Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 10 avril 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Avant que nous ne

  7   commencions l'audience d'aujourd'hui, la Chambre aimerait traiter d'un

  8   certain nombre de questions. D'abord, la Chambre va rendre une décision

  9   orale au sujet de la demande présentée par "l'Accusation au sujet de

 10   l'utilisation du temps en l'espèce", demande déposée le 4 avril 2012.

 11   Ça, c'était un bruit bien connu.

 12   Dans sa demande, l'Accusation prie le Greffe de fournir une segmentation du

 13   temps utilisé pour l'audition de chaque témoin entendu entre le 1er et le

 14   29 mars 2012, et demande à être autorisé à déposer une requête pour

 15   contester le temps utilisé pour ces auditions dans un délai de sept jours à

 16   partir de la réception de la segmentation de ces calculs horaires. La

 17   Chambre fait droit à ces deux requêtes et ordonne, par conséquent,

 18   au Greffe de fournir les statistiques horaires relatives au mois de mars

 19   à l'Accusation dans les plus brefs délais. Elle ordonne également à

 20   l'Accusation de déposer sa contestation dans un délai de sept jours à

 21   partir de la réception de ces statistiques.

 22   Ensuite, le 23 mars 2012, l'accusé a déposé sa "requête en vue de

 23   modification des mesures de protection relatives au Témoin KDZ071", en

 24   demandant la suppression des mesures de protection accordées au Témoin

 25   KDZ071 dans l'affaire Krstic.

 26   Le 28 mars 2012, l'Accusation a déposé sa réponse à cette requête en

 27   s'opposant à la requête et en renvoyant à la conversation tenue avec le

 28   témoin le 27 mars 2012, conversation qui a eu lieu entre le témoin et un


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  1   enquêteur de l'Accusation et au cours de laquelle le témoin a déclaré avoir

  2   besoin de la continuation de ses mesures de protection car il s'apprêtait à

  3   retourner dans la région de Srebrenica et ne se sentait pas en sécurité.

  4   La Chambre fait remarquer tout d'abord qu'aucune Chambre n'est actuellement

  5   saisie de l'affaire Krstic, au sens où l'entend l'article 75(J) du

  6   Règlement, et qu'aucun des Juges qui a fait droit aux premières mesures de

  7   protection accordées au témoin dans l'affaire Krstic n'est encore au

  8   Tribunal. Le 5 avril 2012, la Chambre a été informée par la Section chargée

  9   de la protection des Victimes et des Témoins, en application de l'article

 10   75(J) du Règlement, que le témoin ne consent pas à la suppression de ses

 11   mesures de protection.

 12   La Chambre rappelle également qu'aux termes de l'article 75(J) du

 13   Règlement, il lui est possible d'ordonner la suppression des mesures de

 14   protection en l'absence du consentement du témoin dans des circonstances

 15   exceptionnelles, et "sur la base d'éléments impérieux montrant qu'il y

 16   aurait déni de justice si cette suppression n'était pas accordée."

 17   La Chambre a examiné avec soin la requête et son annexe et considère que

 18   les circonstances exceptionnelles qui permettraient de supprimer les

 19   mesures de protection en l'absence du consentement du témoin n'ont pas été

 20   démontrées. La Chambre, par conséquent, rejette la requête de l'accusé. En

 21   conséquence, le Témoin KDZ071 témoignera avec mesures de protection, c'est-

 22   à-dire octroi d'un pseudonyme et déformation de ses traits à l'écran.

 23   La Chambre a pris note de la déclaration du témoin selon laquelle il

 24   n'avait prononcé aucune déclaration publique depuis son retour dans la

 25   région de Srebrenica. Toutefois, la Chambre tient à rappeler au témoin que

 26   toute déclaration publique qu'il pourrait prononcer rendrait inefficace les

 27   mesures de protection qui lui ont été accordées et la Chambre le met donc

 28   en garde contre toute déclaration de sa part.


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  1   Ceci étant dit, nous revenons à l'audience dans son déroulement normal, et

  2   je demanderais que le témoin prononce la déclaration solennelle.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  4   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  5   LE TÉMOIN : AMOR MASOVIC [Assermenté]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur. Toutes nos excuses pour

  8   le léger désagrément du retard dans le début de votre audition. Vous pouvez

  9   maintenant vous asseoir le plus confortablement possible.

 10   Madame Sutherland, c'est à vous.

 11   Votre micro, Madame Sutherland.

 12   Interrogatoire principal par Mme Sutherland :

 13   Q.  [interprétation] Monsieur Masovic, veuillez décliner vos nom et prénom

 14   pour consignation au compte rendu d'audience.

 15   R.  Amor Masovic.

 16   Q.  Vous avez déjà témoigné devant ce Tribunal dans quatre procès, et vous

 17   avez fourni des déclarations devant des représentants du bureau du

 18   Procureur, n'est-ce pas ?

 19   R.  C'est cela.

 20   Q.  Récemment, une déclaration a été recueillie de vous qui constitue une

 21   déclaration consolidée établie sur la base de vos témoignages et de vos

 22   déclarations précédentes. Vous avez également apporté des éclaircissements

 23   et quelques commentaires complémentaires par rapport à un certain nombre de

 24   documents, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, c'est cela.

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 27   90326.

 28   Q.  Monsieur Masovic, vous voyez cette déclaration apparaître à l'écran


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  1   devant vous. Est-ce que c'est bien votre signature qui figure au bas de la

  2   page ?

  3   R.  Oui, c'est ma signature.

  4   Q.  Et ce document est bien la déclaration consolidée qui a récemment été

  5   recueillie de votre part, n'est-ce pas ?

  6   R.  C'est cela.

  7   Q.  Avant de signer cette déclaration, vous avez avec l'aide d'un

  8   interprète relu ce document. Confirmez-vous que cette déclaration

  9   correspond à ce que vous savez et à ce que vous estimez ?

 10   R.  Je confirme que c'est bien ma déclaration et qu'elle est exacte.

 11   Q.  Si aujourd'hui on vous interrogeait sur les questions qui sont évoquées

 12   dans cette déclaration, est-ce que sur le fond vous fourniriez à la Chambre

 13   les mêmes renseignements qu'à l'époque ?

 14   R.  Oui, c'est cela.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 16   versement au dossier sous pli scellé de la déclaration consolidée du

 17   témoin, et j'indique qu'une version publique de ce document sera rendu

 18   disponible en l'absence de l'annexe B.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections, Maître Robinson ?

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre admet les deux versions de ce

 22   document. Peut-on avoir des numéros de pièces à conviction.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Madame,

 24   Messieurs les Juges, la version publique de ce document devient la pièce

 25   P4850, et la version confidentielle devient la pièce P4851, à conserver

 26   sous pli scellé.

 27   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vais maintenant, si la Chambre

 28   l'accepte, donner lecture rapidement d'un résumé de la déposition du


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  1   témoin.

  2   Le témoin est membre du conseil de direction de l'Institut des personnes

  3   portées disparues en Bosnie-Herzégovine. Les responsabilités de cet

  4   institut comprennent l'établissement de listes des personnes portées

  5   disparues ou qui ont été retrouvées par le processus d'exhumation et

  6   d'identification. L'institut, qui a commencé à fonctionner en janvier 2008,

  7   a assumé les responsabilités de la recherche de personnes portées disparues

  8   qui étaient en vie en Bosnie-Herzégovine avant cette époque.

  9   Pendant la période 1992-1995, la témoin était membre, chef en exercice et

 10   chef adjoint, de la Commission de l'Etat de Bosnie-Herzégovine chargée de

 11   l'échange des prisonniers de guerre, des personnes capturées et des

 12   cadavres de personnes tuées, ainsi que de l'enregistrement des personnes

 13   tuées, blessées et portées disparues sur le territoire de la République de

 14   Bosnie-Herzégovine.

 15   En 1996, la Commission d'Etat est devenue la Commission d'Etat chargée de

 16   retrouver les personnes portées disparues. Le témoin a été nommé président

 17   de cette commission. A partir de juillet 1997, il a également été nommé

 18   président et co-président d'une commission fédérale chargée de retrouver

 19   les personnes portées disparues, qui englobe la Commission d'Etat et une

 20   commission créée par les autorités croates de Bosnie.

 21   Les éléments de preuve apportés par le témoin concernent le travail de ces

 22   institutions, leurs mandats, les méthodes qu'elles utilisent et leurs

 23   découvertes. Le témoin apporte des détails au sujet de ses fonctions et

 24   responsabilités au sein de ces institutions, et en particulier au sujet de

 25   sa participation dans le processus d'exhumation, d'autopsie et

 26   d'identification des victimes exhumées dans des fosses communes, des

 27   charniers et des tombes individuelles un peu partout en Bosnie-Herzégovine.

 28   Le témoin a examiné et commenté plusieurs documents relatifs aux échanges


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  1   auxquels il a été procédé pendant la guerre et un certain nombre de

  2   documents relatifs aux exhumations, autopsies et identifications menées en

  3   Bosnie-Herzégovine.

  4   Le témoin a établi un rapport relatif aux corps exhumés et identifiés liés

  5   aux incidents dont la liste figure dans les annexes A et B à l'acte

  6   d'accusation en l'espèce à partir des registres de l'Institut chargé de la

  7   recherche des personnes disparues.

  8   Ceci met un point final à la lecture du résumé de la déposition du témoin.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Masovic, j'ai quelques questions à vous poser. Dans votre

 12   déclaration consolidée, vous parlez du processus d'exhumation, d'autopsies

 13   et d'identification de victimes, et vous dites que l'institut tenait des

 14   listes des corps exhumés et identifiés ainsi que des personnes portées

 15   disparues.

 16   En octobre 2009, est-ce que vous avez fourni au bureau du Procureur de ce

 17   Tribunal la liste des corps exhumés et identifiés établie sur la base des

 18   registres de l'institut du MPI relatifs aux noms qui figurent dans les

 19   annexes A et B à l'acte d'accusation ?

 20   R.  Oui, c'est exact.

 21   Q.  Est-ce que ce rapport comporte deux tableaux, le premier dans lequel on

 22   trouve des données numériques relatives au nombre de personnes exhumées et

 23   identifiées ou portées disparues dans plusieurs municipalités, et le

 24   deuxième tableau comportant des données relatives aux victimes qui ont été

 25   exhumées et identifiées dans des tombes individuelles ?

 26   R.  Oui, c'est exact.

 27   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 28   numéro 23691.


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  1   Q.  Est-ce que ce document est bien le document que vous avez fourni en

  2   octobre 2009 au bureau du Procureur ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et en annexe à ce rapport, est-ce que nous trouvons les deux tableaux

  5   dont il vient d'être fait mention, tableau 1 et tableau 2 ?

  6   R.  Exact.

  7   Q.  Ce rapport présente-t-il les méthodes utilisées et cite-t-il un certain

  8   nombre de chiffres qui correspondaient à la réalité au moment où il a été

  9   établi ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Et est-ce que le bureau du Procureur vous a récemment demandé de mettre

 12   à jour les renseignements qui figurent dans ces deux tableaux ?

 13   R.  C'est exact. J'ai été prié de mettre à jour les chiffres datant de

 14   2009.

 15   Q.  J'aimerais d'abord que nous parlions du deuxième tableau.

 16   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et à cette fin, je demande l'affichage du

 17   document 65 ter numéro 23691B.

 18   Q.  A gauche de l'écran, nous voyons un document -- j'aimerais que l'on

 19   voie la date en en-tête du document à l'écran. Est-ce que c'est bien la

 20   liste mise à jour ?

 21   R.  Oui, c'est la liste qui a été mise à jour le 5 avril 2012.

 22   Q.  Et sur la droite de l'écran, on voit une traduction anglaise de la

 23   rangée qui constitue l'en-tête de ce document, l'intitulé du document, et

 24   on voit également une traduction de la légende que nous allons d'ailleurs

 25   passer en revue maintenant, car j'aimerais que vous nous expliquiez les

 26   couleurs qui figurent dans ce document.

 27   Dernière page du document à l'écran, je vous prie.

 28   R.  Eh bien, pour l'essentiel, cette légende concerne deux catégories de


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  1   personnes dont les corps ont été exhumés, ce qui a permis de les

  2   identifier. Dans le premier groupe, on trouve les corps dont les noms ont

  3   été donnés par le bureau du Procureur. Ce sont les noms qui figurent en

  4   rouge et en bleu dans ce tableau. La différence entre les personnes dont

  5   les noms sont accompagnés de mentions en rouge et celles dont les noms sont

  6   accompagnés de mentions en bleu réside dans le processus de mise à jour.

  7   Les personnes dont les noms figurent en rouge sont celles qui ont été

  8   identifiées à l'époque où le premier rapport, c'est-à-dire celui de 2009, a

  9   été rédigé, et les noms accompagnés de mentions en bleu sont les noms des

 10   personnes qui ont été identifiées dans la période ultérieure, c'est-à-dire

 11   dans la période ultérieure à 2009 et se terminant au moment de la rédaction

 12   du nouveau rapport en avril 2012.

 13   La deuxième partie de la légende, celle qui est rédigée en noir, concerne

 14   les corps qui ont été exhumés et identifiés mais correspondant à des

 15   personnes dont les noms ne figurent pas sur les listes des victimes qui

 16   m'ont été fournies par le bureau du Procureur. Toutefois, ce sont des corps

 17   que nous avons retrouvés dans les mêmes fosses communes où se trouvaient

 18   les corps des personnes dont les noms m'ont été fournis par le bureau du

 19   Procureur, donc dans les mêmes fosses que celles où on a retrouvé les corps

 20   dont les noms sont accompagnés de mentions rédigées en bleu et en rouge. Et

 21   ces personnes voient leur nom introduit dans le rapport en liaison avec

 22   l'endroit où leur corps a été retrouvé, exhumé et identifié, c'est-à-dire

 23   en fonction des mêmes fosses communes que celles où on a retrouvé les corps

 24   des personnes dont les noms m'avaient été donnés par le bureau du Procureur

 25   pour commencer. La différence entre les personnes dont les noms sont

 26   accompagnés de mentions en noir et les personnes dont les noms sont

 27   accompagnés d'une mention en noir assorti d'une étoile ou d'une astérisque

 28   bleue réside dans les circonstances de la mise à jour. Encore une fois, ces


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  1   listes ont été mises à jour. Donc, lorsque le nom est uniquement écrit en

  2   noir, il s'agit de corps qui ont été identifiés au moment de la rédaction

  3   du premier rapport en 2009, et lorsque les noms figurent en noir accompagné

  4   d'une astérisque bleue, il s'agit de personnes dont les corps ont été

  5   identifiés dans la période ultérieure à 2009, se terminant en avril 2012.

  6   Q.  Voyons la dernière page de ce document. Nous voyons le nom de cinq

  7   victimes liées à Foca. J'aimerais qu'on fasse un agrandissement pour que

  8   nous voyions toute la page. Nous voyons quatre noms en rouge fournis par le

  9   bureau du Procureur et un nom en noir --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pourrions peut-être supprimer la

 11   traduction anglaise pour le moment sur l'écran et faire un agrandissement

 12   sur le B/C/S. Voilà.

 13   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 14   Q.  Monsieur Masovic, nous voyons six noms en rouge et un nom en noir, des

 15   personnes dont les corps ont été exhumés dans une seule et même fosse

 16   commune, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, c'est exact. Ces cinq corps ont été exhumés le 17 décembre 2008 à

 18   Cehotina, qui est une localité dans laquelle se trouvait une fosse commune,

 19   dans la municipalité de Foca, et le nom de quatre personnes dont les corps

 20   ont été retrouvés dans cette fosse commune figuraient sur la liste qui m'a

 21   été donnée par le bureau du Procureur; alors que celui de la cinquième

 22   personne, Kemal Isanovic, figure en noir dans ce tableau car il ne figurait

 23   pas sur la liste des victimes qui m'a été fournie par le bureau du

 24   Procureur. Il correspond donc aux critères que je viens d'évoquer il y a un

 25   instant puisqu'il a été retrouvé dans la même fosse commune.

 26   Q.  Voyons maintenant si nous pourrions voir ce qui est écrit dans la

 27   colonne "Date de la disparition" et lieu où la personne a été vue pour la

 28   dernière fois. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre comment ces


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  1   colonnes ont été créées.

  2   R.  Eh bien, les données qui étaient utilisées par les diverses commissions

  3   chargées des personnes disparues, qu'il s'agisse de la Commission chargée

  4   de l'échange des prisonniers de guerre ou de la Commission chargée des

  5   personnes disparues, ne sont pas toujours identiques. Les sources de

  6   renseignement les plus fréquentes relatives aux personnes portées disparues

  7   sont la date à laquelle ces personnes ont disparu, le lieu de leur

  8   disparition et le lieu où résident les familles de ces personnes, mais ce

  9   ne sont pas des sources nécessaires. Lorsque des membres d'une armée ou

 10   d'une force de police, et cetera, sont portés disparus, ce sont quelquefois

 11   les commandements de ces hommes ou les services habilités à parler de ces

 12   hommes, comme par exemple leurs supérieurs hiérarchiques ou même des

 13   combattants qui combattaient aux côtés de ces hommes, qui ont été témoins

 14   de leur disparition.

 15   Alors, si vous regardez les dates qui sont contenues dans ce rapport comme

 16   étant les dates de la disparition, très souvent ce n'est pas la date réelle

 17   du décès de la personne portée disparue. C'est simplement une date qui a

 18   été obtenue à partir d'une source d'information. Par exemple, dans certains

 19   cas, un membre de la famille survivant à la guerre a été témoin du moment

 20   où un parent proche a été emmené hors de son appartement ou de sa maison,

 21   ou en tout cas emmené dans la rue simplement, et c'est le dernier jour où

 22   la personne en question a été vue vivante. Donc le membre de sa famille

 23   rend compte du jour où s'est produite cette disparition. Mais dans de

 24   nombreux cas, les personnes portées disparues ont été emmenées loin de

 25   leurs domiciles, dans des camps, des prisons, par exemple, et dans des cas

 26   de ce genre, il y a d'autres prisonniers qui ont pu voir ces personnes

 27   après la date présumée de leur disparition, en tout cas après la date où

 28   ces personnes ont été emmenées hors de leur appartement ou de leur maison.


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  1   Donc les prisonniers, par exemple, qui les voient ensuite témoignent en

  2   citant une autre date que celle qui a été citée par le membre de la famille

  3   s'agissant de la date à laquelle la personne a été portée disparue, et ces

  4   prisonniers évoquent d'autres circonstances.

  5   Donc ma conclusion c'est que la date et le lieu de disparition de la

  6   personne n'indiquent pas nécessairement la réalité du moment où la personne

  7   a disparu. Il s'agit plutôt d'une date perçue par un membre de la famille

  8   ou même par plusieurs membres de la famille qui peuvent citer des dates

  9   différentes selon le moment où elles ont appris la disparition de leur

 10   proche.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland, vous avez parlé de la

 12   colonne "Date de disparition" et date à laquelle la personne a été vue pour

 13   la dernière fois, mais je ne trouve pas ces colonnes dans la traduction

 14   anglaise. Pouvez-vous nous dire où elles se trouvent ?

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Voyons d'un peu plus près…

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Supprimons la version B/C/S à l'écran.

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ce sont les colonnes 6 et 7, Monsieur le

 18   Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Peut-on voir maintenant la version

 20   en B/C/S.

 21   Ah oui. Voilà, j'ai trouvé ces colonnes. Merci beaucoup, Madame

 22   Sutherland.

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 24   Q.  Donc, Monsieur Masovic, si j'ai bien compris, à partir du moment où

 25   vous avez des dates qui diffèrent, donc vous avez d'une part la date qui

 26   vous a été fournie par les proches puis ensuite la date où la personne

 27   aurait été revue à un autre endroit, eh bien, lorsque vous aviez ce cas de

 28   figure, vous inscriviez la date ultérieure, vous la consigniez comme étant


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  1   la date de disparition ?

  2   R.  Non, pas nécessairement. On vérifiait la fiabilité de la source qui

  3   nous fournissait l'information. Donc on appréciait avant tout la fiabilité

  4   de la source, et c'est sur cela que l'on se basait lorsqu'on consignait la

  5   date.

  6   Et je dois dire que notre commission, qui allait devenir donc

  7   l'institut, considérait que la date de la disparition ou voire même les

  8   circonstances de la disparition étaient des données qui, finalement,

  9   n'avaient pas une très grande importance. Parce qu'il ne nous revenait pas

 10   de savoir comment quelqu'un a disparu, qui en assume la responsabilité non

 11   plus. Ce que nous devions faire, c'était retrouver les restes.

 12   Malheureusement, dans la plupart des cas, c'étaient les restes des

 13   personnes donc portées disparues -- enfin, qui n'étaient plus en vie, et

 14   donc d'identifier la personne portée disparue et de remettre ses restes à

 15   ses proches. Donc c'était, avant tout, cela notre mission, et non pas

 16   d'identifier de la manière la plus précise qu'il soit la date, le lieu et

 17   les circonstances de la disparition.

 18   Ce sont d'autres instances qui s'en chargent, que ce soit au niveau

 19   de l'entité, de la Fédération ou de l'Etat. Ce sont les bureaux de

 20   procureurs qui s'en chargent.

 21   Q.  Très bien.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que nous pouvons examiner la page

 23   11, s'il vous plaît, de ce document dans le prétoire électronique.

 24   Q.  Monsieur Masovic, une page s'affiche maintenant qui concerne Laniste 1,

 25   cette fosse commune ou ce charnier. Il s'agit des victimes de Biljani.

 26   Donc, est-ce que vous pourriez nous dire si la même méthodologie s'applique

 27   pour ce qui est des noms écrits en rouge et en noir, la même que vous avez

 28   décrite précédemment ?


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  1   R.  Juste une petite correction pour la traduction. On avait mal consigné

  2   le nom de la localité.

  3   Oui. C'est exact. Donc, nous avons les noms des victimes qui ont été

  4   fournis par le bureau du Procureur qui figurent en rouge et en noir, ceux

  5   qui ont été retrouvés dans le même charnier mais qui ne figuraient pas sur

  6   la liste du bureau du Procureur. C'est en fait une fosse naturelle qui a

  7   environ une vingtaine de mètres de profondeur, qui se trouve à proximité de

  8   Kljuc, donc le site s'appelle Laniste. C'était dans une seule fosse que

  9   l'on a retrouvé les corps de toutes ces victimes et on a appelé ce charnier

 10   Laniste 1.

 11   Q.  Monsieur Masovic, je voudrais que l'on examine la première page du

 12   document que l'on parle de Bijeljina.

 13   Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges de la Chambre où est la

 14   différence entre Bijeljina et le reste de votre tableau ? Nous avons quatre

 15   noms ici en rouge. Ce sont des fosses individuelles à un endroit, puis nous

 16   avons d'autres noms en noir qui, apparemment, proviendraient de fosses

 17   individuelles de nouveau, mais d'un autre endroit. Alors, pourquoi est-ce

 18   que vous avez écrit ces noms en noir ?

 19   R.  Les noms de ces personnes ont été consignés en noir parce que leurs

 20   noms ne figurent pas sur la liste qui m'a été fournie par le bureau du

 21   Procureur, la liste qui comporte 48 noms de victimes. Et sur ces 48, seules

 22   les premières quatre personnes dans la liste qui figurent ici en rouge

 23   proviennent de la liste du Procureur. Tous les autres n'y sont pas. Et ils

 24   sont inscrits sur la liste de Bijeljina parce qu'il s'agit de personnes

 25   qui, pendant de longues années, ont été portées disparues, portées

 26   disparues dans la région de Bijeljina. Pour certaines d'entre eux, pendant

 27   la deuxième moitié du mois d'avril, et pour d'autres jusqu'au mois de

 28   septembre ou la fin de l'année 1992, à l'exception de la famille Isic qui


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  1   compte six membres. Sauf qu'ici on n'en voit que cinq, parce que le sixième

  2   n'a toujours pas été retrouvé. Donc, les cinq membres de la famille Isic

  3   portés disparus en 1993 dans le secteur de Bijeljina, donc ils ont tous été

  4   retrouvés en République de Serbie, à l'exception de l'une d'entre elles qui

  5   a été retrouvée dans le même charnier où ont été retrouvés les quatre

  6   autres, la famille Komsic. Donc, M. Crhahic Makmed [phon] a été retrouvé

  7   dans Tombac Mahala [phon] de Bijeljina, dans ce charnier-là, puis les

  8   autres en République de Serbie.

  9   Il est certain qu'après avoir été abattus, ils ont été jetés dans la

 10   rivière Drina. La Drina a transporté leurs corps jusqu'à la Sava et la Sava

 11   a continué de transporter leurs corps en République de Serbie, et c'est là

 12   que les autorités locales les ont sortis de l'eau et les ont ensevelis dans

 13   différents cimetières municipaux - Sremska Mitrovica, Sabac, Belgrade - et

 14   c'est là qu'on les a ensevelis, inhumés à titre anonyme jusqu'à ce qu'ils

 15   puissent être identifiés grâce à l'ADN.

 16   Douze individus dont les noms figurent en noir ont été enregistrés

 17   comme disparus au début ou jusqu'à la deuxième moitié du mois d'avril 1992.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je voudrais verser au dossier le rapport.

 19   Il s'agit du document 65 ter 23690. Le tableau mis à jour porte la cote

 20   23691B.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et le rapport initial, normalement, il

 22   porte le numéro 23691.

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, tout à fait. Excusez-moi.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous n'allons

 26   pas opposer d'objection au versement du 23691B, mais nous allons nous

 27   opposer au versement du 23690, puisqu'il ne s'agit pas ici d'un témoin

 28   expert. Toutes les informations qui figurent dans son rapport figurent déjà


Page 27222

  1   ou devaient normalement figurer dans sa déclaration consolidée, en

  2   application de la pratique apposée par la Chambre.

  3   Deuxièmement, nous avons reçu une liste mise à jour de l'autre

  4   tableau qui est contenu dans le rapport et je pense qu'il faudrait verser

  5   la liste, mais non pas le texte même du rapport.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me dire plus

  7   précisément pour quelle raison ce rapport précédent devrait être exclu

  8   alors qu'il fait déjà partie de la mise à jour ?

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous pensons que seuls les tableaux

 10   devraient être versés au dossier, et les tableaux qui constituent une mise

 11   à jour du tableau qui était déjà représenté dans 23691, mais le texte lui-

 12   même, nous ne pensons pas qu'il faille le verser au dossier, puisque le

 13   témoin n'est pas un témoin expert. C'est un témoin de faits, et vous avez

 14   bien précisé que toutes les informations fournies par les témoins qui sont

 15   des témoins factuels devraient être regroupées dans une seule déclaration

 16   consolidée et que seule cette déclaration doit être versée au dossier.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, vous estimez que dans le corps du

 18   texte du document 23691, nous avons, en fait, ce qui correspondrait à un

 19   rapport d'expert.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, je pense qu'il ne faille pas le

 21   verser au dossier, puisque ce n'est pas par le truchement d'un témoin

 22   factuel que l'on peut le verser au dossier. Ce n'est pas un témoin expert.

 23   Donc, quelles que soient les informations que l'Accusation souhaite verser

 24   au dossier, en plus du témoignage verbal, oral, normalement doivent figurer

 25   dans la déclaration consolidée.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.

 27   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Comme vous le savez parfaitement, c'est

 28   un témoin factuel, mais qui a une certaine expertise. Peut-être qu'il ne


Page 27223

  1   s'agisse pas d'un témoin expert, mais c'est un témoin factuel qui a une

  2   certaine expertise.

