Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 4 mai 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de commencer aujourd'hui, je

  7   voudrais traiter de plusieurs questions administratives.

  8   Tout d'abord, les Juges vont communiquer une décision concernant la requête

  9   du Procureur de surseoir sur la décision de la Chambre concernant la

 10   requête de la Défense pour lever le sceau de confidentialité sur les pièces

 11   et pour proroger le délai la requête du 2 mai 2012.

 12   Après avoir réfléchi aux arguments présentés dans la requête, ainsi que la

 13   réponse de l'accusé, les Juges ont décidé de surseoir de façon temporaire

 14   sur la décision de l'accusé pour lever le sceau de confidentialité sur les

 15   pièces de l'ICMP, la décision émise le 25 avril 2012, et de proroger le

 16   délai qu'a demandé le Procureur, pour permettre au Procureur d'expurger un

 17   certain nombre de pièces de l'ICMP et par rapport et conformément à la

 18   décision de la Chambre.

 19   Cette décision va rester en sursis jusqu'au 18 mai 2012, et à ce moment-là,

 20   les deux Procureurs et la Défense doivent s'adresser à la Chambre par

 21   rapport à la façon dont ils ont traité la question des pièces de l'ICMP,

 22   ainsi que de leurs pourparlers avec l'ICMP. Et à cette date-là, ils doivent

 23   aussi avoir terminé l'exercice de l'expurgation de ces pièces à conviction.

 24   Ensuite, le 2 mai 2012, l'accusé a fait une demande pour obtenir la

 25   traduction de la pièce P967, il s'agit de la directive 4. Je me demande si

 26   le Procureur souhaite répondre à la demande de la Défense.

 27   Monsieur Tieger.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Eh bien, nous n'avions pas prévu de répondre à


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  1   ça. Mais donnez-moi un instant, nous allons vérifier ce qui se trouve dans

  2   la demande, et nous allons vous donner une réponse définitive.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, je vais revenir sur cela. Et

  4   maintenant, je vais traiter du dernier point.

  5   Mais, est-ce qu'il serait possible, Monsieur Tieger, de nous parler après

  6   la première pause.

  7   Oui, très bien. Donc, vu que la présentation des moyens du Procureur arrive

  8   à sa fin, les Juges considèrent qu'il serait utile d'entendre les parties,

  9   leur communiquer leur position, à savoir la décision des Juges de la

 10   Chambre sur la nomination d'un conseil temporaire du 15 avril 2010, doit-

 11   elle donc rester valable après la clôture des moyens du Procureur, et, le

 12   cas échéant, dans quel mesure. Donc, nous demandons à toutes les parties,

 13   aussi à M. Harvey, de nous soumettre leurs écritures à ce sujet, et ceci au

 14   plus tard le 11 mai 2012.

 15   Monsieur le Témoin, je vous présente mes excuses, vous avez dû attendre.

 16   Mais à présent, je vais vous demander de prononcer la déclaration

 17   solennelle.

 18   Monsieur, est-ce que vous me suivez dans une langue que vous comprenez ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous donc prononcer la

 21   déclaration solennelle.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 23   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 24   LE TÉMOIN : KDZ071 [Assermenté]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur. Vous pouvez vous

 27   asseoir et mettez-vous à l'aise.

 28   Madame West, allez-y.


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  1   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pour commencer,

  2   je voudrais informer les Juges de la Chambre du fait que le témoin,

  3   malheureusement, souffre d'une rage de dent. Il nous a dit cela ce matin.

  4   Il a décidé tout de même de déposer. Et si jamais la situation empire, eh

  5   bien, nous allons peut-être vous demander de prendre des pauses

  6   supplémentaires.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   Et merci de votre coopération, Monsieur. Et puis, si à un moment donné vous

  9   ne vous sentez pas à l'aise, dites-le-nous et on va prendre les mesures

 10   adéquates.

 11   Madame West, allez-y.

 12   Mme WEST : [interprétation] Je vais demander à voir le document 65 ter

 13   90332, et je voudrais que cette pièce ne soit pas montrée au public, s'il

 14   vous plaît.

 15   Interrogatoire principal par Mme West :

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 17   R.  Bonjour.

 18   Q.  Monsieur, veuillez examiner le document qui se trouve sur l'écran - ne

 19   lisez rien - et puis, pouvez-vous nous confirmer que c'est bien votre nom

 20   que vous voyez sur l'écran ?

 21   R.  Oui.

 22   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander que

 23   ceci soit versé au dossier.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, sous pli scellé.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P5027, sous pli

 26   scellé.

 27   Mme WEST : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur, est-il exact que vous avez déposé dans l'affaire Popovic dans


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  1   l'an 2000 ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Pouvez-vous confirmer que vous avez écouté cette déposition, que vous

  4   pensez que c'est exact ce que vous avez entendu, et que si l'on vous posait

  5   les mêmes questions aujourd'hui, vous répondriez de la même façon ?

  6   R.  Je n'ai rien d'autre à dire que ce que j'ai déjà dit. J'ai raconté ce

  7   que j'ai vécu.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous vous rapprocher du micro

  9   pour que les interprètes puissent mieux vous entendre. Merci.

 10   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, nous souhaitons verser

 11   la pièce 65 ter 22712A comme une pièce à caractère public, et 22712 sous

 12   pli scellé. Il n'y a que trois pièces jointes que nous souhaitons aussi

 13   verser au dossier. Il s'agit des photos; 14086, 14087 et 14109.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'en est-il de l'extrait de la vidéo ?

 15   Mme WEST : [interprétation] Nous ne demandons pas le versement de cela.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections ?

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous avons reçu les deux versions

 19   du compte rendu d'audience dans l'affaire Popovic ainsi que trois pièces

 20   jointes.

 21   Et je vais demander au greffier d'attribuer les cotes.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] 65 ter 22712A va devenir la pièce P5028,

 23   sous pli scellé.

 24   65 ter 22712B devient la pièce P5029.

 25   65 ter 14086 devient la pièce P5030.

 26   Ensuite, nous avons les pièces 5031 et 5032.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Madame West.

 28   Mme WEST : [interprétation] Le témoin a survécu une exécution en masse,


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  1   l'exécution d'hommes et garçons musulmans dans le dépôt de Kravica qui a eu

  2   lieu le 13 juillet 1995. Deux jours plus tôt, le témoin a été obligé de

  3   quitter sa maison. Ses filles et son épouse se sont rendues à Potocari, et

  4   lui il a fui à travers les bois. Il a été forcé à se rendre le 13 juillet

  5   dans les collines au-dessus de la route Konjevic Polje-Bratunac et il a été

  6   capturé sur le pré. Le témoin a entendu qu'à peu près 2 000 personnes ont

  7   été capturées à cet endroit. Pendant qu'il était sur ce pré, le général

  8   Mladic est arrivé et s'est adressé aux prisonniers, il leur a promis qu'il

  9   n'allait rien leur arriver, rien de mauvais. Peu de temps après, on a

 10   demandé aux prisonniers de former une colonne et de se mettre en marche en

 11   direction de Kravica.

 12   Il est arrivé à Kravica entre 4 heures et 5 heures de l'après-midi et il

 13   est entré dans le dépôt par la porte à l'ouest. Ce côté-là du dépôt était

 14   presque plein, de sorte que le témoin s'est assis par terre le dos au mur.

 15   Quand le dernier prisonnier est entré, la pièce était si pleine de monde

 16   que le dernier prisonnier qui est arrivé ne pouvait pas s'asseoir. Un

 17   soldat lui a donné un coup au dos et lui a demandé de s'asseoir. Quand il

 18   lui a dit qu'il ne pouvait pas le faire, le soldat lui a tiré dessus.

 19   Le témoin a dit que c'est à ce moment-là que les tirs ont commencé et que

 20   cela ne s'est pas arrêté avant qu'il ne fasse nuit. Le témoin s'est couvert

 21   des corps sans vie et est resté tranquille pendant la nuit, couvert par le

 22   sang des autres prisonniers. Le témoin est resté comme cela toute la

 23   journée qui s'en est suivie, et à ce moment-là les soldats ont appelé les

 24   prisonniers blessés de se rendre en leur promettant de les amener à

 25   l'hôpital. Certains prisonniers ont cru à cette promesse, sont sortis et

 26   ont été tués. Autour de midi, le témoin a entendu des bruits de machine à

 27   l'extérieur du bâtiment, et quand il a commencé à faire nuit, il a entendu

 28   le commandement : "Gare le camion, lave le bitume et couvre les morts avec


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  1   de la paille."

  2   Un peu après minuit, le témoin s'est échappé du dépôt. Il a été rejoint par

  3   un autre survivant, et ils ont fui le dépôt en se cachant dans un champ de

  4   maïs.

  5   Q.  Monsieur, j'ai quelques questions pour vous.

  6   Pendant que vous étiez dans le pré cet après-midi, à un moment donné est-ce

  7   qu'un camion militaire est arrivé ?

  8   R.  Oui, ce camion est arrivé au moment où on était assis dans le pré. Ils

  9   ont demandé une vingtaine, une trentaine d'hommes, des jeunes, et ils ont

 10   dit qu'ils allaient travailler. Ils sont montés à bord du camion et ils ont

 11   pris aussi des pelles et autres outils. Moi, je ne reconnais qu'un homme

 12   d'entre eux, Fadir Husejnovic. Ensuite, ils sont partis dans une direction

 13   qui m'est inconnue.

 14   Q.  Vers la fin de la journée que vous avez passée dans le pré, est-ce que

 15   le général Mladic est arrivé ?

 16   R.  On était assis dans le pré - je n'avais pas de montre, je ne sais pas à

 17   quel moment exactement - mais en tout cas, le général Mladic est arrivé et

 18   il s'est adressé à nous. Il nous a demandé tout d'abord : Est-ce que vous

 19   me connaissez ? Il y en avait qui ont dit : Oui, oui. Et puis, moi, je me

 20   suis tu.

 21   La première chose qu'il a dite c'était : Naser vous a quittés, il s'est

 22   échappé à Tuzla. Ce n'est pas commode de faire la guerre aux Serbes. Nous

 23   avons évacué vos familles à Tuzla, Kladanj, Zivinice. Vous allez faire

 24   l'objet d'un échange sans doute dans un jour ou deux, et chacun va

 25   rejoindre sa famille. Personne ne va vous passer à tabac. Personne ne va

 26   vous provoquer. On va vous donner de la nourriture. Vous avez chaud ici. On

 27   va vous mettre à l'abri.

 28   Et tout le monde a applaudi. Moi, je n'avais pas de pied. Et je lui ai dit


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  1   : Mon Général, j'ai mes chaussures dans mon sac. Est-ce que je peux aller

  2   les chercher. Il m'a dit : Oui, oui, on va te laisser prendre tes

  3   chaussures, t'inquiète pas. C'est ce qu'il m'a dit. Et moi, je l'ai

  4   remercié.

  5   Q.  Pourquoi vous souvenez-vous si bien de ces mots qu'il a prononcés ?

  6   R.  Ecoutez, je n'oublierai jamais cela. Ces mots se sont gravés dans ma

  7   mémoire. Je me souviens de cette image. Je me souviens de ce qu'il a dit.

  8   Je m'en souviens très bien.

  9   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, est-il possible de

 10   passer à huis clos partiel un moment.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 13   [Audience à huis clos partiel]

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 11   [Audience publique]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame West.

 13   Mme WEST : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

 14   Président.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, comme vous avez pu le

 17   remarquer, votre déposition dans l'affaire précédente a été versée

 18   entièrement au dossier, et ceci, au lieu d'une nouvelle déposition orale en

 19   l'espèce. Maintenant, c'est l'accusé, M. Radovan Karadzic, qui va vous

 20   poser ses questions dans le cadre de son contre-interrogatoire.

 21   M'avez-vous compris, Monsieur ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   Allez-y, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

 26   Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à tout le monde.

 27   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 28   Q.  [interprétation] Et bonjour, Monsieur le Témoin.


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  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Je vais vous demander de faire un temps de pause entre mes questions et

  3   vos réponses, et puis moi je vais faire de même pour que tout soit saisi au

  4   compte rendu d'audience, pour que les interprètes puissent interpréter vos

  5   propos et mes questions. Donc, veuillez, s'il vous plaît, pensez à cela.

  6   Dites-moi, et je ne vais pas mentionner le nom de votre village mais, mais

  7   est-ce que votre famille a toujours vécu dans ce village ?

  8   R.  C'est là que je suis né. C'est là que je vais mourir. J'ai été chassé

  9   et je suis revenu.

 10   Q.  De quoi viviez-vous ? Que possédiez-vous ?

 11   R.  J'étais agriculteur. J'avais du bétail. C'est ça qui me faisait vivre.

 12   Q.  Faites un temps de pause, s'il vous plaît.

 13   Vous aviez combien de terre ? Est-ce que vous étiez une famille plutôt

 14   riche, pauvre ?

 15   R.  J'avais pas mal de terre, mais vous savez, maintenant il n'y a personne

 16   pour labourer cette terre.

