Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 3 mai 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Bonjour, Monsieur. Pourriez-vous, s'il vous plaît, prononcer la déclaration

  8   solennelle ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité que Dieu me vienne en aide.

 11   LE TÉMOIN : ZORAN PETROVIC-PIROCANAC [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

 14   Monsieur Nicholls, vous avez la parole.

 15   M. NICHOLLS : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

 16   Interrogatoire principal par M. Nicholls :

 17   Q.  [interprétation] Monsieur Petrovic, bonjour.

 18   Merci d'être revenu de nouveau devant ce Tribunal. Je n'ai que quelques

 19   questions à vous poser ce matin. Je vais vous expliquer un petit peu les

 20   choses, je l'ai déjà fait lorsque nous nous sommes vus mardi. Nous avons

 21   déjà versé au dossier votre déposition de l'affaire Popovic, mais il a été

 22   décidé que le mieux serait que vous reveniez pour répondre à quelques

 23   questions afin d'aider encore une fois les Juges de la Chambre. Tout comme

 24   dans l'affaire Tolimir, nous allons verser au dossier votre déposition dans

 25   l'affaire Popovic, et c'est surtout M. Karadzic qui a ensuite vous posera

 26   des questions.

 27   Vous vous souvenez d'être venu déposer en 2007 dans l'affaire Popovic ?

 28   R.  Oui. C'était pour le général Borovcanin.


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  1   Q.  Tout à fait. Exact. Merci. Tout comme dans l'affaire Tolimir, je vais

  2   vous poser quelques questions au sujet de cette déposition.

  3   Pourriez-vous confirmer, s'il vous plaît, que vous avez revu cette

  4   déposition et que, si on vous posait les mêmes questions aujourd'hui, que

  5   vous répondriez en apportant les mêmes réponses. Bien sûr, ce ne serait pas

  6   verbatim identique, mais que ce serait au fond la même chose.

  7   R.  Oui. En substance, ce serait la même chose.

  8   Q.  Juste une correction que je souhaite faire consigner au compte rendu

  9   d'audience d'ici de l'affaire Tolimir.

 10   Page 1 880, vous avez parlé du colonel Brunel, et en fait il faudrait qu'il

 11   s'appelle Bunel ?

 12   R.  Oui, c'est un colonel français, B-u-n-e-l. Bunel.

 13   Q.  Merci.

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, il me semble

 15   que j'en ai terminé. Les pièces à conviction ont déjà été versées au

 16   dossier, les cotes restent inchangées. Je me propose de donner lecture d'un

 17   bref résumé.

 18   En juillet 1995, M. Petrovic-Pirocanac - Pirocanac étant son surnom - était

 19   un journaliste indépendant basé à Belgrade, en Serbie. Le 13 et le 14

 20   juillet 1995, il a accompagné le commandant du MUP de la RS Ljubisa

 21   Borovcanin, qu'il connaissait d'avant, à différents endroits et il a filmé

 22   ce qu'il a vu. Même s'il n'était pas caméraman professionnel, il avait une

 23   caméra sur lui.

 24   Le 13, il est allé à Potocari et également, le long de la route Bratunac-

 25   Konjevic Polje, M. Petrovic a filmé de nombreuses scènes qui sont devenues

 26   très connues depuis, des hommes sur un balcon de la maison blanche de

 27   Potocari, et des corps d'hommes devant l'entrepôt de Kravica, entre autres.

 28   Le lendemain, le 14 juillet, le témoin a filmé plusieurs individus, Tomo


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  1   Kovac, M. Borovcanin, et Dragomir Vasic à Srebrenica, et il a interviewé

  2   plusieurs personnes y compris certains Serbes qui revenaient à Srebrenica.

  3   M. Petrovic est revenue à Belgrade très rapidement après avoir enregistré

  4   ces scènes et il a monté un documentaire qui a été diffusé par le programme

  5   Studio B de Belgrade. Il nous a fourni un exemplaire de ces "roches," et

  6   certaines parties peuvent être vues dans le documentaire, qui ne fait pas

  7   partie des roches.

  8   J'en ai terminé avec mon résumé.

  9   Je n'ai plus de questions pour vous pour le moment, Monsieur.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Nicholls.

 11   Pour le compte rendu d'audience, précisons que sa déposition de l'affaire

 12   Popovic et consorts est versée au dossier en application de l'article 92

 13   ter.

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et la même cote.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Est-ce que vous voulez que je m'adresse à vous en vous appelant Monsieur

 18   Petrovic ou Pirocanac ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous nous connaissons déjà grâce à l'affaire

 20   précédente. Monsieur, c'est vous qui commandez ici, je suis Dr Petrovic.

 21   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je m'en remets à vous, je vous laisse le

 23   choix.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Docteur Petrovic.

 25   Comme vous avez compris, votre déposition de l'affaire Popovic a été versée

 26   au dossier à la place de votre déposition de vive voix ici dans le cadre de

 27   l'interrogatoire principal, et maintenant c'est M. Karadzic qui vous posera

 28   des questions dans le cadre du contre-interrogatoire.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. Bonjour, à tous.

  4   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  5   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur Petrovic.

  6   R.  Bonjour.

  7   Q.  Nous devons bien faire attention à faire des pauses moi comme vous j'ai

  8   bien peur que les interprètes ne soient en colère contre moi parce que

  9   j'abuse un peu du rythme, du débit de parole.

 10   R.  Pour des raisons techniques, ce n'est qu'aujourd'hui que je peux vous

 11   féliciter le 20e anniversaire de la création de la Republika Srpska sans

 12   vous, les Serbes n'auraient pas eu leur Etat.

 13   Q.  Je vous remercie et je me permets en retour de vous remercier la

 14   journée internationale des journalistes, si je ne me trompe pas.

 15   R.  Aujourd'hui c'est le jour des volontaires.

 16   Q.  Oui, également, et je vais vous poser une question à ce sujet.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Petrovic, s'il vous plaît, il

 18   faudra essayer de ménager une pause avant le début de votre réponse. Il ne

 19   faudrait pas oublier les interprètes, s'il vous plaît.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Si je peux vous donner une suggestion, suivez la transcription qui

 23   s'affiche à l'écran et quand vous aurez vu que c'est terminé, vous pouvez

 24   commencer.

 25   R.  Merci, M. le Président.

 26   Q.  Pour commencer, vous étiez bien courant de la vie politique telle

 27   qu'elle se présentait en Bosnie, vous aviez beaucoup connaissance sur le

 28   conflit même avant que celui n'éclate ?


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  1   R.  Oui, Monsieur le Président.

  2   Q.  Je ne vais pas vous interroger sur des questions -- sur des choses

  3   politiques, mais, à l'époque, en tant que journaliste, vous avez néanmoins

  4   pu apprendre beaucoup de choses.

  5   Donc, la zone autour de Srebrenica, est-ce que vous avez des connaissances

  6   là-dessus ? Est-ce que vous avez des informations ? Est-ce que vous avez

  7   appris que le 29 août 1992 un soldat serbe qui a été capturé à Podravanje a

  8   été tourné à la broche par des combattants musulmans ?

  9   R.  Oui. Dans un livre -- dans une publication, un ouvrage collectif, j'ai

 10   publié cette photographie même. Il s'agit d'un homme dont je n'oublierai

 11   jamais le nom. Il est né en 1958, et sa photographie existe. C'est en 1992,

 12   le 28 ou le 29 août, qu'on l'a tourné à la broche.

 13   Et d'ailleurs, cette photographie est intéressante, montre la nature de

 14   cette guerre. Cette photographie, je dois vous reconnaître -- je dois

 15   reconnaître que je l'ai quasiment volée en Republika Srpska. J'ai des

 16   hommes qui l'ont fait pour moi, qu'ils l'ont sortie des archives, enfin des

 17   gens sur place, bien placés, bien informés, parce qu'à l'époque, c'était

 18   encore l'époque de la fraternité, égalité sous la JNA, et j'ai été très

 19   étonné de découvrir que cette photographie a été considérée comme

 20   constituant un secret militaire. C'est la photographie que j'ai décidé donc

 21   de publier dans ce livre, et ce qui vous a permis à vous aussi d'être au

 22   courant, de la connaître.

 23   Q.  Cette photographie, est-ce qu'elle a fait partie des éléments qui n'ont

 24   pas été publiés et qui faisaient partie de l'enquête ?

 25   R.  Je ne connaissais pas le statut de cette photographie, à l'époque, et

 26   d'ailleurs je ne le sais pas non plus aujourd'hui. J'ai juste appris où

 27   cette photographie se trouvait et j'ai pu identifier des gens prêts à agir

 28   pour -- dans l'intérêt de la vérité, la vérité qui pouvait intéresser tout


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  1   le monde. J'ai -- j'ai donc -- j'ai obtenu qu'ils se procurent cette

  2   photographie, mais cette photographie n'était pas disponible au public.

  3   Q.  Merci. Vous avez également appris des choses sur la présence des

  4   protagonistes internationaux dans nos contrées, en particulier des

  5   Mujahedins, et c'est très tôt dans le conflit.

  6   Alors comment est-ce que vous êtes devenu au courant de la présence des

  7   Mujahedins chez nous et d'Osama bin Laden à Sarajevo ? Comment est-ce que

  8   vous avez appris ses rencontres avec M. Izetbegovic ?

  9   R.  Il y a deux choses là. Osama bin Laden - je pense que je prononce

 10   correctement son nom et c'est comme ça qu'il faut le prononcer - ce n'est

 11   pas son nom que j'ai entendu en premier. Tout d'abord, il y a eu des

 12   groupes de volontaires venus de pays islamiques dirigés ou emmenés par

 13   plusieurs commandants qui avaient acquis de l'expérience en Afghanistan.

 14   Afghan Saluni s'appellent-ils. C'était les meilleurs combattants de là-bas.

 15   Je dois dire que j'ai appris, dans notre guerre, que ce sont les plus

 16   farouches des combattants que l'armée d'Izetbegovic ait eus pendant cette

 17   guerre.

 18   D'après mes informations, en fait tout simplement pour que tout le monde

 19   puisse le savoir, à l'époque je travaillais pour une toute petite agence

 20   indépendante qui s'appelait INA et elle avait du mal à diffuser ce genre

 21   d'information, parce qu'officiellement, Belgrade considérait que l'occident

 22   ne devait pas être inquiété par ce type d'information. Parce qu'il faut

 23   savoir qu'au début de la guerre et quasiment jusqu'à la fin de la guerre,

 24   l'OTAN a fourni une aide considérable à ces combattants et, de manière

 25   générale, une aide considérable à l'armée de M. Izetbegovic, non seulement

 26   par son ingérence, mais par le fait de tolérer toutes sortes de choses dans

 27   l'utilisation de l'aéroport de Tuzla pour des transports très importants

 28   approvisionnant en armes et en munition en prenant celles d'Iran, donc les


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  1   alliés ont collaboré avec l'Iran, entre autres, avec la Turquie, ça aussi

  2   on le savait que les combattants ont pu se poser en Turquie, arrivaient de

  3   Turquie.

  4   Donc mon agence a appris à un moment donné, et ce, je dois dire en passant,

  5   par certains journalistes israéliens, les citoyens israéliens proches de

  6   leurs services de renseignement, mais également grâce à certains hommes

  7   d'affaires serbes qui, de par la nature de leurs activités, avaient plus

  8   d'informations que des hommes d'affaires ordinaires. Donc ça nous a permis

  9   de comprendre comment -- quelle était la présence de combattants

 10   islamiques.

 11   Je dois dire qu'à l'époque, j'étais éditorialiste à la radio B92, et c'est

 12   une information que j'ai diffusée à la radio et ça a fait plier de rire

 13   quasiment la totalité des journalistes, pas tous, car, à l'époque, en

 14   Europe, personne ne parlait publiquement de l'arrivée des Mujahedins en

 15   Bosnie. Donc il s'agit bien de l'été 1992.

 16   Je pourrais ajouter quelques autres détails, mais je ne voudrais pas

 17   m'attarder là-dessus.

 18   Donc bin Laden a été repéré. En fait j'ai eu quelques indices, mais rien de

 19   véritablement palpable. Je savais que bin Laden était en train d'organiser

 20   ses hommes en Bosnie pour qu'ils viennent en aide à leurs frères musulmans,

 21   leurs frères j'entends -- pas au sens de frères musulmans d'Egypte mais

 22   frères de par leur confession. Mais je n'avais pas de preuves solides, et

 23   je l'ai appris, dans le cadre d'une conversation avec une correspondant

 24   allemande de Yougoslavie, Renate Flottau, qui a travaillé pendant plus de

 25   20 ans en tant que correspondante de Yougoslavie. Je pense que je l'ai

 26   mentionnée déjà plusieurs fois dans mes entretiens. C'était une

 27   correspondante officielle, donc ce n'est pas une journaliste de second

 28   ordre, mais de tout premier ordre. Donc elle a pu avoir accès à un nombre


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  1   d'acteurs politiques importants en Yougoslavie à l'époque, les portes

  2   étaient ouvertes pour elle, je pense que vous-même aussi l'avez reçue,

  3   ainsi que M. Izetbegovic.

  4   Dans le cadre d'une conversation que j'ai eue avec elle, elle m'a confirmé

  5   ce qu'elle avait déjà dit, et je dois l'ajouter, à un de nos correspondants

  6   de politika, ex-correspondant politique d'Allemagne. Je n'arrive pas à

  7   trouver son nom là, sur le champ, c'est un grand nom du journalisme serbe,

  8   je vous présente mes excuses - donc j'ai été le deuxième à l'apprendre et à

  9   le publier. En fait je l'ai publié dans un livre, dans le livre sur al-

 10   Qaeda qui a été publié en 2002. Personne n'a fourni de démenti, que ce soit

 11   en Bosnie ou ailleurs, et Mme Flottau, dans l'antichambre avant de rentrer

 12   dans le cabinet, chez M. Izetbegovic. D'après ce qu'elle m'a dit, pendant

 13   deux jours de suite, a vu cet homme qu'elle ne pouvait pas identifier,

 14   qu'il lui a même donné sa carte de visite, qui était assez volubile, qui

 15   voulait attirer l'attention sur lui. Lorsque j'ai demandé à Mme Flottau :

 16   comment ça se fait que vous n'avez pas publié cela, chaque journaliste

 17   aurait été ravi de vivre cette occasion. Elle m'a dit que personne dans son

 18   entourage professionnel n'aurait pris cela au sérieux et qu'il y a toujours

 19   des gens qui inventent des choses et qui délirent dans les guerres. Donc

 20   c'était une professionnelle certes, mais ça quand même étonné parce que

 21   j'aurais mentionné ce nom dans un texte.

 22   Cela nous montre que Mme Flottau était une professionnelle qui savait

 23   ce qu'il fallait publier, ce qu'il ne fallait pas publier, que c'est à cela

 24   qu'ait dû le respect dont elle bénéficie en Allemagne, parce que cela

 25   aurait suscité beaucoup d'émotion partout dans le monde.

 26   Donc ce détail est très important et l'endroit où ça se passe également.

 27   Après il est allé rencontrer Izetbegovic, elle l'a vu, donc Izetbegovic a

 28   reçu cet homme, je ne sais pas si c'est en 1992 ou 1993 que cela se passe,


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  1   il faudrait poser cette question à Mme Flottau -- 1993 ou 1994, à l'époque,

  2   il n'était aussi connu que, par la suite, mais les combattants

  3   d'Afghanistan sont connus. Lorsque j'en ai parlé à la radio B92, il faut

  4   savoir qu'un mois après que j'en ai parlé, la presse britannique - je pense

  5   que c'était dans "Sunday Times" - il y a eu un article sur deux ou trois

  6   pages, un entretien avec l'un des premiers leaders islamiques des

  7   volontaires qui sont venus combattre. Là, je ne retrouve pas ce nom non

  8   plus. Je pense que c'est celui qui est resté mais plus longtemps en Bosnie,

  9   même après la guerre.

 10   Donc que cela nous présentait un aspect des choses sur les alliances de

 11   guerre, et ce, on n'a pas voulu tenir compte de ce fait avec bin Laden

 12   jusqu'à ce que le film El Mujahedin ne soit diffusé. Comme c'est votre

 13   collaboratrice, Mme Plavsic, qui me l'a montré, j'ai écrit là-dessus dans

 14   l'hebdomadaire "Nin." A l'époque, c'est une cassette vidéo qui a été

 15   achetée par les Serbes à certains Croates pour plusieurs milliers, 20 ou 30

 16   000 marks allemands.

 17   En fait cette cassette n'a pas pu être diffusée jusqu'à ce que le 11

 18   septembre ne se produise à New York, et là, on voit des scènes qui

 19   correspondent probablement à l'offensive de septembre de l'OTAN, et El

 20   Mujahedin, ils ont agi de manière coordonnée, au mont Ozren, contre les

 21   positions bien fortifiées tenues par les Serbes. J'adresse des reproches à

 22   mes Serbes qui n'ont jamais pu l'utiliser, là, on a retrouvé aussi des

 23   bombes à l'uranium appauvri, et c'était des bombardements qui ont duré au

 24   moins une dizaine de jours, d'après mes informations. Enfin tout cela, je

 25   voulais le dire au sujet de bin Laden.

 26   Q.  [aucune interprétation] 

 27   R.  [aucune interprétation]

 28   Q.  Merci, nous n'avons pas suffisamment de temps.


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  1   R.  [aucune interprétation]

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, si nous avons suffisamment de

  3   temps, je serai ravi d'entendre plus en détail Dr Petrovic là-dessus.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] N'oubliez pas votre requête, Monsieur

  5   Karadzic. Vous avez demandé que ce témoin vienne déposer pour répondre sur

  6   certains points précis.

  7   Continuez, s'il vous plaît.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Est-ce que je peux vous demander, Docteur, la guerre de Bosnie, cela

 11   n'a pas été la première guerre que vous ayez suivie. J'aimerais que vous

 12   partagiez avec nous vos expériences d'autres guerres; est-ce qu'il y a des

 13   traits semblables ? Est-ce que vous pourriez tirer des parallèles ?

 14   R.  C'est à partir de 1979, Monsieur le Président, donc 13 ans avant la

 15   guerre de Bosnie-Herzégovine, que je me suis trouvé d'ores et déjà au

 16   Nicaragua, en tant que correspondant, accompagné d'un collègue, un

 17   confrère. J'étais le seul journaliste libre de cette partie d'Europe à

 18   couvrir cet événement. Il y avait, bien sûr, aussi "Politika Daily,"

 19   l'agence Tanjug, d'autres journalistes, et ça, ça a été ma première

 20   expérience de guerre. Puis j'ai suivi des événements de Pologne, ce n'était

 21   pas une guerre mais c'était néanmoins des événements très forts. Puis en

 22   1985, je me suis trouvé au Liban, et coincé pendant 40 jours sur les 50

 23   jours de mon séjour, donc 40 jours, c'était à titre amical entre guillemets

 24   que j'ai été arrêté, détenu avec mon caméraman, dans les montagnes

 25   libanaises, Tusuf [phon], par là.