  3   Donc, tout simplement, ce que nous trouvons dans le corps du texte,

  4   ce sont les critères qu'il a appliqués pour rassembler et consigner les

  5   informations qui figurent aux tableaux 1 et 2. Il précise sa méthodologie.

  6   Il en parle aussi dans sa déclaration consolidée, mais nous estimons que

  7   cela serait utile d'avoir également cette partie-là du texte qui précise

  8   comment les chiffres ont été rentrés.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les deux seront versés au dossier

 11   puisque la Défense ne s'oppose pas au versement du tableau et le texte qui

 12   a été fourni par le témoin est utile aux Juges de la Chambre pour

 13   comprendre la méthodologie qu'il a suivie en constituant ces tableaux. Nous

 14   allons rejeter votre objection et nous allons attribuer les cotes aux deux

 15   versions.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous avons donc deux cotes : la cote

 17   P4852 et P4853.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pouvons les verser au dossier sans

 19   protection.

 20   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le tableau 2, non.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les deux.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, les deux peuvent être versés au

 23   dossier sans protection.

 24   Q.  Monsieur Masovic, alors, parlons de votre tableau, le tableau 1. On

 25   vous a demandé de le mettre à jour également, n'est-ce pas ?

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche le

 27   document 65 ter 23691A, s'il vous plaît.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Le tableau numéro 1, là


Page 27224

  1   aussi, les données ont été mises à jour, les données qui concernent les

  2   personnes portées disparues et dont les restes ont été retrouvés dans

  3   plusieurs municipalités de Bosnie-Herzégovine.

  4   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

  5   Q.  Et quelle est la différence entre le tableau mis à jour et la version

  6   initiale de 2009 du tableau ?

  7   R.  Notamment, il y a une différence qui se situe sur le point suivant : en

  8   2012, on ne fait plus figurer deux municipalités; Visegrad et Kotor Varos.

  9   Je suppose que ces municipalités ne figurent pas dans l'acte d'accusation.

 10   Puis pour le reste des municipalités, il y a eu des modifications sur

 11   plusieurs plans. On a mis à jour le nombre de personnes retrouvées et

 12   identifiées, parce qu'entre 2009 et 2012, on a retrouvé et/ou identifié des

 13   individus. Il y a même des gens dont les restes ont été retrouvés avant

 14   2009, mais qui n'ont pu être identifiés qu'après 2009.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Montrez-nous la page 2, s'il vous plaît,

 16   puis la dernière.

 17   Je demande le versement du tableau 1 mis à jour, s'il vous plaît, Monsieur

 18   le Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, mis à part la question

 20   que vous avez soulevée, j'ai omis de vous demander si vous acceptiez la

 21   partie qui a été traduite en anglais, c'est-à-dire est-ce que la portion

 22   qui a été traduite vous satisfait ?

 23   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, nous l'acceptons, Monsieur le

 24   Président.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Est-ce que nous pouvons avoir

 26   la cote pour ce tableau.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P4854.

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation]


Page 27225

  1   Q.  Monsieur Masovic, alors voyons maintenant ce qui en est de la liste des

  2   victimes. Est-ce que le bureau du Procureur vous a récemment demandé de

  3   réexaminer cette liste corrigée ?

  4   R.  Est-ce que cela va s'afficher à l'écran ?

  5   Q.  Tout simplement, je vous ai demandé si vous aviez été invité récemment

  6   à revoir la version corrigée de la liste des victimes ? Est-ce que le

  7   bureau du Procureur vous a demandé de faire cela ?

  8   R.  Oui.

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande l'affichage du 65 ter 23690

 10   [comme interprété] à l'écran, s'il vous plaît.

 11   Q.  Avant d'en parler, par rapport au tableau A, qui a été mis à jour,

 12   c'est à partir du 5 avril 2012 que les informations étaient disponibles;

 13   c'est bien cela ?

 14   R.  Je ne vous comprends pas.

 15   Q.  Le tableau 1 que nous venons d'examiner, qui comporte les chiffres,

 16   donc la date de la mise à jour est celle du 5 avril 2012; c'est bien cela ?

 17   R.  Oui. C'est la date de la mise à jour de ce tableau.

 18   Q.  Est-ce que nous avons ici une liste des victimes mise à jour, liste que

 19   vous avez fournie au bureau du Procureur ?

 20   R.  Oui. C'est la liste mise à jour qui comporte les noms de victimes, et

 21   d'ailleurs, c'est ce qui figure dans le titre de ce tableau.

 22   Q.  Et là, nous avons également la date du 5 avril 2012 comme date de la

 23   mise à jour; est-ce exact ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Donc, à gauche de l'écran, nous avons en bleu des titres. Est-ce que

 26   vous pouvez nous dire à quoi cela correspond, cette partie qui se situe à

 27   gauche ?

 28   R.  Ici, nous avons la liste des victimes --


Page 27226

  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande que l'on ne l'affiche pas à

  2   l'extérieur du prétoire, excusez-moi. Monsieur le Président, ce qui a été

  3   vu ne pose pas problème.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuons.

  5   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Mais à partir de maintenant, je

  6   demanderais que l'on ne diffuse plus à l'extérieur du prétoire.

  7   Q.  Monsieur Masovic, est-ce que vous pouvez nous expliquer ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un instant. Passons à huis clos

  9   partiel un instant.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 11   [Audience à huis clos partiel]

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25   [Audience publique]

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que vous pouvez nous expliquer rapidement, Monsieur Masovic, ce

 28   qui se situe à gauche.


Page 27227

  1   R.  J'ai une seule liste sur la totalité de l'écran. C'est la liste du

  2   bureau du Procureur qui m'a été fournie. Donc maintenant, à gauche, j'ai la

  3   liste des victimes alléguées qui m'a été fournie par le bureau du Procureur

  4   pour que je puisse l'étudier et commenter.

  5   Puis à droite de l'écran, vous pouvez voir mes commentaires qui

  6   concernent chacune des victimes dont les noms figurent à gauche, ou plutôt,

  7   du côté que nous appelons liste de victimes du Procureur.

  8   Q.  Et ce que vous avez ajouté est surligné en gris, sur la droite, les

  9   colonnes à droite.

 10   Donc, est-ce que vous pouvez juste expliquer à l'attention des Juges

 11   quelles sont les différentes catégories qui sont représentées ici. Montrez-

 12   nous la dernière page. Nous avons là une légende. Mais expliquez-nous, s'il

 13   vous plaît, la signification des différentes couleurs.

 14   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Dernière page, s'il vous plaît.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc il faut dire surtout qu'il s'agit des

 16   personnes dont les noms figurent sur la liste de victimes établie par le

 17   bureau du Procureur. Lorsque j'ai formulé des commentaires, alors en jaune

 18   pâle j'ai indiqué tous les noms des victimes qui ont été identifiées à ce

 19   jour. En vert clair, nous avons toutes les victimes dont les restes n'ont

 20   toujours pas été retrouvés ou ont éventuellement été retrouvés sans avoir

 21   pu être identifiés. Donc, pour l'instant, elles sont toujours enregistrées

 22   comme portées disparues, "still missing". En ocre, ou marron, nous avons

 23   les personnes dont les noms figurent sur la liste du bureau du Procureur

 24   qui formellement sont toujours considérées comme portées disparues, mais ce

 25   sont les personnes que, à titre préliminaire, nous avons pu identifier sur

 26   la base de l'ADN. Donc il est très probable, je dirais à 99,95 %, il est

 27   sûr que dans la suite de l'identification qui se passera avec leurs

 28   proches, ces victimes-là également seront transvasées dans la catégorie du


Page 27228

  1   jaune clair, donc des victimes qui ont été définitivement identifiées.

  2   Et puis, nous avons une dernière catégorie qui n'a pas été coloriée, qui

  3   est sur fond blanc, donc nous avons là les prétendues victimes ou les

  4   victimes représentées sur la liste du bureau du Procureur qui n'ont pas du

  5   tout été déclarées disparues auprès de l'Institut chargé des personnes

  6   disparues de Bosnie-Herzégovine, ou bien les informations que nous avons

  7   reçues sont erronées, ou bien il s'agit d'informations incomplètes qui ne

  8   me permettent pas d'établir le statut de ces individus. Par exemple, c'est

  9   le cas qui se présente lorsque nous n'avons que le nom de famille d'une

 10   victime, sans prénom, sans nom de père, donc dans des situations où l'on

 11   sait parfaitement qu'en Bosnie-Herzégovine il y a plusieurs dizaines

 12   parfois, voire même plusieurs centaines, de membres d'une même famille

 13   élargie. Donc, si je n'ai qu'un nom de famille et si je n'ai aucune donnée

 14   supplémentaire me permettant de préciser cela, il m'est impossible de

 15   savoir de quelle victime il s'agit, donc de quel membre d'une famille

 16   donnée. Donc cette colonne n'est pas renseignée. Il n'y a pas de

 17   commentaire de notre part par rapport au statut actualisé de ces individus-

 18   là.

 19   Q.  Monsieur Masovic, ce que l'on lit dans le compte rendu d'audience,

 20   c'est que vous avez estimé qu'il y avait une possibilité de l'ordre de 95 %

 21   que les identifications préliminaires --

 22   R.  Non, non. J'ai dit 99,95 %.

 23   Q.  Je vous remercie.

 24   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Là encore, nous avons une erreur.

 26   Ce n'est pas bien transcrit. J'ai bien dit 99,95 %. Voilà, c'est bien.

 27   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande le versement de la liste des

 28   victimes, Monsieur le Président.


Page 27229

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une version expurgée sera versée au

  2   dossier.

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui. Nous aurons cette version-ci sous

  4   pli scellé et puis nous aurons une version expurgée.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous verserons les deux au dossier.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je donne les cotes. Le 65 ter 23690A se

  7   verra attribuer la cote P4855, sous pli scellé, et la version expurgée

  8   deviendra la pièce P4856.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Masovic, brièvement, abordons un autre sujet. Dans le cadre de

 12   vos activités à l'institut, est-ce qu'il vous est arrivé que des individus

 13   se présentent et que, sans fondement, ils demandent de bénéficier de droits

 14   qui sont relatifs à ceux qui ont combattu, et quelles sont les raisons qui

 15   auraient poussé des gens à le faire, si cela s'est produit ?

 16   R.  Il est difficile de vous répondre à cette question, puisqu'à l'institut

 17   nous ne tenons pas ce type de registres.

 18   Dans mon rapport, j'ai évoqué des tentatives, mais cela n'a rien à voir

 19   avec des registres militaires. Enfin, je suppose que cela a à voir avec des

 20   tentatives de réaliser des bénéfices financiers pour certains membres de

 21   certaines familles.

 22   Là, ça fait 20 ans que je travaille là-dessus, sur la question de personnes

 23   portées disparues. Il nous est arrivé seulement dans trois cas où nous

 24   avons pu constater que des familles ont essayé de faire enregistrer comme

 25   disparus leurs membres pour pouvoir bénéficier financièrement de cela alors

 26   qu'il n'y avait pas de personnes disparues dans leurs familles. Donc,

 27   depuis le mois d'août de la première année où j'ai commencé à travailler

 28   là-dessus jusqu'à maintenant, avril 2012, il y a eu trois tentatives de ce


Page 27230

  1   type.

  2   Mais pour vous répondre complètement, je peux vous dire qu'effectivement,

  3   ce n'est pas dans le cadre de mes activités à l'institut, mais dans le

  4   cadre de tout ce que l'on peut apprendre par les médias, la presse

  5   électronique ou autre, j'ai pu remarquer qu'il y a eu, semble-t-il, un

  6   nombre qui n'est pas si petit que cela de cas où des individus ont cherché

  7   à se faire reconnaître un statut alors qu'ils ne réunissaient pas les

  8   conditions leur permettant de bénéficier de ce statut-là. Donc je pense que

  9   ce qui est arrivé, c'est qu'ils ont fait enregistrer les membres de leurs

 10   familles qui ont perdu la vie, qui ont été tués sans avoir combattu, en les

 11   déclarant comme tels, et, en fait, ils ont pu bénéficier d'un statut qui

 12   normalement ne leur revenait pas d'après la législation de Bosnie-

 13   Herzégovine. Je pense qu'il y a une révision de cela dans la Fédération de

 14   Bosnie-Herzégovine, et cela est en cours depuis plusieurs mois. On essaie

 15   de savoir exactement ce qui s'est passé, qui a effectivement combattu avec

 16   tels membres des forces armées, que ce soit de la police, de la Défense

 17   territoriale ou de l'armée, et qui ne l'a pas été. Parce que,

 18   effectivement, vu la crise économique qui secoue la Bosnie-Herzégovine, et

 19   pas seulement la Bosnie-Herzégovine, cela a probablement incité à revoir la

 20   liste de ceux qui bénéficient de ces droits alors qu'ils ne devraient pas

 21   en bénéficier.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir maintenant pour

 23   un détail relatif au compte rendu d'audience ? Je ne pourrai pas le faire

 24   au moment du contre-interrogatoire.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Mais n'oubliez pas d'attendre

 26   lorsque vous prenez la parole. Cette fois-ci, vous avez parlé en même temps

 27   que le témoin.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'en page 22 du compte rendu


Page 27231

  1   d'audience, lignes 11, 12 et 13, le témoin a parlé d'un nombre qui n'était

  2   pas petit s'agissant du nombre de cas de ce genre, alors qu'au compte rendu

  3   en anglais nous voyons les mots "quite a few cases".

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il en est pris bonne note.

  5   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Masovic, ceci est-il exact ?

  7   R.  Je ne vois pas où cela se trouve au compte rendu d'audience. Moi, j'ai

  8   dit deux choses. S'agissant d'une situation particulière, j'ai dit qu'il

  9   n'y avait eu que trois tentatives de déclaration de personne portée

 10   disparue, alors que personne n'avait disparu. Ça, c'est une de mes

 11   remarques. Et la deuxième concerne le moment où je parlais des

 12   responsabilités de l'Institut chargé des personnes portées disparues, où

 13   j'ai dit que j'avais lu dans la presse ou appris par les médias

 14   informatiques ou entendu dire qu'une révision était en cours et qu'il y

 15   avait un nombre qui n'était pas petit de cas dans lesquels certaines

 16   personnes avaient obtenu des compassions financières ou certains avantages

 17   financiers auxquels elles n'avaient pas effectivement droit. Pour être plus

 18   précis, certaines personnes se sont vu accorder le statut de membres de

 19   l'armée ou des forces de police, alors qu'elles n'ont effectivement jamais

 20   été membres d'une quelconque armée ou d'une quelconque force de police. Il

 21   y a aussi des personnes qui se sont vu accorder le statut de personnes

 22   handicapées et qui, en raison de cela, ont reçu une compensation

 23   financière, alors qu'en réalité ces personnes n'étaient pas handicapées, ou

 24   en tout cas pas handicapées à un point suffisant pour obtenir et avoir

 25   droit à l'obtention d'une compensation financière.

 26   Q.  Je vous remercie, Monsieur Masovic.

 27   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au

 28   témoin, Monsieur le Président.


Page 27232

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, Madame Sutherland. Est-ce

  2   que nous allons parler des pièces à conviction associées ?

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ah oui, les pièces associées.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections, Maître Robinson ?

  5   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons des

  6   objections par rapport à un certain nombre de pièces associées, qui

  7   comportent les rapports d'autopsie, et notre objection porte sur le fait

  8   que nous ne pensons pas que ces rapports puissent être versés au dossier

  9   par le truchement de ce témoin.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner le

 11   numéro de ces pièces.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, premier numéro, je vous prie.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] 13081, 12601, 13106. Et 12918, nous faisons

 15   objection à ce document car il ne fait pas partie intégrante de la

 16   déclaration du témoin.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. 12601. Est-ce qu'il s'agit

 18   d'une pièce à conviction associée ?

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Je crois que j'ai dit 12062.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ah, 12062. Et le dernier numéro…

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Il y a aussi les pièces 13064, 13024, 13061,

 22   13093 et 04786. Et puis, il y a également un certain nombre de documents

 23   qui ne s'accompagnent pas de traduction anglaise, donc nous n'avons pas pu

 24   vérifier avec précision si ces documents comportaient des rapports

 25   d'autopsie --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Je reviendrai sur les

 27   documents qui ne s'accompagnent pas de traduction anglaise plus tard, mais

 28   parlons d'abord de la première catégorie.


Page 27233

  1   M. ROBINSON : [interprétation] D'accord. Eh bien, s'agissant de cette

  2   catégorie de documents, je pense que nous nous sommes trouvés dans la même

  3   situation lors de l'audition de Dean Manning, lorsque l'Accusation a essayé

  4   d'intégrer à ces pièces à conviction les conclusions d'autres experts qui

  5   n'ont pas témoigné ou en tout cas n'ont pas fourni des rapports d'experts

  6   annoncés à l'avance à la Défense, de sorte que le même problème se pose et

  7   devrait donner lieu au même résultat, à savoir que ces pièces qui

  8   concernent les rapports d'autopsie réalisés par des experts ne devraient

  9   pas être versés au dossier. Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parce que je n'ai pas eu le temps de

 11   passer en revue chacun de ces documents un par un. Je remarque que, par

 12   exemple, pour le numéro 4786, le dernier document dont vous avez parlé, il

 13   est accompagné d'une traduction anglaise. Pourriez-vous, à titre d'exemple,

 14   nous dire pourquoi certaines parties de ce document ne doivent pas être

 15   versées au dossier.

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on peut télécharger ce

 18   document.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Commençons par la page 5, car nous faisons

 20   objection au versement des pages 5 à 21 de ce document.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc c'est l'examen réalisé par un

 22   légiste et l'examen post mortem des cadavres.

 23   M. ROBINSON : [interprétation] C'est exact. Pour chacun de ces cadavres,

 24   l'expert donne son avis quant à la cause du décès, et nous pensons que ceci

 25   aurait dû être une partie intégrante de la déposition du témoin expert mais

 26   ne peut pas être versé au dossier par le truchement du témoin qui se trouve

 27   ici aujourd'hui. Le témoin a été présent à quelques reprises. Il a vu

 28   certains cadavres, il a vu certains restes humains et a donné son avis au


Page 27234

  1   sujet de ce qu'on trouve dans la partie "commentaires" qui figure en annexe

  2   au document. Mais s'agissant de rapports d'autopsie en bonne et due forme

  3   et des résultats de ces rapports, nous ne pensons pas qu'ils devraient être

  4   versés au dossier.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera M. Tieger

  7   --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais entendre une personne. Avec

  9   un microphone ouvert.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] M. Tieger va s'occuper de cette question.

 11   Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, Monsieur Tieger.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 14   Bonjour, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

 15   Il s'agit d'une analogie qui est trompeuse et erronée aussi bien du point

 16   de vue de la jurisprudence citée pendant la présentation des arguments

 17   relatifs aux documents Manning qu'eu égard aux documents en tant que tels

 18   dès lors que nous abordons cette question. Je m'explique, comme je l'ai

 19   déjà fait précédemment.

 20   Tout d'abord, pendant l'argumentation relative aux documents Manning, Me

 21   Robinson s'est appuyé sur deux éléments, la décision relative au résumé

 22   présenté par l'enquêteur Barney Kelly dans l'affaire Milosevic en mai 2002,

 23   qui a finalement été tranchée par la Chambre d'appel en septembre 2002, et

 24   il s'est appuyé également sur la loi spéciale, lex specialis, liée à

 25   l'article 94 bis du Règlement.

 26   S'agissant de la décision Kelly, elle repose sur le fait que les résumés

 27   ont été établis par un salarié du bureau du Procureur. Ce qui n'est pas le

 28   cas ici. En fait, contrairement à l'affirmation de Me Robinson, la Chambre


Page 27235

  1   de première instance dans l'affaire Milosevic et la Chambre d'appel,

  2   lorsqu'elles ont rendu leur décision précise et explicite, ont approuvé les

  3   résumés et les écritures des documents présentés par le truchement d'autres

  4   témoins dès lors qu'ils n'étaient pas établis par des salariés du bureau du

  5   Procureur, et elles ont cité précisément la déposition de Fred Abrahams,

  6   qui a intégré d'autres déclarations préalables ainsi qu'un rapport de

  7   l'OSCE et un autre document par extension à sa propre audition. Par

  8   analogie à cela, ceci signifie que les documents dont nous parlons en ce

  9   moment devraient être admis en tant que pièces à conviction.

 10   Enfin, la décision rendue dans l'affaire Milosevic s'appuyait sur les

 11   conclusions de la Chambre de première instance selon lesquelles ceci

 12   n'avait qu'une valeur probante faible ou nulle eu égard aux documents dont

 13   la demande de versement était faite. Or, nous sommes actuellement dans une

 14   situation exactement contraire à celle que je viens d'évoquer. En ce

 15   moment, la Chambre de première instance, celle devant laquelle je parle en

 16   ce moment, dans sa décision du 21 février 2012, a explicitement stipulé que

 17   ces documents avaient une valeur probante et étaient pertinents, mais elle

 18   a simplement demandé que leur versement se fasse par le truchement d'un

 19   témoin.

 20   Deuxièmement, s'agissant de l'article 94 bis du Règlement, Me Robinson

 21   essaie d'étendre sa portée au-delà de la pratique et de la jurisprudence de

 22   ce Tribunal et au-delà, en fait, des dispositions explicites de cet article

 23   94 bis, qui n'est pas une disposition recouvrant tous les documents qui

 24   présentent une composante lex specialis mais qui concernent précisément la

 25   déposition d'un témoin expert, c'est le titre de l'article 94 bis, qui

 26   concerne donc les déclarations ou rapports d'un témoin expert qui sont

 27   cités par une partie ou une autre.

 28   L'intention n'a jamais été de couvrir l'ensemble des documents qui


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  1   pourraient être produits pendant la durée d'une discussion relative à des

  2   questions pertinentes. Donc les dispositions adoptées sont tout à fait

  3   précises. Il n'a jamais été la pratique de cette institution de faire de

  4   rapports d'autopsie ou d'exhumation le cœur des dispositions de l'article

  5   94 bis, et j'ai déjà parlé de ce qui se passait dans d'autres affaires.

  6   Cela n'a jamais été le cas. Les rapports d'exhumation et d'autopsie ont été

  7   soumis de diverses manières, mais jamais dans le cadre de l'article 94 bis

  8   du Règlement. Ce n'est pas la pratique en l'espèce. Nous avons des rapports

  9   d'autopsie et d'exhumation qui sont soumis par des témoins qui n'ont pas

 10   eux-mêmes procédé à ces autopsies et exhumations et cela ne se fait pas

 11   dans le cadre de l'article 94 bis.

 12   La Défense sait que parce qu'elle a versé au dossier deux rapports

 13   d'autopsie par des témoins différents, et pas dans le cadre de l'article 94

 14   bis, elle est donc au courant. Nous savons que ce que je viens de dire est

 15   exact, parce que la Chambre de première instance elle-même a rendu une

 16   décision le 21 février 2012, où elle a passé en revue le versement dont je

 17   viens de parler qui concernait un document avec valeur probante et

 18   pertinent, mais qui devait être versé par le truchement d'un témoin sans

 19   qu'aucune mention n'ai été faite, encore une fois, je le répète, à

 20   l'article 94 bis, qui confirme la pratique de ce Tribunal et, en l'espèce,

 21   le fait que de tels rapports ne relèvent pas de l'article 94 bis.

 22   Enfin, s'agissant de l'analogie avec la déposition Manning, la

 23   décision de la Chambre de première instance prise ici concerne des rapports

 24   que le bureau du Procureur a demandé à certains experts de produire. Ceci

 25   est complètement différent de la situation dans laquelle nous sommes en ce

 26   moment, car ces rapports n'ont pas été demandés par le bureau du Procureur,

 27   mais ont été produits pendant une discussion par des agences extérieures.

 28   Donc finalement, Monsieur le Président, le bureau du Procureur a fait


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  1   exactement ce que la Chambre de première instance a demandé le 21 février,

  2   c'est-à-dire demander le versement au dossier de ces documents qui

  3   correspondent à la jurisprudence de ce Tribunal, mais vont un peu plus loin

  4   que la décision de la Chambre de première instance, et je dirais que le

  5   témoin qui a participé à une grande partie du processus global et par les

  6   mains desquelles sont passées pas mal de ces documents est le témoin

  7   parfait pour que le versement se fasse et qu'un poids convenable soit

  8   accordé à ces documents.

  9   Je pourrais parler pendant très longtemps de la politique et de la

 10   pratique qui sous-tendent l'admissibilité des documents dans cette

 11   institution, mais étant donné que la question remonte à très loin, je ne

 12   pense pas qu'il soit indispensable que la Chambre de première instance voit

 13   tous les documents concernés dont le versement a déjà été demandé.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous rappeler :

 15   dans la décision du 21 février, est-ce qu'elle ne concernait pas le rapport

 16   d'exhumation et pas les rapports d'autopsie faits par le légiste afin de

 17   déterminer la cause de la mort, n'est-ce pas ?

 18   M. TIEGER : [interprétation] Non, c'est vrai, Monsieur le Président, mais

 19   j'ai cité ces rapports également parce que je parlais du principe global

 20   concernant le fait que ces documents n'avaient pas leur place dans une

 21   quelconque application de l'article 94 bis. Je pense que mon argument

 22   appuie cette proposition. J'ai donc cité cette catégorie de rapports pour

 23   indiquer que l'Accusation avait agi comme la Chambre le lui avait demandé

 24   et je continue à faire remarquer que les rapports d'autopsie ont été versés

 25   au dossier en l'espèce par des témoins, c'est-à-dire autrement que par le

 26   biais de l'article 94 bis et y compris par des témoins qui n'avaient pas

 27   procédé aux autopsies. Donc, c'est un fondement de la pratique de ce

 28   Tribunal et j'ai passé en revue également d'autres renseignements


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  1   disponibles qui montrent qu'une pratique cohérente a été appliquée par ce

  2   Tribunal pour les raisons que je viens de décrire.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une raison supplémentaire pour laquelle

  4   la Chambre a refusé d'admettre le rapport d'exhumation de façon

  5   automatique, c'était le désir de la Chambre de donner à l'accusé la

  6   possibilité de contre-interroger le témoin sur le contenu du document.

  7   Donc, comment est-ce que nous pouvons arriver à un compromis, Monsieur

  8   Tieger ?

  9   M. TIEGER : [interprétation] Ce n'est pas un compromis sur la décision,

 10   Monsieur le Président, à mon avis. D'abord, la déclaration stipulait que le

 11   document devait être versé au dossier par le biais d'un témoin qui pouvait

 12   commenter ce document -- je vais retrouver le libellé exact, si vous le

 13   souhaitez, mais en tout cas, un témoin qui pouvait parler de ces documents

 14   et répondre à des questions qui lui seraient posées par rapport à ces

 15   documents. Le témoin qui est ici est tout à fait en mesure de remplir ces

 16   obligations.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Phrase suivante. Ceci devrait également

 18   donner la possibilité à l'accusé de contre-interroger le témoin pour tester

 19   sa déposition.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Le témoin qui est ici peut parler des

 21   circonstances qui ont donné lieu à ces examens, il peut parler de la nature

 22   du processus qui a été mis en œuvre, de la cohérence de ce processus par

 23   rapport à d'autres renseignements disponibles, des personnes qui ont été

 24   chargées de procéder à ces actions.