 17   Q.  Vous aviez combien de bétail, combien de têtes ?

 18   R.  Quatre à cinq vaches, 20 ou 30 brebis, et puis un cheval.

 19   Q.  Merci. Ce village qui est le vôtre se trouve-t-il dans le triangle de

 20   Bandera ?

 21   R.  Je ne comprends pas votre question.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de passer à huis clos partiel

 23   un instant.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 25   [Audience à huis clos partiel]

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 27   [Audience publique]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Karadzic, nous sommes


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  1   en audience publique.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Vous avez fait votre service militaire ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vous avez fait partie des unités de la réserve de la JNA

  7   après cela ?

  8   R.  Mais que voulez-vous dire par là ?

  9   Q.  Eh bien, chaque personne ayant fait son service militaire [inaudible]

 10   en tant que réserviste.

 11   R.  Mais j'ai été dans l'armée de Tito. Ensuite j'ai été dans la Brigade de

 12   Zulfo Tursunovic le 17 avril 1992 jusqu'en 1996.

 13   Q.  Est-ce qu'on vous a reconnu --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, je vous prie. Les

 15   interprètes n'ont pas entendu la dernière partie de votre réponse, Monsieur

 16   le Témoin.

 17   Qu'avez-vous dit après les mots : "…à partir du 18… ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 17 avril, ce n'était pas le 18, le 17

 19   avril. J'étais dans l'armée. Et en 1966, je suis entré dans l'armée de

 20   Tito.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Je vais vous poser une question, mais attendez un instant avant de

 23   répondre, ne répondez pas tout de suite.

 24   Est-il exact qu'entre 1966 et 1992, vous étiez réserviste de la JNA, est-ce

 25   que vous étiez convoqué pour participer à des manœuvres ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Merci. Est-il exact que le 17 avril 1992, vous avez rejoint les unités

 28   placées sous le commandement d'un homme dont vous avez cité le nom il y a


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  1   un instant, et que vous êtes resté sans interruption dans les rangs de

  2   l'armée jusqu'en 1996 ?

  3   R.  Oui. Mais j'y passais surtout les nuits, parce que pendant la journée,

  4   je n'avais personne pour garder mon bétail. Et lorsque je me suis rendu à

  5   Tuzla, j'étais dans la logistique, j'étais responsable de

  6   l'approvisionnement en eau, en vivres, en bois de chauffage, et cetera,

  7   parce que j'avais été mobilisé en janvier.

  8   Q.  Mais vous avez été démobilisé, n'est-ce pas, en janvier 1996 ?

  9   R.  Oui, 1996.

 10   Q.  Est-ce que l'unité dont vous aviez fait partie est devenue ensuite

 11   partie intégrante de la 291e Brigade d'assaut léger de Bosnie orientale ?

 12   R.  Ça, je ne le sais pas.

 13   Q.  Dans une de vos déclarations, vous avez déclaré que la commission

 14   chargée de recueillir des renseignements au sujet des événements survenus

 15   pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine, donc vous avez dit que les combats

 16   en Bosnie-Herzégovine avaient commencé suite à l'attaque du village de

 17   Podgaj, avant le 15 mai 1992 ?

 18   R.  Je ne sais pas si c'était le village de Podgaj qui a été attaqué et

 19   incendié. Je ne me rappelle pas la date non plus.

 20   Q.  Je vous remercie. Mais est-ce qu'il y a eu des combats avant le 16 mai,

 21   et est-ce que vos unités ont participé à ces combats, et à des actions de

 22   sabotage depuis le début et jusqu'à la fin de la guerre ?

 23   R.  Je pense que nos unités n'ont pas participé aux événements avant le 17.

 24   En aucun endroit, si je me souviens bien.

 25   Q.  Je vous remercie.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche le

 27   document D1987, grâce au prétoire électronique. C'était un document

 28   enregistré aux fins d'identification, mais puisque nous avons reçu la


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  1   traduction, je pense qu'il doit devenir une pièce à conviction à part

  2   entière.

  3   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document ne sera pas diffusé vers la

  5   galerie du public.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je prierais les autres personnes

  7   intéressées, si elles disposent de la traduction anglaise, de se satisfaire

  8   d'un affichage uniquement de la version serbe, qu'on pourra agrandir.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur le Témoin, ceci est un document qui fait partie de l'histoire

 11   de la 28e Division ou plutôt du 8e Groupe opérationnel qui a été rédigé en

 12   Bosnie-Herzégovine. Alors je vous prierais de prendre connaissance du

 13   passage qui est affiché.

 14   On peut y lire qu'à partir du 1er mai, une action de sabotage a été menée

 15   dans un secteur déterminé. Plusieurs attaques ont ainsi été évitées. Et le

 16   15 mai, les unités concernées ont participé à la libération d'un secteur

 17   dont la surface s'achevait à Zeleni Jadar.

 18   R.  Je ne me rappelle pas les dates exactement. Je me rappelle ce qui s'est

 19   passé, mais je ne me rappelle pas exactement les dates. Je me rappelle

 20   qu'il y a eu des attaques et que des gens ont été expulsés.

 21   Q.  Bon, eh bien dans ce cas --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous, au moins, vous

 23   pouvez attendre que la traduction anglaise soit terminée, que la réponse du

 24   témoin soit consignée au compte rendu dans son intégralité.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Toutes mes excuses, vous avez raison.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Donc, Monsieur le Témoin, voici ce que je voudrais vous demander : est-

 28   ce que vous avez connaissance, l'existence d'une action, la date importe


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  1   peu, vous pouvez dire si vous en avez connaissance ou pas.

  2   R.  Oui, je sais qu'une action appelée "action blanche" a été menée.

  3   Q.  Mais est-ce que vous savez qu'il y a eu une autre attaque ensuite le 22

  4   mai, c'était plutôt une action de sabotage, comme on peut le lire ici.

  5   R.  Moi, j'ai le souvenir d'un grand nombre d'attaques, mais je ne me

  6   rappelle pas exactement à quel moment elles ont eu lieu, parce que ce

  7   n'était pas les dates qui étaient au centre de mes intérêts. A cette

  8   époque, j'avais d'autres soucis en tête.

  9   Q.  Très bien, merci. Mais vous faisiez partie de cette unité. Lisez ce qui

 10   est écrit sur ce texte, c'était une unité qui était active pratiquement au

 11   quotidien, que ce soit dans le cadre d'actions de défense ou d'actions

 12   agressives. Autrement dit, vous avez mené un grand nombre d'actions pendant

 13   l'année 1992.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et j'aimerais maintenant que l'on fasse défiler

 15   le texte à l'écran, pour que l'on voie le bas de la page.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Est-ce que vous vous rappelez une très grande action de combat à

 18   laquelle vous avez participé dans le secteur du village de Jezestica ?

 19   R.  Oui, je m'en souviens, puisqu'un de mes voisins y a été tué.

 20   Q.  Merci. Dans cette page, il s'agit de l'action qui a été menée le 22

 21   août 1992.

 22   Et je pense que nous pouvons passer à la page suivante à l'écran.

 23   R.  S'agissant des dates, je vous en prie ne me poser pas de question à ce

 24   sujet, car pendant toute cette guerre, je ne suis pas capable de situer les

 25   événements en fonction de leur date.

 26   Q.  Merci. Mais est-ce que vous avez connaissance d'une action de diversion

 27   menée sur le mont Dizecisto [phon] où vous vous êtes emparé d'un PAT et

 28   d'un char. Il y a eu pas mal d'actions de sabotage de ce genre.


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  1   R.  Je suis au courant.

  2   Q.  Et puis il y a l'action de sabotage menée à Nikolici. Ensuite une

  3   action de combat très importante dans le secteur de Fakovici, où vous vous

  4   êtes emparés d'un butin de guerre important aussi, n'est-ce pas ?

  5   R.  Monsieur Karadzic, comment est-ce que tu peux énumérer tous ces

  6   villages sans énumérer les six municipalités dans lesquelles vous avez

  7   expulsé la population ?

  8   Q.  Nous y viendrons.

  9   R.  Ah, nous y viendrons.

 10   Q.  Monsieur le Témoin, je me dois de vous assurer que je respecte toutes

 11   les victimes et que je regrette le sort infligé à toutes les victimes, mais

 12   je dois maintenant passer en revue l'ensemble des actions de combat pour

 13   déterminer le nombre de personnes tuées au combat dans tous ces secteurs

 14   avant juillet 1995.

 15   R.  Je n'ai pas participé à toutes ces actions. Mais je sais que de

 16   nombreuses actions ont été menées d'un côté comme de l'autre.

 17   Q.  Merci. Est-ce que vous vous rappelez cette action importante menée à

 18   Fakovici ?

 19   R.  Je sais qu'il y a eu une action et des actions.

 20   Q.  Est-ce que vous vous rappelez la tentative effectuée pour reprendre

 21   Pajici ?

 22   R.  Ça, maintenant, je n'en ai pas entendu parler. Qu'est-ce que c'est le

 23   nom du village ?

 24   Q.  Pajici.

 25   R.  Pajici ? Je sais seulement qu'il y avait deux maisons Pajic à Bukovica.

 26   Mais je ne connais pas de village qui s'appelle Pajic.

 27   Q.  Merci. Est-ce que vous vous rappelez ce qui s'est passé le 7 janvier

 28   1993, une importante action de combat dans le secteur de Kravica ?


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  1   R.  Je m'en souviens.

  2   Q.  Savez-vous combien de paysans serbes ont été tués durant ces actions

  3   menées à Kravica ?

  4   R.  Je ne sais pas. Je n'y étais pas, et je ne connais pas leurs nombres.

  5   Je ne connais pas le nombre de victimes tuées de votre côté ou de notre

  6   côté.

  7   Q.  Merci. Vous avez dit avoir reconnu plus tard en juillet 1995 des hommes

  8   qui venaient de Visnjica. Est-ce que vous vous rappelez que votre unité a

  9   mené plusieurs actions contre le village de Visnjica, dont la dernière a eu

 10   lieu le 26 juin 1995 ?

 11   R.  Ça, je me souviens même quand cela a eu lieu.

 12   Q.  Merci. Est-il exact que les compagnies Lipovac et Kutezero, à partir de

 13   janvier 1993 et jusqu'en janvier 1994, faisaient partie intégrante du

 14   bataillon indépendant Zeleni Jadar ?

 15   R.  Je ne sais pas de quel bataillon elles faisaient partie.

 16   Q.  Bon. Est-ce que vous aviez connaissance –- bon, allez, ne parlez que

 17   des personnes tuées.

 18   Je vais maintenant vous donner lecture d'un certain nombre de noms, et

 19   pouvez-vous me dire si vous êtes au courant ou pas.

 20   Est-ce qu'avant le 31 janvier 1994 – je demanderais au greffier de filer le

 21   texte vers le bas – est-ce que Maho Avdic, Kabil Armitovic [phon], Sead

 22   Hodzic, Salko Becirevic, Juso Medic, Adil Hasanovic, Merludin Ahmetovic

 23   [phon] ont été tués. Je ne vais pas lire tous les noms qui sont dans le

 24   texte, vous pouvez peut-être en prendre connaissance vous-même.

 25   Chapitre 4.

 26   R.  Je me rappelle à quel moment ces hommes sont tombés au combat.

 27   Q.  En fait, c'est le chapitre 5. Il faudrait faire défiler le texte vers

 28   le bas encore un peu.


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  1   Vous voyez les noms maintenant à l'écran ? Est-ce que vous pouvez en

  2   prendre connaissance ? Le nom des combattants tombés au combat avant le 31

  3   janvier 1994.

  4   R.  Je ne vois pas bien.

  5   Q.  Bon, merci.

  6   Je n'insiste pas sur cette question. Mais, en tout cas, votre unité était

  7   très active, très brave, et très bien commandée, car Ramiz Becirovic [phon]

  8   en avait été le commandant. Ensuite, il y a en eu un autre, puis Zulfo,

  9   puis Mujo Bektic, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Merci. Ceci figure au chapitre 4 du document affiché à l'écran, qui se

 12   termine au début de l'année 1994.

 13   Bien. Nous laissons ce sujet de côté.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je demande le versement au dossier

 15   du document affiché à l'écran, car nous disposons de sa traduction en

 16   anglais.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous devons parler du

 18   versement maintenant, ou est-ce que nous parlerons du versement de

 19   l'ensemble des documents enregistrés aux fins d'identification en même

 20   temps, un peu plus tard ?

 21   Maître Robinson.

 22   Si l'Accusation est en mesure de répondre à la demande de versement au

 23   dossier de l'accusé, cela peut se régler maintenant.

 24   Mme WEST : [interprétation] J'apprécierais qu'on laisse cette question pour

 25   plus tard.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 27   Eh bien, nous en resterons là pour le moment, de façon à pouvoir prendre

 28   une décision plus éclairée ou, en tout cas, examiner la situation bien


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  1   balle [phon] s'agissant de demande de versement au dossier. Il est

  2   préférable de ne pas le faire tout de suite.

  3   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce qu'entre chez vous et les villages serbes ou, en tout cas, est-

  7   ce que les villages serbes les plus proches de chez vous ont été sous le

  8   contrôle de l'armée des Serbes de Bosnie pendant quelque temps, ou est-ce

  9   qu'il y avait une ligne qui séparait votre village et les villages serbes ?

