Page 30142
1 Le mardi 13 novembre 2012
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 14.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Nous avons
6 eu une fois de plus un retard aujourd'hui pour les raisons de difficultés
7 techniques.
8 Je voudrais retourner vers une question que M. Robinson a évoquée hier au
9 sujet des contacts que l'Accusation a eu avec les témoins de la Défense. A
10 la fin de vos arguments, Monsieur Robinson, vous avez dit, je cite, le
11 compte rendu d'audience page 30 105, lignes 11 à 14, il y est, je cite :
12 "Toutefois, je voulais que ceci soit consigné au compte rendu et demandé à
13 M. Tieger de s'assurer que la totalité des membres du bureau du Procureur
14 et non pas seulement les membres de son équipe à lui mais de toutes les
15 équipes qui seraient dans la nécessité de contacter des témoins se
16 conformer aux ordonnances des Juges de la Chambres.
17 Alors ce que je me demande c'est ce que vous entendiez par "autres équipes"
18 ? Est-ce que vous vouliez dire que, par exemple, l'équipe qui est chargée
19 du procès Mladic devrait se conformer à l'ordonnance des Juges de la
20 Chambre -- de cette Chambre-ci ?
21 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est exactement
22 ce que je pensais parce que l'Accusation est une instance seule et unique
23 et ils sont censés se conformer à des obligations pour ce qui est des
24 communications de pièces indépendamment du fait de savoir si une affaire ou
25 une autre affaire qui est en question. Et en plus, il y a une question qui
26 est survenue en corrélation avec l'affaire Tolimir parce que nous avons été
27 informés du fait que deux témoins que l'Accusation avait souhaité contacter
28 et/ou il y en a un qui a déjà par inadvertance été contacté --
Page 30143
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Un instant.
2 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est tout simplement inacceptable.
4 M. ROBINSON : [interprétation] Peut-être pourrions-nous passer au prétoire
5 numéro 2.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais nous devons lever l'audience une
7 fois de plus.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est des raisons techniques … enfin vous avez
9 dit c'est inacceptable …
10 Je pense que vous aviez parlé de raisons techniques qui sont inacceptables,
11 ce n'est pas ce que M. Robinson a dit …
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons lever l'audience
13 jusqu'à nouvel ordre.
14 --- L'audience est suspendue à 9 heures 18.
15 --- L'audience est reprise à 10 heures 16.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à vous, de nouveau. Je dois
17 d'abord savoir quel ordinateur est le mien.
18 Est-ce que cela signifie que nous avons perdu le reste du compte rendu
19 d'audience ou de compte rendu qui avait été consigné pour aujourd'hui ?
20 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je dois vérifier et voir jusqu'à quand
22 ceci a été consigné.
23 Maître Robinson.
24 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je crois que je
25 me suis arrêté où nous avons estimé que l'Accusation avait contacté les
26 témoins -- pas de microphone.
27 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
28 M. ROBINSON : [interprétation] Il n'est pas allumé.
Page 30144
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est mon erreur. Par inadvertance, j'ai
2 appuyé sur le bouton. Veuillez poursuivre.
3 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, voici notre
4 point de vue étant donné que l'Accusation estime qu'elle -- nous estimons
5 qu'elle doit se conformer à votre ordonnance qu'il s'agisse d'un membre de
6 l'équipe de Karadzic ou pas. Je vous ai dit que l'occasion s'est présentée
7 la semaine dernière la question a été soulevée lorsqu'un membre de l'équipe
8 de l'Accusation m'a parlé de cela un membre de l'équipe Tolimir souhaitait
9 interviewer deux témoins qui figurent sur notre liste. Et donc ils nous ont
10 contactés conformément à votre ordonnance et nous avons contacté les
11 témoins maintenant nous avons informé l'Accusation qu'ils peuvent contacter
12 et pouvaient contacter le témoin. Et donc ceci s'est bien passé outre ce
13 contact qui a été fait par inadvertance par l'Accusation, et nous estimons
14 que ceci devrait être la norme à suivre par la suite lorsqu'il y a un
15 contact établi par l'Accusation avec un -- de nos témoins.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors deux questions préliminaires. La
17 première vous est adressée, Maître Robinson. Lorsque vous avez parlé d'un
18 contact qui avait été fait par inadvertance par un membre de l'équipe de
19 l'Accusation, est-ce que vous vouliez parler de l'équipe Tolimir et le
20 contact établi avec les témoins de la Défense ?