 25   Le fait principal -- enfin, nous avons, je le répète, déjà admis des

 26   rapports d'autopsie, ce qui correspond tout à fait à ce que font la majeure

 27   partie des juridictions contradictoires dans lesquelles des personnes

 28   viennent dire oui ou non. Donc, oui, c'est un rapport d'autopsie qui a été


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  1   établi dans telle et telle circonstance. Cela fait partie de la déposition

  2   du témoin et le témoin que vous avez ici peut témoigner des circonstances

  3   dans lesquelles ces rapports ont été établis. Il peut apporter des éléments

  4   de contexte à la Chambre qui comprendra mieux comment les choses se sont

  5   passées, comment les professionnels sont intervenus dans le cadre d'un

  6   effort qui n'a rien à voir avec ce qui a été demandé par le bureau du

  7   Procureur ou avec les rapports Manning ou les rapports Kelly.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'attendais la fin de l'interprétation

  9   française.

 10   Monsieur Masovic, la Chambre, en général, ne demande pas à un témoin

 11   d'intervenir quand un débat est en cours, donc je vous prierais d'attendre

 12   quelques instants.

 13   Maître Robinson.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, pour répondre

 15   rapidement. Je crois que la Chambre a mis le doigt sur le problème

 16   principal, à savoir que le Dr Karadzic va contre-interroger le témoin sur

 17   les causes des décès au cas où ces rapports devaient être admis en tant que

 18   pièces à conviction par le truchement de ce témoin. C'est la base de votre

 19   décision, s'agissant des documents liés à Dean Manning pour lesquels

 20   l'Accusation n'a pas demandé de réexamen, et je pense que ceci devrait être

 21   à la base de vote décision aujourd'hui.

 22   La dernière fois que j'ai entendu M. Tieger s'appuyer sur la pratique de

 23   cette institution, c'est lorsqu'il a essayé de justifier l'absence de

 24   communication des documents relevant de l'article 68 du Règlement avant le

 25   début de ce procès. Vous avez décidé que cette pratique était erronée, et

 26   il devrait être également erroné d'autoriser l'Accusation à profiter d'une

 27   déposition d'expert sans appliquer la procédure prévue au titre de

 28   l'article 94 bis du Règlement, qui stipule que la Défense doit être


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  1   informée à l'avance et que l'accusé doit obtenir les documents à l'avance

  2   pour pouvoir être d'accord ou contester l'expertise de l'expert et que

  3   l'accusé doit se voir donner la possibilité, lorsqu'il n'est pas d'accord,

  4   de contre-interroger les témoins experts. Donc, nous pensons que c'est le

  5   processus qui devrait être respecté. Si l'Accusation souhaite s'appuyer sur

  6   un témoin expert en dehors de ce prétoire, la procédure que je viens

  7   d'indiquer aurait dû être respectée et la Défense aurait dû avoir la

  8   possibilité de la contester. Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, pourriez-vous confirmer que la

 10   Défense est préoccupée dans cette partie du débat par les causes de décès.

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Exactement.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je ne reste pas assis pendant que Me Robinson

 14   affirme que j'essaie d'imposer une absence de respect pour les règles

 15   fixées par cette institution. L'article 94 bis ne prévoit pas et n'a pas

 16   pour but d'englober l'ensemble des documents dont Me Robinson essaie

 17   d'obtenir le versement direct au dossier. Cet article ne concerne pas tous

 18   ces documents à première vue, il n'a pas concerné l'ensemble de ces

 19   documents pendant les débats qui se sont déroulés jusqu'à présent, comme le

 20   montre le fait que la Défense a demandé le versement au dossier des

 21   documents relevant de cette catégorie, elle aussi, comme, par exemple, des

 22   pièces D48 et D2043 par le biais de deux témoins différents.

 23   J'ai déjà évoqué les autres aspects du système contradictoire, parce

 24   qu'il serait anormal à ce stade, ou en tout cas, bizarre, alors que la

 25   présente institution a adopté une politique relative à l'admissibilité des

 26   documents qui est tout à fait clairement établie et qui suit la chronologie

 27   des événements et l'ampleur des éléments de preuve après qu'ils aient pu

 28   être contestés, il serait anormal ou bizarre de voir apparaître une


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  1   nouvelle pratique plus restrictive que celle qui est appliquée par les

  2   juridictions qui pratiquent le système contradictoire et qui permettent

  3   l'admission de tels documents lorsqu'ils sont fournis pendant les débats.

  4   Donc, pour nombre de raisons, ce n'est pas le bureau du Procureur qui

  5   essaie de travailler au mépris des Règles de l'institution, mais Me

  6   Robinson a un réflexe consistant à essayer d'étendre une règle au-delà de

  7   sa portée réelle et de ce qu'elle a l'intention de faire.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. La Chambre va suspendre ses

  9   délibérations. Nous reprendrons nos débats à 11 heures, sans doute, mais

 10   Monsieur Tieger, Maître Robinson, Monsieur Karadzic, étant donné que j'ai

 11   des questions urgentes à traiter, je serai absent le reste de cette

 12   semaine, la Chambre siègera donc en application de l'article 15 bis.

 13   --- L'audience est suspendue à 10 heures 23.

 14   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 15   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] La Chambre a examiné les arguments

 16   présentés par les parties par rapport à l'admission des rapports

 17   d'autopsie, et elle se rappelle qui a présidé à sa décision du 21 février

 18   2012, qui consistait à donner à l'accusé la possibilité de contre-

 19   interroger un témoin capable de répondre aux questions eu égard aux parties

 20   des rapports d'exhumation qu'il conteste. L'accusé a indiqué aujourd'hui

 21   qu'il contestait les causes de décès citées dans ces rapports. La Chambre,

 22   par conséquent, estime qu'il n'est pas approprié d'admettre ces parties des

 23   rapports d'autopsie qui traitent des causes de décès, mais ne voit aucune

 24   raison à refuser l'admission du reste de ces documents. Par conséquent, la

 25   Chambre ordonne à l'Accusation de fournir des versions expurgées des

 26   documents 65 ter 4786, 12602, 12918, 13024, 13061, 13064, 13081, 13093, et

 27   13106, et la Chambre accepte la version au dossier de ces versions

 28   expurgées.


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  1   La Chambre a fait remarquer également qu'un certain nombre de traductions

  2   anglaises sont toujours manquantes. Pour les documents qui ne sont pas

  3   accompagnés de traduction en anglais et qui ont été fournis, la Chambre les

  4   enregistrera aux fins d'identification en attente de réception des

  5   traductions en anglais. La Chambre admet également le reste des pièces à

  6   conviction associées au dossier et demande au Greffe d'attribuer à ces

  7   documents les numéros de pièces à conviction qui s'imposent en temps utile.

  8   Merci.

  9   D'autres questions à traiter du côté de l'Accusation en rapport avec ce

 10   témoin ?

 11   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Non, Monsieur le Juge.

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur le Témoin, c'est maintenant

 13   la Défense qui a la possibilité de vous contre-interroger sur les questions

 14   qui l'intéresse.

 15   Docteur Karadzic, vous avez la parole.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour Excellences. Bonjour à tous. Je

 17   présente mes vœux de bonnes Pâques à tous ceux qui fêtent les fêtes de

 18   Pâques.

 19   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 20   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Masovic.

 21   R.  Bonjour.

 22   Q.  J'aimerais maintenant que nous précisions un certain nombre de

 23   préoccupations qui sont les miennes par rapport à votre attitude vis-à-vis

 24   des Serbes et vis-à-vis de moi, de façon à que ce que votre témoignage

 25   s'établisse dans la lumière qui convient.

 26   Est-ce que vous convenez que la partie serbe en Bosnie-Herzégovine était

 27   très mécontente de votre attitude vis-à-vis des victimes serbes ?

 28   R.  Pour répondre à votre question, il faudrait que je sache exactement de


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  1   que vous entendez par "partie serbe". Au sein de l'institution qui

  2   m'emploie, il existe aussi quelque chose que l'on pourrait appeler "partie

  3   serbe" d'après votre logique, et je suis en mesure de dire que j'ai une

  4   parfaite collaboration avec mes collègues d'appartenance ethnique serbe au

  5   sein de l'Institut chargé des personnes portées disparues, et lorsque je

  6   parle de l'institut, je parle du conseil de cet institut, des membres

  7   serbes de ce conseil, de l'ensemble des directeurs, du conseil de

  8   surveillance et du conseil de consultants.

  9   Il est vrai que certains membres des organisations non gouvernementales ont

 10   contesté depuis quelque temps, depuis un temps assez long, peut-être, ont

 11   donc contesté la légitimité qui était la mienne mais également la

 12   légitimité des membres serbes de l'Institut chargé des personnes disparues,

 13   en soulignant leur mécontentement vis-à-vis du fait que certaines personnes

 14   d'appartenance ethnique serbe n'ont pas été retrouvées ou identifiées

 15   encore.

 16   Q.  Merci. Conviendrez-vous que s'agissant de la partie serbe, je veux dire

 17   des familles de personnes tuées, portées disparues, ou toujours manquantes

 18   d'appartenance ethnique serbe, eh bien, ces familles s'intéressent

 19   particulièrement aux résultats de votre travail et du travail de votre

 20   institut ?

 21   R.  Je dirais qu'il existe deux associations de familles serbes de

 22   personnes tuées. L'une de ces associations a son siège à Banja Luka, et

 23   l'autre relève de la catégorie que vous venez de décrire. La deuxième

 24   association regroupe également des membres de familles de personnes portées

 25   disparues et a son siège à Sarajevo et appuie totalement le travail de

 26   l'institut que je représente.

 27   Q.  Je vous remercie. S'agissant de l'association qui a son siège dans la

 28   partie est de Sarajevo, est-ce qu'elle appuie votre travail et votre


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  1   attitude vis-à-vis des victimes serbe de Sarajevo également ?

  2   R.  Eh bien, je suis parvenu à la conclusion que les membres de cette

  3   association n'appuyaient pas le travail de l'Institut chargé des personnes

  4   portées disparues et elle n'appuyait pas non plus mon travail personnel. Il

  5   y a parfois des expressions de mécontentement qui transparaissent par la

  6   voie des médias, mais de façon générale, l'association dirigée par M. Milan

  7   Mandic appuie le travail de l'institut et le travail que nous faisons au

  8   sein du conseil de cette institut ou au sein de cette institut de façon

  9   plus générale.

 10   Q.  Je vous remercie.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D5515 grâce

 12   au prétoire électronique.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Connaissez-vous cette plaine au pénal qui a été présentée contre vous

 15   par le président de l'association des familles de combattants capturés ou

 16   portés disparus et des civils portés disparus ? Est-ce que vous avez déjà

 17   eu ce rapport sous les yeux avant la date d'aujourd'hui ?

 18   R.  Non, jamais.

 19   Q.  Eh bien, je vous prierais d'en prendre connaissance pour savoir

 20   exactement de quoi ce rapport vous accuse. Il est indiqué que vous auriez

 21   dissimulé dix cadavres de soldats d'appartenance ethnique serbe, de telle

 22   façon qu'il est devenu impossible de les retrouver. Voyez le détail de ce

 23   qui figure dans ce document, je vous prie, il est question d'une réunion

 24   qui s'est déroulée à Doboj le 26 mai 1997. Il y est question d'un certain

 25   nombre de personnes qui ont participé à cette réunion, en particulier de

 26   Sheila Barry [phon], représentante de l'OSCE à Banja Luka, et il est

 27   indiqué également que vous avez retrouvé 38 cadavres, qu'il vous en

 28   manquait encore 15, et qu'après cela, vous avez réussi à retrouver les


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  1   cadavres recherchés d'appartenance ethnique musulmane de Bosnie, mais que

  2   vous n'avez jamais retrouvé dix cadavres de soldats serbes et que vous

  3   n'avez jamais plus fourni le moindre renseignement à leur sujet.

  4   Est-ce que ceci est exact ? Est-ce que les personnes dont les noms figurent

  5   dans ce document ont participé à cette réunion ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je présente toutes mes excuses aux personnes

  7   qui sont dans ce prétoire pour le fait que nous ne sommes pas encore

  8   parvenus à assurer la traduction de ce document, mais le témoin lit

  9   parfaitement bien les textes rédigés en caractères cyrilliques.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, je vois qu'il est question de

 11   l'"hôpital de Kosevo" au compte rendu d'audience en anglais au regard du

 12   numéro 21. Je crois que vous n'en avez pas parlé alors que cela figure au

 13   compte rendu d'audience.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Quelle page ?

 16   R.  Page 21.

 17   Q.  C'est la ligne 21, n'est-ce pas ?

 18   R.  Dans la colonne de gauche, les numéros qui figurent dans la colonne de

 19   gauche, je ne sais pas s'ils représentent les numéros de page. Ce qui

 20   figure au compte rendu me semble totalement hors contexte.

 21   Q.  Non, non. Ce n'est pas l'hôpital de Kosevo. Je parlais des familles de

 22   personnes portées disparues ou tuées ou capturées, ainsi que des civils

 23   portés disparus de la Republika Srpska.

 24   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vous demande un instant.

 25   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je pense qu'il s'agit simplement d'une

 26   correction qui sera à apporter à la version définitive du compte rendu

 27   d'audience en anglais plus tard. Les mots "hôpital de Kosevo" ne doivent

 28   pas figurer au compte rendu d'audience en anglais.


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  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je crois que c'était dans la réponse du

  3   témoin, mais ce n'était pas dans ma question.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Alors, est-ce que cette réunion a bien eu lieu le 26 mai 1997 à Doboj ?

  6   R.  Je ne peux pas confirmer la date exacte, mais je me rappelle cette

  7   réunion et je me rappelle qu'elle a eu lieu à Doboj. Je me rappelle

  8   également quels ont été les thèmes discutés pendant cette réunion. Quant

  9   aux allégations que l'on trouve dans cette plainte au pénal, elles sont

 10   totalement infondées pour une raison très simple qui est la suivante : mes

 11   collègues au sein de ce qui s'appelait à l'époque le Bureau chargé de

 12   retrouver les personnes portées disparues, avant la création de l'Institut

 13   chargé des personnes portées disparues qui a eu lieu en 2002, appliquait

 14   malheureusement une logique qui, à mon avis, n'était pas la bonne, à savoir

 15   que ces collègues estimaient que les cadavres des personnes portées

 16   disparues pendant la guerre avaient dû faire l'objet d'un échange.

 17   Autrement dit, qu'il y avait obligation de fournir un certain nombre de

 18   cadavres à une autre entité afin de recevoir en retour un certain nombre de

 19   cadavres de cette entité.

 20   Au sein de la Commission d'Etat chargée de retrouver les personnes portées

 21   disparues, nous n'avons jamais accepté cette logique. Nous estimions que

 22   les cadavres de toutes les personnes qui étaient retrouvées alors que ces

 23   personnes étaient considérées comme portées disparues, quel que ce soit le

 24   statut de cette personne, qu'il s'agisse de soldats ou de civils, devaient

 25   être remis à leurs familles. Et c'est la pratique que nous avons mise en

 26   œuvre en 1996, comme nous le faisons encore aujourd'hui au sein de

 27   l'Institut chargé des personnes portées disparues.

 28   Donc, si nous parlons de l'association mentionnée il y a un instant, il est


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  1   possible que cette plainte au pénal ait un rapport avec cette association.

  2   Je ne connais pas les détails, mais en tout cas il est possible que cette

  3   plainte au pénal ait un rapport avec ce que nous avons dit il y a quelques

  4   instants. Je ne me rappelle plus quand exactement, mais il y a un moment où

  5   j'ai fait une déclaration à l'agence d'Etat chargée des enquêtes et de la

  6   protection, et je suppose que cette plainte au pénal a un rapport avec ma

  7   déclaration de l'époque, même si je ne l'avais pas vue jusqu'à aujourd'hui.

  8   Mais j'ai dit très clairement ce qui est indiqué ici, à savoir que les

  9   cadavres des personnes qui ont été tuées ne pouvaient pas faire l'objet de

 10   quelconques petits calculs ou petits arrangements.

 11   Q.  Mais, Monsieur Masovic, cette plainte au pénal ne porte pas sur

 12   l'échange de cadavres mais bien sur le fait qu'il y a eu dissimulation de

 13   dix cadavres de soldats serbes, qui auraient été cachés d'après ce

 14   document. Autrement dit, vous êtes accusé - c'est ce qui est écrit dans ce

 15   document - d'avoir saboté les efforts de la partie serbe pour localiser un

 16   certain nombre de personnes portées disparues.

 17   Regardez le bas de la page ainsi que la page suivante, vous verrez qu'il y

 18   ait indiqué que dix soldats serbes, même si la partie adversaire demandait

 19   à obtenir leurs cadavres depuis pas mal de temps -- et puis, un peu plus

 20   loin dans le texte, vous voyez qu'il est question de Banja Luka, le 18

 21   février, immeuble de l'assemblée, et que quelqu'un a dit : "Poursuivez-moi

 22   dans ce cas-là." Est-ce que c'est vous qui avez dit cela ? Est-ce que vous

 23   avez dit : "Poursuivez-moi devant la justice" ?

 24   R.  Eh bien, si nous revenons à l'origine de cette plainte au pénal, vous

 25   verrez que j'avais raison, parce qu'il est indiqué ici qu'il aurait existé

 26   un plan d'échange de cadavres des Musulmans de Bosnie contre dix cadavres

 27   de soldats serbes au sujet duquel la Commission d'Etat était censée

 28   posséder des renseignements, à savoir où se trouvaient ces cadavres ou en


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  1   tout cas où ils avaient été enterrés. Donc j'ai confirmé qu'une tentative

  2   d'organisation d'un échange de cadavres avait eu lieu.

  3   Comme je l'ai dit, pendant la guerre nous n'avions pas d'autres

  4   possibilités que d'agir de cette façon, c'est-à-dire de pratiquer des

  5   échanges de cadavres, qu'il s'agisse de cadavres de civils ou de cadavres

  6   de soldats. Mais après la signature des accords de Dayton, cette pratique a

  7   été totalement interrompue de notre côté, et les instruments internationaux

  8   que l'on trouve dans les accords de Dayton donnent obligation à toutes les

  9   parties d'apporter leur concours à la partie qui représente leur ancien

 10   adversaire pour retrouver les restes des soldats et des civils qui les

 11   concernent.

 12   Au sein du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, nous avons adopté

 13   cette attitude en 1996, et nous la conservons aujourd'hui.

 14   Q.  Merci. Lorsque vous parliez de la Commission d'Etat qui aurait

 15   disposé de renseignements au sujet de ces cadavres, est-ce que vous parliez

 16   de la commission dirigée par vous ? C'est bien cela, n'est-ce pas ? Vous ne

 17   parlez pas de la Commission centrale de la Republika Srpska mais de la

 18   Commission d'Etat qui était dirigée par vous, en disant que la commission

 19   disposait de renseignements au sujet de ces cadavres ?

 20   R.  Non. C'est le contraire. La Commission d'Etat, si elle avait eu

 21   des données, elle les aurait mises à la disposition, comme elle a toujours

 22   fait vis-à-vis des collègues de Banja Luka qui travaillaient pour le Bureau

 23   chargé de rechercher les personnes portées disparues.

 24   Q.  Mais, Monsieur Masovic, cette plainte au pénal ne concerne pas un

 25   échange de 38 contre dix corps; elle affirme que vous devriez avoir la même

 26   attitude vis-à-vis des victimes serbes et que vous devriez leur fournir des

 27   informations sur dix soldats serbes portés disparus sur le territoire

 28   musulman. Donc le reproche ne concerne pas l'échange, mais il concerne


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  1   l'attitude qui est la vôtre vis-à-vis des victimes serbes, parce que vous

  2   auriez un parti pris très fort et qui porte préjudice apparemment parce que

  3   vous cherchez à montrer que les Serbes n'ont pas été des victimes alors que

  4   ça a été le cas des Musulmans.

  5   Alors, comment réagissez-vous à cela ?

  6   R.  Donc, si notre attitude avait véritablement été telle, vous avez

  7   parfaitement raison. Elle aurait porté préjudice. Mais encore une fois, je

  8   vous dis qu'elle n'a jamais été telle depuis la signature des accords de

  9   Dayton jusqu'à aujourd'hui. Et je suis d'accord avec vous sur un fait, tout

 10   un chacun qui se comporterait porterait préjudice à l'autre partie, aux

 11   victimes, et serait discriminatoire vis-à-vis des victimes. Et ce serait

 12   complètement contraire à notre législation, ce serait contraire à l'accord

 13   international que le Conseil des ministres, donc le gouvernement de Bosnie-

 14   Herzégovine, a signé avec la Commission internationale chargée des

 15   personnes portées disparues. Donc moi, en tant que chef de la Commission

 16   d'Etat chargée des personnes disparues, ensuite au sein de la commission

 17   fédérale et puis, pour les six dernières années, en tant que membre du

 18   collège des directeurs, écoutez, nous n'avons pas eu cette attitude-là,

 19   contrairement à ce qui est affirmé dans cette plainte au pénal.

 20   Permettez-moi de citer ne serait-ce qu'un exemple. Il y a quelques années,

 21   il y a eu l'exhumation des victimes serbes en Herzégovine orientale. Il

 22   s'agissait d'une fosse, d'une crevasse naturelle de 100 mètres de

 23   profondeur, et nous savions qu'une famille de quatre membres, la famille

 24   Vukovic, serbe, normalement devait se trouver là, ou leurs restes. Un

 25   groupe d'alpinistes spécialistes est descendu à une profondeur de 60

 26   mètres, a retrouvé des morceaux de squelettes à un plateau. J'y suis

 27   descendu moi-même, à cette profondeur, et j'ai pu voir que ce plateau ne

 28   constitue pas le fond de la fosse, qu'elle continue en profondeur et que de


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  1   temps à autre, d'après ce qu'on pouvait voir, d'après l'état des pierres,

  2   des roches, que l'eau donc descendait au-delà de cet endroit. Donc j'ai

  3   demandé, moi, à ce groupe d'alpinistes de descendre au-delà, donc à une

  4   profondeur de 100 mètres, et je les ai suivis, et c'est là que nous avons

  5   trouvé la majeure partie des restes de squelettes des membres de la famille

  6   Vukovic. C'est pour la première fois que j'en parle aujourd'hui

  7   publiquement.

  8   Si vous suivez la presse de Bosnie-Herzégovine, les médias informatiques,

  9   vous ne trouverez pas cette déclaration là-bas. C'est la première fois que

 10   je l'exprime aujourd'hui dans ce prétoire tout simplement parce que

 11   j'éprouve le besoin, face à des gens qui s'expriment comme on le voit dans

 12   cette plainte au pénal, eh bien, j'ai envie de montrer qu'ils devraient

 13   avoir honte de se comporter ainsi parce que, contrairement à leurs

 14   affirmations, je suis précisément quelqu'un qui cherche à n'avoir aucune

 15   discrimination dans ce processus de la recherche de toutes les personnes

 16   portées disparues, quelle que soit leur appartenance ethnique ou autre

 17   différence liée à leur statut.

 18   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur Masovic, le Dr Karadzic vous a

 19   posé une question précédemment. Il se peut que vous ayez omis d'y répondre,

 20   ou vous n'avez pas bien compris. Donc le 18 février, au bâtiment de

 21   l'assemblée, est-ce que vous avez dit : "Mais portez plainte contre moi" ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ma déclaration que j'ai donnée à l'agence

 23   de l'Etat chargée des enquêtes et la protection, et je pense que c'était

 24   suite à cette plainte, j'ai dit que je ne me souvenais pas de cet

 25   événement. Très franchement, aujourd'hui je ne pourrais pas vous confirmer

 26   si à un moment donné, parce qu'on arrêtait pas de répéter ce type

 27   d'accusation venant toujours d'un même groupe de personnes très politisées,

 28   est-ce qu'à un moment donné je l'ai dit ou je ne l'ai pas dit. Je n'exclus


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  1   pas que cela ait été dit par moi lors de cette réunion à Banja Luka. Est-ce

  2   que j'ai été éventuellement agacé, énervé, et est-ce que j'ai dit cela,

  3   vraiment je ne m'en souviens pas, mais je dois vous dire que ce n'est pas

  4   ma façon de procéder. Mais j'admets, j'accepte la possibilité

  5   qu'éventuellement cela se soit passé ainsi, comme cela est dit dans ce

  6   texte.

  7   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Docteur Karadzic, vous avez la parole.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence, d'avoir précisé cela.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur Masovic, cette déclaration que vous avez donnée à la

 11   Commission de l'Etat, à qui l'avez-vous donnée cette 

 12   déclaration ? Est-ce que nous l'avons cette déclaration que vous venez de

 13   mentionner ?

 14   R.  Moi, je ne l'ai pas. Elle ne m'a jamais été remise.

 15   Q.  Merci. Nous allons demander cela au bureau du Procureur ou à l'agence

 16   en question, à l'agence à laquelle vous avez donné cette déclaration.

 17   Merci.

 18   Alors, est-il exact, Monsieur Masovic, que dans vos déclarations, dans vos

 19   commentaires, dans vos documents, lorsque vous parliez de la partie serbe,

 20   est-ce qu'il est vrai de dire que vous les appeliez les Serbes rebelles ?

 21   R.  Je ne pense pas que ce soit exactement le terme que j'ai utilisé

 22   pendant la guerre, et conformément aux conventions de Genève, puisque mon

 23   gouvernement a estimé que la République de Bosnie-Herzégovine a été victime

 24   d'agressions menées par la République de Serbie et par le Monténégro, donc

 25   conformément aux conventions de Genève, la partie ennemie, effectivement,

 26   je l'ai appelée comme ça, j'ai parlé de renégats ou de rebelles. Ce sont

 27   les termes que j'ai utilisés, plutôt que des les appeler ceux qui se sont

 28   soulevés ou des "rebelles".


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  1   Q.  Est-ce qu'il y a une différence juridique quant à la position de

  2   l'une des parties belligérantes, de l'une des forces belligérantes, par

  3   rapport aux forces renégates ? Vous êtes juriste; c'est bien ça ?

  4   R.  Je ne suis pas tout à fait -- oui, oui, vous avez raison, je suis

  5   juriste, je suis avocat, mais je ne suis pas sûr de vous avoir bien

  6   compris. Vous voulez parler des membres des forces renégates, et comment je

  7   les ai appelés ? Est-ce que vous voulez dire, par rapport à eux ? Bien sûr

  8   que sur le plan juridique, il y a une différence, c'est clair. Mais tout

  9   comme les forces régulières sont protégées par les conventions de Genève,

 10   de même les membres des forces renégates sont protégés par les protocoles

 11   apportés aux conventions de Genève.

 12   Q.  Mais vous saviez bien que s'il s'agissait de forces renégates, alors,

 13   comme vous l'avez dit, c'étaient des citoyens de Bosnie-Herzégovine, et

 14   rien que le simple fait de participer au combat pouvait être considéré

 15   comme un crime et faire l'objet de poursuites; c'est bien ce que vous avez

 16   dit ?

