de la police -- de

 26   la gestion de la police militaire, gestion professionnelle. En ce qui

 27   concerne le commandement et le contrôle de la police militaire, ces

 28   activités-là relevaient des compétences du commandant de la brigade C'est


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  1   le commandant de la brigade qui était l'officier chargé du commandement de

  2   du contrôle de la police militaire, et ce, directement. Cela figurait dans

  3   l'organigramme de sa brigade. En l'occurrence, il s'agissait du commandant

  4   Vidoje Blagojevic qui était l'officier chargé du commandement et du

  5   contrôle, Mirko Jankovic, commandant de la police militaire.

  6   Q.  Merci. N'oublions pas d'évoquer un événement en 1992 avant de passer à

  7   une année -- à une autre année. Lorsque différents groupes terrorisaient la

  8   ville et faisaient beaucoup de choses contre -- allant à l'encontre des

  9   souhaits de la population Bratunac avant le 2 mai, et puis ensuite, à la

 10   fin de 1992 et au début de 1993, est-ce que vous étiez présent à Bratunac ?

 11   Vous pourriez nous dire quelques mots de cette situation, sinon, nous

 12   passerons au sujet suivant.

 13   R.  J'étais à Bratunac au début de 1992. Lorsque nous nous sommes

 14   rencontrés je vous ai dit quelles étaient les périodes au cours desquelles

 15   je n'étais pas à Bratunac. J'y étais aussi à la fin de 1992 au début 1993

 16   et par la suite.

 17   Tout ce que je sais de cette période, je suis prêt à vous en parler.

 18   Q.  Merci. Vous souvenez-vous du mois d'avril 1992 ? Vous souvenez-vous de

 19   troubles qui auraient eu lieu ? Vous souvenez-vous que c'était arrivé à un

 20   groupe venu de Voljavica, un groupe d'individus qui manifestait et qui

 21   tirait des coups de feu un peu partout à Bratunac au début du mois d'avril

 22   ?

 23   R.  Au début du mois d'avril, dans la municipalité de Bratunac, je ne sais

 24   pas très bien à quel incident vous faites référence, vous savez, il y a

 25   beaucoup de manifestations, de violence, de coups de feu tirés. Mais il n'y

 26   a pas -- personne n'est mort. Ceci étant dit, la situation en 1992 était

 27   très grave, très tendue, et l'on savait que ce n'était qu'une question de

 28   temps avant qu'il y est vraiment un affrontement armé ou un conflit armé.


Page 24723

  1   Q.  Merci. Vous souvenez-vous qu'à partir du 27 [phon] avril, on va vu

  2   apparaître certains volontaire dont la plupart refusait de rejoindre les

  3   rangs de la JNA et qui terrorisaient tant les Serbes que les Musulmans dans

  4   la ville ? Aviez-vous eu des informations relatives à ces faits ? Je parle

  5   de la période qui couvre les six semaines qui séparent le 17 avril et de la

  6   fin du mois mai.

  7   R.  Oui. Je sais très exactement qu'au cours de la période à laquelle vous

  8   faites référence sont apparus des volontaires à Bratunac. Ils s'appelaient

  9   Aigles blancs les hommes d'Arkan. Je ne me souviens plus de tous les noms

 10   qu'ils utilisaient pour se décrire. Quoi qu'il en soit, ces gens-là

 11   c'étaient des gens qui n'étaient pas de la région de Bosnie-Herzégovine.

 12   Voilà ce que je sais que ces groupes.

 13   Là ce que je suis en train de vous dire se fonde sur les informations que

 14   m'ont remises les instances de la Sécurité d'Etat de Ljubovija. Je me suis

 15   entretenu avec eux, et je souhaitais simplement vérifier l'identité de ces

 16   personnes.

 17   Q.  Excusez-moi, mais pour les Juges de la Chambre, donc pour les

 18   informations, vous vous êtes adressé à une municipalité voisine en Serbie.

 19   Ljubovija est bien en Serbie, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, c'est exact.

 21   Q.  Merci. Veuillez poursuivre.

 22   R.  Puisque j'avais reçu des informations indiquant qu'ils venaient de

 23   Serbie, il était plus facile d'aller vérifier auprès de leurs instances qui

 24   étaient ces personnes en fin de compte, et sur le pont sur la Drina où les

 25   gens passaient de Bosnie en Serbie, ils saisissaient les papiers de ces

 26   individus, procédaient aux vérifications l'un après l'autre, et ensuite ils

 27   m'informaient moi de l'identité de ces personnes. Et sur base des

 28   informations que ces instances me fournissaient, je me suis aperçu que la


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  1   plupart de ces individus étaient des criminels, c'étaient des récidivistes

  2   qui avaient passé plusieurs années à plusieurs reprises en prison. Il y

  3   avait aussi des psychopathes, des malades, voilà genre d'individus que

  4   c'était.