 10   R.  Pour autant que je le sache, les villages serbes que je connais n'ont

 11   jamais été sous le contrôle des forces serbes.

 12   Quant à la ligne dont vous avez parlé, oui, il y avait une ligne

 13   entre nous et eux.

 14   Q.  Donc, il y avait une ligne avec vous d'un côté et eux de l'autre. Et

 15   quelle était la distance entre les lignes ?

 16   R.  Cela dépendait du terrain. Quelquefois, les deux lignes étaient à 2

 17   kilomètres l'une de l'autre. Mais c'est autour de Slatina qu'elles étaient

 18   les plus proches. Quelquefois, elles étaient à 2 kilomètres l'une de

 19   l'autre.

 20   Q.  Merci. Est-ce que vous avez fait connaissance des uns des autres ?

 21   R.  La connaissance de qui ?

 22   Q.  La connaissance de vos voisins qui habitaient dans les villages serbes

 23   proches du vôtre.

 24   R.  J'en connaissais beaucoup. J'en connaissais qui habitaient à Nikolici,

 25   Vasiljevic, à Derventa. Nous nous connaissions et nous nous entendions

 26   bien. Si qui que ce soit m'avait dit que les événements allaient se

 27   dérouler comme ils l'ont fait entre nous par la suite, je ne les aurais pas

 28   cru.


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  1   Q.  Merci. Est-ce que pendant la guerre il y a eu des contacts, puisque

  2   vous vous connaissiez, est-ce qu'il y a eu des contacts entre vous ou des

  3   échanges commerciaux ?

  4   R.  Si je me souviens bien, moi, je n'ai pas le souvenir d'un quelconque

  5   contact, à moins qu'il y ait eu des contacts secrets. Mais d'après mon

  6   souvenir, il n'y a pas eu de contacts.

  7   Q.  Merci. Vous dites qu'une décision a été prise un jour pour tenter une

  8   percée grâce au couvert de la forêt, et que c'est le groupe chargé du

  9   déminage qui est parti le premier. Mais les mines avaient été posées par

 10   qui ?

 11   R.  C'étaient des mines serbes. Mais qui les avaient placées, je ne sais

 12   pas.

 13   Q.  Donc, entre votre village et les villages serbes, les Serbes ont posé

 14   des mines ?

 15   R.  Ils ont posé des mines quand nous avons pris le chemin de la forêt,

 16   mais ils n'ont pas posé de mines entre mon village et leurs villages. Quand

 17   nous nous sommes mis en route à Jaglici, c'est à ce moment-là que j'ai vu

 18   que des mines avaient été posées dans la forêt.

 19   Q.  Merci. Mais est-ce que vous êtes au courant de l'action qui a été menée

 20   par le 28e Division en direction de villages serbes à partir du moment où

 21   Srebrenica a été décrétée zone de sécurité et jusqu'en juillet 1995 ?

 22   R.  A partir du moment où la zone a été protégée, je ne me rappelle pas

 23   qu'il y ait eu une action. Je n'en ai pas le souvenir. Mais je ne comprends

 24   pas très bien.

 25   Q.  Merci. Mais dans ces conditions, pourquoi est-ce que les Serbes

 26   auraient posé des mines autour de leurs villages ?

 27   R.  Ça, vous le savez. Moi, je ne sais pas pourquoi ils l'ont fait.

 28   Q.  J'aimerais maintenant vous poser la question suivante. Est-ce que le 11


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  1   juillet vous avez eu un contact dans le cadre d'un combat avec l'armée de

  2   le Republika Srpska dans le cadre de la brigade dirigée par Tursunovic ou

  3   est-ce que vous avez entendu dire que Srebrenica était tombée ?

  4   R.  Le 11 juillet, toute la journée, j'ai moissonné. Mais ma fille est

  5   arrivée et m'a dit : Mais qu'est-ce que vous faites ? Les gens sont en

  6   train de partir. Srebrenica est tombée.

  7   Et quand j'ai terminé mon travail, je suis rentré à la maison. J'ai

  8   mangé quelque chose, et ensuite je suis ressorti pour rassembler le bétail

  9   qui était dispersé dans les champs. Et j'ai rencontré mon beau-frère. J'ai

 10   pris à ce moment-là mon sac à dos et je suis parti.

 11   Q.  Mais comment avez-vous décidé que votre famille devait aller à Potocari

 12   et que vous, vous alliez traverser la forêt ? Est-ce que c'est quelqu'un

 13   qui a pris cette décision ou est-ce que c'est vous qui l'avez décidé ?

 14   R.  Une estafette est arrivée et a dit les femmes, les vieillards et les

 15   enfants doivent aller à Potocari dans la base de la FORPRONU parce que

 16   c'est une enclave protégée. Quant aux personnes aptes, elles doivent passer

 17   par la forêt, et ceux qui réussiront à traverser réussiront à traverser.

 18   Q.  C'était une estafette de la brigade, n'est-ce pas ?

 19   R.  De la brigade, bien sûr. Ce n'était pas moi.

 20   Q.  Il n'a pas été consigné au compte rendu d'audience que les personnes

 21   aptes devaient essayer de traverser la forêt et que ceux qui réussiraient à

 22   traverser réussiraient à traverser.

 23   R.  Mais c'est normal, il n'y avait pas d'autre choix. Regardez tous ceux

 24   qui sont partis vers Potocari combien il en manque aujourd'hui, alors que

 25   c'était une zone protégée. Si je ne me trompe, il y a 90 habitants de mon

 26   village qui manquent à l'appel, et pourtant ils sont allés à Potocari.

 27   Q.  Merci.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Je comprends bien qu'il est


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  1   difficile de ménager une pause entre les questions et les réponses, mais

  2   comme vous parlez tous les deux la même langue et que ce que vous dites

  3   doit être interprété par les interprètes, je vous prierais d'avoir la

  4   gentillesse de bien vouloir attendre un instant avant de répondre aux

  5   questions qui vous sont posées, Monsieur le Témoin.

  6   Vous comprenez, Monsieur, ce que je vous dis ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Monsieur Karadzic, veuillez

  9   poursuivre.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce qu'à un certain moment vous avez aussi hésité en vous demandant

 13   s'il fallait que vous alliez à Potocari ? Est-ce que votre sac à dos était

 14   resté sur le dos du cheval de votre ami et que finalement vous avez décidé

 15   de tenter la percée par la forêt ?

 16   Attendez un instant avant de répondre, je vous prie.

 17   R.  J'avais pris ma décision quand je me suis séparé de ma famille au-

 18   dessus de Ravne Njive. J'avais décidé d'aller vers Potocari, parce que

 19   j'étais trop vieux pour passer par la forêt. Mais un ami est arrivé et il

 20   m'a convaincu. Nous avons démarré. Mon sac était très lourd, donc mon ami a

 21   décidé de le mettre sur le dos de son cheval. Et c'est la raison pour

 22   laquelle j'ai décidé de ne pas me séparer de mon sac, parce que j'avais à

 23   manger dans mon sac, j'avais aussi des vêtements, et j'ai donc décidé de

 24   continuer mon chemin vers la forêt, vers Jaglici.

 25   Q.  Merci. Est-ce qu'un membre de la brigade vous aurait reproché quoi que

 26   ce soit si vous aviez décidé de partir vers Potocari plutôt que de rester

 27   avec eux ?

 28   Attendez. Attendez avant de répondre.


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  1   Mme WEST : [interprétation] Objection.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, pourriez-vous

  3   reformuler votre question.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que l'estafette a laissé le choix aux gens de prendre la

  6   décision qui leur convenait le mieux, c'est-à-dire de décider d'aller à

  7   Potocari ou de partir vers la forêt, ou bien est-ce que l'estafette a

  8   transmis ce qui ressemblait à un ordre afin de regrouper tous les membres

  9   de la brigade au même endroit ?

 10   R.  Je ne sais pas ce que l'estafette avait décidé. Chacun prenait sa

 11   propre décision. Et si je n'avais pas eu ce sac que j'avais, je ne serais

 12   pas passé là où je suis passé et je serais allé à Potocari. Dieu sait où je

 13   serais aujourd'hui. Mais voyez-vous, encore une fois, j'ai décidé d'aller

 14   là où je suis allé, et Dieu m'a sauvé sans doute.

 15   Q.  Je vous remercie. Lorsque vous êtes arrivé à Jaglici, est-ce que chacun

 16   des hommes qui arrivaient à Jaglici rejoignait sa propre brigade, et est-ce

 17   qu'il y avait aussi des civils qui étaient rassemblés à Jaglici ?

 18   R.  Quand je suis arrivé là-bas, il faisait déjà nuit. On ne pouvait

 19   reconnaître personne, on ne pouvait pas s'y retrouver. Il y avait une foule

 20   énorme là-bas. Moi, je suis resté avec ceux que je fréquentais le plus, et

 21   je suis resté à Jaglici jusqu'à une heure moins 20 du matin. J'ai demandé

 22   justement à Zurko [phon] quelle heure il était, et il m'a dit qu'il était

 23   une heure moins 20 quand je me suis mis en chemin.

 24   Q.  Vous dites que vous portiez sur vous un fusil de chasse que vous avez

 25   ensuite donné à quelqu'un.

 26   R.  J'avais mon fusil de chasse. Quand j'ai retrouvé mon gendre à Jaglici,

 27   lui il avait un ami. Lui aussi, il avait un sac, alors je lui ai dit :

 28   Ecoute, je te donne mon fusil et donne-moi le sac. Je lui ai remis mon


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  1   fusil, il m'a donné son sac dans lequel il y avait à manger et d'autres

  2   choses, des vêtements. Et je n'ai jamais revu cet homme plus tard, pas plus

  3   que mon fusil.

  4   Q.  Merci. Mais si vous êtes arrivés sur place la nuit, est-ce que le 12

  5   dans la matinée vous avez été déployés ?

  6   R.  On a été déployés à Jaglici le lendemain matin. Je ne sais pas combien

  7   de fois on était déployés, puis démantelés et puis redéployés. Je ne sais

  8   pas combien de fois. Il n'y avait pas de commandement là-bas. Personne des

  9   municipalités, personne des commandements. Les gens erraient sans savoir où

 10   ils allaient.

 11   Q.  Merci. Est-ce que les membres de toutes les brigades ont obéi à

 12   l'instruction qui leur était donnée, c'est-à-dire d'essayer de passer par

 13   la forêt, ou est-ce que certaines brigades ont renoncé ?

 14   R.  Ceux qui ont renoncé, c'étaient surtout les civils qui n'étaient pas

 15   armés et qui sont restés à Jaglici, ou en tout cas ils ont démarré les

 16   derniers, et moi je faisais partie de ce groupe.

 17   Q.  Merci. Est-il exact qu'à l'avant de la colonne marchaient les

 18   démineurs, les responsables de santé, les membres de la reconnaissance, et

 19   que Zulfo était plus loin ?

 20   R.  Je ne sais pas qui était en tête de colonne. Moi, j'étais à l'arrière.

 21   Si j'avais été plus près de la tête de colonne, je ne sais pas où je serais

 22   aujourd'hui.

 23   Q.  Et qui était le commandant de la partie arrière de la colonne ?

 24   R.  Il n'y a pas eu de commandement, que je me souvienne. Au moment où on

 25   est sortis sur une route non goudronnée, à côté de Buljim, les gens se sont

 26   rassemblés. Et c'est à ce moment-là que j'ai vu Golic pour la première

 27   fois.

 28   Il s'est avancé et a dit : Mais qu'attendez-vous ? Et puis, il y en a un


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  1   qui a dit : On a perdu la trace de la colonne. Il a injurié la mère et

  2   l'enfant, il a dit : Ecoute, tu vas voir ce qui se passe avec la trace de

  3   la colonne. Il a commencé à crier : Mais qu'est-ce qu'on attend ? Qu'attend

  4   le peuple ? Et ensuite, les tirs ont commencé. Personne ne regardait plus

  5   rien.

  6   Q.  Est-ce la première fois que vous avez entendu des tirs ?

  7   R.  C'était la première embuscade qu'on nous a tendue, près de Buljim.

  8   Q.  Est-ce qu'avant cela vous avez pu voir que vous aviez été aperçus par

  9   les Serbes, mais qu'ils n'ont pas commencé à tirer avant que vous

 10   n'arriviez à Buljim ?

 11   R.  Ça, je ne le sais pas. Je ne pouvais pas savoir ce qui se passe dans la

 12   forêt. A partir du moment où on est arrivés au niveau de Buljim, au niveau

 13   du ruisseau, les tirs ont commencé. Moi et encore quelques personnes qui

 14   m'accompagnaient, on est descendus le long du ruisseau. Il y avait des gens

 15   qui gisaient par terre, et je ne savais pas s'ils étaient morts ou vivants.

 16   Il y avait un voisin qui m'a rattrapé. Il a marié une femme de Kamenica. Il

 17   m'a demandé si je savais où on était, et je lui ai dit qu'on était tout

 18   près de Kamenica. Et c'est là qu'on est tourné à gauche dans la forêt. La

 19   nuit nous a attrapés et les tirs ont commencé. On entendait Praga tirer et

 20   on voyait des lumières à cause de ces tirs. Ces tirs ont duré long dans la

 21   nuit. On entendait aussi des bruits. Et nous avons continué à marcher dans

 22   la zone.

