Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 25 avril 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  7   Bonjour, Monsieur Djeric.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez continuer,

 10   je vous prie.

 11   LE TÉMOIN : BRANKO DJERIC [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 14   Bonjour à tous et à toutes.

 15   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur Djeric.

 17   R.  Bonjour.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre, ou  qu'on montre

 19   au témoin, le 65 ter 1118.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] [hors micro] C'est la pièce à conviction

 21   P3758, Madame, Messieurs les Juges.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Vous souvenez-vous de ce document émanant de vous ?

 24   Non, excusez-moi. Excusez-moi. C'est ce qu'on a montré hier, en fait.

 25   Donnez-moi un petit instant.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Toutes mes excuses. C'est le 1D05608 qu'il nous

 27   faut.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Je vous prie d'essayer de vous rappeler ce décret émanant de vous qui

  3   réglemente l'utilisation des terres agricoles abandonnées, des

  4   installations et des engins avec une sécurisation des droits des

  5   propriétaires quels qu'ils soient. Alors, je vous prie de vous penchez

  6   dessus. Il se peut que vous vous en souveniez encore.

  7   R.  Je pense en avoir un peu parlé hier. Je ne peux pas parler ou me

  8   souvenir de la totalité des documents, auquel cas. Mais nous avions

  9   réglementé les cas de terres agricoles abandonnées, la protection des

 10   propriétés, et cetera.

 11   Q.  Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais rappeler aux Juges de la Chambre et

 13   à tous ceux qui nous écoutent qu'il y a eu un témoignage de M. Colm Doyle

 14   qui a informé, à la date du 16 août 1992, du fait qu'il y avait différentes

 15   attestations de délivrées concernant des cadeaux de biens de la part de

 16   ceux qui voulaient s'en aller. Le 19 août, j'ai délivré un document, qui

 17   était le D0101, qui dit que ces attestations faisant cadeau de biens

 18   d'individus à la municipalité ou à qui sais-je étaient annulées. Et le 20,

 19   le Premier ministre a réglementé la question par ce décret de l'utilisation

 20   de ce qui a été abandonné tout en cherchant à protéger les droits des

 21   propriétaires. Je vous renvoie donc à cette pièce D -- non, ce n'est pas ce

 22   D. C'est un document daté du 19, qui comporte trois ou quatre paragraphes

 23   interdisant le déplacement forcé de la population et mettant hors-la-loi

 24   tout document de cette nature, c'est-à-dire document qui se rapporterait à

 25   des prétendues donations.

 26   Je voudrais demander un versement au dossier de ce document-là.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous n'avons aucune difficulté pour

 28   ce qui est du versement au dossier de ce document, mais ce n'est pas le


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  1   moment pour vous de présenter ce type d'exposé. Vous n'avez qu'à poser des

  2   questions au témoin. Et vous aurez tout le temps de présenter votre

  3   interprétation des éléments de preuve, tel que vous les voyez vous-même.

  4   Continuons.

  5   Nous allons verser ceci au dossier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D2246, Madame, Messieurs

  7   les Juges.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, si l'on se réfère aux conditions

  9   énoncées au 98 bis, cela ne va pas m'assurer un temps suffisant.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vous suis pas.

 11   Monsieur Robinson.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Peut-être le Dr Karadzic souhaite-t-il dire

 13   que si jamais il avait du succès pour ce qui est d'un jugement

 14   d'acquittement en application du 98 bis, il n'aura pas l'occasion de

 15   présenter ses éléments à décharge.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ah, bon.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je croyais avoir compris le sens de

 18   l'humour anglais, mais je vois que je suis encore un débutant en la

 19   matière. Je vous en remercie.

 20   Peut-on, s'il vous plaît, nous montrer le document 1D04192. C'est déjà

 21   versé au dossier, c'est 1D1671.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  J'attire votre attention sur le fait qu'il s'agit d'un document du

 24   ministère de l'Intérieur daté du 17 avril. Alors, je n'avais pas encore de

 25   fonctions d'Etat pour ma part. Et les instances du gouvernement ont investi

 26   des efforts visant à ceci ou cela. Là, on met en garde les postes de

 27   sécurité publique du fait de l'appropriation illégale de biens mobiliers et

 28   immobiliers, et là il est donné ordre pour indiquer ce que le ministère est


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  1   tenu de faire.

  2   Vous étiez à la tête du gouvernement, et je crois que cela a

  3   certainement attiré votre attention.

  4   R.  Je ne m'en souviens pas, parce que ça c'est un document émanant du

  5   ministère. Je ne pouvais pas être au courant. Mais il y avait des

  6   instructions, en effet, dans ce sens pour que le ministère gère strictement

  7   tout ce qui relève des droits de l'homme, des droits des propriétaires, et

  8   cetera.

  9   Q.  Merci. Et on dit que pour la prise de ces mesures, le ministre rend

 10   responsable les chefs des postes de sécurité publique, et cetera.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez faire des pauses entre les

 12   questions et les réponses, parce que les interprètes ont des difficultés à

 13   vous suivre.

 14   Monsieur Karadzic, veuillez répéter votre question.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  J'ai demandé au Pr Djeric - puisqu'il s'agit ici du 17 avril, moi je

 17   n'assumais pas de fonctions d'Etat - le gouvernement a entrepris ces

 18   mesures sans instruction de ma part et sans contrôle de ma part. Ca s'est

 19   fait sur l'initiative propre du gouvernement, et vous confirmez, n'est-ce

 20   pas ?

 21   R.  Ce document est un document émanant du ministère de l'Intérieur. Donc

 22   c'est un document émanant du ministère et qui se trouve être conforme à la

 23   Loi gérant les activités du gouvernement. Je n'ai rien à confirmer. C'est

 24   un document du ministère de l'Intérieur.

 25   Q.  Mais c'est ainsi que les choses se sont faites ?

 26   R.  Oui. Nous avions été d'avis qu'il nous fallait remettre en question les

 27   droits des personnes. Il fallait les protéger, ces droits.

 28   Q.  Merci.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander que l'on nous

  2   montre le 65 ter 28. Il s'agit d'un PV d'une session du Parlement datée du

  3   24 au 26 juillet 1992. On l'a déjà vu ce document. La page qui m'intéresse

  4   est la page 14.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez répéter la

  6   référence de la page.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 14 en serbe, page 17 en anglais.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Ici, c'est moi qui m'adresse au Parlement. Et j'attire votre

 10   attention sur le paragraphe du milieu, où il est dit :

 11   "Je me dois de dire que le peuple serbe, dont la confession orthodoxe

 12   a fait qu'il était éloigné de tout ce qu'il y avait d'inhumain, mais il

 13   s'est trouvé des renégats, des gens qui n'étaient pas dignes du

 14   qualificatif d'homme, qui avaient commis des atrocités et qui seront

 15   poursuivis par la justice. Et ce, les gros délinquants et les petits

 16   délinquants aussi. Ceux qui ont fait de gros délits sont plus rares, mais

 17   ceux qui ont fait des petits délits sont très nombreux, comme les

 18   statistiques nous le montrent. Pillage, acquisition illégale de biens. Tout

 19   ceci est le résultat d'une guerre civile, la pire de toutes les guerres. En

 20   fait, il ne s'agit pas d'une guerre civile, c'est une guerre interethnique

 21   et une guerre religieuse. Ce que je dois dire aussi, c'est que les Serbes

 22   se sont gardés de s'approprier les biens d'autrui, en particulier les biens

 23   appartenant à des groupes ethniques ou minorités autres. La guerre a changé

 24   les gens, et il y a des individus qui sont si portés aux biens d'autrui,

 25   tant musulmans que serbes, et il y a de gros problèmes de nature politique.

 26   C'est une grande atteinte au moral de nos soldats, que je dois dire être

 27   exceptionnel, mais c'est de toute manière quelque chose qui leur fait mal.

 28   Parce que, pendant qu'ils se battent, il y a des gens qui commettent des


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  1   pillages et des délits dans leur dos…"

  2   Est-ce que vous avez été au courant de ceci : ce n'est pas moi

  3   seulement qui ai pensé cela, c'est la direction toute entière qui était de

  4   cet avis ?

  5   R.  Oui. Je suis au courant de la chose, mais je ne serais pas

  6   d'accord avec vous pour ce qui est de ce point de vue de la nature de la

  7   guerre. C'était une guerre civile avec des éléments de combat interethnique

  8   et interreligieux.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander à ce qu'on nous

 11   montre maintenant la pièce --

 12   L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas entendu la référence.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez besoin de faire une pause

 14   entre les questions et les réponses.

 15   Répéter votre question, s'il vous plaît.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] La question se situe par rapport à ce que j'ai

 17   dit concernant la période du 24 au 26 juillet : est-ce que cette opinion

 18   était connue du Pr Djeric non seulement comme étant mon opinion à moi, mais

 19   comme étant l'opinion de la totalité de la direction serbe en Bosnie-

 20   Herzégovine. Et je crois bien que le compte rendu a fait état de la réponse

 21   du Pr Djeric.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, ce n'est pas cela. Une fois

 23   que le Pr Djeric a répondu, vous avez posé des questions, mais ça s'est

 24   recouvert avec l'interprétation de la réponse de M. Djeric.

 25   Ce qui fait que cette partie-là n'a pas été consignée au compte

 26   rendu.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne suis pas sûr du fait d'avoir tout

 28   consigné. 


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Professeur, vous avez été d'accord avec ce que j'ai dit, à savoir que

  3   c'était une position conjointe, exception faite de l'élément qui est votre

  4   avis relatif à la nature de la guerre, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui. C'est ce que j'ai dit. J'ai dit, et je vais le répéter, ce que

  6   vous avez dit, c'étaient des positions adoptées par la direction politique

  7   à l'époque. Seulement je n'étais pas d'accord avec vous pour ce qui est de

  8   la nature de la guerre. J'ai dit que, de mon avis, c'était une guerre

  9   civile avec des éléments de guerre interethnique et interconfessionnelle.

 10   Q.  Merci. Est-ce que vous vouliez dire par là qu'Abdic était un Musulman

 11   d'une autre nature et qu'il y avait des Musulmans dans notre armée, donc

 12   que ce n'était pas primordialement la composante confessionnelle qui

 13   l'emportait, mais la guerre civile était l'élément principal ?

 14   R.  Je crois que c'était au premier plan, la composante religieuse.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 65 ter 4214. Il s'agit de la pièce D456, me

 17   semble-t-il.

 18   Excellences, pendant que nous attendons, avec tout le respect que je vous

 19   dois, je veux vous rappeler qu'on m'avait donné quatre heures pour le

 20   Témoin KDZ192, alors que ce témoin a présidé aux sessions du gouvernement

 21   et il a présidé à des centaines de sessions du gouvernement, du Conseil de

 22   sécurité nationale, et cetera, et il y a plus de 1 000 documents qui ont

 23   été pondus pendant qu'il était en poste. Là aussi, on m'a attribué quatre

 24   heures, et je crois que c'est loin d'être suffisant pour qui que ce soit

 25   d'entre nous.

 26   Alors je vous renvoie vers la page 17 de la version serbe et la page 15 de

 27   la version anglaise.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Ça se trouve vers le milieu de la page, "Je me dois de dire que très

  2   souvent…" Voilà, là où se trouvait la fléchette. C'est à peu près la

  3   quinzième ligne. "Ça doit être absolument placé au service de la

  4   détermination des frontières." J'ai dit qu'il s'agissait de la quinzième

  5   ligne à compter du haut.

  6   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] "Je peux dire" ?

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Non, non. "Je me dois de dire." Il faut descendre d'une dizaine de

 10   lignes.

 11   R.  Oui. Je viens de le retrouver.

 12   Q.  Merci.

 13   Alors il dit : "Je me dois de dire que très souvent certains responsables

 14   municipaux se sont comportés de façon extrêmement illégale, et même selon

 15   des modalités qui nécessiteraient des arrestations et des sanctions. C'est

 16   une chose que, en notre qualité de Parlement, nous devons stigmatiser et

 17   sanctionner pour trouver des modalités pour que la présidence, durant les

 18   pauses entre les sessions du Parlement, sache de quelle façon il convient

 19   de se comporter. En effet, nous pouvons nous estimer heureux qu'il n'y ait

 20   pas eu d'exécutions jusqu'à ce jour, mais les arrestations et les sanctions

 21   doivent avoir lieu parce que c'est le devoir de ce Parlement, qui est une

 22   institution législative qui doit faire respecter la légalité, et il doit

 23   consigner les choses, autoriser qui de droit pour entreprendre des mesures

 24   aux fins de régler la situation dans certaines municipalités, et ce, de

 25   façon énergique."

 26   Vous vous souviendrez du fait que dans le système il y avait bien des

 27   résidus du système autogestionnaire. Vous ne pouviez révoquer aucun voyou;

 28   vous pouviez lancer des appels pour qu'il soit révoqué ou essayer de faire


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  1   en sorte qu'il démissionne de lui-même.

  2   R.  Oui, je m'en souviens. J'en ai parlé hier. J'ai parlé de la puissance

  3   des facteurs locaux et des conséquences qui découlaient. Dans un sens

  4   positif aussi, pour ce qui est de ce système autogestionnaire. Parce que

  5   quand il y a là un système de pouvoir en place, l'autogestion fournissait

  6   bien des libertés. Parce que les gens pouvaient se prononcer, pouvaient

  7   dire leurs opinions. C'était une période où les gens avaient commencé à

  8   aimer les pouvoirs en place. Les gens aiment le pouvoir quand ils sont

  9   portés sur le pouvoir, mais dans un territoire, et là je me dois de le

 10   dire, malgré, mais c'est un territoire où la culture de la violence se

 11   trouve être assez prononcée. Donc il faut pas mal de temps pour qu'elle

 12   cède la place à la culture de la tolérance, du respect des arguments

 13   d'autrui, et cetera.

 14   Q.  Merci.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre la page 57 de ce

 16   document. Et pour ce qui est de la version anglaise, c'est la page 53.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  En attendant, je vais vous demander si vous êtes d'accord, Professeur

 19   Djeric, pour dire qu'outre ces faiblesses liées à la mentalité des gens de

 20   ce territoire, il y a eu une arrivée au pouvoir en 1990 de gens qui étaient

 21   dans l'opposition et qui étaient en marge de la société, plutôt, et qu'il y

 22   avait beaucoup d'insuffisances en matière de connaissances ou d'expériences

 23   quant à l'exercice du pouvoir ?

 24   R.  Je peux le confirmer, en effet. Je dirais même qu'il y a eu, non pas

 25   des faibles connaissances, mais des méconnaissances complètes qui se sont

 26   manifestées, parce que lors de ces changements intervenus, c'est des gens

 27   qui étaient plutôt courageux qui sont venus au premier plan. C'était le

 28   résultat des temps que nous avons vécus. Et c'était de loin des gens qui en


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  1   connaissaient long, qui en savaient long, donc c'est ici l'audace qui

  2   l'emportait sur le reste.

  3   Ce n'est pas caractéristique pour ce territoire-là, celui de la Bosnie-

  4   Herzégovine seulement. C'étaient des temps de transition. Les dames et les

  5   messieurs ici présents doivent connaître la situation à l'Azerbaïdjan

  6   [phon], le Nagorno-Karabakh [phon], la Tchétchénie, l'Ossétie du Sud, du

  7   Nord. Tout ceci, c'est des pays qui ont traversé des périodes de

  8   transition. C'est quelque chose qui est tout à fait spécifique, de lié

  9   donc, au changement de systèmes et dans des sociétés où il y avait une

 10   composante de commandement prononcée que l'on a abandonnée au profit du

 11   passage vers une démocratie.

 12   Q.  Merci.

 13   J'aimerais qu'on relève un peu la page en serbe. Et en début de la ligne,

 14   on dit : "Oui, et les profiteurs sont à l'œuvre, ou alors le maire ne prête

 15   pas une oreille attentive."

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Relevez, s'il vous plaît, la version en langue

 17   serbe. C'est la douzième ligne à partir du bas. "C'est soit les profiteurs

 18   qui vont être à l'œuvre, soit les maires ne sont pas en train de prêter une

 19   oreille attentive à ce qui se passe."

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  C'est un peu au-dessus de la fléchette.

 22   R.  Les lettres sont plutôt petites.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Essayons d'enlever la version en anglais

 24   pour que le témoin puisse suivre.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que vous pouvez voir ? C'est la dixième ou douzième ligne à

 27   partir du bas.

 28   R.  Oui. "Soit les profiteurs sont à l'œuvre, soit les maires ne sont pas à


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  1   l'écoute."

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne vous chevauchez pas.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Les 14 et 15 septembre 1992, et ça se passe à Bijeljina, me semble-t-

  6   il. Il est dit :

  7   "Soit les profiteurs" - c'est moi qui parle - "Soit c'est les profiteurs

  8   qui sont à l'œuvre, soit les maires ne prêtent pas une oreille attentive.

  9   Qui est président de l'assemblée municipale à Bijeljina ? Est-ce qu'il est

 10   là, Zlatko ? Il ne veut pas écouter. Il a reçu des instructions de la part

 11   du gouvernement demandant à ce que deux émetteurs à ondes courtes soient

 12   transférés vers la Yougoslavie et qu'on en garde deux ici, et on pourra

 13   couvrir une majeure partie du monde. Il ne veut pas le faire. La police ne

 14   veut pas arrêter. Les juges ne veulent pas juger et rendre des jugements.

 15   Il n'y a pas de dépôt de plaintes. Et le père Savo a fait savoir de quoi il

 16   s'agit. Sommes-nous des patrons dans cette maison ? Est-ce que nous sommes

 17   des leaders responsables d'un peuple ou pas ? Nous ne pouvons plus faire

 18   comme si l'on s'en fichait. Tout est important. Tout est substantiellement

 19   essentiel. Il faut que nous essayions des instances centrales du pouvoir.

 20   Nous devons créer une police centrale qui viendra pour mettre aux arrêts

 21   les individus. On transfèrera la police de Bijeljina à Doboj, et celle de

 22   Doboj vers Bijeljina."

 23   Il n'était pas facile d'arrêter les gens parce qu'il y avait pleins

 24   de cousins, de parents, d'amis sur le terrain qui se protégeaient les uns

 25   les autres, et il y avait une absence complète d'ordre dans le

 26   professionnalisme.

 27   R.  Oui, je m'en souviens. Je m'en souviens. C'étaient les problèmes les

 28   plus prononcés que nous avions eu à constater sur le terrain local. Les


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  1   choses se faisaient très lentement. La prise du pouvoir se faisait très

  2   lentement.

  3   Q.  Merci. Vous souvenez-vous du fait qu'à la fin du mois de juillet, nous

  4   devions arrêter les Guêpes jaunes ? Nous avons dû engager la brigade de la

  5   police spéciale afin de procéder aux arrestations à Bijeljina et à Brcko,

  6   et nous avons même demandé à Panic d'envoyer ces forces spéciales, chose

  7   qu'il a faite ?

  8   R.  Pour ce qui est de l'emploi de la police, je ne sais pas grand-chose à

  9   ce sujet. Je n'étais pas au courant, car le commandement et l'emploi des

 10   forces de police relevaient de votre compétence, donc je ne peux rien dire

 11   à ce sujet.

 12   Pour ce qui est des Guêpes jaunes, je peux simplement dire que je me

 13   souviens, d'après ce que l'on disait, car je n'étais pas présent et je ne

 14   participais pas directement à cela, mais j'ai entendu dire qu'une unité

 15   spéciale de la police avait été employée pour disperser les Guêpes jaunes.

 16   Et la raison qui était invoquée, c'est ce que disaient d'aucuns, c'est que

 17   les Guêpes jaunes avaient dépassé les limites, que les Guêpes jaunes

 18   avaient arrêté un ministre, qui était le ministre Ostojic. Et ils

 19   l'auraient prétendument contraint à brouter de l'herbe dans un champ. C'est

 20   ce que l'on disait. Et c'est la raison pour laquelle cette unité de police

 21   particulière avait été employée. C'est ce que j'ai entendu dire. Donc je ne

 22   le sais pas vraiment, mais c'est ce qui est parvenu à mes oreilles.