21 M. ROBINSON : [interprétation] En réalité, il s'agit d'un enquêteur qui
22 travaille dans cette affaire-ci mais qui travaille également dans l'affaire
23 Tolimir, et j'ai été informé par l'Accusation qu'il était entré en contact
24 avec le témoin sans comprendre le véritable sens et de l'ordonnance rendue
25 par la Chambre de première instance.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc cet enquêteur fait partie de
27 l'équipe du bureau du Procureur dans l'affaire Karadzic ?
28 M. ROBINSON : [interprétation] Oui.
Page 30145
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous confirmer cela ?
2 M. TIEGER : [interprétation] Non pas complètement, techniquement
3 parlant, c'est vrai, mais le même enquêteur qui travaille dans
4 l'affaire Tolimir et qui faisait partie de l'équipe a été un contact
5 à la demande de l'équipe qui travaillait dans l'affaire Tolimir. Et
6 l'Accusation a réagi de façon très efficace, me semble-t-il, dans les
7 deux cas, à savoir l'Accusation a notifié les autres membres de
8 l'équipe ainsi que des membres de l'autre équipe sur l'existence de
9 l'ordonnance rendue par la Chambre de première instance, et cet
10 enquêteur en particulier dans l'affaire Tolimir est entré en contact
11 rapidement. Et Me Robinson sait qu'il n'y a pas eu de violation à
12 dessein de l'ordonnance rendue par la Chambre de première instance.
13 L'équipe Karadzic a réagi très vite pour avertir tout le monde qu'il
14 s'agit d'une question -- il s'agit d'un cas où l'équipe de
15 l'Accusation dans l'affaire Tolimir a demandé à un enquêteur
16 particulier d'entrer en contact avant que l'enquêteur n'ait été
17 informé des conditions de l'ordonnance de la Chambre de première
18 instance. Donc Me Robinson comprend cela. Rien ne laisse penser le
19 contraire, en ce qui me concerne.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais, Monsieur Tieger, c'est sans doute
21 une question qui ne vous est pas destinée, mais ceci me semble curieux :
22 Pourquoi l'équipe dans l'affaire Tolimir avait-elle besoin d'avoir un
23 entretien avec les témoins, compte tenu de l'état d'avancement de cette
24 affaire ?
25 M. TIEGER : [interprétation] Ecoutez, je ne suis pas en mesure de répondre
26 au nom d'autres parties, M. McCloskey ou d'autres avocats, quels efforts
27 ont été déployés, mais je peux me renseigner pour savoir pourquoi c'était
28 le cas. Et si ces témoins particuliers sont peut-être des témoins que l'on
Page 30146
1 estime à même de pouvoir fournir des éléments d'information, informations
2 qui étaient portées à l'attention de la Chambre de première instance et qui
3 peuvent avoir une incidence significative ou non sur l'affaire Tolimir, et
4 ce sont des choses dont souhaitent être informés les Juges de la Chambre
5 plutôt plus tôt que plus tard.
6 Les Juges de la Chambre savent, par exemple, que les requêtes en vertu de
7 l'article 115 sont déposées après que soit rendu le jugement, donc
8 quelquefois il est nécessaire d'agir rapidement quand certains éléments
9 semblent indiquer qu'il existe des informations qui pourraient être
10 présentées à l'attention des parties et des Juges de la Chambre de première
11 instance.
12 Mais ça c'est une des possibilités. Je souhaite simplement dire que si on
13 laisse entendre qu'ils ont agi ainsi à la demande de l'équipe Karadzic,
14 ceci n'est absolument pas le cas. L'intérêt qui était le leur n'avait rien
15 à voir avec cela.
16 Et puisque je suis debout, je souhaite vous dire ceci, nous partageons, je
17 crois, l'attitude perplexe qui est celle de la Chambre eu égard à la
18 position avancée par Me Robinson sur un plan purement théorique. Il y a
19 quelques questions pour lesquelles l'Accusation est d'accord avec les Juges
20 de la Chambre et qu'ils ont demandé à émettre des réserves pour connaître
21 les bonnes pratiques au niveau procédural qui doivent être établies et
22 appliquées; et par conséquent, il est clair que le bureau du Procureur est
23 soumis à différentes règles et critères et lignes directrices et pratiques,
24 et cela dépend d'une affaire à l'autre. Et les Juges de la Chambre avaient
25 l'intention de reprendre ce qu'avaient décidé les autres Chambre de
26 première instance lorsqu'elles rendaient leur décision sur la manière dont
27 le bureau du Procureur doit contacter le témoin dans différentes affaires.