 26   Puis je me suis trouvé en Israël, pays qui est en guerre depuis des

 27   décennies, et j'ai couvert toute une série d'événements politiques ou

 28   autres en Israël.


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  1   Puis ne vais pas donner tous les détails de mon curriculum vitae.

  2   Mais j'ai aussi été présent dans d'autres guerres civiles en tant que

  3   correspondant. Donc je me suis trouvé à plusieurs moments importants à

  4   différents endroits dans Vukovar, Stolice, du mont Majevica, Sarajevo,

  5   Dobrovoljacka, et dans les environs de Srebrenica également. Et ce serait

  6   de manière succincte de dresser mon parcours.

  7   Puis aussi en 1985, lorsque je suis parti de Liban, j'ai décrit mes

  8   impressions à plusieurs endroits, et en fait j'ai anticipé sur ce qui

  9   allait se produire en Yougoslavie, puisque c'était également une guerre

 10   civile au Liban. Il s'est avéré par la suite que cette guerre avait

 11   beaucoup de traits semblables, parce que vous vous souviendrez que chez

 12   nous, il n'y a jamais eu de proclamation de guerre sur tout le territoire,

 13   à mon avis, une erreur, et des guerres -- la guerre que l'on a connue, chez

 14   nous, c'était sans cette espèce de conflit en chaîne, en fait, à effet

 15   domino, le village A, B, B-C, C-D, puis D-A, un peu le même modèle que ce

 16   qu'on a pu connaître au Liban.

 17   Q. Passons à juillet 1995, merci. Mais si nous avons encore le temps,

 18   j'aimerais que vous m'en parliez.

 19   Etiez-vous dans la colonne de JNA qui sortait ?

 20   R.  Oui, c'est cela, et il y a encore la question de "Duga" dans le

 21   magazine, c'était un magazine hebdomadaire. J'y ai publié un article. "La

 22   guerre à Sarajevo" avait été le titre, avec un chapitre particulier nommé

 23   le "le convoi" dont j'ai parlé en détail de mon expérience.

 24   Q.  Merci. Vous avez fait des tentatives pour vous rendre à Srebrenica en

 25   qualité de journaliste en juillet 1995. Pourriez-vous nous dire brièvement

 26   tout ce que vous avez dû faire et toutes les difficultés par lesquelles

 27   vous êtes passé pour y arriver ?

 28   R.  M. Nicholls l'a déjà mentionné. Cela se trouve verser dans mon


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  1   témoignage précédent, mais je peux le répéter brièvement. Je dois dire que

  2   je suis quelque peu fatigué de répéter ces éléments.

  3   Tous les journalistes qui souhaitent se rendre là où l'action se trouve, et

  4   à Srebrenica a attiré l'attention du public international depuis des années

  5   depuis lors. D'aucun a été tenté d'aller à Srebrenica avec les Américains

  6   lorsque les secours alimentaires étaient apportés aux habitants de la

  7   ville.

  8   Je suis désolé.

  9   Le 11, j'ai vu les actualités, comme tous les autres journalistes, qui

 10   étaient entrés à Srebrenica. J'ai pris contact avec mon studio, le Studio B

 11   immédiatement parce que j'y travaillais en qualité de journaliste de guerre

 12   pendant toute la guerre avec la chaîne de télévision française ITN, et

 13   j'étais convenu avec le directeur de la programmation du Studio B. Mais,

 14   malheureusement, nous n'avions pas de caméra car c'était une station de

 15   télévision relativement dénuée de moyen et nous n'avions pas suffisamment

 16   d'équipement, de caméras ni de matériel de montage. Donc j'ai emporté avec

 17   moi une caméra de 8 millimètres caméra vidéo, le type que les touristes

 18   emportent, de plus je ne suis pas caméraman professionnel et je suis mal

 19   informé de la façon de filmer, de la qualité de l'image, et c'était la

 20   seule chose toutefois que j'ai pu faire car je ne pouvais amener avec moi

 21   de caméraman. Je suis allé à la frontière, au pont allant à Bratunac sur la

 22   Drina, et on m'a repoussé. C'était le 12. On m'a repoussé car on m'a dit

 23   que l'opération était encore en cours. C'était une zone de combat.

 24   Personne, y compris les journalistes, ne pouvait avoir accès, jusqu'à ce

 25   que l'opération soit terminée, et les opérations fussent censées durer deux

 26   semaines encore et ce fût le cas.

 27   Je suis donc retourné à Belgrade à la brigade de police, et j'y ai trouvé

 28   le colonel Borovcanin et lui dit, entre autres, que j'avais appelé la VRS,


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  1   une personne dont j'avais un très mauvais souvenir, le colonel Milutinovic,

  2   qui m'a dit, mi-figue mi-raison, je n'ai rien contre vous personnellement

  3   mais nous arrêterons toute personne qui vient sur place tant que les

  4   opérations sont en cours. Donc j'ai demandé à Borovcanin que je connaisse

  5   précisément, car je l'avais vu précédemment à Majevica, et ils

  6   connaissaient mes antécédents professionnels. J'étais journaliste d'un

  7   certain renom, si je puis le dire, et il est convenu de m'emmener le 13.

  8   M. Nicholls sait qu'il y a un problème concernant les dates, parfois les

  9   indications de date sur le film n'apparaissent pas si j'appuie sur la

 10   mauvaise touche, et -- mais le film indique bien que j'étais donc aux

 11   casernes de mon quartier néerlandais le 13. Ce sont là les premières

 12   images.

 13   Je dois dire que M. Borovcanin en ait convenu immédiatement, et il n'a pas

 14   imposé de condition, ni de restriction. Il a simplement dit, Vous

 15   connaissez votre travail. Vous pouvez filmer ce que bon vous semble.

 16   C'est exactement ce que j'ai fait, et c'est grâce à cet homme honnête, M.

 17   Borovcanin -- grâce à lui, que la Chambre possède ces images extrêmement

 18   précieuses. Je ne serais dire que je suis désolé, même si je suis passé par

 19   d'extrêmes difficultés en raison de ce film. Nombres de ces images ont été

 20   effacées.

 21   M. Nicholls l'a dit. Peut-être qu'à un moment donné, cette Chambre aura

 22   reçu le film original de 28 minutes avec le logo du Studio B et ensuite ce

 23   film a disparu. Comment a-t-il pu disparaître d'un casier verrouillé celui

 24   du directeur de programme ? C'est le seul film qui n'est jamais disparu du

 25   Studio B. Je serais enclin à penser que quelqu'un l'a volé, et qu'un soldat

 26   ou peut-être le directeur des programmations lui-même qui avait des

 27   relations de famille avec les militaires l'a mis à disposition des

 28   renseignements militaires. Mais j'ai donc moi fait une copie sur VHS de ce


Page 28438

  1   film et je l'ai envoyé à des proches au Canada, ce qui a sauvegardé le film

  2   original qui contient toutes les images qui ont disparu du roche et ce

  3   roche est également historique, c'est un précédent, car ce film a été

  4   diffusé entre les journalistes et le public. Je l'ai à la disposition de

  5   tout un chacun. Mais peut-être que j'entamerai des poursuites contre

  6   l'agence qui travaille dans ce bâtiment. Car elle s'en sert et en tire des

  7   revenus. Ce n'est pas moi qui en tire des revenus, deviendrais riche, mais

  8   je présume que la Chambre devrait être reconnaissante vitam eternam à M.

  9   Borovcanin de m'avoir permis de me rendre sur place, l'on m'aurait tué

 10   immédiatement. Je l'ai déclaré depuis des années. On m'aurait liquidé si on

 11   avait des plans criminels à l'époque; et on aurait engagé quelqu'un de

 12   l'extérieur qui aurait pu réaliser le film.

 13   Q.  Restons maintenant sur la question du colonel Milutinovic. Est-ce que

 14   le même colonel Milutinovic, qui était le chef du centre de presse de

 15   l'armée et qui avait réalisé ses propres films à Srebrenica, et savez-vous

 16   que peut-être il était en train de protéger son monopole en refusant tout

 17   accès ?

 18   R.  Il s'est trouvé que les ONG qui étaient d'appui lorsque les Musulmans

 19   sont partis pour Tuzla, et rapidement, 28 000 d'entre eux sont partis

 20   immédiatement. Il y a eu un journaliste, il s'est tout simplement infiltré

 21   sur place.

 22   Q.  Pourriez-vous parler plus lentement pour que l'on puisse rendre compte

 23   de tout ce que vous dites ?

 24   R.  Parmi eux, il y a eu plusieurs journalistes occidentaux. Je n'étais pas

 25   le seul. Ils étaient des journalistes de Serbie qui étaient arrivés. Mais

 26   j'étais peut-être davantage une célébrité que la plupart d'entre eux, et

 27   peut-être ils ne voulaient pas que je sois sur place davantage que tout

 28   autre. L'une de ces agences a déclaré que c'étaient des renardes, les


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  1   reportages que je faisais, mais ils ne peuvent comprendre qu'il est très

  2   difficile de savoir tout. Je sais que nombre de documents ont été présentés

  3   en diverses procédures rassemblées par les membres de VRS, c'est naturel

  4   parce qu'il y avait un service qui était chargé de ce genre de chose, à la

  5   VRS. Comment cela a-t-il été filmé pendant la guerre ? Comment ce s'est-il

  6   trouvé entre les mains de différents juristes de cette Chambre, je

  7   l'ignore. Mais il appartenait à l'état-major de Mladic, et il avait toute

  8   liberté à de nombreux égards. Il avait beaucoup d'influence, et fondé sur

  9   ce fait, de cette influence, vous pouvez tirer nombre de conclusions. Mais

 10   ce n'était pas mon cas.

 11   Q.  Y avait-il également un reporteur suédois à Srebrenica, à l'époque ?

 12   J'ignore son nom, mais je vois que vous citez un journaliste suédois dans

 13   le cas de Tolimir, dans l'affaire Tolimir, page 14 485.

 14   Donc il est possible, il était possible de se rendre sur les lieux par

 15   différents moyens ?

 16   R.  C'est vrai. Je crois qu'il y avait au moins dix journalistes sur place.

 17   Je n'ai jamais pu savoir comment, et en raison du traumatisme dont j'ai été

 18   victime dans l'affaire de Srebrenica, je n'ai pas vraiment essayé. Je n'ai

 19   pas réussi à rédiger un livre sur Srebrenica, ce qui est vraiment

 20   malheureux. Il aurait été bien meilleur que ceux qui ont été publiés. Mais

 21   de nombreux collègues de Belgrade me l'ont dit, qu'il y avait un

 22   journaliste suédois sur place, dont je ne me souviens pas du nom. mais si

 23   une équipe devait se pencher sur la question, l'on pourrait examiner toutes

 24   ces questions de ce qui a été publié dans la presse suédoise à l'époque, y

 25   compris les entretiens avec des Bosniaques qui sont arrivés jusqu'en Suède,

 26   et qui ont fait connaître leurs impressions de dernière heure. C'était des

 27   reportages authentiques. Les personnes étaient encore sous le choc de ces

 28   combats qui se poursuivaient de la chaleur et du déplacement. Vous pourriez


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  1   certainement trouver son nom dans ce document.

  2   Pourquoi en parlais-je ? Dans tous les textes que j'ai publiés, j'ai

  3   affirmé avec l'erreur concernant le temps, j'ai cité le 24 juillet, je

  4   décris l'opération qui n'a pas été couverte dans notre presse en

  5   l'occurrence que les Musulmans qui étaient arrivés à Srebrenica s'étaient

  6   regroupés dans la région et dans un coin, un soir. J'ai dit 21, 22, 24 mais

  7   c'était sans doute le 13 ou le 13, il existait un danger grave qu'ils

  8   pourraient donc faire une percée directement sur Tuzla, et tourner à droite

  9   et arriver jusqu'à Zvornik, qui était une ville d'importance stratégique à

 10   la frontière de Bosna Bosanac [phon] sur la rivière Drina, qui aurait

 11   réellement renversé la guerre. Ce qui était une cause de crainte profonde

 12   chez les Serbes qui avaient déjà peu d'hommes, et on m'a dit que plusieurs

 13   milliers de Musulmans y sont morts, et que la brigade de police a subi les

 14   pertes des plus graves cette nuit-là, nombre de morts, de blessés.

 15   Quelqu'un m'a dit qu'il y avait 88 morts, et quelqu'un m'a dit qu'il

 16   s'agissait là des pertes les plus importantes d'une unité professionnelle

 17   de toute la guerre. D'autres m'ont dit qu'ils y avaient survécu d'un

 18   cheveu, c'est pourquoi je m'en souviens -- et le journaliste.

 19   Q.  Je vais essayer d'élucider quelques éléments, j'espère que vous serez

 20   en mesure de répondre très brièvement, peut-être d'un oui ou d'un non.

 21   Est-il vrai que vous n'avez jamais pensé que les autorités civiles et

 22   Borovcanin et son unité faisaient partie d'une autorité civile, ou qu'ils

 23   essayaient d'empêcher votre présence dans cette zone ?

 24   R.  Pour en venir à ce que l'armée m'avait déclaré, que je ne devais me

 25   rendre sur place et que si j'y étais trouvé, je serai arrêté, et mon accord

 26   avec Borovcanin que je sois en mesure de filmer sur les lieux, à condition

 27   que je le suive de près, non pas parce qu'il voulait vérifier ce que

 28   j'étais en train de filmer, mais afin de ne pas être arrêté par les forces


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  1   armées. Je dois dire que c'est ce que les forces armées ont dit à tout un

  2   chacun. Personne ne m'a posé quelle que question que ce soit ni n'a tenté

  3   de m'empêcher de filmer tant que j'étais à proximité de M. Borovcanin. Mais

  4   il est vrai que j'aurais été arrêté par les forces armées dès que j'étais

  5   arrivé, sans doute à la frontière.

  6   Q.  Vous vous souvenez de quelques semaines plus tard, à Zepa, des

  7   journalistes s'y trouvaient, et j'ai personnellement permis à Peter Arnett

  8   de la station de télévision américaine ABC, je crois et vous savez que

  9   l'agence Crna escomptait envoyer des journalistes étrangers dans ces zones

 10   dès que les combats s'arrêteraient. En d'autres termes, les autorités ou la

 11   police souhaitait que les journalistes se trouvent sur place pour éviter

 12   toute mystification ?

 13   R.  Je ne suis pas retourné dans la zone, mais tous les journalistes à

 14   Belgrade savaient que nombre de journalistes étrangers s'étaient rendus à

 15   Zepa. Nous savions qu'ils se trouvaient baser à Belgrade, et personne n'a

 16   dissimulé quoi que ce soit. Il était relativement étrange pour des

 17   journalistes d'avoir permission de s'y rendre, de filmer la chose s'il y

 18   avait un plan de génocide en cours. Je n'ai jamais vu aucun indice de la

 19   chose, de toutes les conversations que j'ai tenues avec ces personnes, de

 20   ces journalistes étrangers avec lesquels nous nous trouvions dans le centre

 21   de presse.

 22   Q.  Vous avez déclaré tout à l'heure, et dans votre témoignage antérieur,

 23   mais si vous voulez bien confirmer une fois encore, le colonel Borovcanin

 24   n'a imposé aucune restriction à votre égard en termes de ce que vous

 25   pouviez filmer ou de votre choix du sujet et de ce que vous pouviez filmer.

 26   Est-ce donc vrai que vous aviez totale liberté à cet égard ?

 27   R.  Oui, Monsieur le Président.

 28   C'était une relation de respect mutuel, d'ouverture fondée sur deux


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  1   occasions antérieures, où nous nous étions rencontrés, à Majevica qui était

  2   un centre de communication très important, et nombre de combats se

  3   déroulaient à proximité. Les Serbes étaient encerclés à proximité du

  4   répétiteur, le photographe de notre équipe, n'osait s'y rendre. Mais je m'y

  5   suis rendu, et après avoir vu ces combattants afghans en train d'hurler,

  6   c'était une scène effrayante, il y avait une très petite unité sur place,

  7   mais ils ont dû déclarer à Borovcanin par la suite comment je m'étais

  8   conduit. Je n'ai entraîné aucun problème sur le terrain, j'ai rédigé un

  9   article tout à fait honnête en la matière, et cela constituait une garantie

 10   suffisante pour lui. Il ne s'est pas préoccupé de moi, sauf que de ne pas

 11   vouloir que ce soit arrêté.

 12   Q.  Si vous voulez bien parler plus lentement.

 13   R.  Je suis désolé. Je n'y suis pas resté longtemps.

 14   Q.  Je voulais vous poser quelques éléments qui sont la raison pour

 15   laquelle je vous ai fait venir. Avez-vous rencontré le journaliste Robert

 16   Block ?

 17   R.  Ma première -- mon premier contact avec cette personne est sans doute

 18   un contact qu'il ne convient pas de relater ici. Mais, brièvement, je

 19   dirais qu'il est malhonnête et que c'est un journaliste malhonnête. Je l'ai

 20   vu pendant peut-être une minute, pas plus, à Bratunac, mais je crois que

 21   c'est important, si vous me permettez de continuer. Dans une situation où

 22   Milutinovic m'a déclaré qu'il allait m'arrêter, y compris les autres

 23   journalistes, parce que Milutinovic n'avait rien contre moi. C'était la

 24   position du commandement. J'ai été complètement éberlué dans cette

 25   situation car j'ai vu cette personne à Bratunac, Bratislav Grubacic, qui

 26   travaillait pour la presse -- le centre de presse. Je lui ai demandé :

 27   "Comment êtes-vous arrivé jusqu'ici ?" Il m'a répondu d'une réponse

 28   ridicule -et il savait que c'était ridicule - il m'a dit : "Bien, nous


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  1   étions en train de voyager en Bosnie et nous nous sommes arrêtés pour voir

  2   ce qui se passait sur place". A mon sens, il s'agit d'une réponse idiote.

  3   Je suis désolé de le dire.

  4   Je ne me souviens pas d'avoir parlé quoi que ce soit avec la personne.

  5   Peut-être que nous avons échangé une phrase ou deux et ils sont ensuite

  6   partis. C'était des étrangers, mais ils n'ont pas été arrêtés par les

  7   forces armées. En outre ce qui est important, c'est que dans un article de

  8   Michael Dobbs, un journaliste respectable, publié dans le journal de

  9   politique étrangère. Il analyse le cas de Kravica, et j'ai vu qu'il

 10   déclarait, dans cet article, que Block s'était rendu au Studio B après son

 11   arrivée et qu'il passait en revue mon film sans qu'il ait été monté, ce qui

 12   est -- ce qui ne se fait pas, et que tout ce que Block a rédigé, à partir

 13   du 15 ou du 16 juillet, était des mensonges pour la bonne raison qu'il

 14   était celui qui a lancé cette affaire de génocide à Srebrenica. Je crois

 15   qu'il a été l'un des principaux chargés de cette affaire.