 23   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez eu une demi-heure que nous

 25   vous avons accordée aujourd'hui. Vous avez donc utilisé cinq heures et dix

 26   minutes. Et compte tenu de ces circonstances, les Juges de la Chambre vont

 27   vous accorder dix minutes supplémentaires. Je souhaite que vous concluiez

 28   votre contre-interrogatoire dans les dix minutes qui suivent.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Excellence. J'ai passé outre

  2   un certain nombre de sujets avec d'autres témoins, mais avec ce témoin-ci,

  3   je dois parler de l'attitude vis-à-vis des camps de prisonniers de guerre

  4   et de l'arrivée de 400 civils à Pale qui arrivaient de Bratunac, là où se

  5   trouvait le siège du gouvernement. La crise entourant cette question-là --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons pris notre décision. Vous

  7   aurez dix minutes.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je serai bref.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur Djeric, conviendrez-vous avec moi que les Guêpes jaunes se

 11   sont retournées contre Ostojic parce que le gouvernement s'était retourné

 12   contre eux, et donc ils voulaient démontrer leur force ?

 13   R.  Cela, je ne peux pas l'affirmer. Je ne peux pas affirmer quelque chose

 14   comme ça parce que je ne le sais vraiment pas. Je veux dire, à savoir s'ils

 15   se sont retournés contre les autorités, eh bien, c'est quelque chose que je

 16   ne peux pas affirmer. Peut-être que vous pouvez dire cela en vous fondant

 17   sur d'autres informations et connaissances. Que faisait Ostojic à cet

 18   endroit-là ? C'était un ministre du gouvernement. Je n'ai aucune idée.

 19   Peut-être qu'il passait par là par hasard. Peut-être qu'il était là en

 20   mission officielle. Peut-être qu'il se rendait en Serbie ou bien qu'il

 21   rentrait de Serbie. C'est quelque chose que je ne sais pas. Ceci n'est pas

 22   tout à fait clair à mes yeux. Donc je ne peux pas être très précis à ce

 23   sujet. Je ne peux vous parler que ce dont j'ai entendu parler. Il se peut

 24   que quelqu'un ait transformé cet incident en quelque chose de tout à fait

 25   banal. Moi, je ne peux pas vous dire autre chose. Je ne peux vous parler

 26   que ce dont j'ai entendu parler.

 27   Q.  En route vers Belgrade, Ostojic était censé recueillir des éléments

 28   d'information sur les Guêpes jaunes et me les transmettre. Ils ont appris


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  1   cela, et ensuite ils l'ont maltraité. Mais bon, oublions cela.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Ecoutez, je ne savais pas combien de temps

  4   cette question allait durer, mais je ne pense pas qu'il soit approprié que

  5   M. Karadzic soit en train d'informer le témoin sur ces questions-là. Il est

  6   censé recueillir des éléments d'information du témoin.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai simplement dit que je souhaitais informer

  9   le témoin de cette question-ci. Mais cela n'a pas d'importance.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Alors il ne me reste que peu de temps et je souhaite vous rappeler la

 12   crise que vous aviez la charge de résoudre en l'absence de tout autre

 13   représentant officiel. Et à cette fin, je souhaite que nous nous penchions

 14   sur ce qui s'est passé dans le courant du mois de mai, au moment où 400

 15   personnes ont été transportées à Pale depuis Bratunac.

 16   Pouvez-vous confirmer que Deronjic ou toute autre personne ne vous a jamais

 17   informé des combats qui se déroulaient à Glogova, dans ce village, et êtes-

 18   vous certain à ce jour que ces personnes venaient de Glogova ?

 19   R.  Je confirme tout cela. J'ai dit que je n'avais aucune idée sur la

 20   question et que je ne savais pas qui était Deronjic, si vous me suivez. Je

 21   ne savais même pas qu'il y avait des combats qui se déroulaient à cet

 22   endroit. Je ne savais absolument rien à ce sujet.

 23   La première fois que j'ai été confronté à toutes ces questions était ici au

 24   Tribunal, au TPIY, dans l'affaire Krajisnik, je ne savais pas qui étaient

 25   ces personnes, Drenova ou ce monsieur en particulier. C'est quelque chose

 26   que je ne sais pas. Je sais simplement que j'ai appris deux jours plus

 27   tard, au moment où ces personnes étaient arrivées à Pale, où j'étais le

 28   seul à me trouver à Pale parmi les hauts représentants officiels. On avait


Page 28045

  1   fait venir ces personnes deux jours auparavant, et elles avaient été

  2   installées dans une ancienne coopérative agricole ou un centre culturel, je

  3   ne sais pas. C'est là que ces personnes étaient retenues. Et c'est par

  4   hasard -- ou, en tout cas, c'est quelque chose que j'ai appris de mon

  5   chauffeur. Ils m'ont demandé. Ils m'ont dit : Monsieur le Premier ministre,

  6   savez-vous que certaines personnes ont été emmenées ici depuis Bratunac,

  7   que ces personnes sont retenues là-bas ? Et ils m'ont dit que ces personnes

  8   étaient maltraitées, et c'était arrivé au stade où ces personnes pouvaient

  9   même être tuées ou que des crimes pouvaient être commis. C'était une

 10   question de secondes.

 11   Q.  Merci. Donc vous avez ensuite demandé à recevoir des informations,

 12   chose qui a été faite. On vous a dit que ces Musulmans souhaitaient que

 13   vous leur permettiez de partir à Sarajevo, et vous avez donné l'ordre à cet

 14   effet que des camions avec des bâches soient mis à leur disposition de

 15   façon à ce que ces personnes puissent traverser le territoire musulman en

 16   direction de Visoko, qu'elles pouvaient passer dans la municipalité

 17   d'Ilijas, et que la municipalité en avait été informée. Vous leur avez dit

 18   de se préparer, et vous les assuriez que rien ne pouvait leur arriver et

 19   que personne n'allait leur tirer dessus.

 20   Est-ce exact ?

 21   R.  Eh bien, voyez-vous, je n'ai pas informé Ilijas. Je n'ai pas pris la

 22   peine de faire cela. Ce sont les commissions qui s'en sont occupées, ainsi

 23   que la police. Donc ce n'est pas moi personnellement qui ai traité de cette

 24   question-là. La seule chose que j'ai faite était la suivante : je

 25   souhaitais sauver ces personnes-là. C'était une question de secondes, et je

 26   ne voulais pas que quelqu'un d'autre prenne la décision. Donc j'en ai

 27   assumé la responsabilité et j'ai demandé personnellement et directement à

 28   ce qu'on puisse se rendre auprès de ces personnes pour voir ce dont elles


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  1   avaient besoin et tenir compte de ce dont elles avaient besoin. De les

  2   faire rentrer chez elles n'avait pas de sens. Il fallait en assumer la

  3   responsabilité. Donc j'ai demandé à ce que l'on tienne compte de leur

  4   volonté et qu'il fallait sur-le-champ sauver toutes ces personnes. C'est ce

  5   que je puis dire aujourd'hui.

  6   Et à ce jour, ce qui s'est passé n'est pas clair pour moi, qui a agi

  7   ainsi, de quoi s'agissait-il. Que ces personnes aient été emmenées au siège

  8   du gouvernement démocratique, je ne comprends pas comment ceci est arrivé.

  9   Je ne le comprends pas aujourd'hui. Je ne peux rien dire à ce sujet. Je

 10   peux simplement dire que nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir

 11   pour sauver ces personnes, mais nous avons tout simplement manqué de temps.

 12   Nous n'avions pas d'autre alternative possible, nous n'avions pas le temps

 13   d'y réfléchir. L'idée consistait à répondre à leurs desiderata, ils ont

 14   fait leur propre choix, et c'est ainsi que les choses se sont terminées.

 15   Q.  Est-ce que vous conviendrez que ce serait inhumain et illégal si vous

 16   les aviez renvoyés dans les zones de combat contre leur gré, combats qui se

 17   déroulaient à Bratunac à l'époque ?

 18   R.  Eh bien, je n'aurais jamais fait cela, que ce soit aujourd'hui ou à

 19   l'époque. C'eut été abusé de ces personnes, car il y avait une forte

 20   probabilité que cela se passerait mal pour ces personnes-là. Quelque chose

 21   comme cela ne m'a jamais traversé l'esprit. J'ai agi comme je l'ai fait

 22   pour protéger la liberté et la vie de ces personnes-là. Et c'était mon

 23   objectif essentiel à l'époque.

 24   Q.  Merci. Le dernier thème que je souhaite aborder dans le peu de temps

 25   qu'il me reste, c'est l'échange des prisonniers.

 26   Etes-vous d'accord pour dire que le premier jour de la guerre, un nombre

 27   important de prisonniers ont été capturés de part et d'autre ? Et des

 28   faveurs personnelles étaient octroyées à certaines personnes. Et peut-être


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  1   que de l'argent même a été utilisé pour les échanges. Et ensuite, le 8 mai,

  2   le gouvernement a rendu une décision, a mis en place une commission

  3   centrale, et les municipalités disposaient de leurs propres commissions

  4   également chargées de l'échange des prisonniers, différents organes, et

  5   cetera.

  6   Vous en souvenez-vous ?

  7   R.  Le gouvernement a réglementé cette question-là déjà très tôt. Le

  8   gouvernement a adopté certaines instructions relatives aux échanges des

  9   prisonniers et s'est occupé d'autres questions également. Pour ce qui est

 10   de l'institutionnalisation de tout ceci, une commission chargée de

 11   l'échange des prisonniers a été créée.

 12   Cependant, il y a eu des abus à ce niveau-là. Des civils sont arrivés et se

 13   faisaient passer pour des prisonniers de guerre. Ceci est arrivé plus

 14   particulièrement à Sarajevo, mais ailleurs également.

 15   Et c'est devenu une activité de type commercial, en quelque sorte.

 16   Q.  Et ceci n'avait pas reçu l'aval des autorités juridiques.

 17   R.  Non, effectivement.

 18   Q.  Et des individus, des personnes ?

 19   R.  Lorsque j'ai parlé d'affaires commerciales, je ne peux pas parler du

 20   gouvernement. Il ne pouvait pas s'agir de l'Etat. Il ne pouvait s'agir que

 21   des personnes particulières, et ces personnes-là ne devraient pas agir

 22   ainsi non plus, à moins qu'il ne s'agisse d'abus.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors le P1088 est un document qui a déjà été

 24   versé au dossier. Je n'ai pas le temps d'afficher ce document. Je demande

 25   simplement à voir le compte rendu d'audience dans l'affaire

 26   Stanisic/Zupljanin. Page 2 459. Lignes 1 à 7. Numéro 65 ter 22479. Je crois

 27   que ceci ne fait pas partie de la déclaration consolidée.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 28048

  1   Q.  Il s'agit là du sujet traité. Nos autorités faisaient-elles une

  2   quelconque différence entre les poursuites pénales ou autres ? Y avait-il

  3   une différence au niveau de l'appartenance des différentes personnes au

  4   plan ethnique et religieux ? 

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 2 549. Je vais lire ceci en anglais.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Je vais vous le lire à voix haute. Au paragraphe 2, veuillez lire

  8   ceci.

  9   Maintenant, cela va être lu.

 10   "'La priorité pour les services nationaux et les services chargés

 11   d'enquêter sur les crimes, à savoir le MUP, il s'agissait de déceler les

 12   crimes de guerre, fournir des documents à l'appui et déposer des rapports

 13   au pénal. Des documents sur les crimes commis par les Serbes ont également

 14   été fournis.'"

 15   A la ligne 6, votre réponse.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Encore une fois, nous n'avons pas la bonne page

 17   à l'écran. 2 459.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Voici ce que vous dites -- il serait préférable d'agrandir.

 20   "Aucune différence a été établie. Tous les crimes devaient être

 21   poursuivis."

 22   Voilà, ça c'est votre réponse, à la ligne 6.

 23   Donc les autorités n'ont fait aucune discrimination eu égard à

 24   l'appartenance ethnique des criminels de guerre, n'est-ce pas ?

 25   R.  Les autorités n'auraient pas pu agir autrement, si vous regardez le

 26   texte de la constitution ou tout autre élément. Donc il n'y avait pas de

 27   fondement juridique à cela, et il n'y avait pas d'autre raison pour que les

 28   personnes soient traitées différemment. Chacun devait être traité


Page 28049

  1   conformément à la loi. Dans le cas de violation, c'eut été une violation et

  2   un comportement illégal qui devrait être sanctionné. C'est ce que j'ai dit

  3   à l'époque et j'ai parlé de cela longuement hier, et c'est quelque chose

  4   que je réitère aujourd'hui. Je prônais à l'époque et je n'ai cessé de

  5   prononcer la chose suivante : Tous ceux qui ont dépassé certaines barrières

  6   devaient être punis. C'est quelque chose que l'on pouvait constater. Le

  7   gouvernement a, très tôt, adopté les documents nécessaires à cet effet et

  8   le gouvernement a demandé à ce que soit établi si, oui ou non, des crimes

  9   avaient été commis et si la population civile avait fait l'objet de

 10   traitement inhumain. Le gouvernement souhaitait que ceci soit établi et

 11   qu'il y ait des sanctions si ceci était effectivement arrivé.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant, il est temps de poser votre

 14   dernière question.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est exactement ce que je voulais dire,

 16   Excellence.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Je n'ai pas le temps, Monsieur le Professeur Djeric, de vous montrer

 19   quelque chose qui est un extrait du journal officiel, une liste. Je

 20   pourrais aborder cette question avec un autre témoin.

 21   Le gouvernement lui-même a remis 700 textes législatifs à

 22   l'assemblée. Le gouvernement, la présidence et l'assemblée, pendant ces

 23   sept mois où vous avez été Premier ministre, plus de 1 000 textes

 24   législatifs ont été adoptés.

 25   Etes-vous d'accord, Monsieur Djeric, que pendant ces trois années et

 26   demie de guerre, nous avons eu au moins cinq premiers ministres, ou cinq

 27   gouvernements, et je crois que six ministres de l'Intérieur nous avons eus,

 28   n'est-ce pas ?


Page 28050

  1   R.  Eh bien, une fois que je suis parti, les affaires du gouvernement

  2   m'intéressaient moins, ainsi que les changements qui s'y opéraient. A

  3   savoir combien de gouvernements et combien de ministres il y a eus, avec la

  4   meilleure volonté du monde, je ne peux pas m'en souvenir. C'était une

  5   époque difficile, et je ne peux vraiment pas vous le dire. Je ne peux pas

  6   vous dire combien de changements il y a eus. Mais il est exact qu'il y a eu

  7   des remaniements du gouvernement.

  8   Q.  Alors, puis-je titiller votre mémoire. Après vous, c'était

  9   Vladimir Lukic; ensuite, après Vladimir Lukic, il y a eu Dusko -- Dusan

 10   Kozic; et après Dusan Kozic, il y a eu Rajko Kasagic; et après Rajko

 11   Kasagic, il y a eu Gojko Klickovic. Cinq premiers ministres en trois ans et

 12   demi, n'est-ce pas ?

 13   R.  Je crois qu'en réalité, le dernier a rempli deux mandats, si je

 14   me souviens.

 15   Q.  Pardonnez-moi, Monsieur le Professeur, je regrette n'avoir pas eu

 16   davantage de temps pour présenter les travaux très importants menés par le

 17   gouvernement alors qu'il n'y avait pas des conditions réelles pour

 18   travailler correctement. Je vous remercie de ce que vous avez fait lorsque

 19   vous étiez au gouvernement, et je vous remercie pour tout.

 20   R.  Je souhaite remercier Mme et MM. les Juges, les messieurs de

 21   l'Accusation, ainsi que vous tous --

 22   M. TIEGER : [interprétation] Pardonnez-moi de vous interrompre. Vous aurez

 23   l'occasion de faire cela. Je crois que les Juges de la Chambre étaient sur

 24   le point de me demander si j'avais des questions supplémentaires à poser

 25   suite à vos réponses aux questions de M. Karadzic, ce qui est effectivement

 26   le cas.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, oui.

 28   M. TIEGER : [aucune interprétation]


Page 28051

  1   Nouvel interrogatoire par M. Tieger :

  2   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Djeric.

  3   R.  Bonjour.

  4   Q.  J'ai souhaité vous poser quelques questions en rapport avec une partie

  5   de votre déposition hier. A la page du compte rendu d'audience 27 936, vous

  6   avez abordé la question de la mesure dont le gouvernement était coupé de

  7   toutes formes de communications.

  8   Tout d'abord, une question de précision que je souhaite vous poser. Je

  9   crois que vous avez indiqué que le gouvernement se trouvait en haut de la

 10   colline de Jahorina. Par opposition, M. Karadzic, M. Krajisnik et M.

 11   Koljevic étaient-ils en bas de la colline, à Pale, en contrebas ?

 12   R.  Oui. Le gouvernement se trouvait à l'hôtel Bistrica, à une altitude de

 13   1 600 à 1 700 mètres environ. La montagne a une hauteur de 2 000 mètres.

 14   C'est là où se trouve le haut de la montagne. Et tout le reste se trouvait

 15   à Pale. Pale est à 800 mètres. La distance dont nous parlons représente 12

 16   kilomètres environ.

 17   Q.  Je souhaitais vous poser des questions sur les différentes formes de

 18   communications que vous avez citées lorsque vous avez précisé que le

 19   gouvernement avait été coupé pendant un certain temps.

 20   Tout d'abord, Monsieur Djeric, saviez-vous que le système de communication

 21   militaire était très complexe et que ce système avait été conçu pour

 22   relayer des éléments d'information du terrain aux échelons les plus élevés

 23   du commandement militaire ?

 24   R.  Non. Pour ce qui est des transmissions militaires, c'est quelque chose

 25   dont je ne savais rien. Mais ils étaient utilisés par les militaires,

 26   n'est-ce pas ? Nous, nous ne pouvions pas nous reposer dessus, voyez-vous.

 27   Lorsque j'ai parlé de transmissions ou de communications, j'ai

 28   clairement dit hier que notre système de communication des PTT avait été


Page 28052

  1   interrompu par le QG de Sarajevo. Je veux parler de système de

  2   télécommunications civiles, et son centre se trouvait à Sarajevo. Nous

  3   étions sur le mont Jahorina et nous avons été coupés. Alors, lorsqu'il

  4   s'agit des communications, voilà quelle était la situation.

  5   Alors, pour ce qui est des autres formes de communications - les

  6   routes, par exemple - vous savez que c'était un théâtre d'opérations, et

  7   très simplement, nous ne pouvions tout simplement pas nous rendre dans

  8   certains secteurs. Donc nous ne pouvions pas visiter les secteurs. Il était

  9   impossible de faire cela. C'est quelque chose qui pouvait simplement avoir

 10   lieu par la suite par hélicoptères, par exemple, si les hauts dirigeants

 11   réussissaient à se procurer des hélicoptères, et c'étaient les militaires

 12   qui les leur fournissaient. Dans ce cas, peut-être que les gens pouvaient

 13   voyager, se déplacer. On pouvait se rendre en Herzégovine ou en Krajina,

 14   mais c'était déjà quelques mois après le début du conflit.

 15   Alors, pour ce qui est de ces hélicoptères, je me souviens du fait

 16   que ces hélicoptères étaient utilisés exclusivement à la demande des hauts

 17   dirigeants. Je suppose que c'étaient les membres du Parlement ou des

 18   députés. Lorsque des réunions de l'assemblée devaient se tenir, dans ce cas

 19   des députés étaient transportés de Banja Luka, par exemple, ou Bilica ou

 20   Herzégovine, et cetera. Cependant, les organes opérationnels du

 21   gouvernement ne pouvaient pas se procurer des hélicoptères ou toute autre

 22   forme de communications.

 23   Et c'est ce que j'entendais lorsque j'ai parlé des communications.

 24   C'est cela que je voulais dire lorsque j'ai dit que les communications

 25   avaient été coupées. Je ne veux pas parler de l'idée même d'être coupé sur

 26   le plan des médias, par exemple, d'être coupé au niveau des journaux, et

 27   cetera. Je veux parler du gouvernement. Les journalistes qui étaient là

 28   étaient essentiellement des journalistes qui se trouvaient proches ou dans


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  1   l'entourage des hauts dirigeants. Il était plus agréable pour eux d'être en

  2   altitude plutôt que tout en hauteur où je me trouvais moi-même.

  3   Q.  Merci, Monsieur Djeric. Ecoutez, j'étais sur le point de vous

  4   montrer toute une série de transmissions militaires, dans ce cas, entre le

  5   1er Corps de Krajina et l'état-major, ou plutôt, le prédécesseur du 1er Corps

  6   de Krajina, le 5e Corps, et la 2e Région militaire de Sarajevo de la mi-

  7   avril à la mi-juillet --

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que vous êtes prié de répéter

  9   car je n'ai reçu aucune traduction en serbe.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce mieux maintenant ?