28 Ce qui est absurde de surcroît, dans l'argument, me semble-t-il, est le
Page 30147
1 fait que certains témoins sur la liste de témoins de la Défense soient
2 également des témoins, d'après ce que j'ai compris, qui sont des témoins
3 sur la liste de l'Accusation dans l'affaire Mladic. Donc toute tentative
4 visant à rendre floues ces différences et qui consisterait à se comporter
5 comme s'il n'y avait pas de point de vue distant de la part des différentes
6 Chambres de première instance et qu'il existe des procès distincts qui se
7 déroulent en même temps, je crois tout à fait inadéquat, comme l'indique
8 l'exemple que je viens de vous donner.
9 Après avoir dit cela, nous ne souhaitons pas provoquer des problèmes
10 inutiles, d'autant plus que les problèmes n'existent pas. C'est la raison
11 pour laquelle nous sommes prêts à entrer en contact avec d'autres équipes
12 dans la mesure du possible et voir si nous pouvons établir un contact et
13 coordonner ceci et nous n'entrerons pas en contact avant d'en avoir averti
14 Me Robinson. Donc nous sommes tout à fait disposés à être aussi arrangeants
15 que possible et à écarter toute difficulté lorsqu'elles n'ont pas lieu
16 d'être, et nous rejetons la notion qui consiste à dire que nous avions
17 l'obligation de le faire.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, j'espère qu'il ne s'agit pas
19 simplement d'une tempête dans une tasse de thé, lorsque nous avons rendu
20 cette ordonnance à l'attention de l'Accusation qui doit donc avertir
21 l'équipe de la Défense, et ceci n'avait pas pour intention d'inclure les
22 autres équipes de l'Accusation. Mais l'essentiel du raisonnement porte sur
23 la raison pour laquelle la Chambre a ordonné à l'Accusation d'avertir la
24 Défense lorsqu'ils souhaitaient entrer en contact avec leurs témoins et
25 avoir les coordonnées desdits témoins. Il s'agit d'une pure question de
26 courtoisie et des raisons pratiques. Donc si l'Accusation souhaite opérer
27 sur une base volontaire, nous encouragerons à adopter cette pratique à
28 l'avenir également.
Page 30148
1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc à moins qu'il n'y ait d'autres
3 questions, je vous demande de bien vouloir faire entrer le témoin suivant.
4 En attendant, je crois que ceci a été distribué, mais je veux m'assurer que
5 ceci soit clair, nous allons siéger jusqu'à 11 heures 15 lors du premier
6 volet d'audience et nous aurons une pause de 15 minutes, et ensuite nous
7 aurons notre deuxième volet d'audience qui durera jusqu'à midi 50. A ce
8 moment-là, nous aurons une pause de 40 minutes et nous siégerons de 13
9 heures 30 à 15 heures, heures à laquelle la Chambre devra lever l'audience.
10 Mme GUSTAFSON : [interprétation] En attendant l'arrivée du témoin, je
11 souhaite indiquer qu'il faut faire preuve de prudence avec ce témoin en
12 vertu de l'article 90(E). Merci.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
14 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Par excès de prudence, je vais déclarer
16 ce qui suit, parce que je ne sais pas si ce que vous avez dit a été
17 consigné comme il se doit.
18 Ce que vous avez dit, Monsieur Karadzic, est exact. Ce qui était
19 "inacceptable" c'étaient les difficultés techniques et non pas les
20 arguments avancés par Me Robinson.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Excellence.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Veuillez corriger tempête dans
24 une tasse de thé, j'espère qu'il ne s'agit pas d'une tempête dans un verre
25 d'eau a dit le Président de la Chambre.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez prononcer la déclaration
Page 30149
1 solennelle, s'il vous plaît.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
4 LE TÉMOIN : BOZO TOMIC [Assermenté]
5 [Le témoin répond par l'interprète]
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie, asseyez-vous et mettez-
7 vous à l'aise.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tomic, avant que vous ne
10 commenciez à déposer je souhaite attirer votre attention sur une règle
11 particulière qui prévaut au Tribunal. En vertu de cet article 90(E), vous
12 pouvez vous opposer à répondre à une question posée par l'Accusation, à
13 l'accusé, ou aux Juges si vous pensez que cette réponse est susceptible de
14 vous incriminer. Lorsque je dis "incriminé," je dis que quelque chose que
15 vous allez dire peut être assimilable à une reconnaissance de culpabilité
16 pour un crime et vous pourriez fournir une déposition indiquant que vous
17 avez commis un délit. Cependant, si vous pensez que votre réponse est
18 susceptible de vous incriminer et que vous ne souhaitez pas répondre à la
19 question, le Tribunal dispose de pouvoir discrétionnaire et peut vous
20 obliger à répondre à la question. Dans un tel cas, le Tribunal s'assurera
21 que votre déposition qui a ainsi été recueillie ne pas être utilisée comme
22 élément de preuve dans une autre affaire contre vous ou pour tout autre
23 crime ou parjure. Est-ce que vous avez compris ce que j'ai dit ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai parfaitement compris.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
26 Oui, Monsieur Karadzic.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
28 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
Page 30150
1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Tomic.