 16   Je ne pourrais vous donner ses termes exacts, mais je me souviens qu'il

 17   mentionnait mille personnes tuées à Bratunac dans une école, ce qui est

 18   totalement absurde. Et d'ailleurs cela s'est révélé une absurdité par la

 19   suite. C'était le type de journaliste qu'il était. Donc je le méprise. En

 20   particulier je dois dire qu'il a menti en disant qu'il s'était rendu chez

 21   moi. La petite amie, à l'époque, de Bratislav Grubacic, s'y trouvait. Elle

 22   était secrétaire de l'ambassade néerlandaise à Belgrade et elle est

 23   aujourd'hui l'épouse de l'ambassadeur à Zagreb. Elle était membre de la

 24   délégation de l'Institut royal néerlandais mais elle a menti sur sa

 25   position, sur son poste. C'est cela qui est vrai.

 26   Q.  Donc il affirme qu'il vous a rendu visite et que vous lui avez remis le

 27   film et que vous avez débattu de ce sujet, ce qui est un mensonge ?

 28   R.  Sans doute un -- absolument un mensonge et méprisable.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Il affirme vous avoir donné la bande. De

  3   quoi s'agit-il ? Pourriez-vous reprendre la dernière question ?

  4   [aucune interprétation] --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] -- M. Block affirme que M. Petrovic-

  7   Pirocanac lui a remis une bande. Peut-être m'abusai-je, mais j'aimerais

  8   qu'on le rappelle.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que M. Block a déclaré que M.

 10   Petrovic lui a donné la bande ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Désolé. Je crois que j'ai -- que je mélange les

 12   choses et Block.

 13   Block a déclaré qu'il s'était rendu à son domicile, qu'il avait débattu de

 14   la situation et que M. Pirocanac lui avait dit quelque chose. J'allais lui

 15   poser la question à savoir si c'est vrai ou pas. Je suis désolé que M.

 16   Nicholls -- je remercie M. --

 17   L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend : Je suis désolé, Monsieur Nicholls,

 18   je n'ai pas été précis.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Puis-je parler en serbe pour le public ?

 21   R.  C'est mon troisième témoignage à La Haye et je n'ai jamais menti dans

 22   aucune de mes réponses. Il est absurde de dire quoi que ce soit de ce

 23   genre. J'aimerais déclarer clairement que cet homme est un menteur. Il ne

 24   déclare pas la vérité.

 25   La seule explication que je pourrais voir, c'est qu'il répète l'affaire du

 26   journaliste dont l'épouse était Néerlandaise, et sur Internet, il a déclaré

 27   que j'ai mis fin abruptement à cette conversation. Ce journaliste

 28   néerlandais se sert de ce rush également et il essaie de découvrir ce que


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  1   nombre de personnes à Belgrade ont découvert et disent que j'ai effacé mon

  2   film. Il doit savoir qu'il y a un film original, et cette Chambre le sait

  3   également, car ce film contient tous les fragments qui manquent et Block

  4   sans doute mélange les situations. C'est bien ce journaliste néerlandais

  5   avec un caméraman local et ceci peut être -- faire l'objet d'un témoignage

  6   de la part de ma famille et de ce caméraman. Mais Block n'est jamais venu

  7   me rendre visite chez moi. Nous nous sommes salués à Bratunac simplement,

  8   et cela a été le seul moment où nous nous sommes rencontrés, et je ne

  9   souhaite pas l'avoir pour ami car c'est un menteur.

 10   Q.  Premièrement, il faudrait qu'on sache bien une chose : Ce qui a été

 11   diffusé dans l'émission et ce qui est en possession de ce Tribunal

 12   maintenant comporte toutes les scènes, toutes les images, y compris ce qui

 13   manque au niveau des rushes parce que ça a été conservé au Canada ?

 14   Q.  Oui, absolument. La "maison blanche" et les deux ou trois secondes

 15   devant Kravica, enregistré depuis la voiture par moi.

 16   C'est toujours la même séquence, donc dix secondes ou 15 secondes, de

 17   Sandici. Donc il n'y a rien d'autre qui puisse être contesté. Donc c'était

 18   ça qui était important pour le Tribunal, Kravica et la "maison blanche".

 19   Q.  Merci. M. Block déclare dans le cadre de son témoignage que vous lui

 20   auriez dit que vous aviez rencontré beaucoup de problèmes et que même moi

 21   j'étais en colère parce que vous vous êtes trouvé à Srebrenica et vous avez

 22   fait des enregistrements, est-ce que cela est exact ?

 23   Est-ce que vous avez eu la sensation que nous, en tant que direction, moi-

 24   même personnellement ou Krajisnik étions en colère contre vous et que vous

 25   avez rencontré des problèmes à cause de cela avec nous ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Laissez le témoin continuer pour

 27   l'instant.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Deux choses. Je me souviens que Studio B a été


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  1   contacté par la direction de la Republika Srpska qui a demandé de voir ces

  2   images immédiatement, et quelqu'un l'a envoyé par autocar, parce qu'il faut

  3   savoir qu'il n'y avait pas beaucoup de gens qui se rendaient en Bosnie, à

  4   l'époque. Donc il n'y a eu aucune réaction négative. Aucun membre de la

  5   direction de la Republika Srpska n'a réagi de la sorte. Je ne sais pas si

  6   vous l'avez vu à ce moment-là vous-même aussi. Je pense que non. Mais les

  7   dirigeants les plus hauts placés l'ont vu.

  8   Puis, ensuite, deux ou trois fois j'ai eu l'occasion de vous interviewer

  9   pendant la guerre, et la dernière fois c'était en décembre 1994 dans votre

 10   maison chez vous. En 1995, je ne vous ai pas vu du tout, et d'ailleurs, il

 11   me semble que je ne vous ai pas entendu non plus. Je ne sais pas quelle a

 12   été la date de l'enlèvement des soldats de la FORPRONU, parce que je suis

 13   intervenu pour un diplomate espagnol, mais, là, je n'ai pas la date en

 14   tête. Si vous aviez été en colère contre moi, on me l'aurait dit, et vous

 15   me l'auriez dit, il y a deux jours lorsque nous nous sommes vus ici.

 16   Donc ça c'est un mensonge caractérisé. Je ne sais pas, si cet homme est un

 17   bon journaliste, mais c'est un grand menteur, même s'il y a de plus en plus

 18   de ce type dans les parages par les temps qui court.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Je retire.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, continuez, Monsieur Karadzic.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que j'ai été en colère contre Milutinovic, et que c'est plutôt

 24   ça qui m'a énervé qu'il rende un mauvais service à Mladic et qu'il

 25   représente cela comme constituant sa victoire, qu'il néglige Krstic, et

 26   j'ai entendu parler de rumeurs comme quoi il aurait venu les images ?

 27   Est-ce que vous avez entendu ce genre d'histoire, comme quoi j'aurais pu

 28   être en colère contre lui ? Et d'ailleurs j'ai parlé en ce sens lors d'une


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  1   assemblée simplement parce qu'il n'y avait là comme une sorte de promotion

  2   et d'enregistrement qui manquait d'objectivité ?

  3   R.  Monsieur le Président, véritablement je ne peux pas vous aider au sujet

  4   de cette histoire de vente de cassette, on l'a dit même à mon sujet que je

  5   l'aurais vendu. Je ne sais pas à qui, et à combien de personnes. Mais parmi

  6   les journalistes qui ont suivi la guerre de Bosnie-Herzégovine, ça a été un

  7   sujet souvent évoqué, à savoir qu'il y a eu des enregistrements faits par

  8   des membres de l'armée mais je n'ai aucune preuve de cela.

  9   Mais parmi les journalistes, on savait -- je dois dire que vous étiez très

 10   populaire, on considérait que vous étiez quelqu'un d'ouvert, et je me suis

 11   que vous avez critiqué l'armée en passant par leur service de presse, que

 12   vous avez critiqué leur façon d'agir, et que souvent, en fait, il rendait

 13   un mauvais service à Mladic. Je pense qu'effectivement c'est ce qui a eu

 14   lieu, et je pense que ce n'était hélas pas des gens qui auraient dû faire

 15   ce genre de chose et le faire contre lui.

 16   Q.  Je dois vous interroger maintenant ce qui en est des restrictions

 17   imposées aux journalistes près du front.

 18   Alors est-ce que dans d'autres guerres, vous avez remarqué également que

 19   les commandants ne souhaitaient pas avoir des journalistes présents près

 20   des lieux de conflit, ou bien est-ce que c'était typique uniquement de

 21   notre guerre ?

 22   R.  Monsieur le Président, ce comportement a évolué au fur et à mesure que

 23   les guerres ont eu lieu; au Liban ce n'était pas la même chose, en Israël

 24   la première fois où j'y suis allé, par exemple, les Israéliens vous

 25   demandent de signer un document par lequel vous acceptez même le risque que

 26   vous courez d'être tué si vous êtes trop près du conflit. On n'a pas fait

 27   ça chez nous, peut-être qu'on aurait dû, et en laissant tout le monde

 28   circulait partout, mais les journalistes ils se sont trouvés partout,


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  1   d'après ce que j'en sais. Et d'ailleurs je sais que pour ce qui est de

  2   Martin Bell et de Christiane Amanpour quelle a été votre attitude vis-à-vis

  3   d'eux. Souvent, ils ont pu faire des choses qui n'étaient permises aux

  4   journalistes serbes. Donc comme c'est une guerre où il n'y avait pas une

  5   attitude standardisée, comme il n'y a pas eu de proclamation d'état de

  6   guerre sur la totalité du territoire, il y a eu beaucoup de situations un

  7   peu improvisées au cas par cas en fonction des autorités civiles ou

  8   militaires à différents endroits. Donc je n'ai pas remarqué qu'il y ait une

  9   attitude généralisée, uniforme, mais vous avez, vous, toujours exigé que

 10   l'on accorde tout aux journalistes, ça je m'en souviens, et c'est grâce à

 11   ça que j'ai pu travailler, mais pas pour seulement moi, la télévision

 12   française, par exemple, TF1.  Vous avez leur donné la possibilité de

 13   travailler à de nombreux moments.

 14   Q.  Oui, justement, je voulais juste savoir si c'était un cas exceptionnel

 15   chez nous, parce que je sais qu'il y avait des soldats serbes qui étaient

 16   un peu suspicieux, mais je pensais que c'était en fait dans d'autres pays

 17   et dans d'autres armées. C'était également le cas, donc je voulais que vous

 18   me le confirmiez.

 19   Le 28 février 2006 vous avez eu un entretien avec le Procureur.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D5633, s'il vous plaît, est-ce qu'on

 21   peut l'afficher. 1D5633, page 112. Je pense que tout est en anglais. Je ne

 22   sais pas d'ailleurs si nous avons une version serbe.

 23   Si, apparemment, nous avons la version serbe, en anglais, ce sera la page

 24   112. Je ne peux simplement pas supposer -- ligne 17. Ça commence page 112

 25   en anglais ligne 17.

 26   Milosevic est mentionné.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que c'est peut-être la page 115 qui

 28   intéresse M. Karadzic.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Ici, vous dites :

  4   "Je ne peux que supposer que dans ce domaine Milosevic était toujours

  5   en pouvoir. Quelqu'un est venu et c'était étonnant, mais ce qui est

  6   également important c'est que la direction des Serbes de Bosnie, Krajisnik,

  7   et d'autres ont demandé à Studio B et moi-même de leur envoyer un

  8   exemplaire, une copie, et ça a été diffusé le lendemain. Je me souviens --

  9   et je connais le mec, il s'appelle Zoran - il travaille pour 'Politika'

 10   maintenant, il pourrait confirmer que nous avons envoyé par autocar une

 11   bande à Pale. Ils étaient toujours ensemble. Je ne sais pas si Karadzic l'a

 12   vue mais la plupart d'entre eux l'ont vue, et si vous demandez à Krajisnik

 13   s'il s'en souvient, que ça a été très bien fait."

 14   Donc est-ce que vous avez eu un feedback, à ce moment-là, de la part des

 15   dirigeants de la Republika Srpska disant que vous avez fait un bon travail

 16   et qu'ils n'avaient pas de reproche à vous faire ?

 17   R.  Oui, M. le Président. Ça c'est un détail que je n'arrive pas à

 18   retrouver après tant d'années avec précision. Mais je sais qu'il n'y a pas

 19   eu de mauvaises réactions, et certains journalistes de Pale, qui plus est,

 20   je ne sais pas si c'étaient des journalistes de la télévision ou les

 21   caméraman qui travaillent pour l'étranger, parce qu'il y avait des

 22   caméraman travaillant pour la télévision AP, et je dois porter plainte

 23   contre eux à cause de ces images également d'ailleurs. Je ne sais pas

 24   lequel d'entre eux a dit ça exactement, mais ils m'ont dit que les gens

 25   étaient contents.

 26   Mais petite correction ici, je pense que la faute vient de moi, lorsque

 27   j'ai eu mon entretien avec M. Nicholls, à Belgrade, à ce sujet. Je pense

 28   que j'ai fait une erreur ici, qu'ils ont vu les missions, que quelqu'un de


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  1   Belgrade leur en a parlé, et que le lendemain, au soir, cette cassette a

  2   été envoyée par autocar à Pale, et Zoran, qui travaillait au studio B, il

  3   s'intéressait au programme satellite, c'était un technicien qui à l'époque

  4   travaillait pour "Politika." Je pense qu'aujourd'hui, il travaille

  5   ailleurs. Il n'est plus dans "Politika" mais, lui, il est au courant du

  6   départ de cette cassette pour Pale. Donc il n'y a pas eu de réaction

  7   négative, pas du tout, et les journalistes ont dit qu'ils étaient contents,

  8   parce que ceux de la télévision, et vous vous souviendrez peut-être de deux

  9   journalistes, il y avait un moustachu qui avait travaillé à la télévision

 10   de Sarajevo, avant la guerre.

 11   Q.  Radoje, c'était ce type de nom ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Ligne 14 dans le compte rendu d'audience, il faudrait lire

 14   "journaliste." Lorsqu'on voit ici, on voit un Allemand -- ou plutôt, un

 15   "adjournment" "remettre à plus tard" alors qu'il faudrait lire,

 16   "journaliste."

 17   Puis les journalistes vous ont dit.

 18   R.  Oui, oui les journalistes.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, est-ce que nous pouvons verser au

 21   dossier les pages 15 et 16 de cet entretien, 115 et 116 de cet entretien

 22   avec le bureau du Procureur, s'il vous plaît.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce de la Défense, D2251.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 26   [Le conseil de la Défense se concerte]

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste une chose plus.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Donc vous avez eu l'occasion de traverser Srebrenica, à pied. Est-ce

  2   que vous avez pu voir des maisons qui venaient d'être touchées ou qui

  3   venaient de brûler, lors de ce passage ? Est-ce que vous avez vu cela ?

  4   R.  Monsieur le Président, tout comme dans le cadre de mes dépositions

  5   précédentes, je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit. Donc j'ai une

  6   certaine expérience des guerres, et je n'ai pas vu ce genre de chose. J'ai

  7   traversé la rue principale, et il m'est arrivé d'avancer de 10 à 15 mètres

  8   derrière les immeubles, au centre, mais ce n'était pas des traces fraîches

  9   ni de la fumée, par exemple, qui résulterait d'incendie récent. Mais j'ai

 10   vu en fait que la fumée, au niveau de cette usine qui a été complètement

 11   détruite de bois, c'est le seul endroit où on voyait la fumée sévit.

 12   Mais ce qu'on a pu voir, c'était des traces de premiers combats qui

 13   avaient eu lieu entre les Serbes et les Musulmans au moment où les

 14   Musulmans ont été encerclés. Donc peut-être des traces vielles d'un an ou

 15   deux, mais rien de récent. J'ai eu la sensation que tout le monde était

 16   parti, qu'on a fait en sorte que tout le monde puisse descendre par la

 17   route pour Bratunac, et j'ai même filmé deux ou trois cadavres dans le

 18   centre. C'est tout.

 19   Q.  Est-ce qu'il y a des choses importantes que vous n'avez pas filmées ?

 20   Est-ce qu'il y a des cadavres que vous n'avez pas filmés ?

 21   R.  Monsieur le Président, je ne suis pas resté toute la journée, donc

 22   j'étais limité par la visite du ministre donc j'ai pu prendre peut-être 30

 23   minutes, une heure en tout, et j'ai vu ces trois cadavres, quelques chiens

 24   ou peut-être un chien à côté d'eux.

 25   Comme j'avais de l'expérience, j'ai essayé de voir s'il y avait des

 26   traces, s'il y avait des morts. Ce n'est que plus tard que j'ai appris

 27   qu'une vieille dame, âgée de 82 ans, et son nom était Petrovic, je l'ai

 28   retenu parce que c'est mon nom, qu'elle avait été égorgée. J'ai une


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  1   photographie, elle a été égorgée quand ils se sont enfuis pour Bratunac.

  2   Mais à ce moment-là, je ne l'ai pas vue. Donc j'ai vu la mosquée qui était

  3   toujours en place, l'église était là, le grand supermarché, la grande

  4   surface qui était là. Un appartement où je suis rentré, j'ai filmé, les

  5   gens étaient partis en hâte, et puis j'ai filmé aussi les Serbes qui

  6   étaient en train de revenir, qui avaient pris la fuite au début de la

  7   guerre lorsqu'un député serbe était tué, c'est comme cela que la guerre a

  8   commencé, à Srebrenica. On lui avait tendu une embuscade, et ces gens

  9   revenaient avec l'aide américaine, avec l'huile, ils portaient des choses

 10   dans les bras, et revenaient de Bratunac à pied, et j'en ai interviewé

 11   certains, chez eux par exemple, et j'ai vu ce que j'ai vu dans la vallée

 12   Beqaa avec les Shiites pro iraniens, ces mêmes images, à Kutz [phon],

 13   "Forever Jérusalem, et cetera. Mais hormis ces deux ou trois morts, je n'en

 14   ai pas vu d'autre.

 15   Q.  La "maison blanche," vous l'aviez filmée. Nous avons ces images.

 16   D'après votre évaluation, il y avait combien de personnes sur cette

 17   terrasse ? Est-ce que vous avez appris que c'étaient des gens qui étaient

 18   suspectés d'avoir commis des crimes ?

 19   R.  Oui, Monsieur le Président, c'est cette séquence que l'on me

 20   reproche depuis des années. En fait, on me reproche de l'avoir effacé et on

 21   voit cela dans l'émission initiale, vous l'avez vu, le Procureur l'a vu.