 23   Il faisait nuit. Nous avons traversé Ucina [phon]. On entendait des rafales

 24   à nouveau. Moi, j'avais l'impression que l'on ne pouvait me tirer dessus

 25   que du ciel, que les tirs ne pouvaient venir que du haut. Je me suis levé à

 26   un moment donné, mais il n'y avait plus personne. J'ai commencé à marcher

 27   en direction de la colline, et à un moment donné j'ai entendu quelqu'un. Il

 28   a dit : Je suis des vôtres. J'ai demandé qui c'était. Il m'a dit : Suad.


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  1   Là, j'ai vu un jeune homme couché sur le côté droit, et il m'a dit :

  2   Monsieur, tu as quelque chose dans son sac à dos ? Je lui ai dit : Oui,

  3   j'ai un peu de viande, j'ai un peu de pain. Il m'a dit qu'il n'avait pas

  4   mangé depuis trois jours. Je lui ai donné à manger, et il m'a tellement

  5   remercié. Pour moi, c'était pareil.

  6   Donc nous avons continué à marcher. Il y avait des corps sans vie. Vous

  7   entendiez des gens qui appelaient à l'aide, des blessés près du ruisseau.

  8   Un groupe s'est éloigné, personne n'est revenu, et on attendait des tirs.

  9   Et le lendemain, j'ai perdu Suad. Je suis arrivé à Kamenica, mais je ne

 10   savais même pas que j'étais là. Et là, j'ai rencontré un certain

 11   Mehmdedovic, Redzo. Ils étaient en train d'aligner les gens. Moi, je les ai

 12   contournés par la droite. J'ai rencontré un autre groupe d'un village

 13   voisin et je leur ai demandé : Où vous allez ? Il m'ont répondu qu'il

 14   fallait qu'ils s'alignent. Donc il y avait de plus en plus de gens que l'on

 15   rencontrait. Moi, j'ai continué la descente. J'ai rencontré pas mal de gens

 16   que je connaissais.

 17   J'ai demandé à Gabelic, Amir, qui était au SUP de Vlasenica, je lui ai

 18   demandé s'il a vu Huso, et il m'a dit Huso était vivant. Mais il n'était

 19   pas là. Il n'était nulle part.

 20   Et donc, on était là. Il y avait un ambulancier qui était là et qui bandait

 21   les blessures des blessés. C'est là qu'on a encore essuyé des tirs. Les

 22   gens ont commencé à courir dans tous les sens. On a commencé à nous tirer

 23   dessus depuis la route goudronnée en nous demandant de nous rendre. Il y

 24   avait des gens qui levaient des tee-shirts, qui levaient des serviettes en

 25   l'air en guise de drapeau blanc en disant : Non, non, ne tirez pas. Ils

 26   nous ont dit aussi de prendre les blessés. Et donc, moi j'ai porté

 27   Turkovic, Mujo. Il était blessé à travers son épaule. Bon, je n'étais pas

 28   le seul à le porter, et on l'a porté jusqu'à la rivière. On a traversé la


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  1   rivière, et il y avait deux soldats qui étaient là-bas. Alors, qu'est-ce

  2   qu'ils font là ? Ils vous fouillent, vérifient si t'as quelque chose dans

  3   tes poches, un couteau quoi que ce soit. Il faut tout donner, les sacs,

  4   sacs à dos. Ensuite, ils nous ligotent les mains. Ils nous font traverser

  5   la route goudronnée, et ensuite ils nous ont assis sur un pré. Je ne savais

  6   même pas où on était.

  7   Q.  Bien. On va en venir à cela.

  8   Dans votre déclaration que vous avez fournie le 10 avril de l'an 2000, à la

  9   page 2 478, c'est M. Cayley qui vous a posé des questions. Et vous avez dit

 10   que les Serbes se trouvaient le long de la route et qu'ils étaient en

 11   mesure de vous voir, mais qu'ils ne se sont pas mis à tirer jusqu'au moment

 12   où vous avez commencé à traverser la route goudronnée sous Buljim.

 13   Est-ce exact ?

 14   R.  C'est vrai. Est-ce qu'ils nous regardaient ou non, ça je ne le sais

 15   pas. Mais je ne les ai pas vus, moi. Mais au moment où on a descendu

 16   Buljim, ils ont commencé à tirer.

 17   Q.  Est-ce que vous n'exagérez pas un peu quant au nombre de blessés et au

 18   nombre de tués ? Pourriez-vous nous dire le nombre exact de tués et de

 19   blessés ?

 20   R.  Au niveau du ruisseau ?

 21   Q.  Au niveau de la première embuscade.

 22   R.  Monsieur, je ne sais pas si vous arriveriez à compter tous ces gens

 23   tellement ils étaient nombreux, tellement qu'il y en avait qui gisaient par

 24   terre, qu'ils soient morts ou vivants ou blessés.

 25   Q.  Donc l'ordre que vos commandants vous ont donné était de porter vos

 26   blessés ?

 27   R.  Non. C'est les vôtres, au moment où ils nous ont encerclés, qui nous

 28   ont dit de porter nos blessés et de les sortir de Kamenica.


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  1   Q.  Mais dès le départ, il y a eu des morts. Qu'avez-vous fait avec les

  2   morts et avec les blessés avant d'être encerclés ?

  3   R.  Ceux qui étaient sous Buljim, personne ne les a portés, ni les blessés,

  4   ni les morts. Chacun s'est préoccupé de sa propre vie.

  5   Q.  Est-ce que vous n'aviez pas le temps de les enterrer ?

  6   R.  Mais bien sûr que non. Combien vouliez-vous qu'on les enterre ?

  7   Q.  Que s'est-il passé par la suite ? Qui les a enterrés ?

  8   R.  Cela, je ne sais pas. Est-ce qu'ils ont été enterrés, est-ce que qu'ils

  9   ont été mangés par des bêtes, j'en sais rien.

 10   Q.  A partir du moment où on vous a arrêtés, on vous a demandé de porter

 11   vos blessés et vos morts ?

 12   R.  Non, que les blessés. Moi, j'ai porté Mujo Turkovic. Il y en avait

 13   d'autres. Nusret marchait sur ses deux jambes, alors qu'il était blessé à

 14   l'épaule. Bon, nous l'avons aidé à traverser la rivière. On l'a laissé à

 15   côté de la rivière. Il est resté par terre. Alors que Nusret, il est allé

 16   dans une maison. Je l'ai vu aller dans une maison, on lui a bandé sa

 17   blessure là-bas, mais depuis on a perdu toute trace de Nusret.

 18   Q.  Vous dites que vous vous êtes rendus au niveau de Lolici ?

 19   R.  Non, ce n'est pas vrai. C'est au-dessus de Kamenica. Ensuite, on nous a

 20   chassés jusqu'à Lolici. Moi, je ne connaissais ni Kamenica ni Lolici.

 21   Muskic, Ramiz, celui qui a survécu à Kravica, je lui ai demandé où nous

 22   étions assis. Il m'a dit que c'était à Lolici. Mais moi je ne connaissais

 23   pas cet endroit-là. Si j'avais connu cette région, je me serais débrouillé,

 24   mais moi je ne la connaissais pas.

 25   Q.  Dans une de vos dépositions, vous avez dit qu'il y a eu des tirs entre

 26   les Musulmans, que vous vous tiriez les uns sur les autres par mégarde

 27   avant de comprendre de qui il s'agit - c'est quelque chose que vous avez

 28   dit aux autorités musulmanes ou bosniennes le 16 janvier 1996 - ce n'est


Page 28535

  1   qu'après avoir entendu les noms des uns et des autres que vous avez compris

  2   que le feu ami et que vous vous arrêtiez de tirer.

  3   R.  Il y a eu deux embuscades. Une première, ensuite une deuxième, là où il

  4   y avait Praga qui nous tirait dessus. Et là les tirs se sont mélangés, on

  5   ne savait plus qui tirait sur qui. J'ai vu les tirs de Praga et la lumière,

  6   toute la région était illuminée à cause de cela.

  7   Q.  Donc à partir du moment où vous disiez votre prénom, les tirs se sont

  8   arrêtés, et c'est là que vous avez compris que c'étaient les vôtres qui

  9   vous tiraient dessus ?

 10   R.  Mais comment voulez-vous qu'on ait un Praga, nous ? Comment voulez-vous

 11   qu'on ait cette arme [inaudible] dans nos arrières ? Comment voulez-vous

 12   qu'on ait cette arme, cette pièce d'artillerie pour tirer depuis les

 13   arrières.

 14   Q.  Mais ce n'est pas cela la question. Dans cette déclaration, à la page

 15   3, la déclaration du 16 janvier, vous avez dit qu'il y a eu des tirs entre

 16   amis, et que ce n'était qu'à partir du moment où vous avez compris quels

 17   étaient vos prénoms --

 18   R.  Tout ce que je sais, c'était la première embuscade, on nous l'a tendue

 19   près de Buljim. La deuxième embuscade, je suis arrivé dans la nuit, on a

 20   tiré depuis Ulman [phon]. Je ne sais pas ce qui se passait vraiment là-bas.

 21   Moi, j'ai marché en marchant sur des corps.

 22   Q.  Mais est-ce que vous portiez des rubans, quelque chose, des insignes

 23   pour qu'on puisse vous reconnaître ?

 24   R.  Mais de quoi parlez-vous, comment voulez-vous qu'on nous marque, qu'on

 25   se distingue ?

 26   Q.  Bien. Pourriez-vous nous donner de noms de tués ?

 27   R.  J'ai besoin d'une pause, une petite pause.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons prendre une pause d'une


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  1   demi-heure et reprendre nos travaux à 11 heures 15.

  2   --- L'audience est suspendue à 10 heures 13.

  3   --- L'audience est reprise à 10 heures 45.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, vous pouvez

  5   poursuivre.

  6   Monsieur, vous vous sentez mieux à présent ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, j'ai toujours mal aux dents.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Connaissiez-vous ces gens qui sont morts autour de vous ?

 11   R.  Au-dessous de Buljim.

 12   Q.  Mais n'importe où.

 13   R.  Mais comment voulez-vous que je les connaisse ? Moi, je ne pensais qu'à

 14   sauver ma vie. Je ne regardais rien, je ne vérifierais même pas s'ils

 15   étaient en vie.

 16   Q.  Mais il y en a un que vous avez reconnu, un certain Senahid.

 17   R.  Ça, c'est autre chose, c'est là où il y a eu la deuxième embuscade,

 18   derrière Kamenica, j'étais avec Suad. J'ai pu le reconnaître. C'est le seul

 19   que j'ai pu reconnaître. J'ai demandé à Suad d'allumer une allumette pour

 20   être sûr que c'est bien lui. Il me l'a donnée, mais après je ne l'ai plus

 21   jamais revu.

 22   Q.  Savez-vous quel était le nom de père de Senahid ?

 23   R.  Osman.

 24   Q.  La première embuscade était près de Buljim. La deuxième, près de

 25   Kravica ?

 26   R.  Au-dessus de Kamenica. Mais moi, je ne connais pas cette zone-là.

 27   Q.  S'agit-il de Kamenica dans la municipalité de Bratunac ou est-ce

 28   Zvornik ?


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  1   R.  Je n'en sais rien. Mais je pense que c'est Bratunac. Mais je ne saurais

  2   pas te le dire pour sûr. Je dirais que c'est plutôt Bratunac que Zvornik.

  3   Q.  Merci. A un moment, vous avez vu qu'une vingtaine de personnes ont

  4   trouvé la mort. Je vais vous dire où cela se trouve. C'était tôt le matin

  5   du 13.

  6   Je vais essayer de le retrouver dans votre déclaration. A partir du

  7   moment où ils ont descendu dans le pré, qu'il y avait des herbes hautes --

  8   ça, c'est Kamenica. Donc c'est la deuxième embuscade ?

  9   R.  Non, non, je pense que c'est au moment de la première embuscade près du

 10   ruisseau. J'ai vu une vingtaine de personnes qui gisaient par terre, mortes

 11   ou blessées. En ce qui concerne la deuxième embuscade, personne n'était en

 12   mesure de compter les morts, tellement ils étaient nombreux.

 13   Q.  Merci. Vous avez vu de nombre de tués de la 291e. Est-ce que votre

 14   unité a essuyé beaucoup de pertes avant le mois de juillet 1995 ?

 15   R.  Il y a eu des victimes parmi la population civile. Ma fille était en

 16   train de garder du bétail quand elle s'est fait tuer par un obus. Et puis

 17   du bétail aussi d'ailleurs. Et puis, pareil avec mes voisins. Et aussi dans

 18   un village voisin, une femme est morte. Mais au cours des opérations

 19   quelques personnes sont mortes, mais pas beaucoup. En général, ce sont des

 20   gens qui ont fui Srebrenica en traversant les bois qui sont morts, le gros

 21   des victimes vient de là.