2 R. Bonjour, Monsieur le Président.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite afficher le 1D6087 dans le prétoire
4 électronique.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. En attendant l'affichage du document, Monsieur Tomic, je vais vous
7 demander si vous avez fourni à la Défense une déclaration ?
8 R. Oui, tout à fait.
9 L'INTERPRÈTE : Précisions de l'interprète : L'article 90(E), fin de
10 l'article, aucun témoignage obtenu de la sorte ne pourra être utilisé par
11 la suite comme élément de preuve contre le témoin hormis le cas de
12 poursuite pour faux témoignage.
13 M. KARADZIC : [interprétation]
14 Q. Voyez-vous cette déclaration à l'écran maintenant ?
15 R. Oui, tout à fait.
16 Q. Avez-vous signé la déclaration ?
17 R. Oui, tout à fait.
18 Q. Je dois me rappeler et vous demander de marquer une pause entre nos
19 propos, et ce, pour faciliter le travail des interprètes.
20 Cette déclaration illustre-t-elle ave exactitude ce que vous saviez et ce
21 que vous avez déclaré ?
22 R. Oui, tout à fait.
23 Q. Et si je devais vous poser les mêmes questions aujourd'hui dans ce
24 prétoire, vos réponses seraient-elles plus ou moins les mêmes ?
25 R. Mes réponses seraient identiques aux réponses que j'ai données dans le
26 cadre de cette déclaration.
27 Q. Merci.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je voudrais demander le versement
Page 30151
1 de cette déclaration ainsi que les documents de la liasse en application de
2 l'article 92 ter, la déclaration donc du Témoin Bozo Tomic.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître, la liste en application de
4 la liste 65 ter.
5 M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Il y a le 1D0034 qui est une carte
6 annotée par le témoin et nous souhaitons demander l'autorisation de
7 l'ajouter sur notre liste en application de l'article 65 ter.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
9 Une objection, Madame Gustafson ?
10 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non, pas d'objection au versement.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors pouvons-nous charger la
12 seconde référence, 1D20540, afin de pouvoir rapidement l'examiner. Quelle
13 est la date de ce document, Monsieur Karadzic ou Maître Robinson ?
14 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
15 L'INTERPRÈTE : L'accusé hors micro.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 9 mai 1993.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans la traduction anglaise, nous
18 trouvons la date du 3 mai, donc peut-être y aura-t-il une correction à
19 faire. Pouvons-nous le charger dans le système électronique, 1D20540 ?
20 La date est celle du 9 mai, en effet, cela semble satisfaisant. Nous allons
21 poursuivre sur cette base. Nous allons verser la déclaration ainsi que les
22 cinq pièces associées.
23 Pouvons-nous attribuer des cotes ?
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le document
25 1D6087, c'est-à-dire la déclaration reçoit le numéro de pièce D2418. Le
26 document 1D134 de la liste 65 ter devient la pièce D2419. Et le numéro
27 1D20540 de la liste 65 ter reçoit la cote D2420. Alors que le document
28 numéro 1D20544 de la liste 65 ter reçoit la cote D2421. Et que les numéros
Page 30152
1 1D20301 et 1D25548 se voient attribuer respectivement les cotes D2422 et
2 D2423.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
4 Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je voudrais maintenant donner
6 lecture en anglais d'un résumé de la déposition du témoin.