 22   Donc, encore une fois, je répète, je filme, donc il fait très chaud,

 23   je filme ces scènes, et là encore, je dois dire que j'étais très choqué par

 24   le nombre de personnes, par cette chaleur écrasante, des enfants, des

 25   femmes, des personnes âgées, tout le monde s'entraide pour monter dans les

 26   camions pour partir. Moi, je filme une masse -- ou plutôt, un tas de

 27   vêtements usés, des choses qu'on ne souhaiterait pas porter. Personne

 28   n'aimerait porter ça, et moi, qui ne suis pas caméraman, parce qu'il y a


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  1   des règles au niveau du tournage à plan fixe, prendre ensuite à gauche, à

  2   droite, et cetera, moi, je ne savais pas ça. Donc je commence à filmer vers

  3   la droite et je vois une maison, une maison qui n'avait pas attiré mon

  4   attention avant, parce que ce sont les gens qui m'intéressaient avant tout

  5   pas les maisons. Donc je vois dans mon plan une terrasse, et je vois qu'il

  6   y a des éléments en bois sur cette terrasse, c'est la moitié de la terrasse

  7   que j'ai chez moi, et je pense que dix personnes assises peuvent se tenir

  8   dans cet espace-là. On voit -- à travers ces éléments de la terrasse, je

  9   vois ces gens-là, et aucun d'entre eux n'est debout, et après j'ai demandé

 10   : à l'intérieur, qui étaient ces gens là ? On m'a dit quelque chose du

 11   genre, on enquête, on mène une enquête parce qu'on pense qu'ils ont commis

 12   des crimes, et vous avez pu voir d'ailleurs tout ce que j'ai enregistré par

 13   la suite. je n'avais pas vraiment de plan de projet, ce sont des images qui

 14   intéressent les gens, donc ce que j'essayais c'est d'avoir des images

 15   parlantes, fortes, enfin professionnellement parlant, je les ai mal filmés

 16   parce que je ne suis pas un caméraman professionnel. Mais elles se sont

 17   avérées précieuses pour ce Tribunal et utiles pour vous, également.

 18   Q.  Merci. Est-ce exact ou est-ce ce que les images nous montrent ? Est-ce

 19   que ça correspond également à la réalité qu'il n'y a pas de tension, pas de

 20   peur, pas de contrainte que la situation que les gens circulent comme ils

 21   l'entendent, donc est-ce que vous pouvez très brièvement nous décrire si

 22   c'était ça la situation qui prévalait ? Est-ce que vous avez vu que les

 23   soldats néerlandais éventuellement avaient peur, que les civils avaient

 24   peur ?

 25   R.  Monsieur le Président, plus tard au cours de ces événements lorsqu'il y

 26   a eu cette polémique aux Pays-Bas sur le fait qui était de savoir s'ils ont

 27   protégé ces gens-là, s'ils auraient dû s'opposer à l'armée serbe, j'ai

 28   trouvé ça ridicule de lire que ces gens avaient eu peur, j'ai [inaudible]


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  1   dans différentes situations. Premièrement. je les ai vus parler avec les

  2   Serbes au sujet de l'eau, j'ai même filmé cela avec un officier de la

  3   FORPRONU, puis j'ai vu un soldat noir néerlandais qui avait une brouette et

  4   qui transportait un vieillard, puis j'en ai vu un boire du lait dans un

  5   coin. Puis j'en ai même vu d'armés, et là, je n'ai pas filmé ça. C'est le

  6   dernier plan de cette base où l'on en voit qui ont gardé leurs armes, et

  7   puis il y a cet officier à qui je demande dès le départ : "Mais que se

  8   passe-t-il ici ?" Lui, il me répond : "Mais vous savez bien ce qui se

  9   passe." Je lui ai dit : "Mais non, je ne sais pas. J'arrive de Belgrade,"

 10   et lui, il était assez tendu, énervé, je suppose, par la situation, mais

 11   contre eux et surtout pas contre les Musulmans, parce que si je l'avais vu

 12   je l'aurais dit, peu important que je sois Serbe, mais je n'ai pas entendu

 13   qui que ce soit dire quoi que ce soit de négatif contre ces gens-là. Je les

 14   ai vus leur dire : "Allez-y, montez, il ne va pas y avoir de problème,"

 15   Puis je n'ai pas vu de triomphe parmi les Serbes pour avoir conquis

 16   Srebrenica. Je n'en ai pas vu rire. J'en ai vu d'épuisés, mais personne qui

 17   aurait dit quoi que ce soit de mal. Ça c'est l'impression qui était la

 18   mienne et que l'on peut voir dans mes images, qui ne sont pas de très bonne

 19   qualité mais qui constituent un document de qualité sur les événements.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas d'objection. Mais pour que ce

 22   soit tout à fait clair, je suppose que c'est du 13 que parle M. Karadzic,

 23   parce que M. Petrovic a filmé le 13. Lignes 23/24, M. Karadzic semble

 24   parler du 14 lorsqu'il dit que tout le monde se déplaçait librement,

 25   s'occupait de ce qu'il voulait. M. Petrovic, dans sa description et dans la

 26   vidéo du 14, montre les civils serbes qui reviennent dans la ville qui est

 27   maintenant déserte. Juste pour que ce soit tout à fait clair, quelle est --

 28   quelles sont les dates dont nous parlons et quelles sont les personnes ?


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

  2   Monsieur Karadzic --

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je ne pense pas avoir parlé du 14.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux ?

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Peut-être que le témoin pourrait nous préciser cela. A Srebrenica même,

  7   quelle est la date de son tournage, quand est-ce qu'il a filmé ce qu'il a

  8   vu ?

  9   R.  Oui, M. Nicholls a raison. On voit la date sur les images. Le 13, je

 10   suis dans la base militaire, il y a ces populations de Srebrenica qui

 11   doivent partir pour Tuzla, donc la population et les réfugiés de

 12   Srebrenica.

 13   Puis le 13 dans l'après-midi, je filme en route vers Tuzla. Le 14, je suis

 14   avec Borovcanin, qui accompagne le ministre de la Police vers Srebrenica.

 15   Donc à ce moment-là ils n'autorisaient pas l'entrée de journalistes et, à

 16   ce moment-là, j'ai pu entrer, même si c'était avant [inaudible] pour les

 17   journalistes. Donc c'est le 14.

 18   Q.  Donc, alors -- l'erreur vient de moi, donc de se que je comprends

 19   Potocari pour Srebrenica. Donc Srebrenica même c'est le 14, le reste c'est

 20   le 13, Sandici, Kravica.

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Donc le 13, vous avez vu un certain nombre de choses; est-ce que vous

 23   avez vu uniquement des affaires devant la "maison blanche" ou partout où il

 24   y avait des civils ?

 25   R.  Monsieur le Président --

 26   Q.  Moi, je pensais aux baluchons.

 27   R.  Il y avait deux sortes de choses. Il y avait ceux que portaient les

 28   gens qui allaient monter dans les camions et autocars et qui avaient des


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  1   choses dans les bras. Puis il y avait autre chose. Il m'a semblé qu'il y a

  2   eu un tas de six ou sept mètres de haut, d'après l'impression que j'ai eue,

  3   avec des choses mais sans aucune valeur. Un clochard à Paris n'envierait

  4   jamais ça. Donc peut-être qu'ils avaient peur de contagion. Maintenant, si

  5   on pouvait faire un gros plan et étudier un petit peu cette image dans mon

  6   tournage, mais c'était vraiment de la pire extrême, donc je ne sais pas

  7   pourquoi ça s'est trouvé sur ce tas que j'ai vu, je ne sais pas.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  9   Précédemment dans la question, lorsque M. Nicholls a réagi, votre question

 10   était la suivante :

 11   "En réalité, est-ce qu'il n'y avait pas de tension, pas de peur, pas de

 12   contrainte, que la situation était plutôt détendue, que tout un chacun se

 13   déplaçait librement et cherchait telle ou telle chose qu'il voulait prendre

 14   ? Donc est-ce que vous avez remarqué qu'il y a eu de la peur parmi les

 15   soldats néerlandais ou parmi les civils ou toute autre personne ?"

 16   Donc cette question, est-ce qu'elle porte sur le 13 à Potocari ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, ce que nous avons vu dans la vidéo. Il n'y

 18   avait pas de population à Srebrenica le 14. Mais c'est à Potocari, les

 19   civils, les soldats.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que cela comprend les personnes

 21   qui se trouvent dans la "maison blanche" également ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais la "maison blanche" m'a intéressé

 23   uniquement dans la mesure où je voulais savoir qu'il estime leur nombre et

 24   ce qu'ils étaient en train de faire sur cette terrasse.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Continuons, à moins que M.

 26   Petrovic n'ait quoi que ce soit à ajouter à ce qu'il a déjà affirmé. Merci.

 27   Est-ce que vous pensez que nous devrions faire une pause étant donné

 28   l'heure ?


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  1   Une demi-heure de pause.

  2   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

  3   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

  4   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, si vous voulez bien

  6   continuer.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Docteur Petrovic, vous avez dit il y a un instant qu'il y avait des

  9   vieilles fripes en tas quelque part. Je vais tenter de poser mes questions

 10   pour que vous puissiez y répondre d'un oui ou d'un non.

 11   Y avait-il un véritable danger de contagion ?

 12   R.  Monsieur le Président, je pense, si vous regardez les images et vous

 13   voyez ces vieilles fripes.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous voir la pièce 194 ?

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  J'aimerais vous demander d'élucider un point de vue du rapport que vous

 17   avez présenté.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans la version serbe et anglaise, si vous le

 19   voulez bien.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Vous souvenez-vous de ce reportage ?

 22   R.  Il a été publié par la maison d'édition qui n'existe plus depuis la

 23   guerre.

 24   Q.  Est-ce que vous en êtes l'auteur ?

 25   R.  Oui, Monsieur le Président.

 26   Q.  Je ne suis pas sûr de ce que j'ai en anglais, mais ce titre en anglais

 27   semble indiquer qu'il y ait dissimulation de la situation. Le titre en

 28   anglais est : "La dissimulation a commencé," et j'ai compris qu'il


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  1   s'agissait là de la désinfection de la ville; alors qu'en anglais, il

  2   semblerait que ce soit une dissimulation. Combien pensez-vous que ce titre

  3   devrait être traduit ?

  4   R.  Oui, il est manifeste que la version anglaise est erronée, le terme de

  5   "blanchiment." Il s'agissait de repeindre les maisons. Tout

  6   particulièrement à l'intérieur, il est important de lire le texte

  7   soigneusement car c'est ce qui vous y verrez.

  8   Il y a un passage où je rebatte une dimension de façon documentaire, et ça

  9   même été un malentendu à Belgrade dans un débat public auquel vous n'avez

 10   pas été invité, bien sûr. Il y a eu une composante de civilisation dans ce

 11   conflit qui est mal perçue dans le monde très souvent. Disons-le de cette

 12   façon : Une population chrétienne se sert davantage de porc, qu'une

 13   population musulmane qui aura recours à l'agneau. On pourra vous dire :

 14   dans notre région du monde que les Chrétiens pensent que l'odeur de

 15   l'agneau est déplaisante qui vient donc de l'intérieur d'une habitation,

 16   alors les Musulmans n'apprécient pas l'odeur du porc. C'est un fait.

 17   Je suis allé à Srebrenica souvent et j'y ai rencontré ceux qui sont

 18   retournés et ils doivent repeindre leurs habitations toutes les quelques

 19   années. Il ne s'agit pas de dissimuler. Je dirais qu'il s'agit de repeindre

 20   les intérieurs des maisons. C'était la signification.

 21   Q.  Je ne sais pas si je vais avoir un laps de temps supplémentaire donc il

 22   va falloir que je me dépêche, que je couvre les principaux éléments.

 23   Vous étiez à Sandici quand ?

 24   R.  L'après-midi, vers 15 heures, 16 heures, dès que je terminais de filmer

 25   à l'intérieur du casernement à Potocari, nous sommes allés à Bratunac et

 26   nous avons pris cette route. Il devait être 15 heures ou 16 heures. Vous le

 27   voyez dans les images lorsque l'on ne voit des Serbes qui tirent de la

 28   route vers une montagne.


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  1   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Pas d'objection. Je viens de -- j'aimerais

  4   signaler qu'au compte rendu, que le témoin se reporte à certains documents

  5   qui sont devant lui et qui semblent être soulignés lorsqu'il répond aux

  6   questions. Je ne l'avais pas remarqué auparavant. Il ne m'en a pas parlé

  7   lorsqu'il a rencontré M. Karadzic, M. Karadzic lui a donné certains

  8   documents.

  9   Donc pour le compte rendu, je me demande à quoi il se reporte. A quelle

 10   heure était-il à Sandici.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Petrovic, pourriez-vous

 12   nous l'expliquer.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   C'est un résumé de mon affaire qui contient certains passages où M.

 15   Karadzic a signalé ou marqué les domaines de question qu'il voudrait

 16   réaliser aujourd'hui. Je n'ai pas eu le temps de consulter la chose de

 17   façon régulière, mais ce dont nous parlons ne suit pas exactement ce que

 18   j'ai dans mon texte. J'ai la version anglaise, et elle est marquée -- il y

 19   est marqué quelles parties du texte M. le président Karadzic souhaiterait

 20   mettre en exergue dans notre débat. Mais si c'est un problème je m'en

 21   passerais. Pas de problème.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je expliquer ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est ce que nous appelons une chronologie. Ce

 25   sont des citations de tous les éléments de ce qu'a déclarées le témoin où

 26   que ce soit. Des citations. Encore une fois, ce ne sont pas des pièges que

 27   nous tendons, et c'est analogue à ce que fait le Procureur lorsqu'on lui

 28   présente le document 92 ter et lui demande ce qui sous-tend ces documents,


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  1   et il y a des références qui sont indiquées quant au lieu où il a dit quoi

  2   et à quelle heure.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Petrovic.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux le remettre aux parties aux fins

  6   d'inspection, si vous le souhaitez.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, voudriez-vous voir de

  8   quoi il s'agit ?

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, je voulais savoir s'il s'agissait d'un

 10   compte rendu antérieur si c'est quelque chose qui a été produit par la

 11   Défense et je ne savais tout simplement pas de quoi il s'agit. Je dirais

 12   que ce n'est pas dans la pratique de présenter 92 ter aux témoins et

 13   restons-en là.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Si l'huissier veut bien aider le

 15   témoin pour qu'il fournisse le document à M. Nicholls

 16   Entre-temps, les pièces auraient davantage de valeur de preuve si

 17   vous pouvez témoigner sans vous appuyer sur ces documents de préparés mais,

 18   si nécessaire, dites-le-nous et nous verrons ce que vous avez préparé.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai ici une copie de

 20   mon propre article que j'ai apporté. Je ne les ai pas passés en revue à

 21   nouveau. Je puis également vous les fournir. Je n'en ai pas besoin pour ce

 22   débat, mais je les ai apportés au cas où. Je n'en ai pas besoin pour mon

 23   témoignage.

 24   Je peux également les remettre.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Ce ne sera pas nécessaire.

 26   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   J'ai versé certains de ces articles. Pouvons-nous maintenant voir ID5634


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  1   [comme interprété]. Il s'agit d'un de ces textes, et peut-être au prétoire

  2   électronique.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  C'est votre glossaire de Sarajevo en temps de guerre publié dans le

  5   magazine "Nin" ou peut-être "Duga;" non, c'est "Duga."

  6   C'est une copie de mauvaise traduction mais nous avons la traduction.

  7   Il s'agit principalement de la rue Dobrovoljacka -- votre description de

  8   l'incident dans cette rue où une colonne militaire, que vous avez

  9   accompagnée à titre de journaliste, a été attaquée et massacrée.

 10   R.  Oui, Monsieur le Président. Cela fait partie de l'article public dans

 11   le magazine "Duga" en mai 1992, après cet incident qui s'est tenu le 3 mai,

 12   et cela fait partie d'un très long glossaire. Je pense qu'il fait 20 pages

 13   dactylographiées ayant trait à cet incident concernant la colonne militaire

 14   que j'ai accompagné avec TF1, l'équipe de télévision, et nous avons tenté

 15   de préparer ce reportage avant la fin de la journée pour sortir à 18 heures

 16   05, et ceci nous a peut-être sauvé la vie, on nous dit qu'une dizaine de

 17   civils armés, des Bérets verts.

 18   Q.  On nous parle d'une "dizaine de civils armés, Bérets verts." A votre

 19   connaissance, quelle est la différence entre les civils et les soldats

 20   pendant la guerre, pas tant en termes de vêtements que le fait qu'ils

 21   étaient armés ou pas ?

 22   R.  Oui, Monsieur le Président. Alors cette équipe française, je me

 23   trouvais à Sarajevo fin février ou début mars et fin avril, début mai. J'ai

 24   été en mesure d'observer le soulèvement de cette psychose de temps de

 25   guerre et la conversion de civils en citoyens armés. Un terme assez drôle

 26   et même hilarant était utilisé à Sarajevo à l'époque, il s'agissait de

 27   citoyens organisés spontanément, entre guillemets, et j'ai remarqué que

 28   dans cet incident quant aux convois au 3 mai 1992, nous avons été entourés


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  1   dans la voiture où nous nous trouvions au volant duquel se trouvait le

  2   reporter Louis Beroux [phon], ils possédaient toutes sortes d'armes, y

  3   compris des armes dernier cri allant d'armes de poing, de petit calibre, à

  4   des kalachnikovs et des engins explosifs artisanaux ainsi que des grenades.

  5   Tout était très tendu, très dangereux, parce que ce n'était pas une unité

  6   militaire régulière.

  7   Q.  Si une personne de la sorte était tuée et que quelqu'un d'autre

  8   s'emparaient de leur arme, un observateur badaud dirait en voyant le corps

  9   qu'il s'agissait d'un civil, n'est-ce pas ?

 10   R.  Tout à fait, Monsieur le Président. Ce serait la première chose que

 11   l'on penserait dans une situation de la sorte.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux verser ce document ? Nous

 13   n'avons une traduction que sur deux ou trois de ces passages, pas plus

 14   d'une page en anglais.

 15   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, objection jusqu'à ce

 16   que ce soit marqué et identifié.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si nous pouvons recevoir

 18   ce document pour comprendre la signification de certaines de ces phrases.

 19   Mais étant donné la position du Procureur, nous allons marquer le document

 20   aux fins d'identification.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] MFI D2252, Monsieur le Président.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Revenons au pré Sandici.

 24   Selon vous, combien de prisonniers avez-vous vu à Sandici ? Combien d'entre

 25   eux ont été saisi sur film de votre caméra ?

 26   R.  Monsieur le Président, il y a nombre de façons de compter les humains

 27   dans des situations de foule, par exemple, les matchs de football, et

 28   cetera, ou les soulèvements. A l'époque où je m'y trouvais, j'ai pensé


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  1   qu'il y avait suffisamment de personnes pour remplir un autocar, c'est-à-

  2   dire environ 100 personnes. C'est ce que je dirais, et je pense que c'est

  3   ce que j'ai déclaré dans mes déclarations précédentes et éléments de

  4   preuve.

  5   Difficile à dire, mais c'est le chiffre qui n'est resté à l'esprit.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous voir 03177 -- ou plutôt, 117. 65

  7   ter 03117.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Selon vous, s'agit-il d'une partie plus grande ou plus petite de ce que

 10   la caméra a saisi ou est-ce toutes les personnes qui se trouvaient à

 11   Sandici vers 14 heures ?

 12   R.  Il s'agit donc d'un -- d'une image de mon reportage vidéo. A partir de

 13   cet angle, vous ne pouvez tous les voir, mais il n'y en avait pas beaucoup

 14   plus. Peut-être deux fois ce que vous voyez sur cette photo, suffisamment

 15   pour remplir un autocar. Car ceci a été filmé en contrebande et certains

 16   d'entre eux ne se voient pas sur l'image dans le viseur. Mais il y en avait

 17   davantage que ce que vous voyez sur l'image.