 22   Q.  Mais vous vous connaissez en armes ? Et si vous voyez un fusil de près,

 23   vous seriez en mesure de voir de quel type de fusil il s'agit. En revanche,

 24   si vous regardez de loin, vous n'êtes pas en mesure toujours de reconnaître

 25   le type de fusil. Mais là, à un endroit vous avez parlé d'un fusil

 26   automatique.

 27   R.  Mais je sais qu'il y a les M48, les fusils de chasse, et puis les

 28   fusils automatiques. Et puis, il y avait les fusils mitrailleurs 34, je


Page 28538

  1   l'avais dans l'armée. Et puis le 53 aussi, que j'avais dans l'armée. Pour

  2   les autres, je ne les connaissais pas. J'avais entendu parler du fusil 84,

  3   mais je ne l'ai jamais eu entre les mains et je ne l'ai jamais vu.

  4   Q.  Vous dites avoir vu des soldats serbes avec des cartouchières sur la

  5   poitrine.

  6   R.  Oui, c'était l'armée qui était à Kravica, à Lolici. Ils avaient des

  7   cartouchière à travers la poitrine en croix. A tous les 6 mètres, il y en

  8   avait, des soldats, des deux côtés. A partir du moment où la colonne est

  9   partie de Lolici en direction de Kravica, il a ordonné qu'on se mette

 10   quatre à quatre dans la colonne. Ce soldat était à 50 mètres de moi. Il

 11   avait un fusil mitrailleur, soit le 53 ou le 84, mais je ne savais pas

 12   lequel. En tout cas, je ne le connaissais pas. Il avait aussi un berger

 13   allemand avec lui.

 14   Q.  Donc vous dites que les gens qui étaient le long de la route, qui

 15   étaient là pour faire en sorte que vous ne fuyez pas, qu'ils étaient armés

 16   ?

 17   R.  Oui, ils étaient tous armés. Ils avaient des fusils automatiques, ils

 18   avaient des cartouchières, ils avaient des munitions. Tous les 6 à 7

 19   mètres, vous aviez un soldat.

 20   Q.  Mais je suis un peu surpris. Parce que les fusils automatiques, on n'a

 21   pas besoin de ce type de cartouchières. Ils ont plutôt besoin d'autres

 22   types de munitions. Pourquoi les avaient-ils ?

 23   R.  Ecoutez, je n'en sais rien. En tout cas, ils avaient cela. Nous, nous

 24   étions dans une colonne. Il y avait un véhicule de transport de la

 25   FORPRONU, un blindé. Ils n'ont pas réagi en nous voyant passer. Moi, je ne

 26   sais pas qui était là-dedans.

 27   Q.  Mais est-ce que vous avez été arrêtés à Sandici ?

 28   R.  Je ne sais pas si c'était Sandici ou Lolici. Ramiz Muskic a dit qu'on


Page 28539

  1   était à Lolici. Lui, il connaissait cet endroit. Puis, il y en avait

  2   d'autres qui étaient à Sandici. Ensuite, on nous a demandé de former une

  3   colonne et on nous a amenés jusqu'à Kravica. Mais il y en a d'autres qui

  4   sont venus par autocar.

  5   Q.  Vous avez dit que vous étiez au nombre de 400 à 500.

  6   R.  Mais non, moi je ne les ai pas comptés. Moi, j'ai entendu dire -- on

  7   disait à voix basse qu'on était plus de 2 000. Mais moi je ne les ai pas

  8   comptés.

  9   Q.  Mais Mme West, ce matin, a dit que vous avez entendu dire qu'il y avait

 10   2 000 personnes. Mais vous l'avez entendu dire, vous ne pouviez pas le voir

 11   ?

 12   R.  Oui, oui. Ils disaient cela à voix basse. Il y avait un enseignant, et

 13   puis il y avait un ambulancier puis un hodja, et c'est eux qui ont dit

 14   qu'on était à peu près au nombre de 2 000. Mais moi je n'ai jamais compté

 15   les gens. J'ai gardé mes pensées pour moi.

 16   Q.  D'après les informations que nous avons, on n'a pas rassemblé des gens

 17   ou on n'a pas arrêté des gens à Lolici. Ils sont peut-être passés par

 18   Lolici; en revanche, ils se trouvaient à Sandici. Est-ce que le général

 19   Mladic s'est adressé à vous ?

 20   R.  Je sais que Muskic, Ramiz m'a dit où on était. Moi, je ne connaissais

 21   aucun de ces endroits. Il m'a dit qu'on était à Lolici. Et c'est là que le

 22   général Mladic est arrivé.

 23   Q.  Merci. Et c'était à peu près à 1 heure ou 2 heures de l'après-midi ?

 24   R.  Je n'avais pas de montre, mais en regardant le soleil, j'avais

 25   l'impression qu'il était entre 1 heure et 2 heures de l'après-midi.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de voir la D2253.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 28540

  1   Q.  Est-ce bien ce pré, le pré où vous étiez ?

  2   R.  Non. Il y avait davantage de monde dans le pré où j'étais. Ici, il n'y

  3   a pas beaucoup de gens, à ce que je vois.

  4   Q.  Mais on ne les voit pas tous. On ne voit qu'une partie des gens. Mais

  5   est-ce bien le même pré ?

  6   R.  Mais je n'en sais rien. Il y avait deux maisons. Ici, je n'en vois pas.

  7   Il y avait une maison qui était du côté gauche et une autre du côté droit.

  8   Et puis, il y avait un char des deux côtés. Et sur le char qui était du

  9   côté droit, il y avait une arme, une PAM, qu'on a tournée à deux reprises

 10   dans notre direction. Puis, il y en a un qui a demandé : Est-ce que vous

 11   voulez qu'on se mette à tirer ?

 12   Et puis, un autre a dit : Ecoute, fais pas de bêtises. Baisse ton

 13   arme.

 14   Q.  Donc c'est le jeune qui voulait tirer, et l'autre lui a dit de ne pas

 15   faire de bêtises.

 16   R.  Il a dit : Baisse ton arme. C'est vrai qu'il n'a pas tiré, mais à deux

 17   reprises il a braqué le canon sur nous, en demandant : Est-ce qu'on va

 18   commencer à tirer ?

 19   Q.  Merci. Donc, pendant que vous étiez là, arrêté, en état de détention,

 20   vous avez reconnu certains gens qui étaient peut-être originaires de

 21   Visnjica ? Un Serbe de Visnjica ?

 22   R.  Non. Il y en avait un qui avait les cheveux blonds et puis une queue de

 23   cheval d'une vingtaine de centimètres de long avec un ruban noir, et ils

 24   ont appelé un garde Madjarevic. Les Madjarevic vivaient dans Visnjica. Il a

 25   demandé qu'on les fouille. On leur a tout pris, l'argent, l'or. Ils ont

 26   trouvé 11 pièces d'or chez moi. J'avais de l'argent, 400 francs et 300

 27   marks. Mes dix pièces d'or. J'avais deux colliers de ma fille. Et celui qui

 28   avait les cheveux blonds et une queue de cheval, quand il a pris les pièces


Page 28541

  1   d'or, il a demandé à l'autre : Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Et l'autre

  2   lui a dit : Ecoute, prends ça, mets-le dans ta poche. Ne fais pas de

  3   bêtises. Mais ils ont pris tout l'argent. Ils ont secoué un homme. Il a

  4   demandé qu'on lui laisse 50 deutsche marks pour les cigares. Mais on lui a

  5   dit : Ecoute, on va te donner des cigares, t'inquiètes pas. Et on lui a

  6   tout pris, on lui a rien laissé.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de voir à présent la pièce

  8   P4308. Page 50. Je voudrais montrer cela au témoin.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  En attendant, est-ce que l'on a transporté qui que ce soit avant

 11   l'arrivée du général Mladic ? Est-ce qu'il y a eu des autocars qui sont

 12   arrivés avant qu'il n'arrive, ou des camions ?

 13   R.  On a vu des autocars et des camions passer en direction de Potocari,

 14   remplis des femmes, des vieillards et des enfants. Il y en avait qui

 15   étaient bâchés, d'autres non. Des autocars passaient par là aussi alors que

 16   nous, on était là, assis dans le pré.

 17   Q.  Est-ce que l'on a pris qui que ce soit dans votre groupe avant que

 18   Mladic n'arrive ou bien est-ce que vous étiez tous là au moment où Mladic

 19   est arrivé ?

 20   R.  Mais si, je vous ai dit que l'on a pris un groupe de jeunes hommes qui

 21   devaient faire partie de cette unité de travail. On les a transportés

 22   quelque part à bord d'un camion, munis de pelles et autres outils. Et puis,

 23   il y en avait un que j'ai reconnu, Fadil.

 24   Q.  Ici, on voit le pré et on voit les autocars. Etes-vous en mesure de

 25   reconnaître cela ? Après, nous allons agrandir, et vous allez pouvoir voir

 26   les maisons dont vous avez parlé.

 27   R.  Eh bien, en regardant l'écran, là où nous étions, ici, il n'y avait pas

 28   de forêt, pas d'arbres. Cette route goudronnée entre Konjevic Polje et


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  1   Bratunac, eh bien, c'était la première fois que je suis passé par cette

  2   route-là.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on agrandir le côté gauche de l'image pour

  4   que le témoin puisse voir les maisons et les prisonniers.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que vous voyez ces maisons ? Est-ce que vous voyez les gens ?

  7   R.  Non, je ne vois pas cela ici.

  8   Q.  Et voyez-vous les maisons sur la droite de l'écran - une, deux, trois

  9   maisons - et ensuite, sur la gauche, on voit un groupe de personnes. On a

 10   l'impression que c'est une forêt, mais en fait, ce sont des gens, ce sont

 11   des personnes.

 12   R.  Moi, ici, sur ces écrans, je ne m'y retrouve absolument pas. J'ai dit

 13   déjà ce que j'avais vu. Ne me posez plus de questions sur la forêt, sur la

 14   prairie. Tout ce que je sais, c'est que Ramiz Muskic a dit que cet endroit

 15   s'appelait Lolici. C'est ce qui m'a été dit, et c'est tout.

 16   Q.  Mais est-ce que cette route qui s'éloigne de vous, quand vous avez vu

 17   les autobus transportant les civils, est-ce que c'est bien le convoi ici ?

 18   R.  La route était tout près de nous. Elle n'était pas loin. Ça, ça

 19   intéresse ceux qui viennent de Bratunac et qui vont vers Konjevic Polje.

 20   Q.  Mais est-ce que l'hôpital était bien le nom de cette route, celui dont

 21   vous avez parlé ?

 22   R.  Il n'a eu aucune parole provocatrice, mais les ordres ont été donnés de

 23   s'emparer de l'argent et des bijoux. Ils ont fouillé les gens. Quand ils

 24   trouvaient des objets de valeur, ils les leur prenaient. Et s'ils ne

 25   trouvaient rien, ils les laissaient partir.

 26   Q.  Bon. Nous n'allons pas insister sur ce point.

 27   Mais quand vous êtes partis, vous avez dit que vous aviez vu des

 28   civils, des Serbes, qui n'ont manifesté aucun intérêt particulier à votre


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  1   égard, et qu'ils ne vous ont pas provoqués, n'est-ce pas ?

  2   R.  Quand on a pris quelle route ? Quand on allait vers Kravica ?

  3   Q.  Oui.

  4   R.  Non, je n'ai pas vu de civils sur cette route. Mais j'ai vu les soldats

  5   dont j'ai parlé.

  6   Q.  Merci. Et ces soldats se sont comportés normalement, n'est-ce pas ?

  7   R.  Pendant que nous marchions sur la route, personne ne nous a rien fait.

  8   Q.  Merci. Est-ce que vous avez donc tous marché à pied à partir de la

  9   prairie jusqu'à Kravica ou est-ce qu'à un certain moment on vous a donné

 10   des autobus ?

 11   R.  Nous qui étions dans la prairie, nous avons tous fait partie de la

 12   colonne.

 13   Q.  A quelle heure le général Mladic s'est-il trouvé dans cette prairie ?

 14   R.  Eh bien, ça, je ne sais pas, parce que je n'avais pas de montre. Je ne

 15   peux pas vous dire l'heure.

 16   Q.  Merci. Donc vous arrivez à Kravica. Et d'après ce que vous avez

 17   déclaré, à l'entrée de la coopérative, vous avez vu un peu plus loin un

 18   autobus et un autre autobus un peu plus près à côté duquel vous avez dû

 19   passer ?

 20   R.  Un autobus était devant l'entrepôt, et nous, nous sommes passés entre

 21   l'autobus et les murs de l'entrepôt. La route goudronnée était au-dessus de

 22   l'autobus. L'autobus était garé entre l'entrepôt et le chemin goudronné, et

 23   nous, nous sommes passés entre l'autobus et l'entrepôt. J'ai laissé passer

 24   la première porte et je suis rentré par la deuxième porte. J'ai vu que

 25   l'entrepôt était bondé. On n'aurait pas pu y trouver un millimètre d'espace

 26   libre. J'ai essayé de m'abriter dans un coin. Il y avait des soldats qui

 27   étaient debout des deux côtés de la porte, et l'un d'entre eux m'a dit :

 28   Assieds-toi. Moi, je souhaitais m'appuyer contre le mur parce que j'avais


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  1   mal au dos. En entrant, j'étais tombé. Si j'avais eu une allumette, je ne

  2   serai pas tombé.