7 Bozo Tomic était membre du commandement du 2e Bataillon de la 1ère Brigade
8 motorisée de Sarajevo. Il a fait son service militaire au sein de la JNA en
9 1981 et 1982 à Pula puis sur l'île de Molat. Il a quitté les rangs de la
10 JNA avec le grade de soldat de première classe. =
11 Après les événements de mars 1992, lorsque cet invité d'un mariage serbe a
12 été tué dans la Bascarsija et que les barrages ont été élevés en ville, il
13 a découvert que de nombreux Musulmans avaient été convoqués pour participer
14 à des manœuvres militaires. Un peu plus tard, on lui a dit qu'il avait des
15 camps d'entraînement pour unités paramilitaire musulmanes sur le mont
16 Igman. Il résidait dans la rue Ozrenska dans une zone majoritairement
17 serbe. Au début du mois d'avril 1992, lui-même et plusieurs de ses voisins
18 ont convenu de la nécessité de s'organiser et de protéger leurs familles
19 ainsi que leur bien. A peu près à la même équipe, des membres de la Défense
20 territoriale serbe lui ont dit et leur ont dit d'organiser des tours de
21 garde dans les rues, et d'être particulièrement vigilants pendant la nuit,
22 ils ont également reçu des signes de reconnaissance leur permettant de
23 distinguer les personnes à l'extérieur de leur quartier et leur tâche
24 fondamentale, comme précédemment, consistait à protéger leurs domiciles et
25 leurs familles. Il a été élu commandant de peloton. Alors à partir du début
26 du conflit, les Musulmans ont ouvert le feu sur eux dès le début à partir
27 du secteur de Sanac et de la place Pero Kosoric à partir d'immeubles à
28 plusieurs étages. Tous les bâtiments résidentiels sur la place Pero Kosoric
Page 30153
1 et les maisons individuelles au-dessus et en dessous de Tranzit, ainsi que
2 les autres bâtiments civils, étaient utilisés à des fins militaires, et
3 ceci en y plaçant des positions de tir ennemies. Les tirs des tireurs
4 d'élite musulmans ont eu des conséquences désastreuses du côté serbe, tant
5 pour les soldats que pour les civils, et les enfants eux-mêmes n'étaient
6 pas épargnés. En raison de cela, son unité a mis en place une bâche de
7 protection, des structures de protection en carton et autres matériaux durs
8 afin de dissimuler les mouvements aux tireurs ennemis. Les forces
9 musulmanes n'ont jamais cessé de planifier d'exécuter des opérations de
10 combat offensives contre la ligne de défense de son unité.
11 Ils n'ont jamais reçu le moindre ordre ni instruction concernant
12 l'expulsion de non-Serbes de leurs maisons et appartements. Vers la mi-
13 1992, alors que la guerre s'intensifiait, plusieurs familles musulmanes de
14 la rue Ozrenska se sont déplacées sans la moindre entrave et sans la
15 moindre contrainte pour gagner la partie de la ville sous contrôle
16 musulman. Et ils n'avaient pas la moindre intention -- les Serbes membres
17 de cette compagnie n'avaient pas la moindre intention de causer des
18 victimes civiles ou d'exercer la moindre contrainte psychologique ou la
19 moindre influence sur les civils dans les parties de la ville contrôlées
20 par les musulmans, ses supérieurs hiérarchiques n'en avaient pas
21 l'intention non plus. Ils n'ont jamais reçu le moindre ordre écrit ou oral
22 de la part de hauts commandements ou d'autorités civiles leur enjoignant
23 d'exécuter des attaques contre des civils dans les parties du territoire
24 contrôlées par les autorités musulmanes. De même, il n'a jamais émis de
25 tels ordres. Ils n'ont procédé qu'à des actions défensives et n'ont jamais
26 ouvert le feu en visant la profondeur du territoire ennemi, ils n'ont tiré
27 que sur la ligne de désengagement et exclusivement en visant des cibles
28 militaires qui les menaçaient directement.
Page 30154
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 30155
1 En raison de la difficulté qui caractérisait la situation sur le front et
2 du petit nombre d'hommes stationnés sur la rue Ozrenska, ils ont contacté
3 le commandement de la brigade en demandant des renforts pour leur ligne
4 ainsi que l'intervention d'une structure -- d'un effectif de travailleurs
5 destiné à fortifier la ligne. Cet effectif était constitué de Musulmans
6 originaires de l'établissement correctionnel de Kula et a fait l'objet d'un
7 traitement correct. Il n'y avait pas de militaires de métier au sein de son
8 unité. C'était une armée populaire constituée d'habitants de la rue
9 Ozrenska et du quartier voisin.
10 Vers la fin de la guerre, environ 220 personnes avaient été tuées et
11 plusieurs centaines tuées [comme interprété] dans la zone de responsabilité
12 couverte par le 2e Bataillon.
13 Pour le moment, je n'ai pas de questions pour ce témoin.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
15 Monsieur Tomic, vous aurez relevé que votre interrogatoire principal a été
16 versé au dossier sous forme écrite en lieu et place de votre déposition
17 orale. C'est maintenant le tour de l'Accusation de vous poser des questions
18 au titre du contre-interrogatoire.