 11   M. LE JUGE KWON : [hors micro]

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, maintenant j'entends. Mais la question n'a

 13   absolument pas été traduite. Je ne sais pas si le témoin a entendu quelque

 14   chose.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai rien entendu. Je n'ai pas entendu

 16   la question.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Dans ce cas, je vais la répéter, Monsieur

 18   Karadzic et Monsieur Djeric.

 19   Q.  J'étais sur le point de vous montrer toute une série de transmissions

 20   militaires, dans ce cas, entre le 1er Corps de Krajina et l'état-major

 21   principal, ou le prédécesseur du 1er Corps de Krajina, le 5e Corps,

 22   destinées à la 2e Région militaire de la mi-avril 1992 à la mi-juillet

 23   1992. Mais je suppose, d'après votre réponse, que vous n'auriez pas été

 24   dans le secret de ces transmissions et que vous ne pourriez pas nous dire

 25   quelque chose de particulier au sujet de ces transmissions.

 26   R.  Le gouvernement n'a pas utilisé les moyens de communication militaires.

 27   Le chef du gouvernement n'avait aucun lien avec l'armée parce que l'armée

 28   était commandée par le président. Le gouvernement n'avait rien à voir avec.


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  1   Ce que je peux dire ensuite, c'est que je n'ai pas eu à connaître de tout

  2   ce qui faisait partie des communications militaires. Et il faut que vous

  3   ayez une chose à l'esprit, si ça peut vous être utile, c'est que jusqu'au

  4   départ de l'armée, c'est-à-dire jusqu'au 20 mai à peu près, tout ce

  5   territoire, à tous points de vue, était tenu par l'armée populaire

  6   yougoslave jusqu'à son retrait. Une fois qu'elle s'est repliée, les choses

  7   ont été reprises par le Corps de l'armée de la Republika Srpska. L'armée,

  8   donc, était une sorte de mécanisme tout à fait à part, et s'agissant du

  9   mécanisme en question, c'est la présidence, voire le président, qui avait à

 10   voir avec le gouvernement. Non, je ne peux pas en parler donc. Ce que je

 11   peux vous dire, c'est que le gouvernement était coupé du reste. Puisque la

 12   situation de guerre avait, objectivement parlant, mis en place un contexte

 13   et une situation de nature à vous empêcher, du fait des territoires

 14   entrecoupés, des communications coupées, des coupures dans le

 15   fonctionnement des médias et la diffusion des informations, vous ne pouviez

 16   pas faire le maximum. Même si vous vouliez faire le maximum, les

 17   circonstances, objectivement parlant, vous interdisaient ce type de chose.

 18   Q.  Merci, Monsieur Djeric.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Je ne vais donc pas présenter ce type de chose

 20   au témoin, Monsieur le Président. Nous allons demander le versement au

 21   dossier de ces documents sans le témoignage de témoin.

 22   Q.  Monsieur Djeric, je voulais vous poser des questions concernant

 23   certaines des communications qui se déroulaient pendant cette période de

 24   temps, et à cet effet, je me propose d'utiliser plusieurs documents en

 25   notre possession.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Et j'aimerais qu'on nous montre deux

 27   documents. Le premier serait le P03922.

 28   Q.  Il s'agit d'un document, comme vous pouvez le voir, Monsieur, daté du


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  1   15 avril. Il s'agit d'une décision proclamant un état de guerre imminent et

  2   une déclaration de mobilisation sur le territoire entier de la Bosnie-

  3   Herzégovine serbe, de la TO.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Ensuite, je voudrais qu'on nous montre le 65

  5   ter 17918.

  6   Q.  Ici, il s'agit d'une décision rendue par la cellule de Crise de la

  7   Région autonome de la Krajina, et ça se rapporte à la mobilisation. Ils

  8   proclament par eux-mêmes une mobilisation générale sur le territoire entier

  9   de la Région autonome de la Krajina.

 10   Alors, est-il exact de dire, Monsieur Djeric, que ce deuxième document

 11   indique que la Région autonome de la Krajina a reçu une décision relative à

 12   la mobilisation qui émane des autorités de la république ?

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faut être équitable vis-à-vis du témoin. Il

 14   faut aussi voir au bout de combien de temps il a reçu cela. Il l'a reçu au

 15   bout de trois semaines, et ça aussi, il faut le montrer au témoin, 15 avril

 16   et 4 mai d'autre part.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Ça se trouve vers le bas du document. Mais je

 18   crois que les choses sont tout à fait claires.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette région autonome a pris la décision de

 20   procéder à une mobilisation. Et ceci confirme le fait que ces autorités

 21   régionales et locales n'avaient foi qu'en elles-mêmes. Ça montre que ce

 22   document produit par eux a suivi un document par lequel les membres de la

 23   présidence, Koljevic et Plavsic, avaient donné l'ordre de procéder à une

 24   mobilisation. Les choses sont claires. Il convient de garder à l'esprit le

 25   fait que ça se passe assez tôt. C'est au tout début. Et il y a eu des

 26   retards de pris quand même.

 27   M. TIEGER : [interprétation]

 28   Q.  Merci. 


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  1   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je voudrais

  2   demander le versement au dossier.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur Robinson ?

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, ça sera versé au dossier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P4985, Madame,

  7   Messieurs les Juges.

  8   M. TIEGER : [interprétation]

  9   Q.  Je vais me pencher maintenant sur une période quelque peu postérieure à

 10   ce qu'on vient de voir dans le même mois. Il s'agit de la pièce P02627.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Alors j'aimerais qu'on descende un peu vers le

 12   bas de la page en anglais et en B/C/S.

 13   Q.  Le paragraphe 9 parle des activités des organes municipaux, des

 14   autorités municipales. Les rapports d'Ostojic, et il dit Srbatic - mais je

 15   suppose qu'il s'agit de Subotic - ils sont cités en référence.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Et je voudrais, à ce sujet, qu'on se penche

 17   sur le 65 ter 09454.

 18   Q.  Il s'agit d'un document émanant du ministre Velibor Ostojic où l'on

 19   informe au sujet de la Défense territoriale serbe de la région de Foca qui

 20   a déployé des efforts pour nettoyer le terrain et, deuxième paragraphe, on

 21   parle de la libération du secteur de Ustikolina, et il est question

 22   d'informations au sujet de la situation telle qu'elle se présente sur les

 23   territoires libérés. Alors, Monsieur Djeric, est-ce que ces documents

 24   indiquent également qu'il y a des contacts et une transmission de

 25   l'information concernant la situation et les activités des cellules de

 26   Crise et des autorités au niveau de municipalités variées ?

 27   R.  Je peux tomber d'accord.

 28   Parce qu'ici nous avons plusieurs rapports montrant comment -- enfin, je ne


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  1   sais pas comment ça parvenait au secteur chargé de la sécurité nationale.

  2   Mais on voit que Subotic a informé qui de droit. Il était ministre de

  3   l'armée. Je suppose qu'il a dû obtenir, par des filières militaires qui

  4   étaient les siennes, des rapports de cette nature.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois qu'il faut une fois de plus être

  6   équitable. Subotic a parlé des conditions et circonstances liées à la

  7   sécurité à Sarajevo. C'est tout près, c'est à 9 kilomètres. Il était facile

  8   d'envoyer des rapports alors qu'on se trouvait à Sarajevo, et c'est dit

  9   dans le document précédent.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi de

 11   mentionner à l'attention de M. Karadzic que je me suis abstenu de faire des

 12   commentaires à bien des occasions quant au texte des documents qu'il a

 13   présentés lui-même. Ce texte est disponible à tout un chacun, et je vais

 14   demander - puisque le premier des documents a déjà été versé au dossier -

 15   de procéder au versement de ce document-ci.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P4986, Madame, Messieurs

 18   les Juges.

 19   M. TIEGER : [interprétation]

 20   Q.  Nous allons maintenant nous pencher sur une période qui concerne la mi-

 21   mai. Nous allons sauter des éléments. Il y a eu une tenue d'une 16e session

 22   de l'assemblée à Banja Luka à la date du 12 mai, les préparatifs et

 23   communications nécessaires pour ce qui est de la tenue de cette assemblée.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Et je vais demander à ce que l'on nous montre

 25   le 65 ter 17225.

 26   J'aimerais qu'on se penche sur le paragraphe 2. C'est en page 2 du

 27   document.

 28   Q.  J'ai d'abord indiqué qu'il s'agit de PV de la cellule de Crise de


Page 28058

  1   Sipovo. Ça s'est tenu au mois de mai.

  2   Le paragraphe 2 parle d'une requête du ministère de la Santé de la

  3   République serbe de Bosnie-Herzégovine, ministère de la Santé et des Soins

  4   sociaux, et ce, en réponse à une communication de la cellule chargée des

  5   réfugiés.

  6   Monsieur Djeric, cette demande a été lue à voix haute, et puis est-ce qu'on

  7   pourrait considérer que c'est un exemple de communication qui existe entre

  8   la cellule de Crise de la Région autonome de la Krajina et le niveau de la

  9   république vers la mi-mai de l'année 1992 ?

 10   R.  Ces documents montrent le fait que le ministère s'était efforcé

 11   d'étendre ses activités jusqu'aux régions les plus éloignées. Le ministère

 12   voulait avoir des informations au sujet de la situation au niveau de la

 13   santé, des besoins du secteur sanitaire et à des fins humanitaires et

 14   autres. C'est ce que nous dit ce document.

 15   Q. Merci, Monsieur.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 17   document, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P4987.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Deux autres documents pour ce qui est de cette

 21   période de temps. Le premier document est le P03919.

 22   Q.  Il s'agit d'une décision relative à la mobilisation générale des forces

 23   et des ressources de la république. Le premier des deux paragraphes étant

 24   de la mobilisation des conscrits militaires. Et à l'article 1, on dit

 25   qu'ils sont censés se présenter à tel endroit, et cetera, et la date est

 26   celle du 20 mai. La signature est celle de M. Karadzic.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Et je voudrais maintenant qu'on se penche sur

 28   la pièce P3537.


Page 28059

  1   Q.  Il s'agit d'une décision de la cellule de Crise de Prijedor. La réunion

  2   s'est tenue à la date du 22 mai 1992. On fait référence à une décision qui

  3   est celle qu'on vient de voir, la décision relative à la mobilisation. Et

  4   on peut voir que l'on énumère différentes parties de ce document, l'ordre

  5   donné par M. Karadzic qui a précédé à cette décision.

  6   Alors, Monsieur Djeric, est-ce que ceci est un autre exemple de la présence

  7   du contact entretenu au niveau de la république et les municipalités et

  8   leurs propres cellules de Crise ? Dans ce cas concret, il s'agit de

  9   municipalités dans la Région autonome de la Krajina, et la cellule de Crise

 10   est en train de mettre en œuvre une décision qui émane du niveau de la

 11   république ?

 12   R.  Ceci montre le fait que l'autorité régionale là-bas est en train de

 13   prendre des initiatives et des actions en matière de gestion sur la base

 14   des décisions prises par les autorités centrales. On peut voir que ce qui a

 15   été dit hier et aujourd'hui au sujet de ces éléments locaux qui constituent

 16   un facteur à part dans l'Etat, parce qu'ici, connaissant et sachant quel a

 17   été le système juridique en place, l'autorité locale n'avait pas le droit

 18   de proclamer une mobilisation. Mais comme ils avaient constitué un Etat

 19   dans un Etat, ils rendaient des décisions qui constituaient des doublons.

 20   Et l'animosité qu'ils ressentaient vis-à-vis de l'autorité centrale a fait

 21   qu'ils voulaient prendre leurs propres décisions liées à la mobilisation.

 22   La décision qui a précédé, c'est celle du président ou du commandant, de

 23   Karadzic, et je pense qu'il a dû prendre cette décision au moment où il est

 24   devenu président. La décision auparavant a été prise par la présidence,

 25   composée de deux membres, Koljevic et Plavsic. Eux, ils ont rendu cette

 26   décision. Et j'imagine que pour l'autre vague de mobilisation, comme il y

 27   avait eu un nouveau président de mis en place, eh bien, c'est ce président-

 28   là qui a promulgué une décision liée à la mobilisation.


Page 28060

  1   Pour répondre à votre question, je voudrais dire qu'il y avait une

  2   synchronisation, une espèce de prise de modèle sur l'autorité centrale qui

  3   a rendu une décision liée à la mobilisation. Mais je pense que ces

  4   autorités là-bas n'avaient pas le droit du tout de promulguer ce genre de

  5   décision, parce que c'était le rôle des autorités centrales.

  6   J'espère avoir répondu de façon suffisante. On voit ce phénomène

  7   d'imitation, ce phénomène par lequel on a simulé le fait d'être une

  8   autorité véritable. Mais le fait est aussi que c'était la seule autorité

  9   sur place. Ils s'en fichaient pas mal à ce moment-là de ce que disait

 10   l'autorité centrale. Parce que s'ils avaient respecté l'autorité centrale,

 11   ils s'en seraient tenus et auraient respecté la totalité des dispositions

 12   réglementaires. Et ils n'auraient pas, dans ce cas, passé les frontières et

 13   procédé à des usurpations de pouvoir.

 14   Q.  Monsieur Djeric, je voudrais maintenant que nous changions de sujet, et

 15   j'aimerais vous poser des questions concernant certaines sessions de

 16   l'assemblée qu'a évoquées M. Karadzic avec vous hier.

 17   En particulier, il vous a posé des questions au sujet de la 11e

 18   session de l'assemblée des Serbes de Bosnie qui s'est tenue le 18 mars

 19   1992. En particulier, il a cité des parties de PV au sujet de la mise en

 20   place d'un gouvernement sur le terrain, du retrait des troupes, la

 21   nécessité d'assurer la sécurité de tout un chacun, et il y a eu notamment

 22   référence faite aux accords de Lisbonne.

 23   Alors, pour ce qui est de ces questions posées par M. Karadzic au

 24   sujet de la mise en œuvre de ces accords de Lisbonne, qui ont également été

 25   appelés accords de Cutileiro, j'aimerais vous poser des questions

 26   complémentaires à des fins d'apport d'éclaircissements, si vous pouvez nous

 27   les apporter.

 28   Tout d'abord, dites-nous s'il est exact de dire que ces accords de Lisbonne


Page 28061

  1   n'ont pas été signés, et le fait que la direction des Serbes de Bosnie

  2   avait souligné le fait que cela n'avait pas été signé ?

  3   Vous en souvenez-vous ?

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Objection. C'est une question

  5   directrice.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Je peux poser la question différemment.

  7   Q.  Vous souvenez-vous du fait de savoir si l'accord de Lisbonne avait été

  8   signé; et vous souvenez-vous des références faites par la direction des

  9   Serbes de Bosnie au sujet de la signature ou pas desdits accords ?

 10   R.  Pour autant que je le sache, autant que l'on m'ait communiqué ce type

 11   d'information, le plan de Cutileiro a été signé. Les trois parties en

 12   présence ont accepté l'accord et ont apposé leurs signatures. A posteriori,

 13   c'est ce que j'en sais, la partie musulmane a retiré sa signature, la

 14   signature qu'elle avait déjà apposée sur l'accord. C'est ce que j'en sais.

 15   Le traité avait été signé. Il était entré en vigueur.

 16   Q.  Permettez-moi d'attirer votre attention sur plusieurs extraits de cette

 17   session de l'assemblée qui ont été cités par le Dr Karadzic.

 18   Il s'agit de la pièce P -- non, D. D00090. J'attire votre attention

 19   sur la page 6 de la version anglaise et la page 7 de la version en B/C/S.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je crains fort ici qu'on cherche à

 21   induire le témoin dans l'erreur. On crée de la confusion.

 22   Là-bas, il a été clairement dit qu'il ne restait que des cartes, et

 23   c'est la raison pour laquelle ça n'a pas été signé tout de suite, mais ça a

 24   été approuvé par tout un chacun. J'ai mentionné dans mon contre-

 25   interrogatoire le fait que les cartes --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, M. Tieger n'a pas

 27   encore posé sa question. On va voir ce qu'il va demander.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Eh bien, Monsieur le Président, je ne veux pas


Page 28062

  1   utiliser mon temps pour répondre à des commentaires inappropriés. C'est moi

  2   qui pose des questions au témoin, et ce n'est pas le moment pour M.

  3   Karadzic de présenter des éléments de preuve ou d'apporter des commentaires

  4   au sujet de ce qu'un témoignage doit être ou ne pas être.

  5   Q.  Monsieur Djeric, je voulais attirer votre attention sur deux parties de

  6   ce document. D'abord, M. Karadzic dit que :

  7   "Ça a été accepté comme base des négociations ultérieures. Le

  8   document n'a pas été signé. Nous n'aurions jamais signé une chose que nous

  9   n'aurions pas acceptée."

 10   Et ensuite, en page 42 de la version anglaise, qui devrait être la

 11   page 61, voire 62 ou 63, de la version B/C/S, c'est là que le Dr Karadzic

 12   fait référence à un processus et à une erreur commise par un député. Il dit

 13   :

 14   "Nous avons entamé ce processus avec des objectifs stratégiques et nous

 15   sommes en train de les effectuer phase par phase. Nous n'avons jamais signé

 16   ce papier, ce document. Jamais, jamais. Il serait fou de ne pas l'accepter

 17   en cette phase-ci."

 18   En bas de page, il est dit qu'il y a eu réalisation d'une qualité

 19   certaine, et que :

 20   "Maintenant, la question de la quantité se posait. Et la quantité,

 21   l'élément quantitatif, allait se réaliser conformément à des conditions

 22   qu'il nous appartenait de mettre en place."

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas du tout sûr que nous en

 24   soyons à la bonne page.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Il faut que vous descendiez vers le bas de la

 26   page 42, Monsieur le Président. Et la suite se trouve en page 43. La

 27   dernière des parties que j'ai citées, c'est le haut de la page 43 de

 28   l'anglais, paragraphe numéro 3.


Page 28063

  1   Q.  Monsieur Djeric, est-ce que ceci rafraîchit votre mémoire pour ce qui

  2   est de savoir si ce document avait été signé; et est-ce que ceci rafraîchit

  3   votre mémoire pour ce qui est de savoir si la direction des Serbes de

  4   Bosnie avait évoqué le fait de la signature du document ou pas ?

  5   R.  Je ne peux pas entrer ici plus en profondeur dans les réponses à

  6   apporter à cette question, parce que moi je n'ai pas été impliqué dans ces

  7   négociations. Et je dirais que je n'en savais pas long du tout.

  8   Je suis en train de raconter ce qu'on nous avait raconté là-bas. On

  9   nous a dit que les accords de Lisbonne étaient chose faite pratiquement,

 10   que les choses étaient terminées et qu'il y avait peut-être des petits

 11   détails qui nécessitaient des parachèvements pour ce qui est de la mise en

 12   place des accords. Mais on nous a indiqué que la paix historique était

 13   établie, que nous n'avions aucune raison d'être mécontents, et cetera, et

 14   qu'il fallait nous préparer pour l'exercice de l'autorité et pour la mise

 15   en œuvre de la justice. C'est tout ce que je saurais vous dire à ce sujet.

 16   Mais il va sans dire que je n'ai jamais vu l'un quelconque de ces

 17   accords. Je ne sais pas du tout où est-ce qu'on a gardé ces originaux -

 18   l'un quelconque des originaux - pendant toute cette période. Je sais que,

 19   par exemple, on ne sait pas où est l'original des accords de Dayton, sans

 20   aller plus loin de ce qui s'était passé au tout début.

 21   Si vous m'avez bien suivi donc, en termes simples, je ne puis que confirmer

 22   le fait qu'on nous avait dit que les parties en présence avaient abouti à

 23   un accord, qu'il y avait eu un accord historique d'établi.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que

 25   l'heure est venue. Plutôt que de poser ma question suivante, il serait

 26   peut-être bon de faire notre pause.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Combien de temps pensez-vous qu'il vous

 28   faille encore ?


Page 28064

  1   M. TIEGER : [interprétation] Il m'est difficile de le dire, mais d'ores et

  2   déjà je puis dire que je n'aurais pas besoin de plus de 15 minutes.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Nous allons faire une pause

  4   d'une demi-heure.

  5   Nous allons reprendre à 11 heures.

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

  7   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 10   Q.  Monsieur Djeric, compte tenu de votre réponse juste avant la pause à

 11   propos de votre connaissance de l'accord ou du plan Cutileiro, je ne vais

 12   pas vous demander de regarder certains extraits de la 11e session. Cette

 13   session a été versée au dossier. Les parties et les Juges de la Chambre

 14   peuvent examiner les points qui ont été abordés au cours de cette séance.

 15   En revanche, ce que je souhaite aborder avec vous, c'est une autre

 16   séance de l'assemblée sur laquelle M. Karadzic a attiré votre attention

 17   hier, à savoir la 17e séance de l'assemblée, qui s'est tenue le 24 au 26

 18   juillet 1992. Le numéro D00092. Je souhaite commencer par un passage que

 19   vous trouverez à la page 14 de l'anglais et la page 12 du B/C/S et qui

 20   précise en partie ce qui s'était produit entre la 11e séance et cette 17e

 21   séance du mois de juillet.