  3   Et quand le dernier homme a pénétré dans l'entrepôt, il n'y avait

  4   plus de place pour qu'il puisse s'asseoir. Donc le soldat a proféré un

  5   juron à son encontre, il lui a donné un coup de pied dans le bas du dos. Et

  6   il a dit au soldat : Eh bien, tu vois bien qu'il n'y a pas de place pour

  7   s'asseoir. Mais l'autre a immédiatement ouvert le feu, et les tirs ont duré

  8   longtemps. Il faisait noir à l'intérieur de l'entrepôt. Les gens hurlaient,

  9   criaient, appelaient à l'aide, mais qui est-ce qui aurait pu nous aider ?

 10   Moi, je suis resté assis à côté d'un homme dont le nom était Salko

 11   Redzic. Il venait de Vlasenica. Nous sommes restés au sol pendant tout le

 12   temps. Et à un certain moment, il a simplement crié : Mon frère, je suis

 13   mort. J'ai été tué. Et il avait été touché par plusieurs balles à la

 14   poitrine.

 15   Quand les tirs se sont arrêtés, on les entendait dehors devant

 16   l'entrepôt qui bavardaient entre eux et échangeaient des plaisanteries.

 17   J'avais sur moi une chemine et un pull-over qui étaient couverts de

 18   sang, et je suis arrivé à Zepa revêtu de ces vêtements couverts de sang.

 19   Les gens m'ont dit : Garde ton pull-over, il pourra constituer une preuve.

 20   Mais voyez-vous, les réfugiés souffraient tellement parce qu'ils manquaient

 21   de vêtements que finalement ce pull-over a été donné à des gens qui l'ont

 22   lavé. Et moi, on m'a dit qu'il fallait m'en séparer.

 23   Q.  Je vous remercie. Je ne m'y retrouve pas très bien dans ce que

 24   vous dites lorsque vous dites que l'entrepôt était déjà bondé à votre

 25   arrivée. Dans votre déclaration écrite, étant donné la situation sur le

 26   plan de la sécurité à Tuzla, vous dites que le bâtiment était de couleur

 27   jaune et qu'il était presque vide quand vous êtes arrivé.

 28   R.  C'est inexact. Je me souviens très bien de cela. J'ai dit dans ma


Page 28545

  1   déclaration écrite qu'il était absolument bondé jusqu'à la deuxième porte

  2   d'entrée dans l'entrepôt. Et vous, vous pouvez dire ce que vous voulez.

  3   Moi, je maintiens ce que j'ai vu et ce que j'ai vécu. Mais vous et M.

  4   Mladic, vous êtes coupables de cela. Vous vous êtes emparé de Srebrenica.

  5   Pourquoi est-ce que vous n'avez pas laissé les gens partir ? Pourquoi est-

  6   ce que vous avez dû les tuer ?

  7   Q.  Restons-en-là. Ce n'est pas à nous qu'il appartient de parler de

  8   cela.

  9   R.  Eh bien, ce n'est pas à moi non plus dans ce cas.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, votre micro.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Toutes mes excuses.

 12   J'aimerais que nous nous penchions maintenant sur le document 1D5577.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Qui est votre déclaration faite le 27 octobre 1995, à Tuzla.

 15   Je voudrais que l'on affiche la page 3 de ce document, et c'est

 16   l'avant-dernier paragraphe qui m'intéresse.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document ne sera pas diffusé à

 18   l'extérieur du prétoire.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 3 dans la version anglaise et page 2 au

 20   bas de la page en version serbe. Donc, page 3 en version anglaise.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Voilà je voudrais vous donner lecture de ce qui est écrit. Je cite :

 23   "A l'entrée de Kravica sur la droite de la route nous avons vu un véhicule

 24   des Nations Unies qui était garé, à l'intérieur duquel se trouvaient quatre

 25   représentants des Nations Unies. Nous sommes passés à côté de ce véhicule

 26   mais nous n'avons pas parlé à ces hommes. Nous avons couvert tout le chemin

 27   escorté par des soldats qui étaient majoritairement des Chetniks serbes. Et

 28   en tête de colonne il y avait l'un de ces membres de l'escorte qui tenait


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  1   même un chien en laisse. Nous sommes arrivés à Kravica dans la soirée et

  2   ils nous ont emmenés à l'intérieur du bâtiment."

  3   R.  Je ne sais pas à quelle heure nous sommes arrivés. Je n'avais pas de

  4   montre sur moi, et je ne pouvais m'orienter que d'après le soleil.

  5   Q.  Bon.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ligne 15 du compte rendu, il faudrait

  7   sans doute lire : "Le bâtiment était complètement vide à l'intérieur."

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Si on parle du bâtiment dans lequel je suis

  9   entré, j'ai dit que ce bâtiment était bondé jusqu'à la deuxième porte

 10   d'entrée, et je le maintiens.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Mais ici dans de ce document il est écrit --

 13   R.  Mais vous, il faut bien que vous disiez qu'il n'y avait personne dans

 14   le bâtiment. Vous pouvez dire aussi que personne n'a été tué dans ce

 15   bâtiment. Mais où sont les gens si personne n'a été tué ? Il suffit d'aller

 16   à Potocari pour voir ce qu'il en est, Monsieur, ils n'ont pas été tués par

 17   la foudre ou le gel.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Enlevons la version anglaise de

 19   l'écran et agrandissons la version serbe.

 20   D'abord, pas de diffusion vers l'extérieur de ce document.

 21   Monsieur, est-ce que vous voyez votre signature au bas de cette page ? Est-

 22   ce que c'est bien votre signature qu'on voit là ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, qu'on montre au témoin la

 25   première page.

 26   Est-ce que vous voyez également votre signature au bas de cette première

 27   page ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.


Page 28547

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant, dernière page à l'écran, je

  2   vous prie.

  3   Monsieur le Témoin, ceci doit donc être la déclaration que vous avez faite

  4   devant les autorités en 1995. Vous êtes d'accord là-dessus, Monsieur,

  5   n'est-ce pas ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'accord avec ce que moi j'ai raconté.

  7   Et je n'ai rien à modifier, et rien d'autre à raconter.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, oui. Revenons à la page qui était

  9   examinée tout à l'heure.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 2.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans cette page, ce qui est écrit c'est

 12   que le bâtiment était complètement vide à l'intérieur. Est-ce que c'est une

 13   erreur ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens bien de tout cela. Je n'ai

 15   jamais dit dans la moindre déclaration que le bâtiment était vide quand je

 16   suis arrivé. Jusqu'à la deuxième porte d'entrée, le bâtiment était bondé.

 17   Et qui a écrit cela, ça ne m'intéresse pas. Pas plus que ne m'intéresse ce

 18   qui a été écrit ici.

 19   Il n'y a même pas besoin de témoins pour attester ce qui s'est passé à

 20   Potocari. A quoi pourraient-ils servir ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 22   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Eh bien, reparlons un instant de l'autobus que vous avez déjà évoqué.

 25   Est-ce qu'il y avait, quand vous l'avez vu cet autobus, est-ce qu'il y

 26   avait des gens à l'intérieur ?

 27   R.  Je n'ai pas vu. Je n'ai vu que l'autobus. Il y a des gens qui ont

 28   raconté qu'ils étaient arrivés à bord d'autobus. Mais, moi, cela n'a pas


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  1   été mon cas. Je sais que moi je suis arrivé dans une colonne, à pied.

  2   Q.  Merci. Est-ce que cet autobus présentait des traces de balle lorsque

  3   vous êtes passé à côté ?

  4   R.  Ah, j'avais le temps de regarder s'il avait des impacts de balle,

  5   vraiment c'est ça qui m'est passé par la tête, regardez ça ?

  6   Q.  Mais il n'avait pas été détruit par les balles.

  7   R.  Mais je n'ai pas vu, bon sens. Bon Dieu, la seule chose que j'ai vue

  8   c'est qu'il était garé. Moi, je m'occupais de moi, je ne m'occupais pas du

  9   sort de l'autobus, est-ce que toi si tu avais été à ma place tu aurais

 10   réfléchi à ça ? La seule chose qui nous faisait mal à la tête c'était de

 11   nous demander ce qu'il allait advenir de nos vies.

 12   Q.  Merci. Quand vous étiez à l'intérieur du bâtiment, est-ce que vous avez

 13   entendu des coups de feu à l'extérieur, de l'autre côté de la petite

 14   rivière dans la forêt ?

 15   R.  Mais je ne sais pas ce qui se passait à l'extérieur à ce moment-là. Ce

 16   que je sais c'est ce qui se passait à l'intérieur. Mais ce qui se passait

 17   dans la forêt, à l'extérieur sur la route goudronnée, je n'en sais rien.

 18   Tout ce que je sais c'est ce qui se passait à l'intérieur de l'entrepôt.

 19   Q.  Mais vous avez dit que vous avez entendu des coups de feu venant de

 20   l'extérieur ?

 21   R.  Les tirs, ils venaient de la porte. Tu comprends ce que je raconte,

 22   comment est-ce que tu peux à l'intérieur savoir ce qui se passe à

 23   l'extérieur ? Tout ce que je savais c'est qu'on tirait sur les portes et

 24   sur les fenêtres. Comment tu peux voir ce qui se passe à l'extérieur ? Est-

 25   ce que tu peux le voir ou est-ce que Allah peut le voir ?

 26   Q.  Bon, avant ces tirs sur les portes et les fenêtres, est-ce que vous

 27   auriez entendu quelqu'un qui tirait à distance sur l'entrepôt ?

 28   R.  Bon, enfin, est-ce que tu te rends compte, j'ai déjà raconté ce que


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  1   j'avais à raconter. Alors, maintenant, arrête de me poser des questions, ne

  2   me demande pas ce qui se passait dehors ou dans les environs.

  3   Q.  Bon.

  4   R.  "Bon ou pas bon", ne me présente pas des contes de fée que je n'ai

  5   absolument pas dit en disant que c'est ce que j'ai dit. Moi, j'ai dit ce

  6   qui se passait à l'intérieur de l'entrepôt, c'est tout. Quant à ce qui se

  7   passait à l'extérieur de l'entrepôt, je ne pouvais pas le voir.

  8   Q.  Bon. Est-ce que vous dites que des Zolja et des Osa, des lance-grenades

  9   multiples ont été utilisées pour tirer sur l'entrepôt ? Est-ce que vous

 10   avez vu des hommes utiliser ces armes pour tirer sur l'entrepôt ?

 11   R.  Je ne sais pas quelles sont toutes les armes qui ont été utilisées pour

 12   tirer. J'ai déjà dit que dans l'entrepôt il faisait noir, et tellement noir

 13   qu'on ne voyait pas à 5 ou 6 mètres.

 14   Q. Mais dans cette déclaration, je crois que c'est bien dans celle-ci, vous

 15   avez dit que l'on avait utilisé des Osa et des Zolja pour tirer sur vous.

 16   R.  Comment est-ce que j'aurais pu voir les armes utilisées, je ne vais pas

 17   dire quelles sont les armes. Tout ce que j'ai vu c'est toute la population

 18   à l'intérieur de l'entrepôt s'est fait tirer dessus.

 19   Q.  Page 2, paragraphe 3, vous dites qu'ils ont utilisé des Zolja et des

 20   Osa pour tirer sur vous. Est-ce que vous retirez cette déclaration ?

 21   R.  Je ne sais pas ce qu'ils ont utilisé pour me tirer dessus, vous

 22   comprenez, est-ce qu'ils ont utilisé des Zolja, des Osa, des mitrailleuses,

 23   des grenades. Mais enfin, globalement, tout a servi pour tirer. Moi, j'ai

 24   simplement foncé ma tête dans mes épaules et essayé de sauver ma vie.

 25   Q.  Est-ce que quelque chose a pris feu à l'intérieur de l'entrepôt suite à

 26   ces coups de feu ?

 27   R.  Je n'ai pas vu ça pendant mon séjour à l'intérieur. Après, je ne sais

 28   pas. Plus tard, je ne sais pas.


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  1   Q.  (expurgé)

  2   à l'aube, 2 000 personnes ont été tuées, et que plus tard, vous avez dit

  3   que c'était une erreur dans un autre entretien avec les représentants du

  4   bureau du Procureur et que vous retiriez cela ?

  5   R.  Ce n'est pas ce que j'ai dit. Tout ce que j'ai dit c'est que j'avais

  6   entendu dire qu'il y avait à peu près 2 000 personnes à Lolici. Et à

  7   l'intérieur de l'entrepôt, moi, je suis encore vivant, et il y en avait un

  8   autre, (expurgé) qui a survécu en même temps que moi, mais il a été tué

  9   70 jours plus tard à Baljkovica, il a marché sur une mine. (expurgé)

 10   (expurgé)

 11   (expurgé)

 12   (expurgé). Il est

 13 passé par la fenêtre, il a sauté et il a survécu et il est arrivé à rejoindre

 14 Zepa. Il est resté toute la journée blessé au bas de la fenêtre. Il a dit que

 15   personne n'a fait attention à lui parce qu'ils pensaient qu'il était mort.