 17   R.  Je ne suis pas sûr de comprendre votre question. Indépendamment de leur

 18   appartenance ethnique, les citoyens de Bosnie-Herzégovine qui ont commis

 19   des crimes tels que possession d'armes sans permis, refus de se faire

 20   mobiliser, aide apportée à l'ennemi, tuer un prisonnier de guerre, crimes

 21   de guerre à l'encontre des blessés, des prisonniers, des négociateurs, donc

 22   de ceux qui font partie, qui participent aux négociations, tout cela était

 23   traité par les instances compétences de Bosnie-Herzégovine. Et là, le

 24   gouvernement de Sarajevo ne faisait aucune différence entre les différents

 25   individus selon leur appartenance ethnique, qu'ils soient Serbes, Croates,

 26   Musulmans ou autre. Ils ont fait l'objet des mêmes poursuites engagées par

 27   les instances compétentes.

 28   Q.  Etaient-ce des prisonniers de guerre ou étaient-ce des criminels qui


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  1   pouvaient faire l'objet de poursuites du simple fait qu'ils aient été

  2   membres de l'armée de la Republika Srpska lorsque c'étaient eux qui étaient

  3   faits prisonniers ?

  4   R.  Ecoutez, cela dépasse le cadre de mon mandat et du mon domaine

  5   d'intérêt. Il faudrait que vous vous intéressiez à cela auprès des

  6   instances compétentes, ceux qui ont arrêté, qui ont mis en accusation et

  7   qui ont condamné de telles personnes. Sur quelles bases ont-ils été

  8   arrêtés, mis en accusation et éventuellement condamnés, véritablement je ne

  9   suis pas celui qui peut vous parler de leur statut. Je ne sais pas quel

 10   était leur statut.

 11   Q.  Merci. Mais dans votre déclaration du 30 mai 2003 et du 2 juin 2003,

 12   paragraphe 22, vous dites que les membres des forces armées ennemies qui

 13   étaient placés en détention dans les prisons entre les mains du

 14   gouvernement de Bosnie-Herzégovine, qu'ils étaient eux aussi des citoyens

 15   de Bosnie-Herzégovine et qu'au terme du droit international, ils n'étaient

 16   pas traités comme prisonniers de guerre et on pouvait engager des

 17   poursuites au pénal contre eux conformément à la législation nationale.

 18   Est-ce que c'est là une des conséquences de cette approche qui

 19   consistait à appeler la partie serbe la partie renégate ?

 20   R.  Ecoutez, vous avez deux groupes de personnes qui se sont trouvés en

 21   prison. D'un côté, ceux qui relevaient de la catégorie des prisonniers de

 22   guerre. Ceux qu'on appelait prisonniers de guerre, ils ont été faits

 23   prisonniers pendant les combats en tant que membres de l'armée ennemie.

 24   Pour autant que je le sache, un certain nombre d'entre eux ont été

 25   mis en accusation en s'appuyant sur l'article 119, alinéa 1 du Code pénal

 26   de la République de Bosnie-Herzégovine, si je ne me trompe pas, en tant que

 27   membres de l'armée ennemie. Je ne sais pas si parmi eux il y en a qui ont

 28   été condamnés, mais j'ai vu des documents pendant la guerre qui m'ont


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  1   permis de comprendre qu'effectivement ils ont été mis en accusation en

  2   application de cet article.

  3   D'autre part, vous avez une autre catégorie de personnes qui se sont

  4   trouvées en prison qui étaient de fait les gens qui n'ont pas été faits

  5   prisonniers en combat, mais ils ont été mis en accusation pour un certain

  6   nombre de crimes ou délits liés au conflit, liés à la guerre. Donc, c'est

  7   ceux que je viens de nommer, donc ceux qui ont été mis en accusation pour

  8   avoir aidé l'ennemi, pour détention ou port d'armes ou d'engins explosifs

  9   sans permis, pour ne pas avoir répondu à la mobilisation. Donc, je vous

 10   parle tout le temps de ces deux catégories au sens le plus large qui soit.

 11   Donc de prisonniers de guerre, d'un côté, et, d'autre part -- donc de

 12   combattants d'un côté qui ont été faits prisonniers sur les champs de

 13   bataille, et, d'autre part, de ceux qui n'étaient pas en uniforme, qui

 14   n'ont pas été faits prisonniers aux champs de bataille, mais qui ont été

 15   arrêtés ailleurs et ils ont été privés de liberté aux relations avec le

 16   conflit, avec la guerre.

 17   Q.  Donc, ce que vous dites ici dans cette déclaration de 2003, cette

 18   déclaration, il faudrait la modifier, parce qu'il n'est pas exact alors que

 19   les membres des forces armées ennemies en prison, qu'ils n'avaient pas le

 20   statut de prisonniers de guerre. Vous avez dit qu'ils n'avaient pas ce

 21   statut-là et qu'ils pouvaient être poursuivis en application de la

 22   législation nationale.

 23   R.  Ecoutez, je vous dis encore une fois quelle est mon opinion. A ce

 24   moment-là, je ne suis ni un représentant du procureur militaire ni du

 25   tribunal militaire. Je ne peux pas vous dire ce qu'ils ont fait, comment

 26   ils se sont comportés. Mais c'est uniquement en fonction des documents que

 27   j'ai vus que je m'exprime, je vous affirme qu'un certain nombre de

 28   personnes ont été mises en accusation en application de l'article 119, qui


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  1   parle de la participation dans les rangs de l'armée ennemie. Alors, est-ce

  2   qu'ils ont droit au statut de prisonniers de guerre en fonction de ça,

  3   comme, par exemple, un membre de l'armée serbe qui se -- de la République

  4   de Serbie qui se retrouve en Bosnie-Herzégovine pour lequel il ne fait

  5   aucun doute qu'il est prisonnier de guerre sur la base des conventions de

  6   Genève, ou bien il n'a pas le droit à ce statut parce qu'il est citoyen de

  7   la République de Bosnie-Herzégovine, ça, vraiment, je ne le sais pas.

  8   Q.  Merci. Mais vous êtes juriste, alors est-ce que vous avez pu constater

  9   si les conventions de Genève concernent également les conflits internes,

 10   s'appliquent aux conflits internes ?

 11   R.  Oui. Mais au sens du traitement qui est réservé aux membres des unités

 12   armées ennemies. Ceux qui ne sont pas des ressortissants étrangers

 13   bénéficient également de la même protection que ceux qui sont membres des

 14   forces ennemies ou, disons, de l'armée de l'agresseur, de l'armée qui vient

 15   d'un autre Etat. Je pense que les protocoles additionnels apportés aux

 16   conventions de Genève accordent quasiment le même statut aux membres des

 17   armées qui participent aux conflits internes, donc conflits qui ne

 18   débordent pas la frontière d'un certain territoire.

 19   Q.  Mais vous avez certainement entendu parler du premier procès qui s'est

 20   déroulé devant ce Tribunal, procès qui a été intenté à Dusko Tadic. Est-ce

 21   que vous avez pu remarquer à cette occasion qu'on a constaté que ce conflit

 22   avait également un caractère international et qu'il fallait donc appliquer

 23   l'article 4 des conventions -- de la 3e convention de Genève ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois que Mme Sutherland souhaite s'exprimer.

 25   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Objection à ces questions posées à ce

 27   témoin.

 28   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, Docteur Karadzic, il s'agit du


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  1   droit international coutumier, là, et la Chambre se penchera là-dessus le

  2   moment voulu. Quant à savoir si le témoin comprend ces choses-là ou ne les

  3   comprend pas - il semblerait qu'il comprend un certain nombre de

  4   connotations - je pense que vous êtes en train de perdre votre temps, que

  5   cela ne nous est pas vraiment utile.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous verrez que cela a une certaine

  7   signification, vous verrez que ce témoin ne s'est pas comporté de la même

  8   façon vis-à-vis de la partie serbe et la partie serbe en a été mécontente.

  9   Donc, est-ce que c'est parce qu'il a des animosités personnelles, ou parce

 10   qu'il se fonde sur le point de vue qui consiste à dire que les rebelles

 11   serbes sont des hors-la-loi, ça, il convient de l'établir, mais je vais

 12   changer de sujet maintenant.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur Masovic, les Serbes de Bosnie-Herzégovine, étaient-ils tenus

 15   de rejoindre les rangs de l'ABiH ?

 16   R.  Je ne sais pas comment je pourrais vous répondre à cette question. Je

 17   n'étais pas un employé du ministère de la Défense qui était tenu de

 18   procéder à la mobilisation dans une situation de guerre.

 19   Q.  Mais dans la déclaration --

 20   R.  J'estime -- j'estime que si une armée, c'est-à-dire un Etat, a lancé

 21   une attaque contre un autre Etat souverain, je pense que tous ceux qui sont

 22   tenus par la loi de se faire mobiliser, je pense qu'ils doivent accepter

 23   cette mobilisation. Je parle là d'une question de principe et pas de la

 24   Bosnie-Herzégovine très concrètement. Donc, si l'Etat est attaqué, tous

 25   ceux qui ont l'obligation de se laisser enrôler dans les forces armées

 26   doivent accepter la mobilisation, parce que d'après les lois nationales,

 27   s'ils ne le font pas, ils ont commis l'infraction de non-réponse à la

 28   mobilisation. A partir du début de la guerre en Bosnie-Herzégovine, c'est


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  1   la législation de Bosnie-Herzégovine qui s'est appliquée. Donc le Code

  2   pénal de Bosnie-Herzégovine a été promulgué, et d'ailleurs, elle s'est

  3   dotée d'un certain nombre de dispositions au pénal qu'elle a hérité de

  4   l'ex-République socialiste de Bosnie-Herzégovine.

  5   Q.  Dans votre déclaration de 2003, paragraphe 22, vous dites également

  6   qu'on a arrêté les gens pour port d'armes, pour avoir rejoint l'armée

  7   ennemie, pour soulèvement armé ou aussi parce qu'ils ont refusé de se

  8   laisser mobiliser.

  9   Alors, est-ce que vous avez pu constater que les Musulmans de

 10   Republika Srpska ont été tenus de se laisser mobiliser ? Est-ce que vous

 11   voulez dire qu'ils n'avaient pas l'obligation de le faire, qu'ils étaient

 12   libres de choisir ?

 13   R.  Ecoutez, là vraiment, je ne sais pas. Je ne sais pas comment vous

 14   répondre. Pendant toute la guerre, je suis resté à Sarajevo. Ce qui s'est

 15   passé ailleurs sur le territoire, qui n'était pas contrôlé par le

 16   gouvernement de Bosnie-Herzégovine, ça, j'y connais les événements

 17   uniquement par rapport à mes activités qui ont été celles de la guerre.

 18   Donc, j'ai été membre, puis vice-président de la Commission d'Etat chargée

 19   de l'échange des prisonniers de guerre et des personnes privées de liberté.

 20   Donc, mon domaine d'activité, c'étaient les prisonniers de guerre, les

 21   personnes privées de liberté, les corps des morts, les registres des

 22   décédés, des blessés et des portés disparus. C'était ça le mandat de la

 23   commission dont j'ai fait partie pendant la guerre. Alors maintenant, est-

 24   ce qu'il y a eu des gens qui ont été mobilisés sur le territoire de la

 25   Republika Srpska ou République serbe, comme elle se fait appeler au début

 26   de la guerre, ou non, est-ce qu'ils étaient tenus de se laisser mobiliser,

 27   ça, vraiment, je n'en sais rien.

 28   Q.  Merci. Mais est-ce que vous avez remarqué qu'à un moment donné les


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  1   Nations Unies nous ont traités comme une partie placée sur un pied

  2   d'égalité avec les autres pendant les négociations, donc comme partie

  3   belligérante à partir du moment où le conflit a déjà éclaté ? Est-ce que la

  4   partie serbe de Bosnie-Herzégovine a changé de statut aux yeux des Nations

  5   Unies, comme vous, vous avez modifié votre attitude, votre qualification de

  6   cette partie-là ?

  7   R.  Ecoutez, je n'ai jamais fait partie de ces négociateurs, je n'ai jamais

  8   participé aux négociations avec les Nations Unies. D'ailleurs, jusqu'au 21

  9   août 1992, j'étais avocat, j'avais mon propre cabinet, donc c'est peut-être

 10   cette période-là que vous avez à l'esprit lorsque vous dites avant la

 11   guerre. Puis après, une fois que la guerre a éclaté, vraiment, je ne le

 12   sais pas comment les Nations Unies ou qui que ce soit d'autres ont traité,

 13   comme vous les appelez, les parties belligérantes.

 14   Q.  Bon. Encore une question avant de changer de sujet. Le gouvernement de

 15   Bosnie-Herzégovine, ou vous, personnellement, est-ce que vous avez

 16   officiellement décidé de traiter les Serbes de renégats ? Est-ce que le

 17   gouvernement vous a instruit d'employer cette terminologie ou ça a été

 18   votre choix personnel ?

 19   R.  Vraiment, je ne sais pas quelle a été l'attitude adoptée par le

 20   gouvernement de Sarajevo par rapport au terme qui sera appliquée à la

 21   partie ennemie, mais en me fondant sur les conventions de Genève et les

 22   Protocoles additionnels, j'ai estimé, comme il ne s'agit pas d'ennemi

 23   externe mais comme il s'agit d'ennemi issu de Bosnie-Herzégovine qui s'est

 24   trouvé en conflit avec son propre gouvernement, et c'est justement ça la

 25   situation factuelle au moment où je suis devenu membre de la Commission

 26   d'Etat chargée des prisonniers de guerre, donc, c'est comme ça que j'allais

 27   les appeler, les soldats ennemis, donc renégats. C'était ça mon attitude en

 28   tant qu'employé de cette Commission d'Etat. Peut-être que d'autres membres


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  1   du gouvernement ou le gouvernement lui-même ont choisi un autre terme pour

  2   les membres de l'armée ennemie.

  3   Q.  D'accord. Alors, voyons maintenant ce qui figure dans votre déclaration

  4   consolidée. Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, prendre un exemplaire

  5   de la déclaration.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le Procureur devrait pouvoir vous remettre un

  7   exemplaire, parce que je vais citer plusieurs paragraphes de votre

  8   déclaration. On pourrait la remettre en serbe.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Donc, paragraphe 7, s'il vous plaît, il est question ici des

 11   compétences de la Commission d'Etat puis les trois sous-commissions. Est-ce

 12   que du coté serbe il y a eu une instance équivalente ?

 13   R.  Eh bien, oui. Je peux dire qu'il existait quelque chose de semblable.

 14   Je ne suis pas sûr qu'au sein de la Commission centrale, parce que c'est

 15   ainsi que s'appelait la Commission serbe chargée des échanges de

 16   prisonniers de guerre, donc je ne suis pas sûr que cette Commission

 17   centrale avait une structure absolument identique. Je ne sais pas si elle

 18   se divisait en trois sous-commissions; une chargée des échanges, l'autre

 19   des registres des tués et blessés, et la troisième, des registres des

 20   personnes portées disparues. Donc, ça, je ne sais pas si la structure était

 21   absolument identique, mais sur le principe, je sais avec certitude que

 22   cette commission avait pour responsabilité de s'occuper des échanges de

 23   prisonniers de guerre, des personnes arrêtées et de ceux qui avaient été

 24   tués également.

 25   Quant au mandat de cette commission relatif à la conservation de registres

 26   relatifs aux personnes tuées et portées disparues ou blessées, je ne sais

 27   pas. Cela n'était pas le sujet de nos discussions, des discussions que nous

 28   avons eues pendant la guerre.


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  1   Q.  Merci. Au sous-paragraphe 8, vous dites que la présidence a accordé une

  2   amnistie à certains prisonniers. Conviendrez-vous que du côté serbe il y

  3   avait la même attitude, une attitude selon laquelle la présidence devait

  4   accorder une amnistie avant de procéder à un échange ? L'amnistie devait

  5   être accordée aux personnes qui étaient poursuivies. Est-ce que vous avez

  6   vu des documents rédigés de ma main dans lesquels il est indiqué que des

  7   hommes ont été échangés parce que j'ai mis fin aux poursuites qui les

  8   concernaient ?

  9   R.  Tout d'abord, il serait bon d'interpréter le paragraphe 8 de la façon

 10   suivante : j'ai dit que dans chacun des cas individuels, mais je n'ai pas

 11   parlé de tous les cas. Il y a une énorme différence entre ces deux notions.

 12   Donc, pour chacun des cas individuels, si les individus concernés étaient

 13   des personnes poursuivies en justice qui avaient été mises en accusation,

 14   ou pour certaines, y compris déclarées coupables de certains crimes, dans

 15   de tels cas, il était fondamental de recevoir un document du chef de l'Etat

 16   de Bosnie-Herzégovine, donc de la présidence. C'était nécessaire, il

 17   fallait un document dans lequel il aurait été indiqué que les poursuites

 18   étaient interrompues -- ou plutôt, qu'une amnistie était accordée à ces

 19   personnes dès lors qu'elles avaient déjà été déclarées coupables. La

 20   présidence a fait cela pour que les échanges de prisonniers puissent avoir

 21   lieu.

 22   Dans aucun des documents que j'ai reçus de la présidence -- enfin, je n'ai

 23   pas montré tous ces documents à mon collègue Dragan, mais j'ai coopéré avec

 24   lui pendant la période de la guerre, et c'est celui avec lequel j'ai le

 25   plus collaboré pendant la guerre. Et je n'ai jamais eu l'occasion de voir

 26   l'un quelconque des documents qui auraient été signés de votre main, pas

 27   seulement un document relatif à une amnistie, mais quelque autre document,

 28   parce que ce n'était tout simplement pas un domaine d'intérêt pour nous.


Page 27261

  1   Pour nous, ce qui était important, c'était d'assurer que certaines

  2   conditions existent de façon à ce qu'un individu puisse être relâché de

  3   prison et remis à la partie ennemie.

  4   Q.  Je vous remercie. Mais vous avez dit quelque part, en dépit de cela -

  5   je peux retrouver ce passage - qu'à votre avis, Karadzic prenait parfois

  6   des décisions. Est-ce que vous auriez eu connaissance d'une décision prise

  7   par moi qui ne concernait pas l'octroi d'une amnistie dans le respect de la

  8   loi ?

  9   R.  Je ne me rappelle pas vraiment. Dans ma déclaration, j'ai évoqué le nom

 10   d'une personne qui a fait référence à vous, donc qui a utilisé votre nom,

 11   en disant qu'elle-même et vous étiez en bons termes. Cette personne n'avait

 12   aucun rôle officiel à jouer au sein de la Commission centrale serbe chargée

 13   des échanges, mais parfois elle assistait aux négociations qui se menaient

 14   dans une zone neutre - comment cela s'appelle déjà ? - ah oui, à l'aéroport

 15   de Karimanic [phon] pendant la guerre. Le nom de cette personne c'est

 16   Stjepan Lazarevic. Cet homme disait souvent que vous étiez en bons termes

 17   avec lui, et c'est sur cette base qu'un certain nombre de Musulmans de

 18   Bosnie ont été relâchés, qu'il pouvait organiser un transport à leur

 19   intention, et j'ai donc acquis le sentiment qu'il exerçait une certaine

 20   influence au sein de cette organisme. Et d'ailleurs, dans certains cas, mes

 21   collègues de la commission centrale ne pouvaient pas faire certaines

 22   choses, et M. Lazarevic arrivait et il faisait ces choses-là. Je répète que

 23   je ne sais pas comment cela se passait, mais il disait qu'il était en bons

 24   termes avec vous.

 25   Q.  Merci. Lorsqu'il a dit qu'il était en bons termes avec moi, est-ce que

 26   cela l'a aidé à être accepté en tant que collaborateur ? Est-ce que cela

 27   présentait un avantage pour lui ? Est-ce que cela pouvait éventuellement

 28   être une preuve de fiabilité de sa part ?


Page 27262

  1   R.  Eh bien, il ne faisait pas partie de la structure officielle de la

  2   Commission chargée des échanges, mais malgré tout il se présentait en

  3   compagnie de membres de cette commission et se présentait comme quelqu'un

  4   faisant partie de l'autre côté s'agissant des négociations, et moi j'ai

  5   tenu compte de sa présence. Je considérais aussi qu'il faisait partie de

  6   l'équipe des négociations parce que je voyais que des gens qui

  7   travaillaient officiellement au sein de la Commission centrale chargée des

  8   échanges le respectaient et acceptaient sa présence. Il y avait d'autres

  9   personnes qui ont assisté à ces négociations, moins fréquemment que M.

 10   Lazarevic cela dit. Quelquefois, c'étaient des gens qui s'intéressaient à

 11   un problème qui les concernait ou qui souhaitaient en tout cas avoir des

 12   contacts personnels avec moi ou d'autres membres de la commission pour

 13   régler leurs problèmes personnels, établir un contact avec les membres des

 14   familles, ou peut-être les contacter parce que les membres de leurs

 15   familles étaient en prison pour certains crimes peut-être, et donc ces

 16   personnes assistaient aux réunions pour obtenir la libération des membres

 17   de leurs familles.

 18   Q.  Je vous remercie. Au paragraphe 8, vous dites que vous étiez

 19   présent à la présidence au moment où les échanges de tous contre tous ont

 20   été discutés, et vous avez dit que lors d'une de ces réunions, les détenus

 21   serbes de Tarcin ont été évoqués. Est-ce qu'il s'agit bien du silo de

 22   Tarcin ?

 23   R.  Oui, c'est exact. L'un des points à l'ordre du jour de cette réunion à

 24   laquelle j'ai assistée, je le répète, concernait l'amnistie en vue

 25   d'échange, donc l'amnistie à accorder à certaines personnes qui se

 26   trouvaient en prison. Et dans ce cadre, il a également été fait mention du

 27   statut dont jouissaient les Serbes emprisonnés dans cet endroit qu'on

 28   appelait populairement le silo et dans la prison de Tarcin. Donc ce sujet a


Page 27263

  1   été discuté. Le statut des prisonniers a été discuté.

  2   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous vous rappelez que durant cette

  3   réunion de la présidence, le président Izetbegovic a déclaré que dans ces

  4   lieux se trouvaient des civils qui étaient maintenus en détention alors

  5   qu'ils n'avaient rien commis de répréhensible ? Est-ce que vous vous

  6   rappelez cela et les conclusions de cette réunion ?

  7   R.  Je crois qu'il faudrait vérifier le compte rendu officiel

  8   de cette réunion. Moi, je n'assistais aux réunions de la présidence que

  9   lorsqu'à l'ordre du jour de ces réunions figurait un sujet sur lequel je

 10   faisais rapport. Par exemple, si la présidence avait inscrit dix points à

 11   son ordre du jour et qu'il y avait un de ces points qui portait sur

 12   l'octroi d'une amnistie, au point 7, eh bien, je n'étais pas présent

 13   pendant la discussion de tous les points de l'ordre du jour précédant le

 14   point 7. Je n'arrivais que pour le point 7. Je ne me rappelle pas quel

 15   était le numéro du point concerné, mais en tout cas, de mémoire, je dirais

 16   que j'ai assisté à la réunion de la présidence dès que le point qui me

 17   concernait a été annoncé et qu'ensuite je quittais la réunion de la

 18   présidence.

 19   Donc, sans voir le procès-verbal de la réunion, je ne me rappelle pas

 20   exactement quelles sont les conclusions qui ont été adoptées sur ce point.

 21   Je ne me rappelle pas quels ont été les autres sujets discutés, mais je me

 22   rappelle qu'une discussion a porté sur le statut des Serbes maintenus en

 23   détention dans le silo de Tarcin.

 24   Q.  Merci.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D5509.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Et je vous pose la question suivante : est-ce que vous vous rappelez à

 28   quel moment les personnes détenues dans le silo de Tarcin ont été remises


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  1   en liberté ?

  2   R.  Ah, voilà le document qui s'affiche. Eh bien, les libérations se sont

  3   faites progressivement dans cette prison de Tarcin. Elles ont commencé en

  4   1992 et se sont poursuivies jusqu'à la période qui a suivi la signature des

  5   accords de Dayton, comme on les appelle. Dans l'accord de Dayton, il y a

  6   certaines dispositions qui concernent la libération des prisonniers de

  7   guerre et les inquiétudes suscitées par les personnes portées disparues. Et

  8   selon ces dispositions, toutes les parties se trouvent dans l'obligation

  9   d'agir dans un délai de 90 jours à partir de la signature de l'accord et

 10   que, donc, dans ce délai tous les prisonniers de guerre devaient être

 11   relâchés. Si je me souviens bien, et je pense que je me souviens bien, le

 12   dernier groupe de prisonniers relâché de la prison de Tarcin l'a été le 26

 13   ou 27 janvier, ou peut-être même les libérations se sont-elles déroulées

 14   pendant ces deux journées, des 26 et 27 janvier 1996. Donc, bien avant

 15   l'expiration du délai de 90 jours stipulé dans l'accord de Dayton. C'est ce

 16   qu'avaient décidé les signataires de l'accord de paix de Dayton.

 17   Q.  Très bien. Merci. Savez-vous qu'une grande majorité des prisonniers du

 18   silo de Tarcin ont passé toute la guerre en captitivé dans le silo ?

 19   Le document qui est ici n'est pas pertinent à cet égard. Il concerne

 20   Gorazde.

 21   Est-ce que vous êtes au courant du fait que ces personnes ont été

 22   maintenues en détention pendant toute la guerre dans le silo de Tarcin ?

 23   R.  Eh bien, je ne sais pas ce que vous entendez par les termes "pendant

 24   toute la guerre". Moi, j'ai parlé de la période qui commence en 1992, et

 25   j'ai dit que les prisonniers ou les détenus enfermés au silo ont commencé à

 26   être échangés, en partie grâce aux efforts des autorités locales qui ont

 27   donc organisé certains échanges et en partie également grâce aux efforts

 28   déployés par la Commission chargée des échanges de prisonniers de guerre.


Page 27265

  1   Mais je crois qu'après la signature de l'accord de Dayton, 100 % de ces

  2   détenus avaient été relâchés. Et si je ne me trompe pas, le nombre maximum

  3   de détenus enfermés dans le silo s'est élevé à 300 personnes.

  4   Donc, si votre question concerne le fait de savoir si la grande

  5   majorité des prisonniers a été maintenue dans le silo pendant toute la

  6   période de la guerre, je répondrais non à cette question, si nous tenons

  7   compte des chiffres. Mais oui, certains prisonniers, une centaine je crois,

  8   se trouvaient encore dans cette prison à la fin de la guerre, c'est-à-dire

  9   au moment de la signature des accords de paix de Dayton, et ont donc passé

 10   toute la période en question dans le silo en tant que prisonniers.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je demanderais l'enregistrement

 12   aux fins d'identification de cette plainte au pénal. Je veux parler du

 13   document 1D5515.

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je ne vois aucune difficulté par

 15   rapport à votre demande, Docteur Karadzic.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, il s'agira

 17   de la pièce D226. Je vous remercie.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à présent l'affichage du document

 19   1D5506.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  J'aimerais vous montrer, Monsieur, grâce à deux documents, la façon

 22   dont la partie serbe réglait la question des échanges -- ou, plus

 23   particulièrement, la question de l'octroi d'une amnistie.

 24   Conviendrez-vous avec moi que le document que nous voyons ici est un

 25   document qui accorde l'amnistie à un certain nombre de personnes mises en

 26   accusation par rapport à des poursuites judiciaires éventuelles, futures ?

 27   Nous voyons donc que ces personnes qui ont déjà été condamnées sont

 28   désormais exonérées de la suite de leur peine. Il est indiqué que des


Page 27266

  1   individus d'appartenance ethnique croate ne seront plus poursuivis en

  2   justice. Il est indiqué qu'une amnistie leur est accordée de façon à ce

  3   qu'ils puissent être échangés contre des prisonniers de l'armée de la

  4   Republika Srpska.

  5   Donc, est-ce que ceci illustre bien le genre de procédure qui était

  6   appliquée par la présidence de Bosnie-Herzégovine ?