 18   Q.  Ensuite vous êtes parti vers Konjevic Polje. Vous y êtes resté quelque

 19   instant et pendant ce laps de temps, le colonel Borovcanin a été informé

 20   d'un incident à Kravica, n'est-ce pas ? Vous êtes tourné.

 21   R.  Oui, quelque chose de ce genre. C'est tout dans la même région où se

 22   trouvaient des personnes, l'incident où l'un des combattant a été blessé.

 23   Borovcanin en a été informé presque immédiatement et il est retourné à

 24   l'hôpital, pour lui, pour Borovcanin, pour voir ce qui est arrivé aux

 25   soldats.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, nous faut-il verser

 27   cette image ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, si nécessaire, nous le verserons.


Page 28466

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] A titre de pièce D2253, Monsieur le

  2   Président.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous venez de

  4   dépasser le temps qui vous avait été affecté. De combien de temps vous

  5   faut-il pour parachever votre contre-interrogatoire ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans le droit fil de ma demande, je peux

  7   terminer dans les 10 ou 15 minutes, je pense que ce serait utile pour la

  8   Chambre, si ce témoin nous dise de nombreux éléments dont il est averti.

  9   Mais si nous devons suivre la requête, j'en terminerai dans 15 minutes.

 10   Puis-je ajouter quelque chose, Madame et Messieurs les Juges ?

 11   Vous voyez 92 bis est déficient. Vous voyez comment une personne peut

 12   modifier ses propres déclarations en une déclaration vive -- de vive voix.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, et parachever dans

 14   15 minutes.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une cote a-t-elle été affectée à cette image ?

 16   Très bien.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Alors vous êtes revenu et vous êtes sûr que ni vous ni Borovcanin à

 19   l'époque de l'incident de Kravica, n'étiez à proximité de Kravica, vous

 20   étiez plus loin de Kravica, de Sandici vers Konjevic Polje, n'est-ce pas ?

 21   R.  Monsieur le président, si vous voulez dire l'incident du soldat blessé

 22   par un soldat musulman qui s'était rendu, ça ne nous l'avons absolument

 23   pas, c'est ce dont je me souviens nous n'avons pas vu ce qui s'est passé du

 24   tout. Nous nous souvenons simplement que quelqu'un a appelé Borovcanin et

 25   que nous sommes partis directement pour l'hôpital à Bratunac, pour que nous

 26   puissions voir ce soldat. A l'évidence, il se préoccupait de ce soldat.

 27   C'était probablement l'un des hommes de son unité, et donc ça fait une

 28   expérience.


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  1   Q.  Merci. A partir de la voiture, la caméra a filmé l'entrepôt avec un

  2   certain nombre de corps.

  3   Vous souvenez-vous si la porte était fermée où ces corps avaient été

  4   empilés ? Je pense que vous avez témoigné dans ce sens, je pense que vous

  5   avez déclaré que la porte était fermée; vous en souvenez-vous ?

  6   R.  Monsieur le président, si je ne m'abuse, je pense que, dans mon

  7   témoignage -- je l'ai confirmé dans mes témoignages précédents.

  8   Vous devriez savoir quelle est la situation quand on est en train de

  9   filmer. Je veux dire je tenais la caméra dans mes mains, alors que la

 10   voiture passait. Il était peut-être une, deux, trois, peut-être pas plus

 11   que ça, ce n'est que par la suite que j'ai vu qu'il y avait un soldat qui

 12   avait été filmé et que la porte avait été fermée. J'étais scandalisé.

 13   Pourquoi est-ce que les témoins ont fondé leur témoignage sur un nombre de

 14   morts sur la base d'une porte ouverte. Merci d'avoir posé la question.

 15   C'est une difficulté qui est mienne à cet égard, parce que c'est une

 16   manipulation. Si nous nous souvenons du procès Borovcanin en 2007, nous

 17   voyons que jusqu'à cette date, en 2012, les seules preuves dont dispose le

 18   monde en dépit de tous les stellites, c'est les images de quelques secondes

 19   que vous pouvez voir 15 ou 20 morts. C'est mon estimation, en ce qui

 20   concerne ce qui s'est passé dans ce hangar.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] La question était, la porte était ouverte ou

 23   fermée.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 25   Docteur Petrovic, si vous essayez de répondre à cette question, M. Karadzic

 26   vous posera d'autres questions si nécessaires. Mais avez-vous déclaré que

 27   votre vidéo est la seule preuve de ce qui s'est passé à Kravica ? Je dois

 28   vous dire que nous avons des survivants, d'autres témoins.


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  1   Si vous voulez bien continuer.

  2   Avez-vous répondu à la question, à savoir si la porte était ouverte ou

  3   fermée ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

  5   Président, je voulais tout simplement être utile.

  6   La porte était fermée.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Merci. Quand vous avez dit qu'il s'agissait là de seule preuve; est-ce

  9   que vous vouliez dire qu'il s'agissait là de ce document vidéo ?

 10   R.  Oui, Monsieur le Président. Pour autant que je sache, ces images qui

 11   sont miennes et également des images satellitaires américaines.

 12   Q.  Merci. Il y a quelques instants, vous avez dit que votre estimation

 13   était et peut-être qu'il faudra réfléchir la chose soigneusement et que

 14   l'on pourrait compter de façon plus précise, il y avait environ 20 corps

 15   empilés dans ce hangar ?

 16   R.  Oui, Monsieur le Président. Sur l'heure, je n'étais pas conscient du

 17   nombre. Jusqu'à aujourd'hui, je pense qu'il s'agit de 15 à 20.

 18   Q.  Merci. Par la suite, vous avez remarqué un soldat; est-ce que ce soldat

 19   s'est comporté comme s'il y avait encore des échanges de tirs à proximité

 20   ou se comportait-il comme s'il n'y avait pas de tir autour de lui ? Vous

 21   avez entendu des coups de feu à proximité du hangar ?

 22   R.  Oui, oui. Je veux dire en revoyant ces images, c'est un peu

 23   contradictoire la façon dont ils se déplacent, et je me souviens avoir

 24   entendu nombre de coups de feu le long de la route. A côté de ce hangar,

 25   derrière, il y a un petit ruisseau, et c'est là où il y a eu des échanges

 26   de tirs.

 27   Je trouve que c'est bizarre maintenant mais, à l'époque, je n'y portais pas

 28   attention car le laps de temps est trop court.


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  1   Q.  Merci. Il y a eu des tirs dans la coopérative elle-même. Pensez-vous

  2   que vous l'auriez vu, et que Borovcanin se serait peut-être arrête pour

  3   voir ce qui s'y passait ?

  4   R.  Oui, s'il y avait eu des tirs, comme différentes sources l'ont dit et

  5   différents témoins l'ont dit, peut-être que je ne suis pas passé, à ce

  6   moment-là, mais quand j'y suis passé, il y avait des tirs plus loin du

  7   hangar pas dans le hangar qui était fermé. Mais il faut savoir que je ne

  8   suis que témoin de ce moment-là, de ces trois secondes là.

  9   Q.  Merci.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur

 11   Karadzic.

 12   Quant à savoir si vous vous souvenez de la position de la porte, était-elle

 13   fermée ou ouverte ? Docteur Petrovic, on pourrait peut-être télécharger la

 14   transcription. Est-ce que vous pourriez nous donner la cote, Monsieur

 15   Nicholls ?

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Il s'agit du compte rendu dans l'affaire

 17   Popovic, P00375.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je donne la page du compte rendu

 19   d'audience, 18808.

 20   Je vous ai demandé si vous vous souveniez d'avoir vu des corps à l'époque,

 21   devant cet entrepôt. Je vous ai posé la question par le truchement de M.

 22   Nicholls.

 23   Vous avez répondu de la manière suivante :

 24   "Je n'ai pas pensé à cela, pas de cette manière-là, oui. Je l'ai vu en deux

 25   secondes, et il fallait que je le filme tel que vous voyez par l'objectif

 26   de la caméra mais ça n'a duré que deux secondes.

 27   Donc je vous demande maintenant à la lumière de cela : Comment est-ce

 28   que vous vous souvenez que la porte était ouverte ou fermée ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Excellence, comme je l'ai déjà dit,

  2   précédemment, je tenais une caméra, je regardais par l'objectif, et ça a

  3   duré au plus, un, deux, trois secondes, pas plus. J'avais l'image d'un

  4   endroit où des combats étaient en cours. Ça, c'est ce que j'ai vu par la

  5   suite, en fait mes souvenirs datent plutôt du moment où j'ai monté les

  6   images que du moment où j'ai fait l'enregistrement. Là, je me suis pas

  7   rendu compte de tout ce qu'il y avait. Par exemple, le soldat -- la

  8   présence du soldat, je n'ai pas remarqué cela, à ce moment-là; de toute

  9   évidence, cependant, c'est ce qu'on voie sur mon enregistrement. On voit

 10   que la porte est fermée, et l'on voit les corps.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Vous pouvez continuer, Monsieur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Ensuite, le colonel Borovcanin est allé voir son combattant; est-il

 16   exact de dire que les mains de cet homme portaient des traces de brûlure,

 17   et il a été brûlé parce qu'il a touché un canon qu'on a utilisé, enfin d'un

 18   fusil qu'on a utilisé pour tirer ?

 19   R.  Monsieur le président, si je me souviens bien, en fait je ne suis pas

 20   rentré à l'intérieur, je me tenais à l'extérieur. Mais ce que j'ai entendu

 21   dire, c'est qu'il avait des blessures aux mains. Je ne sais pas si ces

 22   mains étaient coupées ou bien si c'étaient des brûlures. Dans tous les cas,

 23   c'étaient des blessures graves.

 24   Je pense que c'était plutôt effectivement des brûlures dues au contact avec

 25   le canon.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais 1D5636, s'il vous plaît. 

 27   Q.  Un autre extrait de votre déposition. Vous avez déjà mentionné le

 28   colonel Bunel, dans vos témoignages. S'agit-il un colonel de l'armée


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  1   française, qui a été déployé dans les forces de l'OTAN et qui a critiqué

  2   les bombardements lancés contre la Serbie. Il a été tenu responsable par la

  3   suite d'avoir averti les Serbes des endroits qui allaient être pris pour

  4   cible, dans ces bombardements ?

  5   R.  Oui, c'est le colonel Bunel. C'est un officier du renseignement

  6   militaire de l'armée française, il s'est même retrouvé en prison pour avoir

  7   fourni des informations aux Serbes, avant les bombardements, et avant cela,

  8   il s'était trouvé déployer en Bosnie.

  9   Je l'ai interviewé deux fois. Une première fois, alors que je ne savais pas

 10   qu'il avait été déployé en Bosnie. Ça n'a pas fait l'objet de notre

 11   entretien.

 12   Puis, la deuxième fois, il m'a fait des choses étonnantes sur les Musulmans

 13   reçus par les Américains ou pris par les Américains dans leur base de

 14   Tuzla, plus ou moins plus tard. C'est ce qu'il a dit. Il faudrait lui poser

 15   des questions là-dessus.

 16   Q.  Il vous a dit que quelques mois après la chute de Srebrenica, des

 17   soldats musulmans se sont manifestés dans les bois, dans la base américaine

 18   que les Américains les ont transportés aux Etats-Unis.

 19   R.  Oui, ça a été une déclaration tout à fait choquante pour moi, mais

 20   personne n'a semblé s'en émouvoir, que ce soit en Serbie ou ailleurs.

 21   Après, j'allais apprendre qu'en 1996, au milieu de l'année, en fait je

 22   voulais dans la diaspora serbe faire un document là-dessus, je voulais

 23   retrouver ces soldats qui sont arrivés aux Etats-Unis. Les Serbes ont

 24   signalé qu'il y a eu en Virginie l'arrivée d'un grand groupe de ces

 25   réfugiés de Srebrenica. Mais personne ne voulait que je fasse ce film.

 26   C'était étonnant d'entendre une histoire pareille de la bouche d'un

 27   officier du renseignement militaire, mais en fait, et que personne ne

 28   souhaite en parler. Donc il y avait des combattants qui se sont cachés dans


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  1   les bois, dans les montagnes, il y a eu des images, des images de ces

  2   hommes épuisés. C'est un photographe de Tuzla en fait qui a pris des photos

  3   de ces gens-là.

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons verser cela au dossier.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] Je dois dire que je ne vois pas

  8   véritablement quelle est la pertinence de cette information, parce que ce

  9   départ ou le fait que quelqu'un a été transféré aux Etats-Unis, en 1996 --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous expliquer en

 11   quoi cela est pertinent, Monsieur Karadzic ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être que nous pourrions retrouver leurs

 13   noms sur les listes que de personnes portées disparues, alors qu'ils sont

 14   en Virginie, à Salt Lake City ou ailleurs. Il y a des milliers de Musulmans

 15   de Srebrenica qui s'y trouvent. Le colonel a vu plusieurs centaines de

 16   combattants, plusieurs mois après la chute de Srebrenica. Il les a vus

 17   émergés des bois.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ce sera la pièce D2254, versé

 19   au dossier. Veuillez continuer. Je vois l'heure, vous devriez conclure.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellence, très brièvement, juste une

 21   petite question avant ma dernière question.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Donc vous avez dit que d'autres journalistes du studio B ont examiné

 24   vos enregistrements, ont repris cela parfois en vous citant parfois sans

 25   vous citer; alors est-ce que cela est inadmissible que d'autres

 26   journalistes servent du travail qui vient d'un confrère ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que je peux avoir la référence, s'il


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  1   vous plaît.

  2   Je me souviens qu'il a été question de gens qui l'ont aidé à monter

  3   mais est-ce que je peux avoir la référence pour ces journalistes qui ont vu

  4   les enregistrements pendant le montage. Je ne me souviens pas d'avoir

  5   entendu cela.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Aujourd'hui, aujourd'hui, je pense que le

  7   témoin a dit qu'il était en colère parce qu'on n'a pas respecté ses droits

  8   d'auteur, parce que Robert Block a vu ces images dans la salle de montage

  9   du studio B, qu'il n'avait pas le droit de voir cela.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez dit pendant le

 11   montage : est-ce que M. Block a vu sa vidéo pendant le montage ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation]  Excellence, j'ai parlé de M. Block, et ce

 13   n'est qu'en 2012 que j'ai appris, grâce aux textes du grand journaliste

 14   américain, Michael Dobbs, ce détail-là, à savoir que Block a vu mes

 15   enregistrements. Si on faisait cela à un grand journaliste international

 16   comme Christiane Amanpour, par exemple, on serait rayé de la gente

 17   journalistique. On ne pouvait plus travailler comme journaliste. Donc il

 18   n'a pas posé la question et il a vu mes enregistrements sans avoir mon

 19   autorisation.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Vous connaissiez cette Unité spéciale, et vous dites que nous les

 22   autorités, nous étions fiers de notre Unité spéciale; est-ce que vous nous

 23   dites que c'était le cas parce qu'elle était très compétente, parce qu'elle

 24   respectait les règles et les principes, ou bien est-ce que vous n'avez

 25   jamais entendu parler de méfaits qu'ils auraient commis ?

 26   R.  Encore une fois, Monsieur le Président, d'après ce que j'ai pu

 27   apprécier, et j'ai vu de nombreuses situations différentes, c'était une

 28   unité militaire compétente, apte à combattre et courageuse. Rien ne ternit


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  1   l'image de cette unité, jamais aucune mention de crimes.

  2   Si tel n'avait pas été le cas je n'aurais jamais cité cette unité en

  3   exemple, parce que je n'ai jamais cherché la compagnie de ceux qui ne sont

  4   pas excellents. Christiane Amanpour a fait un reportage sur les Cygnes

  5   noirs, j'ajoute, c'étaient des combattants islamiques. Elle a fait une

  6   histoire, un récit très pro-Musulman, en citant en exemple leur allure,

  7   leur aspect, et cetera, et j'ai voulu faire quelque chose de comparable.

  8   Elle, elle a travaillé avec dix personnes, c'était très sophistiqué. Moi,

  9   je n'ai eu que des moyens très modestes, mais j'ai voulu montrer ces

 10   policiers professionnels qui avaient été des policiers professionnels de

 11   carrière avant la guerre, et là, il n'y avait personne dont le passé aurait

 12   été douteux, comme cela a pu être le cas dans d'autres unités, donc je suis

 13   très fier d'avoir pu passer quelques instants en leur compagnie.

 14   Q.  Merci. Aujourd'hui vous nous avez dit que Block a diffusé un récit très

 15   important sur Kravica et qu'il a parlé de génocide.

 16   Alors, vous, vous connaissez la direction des Serbes de Bosnie, vous avez

 17   la curiosité qui caractérise les journalistes, alors connaissez-vous ne

 18   serait-ce qu'un seul responsable, un seul fonctionnaire serbe de Bosnie qui

 19   aurait eu tendance ou qui aurait envisagé en théorie et encore moins, bien

 20   sûr, en pratique aurait-il fait la disparition des Musulmans ?

 21   R.  Monsieur le Président, on sait que je suis intraitable quand il s'agit

 22   de faire éclater la vérité. J'aurais été le premier, sans aucun doute, qui,

 23   dans mes textes et dans ma prise de parole en public, vous aurait attaqué,

 24   descendu comme on dit. Donc je ne suis pas quelqu'un qui réfléchit de cette

 25   manière-là, et je pense que l'histoire corrigera toutes ces versions qui

 26   circulent et que ce sera fait de manière officielle.

 27   Q.  Vous avez été impitoyable vis-à-vis du président Milosevic, n'est-ce

 28   pas, pour ce qui est des questions qui portaient sur son respect de la


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  1   démocratie, et cetera ? Vous l'avez beaucoup critiqué, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui. Surtout son épouse, qui a fait un grand tort à notre peuple. Et

  3   d'ailleurs de manière objective, scientifique, on le voit grâce au livre

  4   que je viens de publier à Paris.

  5   Q.  Docteur Petrovic, je vous remercie.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je vous remercie. Je n'ai plus de

  7   questions.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Monsieur Nicholls.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 11   Nouvel interrogatoire par M. Nicholls :

 12   Q.  [interprétation] J'ai quelques questions. Donc, pour commencer, M.

 13   Karadzic a parlé du colonel Bunel en disant qu'il a été sanctionné. En

 14   fait, il a été condamné pour trahison, n'est-ce pas ?

 15   R.  Monsieur Nicholls, oui, c'est exact. Mais de quelle trahison parlons-

 16   nous, un ou deux ans plus tard Radio France internationale est la chaîne où

 17   il diffuse, où il est l'auteur d'une émission régulière. Donc c'est une

 18   radio officielle française, et c'est là qu'il a pu avoir un temps de

 19   microphone. Donc c'est une situation, n'est-ce pas, un peu étonnante pour

 20   quelqu'un qui a été condamné. Donc tout ce qu'il a fait, il a dû le faire

 21   sur ordre venu du plus haut. Je pense que cela montre que les Français ne

 22   se sont pas comportés aussi mal que les Américains et les autres pendant

 23   ces bombardements. Et je pense qu'il a donné aux Serbes les informations

 24   qu'il savait déjà sur les cibles futures.