19 Madame Gustafson, à vous.
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Contre-interrogatoire par Mme Gustafson :
22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Tomic.
23 R. Bonjour.
24 Q. Je voudrais commencer par vous poser quelques questions sur le contexte
25 du conflit. Au paragraphe numéro 4 de votre déclaration, vous dites, je
26 cite :
27 "Avec la guerre en Croatie, une atmosphère différente a commencé à
28 s'installer à Sarajevo. Dans mon expérience, je dirais que c'était assez
Page 30156
1 négativement connoté, les regroupements spontanés se sont arrêtés et des
2 divisions ont commencé à s'embarquer selon des critères ethniques. Les
3 discours des politiciens musulmans et croates à l'assemblée ont créé une
4 atmosphère de défiance et de peur."
5 Alors quels étaient les discours particuliers des hommes politiques
6 musulmans et croates à l'assemblée qui, selon vous, ont créé cette
7 atmosphère de défiance et de peur ?
8 R. Eh bien, à ce moment, je n'arrive pas à me rappeler chaque discours
9 précis de chaque homme politique; cependant, le président du SDA, du Parti
10 de l'Action démocratique, donc M. Izetbegovic, ainsi que le président de
11 l'Herceg-Bosna, la communauté croate de l'Herceg-Bosna, Mate Boban, ont été
12 particulièrement désagréables, si vous voulez, dans leur façon de
13 s'exprimer. Et je parle ici du point de vue de la population serbe de
14 Bosnie-Herzégovine. Ils avaient une espèce d'alliance de principe entre
15 eux, les Musulmans et les Croates, bien que vous puissiez considérer
16 également qu'elle n'était pas du tout logique ni normale, cette alliance.
17 Mais parmi nous, les Serbes, nous étions nombreux à avoir tiré les leçons
18 de notre histoire et du passé. Les Serbes devaient s'organiser parce qu'ils
19 ne ressentaient aucun sentiment de sécurité au sein d'un tel Etat. Cette
20 façon de nous mettre en minorité au sein de notre propre parlement, de
21 notre parlement de Bosnie-Herzégovine, était justement l'une des raisons
22 pour lesquelles notre peur s'accentuait. J'ai considéré cela comme une
23 expérience particulièrement désagréable, et d'ailleurs ce qui s'est passé
24 également dans l'entreprise où je travaillais l'a confirmé.
25 Q. Je vous remercie.
26 R. On a constaté que les Musulmans et les Croates se séparaient en allant
27 d'un côté et que --
28 Q. Je vous remercie. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur Tomic, mais
Page 30157
1 je crois que nous sommes en train de nous éloigner de la question que je
2 vous posais au sujet des discours prononcés à l'assemblée. J'ai cru
3 comprendre en vous entendant répondre que vous ne vous rappeliez pas de
4 discours précis, mais que leur tonalité générale était désagréable, n'est-
5 ce pas ?
6 R. Eh bien, M. Izetbegovic était toujours prêt à sacrifier la peur au
7 profit d'une Bosnie-Herzégovine souveraine. Mais nous les Serbes nous
8 n'étions pas naïfs, tirant les leçons du passé, nous savions exactement ce
9 que cela signifiait. Personne ne devait nous expliquer ce que signifiait de
10 sacrifier la paix pour une Bosnie-Herzégovine dans laquelle eux, les
11 Musulmans, allaient être le peuple majoritaire au sein d'un Etat
12 centralisé. Les Serbes n'avaient rien à attendre de bon d'une telle
13 perspective.
14 Q. Très bien. Mais qu'en était-il des déclarations faites par des hommes
15 politiques serbes au sein de l'assemblée, est-ce que vous vous souvenez de
16 déclarations d'hommes politiques serbes qui ont pu ajouter au climat de
17 défiance et de peur dont vous parlez et qui s'est installé à Sarajevo ?
