Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 21 février 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   La Chambre rendra à présent sa décision relative à la requête déposée par

  7   l'accusé requête faite oralement par Me Robinson le 16 février 2012,

  8   demandant d'exclure certaines parties de la déclaration de Robert Block. Il

  9   s'agit du témoignage qui concerne le fait que M. Block a entendu de deux

 10   sources différentes que l'accusé était en colère parce que Zoran Petrovic

 11   aurait rendu public l'enregistrement relatif à Srebrenica et que l'accusé

 12   aurait demandé que cet enregistrement soit récupéré ou confisqué. A en

 13   juger d'après la déclaration de Block, les deux sources étaient Petrovic

 14   lui-même et un chauffeur non identifié quelqu'un avec qui M. Block a

 15   travaillé à l'époque. L'accusé affirme qu'il s'agit d'éléments qui ne sont

 16   pas suffisamment fiables pour être versés au dossier parce qu'il s'agit au

 17   minimum d'un triple ouï-dire. Par ailleurs, il ajoute les articles de

 18   journaux, qui ont été rédigés à l'époque par Block ainsi que par un autre

 19   journaliste, qui était présent au moment où Petrovic aurait dit à Block que

 20   l'accusé était en colère, ne font pas état ou ne mentionnent pas ce que --

 21   l'accusé. Qui plus est, l'accusé constate que l'autre journaliste,

 22   lorsqu'elle [comme interprété] a été interviewé par l'Accusation, n'a

 23   jamais mentionné l'accusé dans ce contexte et que Petrovic-Pirocanac n'en a

 24   pas fait non plus.

 25   En fin, à l'appui de sa requête demandant d'exclure ces éléments

 26   d'évidence, l'accusé s'appuie sur deux décisions rendues dans l'affaire

 27   Milutinovic dans laquelle la Chambre de première instance a refusé de

 28   verser au dossier certains éléments sur la base du fait qu'il s'agissait du


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  1   ouï-dire.

  2   En réponse, l'Accusation affirme que le témoignage de Robert Block est

  3   suffisamment probant et fiable pour être versé au dossier puisqu'il s'est

  4   adressé directement à Petrovic qui lui a dit que l'accusé était en colère

  5   contre lui. L'Accusation aussi fait valoir que Petrovic était en contact

  6   direct avec l'accusé en 1995 et que l'accusé a critiqué publiquement les

  7   Serbes qui fournissaient aux agences étrangères, aux médias étrangers des

  8   enregistrements ou des images relatives au conflit.

  9   La Chambre s'est penchée attentivement sur les arguments des deux parties

 10   et s'est penchée sur la jurisprudence de la Chambre d'appel relative à ouï-

 11   dire, ainsi étaient également examinées les décisions de l'affaire

 12   Milutinovic sur lesquelles s'appuie l'accusé. A cet égard, la Chambre

 13   rappelle la jurisprudence bien établie de la Chambre d'appel que l'ouï-dire

 14   est admissible et que sa fiabilité dépend des circonstances dans lesquelles

 15   l'ouï-dire a été présenté, ainsi que sur son contenu. Cela étant dit, la

 16   Chambre a décidé de rejeter la requête déposée par l'accusé d'autoriser

 17   l'Accusation de présenter des éléments en question. La Chambre se fonde

 18   dans cette décision sur le fait que cette partie du témoignage de Robert

 19   Block se fonde sur son contact direct avec Petrovic et en tant que tel ne

 20   peut pas être comparée au témoignage qui a été refusé par la Chambre de

 21   première instance dans l'affaire Milutinovic, à savoir les rapports des ONG

 22   sur des crimes allégués fondés sur des entretiens avec des sources

 23   identifiées et non identifiées et versées au dossier devant le Tribunal par

 24   l'entremise des personnes qui n'avaient pas elles-mêmes mené ces

 25   entretiens. La Chambre constate également que le fait qu'il s'agisse d'un

 26   triple ouï-dire est quelque chose qui concernera le poids de ce témoignage

 27   et c'est quelque chose sur quoi l'accusé peut contre-interroger Block.

 28   Cela étant dit, toutefois, la Chambre préfère entendre cette partie du


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  1   témoignage de Block viva voce dans sa totalité. Par conséquent, la Chambre

  2   ordonne à l'Accusation d'expurger la dernière phrase du paragraphe 25,

  3   ainsi que la totalité du paragraphe 26 de la déclaration de M. Robert Block

  4   et demande qu'un interrogatoire soit mené sur ces éléments, in vivo.

  5   La Chambre s'est penchée également sur le fait que les dépositions de Milan

  6   Lesic et Obradovic devaient être présentées in voce, viva voce :

  7   S'agissant de Milan Lesic, la Chambre constate qu'il a été demandé que la

  8   déposition en application de 92 ter devait être versée par ce témoin --

  9   qu'il devait être versé par le biais de ce témoin comporte des éléments

 10   très considérables parlant de l'aide que le témoin a fourni -- une aide

 11   financière à la direction de la RS après 1995 et sur ses contacts avec

 12   l'accusé Ratko Mladic en 2001. La Chambre constate qu'une partie très

 13   importante des éléments écrits concerne les explications que donne le

 14   témoin de photographies et d'enregistrement. La Chambre, par conséquent,

 15   estime qu'il est dans l'intérêt de la justice de faire droit à la requête

 16   de l'accusé demandant d'interroger viva voce Milan Lesic et ordonne à

 17   l'Accusation de se focaliser sur les parties du témoignage qui sont

 18   pertinentes au regard de l'acte d'accusation.

 19   La Chambre décide par ailleurs que le contre-interrogatoire de l'accusé ne

 20   dépassera pas le temps qui aura été pris par l'Accusation pendant

 21   l'interrogatoire principal.

 22   Pour ce qui est de Ljubomir Obradovic, la Chambre rendra son ordonnance au

 23   cours de la journée.

 24   S'il n'y a pas autres choses, nous pourrons faire rentrer le témoin.

 25   Oui, Maître Robinson.

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je voudrais

 27   simplement faire consigner au compte rendu d'audience, avant l'entrée de M.

 28   Block, que nous maintenons notre objection. Nous ne souhaitons pas entendre


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  1   les dépositions des correspondants de guerre sans avoir la possibilité

  2   d'avoir été entendu sur la pleine jouissance de nos droits. Je n'ai rien

  3   d'autre à ajouter.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Faisons entrer le témoin.

  5   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  7   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez prononcer la déclaration

  9   solennelle, s'il vous plaît.

 10   L'INTERPRÈTE : Le témoin inaudible.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre microphone n'était pas branché.

 12   Répétez, s'il vous plaît.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 14   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

 16   LE TÉMOIN : ROBERT JEFFREY BLOCK [Assermenté]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M'entendez-vous ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je vous entends.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell, vous avez la parole.

 21   M. MITCHELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Interrogatoire principal par M. Mitchell :

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 24   R.  Bonjour.

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez décliner votre identité, s'il vous plaît ?

 26   R. Robert Jeffrey Block.

 27   Q.  Quelle est votre profession ?

 28   R.  Pour l'instant, je suis cadre dans une compagnie aérienne.


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  1   Q.  Avant d'exercer cette profession-là ?

  2   R.  Pendant 30 ans, à peu près, j'ai été journaliste et pour la plupart de

  3   ce temps, j'ai été correspondant de guerre pour différentes agences de

  4   presse.

  5   Q.  Est-ce que vous pouvez nous parler un peu plus en détail pour qui vous

  6   avez travaillé pendant cette période ?

  7   R.  J'ai commencer pour reporter pour de -- des -- pour la presse de

  8   Floride où je suis originaire, des journaux qui ne sont pas très

  9   importants. Est-ce que je devrais entendre quelque chose dans mon casque ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que vous vous entendez.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je m'entends.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et ça doit être très fort. L'huissier

 13   pourrait peut-être aider.

 14   Monsieur Karadzic, est-ce que vous pourriez dire quelque chose en B/C/S

 15   pour voir si le témoin peut entendre la traduction ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation]

 17   Bonjour Excellences. Bonjour à tous.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends rien.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour. Bonjour à toutes et à tous.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant j'entends, mais je m'entends moi-

 21   même aussi.

 22   Donc, comme j'étais en train de dire, j'ai travaillé pour des

 23   journaux de petits tirages de Floride d'où je suis originaire, et puis par

 24   la suite, je suis allé à Mexico City. Là, j'ai commencé à travailler pour

 25   Reuters basé en Grande-Bretagne. C'était une organisation internationale.

 26   J'ai -- j'y suis resté pendant 10 ans pratiquement avec eux, et ensuite

 27   j'ai commencé à travailler pour un journal indépendant de Londres -- pour

 28   "The Independent" --


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  1   L'INTERPRÈTE : -- se corrige l'interprète.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, j'ai été assistant et ensuite, j'ai

  3   été chef à -- de -- chargé des affaires internationales -- plutôt des

  4   correspondants étrangers. Après, j'ai travaillé brièvement pour Sunday

  5   Times, à Londres et puis pour The Wall Street Journal. J'étais

  6   correspondant basé en Afrique pour -- d'abord, et puis ensuite, en Europe

  7   centrale et au Proche-orient. Et puis lorsque M. Murdoch a acheté le

  8   journal, je suis parti. J'ai commencé à travailler pour The Orlando

  9   Sentinel, de nouveau en Floride, et puis enfin, je suis arrivé là où je

 10   suis maintenant.

 11   M. MITCHELL : [interprétation]

 12   Q.  Vous étiez grand reporter pour "The Independent;" est-ce que vous

 13   pouvez nous parler de quoi vous avez -- vous vous êtes occupé pendant cette

 14   période-là ?

 15   R.  Je -- j'ai travaillé à des endroits très intéressants par des

 16   événements horribles qui se sont passés. Je -- j'étais à Londres, mais

 17   ensuite, on m'envoyait ailleurs, au Proche-Orient si -- si -- si quelque

 18   chose -- si la situation se détériorait ou s'il y avait quelque chose

 19   d'inattendu : la -- le démantèlement de l'ex-Yougoslavie, l'Afrique très

 20   souvent, le génocide au Rwanda, partout où les gens se comportaient mal

 21   vis-à-vis d'autrui, on finissait par m'y envoyer.

 22   Q.  Plus précisément, est-ce que vous pouvez nous parler de l'ex-

 23   Yougoslavie, du conflit en ex-Yougoslavie ? Comment vous y êtes arrivé pour

 24   la première fois, et comment est-ce que vous avez commencé à travailler

 25   dessus ?

 26   R.  C'était après la première guerre du Golfe. J'étais en train de rédiger

 27   une -- un livre sur la Palestine, sur les Palestiniens et sur ce qui leur

 28   est arrivé au Koweït et ce -- ce livre, finalement, n'a jamais été publié.


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  1   Puis, la guerre a éclaté en Yougoslavie. J'ai abandonné ce travail sur le

  2   livre et je suis revenu à "The Independent" et quasiment immédiatement, on

  3   m'a dit de partir pour la Yougoslavie, donc je me suis trouvé à différents

  4   endroits en Yougoslavie pour "The Independent." Ils étaient d'accord avec

  5   mon approche, donc j'avais la sensation qu'il y avait plein, plein de monde

  6   à Sarajevo qui étaient au cœur de l'intérêt des médias. Donc -- et puis, il

  7   y en avait beaucoup à Zagreb qui s'intéressaient à la guerre du point de

  8   vue des Nations Unies et des agences humanitaires. Donc, j'ai -- je me suis

  9   dit qu'il fallait que je me déplace, que j'aille ailleurs pour voir ce qui

 10   se passait là où -- où -- aux endroits qui n'étaient pas à la une.

 11   Q.  Pendant cette période, vous -- est-ce que vous êtes allé en Bosnie

 12   orientale, Zvornik, Bratunac, Srebrenica ?

 13   R.  Je suis arrivé à Belgrade. Je pense que c'est le premier endroit où je

 14   me suis rendu en 1993, me semble-t-il, et le premier endroit où, d'après ce

 15   qu'on m'a dit, il y avait des choses à voir, c'était dans la Vallée de la

 16   Drina. Donc, nous sommes partis en voiture le long de la rivière qui, en

 17   fait, trace la frontière entre la Serbie et la Bosnie et nous sommes passés

 18   par Ljubovija. Je pense que c'est -- c'est -- il s'appelle encore

 19   Ljubovija, ce village, et nous avons pu, depuis la Yougoslavie, voir les

 20   soldats musulmans de Bosnie incendier un petit village serbe, Bjelovac.

 21   J'ai vu cela, avec des gens du côté de la route en Serbie, une femme de

 22   Bjelovac également et nous étions là à voir ce village être détruit.

 23   Q.  Est-ce que vous parlez serbo-croate ?

 24   R.  Suffisamment pour me causer des soucis.

 25   Q.  Alors vous avez donné une déclaration au bureau du Procureur le 4

 26   septembre 1995.

 27   R.  Oui, je pense que c'est exact.

 28   Q.  Et vous avez donné une déclaration supplémentaire au bureau du


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  1   Procureur le 20 novembre 2009.

  2   R.  C'est exact.

  3   M. MITCHELL : [interprétation] 65 ter 90314A, s'il vous plaît. Est-ce qu'on

  4   peut l'afficher dans le système électronique ?

  5   Q.  Le 14 février 2012, Monsieur Block, vous avez signé une déclaration

  6   consolidée qui reprend vos déclarations de 1995 et de 2009 avec quelques

  7   éléments supplémentaires que vous avez fournis au bureau du Procureur;

  8   exact ?

  9   R.  Exact.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons lui montrer le

 11   bas de la page ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ma signature.

 13   M. MITCHELL : [interprétation]

 14   Q.  Est-ce que vous pouvez confirmer, s'il vous plaît, que cette

 15   déclaration consolidée reflète l'ensemble des éléments pris dans vos

 16   déclarations précédentes ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Si l'on vous posait des questions aujourd'hui sur ces mêmes éléments

 19   qui sont contenus dans la déclaration, est-ce que vous fournirez --

 20   fourniriez les mêmes informations ?

 21   R.  Oui.

 22   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 23   versement de la déclaration. Nous avons une version expurgée et nous avons

 24   une version sous pli scellé, parce qu'un document dont il est question au

 25   paragraphe 41(A) a été fourni à condition de ne pas être divulgué

 26   publiquement.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons verser au dossier

 28   les deux versions et l'expurgation qui a été demandée par la Chambre sera


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  1   exécutée en temps voulu, je suppose. Donc accordez-nous les cotes, s'il

  2   vous plaît.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] 65 ter 90314 devient pièce -- la pièce

  4   4329 [comme interprété] sous pli scellé et 65 ter 09314A [comme interprété]

  5   devient la pièce P4393.

  6   M. MITCHELL : [interprétation] Le -- et je demande le versement des pièces

  7   connexes, cinq pièces --

  8    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il va y avoir des objections

  9   ?

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Non, pas d'objection.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'autorisation vous est accordée

 12   d'ajouter ces pièces. Deux points, Monsieur Mitchell, il s'agissait du 65

 13   ter 23615 et 23617 qui font l'objet du paragraphe que vous venez de

 14   mentionner, paragraphe 41. Le témoin dit : Je pense que je peux m'exprimer

 15   en audience publique. Je pense que Resid Halilovic est le même homme que

 16   Resid Sinanovic, dans ces deux documents. Je ne sais pas comment il arrive

 17   à cette conclusion. Donc je voudrais que vous l'interrogiez directement là-

 18   dessus.

 19   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, tout à fait.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sur ces documents-là; sinon, les huit

 21   autres documents seront versés au dossier, et les cotes seront attribuées

 22   en temps voulu.

 23   M. MITCHELL : [interprétation] Je me propose de donner lecture de la

 24   déclaration de M. Block.

 25   Le 15 juillet 1995, M. Block est arrivé à Belgrade pour faire un reportage

 26   sur la chute de Srebrenica. Il a rencontré un collègue, Dragan Cicic, qui

 27   lui a parlé d'un documentaire qui aurait été diffusé le même jour par la

 28   chaîne de télévision Studio B de Belgrade. M. Cicic a déclaré que ce


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  1   documentaire contenait des images frappantes qui ont été tournées dans

  2   Srebrenica et dans le secteur de Srebrenica.

  3   Le 16 juillet, M. Block et  M. Cicic, se sont rendus au Studio B. Ils ont

  4   regardé le documentaire qui avait été diffusé la veille ainsi que des

  5   roches à partir desquelles on a monté le documentaire. L'enregistrement a

  6   été fait dans la zone de Srebrenica les 13 et 14 juillet 1995, par un

  7   journaliste serbe, à savoir Zoran Petrovic-Pirocanac. Parmi ces

  8   enregistrements, M. Block a vu un extrait bref qui semblait représenter 20

  9   à 25 corps d'homme qui semblaient avoir été tués, abattus. Il a également

 10   vu des images d'un détenu sur un balcon d'une "maison blanche," et des

 11   hommes qu'on faisait sortir de cette "maison blanche" sous la menace de

 12   fusil.

 13   Ce jour-là, au Studio B, M. Block a également vu un enregistrement de

 14   Bratunac le 14 juillet 1995, tourné par une chaîne de télévision de Bosnie.

 15   On y voyait des centaines d'hommes sur un stade de foot qu'on forçait à se

 16   mettre debout et se rasseoir.

 17   M. Block n'a plus jamais revu les images de Petrovic, de ces hommes qui

 18   quittaient la "maison blanche" qui étaient menacés avec des fusils, il n'a

 19   pas non plus vu l'enregistrement de la télévision serbe de Bosnie, des

 20   hommes, des Musulmans sur un stade de foot, qu'on forçait à se mettre

 21   debout et se rasseoir. 

 22   Sur la base des images qu'il a vues au Studio B, M. Block a rédigé un

 23   article intitulé : "Les corps s'entassent dans l'horreur de Srebrenica;" il

 24   a été publié par "The Independent" le 17 juillet 1995.

 25   Le 17 juillet 1995, M. Block est revenu dans les bureaux du Studio B pour

 26   constater qu'il y avait eu confiscation de ces enregistrements. Il a

 27   entendu de deux sources que Dr Karadzic s'était mis très en colère au sujet

 28   de cet enregistrement et qu'il a demandé qu'on le reprenne. Après avoir


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  1   appris que ces images avaient disparu, M. Block a voulu trouver d'autres

  2   informations. Lui et Dragan Cicic ont essayé d'avoir l'autorisation d'aller

  3   à Pale, mais on leur a dit qu'on les arrêterait s'ils essayaient. Ils sont

  4   allés à Ljubovija. On ne leur pas donné l'autorisation de passer à

  5   Bratunac, les Serbes l'ont refusé cette autorisation. Ils ont garé la

  6   voiture auprès du pont de Ljubovija, Bratunac, et ils se sont adressés aux

  7   Serbes qui traversaient le pont Bratunac. M. Block a appris de ces hommes

  8   que des milliers de Musulmans étaient exécutés par des Serbes de Bosnie. Il

  9   se rappelle une femme en particulier qui a dit quelque chose comme, mais

 10   comment se fait que vous ne savez pas ce qui se passe là-bas ? Tout le

 11   monde sait ce qui s'y passe.

 12   Pendant les deux jours qui ont suivi, M. Block a essayé de corroborer cette

 13   information. Dans la soirée du jeudi 20 juillet, il avait la sensation

 14   qu'il avait suffisamment d'éléments pour corroborer cette histoire, et pour

 15   la publier dans "The Independent." Le vendredi 21 juillet 1995, dans un

 16   article intitulé : "Massacre dans un champ bosniaque, on a du sang

 17   jusqu'aux genoux," à ce moment-là, M. Block est arrivé à la conclusion que

 18   l'exécution des Musulmans était connue de tout le monde, des deux côtés de

 19   la Drina -- de la rivière Drina et dans la Région de Bratunac, et de

 20   Ljubovija.

 21   Au cours des jours qui ont suivi, M. Block est retourné dans les secteurs

 22   de Bratunac, Ljubovija et Loznica, où il a continué à entendre des récits

 23   relatifs à l'exécution des milliers d'hommes musulmans. Il a notamment

 24   entendu parler d'un récit concernant la rive de la Drina. M. Block s'y est

 25   rendu et a parlé avec des gens qui lui ont dit qu'ils avaient vu de la rive

 26   serbe de la Drina, des gens qui étaient poussés hors de camion, et tués par

 27   balle. Ils ont également décrit la présence d'engin de terrassement qui

 28   poussait de la terre sur les cadavres pour les dissimuler.


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  1   Cette information était publiée dans "The Independent," le 25 juillet

  2   1995, dans un article rédigé par M. Block, et intitulé : "Les meurtres au

  3   bord de la rivière font la lumière sur l'étendue de l'horreur après la

  4   chute de Srebrenica."

  5   Au cours de cette période, M. Block a également entendu parler d'un

  6   avocat musulman de Srebrenica qui a été sauvé dans le secteur de la Drina,

  7   après avoir reçu plusieurs balles et qui ensuite était soigné au sanatorium

  8   de Banja Koviljaca et l'hôpital de Loznica, avant de repartir vers le MUP

  9   de la Republika Srpska, à Bijeljina. M. Block a publié cette information

 10   dans son article du 25 juillet 1995, intitulé : "Assassinat près de la

 11   rivière, il jette de la lumière sur l'étendue de l'horreur après la chute

 12   de Srebrenica."

 13   Q.  Monsieur Block, j'aurais quelques questions supplémentaires à propos

 14   d'un certain nombre de questions, et j'aimerais commencer par revenir à la

 15   question soulevée par le Président, tout à l'heure.

 16   M. MITCHELL : [interprétation] Je demanderais à ce que la pièce 90314 soit

 17   affichée à l'écran, et j'entends par là la version sous pli scellé. De

 18   façon à en éviter la diffusion, je demanderais à ce que l'on examine la

 19   page 10.

 20   Q.  Je vous demanderais de bien vouloir vous pencher sur le paragraphe 41,

 21   Monsieur Block.

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Vous souvenez-vous avoir vu ces deux qui vous ont été présentés lors

 24   d'une séance de récolement, la semaine dernière ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Au paragraphe 41, vous dites : "Je pense que l'homme dont je parle dans

 27   mon article" - c'est-à-dire l'article du 25 juillet 1995 - "dont je parle

 28   dans mon article en tant que Resid Halilovic est le même homme appelé Resid


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  1   Sinanovic et Resid Sinanovic respectivement dans les deux documents qui

  2   sont évoqués par la suite. Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes

  3   parvenu à cette conclusion ?

  4   R.  Puis-je également parler du troisième document de la troisième partie ?

  5   Q.  Sentez-vous libre d'expliquer tous les éléments nécessaires à la

  6   Chambre.

  7   R.  Il était tout à fait courant de rencontrer des difficultés lorsque nous

  8   devons, en ex-Yougoslavie, vérifier des noms ou les chiffres, et l'on

  9   entendait souvent qu'une personne était appelée de différentes manières

 10   mais qu'en fait il s'agissait d'une seule et même personne. C'était quelque

 11   chose qui arrivait souvent.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, je me

 13   permets de vous interrompre. Je voudrais savoir si le document 23615, de la

 14   liste 65 ter a été chargé dans le système ? Oui, ça y est, maintenant c'est

 15   bon.

 16   Monsieur Block, veuillez poursuivre.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il s'agissait là d'un événement très

 18   précis qui m'avait été décrit par des personnes qui se trouvaient le long

 19   de la rivière, ce jour-là, à l'extérieur de Banja Koviljaca, ils avaient vu

 20   cet homme. Ils avaient été à sa rescousse, et ils l'avaient amené à Banja

 21   Koviljaca puis Loznica. C'était un avocat. Son prénom était Resid. Un autre

 22   document je crois un rapport de renseignement des Serbes de Bosnie faisait

 23   état d'un avocat blessé qui avait été retrouvé dans le même secteur. Il m'a

 24   paru tout à fait évident que les trois documents, les deux dont je parle

 25   ici ainsi que le troisième dont je parle de manière beaucoup plus brève

 26   ailleurs que ces trois documents faisaient référence à un seul et même

 27   homme. La coïncidence eut été trop flagrante, trop forte.