 25   Donc toute cette situation est un petit peu floue. Jamais n'a-t-on vu

 26   quelqu'un condamné pour haute trahison se retrouver à avoir le droit de

 27   diriger en fait une émission sur une radio officielle.

 28   Q.  Je reprends vos commentaires sur bin Laden, qui se serait trouvé en


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  1   Bosnie et qui aurait rencontré le président Izetbegovic, je voudrais que ce

  2   soit tout à fait clair. Donc vous avez appris cela d'une journaliste

  3   allemande, elle vous a dit qu'elle n'a pas diffusé cela parce que personne

  4   ne l'aurait prise au sérieux, que seul un fou l'aurait crue; exact ?

  5   R.  Ecoutez, avec une petite correction. Que lui semblait plutôt comme un

  6   fou qui était habillé en blanc, les vêtements salafi, donc c'était lui qui

  7   dégageait, qui donnait cette impression-là. Mais elle, elle écrivait pour

  8   "Spiegel," qui est une publication très respectable. Donc c'est elle qui a

  9   pris ses décisions. Donc ça me semblait impossible qu'elle n'écrive pas

 10   cette histoire. Quelle journaliste serait-elle de ne pas essayer de publier

 11   ? Mais je pense que c'est sa rédaction qui a dû décider de ne pas diffuser,

 12   parce qu'il faut savoir qu'à Bihac, lorsqu'il y a eu cette grande

 13   présentation des forces musulmanes, les Allemands sont venus assister, ils

 14   étaient présents. Nous avons des photographies montrant que c'étaient des

 15   alumnis d'Afghanistan. Moi-même, j'aurais certainement publié cela.

 16   Je pense que c'est simplement la politique éditoriale qui a fait

 17   qu'ils ne voulaient pas publier cet article.

 18   Q.  Très bien. Revenons sur certains points dont il est question

 19   aujourd'hui, en particulier vous avez dit aujourd'hui que M. Borovcanin ne

 20   se serait pas fait accompagner de la journaliste si ce plan de tuer des

 21   gens avait exister, donc de commettre des crimes, et vous avez dit que M.

 22   Borovcanin vous faisait confiance ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Je voudrais que l'on diffuse une vidéo du 14 juillet.

 25   P00667, cela vient de vos rushs. Donc nous commencerons à 25:55.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Arrêtez.

 28   Q.  A 26:07:1, nous avons fait un arrêt sur image.


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  1   Donc si vous vous souvenez, dans le documentaire du Studio B, cela se situe

  2   juste après la scène qui se situe devant l'entrepôt de Kravica; vous vous

  3   en souvenez ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Continuons. Continuons avec les rushs.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  8   "Je ne sais pas cela. Une mosquée en préfabriqué. On dirait du style

  9   arabe. Oui, oui, n'est-ce pas ? Mais ça, ce n'est pas l'Europe. Nique leurs

 10   mères. Regarde tout ce qu'ils nous ont apporté, la peste. Voyons cela."

 11   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 12   M. NICHOLLS : [interprétation]

 13   Q.  Vous avez parlé de ces scènes précédemment. Maintenant je vous

 14   interroge donc sur le fait que M. Borovcanin vous faisait confiance. Donc

 15   vous dites que vous dites des Musulmans nique leurs mètres, ces emmerdeurs,

 16   vous vous moquez des destructions que vous voyez autour. Vous dites : Mais

 17   regardez ce qui nous ont apporté la peste, et cetera.

 18   Est-ce que M. Borovcanin, lui aussi, pensait que les Musulmans devaient

 19   être considérés dans ces termes-là ? Est-ce que cela fait partie de cette

 20   proximité que vous sentez avec lui ?

 21   R.  Monsieur Nicholls, c'est une situation de guerre, vous vous rapprochez

 22   de ceux avec qui vous vous trouvez en compagnie. Vous feriez la même chose.

 23   Je ne vois pas pourquoi on attache une telle importance au vocabulaire, ce

 24   vocabulaire n'est absolument pas approprié à une situation ordinaire, donc

 25   les mots le montrent. Je ne suis pas un ami d'enfance de M. Borovcanin, je

 26   l'ai rencontré par deux fois pendant la guerre précédemment. Ça, c'est la

 27   troisième fois, je ne le connaissais pas d'avant très bien. Mais dans la

 28   vallée de la Baka, le Hezbollah a recouvert la ville entière d'"alkocia" et


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  1   de scènes de leur histoire islamique. Donc je suis dans une voiture et

  2   c'est un échange qu'on a pendant qu'on avance vers Srebrenica, c'est entre

  3   Bratunac et Srebrenica. Ce sont des phrases que j'ai prononcées que je

  4   n'aurais jamais évidemment prononcées dans une situation ordinaire, mais je

  5   n'y ai attaché aucune importance, la preuve, vous avez cela. Cela me

  6   discrédite, mais j'ai voulu préserver l'authenticité de la situation, et

  7   d'ailleurs ça n'a aucun intérêt pour le Tribunal. Ça n'a aucune pertinence,

  8   ça me regarde.

  9   Q.  Je vous remercie. Cela m'aide un peu mieux à comprendre.

 10   Donc lorsque vous vous exprimez de cette manière-là, en fait, vous vous

 11   adaptez à la situation dans laquelle vous vous trouvez avec M. Borovcanin,

 12   et c'est le lendemain des meurtres de l'entrepôt de Kravica, donc, en fait,

 13   vous vous mettez sur la même longueur d'onde avec M. Borovcanin ? C'est de

 14   cela. C'est la raison pour laquelle vous dites qu'ils sont la peste et que

 15   vous dites ils niquent leurs mères ?

 16   R.  Ecoutez, cela n'a rien à voir avec la tradition chrétienne européenne

 17   ce que j'ai vu, j'ai pensé aux choses qui nous sont arrivées du Proche-

 18   Orient, du Moyen-Orient. Ce que je voulais dire, c'était que ce sont des

 19   souvenirs que j'avais du moment où je me suis trouvé détenu en Liban, et

 20   j'ai vu des tags partout sur des murs, et cetera, donc je pensais à ça.

 21   Puis l'ex-époux de Matasa Kandic a dit à un moment : Nous ne voulions créer

 22   aucun problème, et toi tu as prononcé ces mots injurieux. Il a dit

 23   exactement la même chose que vous êtes en train de dire maintenant.

 24   Cet homme qui a dit cela c'est quelqu'un qui fait partie d'une triste

 25   histoire. Et il a pris mes images pour l'agence Sense sans me poser la

 26   question, et il m'a signé en tant que caméraman de Sense, et il m'a dit

 27   exactement la même phrase il y a peut-être six mois ou un an dans les rues

 28   de Belgrade, et je suis vraiment étonné de voir ces mêmes propos revenir de


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  1   vous maintenant.

  2   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur Petrovic, je voudrais être sûr

  3   d'un point : M. Nicholls vous a posé, entre autres, une question et il y a

  4   une partie de sa question à laquelle vous n'avez pas répondu, est-ce que

  5   vous pouvez répondre ?

  6   Donc est-ce que M. Borovcanin, lui aussi, pensait qu'il fallait niquer la

  7   mère des Musulmans, que c'étaient des fils de putes ? Est-ce que vous

  8   pouvez nous répondre ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas du tout le transcript, il ne

 10   s'affiche plus à l'écran.

 11   Excellence, si mes souvenirs sont bons, M. Borovcanin, à l'époque colonel,

 12   il est général aujourd'hui, à aucun moment ne s'est montré hostile vis-à-

 13   vis les Musulmans. Il a été enseignant à l'école ou professeur de par le

 14   passé, je n'ai jamais entendu dire quoi que ce soit de mal, je ne parle pas

 15   seulement de ces images aussi de cette vidéo, mais je parle des deux ou

 16   trois occasions où j'ai passé du temps avec lui brièvement. Donc ce n'est

 17   pas quelqu'un qui avait l'habitude de réagir de cette manière-là. Donc,

 18   ici, je n'ai pas bien réagi, j'avais comme référence la vallée de la Beqaa,

 19   il m'a semblé que ça c'est importé en Bosnie-Herzégovine, peut-être ai-je

 20   mal réagi. Mais Ljubisa Borovcanin n'aurait jamais prononcé une telle

 21   phrase en ma présence. Je ne m'en souviens pas.

 22   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 24   Q.  Donc vous avez parlé de la vallée de la Beqaa, et il vous a semblé voir

 25   cette situation se répéter en Bosnie-Herzégovine. Dans l'affaire Tolimir,

 26   T14456, page de compte rendu d'audience, on vous a interrogé sur ce style

 27   arabe, et vous avez donné quelques détails sur ce que vous avez pu voir des

 28   inscriptions sur les murs des maisons. Donc vous semblez parler de


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  1   Srebrenica à ce moment-là, et c'est quelque chose que vous avez filmé;

  2   exact ? Vous avez parlé de ce que vous avez vu ?

  3   R.  Effectivement, Monsieur Nicholls, et d'ailleurs, dans la vidéo, je

  4   parle à un ancien combattant qui rentre chez lui, il se trouve sur le

  5   balcon, sur une terrasse qui est au premier étage, et je crois que la

  6   caméra fait un gros plan sur des inscriptions qui se trouvent sur les murs

  7   et qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à ce que l'on voit chez le

  8   Hezollah.

  9   Q.  Vous avez dit que M. Borovcanin n'aurait jamais dit quelque chose de ce

 10   genre, et vous parlez de ce style arabisant, et M. Borovcanin dit : Oui,

 11   oui, oui.

 12   Donc vous étiez d'accord avec lui, n'est-ce pas ?

 13   R.  Monsieur Nicholls, vous m'en demandez trop après tant d'années. Je ne

 14   me souviens pas qu'il ait participé si activement à cette conversation.

 15   C'est ainsi que je voyais les choses : c'était le Moyen-Orient qui arrivait

 16   chez nous. C'était comme le "Printemps arabe" sur le territoire serbe 20

 17   ans auparavant.

 18   Q.  Très bien. Est-ce que l'on pourrait maintenant passer à la pièce P194.

 19   Il s'agit en fait de votre article.

 20   Ce que vous mentionnez, c'est donc lié au même sujet dans cet article, vous

 21   dites que personne n'a dit quoi que ce soit de méchant. Rien n'a été dit

 22   qui pourrait être désobligeant à l'encontre des Musulmans. Vous n'avez pas

 23   entendu de propos désobligeants ou abusifs, enfin quelque chose de ce

 24   genre.

 25   Est-ce que l'on pourrait passer à la page 7 en anglais, ou 6 - excusez-moi

 26   - et on devrait être à la page 3 dans l'original en serbe. En bas de la

 27   page, en version anglaise, je vais donc en donner lecture :

 28   "Les démographes seront certainement intéressés par des données faisant


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  1   état du fait qu'il y avait 10 000 enfants parmi les réfugiés. Sur cet

  2   effectif, 8 000 avaient moins de 3 ans. C'étaient les enfants de la guerre,

  3   comme ils les appelaient. Vous savez, c'était le travail exact de leurs

  4   hodzas, alors qu'ils aillent se faire foutre. Qu'on les encercle avec

  5   aucune nourriture, ils se plaignent constamment, mais en même temps, ils

  6   font des enfants; est-ce normal ?"

  7   Et cetera, et cetera.

  8   Puis ensuite, vous avez une autre citation :

  9   "Ils avaient créé un autre corps dans le centre de Srebrenica qu'ils vont à

 10   nouveau attaquer dans les 15 ou 20 années à venir. Ils auront créé, donc,

 11   un autre corps. Donc, il vaut mieux les tenir à distance. Qu'ils aillent se

 12   faire foutre. On peut voir, d'ailleurs, qu'à Potocari, de prime abord,

 13   toute femme a une colonie de gamins qui est pendue à ses basques."

 14   C'est une citation de Jevic, n'est-ce pas ? Mais il s'agit de vos propos;

 15   est-ce que vous pourriez l'expliquer ?

 16   R.  [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Nicholls, je crois que cet article,

 19   qui est distinct de mon rapport de télévision où il est fait état que je

 20   n'ai pas vraiment fait un bon travail en tant que caméraman, est une des

 21   meilleures illustrations de l'atmosphère qui régnait à l'époque. Je ne

 22   pense pas que qui que ce soit ne devrait me donner de leçons sur la manière

 23   dont on relate des événements de ce genre. Vous avez raison, ce ne sont pas

 24   mes propos, mais ils reflètent l'atmosphère. Je me souviens d'une femme qui

 25   était à bord d'un bus et qui prononçait des propos très intéressants.

 26   Mais je voudrais vous rappeler quelque chose. Si vous avez un problème au

 27   niveau de cette citation concernant le nombre d'enfants important, M. Vance

 28   du département d'Etat disait qu'il y avait au total 40 000 personnes à


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  1   Srebrenica, et au moins 10 000 étaient armées. Ceci est important pour un

  2   démographe, cela. Mon objectif n'était pas, en fait, d'enrober ce que les

  3   gens disaient. J'étais journaliste, vous savez. Donc, ce qui se plaçait,

  4   c'était en fait un conflit de civilisations entre les Chrétiens et les

  5   Musulmans. Dans la même situation, si je me retrouvais dans cette

  6   situation, je rédigerais le même type de rapport parce que mon rôle était

  7   de faire état de ce qui se passait.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que vous pouvez répondre à la question ? Il s'agit d'une

 10   citation de Dusko Jevic, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, c'est ainsi que ce monsieur s'est présenté, mais je ne l'ai jamais

 12   revu.

 13   Q.  Est-ce que c'était un subordonné de Borovcanin au sein de la police

 14   spéciale ?

 15   R.  Je ne peux répondre qu'en termes de probabilités. S'il faisait partie

 16   de l'Unité spéciale du MUP, il en faisait partie, parce que Borovcanin

 17   était à l'époque l'officier de police le plus haut gradé.

 18   Q.  Consultez la page 2 en anglais. C'est la page 1, en serbe.

 19   Vous avez son nom en caractère gras : "Dusko Jevic et ses forces spéciales

 20   donnaient également de la nourriture;" est-ce que cela vous aide à vous

 21   souvenir de cela ?

 22   R.  Quelle est la question ?

 23   Q.  Est-ce que cela vous aide à vous souvenir que Dusko Jevic était membre

 24   de ces forces spéciales de police ?

 25   R.  Oui, oui.

 26   Q.  Alors, maintenant, ce commentaire sur la manière dont les Musulmans -

 27   enfin, je ne sais pas vraiment comment m'exprimer - faisaient trop de

 28   gamins, d'après Dusko Jevic, et "il vaut mieux les venir à distance, qu'ils


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  1   aillent se faire foutre."

  2   Est-ce que ceci correspond à ce que vous avez dit à M. Karadzic, à savoir

  3   que rien n'émanait de la mauvaise volonté ? Est-ce que ça semble des propos

  4   amicaux ? Je voudrais que vous nous expliquiez -- empreints de compassion ?

  5   R.  Cette situation est un peu différente parce que cet homme sur le

  6   terrain avait déjà combattu pendant une semaine, à ce moment-là, et tout ce

  7   que j'ai vu, c'était en fait des troupes qui étaient totalement épuisées.

  8   Ce n'est pas quelque chose que l'on peut ensuite répercuter aux dirigeants

  9   ou à M. Karadzic. Donc, je ne faisais que consigner ce qui sortait de la

 10   bouche de ces gens, compte tenu de la situation. Il est important de se

 11   souvenir quels étaient les sentiments qui étaient les leurs à l'époque,

 12   parce que la guerre est quelque chose d'horrible. Durant une guerre, toutes

 13   sortes de propos sont prononcées. Je ne ovulais pas pratiquer

 14   l'autocensure. Si j'avais simplement omis de citer ces passages, on ne

 15   pourrait pas avoir cette conversation. Donc je faisais simplement état des

 16   sentiments des Serbes, et vous verrez donc beaucoup de mes documents que

 17   beaucoup d'Européens ou d'Américains ont du mal à entendre certains propos,

 18   des gens qui n'ont jamais vécu la guerre. Mais mon métier était de faire

 19   état de ce qui se passait au niveau des combats pendant une guerre, et cet

 20   homme était tout à fait conscient que des combats continueraient à faire

 21   rage, parce que les Musulmans ne s'étaient pas rendus, et M. Karadzic et

 22   d'autres pourront confirmer que des combats très durs ont continué à faire

 23   rage. On ne sait pas beaucoup de choses à ce sujet et seulement maintenant,

 24   on voit resurgir certaines informations à ce sujet.

 25   J'essayais simplement de documenter tout ce que j'entendais. Si j'avais su

 26   que vous me poseriez ce genre de questions, je vous aurais également

 27   présenté des rapports concernant Israël et concernant la Palestine et ce

 28   que les Palestiniens et les Israéliens disent les uns des autres et comment


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  1   ils communiquent. Je sais que ceci a des conséquences sur vous et sur toute

  2   l'équipe, mais c'est ce que j'ai entendu, mais je l'ai entendu dans le

  3   contexte d'une guerre, pas dans les rues de Paris. J'essayais de relater

  4   l'aspect humain de ce qui se passait et de ne pas utiliser quelque filtre

  5   ni prisme que ce soit.

  6   Q.  Vous avez donc relaté les propos d'autres personnes, ce n'étaient pas

  7   vos propres sentiments, c'est ce que vous nous dites ici, n'est-ce pas ?

  8   R.  Vous voyez que 90 % du texte est en fait une citation, mis à part le

  9   fait que je n'ai pas cité ceci entre guillemets. Beaucoup de ces phrases en

 10   est une histoire parce que ce serait, sinon, un monologue.

 11   Q.  Je ne vais pas aborder certains points pour accélérer les choses.

 12   Mais on voit qu'on parle ici de bacon sur une plaque chauffante ou slamina.

 13   Mais on voit qu'il est mentionné, ici, l'odeur de bacon dans les murs

 14   apparemment. Vous avez parlez donc de porc et de mouton; qu'est-ce que cela

 15   signifie d'avoir des porcs dans les murs ?

 16   R.  Je ne sais pas vraiment comment vous faire comprendre cela. J'ai essayé

 17   de le faire dans la première partie de ma déposition lorsque j'ai parlé de

 18   cela à M. Karadzic.

 19   Je vais vous donner un exemple. Je viens d'une partie de la Serbie, en fait

 20   je suis né à Belgrade pour commencer, mais dans le village d'où viennent

 21   mes parents, les gens mangent principalement du cochon mais, quelquefois,

 22   mes parents apportaient un mouton rôti à Belgrade. Mais, par exemple, ma

 23   sœur, ma sœur qui d'ailleurs a décédé depuis, ne voulait jamais manger

 24   cela. C'est ainsi que l'on a grandi.