18 R. Pour autant que je m'en souvienne, je pourrais dire que sorti de son
19 contexte, le discours du président Radovan Karadzic est quelque chose que
20 j'ai pu comprendre, moi, comme un avertissement, notamment après l'accord
21 de Lisbonne et le plan Cutileiro. Moi-même et mes amis ainsi que mes
22 voisins pensions que c'était là une bonne base sur laquelle on pourrait
23 parvenir à un accord afin d'éviter une guerre épouvantable et sanglante en
24 Serbie. Et je crois me rappeler qu'Izetbegovic lui-même avait signé ce
25 document; cependant, après son retour à Sarajevo --
26 Q. [aucune interprétation]
27 R. -- il a changé d'avis et à mon avis, c'est sous l'influence de facteurs
28 étrangers que --
Page 30158
1 Q. Encore une fois, je crois que nous nous éloignons du sujet, mais vous
2 avez fait allusion à un discours de M. Karadzic, je suppose que vous parlez
3 de son discours d'octobre 1991 dans lequel il a déclaré que la Bosnie-
4 Herzégovine était en train de s'engager sur la même route de l'enfer et de
5 la souffrance que celle le long de laquelle la Croatie et la Slovénie
6 avaient déjà cheminé dans lequel il a également averti d'une disparition
7 possible du peuple musulman, si jamais on en venait à la guerre. Est-ce que
8 c'est à ce discours que vous vous référez ?
9 R. Oui, oui. Mais j'ai dit qu'en Slovénie, beaucoup moins de Serbes
10 vivaient qu'en Bosnie-Herzégovine. Et je l'ai compris comme un
11 avertissement. Bien entendu, dans cette guerre horrible et absurde nous
12 pouvions tous succomber, et les Musulmans étaient ceux qui pouvaient y
13 perdre le plus, qui avaient le plus à perdre dans ces combats à venir. Donc
14 j'ai compris cela comme quelque chose de positif que d'avoir entendu cela
15 de la part de M. Karadzic. Si j'avais entendu la même chose de la part de
16 Izetbegovic, j'aurais été reconnaissant, j'aurais considéré qu'il
17 s'agissait d'un avertissement bien veillant destiné à nous indiquer que
18 nous devions tous être prêts à faire un certain nombre de concessions pour
19 qu'il n'y ait pas de guerre; cependant, cette partie-là, ce qu'elle a fait,
20 je dois dire tous les jours par exemple je jouais au football au stade de
21 Grbavica. Et en fait, je ne savais même pas à quel groupe ethnique
22 appartenaient certains camarades, et puis il est arrivé à un moment où ils
23 ne venaient plus, ils n'étaient plus là. Alors vous pouvez imaginer quelle
24 a été ma réaction lorsque j'ai appris --
25 Q. Excusez-moi, Monsieur Tomic, encore une fois, je vous interromps parce
26 que vous vous éloignez de la question que j'ai posée. Est-ce que vous
27 pourriez essayer de vous concentrer autant que possible sur la question que
28 je pose, et essayez d'y répondre. Alors indépendamment de votre affirmation
Page 30159
1 selon laquelle vous auriez été reconnaissant d'entendre M. Izetbegovic
2 avertir les Serbes de leur éventuelle extinction, l'avertissement adressé
3 par M. Karadzic aux Musulmans, au peuple musulman, en parlant de
4 l'extinction éventuelle du peuple musulman en cas de guerre, n'a fait
5 qu'ajouter au climat de peur et de méfiance, à Sarajevo, n'est-ce pas ?
6 R. C'est probablement ainsi que cela a été compris par les Musulmans, mais
7 ce n'est pas la façon dont je l'ai compris, et je ne peux pas répondre par
8 oui ou non à votre question. Ce n'est pas un problème de mathématique, il
9 faut éclaircir un certain nombre de choses, il faut les expliquer, c'est
10 indispensable. Alija Izetbegovic et la direction politique musulmane
11 avaient déjà lancé un appel aux jeunes gens afin qu'ils ne rejoignent pas
12 les rangs de la JNA. Alors que moi et la majorité des Serbes, nous
13 considérions la Yougoslavie comme étant notre patrie. Donc c'était là
14 quelque chose de tout à fait inhabituel, c'était la première fois que
15 quelque chose de tel se passait, que les membres du groupe ethnique
16 musulman n'aillent pas au sein de la JNA, alors que en même temps, ils
17 s'organisaient, ils mettaient en place des camps d'entraînement, et ensuite
18 j'ai appris que dès 1991, ils se préparaient déjà. Alors que moi, je n'ai
19 jamais entendu dire de la part de mes camarades que --
20 Q. Excusez-moi, Monsieur Tomic, encore une fois je comprends votre besoin
21 de fournir des explications, mais cela n'est pas, cela ne va pas dans le
22 sens d'une réponse à la question que j'ai posée, à laquelle vous avez déjà
23 répondu au début de ce que vous avez dit. Je vous remercie.