 22   Vous trouverez ceci au milieu de la page de la version anglaise. Ou

 23   plutôt, vers le bas, le dernier tiers de la page. C'est le Dr Karadzic qui

 24   prend la parole et qui dit :

 25   "Aujourd'hui, nous contrôlons l'ensemble de nos territoires et peut-être

 26   également quelques autres territoires qui seront remis aux communautés

 27   nationales une fois qu'un accord sera trouvé."

 28   Monsieur Djeric, est-ce que ceci coïncide avec votre souvenir de la


Page 28065

  1   situation où les territoires se trouvant en Bosnie-Herzégovine que les

  2   forces serbes de Bosnie contrôlaient au moment où cette séance de

  3   l'assemblée s'est tenue au mois de juillet 1992 ?

  4   R.  Je ne peux pas répondre à cette question avec précision parce que je ne

  5   sais pas très bien ce que le locuteur a à l'esprit lorsqu'il parle du

  6   "contrôle des territoires". Est-ce qu'il veut parler des territoires

  7   contrôlés par les forces armées ? Dans ce cas, il est le seul à être au

  8   courant de cela, parce que c'est lui qui commandait ces troupes-là.

  9   Donc c'est ce que je puis dire à ce sujet. Car la notion même de contrôle,

 10   ou de contrôle militaire, c'est une chose. Le contrôle de la part des

 11   autorités opérationnelles, c'est autre chose. Alors, si vous appliquez des

 12   décisions, si vous organisez la production, si vous vous assurez du cours

 13   normal des choses, ceci ne doit pas forcément coïncider. Donc ce qui est à

 14   la portée des armes et si vous pensez que le territoire que vous pouvez

 15   atteindre avec des armes de longue portée est un territoire placé sous

 16   votre contrôle, eh bien, c'est quelque chose sur lequel je ne puis rien

 17   dire.

 18   Donc je ne peux pas dire grand-chose avec précision, à savoir s'il s'agit

 19   de territoire en application du plan Cutileiro ou le territoire qui a fait

 20   l'objet de négociations.

 21   Q.  Seriez-vous en mesure de dire si, oui ou non, les territoires que cite

 22   le Dr Karadzic dans ce document comprenaient des régions où il y avait eu

 23   un nombre important de non-Serbes qui avaient vécu sur ces territoires-là ?

 24   R.  Eh bien, on peut constater d'après sa déclaration ce qui est dit. Donc

 25   je ne vais pas commenter cela. C'est clair. Il dit qu'il y a certains

 26   territoires à cet endroit qui seront remis par la suite à l'autre partie au

 27   cours des négociations. C'est ainsi que je comprends la teneur de cette

 28   déclaration.


Page 28066

  1   Q.  Alors, pour ce qui est de ces territoires qui sont perçus comme étant

  2   un territoire serbe, parmi ceux qui doivent être conservés, vous souvenez-

  3   vous si Dr Karadzic a fait référence, ou d'autres membres des dirigeants

  4   serbes de Bosnie, du fait qu'il y avait un nombre de Musulmans dans la

  5   Republika Srpska et que ceux-ci pouvaient présenter une éventuelle menace ?

  6   R.  Eh bien, voyez-vous, il y avait des opinions divergentes. Il y avait

  7   différents types de personnes, mais ceci n'était pas l'opinion qui

  8   prévalait. Il y a toujours eu et il y aura toujours des nationalistes. Je

  9   parle de Breivik, de l'incident qui s'est produit en Norvège. Il y avait

 10   des gens qui avaient ce type d'opinions-là. Et ces opinions-là, nous

 11   pouvions les entendre. Mais ce n'étaient pas les opinions qui prévalaient.

 12   Q.  Vous souvenez-vous d'opinions qui auraient indiqué que le nombre de

 13   Musulmans ne présentait pas une menace imminente, mais que leur taux de

 14   natalité pouvait présenter une menace au plan de la sécurité en très peu de

 15   temps ?

 16   R.  Il y avait des gens qui ont pris part à ces discussions et qui avaient

 17   ce type d'opinions-là. Il s'agit, pour moi, d'opinions primitives. Je ne

 18   suis pas d'accord avec cela, et je n'étais pas d'accord à l'époque.

 19   Hier, vous avez entendu dire que j'ai évoqué les fondements des nouveaux

 20   textes de loi, et nous avons insisté sur la mise en œuvre des conventions

 21   internationales, des droits en vertu de ces conventions internationales. Et

 22   ceci avait été établi pour tenir compte des droits de chacun de façon à ce

 23   que chacun puisse jouir de ses droits.

 24   Et tel était le point de vue qui prévalait. Il y avait différents

 25   participants à ces débats qui avaient des points de vue extrémistes. Cela

 26   existait.

 27   Q.  Je vais être un petit peu plus précis avec vous dans ce cas.

 28   Vous souvenez-vous si, oui ou non, le Dr Karadzic a exprimé de telles


Page 28067

  1   opinions, à savoir qu'en présence d'une minorité musulmane importante, il

  2   pourrait y avoir des troubles et que ceci pourrait poser un problème au

  3   plan de la sécurité pour l'Etat ?

  4   R.  Je ne me souviens pas de cela. Peut-être que ceci a été dit au cours

  5   d'une conversation informelle, au cours du Club des députés, je ne sais

  6   pas, où seulement lui assistait. Je ne me souviens pas qu'il ait dit ceci

  7   en ma présence. Même si M. Karadzic se permettait parfois de parler avec un

  8   certain lyrisme, il s'écartait du discours politique, et les hommes

  9   politiques, en général, ne s'expriment pas ainsi.

 10   Il y avait toutes sortes d'occasions où il disait différentes choses, et

 11   plus tard je crois qu'il se rendait compte du fait que certaines de ses

 12   déclarations pouvaient être interprétées de différentes manières. Mais la

 13   politique, lorsqu'il s'agit de négocier ou de conclure des accords, ne

 14   permet pas l'emploi d'un tel langage. Il faut être très clair lorsqu'on

 15   prône certaines idées.

 16   Et permettez-moi, car ceci est très important. J'ai dit un peu plus

 17   tôt, et je déclare aujourd'hui, que ni moi-même ni le gouvernement avons

 18   participé d'une manière ou d'une autre à la création de nouvelles

 19   politiques ou à la définition d'objectifs stratégiques ou des choses de la

 20   sorte. Ceci est très aisément vérifiable. Je n'étais même pas au courant de

 21   ces objectifs, quoiqu'il ait été naturel que le gouvernement prépare

 22   certains documents à l'intention de l'assemblée, des résolutions, des

 23   déclarations, des documents à caractère stratégique, à l'instar des décrets

 24   et des lois. Le gouvernement n'a jamais participé à cela. C'est le parti et

 25   les dirigeants du parti qui s'étaient occupés de cela. M. Krajisnik ou je

 26   ne sais pas qui formaient leurs opinions, présentaient leurs points de vue

 27   à l'assemblée en s'écartant du gouvernement.

 28   Q.  Alors vous avez parlé du Club des députés, par exemple. Je ne vais pas


Page 28068

  1   vous demander de vous reporter au Club des députés, qui sont des éléments

  2   qui ont déjà été versés au dossier et qui datent de 1992. Mais je vais

  3   peut-être vous demander de vous reporter à une citation qui a été faite sur

  4   ce thème en 1995, trois ans plus tard, ou en tout cas qui a été publiée

  5   dans les médias, sous une forme publique donc.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Numéro 65 ter 12703.

  7   M. ROBINSON : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président, mais

  8   je vais m'y opposer car il s'agit de quelque chose qui va au-delà du champ

  9   du contre-interrogatoire. Et si vous estimez que cela relève du champ

 10   d'application du contre-interrogatoire, je crois que ceci n'est pas

 11   approprié, ce n'est pas juste, et ceci devrait permettre à M. Karadzic

 12   également d'explorer le sujet.

 13   Pour finir, je vais demander à ce que M. Tieger conclue en cinq minutes de

 14   façon à ce que les délais qui sont appliqués aux deux parties soient les

 15   mêmes, s'il vous plaît, étant donné qu'il a déjà eu énormément de temps

 16   pour ses questions supplémentaires.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre ont-ils imposé

 18   un délai aux questions supplémentaires de M. Tieger, Maître Robinson ?

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président. En réalité, vous

 20   n'avez jamais imposé un seul délai à l'Accusation pendant toute la durée de

 21   ce procès.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Robinson, je dois

 23   intervenir. L'Accusation a un temps bien défini pour présenter sa thèse et

 24   agit en fonction de ces paramètres-là.

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est exact. C'est vrai, Monsieur le

 26   Juge Morrison.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais…

 28   [La Chambre de première instance se concerte]


Page 28069

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, aux yeux des Juges de

  2   la Chambre, ce sujet semble être un nouveau sujet étant donné qu'il porte

  3   sur l'année 1995. Donc, si vous souhaitez poser cette question, les Juges

  4   de la Chambre permettront à l'accusé de poser d'autres questions sur ce

  5   thème.

  6   Donc je m'en remets à vous, Monsieur Tieger.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Alors, si je puis répondre rapidement,

  8   Monsieur le Président.

  9   Ceci découle du contre-interrogatoire pour ce qui est des objectifs des

 10   dirigeants et des attitudes.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous entendons bien cela. Mais si

 12   vous posez cette question, ce que je dis, c'est que nous permettrons à

 13   l'accusé de poser des questions supplémentaires eu égard à cette question-

 14   là.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Je ne suis pas en train de contester la

 16   décision prise par les Juges de la Chambre. Il ne s'agit pas d'un nouveau

 17   sujet. J'aurais pu présenter un document relevant de 1992, mais je

 18   souhaitais montrer la cohérence des opinions de l'époque. Il ne s'agit pas,

 19   en fait, d'une nouvelle position par rapport à un nouveau sujet.

 20   Il s'agit de la même question, si vous voulez.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Mais il s'agit d'une période de

 22   temps différente.

 23   Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Je crois que le numéro 65 ter -- pardonnez-

 25   moi, je crois qu'il y a une confusion au numéro du document.

 26   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 27    M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons essayer d'afficher le

 28   01339, s'il vous plaît. Page 3 de ce document, s'il vous plaît.


Page 28070

  1   Le document d'origine que j'ai cité, 12073, dispose d'une traduction

  2   anglaise. Ce serait peut-être préférable. En réalité, c'est celui que j'ai

  3   cité à l'origine, 12073. Est-ce que nous pouvons passer à la page 3 de

  4   l'anglais, page 3 du B/C/S -- nous n'avons pas de B/C/S, donc ce n'est pas

  5   nécessaire.

  6   Q.  En haut de l'article, en haut de la page, M. Karadzic évoque le fait

  7   que les Serbes de Bosnie tiennent plus de 70 % du territoire.

  8   Et ensuite, est-ce que nous pouvons descendre sur cette page, le Dr

  9   Karadzic dit :

 10   "Nous ne souhaitons avoir plus de territoire que ce que nous avons

 11   déjà. Nous ne souhaitons pas agrandir notre Etat pour avoir simplement une

 12   minorité musulmane à l'intérieur. Ceci provoquera des troubles. Dans cinq

 13   ans, nous aurons notre prochaine guerre."

 14   Ceci vous rafraîchit-il la mémoire, Monsieur Djeric, sur le fait de

 15   savoir si, oui ou non, vous avez entendu M. Karadzic faire part de leurs

 16   préoccupations et des risques au plan de la sécurité provoqués par la

 17   présence des Musulmans sur le territoire de la Republika Srpska, lui, entre

 18   autres, avec d'autres personnes ?

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Pardonnez-moi. Je crois que ceci

 20   devrait être entendu en l'absence du témoin, parce que je ne souhaite pas

 21   lui souffler une réponse. Je crois que ceci ne qualifie pas comme il se

 22   doit le texte. Il y a deux façons d'interpréter le texte. Il y a une façon

 23   qui correspond complètement avec ce que dit M. Karadzic depuis le début, et

 24   ceci n'a rien à voir avec un risque au plan de la sécurité par la présence

 25   même d'une minorité musulmane.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Demandons d'abord au témoin s'il se

 27   souvient que M. Karadzic ait dit cela.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ceci doit être présenté au témoin


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  1   littéralement ? Mes propos, littéralement, doivent-ils être soumis au

  2   témoin ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il n'a pas lu 

  4   ceci ?

  5   M. TIEGER : [interprétation] Oui, je l'ai lu à voix haute. Je l'ai fait

  6   déjà. Mais je n'en vois pas l'intérêt de le relire.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Etant donné que nous n'avons pas de

  8   traduction en B/C/S, il est important de le lire au témoin.

  9   Est-ce que nous pouvons le refaire, Monsieur Tieger.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr.

 11   Q.  J'ai cité auparavant les 70 % en haut de l'article que j'ai déjà

 12   évoqué.

 13   M. Karadzic dit, je cite :

 14   "On lui a demandé s'il avait les yeux plus grands que le ventre --"

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous sommes sur la bonne page

 16   ? J'essayais de retrouver le passage en question, mais je n'ai pas réussi.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Il est sous nos yeux, et nous allons y venir

 18   dans quelques instants.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Voici la citation :

 21   "Nous pouvons nous départir de ces conquêtes négligeables très rapidement.

 22   Nous ne souhaitons pas avoir plus de territoire que ce que nous avons déjà.

 23   Nous ne souhaitons pas agrandir notre Etat pour avoir simplement une

 24   minorité musulmane à l'intérieur. Ce qui provoquerait des troubles. Dans

 25   cinq ans, nous aurions notre prochaine guerre."

 26   Q.  Est-ce que vous pouvez répondre aux questions qui vous ont été posées,

 27   à savoir si vous vous souvenez, oui ou non, de ces propos tenus par M.

 28   Karadzic ?


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  1   Ça, c'est ma première question, me semble-t-il.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] La traduction n'est pas exacte. Ce n'est pas

  3   dans l'esprit du texte, et ceci n'est pas une traduction littérale.

  4   Permettez-moi de traduire ceci pour M. Djeric de façon à ce qu'il ait ma

  5   réponse telle que je l'ai dite littéralement ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Karadzic.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Je --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous comprenez l'anglais,

  9   Monsieur Djeric ? Est-ce que vous lisez l'anglais ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. "A little". Un petit peu, mais à peine.

 11   S'il vous plaît. Quand ceci a-t-il été déclaré par M. Karadzic -- le Dr

 12   Karadzic ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que c'est en mai 1995.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Et moi, je suis parti en 1992. Vous l'avez

 15   entendu. Ceci s'est passé en 1995. Je ne me souviens pas de ces

 16   déclarations. Mais c'est quelque chose qui a été diffusé. Je ne sais pas si

 17   c'est un fait ou non.

 18   Je peux simplement dire ce qui suit. Aujourd'hui, à plusieurs reprises,

 19   j'ai fait certaines déclarations par rapport à certaines déclarations

 20   faites par M. Karadzic devant l'assemblée. Donc vous avez suivi tout ceci.

 21   Vous avez compris quel était le sens de toutes ces déclarations.

 22   Dans ces déclarations, à aucun moment n'a-t-il remis en cause les droits

 23   des autres minorités ethniques, des autres peuples, d'avoir le droit de

 24   vivre dans la Republika Srpska, de pouvoir jouir de leur liberté,

 25   d'utiliser leurs biens, d'exercer leurs droits, et cetera. C'est un fait.

 26   Ce sont des faits qui sont vérifiables, qui peuvent être établis, et

 27   cetera.

 28   Dans quelle mesure cette déclaration-ci est exacte, je ne peux pas en


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  1   juger. Je peux simplement dire que ce sont des circonstances malheureuses

  2   qui ont fait que la guerre s'est poursuivie. Le plan Cutileiro était une

  3   occasion idéale pour conclure la paix. Vous savez que ceci accordait

  4   différents droits aux deux parties, différents territoires. Et donc, il est

  5   malheureux que la paix n'ait pas été conclue. Donc il y a eu une escalade

  6   de la guerre, eh bien, et les tactiques ont changé. Les différentes

  7   attitudes vis-à-vis de ces changements ont changé.

  8   Je ne peux tout simplement pas -- je ne peux pas vous le dire car je ne

  9   suis pas au courant des déclarations qui sont les siennes. Je ne suis pas

 10   d'accord avec ceci. Je ne suis pas d'accord avec le fait que le droit de

 11   quiconque soit usurpé, violé. Et d'employer la force pour diminuer la

 12   présence d'un groupe, eh bien, je suis contre cela.

 13   A savoir ce que cette déclaration a à voir avec l'escalade de la guerre,

 14   l'intensification ou la violence des combats, moi je ne peux pas en juger.

 15   Ce que je veux dire, eh bien, ces déclarations, je ne les ai pas suivies,

 16   et je n'avais plus l'occasion de le faire. Je ne sais même pas où j'étais à

 17   ce moment-là, à l'époque où ces déclarations ont été faites. Je ne m'en

 18   souviens pas. Mais si -- eh bien, si -- vous savez, moi je ne suis pas

 19   d'accord avec des politiques qui revêtent des ambitions territoriales

 20   particulières, moins importantes.

 21   En bref, voilà ce que je veux dire.

 22   M. TIEGER : [interprétation]

 23   Q.  Merci.

 24   R.  Et je veux dire, si M. Karadzic pouvait, ce qui a fait qu'il a évolué

 25   de cette manière-là, à savoir des déclarations antérieures et ce qui s'est

 26   passé entre ces déclarations antérieures et celles-ci. De quelles ambitions

 27   politiques s'agissait-il, ou d'exigences politiques ? J'ai déjà dit que

 28   j'étais en désaccord avec un nombre important de points. Je n'ai pas


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  1   participé à la fixation des objectifs. A savoir si ceci avait quelque chose

  2   à voir avec les partis politiques en présence ou non, il n'y a que M.

  3   Karadzic qui peut le dire.

  4   Moi, je ne suis pas d'accord avec des politiques qui mettent en avant une

  5   revendication territoriale --

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyez-vous où ceci nous mène ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce n'est pas à vous d'intervenir à ce

  8   stade.

  9   Monsieur Tieger, veuillez poursuivre.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je vais demander le versement au dossier de ce

 11   document, et j'en ai terminé avec mes questions supplémentaires.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous en demandez le versement ?

 13   M. TIEGER : [aucune interprétation]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En ce qui me concerne, je ne vois pas

 15   quel est l'intérêt de verser au dossier ce document par le truchement de ce

 16   témoin.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Je peux le faire directement à l'audience, si

 18   vous le souhaitez. Cela dépend des règles de recevabilité.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comment pouvez-vous vérifier que M.

 20   Karadzic ait effectivement dit ceci au journaliste ?

 21   M. TIEGER : [interprétation] Je ne peux pas le garantir à la façon dont

 22   vous me posez la question, mais ceci a trait au poids que ce document peut

 23   avoir compte tenu de tous les autres éléments de preuve et déclarations qui

 24   ont été présentés, et c'est important lorsque les Juges évoqueront la

 25   question du poids à accorder à ce document.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez terminé vos questions

 27   supplémentaires ?

 28   M. TIEGER : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson.

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je voudrais

  3   attirer votre attention sur un point pour ce qui est des documents qui ont

  4   été examinés pendant cette semaine, et pour ce qui est des requêtes

  5   présentées par l'Accusation s'agissant des conversations interceptées qui

  6   seraient à montrer au témoin lorsque l’Accusation citerait un témoin.

  7   Il y a cinq conversations interceptées pour ce qui est de la requête de

  8   versement direct, et il y a une deuxième requête où l'un des intervenants

  9   était le Premier ministre Djeric.

 10   Par exemple, le 65 ter 30688, daté du 20 avril 1992. Il s'agit d'une

 11   conversion interceptée qui se passe entre le Premier ministre Djeric et

 12   Momcilo Mandic, et on parle des barrages routiers qui ont été placés à

 13   Ilidza. La valeur probante de cette conversation est celle de montrer le

 14   fait que la direction, à savoir le Premier ministre Mandic [comme

 15   interprété] -- en premier lieu, M. Mandic avait exercé un contrôle à

 16   l'égard de ces barrages routiers. Je crois qu'il y a des éléments à

 17   controverse, et je ne vois pas pourquoi on verserait au dossier des

 18   éléments qui peuvent faire l'objet de témoignages des témoins.

 19   Soit vous les montrez au témoin, soit vous les retirer de la requête de --

 20   autrement dit, en direct.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pourquoi M. Karadzic n'a-t-il pas

 22   évoqué la question avec le témoin ?