 25   Donc ces anecdotes concernant les moutons et les cochons, c'était un

 26   endroit où les réfugiés avaient vécu pendant trois ans et c'est en fait une

 27   odeur très différente. Tout Musulman en Bosnie vous dira qu'ils ont la

 28   même--le même sentiment négatif vis-à-vis du porc ou du cochon. Peut-être


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  1   que ce n'est pas très politiquement correct de dire cela mais c'est la

  2   vérité. C'est, comme je le disais, un conflit de civilisations. Une

  3   civilisation préfère le cochon et l'autre préfère le mouton. Si vous

  4   connaissiez bien ceci, si vous étiez un sociologue, si vous connaissiez

  5   bien cette région, vous n'auriez pas besoin d'autant d'explications. Vous

  6   remarqueriez immédiatement cela. Dès que je vais à Sarajevo, moi, je mange

  7   du mouton. C'est ce que je fais. Mais cet homme revenait dans la maison qui

  8   était la sienne avant la guerre et elle sentait le mouton. Je parlais ici

  9   de réalité, je n'inventais rien, et ceci permet d'avoir une meilleure

 10   impression de ce qui s'est passé pendant la guerre. C'est ne représentation

 11   sociologique de ces événements.

 12   Q.  Je voudrais maintenant me concentrer sur une autre partie de l'article

 13   où vous parlez du fait que c'est la réalité et que rien n'est inventé.

 14   C'est à la page 3 en anglais, et la page 2 en bas de la page, en serbe :

 15   "Il semble que les premiers pourparlers concernant l'élimination finale de

 16   l'enclave de Srebrenica la possibilité de libérer un certain nombre de

 17   brigades qui étaient prises dans l'enclave par l'armée d'Oric avaient

 18   commencé au début de l'année. Le commandant suprême de la RS, dirigé par le

 19   président Karadzic avec Mladic, Milovanovic, Gvero, et cetera, avec

 20   d'autres dirigeants politiques de ce que l'on "appelle la Republika

 21   Srpska". Mais ceci donc a été mentionné par la presse étrangère mais

 22   également par un certain--dans la presse de Belgrade, et cetera, et

 23   cetera."

 24   Puis, dans le paragraphe suivant, on parle -- il est mentionné que Mladic

 25   avait obtenu le feu vert. Qui vous a informé de cela ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que le témoin devra

 27   probablement consulter le paragraphe suivant en B/C/S.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation]


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  1   Q.  D'où avez-vous obtenu l'information ? Qui vous a parlé de ces projets ?

  2   R.  Je ne peux pas citer de noms mais un certain nombre de ces officiers

  3   qui étaient sur le terrain à l'époque, y compris Borovcanin, m'ont parlé de

  4   certaines choses. Mais j'ai glané des informations ici et là et cet article

  5   a été publié le 21 juillet. Lorsque j'ai terminé le montage de ma vidéo,

  6   j'ai pu me consacrer beaucoup plus à cela pour parler de la chronologie des

  7   événements. Bien sûr, je n'étais pas à Pale, et d'ailleurs, il y a même une

  8   erreur ici quant à la composition de ces unités. J'avais une information

  9   erronée, parce que le général Gvero ne faisait pas partie de ce groupe, et

 10   je ne peux pas vous donner le nom de toutes mes sources mais, vous savez,

 11   il s'agit de sources habituelles par les journalistes qui vous permettent

 12   d'avoir une vision globale de la situation parce qu'une opération militaire

 13   unique ne peut pas être planifiée en l'espace de trois jours.

 14   C'est un article qui a été publié très rapidement à la fin du mois de

 15   juillet. Si ça avait été rédigé en 2006, ça aurait été différent. Peut-être

 16   que j'ai fait quelques erreurs au niveau des détails mais je ne peux pas

 17   vous donner les noms. Mes sources étaient des militaires, bien sûr, mais

 18   également des analystes de Belgrade et d'ailleurs. Il y avait beaucoup de

 19   personnes qui suivaient de près ces événements, à savoir ce qui se passait

 20   à Srebrenica.

 21   Q.  Je vais passer à autre chose. Dans votre entretien avec moi de 2006,

 22   pages 115 et 116, vous avez expliqué comment apparemment les dirigeants

 23   bosno-serbes avaient vu le documentaire de Studio B, avait demandé une

 24   copie qui avait été envoyée par bus et leur réaction était que c'était très

 25   positif et que c'était une vidéo qui représentait bien les deux points de

 26   vue. Vous avez également dit dans l'entretien que Krajisnik l'avait vu.

 27   Donc ma question est de savoir si vous vous souvenez maintenant et si vous

 28   avez des détails, est-ce que vous vous souvenez donc si des dirigeants


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  1   bosno-serbes avaient donc approuvé votre documentaire ?

  2   Si vous ne vous en souvenez pas, ce n'est pas un problème. Mais je

  3   veux savoir si vous vous en souveniez. 

  4   R.  Je suis tout à fait disposé à vous aider. Ne vous méprenez pas. Je

  5   réfléchis. Studio B, c'est &&&&& une télévision qui ne diffusait que dans

  6   la ville, à Pale, on ne pouvait pas voir ça. Donc c'est probablement

  7   quelqu'un de Republika Srpska qui était basé à Belgrade, et qui avait vu

  8   cela, et qui avait relaté ceci aux gens qui étaient à Pale.

  9   Je ne me souviens pas, même si j'avais donc eu un entretien avec M.

 10   Krajisnik, comme j'avais d'ailleurs interviewé d'autres dirigeants, mis à

 11   part Mladic, c'est le seul que je n'ai jamais interviewé. Et ils ont dit

 12   que les journalistes du cru ou des journalistes étrangers basés à Belgrade

 13   avaient des proches contacts avec les dirigeants. Je suppose que ce sont

 14   eux qui me l'ont dit, un des journalistes me l'a dit. Je sais que ce n'est

 15   pas eux qui me l'ont dit directement, et nous leur envoyons cette vidéo par

 16   bus. Zoran Zaharijevic [phon] était impliqué dans cela. Mais il n'aurait

 17   pas pu voir cette vidéo à la télé, il n'aurait pas pu voir ceci avant que

 18   nous leur envoyions un exemplaire par bus, ils n'ont pas pu voir ceci par

 19   satellite.

 20   Q.  Est-ce que quelqu'un au sein des dirigeants Bosno-Serbes vous a dit :

 21   Nous avons vu votre documentaire, il y a en amas de corps devant un

 22   entrepôt, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? Est-ce que vous savez

 23   ce qui s'est passé ? Nous sommes préoccupés par cet amas de corps que l'on

 24   voit dans votre documentaire.

 25   R.  Je ne m'en souviens pas, Monsieur Nicholls. Je me souviendrais si

 26   c'était M. Krajisnik ou M. Karadzic qui avait dit cela. Personne ne m'a

 27   contacté directement. Donc c'est probablement par le truchement d'autres

 28   collègues journalistes qu'ils m'ont fait connaître leur réaction. Ou alors


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  1   c'était peut-être eux qui ont appelé Studio B. Je ne sais pas. Je n'étais

  2   pas un salarié de Studio B. Donc je ne travaillais pas sur place, j'étais

  3   un leurs correspondants.

  4   Q.  Est-ce que vous connaissez Dragan Cicic ?

  5   R.  Je sais de qui il s'agit, c'était un journaliste pour le magazine

  6   "Nin." C'était un hebdomadaire serbe très connu. Ce n'était pas un

  7   journaliste de carrière, il est arrivé de nulle part, il a commencé à

  8   écrire des articles pour le magazine "Nin." Je ne lui ai jamais parlé en

  9   personne. Nous nous disions simplement bonjour lorsque nous nous croisions.

 10   Q.  Merci. Vous avez proféré des accusations assez graves contre Robert

 11   Block. Vous avez dit que c'était un menteur, et cetera.

 12   R.  Block.

 13   Q.  Block, oui.

 14   R.  Est-ce que c'est Cicic qui l'a appelé un menteur, ou est-ce que c'est

 15   moi qui ai dit que c'était un menteur.

 16   Q.  C'est vous qui avez dit que Robert Block était un menteur, dans le

 17   prétoire aujourd'hui.

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  J'aimerais savoir si vous avez parlé à M. Block ou à Dragan Cicic,

 20   après la diffusion du documentaire par Studio B, et après que M. Block ait

 21   publié son article. Vous avez dit que - et vous étiez en colère - vous avez

 22   dit qu'il n'avait aucun droit d'utiliser le contenu de votre vidéo, et que

 23   ça vous avait causé des problèmes au niveau des autorités de la Republika

 24   Srpska. Ce qui est tout à fait contraire à ce que vous venez de dire, à

 25   savoir qu'ils étaient satisfaits du contenu de ce documentaire.

 26   R.  Je vous prie de m'excuser d'avoir rigolé. Je devrais souffrir d'amnésie

 27   aigue pour accepter ceci. Ce qui est intéressant, c'est que Cicic fasse son

 28   apparition dans cette histoire parce que Block était accompagné de


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  1   Grubacic. Ça, c'est la première chose qui est étrange, c'est le premier qui

  2   a pris connaissance de ce que j'avais publié après avoir lu Michael Dobbs,

  3   l'article que j'ai mentionné dans le magazine "Foreign policy". Je ne me

  4   souviens pas lui avoir parlé. Comme je disais, si nous nous disions juste

  5   bonjour, j'ai peut-être oublié, mais si nous avions eu une longue

  6   discussion, je ne vois pas comment j'aurais pu oublier cela. Est-ce que

  7   vous pouvez vous imaginer que je dise à un journalise étranger que Karadzic

  8   et son équipe étaient en colère à mon endroit ? Je continue à avancer que

  9   ceci est monté absolument de toutes pièces. Je n'avais aucune raison

 10   d'avancer qu'il n'était pas en ma présence, s'il l'avait été. Je n'avais

 11   même besoin de mentionner les contacts que j'avais avec lui à Bratunac.

 12   Mais je ne me souviens absolument pas de l'avoir vu à Belgrade, c'est la

 13   raison pour laquelle je l'ai qualifié de menteur, parce que dès que

 14   quelqu'un s'approprie quelque chose qui ne lui appartient pas, c'est à la

 15   fois un menteur et un voleur.

 16   Q.  Et vous êtes sûr que vous avez vu Robert Block à Belgrade. Je vous

 17   demande cela parce que -- je vous prie de m'excuser, à Bratunac. Parce que

 18   dans sa déposition, il dit qu'il n'avait jamais traversé la Drina, il

 19   n'était jamais allé en Republika Srpska, et qu'il n'avait pas été en mesure

 20   d'aller à Bratunac, même s'il avait essayé. Est-ce que vous l'avez vraiment

 21   vu à Bratunac, ou est-ce que vous pensez que vous vous trompez ?

 22   R.  Je suis formel, il était à Bratunac, mais il n'avait pas traversé la

 23   Drina pour arriver à Bratunac, comme je l'avais fait. Il avait été présent

 24   pendant un certain temps avec Grubacic, il pourra le confirmer s'il est

 25   honnête. Ils venaient du territoire de Republika Srpska, mais ils ne

 26   venaient pas de la Serbie. Ça, c'est la première chose qu'il a dite et qui

 27   est inexacte. C'est ce qu'il m'a dit. Il m'a expliqué qu'il avait voyagé à

 28   travers la Bosnie, et qu'il arrivait sur place pour voir ce qui se passait.


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  1   C'est ce qu'il m'a dit. Il était accompagné de quelqu'un qui faisait office

  2   d'interprète, et en même temps il a glané des témoignages.

  3   Tout d'abord, Block n'est jamais comparu ici avant que je l'aie mentionné,

  4   et ces articles commençaient à être publiés le 16 ou le 17 juillet. Et ça a

  5   été considéré comme un moment très important pour tous les autres

  6   journalistes qui étaient présents à Srebrenica, à savoir que 500 ou 600

  7   personnes avaient été tuées dans un établissement scolaire à Bratunac, et

  8   une personne normale n'aurait pas pu inventer ceci, ni l'écrire, peut-être

  9   qu'il a peut-être pas dit 1 500, mais il a dit des centaines. Je l'ai vu à

 10   Bratunac, quelqu'un me l'a présenté, et même Ljubisa Borovcanin l'a salué.

 11   Je ne me souviens pas qui l'accompagnait. Mais nous étions quatre dans la

 12   rue à Bratunac.

 13   Pourquoi Bradislav Grubacic aurait été présent à ce moment-là ? Il avait un

 14   magazine qui s'appelait "VIP," et il était une source très respectée de

 15   Serbie pour les journalistes étrangers, et il avait beaucoup d'expérience

 16   dans le domaine de la politique, mais il était sur place parce qu'il

 17   accompagnait en tant que journaliste ce journaliste étranger. Pourquoi

 18   aurais-je inventé la présence de Block là-bas, parce que j'ai été surpris

 19   de le voir là-bas il était Anglais ? Je voudrais rajouter une dernière

 20   chose. Il aurait pu être sur place que s'il avait eu des contacts au sein

 21   du régime à Belgrade. Quelqu'un a dû intervenir auprès de l'armée,

 22   intercéder de façon à ce qu'il puisse traverser le territoire. C'est le

 23   seul moyen qui lui permettait de vaquer sans être accompagné. Il n'avait

 24   personne de l'armée. Il y avait que Grubacic, personne ne le surveillait au

 25   niveau de l'armée.

 26   Q.  Etait-ce un journaliste anglais ?

 27   R.  Quand je dis "anglais", je fais référence aussi aux Américains. Je dis

 28   anglais de façon générale, parlant anglais. Peut-être que c'était un


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  1   Américain qui travaillait pour "The Independent."

  2   Q.  Je vais vous poser une question avant de lever la séance --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parce que vous en avez encore ? Vous

  4   avez encore des questions ?

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, encore quelques questions.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre la pause

  7   à présent, et nous allons reprendre nos travaux à 1 heure 30.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je proposer que la pause soit plus brève,

  9   puisque moi je n'ai besoin que de dix minutes de sorte que nous puissions

 10   terminer plus tôt aujourd'hui.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Vous savez, on a déjà entendu M. Karadzic

 12   nous dire qu'il n'avait besoin que de très peu de temps, et puis finalement

 13   cela ne s'est pas toujours avéré être vrai. Je me sentais obligé de vous le

 14   dire.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons reprendre nos travaux à 1

 17   heure 30.

 18   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 34.

 19   --- L'audience est reprise à 13 heures 31.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls, vous pouvez

 21   poursuivre.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 23   Q.  Docteur Petrovic, je vais m'efforcer de terminer le plus rapidement

 24   possible. Je vais vous poser encore une question au sujet de la déclaration

 25   de M. Block. Il n'a pas publié ça dans aucun article, mais cette

 26   déclaration qu'il vous a dite, à savoir que le président Karadzic était

 27   très en colère à cause de la vidéo, là, je parle de la vidéo du Studio B.

 28   Vous rigolez.


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  1   R.  Oui, c'est ma réponse.

  2   Q.  Eh bien, moi je vais vous poser la question quand même.

  3   Je vais demander de voir la pièce 1D5116. C'est un document de la

  4   Défense, Docteur Petrovic. Il a été utilisé au moment de la déposition de

  5   M. Block, qui a déposé en l'espèce. C'est un courriel de Dragan Cicic,

  6   envoyé à M. Robinson. Donc, c'est l'avocat qui aide M. Karadzic. Donc, M.

  7   Robinson lui pose la question, on le voit au deuxième paragraphe :

  8   "Une question s'est posée dans l'affaire Karadzic au sujet de votre visite

  9   avec Robert Block à Zoran Petrovic-Pirocanac à son appartement après que

 10   vous et M. Block avez revu la vidéo du mois de juillet".

 11   Et on voit la réponse :

 12   "Je me souviens que M. Petrovic-Pirocanac a dit qu'il avait des problèmes

 13   avec les autorités de la Republika Srpska à cause de sa vidéo.

 14   "Je ne me souviens pas s'il avait mentionné M. Karadzic par son nom

 15   de façon spécifique, mais il est vrai, cependant, qu'à l'époque, j'ai pensé

 16   qu'il pensait à tout le peuple qui faisait partie de la direction de la

 17   Republika Srpska".

 18   Donc, est-ce que maintenant votre mémoire est rafraîchie ? Est-ce que vous

 19   êtes d'accord pour dire qu'en fait, vous pensiez que tous les dirigeants de

 20   la Republika Srpska étaient en colère ? Ou bien est-ce que vous pouvez tout

 21   simplement nous faire part de votre commentaire par rapport à ce que dit

 22   Dragan Cicic ici ?

 23   R.  Tout d'abord, moi je n'habite dans aucun appartement. J'habite dans une

 24   maison qui est à 22 kilomètres de Belgrade. Parce que je ne sais pas si

 25   vous m'avez demandé quelle était l'adresse de mon "appartement", mais c'est

 26   un détail qu'il serait intéressant de connaître pour vous en tant

 27   qu'enquêteur.

 28   Ensuite, je me souviens d'un autre homme qui n'a jamais été mentionné, et


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  1   je l'ai déjà mentionné. Il vient du "Toronto Star" ou un autre quotidien du

  2   Canada. Son nom de famille est Schiller. C'est qu'il est très intéressant,

  3   parce que je me souviens qu'il m'avait raconté qu'il était avec Naser Oric

  4   à Srebrenica et qu'il a vu des têtes coupées des Serbes, en train de rouler

  5   telles que balles. Et j'étais là, il était avec moi, et il m'a regardé en

  6   train de monter cette émission. Il ressemblait à un acteur américain avec

  7   des cheveux gris. En tout cas, il s'appelle Schiller. Et en ce qui concerne

  8   Block, eh bien, vous savez, cela me fait penser à l'histoire de ce

  9   journaliste hollandais qui est venu me voir, qui m'a embêté avec des images

 10   avant montage parce qu'il voulait absolument obtenir des informations car,

 11   soi-disant, ma vidéo avait disparu entre-temps. Donc, c'est dans ce

 12   contexte-là que vous pouvez retrouver Block. Et maintenant, vous venez avec

 13   cette histoire de Cicic, mais je vous garantis qu'il ne sait même pas où

 14   j'habite. Je suis sûr qu'il n'est jamais venu chez moi et il ne sait pas où

 15   j'habite. Parce qu'il parle d'un appartement, mais quel appartement ? Moi,

 16   j'habite dans une maison dans un village. Et vous savez, ce n'est pas un

 17   bon témoin que vous avez là. Il n'est pas fort fiable. Moi, je n'ai caché

 18   aucun détail jusqu'à présent. Je ne vois pas pourquoi un bon à rien, un

 19   certain Cicic, inventerait toute cette histoire. Parce que Cicic ne fait

 20   pas partie de l'histoire depuis le début, alors que Block fait partie de

 21   l'histoire depuis le début, parce qu'il se trouve déjà dans l'histoire de

 22   Bratunac. Mais ce n'est pas bien lui qui avait publié son histoire

 23   concernant les rumeurs qui couraient sur Bratunac déjà le 16 ou le 17, à

 24   savoir qu'une centaine de personnes avaient été tuées dans l'école.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Petrovic, ici, ce n'est pas M.