 28   M. MITCHELL : [interprétation] Je vous remercie. Je demanderais maintenant


Page 24921

  1   à ce que l'on affiche le document 13264 de la liste 65 ter, s'il vous

  2   plaît.

  3   Q.  Il s'agit de votre article du 17 juillet intitulé : "Les corps

  4   s'entassent dans l'horreur de Srebrenica."

  5   R.  Oui.

  6   Q.  J'aimerais que vous reveniez brièvement avec nous sur cette expérience

  7   que vous avez vécue alors que vous vous trouviez à Studio B et que vous

  8   avez visionné ces images pour la première fois.

  9   R.  On nous a remis des cassettes vidéo et on nous a fourni une brève

 10   explication sur la manière dont il fallait utiliser les bandes montages là

 11   où nous visionnions les cassettes, nous ne savions pas dans quel ordre les

 12   cassettes se trouvaient. Nous avons vu le documentaire qui avait déjà été

 13   monté et nous avons notamment vu une brève séquence qui semblait avoir été

 14   tournée d'un véhicule en mouvement. On voit donc la caméra qui parcourt ce

 15   qui semble être un mur avec deux grandes portes de garage en métal, et la

 16   caméra montre le bas du mur où l'on aperçoit des vêtements, et j'aurais

 17   laissé passer si la voix, le commentateur n'avait pas dit qu'il y avait de

 18   nombreux cadavres de soldats musulmans.

 19   Nous avons donc demandé au technicien de revenir en arrière et de nous

 20   passer la cassette, image par image, pour bien voir ce qui s'y trouvait, et

 21   nous nous sommes rendus compte qu'il ne s'agissait pas de tas de vêtements

 22   ou d'effets personnels, mais de cadavres entassés. Les images n'étaient pas

 23   très claires, mais elles n'en étaient pas moins choquant es, et nous avons

 24   eu beaucoup de mal à en croire nos yeux. Nous sommes revenus en arrière à

 25   plusieurs reprises, et nous avons fait défiler les images plusieurs fois

 26   pour vérifier que ce n'était pas une illusion optique, et que notre cerveau

 27   n'était pas en train de nous jouer des tours. Puis nous nous sommes bien

 28   rendus compte qu'il y avait entre 20 et 25 corps. Il y avait un homme


Page 24922

  1   devant qui portait un tee-shirt blanc. Un autre avec un tee-shirt sombre,

  2   et ça ne ressemblait à rien de ce que j'avais vu en dépit de mon expérience

  3   de 20 ans en tant que correspondant de guerre.

  4   M. MITCHELL : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche maintenant la pièce

  5   4269 à l'écran, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell, en attendant

  7   l'affichage de ce document, vous avez demandé le versement, me semble-t-il,

  8   au dossier du document 65 ter 23615 ainsi que le versement du document

  9   23617.

 10   M. MITCHELL : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas accepté officiellement

 12   le versement au dossier de ces pièces. Nous le faisons mais ces pièces

 13   doivent-elles être versées sous pli scellé.

 14   M. MITCHELL : [interprétation] Seule la pièce 23615, le document 23617

 15   n'exige pas le versement sous pli scellé.

 16   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Le document 23615 deviendra la

 18   pièce P4402, sous pli scellé, le document 13617 [comme interprété] de la

 19   liste 65 ter deviendra la pièce P4403.

 20   M. MITCHELL : [interprétation] Merci.

 21   Q.  Monsieur Block, reconnaissez-vous l'image que vous voyez à l'écran

 22   devant vous ?

 23   R.  Oui, tout à fait, c'est une scène tirée du document qui a été diffusé

 24   par Studio B.

 25   Q.  J'aimerais vous demander d'y apposer quelques annotations --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous comprenez que cela est une image

 27   composée, n'est-ce pas ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, bien sûr, nous n'aurions pas été en


Page 24923

  1   mesure évidemment de voir les choses sur l'écran si cela n'avait pas été le

  2   cas, en tout cas, pas de cette manière.

  3   M. MITCHELL : [interprétation] Je demanderais l'aide de l'huissier.

  4   Q.  Vous dites au paragraphe 3 de votre article du 17 juillet que l'on voit

  5   le corps alerte, si je puis dire, d'un jeune homme qui porte un tee-shirt

  6   blanc. Pouvez-vous l'entourer d'un cercle.

  7   R.  Oui, il est juste ici.

  8   Q.  Vous avez également parlé de taches brunes à rouges sur le mur et de

  9   taches sombres sur les portes du garage derrière les cadavres.

 10   R.  On ne le voit pas très bien ici pas aussi bien que sur les images que

 11   nous avons visionnées. Je -- on voyait ici sur les portes. Puis il y avait

 12   aussi des impacts de balle dont j'ai parlé également, mais sur les images

 13   vidéo, on voyait cela beaucoup plus clairement. On voyait les impacts de

 14   balle ici sur la porte de derrière.

 15   Q.  Pouvez-vous mettre le chiffre 1 à côté du corps portant un tee-shirt

 16   blanc ?

 17   R.  Oui. [Le témoin s'exécute]

 18   Q.  Un 2 à côté de cette annotation que vous avez apposée sur les portes ?

 19   R.  [Le témoin s'exécute]

 20   Q.  Pour le compte rendu, les annotations à gauche et à droite marquent des

 21   impacts de balle, pourriez-vous parapher ce document et placer la date

 22   d'aujourd'hui sur cette photo également ?

 23   R.  Nous sommes le 21, n'est-ce pas ?

 24   Q.  Oui, en effet.

 25   R.  [Le témoin s'exécute]

 26   Q.  Ce que vous avez vu le 16 juillet, était-ce de meilleure qualité que

 27   les images affichées à l'écran que cette photo composite ?

 28   R.  Oui, c'était la première génération, c'était le documentaire proprement


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  1   dit -- ou plutôt, la deuxième mais, en tout cas, oui, les images étaient

  2   plus claires, et puis j'ai vu les rushes d'un grand nombre de scènes que

  3   l'on voit dans le documentaire, les rushes qui ont été utilisées pour

  4   monter le documentaire.

  5   Q.  Après avoir visionné ces images le 16 juillet et vous vous êtes rendu

  6   compte que ces images avaient été confisquées, avez-vous pris des mesures,

  7   entamé des démarches pour essayer de déterminer quel avait été le sort de

  8   ces images ?

  9   R.  Je reviens quelque peu en arrière. Au moment où nous avons visionné ces

 10   images et au moment où nous avons décidé d'écrire à leur sujet, j'ai eu le

 11   sentiment, un sentiment instinctif peut-être que ces images allaient

 12   disparaître tôt ou tard et plus tôt que tard. Le soir même où j'ai rédigé

 13   cet article, c'était le 16, j'ai appelé des collègues de la télévision, la

 14   BBC notamment, en leur disant ce qui se trouvait sur cette cassette et en

 15   essayant de les convaincre d'obtenir ces images avant qu'elles ne

 16   disparaissent, comme j'étais convaincu qu'elles le feraient, et

 17   effectivement, ils m'ont dit le lendemain que ces images n'étaient plus.

 18   Alors, évidemment c'est une situation un peu inconfortable pour un

 19   journaliste. Il y a deux règles dans la profession, l'une c'est que l'on ne

 20   veut pas arriver après tout le monde, et l'autre c'est que l'on ne veut pas

 21   être le premier sans avoir d'éléments permettant de corroborer ce que vous

 22   avancez. Par conséquent, j'avais tout intérêt à ce que d'autres visionnent

 23   également ces mêmes images, vous savez, nous nous sommes toujours accusés

 24   de propagande, d'être plus favorables à un camp plutôt qu'à un autre, et en

 25   quelque sorte c'était le seul élément -- j'étais le seul témoin oculaire de

 26   l'existence de ces images et il était important que d'autres les voient

 27   afin de valider mes écrits.

 28   Nous avons donc essayé de déterminer quel avait été le sort de cette


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  1   cassette de façon à ce qu'elle puisse être utilisée en tant qu'élément de

  2   corroboration de mon article, et nous avons entendu -- je crois que j'ai

  3   écrit, à l'époque, que des autorités serbes de Bosnie avaient fait

  4   confisquer la cassette et plus précisément que des représentants militaires

  5   serbes de Bosnie l'avaient confisquée personnellement. Mais il faut que

  6   vous compreniez bien que le sort de cette cassette, finalement, me

  7   préoccupait moins dans la mesure où juste après d'avoir rédigé l'article et

  8   après avoir essayé d'obtenir la cassette. Nous, nous sommes allés à

  9   Ljubovija et nous avons entendu dire, à ce moment-là, que des milliers de

 10   personnes avaient été exécutées, des chiffres considérables en Yougoslavie.

 11   On entendait souvent parler de dizaines, de centaines de personnes qui

 12   avaient été tuées. Ceci, bien sûr, provoquait des véritables tollés. Or,

 13   ici, on parlait de milliers, de 4 000 précisément et ce, en quelques jours

 14   seulement. Des chiffres considérables, donc. Nous essayions à l'époque de

 15   déterminer si ce chiffre était véridique ou s'il s'agissait simplement d'un

 16   effort de propagande.

 17   Donc, à ce moment-là, nous ne donnions pas la priorité au sort de la

 18   cassette en question, et puis, je ne pouvais faire grand-chose d'autre que

 19   de parler de la matière de ce reportage. Ce que j'avais entendu dire d'un

 20   ami, à moins qu'il se trouvait à Pale, qui était interprète et chauffeur,

 21   avec qui j'avais travaillé pendant des années, avec qui j'étais en contact

 22   étroit. Quelque chose que j'avais entendu également de Zoran Petrovic,

 23   c'est que les autorités étaient furieuses et qu'apparemment, le président

 24   de la Republika Srpska, le Dr Karadzic, l'était tout autant furieux de

 25   l'existence de cette -- de ces images. Ça ne semblait pas être impossible,

 26   mais la priorité, à ce moment-là, c'était de déterminer si, oui ou non, ce

 27   que nous avions entendu, sur la rive de la rivière à Ljubovija, était vrai

 28   quant à l'existence de milliers de victimes.


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  1   Q.  Vous avez dit avoir entendu certaines choses de Zoran Petrovic. Dans

  2   quel contexte vous a-t-il dit cela ?

  3   R.  Dragan et moi étions allés lui rendre visite pour essayer de déterminer

  4   ce qui était arrivé à cette cassette. Il avait l'air mécontent. Il avait

  5   appelé avant cela pour dire qu'il était mécontent que j'aie écrit un

  6   article à propos de cette cassette, puisque cela lui paraissait déplacé et

  7   j'ai eu le sentiment en lui parlant qu'il était sous pression, une pression

  8   qu'un certain nombre de personnes exerçaient sur lui, des personnes qui

  9   l'avaient sans doute aidé à mettre la main sur ces images.

 10   Q.  Vous souvenez-vous quand vous êtes allé voir ou quand vous avez

 11   rencontré Zoran Petrovic ?

 12   R.  Sans doute le lendemain, le 15, samedi 15, je suis arrivé le 16. Nous

 13   avons visionné la cassette le 17. Nous nous sommes rendus compte qu'elle

 14   avait été confisquée, mais nous sommes partis à Ljubovija, et le 18, qui

 15   était un mardi, je crois, nous sommes revenus pour essayer de voir si

 16   d'autres gens à Belgrade avaient obtenu des informations correspondant à

 17   celles que nous avions obtenues et également pour parler à Petrovic,

 18   puisqu'à ce moment-là, la cassette relevait peut-être une importance encore

 19   plus importante compte tenu des récits que nous avions entendus à propos de

 20   milliers de personnes tuées.

 21   M. MITCHELL : [interprétation] Président, j'ai oublié de demandé le

 22   versement de la pièce annotée tout à l'heure.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Elle est versée au dossier.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P4404.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Block, qui était Dragan ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Dragan Cicic était écrivain ou journaliste

 27   pour Nin et il s'est proposé de m'aider. Il avait un sens de l'humour

 28   formidable qui rendait l'insupportable supportable.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   M. MITCHELL : [interprétation]

  3   Q.  Parlons un peu de votre déplacement à Ljubovija le 17 juillet 1995.

  4   M. MITCHELL : [interprétation] Je demanderais à ce qu'on l'affiche à

  5   l'écran le document 65 ter 23510, page 10. Je demanderais à ce que l'on

  6   agrandisse cette image et que …

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bon, je vois.

  8   M. MITCHELL : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Block, voyez-vous le pont Bratunac-Ljubovija sur cette carte ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Je demanderais à l'huissier de bien vouloir vous aider à entourer ce

 12   pont d'un cercle sur la carte.

 13   R.  Le voici.

 14   Q.  Je vous demanderais de bien vouloir mettre un B à côté de Bratunac et

 15   un L à côté de Ljubovija, ainsi qu'une croix à l'endroit où Dragan Cicic et

 16   vous-mêmes vous êtes garés ce jour-là.

 17   R.  Nous nous sommes garés au sud du pont. Le coffre de la voiture était --

 18   était dissimulé dans les buissons, hors de vue des gardes qui se trouvaient

 19   du côté serbe.

 20   Q.  Pouvez-vous nous -- nous décrire les allées et venues -- vos allées et

 21   venues de ce jour-là ?

 22   R.  C'est moi qui conduisais. Nous avons trouvé une voiture et nous sommes

 23   allés sur place. Je conduisais. Nous nous sommes demandé si nous devions

 24   traverser le pont, mais les soldats du côté yougoslave, du côté serbe de la

 25   Yougoslavie nous ont dit que nous ne serions pas autorisés à traverser.

 26   Alors nous avons décider de garer la voiture hors de la vue des -- des

 27   gardes. Dragan est resté dans la voiture et moi, je me suis assis à

 28   l'extérieur avec une radio. Je crois que j'écoutais le service


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  1   international de la BBC. Je regardais le pont et j'essayais de voir si

  2   quelqu'un pouvait le traverser. Les premières personnes que j'ai vues

  3   étaient deux jeunes femmes, je crois. J'ai dit à Dragan : "Il y a deux

  4   personnes qui viennent." Je suis entré dans la voiture; Dragan en est sorti

  5   et il leur a demandé si elles voulaient qu'on les emmène quelque part et

  6   elles ont dit : "Nous allons à Ljubovija." Vous le voyez sur la carte.

  7   C'était à environ 1 kilomètre du village.

  8   Dragan a entamé la conversation en demandant d'où elles venaient, ce

  9   qu'elles faisaient et l'une a répondu que son mari faisait partie des

 10   forces serbes de Bosnie, que c'était le bazar et nous avons commencé à leur

 11   demander ce qui se passait et c'est à ce moment-là qu'elles ont répondu :

 12   "Comment ça, qu'est-ce qui s'y passe ? Comment n'êtes-vous pas au courant

 13   de ce qui se passe ?" Alors nous avons insisté en disant que nous n'étions

 14   pas au courant et elle a eu l'air surprise.

 15   Ensuite, elle a commencé à dire certaines choses en disant que -- en

 16   disant des choses que l'on a beaucoup entendues par la suite au cours des

 17   journées qui ont suivi, en parlant de gens dans des hangars, dans des cours

 18   d'écoles, sur des stades, dans des hangars surtout, que des hommes y

 19   étaient amenés pour y être tués par balle surtout, qu'on leur coupait la

 20   gorge, que manifestement tout cela était organisé, qu'on appelait ceux qui

 21   souhaitaient se venger à aller le faire sur des hommes de Srebrenica. On

 22   voyait bien que tous ces gens, finalement, n'étaient pas contents qu'ils

 23   étaient choqués et qu'ils étaient frappés d'une certaine manière par le

 24   fait que toutes ces informations ne soient pas connues.

 25   Q.  Vous avez dit, évidemment, quand on est journaliste, on ne veut pas

 26   être le dernier à être au courant de quelque chose, ni le premier sans

 27   disposer d'élément de nature à corroborer ce que vous avancez. Alors aviez-

 28   vous besoin d'autres éléments avant de pouvoir publier un article à propos


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  1   de ce que vous entendiez ?

  2   R.  Nous nous sommes arrêtés sur le bord de la route. Une fois que les

  3   jeunes filles étaient sorties de la voiture, nous nous sommes enfoncés dans

  4   nos sièges, et nous nous sommes fixés longtemps sans rien dire. J'ai dit :

  5   Merde, nous nous sommes dit que ce chiffre de 4 000 personnes étaient

  6   énormes. En était-on certain, 4 000, c'est énorme. Nous nous sommes dit, à

  7   ce moment-là, que nous devions revenir sur place, et parler à d'autres

  8   personnes, ce que nous avons fait. Une fois que nous en avions suffisamment

  9   entendu que la même histoire revenait, nous nous sommes dit que nous

 10   devions savoir déterminer, de manière plus certaine, si c'était là une

 11   exagération, nous sommes retournés à Belgrade.

 12   Donc nous avons fait un demi-tour, nous sommes repartis à Belgrade, et nous

 13   souhaitions nous la source d'ambassade, notamment à l'ambassade

 14   néerlandaise, qui avait des hommes sur place pour savoir ce qu'eux

 15   entendaient, ce que les organisations onusiennes entendaient, et le CICR,

 16   et les groupes serbes, avaient-ils des informations à ce sujet. C'est ce

 17   que nous nous sommes dit que nous devions faire.

 18   Donc nous sommes rentrés à Belgrade, et nous avons commencé à contacter des

 19   amis, avec lesquels Dragan et moi-même avions travaillé par le passé, y

 20   compris Nikola, le père de Dragan, des personnes de confiance en somme.

 21   Nous avons demandé à tous ces gens s'ils accepteraient d'aller sur place

 22   avec du matériel d'enregistrement, de prendre des notes, de ce qu'ils

 23   auraient vu, de ce qu'ils auraient entendu, nous leur avons dit quel type

 24   de questions qu'ils devaient poser dans certains contextes, et en même

 25   temps, d'autres gens qui vivaient dans la vallée qui avaient des parents à

 26   Bratunac ou qui étaient originaires de Bratunac, ou qui arrivaient

 27   récemment de Bratunac. Ils nous ont dit certaines choses et nous avons donc

 28   décidé de repartir sur place et de trouver davantage de gens originaires du


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  1   secteur, pour vérifier ce qu'ils auraient entendu dire ou vu de leurs

  2   propres yeux. Ceci a nous a pris une semaine supplémentaire. Nous avons

  3   passé les premiers jours à corroborer l'information selon laquelle un

  4   nombre important d'hommes avait été tué, et puis nous avons entendu

  5   également des récits d'exécution s'étant déroulés plus loin du secteur

  6   Bratunac Srebrenica, toujours le long de la Drina.

  7   Q.  Lorsque vous avez publié votre article, pour la première fois le 21

  8   juillet, à ce moment-là, pensiez-vous que votre information était solide ou

  9   que vous preniez un risque ?

 10   R.  Vous savez, sans avoir été le témoin oculaire des événements, et même

 11   lorsqu'on est témoin oculaire d'ailleurs, on est qu'un témoin partiel des

 12   événements. Mais je savais qu'il y avait eu différents sites, lieux

 13   d'exécution, où des groupes d'hommes importants étaient tués. D'après les

 14   récits que nous entendions, je savais qu'il était question de plus de 1 000

 15   hommes. Cela étant, j'étais le seul à ce moment-là, à disposer de ces

 16   informations. Aucun de mes collègues pour des raisons que j'ignore, aucun

 17   de mes collègues n'a tenté de faire ce que nous avons fait à Ljubovija. Je

 18   crois que "Le Times de Londres" l'a tenté, mais je ne l'ai appris que bien

 19   plus tard. Quoi qu'il en soit, globalement j'étais le seul à disposer de

 20   cette information. J'ai été accusé de fraude, de propagande par des groupes

 21   proserbes, et on m'a accusé bien sûr d'être antiserbe.

 22   M. MITCHELL : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on affiche le

 23   document 65 ter --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voulez-vous demander le versement au

 25   dossier de cette carte annotée.

 26   M. MITCHELL : [interprétation] En effet.

 27   Q.  Monsieur Block, je demanderais à ce que vous paraphiez et datiez cette

 28   carte.


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  1   R.  [Le témoin s'exécute]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera la prochaine pièce de

  3   l'Accusation.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 4405.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pardon.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] P4405.

  7   M. MITCHELL : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je tiens à

  8   préciser que cette pièce ne figure pas sur notre liste, la pièce 3214, mais

  9   c'est une carte de meilleure qualité. La meilleure qualité de la carte 24,

 10   dans notre recueil de cartes, dans notre atlas.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 12   M. MITCHELL : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Block, ne tenez pas compte des annotations sur la gauche.

 14   R.  Est-ce que l'on peut nous montrer le bas, après Banja Koviljaca, merci.

 15   Q.  Dans votre déclaration, vous parlez de ce qui se passait pendant les

 16   journées qui ont suivi le moment où vous avez eu ces premières

 17   informations, à Ljubovija. Donc vous vous êtes rendu dans le secteur de

 18   Banja Koviljaca, vous avez parlé aux gens qui ont entendu parler de ou qui

 19   ont vu des exécutions de l'autre côté de la rivière; est-ce que vous pouvez

 20   indiquer cela ?

 21   R.  Oui. Alors nous sommes allés à Loznica, tout d'abord, ici, et nous

 22   avons commencé à nous adresser aux gens qui nous disaient que souvent ils

 23   se rendaient sur la rivière pour pêcher ou juste pour passer du temps sur

 24   la rivière, et qu'ils ont commencé à voir des corps qui descendaient le

 25   cours de la rivière, et que tout le monde en parle, et que certains ont dit

 26   qu'ils se sont trouvés dans les parages, et puis que des gens de Banja

 27   Koviljaca ont vu des gens abattus, et quelqu'un qui était abattu était

 28   apporté à l'hôpital.


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  1   Donc nous sommes allés à Banja Koviljaca. Vous pouvez remonter la carte.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Il nous

  3   faudra annoter de nouveau.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. C'est bien. Donc nous sommes allés à

  5   Loznica --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant d'annoter, il faut appuyer sur le

  7   bouton, mais M. l'Huissier peut aider.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est très bien.

  9   Nous Donc tout d'abord nous sommes allés à Loznica, puis à Banja Koviljaca,

 10   avec un groupe de personnes qui était en train de faire une randonnée ce

 11   jour-là. Il y avait un homme âgé, et puis un couple, puis il nous a amenés

 12   là, où il y a des collines. Ils nous ont emmenés un peu à l'extérieur de

 13   Banja Koviljaca, et on leur a demandé ce qu'ils ont vu, ils nous ont dit

 14   qu'ils ont vu des gens poussés, descendre de camion, et des gens tués. On

 15   leur a demandé où est-ce que vous avez vu cela, et puis ils nous ont montré

 16   directement de l'autre côté de la rivière.

 17   M. MITCHELL : [interprétation]

 18   Q.  Pour le compte rendu d'audience, vous avez placé un X ou une croix, là

 19   où vous vous êtes rendu avec ces gens.

 20   R.  Oui, plus ou moins.

 21   Q.  Alors est-ce que vous pouvez inscrire un A pour indiquer l'endroit

 22   qu'il vous montrait ?

 23   R.  Il nous indiquait l'endroit de l'autre côté de la rivière, de ce côté-

 24   là, c'était vraiment dramatique mais c'était -- de toute évidence, c'était

 25   précisément l'endroit qu'il nous indiquait, il savait exactement ce qu'il

 26   nous montrait.