 23   M. ROBINSON : [interprétation] Il y a deux raisons. D'un, nous ne savons

 24   pas si c'est versé au dossier et si c'est une thèse défendue par

 25   l'Accusation. Et, de deux, nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour

 26   le faire.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson, vous êtes en train de

 28   faire référence à l'inefficacité du contre-interrogatoire bien que vous


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  1   ayez pu constater vous-même la façon dont le temps imparti a été utilisé.

  2   Mais on ne va pas entrer dans la considération liée au temps.

  3   Monsieur Tieger, est-ce que vous avez des observations à formuler au sujet

  4   des conversations interceptées ?

  5   M. TIEGER : [interprétation] Oui, plusieurs, Monsieur le Président.

  6   Tout d'abord, la question a été évoquée, et cela a fait déjà l'objet

  7   d'une décision rendue. Je tiens à le souligner en réponse pour ce qui est

  8   des commentaires formulés au sujet des documents qui ont fait l'objet d'une

  9   requête de versement en direct, sans témoin. Il y a une autre occasion où

 10   la Défense est en train de dédaigner les décisions rendues par les Juges de

 11   la Chambre et essaye de renverser la pratique antérieurement adoptée. Et je

 12   crois qu'il est clair que quand nous avons une affaire de cette envergure-

 13   ci, et je crois que je l'ai déjà dit auparavant, ceci peut se rapporter

 14   seulement au poids à attribuer aux éléments de preuve. Les deux parties en

 15   présence ont accepté le fait que certaines questions ont été examinées plus

 16   que d'autres, et les Juges de la Chambre sont donc en position de leur

 17   accorder un poids plus grand qu'à certains autres éléments d'information

 18   qui n'ont été cités qu'en passant, et là où on peut évaluer le poids à

 19   accorder par rapport à la totalité des éléments de preuve présentés.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais la question que j'ai posée

 21   n'a rien à voir avec le débat lié à la requête de versement en direct. Pour

 22   dire les choses brièvement, vous n'allez pas poser de questions à M. Djeric

 23   au sujet des conversations interceptées lorsque lui se trouve être l'un des

 24   interlocuteurs ?

 25   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Je crois avoir mal compris la

 26   question.

 27   Il est exact de dire, Monsieur le Président, que je me fie aux

 28   décisions rendues précédemment par les Juges de la Chambre et je ne fais


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  1   qu'appuyer la position que nous avons avancée à ce sujet.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je poser trois petites questions au témoin

  4   pour que lui nous réponde par un oui ou par un non ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Karadzic.

  6   Ceci met un terme à votre témoignage, Monsieur Djeric. Au nom de cette

  7   Chambre de première instance et du Tribunal en tant que tel, je vous

  8   remercie d'être venu à La Haye pour témoigner. Vous êtes libre de vous en

  9   aller à présent.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. J'avais ressenti

 11   l'obligation morale de le faire, et c'est la raison pour laquelle je suis

 12   venu. Je vous remercie. Et que la justice se fasse.

 13   Merci.

 14   [Le témoin se retire]

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] La Défense vous remercie également et

 16   vous souhaite un bon voyage.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A la lumière du fait que le témoin

 18   suivant est un témoin protégé, nous avons besoin d'au moins cinq minutes de

 19   pause pour les préparatifs à cet effet.

 20   --- La pause est prise à 11 heures 35.

 21   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 22   --- La pause est terminée à 11 heures 45.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais demander au témoin de nous

 24   donner lecture de sa déclaration solennelle.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 26   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 27   LE TÉMOIN : KDZ320 [Assermenté]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir.

  2   Oui, Monsieur Nicholls, à vous.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

  4   Messieurs les Juges.

  5   Interrogatoire principal par M. Nicholls :

  6   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  7   R.  Bonjour.

  8   Q.  J'ai quelques questions à vous poser, mais avant que de les poser, je

  9   vais vous montrer une feuille de papier.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vais demander à ce que la pièce 65 ter

 11   90331 soit montrée au témoin.

 12   Q.  Monsieur, on vous a accordé des mesures de protection dans cette

 13   affaire, cela veut dire que nous n'allons pas utiliser votre nom ou des

 14   informations autres qui risqueraient de dévoiler votre identité, et à vous

 15   aussi de faire attention à ne pas dire quelque chose qui permettrait de

 16   vous identifier.

 17   Maintenant, je vais vous montrer une feuille de papier. Celle-ci se trouve

 18   sur l'écran. Veuillez juste nous dire si c'est bien votre nom, et répondez

 19   par un "oui" ou par un "non".

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Merci.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Je voudrais demander un versement au dossier

 23   sous pli scellé, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P4988, sous pli

 26   scellé, Madame, Messieurs les Juges.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Fort bien.

 28   Q.  Monsieur, je n'ai que quelques questions à vous poser au sujet du


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  1   témoignage que vous avez fourni dans une affaire antérieure.

  2   Vous souvenez-vous d'avoir témoigné dans l'affaire Popovic ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Bon. Pouvez-vous confirmer à l'intention des Juges de cette Chambre

  5   deux choses : d'abord, que vous avez relu ce témoignage, et nous dire si

  6   c'est bien exact, ce qui s'y trouve; et si on vous posait les mêmes

  7   questions aujourd'hui, répondriez-vous de la même façon ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Merci.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je voudrais

 11   demander un versement au dossier en tant que déclaration en application de

 12   l'article 92 ter. Il s'agit de la pièce 22756A, et on devrait verser au

 13   dossier une référence identique portant un petit B comme étant une version

 14   publique expurgée.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les deux seront versés au dossier.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agira de la pièce…

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] P4989, sous pli scellé, et de la pièce

 19   4050 [comme interprété].

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] Eh bien, je crois qu'on pourrait peut-être

 22   demander le versement au dossier d'une pièce associée qui serait la

 23   référence 03453. C'est cette fiche avec le pseudonyme accordé à ce témoin

 24   dans l'affaire précédente.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Ce sera versé au dossier sous pli

 26   scellé.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P4991, sous pli

 28   scellé.


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  1   M. NICHOLLS : [interprétation] Très bien.

  2   Je vais donner lecture d'un petit résumé de la déclaration.

  3   Peu de temps après la chute de Srebrenica en juillet 1995, le témoin a été

  4   présent à une opportunité au siège de la Brigade de Zvornik. Un officier de

  5   la VRS s'était présenté comme étant le colonel Beara. Ce colonel Beara a

  6   déclaré qu'ils avaient fait beaucoup de prisonniers et qu'ils étaient

  7   gardés à bien des emplacements de la municipalité, et qu'il était très

  8   difficile de contrôler le tout. Beara a dit qu'il fallait se débarrasser de

  9   ces prisonniers et il a dit qu'ils avaient besoin d'aide pour ce qui est de

 10   l'ensevelissement des corps. Ce colonel Beara a dit que l'ordre était donné

 11   de liquider ces prisonniers et que cela venait des deux présidents.

 12   Ceci met un terme à mon résumé.

 13   Q.  Monsieur, grand merci. Je n'ai pas de questions à vous poser à présent.

 14   Je viens d'en terminer. Il se peut que j'en vienne à poser des questions

 15   plus tard. Mais maintenant, ce sera M. Karadzic qui vous posera des

 16   questions.

 17   Merci.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, comme vous avez pu

 19   le remarquer, votre témoignage fourni dans l'affaire Popovic et autres a

 20   été versé au dossier dans son intégralité, vous venez de l'entendre, et

 21   c'est ce qui tient lieu de témoignage de votre part dans cette affaire-ci

 22   et ceci constitue votre témoignage au principal pour ce qui est donc des

 23   réponses [comme interprété] que vous aurait posées le Procureur.

 24   Maintenant, vous allez être contre-interrogé par M. Karadzic.

 25   Le comprenez-vous ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le comprends.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 28   A vous, Monsieur Karadzic.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

  4   R.  Bonjour.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un petit point, Monsieur le

  6   Témoin. Comme M. Nicholls vous l'a expliqué, vous bénéficiez de mesures de

  7   protection. Vous avez un pseudonyme, et on ne se sert pas de votre nom.

  8   Votre voix et votre visage se trouvent être déformés sur les écrans.

  9   Lorsque vous penserez que vos réponses risqueraient de révéler votre

 10   identité, veuillez l'indiquer et nous passerons à huis clos partiel, et les

 11   réponses ne seront pas diffusées vers l'extérieur.

 12   Continuez, Monsieur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur le Témoin, je tiens à vous exprimer ma reconnaissance pour ce

 16   qui est d'avoir accepté -- ne serait-ce que par vidéoconférence, avec les

 17   représentants de la Défense et de l'Accusation. Je voudrais vous demander,

 18   et je tiens à me le rappeler moi-même, la nécessité de faire des pauses

 19   entre les questions et les réponses que vous allez apporter, parce que les

 20   interprètes risquent de ne pas nous rattraper dans notre cadence et notre

 21   débit.

 22   Alors je vous demande de prêter attention au compte rendu qui défile

 23   sur l'écran. Une fois que ce compte rendu cessera de défiler, ça signifiera

 24   qu'on a traduit ce qui s'est dit.

 25   Est-ce que vous m'avez compris ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Merci. Passons tout de suite à ce que le Procureur a lu en guise de

 28   résumé.


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  1   Est-ce que vous pouvez nous confirmer le fait de la rencontre qui

  2   s'est passée à la date du 15, ou à une autre date, rencontre qui se trouve

  3   être décrite dans le résumé ?

  4   R.  La date exacte, je ne m'en souviens pas parce que j'ai été contacté par

  5   le Procureur 11 ans après ces événements-là.

  6   Q.  Merci. Est-il exact de dire que vous n'avez pas été convié à la

  7   rencontre par votre nom et prénom, mais on a demandé quelqu'un, un

  8   représentant quelconque des autorités locales ?

  9   R.  Etant donné que je ne me souviens pas d'avoir reçu un coup de fil

 10   téléphonique direct me concernant, c'est une secrétaire qui m'a transmis le

 11   fait que j'étais sollicité au niveau de la brigade, et j'en ai tiré la

 12   conclusion qui est celle de penser qu'on avait demandé l'un des

 13   représentants quelconques de la municipalité. Aussi suis-je allé à la

 14   brigade. Je ne savais pas qui est-ce qui m'avait demandé.

 15   Q.  Merci. Est-il exact de dire que ce n'était pas une réunion officielle,

 16   mais une rencontre qui s'est faite, comme on dirait, à brûle-pourpoint,

 17   c'est-à-dire de façon impromptue ?

 18   R.  Oui. J'ai indiqué dans ma déclaration qu'il n'y avait pas de réunion de

 19   fixée comme les procédures le demanderaient. Plutôt que d'avoir cela, on a

 20   eu une rencontre dans une pièce au siège de la Brigade de Zvornik. Il y

 21   avait ce monsieur-là qui était debout là-bas et les gens qui sécurisaient

 22   sa personnalité, et j'étais debout moi aussi.

 23   Q.  Merci. Est-il exact de dire qu'on vous aurait communiqué la chose comme

 24   étant un élément où vous n'étiez pas censé donner votre approbation ? On

 25   vous a demandé rien que de fournir des services.

 26    R.  Oui.

 27   Q.  Merci. Est-il exact de dire que vous étiez choqué et que vous n'osiez

 28   pas poser trop de questions, mis à part une phrase interrogative que vous


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  1   auriez prononcée, suite à quoi le colonel en question a rétorqué que

  2   c'étaient des ordres ou une approbation venant de deux présidents ?

  3   R.  Il n'y a pas eu de dialogue du tout. Il y a eu ce que ce colonel a

  4   prononcé comme parole. Moi, je n'ai pas posé de questions. Et c'est dans le

  5   même ton qu'il a enchaîné son monologue pour prononcer cette phrase-là.

  6   Q.  Merci. Est-ce qu'il a expliqué ou est-ce qu'on a pu tirer des

  7   conclusions sans ambiguïté pour ce qui est de savoir de quels présidents il

  8   était en train de parler ?

  9   R.  Je n'ai pas posé la question, et je n'ai pas compris non plus de qui il

 10   s'agissait.

 11   Q.  Merci. Me connaissant, puisque vous m'aviez rencontré auparavant - on

 12   en parlera plus tard - mais me connaissant, est-ce que vous aviez pensé que

 13   c'était une chose que j'aurais approuvé ou ordonné, le fait d'exécuter des

 14   prisonniers de guerre ?

 15   R.  Vous connaissant depuis plus de 20 réunions et rencontres que nous

 16   avons eues, à aucun moment je ne pouvais croire que vous étiez capable de

 17   donner un tel ordre.

 18   Q.  Merci. Nous nous étions rencontrés après cet événement-là à des

 19   occasions plus ou moins officielles ou plus ou moins officieuses. Est-ce

 20   que vous avez eu l'impression que j'en savais quelque chose ? Et est-ce

 21   qu'il a été question de ceci ? Est-ce que quiconque aurait parlé de cela ?

 22   Est-ce que quiconque m'aurait informé de cela lors de nos rencontres à nous

 23   ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que vous ne répondiez, Monsieur le

 25   Témoin, j'aimerais que nous entendions M. Nicholls.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Ce n'est pas une objection, mais je voudrais

 27   demander à ce que la question soit fragmentée en plusieurs segments.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Est-ce que, après cela, nous avons eu des rencontres en plusieurs

  3   occasions différentes ?

  4   R.  Oui, nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises. Et différents

  5   sujets ont été abordés.

  6   Q.  Merci. Durant ces rencontres, est-ce que quelqu'un a abordé ceci avec

  7   moi ? Est-ce que cet incident ou cet événement qui était lié à la rencontre

  8   avec ce colonel -- est-ce que, donc, ceci a été mentionné en ma présence ?

  9   R.  Ce sujet n'a jamais été abordé ni mentionné.

 10   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez en tirer, donc, les conclusions qui

 11   s'imposent quant à savoir si j'étais au courant de tout cela, compte tenu

 12   des conversations que nous avons eues ?

 13   R.  Compte tenu de ces conversations et des problèmes que nous avons

 14   abordés, on ne peut pas en déduire que vous étiez au courant de cela. Et

 15   vous ne nous avez jamais posé de questions à ce sujet.

 16   Q.  Merci. Même si je n'étais pas présent, est-ce que c'était un sujet

 17   tabou que personne ne souhaitait aborder ? Je ne parle pas uniquement de la

 18   réunion, mais je parle également de tout ce qui aurait pu se passer dans

 19   cette région après la chute de Srebrenica.

 20   R.  Il était interdit d'aborder ce sujet. Et d'ailleurs, personne ne l'a

 21   mentionné, mis à part dans certaines circonstances très inusuelles. Peut-

 22   être qu'une ou deux personnes dans ce cas-là l'ont mentionné en privé, mais

 23   ça n'a jamais été abordé dans un cercle plus élargi. Et cet incident n'a

 24   pas été analysé.

 25   Q.  Merci. Durant l'entretien, vous avez accepté et vous avez cru

 26   comprendre que lorsque le colonel avait mentionné les deux présidents, il a

 27   peut-être essayé d'impressionner l'assistance qui était présente afin de

 28   s'assurer que l'on accède à sa demande.


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  1   Est-ce que vous seriez disposé à envisager cette possibilité aujourd'hui ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais une citation, s'il vous plaît.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que c'est durant l'entretien

  5   qui s'est tenu en visioconférence avec le témoin.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] Ah, dans ce cas-là, je suis désolé, je

  7   pensais qu'il parlait d'un entretien avec le bureau du Procureur.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président. Je

  9   parle de l'entretien que j'ai eu avec le témoin.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous vous souvenez de la

 11   question, Monsieur le Témoin ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Durant cet entretien que j'ai eu avec M.

 13   Karadzic, j'ai dit qu'il était envisageable que les propos tenus par cette

 14   personne pourraient laisser penser qu'il avait essayé d'impressionner

 15   l'assistance en donnant l'impression qu'il s'agissait d'un ordre absolument

 16   irrévocable.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Merci. Est-ce exact qu'il a expliqué, ou plutôt, qu'il a parlé du

 19   danger de la détention d'un nombre important de prisonniers si une attaque

 20   était menée à partir de Kalesija ? Est-ce qu'il a mentionné cette menace,

 21   le fait qu'il avait donc des raisons et des peurs qui étaient les siennes ?

 22   Et est-ce qu'il a donc expliqué pourquoi il devait se débarrasser d'eux ?

 23   R.  Il a dit qu'il ne pouvait pas les contrôler et que, par conséquent, il

 24   devait s'en débarrasser. Alors, maintenant, quant à savoir s'il était au

 25   courant du fait qu'une colonne avançait en direction de Zvornik et qu'elle

 26   se concentrait de l'autre côté, c'est-à-dire en direction de Tuzla, et que

 27   nous au niveau de la municipalité de Zvornik, nous avions envoyé un appel

 28   pour demander que notre brigade retourne vers Zvornik parce que cette


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  1   menace était présente, je ne peux pas vraiment en tirer des conclusions.

  2   Q.  Vous ne pouvez pas conclure qu'il était au courant des mêmes éléments

  3   que vous ?

  4   R.  Oui. A Zvornik, nous savions que la menace était présente. Nous savions

  5   que nous étions en danger, parce que tous les soldats mobilisés se

  6   trouvaient à l'extérieur du territoire de la municipalité de Zvornik. Et il

  7   y avait un groupe de plusieurs milliers de Musulmans qui venaient de

  8   Srebrenica et qui allaient traverser la municipalité de Zvornik, et nous ne

  9   savions pas s'ils allaient vraiment en direction de Zvornik ou pas. En

 10   fait, il s'est avéré qu'ils sont allés en direction du territoire de la

 11   Fédération, parce que c'est là-bas qu'ils sont allés par la suite, et ils

 12   sont passés par la municipalité. (expurgé)

 13   (expurgé) nous avons demandé à ce que notre brigade, qui

 14   à l'époque se trouvait sur le territoire de la municipalité de Zepa, nous

 15   avons donc demandé que cette brigade soit renvoyée, ou que du moins une

 16   partie de la brigade nous soit envoyée, afin de protéger notre ville.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que, avant de continuer, on

 18   pourrait passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 19   [Audience à huis clos partiel]

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 14   [Audience publique]

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur

 17   Karadzic.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur le Témoin, lorsque le colonel a dit qu'il n'était pas en

 21   mesure de les contrôler, est-ce qu'il a utilisé des termes tels qu'il

 22   s'agit de bêtes sauvages ou quelque chose dans ce genre ? Est-ce que vous

 23   connaissez quelqu'un qui les a accompagnés ou qui a été témoin ou qui, en

 24   fait, a vu que des armes étaient saisies par ces hommes ? Et est-ce que

 25   vous avez été témoin de tirs qui ont été échangés ? Donc, sans mentionner

 26   de nom, est-ce que vous pourriez nous dire si, d'une certaine manière, vous

 27   avez pu relier certains événements à ce que vous saviez ?

 28   R.  Le colonel a parlé très brièvement - et je dois insister sur cela - il


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  1   a dit qu'il ne pouvait pas les contrôler, qu'ils étaient dangereux, et tout

  2   ce que j'ai déjà dit.

  3   Pour ce qui est des événements dont j'avais appris le déroulement par

  4   d'autres sources, ceci est survenu ultérieurement.

  5   Q.  Vous en avez donc eu vent plus tard, n'est-ce pas ?

  6   Si cela vous convient mieux, on peut peut-être passer à huis clos partiel.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord.

  8   [Audience à huis clos partiel]

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  8   [Audience publique]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, vous pouvez

 10   continuer.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  J'espère que j'en aurai terminé avant la pause. Je ne veux pas vous

 14   retenir plus longtemps. Mais j'aimerais rapidement aborder certains sujets

 15   avec vous, des choses qui se sont passées avant cet incident, mais

 16   finissons-en avec cet incident.

 17   Vous nous avez dit que vous n'aviez pas été impliqué personnellement d'une

 18   manière ou d'une autre, et vous ne savez pas si qui que ce soit a agi suite

 19   aux ordres qui avaient été donnés par ce colonel ?

 20   R.  Je n'ai pas participé à quoi que ce soit d'autre au sujet de cet

 21   incident, et de toute façon je n'étais pas sur le territoire de la

 22   municipalité de Zvornik. Par conséquent, je ne sais pas comment les choses

 23   se sont terminées, et je ne sais pas, d'ailleurs, si qui que ce soit a

 24   obtempéré à ces ordres ou à ces exigences.

 25   Q.  Très bien. Maintenant, je voudrais revenir rapidement à 1992, et je

 26   vais essayer de vous demander de répondre par oui ou par non de façon à ce

 27   que nous puissions terminer avant la pause.