  7   R.  Il m'est réellement très difficile sur la base d'un seul document de

  8   tirer quelque conclusion que ce soit. La seule conclusion que je puisse

  9   tirer, c'est que toutes les personnes relâchées dont il est fait mention

 10   dans ce document sont du même groupe ethnique. Ici, il s'agit de personnes

 11   appartenant au groupe ethnique croate, et cela concerne des personnes qui

 12   ont été relâchées d'un côté et des personnes qui ont été relâchées d'un

 13   autre côté.

 14   Q.  Non, non. Ce sont des personnes qui sont toutes du même côté, mais pour

 15   certaines de ces personnes, elles n'auront plus à purger leur peine pour ce

 16   qui reste de cette peine, et pour un autre groupe, il s'agit de personnes

 17   contre lesquelles les poursuites engagées en justice seront arrêtées. Les

 18   deux premières personnes dont il est question dans ce document ont déjà été

 19   condamnées, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, c'est ce qui est indiqué dans le document. Ces individus ont déjà

 21   été condamnés. Ce sont des individus appartenant au groupe ethnique croate,

 22   et il apparaît qu'il y a aussi des personnes qui sont poursuivies en

 23   justice mais qui n'ont pas encore été condamnées d'appartenance ethnique

 24   croate également.

 25   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes au courant du fait que ces Croates qui ont

 26   été échangés -- enfin, est-ce que vous connaissiez leur existence ? Parce

 27   qu'en mai 1995, vous et le HVO n'étiez pas ennemis. Vous aviez créé une

 28   fédération. Est-ce que vous auriez dû être au courant ?


Page 27267

  1   R.  Jusqu'au moment où le conflit a éclaté entre l'ABiH et le HVO en

  2   octobre 1992, avec une escalade de ces affrontements en 1993, et jusqu'au

  3   moment où la Commission d'Etat a fonctionné, nous étions au courant des

  4   échanges qui étaient réalisés de façon générale. Et même si c'est le HVO

  5   qui organisait les échanges, nous étions au courant. Une fois que le

  6   conflit a éclaté entre l'ABiH et le HVO, le HVO est devenu notre ennemi. Et

  7   nous n'avons plus été informés des échanges réalisés entre le HVO et la

  8   partie serbe. Le HVO et les Serbes traitaient de ces questions sur une base

  9   bilatérale, sans nous en informer.

 10   Mais quant au fait de savoir si j'aurais dû être informé de

 11   l'existence de documents comme celui-ci, j'ai déjà répondu, je crois, à

 12   cette question. Quand mes collègues venaient négocier au nom des deux

 13   autres partis ennemis, je n'avais pas nécessité de leur montrer des

 14   documents relatifs à des amnisties ou à des libérations s'agissant de

 15   personnes qui se présentaient physiquement, sur place. Elles ne

 16   manifestaient pas d'intérêt pour les questions techniques. Notre intérêt

 17   n'avait rien à voir avec l'octroi d'une amnistie officiellement. Et c'était

 18   la même chose pour la partie adverse, elle ne s'intéressait pas

 19   particulièrement au fait de savoir si les détenus qui allaient être

 20   relâchés par l'ennemi avaient été amnistiés par l'ennemi au préalable. Moi,

 21   ça ne m'intéressait pas de savoir qu'untel ou untel avait été poursuivi en

 22   justice. Cela ne présentait aucun intérêt particulier pour nous.

 23   Notre bureau, c'est-à-dire la Commission d'Etat, dès lors que nous

 24   avions pris en charge d'anciens détenus, des prisonniers, sur la ligne de

 25   front ou dans une zone neutre, nous voulions avoir de leur bouche une

 26   déclaration relative aux conditions de détention qu'ils avaient vécues. Ce

 27   qui nous intéressait, c'était de connaître de leur bouche certains détails

 28   relatifs à la situation de ceux qui se trouvaient toujours dans la prison


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  1   ou le camp d'où ils étaient sortis. Nous voulions savoir si les prisonniers

  2   qui se trouvaient toujours là-bas étaient maltraités. Nous souhaitions

  3   savoir quel était leur statut. Nous souhaitions savoir s'ils pensaient

  4   pouvoir être échangés immédiatement au moment de l'organisation d'un nouvel

  5   échange. Ensuite, ces personnes allaient voir la police et apportaient un

  6   certain nombre de détails complémentaires au sujet de ce qu'elles

  7   connaissaient sur le territoire d'où elles venaient, dans les zones où

  8   elles avaient passé un certain temps, et elles parlaient des conditions de

  9   leur emprisonnement dans la prison ou le camp d'où elles venaient. Elles

 10   apportaient des renseignements susceptibles d'alimenter des allégations de

 11   violation du droit international, par exemple.

 12   Q.  Bien, bien. Cela suffira. Nous n'avons pas suffisamment de temps. Je ne

 13   vous ai pas demandé si vous connaissiez ce document, mais si vous saviez

 14   que des personnes avaient été échangées.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyons le document 1D5507, et nous en aurons

 16   ensuite terminé de l'examen des documents. Je crois que vous connaîtrez

 17   peut-être ce document.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Masovic, je ne vous interroge pas au sujet du contenu du

 20   document. Je vous demande de nous dire si vous saviez que ces personnes

 21   avaient été échangées. Est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que les

 22   personnes mentionnées dans ce document étaient en train de purger une peine

 23   et que pour être échangées, elles devaient au préalable être amnistiées et

 24   que tous ces Musulmans, comme vous l'avez sans doute remarqué, ont été

 25   échangés, n'est-ce pas ?

 26   R.  Malheureusement, je reconnais leurs noms. Je sais qu'il s'agit d'un

 27   groupe de civils de Banja Luka qui travaillait pour une organisation

 28   humanitaire musulmane en distribuant des vivres et d'autres produits de


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  1   première nécessité aux Musulmans de Banja Luka, et d'ailleurs, c'est la

  2   raison pour laquelle ces personnes ont été arrêtées. Je vous dis cela sur

  3   la base de ce que je sais personnellement, parce que j'ai parlé à certaines

  4   de ces personnes. Par exemple, à Mme Suhreta Djuzel. C'est le dernier nom

  5   qui figure sur la liste. Cette femme m'a confirmé tout ce que je viens de

  6   vous dire.

  7   Je vois ce document ici pour la première fois, mais je peux vous dire qu'il

  8   montre que ces personnes ont été mises en accusation et condamnées. Et il

  9   est écrit dans ce document signé par vous qu'elles allaient être échangées

 10   contre des combattants de l'armée de la Republika Srpska, mais, comme je

 11   l'ai déjà dit, il s'agit d'un groupe de civils qui travaillaient pour une

 12   organisation humanitaire de Banja Luka.

 13   Q.  Est-ce que vous savez ce que faisait effectivement cette organisation

 14   humanitaire ? Est-ce que vous savez qu'un tribunal a prononcé un jugement

 15   au sujet de leur activité ?

 16   R.  Je vous ai dit ce que m'a dit cette Mme Suhreta Stujic [phon]. Je pense

 17   que j'ai aussi parlé à l'homme dont le nom figure ici, donc le prénom est

 18   Smail. Je reconnais un autre nom, celui de Smajlovic. Je pense que c'est

 19   l'homme qui a réussi à obtenir un avantage matériel en raison du fait qu'il

 20   avait été privé de liberté dans des conditions illégales, Zijahudin

 21   Smajlovic.

 22   Q.  Après la guerre, n'est-ce pas ?

 23   R.  Après la guerre, il a porté plainte pour arrestation contraire aux

 24   dispositions de la loi et a obtenu des dommages et intérêts en raison des

 25   conditions illégales de son arrestation.

 26   J'ai quelques réserves à ce sujet, parce qu'il y a certaines choses

 27   que j'ai apprises par les médias, mais j'ai lu avec Osman Gojacic. J'ai

 28   parlé avec Mme Suhreta Djuzel, numéro 6 de cette liste. J'ai parlé avec


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  1   Smail Djuzel. Je crois que Suhreta et Smail Djuzel sont un couple. J'ai

  2   parlé avec ces personnes après leur libération. Et par la suite, après la

  3   fin de la guerre, j'ai reparlé à ces personnes plusieurs fois. M. Gojacic

  4   était, pendant un moment, à la tête du conseil chargé des prisonniers de

  5   guerre.

  6   Q.  Après la pause, nous vous montrerons d'autres documents relatifs aux

  7   prisonniers de guerre.

  8   Mais pour le moment, j'aimerais appeler votre attention sur le

  9   paragraphe 10 et vous demander s'il y avait souvent des échanges organisés

 10   en privé, s'il arrivait souvent que des échanges soient réalisés sans votre

 11   intervention et sans votre participation ? Et je vous prierais de répondre

 12   le plus brièvement possible, car je ne sais pas exactement de combien de

 13   temps je dispose encore.

 14   R.  Vous voyez que s'agissant des situations dont j'ai connaissance, j'en

 15   ai connaissance. Malheureusement, je n'ai pas du tout été chargé des

 16   échanges privés. Je dois vous dire que je n'avais pas d'information sur le

 17   fait que les individus s'étaient organisés pour obtenir des échanges

 18   privés, c'est-à-dire un échange d'argent ou échange d'hommes. Il ne

 19   s'agissait pas de 50 personnes qui faisaient l'objet d'échanges, mais la

 20   plupart du temps, c'était une, deux ou trois personnes, de membres de la

 21   famille de certaines personnes, par le truchement des canaux privés, qui

 22   avaient trouvés quelqu'un de l'autre côté, moyennant un échange de sommes

 23   d'argent, ou peut-être un homme contre un autre. C'est ce qui arrivait.

 24   Mais ce nombre est vraiment infime par rapport au chiffre de personnes

 25   échangées pendant la guerre. Donc, je ne peux pas répondre à votre

 26   question, à savoir de combien d'échanges de ce type il y avait exactement.

 27   Dans un très grand nombre de cas, il ne s'agissait pas réellement de

 28   détenus parce que les personnes, sans être membres d'une organisation, ne


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  1   pouvaient pas procéder à des échanges. La plupart du temps, il s'agissait

  2   donc de personnes qui étaient impliquées et qui étaient, en fait,

  3   réellement des personnes qui étaient détenues.

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais demander, Excellence, votre

  6   permission de montrer, en fait, un document. Je voudrais juste demander que

  7   les documents soient versés au dossier. C'est un document qui parle de

  8   l'amnistie.

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, le problème

 10   survient de nouveau s'agissant de documents qui n'ont pas fait l'objet

 11   d'une traduction. Encore une fois, je dois vous avertir que les documents

 12   qui ne sont pas traduits n'allaient pas faire l'objet d'examens, et donc

 13   c'est un problème.

 14   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Par rapport au premier document, tout ce

 15   que le témoin a dit c'est qu'il pouvait tirer une conclusion, à savoir

 16   qu'il s'agissait de personnes appartenant au même groupe ethnique. C'est

 17   tout ce qu'il pouvait, en fait, tirer comme conclusion de ce document.

 18   Donc, il ne peut réellement rien nous dire de plus. Et ensuite,

 19   l'Accusation aimerait également avoir la provenance de ces documents, s'il

 20   vous plaît.

 21   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, vous devez nous

 22   fournir une provenance. Le document serait seulement admis purement sur la

 23   base de la réponse qu'a donnée le témoin, mais il fera objet d'une

 24   traduction également, et lorsque le document sera traduit, à ce moment-là

 25   le document fera l'objet d'éléments de preuve et du dossier. Mais pour

 26   l'instant, ces documents peuvent effectivement recevoir une cote

 27   d'identification et être versés au dossier à ces fins.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Madame,


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  1   Messieurs les Juges, le document 65 ter 1D5506 recevra la cote D2227, versé

  2   au dossier aux fins d'identification; et 65 ter 1D5507 sera versé au

  3   dossier sous la cote D2228. Pour le compte rendu d'audience, je voudrais

  4   simplement ajouter que la page 56, ligne 1, devrait se lire comme suit :

  5   D2226. Je vous remercie.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Excellence, il s'agit de

  7   documents authentiques que j'ai signés moi-même et qui portent un numéro de

  8   protocole et il y a un tampon du président. Ces documents sont maintenant

  9   recueillis par des amis qui viennent me rendre visite et/ou qui me

 10   l'envoient car l'archive est maintenant disparue.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, j'aimerais vous demander la chose suivante : est-ce que ce

 13   que vous dites, à savoir que les Serbes ont très souvent tué des effectifs

 14   ou des personnes militaires capturées -- excusez-moi.

 15   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, un instant, s'il

 16   vous plaît. Oui, Madame Sutherland.

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il y a quelques instants M. Karadzic a

 18   parlé du fait qu'il a des amis qui étaient en mesure de retrouver ces

 19   documents parce que l'archive n'existe plus. Ceci nous cause un certain

 20   nombre d'inquiétudes.

 21   M. KARADZIC : [interprétation] J'ai dit "collected", "recueillis", non pas

 22   "corrected", "corrigés".

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et ensuite, est-ce que M. Karadzic aurait

 24   l'obligeance de bien vouloir nous dire qui sont ses amis qui ont recueillis

 25   ces documents ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les exigences sont les mêmes. Donc, tout

 27   comme l'Accusation doit nous fournir une source, vous devez le faire aussi.

 28   Monsieur Karadzic.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Voilà encore une chose qui m'intéresse. Comment êtes-vous parvenu à la

  4   conclusion que les Serbes tuaient souvent des militaires, et c'est ce que

  5   j'ai lu au paragraphe 11. Ceci m'inquiète. Car vous en avez parlé il y a

  6   quelques instants. Vous nous avez dit que vous pouviez parler de certains

  7   éléments, alors qu'en réalité, vous parlez d'autres choses. Voilà une

  8   déclaration qui est très vaste. La Défense conteste cette déclaration et

  9   vous demande de nous affirmer et confirmer si c'est bel et bien quelque

 10   chose que vous avez pu établir vous-même, et de quelle façon ceci a-t-il

 11   été fait, si c'est le cas ?

 12   R.  Dans ce paragraphe, on parle des raisons pour lesquelles l'ABiH ou

 13   l'ABiH avait créé un département spécial pour les prisonniers de guerre, et

 14   ils l'ont fait parce qu'ils étaient mécontents avec le fait qu'un très

 15   grand nombre de personnes qui avaient fait l'objet d'échanges

 16   d'appartenance ethnique bosnienne ou croate n'étaient pas des membres de

 17   l'ABiH, mais il s'agissait bel et bien de civils. L'ABiH estimait que

 18   s'agissant d'échanges, il faudrait inclure les membres de l'armée en

 19   majorité, et c'est pourquoi ils ont procédé à la création de départements

 20   spécifiques au sein du Corps de l'ABiH. Et ici, on peut lire qu'au début

 21   ils avaient organisé des échanges sans la participation de la Commission

 22   d'Etat dont j'étais membre.

 23   Vous me demandez sur la base de quoi je suis parvenu à la conclusion

 24   qu'il y avait un petit nombre de membres de l'armée, je vais vous donner

 25   les raisons pour ceci. Il y avait un tout petit nombre de soldats de l'ABiH

 26   qui ont témoigné sur la façon dont leurs collègues ont été faits

 27   prisonniers lors des activités de combat à Igman et à Treskavica. Et par la

 28   suite, nous avions reçu leurs cadavres lors des échanges, et donc, ils


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  1   n'étaient plus revenus vivant. Voilà. Et j'aimerais, si vous le souhaitez,

  2   vous donner d'autres exemples concrets, où l'on peut voir que les membres

  3   de l'ABiH participaient rarement au processus de personnes vivantes, mais

  4   très souvent, il s'agissait d'échanges de cadavres, de personnes donc

  5   décédées.

  6   Q.  Est-ce que c'est quelque chose que vous avez pu vérifier, ou est-ce que

  7   c'est une phrase que vous avez simplement dite, comme cela, sans réellement

  8   réfléchir à ce que vous avez dit ?

  9   R.  Je viens de répondre à votre question. Sur la base de faits qui nous

 10   ont démontré que la majorité des corps échangés au cours ce cette période

 11   de guerre étaient des membres de l'ABiH, et que les membres de l'armée

 12   étaient moindres que les cadavres échangés, et c'est ceci qui m'a fait

 13   comprendre qu'ils n'avaient pas survécus, les membres de l'ABiH n'avaient

 14   pas survécus à l'emprisonnement.

 15   Q.  Bien. Mais dites-nous, combien y avait-il de membres de l'ABiH que les

 16   Serbes tenaient prisonniers en 1992 ? Souvenez-vous de Manjaca, souvenez-

 17   vous de Batkovici, de ces deux prisons, combien de combattants de l'ABiH

 18   avaient été faits prisonniers par l'armée serbe ?

 19   R.  A la suite de témoignages de prisonniers échangés s'agissant des deux

 20   prisons dont vous parlez étaient majoritairement des civils, et parmi eux,

 21   il y avait un très petit nombre de membres de l'ABiH et de la Défense

 22   territoriale, membres qui auraient éventuellement été faits prisonniers

 23   lors d'activités de combat. La majeure partie des prisonniers dans les

 24   camps, dans les prisons, plus spécifiquement pour ce qui est de l'année

 25   1992 étaient des civils bosniens, croates, roms, et de personnes d'autres

 26   nationalités, ou appartenant à d'autres groupes ethniques, y compris des

 27   membres de l'armée serbe qui n'avaient pas montré leur allégeance envers

 28   l'armée serbe.


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  1   Q.  Et vous dites ceci, Monsieur Masovic, sur la base de ce que les gens

  2   vous ont relaté ?

  3   R.  Sur la base de ce que leurs membres de famille nous ont déclaré lors

  4   des formulaires qu'ils ont faits pour essayer d'avoir le rapatriement de

  5   ces corps, et à la suite des personnes qui avaient survécu à ces camps.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Karadzic, nous allons maintenant

  7   prendre une pause, et nous reprendrons à 13 heures 30.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, j'aimerais vous demander ceci. Il

  9   s'agit d'un témoin très important et j'aurais besoin d'un peu plus de

 10   temps. L'Accusation a passé plus d'une heure, et j'espère que vous

 11   m'accorderez un volet d'audience demain, après la déposition par

 12   vidéoconférence.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous nous pencherons sur cette demande

 14   après avoir vu à quel point votre contre-interrogatoire sera concis et

 15   pertinent.

 16   Nous reprendrons à 13 heures 30.

 17   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 30.

 18   --- L'audience est reprise à 13 heures 32.

 19   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, nous nous sommes

 20   penchés sur l'organigramme des comparutions des témoins et il sera

 21   extrêmement difficile de rallonger le témoignage de ce témoin au-delà de ce

 22   jour-ci, exception faite peut-être d'une toute petite période de temps

 23   qu'on pourrait ajouter à l'audience d'aujourd'hui avec la compréhension de

 24   la totalité du personnel. Et je vous encourage à être aussi concis que

 25   possible.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous pouvons

 27   passer brièvement à huis clos partiel.

 28   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Certainement.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  2   Madame, Messieurs les Juges.

  3   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Page 27277 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

  2   [Audience publique]

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Alors je vais m'efforcer pour ma part de faire en sorte que les

  6   questions soient posées de façon à ce que vous puissiez répondre le plus

  7   possible par un oui ou par un non, en ayant la possibilité de vous étendre

  8   si nécessaire.

  9   Alors nous sommes bien d'accord pour dire que M. Izetbegovic était de façon

 10   indubitable le leader des Musulmans, pour le moins qu'on puisse dire, en

 11   Bosnie-Herzégovine ?

 12   R.  M. Izetbegovic était membre de la présidence de la République de

 13   Bosnie-Herzégovine, et plus tard il est devenu membre de la présidence de

 14   Bosnie-Herzégovine.

 15   Q.  Moi, je vais être franc avec vous. Ma question cible ceci : est-ce que

 16   vous croyez que suite à plusieurs mobilisations générales de proclamées, il

 17   n'y a pas eu de répondants du côté des conscrits ?

 18   R.  Je ne sais pas répondre à votre question. Je répète que jusqu'au 21

 19   août 1992, moi j'étais encore avocat. Je n'ai pas fait partie des

 20   structures du pouvoir en place, ce qui fait que je ne sais pas quand est-ce

 21   qu'on a procédé à des mobilisations, je ne sais pas non plus combien de

 22   personnes ont répondu présent lors des appels à la mobilisation.

 23   Q.  Merci. Saviez-vous qu'au moins pendant la première année, jusqu'à 80 %

 24   des combattants musulmans, c'est-à-dire des combattants de l'ABiH,

 25   s'étaient battus vêtus de vêtements civils ? C'est un renseignement qui est

 26   prélevé au niveau de ce qu'a dit le commandement de cette même armée.

 27   R.  Je n'en sais vraiment rien. Ça n'a pas fait l'objet d'une manifestation

 28   d'intérêt de ma part. Je n'en sais donc strictement rien.


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  1   Q.  Merci. Est-il exact de dire que le HVO vous avait fait savoir que tous

  2   les Musulmans aptes au combat, dans ces circonstances de mobilisation

  3   générale, étaient considérés comme étant des conscrits militaires et que

  4   c'est ainsi que l'armée croate s'était comportée, je veux dire le HVO ?

  5   R.  Eh bien, soit je n'ai eu aucun contact avec le HVO, soit ces contacts

  6   ont été extrêmement limités. Lorsque j'ai eu des contacts avec le service

  7   des échanges du HVO, que j'ai contacté pendant toute la période de la

  8   guerre, je ne me souviens pas que quiconque m'aurait fait savoir cela de

  9   quelque façon que ce soit. La vérité c'est que M. Pusic, qui se trouve ici,

 10   il fait l'objet d'un procès, ce Berislav Pusic m'a dit une ou deux fois que

 11   lui en personne estimait que la totalité des Bosniens, ou, comme le disait

 12   lui-même, les Musulmans, allant de 16 à 70 ans, que lui personnellement les

 13   considéraient comme étant des soldats faisant partie des rangs de l'armée

 14   ennemie.

 15   Q.  Merci. Donc il a considéré cela en sa qualité de président de la

 16   Commission chargée des échanges au niveau du HVO, n'est-ce 

 17   pas ?

 18   R.  De là à savoir s'il l'a dit dans ce rôle-là ou était-ce une opinion

 19   privée qu'il avait exprimée, je ne le sais pas -- vraiment pas, mais c'est

 20   de cette façon-là que probablement il souhaitait justifier le fait que dans

 21   les camps du HVO il y avait eu un nombre énorme de civils qui n'avaient

 22   rien eu à voir avec les activités de combat. J'imagine que c'est de la

 23   sorte qu'il voulait justifier le fait d'avoir gardé en détention des civils

 24   qui n'étaient pas impliqués dans des activités de combat.

 25   Q.  Merci. Vous en avez témoigné dans l'affaire Prlic et consorts, et vous

 26   avez dit la chose aussi dans une déclaration faite en 2004, à savoir que le

 27   HVO, ou la commission du HVO, avait fixé des conditions pour ce qui est des

 28   échanges de un pour un. Et pour le gouvernement de Sarajevo, ça toujours


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  1   été un problème parce que les Serbes de Bosnie et les Croates de Bosnie,

  2   dans ces camps, avaient gardé des civils.

  3   Combien, de votre avis, il y avait eu de résidents musulmans, par

  4   exemple, à Kljuc ? Ou, pour vous aider, pour répondre par oui ou non, est-

  5   ce que vous êtes d'accord pour dire que dans la municipalité de Kljuc il

  6   résidait un peu plus de 18 000 Musulmans ?

  7   R.  Je ne le sais vraiment pas. Je ne sais pas vous dire combien de

  8   Bosniens ou, comme vous dites, de Musulmans dans cette municipalité de

  9   Kljuc.

 10   Q.  Etes-vous d'accord pour dire qu'à Manjaca, on avait transféré un

 11   millier de Musulmans depuis Kljuc ?

 12   R.  Je ne le sais vraiment pas non plus.

 13   Q.  Merci. Mais si dans vos déclarations vous dites que les Serbes avaient

 14   gardé des civils, est-ce que vous avez fait la distinction, pourquoi

 15   n'avoir pas mis en détention le total des 

 16   18 000 mais seulement le millier en question ? Quel avait été le critère,

 17   donc, pour arrêter et mettre en captivité un tel nombre de Musulmans sur un

 18   tel autre total de Musulmans au niveau de Kljuc ?

 19   R.  Je vous rappelle que ce sont des chiffres que vous avez avancés vous-

 20   même. Je n'ai pas confirmé vos chiffres. Je ne peux pas, donc, commenté.

 21   Vous avez dit qu'il y avait 18 000 Musulmans à Kljuc et vous avez dit qu'il

 22   y en a eu un millier de transférés à Manjaca. Moi, je n'en sais rien. Je

 23   n'ose pas commenter des choses que j'ignore.

 24   Q.  Est-ce qu'à compter du mois d'août vous avez étudié le nombre de

 25   Musulmans qu'on avait fait prisonniers ?

 26   R.  Je me suis penché sur des noms et des prénoms d'individus qui se

 27   trouvaient dans des campements ou des prisons de l'ennemi. Mon objectif

 28   était de faire en sorte que le maximum de ces personnes soit libéré. Il


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  1   m'importait peu de savoir si c'était un homme, une femme, un civil, un

  2   militaire, un homme ou un enfant. Le fait est que dans les camps serbes il

  3   y avait surtout des Bosniens, et c'est la raison pour laquelle ces Bosniens

  4   ont fait l'objet des échanges pour l'essentiel. Le fait est aussi que

  5   pendant la guerre, je me suis penché sur M. Vladimir Srebrov, qui n'est pas

  6   un Bosnien, qui est un Serbe ou Monténégrin. Je ne sais pas comment il se

  7   déclarait. Il se trouvait dans la prison de Kula et il a fait l'objet d'un

  8   intérêt de ma part pour ce qui est d'un processus d'échange, et nous avons

  9   fini par réussir à l'échanger au terme d'une longue période de détention

 10   qu'il a passée dans la prison de Kula.

 11   Q.  Merci. Vous l'avez déjà mentionné dans vos déclarations, en effet, et

 12   vous avez dit qu'une partie de ces gens était arrêtés parce qu'ils

 13   m'avaient demandé pour négocier un cessez-le-feu. Mais si je vous dis qu'il

 14   avait été arrêté parce qu'il était venu sur les lignes de front pour

 15   convaincre les Serbes d'Ilidza de quitter la ligne de front avant l'attaque

 16   des Musulmans, est-ce que ceci diffère de ce que vous avez pu apprendre

 17   vous-même ?

 18   R.  M. Srebrov était un voisin à moi dans Sarajevo. Je l'ai indiqué dans ma

 19   déclaration, d'ailleurs. Alors, ce que j'ai dit à ce sujet pour dire qu'il

 20   était allé discuter, négocier avec vous, c'est un renseignement que j'ai

 21   tiré depuis les propos qu'il a tenus au niveau des médias.

 22   Q.  Merci. Mais saviez-vous que M. Srebrov est le seul membre du SDS que

 23   nous avons expulsé du parti, et nous l'avons expulsé parce qu'il avait

 24   menacé de faire en sorte que Mlada Bosna, à la tête de laquelle il se

 25   trouvait, deviendrait une espèce de fer de lance en Bosnie ? Et il a résidé

 26   donc chez vous, il a commencé à servir à servir votre cause ?