 27   Q.  Vous avez également entendu cette histoire parlant d'eux --

 28   R.  Oui, nous sommes allés à Banja Koviljaca et nous avons entendu parler


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  1   d'histoire de gens qui auraient entendu que quelqu'un était blessé,

  2   quelqu'un aurait été dans la rivière, il appelait à l'aide, et des gens

  3   sont allés aider et nous avons dit où est-ce qu'ils les ont emmenés et on

  4   nous a dit dans le sanatorium. Alors nous avons fait demi-tour, nous sommes

  5   allés au sanatorium, et là, nous avons constaté que l'homme ne s'y trouvait

  6   pas qu'il avait été trop grièvement blessé et qu'il a fallu l'emmener à

  7   l'hôpital de Loznica. Donc c'est comme ça que nous avons décidé d'aller à

  8   Loznica.

  9   Q.  Je sais que c'est quelque chose que vous racontez dans votre

 10   déclaration mais, brièvement, est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est

 11   passé à Loznica à l'hôpital ?

 12   R.  C'était tout à fait clair que nous étions vraiment les derniers qu'ils

 13   avaient envie de voir, et ils n'avaient absolument pas envie de répondre à

 14   nos questions. Premièrement, ils ont nié qu'il y a eu qui que ce soit qui

 15   aurait été apporté, puis nous avons pris le registre et nous avons vu

 16   effectivement qu'il y avait quelqu'un et qu'il y avait un nom de docteur et

 17   nous avons demandé de voir ce docteur. Puis ils ont dit qu'ils n'arrivaient

 18   pas à le retrouver, puis finalement, ils ont rassemblée quelques docteurs

 19   avec qui nous nous sommes installés pour parler et on leur a demandé ce qui

 20   s'était passé et on nous a dit que rien ne s'était passé. Puis on les a

 21   interrogés en disant que nous avons vu des choses dans le registre, que

 22   nous avons entendu parler des gens qui auraient placé cet homme dans leur

 23   voiture pour l'emmener et puis soudain ils se seraient rappelés, Oui, ça

 24   aurait été un avocat, mais ce n'était pas vraiment des blessures très

 25   graves, juste des écorchures, et puis nous on ne s'est pas occupé de lui et

 26   c'est lui qui s'est occupé de lui n'est pas ici. Puis je me souviens qu'ils

 27   n'étaient pas très à l'aise, puis ils ont dit que cet homme a été envoyé à

 28   Bijeljina sous escorte et qu'il aurait été remis aux autorités serbes de


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  1   Bosnie, et après sa trace se perd, à ce moment-là, et c'est la fin de cette

  2   histoire.

  3   La seule chose dont je me souviens que les médecins de l'hôpital de Loznica

  4   ne voulaient absolument pas reconnaître qu'ils savaient quoi que ce soit ou

  5   que cela ait eu une importance quelconque, et ils semblaient aussi estimer

  6   que quoi que ce soit qui lui soit arrivé, que c'était mérité.

  7   Q.  Est-ce que vous pouvez parapher et dater ?

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   M. MITCHELL : [interprétation] Je vais demander le versement de cette

 10   carte.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P4406.

 13   M. MITCHELL : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai plus de questions.

 14   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passons brièvement à huis clos partiel.

 16   Oui, merci.

 17   [Audience à huis clos partiel]

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28   [Audience publique]


Page 24936

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Block, votre déposition pour ce

  2   qui est de l'interrogatoire principal a été surtout versée au dossier sous

  3   forme écrite, à la place de votre déposition viva voce, maintenant vous

  4   serez contre-interrogé par M. Karadzic.

  5   Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. Bonjour à tous.

  7   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Block. Ceci ne serait pas qu'une

  9   simple répétition. C'est pour de vrai.

 10   Donc je tiens à vous remercier d'avoir eu la gentillesse de rencontrer la

 11   Défense, Me Robinson. J'espère que cela nous permettra d'être très efficace

 12   et productif dans ce contre-interrogatoire.

 13   Vous avez dit qu'un chauffeur vous aurait parlé de certaines choses. Vous

 14   ne connaissez pas son nom ou vous ne souhaitez pas le révéler.

 15   R.  C'est exact. Je n'ai pas eu l'occasion de lui parler, donc je ne

 16   voudrais pas citer son nom sans qu'il le sache, mais je le connais très

 17   bien.

 18   Q.  Merci. Est-ce qu'il vous a dit de qui il a appris ce qu'il vous a dit à

 19   vous, à savoir que j'aurais été en colère ?

 20   R.  Je ne me souviens pas de lui avoir posé la question. Lui, il s'est

 21   trouvé à Pale. Pale est une petite localité, et il m'a dit qu'il a entendu

 22   dire que vous aviez été en colère et que les autorités serbes, de manière

 23   générale, n'étaient pas contentes. Je suppose que c'était simplement

 24   quelque chose que tout le monde savait à Pale.

 25   Q.  Vous pensez donc qu'à Pale tout le monde pouvait savoir ce que je

 26   pensais ou entendre ce que je disais. Si je ne le disais pas publiquement,

 27   c'était quelque chose qui était connu du commun des mortels de la rue.

 28   Comment est-ce qu'il aurait pu savoir cela si les médias ne l'ont pas


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  1   relayé ? Est-ce que vous avez enquêté un petit peu là-dessus ? Comment --

  2   qu'est-ce qui lui a permis de savoir quelle était mon attitude à ce sujet ?

  3   R.   Non, je n'ai pas fait de recherche. Comme je l'ai déjà dit, qui aurait

  4   pu ordonner la confiscation de la vidéo, à l'époque, ce n'était pas quelque

  5   chose qui me préoccupait au premier chef. C'est quelque chose qui arrive,

  6   vous savez, que ce soit à Pale ou à Belgrade, beaucoup de gens étaient au

  7   courant des conversations privées qui avaient lieu. Donc je n'y ai pas

  8   accordé énormément d'importance. Mais, en même temps, je ne me suis pas dit

  9   que c'était faux; en même temps, je me suis dit qu'il fallait que je me

 10   concentre sur autre chose. C'était juste des informations contextuelles, et

 11   je pense que Zoran avait l'intention d'utiliser cette vidéo pour montrer

 12   que l'occupation de Srebrenica s'est passée de manière correcte pour la

 13   montrer dans une lumière positive, et évidemment c'était complètement autre

 14   chose le résultat de ces images, et je pense que pour tous ceux qui l'ont

 15   vue ont compris que des autorités de la Republika Srpska seraient très

 16   gênées si cela venait à être diffusé à l'étranger.

 17   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que, vu mon poste, vu mes

 18   fonctions, j'attirais l'attention des journalistes et que je pouvais -- je

 19   ne pouvais guerre sortir de mon bureau et encore moins m'exprimer

 20   publiquement sans que les journalistes me le remettent ?

 21   R.  Oui, mais vous n'étiez pas nécessairement joignable à tout moment. Je -

 22   - les journalistes étrangers, il fallait prendre certaines dispositions

 23   pour pouvoir entrer en contact avec vous. Mais, oui, c'est vrai, vous étiez

 24   au cœur de l'attention, à ce moment-là, c'est évident.

 25   Q.  Vous avez également dit -- ou plutôt, je voudrais revenir à quelque

 26   chose que vous avez dit aujourd'hui quand nous nous sommes rencontré qu'à

 27   ce moment-là, vous ne pensiez pas que ce soit très important pour voir de

 28   savoir, à ce moment-là, quelle a été ma réaction -- ou plutôt, de savoir si


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  1   c'était exact que j'ai réagi ainsi et que cela n'était pas aussi important

  2   que l'importance qu'on accorde à cela aujourd'hui.

  3   R.  C'était juste quelque chose -- quelque chose que j'ai entendu. Il était

  4   clair que l'enregistrement n'était plus là. Il était clair que des

  5   consignes, de toute évidence, ont été donnés par quelqu'un qui était plus

  6   haut placé et qui a pris la peine de prendre cela à Belgrade, et je pense

  7   qu'il y a eu des enregistrements comparables à télévision de la Republika

  8   Srpska. Donc cela m'a suffit. J'ai compris qu'on ne pouvait plus avoir

  9   accès à l'enregistrement et c'était la seule chose qui était importante, à

 10   ce moment-là. Quant à savoir exactement qui a donné l'ordre à ce moment, ce

 11   n'était pas ça qui était important, et aujourd'hui, on lui accorde toute

 12   cette importance à cause du contexte dans lequel nous nous exprimons.

 13   Q.  Merci. Mais cette remarque concernait-elle la chaîne qui a fait le

 14   montage et qui a diffusé l'enregistrement ? Est-ce que la critique

 15   concernait Studio B et convenez-vous que Studio B était notre opposant

 16   politique, à l'époque, comme aujourd'hui, d'ailleurs ?

 17   R.  Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question sur l'objet -- sur

 18   l'objection de la critique. Mais, oui, Studio B était, en fait, un

 19   caméléon. Ils n'étaient pas pro-Milosevic, mais ils étaient pro-Serbes et

 20   cela m'a surpris légèrement que ce documentaire a été donné à Studio B et

 21   qu'il a été diffusé par Studio B. Mais quand on travaille -- quand on

 22   travaille en ex-Yougoslavie, on était --  on devait être toujours prêt à ce

 23   genre de surprise.

 24   Mais je pense que Zoran Petrovic avait l'intention initialement de

 25   montrer quelque chose de position sur la reconquête, la reprise de

 26   Srebrenica. Je ne pense pas que son intention, l'intention de Studio B,

 27   était autre chose, et je ne pense pas qu'ils se rendaient compte de ce

 28   qu'ils avaient entre les mains. D'après ce que j'ai compris, c'est très


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  1   rapidement qu'ils ont monté le documentaire, donc, là encore, l'impression

  2   que j'ai eue est qu'ils avaient monté quelque chose qui était pro-Serbe,

  3   même si ce n'était pas de la propagande, et ils ne se sont pas rendus

  4   compte des conséquences néfastes que cela pouvait avoir.

  5   Q.  Merci. Ce qui m'intéressait, c'était de savoir si vous avez entendu

  6   dire qu'il y a eu des remarques comme quoi un reporter aurait été -- aurait

  7   pu accéder à Srebrenica avec le feu vert des autorités de la Republika

  8   Srpska et que, par la suite, cela a été diffusé par une chaîne qui ne nous

  9   était pas favorable, qui au contraire nous a toujours été hostile. Est-ce

 10   que c'était ça l'angle sous lequel ces remarques se sont -- ont été

 11   formulées, ce que vous avez entendu ?

 12   R.  D'après ce dont je me souviens, non, rien, rien de ce sens. Dragan et

 13   moi sommes allés au Studio B. On est -- on a trouvé ça un peu étrange que

 14   ce soit le Studio B qui l'ait, mais nous sommes allés sur place. C'était un

 15   dimanche. Ils n'avaient pas beaucoup de personnels. Ils nous ont donné les

 16   bandes; nous avons pu les regarder tous seuls et lorsque nous avons eu des

 17   problèmes avec le matériel, ils nous ont aidés. Je veux dire, personne n'a

 18   rien dit au sujet du fait que ce documentaire risquait d'être

 19   problématique.

 20   Aussi, les journalistes avaient -- entretenaient des relations avec des

 21   chaînes, avec des éditeurs, avec des producteurs, et je pensais que -- et

 22   que cela montrait que Petrovic avait des liens avec eux. Je suis sûr que,

 23   s'il avait eu les contacts ailleurs avec une autre chaîne, ils l'auraient

 24   envoyé ailleurs. Donc c'était surprenant, comme je l'ai déjà dit, mais je

 25   n'ai pas vraiment réfléchi à cela. Cette haine n'était pas pro-Republika

 26   Srpska, mais c'était néanmoins une chaîne proserbes au sens plus large du

 27   terme.

 28   Q.  Merci. Je ne pense pas qu'ils soient d'accord avec vous là-dessus, mais


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  1   bon. Vous avez dit que M. Pirocanac vous a conforté dans cette opinion;

  2   est-ce que c'était au sujet du fait qu'il aurait -- est-ce qu'il y a eu des

  3   commentaires quand à sa présence là-bas ou est-ce qu'il y a eu des

  4   critiques quant au fait que ce soit le Studio B qui diffuse cela ?

  5   R.  Tout ce dont je me souviens de l'époque, c'est que Zoran était très

  6   nerveux. Très évidemment, il était sous pression, et j'ai l'impression

  7   qu'il a été surpris par ces critiques et ces pressions qui s'exerçaient,

  8   qu'il ne savait pas comment répondre. On en a parlé. C'est -- la position

  9   était une position de très grande frustration, donc parce qu'il avait

 10   effectivement réussi cet exploit phénoménal d'avoir ces images de très

 11   grande valeur, et en même temps, on le prenait pour un traître. Donc c'est

 12   à cela qu'il pensait à ce moment-là. Donc, nous avons pu voir ces images en

 13   en somme. On les a regardées sans qu'il nous en donne l'autorisation. Il a

 14   été très en colère à cause de cela. On ne lui a pas parlé et ces chefs

 15   yougoslaves -- ces chefs puis les militaires yougoslaves, Serbes de Bosnie

 16   aussi, étaient très en colère contre lui et je -- enfin, c'était ça,

 17   surtout la chose la plus importante. Je ne me rendais -- il ne m'était pas

 18   rendu compte, en fait, dans quel pétrin de je l'avais mis.

 19    Q.  Qui le soutenait ? C'est la première fois que j'entends parler de ses

 20   chefs ou de quelqu'un sous l'égide de qui il aurait fonctionné. J'ai

 21   toujours pensé que c'était un journaliste indépendant. Mais qui aurait pu

 22   exercer une pression sur lui ? Qui était son employeur ?

 23   R.  Les journalistes ne subissent pas uniquement les pressions de leurs

 24   employeurs mais aussi de leurs sources et des gens qui vous garantissent,

 25   par exemple, peuvent vous garantir accès à quelque chose pour vous dire, Je

 26   ne veux pas que ça me cause de problème. Je pense que tout simplement il a

 27   eu des problèmes avec des gens qui lui avaient permis de se rendre dans ce

 28   secteur. Je ne pense pas que ce sont ses chefs qui lui posaient problème.


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  1   D'une certaine manière, les journalistes peuvent toujours se débrouiller

  2   lorsqu'ils ont des problèmes avec leurs chefs.

  3   Mais ce sont des sources dont on dépend qui nous sont beaucoup plus

  4   importantes, parce que nous essayons de les avoir toujours à nos côtés,

  5   parce que c'est ça qui nous permet de fonctionner, en comptant sur la

  6   confiance des gens. Si nous faisons bien notre travail, nous pouvons les

  7   protéger et nous pouvons utiliser l'information qu'ils nous fournissent ou

  8   l'accès dont ils nous ont permis de bénéficier sans qu'ils soient

  9   impliqués, sans qu'ils en subissent de mauvaises conséquences, et je pense

 10   que c'est là qu'il se sentait sous pression.

 11   Q.  Il était auteur, et pourtant vous ne lui avez pas demandé

 12   l'autorisation de diffuser ses images ? Est-ce que c'est quelque chose qui

 13   est habituel, que les auteurs se protègent ? Est-ce que vous avez peut-être

 14   compris que ce qui lui a déplu, c'est que vous utilisez son matériel, ses

 15   images pour travailler dessus sans son autorisation, ou bien est-ce que, là

 16   aussi, c'était inhabituel ?

 17   R.  Sans aucun doute, il a eu cette sensation-là, que c'était effectivement

 18   ça qui s'était produit mais, à ce moment-là, le documentaire relevait du

 19   domaine public. Donc est-ce le Studio B qui me l'a remis, ou est-ce que je

 20   l'aurais vu à la télévision le jour en question -ou le soir en question;

 21   là, ces arguments ne tenaient plus, n'avaient plus aucune valeur. Le fait

 22   que le Studio B nous a donné des rushes à visionner, c'était un problème

 23   qui se posait entre lui et le studio B, et non pas entre lui et moi.

 24   Puis enfin, j'ai dit que je n'avais pas besoin de son commentaire parce

 25   que, d'une certaine manière, ce que la caméra nous montrait ça suffisait,

 26   je ne comprenais pas pourquoi j'aurais besoin de son autorisation pour voir

 27   quelque chose qui avait déjà été diffusé mais, lui, ce n'est pas comme ça

 28   qu'il a compris les choses. Pour lui, il s'agissait de la propriété


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  1   intellectuelle et je n'avais aucun droit d'accès à ce document mais, là

  2   encore, j'avais la sensation qu'il n'était pas content, parce que mon

  3   article, lui a causé des problèmes parce que c'était très gênant pour les

  4   autorités serbes de Bosnie. Cela montrait des hommes qui pouvaient être

  5   identifiés entre les mains des autorités serbes de Bosnie, et par la suite,

  6   on voyait que ces gens-là n'étaient plus en vie et qu'à partir de là, il

  7   faudra bien que quelqu'un fournisse des explications sur ce qui s'était

  8   produit. Donc j'ai pensé que c'était très naïf de sa part de penser que ce

  9   n'était pas un document explosif mais, lui, il ne le voyait pas de cet œil-

 10   là.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] si le moment s'y prête, Monsieur

 12   Karadzic, pouvons-nous prendre une pause ? Une pause d'une demi-heure ?

 13   Oui, Monsieur Tieger.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaitais

 15   m'exprimer très rapidement sur une question de procédure qui a trait à

 16   l'annonce de la Chambre à propos d'une décision qui sera rendue vis-à-vis

 17   de la requête déposée par Me Robinson concernant la déposition Obradovic.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Je voulais très rapidement vous rappeler que

 20   Me Robinson a envoyé deux courriers électroniques indiquant qu'il avait

 21   l'intention de déposer une requête à ce sujet. La Chambre a rendu sa

 22   décision sur le premier aspect concernant M. Lesic sans avoir entendu

 23   l'Accusation. Nous n'y faisons pas d'objection formelle ni ne contestons la

 24   décision de la Cour. Toutefois, avant que la Chambre rende sa décision sur

 25   le deuxième aspect de la requête de la Défense, nous aimerions entre

 26   entendus. De manière générale à l'avenir, nous aimerions lorsque Me

 27   Robinson fait savoir qu'il a l'intention de déposer une requête orale en

 28   audience, apprécierions donc qu'il le fasse avant que la décision ne soit


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  1   rendue, de façon à ce que l'Accusation puisse présenter ses arguments.

  2   Merci, Monsieur le Président.

  3   C'est Mme Edgerton qui se chargera de l'interrogatoire principal de M.

  4   Obradovic. Il sera là au début de la séance prochaine si vous souhaitez

  5   entendre des arguments de notre part à ce sujet.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous ne vous avons pas encore entendus ?

  7   Les choses ne sont pas claires.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, Madame Edgerton, vous pouvez tout

 10   à fait vous exprimer en présence de M. Block. Je n'y vois pas d'objection.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Je suis d'accord.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, je n'y verrais pas d'inconvénient,

 13   toutefois, étant donné l'heure qu'il est et étant donné le fait qu'il me

 14   faudra quelques minutes, je propose de le faire après la pause.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, effectivement, il ne s'agirait pas

 16   d'empiéter sur le temps réservé à la pause.

 17   M. LE JUGE BAIRD : [aucune interprétation]

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Je pense qu'il me faudrait entre cinq et

 19   dix minutes, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous vous entendrons après la

 21   pause dans ce cas. Nous reprendrons à 11 heures.

 22   [Le témoin quitte la barre]

 23   --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

 24   --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qui commence, Monsieur Mitchell ?

 26   M. MITCHELL : [interprétation] Très brièvement, si vous me le permettez,

 27   Monsieur le Président, j'aimerais revenir sur la notification concernant M.

 28   Block. Après avoir lu les restrictions s'appliquant à ce document, à savoir


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  1   ce document ne doit pas être cité publiquement, diffusé au public, ni

  2   communiqué à d'autres institutions, mais se limiter à la mention de son

  3   titre, pardon se limiter à la mention de son titre dans la notification

  4   devrait suffire. Je pense que ce document peut rester public.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  6   Madame Edgerton -- pardon, Monsieur Tieger.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Me Robinson m'a fait savoir qu'il

  8   souhaitait que sa requête figure au compte rendu avant la présentation des

  9   arguments Mme Edgerton. Je ne sais pas s'il avait cela à l'esprit, je ne

 10   veux pas anticiper sur ce qu'il a à dire, mais je voulais savoir si ceci

 11   demeure son intention.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je remercie la

 15   Chambre de son efficacité eu égard à ma requête, mais j'ai toujours

 16   l'intention de notifier la Chambre des questions qui devraient faire

 17   l'objet de notre part, d'objection ou de requête, de façon à ce que vous ne

 18   soyez pas pris par surprise et que l'Accusation ne se sente pas prise en

 19   embuscade. Mais si vous me le permettez, je consacrerai une minute à faire

 20   figure au compte rendu les raisons pour lesquelles nous objectons à

 21   l'ensemble des documents 92 ter, concernant M. Obradovic.

 22   Tout d'abord, nous pensons que l'Accusation, lorsqu'ils bénéficient

 23   d'article 92 ter et de ses dispositions, devait faciliter la vie des autres

 24   parties y compris de la Chambre et de la Défense. Bien entendu, nous

 25   procéderons de la même manière lorsque notre tour viendra, et nous pensons

 26   que nous noyer, sous 290 pages de compte rendu, nous met dans une situation

 27   difficile. Il nous a fallu, il m'a fallu près de quatre heures pour en lire

 28   le contenu, et nous avons trouvé énormément de choses qui ne concernent pas


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  1   véritablement cette affaire, notamment tout ce qui a trait au commandement

  2   et à la hiérarchie de l'état-major principal, des questions qui concernent

  3   davantage M. Tolimir ainsi que des informations sur Zepa et des

  4   informations préjudiciables sur l'usage envisagé d'arme chimique par le

  5   général Tolimir. L'Accusation aurait dû préparer une déclaration de ce

  6   témoin plus ciblée sur l'affaire Karadzic. Je pense que la moitié des

  7   éléments que nous trouvons dans ces pages ne concerne pas cette affaire, et

  8   d'une certaine manière, pouvait porter préjudice à l'accusé. Nous pensons

  9   donc que ce témoin devrait être entendu viva voce. Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, bonjour.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci beaucoup. Excusez-moi de vous forcer

 12   à vous tourner vers moi, si vous souhaitez me regarder pendant que je

 13   m'exprime.

 14   Pour répondre au courrier électronique de M. Robinson, et à sa requête

 15   d'aujourd'hui, j'aborderais deux thèmes principaux. D'abord, le volume des

 16   documents 92 ter pour ce témoin-ci, Me Robinson, dans son courrier, le

 17   premier courrier électronique nous dit que ce volume est extrêmement

 18   important et encombrant. Cela correspond à trois jours de déposition dans

 19   l'affaire Tolimir, ce qui me semble est assez gérable pour un témoin de

 20   cette nature, mais ceci ne devrait jamais être la seule raison justifiant

 21   une décision de versement d'une déclaration 92 ter. La taille d'un dossier,

 22   des documents, ne doit pas être un obstacle automatique au versement du

 23   dossier en question. Me Robinson dit également qu'un certain nombre

 24   d'éléments ne présentent aucune pertinence en l'occurrence, et que ces

 25   aspects concernent davantage l'affaire Tolimir.

 26   Il est quasiment absurde de dire le fonctionnement de l'état-major

 27   principal de la VRS ne concerne pas cette affaire, pas contraire. Le Dr

 28   Karadzic était le commandant suprême de l'armée serbe de Bosnie, l'armée


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  1   lui était subordonné de par la loi, ainsi que dans la pratique le gros de

  2   l'armée et les Serbes de Bosnie auraient appliqué les politiques et

  3   poursuivi les objectifs du Dr Karadzic, et des autres dirigeants serbes de

  4   Bosnie.

  5   Alors la structure, le fonctionnement effectif, le fonctionnement

  6   donc les principes de commandement, les processus de recrutement, les

  7   modalités de communication de l'information de cette armée, telle que

  8   décrit par ce témoin vont au cœur de l'affaire qui concerne le Dr Karadzic,

  9   et pour que les choses soient tout à fait claires, je vous renvois à notre

 10   mémoire préalable au procès, paragraphes 70, 119 et 125. Pour vous donner

 11   un exemple, l'Accusation a dit que le Dr Karadzic et l'état-major principal

 12   et les dirigeants civils s'étaient vus communiquer des informations

 13   précises en temps voulu sur des événements survenant sur le terrain, et

 14   affirmait également que les rapports, émanant des corps et adressés à

 15   l'état-major principal, étaient présentées de manière orale ainsi que par

 16   écrit et que des rapports spéciaux étaient également présentés contenant

 17   des informations sur les forces ennemies, la préparation au combat des

 18   unités du corps, la situation sur le terrain, et cetera. L'on constate à la

 19   lumière de cet exemple que les éléments apportés par le général Obradovic

 20   corroborent un certain nombre de ces assertions et ne présentent aucune

 21   pertinence directe en l'espèce.