  5   Donc ces groupes qui étaient là ce sont eux qui ont fait le pire au début.

  6   D'abord ils ont commencé par piller, puis ils ont commencé à insulter les

  7   Musulmans, après une fois qu'il n'y avait plus de Musulmans, c'est-à-dire

  8   une fois que les Musulmans harcelaient avaient quitté le territoire de la

  9   municipalité de Bratunac, ils ont commencé à s'en prendre aux Serbes, à

 10   pénétrer chez eux, à attaquer des filles serbes, des femmes serbes, et

 11   cetera. Donc on a eu de très nombreux problèmes avec des types venus au

 12   début de 1992, et ils ont passé pas mal de temps à Bratunac.

 13   Q.  Merci. Est-il exact d'affirmer que les autorités municipales n'avaient

 14   pas les effectifs nécessaires, la force nécessaire pour gérer cette

 15   situation et les représentants des autorités ont conseillé aux Musulmans

 16   par conséquent de rester à l'écart jusqu'à ce qu'on puisse expulser ces

 17   groupes ? Vous aviez connaissance de cela, dites-en-nous quelques mots;

 18   sinon, nous passerons à la suite.

 19   R.  Bien entendu je disposais de cette information. J'ai personnellement

 20   demandé à ce qu'une unité vienne de Serbie pour expulser ces individus, et

 21   effectivement lorsqu'il y avait des problèmes. A un moment donné, à vrai

 22   dire il y a eu des problèmes. Il y a un officier qui est venu de Pancevo.

 23   Je suis un peu fatigué, je ne me souviens pas exactement du nom, mais je

 24   finirais par m'en souvenir. En fait, c'était un officier qui venait de

 25   l'Unité de Police militaire. La police est restée à un motel à Ljubovija,

 26   et cet agent est venu me voir à l'état-major à Bratunac. Je lui ai expliqué

 27   la situation au préalable. A Gucevo, de l'autre côté en Serbie, il y avait

 28   un groupe des opérations de la Drina, commandant Milosevic, et j'ai demandé


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  1   à Milosevic qui commandait ce groupe d'opération, d'envoyer quelqu'un là

  2   pour contrôler ces volontaires et pour les expulser.

  3   Donc il est venu et on a organisé une rencontre avec le président du Comité

  4   exécutif, je crois que le pendant de la municipalité aussi était là, puis y

  5   avait le chef du ministère de l'Intérieur, moi-même, il y avait un

  6   responsable de Belgrade qui était là, et puis il y avait un prêtre

  7   également.

  8   Lorsque j'ai fait ma requête, Radoljub Djukanovic, le président du Conseil

  9   exécutif, et le prêtre ont déclaré que j'étais un traite, un traite qui

 10   voulait expulser les libérateurs.

 11   Au cours de cette réunion, le prêtre a organisé une protestation par un

 12   groupe d'hommes et de femmes qui protestaient à l'extérieur du bâtiment de

 13   la municipalité pendant que nous nous étions en train de nous réunir au

 14   sein du bâtiment, dans le bâtiment et, bien entendu, les hommes ont dit :

 15   Bien, vous voyez comment ce qu'en pensent les gens, Monsieur Nikolic. Moi,

 16   j'ai dit : Ça ne m'intéresse pas. Il a pris son escorte policière, et il

 17   est parti, et après il n'était tout simplement plus là. Donc voilà

 18   l'histoire des volontaires au cours de cette époque.

 19   Q.  Merci. Puis ce prêtre a quitté l'église également suite à cela, n'est-

 20   ce pas ?

 21   R.  Oui, il a tout quitté. Il était un des hommes qui abusait de l'aide

 22   humanitaire de l'église, et puis il induisait en erreur les gens qui

 23   croyaient tout ce qu'il disait. Maintenant, avec Radoljub Djukanovic, à

 24   cause de ces gens qui étaient en train de protester devant le bâtiment de

 25   la municipalité, il y a eu ensuite des abus commis par ceux qui ne

 26   voulaient pas être expulsés.

 27   Q.  Au début de 1993, est-ce qu'il n'y avait pas un instructeur important

 28   sur place qui imposait le règne de la terreur à Bratunac ?