 26   Cicic qui parle de votre appartement. C'est M. Robinson qui parle de votre

 27   appartement. Tout ce que M. Cicic a dit dans ce courriel est qu'il se

 28   souvenait que vous aviez dit avoir eu des problèmes avec les autorités de


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  1   la Republika Srpska. C'est tout ce qu'il a dit. Il n'a pas dit autre chose.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais être plus clair, Monsieur le

  3   Président. Merci.

  4   Donc, Cicic, dans cette lettre, dit que j'avais des problèmes avec les

  5   autorités de la Republika Srpska. Ce n'est pas mon ami. Je ne connaissais

  6   pas cet homme. Je ne l'ai jamais fréquenté. Pourquoi voulez-vous que je lui

  7   raconte ma vie ? Pourquoi voulez-vous que je lui dise que j'avais des

  8   problèmes avec les autorités de la Republika Srpska ? La vérité est tout

  9   autre, et cela n'a rien à voir avec ce Cicic inventé de toutes pièces.

 10   J'avais effectivement des problèmes avec différents combattants de la

 11   Republika Srpska, et j'ai fait l'objet de différentes menaces. On voulait

 12   me liquider, c'est ce qu'on me disait, à cause du reportage que j'ai fait,

 13   celui que vous avez ici parmi les pièces à conviction. Mais ceci n'a rien à

 14   voir avec les autorités de la Republika Srpska. Vraiment, cela n'a rien à

 15   voir avec cela. Parce que si tel était le cas, je ne serais pas venu

 16   déposer ici pour M. Karadzic, s'il y avait une quelconque vérité dans ces

 17   propos. C'est une bêtise, pardonnez-moi de le dire. C'est monté de toutes

 18   pièces. Je n'ai aucune raison de me rappeler de Schiller et de ne pas me

 19   rappeler de Dragan Cicic. Lui, il dit très bien qu'il ne se rappelle pas.

 20   Il dit :

 21   "Je ne me souviens pas s'il a mentionné le Dr Karadzic par son nom,

 22   mais à l'époque je pensais qu'il faisait référence à toutes les personnes

 23   faisant partie des dirigeants de la Republika Srpska".

 24   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, il s'agit d'un mensonge

 25   absolu. Les gens de la télévision française sont tout à fait au courant que

 26   j'ai fait l'objet de menaces. C'était, en fait, des gens de la Republika

 27   Srpska et des combattants qui n'étaient pas contents à cause du reportage

 28   que j'ai fait. Cela étant dit, il y avait un lobby antiguerre à Belgrade


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  1   qui n'était pas content non plus; mais bon, les deux étaient contre. Mais

  2   cela n'a rien à voir avec la direction de la Republika Srpska. Rien à voir,

  3   à aucun moment.

  4   Puis je vais répéter encore une fois que je n'ai appris que plus tard, bien

  5   plus tard, et je pense que je l'ai dit, d'ailleurs, dans ma déposition dans

  6   l'affaire Tolimir à deux reprises -- a-t-on intervenu. Le général Mladic,

  7   c'est ce que les journalistes m'ont dit, est intervenu une fois pour

  8   empêcher que l'on ne me tue. Une autre fois, c'est Zeljko Raznjatovic,

  9   Arkan, qui a entendu dire que quelqu'un en Bosnie voulait me tuer, et il a

 10   empêché cela. C'est sans doute à cause de cela que je suis ici en mesure de

 11   déposer devant vous, Monsieur le Président, mais ceci n'a rien à voir avec

 12   les autorités de la Republika Srpska. Moi, j'avais de très bons rapports

 13   avec eux, surtout avec M. Karadzic et Mme Biljana Plavsic, enfin, à

 14   l'époque elle était vice-présidente et après elle est devenue présidente.

 15   Donc, j'avais de bons rapports avec elle jusqu'à ce qu'elle devienne

 16   présidente.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation]

 18   Q.  Bien. Je vais vous arrêter. Je pense que vous avez répondu à la

 19   question. Et puis je n'ai pas beaucoup de temps.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais j'aimerais quand même poser une

 21   question.

 22   Vous venez de dire, Docteur Petrovic, que vous avez eu des problèmes avec

 23   différents soldats de la Republika Srpska. Pourriez-vous être plus précis à

 24   ce sujet ? Qui vous a menacé ? Pourquoi ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 26   Juges, je n'ai jamais rencontré ces gens-là. Cela étant dit, j'ai fait

 27   l'objet des menaces. On m'a rapporté des menaces parmi le cercle des

 28   journalistes. Dans le cercle des journalistes, une collègue, qui au moment


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  1   où elle a traversé la frontière pour passer du côté de la Republika Srpska,

  2   un des soldats lui a demandé : Mais où se trouve ce Pirocanac, parce que

  3   c'est lui qu'on attend ici ?

  4   C'est elle qui me l'a dit, et je suis sûr qu'elle le confirmerait si on lui

  5   posait la question.

  6   Puis d'autres sources m'ont relaté cela, de sorte que j'étais au courant de

  7   ce qui se passe et je savais très bien que cela n'avait rien à voir avec

  8   les dirigeants de la Republika Srpska, mais il y avait beaucoup de gens,

  9   c'est un fait, qui étaient mécontents avec le reportage que j'ai fait. Moi,

 10   j'étais motivé par un seul objectif. J'ai voulu que l'on apprenne davantage

 11   sur ces événements.

 12   Je ne vois pas pourquoi Cicic raconte ça, ou bien moi, j'oubliais

 13   tout. Mais comment voulez-vous que je me souvienne de Schiller alors ?

 14   C'est un Canadien qui était là avec moi à l'époque. S'il avait voulu

 15   visionner la vidéo avec moi, je l'aurais laissé faire. Je me souviens d'un

 16   autre journaliste anglais qui avait écrit le livre intitulé "The Bowl of

 17   Stones", qui était à Belgrade pendant un moment donné, et il a visionné la

 18   vidéo avec ma permission, et moi j'ai même invité des commentaires. Donc,

 19   il y avait deux hommes qui ont vu la vidéo avec moi. Pourquoi ne pas

 20   admettre la possibilité qu'il y en aurait un troisième, s'il avait été

 21   présent ? Mais ce n'est pas vrai. Donc moi, je fais confiance à Michael

 22   Dobbs davantage qu'à Block, de toute façon.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Par rapport à ce qu'a dit M.

 24   Cicic, à savoir que vous aviez des problèmes avec les autorités de la

 25   Republika Srpska, n'est-il pas possible de penser que les dirigeants

 26   militaires représentent ou font partie des autorités de la Republika Srpska

 27   ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr que oui. C'est une possibilité,


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  1   mais ceci n'a rien à voir avec Mladic ou un quelconque officier haut gradé.

  2   Puisque vous devez savoir que les critiques que j'ai faites à l'égard de la

  3   Republika Srpska consistaient d'un fait qu'il y avait des parties de la

  4   Republika Srpska qui étaient moins bien contrôlées du point de vue

  5   militaire, donc c'étaient des critiques qui visaient l'organisation

  6   militaire de la Republika Srpska, ce qui a fait que ce qui s'est passé en

  7   Srebrenica se passait en Srebrenica, c'est parce que justement les

  8   dirigeants ne faisaient pas leur travail -- ou les dirigeants militaires.

  9   Mais je n'ai jamais parlé des dirigeants. C'est une invention. En tout cas,

 10   cet homme, je ne l'ai vu qu'une seule fois plus tard dans la rédaction du

 11   journal ou de la publication "Nin." Je ne l'ai pas vu avec Block. Et là il

 12   s'agit d'un mensonge, d'une invention minable. De toute façon, ces gens-là

 13   n'ont aucune importance dans l'affaire Srebrenica. Ce sont des gens qui

 14   n'ont aucune importance. C'est des petites frappes. Puis je ne vois pas à

 15   quoi cela sert, que de nous présenter ces informations ici. De toute façon,

 16   je le nie. Je nie ses affirmations. Si vous voulez, je veux bien me

 17   soumettre à des testes de vérité.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 19   M. NICHOLLS : [interprétation]

 20   Q.  Plus tard, les autorités de la Republika Srpska ont demandé à recevoir

 21   un exemplaire de la bande vidéo, et ensuite cet enregistrement a disparu du

 22   Studio B, et quand nous, quand nous avons reçu une copie avec des images

 23   avant montage, il y avait des parties des scènes qui manquaient, à savoir

 24   les corps devant le dépôt de Kravica, l'homme sur le balcon a été remplacé

 25   par d'autres images. Donc il y avait des cadres, des images qui manquaient.

 26   Vous n'avez jamais été en mesure de nous expliquer cela, pourquoi il y

 27   avait des parties de votre documentaire qui n'étaient plus là, et pourquoi

 28   ils n'étaient plus là, dans la vidéo avant montage ?


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que vos derniers

  2   propos ont été traduits parce que votre micro n'était pas allumé.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce une coïncidence, Monsieur le Témoin ?

  5   R.  Monsieur Nicholls, ça y est. On revient là-dessus. Je vais vous répéter

  6   pour la nième fois la même histoire. Si une bande vidéo -- et je suis

  7   vraiment étonné de voir que l'on n'utilise jamais l'émission, mais les

  8   images avant montage.

  9   Donc, si cette bande vidéo qui est un bande vidéo de huit millimètres, qui

 10   est une bande vidéo amateur, si elle a été distribuée à plusieurs adresses

 11   pendant une période donnée, je n'ai jamais refusé de communiquer cet

 12   enregistrement à qui que ce soit. Il s'agit de nombreux journalistes dans

 13   le monde entier. Moi, je ne peux pas reconstruire l'histoire. On ne peut

 14   qu'avoir des suppositions. Parce que ce ne sont pas les seules scènes qui

 15   ont été effacées, parce qu'à un moment donné on voit les images du studio

 16   où se trouve Radovan Karadzic, car moi je l'ai visité avec les Français un

 17   an plus tôt. Donc, j'avais ces images encore sur cette bande, et des images

 18   sont restées de ce tournage. Puis M. Blasik a vu chez moi, dans la maison,

 19   des traces des munitions de char sur le balcon chez moi, dans ma maison.

 20   Donc, évidemment que je ne peux pas être sûr, puisque là il s'agit d'un

 21   imbroglio incompréhensible. On ne va jamais connaître vraiment la vérité.

 22   Vous possédez ces images. Vous les avez. Le Tribunal possède

 23   l'original de ces images, et pendant des années on considérait qu'il

 24   s'agissait des images effacées ou des images manquantes, et je pense que

 25   c'est cela qui est important pour l'histoire et pour votre travail. Il

 26   faudrait que quelqu'un me remercie peut-être, à un moment donné. Parce qu'à

 27   Belgrade on continue à manipuler l'effet en disant que moi, j'ai effacé ces

 28   images. C'est ce qu'on dit encore au jour d'aujourd'hui à Belgrade, en


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  1   2012, alors, que vous les avez. Mais dites-le au monde entier, pour que

  2   tout le monde le sache, qu'on voit très bien ces gens sur la terrasse de la

  3   "maison blanche" et qu'on voit bien cette image devant le hangar au moment

  4   où la voiture passe. Moi, je ne pourrais pas contribuer davantage.

  5   J'aimerais bien vous donner davantage, mais je n'ai plus rien d'autre, et

  6   je pense que j'ai assez donné. C'est important, ce que j'ai donné.

  7   Q.  Je vous remercie.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous demander un petit peu de temps

 10   avant de poser des questions, parce que je pense qu'il y a eu bien

 11   d'éléments nouveaux introduits par M. Nicholls.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel type de questions vous souhaitez

 13   poser au témoin ?

 14   Quelle est la partie des questions du contre-interrogatoire de M.

 15   Nicholls qui vous pousse à poser des questions par rapport aux éléments

 16   nouveaux ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Par rapport -- la participation des Hodza dans

 18   la natalité. C'est un point important. Et puis aussi, la question de la

 19   présence de l'Islam du Moyen-Orient et les conflits au sein de la

 20   communauté musulmane à ce sujet.

 21   Je vais poser des questions assez brèves au témoin, et je vais lui demander

 22   de répondre par un oui ou par un non dans la mesure du possible.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que je peux vous entendre,

 24   Monsieur Nicholls ?

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne pense pas que j'ai ouvert de nouvelles

 26   portes, mais je me suis basé sur l'article utilisé par M. Karadzic. Je ne

 27   pense pas que j'ai ouvert de nouvelles portes que je me suis lancé dans des

 28   voies nouvelles.


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  1   M. ROBINSON : [interprétation] Je voudrais répondre. Dans l'effort de

  2   mettre en question la crédibilité de ce témoin, le Procureur a posé des

  3   questions au sujet des Musulmans, donc au sujet des enregistrements que ce

  4   témoin a fait au sujet des Musulmans, alors qu'il n'en était pas question

  5   au moment du contre-interrogatoire.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] M. Karadzic a dit au témoin, à un moment

  7   donné, qu'il n'avait pas le droit de filmer quoi que ce soit et qu'il n'y

  8   avait pas de plan -- qu'il n'y avait pas de plan pour commettre des crimes.

  9   Moi, je considère que M. Borovcanin lui faisait confiance, qu'il était sûr,

 10   qu'il faisait ce qu'il fallait faire.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges considèrent que M. Nicholls a

 13   conduit en règle son contre-interrogatoire et qu'il n'y a aucune raison de

 14   poser des questions nouvelles du côté de la Défense. Cela étant dit, vu la

 15   situation, nous vous permettons de poser une ou deux questions.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 17   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Karadzic :

 18   Q.  [interprétation] Docteur Petrovic, je n'ai cité qu'une partie du texte,

 19   mais on a pu voir qu'un des soldats a dit que ce nombre -- ce grand nombre

 20   d'enfants est le résultat du travail de hodzas. Est-ce que vous vous

 21   souvenez que le "Reis-Ulema," le chef des Musulmans de Bosnie, Mustafa

 22   Ceric, le 17 juillet 1994, a rendu public sa "fatwa," à savoir en ordonnant

 23   que chaque femme musulmane doit accoucher de cinq enfants ? Cette "fatwa"

 24   est devenue publique, à ce moment-là, mais sans doute qu'il l'avait

 25   prononcée bien avant cela. Est-ce que vous êtes en mesure de faire un lieu

 26   entre cette information et ce que ce soldat a dit, à savoir que le nombre

 27   d'enfants du côté des femmes -- enfin dont accouchent les femmes musulmanes

 28   est le résultat de la propagande et du travail des hodzas ?


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Je ne suis pas sûr que votre

  2   micro soit allumé.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas le seul

  4   dans le territoire ex-yougoslave à avoir été au courant de cette

  5   déclaration; [inaudible] autres journalistes et hommes politiques sont au

  6   courant de cela. Vous savez, il représente l'aile plus orthodoxe des -- ou

  7   plus militante des Musulmans de Bosnie. Mais vous l'avez bien dit, il y a

  8   des Musulmans en Bosnie qui ne sont pas dangereux. Ils ont une confession,

  9   mais ils ne font rien d'autre, pas comme ce que font les leaders musulmans

 10   en Serbie. Il y en a un qui est en train de se présenter pour le poste de

 11   président. C'est incroyable. On n'a jamais entendu dire un truc pareil, et

 12   puis un de mes professeurs de Paris, Ivo Kosta [phon], va vous dire que ce

 13   principe est un principe, qui date de l'âge ancien partout dans le monde.

 14   Il s'agit d'arriver à des chiffres qui conviennent à une certaine

 15   population, et puis le colonel Bunel a aussi publié quelques bouquins à ce

 16   sujet. Il en parle dans ses livres.

 17   Puis je vais ajouter encore quelque chose. Quand on dit "plan," un plan, le

 18   fait qu'il n'y avait pas de plan dans l'esprit des Serbes, et d'ailleurs le

 19   plan manque au plupart des nations sur le territoire yougoslave. C'est le

 20   plus grand des problèmes, parce que le seul plan qui a réussi, c'était le

 21   plan de l'équipe de Novak [phon] Djokovic. C'est le seul qui a réussi à

 22   faire quelque chose. Ils sont absolument incapables de planifier quoi que

 23   ce soit. Je vous dis cela en guise de critique, autocritique vis-à-vis

 24   notre peuple, parce qu'on est incapable de planifier quoi que ce soit, et

 25   encore planifier d'exterminer tout un peuple.

 26   Q.  De nombreux Serbes, moi, en faisant partie, pensent que les Musulmans

 27   sont en réalité des Serbes. De nombreuses personnes pensent que les grands

 28   esprits Musulmans étaient en réalité des Serbes. Etes-vous d'accord pour


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  1   dire qu'au sein de la communauté musulmane en ce moment vous avez un grand

  2   bon nombre de voix qui s'élèvent contre l'import de l'Islam du Moyen-Orient

  3   en Bosnie-Herzégovine ?

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois pas quelle est la pertinence.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux vous expliquer pourquoi je

  7   pense que c'est pertinent ? Un mot pas plus. Pourquoi c'est important ?

  8   Parce que le Dr Petrovic a étayé des documents pour corroborer des

  9   déclarations faites sur un impulse, des déclarations négatives, parce que,

 10   si les Serbes pensent que les Musulmans sont des Serbes, comment voulez-

 11   vous que l'on dise quoi que ce soit contre eux ? Ou plutôt, il faudrait

 12   voir quels sont les aspects de l'Islam qui nous gênent.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, les Juges de la

 14   Chambre ne considèrent pas que ceci soit pertinent pour ce procès.

 15   Ceci conclut donc votre déposition, Docteur Petrovic.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste une seconde.

 18   Afin d'être équitables, étant donné que nous avons permis à l'accusé

 19   de poser une dernière question, j'aimerais savoir si vous avez des

 20   questions supplémentaires ?

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire quelque

 24   chose, Docteur Petrovic ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Excellence, j'aurais besoin d'aide. Le public

 26   ne le sait pas vraiment et j'aimerais que M. Karadzic le confirme. Je

 27   devais devenir le chef d'état-major de M. Karadzic au début de la guerre,

 28   mais j'ai dû rejeter son offre parce que j'avais peur que quelqu'un de


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  1   Belgrade m'assassine. Nous savons que M. Milosevic -- que la femme de M.

  2   Milosevic était une vraie Staliniste --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous interromps, Docteur Petrovic.

  4   Les Juges de la Chambre, en général, n'entendent pas ce genre de

  5   commentaires d'un témoin.

  6   Nous allons nous arrêter là. Au nom des Juges de la Chambre du Tribunal, je

  7   voudrais vous remercier d'être venu à La Haye pour votre déposition.

  8   A moins qu'il y ait d'autres points à être abordés, nous allons lever

  9   l'audience pour aujourd'hui tous ensemble et nous reprendrons demain à 9

 10   heures.

 11   L'audience est levée pour aujourd'hui.

 12   [Le témoin se retire]

 13   --- L'audience est levée à 14 heures 03 et reprendra le vendredi, 4 mai

 14   2012, à 9 heures 00.

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