 22   Dire que les événements à Zepa sont dépourvus de pertinence me paraît

 23   absurde. Ceci renvoie d'ailleurs à une décision déjà prise par la Chambre,

 24   s'agissant des événements de Gorazde et de Cerska, autres secteurs de

 25   l'enclave orientale.

 26   Le Dr Karadzic n'est pas accusé de quoi que ce soit, eu égard aux

 27   événements de Zepa, en 1995. Toutefois, les éléments de preuve relatifs à

 28   ces événements tel qu'évoqués, dans le cadre de la déposition de ce témoin


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  1   dans l'affaire Tolimir, présente une pertinence pour un certain nombre de

  2   raisons. D'abord, pour démontrer l'existence d'une entreprise criminelle

  3   commune consistante à expulser des non-Serbes de territoire revendiqué par

  4   les Serbes de Bosnie, entre 1991 et 1995. Ces éléments sont pertinents, car

  5   ils montrent l'existence d'une conduite répétée. Alors même s'ils ne

  6   concernent pas la période couverte par l'acte d'accusation proprement dit,

  7   les éléments de preuve relatifs à l'existence de politique systématique

  8   menée par les dirigeants serbes de Bosnie, politique de blocus, de

  9   restriction de circulation et d'envoi et d'attaque contre l'enclave de

 10   Zepa, présentent une pertinence puisque l'on constate les mêmes pratiques

 11   dans le secteur de Srebrenica et d'autres secteurs des enclaves. On

 12   constate qu'il y a eu des opérations militaires poursuivies qui visaient à

 13   mettre en œuvre le troisième objectif stratégique.

 14   Les éléments de preuve concernant Zepa sont pertinents, car ils

 15   montrent le commandement exercé par M. Karadzic, sur l'armée des Serbes de

 16   Bosnie. Ces éléments sont pertinents, car ils appuient l'argument selon

 17   lequel l'armée serbe de Bosnie agissait sous les instructions, sous la

 18   direction du Dr Karadzic. Ils montrent également que le système de

 19   communication fonctionnait au sein de l'armée des Serbes de Bosnie, et puis

 20   ils montrent également que les crimes ont été commis à Srebrenica, en 1995.

 21   Ces éléments confirment et corroborent la déposition de David Harland, et

 22   notamment sa déclaration enregistrée sous la cote P820, paragraphes 225 et

 23   228, où il parle de son rôle dans les négociations complexes relatives aux

 24   échanges des prisonniers qui ont duré pendant plus de dix ans.

 25   Il parle des Serbes et du fait qu'il a, par la suite, encouragé les

 26   échanges de la totalité des prisonniers, et il dit, et je le cite:

 27   "Avec le recul, il semblerait que c'était parce que Mladic savait

 28   qu'une fois que les Bosniaques apprendraient ce qui s'était passé, à


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  1   Srebrenica, et il n'y avait aucune chance qu'ils récupèrent ces

  2   prisonniers."

  3   Les éléments relatifs à Zepa confirment et corroborent très exemple

  4   la description fournie par M. Harland, en disant qu'effectivement, une fois

  5   les événements de Srebrenica connus, il n'y aurait plus aucune chance de

  6   récupérer les prisonniers, et nous avons vu d'ailleurs ce qui s'est passé

  7   en prenant connaissance des documents dont on a parlé le témoin dans

  8   l'affaire Tolimir.

  9   Pour ce qui est de ce que Me Robinson appelle l'usage d'arme

 10   chimique, après interrogatoire principal et contre-interrogatoire à ce

 11   sujet, l'on voit bien que les parties, dans l'affaire Tolimir, ont compris

 12   que le document où il est question de ces armes chimiques faisait référence

 13   en fait à des moyens chimiques, à savoir du gaz lacrymogène et grenades de

 14   ce type. Ces éléments sont pertinents parce qu'ils montrent que ce matériel

 15   était entre les mains de l'armée serbe de Bosnie, que ce matériel a été

 16   fourni au Corps de la Drina et au 65e Régiment de protection, et ceci

 17   corrobore le témoignage récent de M. Nikolic, qui a confirmé que des

 18   membres de son régiment étaient rattachés à l'état-major principal de la

 19   VRS et qu'il s'était trouvé à Potocari pour séparer les membres de la

 20   population. Ces éléments de preuve confirment également la déposition faite

 21   devant cette Chambre par KDZ045, un témoin qui a survécu aux exécutions de

 22   Srebrenica et qui a parlé de grenades et de gaz lacrymogènes qui avaient

 23   été jetés vers les Bosniaques et vers la colonne s'échappant vers Tuzla.

 24   Voilà donc autant d'arguments qui montent que la déposition du témoin est

 25   tout à fait recevable en vertu de l'article 92 ter et qu'elle est tout à

 26   fait pertinente vu le contexte général. Je m'en tiendrais là. Je vous

 27   remercie.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le


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  1   Président, j'aimerais pouvoir répondre brièvement. Les arguments présentés

  2   par Mme Edgerton montrent que cette question revêt une -- une importance

  3   qui va au-delà de la simple question de savoir si l'on doit entendre un

  4   témoin viva voce où si l'on doit accepter des éléments de preuve par écrit,

  5   en application de l'article 92 ter. Le général Tolimir a été jugé pour des

  6   événements survenus à Zepa. C'est de cela dont il a été accusé. Les -- la

  7   déposition du témoin dont nous parlons était donc très large et il n'eut le

  8   besoin d'y faire objection. Je crois que c'est encore là une meilleure

  9   raison pour que la Chambre entendre la déposition de ce témoin viva voce de

 10   façon à ce que l'on puisse évaluer les éléments relatifs à Zepa qui doivent

 11   être versés au dossier de cette affaire, si toutefois l'on doit en verser.

 12   Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Merci à vous, Madame

 14   Edgerton. Merci à vous, Maître Robinson. La Chambre étudiera les arguments

 15   qui viennent de leur être présentés et rendra sa décision après la

 16   prochaine pause.

 17   Je demanderais à ce que l'on fasse rentrer le témoin dans le

 18   prétoire.

 19   [Le témoin est vient à la barre]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 21   Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Les choses sont un peu plus claires pour moi. M. Pirocanac a fait

 25   l'objet de pressions, non pas seulement parce que son documentaire a été

 26   diffusé, mais du fait également de l'interprétation que vous avez faite de

 27   son reportage.

 28   R.  C'est l'hypothèse que j'ai formulée ou, en tout cas, que la situation


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  1   l'avait mise dans une situation délicate par rapport à ceux qui lui avaient

  2   donné accès à l'information. En tout cas, c'était quelque chose d'important

  3   pour lui. Enfin, je ne sais pas. Evidemment, il m'est difficile de

  4   déterminer très exactement ce qui se passait, mais je ne pense pas qu'il

  5   ait été satisfait de sentir cette -- ce fardeau posé sur lui.

  6   Q.  Vous avez dit aujourd'hui, en page 36, ligne 14 : "C'est mon article

  7   qui l'a mis dans le pétrin," n'est-ce pas ? Nous pouvons revenir à la page

  8   en question si vous le souhaitez. Donc cet article a été publié -- ou

  9   plutôt, le reportage a été monté puis diffusé par une chaîne qui ne nous

 10   aimait pas beaucoup. Mais ce n'est pas cela véritablement qui a mis M.

 11   Pirocanac sous pression. Il a été victime de pressions une fois que vous

 12   avez publié votre article, votre interprétation de son reportage. C'est

 13   bien ce que vous dites en substance en page 36 ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Merci. Conviendriez-vous que vous n'auriez pas autorisé quelqu'un à

 16   analyser vos propres notes, notes sur la base desquelles vous auriez rédigé

 17   un article ? Vous publiez votre article, un point c'est tout. Vos notes ne

 18   sont pas censées faire l'objet d'une analyse par d'autres, car vous ne

 19   l'autoriseriez pas, n'est-ce pas ?

 20   R.  En effet, mais je ne laisserais pas traîner mes notes pour éviter que

 21   d'autres les utilisent ou en prennent connaissance.

 22   Q.  Mais il a laissé son reportage à la Station B [phon]. L'idée, ce

 23   n'était pas véritablement de rendre ce document accessible à d'autres,

 24   accessibles aux membres du public.

 25   R.  Je pense que c'est exact. Certains éléments ne faisaient pas partie du

 26   document qui a été diffusé, mais cela ne me concernait pas. Je suis allé à

 27   Studio B. Je leur ai demandé de me présenter quelque chose et ils m'ont

 28   remis ces cassettes. J'ai dit : "Qu'est-ce que c'est ?" Ils m'ont dit :


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  1   "Voilà, il s'agit des rushes et du documentaire." Alors je n'allais pas

  2   faire au difficile.

  3   Q.  Merci. Vous avez parlé de notes. Pendant l'entretien, vous avez dit que

  4   chez vous, aux Etats-Unis, il se peut que vous disposiez encore de

  5   certaines notes remontant à cette époque. Auriez-vous l'amabilité de les

  6   chercher pour nous ? Nous respecterions bien entendu toute demande de ne

  7   pas publier certains noms, notamment.

  8   R.  Oui, je pourrais tout à fait rechercher mes notes, mais je ne serais

  9   pas disposé à les remettre pour un certain nombre de raisons dont

 10   particulièrement le risque que cela pourrait faire courir à certaines de

 11   mes sources. Je pense également que cela ne serait pas une bonne chose à

 12   faire, pour la raison dont vous parliez, eu égard à M. Pirocanac. Nous

 13   prenons une déclaration quant à l'importance de tel ou tel événement au

 14   moment où nous écrivons nos articles.

 15   Puis une autre raison peut-être plus subsidiaire, c'est que je ne

 16   suis pas certain que vous seriez en mesure de les déchiffrer.

 17   M. ROBINSON : [interprétation] J'aimerais intervenir et être un peu plus

 18   précis peut-être dans les questions que nous souhaitons adresser à M.

 19   Block. Nous nous demandions s'il serait prêt à rechercher les notes

 20   correspondant à sa rencontrer avec M. Petrovic-Pirocanac le -- du 18

 21   juillet 1995. S'il existe des notes reprenant la teneur de cette

 22   conversation, nous aimerions que M. Block photocopie ces notes et qu'il les

 23   communique à la Chambre de première instance de façon -- de façon, pardon,

 24   à ce que nous puissions déterminer si, oui ou non, une référence a été

 25   faite au Dr Karadzic au cours de la conversation.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. L'argument est valable. Pouvez-vous

 28   répondre à la question, Monsieur Block ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas être prêt à aller si loin et

  2   je vais vous dire pourquoi. Dans le monde du journalisme, nombre de mes

  3   collègues rechignent à aider une institution telle que celle-ci au motif

  4   que ceci risque de les exposer à un plus grand danger encore, qu'en venant

  5   témoigner dans un procès de cette nature, il risque d'être considérés comme

  6   disons partial. Je ne partage pas pleinement cette analyse. J'estime que

  7   nous sommes au service de notre profession, de notre journalisme et que

  8   nous faisons l'information que nous publions. Mais le processus est

  9   complexe, il renvoie souvent à l'expérience de chacun, et je ne pense pas

 10   qu'il serait bon que je présente des notes brutes de décoffrages ceci me

 11   ferait franchir un seuil que je ne suis pas prêt à franchir.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Meri.

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, serait-il

 14   possible d'être entendu sur une question d'écoulant de cette déclaration,

 15   peut-être pourrait-on demander au témoin de sortir ou maintenant ou plus

 16   tard, sachant que ceci risque d'avoir une incidence sur la nature de sa

 17   déposition et j'aimerais être entendu sur ce point à un moment donné ou à

 18   un autre.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous vous entendrons ultérieurement à ce

 21   sujet, Maître Robinson.

 22   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Avez-vous pris des notes lorsque vous vous êtes entretenu avec les gens

 26   ordinaires avec lesquels vous avez parlé -- ou plutôt, auxquels vous faites

 27   référence dans vos publications.

 28   R.  Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question. J'ai essayé d'y


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  1   réfléchir lorsque vous m'avez demandé si j'avais pris des notes lors de ma

  2   conversation avec Pirocanac. Pour être tout à fait honnête, je n'en suis

  3   pas certain parce qu'il s'agissait d'une simple conversation. Dans certains

  4   cas, des notes étaient prises sans entendre au moment ou, par exemple, vous

  5   étiez assis en face de quelqu'un et que vous notiez la teneur de la

  6   conversation. Puis parfois, il s'agissait d'une simple conversation et vous

  7   notiez peut-être l'essentiel de ce qui se disait ou vous vous tâchiez de

  8   vous le remémorer de l'inscrire dans votre mémoire, et puis parfois, il y

  9   a, bien sûr, des petits enregistreurs où lorsque vous êtes avec un autre

 10   journaliste, vous essayez de voir si vous vous souvenez de la même chose.

 11   Parfois un carnet de notes, cela peut rendre les gens nerveux ou les mettre

 12   mal à l'aise.

 13   Dans un pays tel que la Yougoslavie avec son passé socialiste, je me

 14   suis rendu compte que me trouver devant quelqu'un avec un carnet de notes à

 15   la main ne servait pas toujours mes intérêts. Cela donnait l'impression à

 16   ceux qui me parlaient qu'ils étaient interrogés par la police.

 17   Alors, oui, dans certains cas, j'ai pris des notes dans mes

 18   conversations avec certaines personnes, et puis, parfois, je rédigeais mes

 19   notes par la suite, donc encore une fois, je ne suis pas certain de

 20   comprendre la question, mais, oui, effectivement, il m'est arrivé de

 21   prendre des notes lorsque je m'entretenais avec ces personnes, ces gens

 22   ordinaires dont vous parlez, et puis parfois, je ne le faisais pas.

 23   Q.  Je vais vous poser des questions qui vous permettront de répondre

 24   facilement par un oui ou un non, parce que, sinon, nous n'aurons pas

 25   suffisamment de temps pour tout couvrir.

 26   Etes-vous d'accord sur un fait, à savoir pendant que vous étiez sur le

 27   terrain en juillet 1995, nous n'avions pas de relation avec la Serbie ni

 28   avec le président Milosevic ? Il y avait eu une brouille entre nous, et


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  1   l'embargo était encore en place, imposé à nos frontières ?

  2   R.  Je ne peux pas vous répondre tout simplement par un oui ou un non. Oui,

  3   effectivement, il y a eu des tensions entre les deux entités sur le plan

  4   officiel, mais il y avait encore énormément de soutien qui était fourni et

  5   il y avait beaucoup de contrebandes les autorités faisaient mine de ne pas

  6   être au courant, et il y avait aussi énormément d'éléments qui nous

  7   permettaient de penser qu'indépendamment du fait ou malgré le fait que M.

  8   Milosevic ne semblait pas vous apprécier, que lorsqu'il s'agissait de

  9   fournir un soutien pour faire le nécessaire pour qu'il n'y ait pas

 10   d'effondrement du projet de la Republika Srpska, qu'il faisait en sorte que

 11   vous ayez ce dont vous aviez besoin.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell.

 13   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, j'allais opposer une objection aux

 14   caractères imprécis de la question, par rapport aux liens sur lesquels on

 15   interrogeait, mais je vois que le témoin a su répondre de manière

 16   satisfaisante.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Mais sommes-nous d'accord sur le fait suivant la Serbie exigeait que

 21   l'on accepte le plan du Groupe de contact et seule l'aide humanitaire

 22   passait, mais la direction politique, à ce moment-là, a coupé tout contact

 23   ? Il n'y avait pas de contact entre nous donc dans la mesure où vous êtes

 24   au courant; est-ce que vous pouvez nous répondre à cette question ?

 25   R.  Là encore, oui, il est vrai que Milosevic a apporté son soutien au plan

 26   du Groupe de contact en apparence, mais je pense que les deux parties

 27   étaient en mesure de communiquer lorsque cela était nécessaire.

 28   Par exemple, souvent lorsque j'étais à Belgrade il savait exactement ce qui


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  1   se passait à Pale et dans d'autres régions de Republika Srpska, et ce sont

  2   des informations que j'obtenais souvent par des filières politiques proches

  3   du président Milosevic, et l'information que j'obtenais à ce moment-là

  4   était corroborée par la suite. Donc je ne pense pas ou j'ai l'impression

  5   que, pendant que vous peut-être n'étiez pas en contact direct, qu'il était

  6   possible d'échanger des messages lorsque c'était nécessaire.

  7   Q.  Mais le service secret serbe opérait en Republika Srpska à mon insu;

  8   est-ce que vous excluez cela ?

  9   R.  Oui, c'est vrai.

 10   Q.  Aujourd'hui, page 18, ligne 20, vous avez déclaré que non seulement

 11   vous avez entendu dire que la direction serbe était très en colère, mais

 12   que les autorités des Serbes de Bosnie avaient confisqué cet

 13   enregistrement.

 14   Croyez-vous que compte tenu de la situation où nous étions brouillés avec

 15   la Belgrade officielle, que nous pouvions confisquer véritablement une

 16   cassette qui avait été diffusée par une chaîne de télévision de Belgrade

 17   qui nous était hostile ?

 18   M. MITCHELL : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Oui.

 20   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le

 21   témoin est invité à se lancer dans des conjectures sur les moyens dont

 22   disposait le gouvernement de la Republika Srpska, ce qui lui aurait permis

 23   de se procurer l'enregistrement, la cassette. Je ne pense pas que le témoin

 24   le sache.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il pourrait répondre dans la mesure où

 26   il connaît la situation.

 27   Allez-y, Monsieur Block.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je peux dire, c'est que la Republika


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  1   Srpska avait des représentants officiels de son gouvernement à Belgrade, y

  2   compris un bureau de presse et des responsables du renseignement, par

  3   exemple, avaient accès aux informations de leurs confrères, camarades. Donc

  4   je ne pense pas que c'était au-delà de leur moyen de demander

  5   l'autorisation de confisquer ces bandes pour la Republika Srpska. En même

  6   temps, effectivement, ces enregistrements n'étaient pas -- ne

  7   représentaient le gouvernement de Belgrade, ou M. Milosevic, sous une

  8   lumière très positive. Donc je pense que tout un chacun avait intérêt à ce

  9   que ces enregistrements disparaissent, et là encore, si Dr Karadzic me

 10   demande si ces bandes auraient pu être confisquées d'une chaîne de la

 11   télévision de Belgrade sans l'autorisation de M. Milosevic ou sans

 12   l'autorisation du renseignement yougoslave, je pense qu'il a raison. Mais,

 13   effectivement, c'est très peu probable, mais je pense qu'en l'occurrence,

 14   il serait d'accord sur le fait, les deux parties seraient d'accord sur le

 15   fait qu'il valait mieux que ces enregistrements disparaissent.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je ne sais pas si

 17   c'est un problème d'interprétation qui se pose. Votre question, vous avez

 18   dit, page 18, ligne 20, M. Block a déclaré le gouvernement des Serbes de

 19   Bosnie a confisqué cette cassette. Mais je ne pense pas que ce soit ce que

 20   M. Block a dit. Il a dit : Les autorités serbes de Bosnie ont confisqué

 21   cela, et après c'était la direction militaire.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'ai peut-être mal traduit, mais je

 23   voulais parler d'autorité, et là, il s'agit du gouvernement, quoi qu'il en

 24   soit.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur Block, je ne conteste pas que vous ayez entendu une

 27   information. Moi, ce que je conteste c'est la source, la source qui vous a

 28   dit que c'était possible qu'en plein Belgrade, au Studio B, qui nous était


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  1   hostile, qui aurait diffusé. Je pense qu'ils auraient diffusé tout cela

  2   même si Milosevic s'était interposé; est-ce que vous êtes d'accord là-

  3   dessus ? Ils l'auraient diffusé quand même.

  4   R.  Je l'ai déjà dit, le Studio B était une salle de caméléon. Ils

  5   critiquaient quand cela leur convenait, et puis à d'autres moments, ils

  6   changeaient de camp. Ils se rangeaient aux côtés du gouvernement. Donc,

  7   dans quel état d'esprit, ils étaient, à ce moment-là, ce n'était pas

  8   quelque chose qui m'importait le plus. On nous a dit que des autorités

  9   serbes sont venues prendre la bande, c'est ce qu'on nous a dit au Studio B.

 10   Je n'ai pas douté de la véracité de cette information, et ils connaissaient

 11   bien la différence entre les autorités yougoslaves et puis des autorités

 12   qui venaient d'ailleurs, et donc je les ai cru.

 13   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que M. Pirocanac était là avec le plein

 14   aval des autorités, et aussi d'un policier haut placé ?

 15   R.  Oui, je pense que c'est ce qu'il a dit.

 16   Q.  Merci. Savez-vous, je vous en ai parlé pendant notre entretien, je ne

 17   sais pas si vous avez eu le temps de vérifier. Mais est-ce que vous savez

 18   j'ai personnellement donné mon accord à un journaliste pour qu'il suive les

 19   événements de Zepa, sur place, directement avec sa caméra, Peter Arnett, un

 20   journaliste connu, et qu'effectivement, il l'a fait.

 21   R.  Oui, j'ai vérifié, et effectivement, c'est ce qui s'est passé.

 22   Q.  Merci. Pirocanac, que vous a-t-il dit au sujet de moi ?

 23   R.  Je me souviens simplement qu'il a dit qu'il a compris, qu'il a entendu

 24   dire que vous étiez en colère, en colère à cause de la diffusion de son

 25   documentaire.

 26   Q.  Merci. Savez-vous que le Procureur a eu un entretien avec M. Pirocanac,

 27   et que ces enregistrements ont été analysés quasiment image par image,

 28   seconde par seconde, en 2006 ?


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  1   R.  Je sais que les enquêteurs ont eu un entretien avec M. Pirocanac, au

  2   sujet d'extraits manquants dans cet enregistrement, mais je ne sais pas

  3   exactement de quoi ils ont parlé ou ce qu'ils ont fait.

  4   Q.  Avez-vous appris qu'un enquêteur a déposé ici, disant que peut-être 20

  5   secondes ont été effacées par erreur pendant l'entretien, et que c'était ça

  6   qui manquait, et que Pirocanac a commenté avec eux l'ensemble de ces

  7   images, tout l'enregistrement, et que nous avons cela ici, dans sa

  8   totalité, ce qui a été diffusé par Studio B ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

 10   M. MITCHELL : [interprétation] Je voudrais simplement que l'on nous donne

 11   la référence, où est-ce que l'enquêteur aurait témoigné qu'il manquait 20

 12   secondes.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est M. Blaszcyk qui a déposé ici et il a dit

 14   qu'il a vu, à quel moment, le bouton a été appuyé par erreur. On a appuyé

 15   par erreur sur ce bouton, et que l'on a effacé tout au plus 20 secondes.

 16   C'est assez récemment qu'il est venu déposer ici.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell, est-ce que cela vous

 18   suffit comme précision ?

 19   M. MITCHELL : [interprétation] Je voudrais une référence précise, si

 20   possible.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puisque vous contestez la durée de ce

 22   segment.