 16   Q.  Merci. Est-ce que vous avez dit que ces cadavres étaient couverts de

 17   paille ou de foin, selon ce que vous avez entendu dire à quelqu'un ?

 18   R.  Les cadavres qui sont tombés au sol sont restés là. On ne les a pas

 19   emportés, mais on les a simplement recouverts de foin. Et moi, je me suis

 20   dit : Pourquoi est-ce qu'on les laisse là ? Est-ce que c'est pour mettre le

 21   feu après ? Je ne voulais pas être brûlé vif.

 22   Q.  Mais pendant la nuit, est-ce que quelqu'un a retiré les cadavres ?

 23   R.  Ils l'ont fait pendant la journée, avant la soirée. Et quand le soir

 24   est arrivé, ils ont chargé ces cadavres dans une benne qui se trouvait là,

 25   qui était garée. Moi, je crois que j'ai réussi à me sauver dans la nuit du

 26   14 au 15 avec ce (expurgé) que j'ai déjà mentionné, (expurgé) C'était un

 27   jeune que j'ai supplié d'accepter ma présence à ses côtés, mais il ne le

 28   souhaitait. (expurgé) et moi-même sommes arrivés sur la route


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  1   goudronnée, et sur le côté droit de la route, tout d'un coup, quelqu'un a

  2   dit : Arrêtez-vous. Mais moi je ne me suis jeté au sol, et quand il a crié

  3   sur moi à trois reprises en me disant : Debout, debout, et debout une

  4   troisième fois, à ce moment-là j'ai couru vers la rivière et j'ai bu un peu

  5   d'eau. Mais le jeune courait derrière moi, et je ne pouvais pas communiquer

  6   facilement avec lui parce qu'il était malentendant, et nous avons traversé

  7   un champ de maïs. Ensuite, nous avons trouvé un chemin qui nous a conduits

  8   jusqu'à la rivière. Encore une fois, je suis descendu au bord de la rivière

  9   pour me rafraîchir et boire un peu d'eau. Et nous deux ensemble, nous avons

 10   sauté par-dessus un tronc d'arbre, et j'ai entendu des tirs qui venaient de

 11   l'entrepôt. Et l'autre homme, je ne l'ai plus jamais vu.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, un instant. Mme West peut

 13   vérifier pour nous indiquer s'il faut expurger le compte rendu d'audience à

 14   la troisième ligne de la page précédente éventuellement.

 15   Veuillez poursuivre.

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21   Mme WEST : [interprétation] J'aimerais que nous passions à huis clos

 22   partiel.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 24   [Audience à huis clos partiel]

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 25   [Audience publique]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez besoin d'une pause,

 27   Monsieur ? Est-ce que vous allez bien ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai mal à la dent.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous en avez encore pour combien de

  2   temps, Monsieur Karadzic ? Vous êtes pratiquement arrivé au bout du temps

  3   qui vous avait été octroyé.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais m'efforcer d'en terminer avant la fin

  5   de la présente partie de l'audience, mais le témoin est assez fatigué et

  6   ses réponses sont assez longues. Donc cela dépend aussi de cela.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Vous avez utilisé pratiquement la

  8   totalité du temps qui vous avait été imparti. Vous avez éventuellement

  9   perdu du temps. Et maintenant, vous allez dire que vous avez besoin de plus

 10   de temps ? Mais je crois que c'est pratiquement inacceptable.

 11   Je vais consulter le greffier pour voir de combien de temps vous disposez

 12   encore.

 13   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On me dit qu'il vous reste cinq minutes,

 15   Monsieur Karadzic.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je pose des questions concrètes

 17   qui ne justifient pas des réponses aussi longues. Le témoin souhaitait

 18   s'exprimer de façon plus détaillée, plus complète, et je ne peux pas

 19   influer sur sa décision. Je ne peux pas l'en empêcher.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas moi qui réponds longuement, mais

 21   c'est toi qui me poses des questions qui me poussent à répondre longuement.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre ne va pas polémiquer avec

 23   vous, Monsieur Karadzic. Vous disposez de cinq minutes.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-il exact - et je vous en prie, Monsieur, répondez-moi le plus

 27   brièvement possible, si possible par oui ou par non - est-il exact que vous

 28   avez dit que certaines personnes ont survécu à la fusillade du 13 dans la


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  1   soirée et que certaines de ces personnes ont été tuées le 14 dans la

  2   matinée ? Donc il y a eu de nouveaux tirs le 14 dans la matinée.

  3   R.  Le 14, ils ont dit : Est-ce qu'il y a des vivants ici ? Qu'ils sortent

  4   les blessés pour qu'on les emmène à l'hôpital. Et il y en a qui sont

  5   sortis. Combien sont sortis et qui est sorti, je ne sais pas. Mais ceux qui

  6   sont sortis ont été tués.

  7   Q.  Comment le savez-vous ?

  8   R.  Comment je le sais ? Je le sais parce qu'il y a eu des fusillades et

  9   qu'on ne les a plus jamais revus. Si moi j'étais sorti, sans doute que je

 10   ne serais pas ici non plus aujourd'hui.

 11   Q.  Combien de personnes avaient survécu ? Combien de personnes ont accepté

 12   de sortir le 14 dans la matinée ?

 13   R.  Je n'ai pas compté, Monsieur. Est-ce que toi, t'aurais compté si tu

 14   avais été à ma place ?

 15   Q.  Merci. Où se trouvait l'asphalte qu'ils ont lavé, et pour quelle raison

 16   l'ont-ils lavé ?

 17   R.  Je ne sais pas pourquoi ils l'auraient lavé s'il n'y avait pas eu de

 18   sang. Ils ne l'ont pas lavé parce que c'était un sol propre et sec.

 19   Q.  Est-ce qu'ils ont lavé l'asphalte de la rue ou devant l'entrepôt ?

 20   R.  Devant l'entrepôt. Le camion citerne giclait de l'eau.

 21   Q.  Merci. Et à ce moment-là, vous êtes resté au sol en dessous du corps de

 22   plusieurs cadavres pendant 24 heures ?

 23   R.  Vingt-quatre peut-être, et peut-être même plus. Et après minuit, quand

 24   je n'entendais plus le son d'une seule voix devant l'entrepôt, j'ai

 25   commencé à me déplacer. Je me suis relevé. Et j'ai passé sans doute une

 26   heure assis parce que j'avais les jambes complètement engourdies. Et les

 27   bras aussi.

 28   Q.  Merci. Merci. Cette nuit-là, la nuit du 14 au 15, vous avez vu des


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  1   engins lourds, et vous dites que vous pouviez en distinguer la couleur

  2   parce que la visibilité était bonne.

  3   R.  De quelle couleur ? Quelle couleur ?

  4   Q.  Vous avez vu que les engins lourds étaient de couleur jaune, n'est-ce

  5   pas ?

  6   R.  Je ne me rappelle pas quelle était leur couleur. Moi, je suis sorti à

  7   côté de la pelleteuse. Ce n'est pas qu'il faisait jour, mais il n'y avait

  8   pas de nuages. Et je n'ai même pas vu le soldat qui était à droite sur la

  9   route asphaltée tant qu'il ne m'a pas dit : Stop, arrête.

 10   Q.  Vous avez dit cela dans votre déclaration écrite de 2003, le 14

 11   juillet. En page 1 248, vous dites que les engins étaient de couleur jaune

 12   et qu'il s'agissait d'équipements civils. Et en audience publique pendant

 13   votre audition du 10 avril 2000, quand vous avez été interrogé par M.

 14   Cayley, en page 2 467 du compte rendu d'audience, vous dites que la

 15   visibilité était bonne à ce moment-là parce que le ciel était clair.

 16   R.  Oui, le ciel était clair. Mais il n'y avait pas de lune. Quant à la

 17   couleur, vous pouvez dire ce que vous voulez. Vous pouvez dire que ces

 18   engins étaient bleus, verts ou jaunes. Moi, ce n'est pas la couleur qui

 19   m'intéresse. Ce qui m'intéressait seulement, c'était de sauver ma tête.

 20   Q.  Merci. Et vous avez réussi de vous éloigner à une distance de 200 ou

 21   300 mètres de l'entrepôt immédiatement, n'est-ce pas ? C'est ce que vous

 22   avez dit.

 23   R.  Je ne sais pas quelle était la distance exacte, mais ce que je peux

 24   dire, c'est que j'avais entendu trois rafales non loin de l'entrepôt.

 25   Q.  Mais le ciel était clair et il a commencé à pleuvoir quand vous étiez

 26   cachés --

 27   R.  Il a commencé à pleuvoir pendant la nuit. Nous, nous nous sommes

 28   cachés, quand les premières gouttes ont commencé, sous un tronc d'ardre


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  1   parce qu'on était mouillés à ce moment-là. Il a commencé à faire jour.

  2   Celui qui était avec moi connaissait bien le terrain. Et s'il m'avait dit :

  3   Allons à Kravica, je l'aurais suivi parce que je ne savais même pas où je

  4   me trouvais. Donc c'est lui qui m'a traîné derrière lui pendant cinq jours.

  5   J'ai trouvé des gens de Bratunac qui m'ont dit : Allons à Zepa. Un habitant

  6   de Srebrenica m'a dit qu'il y avait de l'espoir à Zepa parce que Zepa

  7   n'était pas encore tombée. Les embuscades n'étaient plus très importantes.

  8   Et il a dit qu'il connaissait le chemin. Mais il ne voulait pas aller à

  9   Zepa, il voulait simplement aller au voisinage. Moi, je ne connaissais pas

 10   la route, et c'est comme ça que j'ai décidé de le suivre et j'ai pris la

 11   direction de Zepa.

 12   Q.  Merci. Pour information des personnes dans la salle, dans la

 13   déclaration du témoin faite le 14 juillet 2003, en page 1 226 du compte

 14   rendu d'audience, vous dites que vous vous êtes déplacé à une distance de

 15   200 ou 300 mètres de l'entrepôt et que la pluie a commencé à ce moment-là.

 16   Donc vous n'êtes pas parti très loin avant que dans ce ciel clair la pluie

 17   se mette à tomber.

 18   R.  Oui. Moi, je ne suis pas Dieu. Je ne peux pas dire : La pluie va tomber

 19   maintenant ou maintenant il va faire clair. Et toi non plus tu ne peux le

 20   faire. Personne ne peut le faire.

 21   Q.  Merci. Et à ce moment-là, vous dites que vous avez vu des cadavres au-

 22   dessus de Jelah, n'est-ce pas, dans la rivière ? Huit cadavres.

 23   R.  Oui, oui, c'était sur la colline au-dessus de Jelah. Et ces cadavres

 24   ont été retrouvés plus tard.

 25   Q.  Merci. Entre le 15 et le 26 juillet, ou même entre le 15 juillet et le

 26   3 août, vous vous êtes caché dans les bois, n'est-ce pas ?

 27   R.  Je suis arrivé à Zepa le 29 juillet. Mais Zepa est tombée. J'y ai passé

 28   sept jours. Je connaissais assez bien le terrain, depuis Vratar jusqu'à


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  1   Satver [phon]. Je suis retourné à Srebrenica, et jusqu'au 9 septembre, je

  2   me suis caché dans la forêt.

  3   Q.  Vous êtes même allé dans votre village, n'est-ce pas ?

  4   R.  Je suis allé dans tous les villages pour chercher à manger. Je n'avais

  5   plus rien à manger.

  6   Q.  Et à ce moment-là, vous avez pris le chemin de Kladanj, n'est-ce pas ?

  7   R.  A ce moment-là, nous avons décidé d'aller vers Kladanj parce qu'on ne

  8   pouvait plus rien trouver à manger. Nous étions dix qui avions pris le

  9   chemin. Il y en a un qui est resté là-bas à Zutica. Et nous sommes restés

 10   neuf. Mais aucun d'entre nous ne connaissait le chemin. Nous avons erré un

 11   peu comme des bœufs. Nous sommes partis le 9 et nous sommes arrivés à

 12   Kladanj le 18.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous devriez

 14   maintenant mettre un point final à votre contre-interrogatoire. Ce sera

 15   votre dernière question.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Pendant ce temps où vous vous êtes cachés et où vous êtes allés à Zepa,

 18   puis en passant par Srebrenica à Kladanj, est-ce que vous avez rencontré

 19   des civils ou des militaires, mais des Serbes ?

 20   R.  Oui. Là-bas dans la forêt - je ne me rappelle même pas comment elle

 21   s'appelait, cette forêt - nous avons subi une embuscade, mais nous n'avons

 22   pas été pris. Ils patrouillaient sur les collines, ils sont passés dans le

 23   coin. Nous, nous sommes descendus dans un vallon où il y avait un ruisseau,

 24   et dans le ruisseau nous avons vu deux cadavres. Et quand nous sommes

 25   ensuite remontés sur la colline, nous ne savions plus du tout où nous

 26   étions. Nous avons vu de la fumée qui sortait des casemates.