 27   R.  Ecoutez, je ne sais rien de tout cela. Je ne savais pas qu'il était

 28   membre du SDS, comme vous venez de le dire. Je ne suis pas au courant de


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  1   tout ce que vous venez de nous dire.

  2   Q.  Merci. Vous avez mentionné de façon assez générale le fait que les

  3   Serbes avaient abattu des prisonniers de guerre ou des prisonniers tout

  4   court dans les prisons, et, entre autres, vous mentionnez Manjaca. Alors,

  5   d'après ce que vous avez appris, combien de prisonniers a-t-on abattus à

  6   Manjaca ?

  7   R.  Je n'ai pas le chiffre exact. Des prisonniers à Manjaca ont été abattus

  8   dans le camp eux-mêmes. Il y a eu des témoignages de personnes qui sont

  9   sorties de là à ce sujet. Il y a des personnes qu'on a emmenées, qu'on a

 10   sorties du camp pour les tuer à une distance plus ou moins grande de

 11   Manjaca. Il y a le témoignage à ce sujet, et je crois que ça a été

 12   déterminé et établi dans certains procès. Mais je ne sais pas vous donner

 13   de chiffres précis pour ce qui est du chiffre de ces personnes ou ces

 14   victimes qui ont été tuées sur la route de Manjaca ou sur la route de

 15   Manjaca vers une autre destination. Je n'ai pas ces renseignements-là.

 16   Un certain nombre d'entre eux, et je ne sais pas vous donner de

 17   chiffre exact, mais je peux quand même affirmer qu'il y a un nombre

 18   important de ces personnes qu'on considère comme disparues de nos jours

 19   encore. D'après les déclarations des familles ou des co-détenus, on a su

 20   que c'étaient des gens qu'on avait vus à Manjaca pour la dernière fois. Il

 21   s'est passé 20 ans désormais depuis, et on ne sait toujours pas ce qui

 22   s'est passé avec ces gens. Ils sont très probablement morts, parce que

 23   s'ils étaient vivants, ils auraient rejoint leurs familles. Ils sont donc

 24   probablement morts, mais on n'a pas retrouvé leurs dépouilles.

 25   Q.  Monsieur Masovic, saviez-vous que Manjaca était tout le temps sous le

 26   contrôle de la Croix-Rouge internationale ? Au moins une fois et très

 27   souvent deux fois par semaine, ils venaient les voir, et ils ont tous été

 28   relâchés pour partir vers des pays tiers début décembre 1992. Le saviez-


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  1   vous ? Ils ont été relâchés le 8 décembre. Et c'est la raison pour laquelle

  2   vous n'avez pas de dépouilles de retrouvées pour ce qui est de ces gens.

  3   R.  Je crains fort que votre constatation ne corresponde pas aux faits. Je

  4   sais pour sûr que d'après les informations du CICR auxquelles vous faites

  5   référence, quelque 500 détenus, lors de leur détention réelle ou prétendue

  6   détention dans ce camp, ont été transférés à vers Batkovici. J'ai

  7   personnellement participé à des négociations relatives à la libération de

  8   ces 500 prisonniers, qui étaient pour l'essentiel des Bosniens, des Croates

  9   et un certain nombre de Roms qui étaient âgés de 18 à 65 ans. Et parmi eux,

 10   entre autres, il y avait eu un groupe d'une centaine de détenus originaires

 11   de Grapska, non loin de Doboj, dont le cheminement en temps de guerre

 12   allait de la prison de Doboj, puis Manjaca, puis Batkovici, puis Kula,

 13   Sarajevo, puis la prison de Rudo, puis Kula à Sarajevo, et ils ont en fin

 14   de compte été échangés, si je ne m'abuse, en 1994. Je sais aussi que 11

 15   d'entre eux au moins, pendant leur séjour à Kula, ont été abattus.

 16   Q.  Pouvez-vous communiquer aux Juges de la Chambre, si vous ne voulez pas

 17   le faire pour ce qui est de la Défense ou de l'Accusation, une liste de

 18   gens que vous êtes en train de chercher alors que c'étaient des gens qui

 19   s'étaient trouvés à Manjaca ?

 20   R.  Cela est tout à fait possible. J'émets une réserve, cependant, et c'est

 21   une chose que j'ai soulignée au début de mon témoignage lorsque j'ai

 22   répondu aux questions du Procureur. Pour indiquer que les chiffres ou les

 23   renseignements disant quand et à quel moment telle personne a séjourné à

 24   tel endroit, ça ce sont des renseignements qui nous ont été communiqués par

 25   les familles de ces gens-là. Or, si c'est fiable -- c'est les

 26   renseignements dont il s'agit. Donc c'est les familles qui nous ont aidés à

 27   déterminer la date de la disparition. Que ce soient des dates exactes ou

 28   pas, je ne sais pas. Mais c'est les dates qui ont été utilisées par nous


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  1   pour ce qui est du moment et du lieu de séjour, et pour l'essentiel, on

  2   indique le camp de Manjaca.

  3   Q.  Merci. Moi, je vais vous avancer la cause que je défends, la thèse qui

  4   est la mienne. Il y avait à Manjaca 4 004 prisonniers. Il y a eu cinq morts

  5   naturels et deux morts suite à des violences. Il y a eu donc deux décès

  6   suite à des violences. Je vous dirais aussi que Manjaca et Batkovici

  7   étaient sous surveillance permanente de la Croix-Rouge. Et vers Batkovici,

  8   on a transféré les gens qui étaient censés être jugés. Tous les autres ont

  9   été relâchés pour partir vers des pays tiers.

 10   Le saviez-vous et savez-vous où sont ces gens-là qui ont quitté le

 11   pays pour aller vers des pays tiers ?

 12   Alors pour les autres participants, je rappelle que le Témoin KDZ163

 13   a témoigné ici même de cinq décès au total, et il était censé le savoir.

 14   C'était un témoin de l'Accusation, je le précise.

 15   R.  En période de guerre, la Commission d'Etat s'était intéressée à ceux

 16   qui étaient encore à Manjaca et non pas ceux qui ont été libérés pour

 17   partir vers des pays tiers. Parce que ceux-là n'ont pas été enregistrés,

 18   leur libération ne s'est pas faite par le biais de la Commission d'Etat,

 19   comme vous le dites, s'ils ont été envoyés là-bas.

 20   Dernièrement, nous opérons des recherches pour ce qui est des gens

 21   qui n'ont pas survécu à la guerre, qui n'ont pas donc survécu à leur

 22   détention au camp, que l'on considère encore disparus.

 23   Q.  Est-ce que vous remettez en question ce que j'affirme, à savoir que de

 24   façon unilatérale, sans qu'il y ait demande de réciprocité, j'ai demandé à

 25   ce que soient relâchées quelque 4 000 personnes de Manjaca afin de leur

 26   permettre de partir vers des pays tiers ?

 27   R.  Je ne sais pas vous répondre. A mes yeux, ce qui est assez surprenant,

 28   surprenant c'est un fait dont je n'ai pas eu connaissance pendant la


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  1   guerre, à savoir qu'à un moment donné à Manjaca il y avait eu jusqu'à 4 000

  2   personnes. C'est la première fois que je l'apprends de votre bouche

  3   aujourd'hui. Je n'ai jamais disposé de renseignements disant qu'au camp de

  4   Manjaca, à un moment donné, il y a eu jusqu'à 4 000 personnes de détenues.

  5   Donc je ne sais rien vous dire au sujet de ce que vous avancez pour ce qui

  6   est de la libération de ces personnes.

  7   Q.  Monsieur Masovic, je n'ai peut-être pas été précis. En quelques mois,

  8   en l'espace de quelques mois, il est passé par Manjaca  4 004 détenus. Cinq

  9   sont morts, deux morts sont des morts violents, suite à des coups. On avait

 10   poursuivi ces gens pour des meurtres. Mais saviez-vous qu'au mois de

 11   décembre j'ai fait relâcher tous ceux qui étaient à Manjaca, et c'est la

 12   Croix-Rouge qui s'est chargée de les faire emmener vers des pays tiers. Le

 13   saviez-vous, cela ?

 14   R.  Eh bien, à cette époque-là, ceux que j'avais en charge c'étaient les

 15   gens qui n'avaient pas quitté Manjaca. C'étaient des gens qui n'ont pas été

 16   libérés. C'étaient des personnes détenues. Ce qui m'intéressait, moi,

 17   c'étaient les 500 personnes à Manjaca pour lesquelles le Comité

 18   international de la Croix-Rouge nous avait dit qu'elles n'avaient pas été

 19   libérées, mais qu'on les avait transférées vers le camp de Batkovici. Et je

 20   crois que c'est le CICR qui a exprimé auprès des autorités serbes une

 21   espèce de protestation, si mes souvenirs sont bons, parce que ça s'est

 22   passé quand même longtemps, une protestation en raison du transfert de ces

 23   quelque 500 personnes depuis un camp vers un autre camp, qui est celui de

 24   Batkovici.

 25   Je ne nie pas ce genre de fait. Je ne suis pas au courant de ces choses-là.

 26   Je ne peux pas me prononcer pour dire que vous avez, oui ou non, promulguer

 27   une telle décision relative à la libération d'un tel nombre de personnes.

 28   Je n'en sais rien.


Page 27286

  1   Q.  Merci. Monsieur, ils n'étaient pas 500. Ils étaient bien moins que

  2   cela. Ça s'est fait avec le CICR. Il y a eu des listes de personnes

  3   enregistrées à Manjaca. C'est des gens qui sont arrivés à Batkovici. Alors,

  4   saviez-vous que c'étaient des gens qui étaient constamment sur la liste de

  5   la Croix-Rouge ?

  6   R.  Je répète que je savais qu'il y a eu des gens de transférés à Manjaca

  7   pour la raison simple : parce qu'ultérieurement j'ai personnellement

  8   participé à des négociations avec la commission serbe pour faire libérer

  9   ces 500 personnes. Et si je m'en souviens bien, il y avait une centaine de

 10   personnes originaires de Doboj. Ils étaient les plus nombreux. Puis il y en

 11   avait de Jajce aussi, et d'autres villes encore de la Bosnie-Herzégovine.

 12   C'est en personne que j'ai participé aux négociations pour prendre part à

 13   leur libération. Il y a une partie de ces gens qui étaient libérés à

 14   Sarajevo, parce qu'après Batkovici, ils s'étaient trouvés au KPD de Kula, à

 15   Sarajevo. Alors je ne peux pas commenter les propos pour ce qui est de dire

 16   si oui ou non ils avaient été enregistrés par le CICR, parce que des

 17   informations qui sont confidentielles, le CICR ne communique pas aux

 18   différentes parties ce genre d'information.

 19   Q.  Merci. Puisque vous vous êtes occupé des personnes portées disparues

 20   après la guerre, est-ce que vous avez des informations sur les personnes

 21   qui se trouveraient dans des pays tiers s'agissant des citoyens de la

 22   Bosnie-Herzégovine et des Musulmans, et est-ce que vous avez vérifié si

 23   parmi ces personnes se trouvent les personnes portées disparues qui se

 24   trouvent sur vos listes et qui sont en réalité vivantes quelque part dans

 25   le monde ?

 26   R.  Non. Nous ne savons pas qu'ils se trouvent dans les pays tiers, à

 27   l'étranger, s'agissant des citoyens de la Bosnie-Herzégovine,

 28   indépendamment de leur groupe ethnique, mais nous avons des contacts, par


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  1   contre, avec les familles des personnes portées disparues. Nous avons des

  2   contacts avec le Comité international des personnes portées disparues, le

  3   CICR, la Croix-Rouge de Bosnie-Herzégovine également. Et ces derniers ont

  4   été également leur liste portant sur les personnes portées disparues, et

  5   nous avons accepté ces listes au sein de l'Institut pour personnes portées

  6   disparues, et vous verrez que nous créé une base de données unique qui

  7   regroupe toutes ces données concernant les personnes portées disparues en

  8   Bosnie-Herzégovine.

  9   Je peux répondre de façon supplémentaire à votre question, étant

 10   donné que vous dites qu'il existe des personnes qui sont encore en vie et

 11   qui se trouvent sur ces listes, oui, effectivement je peux vous confirmer

 12   ces allégations. Il existe jusqu'à maintenant, nous avons découvert plus de

 13   236 personnes de toute nationalité confondue, et qui, à une époque donnée,

 14   et surtout au début de l'été ou du printemps de 1992, avaient été portées

 15   disparues comme étant des personnes portées disparues et qui n'avaient

 16   jamais fait l'objet d'une information. Au contraire de leurs familles, ces

 17   derniers sont retournés dans leurs familles, et les membres de leurs

 18   familles ont en fait manqué, oublié simplement d'informer du fait que ces

 19   personnes sont retournées.

 20   Q.  Alors est-ce que cette liste de personnes vivantes est conclue, est-ce

 21   que vous êtes arrivé à une conclusion définitive qu'il n'existait plus de

 22   personnes vivantes se trouvant sur vos listes ? Avez-vous fermé le dossier

 23   ?

 24   R.  Non, je ne peux pas vous le dire avec une certitude absolue. Je ne peux

 25   pas vous dire qu'ils n'existent pas quelque part dans le monde une personne

 26   qui soit en vie et qui se trouve sur une liste d'une personne portée

 27   disparue. Je crois que vous savez tout comme tout le monde qu'une petite

 28   fille a été découverte il n'y a pas très longtemps à l'âge de deux ans.


Page 27288

  1   Elle a fait l'objet d'une adoption par une famille serbe. Elle était

  2   originaire de Bosnie-Herzégovine. Cet enfant ignorait son origine et ne

  3   connaissait pas ses parents, et ce n'est que lorsqu'elle est devenue adulte

  4   elle a appris ses origines. Et pendant toute cette période, elle a été

  5   portée disparue. Lorsqu'elle a appris quelle était sa réelle identité, elle

  6   est retournée en Bosnie-Herzégovine. Son nom est Becirevic Senada, alors

  7   qu'en Serbie, elle portait un autre nom, c'est-à-dire Becirevic Mila,

  8   c'est-à-dire elle portait le nom de famille des parents adoptifs.

  9   Je le répète, je ne peux pas vous confirmer que demain ou que dans un

 10   an un cas similaire allait se reproduire, ou qu'une autre personne pourrait

 11   être retrouvée qui soit encore en vie et dont le nom figure encore sur des

 12   listes de personnes portées disparues.

 13   Q.  Merci. Est-ce que vous savez s'il y a eu également d'adultes qui, par

 14   exemple, ont passé l'ensemble de toute cette période de la guerre à Novi

 15   Sad, et lorsqu'ils sont retournés, ils ont trouvé leurs noms sur ces listes

 16   ? Ou bien, par exemple, le troisième fils d'un homme de Bratunac qui avait

 17   été porté disparu, alors que son père recevait des sommes d'argent pour la

 18   disparition de son fils. Est-ce que vous aviez connaissance des cas

 19   semblables ? Les deux étaient adultes et ces deux personnes vivaient en

 20   Serbie et ils vivaient des vies complètement normales. Ils s'étaient

 21   mariés, et cetera, et cetera.

 22   R.  Dans ma déclaration, j'ai dit avoir connaissance de trois tentatives de

 23   personnes qui avaient tenté faussement de se faire porter disparues. Il y

 24   avait un homme, effectivement, qui était marié avec une femme de

 25   nationalité serbe, qui a passé la guerre à Novi Sad, alors que son père

 26   l'avait fait porté disparu avec deux autres fils qui étaient réellement des

 27   personnes portées disparues, mais ce dernier n'était jamais porté disparu

 28   en réalité, et nous croyons que son père savait très bien qu'il était


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  1   encore en vie, qu'il vivait en Serbie, en Vojvodine, mais pour des raisons

  2   sans doute personnelles, il avait lui aussi fait porter son fils disparu.

  3   Donc, c'est une des trois tentatives de fausses déclarations.

  4   Q.  Très bien. Merci. Quels sont les avantages que ce dernier aurait pu

  5   tirer de cette fausse déclaration ?

  6   R.  Avant 2004, il n'aurait pu avoir aucun avantage, il n'aurait pu tirer

  7   aucun profit de ce fait, mais en 2004, lorsque la loi a été adoptée sur les

  8   personnes portées disparues en Bosnie-Herzégovine, et qui prévoyait

  9   certains droits pour les membres de famille de telles personnes, comme, par

 10   exemple, les soins de santé gratuits, l'école gratuite des enfants de ces

 11   personnes et le droit de savoir ce qui est arrivé à leurs parents, cette

 12   loi prévoit même des sommes financières. Il est effectivement vrai que ces

 13   sommes étaient très petites et il aurait fallu créer un fonds pour les

 14   personnes portées disparues.

 15   Mais malheureusement, mon pays, mon Etat a fait l'objet de critiques

 16   par les Nations Unies, ou, plutôt, du groupe de travail pour les personnes

 17   portées disparues des Nations Unies parce que cette disposition selon

 18   laquelle on pouvait offrir des sommes d'argent, compensations aux familles

 19   des personnes portées disparues, cela n'a jamais été réalisé. Donc,

 20   malheureusement, en Bosnie-Herzégovine, pour toutes les personnes portées

 21   disparues, les membres de leurs familles n'ont jamais pu obtenir un seul

 22   euro de la Bosnie-Herzégovine, même si la loi sur les personnes portées

 23   disparues prévoit un tel droit pour les membres de familles des personnes

 24   portées disparues.

 25   Q.  Merci. Est-ce que vous détenez vous-même, ou est-ce que la Bosnie-

 26   Herzégovine possède des listes de personnes de réfugiées s'étant rendues

 27   dans des pays tiers, et est-ce que vous avez comparé ces listes pour voir

 28   si ces individus se trouvaient sur vos listes, et si parmi ces personnes il


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  1   y avait encore des personnes qui sont en vie ?

  2   R.  Je ne sais pas si l'Etat détient ce type de listes. L'institut pour les

  3   personnes disparues ne dispose pas de ce type de listes. Pour nous, il ne

  4   s'agit pas de quelque chose de très important, car nos contacts se font

  5   principalement avec les familles des personnes qui essaient de chercher les

  6   membres de famille qui sont portés disparus. Donc, nous, nous établissons

  7   des contacts avec ces gens, et en Bosnie-Herzégovine il y a plus de 90 000

  8   personnes qui ont fait don de leur sang afin de pouvoir établir, par le

  9   truchement des méthodes de l'ADN, pour voir si on a pu identifier des

 10   personnes trouvées ou des corps de personnes trouvées soit dans des fosses

 11   communes ou ailleurs pour voir si les membres de leur famille ont été

 12   retrouvés. Et nous détenons des informations provenant de la Croix-Rouge

 13   internationale, des données pour que de 22 000 citoyens de Bosnie-

 14   Herzégovine dont les familles se trouvent en Bosnie-Herzégovine et partout

 15   dans le monde, mais dans tous les pays où le CICR existe, et le CICR

 16   fonctionne dans presque tous les pays du monde, et à ce moment-là, nous,

 17   membres de l'institut, nous sommes en contact direct avec les familles des

 18   personnes qui cherchent les membres de leurs familles qui sont portées

 19   disparues.

 20   Q.  Je vais vous poser une question plus concentrée, plus succincte.

 21   Vous avez constaté, n'est-ce pas, qu'un très grand nombre de

 22   personnes avait changé dans leur déclaration concernant des personnes

 23   disparues ou tuées, et ici on parle plus de personnes -- de soldats morts,

 24   et d'après vous, vous nous avez dit que ce nombre de soldats morts sur le

 25   champ de bataille était exagéré par rapport au nombre de civils, n'est-ce

 26   pas ?

 27   R.  Les personnes qui faisaient des déclarations sur les personnes portées

 28   disparues ne changeaient par leurs déclarations. Lors d'une première


Page 27291

  1   déclaration, ils parlaient de leurs êtres chers comme étant soit des civils

  2   ou des membres de l'armée. Mais je dois vous dire que nous, en tant

  3   qu'institut, nous ne tenons pas compte du fait qu'il s'agisse de civils ou

  4   de soldats. Ceci ne fait pas l'objet de nos préoccupations. Pour nous,

  5   c'est la même chose. Ce sont des personnes portées disparues, ce sont des

  6   citoyens de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Notre mandat est de les

  7   retrouver, de les identifier et de remettre leurs corps à leurs familles.

  8   Je crois qu'il est possible que certaines familles aient pu changer,

  9   modifier certains faits. C'est peut-être possible. Nous ne pouvons pas le

 10   dire. Nous n'avons pas de base de données tenant compte des membres de

 11   l'armée ou de civils. Notre tâche n'était pas d'établir qui sont les civils

 12   et qui sont les armées, quelles sont les personnes portées disparues et

 13   comment elles sont portées disparues, dans le cadre d'activités de combat

 14   ou dans le cadre d'autres activités. Ceci ne nous intéresse pas. Nous

 15   voulons simplement retrouver leurs dépouilles. Vous avez raison de dire

 16   qu'effectivement il y a sans doute eu des cas qui auraient déclaré le

 17   mauvais statut, c'est-à-dire de dire que leurs êtres chers étaient des

 18   civils alors qu'ils étaient soldats ou le contraire.

 19   Mais effectivement, j'ai été en contact avec des gens qui m'avaient

 20   eux-mêmes dit qu'ils avaient déclaré que leurs êtres chers disparus étaient

 21   des civils, parce qu'ils pensaient qu'ils auraient plus de chances de les

 22   retrouver, plutôt que de dire qu'ils étaient des membres de l'armée. Mais

 23   comme je vous le dis, je ne peux pas vous affirmer s'il s'agit de dizaines

 24   de personnes, de centaines de personnes et de déclarations de ce type. Ceci

 25   n'a pas du tout fait l'objet de notre champ d'activités.

 26   Q.  Très bien. Alors, à ce moment-là, je vais laisser de côté toute une

 27   série de questions, car je crois que dans votre déclaration vous avez

 28   beaucoup parlé de civils. Donc, suis-je en droit de conclure que ceci n'est


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  1   pas la partie principale de votre déclaration, à savoir s'il s'agissait de

  2   civils ou de soldats, et donc, nous pouvons nous concentrer plutôt sur le

  3   nombre de personnes portées disparues et sur le nombre de cadavres exhumés.

  4   R.  Si vous le souhaitez, je peux répéter ce que j'ai dit tout à l'heure.

  5   Pour nous qui cherchons de retrouver le sort des personnes portées

  6   disparues, le fait que ces derniers aient pu être des civils ou des soldats

  7   n'est pas une question qui nous intéresse du tout.

  8   Q.  Très bien. Alors dites-nous, s'il vous plaît, à quel moment les

  9   autorités en Bosnie-Herzégovine, y compris la commission - qui est une

 10   Commission d'Etat, n'est-ce pas ? - ont-elles reçu les premiers faits sur

 11   les personnes qui avaient trouvé la mort à Srebrenica en juillet 1995 ?

 12   R.  Je crois que c'était environ 15 jours après le mois de juillet 1995,

 13   lorsque les civils -- ou plutôt, lorsqu'une partie des civils, les femmes

 14   et les enfants, avaient quitté pour se rendre à Tuzla. Et je crois que

 15   c'est à ce moment-là qu'ils ont commencé à déclarer les membres masculins

 16   de leurs familles qui sont restés derrière à Srebrenica. Donc les premières

 17   informations sur le nombre de personnes portées disparues à Srebrenica,

 18   principalement en juillet 1995, datent des premières arrivées de personnes

 19   qui avaient été chassées de Srebrenica et qui s'étaient rendues à Tuzla.

 20   Ces derniers avaient, pour la première fois, demandé des informations selon

 21   lesquelles soit leurs fils, leurs pères, leurs grands-pères n'avaient pas

 22   passé à Tuzla, et étaient préoccupés et inquiets de leur sort.

 23   Q.  Bien. Dites-nous maintenant très brièvement, d'après vous, combien de

 24   personnes ont-elles péri à Srebrenica ?

 25   R.  A Potocari, il existe un monument sur lequel on peut lire 

 26   8 372 noms de personnes qui auraient trouvé la mort à la suite des

 27   événements de Srebrenica, et plus tard il s'agissait d'événements à Zepa.

 28   Dans mon institut, on détient des informations sur 8 262 personnes dont la


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  1   mort est directement liée aux événements de Srebrenica du mois de juillet.

  2   Et d'après l'accord international signé avec le gouvernement de la Bosnie-

  3   Herzégovine et la Commission internationale pour les personnes portées

  4   disparues, à la suite de l'exhumation de toutes les victimes, à la suite de

  5   ces informations, on peut arriver au chiffre de 8 000, et ce sont des

  6   exhumations qui ont été vérifiées à la suite de l'ADN grâce au sang qui

  7   avait été donné par les membres de leurs familles. L'ICMP a recueilli près

  8   de 20 000 échantillons de sang des membres de famille des victimes de

  9   Srebrenica. On parle de 22 000 échantillons. Les 22 000 échantillons de

 10   sang portent sur, en tout, 8 700 personnes portées disparues en juillet. Je

 11   crois que le chiffre exact est 7 787 personnes portées disparues.

 12   Toutefois, auprès de l'ICMP aujourd'hui on peut retrouver plus de 160

 13   rapports d'ADN qui ne correspondent pas, qui ne se recoupent pas et qui ne

 14   correspondent pas avec aucun des échantillons de 22 000 gouttes de sang qui

 15   ont été données. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'il existe

 16   des familles à Srebrenica qui n'ont, soit, pas fait don de leur sang, qui

 17   n'ont pas fourni un échantillon, ou qu'il n'existe plus de membre de

 18   famille vivant pouvant donner un échantillon de sang. Donc il pouvait

 19   s'agir, soit du meurtre de l'ensemble d'une famille qui a eu lieu à la

 20   suite des événements de Srebrenica, ou que simplement il n'y a plus de

 21   membres vivants de la famille.

 22   Alors, si l'on prend le chiffre de 7 787 et que vous ajoutez 166, je

 23   crois, à ce chiffre, 166 corps exhumés des fosses communes où l'on a trouvé

 24   des victimes de Srebrenica mais qui ne sont pas recoupés, qui ne

 25   correspondent pas aux échantillons, vous arrivez à un chiffre de 8 000

 26   environ. D'après l'ICMP, le chiffre qu'ils avancent est de 8 100 au cours

 27   de cette période. Mais je crois, je suis persuadé que c'est environ 8 262

 28   personnes, et c'est le nombre de personnes que nous comptons au sein de


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  1   l'institut pour personnes portées disparues.

  2   Q.  Merci. Combien, d'après vous, y avait-il des citoyens à Srebrenica en

  3   juillet 1995 avant les événements ?

  4   R.  Je ne le sais pas et je ne peux pas vous donner de chiffre exact. Je

  5   peux seulement vous donner des chiffres dont j'ai entendu parler. Je ne

  6   sais pas si c'est pertinent pour cette affaire en l'espèce. L'on parlait du

  7   chiffre de 30 à 40 000 citoyens. Il pouvait s'agir d'un très grand nombre

  8   de municipalités, des personnes qui auraient pu quitter leur municipalité

  9   avant qu'elles ne soient enfermées et tuées. Elles auraient peut-être

 10   déménagées à Srebrenica pour y vivre pendant la période de la guerre.