 23   M. MITCHELL : [interprétation] Pour commencer, je ne pense pas que M.

 24   Blaszcyk aurait pu voir le moment où on a effacé cet enregistrement dont

 25   ont parle maintenant. Donc je voudrais voir exactement de quelle portion du

 26   compte rendu d'audience il s'agit, de la déposition de M. Blaszcyk.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors entre-temps, nous

 28   allons continuer. Quelle a été votre question, Monsieur Karadzic ?


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Donc laissons cela de côté, on y reviendra à partir du moment où on

  3   aura retrouvé la page correspondant du compte rendu d'audience. Mais je

  4   voulais savoir ou plutôt je voulais montrer ce que M. Pirocanac a dit à mon

  5   sujet.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] 65 ter, 4561 [phon], s'il vous plaît, sur la

  7   liste 65 ter. C'est l'entretien de M. Blaszczyk, M. Nicholls, avec M. Zoran

  8   Petrovic-Pirocanac. Entre-temps, il a soutenu sa thèse de doctorat, et il

  9   fait de la recherche.

 10   C'est la première page. Je demanderais à ce que l'on affiche la page 112 en

 11   anglais, s'il vous plaît. Peut-être pourrons-nous nous passer de la version

 12   en B/C/S, sauf peut-être si cela peut être utile au public.

 13   Commençons à la ligne 23 et suivantes. Je ne crois pas que ce soit la même

 14   page que j'ai moi, peut-être qu'il y a une erreur. Voyons la partie où il

 15   est question de "Krajisnik." Je vois. Il faut avancer de trois pages. Page

 16   115, c'est celle-là dont nous avons besoin.

 17   Voyez ce qui est écrit ici, examinez la partie qui commence en ligne 16,

 18   voyez la réponse apportée par M. Pirocanac. Puis voyez la ligne 20, il est

 19   dit que :

 20   "Les dirigeants des Serbes de Bosnie, Krajisnik et d'autres ont demandé à

 21   studio B et m'ont demandé à moi de leur envoyer un exemplaire. Le

 22   lendemain, il a été diffusé. Je me souviens, et je connais le type, il

 23   s'appelle Zoran. Il est maintenant à Politika. Il pourrait le confirmer que

 24   nous avons envoyé, par autocar, un exemplaire à Pale. Ils étaient encore

 25   ensemble. Je ne sais pas si Karadzic l'a vu, mais la plupart d'entre eux

 26   l'ont vu. Si vous demandiez à Krajisnik s'il s'en souvient, vous verrez que

 27   tout a été très bien fait. Ma conclusion est la suivante : C'est à ce

 28   moment-là que --"


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  1   Ensuite on n'entend pas.

  2   "Et s'ils avaient entendu ce qui se passait, ils auraient pu faire

  3   les choses différemment et éviter ce qui s'est passé par la suite," et

  4   cetera.

  5   En bref, Pirocanac dispose d'informations selon lesquelles la partie

  6   serbe a demandé un exemplaire de cette cassette, et non pas l'originale.

  7   L'exemplaire leur a été transmis, et les dirigeants serbes ont estimé que

  8   ce reportage avait été très bien fait.

  9   R.  Si tel était le cas, je ne comprends pas pourquoi il était si agité

 10   lorsque je l'ai rencontré deux jours plus tard.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois que M. Mitchell s'est levé, mais

 12   j'aimerais que l'on examine une partie de cette déposition qui commence

 13   trois pages plus loin. Puis-je poser ma question au témoin ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, un instant.

 15   Monsieur Mitchell.

 16   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais revenir à

 17   cela, à la question du Dr Karadzic qui se trouve en page 53, ligne 17. Il

 18   dit au témoin si M. Blaszczyk a témoigné et a dit qu'il l'avait vu que l'on

 19   avait effacé par accident 20 secondes tout au plus en appuyant sur le

 20   mauvais bouton. Il en a parlé récemment dans sa déposition. Or, M.

 21   Blaszczyk témoignait très précisément des images relatives à l'entrepôt de

 22   Kravica, sur la durée de ces images-là, et il n'a rien dit sur le fait

 23   qu'il aurait vu un bouton sur lequel on aurait appuyé par erreur et qui

 24   aurait eu, pour conséquence, d'effacer une certaine partie des images.

 25   Alors je ne sais pas s'il y a une erreur de traduction ou un malentendu,

 26   mais je crois qu'en fait les informations présentées au témoin ne sont pas

 27   tout à fait exactes.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Mitchell.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. J'aimerais que l'on examine la partie

  2   qui commence trois pages plus loin.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  En attendant, Monsieur Block, j'aimerais savoir si vos collègues,

  5   lorsque du matériel est acheté ou fourni ou vendu, si vos collègues

  6   participent à la négociation de ces prix, ou bien si le prix est augmenté,

  7   et cetera.

  8   R.  Oui, parfois, effectivement, dans le monde de la télévision -- de

  9   l'image, lorsque vous avez des images uniques, effectivement, oui, chacun y

 10   va de son offre et ces images sont souvent remises au plus offrant. Parfois

 11   un journaliste de télévision peut vendre un premier accès exclusif à

 12   quelqu'un sachant que par la suite les images seront vendues à d'autres

 13   moins cher. Les différentes chaînes de télévision tentent d'obtenir la

 14   première les images filmées. Ça change d'un marché à l'autre, mais

 15   évidemment la première diffusion est la plus chère. Par exemple, aux Etats-

 16   Unis, un pays riche et un gros marché, le prix demandé sera plus élevé

 17   qu'aux Pays-Bas, par exemple. Mais si vous voulez être le premier à

 18   diffuser certaines images uniques, exceptionnelles, il y a des chances pour

 19   que vous puissiez en obtenir le prix fort.

 20   Q.  Merci. Compte tenu de tous les éléments, M. Pirocanac a-t-il pu faire

 21   augmenter la valeur de son travail en disant combien cela lui avait coûté

 22   et quel type de pression était exercé sur lui ? Pouvez-vous nous fournir

 23   une explication, puisque vous voyez bien ce qu'il dit ici ?

 24   R.  Je ne suis pas moi-même dans le monde de la télévision même si je

 25   comprends bien comment les choses fonctionnent, j'ai eu l'impression que

 26   l'un des raisons pour lesquelles il était irrité à mon égard c'est parce

 27   qu'il avait le sentiment que d'une certaine manière nous avions diffusé la

 28   cassette par écrit, si vous voulez, sans le moindre type de compensation ou


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  1   de commission. Je crois que cela faisait partie du problème.

  2   Alors vous parlez des parties manquantes, je ne sais pas si vous m'avez

  3   posé la question plus tôt, mais je crois que, oui, si j'étais au courant du

  4   fait que certaines parties manquaient. En fait, j'ai été au courant de la

  5   partie manquante quasiment instantanément parce que très peu de temps par

  6   la suite, la cassette a disparu. Zoran concluait des accords avec les

  7   chaînes de télévision pour que ces images soient diffusées, e les images

  8   qu'il leur vendait, effectivement, comportaient un certain nombre de

  9   parties manquantes. Je n'ai jamais revu les images que j'ai vues ce jour-là

 10   à Belgrade avant de nombreuses années, lorsque par la suite, je crois

 11   qu'une chaîne de télévision néerlandaise a réussi à déterrer un exemplaire

 12   et m'a demandé si c'était exactement ce que j'avais vu à l'époque.

 13   Donc, oui, je crois, et c'est aussi ce que m'ont dit des amis que je

 14   partage avec Zoran, je crois qu'il disposait en fait d'une mine d'or

 15   journalistique. Il disposait d'images que tout le monde voulait diffuser.

 16   Il avait aussi des images qui semblaient le mettre un peu en porte-à-faux

 17   avec ses sources et ses bienfaiteurs au sein de la structure militaire

 18   yougoslave et les Serbes de Bosnie, donc il devait trouver un moyen de

 19   tirer parti de cette mine d'or journalistique qui était entrée en sa

 20   possession.

 21   Le résultat, nous le connaissons tous, c'est une cassette avec un

 22   certain nombre de parties manquantes, et je pense qu'il savait tout à fait

 23   ce qu'il faisait en vendant ces informations. Maintenant, pourquoi ces

 24   parties manquent-elles ? On ne peut se livrer qu'à des conjectures, mais je

 25   crois que, dans son esprit, ce reportage, sans les parties en question, lui

 26   poserait moins de difficultés vis-à-vis de ses sources.

 27   Q.  Merci. Examinons la page précédente. L'impression n'est pas très

 28   bonne.


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  1   Mais je vous demande d'examiner la partie qui commence à la ligne 18.

  2   Je cite :

  3   "Il est certain qu'ils ont été contactés et ils ont envoyé un exemplaire.

  4   Et quelqu'un m'a dit que le reportage avait été très bien fait, de manière

  5   très honnête et très objective, professionnelle. Il est intéressant

  6   aujourd'hui de voir toutes ces personnes d'alors et leurs positions. Alors,

  7   peut-être est-il utile que vous demandiez à quelqu'un d'autre."

  8   Saviez-vous que j'étais encore en bons termes avec M. Pirocanac et qu'après

  9   cet événement, je lui ai accordé un long entretien, et c'était également le

 10   cas pendant la guerre avant cet événement ?

 11   R.  Je ne le savais pas. En tout cas, je ne le savais pas avant que vous ne

 12   me le disiez l'autre jour.

 13   Q.  Merci. Vous avez parlé des autorités civiles, mais aussi des autorités

 14   militaires. Vous conviendrez que cette conversation a eu lieu ici même dans

 15   ce bâtiment et non pas au quartier pénitentiaire ?

 16   R.  Oui, oui. Nous nous sommes réunis ici, à deux pas, la semaine dernière.

 17   Q.  Savez-vous pourquoi nous nous sommes rencontrés ici même et non pas au

 18   quartier pénitentiaire ?

 19   R.  Je suppose que c'est parce que vous aviez terminé l'audience du jour et

 20   qu'il était plus commode de se rencontrer ici.

 21   Q.  Mais ce n'est pas la raison pour laquelle nous nous sommes rencontrés

 22   ici. C'est parce que, au quartier pénitentiaire, les journalistes ne sont

 23   pas autorisés.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je m'interroge quant à la pertinence de

 25   cette déclaration.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin a parlé de l'armée. Si le quartier

 27   pénitentiaire n'accepte pas les journalistes, comment se fait-il que

 28   l'armée sur la ligne de front accepte des journalistes ? Je voulais donc


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  1   lui poser la question suivante, à savoir : quelqu'un d'autre comme

  2   Pirocanac aurait-il pu se trouver sur la ligne de 

  3   front ? L'armée avait une position particulière à l'égard de ces

  4   différentes questions. Les autorités civiles en avaient une autre.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Conviendrez-vous donc que Pirocanac disposait d'une autorisation des

  7   forces de police et que Peter Arnett avait une autorisation que j'avais

  8   émise, que les autorités, en d'autres termes, n'imposaient pas de

  9   restrictions même dans un tel contexte, mais que lorsque l'on parle de

 10   l'armée, la situation est toute 

 11   autre ?

 12   R.  Je pense que ce que vous me demandez c'était de savoir si j'étais

 13   conscient que les militaires imposaient des restrictions aux journalistes.

 14   Oui, absolument. Et est-ce que les autorités civiles étaient à même de

 15   passer outre ces restrictions ? Est-ce que c'est cela, la question que vous

 16   me posez ?

 17   Oui. Les militaires imposaient des restrictions aux journalistes, et

 18   souvent, de mon expérience, si on avait obtenu l'autorisation des autorités

 19   civiles, ils ne transmettaient pas toujours des ordres militaires aux

 20   militaires sur le terrain, et ce n'était pas nécessairement à haut niveau.

 21   Vous pouviez avoir des officiers de bas grade qui, en fait, n'acceptaient

 22   pas de donner suite à un document, ou bien quelqu'un qui avait été envoyé

 23   pour vous accompagner se voyait rejeté. Alors, souvent c'était parce qu'ils

 24   n'étaient pas informés, parce qu'ils n'avaient pas reçu l'ordre directement

 25   de leur supérieur et parce qu'ils ne souhaitaient pas commettre d'erreur.

 26   En toute honnêteté, je dois dire qu'on peut avoir des problèmes si on

 27   autorisait un journaliste à venir. Mais on n'aurait jamais de problèmes si

 28   on n'autorisait pas les journalistes à avoir accès.


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  1   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur Block, vous venez de

  2   mentionner l'enregistrement avec les lacunes.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Hm-hm.

  4   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Mais est-ce que vous pouvez nous dire

  5   de combien étaient ces lacunes ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais, pour ma part, chronométré ces

  7   lacunes, mais je me souviens du commentaire qui accompagnait une de ces

  8   bandes. Il y avait une petite lacune où je crois que quelqu'un parlait à

  9   des enfants ou il y avait des jeux d'enfants, on entendait des voix

 10   d'enfants. Dans une autre section, on entendait Zoran ou quelqu'un,

 11   apparemment, qui parlait d'une bombe au sol, et ça, ça a duré un peu plus

 12   longtemps.

 13   Tout ce dont je me souviens, c'est qu'il était clair que certaines choses

 14   avaient clairement été coupées dans ce qui était disponible aux

 15   journalistes. Il y avait les scènes devant le hangar à Kravica et les

 16   scènes devant la "maison blanche" où il y avait des images d'hommes

 17   bosniaques -- serbes de Srebrenica qui étaient détenus.

 18   Alors je sais qu'il y a eu beaucoup d'enregistrements que j'avais vus qui

 19   étaient de l'enregistrement brut que je n'ai jamais vu reproduit nulle

 20   part. Mais la bande dont je me souviens qu'il m'avait mise à disposition,

 21   c'étaient là les deux sections dont je me souviens qu'elles manquaient.

 22   S'agissant de la longueur de ces extraits, je ne m'en souviens pas.

 23   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Merci beaucoup.

 24   Oui, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'attendais les interprètes.

 26   Pouvons-nous regarder la transcription, page 23 575, des lignes 9 à 11.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  M. Blaszczyk dit :


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  1   "Cet enregistrement, ce n'est pas dans -- ça ne figure pas parmi ce qu'il

  2   nous a été remis, et si on compare le déroulement dans le temps, on voit

  3   qu'il manque à peu près 11 secondes d'enregistrement."

  4   Donc ce qu'il manque, c'est à peu près 11 secondes, tel que cela a

  5   été constaté par les enquêteurs, et c'est la seule différence entre ceci et

  6   la matière première qu'ils avaient reçue; est-ce que vous acceptez la

  7   parole des enquêteurs à ce sujet ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ça, c'est par rapport à l'enregistrement

  9   spécifique.

 10   Monsieur Mitchell.

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, c'était là ma remarque. Il y a un

 12   certain nombre de sections qui manquent, et là, on se réfère à une section

 13   particulière, et pas une combinaison de toutes les sections manquantes.

 14   Donc M. Karadzic doit être tout à fait au clair lorsqu'il pose ses

 15   questions à M. Block pour qu'on détermine la pertinence de ces questions.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Mitchell.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  A la page suivante, il y a une référence à une section de 24 secondes

 19   qui manque. C'est apparemment le temps que j'avais noté. Non, ce n'est pas

 20   à la page suivante, mais à la page 23 609, et on lit :

 21   "C'était la partie de 24 secondes par-dessus laquelle on a enregistré où

 22   l'on voit le ratio 'package' et la partie effacée."

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Il y a une chose qui m'intéresse beaucoup. Etiez-vous à même de

 27   vérifier vos sources, ce que vous entendiez de la part de vos sources ?

 28   Est-ce que vous avez pu le vérifier, et est-ce que vous avez,


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  1   effectivement, vérifié la précision de ce que l'on vous avait dit ?

  2   R.  S'agissant du nombre de personnes qui avaient été tuées ?

  3   Q.  Non. Tout d'abord, et surtout en ce qui me concerne moi, sur le fait

  4   que j'étais en colère et que les autorités des Serbes de Bosnie avaient

  5   confisqué l'enregistrement. En fait, vous avez dit aujourd'hui que ce

  6   n'était pas vraiment important pour vous, mais sinon, par ailleurs, avez-

  7   vous eu la possibilité de vérifier la pertinence de ce que vous aviez

  8   entendu de la part de quelqu'un d'autre, parce que parfois c'est des ouï-

  9   dire de deuxième ou de troisième niveau, des choses que vous n'avez pas pu

 10   observer vous-même ?

 11   R.  Dans le cas des rumeurs, comme vous l'avez dit, je n'ai jamais essayé

 12   de les faire corroborer. Ça n'a jamais fait l'objet d'un rapport de ma

 13   part.

 14   S'agissant de valider la confiscation des bandes sous l'autorité des

 15   autorités des Serbes de Bosnie, oui, j'ai validé cela. Et j'ai trouvé qu'il

 16   était extrêmement intéressant de regarder la déposition de M. Petrovic, en

 17   particulier sa déposition là où il dit que des copies ont été exigées.

 18   Alors la langue est quelque chose de très intéressant en ex-Yougoslavie. La

 19   demande qui émane d'une personne va se traduire comme l'exigence de

 20   confiscation par une autre. En fait, ce qui s'est passé, c'est que les

 21   bandes ont été envoyées à Pale à la demande ou sur l'ordre - ça dépend de

 22   la façon dont on regarde cela - des autorités serbes de Bosnie et, en fait,

 23   c'est là qu'on les a envoyées, et ces bandes n'ont jamais été revues pour

 24   autant que je le sache. Et j'ai effectivement validé le fait que les ordres

 25   venaient des autorités serbes de Bosnie. Et le fait que j'avais entendu que

 26   vous étiez fâché, non, ça je n'ai pas consacré d'énergie à valider cette

 27   information-là.

 28   Q.  Saviez-vous que l'armée aussi avait une caméra in situ et que, sur ces


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  1   enregistrements militaires, nous pouvons voir la caméra de Pirocanac ?

  2   Donc, en fait, savez-vous qu'il y avait deux personnes qui étaient en train

  3   d'enregistrer ce genre d'événements, certains des événements de Srebrenica

  4   ?

  5   R.  Oui. J'avais compris que non seulement l'armée enregistrait, mais que

  6   certaines unités avaient leurs propres caméras et que la télévision de la

  7   Republika Srpska, un des journalistes, était également venue dans cette

  8   région de Bratunac et filmait également.

  9   Q.  Merci. Est-ce que nous pourrions maintenant nous concentrer sur

 10   d'autres sujets. Vous avez publié un article, et je vais demander que cet

 11   article soit affiché. C'était le 14 juillet.

 12   Est-ce que vous pourriez nous dire comment un article est créé et ensuite

 13   expédié ?

 14   R.  Il n'y a pas de réponse unique à cela. De fait, des articles peuvent

 15   être écrits à la demande d'un rédacteur en chef ou d'un éditeur. Mais

 16   parfois, si un journaliste a une expertise particulière, on s'attend à ce

 17   que ce journaliste ou cette journaliste couvre ce domaine au mieux de ses

 18   capacités pour fournir un flux continu d'informations et d'éléments.

 19   J'étais particulièrement au fait de la partie orientale de Bosnie le long

 20   de la rivière Drina. En fait, j'étais en Yougoslavie, dans l'ex-

 21   Yougoslavie, juste avant l'attaque de Srebrenica. Je m'y étais rendu en

 22   avion et je travaillais pour essayer d'avoir une interview avec le général

 23   Ratko Mladic, et une fois que j'avais pu obtenir cette interview et que

 24   j'avais publié mon interview, j'ai décidé de rentrer chez moi pour aller

 25   voir ma famille pour découvrir quelques jours après qu'il y avait une

 26   concentration militaire qui était en train de commencer, au moment où je

 27   suis parti, dans la partie orientale.

 28   L'attaque a commencé quelques jours après mon retour, je crois, et au


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  1   moment de la chute de Srebrenica, mes éditeurs m'ont demandé si je pouvais

  2   contacter des sources et des autorités et des centres de presse à Belgrade

  3   et à Pale et m'entretenir avec des agences d'aide humanitaire par le biais

  4   des contacts que j'avais à Zagreb, à Tuzla ainsi qu'à Belgrade, et essayer

  5   d'obtenir un peu plus d'information sur ce que l'on obtenait par la plupart

  6   des agences de presse auxquelles les stations de radio et de télévision

  7   s'en remettent lorsqu'ils ne disposent pas d'envoyés spéciaux dans la

  8   région.

  9   Alors j'ai lu les rapports qui étaient envoyés par les agences de presse,

 10   les communiqués, puis j'ai passé quelques coups de téléphone dans la zone

 11   et j'ai dit : Voilà ce que Reuters dit, voilà ce que l'AP dit, voilà ce que

 12   l'on lit dans le "New York Times." Est-ce que c'est correct ? Est-ce que

 13   c'est précis ? Comme tout le reste, on soupèse l'information, on se demande

 14   s'ils ont été fiables dans le passé, on regarde le niveau de détail qu'ils

 15   ont et la façon dont leur histoire est rédigée, et ensuite on la rédige.

 16   Une fois que ceci est rédigé, il faut que cela soit conforme à l'espace qui

 17   vous est dévolu soit sur la page écrite ou dans le temps d'édition dans un

 18   journal télévisé, alors ça signifie qu'il va falloir couper certaines

 19   choses, et parfois, un rédacteur en chef va vous contacter et dire que vous

 20   avez telle chose qui -- une simple allégation, que vous n'avez pas

 21   d'élément pour soutenir cela, et donc on va vous demander de trouver plus

 22   d'information pour soutenir ce que vous dites ou bien de le couper purement

 23   et simplement.

 24   Et souvent, les disputes entre le rédacteur en chef et le

 25   journaliste, c'est l'espace qu'on lui accorde pour publier son histoire et

 26   ce qu'il convient de couper dans ce genre d'histoire.

 27   Alors, souvent, lorsque je n'étais pas sur les lieux, on ne

 28   m'accordait pas beaucoup d'espace que si j'étais sur place. Mais enfin, ça,


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  1   c'est simplement un instantané de la situation et du processus.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous avoir la pièce P4396, qui a été

  4   versée aujourd'hui.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous l'avons maintenant.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Je voulais vous poser la question suivante : est-ce que vous avez été à

  8   même d'observer que les différents côtés étaient en train d'essayer de se

  9   noircir mutuellement et que, donc, ils n'étaient pas objectifs quant aux

 10   activités les uns des autres ? Est-ce que vous avez pu le constater ?

 11   R.  Oui, tout à fait. Il semblait y avoir une tendance, on pourrait même

 12   dire une obsession, dans l'ex-Yougoslavie. Chacun essayait de se montrer en

 13   victime, et tout ce qui se passait était immédiatement annoncé et était

 14   amplifié. Souvent, les massacres étaient amplifiés, les atrocités étaient

 15   exagérées. C'était quelque chose d'extrêmement répandu, et cela rendait

 16   notre travail plus difficile parce que parfois il fallait des mois pour

 17   démêler les différents fils de l'écheveau de l'histoire. Mais nous le

 18   savions tous chez les journalistes : pour quiconque qui couvrait l'ex-

 19   Yougoslavie et qui essayait de présenter sa cause dans la -- que les

 20   différentes parties essayaient de présenter les choses sous un jour

 21   meilleur pour eux et essayaient toujours de se présenter comme les victimes

 22   réelles. La victimisation était ce qui était utilisé comme justification

 23   par les différentes parties pour justifier le traitement qu'ils

 24   infligeaient aux autres. Donc chacun souhaitait avoir ses victimes et les

 25   présenter de la façon, souvent, la plus macabre possible.

 26   Q.  Merci. Dans ce contexte, êtes-vous d'accord avec moi que dans le

 27   premier paragraphe vous attribuez à quelqu'un le terme de déporté. Vous

 28   dites que cette personne était déportée. Et dans le paragraphe suivant,


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  1   vous dites qu'apparemment 40 000 personnes ont été emmenées en camion.