 28   Maintenant, j'aimerais savoir s'il est exact de dire que la vie avant les


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  1   premières élections multipartites était normale, plus ou moins, jusqu'à ce

  2   que le SDA décide de procéder au démantèlement de la Yougoslavie ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce exact que vous étiez présent, et d'ailleurs vous étiez très

  5   proche de moi, durant une convention qui s'est tenue durant l'été 1992. Il

  6   y avait donc une pièce qui était bondée, et M. Adil Zulfikarpasic et moi-

  7   même, nous nous sommes adressés à l'assistance, qui était composée d'une

  8   population mixte, je veux dire par là, donc, à la fois des Serbes et des

  9   Musulmans, et nous avons donc expliqué quelle était la signification de cet

 10   accord historique serbo-musulman ?

 11   R.  Oui, je me souviens de cette réunion. Il s'agissait d'une réunion qui

 12   s'est tenue dans le palais des sports de Zvornik. J'étais un des membres de

 13   la sécurité, même si la réunion s'est déroulée sans aucun problème, et nous

 14   avons effectivement considéré qu'il s'agissait d'une tentative historique

 15   de réconciliation, ou plutôt, une tentative visant à garantir la survie de

 16   la Bosnie-Herzégovine comme partie intégrante de la Yougoslavie. Et

 17   l'assistance, c'est-à-dire les personnes qui étaient sur place, était ravie

 18   que l'on puisse se rencontrer et que nous ayons pu adopter une position

 19   commune avec les Bosno-Musulmans.

 20   Q.  Merci. Est-ce que vous vous souvenez quand cet accord a été rejeté par

 21   le SDA et quand il a été décidé que la municipalité de Zvornik devrait être

 22   divisée en deux municipalités, avec une qui serait à prédominance serbe et

 23   une autre qui serait majoritairement musulmane ?

 24   R.  Monsieur, après les élections locales, les autorités ont été

 25   constituées à Zvornik et, donc, ont été divisées entre les Serbes et les

 26   Musulmans. Tous les responsables ont conservé leurs postes, et les hommes

 27   politiques des différents partis ont mené des négociations quasiment 24

 28   heures sur 24 pour la division de la municipalité de Zvornik en deux


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  1   parties, une partie serbe et une partie musulmane. Et je peux vous dire que

  2   les nouvelles frontières entre ces deux nouvelles municipalités ont suscité

  3   des opinions diamétralement opposées.

  4   Q.  Merci. Est-ce exact que le SDA a miné ces négociations et qu'entre-

  5   temps ils avaient constitué les Bérets verts et la Ligue des Patriotes, à

  6   savoir deux formations paramilitaires qui étaient présentes dans votre

  7   municipalité ?

  8   R.  La position des représentants du SDS était que la municipalité devait

  9   être divisée géographiquement et que la ville de Zvornik devait également

 10   être divisée en deux. La partie nord devait appartenir aux Serbes et la

 11   partie sud devait être donnée aux Musulmans. D'un autre côté, les

 12   représentants du SDA avaient exigé que la ligne de séparation devait être

 13   tracée de telle manière que même la localité la plus petite peuplée de

 14   Bosno-Musulmans fasse partie du nouveau territoire musulman, et c'est là où

 15   des opinions diamétralement opposées se sont fait voix.

 16   Quant aux armes, nous avions des informations. Il y avait des rumeurs qui

 17   circulaient consistant à dire qu'ils s'étaient armés par le biais du

 18   ministère de l'Intérieur. Et il y avait donc ces formations paramilitaires,

 19   à savoir les Bérets verts et la Ligue des Patriotes, qui étaient cantonnées

 20   dans les environs et qui organisaient des séances d'entraînement. Et nous

 21   avions reçu des informations concernant les activités qui avaient lieu à

 22   Rastosnica et à Boskovici. Par conséquent, la situation était tendue et on

 23   risquait l'incident à tout moment.

 24   Q.  Merci.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on passer quelques instants à huis clos

 26   partiel, s'il vous plaît.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord.

 28   [Audience à huis clos partiel]


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 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous y sommes. Continuez, Monsieur

 24   Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 26   les Juges, j'ai péché par optimisme. J'aurais besoin d'une quinzaine de

 27   minutes après la pause pour terminer le contre-interrogatoire, mais mon

 28   contre-interrogatoire durera moins de temps que prévu au départ.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Par conséquent, vous pensez que ce

  2   serait le bon moment de faire la pause ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je crois. Je ne voudrais pas me

  4   lancer dans un autre sujet parce que je ne pourrai pas conclure ce sujet

  5   avant la pause.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  7   Nous allons faire notre pause maintenant et nous reprendrons à 13

  8   heures 30.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 27.

 11   --- L'audience est reprise à 13 heures 37.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. le Juge Morrison n'assistera pas à ce

 13   qui reste de l'audience d'aujourd'hui et n'assistera pas non plus à la

 14   première partie de l'audience de demain en raison d'obligations officielles

 15   qui l'empêchent de siéger en application de l'article 15 bis du Règlement.

 16   Monsieur Karadzic, c'est à vous.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Vous avez parlé des unités de la JNA, et en particulier de cette unité

 20   qui est arrivée tout près de Zvornik.

 21   Est-ce que, en vous fondant sur votre expérience, vous diriez qu'à

 22   cette époque-là, la JNA avait une attitude également hostile à l'égard des

 23   Musulmans du SDA que l'attitude hostile qu'elle pouvait avoir vis-à-vis

 24   d'autres partis ? Puisque vous avez dit au cours de l'entretien auquel vous

 25   avez participé qu'ils ne s'appréciaient pas les uns les autres, qu'ils

 26   n'avaient pas une très haute opinion de nous, ou quelque chose de cet

 27   ordre-là ?

 28   R.  La JNA défendait fermement la multiethnicité à cette époque-là. Mais


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  1   ceux qui répondaient aux appels à la conscription étaient principalement

  2   des Serbes, et je dois remarquer qu'il y (expurgé)

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  6   (expurgé) Et comme

  7   chacun le sait, la JNA était, par nature, communiste sur le plan de sa

  8   doctrine, et il existait un certain nombre de partis politiques orientés

  9   sur base nationale, y compris d'ailleurs le SDS.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à huis clos

 12   partiel pendant un instant.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 14   [Audience à huis clos partiel]

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 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-il exact, dans ces conditions, qu'assez rapidement la JNA s'est

 27   rendue compte qu'elle ne pouvait se sentir en sécurité que dans les zones

 28   serbes ?


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  1   R.  Eh bien, finalement, personne n'avait répondu favorablement à l'appel à

  2   conscription parmi les Bosno-Musulmans. Il est donc probable que la JNA se

  3   sentait davantage en sécurité sur un territoire serbe, puisque la JNA était

  4   principalement composée de forces serbes.

  5   Q.  Merci. Je vous ai posé cette question parce que j'aimerais savoir si

  6   vous êtes d'accord, ou en tout cas si vous étiez au courant du fait que le

  7   5 avril, à Sapna, il y avait une colonne de la JNA qui avait pris la

  8   direction de la Yougoslavie, et que ce jour-là, le 5 avril, des tirs ont eu

  9   lieu contre cette colonne, et un jeune lieutenant a été tué à ce moment-là.

 10   Est-ce que vous vous rappelez cet incident ?

 11   R.  Oui, je me souviens. C'était un événement très marquant à cette époque-

 12   là, une époque où les officiers de la JNA circulaient librement sur le

 13   territoire de la Bosnie-Herzégovine. Et donc, pour nous, cela a été une

 14   très grande surprise d'entendre que quelqu'un avait tué un officier. Cela a

 15   provoqué une révolte très importante du côté serbe.

 16   Q.  Merci. En ce qui concerne les unités que vous connaissiez, est-ce que

 17   cet événement a également été vécu comme un choc 

 18   important ?

 19   R.  Cela a été un des incidents les plus marquants de cette période. Et ce

 20   qui m'est resté gravé dans la mémoire, c'est que suite à cet événement, un

 21   grand nombre de Serbes aptes à porter les armes sont venus se faire

 22   connaître auprès de notre unité. Ils demandaient à ce qu'on leur donne un

 23   uniforme et des armes et se sont mis volontairement à la disposition des

 24   unités de la JNA.

 25   Q.  Est-ce que cela signifie qu'il n'y avait personne d'autre à qui ils

 26   auraient pu s'adresser à ce moment-là ? Est-ce que cela signifie qu'à ce

 27   moment-là, c'est-à-dire le 5 avril, il n'y avait pas de formations

 28   paramilitaires d'origine serbe auprès desquelles ils auraient pu se faire


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  1   connaître ?

  2   R.  La population serbe avait une très grande confiance dans l'armée

  3   populaire yougoslave. Et à cette époque-là, il n'existait même pas d'unités

  4   de la Défense territoriale dans le village, donc la réaction de la

  5   population a très normalement consisté à demander à l'armée populaire

  6   yougoslave de la protéger et de lui donner des armes.

  7   Q.  Merci. Avant de conclure mon contre-interrogatoire, voici une question

  8   que j'aimerais vous poser : est-ce que j'ai raison de dire que l'idée de

  9   Zulfikarpasic et de Filipovic quant au fait qu'un accord aurait pu être

 10   conclu entre les Serbes et les Musulmans prévalait à cette époque-là ? Est-

 11   ce que votre unité, qui était encore unie à l'époque, et est-ce que la

 12   Bosnie dans son ensemble, encore unie à l'époque, auraient pu, grâce à un

 13   tel accord, demeurer au sein de la Yougoslavie, et est-ce qu'aucun habitant

 14   ne serait parti pour d'autre lieu de résidence ?

 15   Est-ce que c'était cela le concept qui était envisagé, une solution

 16   pacifique permettant la poursuite de la coexistence ?

 17   R.  La seule condition imposée par la population serbe, et dans le cadre de

 18   notre politique à cette époque-là, c'était que la Bosnie-Herzégovine reste

 19   partie prenante intégrée à la Yougoslavie.

 20   Q.  Merci.

 21   R.  Et le concept de Zulfikarpasic, à ce moment-là, ne faisait que

 22   confirmer cette volonté.

 23   Q.  Je vous remercie. Est-ce que j'ai raison de dire ce qui suit : lorsque

 24   nous avons constaté qu'eux voulaient la sécession, et lorsque les

 25   pourparlers portant sur la division de la municipalité en deux

 26   municipalités distinctes ont commencé, est-ce que j'ai raison de dire que

 27   même dans ce cas-là personne encore n'avait quitté Zvornik, à part le fait

 28   que les Musulmans s'étaient déplacés du quartier serbe de la ville vers la


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  1   municipalité musulmane, mais en dehors de toute persécution les concernant

  2   ? Est-ce que l'idée d'assurer la sécurité de chacun et de tous prévalait

  3   encore afin que chacun puisse jouir des droits qui étaient les siens au

  4   sein de sa propre municipalité ?

  5   R.  Eh bien, je suis convaincu qu'il n'y aurait eu aucun affrontement

  6   interethnique si la Bosnie était demeurée au sein de la Yougoslavie et si

  7   le référendum relatif à la sécession n'avait pas été organisé par la

  8   communauté internationale, et j'ajoute au passage que dans le cadre de

  9   l'organisation de ce référendum, on ne reconnaissait plus la décision de la

 10   population serbe de demeurer au sein de la Yougoslavie.

 11   Q.  Est-ce que vous pourriez me dire si ce concept de deux municipalités

 12   distinctes impliquait une quelconque expulsion de population ou un

 13   quelconque déplacement de population, ou est-ce que toute la population

 14   était censée rester sur le territoire de 

 15   Zvornik ?

 16   R.  Ce concept de deux municipalités impliquait la division et était

 17   contraire à la volonté d'éviter la division de la Bosnie. Par conséquent,

 18   il avait pour but d'essayer d'empêcher le conflit.

 19   Q.  Quelques questions supplémentaires maintenant, même si vous n'étiez pas

 20   dans la ville à ce moment-là, mais vous y étiez peut-être un peu plus tard.

 21   Est-ce que vous avez appris quoi que ce soit au sujet des événements

 22   qui se sont déroulés jusqu'au 8 avril et par la suite ? Ou, pour être plus

 23   précis, qui se sont déroulés après le meurtre de cet officier dont je viens

 24   de parler. Est-ce que les formations paramilitaires musulmanes ont contrôlé

 25   Zvornik, alors que la population serbe avait traversé la rivière pour se

 26   diriger vers la Serbie ? Et est-ce que les hommes étaient partis, et les

 27   femmes et les enfants étaient restés à Zvornik, ou peut-être à Karakaj et

 28   dans d'autres quartiers majoritairement serbes de la municipalité ?


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  1   R.  Nous, nous étions à Celopek, à 35 kilomètres de Zvornik, et ce n'était

  2   pas une très bonne idée à l'époque d'aller en ville à Zvornik revêtu de son

  3   uniforme de la JNA. On nous avait avertis de ne pas le faire. C'était un

  4   fait bien connu, puisqu'il n'y avait qu'un pont sur la Drina à traverser,

  5   que les hommes serbes allaient passer la nuit en Serbie en traversant le

  6   pont et que le matin ils rentraient à Zvornik pour travailler pendant les

  7   jours de travail de la semaine.

  8   Q.  Est-ce que vous avez été témoin du fait que les premiers réfugiés qui

  9   sont arrivés après le début du conflit étaient des Serbes venus de Bosnie

 10   centrale, et qu'à Zvornik, au début, ils étaient logés dans une salle de

 11   sport et dans les villages, et qu'ils arrivaient parfois dans certains

 12   villages où ils investissaient des maisons musulmanes, pas de façon

 13   particulièrement violente, mais pas non plus de façon tout à fait pacifique

 14   ?

 15   Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre quelques mots

 16   au sujet de l'arrivée des réfugiés en ville et de leur lieu d'hébergement

 17   dans la salle de sport, ainsi que de l'arrivée de réfugiés dans les

 18   villages musulmans ?

 19   R.  Nous avons vécu un afflux important de réfugiés venus de Tuzla et de

 20   Kladanj à Zvornik. Un jour en particulier, plusieurs milliers de réfugiés

 21   sont arrivés et ils ont été installés dans la salle de sport. Ils

 22   sortaient, toutefois, comme ils le souhaitaient de façon organisée pour se

 23   rendre dans les villages environnants qui étaient habités par des

 24   Musulmans, et étant donné les pressions qui s'exerçaient, ils

 25   investissaient des maisons ou parfois quittaient les maisons en emportant

 26   avec eux un certain nombre d'objets, et ils prenaient à ce moment-là la

 27   direction de la Fédération, à moins qu'ils ne franchissent le pont pour se

 28   rendre en Serbie.


Page 28100

  1   Q.  Est-il exact que les autorités locales n'ont pas participé à tout cela

  2   et que très souvent elles n'étaient informées que plus tard de ce qui

  3   s'était déjà passé ?

  4   R.  Les autorités locales, pendant les premiers jours ou le premier mois,

  5   n'avaient pratiquement aucun pouvoir parce que les paramilitaires étaient

  6   en train de se constituer un peu partout, et que la situation générale

  7   était marquée par un mépris de la loi, de sorte que personne ne réussissait

  8   à coordonner l'accueil de ces réfugiés ou l'organisation de leur logement.

  9   Tout semblait hors de contrôle à ce moment-là.

 10   Q.  Je vous remercie. Vous avez parlé des paramilitaires serbes à

 11   l'instant. Est-ce que vous pourriez énumérer quelques-uns de ces groupes et

 12   dire aux Juges de la Chambre qui détenait le pouvoir à Zvornik à cette

 13   époque-là ? Est-il exact que votre unité a été menacée, que des soldats ont

 14   été menacés, on leur a dit qu'ils seraient abattus par un peloton

 15   d'exécution, et que cela donnait une idée du mépris de la loi qui régnait à

 16   l'époque à Zvornik ?

 17   R.  Comme tout système où il n'y a plus aucune discipline, où il n'y a plus

 18   aucune autorité, c'étaient les armes qui faisaient la loi. Pendant les

 19   premiers jours, les volontaires d'Arkan qui ont libéré Zvornik se sont

 20   imposés en tant que détenteurs uniques du pouvoir. D'autres volontaires

 21   arrivaient tous les jours. Ils rejoignaient les unités de la JNA. Il y

 22   avait aussi des unités paramilitaires composées d'individus qui revenaient

 23   du front en Croatie. C'étaient des hommes qui avaient de l'expérience, qui

 24   savaient comment intimider les populations. C'étaient des hommes qui

 25   utilisaient toutes sortes de noms pour glorifier leur propre pouvoir et

 26   semer la peur parmi la population. Ils obligeaient parfois à certains

 27   habitants à se dénuder - je veux dire, certains habitants serbes - et ils

 28   les pourchassaient dans le village, tout nu, pour qu'ils servent d'exemples


Page 28101

  1   s'ils avaient refusé, par exemple, de répondre affirmativement à un appel à

  2   la mobilisation et s'ils avaient fait preuve de désobéissance. Il y a eu

  3   plusieurs incidents de ce genre où des habitants ont été roués de coups, où

  4   des adultes ont été contraints de circuler nus à travers Celopek de façon à

  5   être vus par leurs familles. Et donc, le niveau global de sécurité était

  6   très bas. Et croyez-moi, même si j'avais une certaine expérience - puisque

  7   je faisais partie de l'armée depuis six mois - je n'avais pas suffisamment

  8   de courage pour me rendre à Zvornik, en particulier le soir, ou même de me

  9   mettre au volant de ma propre voiture parce qu'elle risquait d'être

 10   confisquée. Ils volaient. Personne ne se sentait en sécurité à l'époque.

 11   Q.  Je vous remercie. Est-il exact que nombreux d'entre eux venaient

 12   régulièrement en qualité de volontaires, ce qui était approuvé par des

 13   décrets, par la loi, et que très rapidement certains d'entre eux sont

 14   devenus des hors-la-loi ? Ils refusaient de rester sur les lignes de front

 15   où ils auraient dû se tenir, et au lieu de cela, ils retournaient en ville

 16   pour se livrer à toutes sortes d'exactions que vous venez de décrire à

 17   notre attention, n'est-ce 

 18   pas ?

 19   R.  Les formations paramilitaires étaient stationnées en ville. Pendant la

 20   journée, ces hommes allaient sur le terrain défendre le territoire, et ils

 21   dormaient toujours en ville. Et leur pouvoir venait du fait que personne ne

 22   pouvait le contester, ce pouvoir.

 23   Q.  Est-ce qu'ils avaient une force constituée, telle qu'une force

 24   militaire ou policière, à Zvornik qui aurait pu résoudre le problème, qui

 25   aurait pu arrêter ces hommes ou les expulser ? Je veux dire, donc, une

 26   force sur place, locale.

 27   R.  Non. Au début, aucune force existant sur place n'aurait pu résoudre le

 28   problème posé par ces paramilitaires. D'ailleurs, personne n'a essayé. Et


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  1   plus tard, lorsque l'armée de la Republika Srpska a été créée, un certain

  2   ordre a été réinstauré, et les hommes dont nous parlons avaient leurs

  3   propres unités, mais ont refusé de placer ces unités sous un commandement

  4   de l'armée.

  5   Q.  Merci. Est-ce que vous vous rappelez cette très grande opération

  6   organisée et planifiée qui a été menée par la police spéciale de Pale avec

  7   l'aide de la police de Serbie et du régiment de protection, le 65e Régiment

  8   de Protection, et qu'à la fin du mois de juillet ces unités ont été

  9   liquidées et chassées ?

 10   R.  Oui, je m'en souviens. Ça a été une surprise de voir arriver les unités

 11   spéciales de Pale. Et d'ailleurs aussi, mais je ne me souviens pas d'où,

 12   ces unités étaient dirigées par l'officier Karisik, et ils ont interpellé

 13   et arrêté les membres de cette formation qu'on appelait les Guêpes jaunes.

 14   C'était l'une des unités les plus connues de ce genre à Zvornik.

 15   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. D'habitude je n'agis pas ainsi, mais

 16   j'aimerais vous donner la possibilité de dire quelques mots si vous estimez

 17   n'avoir pas dit tout ce que vous considériez comme pouvant être important

 18   dans le cadre de mon procès.

 19   R.  Je ne sais pas que dire de plus. J'aimerais que vous ayez à répondre de

 20   vos actes si vous êtes coupable, que vous soyez libéré si vous êtes

 21   innocent, et il appartient à cette Chambre de première instance de le

 22   déterminer. Je vous souhaite bonne chance.

 23   (expurgé)

 24   (expurgé) quelle est votre opinion ?