 27   Encore une fois, il pleuvait, donc nous nous sommes un peu protégés. Nous

 28   nous sommes cachés dans une grotte. Il faisait déjà sombre. On entendait


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  1   des bruits d'arbres qui tombaient et des gens qui faisaient du feu dans les

  2   casemates. On a décidé d'aller dans cette direction. On était sur une route

  3   goudronnée, on a suivi cette route et on est arrivé dans une casemate

  4   éclairée où l'un des membres de notre groupe tapait du pied dans une

  5   branche. La branche s'est cassée, elle a fait un bruit de craquement qui

  6   ressemblait au bruit d'un tir de pistolet, et à ce moment-là ils ont

  7   commencé à ouvrir le feu sur nous à partir de la casemate. On a réussi à

  8   s'abriter et on a attendu la levée du jour non loin de la casemate, et

  9   ensuite on a commencé à redescendre la pente. On a entendu des tirs, mais

 10   c'étaient des balles qu'on tirait. Manifestement, il y avait là une ligne

 11   de démarcation. On est retourné un peu plus haut sur la colline et on

 12   voyait de là une autre colline. Et j'ai vu des arbres. J'ai pensé qu'il

 13   pouvait s'agir d'un village.

 14   On a commencé à marcher dans ce qu'on croyait être le village, on a

 15   traversé la forêt et on est arrivé à un ruisseau. On a vu qu'il y avait un

 16   arbre sur lequel il était écrit "Huso", c'était un mot qui avait été gravé

 17   dans l'arbre. Avec une flèche. Donc on a suivi la flèche. Même si on

 18   pensait que c'était peut-être un piège. Et on est arrivé à un deuxième

 19   ruisseau et on pensait qu'il y avait quelqu'un là. On s'est écartés de

 20   nouveau de ce ruisseau, à 10 ou 12 mètres plus loin, quand on a vu une

 21   casemate tout près de là. On a vu de la fumée, on est resté là quelque

 22   temps. Et tout d'un coup, on a entendu quelqu'un qui criait : Huso, Huso,

 23   viens ici. L'un de nous a sursauté à ce moment-là et a dit : Ce sont des

 24   Musulmans. Et on a entendu : Si vous êtes Musulmans, venez ici. Il a dit :

 25   Je suis de Srebrenica. Et l'autre homme s'est rapproché de nous. C'était un

 26   soldat, mais il ne portait pas d'uniforme. Nous lui avons demandé d'où il

 27   venait. Il a dit qu'il était de la région -- je ne connaissais pas. Il a

 28   dit que c'était un village tout près. Et on lui a demandé s'il était au


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  1   courant de ce qui s'était passé.

  2   Ils nous ont donné du café et à déjeuner, et ensuite nous sommes allés vers

  3   un endroit qui était non loin de Kladanj.

  4   Q.  Donc c'était une casemate musulmane ?

  5   R.  Oui, musulmane. Il nous a demandé où nous avions traversé les lignes.

  6   On lui a dit qu'on avait traversé en passant par la colline. Il nous a dit

  7   comment s'appelait colline. C'était un nom que je ne connaissais pas à ce

  8   moment-là.

  9   Q.  Merci beaucoup, Monsieur le Témoin. Je n'ai plus de temps pour vous

 10   poser d'autres questions.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, est-ce que vous avez des

 12   questions supplémentaires ?

 13   Mme WEST : [interprétation] Oui, rapidement.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie.

 15   Nouvel interrogatoire par Mme West :

 16   Q.  [interprétation] Monsieur, ma question porte sur ce que vous avez dit à

 17   peu près à la page 38 et suivantes du compte rendu d'aujourd'hui. Il était

 18   question d'une déclaration faite par vous en octobre 1995. Il n'est pas

 19   nécessaire d'afficher la déclaration.

 20   Mais je voudrais vous lire une nouvelle fois la citation qui a fait l'objet

 21   de la question qui vous était posée.

 22   Je cite :

 23   "J'ai entendu dire qu'il s'agissait d'un entrepôt agricole. Le bâtiment

 24   était vaste, il y avait une façade jaune et une loge de portier à l'entrée

 25   de l'entrepôt. Le bâtiment était totalement bondé, il n'y avait pas un

 26   millimètre de libre à l'intérieur, et nous sommes entrés et nous sommes

 27   assis sur le sol en béton."

 28   Alors, Monsieur le Témoin, est-il possible que ce que vous vouliez dire


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  1   durant cet entretien, c'est que l'entrepôt n'abritait aucun engin lourd

  2   mais qu'il était plein de personnes ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça, vraiment, je crois, que c'est exagéré.

  4   Mme WEST : [interprétation] Je peux retirer ce que j'ai dit.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] L'entrepôt était plein de personnes, et il n'y

  6   avait pas de matériel, pas d'engin, du tout.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame West.

  8   Mme WEST : [interprétation]

  9   Q.  Donc, Monsieur le Témoin, lorsque vous vous êtes trouvé à l'intérieur,

 10   est-ce que vous vous rappelez avoir vu à l'intérieur des véhicules ou des

 11   engins lourds ou des machines de quelque nature quelle soit ?

 12   R.  Quand je suis entré, il ne s'agissait pas d'un entrepôt mais de

 13   plusieurs entrepôts. Il n'y avait pas de matériel, pas d'engin. Simplement

 14   des personnes.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Monsieur Karadzic, si vous

 16   le souhaitez, nous pouvons admettre ce document au dossier, cette

 17   déclaration du témoin.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Avec joie, Excellence. J'apprécierais que ce

 19   document soit versé au dossier, cette déclaration du témoin. Et d'ailleurs,

 20   à la lecture de ce document, vous verrez qu'il était un soldat. Ce qu'il a

 21   tu, semble-t-il, jusqu'à présent.

 22   L'INTERPRÈTE : Madame West est inaudible.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons admettre le document 1D5557,

 24   à conserver sous pli scellé.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D2255, sous pli scellé.

 26   Mme WEST : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce P4270.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je intervenir ? Il s'agissait du document

 28   1D5577. Avec deux 5, suivi de deux 7.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   Mme WEST : [interprétation] Je demande l'affichage à présent de la pièce

  3   P4270, page 3 [comme interprété].

  4   Q.  Donc, à partir de la page 32 du compte rendu de l'audience

  5   d'aujourd'hui, il a été question au cours de votre contre-interrogatoire de

  6   cartouchières, et vous avez dit avoir vu des hommes qui portaient des

  7   cartouchières dans le secteur de la route et de la prairie.

  8   Est-ce que vous voyez la photo qui se trouve devant vous à l'écran, celle

  9   qui correspond à la majuscule A, sur la gauche de l'écran ?

 10   Vous voyez une photo devant vous à l'écran, Monsieur ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Merci. Je ne vous pose pas de question sur l'identité des hommes que

 13   l'on voit sur la photo, mais vous voyez que l'homme qui est à droite sur la

 14   photo porte ce qui ressemble à deux cartouchières qui se croisent sur sa

 15   poitrine, n'est-ce pas ?

 16   Est-ce que ceci vous rappelle quelque chose ?

 17   R.  Je ne les connais pas.

 18   Q.  Cela ne pose pas de problème. Ce n'est pas leur identité qui

 19   m'intéresse. Ce qui m'intéresse, c'est ce qu'ils portent sur le corps.

 20   R.  Mais je ne peux pas dire que je les connais quand je ne les connais

 21   pas, ceux qui sont sur la photo. Ce n'est pas moi qui lui ai mis ces

 22   cartouchières sur le corps.

 23   Q.  Merci, Monsieur.

 24   Mme WEST : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on lui demander s'il s'agit là de

 26   munitions que l'on utilise pour des fusils automatiques.

 27   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 28   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en sais rien, moi. Moi, je n'avais pas de

  2   fusil automatique. Moi, j'avais mon fusil de chasse. C'est tout ce que

  3   j'avais.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins que les Juges aient des

  5   questions pour vous, avec ceci se termine votre déposition. C'est le

  6   dernier témoin du Procureur en l'espèce. Au nom des Juges de la Chambre et

  7   du Tribunal, je voudrais vous remercier d'être venu à La Haye pour déposer.

  8   Maintenant, vous pouvez disposer.

  9   Vous pouvez accompagner le témoin.

 10   Mais avant cela, on va tirer les volets.

 11   [Le témoin se retire]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, je pense que nous pouvons

 13   poursuivre. Mais on va donc lever les stores à nouveau.

 14   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Encore quelques points avant de lever la

 16   séance.

 17   Monsieur Tieger, êtes-vous en mesure de répondre à la question que je vous

 18   ai posée, à savoir de donner la position du bureau du Procureur concernant

 19   la traduction de la pièce 976 ?

 20   M. TIEGER : [interprétation] Evidemment que nous n'avons pas de problème

 21   avec ce que dit le CLSS; cependant, nous ne pensons pas que ceci peut être

 22   vraiment ajouté à la pièce à conviction. Donc la traduction est telle

 23   qu'indiquée par le CLSS. Et nous pouvons à tout moment verser cela au

 24   dossier vu que c'est disponible.

 25   Donc c'est pour cela que nous ne sommes pas d'accord avec la requête.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais maintenant énoncer la décision

 27   de la Chambre.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Après avoir examiné le mémorandum du

  2   CLSS ainsi que les écritures des parties, les Juges de la Chambre prenne

  3   note du fait que dans l'original en B/C/S, il est clair que l'objet du

  4   verbe "forcer" concerne "l'ennemi", donc "forcer l'ennemi", à en juger de

  5   la construction grammaticale de la phrase.

  6   Les Juges ne considèrent pas que la traduction en langue anglaise est

  7   claire par rapport à ce point et laisse ouverte la possibilité qu'aussi

  8   bien "ennemi" que "population musulmane" pourrait être le complément

  9   d'objet direct du verbe "forcer".

 10   C'est pour cela que la Chambre demande au CLSS de fournir une traduction

 11   revue et corrigée de cette partie-là de la pièce P976 de sorte que la

 12   traduction reflète fidèlement l'original.

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23   [Audience à huis clos partiel]

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16   [Audience publique]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, j'aimerais savoir si d'autres

 18   points doivent être soulevés.

 19   Oui, Madame West.

 20   Mme WEST : [interprétation] Quelques corrections à apporter au compte rendu

 21   d'audience.

 22   A la page 31, ligne 21, c'est Lolici au lieu de Molici.

 23   A la page 6, ligne 13, c'est Fadil avec un "L", et non Fadir avec un "R".

 24   Et puis - je veux le faire en audience publique - la page 43, ligne 22, le

 25   témoin a dit : "Il y avait un homme qui s'appelait…," et le nom n'est pas

 26   consigné au compte rendu d'audience. Mais nous inscrirons ce nom, et je

 27   demanderais ensuite que ce nom soit expurgé.

 28   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   Oui, Monsieur Tieger.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Deux questions très brèves. Tout d'abord, compte tenu de la nature de cette

  5   requête, il était évident que nous aimerions avoir la possibilité d'avoir

  6   un document plus important en termes de nombre de mots puisqu'il s'agit

  7   donc d'arguments que nous allons présenter sans utiliser un témoin. J'en ai

  8   parlé avec Me Robinson, qui n'a aucune objection à cela.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. D'accord.

 10   Nous faisons droit à votre demande.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 12   Enfin, dernière chose, les Juges de la Chambre ne sont pas sans savoir que

 13   les parties ont décidé d'adopter un processus en termes de versement de

 14   documents direct sans le truchement d'un témoin, et ceci signifie qu'il y

 15   aura énormément d'échange d'informations avant le dépôt de ces documents

 16   auprès des Juges de la Chambre, en espérant que ceci facilitera la tâche de

 17   tout le monde et que ceci permettra également de réduire le nombre de

 18   documents qui seront versés et d'éviter qu'il y ait un nombre important

 19   d'arguments qui soient avancés pour les documents qui devront être versés

 20   directement. Il est évident que nous essayons de réduire au minimum les

 21   dernières requêtes de façon à éviter le risque qui serait plus important

 22   d'avoir des réponses à des requêtes. Je voulais simplement mentionner cela.

 23   Et je remercie donc les Juges de la Chambre de faire preuve de patience

 24   pour cette partie de l'affaire qui est la fin de la présentation des moyens

 25   à charge.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 27   Maître Robinson.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Merci. Je voudrais maintenant revenir au Dr


Page 28567

  1   Karadzic qui a procédé au contre-interrogatoire de 200 témoins pour 741

  2   heures pendant deux ans, et il a fait ceci seul, donc ceci est une gageure.

  3   Et maintenant, nous pouvons aller de l'avant et nous réjouir de procéder à

  4   des interrogatoires principaux durant la phase suivante du procès.

  5   Merci.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Merci. Nous comprenons très bien tous les

  7   efforts qui ont été consentis par tout le monde. Nous voulions transmettre

  8   ceci directement, mais en même temps nous ne voulions pas nous ingérer dans

  9   quelque processus que ce soit.

 10   Donc je suis désolé de ne pas l'avoir mentionné auparavant, mais nous

 11   ne voulions pas non plus donner une fausse impression de notre position

 12   ici.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La séance est maintenant levée.

 14   -- L'audience est levée à 11 heures 59, sine die.

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