  2   Avez-vous pu obtenir des renseignements sur les rencontres entre le général

  3   Mladic et les représentants des Musulmans qui demandaient à pouvoir partir,

  4   et avez-vous reçu l'information que c'étaient les Nations Unies qui ont

  5   demandé que l'on autorise les civils à partir ? C'était là quelque chose

  6   qui se passait au moment de cet article. Ou, en fait, avant cet article,

  7   puisque les événements auxquels vous vous référez se sont produits les 11

  8   et 12.

  9   R.  Il s'agissait d'un rapport initial de la ligne de front qui était en

 10   réaction aux rapports des agences et ce qui était ressorti d'informations

 11   du Haut-commissaire des Réfugiés des Nations Unies à Tuzla. Ce qui sous-

 12   tendait tout cela n'était pas clair pour qui que ce soit à l'époque, je

 13   crois.

 14   Q.  Merci. L'article a probablement été rédigé le 13 s'il a été publié le

 15   14 ?

 16   R.  Oui, correct.

 17   Q.  Merci. A la ligne 4 -- vous l'avez mis entre guillemets, mais

 18   apparemment il y avait des nouvelles alarmantes sur deux jeunes filles qui

 19   ont été séparées par l'armée des Serbes de Bosnie. Est-ce que vous avez

 20   essayé de vérifier ce qui s'est passé ? En fait, c'est au paragraphe 4 du

 21   texte. Sans doute que c'est les deux jeunes filles enlevées par l'armée des

 22   Serbes de Bosnie.

 23   R.  Non. En fait, j'ai simplement fait rapport de ce qui m'avait été dit

 24   par des fonctionnaires de la commission du HCR des Nations Unies. Et à

 25   l'époque, j'étais à Londres, donc il aurait été très difficile pour moi de

 26   faire plus que de procéder à de rapides interviews. Comme je l'ai dit en

 27   réaction à la question que vous m'avez posée tout à l'heure, vous aurez

 28   remarqué que cet article n'est pas très long. Mais en fait, c'était une


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  1   réaction à des événements dont nous avions entendu parler, et nous avons

  2   essayé de vérifier rapidement et de donner un aperçu des informations qui

  3   étaient publiées. En fait, c'est immédiatement après avoir rédigé cet

  4   article que j'ai été renvoyé chez moi pour faire mes valises pour me

  5   préparer à aller à Budapest, où j'allais être accueilli pour être emmené à

  6   Belgrade. Donc j'ai écrit cet article et je suis rentré en vitesse chez moi

  7   pour me préparer pour aller en Yougoslavie pour fournir plus de contexte et

  8   plus de compréhension à ces rapports initiaux.

  9   Q.  Merci. Donc il faut tenir compte du fait que de tels initiaux devaient

 10   être plus brefs et incomplets ?

 11   R.  Je ne sais pas si je les qualifierais d'"incomplets", mais il est

 12   certain que la portée de l'information dont on disposait était nettement

 13   plus limitée par le simple fait que l'on parlait par communications

 14   téléphoniques, qui souvent étaient de très mauvaise qualité, on ne

 15   parvenait pas à obtenir en ligne les personnes à qui on souhaitait parler.

 16   Donc il n'y a rien qui remplace la présence sur place ou être aussi proche

 17   que possible du lieu où les choses se passent. Et dans les circonstances,

 18   je crois que c'était le meilleur travail ou le travail le plus complet que

 19   nous pouvions faire, et compte tenu de cela, mes supérieurs et moi-même

 20   étions tombés d'accord que je devais retourner séance tenante à Belgrade et

 21   essayer d'aller sur place pour essayer de voir ce qui était rumeur et ce

 22   qui était des faits avérés.

 23   Q.  Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir le 65 ter 21961, qui

 25   maintenant, peut-être, a déjà reçu une cote P. Pièce P4398.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que vous avez le nom de la femme à qui vous vous êtes adressé

 28   pour obtenir cette information ?


Page 24976

  1   R.  Oui. Il y en a deux, et nous avons obtenu leurs noms à l'époque.

  2   Q.  Merci. Est-ce que nous pourrions disposer de ces noms, de sorte que

  3   nous puissions vérifier l'information dont vous disposiez à l'époque ?

  4   R.  Si j'avais voulu que leurs noms soient connus, je les aurais publiés à

  5   l'époque.

  6   Q.  Aujourd'hui, vous avez mentionné des exagérations. Est-ce que vous avez

  7   pu confirmer par des recherches postérieures l'information contenue au

  8   paragraphe 3, au sujet du champ à Bratunac où l'on était jusqu'aux genoux

  9   dans le sang ?

 10   C'est la page 11, ligne 20, dans le compte rendu de séance.

 11   Est-ce qu'il s'agit d'une exagération, ou est-ce que vous pouvez

 12   effectivement confirmer qu'il y a eu des assassinats dans ce champ et que

 13   l'on était jusqu'aux genoux dans le sang ?

 14   R.  Permettez-moi de regarder le reste de l'article pour voir si je peux

 15   retrouver quelque chose qui me semble extrêmement important. Je crois que

 16   ça figure à la page suivante. Est-ce qu'il y a une deuxième page à cet

 17   article ? Très bien.

 18   Tout d'abord, si vous lisez l'article, vous allez également voir que je

 19   m'accorde une certaine marge parce qu'il est très difficile de valider les

 20   nombres dans ces circonstances. Il y avait suffisamment d'information pour

 21   valider qu'il s'agissait de nombres importants, et donc je disais : Si les

 22   chiffres sont corrects. Mais ce que je voulais voir, c'était les deux

 23   paragraphes suivants, et là nous disions qu'il y avait des nouvelles sur :

 24   "Les nouvelles qui ont émergé des témoignages des réfugiés, ceux qui

 25   ont quitté Srebrenica, et qu'il y a 10 000 personnes que l'on ne retrouve

 26   pas.

 27   "Mais les horreurs, maintenant, viennent des Serbes, pas des Musulmans, et

 28   se réfèrent à des hommes qui se sont rendus ou qui ont été pris


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  1   prisonniers. Il sera difficile pour les autorités serbes de Bosnie

  2   d'ignorer ces rapports comme de la propagande ennemie."

  3   La raison pour laquelle je fais cela -- en fait, quand j'étais avec

  4   Dragan dans la voiture et que nous sommes dit : Merde, mais de quoi s'agit-

  5   il, parce que l'on parlait des tueries et des nombres qui étaient

  6   impliqués, c'est parce que l'exagération émanait à chaque fois de part et

  7   d'autre. Les Croates étaient toujours heureux de se référer au nombre de

  8   Croates qui étaient morts dans un instant et d'exagérer les chiffres, et

  9   les Musulmans et les Serbes faisaient exactement la même chose.

 10   Ce qui était inhabituel ici, c'est qu'il ne s'agissait pas des

 11   victimes qui parlaient d'elles-mêmes. Ce dont il s'agissait ici, c'étaient

 12   en fait les Serbes eux-mêmes parlant des personnes qu'ils étaient censés

 13   tuer. C'est cela qui était extraordinaire, parce que je ne l'avais jamais

 14   vu auparavant. Et c'est la raison pour laquelle j'ai été tellement choqué

 15   et c'est la raison pour laquelle nous sommes retournés en vitesse à

 16   Belgrade, parce que nous nous sommes dit que si ces nouvelles étaient

 17   connues en Serbie également, et si c'était effectivement de notoriété

 18   publique comme ces gens le disaient, alors il y avait des personnes qui le

 19   savaient et qui avaient plus de visibilité dans la zone que moi. C'est la

 20   raison pour laquelle je suis revenu.

 21   Alors la réponse, tout d'abord, c'est que l'exagération ne

 22   s'appliquait pas au même niveau dans ce cas, parce que des Serbes de

 23   Bosnie, pourquoi voudraient-ils exagérer le fait qu'ils tuaient autant de

 24   personnes ? La pratique usuelle aurait plutôt été de minimiser le nombre de

 25   personnes que l'on tuait pour justifier -- ou plutôt, pour contrer la

 26   propagande de l'ennemi qui disait qu'il y avait autant de personnes qui

 27   avaient été tuées. Donc ça, c'est une première chose.

 28   Pour répondre à votre question, ce que nous avons pu valider, comme


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  1   je l'ai dit dans ma déposition précédente, c'est que le terrain de jeu et

  2   le hangar étaient des choses qui revenaient continuellement dans ce que

  3   disaient les personnes avec qui nous nous étions entretenus, et

  4   l'expression "jusqu'aux genoux dans le sang," c'était l'expression que

  5   j'avais entendue pour la première fois dans ce contexte et je l'ai entendue

  6   répétée à maintes reprises. Alors je ne sais pas si c'était une figure de

  7   rhétorique ou pas, mais c'était quelque chose qui était souvent utilisé, et

  8   c'est une allégation qui ressortait continuellement. Et de nouveau,

  9   c'étaient les Serbes de Serbie qui avaient accès à la région pour des

 10   raisons de famille ou parce qu'ils étaient venus voir ce qui se passait, et

 11   pour les Serbes de Bosnie qui soient s'étaient enfuis ou qui étaient

 12   revenus dans la région parce qu'ils s'étaient enfuis auparavant et avaient

 13   voulu revenir pour s'informer de ce qui se passait. Donc ce n'était pas

 14   quelque chose que l'on m'avait dit simplement à une reprise, mais c'est

 15   quelque chose que j'ai entendu à maintes reprises.

 16   Q.  Merci. Il serait bien que nous ayons plus de temps. Vos réponses sont

 17   longues. Malheureusement, je dois vous demander de répondre de façon plus

 18   courte parce que nous manquons de temps.

 19   Au paragraphe suivant, vous dites : 

 20   "Pour ce qui est des brutalités qui ont fait l'objet des rapportages, il

 21   faut se souvenir de la première année de la guerre lorsque des soldats

 22   musulmans de Bosnie ont réussi à rompre le siège de la ville et ont rasé

 23   plusieurs villages serbes qui se trouvaient à côté, en tuant de nombreux

 24   civils serbes pendant cela."L'enclave de Srebrenica a été assaillie. Les

 25   Serbes de Bosnie souhaitent la vengeance."

 26   Vous avez écrit à propos de Bjelovac et de l'incendie de Bjelovac. Nous

 27   allons regarder ceci un peu plus tard.

 28   Etes-vous d'accord pour dire que les Serbes autour de Srebrenica étaient


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  1   très en colère contre Oric et les Serbes, et autour de Trebinje, étaient

  2   très en colère contre quelqu'un d'autre ? Est-ce que c'est quelque chose

  3   que vous avez constaté vous-même; autrement dit, cette animosité était le

  4   résultat de meurtres réciproques, et c'était tout à fait local et prenait

  5   pour cible des personnes bien particulières et des régions bien

  6   particulières ?

  7   Il ne s'agissait pas de Bijeljina, mais de Bjelovac. Il y a une erreur au

  8   niveau du compte rendu d'audience.

  9   R.  Oui. La population serbe autour de Srebrenica était extrêmement hostile

 10   à l'égard des habitants de Srebrenica et à l'égard des commandants

 11   militaires, et en particulier de Naser Oric qui les commandait. C'était un

 12   secret de Polichinelle, et je crois que la colère et la haine étaient peut-

 13   être encore plus violentes dans cette région précisément parce qu'Oric

 14   réussissait ce qu'il faisait, peut-être plus que dans d'autres régions de

 15   Bosnie. Il avait réussi à repousser les attaques serbes de Bosnie et

 16   semblait pouvoir attaquer comme bon lui semblait les villages serbes dans

 17   le secteur.

 18   Donc, aux yeux de la plupart des Serbes, et en particulier des Serbes

 19   de Bosnie qui étaient de la région, mais au sens plus large du terme,

 20   Srebrenica représentait un drapeau rouge. C'était une blessure non

 21   cicatrisée qui les rendait furieux. Il y avait beaucoup de haine, beaucoup

 22   de préjugés dans de nombreuses régions, mais ça l'était davantage dans la

 23   région de Srebrenica.

 24   Q.  Merci. Si vous ne souhaitez pas nous donner le nom de cette femme,

 25   pourriez-vous nous dire si c'était quelqu'un qui exerçait une quelconque

 26   position d'autorité ou était-ce une femme ordinaire, cette personne qui

 27   vous a donné ce chiffre ?

 28   R.  C'était la femme d'un officier serbe de Bosnie, en tout cas c'est comme


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  1   ça qu'elle s'est présentée.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, veuillez me dire quand il faut

  4   faire la pause.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause, si cela

  6   vous convient. Nous allons faire une pause d'une heure et reprendre à 13

  7   heures 35.

  8   --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.

  9   --- L'audience est reprise à 13 heures 38.

 10    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que nous ne poursuivions, la

 11   Chambre de première instance va rendre une décision orale sur la demande de

 12   l'accusé concernant que Ljubomir Obradovic soit entendu viva voce. Les

 13   Juges de la Chambre notent que, dans le compte rendu d'audience de 190

 14   [comme interprété] pages de l'affaire Tolimir dont le versement au dossier

 15   a été demandé conformément à l'article 92 ter, le témoin donne des éléments

 16   de preuve détaillés sur la structure et le fonctionnement de l'état-major

 17   principal. Les Juges de la Chambre estiment que, contrairement à l'argument

 18   avancé par l'accusé, ces éléments de preuve sont pertinents eu égard aux

 19   chefs d'inculpation de l'acte d'accusation. Les Juges de la Chambre notent

 20   de surcroît que le témoin fournit énormément d'éléments de preuve sur les

 21   événements qui se sont déroulés à Zepa après le mois de juillet 1995 qui ne

 22   figurent pas dans l'acte d'accusation. La Chambre de première instance

 23   n'estime pas que les éléments de preuve concernant Zepa ne sont pas

 24   pertinents, car ces éléments permettront peut-être de mieux comprendre ce

 25   qui s'est passé après la chute de Srebrenica et les événements allégués

 26   depuis de juillet 1995, ainsi que de l'entreprise criminelle commune

 27   primordiale.

 28   Cependant, si l'ensemble du compte rendu d'audience dans l'affaire Tolimir


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  1   doit être versé au dossier, il sera peut-être difficile à l'accusé de

  2   comprendre dans quelle mesure l'Accusation se repose sur les éléments de

  3   preuve se rapportant à Zepa et comment il doit procéder pour contre-

  4   interroger le témoin sur de tels éléments de preuve.

  5   Pour conclure, la Chambre de première instance ne fait valoir aucun motif

  6   pour rendre une ordonnance indiquant que ce témoin doit être entendu viva

  7   voce et, par conséquent, estime que les éléments de preuve concernant ce

  8   témoin peuvent être versés au dossier en vertu de l'article 92 ter et

  9   ordonne que l'Accusation caviarde du compte rendu d'audience les éléments

 10   de preuve se rapportant à Zepa et qu'elle présente ces éléments de preuve

 11   viva voce, dans la mesure où elle estime que c'est nécessaire dans le

 12   contexte de ces débats.

 13   Cela étant dit, poursuivons.

 14   Monsieur Karadzic, c'est à vous.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellences.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Veuillez maintenant regarder, s'il vous plaît, ce document qui a été

 18   rédigé par votre collègue, le 1D5113. Vous savez certainement que M. Cicic

 19   a rédigé des articles également, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Merci. Est-ce que nous pouvons agrandir ceci un petit peu, s'il vous

 22   plaît ?

 23   Donc voici ce qu'il a écrit, son texte -- ou plutôt, son article, où il

 24   travaillait pour AIM de Belgrade.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire défiler ce

 26   document vers le bas un petit peu, s'il vous plaît ?

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  "Les représentants des Nations Unies," est-ce que vous voyez le


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  1   paragraphe qui commence par, "Les représentants des Nations Unies" ? M.

  2   Cicic parle du fait qu'il "faut célébrer la victoire" et que "tous les tirs

  3   ne constituent pas des tirs." On parle de "senluk," qui constitue des tirs

  4   lancés en guise de célébration. Est-ce que vous êtes au courant de cela,

  5   que l'on tirait pas mal dans ce contexte-là ?

  6   R.  Oui, et je crois que nous avions envoyé quelqu'un sur place qui nous

  7   avait rapporté qu'effectivement il s'agissait de tirs en guise de

  8   célébration.

  9   Q.  Merci. Dans ce paragraphe, nous constatons également qu'il y a

 10   confirmation de ce que vous nous avez dit aujourd'hui, autrement dit que la

 11   vengeance a joué un jeu primordial. M. Cicic dit qu'il y a eu des meurtres

 12   sans exécution -- sans Peloton d'Exécution et que les personnes qui

 13   souhaitaient se venger de quelqu'un devaient se présenter. Certaines

 14   personnes ont accepté cela, d'autres, non.

 15   Est-ce que c'est ce que vous avez constaté ?

 16   R.  C'est ce que nous avons entendu dire. Je crois que ma conclusion était

 17   quelque peu différente de celle de Dragan, autrement dit que c'était un peu

 18   plus méthodique que ce qui est décrit par lui ici.

 19   Q.  Merci. Oui, on parle ici du stade en bas, on dit que :

 20   "Il s'agit d'un endroit qui pouvait éventuellement être un centre de

 21   détention nous permettant d'aller à Pale après que les Serbes aient pris le

 22   contrôle de Srebrenica, on leur a dit qu'ils pouvaient passer par Visegrad

 23   uniquement. Il était tout à fait impossible d'atteindre la Région de

 24   Srebrenica et de Bratunac en empruntant cette route-ci."

 25   D'après vous, les combats dans les bois se sont poursuivis pour bien

 26   plus longtemps et que les routes n'étaient pas sûres ?

 27   R.  On nous a dit - et je crois que c'était le général Mladic qui a déclaré

 28   cela - il a dit qu'il y avait des personnes qui tentaient de quitter le


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  1   secteur et qu'il craignait que les gens ne soient tués; cependant, ceci ne

  2   nous est pas apparu très clairement. Au début, nous ne savions pas où se

  3   déroulaient les combats et nous ne savions pas quelle était la violence des

  4   combats. Mais nous savions qu'il y avait des combats qui se déroulaient là,

  5   et que certains hommes avaient été faits prisonniers, au cours de ces

  6   actions de combats, et ces personnes s'étaient rendues et avaient été

  7   faites prisonnières.

  8   Q.  Merci. Alors veuillez regarder le dernier paragraphe maintenant, s'il

  9   vous plaît.

 10   "Ils ont réussi à photographier les prisonniers qui se trouvaient au

 11   stade, mais ce film a été confisqué par les autorités militaires. Aucune

 12   violence contre les hommes confinés ne pouvait être constatée sur ces

 13   images."

 14   Est-ce bien ce dont vous avez entendu parler, ou est-ce bien ce que

 15   vous avez appris, autrement dit que la télévision serbe de la Republika

 16   Srpska avait tourné un film qui leur a été confisqué par notre armée ?

 17   R.  Oui, tout à fait. Je crois que ce que Dragan mentionne ici, en fait, il

 18   parle des mêmes images que celles que nous avons vues au stade de football,

 19   où les prisonniers devaient se mettre debout et se rasseoir, et se mettre

 20   debout, et se rasseoir. Donc il n'y avait pas de violences, mais ces hommes

 21   étaient sur le terrain et on leur donnait des ordres.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir la page suivante

 24   de ce document, s'il vous plaît, le dernier paragraphe, s'il vous plaît ?

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Connaissez-vous ce document ? Est-ce que vous me croyez si je vous dis

 27   qu'il n'y a aucune mention de ma part indiquant qu'il faut cacher quelque

 28   chose des médias -- mais je peux lire le texte dans son intégralité ?


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  1   R.  Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire par le dernier

  2   paragraphe, vous voulez parler du "sort des soldats musulmans blessés" ?

  3   Q.  Je parle des "dirigeants de Pale qui étaient d'accord pour autoriser

  4   l'évacuation à l'hôpital de Tuzla par l'intermédiaire de la Croix-Rouge."

  5   Ici, on fait état des blessés, mais je vous pose une question sur

  6   l'ensemble du texte. Est-ce que vous souhaitez lire l'intégralité du

  7   document, ou est-ce que vous allez pouvoir me faire confiance, car outre

  8   cette confiscation faite par l'armée et vis-à-vis de notre propre

  9   télévision, on ne parle d'aucune ingérence de ma part ? Est-ce que vous me

 10   faite confiance ?

 11   R.  Non, écoutez, j'ai lu ce texte lorsque vous me l'avez présenté la

 12   semaine dernière, oui.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement au

 15   dossier de ce document, s'il vous plaît ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D2084, Madame,

 18   Messieurs les Juges.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D5116. Est-ce que nous pouvons afficher ce

 20   document, s'il vous plaît ?

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Mon conseiller juridique, Me Robinson, a envoyé un message électronique

 23   à M. Cicic et je souhaite vous montrer ceci. La lettre de Me Robinson se

 24   trouve, comme à l'accoutumée en bas de la page, et en haut de la page, nous

 25   voyons la réponse de M. Cicic.

 26   Me Robinson pose des questions à propos de la réunion avec Pirocanac, et il

 27   demande s'il a évoqué la colère qui était la mienne. Les questions sont

 28   moins importantes, mais voici les réponses :


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  1   "Je me souviens que M. Petrovic-Pirocanac a dit qu'il a eu des soucis avec

  2   les autorités de la Republika Srpska à cause de ces images. Je ne me

  3   souviens pas si, oui ou non, il a précisément mentionné le Dr Karadzic et

  4   son nom, mais j'ai supposé, à ce moment-là, que lorsqu'il a fait mention à

  5   cela, il voulait parler de toutes les personnes qui faisaient partie de

  6   l'équipe dirigeante de la Republika Srpska.

  7   "J'espère avoir répondu à votre question.

  8   "Bien à vous, Dragan Cicic."

  9   Donc êtes-vous d'accord pour dire que pour ce qui est de M. Cicic que ce

 10   n'était pas quelque chose digne d'être noté parce que sinon il s'en sera

 11   souvenu, n'est-ce pas ?

 12   R.  Comme je l'ai dit dans ma réponse précédente à certaines de vos

 13   questions, je ne pense pas qu'à l'époque c'était pertinent. Il était clair

 14   que les autorités de la Republika Srpska avaient donné l'ordre. Cette

 15   information a pu être confirmée ou validée par nous, et je m'en suis tenu à

 16   cela. Je me souviens que Pirocanac disait que vous étiez très en colère; et

 17   Dragan. Mais encore une fois, ce n'est pas quelque chose que nous allions

 18   confirmer ou valider. Ceci ne revêtait pas une importance particulière à

 19   nos yeux à l'époque outre le fait que les autorités avaient dit, Nous avons

 20   besoin de cette bande. Cette bande a été remise et nous ne l'avons jamais

 21   revue.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ligne 22, 1D05116. Ce serait le bon numéro.

 23   Merci.

 24   Alors je souhaite maintenant vous montrer votre article qui date de 1994.

 25   En réalité, est-ce que je peux demander le versement au dossier de ce

 26   document-là, correspondance électronique, s'il vous plaît ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si cela est nécessaire

 28   compte tenu du fait que vous avez lu l'ensemble du message. Alors nous


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  1   allons adopter notre pratique. Nous n'allons pas verser ceci au dossier.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Donc le 1D05117, s'il vous plaît.

  3   Merci.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Vous souvenez-vous de cet article qui parle de la contrebande d'armes

  6   en direction de la Bosnie à l'époque, et ce document est-il exact ?

  7   R.  Oui. Je crois que l'histoire a démontré que ce que dit ce texte était

  8   juste.

  9   Q.  Merci. Est-ce que nous pouvons voir le bas de la page également, mais

 10   je suis sûr que vous connaissez l'intégralité de cet article.

 11   Est-ce que nous pouvons avoir la page suivante, s'il vous plaît.

 12   "Ceci contraste beaucoup avec la réaction des Etats-Unis en septembre 1992,

 13   lorsqu'un avion semblable iranien atterrit à Zagreb avec un personnel

 14   militaire, des munitions et des mitrailleuses. Les Américains n'ont pas

 15   seulement averti tout un chacun dans l'avion, mais le gouvernement croate à

 16   l'époque, qui n'était pas favorable parce qu'il était allié aux Musulmans

 17   de Bosnie à l'époque, qu'ils souhaitaient intercepter l'avion et le

 18   renvoyer."