 25   R.  Eh bien, je suppose que cela se comprend aisément. Si l'on a bien

 26   écouté ma déposition, je ne peux même pas imaginer que vous ayez participé

 27   à ces actes.

 28   Q.  Merci, Monsieur le Témoin.


Page 28103

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Je demande un instant que nous passions à

  3   huis clos partiel.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   [Audience à huis clos partiel]

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15   [Audience publique]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, est-ce que vous avez

 17   des questions supplémentaires pour le témoin ?

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, quelques-unes, très rapidement.

 19   Nouvel interrogatoire par M. Nicholls :

 20   Q.  [interprétation] Vous avez parlé d'Arkan en quelques termes durant le

 21   contre-interrogatoire. Est-ce que vous le définiriez comme le dirigeant

 22   d'une formation paramilitaire ?

 23   R.  Quelquefois oui, quelquefois non.

 24   Q.  Et alors, dans quel cas vous le qualifieriez de dirigeant et dans quel

 25   cas vous ne le qualifieriez pas de dirigeant, dirigeant, bien sûr,

 26   paramilitaire, il s'entend ?

 27   R.  Je dirais non en termes de discipline et de dispositifs de guerre. Mais

 28   je dirais oui, compte tenu de ce qui était réalisé après l'issue d'une


Page 28104

  1   opération.

  2   Plus tard, ils avaient tendance à réaliser des pillages comme tout

  3   autre groupe paramilitaire. Mais pendant l'action, ils étaient très

  4   disciplinés et ils obéissaient à leurs supérieurs.

  5   Q.  D'accord. Je crois comprendre ce que vous voulez dire, mais je vais

  6   essayer d'obtenir des précisions pour en être sûr.

  7   Donc, par exemple, en avril 1992, lorsque les hommes d'Arkan, comme vous

  8   l'avez dit, ont libéré Zvornik, d'un point de vue militaire, ils étaient

  9   professionnels, mais ensuite les troupes ont commis des crimes comme, par

 10   exemple, nettoyage ethnique, pillage, et cetera ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne pense pas qu'on puisse mentionner le

 12   concept de nettoyage ethnique. Dans ce cas, je me devrai de faire une

 13   objection. Parce qu'en fait, on prête des propos au témoin, propos que le

 14   témoin n'a pas prononcés.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 16   Je vous demande de reformuler votre question, Monsieur Nicholls.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Très bien. Je vais reformuler ma question.

 18   Q.  Si je vous ai bien compris, vous avez dit que durant les opérations de

 19   combat ils étaient très disciplinés, pour libérer Zvornik par exemple, et

 20   vous considériez donc que les hommes d'Arkan étaient de bons soldats, mais

 21   ensuite ils ont commis des crimes ?

 22   R.  Non. Ils n'ont pas vraiment commis de crimes. Mais comme tout groupe

 23   paramilitaire, ils avaient tendance à s'adonner à des pillages et à

 24   commettre des vols.

 25   Q.  Et vous ne considérez pas ça comme un crime ?

 26   R.  C'est une sorte de crime, ou une sorte de délit peut-être, mais moi je

 27   ne suis pas avocat. Par conséquent, je ne peux pas vraiment me prononcer.

 28   Si quelqu'un vole quelque chose à la tire, par exemple, c'est probablement


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  1   un crime.

  2   Q.  Est-ce que vous savez qui est Dragan Bezejovic [phon] ?

  3   R.  Oui.

  4   L'INTERPRÈTE : Le début de la question n'a pas été saisi étant donné que M.

  5   Nicholls a pris la parole avant la fin de l'interprétation.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation]

  7   Q.  -- en avril 1992, à Zvornik ?

  8   R.  Commandant de police.

  9   Q.  Et pendant qu'il était commandant de police, est-ce qu'il était associé

 10   d'une manière ou d'une autre aux hommes d'Arkan qui venaient à Zvornik ?

 11   Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

 12   R.  A plusieurs reprises, il a dit que c'était grâce à lui, en d'autres

 13   termes, que c'était lui qui avait fait venir Arkan à Zvornik.

 14   Q.  D'accord. Et après leur séjour à Zvornik, après la libération de la

 15   localité, est-ce que, d'après vous, il était évident  --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît. J'aimerais

 17   savoir si le micro est branché.

 18   Monsieur Karadzic, est-ce que vous entendez l'interprétation ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, continuez.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation]

 22   Q.  Après la libération de Zvornik, est-ce que, d'après vous et d'après

 23   d'autres personnes, il était évident que les hommes d'Arkan avaient été

 24   responsables ou pouvaient être tenus responsables des pillages et des vols,

 25   ainsi que d'autres exactions commises que vous avez mentionnées ?

 26   R.  A cette époque, pour nous, c'étaient des héros. A l'époque, nous avions

 27   énormément peur de la population musulmane et de l'armée musulmane parce

 28   que nous nous trouvions en infériorité numérique, et nous n'avions jamais


Page 28106

  1   eu le courage de nous lancer dans la libération de Zvornik. Quand je dis

  2   "nous", je parle des unités composées de population locale de Zvornik.

  3   Q.  D'accord. Mais je vous pose la question par la suite. Une fois que ces

  4   groupes avaient terminé les combats, vous avez mentionné qu'ils pillaient

  5   ou qu'ils volaient. Est-ce qu'Arkan était l'un de ces groupes ?

  6   R.  Oui. Ils s'étaient appropriés des camions, des remorques qui étaient la

  7   propriété de la société en général. Ils se sont appropriés également des

  8   véhicules particuliers, et cetera. Cependant, nous n'avons pas considéré

  9   que ceci était une perte. C'était beaucoup plus important d'avoir récupéré

 10   notre liberté et d'être en sécurité, en sécurité contre les attaques de

 11   l'ennemi.

 12   Vous savez, lorsque vous êtes dans une situation de vie ou de mort,

 13   il est préférable de survivre que de conserver certaines acquisitions

 14   matérielles. Et si quelqu'un vous aide à survivre, c'est plus important que

 15   quoi que ce soit d'autre. Il est difficile d'expliquer cela à des personnes

 16   qui n'ont pas vécu cette situation.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me dois d'intervenir. Le témoin n'a pas dit

 18   que c'était difficile à expliquer à quelqu'un qui n'avait pas participé à

 19   ces événements. Le témoin a dit que c'était difficile pour quelqu'un qui

 20   n'a pas participé à ces événements de comprendre cela.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation]

 22   Q.  Savez-vous également si les hommes d'Arkan ont commis des crimes contre

 23   la population musulmane durant la libération ?

 24   Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

 25   R.  Je n'entends pas l'interprétation.

 26   Q.  Est-ce que vous m'entendez ?

 27   R.  Je vous entends, mais je n'entends pas l'interprétation. Je n'entends

 28   pas l'interprétation en B/C/S.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Notre huissier va vérifier les

  2   écouteurs.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pendant un moment, moi non plus je n'entendais

  4   rien, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous m'entendez maintenant

  6   dans une langue que vous comprenez, Monsieur le Témoin ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Monsieur Nicholls, je vous

  9   suggère de répéter la question que vous venez déjà de poser au témoin.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Très rapidement. La question que vous n'avez pas entendue est la

 12   suivante : est-ce que vous savez si les hommes d'Arkan ont également commis

 13   des crimes contre la population musulmane durant la libération de la

 14   localité de Zvornik ?

 15   Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

 16   R.  Durant la libération de Zvornik, avec mon unité, je me trouvais sur la

 17   colline de droite, celle à partir de laquelle on peut observer la localité

 18   de Zvornik. Mais je n'ai pas participé à la libération de Zvornik

 19   directement et, par conséquent, je n'ai pas été observateur ou témoin

 20   oculaire de quelque crime qui aurait été commis comme, par exemple, des

 21   personnes innocentes qui auraient été tuées. Par conséquent, je ne suis pas

 22   vraiment la personne idoine pour vous fournir les informations.

 23   Q.  Est-ce que vous avez entendu que des crimes ou des délits avaient été

 24   commis contre la population musulmane, soit à Zvornik, soit à Bijeljina,

 25   puisque c'est dans cette autre localité qu'ils se trouvaient avant

 26   d'arriver à Zvornik ?

 27   R.  Il m'est difficile de répondre à cette question, car durant cette

 28   période, certaines choses se sont passées, mais depuis on a lu les


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  1   journaux, on a suivi certains procès, beaucoup de choses ont été écrites à

  2   ce sujet. Durant d'autres procès, des arguments pour et contre ont été

  3   présentés concernant leurs actions à Bijeljina et à Zvornik, donc je ne

  4   peux pas vraiment vous donner une réponse qui vous satisferait. Je peux

  5   simplement vous dire qu'ils étaient considérés comme des héros au sein de

  6   la population parce que c'est grâce à eux qu'ils avaient surmonté leurs

  7   peurs et qu'ils se sentaient à nouveau en sécurité.

  8   Maintenant, de là à savoir s'ils avaient commis des crimes ou des délits,

  9   je ne peux vous donner que des informations de seconde main, c'est-à-dire

 10   que j'ai entendu parler du fait que quelqu'un avait été tué quelque part,

 11   mais même moi je n'ai pas parlé à des témoins oculaire. Donc tout ceci m'a

 12   été relaté par la suite.

 13   Q.  Je voudrais m'assurer que je vous comprends bien. Est-ce que, pour

 14   vous, Arkan est un héros ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que le témoin a dit que c'était la

 16   population qui le considérait comme un héros. Il n'a pas parlé de son

 17   opinion à lui.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que ce n'est pas à vous

 19   d'intervenir à ce stade, Monsieur Karadzic.

 20   Pouvez-vous répondre à la question, Monsieur le Témoin ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit qu'à l'époque, durant ces opérations,

 22   les gens avaient peur, et qu'Arkan était considéré comme un héros par la

 23   population locale.

 24   Moi, je faisais partie d'une unité militaire qui servait notre peuple. Mais

 25   si Arkan a commis des crimes ou des délits, ce n'est pas un héros.

 26   Maintenant, je ne peux pas vous dire à 100 % qu'Arkan a personnellement

 27   participé à la libération de Zvornik, parce qu'il y avait également le

 28   commandant Pejic qui dirigeait l'unité à l'époque.


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  1   M. NICHOLLS : [interprétation]

  2   Q.  Oui, c'était son commandant en second. Maintenant, nous avons entendu

  3   dans ce procès des dépositions faisant état du fait que la VRS avait dû

  4   expulser les hommes d'Arkan de Zvornik.

  5   Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

  6   R.  Je n'ai pas bien compris.

  7   Q.  Est-ce que les hommes d'Arkan étaient un des groupes paramilitaires que

  8   la VRS avait dû chasser de Zvornik pour rétablir l'ordre public ?

  9   R.  Non. Ils sont partis après quatre ou cinq jours. De leur propre chef.

 10   Sans qu'on leur demande. Et ils n'ont pas laissé le désordre derrière eux.

 11   Ils ont fait quitter toutes les forces serbes du territoire de Zvornik. Ils

 12   sont montés à bord de leurs véhicules et ils sont partis en Serbie. A

 13   partir de ce moment-là, la ville de Zvornik était une ville totalement vide

 14   du point de vue militaire, c'est-à-dire qu'il ne restait plus un seul

 15   soldat pour défendre la localité, et la population civile n'était pas

 16   revenue.

 17   Donc les hommes d'Arkan n'ont séjourné sur place que pendant un court laps

 18   de temps.

 19   Q.  Vous nous avez parlé de M. Karadzic et de ce que vous saviez de lui à

 20   l'époque. Est-ce que vous savez qu'il avait invité les troupes d'Arkan à

 21   revenir en Republika Srpska en 1995 ?

 22   Est-ce que vous étiez au courant de cela ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait demander au Procureur

 24   de fournir une référence ? Quand ai-je invité Arkan ? Et quel document

 25   confirme cela ?

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Ceci est clair d'après la déposition de M.

 27   Milovanovic. Je ne peux pas vraiment citer le moment exact où il mentionne

 28   ceci. C'était le général Milovanovic. J'aurais dû l'appeler général, et non


Page 28110

  1   M. Milovanovic.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le général Milovanovic s'est corrigé.

  3   Il a donc été cité de manière erronée.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur le Témoin, je vais vous poser la question 

  6   suivante : est-ce que vous savez si M. Karadzic avait invité les hommes

  7   d'Arkan à revenir en Republika Srpska en 1995 ?

  8   R.  Je n'avais pas de poste suffisamment élevé au niveau de l'Etat pour

  9   être au courant de cela.

 10   Q.  Et quels étaient les liens de M. Karadzic avec Arkan et les autres

 11   paramilitaires ? Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Nous avons vu une vidéo en septembre 1995 où Arkan salue le président

 14   Karadzic à Bijeljina avant qu'il ne reparte en direction de la Serbie. Est-

 15   ce que vous avez vu cela ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Merci.

 18   M. NICHOLLS : [aucune interprétation]

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourrait-on passer rapidement à huis

 21   clos partiel.

 22   [Audience à huis clos partiel]

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 13   [Audience publique]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, durant votre

 15   déposition, vous avez mentionné que vous connaissiez le conducteur du bus

 16   qui avait acheminé les prisonniers en direction de l'entrepôt de Kravica,

 17   et il avait été témoin du meurtre de ces personnes.

 18   Est-ce que vous pourriez répéter ce que le conducteur de ce bus vous

 19   a dit ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Le conducteur conduisait un bus rempli de

 21   prisonniers, et la sécurité était assurée par un ou deux policiers dotés

 22   d'armes automatiques.

 23   A un moment donné, certains prisonniers se sont emparés des armes des

 24   policiers et ont commencé à ouvrir le feu. Les forces de police et les

 25   unités militaires qui se trouvaient à l'extérieur du bus ont ouvert le feu

 26   en direction du bus, puis ils ont fait sortir tous les occupants du bus, y

 27   compris le conducteur. Quelqu'un a reconnu le conducteur et l'a isolé des

 28   autres prisonniers, et tous les prisonniers de ce bus ont été exécutés.


Page 28112

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'après lui, qu'a-t-il fait après cet

  2   incident ? Est-ce qu'il est remonté à bord du bus ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est seulement dix jours après cet incident

  4   qu'il a pu refaire fonctionner le bus. Il n'a pas pu reprendre la route car

  5   le bus était en panne.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'après lui, combien de temps est-il

  7   resté devant l'entrepôt de Kravica ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'est pas rentré de deux ou trois jours, ou

  9   trois ou quatre jours même. Il a donc dormi là-bas.

 10   Maintenant, je ne sais pas s'il a dormi à Kravica, s'il a dormi à

 11   bord du bus, ou s'il a dormi chez un habitant du coin. Ça, je ne sais

 12   vraiment pas.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il vous a également dit qu'il

 14   avait été témoin de personnes qui auraient été exécutées à l'intérieur de

 15   l'entrepôt de Kravica ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il n'a parlé que de cet incident où des

 17   personnes qui étaient à bord du bus avaient été débarquées puis exécutées.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 19   Monsieur Nicholls, est-ce que vous avez le numéro de la liste 65 ter du

 20   premier entretien que vous avez eu avec le témoin où il mentionne cet

 21   incident ?

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui. Il s'agit du document 03459, pages 24 à

 23   25. En fait, c'est pages 23 à 25 de la version en anglais.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

 27   Président.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, allez-y.


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  1   M. ROBINSON : [interprétation] Tout d'abord, je voudrais vous remercier de

  2   vous être assurés que sa déposition puisse être entendue en audience

  3   publique. Je vous en remercie énormément.

  4   Il y a un autre aspect qui a été mentionné à huis clos partiel et

  5   qui, je crois devrait également être rendu public, à savoir que le témoin a

  6   dit qu'il y avait des prisonniers qui s'étaient emparés des fusils des

  7   gardes et que c'est après cela que les gardes ont commencé à ouvrir le feu.

  8   Donc je voudrais que le témoin confirme cela tant que nous sommes en

  9   audience publique.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous venez d'entendre ce que Me Robinson

 11   a dit. Me Robinson est le conseiller juridique de M. Karadzic.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Il vient de le dire en audience publique.

 13   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] Page 80, ligne 8.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, je pense que cela se

 16   passe de commentaire dans ce cas-là. Enfin, par excès de prudence…

 17   Vous venez d'entendre ce qu'ont dit Me Robinson et M. Nicholls. Est-

 18   ce que vous pouvez confirmer tout cela, Monsieur le Témoin ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement. L'incident s'est produit

 20   lorsque les prisonniers se sont emparés des armes que détenaient les

 21   officiers de police et qu'ils ont commencé à les utiliser.

 22   La réaction a été la suivante, c'est-à-dire que les personnes qui se

 23   trouvaient à l'extérieur du bus ont ouvert le feu en direction du bus. Et

 24   cetera, et cetera.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Ceci met un terme à votre

 26   déposition, Monsieur le Témoin. Au nom des Juges de cette Chambre et du

 27   Tribunal dans son ensemble, je tiens à vous remercier d'être venu à La Haye

 28   pour déposer dans cette affaire. Et vous pouvez maintenant vaquer à vos


Page 28114

  1   occupations.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je vous demande

  4   d'attendre encore quelques instants de façon à ce que vous puissiez partir

  5   en toute sécurité. Nous allons donc baisser les stores qui sont derrière

  6   vous.

  7   [Le témoin se retire]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin suivant est

 10   disponible. Il va nous falloir quelques minutes pour changer de place et

 11   nous procurer tous les documents nécessaires.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On peut faire une pause de cinq minutes

 13   dans ce cas-là ?

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, ce serait judicieux.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allons-y. Nous allons faire une pause de

 16   cinq minutes.

 17   --- La pause est prise à 14 heures 27.

 18   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 19   --- La pause est terminée à 14 heures 34.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Madame West.

 21   Mme WEST : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 22   Monsieur les Juges.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demanderais au témoin de bien vouloir

 24   prononcer la déclaration solennelle.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 26   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 27   LE TÉMOIN : EWA TABEAU [Assermentée]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]


Page 28115

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Tabeau.

  2   Veuillez vous asseoir.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous

  5   pouvez présenter votre expert, je vous prie.

  6   M. KARADZIC : [interprétation] Oui, Excellences. C'est avec plaisir que je

  7   vous présente M. Stevo Pasalic, qui est un expert de la Défense pour toutes

  8   les questions liées à la démographie et à l'évolution de la démographie

  9   pendant la guerre en Bosnie.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Pasalic.

 11   Oui, Madame West.

 12   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais

 13   également présenter M. Jason File, qui est un nouveau juriste au sein de

 14   l'équipe Karadzic.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur File.

 16   Oui.

 17   Interrogatoire principal par Mme West :

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Tabeau.

 19   R.  Bonjour.

 20   Q.  Comme les membres de la Chambre de première instance le savent, vous

 21   avez travaillé ici même au sein du bureau du Procureur par le passé. Mais

 22   où travaillez-vous aujourd'hui ?

 23   R.  [hors micro]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis désolé, mais je ne crois que

 25   votre micro -- ah, maintenant il est activé.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je travaille aujourd'hui dans un institut de

 27   recherche qui s'appelle l'Institut d'agriculteurs économiques, qui fait

 28   partie de l'Université de Wageningen, où j'ai été engagée en septembre de


Page 28116

  1   l'année dernière.

  2   Mme WEST : [interprétation]

  3   Q.  Quel est le sujet de votre travail dans cet institut ?

  4   R.  Je participe à la réalisation de deux projets, dont l'un concerne la

  5   sécurité alimentaire, et le deuxième concerne l'économie fondée sur la

  6   biologie.

  7   Mme WEST : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

  8   04103, je vous prie.

  9   Q.  Madame Tabeau, nous savons donc que vous avez travaillé pour le bureau

 10   du Procureur entre 2000 et 2007. Quel était votre rôle au bureau du

 11   Procureur ?

 12   R.  J'ai fait pas mal de recherches portant sur les victimes de guerre qui

 13   ont eu lieu dans les années 1990 dans l'ex-Yougoslavie.

 14   Q.  Je crois savoir que vous avez également un diplôme de mathématiques

 15   appliquées à la démographie, et que c'est le sujet qui était au cœur de

 16   votre travail au bureau du Procureur, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, absolument. J'ai fait des études qui sont pertinentes pour le

 18   genre de travail que je faisais au bureau du Procureur.

 19   Q.  Avant l'an 2000, où travailliez-vous ?

 20   R.  Je travaillais ici aux Pays-Bas, dans un autre institut de recherche,

 21   l'Institut national démographique des Pays-Bas. J'y ai travaillé pendant

 22   neuf ans, de 1991 à août 2000, si je ne me trompe.