 11   Je voudrais, s'il vous plaît --

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Pourriez-vous répéter, je vous

 13   prie, ce que vous avez dit, Monsieur le Témoin ? Il n'y a pas eu

 14   d'interprétation en langue anglaise. Le micro n'était pas allumé.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas. Je ne crois pas qu'il soit

 16   correct que j'en témoigne comme témoin. Je n'ai pas de chiffres absolument

 17   exacts. Mais dans les médias, on avançait le chiffre de 30 à 40 000

 18   personnes qui vivaient à Srebrenica en juillet 1995. Il pouvait s'agir soit

 19   de citoyens qui y habitaient avant la guerre ou ils sont peut-être venus à

 20   Srebrenica en 1992 provenant d'environ 15 autres municipalités, telles

 21   Bratunac, Zvornik, Vlasenica, Rogatica et d'autres municipalités également

 22   qui, en 1992, étaient habitées par des Bosniens, ou peut-être à la suite de

 23   personnes chassées de leurs municipalités.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Alors essayons, s'il vous plaît, de nous concentrer pour répondre

 27   de façon plus succincte que possible. Est-ce que ceci veut dire que l'ICMP

 28   pouvait affirmer l'identité, grâce à leurs échantillons, de 7 800 personnes


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  1   ?

  2   R.  Non. L'ICMP a pu faire correspondre les échantillons au nombre

  3   d'environ 6 600 correspondances, mais il y a 160 corps pour lesquels il n'y

  4   a pas de recoupement. Et donc, on peut parler de 166 individus sans nom ni

  5   prénom car leur profil ADN ne correspond pas a aucun échantillon. J'ai

  6   parlé de l'ICMP parce que ces derniers ont pu obtenir des échantillons de

  7   sang provenant des familles.

  8   Q.  Je vous remercie. Je vous interromps. C'est très intéressant, mais nous

  9   n'avons pas suffisamment de temps pour cela. Est-il exact de dire que vous

 10   avez trouvé qu'au moins 500 personnes avaient été enterrées à Potocari,

 11   alors que ces derniers n'étaient pas du tout impliqués dans les événements

 12   de Srebrenica en 1995 ? J'ai parlé de 500 personnes. Oui, oui, j'ai bien

 13   voulu dire 500 personnes, effectivement.

 14   R.  Non, ceci n'est pas exact, et personne n'a jamais fait ce type

 15   d'affirmation. Personne de crédible n'aurait pu avancer de genre de

 16   chiffre, 500 personnes enterrées à Potocari et qui n'auraient rien à voir

 17   avec les activités de Srebrenica en 1995.

 18   Q.  Est-il exact de dire que soit vous ou un de vos collègues -- qu'il y

 19   avait encore plusieurs centaines de personnes qui étaient encore en vie,

 20   mais que les membres de leur corps qui avaient été amputés pouvaient

 21   confirmer l'identité grâce à l'ADN ?

 22   R.  C'est ma déclaration à moi, mais ceci n'a rien à voir avec Srebrenica.

 23   Il s'agissait plutôt d'un cimetière de là. Mes collègues avaient essayé de

 24   chercher des personnes portées disparues de Banja Luka, et donc ils ont

 25   procédé à l'exhumation d'enfants et de bébés mort-nés ou d'amputation. Et

 26   je crois qu'ils ont fait par erreur une exhumation de parties de corps

 27   amputées et des bébés mort-nés qui avaient été enterrés dans ce cimetière.

 28   Donc ceci a été fait par erreur. Et dans le contexte de ma déclaration, je


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  1   dis qu'il faut effectivement changer cette erreur, car ces mort-nés et ces

  2   parties de corps amputés se trouvent dans des sacs à la morgue de Sarajevo,

  3   et ce, depuis des années.

  4   Q.  Merci, merci. Nous n'avons plus de temps. Je vous demanderais donc de

  5   donner des réponses très courtes, s'il vous plaît.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche la pièce

  7   1D5516. Excusez-moi, je n'ai pas pu faire traduire ce document. Je ne

  8   croyais pas que le témoin allait confirmer ces faits. Donc je ne demande

  9   pas le versement au dossier de ce document.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Alors, voyez-vous ici :

 12   "Amor Masovic, directeur de l'Institut des personnes portées

 13   disparues, a également confirmé qu'au centre mémorial on pouvait trouver

 14   également des victimes qui étaient apparentées avec les personnes qui sont

 15   déjà enterrées et pour lesquelles on a pu identifier des victimes des

 16   crimes de Srebrenica. Nous sommes venus en aide aux mères et aux membres de

 17   la famille qui, pour des raisons sentimentales, avaient demandé, s'agissant

 18   de leurs fils morts en 1992 ou 1993, de pouvoir enterrer à côté des

 19   personnes qui avaient été tuées dans le cadre du génocide de Srebrenica,"

 20   dit Masovic. "Il affirme qu'eu égard à de telles pratiques, ils ont très

 21   rapidement manqué de lieu pour enterrer les cadavres."

 22   Est-ce que vous avez effectivement fait cette déclaration ?

 23   R.  C'est exact. Au cimetière de Potocari, outre des victimes du mois de

 24   juillet 1995 à Srebrenica, il y a également des membres de leurs familles,

 25   des pères, des frères - et je crois que le chiffre est d'environ 70

 26   personnes - qui ont été enterrés au cimetière sur la base de leur parenté,

 27   et ce, grâce à une fondation qui avait été créée en Bosnie-Herzégovine. Il

 28   était permis que, par exemple, deux frères, un frère qui est mort en 1995


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  1   et un autre mort en 1992, soient enterrés côte à côte au cimetière.

  2   Mais ce qui est très important de dire, c'est qu'effectivement les

  3   victimes de 1992 ne comptent pas parmi les victimes du mois de juillet

  4   1995. Ces victimes n'appartiennent pas à ce groupe-là. Lorsque je vous ai

  5   avancé les chiffres tout à l'heure, à savoir 8 262 et 8 372 personnes,

  6   lorsque j'ai avancé ces chiffres-là tout à l'heure, je vous ai parlé des

  7   personnes qui étaient des victimes qui ont péri à la suite des activités du

  8   mois de juillet 1995. Mais je n'ai pas tenu compte des morts de 1992, 1993

  9   ou 1994.

 10   Je dois vous dire que sur la base d'une parenté, il est tout à fait

 11   possible d'enterrer des centaines ou des milliers de parents des victimes

 12   de juillet 1995, et on a dû finalement arrêter ce type de pratique car il

 13   n'y avait pas suffisamment de place pour enterrer toutes les personnes

 14   mortes en juillet 1995. Et alors, on a dit : Les personnes qui y sont

 15   enterrées, resteront sur place, mais à l'avenir on ne pourra plus enterrer

 16   les membres de familles indépendamment du fait qu'il s'agisse de pères, de

 17   frères, de grands-pères ou de petits-fils. Ces personnes ne pourront plus

 18   être enterrées à Potocari. Ma déclaration, donc, est tout à fait exacte.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer à présent le

 20   1D05024, s'il vous plaît.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  En attendant que cela soit affiché, Monsieur Masovic, est-ce que vous

 23   savez nous dire combien de personnes il y a eu à périr dans la région entre

 24   1992 et 1995 ?

 25   R.  Les gens qui ont péri dans cette région, et j'imagine que vous parlez

 26   de Srebrenica ici, l'enclave, alors c'est des gens qui en majorité, pour la

 27   plupart des cas donc, ont été enterrés, et ça n'a pas fait l'objet de

 28   l'intérêt porté par la Commission d'Etat. Et de nos jours, ça ne fait pas


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  1   l'objet de l'institut nouvellement créé. Donc ils n'ont pas le statut de

  2   personnes disparues. De là à savoir combien de gens il y a eu à périr dans

  3   Srebrenica, autour de Srebrenica ou dans d'autres municipalités de Bosnie-

  4   Herzégovine, je ne les ai pas, ces renseignements. Ça ne fait pas partie de

  5   notre mandat. Parce que ce ne sont pas des disparus, donc je n'ai pas eu à

  6   m'intéresser ni de leur destinée, ni de leur nombre.

  7   Q.  Merci. Est-ce que vous affirmez que lorsqu'un Serbe est tué sur le

  8   territoire serbe ou un Serbe tué sur le territoire musulman, on le restitue

  9   à la famille ou est-ce qu'il est enterré par la partie adverse et on

 10   considère que c'est quelqu'un qui a été tué ? Il est dans les registres de

 11   l'ABiH ou il est enregistré en tant que tel par la VRS, mais c'est

 12   quelqu'un qui a, nonobstant ce fait, été enterré par quelqu'un d'autre,

 13   c'est-à-dire par la partie adverse ?

 14   R.  Je ne sais pas ce que vous voulez dire par là, "enterré par la partie

 15   adverse". S'il est mort sur un territoire qui est le sien, entre

 16   guillemets, il est enterré par sa famille, et cette famille ne le déclare

 17   pas comme étant disparu. Si cet homme a été tué sur le territoire de

 18   l'ennemi, alors la famille déclare cette personne comme étant disparue,

 19   parce qu'elle ne sait pas ce qui est advenu de lui. Elle ne sait pas si

 20   l'individu est vivant, ou s'il est mort, ou s'il est en détention. Et on

 21   déclare donc qu'il s'agit là de quelqu'un de disparu. C'est le principe en

 22   tant que tel.

 23   Il se peut que certaines familles aient appris que l'un des leurs a

 24   été tué sur le territoire de l'ennemi, mais ils n'ont pas déclaré la

 25   disparition parce que, par le biais de certains autres contacts avec des

 26   individus de la partie adverse, ils ont fini par apprendre qu'un membre de

 27   leur famille a été tué ou est décédé et a été enterré à tel endroit, donc

 28   il n'y a pas eu nécessité de déclarer cet individu comme étant quelqu'un de


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  1   disparu.

  2   Q.  Merci. Saviez-vous que les Serbes, après la libération ou la prise,

  3   comme vous le préférez, de Podrinje, ont trouvé en 1993 une cinquantaine de

  4   fosses communes où il y avait entre cinq et 50 cadavres, des gens que les

  5   Musulmans avaient enterrés pendant qu'ils avaient contrôlé le territoire en

  6   question ? Vous le savez ou vous ne le savez pas ?

  7   R.  J'attends le compte rendu. Mais je ne sais pas. C'est la première fois

  8   que j'entends de votre bouche fournir ce type de renseignement.

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Sutherland.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais ce

 11   document qui est sur l'écran, je ne sais pas si c'est la pièce dont on a

 12   parlé puisque c'est un document qui n'était pas sur la liste des documents

 13   pour le contre-interrogatoire, et nous n'avons pas de traduction.

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous aider ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'attendais à ce que M. Masovic me confirme

 16   les chiffres, mais je n'avais pas l'intention de demander un versement

 17   quelconque, mais là je me trouve contraint à le montrer. Et je voudrais

 18   qu'on nous montre la page 6. Je vous demande un peu de compréhension, parce

 19   que je fais preuve de compréhension moi-même.

 20   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais ce n'est pas une réponse à la

 21   question qui vient d'être posée. Docteur Karadzic, ce n'est pas une réponse

 22   à la question qui a été posée par Mme Sutherland.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'avais pas pensé à mettre cela sur la

 24   liste, parce que j'avais considéré que le témoin serait à même de me

 25   confirmer les chiffres. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas annoncé

 26   l'utilisation de ce document. Pour ne pas surcharger la liste des

 27   documents, étant donné que je m'attendais à ce que le renseignement me soit

 28   confirmé par le témoin.


Page 27300

  1   Alors je voudrais demander au témoin de confirmer -- relevez, s'il

  2   vous plaît, un peu la page. Voilà. Alors, Monsieur, est-il exact de dire

  3   que le président Izetbegovic confirme ici que sans la Brigade de Zepa, il y

  4   avait là-bas quelque 4 500 soldats, qu'il y a eu un passage en revue de la

  5   division et qu'il y en a eu de 3 500 de rassemblés ? Un peu plus bas,

  6   Silajdzic dit : Voilà de quoi il s'agit. Tout d'abord, à Srebrenica, ils

  7   ont fourni un chiffre pour la FORPRONU. Mais l'autre chiffre, il n'y a que

  8   nous qui le connaissions. Le président dit : 42 000 pour la FORPRONU, 35

  9   000 pour de bon, pour parler réel. Donc, réellement, il y avait à

 10   Srebrenica 35 000 personnes.

 11   Montrez-nous la page suivante, s'il vous plaît. Nous sommes au 11 août. Il

 12   s'est passé un mois depuis la chute de Srebrenica.

 13   Alors, voyez un peu combien ils sont à être sortis vers Tuzla, 31

 14   000, 31 000, et un millier est parti -- enfin, ils ont dit 670, mais ils

 15   savent que c'est un millier qui sont partis en Serbie. Donc on parle de 32

 16   000. Il manque 3 à 4 000. Et voilà ce que le président dit un peu plus bas

 17   : Le nombre des personnes tuées se situe probablement vers 3 000 personnes.

 18   C'est le chiffre qui est mentionné dès les premières journées là-bas. En

 19   effet, nous avons intercepté un entretien de Chetnik qui dit au téléphone

 20   de façon claire, et c'est authentique, il dit : C'était un massacre hier.

 21   C'était une véritable boucherie. Alors eux, ils disent : Combien, 300 ? Et

 22   l'autre lui répond : Ajoute un zéro. Et cetera, et cetera.

 23   Alors on peut nous montrer la -- non, excusez-moi. Je parle -- c'est

 24   Silajdzic qui dit : Moi, je parle d'un chiffre total, et je crains fort que

 25   ce chiffre ne montre à 5 000. Pendant qu'on était à Kalesija, j'ai appris

 26   qu'il y avait eu un massacre. Et il n'en est pas question. Ça ne fait pas

 27   l'ombre d'un doute, vous savez, que les fosses communes, ça peut être

 28   découvert par des vues prises depuis les satellites.


Page 27301

  1   Puis, il parle de Karadzic, et il dit : Si on se dispute avec tout le

  2   monde, on n'aura aucune chance, donc nous sommes en train de faire des

  3   tactiques. Et ces chiffres disent qu'il y a probablement 

  4   3 000 qui ont péri, et 2 000, on peut espérer qu'ils sont encore dans des

  5   camps. D'autres sont encore en train d'essayer d'opérer des percées.

  6   D'autres sont partis vers Zepa. Ils sont donc quelque 3 000 à avoir péri.

  7   C'est, d'après les rapports des Chetniks, le chiffre le plus probable.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Alors, Monsieur Masovic, la présidence du pays, un mois après la chute

 10   de Srebrenica, sait qu'il y a 31 -- 31 000 personnes d'arrivées à Tuzla,

 11   que 670 étaient passées par Zepa et que quelque 

 12   2 000 encore étaient en train d'errer dans les forêts, et ça aussi, on a

 13   des éléments de preuve qui montrent qu'il y a eu longtemps encore des

 14   groupes à déambuler. Alors, comment pouvez-vous parlez d'un chiffre de 7 à

 15   8 000 personnes qui auraient péri au mois de juillet ?

 16   R.  Ce que vous affirmez que la présidence avait su, c'est une chose que

 17   moi je n'ai pas sue. Moi, je sais que sur 450 sites liés à juillet 1995, on

 18   a retrouvé au moins 6 800 cadavres complets ou incomplets. C'est des

 19   victimes de Srebrenica qui ont été déclarés par leurs familles comme

 20   telles. Et jusqu'à présent, les familles ont déclaré 8 262 victimes de

 21   Srebrenica et Zepa. C'est ce que je sais aujourd'hui, 15 ou 16 années après

 22   juillet 1995, parce que ce sont des données exactes. Ça vient directement

 23   des fosses communes. Hélas, la plupart de ces fosses communes sont des

 24   fosses secondaires.

 25   Et je dois dire quelque chose d'assez stupéfiant : un homme de

 26   Srebrenica a été retrouvé dans quatre fosses communes différentes. Sa tête

 27   et ses mains ont été retrouvées dans Zeleni Jadar 4. Sa jambe ou sa cuisse

 28   droite a été retrouvée à Glogova 01, son tibia droit a été retrouvé à


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  1   Bljeceva 03, et sa jambe gauche complète - fémur, tibia et fibula [phon] -

  2   a été retrouvée à la fosse commune Budak 02. Ces quatre fosses se trouvent

  3   sur le territoire de deux municipalités différentes, sur le territoire de

  4   Srebrenica et de Bratunac.

  5   Q.  Merci.

  6   R.  Et ce qui est pire encore, le corps de cette victime n'a pas encore été

  7   complété.

  8   Q.  Merci. Mais veuillez répondre par des oui ou des non. Est-ce que vous

  9   saviez qu'avant le mois de juillet 1995, la 28e Division avait eu quelque 2

 10   000 victimes, quelque 2 000 morts au combat ? Est-ce que vous le saviez ou

 11   pas ?

 12   R.  Non. Ça n'a pas fait l'objet de ce qui m'intéressait. Ni à l'époque, ni

 13   aujourd'hui.

 14   Q.  Merci. Si je vous dis que la plupart, la grande majorité de ces

 15   combattants musulmans ont été tués sur le territoire serbe et enterrés sur

 16   le territoire serbe, est-ce que c'est là quelque chose que vous considérez

 17   comme étant tout à fait compréhensible ?

 18   R.  Mais je ne sais pas ce que vous considérez être le territoire serbe.

 19   Q.  Le territoire qui était sous contrôle serbe.

 20   R.  Ah, ça c'est autre chose. Ils ont été tués dans les villes et les

 21   villages où ils résidaient, j'imagine. Ils ont malheureusement été enterrés

 22   à l'extérieur de leur lieu de résidence, dans des fosses primaires, puis

 23   déplacés vers des fosses secondaires ou tertiaires.

 24   Q.  Monsieur, moi, je vous parle de la 28e Division qui sortait de la zone

 25   protégée pour faire des incursions dans des zones serbes et qui a perdu

 26   quelque 2 000 hommes. Il n'y en a pas un seul à avoir été tué sur des

 27   territoires contrôlés par les Musulmans mais sur des territoires contrôlés

 28   par les Serbes. Est-ce que vous savez, oui ou non, où ces soldats ont été


Page 27303

  1   enterrés ?

  2   R.  De quelle période vous parlez ici, la totalité de la durée de la guerre

  3   ou juillet 1995 ?

  4   Q.  La durée de la guerre en entier, et en particulier à partir de 1993

  5   lorsqu'il y a eu proclamation d'une zone protégée. C'est des gens qui ont

  6   été tués à l'extérieur de l'enclave, et non pas à l'intérieur de l'enclave.

  7   Et une fois tués, où ont-ils donc été enterrés ?

  8   R.  Mais ça ne peut tout simplement pas être la vérité. Parce que ça

  9   signifierait que leurs familles n'auraient pas voulu déclarer leur

 10   disparition à la Commission de l'Etat. Alors, si c'est sur ces 

 11   2 000 -- enfin, je ne dis pas personne, mais là vous dites 2 000. Mais il

 12   n'y a pas eu centaine ou plusieurs dizaines de personnes qui auraient été

 13   tuées sur les territoires contrôlés par les Serbes, comme vous le dites,

 14   qui n'auraient pas fait l'objet d'une déclaration. Parce que s'ils ont

 15   véritablement été tués sur des territoires contrôlés par les Serbes, il eut

 16   été logique que leur commandement, si ce n'est pas leurs familles, déclare

 17   à la Commission d'Etat de Sarajevo leur disparition. Mais ça ne s'est pas

 18   passé, donc ce renseignement ne peut en aucun cas être vrai. Ça

 19   signifierait que les familles ne voulaient pas déclarer la disparition de

 20   leurs maris, de leurs pères, de leurs fils, frères, et cetera. C'est

 21   impossible. En Bosnie-Herzégovine, ça ne s'est jamais produit.

 22   Q.  Monsieur, si l'armée a consigné ses pertes au quotidien, pourquoi

 23   voulez-vous qu'elle le déclare ? L'armée savait qu'il y a eu des morts.

 24   Pourquoi voulez-vous qu'elle déclare, vous les déclare alors qu'elle savait

 25   pertinemment bien que ces hommes étaient tués dans des opérations ?

 26   Pourquoi voulez-vous qu'ils vous les 

 27   déclarent ?

 28   R.  Mais oui, bien sûr qu'ils sont censés les déclarer. Parce que le nom de


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  1   la commission dans laquelle je travaille, c'est la Commission d'Etat des

  2   prisonniers de guerre, des personnes détenues, et chargée des corps des

  3   personnes tuées et du registre des personnes mortes et disparues. Donc,

  4   nous, notre mission était de récupérer les restes, les dépouilles, de tous

  5   les membres de l'armée ou de tous les civils, et cetera. Le fait que

  6   l'armée ait eu à connaître le nombre de personnes tuées, ça ne met pas un

  7   terme à la mission de la commission, si cela est exact. Mais moi, j'affirme

  8   que cela ne peut pas être exact parce que cela signifierait que les

  9   familles auraient été désintéressées par le sort de leurs proches, et c'est

 10   impossible.

 11   Q.  Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je voudrais demander le versement au

 13   dossier de cette transcription des échanges entre les membres de la

 14   présidence, en attendant une traduction de ce document.

 15   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Sutherland.

 16   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a dit

 17   qu'il ne savait pas ce qui se passait au sein de la présidence, et M.

 18   Karadzic a donné lecture des parties pertinentes de toute manière.

 19   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, de mon avis, Monsieur Karadzic,

 20   c'est les parties pertinentes du document. Ce sont les seules parties que

 21   nous allons prendre en considération. Vous avez posé des questions qui sont

 22   consignées. Les choses sont identifiables, donc il n'est point nécessaire

 23   de demander un versement du reste.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Puis-je maintenant demander l'affichage

 25   de la pièce 1D5518, s'il vous plaît.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Avez-vous été présent à cette session ? Parce que tout à l'heure

 28   vous nous avez dit que vous n'étiez pas présent à cette session où on a


Page 27305

  1   déterminé le fait qu'à Tarcin c'est des civils qui sont détenus, qui ne

  2   devraient pas être là-bas. Le compte rendu dit que vous aviez été présent à

  3   cette réunion.

  4   R.  J'ai été présent à la session de la présidence qui avait trait à un

  5   certain point de l'ordre du jour. Je n'étais pas présent à la totalité de

  6   la réunion de la présidence. Ils avaient une dizaine de points à l'ordre du

  7   jour, et il y en avait un qui me concernait ou qui nécessitait ma présence

  8   pour que je sois un rapporteur éventuellement. Donc je vous confirme que

  9   j'ai été présent à la session de la présidence lorsqu'il a été question du

 10   statut des prisonniers dans la prison de silo à Tarcin.

 11   Q.  Merci. Alors pouvez-vous, je vous prie, me dire qu'on a ici la

 12   présentation tabellaire des exhumations pour la région de Srebrenica pour

 13   dix municipalités où il y a eu exhumations entre 1995 et 2006 ? Alors

 14   pouvez-vous nous montrer la dernière page, s'il vous plaît. Regardez ici :

 15   fosse commune, fosse individuelle et charnier. Alors, charnier, fosse

 16   commune et tombe individuelle. Est-ce que vous aviez eu à connaître cette

 17   présentation tabellaire ?

 18   Pendant toute la durée de la guerre, Monsieur Masovic, il a été

 19   exhumé un total de 8 831 corps, et vous pouvez voir les dates des décès. Et

 20   ça, vous le voyez sur un territoire de dix municipalités, toute la région

 21   de la vallée de la Drina, de Podrinje, pendant trois années et demie de

 22   guerre, donc 30 et quelques mois, montre qu'il a été exhumé à partir de

 23   tombes individuelles 1 313, et de charniers, 7 503 personnes.

 24   Qu'allez-vous me dire maintenant ?

 25   R.  Ce document se rapporte - si c'est bien exact ce que dit le titre -

 26   entre 1995 et 2006. Il n'y a pas les renseignements liés aux six ou sept

 27   dernières années. Je ne sais pas qui a fourni ces chiffres. Il se peut que

 28   ce soit l'institut qui les ait fournis, puisqu'il est question de 2006.


Page 27306

  1   Probablement est-ce la Commission fédérale chargées des personnes

  2   disparues. Mais je ne vois pas partant du titre de quoi il s'agit. Est-ce

  3   qu'il s'agit ici d'une liste de charniers ? Du nombre de victimes ? De quoi

  4   s'agit-il, en fait ?

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on relève la page pour que l'on

  6   en voie la partie inférieure.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je vois le bas de la page. Voilà. On voit

  8   que c'est des données émanant de la Commission fédérale, comme je l'ai

  9   supposé, Commission fédérale chargée des personnes disparues. La date est

 10   celle du mois de mai 2007.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Merci. En somme, à l'époque, on avait affirmé que rien qu'à Srebrenica,

 13   en juillet 1995, il y a eu 8 000 Musulmans avoir péri. Or, vous voyez qu'on

 14   savait pertinemment bien que dans toute la région, dans la région au total

 15   pendant la durée totale de la guerre -- et je vous demande de redescendre

 16   la page pour qu'on puisse voir les dates des décès. Baissez un peu, s'il

 17   vous plaît, le texte. Oui. Ici, il n'y a pas les dates, mais je vais vous

 18   montrer un autre document où il y a les dates des décès.

 19   Alors, est-ce que vous ne pensez pas qu'ici il s'agit de dix

 20   municipalités d'une région au total ? Il y a Zvornik, Vlasenica, Bratunac,

 21   Srebrenica. Je ne sais pas si vous avez compté Milici comme étant une

 22   municipalité à part. Mais au total, ces municipalités sont au nombre de

 23   dix.

 24   R.  Si ce n'est pas une difficulté, j'aimerais qu'on me ramène la première

 25   page pour voir un peu ce que cette liste nous montre. Est-ce que ça se

 26   rapporte seulement aux victimes de Srebrenica en juillet 1995 ou à autre

 27   chose ?

 28   Q.  Ça se rapporte aux victimes pendant toute la durée de la guerre. Je


Page 27307

  1   vais vous montrer un autre document pour vous l'illustrer. Ça, c'est ce

  2   qu'on a exhumé à l'époque.

  3   Alors, quand y a-t-il eu des enterrements à Tombak Mahala ? C'est des

  4   gens de Bijeljina, n'est-ce pas ? On est en train de parler fin mars, 31

  5   mars 1992, et le 2 avril; c'est bien cela ?

  6   R.  Je ne sais pas quand est-ce que les enterrements ont eu lieu, mais les

  7   disparitions à Bijeljina commencent le 1er avril 1992. Je le suppose, on ne

  8   le voit pas dans le tableau, mais je suppose que les victimes qu'on dit

  9   avoir été exhumées à Tombak Mahala c'est des gens qui probablement, en 1992

 10   ou 1993, ont été enterrés là.

 11   Q.  Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de ce

 13   document pour passer à un autre document.

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Sutherland.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne suis pas sûre de

 16   ce que le témoin a dit en réalité au sujet de ce document.

 17   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Eh bien, il a été fait référence à

 18   certaines parties de ce document, et je crois que les Juges de la Chambre

 19   devraient disposer de ceci pour placer la transcription ou compte rendu

 20   dans le contexte. Je crois que ça devrait être versé au dossier à cette

 21   fin.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P2229, Madame,

 23   Messieurs les Juges.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que vous maintenez le fait -- ou l'affirmation qui est celle de

 27   dire que tout ce qui a été exhumé de ces fosses indique la possibilité de

 28   déterminer aussi la façon dont sont décédées les personnes exhumées de ces


Page 27308

  1   charniers ou de ces tombes individuelles ?