 19   Donc, au fil de la guerre, les Musulmans avaient de plus en plus de marge

 20   de manœuvre pour faire entrer des armes, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, il y a également des combattants qui sont venus de l'extérieur

 22   dans la région.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce que ceci peut être versé au

 24   dossier, s'il vous plaît ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D2085, Madame,

 27   Messieurs les Juges.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Le 1D05118, s'il vous plaît, est-ce que


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  1   nous pouvons afficher ce document.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Avant même de voir ce texte, vous connaissiez le contexte qui était

  4   celui de la guerre ainsi que l'armement ? Vous souvenez-vous de ce document

  5   que vous avez écrit conjointement avec Leonard Doyle ?

  6   R.  Oui, c'était le correspondant de "The Independent," à l'époque, à New

  7   York.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut montrer ce document au

  9   témoin, s'il vous plaît ?

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Veuillez nous dire à quel moment vous souhaitez voir la page suivante,

 12   s'il vous plaît.

 13   R.  D'accord.

 14   Q.  Est-ce que ceci a été confirmé par la suite, les éléments concernant la

 15   mafia albanaise qui jouait un rôle de chef de file dans la contrebande de

 16   l'héroïne en Europe ?

 17   R.  A l'époque, il me semblait que c'était effectivement le cas. Ce que je

 18   ne sais pas, en revanche, parce que ces éléments se fondaient sur ce que

 19   soupçonnaient les policiers à l'époque. Je me demande si de nombreuses les

 20   années plus tard, lorsque le conflit au Kosovo a éclaté avec la

 21   Yougoslavie, à savoir si les armes avaient été entreposées à leur fin

 22   personnelle, mais, bon, c'était une question personnelle que j'avais à

 23   l'époque. Il n'y a pas l'ombre d'un doute que la mafia albanaise a été très

 24   impliquée dans la contrebande d'héroïne, de drogues, d'armes et de

 25   cigarettes.

 26   Q.  Merci. La Bosnie, comme nous pouvons le constater au niveau du premier

 27   paragraphe, a également été impliquée dans ces armements illégaux, n'est-ce

 28   pas ?


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  1   R.  Sans l'ombre d'un doute, les Musulmans de Bosnie cherchaient des

  2   sources ou des endroits où se procurer des armes, quelles qu'elles soient,

  3   effectivement.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement au

  6   dossier de ce document, s'il vous plaît ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 2086, Madame, Messieurs

  9   les Juges.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Alors, 1D05112, est-ce que vous pouvez

 11   afficher ce document, s'il vous plaît ?

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Vous souvenez-vous de ce texte ? Il date de 1995, juste avant la fin de

 14   la guerre.

 15   R.  Fort bien.

 16   Q.  Merci. Est-ce que nous pouvons faire défiler ce document vers le bas un

 17   petit peu, s'il vous plaît ?

 18   Est-ce qu'il y a eu un trop plein d'enthousiasme dans ce document ? Est-ce

 19   que vous avez exagéré un petit peu ?

 20   R.  Que voulez-vous dire par exagération ? Vous voulez dire que je me

 21   concentrais trop sur le général Mladic ou que la réaction de la foule était

 22   exagérée ?

 23   Q.  Tout d'abord, le diagnostic psychiatrique. Vous n'êtes pas psychiatre,

 24   vous-même ?

 25   R.  Non. Nous sommes d'humbles journalistes. Ce n'est pas nous qui écrivons

 26   les manchettes des journaux. C'est les rédacteurs en chef qui ont ce

 27   privilège et qui peuvent exceller au niveau des manchettes des journaux. Je

 28   ne suis pas psychiatre.


Page 24990

  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement au

  3   dossier de ce document, s'il vous plaît ? Est-ce que nous pouvons nous

  4   tourner vers la page 9 ?

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  C'est là où vous me mentionnez également. Dans le contexte des

  7   mésententes avec les militaires.

  8   Vous souvenez-vous des éléments qui sont repris sur cette 

  9   page ?

 10   R.  Oui, je m'en souviens très bien.

 11   Q.  Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce document peut-il être versé ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la pièce D2087.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Vous aviez mentionné que Sonja, ma fille qui était responsable du

 17   centre de presse, avait dit que vous seriez en danger si vous veniez en

 18   Republika Srpska; est-ce correct ?

 19   R.  On nous a dit que nous serions arrêtés, c'était là le message.

 20   Q.  Merci. Pendant l'interview, vous avez confirmé que vous saviez qu'elle

 21   n'était pas la personne qui arrêtait les gens, et vous avez confirmé que

 22   vous compreniez que lorsque vous demandiez une accréditation au centre de

 23   presse, elle devait demander à son tour aux services de sécurité, services

 24   de Sûreté de l'Etat et Services de sécurité militaire, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, c'est correct, mais j'ai interprété a déclaration qu'elle n'allait

 26   pas nous défendre et qu'elle n'avait pas au souhait de nous voir là non

 27   plus. Dragan et moi, on ne nous aimait pas beaucoup, surtout après

 28   l'histoire de la vidéo de Petrocanac [sic], et même avant cela.


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  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D05111, est-ce que nous pouvons afficher cette

  3   pièce ?

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Je crois que c'était une mise en garde amicale, peut-être que vous ne

  6   l'interprétez pas ainsi. Mais voyons sur quelle base Sonja vous a dit de ne

  7   pas venir.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] La traduction de ce document -- est-ce que l'on

  9   pourrait nous afficher la traduction de ce document ? Oui, nous avons

 10   attendu pendant à peu près une heure pour que cela soit téléchargé, mais

 11   nous avons la traduction. On pourrait peut-être la mettre sur le

 12   rétroprojecteur.

 13   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Il s'agit du service de Sûreté de l'état. Ils vous avaient déjà repéré

 16   dès le mois de janvier, et ils font rapport du fait qu'ils ont remarqué que

 17   vous vous étiez rendu dans les endroits à problème et qu'ils ne concevaient

 18   pas toutes vos activités comme des activités de journalisme, mais comme

 19   vous l'avez dit, souvent on considérait les journalistes comme étant des

 20   espions. Est-ce que vous pourriez regarder ce texte ?

 21   R.  Pourriez-vous mettre le texte en plus clair ? Il est difficile de lire.

 22   Q.  Je ne vous accuse pas. J'indique simplement ce sur quoi se fondait ma

 23   fille lorsqu'elle vous a refusé l'accès. Ce n'est pas quelque chose qu'elle

 24   a inventé.

 25   R.  [aucune interprétation]

 26   Q.  Quelqu'un pourrait vous féliciter pour votre travail, mais notre

 27   service de sécurité de l'Etat était plutôt alarmé et nous disait que vos

 28   activités devraient être suivies de près puisqu'elles avaient un impact sur


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  1   la capacité qu'avait le pays de se défendre, comme d'ailleurs c'est dit

  2   dans ce document.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais verser ce document.

  4   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D2088, Monsieur le

  6   Président.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous voir la pièce 1D5122 ? Pardon,

  8   05122. La traduction n'est pas encore disponible. Je voulais simplement

  9   vous présenter le document.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  C'est également un document qui émane de la sécurité de l'Etat de Banja

 12   Luka, alors que le document précédent émanait du chef de la sécurité de

 13   l'Etat. Ils font rapport de la Krajina, disant que Robert Block, un

 14   journaliste travaillant pour "The Independent," ainsi que Frank Westerman

 15   et Adrian Brown, de la BBC, avaient traversé la frontière près de Gradiska

 16   et étaient entrés en Republika Srpska afin de rendre visite au centre de

 17   presse du 1er Corps. Après avoir visité le centre de presse et sur sa

 18   recommandation, ils avaient contacté le président municipal à Banja Luka et

 19   Louis Gentille, la responsable de la mission du HCR des Nations Unies, et

 20   cetera. Est-ce qu'on pourrait passer à la page suivante ?

 21   Est-ce qu'effectivement, vous avez traversé la frontière entre la Croatie

 22   et la Republika Srpska le 23 janvier ?

 23   R.  Oui, oui. Moi, j'ai utilisé tous les trucs possibles et imaginables

 24   pour traverser la frontière partout où c'était possible.

 25   Q.  Merci. Gentille, apparemment, a dit qu'on a mis de la pression sur la

 26   délégation du HCR des Nations Unies, et dans ce contexte, on a démoli un

 27   kiosque, un magasin privé.

 28   Ensuite, on mentionne le fait que vous vous êtes rendu dans un centre de


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  1   rassemblement des Serbes au Kosovo; est-ce que c'est correct ?

  2   R.  C'est possible. Je préférerais voir la traduction, mais pour autant que

  3   je me souvienne, cela semble être correct.

  4   Q.  Merci. La dernière page, s'il vous plaît, dont je vais vous donner

  5   lecture.

  6   Le responsable du centre CSB à Banja Luka dit la chose 

  7   suivante :

  8   "Le problème de l'entrée des journalistes en Republika Srpska en suivant

  9   ces lignes décrites s'est produit depuis un certain temps, et nous vous en

 10   avons informés à diverses occasions mais n'avons pas reçu d'information de

 11   votre part. Nous tenons à souligner encore une fois que nous pensons que,

 12   du fait d'une réaction au bon moment, ce type d'étrangers devraient être

 13   contactés par le ministère concerné pour leur rappeler la position à

 14   prendre."

 15   Etes-vous d'accord qu'il y a eu une correspondance assez volumineuse sur

 16   votre présence là-bas et que notre service de Sécurité a estimé que vous

 17   étiez hyperactif, trop actif, surtout pour ce qui concernait les questions

 18   militaires et que ce n'était pas l'évaluation du centre de presse ?

 19   R.  Il y avait une guerre en cours. Bien sûr, j'étais actif sur le terrain

 20   dans la zone que je couvrais et, oui, effectivement, j'étais peut-être très

 21   actif, hyperactif, et j'avais tendance à irriter les services de Sécurité

 22   des différents gouvernements pour les articles que je rédigeais. C'est une

 23   sorte de médaille d'honneur que j'aime afficher et porter.

 24   Q.  Merci.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci peut-il être versé au dossier en attendant

 26   la traduction ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons le marquer pour

 28   identification comme D2089. Mais, entre-temps, Monsieur Karadzic, il est


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  1   temps que vous parveniez à votre conclusion.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaitais présenter un dernier document,

  3   qui est le 1D05123, qui se rapporte au même sujet. Il porte la date du 10

  4   février 1994.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Il semble que vous étiez observé d'une heure à l'autre, et ceci, sur

  7   une base quotidienne ?

  8   R.  Oui. Je crois que vos services de Sécurité auraient failli à leur tâche

  9   s'ils n'avaient pas fait cela.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous prendre la dernière page de ce

 12   document où il est dit -- en fait, ceci ne doit pas être diffusé. Je dois

 13   protéger la source.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  On se réfère ici à votre rencontre avec le lieutenant-colonel

 16   Milutinovic qui s'était plaint du fait que l'on accordait l'accès à la

 17   Republika Srpska à tous les journalistes sans aucune vérification et qu'on

 18   les lui envoyait pour interview. Il s'est plaint que le comportement de

 19   certaines des institutions impliquées n'était pas équitable et il a demandé

 20   au gouvernement de la RS que le statut soit effectivement réexaminé à la

 21   lumière de leurs droits. Il s'est également plaint du fait qu'il y avait

 22   des rapports secrets publiés sur une base annuelle par cette institution et

 23   que vous-même et Frank Westerman aviez pu vous procurer ces documents.

 24   Etes-vous d'accord qu'effectivement, vous avez eu des contacts avec

 25   l'institution dont vous pouvez voir l'abréviation au troisième paragraphe

 26   de ce document ?

 27   Pardon. Le quatrième paragraphe, deuxième ligne, vous voyez

 28   l'abréviation.


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  1   R.  Je ne sais pas de qui il s'agit. Si l'implication est que j'étais en

  2   contact avec des forces de renseignement de l'étranger et que j'agissais en

  3   leur nom, c'est un non-sens absolu.

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer en

  6   session à huis clos partiel ? Parce que sans traduction pour nous, c'est

  7   très difficile à suivre.

  8   [Audience à huis clos partiel]

  9  (expurgé)

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 21  (expurgé)

 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 24   Monsieur Karadzic.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Vous vous étiez familiarisé avec le travail du HCR et les objections

 27   qu'il y avait eu de la part du lieutenant-colonel Milutinovic au sujet de

 28   la présence des journalistes et du fait que le HCR et des journalistes


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  1   étaient partiales. Nous -- est-ce que vous avez entendu ce type

  2   d'objections ?

  3   R.  Oui, tout le temps. C'étaient des accusations faites quotidiennement

  4   contre les journalistes étrangers, en particulier pour les journalistes

  5   venant des Etats-Unis et du Royaume-Uni, ainsi qu'à l'encontre du HCR. On

  6   disait qu'on était anti-Serbe ou pro-Croate, pro-Musulman. C'était quelque

  7   chose qui est devenu une sorte de toile de fond du conflit. Moi, j'ai fait

  8   mon travail et j'ai estimé que tant que j'avais des informations précises

  9   et que je donnais la même attention de part et d'autre, je faisais mon

 10   travail.

 11   Q.  Merci. Le dernier sujet, Monsieur Block. Vous avez pu observer qu'à

 12   Bijeljina, il y avait Janja, puis ensuite il y avait toute une série de

 13   villages musulmans qui n'ont pas été affectés, Bosanski Kobas également.

 14   Est-ce que vous êtes d'accord ?

 15   R.  Il y a eu des moments où on a vu qu'effectivement certains villages

 16   étaient -- qui existaient, on les autorisait à rester en vie, puis ensuite

 17   on détruisait la mosquée, puis ça entraînait la fuite des gens. Mais c'est

 18   vrai qu'il y avait des zones où des Musulmans vivaient. Ils étaient

 19   nerveux. On pouvait comprendre le pourquoi d'ailleurs, mais oui

 20   effectivement.

 21   Q.  Saviez-vous qu'il y avait des douzaines de villages qui sont restés

 22   sans avoir été touchés et qu'ils ont vécu en paix jusqu'à la fin de la

 23   guerre ? Mais d'autre part, est-ce que vous savez s'il y a un seul village

 24   serbe qui soit resté inaffecté jusqu'en septembre 1995 ?

 25   R.  Je ne sais pas la réponse. Je sais qu'il y avait beaucoup de villages

 26   où il y avait des Musulmans, et on ne savait peut-être pas quel était

 27   l'état de la population à la fin de la guerre. Mais du côté des villages

 28   serbes, du côté musulman, il y avait des Serbes dans les villes qui étaient


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  1   sous le contrôle de la Bosnie. Ils ne se sentaient peut-être pas très à

  2   l'aise, un peu comme les Musulmans dans les autres villages.

  3   Alors je ne sais pas. Dans la région qui entourait Srebrenica, les villages

  4   serbes ont été nettoyés, mais c'était une situation qui était extrêmement

  5   confuse, et il n'était pas toujours clair, il n'était pas facile de voir

  6   comment les choses avaient évoluées et à quel moment. C'est vrai qu'il y

  7   avait des moments où on nous a montré des villages, et souvent quand on

  8   nous montrait ces villages, on avait le sentiment que c'était de la

  9   propagande. Mais c'est vrai qu'il y avait des exceptions à la rège de part

 10   et d'autre, pour autant que je sache.

 11   Q.  Merci, Monsieur Block. Je n'ai plus de questions à vous poser.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons marquer le dernier document

 13   pour identification.

 14   Monsieur Mitchell, avez-vous des questions encore à poser pour le contre-

 15   interrogatoire [comme interprété] ?

 16   M. MITCHELL : [aucune interprétation]

 17   Nouvel interrogatoire par M. Mitchell :

 18   Q.  [interprétation] Monsieur Block, à la page 52, M. Karadzic vous a

 19   demandé pour que Peter Arnett aille à Zepa et suive les événements. Puis

 20   ensuite, à la page 60, il vous a encore posé des questions au sujet des

 21   restrictions militaires imposées aux journalistes et civils et si les

 22   autorités civiles avaient été à même d'y faire face, alors j'ai quelques

 23   questions à poser sur ce sujet des restrictions au mouvement des

 24   journalistes.

 25   M. MITCHELL : [interprétation] Le premier document que je vais prendre

 26   c'est le document 65 ter 1905.

 27   Q.  Il s'agit d'un ordre de l'état-major VRS datant du 13 juillet 1995

 28   signé par le général Ratko Mladic, et je voudrais me concentrer sur les


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  1   paragraphes 4 et 5, où l'on dit :

  2   "Au niveau des opérations de combat dans les zones de Srebrenica, empêcher

  3   l'entrée de tout journaliste, sauf les journalistes de l'état-major VRS."

  4   Ensuite, le paragraphe 5 :

  5   "Interdire et empêcher le fait que des informations, des déclarations

  6   soient faites aux médias s'agissant du déroulement de la situation et des

  7   résultats des opérations de combat dans cette zone et des activités en

  8   général dans ce domaine, en particulier pour ce qui est des prisonniers de

  9   guerre, de l'évacuation des civils et des personnes ayant fui," et cetera.

 10   Ma question est très simple. Etiez-vous conscient en juillet 1995 que le

 11   général Mladic avait donné l'ordre clair qu'il ne fallait pas autoriser

 12   l'accès aux journalistes à la zone de Srebrenica ?

 13   R.  Je n'en étais pas conscient, mais il était clair qu'il n'y avait pas de

 14   journalistes étrangers. Donc on peut supposer que ceci était la suite d'un

 15   ordre qui avait été donné par quelqu'un qui avait une certaine autorité.

 16   Q.  Ensuite à la page 75, M. Karadzic vous a donné lecture d'un paragraphe

 17   au sujet de Cicic et il a dit que :

 18   "Peu de journalistes avaient eu l'autorisation d'aller à Pale après la

 19   conquête de Srebrenica par les Serbes, ont entendu qu'ils ne pouvaient que

 20   prendre la route par Visegrad, or il est très difficile d'atteindre

 21   l'objectif en prenant cette route."

 22   Alors je voudrais vous présenter un document qui montre les mouvements de

 23   journalistes pour aller à Pale le 16 juillet.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez verser cette

 25   pièce au dossier, Monsieur Mitchell ?

 26   M. MITCHELL : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Le témoin n'a rien confirmé quant au


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  1   document, donc nous faisons objection.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il n'a pas confirmé dans une

  3   certaine mesure ? Il a dit qu'il n'y avait pas présence de journalistes

  4   étrangers, donc est-ce que ce n'était pas pertinent, dans ce contexte est-

  5   ce qu'on ne peut pas considérer que c'est pertinent ?

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est pertinent, certes. Mais quant à

  7   savoir si c'est un ordre de l'état-major VRS qui avait empêché la venue des

  8   journalistes, il a dit qu'il ne le savait pas lui-même, donc c'est pour

  9   cela que je trouve que ce document n'est pas pertinent.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous ne remettez pas en question

 11   l'authenticité de ce document.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] En effet, c'est correct.

 13   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 14   M. MITCHELL : [interprétation] Je crois que c'est suffisamment fondé. Le

 15   témoin a effectivement témoigné qu'il y avait une interdiction et qu'il

 16   peut dire que cette interdiction avait donné ces effets, donc je crois que

 17   cela donne une base suffisante pour que cette pièce soit versée au dossier.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes d'accord avec vous, Monsieur

 20   Mitchell. Cette pièce sera versée au dossier.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Comme pièce P4407.

 22   M. MITCHELL : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Block, pensons à cette déclaration de Dragan Cicic disait que

 24   très peu de journalistes avaient le droit et on leur disait explicitement

 25   qu'ils ne pouvaient prendre que la route par le biais de Visegrad, je

 26   voudrais vous montrer le document 65 ter 7981.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Mitchell. Pourrait-il

 28   également nous montrer le paragraphe 2 où la route à suivre est mentionnée


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  1   et c'était l'armée qui avait défini cette itinéraire par Visegrad ?

  2   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] 

  3   M. MITCHELL : [interprétation] Nous sommes sur le point d'avoir le texte

  4   qui donne effectivement l'itinéraire.

  5   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  6   M. MITCHELL : [interprétation]

  7   Q.  Vous pouvez le voir ici. C'est un autre document de l'état-major du VRS

  8   daté du 16 juillet, qui dit et qui est envoyé au commandant de la 1ère

  9   Brigade d'Infanterie légère et le Corps de la Drina.

 10   Avant de vous poser une question, Monsieur Block, est-ce que vous savez où

 11   se trouve Dobrun ?

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire où est situé Dobrun ? Il faudrait --

 14   R.  Il faudrait me montrer une carte, mais Dobrun se trouvait au milieu --

 15   Q.  Est-ce que c'était le site dont parlait Dragan Cicic, nous pouvons vous

 16   montrer une carte si cela vous aide.

 17   R.  [aucune interprétation]

 18   M. MITCHELL : [interprétation] On pourrait prendre le 65 ter 23519.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'une interprétation erronée. Ce

 20   n'est pas le même itinéraire, et si c'était l'itinéraire le plus court pour

 21   aller à Pale, pas pour aller à Srebrenica.

 22   M. MITCHELL : [interprétation] Peut-être que je peux éviter la carte si

 23   effectivement M. Karadzic accepte que Dobrun est le croisement des routes

 24   pour Visegrad et --

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Juge, c'était la

 26   route la plus courte pour aller à Pale et ça n'avait rien à voir avec

 27   Srebrenica. J'ai simplement autorisé CNN à aller à Pale.

 28   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] 


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  1   M. MITCHELL : [interprétation] Je vais continuer, Monsieur le Président.

  2   Q.  Vous voyez dans le premier paragraphe, Monsieur Block, on nous dit que

  3   :

  4   "Conformément à un ordre oral du président de la RS la VRS a approuvé

  5   le déplacement d'une équipe de journalistes des stations suivantes, CNN,

  6   neuf membres, et David Paradine télévision, (sept membres) sur l'itinéraire

  7   Dobrun-Pale, en date --"

  8   Alors c'est une erreur de traduction, ça doit être le 17 juillet 1995

  9   et non pas le 15 juillet 1995.

 10   En bas on voit : `

 11   "Il n'est pas autorisé d'arrêter, d'empêcher le fait de filmer les

 12   équipements militaires et le fait de prendre des dépositions des membres de

 13   l'armée. Donc ceci est interdit pendant qu'on -- il est interdit de

 14   s'arrêter et de filmer."

 15   Est-ce que, Monsieur Block, vous pouvez confirmer qu'il était usuel que M.

 16   Karadzic soit personnellement impliqué dans l'approbation des déplacements

 17   des journalistes et l'itinéraire que ces journalistes avaient le droit de

 18   prendre ?

 19   R.  Je n'ai pas d'expérience, je ne le savais pas, je n'en étais pas

 20   conscient. Mais quiconque en position de pouvoir avait ces journalistes

 21   favoris et donc ils leur donnaient certaines autorisations en fonction de

 22   ce qui leur convenait, mais à ce moment-là, je n'étais pas informé de cela

 23   et je ne me souviens pas d'un précédent dans ce sens moi-même.

 24   Q.  Monsieur Block, je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez retiré votre

 26   question, à savoir si cette route Dobrun-Pale correspond à ce qu'a dit M.

 27   Cicic ?

 28   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que M.