 23   Q.  [aucune interprétation] 

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, je vous prie.

 25   J'attendais la fin de l'interprétation.

 26   Vous pouvez maintenant poser votre question suivante au témoin,

 27   Madame West.

 28   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais


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  1   ralentir un peu.

  2   Q.  Pendant que vous travailliez pour cette institut, j'aimerais que vous

  3   nous disiez quelle était la nature du travail que vous y faisiez.

  4   R.  Je faisais des recherches scientifiques liées à la mortalité et aux

  5   causes de décès. J'ai participé à la réalisation d'un projet de

  6   modélisation de la mortalité en Europe occidentale, en particulier aux

  7   Pays-Bas, ainsi que dans d'autres pays de l'Europe occidentale. J'ai

  8   également étudié la mortalité et les causes de mortalité en Europe centrale

  9   et en Europe de l'Est. Et j'ai travaillé sur des sujets liés à l'espérance

 10   de vie en particulier.

 11   Q.  Entre mai et septembre 2009, est-ce que vous avez travaillé pour le

 12   Tribunal du Cambodge ?

 13   R.  Oui. J'ai participé à un projet qui a duré cinq mois en 2009. A la fin

 14   de ce projet, j'ai élaboré un rapport d'expert sur les victimes du régime

 15   de Khmer Rouge au Cambodge.

 16   Q.  Nous voyons votre curriculum vitae à l'écran, en tout cas la première

 17   page de ce CV, et j'aimerais voir si un certain nombre de publications dont

 18   vous êtes l'auteur figurent bien dans ce CV.

 19   R.  Oui. Vous trouverez dans mon curriculum vitae une liste sélective des

 20   publications dont je suis l'auteur, mais ce n'est pas une liste complète de

 21   tous les articles que j'ai publiés. Il s'agit simplement des articles les

 22   plus récents et les plus pertinents probablement.

 23   Q.  Est-ce que vous avez témoigné ici par le passé en tant que témoin

 24   expert ?

 25   R.  Oui. J'ai témoigné au total à 17 reprises dans plusieurs affaires, et

 26   en particulier dans des affaires impliquant des personnalités importantes,

 27   telles que les procès de Slobodan Milosevic, de Vojislav Seselj, de

 28   Krajisnik -- ou plutôt, excusez-moi, je n'ai pas témoigné dans l'affaire


Page 28118

  1   Krajisnik. Mais j'ai témoigné dans des affaires liées à Sarajevo, c'est-à-

  2   dire l'affaire du général Galic et de Dragomir Milosevic, ainsi que les

  3   affaires liées à Srebrenica, à savoir les affaires Tolimir et Popovic.

  4   Q.  Merci.

  5   Mme WEST : [interprétation] Je demande le versement au dossier du document

  6   65 ter numéro 04013.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce P4992.

  9   Mme WEST : [interprétation]

 10   Q.  Vous avez rédigé des rapports sur trois éléments dans la présente

 11   affaire, et le premier élément dont nous allons maintenant parler, c'est

 12   l'élément relatif aux municipalités. Pouvez-vous dire de façon générale aux

 13   Juges de la Chambre quelle était la mission qui vous a été confiée en ce

 14   qui concerne les municipalités ?

 15   R.  S'agissant d'expliquer clairement ce qu'est cet élément lié aux

 16   municipalités, j'aimerais renvoyer chacun à la lecture de mon rapport

 17   d'expert sur le sujet. Il s'agit du document --

 18   Mme WEST : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, j'indique

 19   qu'il s'agit du document 65 ter numéro 10723.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Le titre de ce rapport est le suivant :

 21   "Composition ethnique ainsi que personnes déplacées et réfugiées dans 27

 22   municipalités de Bosnie-Herzégovine entre 1991 et 1997." Dans ce rapport

 23   sont résumées les modifications de la composition ethnique et les divers

 24   déplacements de population à l'intérieur du pays ou à l'extérieur du pays,

 25   qui sont tous en relation avec la guerre qui a fait rage entre 1992 et 1995

 26   en Bosnie-Herzégovine.

 27   Q.  J'aimerais que nous parlions des sources de façon à arriver ensuite aux

 28   conclusions. Tout d'abord, est-ce que vous pourriez nous donner une idée


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  1   générale de ce que les démographes utilisent en général pour obtenir les

  2   chiffres qui concernent les modifications de population ?

  3   R.  Eh bien, je pense que la meilleure source que l'on puisse utiliser dans

  4   ce type de travail, c'est le recensement de la population. Je choisirais

  5   sans aucun doute deux recensements, le premier datant d'avant le conflit et

  6   l'autre datant d'après le conflit, et je comparerais des informations

  7   issues de ces deux recensements afin d'aboutir à des conclusions relatives

  8   à la composition ethnique et des déplacements de population.

  9   J'examinerais également les sources de migration, que sont les registres

 10   dans lesquels figurent les déplacements de population. Les registres de

 11   migration suivent très fréquemment les déplacements de population et sont

 12   extrêmement dynamiques dans des situations de conflit. Il est difficile

 13   d'enregistrer ce genre d'information, cela dit.

 14   Q.  Et s'agissant des rapports que vous avez rédigés en l'espèce, est-ce

 15   que ce genre de source était disponible pour vous ?

 16   R.  Eh bien, partiellement. D'une part, nous avons utilisé le recensement

 17   de population pour la Bosnie-Herzégovine à partir de mars 1991, qui est un

 18   recensement décrivant l'état de la population au début du conflit. Et parce

 19   qu'il ne semble pas devoir y avoir un recensement suivant celui-là, à ce

 20   moment-là le recensement suivant pour la Bosnie n'a pas été mené à bien.

 21   Nous avons recherché des sources que nous pouvions utiliser en tant que

 22   remplacement fiable. Et ce remplacement fiable du recensement ultérieur au

 23   conflit, cela a été les registres des électeurs, les listes électorales

 24   tirées des élections municipales de 1997 et des élections législatives et

 25   présidentielles de 1998 en Bosnie-Herzégovine.

 26   Mme WEST : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 27   numéro 11218.

 28   Q.  Dans une partie de votre rapport, vous ajoutez une annexe à un rapport


Page 28120

  1   antérieur dont vous êtes l'auteur, et nous avons maintenant cette annexe

  2   sous les yeux à l'écran. C'est une annexe au rapport que vous avez rédigé

  3   dans le cadre de l'affaire Milosevic.

  4   Est-ce que vous faites référence à cette annexe dans le rapport

  5   rédigé par vous pour l'affaire Karadzic ?

  6   R.  Oui. Le rapport dont nous parlons en ce moment est le document que l'on

  7   appelle l'addendum au rapport relatif à Slobodan Milosevic qui a été

  8   produit en 2003. Donc le mot "addendum" est utilisé uniquement pour

  9   signifier que nous l'utilisons à présent dans l'affaire Karadzic, mais que

 10   les sources sont les mêmes et que la même méthodologie que celle qui a été

 11   utilisée pour la rédaction du rapport Milosevic est utilisée ici.

 12   Q.  Et ce que nous voyons devant nous en annexe B, un résumé des sources,

 13   c'est ce qui est applicable au rapport relatif aux municipalités dans

 14   l'affaire Karadzic, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui. C'est l'annexe pertinente dans laquelle on parle de sources. Je

 16   n'ai pas évoqué une source qui s'ajoute au recensement de 1991 et qui est à

 17   la liste électorale que j'ai également utilisée, à savoir le registre de

 18   personnes déplacées à l'intérieur du pays ainsi que le registre de réfugiés

 19   venus de Bosnie-Herzégovine, listes qui ont été établies par le HCR et le

 20   gouvernement dans le pays.

 21   Q.  Nous parlerons de ces sources dans le détail, mais j'aimerais que nous

 22   commencions par le recensement.

 23   Quand a eu lieu le recensement ?

 24   R.  Le recensement a eu lieu en 1991. Il s'est déroulé concrètement entre

 25   le 1er et le 15 avril 1991 et fait état de la situation des familles des

 26   personnes interrogées à partir du 31 mars de cette année, 1991, bien sûr.

 27   Q.  Est-ce que ce recensement impliquait ou concernait toute la population

 28   du pays ?


Page 28121

  1   R.  Oui. Le recensement c'est la source la plus complète, c'est l'étude la

  2   plus vaste, qui recouvre l'intégralité de la population.

  3   Q.  Comment se menaient les entretiens, les interviews ?

  4   R.  Ces interviews étaient menées en tête-à-tête avec les chefs de famille

  5   dans tous les foyers de Bosnie-Herzégovine. Il s'agissait de personnes qui

  6   étaient entraînées aux entretiens qui interrogeaient donc les chefs de ces

  7   familles.

  8   Q.  Est-ce que ces entretiens se faisaient face-à-face ?

  9   R.  Oui. C'étaient des entretiens face-à-face sur la base d'un

 10   questionnaire standard qui avait été mis au point par des statisticiens

 11   professionnels.

 12   Q.  Dites-nous quelles étaient les données qui étaient recueillies auprès

 13   de chaque personne.

 14   R.  C'était un recensement qui décrivait l'état de la population de Bosnie-

 15   Herzégovine, mais également les conditions de logement et les conditions de

 16   travail dans les fermes. Donc trois groupes de questions avaient été mis au

 17   point, qui étaient posées selon les cas. Ce qui concernait les personnes

 18   était une composante essentielle de ces questionnaires. On recueillait les

 19   noms; les dates de naissance;les numéros d'indentification personnels, que

 20   l'on appelle le JMBG là-bas; la religion; l'état civil; le nombre d'enfants

 21   nés; le niveau d'éducation; le type d'emploi; le niveau d'évolution

 22   professionnelle, et cetera, et cetera. Donc, des informations très

 23   détaillées au sujet des personnes.

 24   Q.  Est-ce qu'il s'agit d'informations qui sont recueillies de façon

 25   typique dans le cadre d'un recensement ?

 26   R.  Oui, absolument. Le questionnaire était un questionnaire standard qui

 27   répond aux règles générales du genre.

 28   Q.  Vous avez parlé de numéro d'identification permanent, le numéro JMBG.


Page 28122

  1   Est-ce que c'est un numéro tout à fait unique ?

  2   R.  Oui, c'est un numéro unique. Il a commencé à être utilisé en 1980 dans

  3   l'ex-Yougoslavie. Normalement, les nouveaux-nés se voient affecter ce

  4   numéro à leur naissance.

  5   Q.  Quelle est la signification de ce numéro et quelle a été son importance

  6   dans le cadre de vos recherches ?

  7   R.  Ce numéro a eu une grande importance parce qu'il est unique et parce

  8   qu'il figure également dans les sources dont je dispose sur l'état de la

  9   population après la guerre, les listes électorales. Et donc, la possession

 10   d'un tel numéro associé à chaque personne, sur la base des deux sources que

 11   j'ai étudiées, me donnait la possibilité de tirer les conclusions que l'on

 12   trouve dans le rapport.

 13   Q.  Je crois que vous avez également dit --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 15   Etant donné la nature assez technique du propos, il faut peut-être un

 16   peu plus de temps aux interprètes, en particulier aux interprètes anglais

 17   et français. Donc je vous demanderais de bien vouloir ménager une pause

 18   entre les questions et les réponses.

 19   Veuillez poursuivre.

 20   Mme WEST : [interprétation]

 21   Q.  Madame Tabeau, je crois vous avoir entendu parler d'ethnicité.

 22   R.  Oui. L'ethnicité a été étudiée dans le recensement, ou l'appartenance

 23   ethnique.

 24   Q.  Pourriez-vous nous dire quel a été le processus suivi pour rendre

 25   compte de l'appartenance ethnique.

 26   R.  Dans les questions posées au cours du recensement de 1991,

 27   l'appartenance ethnique était décrite à l'aide de questions très vastes.

 28   Autrement dit, aucune catégorie particulière n'avait été prédéterminée dans


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  1   le cadre des questions posées à ces personnes qui pouvaient choisir le

  2   groupe ethnique qu'elles souhaitaient mentionner s'agissant de dire

  3   qu'elles en faisaient partie.

  4   Q.  En ce qui concerne les personnes qui procédaient aux interrogatoires,

  5   c'étaient des personnes dont c'était le travail d'interroger les habitants,

  6   n'est-ce pas ? Quelle était la source des informations en ce qui concerne

  7   leur numéro d'identification personnel, JMBG ?

  8   R.  En ce qui concerne les personnes employées, le questionnaire à remplir

  9   par la personne interrogée était une forme de questionnaire, et il y avait

 10   d'autres renseignements qui étaient recueillis pendant le recensement

 11   auprès des employeurs. Donc les employeurs fournissaient des informations

 12   sur un certain nombre d'aspects relatifs à l'employé, y compris son numéro

 13   JMBG, qui est ce numéro tout à fait unique octroyé à la naissance, une fois

 14   que les questionnaires étaient remplis.

 15   Q.  Parlez-nous des autorités qui ont fait l'objet de ce recensement.

 16   R.  Les autorités constituent un groupe très important dans le recensement

 17   de la population, car la Bosnie-Herzégovine était un pays qui avait, en

 18   1991, à peu près 4,4 millions d'habitants. Donc le nombre de questionnaires

 19   à mettre en place a été très important, il a fallu le faire à l'aide de

 20   l'électronique. Des documents ont d'abord été scannés pour constituer des

 21   dossiers informatiques. Bien entendu, le scannage a pu commencer avant

 22   l'élaboration des questionnaires. Des codes particuliers ont été utilisés

 23   pour répertorier les réponses aux questions du questionnaire, et ces codes

 24   ont plus tard été inclus dans les fichiers informatiques. Pour saisir les

 25   données, on a utilisé une méthode de scannage optique.

 26   Q.  Et finalement, quel a été le contrôle qualité imposé aux données

 27   recueillies ?

 28   R.  Eh bien, évidemment, le contrôle qualité commence dès que l'on aborde


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  1   la première municipalité. Des commissions municipales ont été mises en

  2   place. Elles étaient responsables de garantir et de vérifier l'exactitude

  3   du recensement une fois toutes les données recueillies. Donc ce sont ces

  4   commissions qui ont été les premières à vérifier l'exhaustivité et

  5   l'exactitude des chiffres recueillis dans le cadre du recensement. Elles

  6   ont compté les questionnaires. Donc elles ont accompli un travail aussi

  7   important. Et par la suite, elles ont continué ce travail au sein du bureau

  8   central des statistiques de Sarajevo, qui avait la possibilité de mettre un

  9   point final aux vérifications de la population dans le cadre du

 10   recensement. Mais les vérifications concernant les agriculteurs et les

 11   conditions de logement n'ont pas été terminées complètement.

 12   Q.  Donc, est-ce que c'est la seule partie du recensement --

 13   R.  Je voudrais corriger ce qui est au compte rendu d'audience. Ce n'est

 14   pas le mot "households" qui doit être écrit, mais "housing", donc les

 15   conditions de logement.

 16   Q.  Donc je reprends ma question : est-ce que la partie liée à la

 17   population dans le recensement a été complètement terminée avant le début

 18   de la guerre ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  J'aimerais que nous parlions maintenant de la deuxième source

 21   mentionnée par vous, à savoir les listes électorales.

 22   Est-ce que vous connaissez l'organisation dont le nom est 

 23   OSCE ?

 24   R.  Oui. Il s'agit de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en

 25   Europe. C'est une organisation qui est chargée de suivre et d'apporter son

 26   aide à l'organisation et la mise en œuvre d'élections, en particulier dans

 27   des pays comme la Bosnie-Herzégovine qui ont vécu un conflit. L'OSCE a joué

 28   un rôle important en Bosnie-Herzégovine pour veiller à ce que les élections


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  1   se déroulent de façon régulière. En l'absence de toute fraude.

  2   Q.  Est-ce que vous avez écrit des articles au sujet de cette source en

  3   annexe B de votre rapport ?

  4   R.  Oui. On y trouve une description des listes électorales entre 1971 et

  5   1998 ainsi que du rôle de l'OSCE dans l'organisation des élections.

  6   Q.  Parlez-nous des circonstances dans lesquelles l'OSCE s'est trouvée en

  7   Bosnie-Herzégovine.

  8   R.  Eh bien, sa présence est survenue juste après la fin du conflit, alors

  9   que la situation dans le pays était encore très instable. Il y avait des

 10   tensions au niveau politique, au niveau social, ainsi que de nombreux

 11   problèmes économiques, et il convenait de veiller à ce qu'aucune partie

 12   impliquée ne puisse se servir des élections -- ou plutôt, faire un mauvais

 13   usage des élections pour obtenir les résultats que cette partie souhaitait.

 14   Donc l'OSCE a eu pour rôle de veiller à ce que les élections se

 15   déroulent de la façon la plus équitable et la plus régulière qui soit.

 16   Q.  Est-ce que le rôle de l'OSCE incluait l'enregistrement des électeurs ?

 17   R.  Oui. L'OSCE a mis en place des procédures destinées à enregistrer les

 18   électeurs. Bien entendu, ce n'est pas la seule procédure mise en place par

 19   l'OSCE, mais l'OSCE était également chargée de veiller à ce que les

 20   procédures soient bien respectées. Donc un système d'enregistrement a été

 21   mis en place dans un certain nombre de centres dispersés dans tout le pays.

 22   Les centres d'enregistrement couvraient des secteurs très denses de Bosnie-

 23   Herzégovine, de sorte que les électeurs éventuels aient toute facilité pour

 24   s'y rendre et que le nombre de votants soit le plus élevé possible dans le

 25   cadre des élections. L'OSCE a également participé à l'élaboration de listes

 26   des personnes aptes à voter, et ces listes étaient présentes dans les

 27   centres d'enregistrement sous forme d'exemplaire papier ainsi que d'une

 28   base de données informatique.


Page 28126

  1   Q.  Donc, tout d'abord, est-ce que vous savez si des conditions préalables

  2   étaient imposées à la population pour s'enregistrer dans le but de voter ?

  3   R.  Pour pouvoir voter, une personne devait avoir 18 ans au moins au moment

  4   des élections. Et puis, deuxième condition, cette personne devait figurer

  5   dans le recensement de 1991. Voilà, il y avait deux conditions préalables.

  6   Q.  Pour s'assurer que cette personne était mentionnée dans le recensement

  7   de 1991, qu'a fait l'OSCE ?

  8   R.  Eh bien, pour apporter la preuve que cette personne avait bien son nom

  9   dans le recensement, l'OSCE a demandé aux autorités chargées des

 10   statistiques un exemplaire du recensement. Enfin, pas du recensement

 11   entier, mais d'une partie du recensement. La partie dans laquelle on trouve

 12   les noms et prénoms, dates de naissance et numéros JMBG, qui a été utilisée

 13   comme base pour permettre ensuite l'enregistrement des personnes sur les

 14   listes électorales.

 15   Q.  Est-ce que cet acte d'enregistrement en vue de voter était volontaire ?

 16   R.  Bien entendu, volontaire. Bien sûr.

 17   Q.  Et, par conséquent, est-ce qu'il y avait plusieurs groupes ou plusieurs

 18   catégories d'individus qui n'ont pas été enregistrés en vue de voter ?

 19   R.  Bien sûr. Il y a des gens qui étaient trop âgés, par exemple, ou trop

 20   malades, ou qu'ils n'avaient pas le désir d'aller voter. Ces personnes

 21   n'étaient pas enregistrées. Seules étaient enregistrées les personnes aptes

 22   à voter et qui souhaitaient s'enregistrer pour avoir leurs noms sur les

 23   listes électorales et pouvoir voter.

 24   Q.  Puisque l'enregistrement des inscrits n'avait pas été terminé, mais que

 25   vous n'aviez qu'un échantillon, vos recherches en ont-elles été affectées;

 26   et si oui, comment ?

 27   R.  Eh bien, nous avions un échantillon de toute la population d'électeurs

 28   potentiels. Mais c'était un échantillon très vaste. La mauvaise


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  1   participation aux élections en 1997 nous a donné 88 %, donc pratiquement 90

  2   % comme résultat sur 4,4 millions d'individus, et un demi-million

  3   enregistrés aux fins de voter. Si on compare cela à la population de 1991,

  4   telle que rapportée dans le recensement, 4,4 millions d'habitants, on

  5   constate que l'échantillon est de 2,5 millions et qu'il est extrêmement

  6   vaste.

  7   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je suis sur le point de

  8   passer à un autre sujet. Je me disais que nous pourrions peut-être

  9   suspendre.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 11   Nous allons suspendre pour aujourd'hui et reprendrons nos débats demain

 12   matin à 9 heures.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   --- L'audience est levée à 15 heures 00 et reprendra le jeudi 26 avril

 16   2012, à 9 heures 00.

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