  2   R.  Moi, je ne suis pas un témoin oculaire. Partant du fait qu'ils ont pour

  3   l'essentiel été enterrés en majeure partie dans des charniers, et l'énorme

  4   majorité ou la majorité tout court avaient été déplacés vers des fosses

  5   tertiaires ou secondaires, on peut, je pense, tirer des conclusions liés à

  6   des exécutions illicites. Parce que pourquoi enterrerait-on des gens dans

  7   des charniers ? Pourquoi entrerait-on avec des bulldozers dans ces

  8   charniers pour déchiqueter des corps et transporter à bord de camions des

  9   parties de cadavres vers quatre sites différents et pour les ré-enterrer

 10   dans des fosses secondaires ? S'il n'y a pas eu d'exécutions contraires à

 11   la légalité, quelle pourrait être la réponse pour dire quelles sont les

 12   raisons pour lesquelles quelqu'un aurait fait cela si la chose avait été

 13   légale ?

 14   Q.  Donc c'est votre thèse, c'est cette logique ou cette analogie-là que

 15   vous promenez comme raison principale ?

 16   R.  Vous savez qu'il y a des survivants, des témoins qui ont témoigné

 17   d'exécutions massives, qui ont été présents lors des enterrements de

 18   certaines victimes. Vous le savez partant des autres procès. J'ai suivi les

 19   choses. Il y a des gens initiés qui avaient parlé d'exécutions de centaines

 20   ou de milliers de personnes à Kravica, à Branjevo, Pilica, et cetera. Puis,

 21   il y a des prises de vue faites par des satellites qui montrent les sites

 22   d'enterrement. Et c'est une petite quantité d'éléments de preuve dont je

 23   suis au courant qui indiquent que c'est de façon illicite que l'on a

 24   exécuté des gens pour les placer dans ces fosses communes.

 25   Q.  Merci.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant, s'il

 27   vous plaît, la pièce 1D5517.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 27309

  1   Q.  Penchez-vous, s'il vous plaît, sur ceci. Il y a des discordances pour

  2   ce qui est des dates de disparition entre la liste présentée par

  3   l'Accusation en 2005 et la liste Srebrenica et les renseignements fournis

  4   par l'ABiH. Alors, êtes-vous au courant de ces discordances ? Les gens de

  5   l'armée ont pris des renseignements qui étaient ceux de l'ABiH où la date

  6   était, par exemple, le 10 janvier 1994, et puis ensuite ça a été corrigé --

  7   par exemple, pour le cinquième sur la liste.

  8   On ne va pas rediffuser ceci vers l'extérieur. Peut-être faut-il

  9   garder ceci à l'intérieur du prétoire.

 10   Alors il a été consigné qu'il y a eu correction. On dit 12 juillet

 11   1995. Buljim, c'est le site, et on parle de Glogova 2 où l'individu en

 12   question aurait été retrouvé. Puis, les autres, les deux ou quatre ou cinq

 13   suivants ne sont pas contestés. On dit qu'il a péri le 26 avril 1992. Puis,

 14   le 26 avril 1992, puis le 4 janvier 1994, retrouvé à Kozluk. Puis, on va un

 15   peu plus loin. Le sixième est contesté puis rectifié, et puis viennent les

 16   autres noms.

 17   Alors voyez un peu combien de rectificatifs il y a eu. Je ne vais pas

 18   en donner lecture.

 19   Je ne sais pas si c'est un document versé au dossier sous pli scellé.

 20   Alors vous voyez qu'un sur cinq se trouve être rectifié. Vers le bas

 21   de la page, il y en a même un peu plus. Alors l'armée dispose de

 22   renseignements disant que le 15 mai, vers le milieu, 15 mai 1992, décès,

 23   enterré à Cancari puis retrouvé -- non, retrouvé à Cancari.

 24   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise que M. Karadzic est très confus.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Penchez-vous vers le bas de page qui dit : L'armée dit qu'il est mort

 27   le 22 avril 1992, puis on l'a corrigé pour le 12 juillet 1995.

 28   Comment, en 1994, l'armée pouvait-elle prévoir que cet homme allait


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  1   mourir en 1995 ? Et c'est des gens qu'on a retrouvés dans des fosses

  2   communes, n'est-ce pas ?

  3   R.  Moi, ce document, c'est la première fois de ma vie que je le vois. Je

  4   ne suis pas en mesure de commenter. Je ne l'ai pas rédigé et je ne l'ai pas

  5   vu.

  6   Mais je vais vous dire autre chose. A Srebrenica, il y a huit

  7   personnes qui ont le même nom et prénom, et ils sont tous des disparus. Il

  8   y a deux cas de figure en Bosnie-Herzégovine de ce genre. Huit hommes

  9   portant les mêmes nom et prénom, et ils sont tous disparus. Il y a quatre

 10   homme qui portent -- enfin, quatre cas de figure où il y a le même prénom

 11   avec sept personnes d'impliquées. Huit cas de figure où il y a six

 12   personnes ayant les mêmes nom et prénom. Six cas de figure où les mêmes

 13   noms et prénom sont portés par cinq individus. Donc il y a 779 cas de

 14   figure où le nom et le prénom sont les mêmes pour deux personnes et les

 15   deux sont disparues. Ce que je veux dire par là, c'est pour faire des

 16   comparaisons, il faut que vous ayez des renseignements complets au sujet de

 17   chacune de ces victimes pour savoir s'il s'agit de deux personnes

 18   différentes ou s'il s'agit de la même personne.

 19   Q.  S'agissant de données comme le nom du père, la date de naissance, ces

 20   données vous aident-elles ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous voyez ici la date de naissance. Vous voyez les informations sur la

 23   page suivante.

 24   S'il vous plaît, veuillez nous afficher la page suivante.

 25   Alors vous voyez, ici les choses ne sont pas corrigées, et nous nous posons

 26   la question sur la base de laquelle ce qui a été corrigé y a été corrigé.

 27   Vous voyez ici le nom du père et la date de naissance. Il s'agit de quatre

 28   points qui ne peuvent pas se recouper pour plus de deux personnes, n'est-ce


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  1   pas ? Ce sont des données qui ne peuvent correspondre qu'à une seule

  2   personne. Voyez-vous, ici nous avons des endroits d'enterrement découverts

  3   par l'ICMP. Est-ce que vous doutez du fait que ces personnes aient été

  4   trouvées dans des fosses communes ou est-ce que vous acceptez que l'ICMP

  5   ait retrouvé dans des fosses communes des corps de personnes ayant trouvé

  6   la mort même avant ces dates ? Et est-ce que vous affirmez que ceci n'est

  7   pas du tout contesté ? Liplje, Bljeceva, Cancari 1, 2, 3 et 5, Vlasenica,

  8   Zeleni Jadar. Dans toutes ces tombes, on peut constater qu'on a trouvé des

  9   corps de personnes qui ont trouvé la mort bien avant ces dates. Est-ce que

 10   ceci est possible, d'après vous, d'après vos connaissances ? Laissons de

 11   côté vos opinions. Les opinions, ces comme des boutons sur une chemise.

 12   R.  Je peux répéter quelque chose.

 13   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, vous avez posé au

 14   moins six questions dans cette question. C'était en fait plutôt une

 15   déclaration qui est la vôtre. Alors qu'il vous reste environ encore 15

 16   minutes, quelle est l'information essentielle que vous voulez tirer de ce

 17   témoin dans ces questions ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je veux que le témoin nous

 19   dise s'il est possible que s'agissant de ces 260 et quelques personnes pour

 20   lesquelles on n'a pas trouvé de recoupement, est-il possible que ces

 21   personnes aient pu être enterrées dans des fosses communes, alors que l'on

 22   voit que ces personnes avaient trouvé la mort avant, et ceci a été par la

 23   suite corrigé même si l'armée détient des informations sur le fait que ces

 24   personnes avaient trouvé la mort bien avant ? Est-ce qu'il est tout à fait

 25   possible que l'on ait pu enterrer dans ces fosses communes des personnes

 26   qui avaient été mortes au cours des périodes précédentes ? Et d'ailleurs,

 27   nous avons cette liste pour mieux le confirmer. Le témoin était quelqu'un

 28   qui a participé au groupe d'experts qui a pris part aux exhumations et qui


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  1   a fait partie du groupe d'experts.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je répète, je ne peux pas faire de

  3   commentaire sur un document que je n'avais jamais vu avant ceci. Je n'ai

  4   pas non plus participé à la rédaction de ce document. D'ailleurs, dans ce

  5   document, vous n'avez pas suffisamment d'éléments vous permettant de tirer

  6   quelque conclusion que ce soit, et ce, sur la base de ce que je vous ai dit

  7   un peu plus tôt. Vous avez, par exemple, huit personnes pour lesquelles

  8   vous avez, par exemple, le même nom du père. J'ai des données de ce type

  9   même dans ma chambre d'hôtel. Donc vous avez des personnes qui sont nées à

 10   la même date. Ils n'ont peut-être pas la même date mais la même année de

 11   naissance, et leurs pères portent le même nom. Alors il y a des cas où vous

 12   avez quatre éléments importants qui correspondent.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Ecoutez, prenez, par exemple, Omerovic au point 15, Tahir, fils de

 15   Zahir. Où est-ce que vous l'enregistrez ? Où est-il mort et de quelle façon

 16   d'après vous ? Il a été trouvé à Hodzici sur la route 5. Où est-il mort ?

 17   De quelle façon est-il mort ?

 18   R.  La tombe Hodzici 5 est la tombe sur laquelle -- c'est le Tribunal de La

 19   Haye qui a travaillé sur son exhumation. Donc ce n'est pas notre institut.

 20   Ce n'est personne d'autre que les enquêteurs du Tribunal de La Haye. Toutes

 21   les personnes ayant été identifiées dans la fosse Hodzici 5 sont des

 22   personnes qui ont été portées disparues de Srebrenica en juillet 1995. Mais

 23   il existe également un cas, et je vais vous donner cet exemple : on a

 24   trouvé dans une même tombe des victimes ayant trouvé la mort en 1992 et

 25   d'autres personnes ayant trouvé la mort en 1995. Vous pouvez le voir dans

 26   mon tableau numéro 2, qui est versé au dossier -- qui figure au dossier

 27   dans cette affaire. Donc, s'agissant des tombes qui ont été exhumées et qui

 28   contenaient des corps de combattants bosniens en 1992, plus tard on a


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  1   apporté des cadavres de 1995 dans la même tombe. Mais nous avons très

  2   clairement séparé les deux. Vous le verrez dans mon tableau numéro 2, nous

  3   avons très clairement identifié qui étaient des victimes de Bljeceva de

  4   1992 et qui a été tué en 1995. Nous n'avons donc pas parlé des victimes de

  5   1992 comme étant des victimes de 1995. Il est tout à fait clair de voir à

  6   cet endroit-là en quelle année les personnes ont-elles péri. Et vous verrez

  7   que s'agissant de 120 personnes qui sont des victimes de Srebrenica, elles

  8   sont identifiées comme étant dans le tombeau de Bljeceva. Vous avez 120

  9   personnes de 1994 et vous avez 30 victimes de 1992.

 10   Q.  Très bien. Alors dites-nous quelles sont vos connaissances s'agissant

 11   du ratissage du terrain ? Est-ce que l'on enterre les cadavres que l'on y

 12   retrouve de façon individuelle ou bien tous ces cadavres sont-ils placés

 13   dans une même fosse, dans une fosse 

 14   commune ?

 15   R.  Je n'ai absolument aucune expérience s'agissant du ratissage du

 16   terrain. Pendant la guerre, il était impossible de se rendre sur le terrain

 17   ennemi pour procéder au ratissage du terrain. Je ne sais pas, ceci doit

 18   sûrement dépendre d'une série de circonstances. Le facteur temporel est

 19   très important, le terrain est important également, et également le fait de

 20   savoir qui sont les victimes. Donc il y a une série d'éléments qui font en

 21   sorte que le ratissage du terrain peut sûrement être bien différent dans

 22   chaque cas. Je n'ai aucune expérience du ratissage du terrain.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je demanderais le versement au

 24   dossier de cette liste. Il s'agit de cinq pages.

 25   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Sutherland.

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vois pas de

 27   raison pour m'opposer au versement au dossier de cette liste. Le témoin a

 28   déclaré -- ou plutôt, a parlé du document parce que M. Karadzic lui a


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  1   montré certaines entrées, mais il a dit qu'il n'en est pas l'auteur. Il ne

  2   peut pas parler sur la teneur du document non plus --

  3   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Justement, j'étais de cette même

  4   opinion. En fait, il y a un nombre d'informations limitées que le témoin a

  5   pu nous donner, et donc tout figure au compte rendu d'audience.

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui. Justement, c'était ma réaction

  7   initiale. Donc oui, je suis d'accord avec vous, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Bien. Donc j'aurais peut-être dû

  9   vous demander avant, Madame Sutherland, est-ce que vous avez des questions

 10   supplémentaires à poser au témoin ?

 11   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Très brièvement, une ou deux questions.

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Très bien. Merci.

 13   Docteur Karadzic, de nouveau, je vais vous dire que les éléments les

 14   plus essentiels sont contenus dans le compte rendu d'audience, donc il

 15   n'est pas nécessaire de faire verser au dossier cette liste. Et alors que

 16   j'y réfléchis, le dernier document qui a été versé au dossier et à qui on a

 17   donné la cote ID5518 aurait dû, en fait, être versée au dossier aux fins

 18   d'identification car ce document ne comporte pas de traduction. Merci.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Excellences, dans cette déclaration,

 20   j'ai 118 paragraphes. Le témoin a bien voulu nous donner la réponse selon

 21   laquelle il nous a dit que certaines déclarations n'ont pas fait l'objet de

 22   ses préoccupations. Mais j'aimerais, voilà, vous demander si vous

 23   permettriez que M. Masovic reste encore un volet d'audience demain, car

 24   nous allons sans doute pouvoir terminer avec l'audition du Témoin 084 très

 25   rapidement. Il s'agit de documents volumineux. Et je vous demanderais de

 26   bien vouloir m'accorder cette demande.

 27   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais j'ai cru comprendre que le

 28   témoin doit partir tôt demain matin. Il a un billet d'avion. Il doit


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  1   quitter La Haye à 9 heures du matin, donc je ne crois pas que nous allons

  2   pouvoir terminer l'autre témoin avant lui, et je ne vois vraiment pas

  3   comment ceci pourrait être organisé.

  4   Docteur Karadzic, nous avons fait de notre mieux pour vous venir en aide à

  5   la lumière des circonstances.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je demanderais maintenant que

  7   l'on se concentre ensemble sur la pièce 1D5520.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Masovic, combien de Serbes sont-ils disparus à Sarajevo ? Vous

 10   nous avez dit que les Serbes ne déclaraient pas la disparition de leurs

 11   êtres chers, ni avant la guerre, ni après la guerre -- mais après la

 12   guerre, oui, à quelques reprises; est-ce que c'est bien ce que vous avez

 13   déclaré ?

 14   R.  Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Certaines familles serbes

 15   déclaraient la disparition de leurs êtres chers à la Commission d'Etat pour

 16   les personnes portées disparues, mais je suis d'accord avec vous pour dire

 17   que la plupart des personnes de nationalité serbe avaient déclaré leurs

 18   êtres chers pendant la guerre, et c'étaient aux collègues chargés de la

 19   Commission centrale pour l'échange des prisonniers de guerre. D'après les

 20   informations que je détiens grâce à mon travail dans d'autres commissions

 21   et aujourd'hui grâce à mon travail dans l'Institut pour les personnes

 22   portées disparues, ce chiffre, et je vais donner le chiffre total, donc les

 23   personnes de nationalité serbe de la municipalité de Sarajevo, comportant

 24   15 municipalités - Hadzic [phon] et Trnovo, Stari Grad, Centar et Novo

 25   Sarajevo - ces personnes qu'on -- il s'agit de 150 à 100 --

 26   L'INTERPRÈTE : -- inaudible.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] -- 350 à 380. Il ne s'agit pas de nombre total

 28   de Serbes qui ont péri. Les raisons principales pour leur mort, c'est le


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  1   pilonnage à la ville de Sarajevo. Il existe également des cas dans lesquels

  2   les ressortissants serbes sont tués dans la ville de Sarajevo, n'étant pas

  3   victimes ni de pilonnage ni de tirs embusqués.

  4   Nous connaissons les cas de la famille Ristovic, où six membres de

  5   leur famille ont été tués à Sarajevo. Leurs noms ne figurent pas sur la

  6   liste des personnes portées disparues, car leurs corps ont été remis à

  7   leurs familles et ces derniers sont enterrés au cimetière de Lav. Mais nous

  8   pouvons dire que le nombre de Serbes tués à Sarajevo est supérieur à ce

  9   chiffre de 350 à 380, parmi ceux qui ont été déclarés comme personnes

 10   portées disparues. Donc, ce chiffre peut -- selon certaines organisations

 11   non gouvernementales, le chiffre total d'environ 450 personnes, s'agissant

 12   des personnes qui ont été tuées pour lesquelles les personnes vivant à

 13   Sarajevo, pourraient être responsables, y compris les membres de certaines

 14   formations militaires. Et vous savez qu'on a également eu des procès

 15   intentés à l'encontre de certaines personnes qui étaient disponibles et qui

 16   sont responsables de la mort de la famille Ristovic et d'autres --

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Merci, merci. Si on avait du temps, ce serait une bonne chose que de

 19   vous entendre, mais là, je voudrais qu'on vous montre la page suivante.

 20   Moi, ce que je voudrais, Monsieur Masovic, c'est vous montrer des listes

 21   caduques de Serbes qui sont disparus ou tués pour la partie de Sarajevo qui

 22   était placée sous le contrôle de l'ABiH, c'est-à-dire des Musulmans, et

 23   cette liste-là nous dit qu'il y a plus de 3 200 personnes. Et les listes

 24   les plus récentes avec noms, prénoms, lieux, renseignements forts précis

 25   nous disent plus de 5 500 Serbes tués dans Sarajevo sous l'autorité

 26   musulmane. Alors, est-ce que vous avez sur vos listes les gens que vous

 27   voyez ici ?

 28   Des pages comme celle-ci, il y en a 180. Vous pouvez demander à ce


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  1   que ce soit feuilleté pour que vous puissiez voir le reste.

  2   Alors ici, on dit restaurant Amerikanac, juillet 1992, siège du

  3   commandement d'une formation paramilitaire. Troisième, disparu à Sarajevo

  4  le 1er juillet 1992. Quatrième, emmenée de chez elle, de Civljane. Avec nom,

  5   prénom, le nom du père, l'année de naissance. Par exemple, celle-là était

  6   née en 1905, cette vielle femme. On l'a emmenée, on l'est sortie de son

  7   appartement.

  8   Alors, qu'allez-vous dire, Monsieur Masovic, lorsque ici il sera

  9   prouvé que plus de 5 500 Serbes ont été tués dans cette petite partie de

 10   Sarajevo placée sous le contrôle musulman ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on vous montre la page 2, puis

 12   la page 3, pour que vous puissiez vous en faire une idée.

 13   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, autorisez donc le

 14   témoin à répondre avant que de passer à autre chose.

 15   Monsieur Masovic, dites-nous d'abord si vous avez de par le passé déjà vu

 16   ce document et est-ce que vous avez des connaissances au sujet de sa teneur

 17   ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je vois ce document

 19   aujourd'hui. Je n'ai aucune connaissance afférente à ce document. On ne

 20   voit pas qui en est l'auteur. Si je devais m'aventurer à analyser tout

 21   ceci, je vous dirais que j'en connais assez long. Je pourrais parcourir le

 22   document entier pour commenter éventuellement, mais je n'en vois pas la

 23   nécessité, parce que c'est quelque chose que je vois pour la première fois.

 24   Les noms que je suis en train de lire, et qu'on est en train de me montrer,

 25   ne me disent rien.

 26   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, vous avez obtenu

 27   une réponse. Il n'y aucune raison de parcourir ce document avec ce témoin.

 28   Bien entendu, pas en ce moment-ci. Il serait préférable, une fois que le


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  1   moment soit venu, de demander son versement au dossier sans passer par le

  2   biais d'un témoin.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Masovic, vous avez parlé d'échange de civils et vous avez dit

  6   que ce n'est que plus tard que vous aviez accepté de procéder à des

  7   échanges de civils. Vous nous avez dit que les Serbes vous avaient proposé

  8   d'échanger des civils musulmans contre des civils serbes; est-ce bien exact

  9   ?

 10   R.  Eh bien, il faut que nous fassions une distinction. Il y a deux groupes

 11   de civils : des civils qui n'étaient pas en prison et des civils qui se

 12   trouvaient dans des prisons. Quand on parle de façon générale de civils, il

 13   faut bien faire une distinction. Il y en avait qui étaient dans des prisons

 14   et d'autres pas. Ce à quoi se rapportait mon rapport, c'était les deux,

 15   c'est-à-dire une tentative de faire en sorte que les gens qui ne sont pas

 16   détenus fassent partie d'un processus d'échange de population. C'est un

 17   processus de nettoyage ethnique des territoires.

 18   Q.  Bon. Merci. Est-il exact de dire que sur le pont de l'unité de la

 19   fraternité il y a eu des échanges non seulement de prisonniers de guerre,

 20   mais que des gens suivant des listes établies par les familles de l'autre

 21   côté avaient traversé la ligne de confrontation pour aller de l'autre côté,

 22   rien que dans la ville de Sarajevo.

 23   R.  Si ça s'est produit, c'était absolument hors du mandat qui est le

 24   nôtre. La commission d'Etat n'y a pas participé, si tant est que ça s'est

 25   bien produit.

 26   Q.  Très bien. Merci.

 27   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, Docteur Karadzic,

 28   ceci doit être votre dernière question, parce que indépendamment de tout le


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  1   reste, il faut que nous levions l'audience du fait de notre personnel. Il

  2   faut assurer quelques minutes pour les questions complémentaires.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Il faudra qu'on fasse revenir ce témoin

  4   une autre fois, alors.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que les Serbes se seraient fâchés si vous aviez lâché ou laissé

  7   partir les 3 000 Serbes de Sarajevo, demandé par Bulajic, sans demander en

  8   échange des Musulmans ? Est-ce que vous auriez accepté de relâcher des

  9   Serbes si les Serbes de l'autre côté ne relâchaient pas ou ne laissaient

 10   pas passer des Musulmans ?

 11   R.  Vous avez vu dans mon rapport que j'ai absolument refusé toute idée de

 12   m'entretenir avec M. Bulajic au sujet d'un nettoyage ethnique.

 13   Q.  Non, non, attendez. Ma question, moi, je parle -- vous parlez

 14   d'échange. Moi, je vous parle de la demande qui consiste à relâcher des

 15   gens. Il vous a donné une liste de Serbes qui avaient exprimé le souhaite

 16   de quitter Sarajevo. Alors, est-ce que vous pensez que les Serbes ne les

 17   auraient pas laissé entrer de l'autre côté si -- quand bien même il n'y

 18   aurait pas eu échange ?

 19   R.  Mais ça, c'est véritablement une question hypothétique. Comment voulez-

 20   vous que je sache ce que les uns ou les autres auraient pensé ? Moi, je ne

 21   voulais pas participer à des activités aussi peu honorables, c'est-à-dire

 22   faire en sorte que les gens quittent leurs maisons ou leurs appartements,

 23   et ce, indépendamment du fait de savoir s'ils le souhaitaient ou pas, sans

 24   entrer dans le détail de ce qu'ils voulaient. Moi, j'ai reconnu un nom et

 25   prénom et sur la liste des 3 000. Ce n'est pas moi qui l'ai reconnu. C'est

 26   un collègue à moi, un avocat, Slavko Asceric, qui, à ce moment-là, était

 27   chef de la commission des échanges et ministre adjoint de la police de la

 28   République de Bosnie-Herzégovine. Quand il a vu son propre nom et le nom de


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  1   son épouse, pour voir, donc, que la partie adverse, la partie serbe, le

  2   réclamait, le demandait à ce qu'il sorte de Sarajevo, il a ri. Il m'a

  3   montré du doigt son propre nom et le nom de sa femme, et moi, après cela,

  4   j'ai tout simplement rendu la liste à M. Bulajic, et je lui ai dit :

  5   Monsieur Bulajic, je n'ai pas besoin de l'annuaire téléphonique des Serbes

  6   à Sarajevo.

  7   M. LE JUGE MORRISON : [aucune interprétation]

  8   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, je crois qu'il a

 10   répondu à sa façon, et restons en là.

 11   Madame Sutherland, vous avez la parole.

 12   Nouvel interrogatoire par Mme Sutherland :

 13   Q.  [interprétation] Monsieur Masovic, au fil des quelques dernières

 14   réponses aux questions posées par M. Karadzic, vous avez dit que dans votre

 15   rapport il est fait référence à des échanges de civils, et vous avez

 16   mentionné un nettoyage ethnique à cet effet. Alors en le disant, est-ce que

 17   vous faites référence à votre déclaration consolidée ? Dans le rapport,

 18   vous avez eu à l'esprit, donc, cette déclaration consolidée où il est

 19   question des échanges sous pression des Serbes de Bosnie pour procéder à

 20   des échanges de civils, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Un peu plus tôt dans la journée d'aujourd'hui, M. Karadzic, et je me

 23   réfère à la page 75 du compte rendu --

 24   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Nous avons au plus deux minutes à

 25   notre disposition avant la fin de la bande d'enregistrement.

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   Q.  Il a dit qu'il a su quel était le nombre de personnes relâchées de

 28   Manjaca pour aller vers des pays tiers, et vous nous avez dit que, en page


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  1   76, ça a fait l'objet de protestations du CICR auprès des autorités serbes,

  2   et je crois que vous allez vous en souvenir.

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il fait référence au 65 ter 13031, que je

  4   voudrais qu'on nous montre sur nos écrans, s'il vous plaît.

  5   Q.  Non, c'est le 11031. Je me suis trompée de référence. Il s'agit d'une

  6   communication à l'intention des médias numéro 92, 16 décembre 1992, émanant

  7   du CICR. Et voyez au paragraphe 2 qu'on laisse entendre qu'il est question

  8   de relâcher des prisonniers de Manjaca alors que le CICR avait demandé des

  9   informations portant sur 529 détenus transférés de Manjaca, sans qu'il y

 10   ait connaissance de ce qui s'était passé. Est-ce que c'est à cela que vous

 11   faites référence ?

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vois que le témoin hoche de la

 13   tête, pour les besoins du compte rendu.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est en effet la protestation du CICR

 15   pour le fait d'avoir dissimulé 529. Moi, je dis 500.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas une protestation, c'est une

 17   demande.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais je

 19   n'ai pas le temps de montrer le P03727, qui est une note officielle pour ce

 20   qui est du camp Batkovic.

 21   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, mais le témoin ne peut pas

 22   parler de cela.

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, on parle de la date du 13 décembre.

 24   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, mais nous n'avons plus le

 25   temps.

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser.

 27   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Masovic, merci beaucoup

 28   d'être venu au Tribunal. Votre témoignage vient de prendre fin, et je vous


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  1   souhaite et nous vous souhaitons un bon voyage retour chez vous.

  2   Nous allons lever l'audience, et nous allons nous retrouver ici demain

  3   matin à 8 heures.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les Juges.

  5   --- L'audience est levée à 15 heures 28 et reprendra le mercredi 11 avril

  6   2012, à 8 heures 00.

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