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  1   Karadzic était d'accord pour dire qu'il s'agissait de la même route. Je

  2   peux éviter la carte si M. Karadzic confirme qu'il s'agit de la route qui

  3   passe par Dobrun en croisement à Visegrad. Il a dit oui --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas, en fait, s'il était

  5   d'accord avec vous, parce que nous avons parlé de l'itinéraire dont parlait

  6   M. Cicic. Je ne sais pas s'il s'agit de la même chose.

  7   M. MITCHELL : [interprétation] Peut-être que j'ai mal compris, mais, en

  8   tout cas, ce que j'ai compris, Monsieur le Président, que le croisement à

  9   Dobrun -- ou plutôt, à Visegrad. On peut afficher une carte pour le

 10   confirmer, à moins que M. Karadzic soit d'accord.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux dire que je suis d'accord c'était le

 12   chemin le plus court entre la Serbie et Pale, mais ceci n'avait rien à voir

 13   avec Srebrenica et Bratunac. Il y avait d'autres endroits où on pouvait

 14   passer la frontière Skelani, Ljubovija, et Zvornik. Si on devait se rendre

 15   à Pale, il fallait passer par Visegrad, ce qui n'avait rien à voir avec

 16   Srebrenica. C'est tout ce que j'avais à dire.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors nous allons nous en tenir à cela.

 18   M. MITCHELL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Dans ce cas, ceci met un terme à

 20   votre déposition, à moins que mes collègues n'aient des questions à vous

 21   poser.

 22   Oui, Maître Robinson.

 23   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite évoquer

 24   la question de ses notes, et je souhaite que vous m'entendiez en son

 25   absence, je ne sais pas si vous souhaitez que je le fasse par écrit et que

 26   vous puissiez rendre une ordonnance par la suite, ou est-ce que -- tant

 27   qu'il est encore ici.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons besoin de lui


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  1   demander de rester ?

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense que c'est une bonne idée parce que

  3   je vais lui demander de remettre ces notes, donc il serait plus simple s'il

  4   reste et vous pourriez le lui demander.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A-t-il confirmé avoir rédigé des notes ?

  6    M. ROBINSON : [aucune interprétation]

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il parlait de l'interview de Pirocanac.

  8   Ecoutez, je ne pense pas avoir rédigé les notes parce que je ne souhaite

  9   pas être difficile parce qu'il a eu cette interview.

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Je souhaite que M. Block regarde ses notes

 11   qui correspondent à cette époque-là, et s'il découvre des notes qui

 12   évoquent ses contacts du 18 juillet avec M. Pirocanac, je souhaite qu'il en

 13   avertisse les Juges de la Chambre, et s'il dit que ceci n'existe pas je

 14   souhaite qu'il le notifie aux Juges de la Chambre et nous pouvons à ce

 15   moment-là procéder ainsi si c'est ce qu'il préfère.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des observations à faire,

 18   Monsieur Mitchell, sur ce point ?

 19   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, en quelques

 20   mots. Je ne pense pas que la question des notes change de quelque manière

 21   que ce soit la décision que vous avez rendue et concernant la déposition de

 22   M. Block sur cette conversation qu'il a eue avec M. Petrovic. Bien

 23   évidemment, M. Karadzic cherche à établir que son nom n'apparaît pas dans

 24   ces notes, pour autant que ces notes existent, même si c'était le cas, je

 25   ferais valoir ou je fais valoir que ceci ne minimise en rien l'exactitude

 26   ses souvenirs, à savoir de ce que M. Pirocanac a dit. Donc même si des

 27   notes existent et même si ces notes montrent ce que le Dr Karadzic souhaite

 28   que ces notes montrent, ceci ne minimise en rien la recevabilité de la


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  1   déposition de M. Block. Donc dans ces circonstances-là, je fais valoir que

  2   ceci ne peut pas être dans l'intérêt de la justice que d'utiliser le

  3   pouvoir coercitif des Juges de la Chambre aux fins qu'il remette ses notes

  4   sur un entretien et conversation sur lequel M. Block a parlé dans sa

  5   déposition et qui ne pourra pas être minimisé quand bien même ses notes

  6   existes et même s'il y a toute absence de références à cela dans ces notes.

  7   Que le dernier point que je souhaite évoquer, c'est celui-ci : au mieux, si

  8   M. Block retrouve ces notes et qu'il n'y a pas de référence au Dr Karadzic,

  9   c'est une question qui porterait sur le poids à accorder à sa déposition

 10   orale et de façon tout à fait secondaire, mais ceci ne constitue pas en

 11   fait une question de recevabilité de sa déposition orale, comme le laissait

 12   entendre Me Robinson un peu plus tôt.

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Puis-je répondre ? Je souhaite -- je ne

 14   parle pas du tout de la question de la recevabilité. Je souhaite simplement

 15   qu'il y ait une ordonnance rendue pour qu'il remette ses notes, en fait. Je

 16   crois qu'il faut être très vigilants. Ceci concerne l'élément de mens rea

 17   et la responsabilité du Dr Karadzic pour ce crime. Si ce que dit ce témoin

 18   est quelque chose sur lequel les Juges se fondent, ceci pourrait avoir des

 19   conséquences très lourdes sur la décision prise par les Juges de la Chambre

 20   si vous retenez sa déposition. Très peu d'éléments de preuve sur la

 21   participation personnelle du Dr Karadzic lorsqu'il s'agit de Srebrenica,

 22   lorsque nous entendons des éléments de preuve ainsi, je crois qu'il faut

 23   rendre cette décision. Il faut être tout à fait sûr, il faut que ce soit

 24   tout à fait exact. Il s'agit d'éléments de preuve tout à fait contestables.

 25   En fait, il s'agit de ouï-dire au troisième degré. Il faut tout vérifier.

 26   Il faut vérifier si, oui ou non, il s'agit d'éléments de preuve sur

 27   lesquels vous devriez vous fonder lorsque vous allez rendre votre jugement.

 28   Peut-être que cela n'arrange personne que M. Block parcoure toutes ses


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  1   notes pour voir s'il existe quelque chose qui correspond à cette

  2   conversation, mais c'est le moins qu'il puisse faire pour que justice soit

  3   rendue, et je pense que c'est ce que vous pouvez faire pour le moins si

  4   cela s'avère nécessaire, et vous pouvez rendre une ordonnance à cet effet.

  5   Merci.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que nous ne poursuivions, Monsieur

  8   Block, puis-je vous demander si vous êtes disposé à coopérer avec la

  9   Défense. Est-ce que vous êtes prêt à vous pencher sur la question à savoir

 10   si de telles notes existent ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, du point de vue d'un journaliste et de

 12   ma profession, c'est une pente glissante sur laquelle vous me demandez

 13   d'aller. Comme nous pensons lorsqu'on cite des sources, c'est quelque chose

 14   que l'on ne peut pas faire, et dans une certaine mesure, j'estime qu'il

 15   s'agit de la même chose ici. Un précédent, en fait, qui porterait sur des

 16   notes d'un journaliste, des notes qui sont pour le journaliste en question,

 17   qui peut-être donneront lieu à des observations qui sont pertinentes à

 18   l'époque. Mais c'est l'article lui-même qui est compilé, qui est rédigé et

 19   qui reste et qui, à terme, correspond à ce qui sera utilisé après, et c'est

 20   la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, je suis au service de cet

 21   article.

 22   Dans la mesure où l'on parle des souvenirs que j'ai des conversations avec

 23   Zoran Petrovic à ces dates-là, premièrement, je ne pense pas avoir pris des

 24   notes ces jours-là car il n'y avait rien sur lequel prendre des notes. Nous

 25   souhaitions savoir ce qui était advenu du film, s'il existait des copies du

 26   film et ce qu'il avait fait. Et comme j'ai dit dans ma déposition, ce n'est

 27   pas quelque chose sur lequel j'ai dirigé des ressources dont nous

 28   disposons, nous les journalistes.


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  1   Je ne sais pas quelle est la définition d'outrage au tribunal ici dans

  2   cette institution, mais pour moi, il me serait très difficile. Car je n'ai

  3   aucun mal à parcourir mes notes pour essayer de me souvenir d'un certain

  4   nombre de choses avant de venir déposer, mais si on me contraint à regarder

  5   mes notes pour chercher quelque chose qui va au-delà de la matière qui est

  6   celle sur laquelle ont porté mes recherches lorsque j'étais journaliste,

  7   comme je l'ai dit dans l'entretien que j'ai eu avec la Défense, il

  8   s'agissant vraiment de ouï-dire, et je ne peux pas ne pas être d'accord

  9   avec cela.

 10   Donc je ne vois pas quel en est l'intérêt, et si on me demande de le faire,

 11   je crois que ceci peut compromettre ce que je suis en train d'essayer de

 12   faire aujourd'hui, à savoir de trouver le moyen dont des correspondants

 13   étrangers, en particulier des correspondants américains, peuvent se sentir

 14   à l'aise dans le cadre d'une coopération avec une institution comme ce

 15   Tribunal.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Les Juges de la

 17   Chambre vont se pencher sur la question et nous y reviendrons.

 18   Je vous remercie encore une fois -- je vous remercie d'être venu à La Haye

 19   pour venir déposer. C'est quelque chose pour lequel nous sommes

 20   reconnaissants. Et nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 22   [Le témoin se retire]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, avant de faire entrer

 25   le témoin suivant, je souhaite soulever une autre question, si vous me le

 26   permettez. C'est le Dr Karadzic qui m'a demandé de présenter cet élément

 27   aux Juges de la Chambre. C'est important pour lui et pour les membres de

 28   l'équipe de sa défense. Un des témoins à charge, Mira Mihajlovic, qui a


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  1   témoigné il y a quelques mois, qui est à Sarajevo, a fait l'objet

  2   d'articles de presse, et la presse à Sarajevo a demandé à ce qu'elle soit

  3   démise du poste qu'elle occupe actuellement parce que son témoignage était

  4   en faveur du Dr Karadzic concernant sa personnalité. Le Dr Karadzic est

  5   inquiet, compte tenu du fait qu'on souhaite citer un certain nombre de

  6   témoins à la barre. Et pour ce qui est de la thèse de la Défense, ceci peut

  7   avoir un effet tout à fait négatif ou peut refroidir les éventuels témoins

  8   disposés à venir témoigner pour le Dr Karadzic.

  9   Donc je ne demande pas aux Juges de la Chambre de faire quoi que ce soit à

 10   ce stade. Je souhaite simplement apporter ceci à votre attention et, à

 11   l'avenir, si c'est quelque chose qui se présente et qui devient un

 12   problème, peut-être demander aux Juges de la Chambre d'agir ou de faire

 13   quelque chose, parce que le Dr Karadzic m'a demandé de porter ceci à votre

 14   attention, et c'est ce que je fais. Merci.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître Robinson.

 16   Bonjour, Madame West. Donc votre témoin à venir est M. Lesic.

 17   Mme WEST : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que le témoin est en route.

 19   Mme WEST : [interprétation] Je crois que oui.

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour à vous.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez prononcer la déclaration

 24   solennelle, je vous prie.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 26   vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Que Dieu me vienne en aide.

 27   LE TÉMOIN : MILAN LESIC [Assermenté]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

  2   C'est à vous, Madame West.

  3   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Interrogatoire principal par Mme West :

  5   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  6   R.  Bonjour à vous.

  7   Q.  Comment vous appelez-vous ?

  8   R.  Milan Lesic.

  9   Q.  Où êtes-vous né ?

 10   R.  A Cazin, en Bosnie-Herzégovine.

 11   Q.  Où vivez-vous actuellement ?

 12   R.  Au Canada.

 13   Q.  Quand vous êtes-vous installé au Canada ?

 14   R.  En 1958.

 15   Q.  Pourquoi vous êtes-vous installé au Canada ?

 16   R.  Je me suis enfui de l'ex-Yougoslavie et je suis allé en Autriche, et

 17   après l'Autriche, j'ai émigré au Canada.

 18   Q.  Y avait-il une raison pour laquelle vous êtes parti ?

 19   R.  Oui. J'étais jeune et je n'aimais pas le régime communiste.

 20   Q.  Que faites-vous dans la vie ?

 21   R.  Je suis promoteur immobilier, et je suis indépendant.

 22   Q.  En 1993, étiez-vous un membre fondateur d'une organisation caritative

 23   canadienne, l'Organisation publique serbe humanitaire ?

 24   R.  Oui, tout à fait.

 25   Q.  Pourquoi avez-vous fait cela ?

 26   R.  La guerre avait commencé en 1991-1992, donc nous nous sommes rassemblés

 27   près de Toronto --

 28   L'INTERPRÈTE : [hors micro]


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi. En 1992, nous nous sommes

  2   réunis et nous avons parlé de ce qui arrivait dans notre ancien pays. Nous

  3   nous sommes réunis à nouveau et nous avons rempli des formulaires, et nous

  4   avons été immatriculés en tant qu'organisation caritative humanitaire.

  5   Q.  Est-ce que vous souhaitiez lever des fonds ?

  6   R.  Oui, nous souhaitions lever des fonds pour les nécessités, pour pouvoir

  7   remettre certaines choses à la Croix-Rouge et aux personnes qui en avaient

  8   besoin.

  9   Q.  Outre la Croix-Rouge, qui étaient les destinataires de votre projet ?

 10   R.  Il y avait les délégués de notre comité au Canada, qui nous avaient

 11   remis une lettre, moi, je me suis rendu à plusieurs reprises, et nous avons

 12   pris des échantillons dans nos valises, nous avons pris de l'argent et nous

 13   avons aidé les nécessiteux, et une fois arrivés sur place, il nous a été

 14   suggéré l'idée suivante : à qui donner cette aide. Donc il y avait deux ou

 15   trois destinataires à certains moments, des hôpitaux, et cetera.

 16   Q.  Alors repartons un petit peu en arrière. Quels étaient les

 17   destinataires de cette aide, quelle était leur appartenance 

 18   ethnique ?

 19   R.  Vous voulez parler d'appartenance ethnique ? Vous voulez dire --

 20   Q.  Etaient-ce des Serbes, des Musulmans ou des Croates ?

 21   R.  Chacun aidait son propre groupe ethnique. Les gens s'aidaient.

 22   Q.  Etes-vous Serbe, Monsieur ?

 23   R.  Oui, effectivement.

 24   Q.  Alors, dans le cadre de votre participation à cette organisation, vous

 25   êtes-vous rendu dans la région à plusieurs reprises, à commencer par

 26   l'année 1992 ?

 27   R.  Oui, effectivement. Je m'y suis rendu dix fois environ entre 1992 et

 28   1995.


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  1   Q.  Avant votre premier séjour en 1992, aviez-vous pris des dispositions

  2   préalables pour rencontrer quelqu'un par rapport à l'aide que vous

  3   souhaitiez distribuer ?

  4   R.  Non. Nous sommes simplement allés sur place, nous sommes allés à

  5   Belgrade et nous sommes arrivés dans les maisons des Musulmans de Bosnie.

  6   Nous avons rencontré des gens et nous avons rencontré l'évêque, et nous

  7   avons été transportés par hélicoptère jusqu'à Pale.

  8   Q.  Retournons en arrière. Votre premier voyage était en décembre 1992 ?

  9   R.  Oui, tout à fait.

 10   Q.  Où vous êtes-vous rendu en avion ?

 11   R.  Nous sommes allés de Toronto à Sofia, me semble-t-il, et de Sofia, on

 12   est venu nous chercher en voiture, et nous sommes allés jusqu'à Belgrade.

 13   Q.  Avec qui êtes-vous parti ?

 14   R.  Ned Krajisnik.

 15   Q.  Une fois arrivés à Belgrade, où vous êtes-vous rendus en premier lieu ?

 16   R.  A un endroit qui s'appelait la maison bosniaque, Bosanska Vila. Là,

 17   nous avons rencontré un évêque de Chicago que nous connaissions, donc nous

 18   avons voyagé avec l'évêque jusqu'à Pale.

 19   Q.  Comment êtes-vous allé de Belgrade à Pale ?

 20   R.  Par hélicoptère, un hélicoptère de l'armée.

 21   Q.  Qui avait organisé cela ?

 22   R.  Je crois que c'était Peter Salapura.

 23   Q.  Qu'est-ce qui vous a fait croire cela ?

 24   R.  J'ai appris par la suite que quelqu'un avait dû prendre les

 25   dispositions nécessaires, et l'évêque nous a accompagnés aussi.

 26   Q.  Vous dites y être allé au moins dix fois ?

 27   R.  [aucune interprétation]

 28   Q.  Lorsque vous y êtes allé avez-vous pris un caméscope et une caméra


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  1   également ?

  2   R.  Oui, j'avais mon appareil photo Sony. Je voulais prendre des photos et

  3   faire des films lorsque nous distribuions l'aide que nous avions de notre

  4   organisation humanitaire de Toronto de façon à ce que je puisse revenir à

  5   Toronto et montrer au groupe que l'argent avait bien atteint les

  6   destinataires qui avaient été prévus.

  7   Q.  Donc vous avez utilisé des images, des films et les appareils photo

  8   pour montrer qui vous avez, en réalité, donné l'argent ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Bien. Donc vous avez été interviewé par le bureau du Procureur en août

 11   2009; est-ce que vous vous souvenez de cela ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Au cours de l'entretien, avez-vous remis quatre bandes vidéo et

 14   plusieurs photos au bureau du Procureur ?

 15   R.  J'ai reçu une ordonnance. C'est le tribunal du Canada qui m'a demandé

 16   d'apporter toutes les bandes, toutes les images, tous mes passeports et

 17   tout ce que j'avais depuis 1992 jusqu'aujourd'hui.

 18   Q.  C'est ce que vous avez fait ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Donc ceci comprenait quatre bandes vidéo ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Bien. Alors revenons en décembre 1992, lorsque vous êtes montés à bord

 23   de l'hélicoptère pour vous rendre à Pale. Lorsque vous êtes arrivés à Pale,

 24   où vous êtes-vous rendus ?

 25   R.  Oui, nous sommes allés à l'assemblée -- nous avons pris un café et nous

 26   avons attendu que l'assemblée se réunisse. Nous avons attendu que l'évêque

 27   nous présente et nous avons apporté l'argent destiné au gouvernement au

 28   pays.


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  1   Q.  Bien.

  2   Mme WEST : [interprétation] Puis-je avoir le P01364 ?

  3   Q.  Vous dites avoir attendu la séance de l'assemblée. Avez-vous assisté à

  4   une séance de l'assemblée ?

  5   R.  Tout à fait. J'étais assis derrière, Ned et moi-même.

  6   Q.  Nous allons vous montrer un procès-verbal d'une séance de l'assemblée

  7   qui est daté du 17 décembre 1992.

  8   Mme WEST : [interprétation] Puis-je avoir la page 77 de l'anglais et la

  9   page correspondante, 71, en B/C/S ? Merci.

 10   Q.  Monsieur Lesic, c'est quelque chose que je vous ai montré l'autre jour,

 11   donc je sais que vous connaissez ce document.

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   Q.  Le paragraphe du milieu vers la fin, on voit Ned Krajisnik qui prend la

 14   parole. Veuillez nous dire qui est Ned ?

 15   R.  Ned Krajisnik est -- que je connais depuis 1972. Il vit à Kitchener, et

 16   moi, j'habite dans une autre ville, à Guelph.

 17   Q.  C'est quelque chose [comme interprété] qui vous a aidé à créer cette

 18   organisation ?

 19   R.  C'était le président du comité, et il y en avait un autre, qui était

 20   Ranko Rakanovic. Moi j'étais le trésorier adjoint depuis le début, et après

 21   j'ai été trésorier.

 22   Q.  Bien. Donc, ici, nous voyons M. Krajisnik qui s'adresse à l'assemblée.

 23   Nous n'allons pas lire l'intégralité du paragraphe, mais il parle de votre

 24   organisation et de la manière dont vous l'avez créée. Au milieu du

 25   paragraphe, il dit :

 26   "Mon collègue ici, Milan Lesic, est le très révérant métropolite s'est

 27   adressé à nous et il a donné beaucoup de son argent, il est très méritant,

 28   et ensuite, nous avons décidé de venir ici pour aider dans la mesure du


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  1   possible. Milan Lesic a remis 15 000 dollars ici pour les médias et la

  2   propagande, parce que je crois que nous avons perdu la guerre dans cette

  3   région, et nos ennemis ont beaucoup réussi grâce à cela -- ont réussi dans

  4   ce sens."

  5   Donc vous avez assisté à cette allocution -- à ce discours ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Lorsque votre ami, Ned, parle des médias de la propagande, pourriez-

  8   vous nous parler des inquiétudes qu'il y avait à l'égard des médias à ce

  9   moment-là ?

 10   R.  Oui. Alors nous tous Serbes au Canada, vu que nous étions enfermés par

 11   les médias et la publicité qu'ils faisaient, les médias n'étaient pas de

 12   notre côté, donc nous avons estimé que nous avions besoin d'aide et

 13   d'appui, et c'est ce que nous avons fait. Nous souhaitions que les médias

 14   soient entre les deux parties quelque part.

 15   Q.  Votre inquiétude à l'égard des médias, est-ce quelque chose que vous

 16   avez abordée avec les gens que vous avez rencontrés à Pale ?

 17   R.  Oui, je leur en ai parlé et ils étaient d'accord avec moi à l'époque.

 18   Nous étions d'accord.

 19   Q.  Donc cette inquiétude que vous aviez était partagée par les personnes

 20   que vous avez rencontrées à Pale ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Cette inquiétude était la suivante : vous craigniez que les médias

 23   étaient anti-serbes ?

 24   R.  C'est ce que nous pensions, tout allait contre les Serbes.

 25   Q.  Avez-vous abordé cette question-là à cette date-là, ou à d'autres dates

 26   avec M. Mladic ou M. Karadzic à propos de cette question-ci ?

 27   R.  Alors après avoir remis notre aide que nous avions apportée avec nous,

 28   nous nous sommes rendus dans une pièce et nous avons pris un verre, nous


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  1   avons parlé, nous avons parlé des médias, comment pouvons-nous aider, et il

  2   y avait un représentant des médias, à l'époque, qui était là. Le président

  3   Karadzic a dit : Oui, nous devons améliorer cela. Il y avait le général

  4   Mladic, et nous étions d'accord avec eux deux. Il y avait Biljana Plavsic

  5   qui était là aussi.

  6   Q.  Monsieur, au Canada, quelle était votre source d'informations sur la

  7   région ?

  8   R.  Lorsque nous regardions CNN, il y avait toujours une femme, Amanpour,

  9   qui était contre les Serbes : Les Serbes ont fait ceci, les Serbes ont fait

 10   cela. Les Serbes avaient tout fait. Je ne pouvais pas le croire, je ne

 11   pouvais pas croire que nous puissions être dépeints de cette manière-là.

 12   Donc nous sommes allés rencontrer les représentants officiels, le général

 13   Mladic et le Dr Karadzic, Krajisnik, Momcilo Krajisnik, et nous sommes

 14   allés les voir pour leur dire : Que se passe-t-il ? Il ne s'agit que de

 15   mensonges ? Mais c'est comme ça.

 16   Q.  D'après ce que j'ai compris, une partie de vos sources, les médias,

 17   provenait de CNN. Est-ce que vous receviez les reportages de stations dans

 18   la région ?

 19   R.  Oui, mais c'était très court. Alors ce que j'ai fait personnellement

 20   dans ma maison, nous avons installé une antenne parabolique en 1992, et

 21   cette antenne nous permettait de recevoir toute l'actualité de la région,

 22   et ceci nous a beaucoup aidés à savoir ce qui se passait dans la région.

 23   Q.  Je vous remercie, Monsieur.

 24   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je vais passer à un

 25   autre sujet. Est-ce qu'il serait peut-être opportun de faire la pause ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lever l'audience.

 27   Nous poursuivrons demain, Monsieur Lesic, à 9 heures. Dans

 28   l'intervalle, il serait peut-être -- ou c'est peut-être quelque chose dont


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  1   vous avez déjà entendu parler, vous n'êtes pas censé aborder votre

  2   déposition avec quiconque.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, Monsieur.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. L'audience est levée.

  5   --- L'audience est levée à 15 heures 01 et reprendra le mercredi 22 février

  6   2012, à 9 heures 00.

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