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  1   R.  Oui. En 1993, il y avait ce groupe d'instructeurs, et pour ce qui est

  2   de ce groupe, de leurs activités, de tout ce qu'ils faisaient, moi, j'ai

  3   écrit un rapport sur cela. Je ne suis pas sûr de l'avoir envoyé au

  4   commandant du Corps de la Drina ou à l'état-major principal. Là, je n'en

  5   suis pas sûr, mais quoi qu'il en soit, ce rapport, il existe. Il remonte à

  6   1993 et il fait était de leurs activités et de tout ce qu'ils faisaient à

  7   Bratunac.

  8   Q.  Au bout d'un certain temps, vous vous en êtes également débarrassé,

  9   vous vous êtes débarrassé d'eux aussi, n'est-ce pas ?

 10   R.  On a eu tellement de problèmes, à l'époque, là-bas. Moi-même,

 11   personnellement, j'ai eu des problèmes avec eux. Donc vraiment, on avait

 12   des problèmes liés aux passages à tabac des agents. Même les commandants de

 13   la brigade étaient passés à tabac, étaient roués de coups, et puis, on

 14   avait également ces hordes de criminels qui étaient là. Très franchement,

 15   leur objectif, il était très simple. Il s'agissait de prendre le pouvoir,

 16   totalement. Il y a un rapport qui existe là-dessus. Ils n'ont pas osé

 17   attaquer le commandant de la brigade, parce que moi, je les ai menacés, en

 18   disant que s'ils essaient de le faire, comme ils l'ont fait avec le

 19   commandant de la police, alors je les ai menacés d'utiliser nos ressources

 20   de combat et notre unité pour les détruire. Donc, ils nous laissaient

 21   tranquilles. Elles [comme interprété] ont laissé la brigade tranquille.

 22   Mais, dans ce rapport, il est dit clairement qu'ils se livraient à des

 23   activités de pillage, de harcèlement, de détention. Ils ont roué de coups

 24   le président de la municipalité, roué de coups, le président de l'USDS.

 25   Physiquement, ils l'ont roué de coups Miroslav Deronjic. C'était le chaos,

 26   la pagaille.

 27   Q.  Merci. Jokic était un haut responsable du SDS. Ils l'ont -- Ils lui ont

 28   lié les mains et ils l'ont fait -- forcé à marcher dans les rues de la


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  1   ville. C'était le premier ou le deuxième groupe, cela ?

  2   R.  Ça, c'était le deuxième groupe à partir de 1993. Il n'y a pas que

  3   Jokic. Il y avait aussi Delivoje Sorak, qui était commandant de l'état-

  4   major de la Défense territoriale de Srebrenica, à l'époque. Lui aussi, on

  5   l'a paradé -- on l'a fait parader en ville. On lui a mis -- vous savez, une

  6   pancarte autour du coup sur laquelle il était dit "Sorak, Delivoje a tué

  7   Goran Zekic" -- ou plutôt, ils étaient dans la même voiture au moment de

  8   l'assassinat. Donc, on lui a mis cette pancarte autour du coup de Zelkic et

  9   ils l'ont fait parader dans l'ensemble de la ville et pendant des jours et

 10   des jours, et les gens lui crachaient dessus, parce qu'il y avait marqué

 11   sur la pancarte : "J'ai tué Goran Zekic." Délivoje, en fait, c'est un homme

 12   parfaitement honnête qui n'avait strictement rien à voir avec cet -- ce

 13   meurtre.

 14   Q.  Oui. Il s'agit de Zekic, député et juge, tué le 8 mai, et n'est-il pas

 15   exact qu'il a été tué par des Musulmans et non pas par des Serbes ? Cela,

 16   personne n'en doute, n'est-ce pas ?

 17   R.  Moi, je n'ai pas de doutes. Si je me fonde sur les rapports, les

 18   entretiens, les pièces dont on dispose, personnellement, je suis convaincu

 19   qu'il a été tué par les Musulmans et que Delivoje Sorak n'a strictement

 20   rien à voir avec cela.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 23   qu'allons-nous faire maintenant ? Est-ce que nous levons l'audience ou est-

 24   ce que nous avec le temps ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons -- nous allons lever

 26   l'audience pour aujourd'hui. Nous reprendrons demain à 9 heures.

 27   --- L'audience est levée à 15 heures 01 et reprendra le mercredi 15 février

 28   2012, à 9 heures 00.