24 Alors je voudrais passer au mois d'avril 1992, vous dites que vous vous
25 viviez dans la rue Ozrenska, très près de l'école du MUP. Donc tant votre
26 domicile que l'école du MUP se trouvaient à Vraca, n'est-ce pas, dans la
27 municipalité de Novo Sarajevo.
28 R. Oui.
Page 30160
1 Q. Merci. Et les affrontements au sein de l'école du MUP, auxquels vous
2 vous référez au paragraphe numéro 6, les escarmouches à l'occasion de la
3 prise du contrôle de l'école de Vraca, par les forces spéciales du MUP de
4 Bosnie; c'est bien de cela qu'il s'agissait, n'est-ce pas ?
5 R. Je ne suis pas au courant des détails. Mais je sais que les membres de
6 cette Unité spéciale dont la raison d'être était d'intervenir au cas
7 d'événement exceptionnel sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, eh
8 bien, je sais que même à ce moment-là, les Croates et les Musulmans sont
9 partis de leur propre côté, et les Serbes se sont sentis trahis. Alors je
10 ne connais pas les détails de ces affrontements, mais je sais que ce jour-
11 là, si je me rappelle bien c'était le 5 avril ou alors c'était du 4 au 5
12 avril, je me rappelle que à partir du dessus de transit, et à partir de la
13 place Pero Kosoric également, on a ouvert le feu sur notre quartier. Un
14 Serbe, membre de cette unité spéciale a été tué, deux autres étaient
15 blessés. Moi-même, je n'ai pas été mêlé à cela, c'était une opération de
16 ces soi-disant forces spéciales, et c'est en raison de leur conflit interne
17 que cela est arrivé. J'ai appris que c'était en raison des dissensions
18 qu'ils avaient au sein de cette unité.
19 Q. Merci, Monsieur Tomic. A partir de votre réponse, je comprends qu'il
20 s'agissait bien des forces spéciales du MUP qui étaient présentes sur
21 place, et qu'il y avait une opération à laquelle ils ont participé à
22 l'époque. Je crois que cela est suffisant.
23 Question suivante : Vous dites qu paragraphe numéro 7 de votre déclaration,
24 je cite :
25 "Nous avons découvert que les membres des forces territoriales
26 étaient au restaurant Pajaco, au début de la rue Ozrenska."
27 Alors si je comprends bien, Pajaco se trouve également à proximité de votre
28 domicile, et de l'école du MUP à Vraca, n'est-ce pas ?
Page 30161
1 R. C'est plus près de l'école du MUP. Et le restaurant s'appelait Pajaco.
2 Q. Merci. Pajaco était-ce le QG de la TO de Novo Sarajevo ?
3 R. Je ne sais pas si c'était le QG de Novo Sarajevo. Ce que je sais en
4 revanche, est que nous, les gars du quartier, quand on est allé les voir
5 pour s'organiser, ils nous ont dit qu'ils étaient membres de la Défense
6 territoriale. Ils nous ont distribué les armes, évidemment nous étions
7 subis à de très grosses pressions. On s'attendait à ce qu'il y ait des
8 événements, et que quelque chose arrive, on voulait absolument se protéger,
9 protéger les habitants de la rue Ozrenska, quelle que soit leur
10 appartenance ethnique, nous protéger ainsi que nos familles. Était-ce bien
11 le QG, je ne sais pas en tout cas, mes collègues présents là-bas m'ont dit
12 que j'étais le commandant d'un département, ils m'ont donné ce fusil
13 automatique, et tous les jours avant la tombée de la nuit, on se
14 rassemblait là-bas comme on fait cela dans l'armée, on prenait donc les
15 codes, les chiffres pour nous reconnaître, et c'était vraiment quelque
16 chose pour protéger la population qui habitait dans la rue où j'habitais.
17 Donc il n'y a que nous, nous étions les seuls à connaître ces codes, ces
18 chiffres ou ces codes.
19 Q. [aucune interprétation]
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin a dit qu'il voulait protéger leurs
21 familles, tous ceux qui habitaient là-bas, quelle que ce soit leur
22 appartenance ethnique ou confession, ce n'est pas quelque chose qui figure
23 au compte rendu d'audience.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tomic, est-ce que vous avez
25 bien dit cela ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je l'ai dit.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Madame
28 Gustafson.
Page 30162
1 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
2 Q. Monsieur Tomic, vous avez dit que c'était la TO serbe, dans la
3 déclaration. Donc les Musulmans et les Croates, ils se rendaient aussi au
4 restaurant de Pajaco, alors que c'était la TO serbe; vous pouvez me
5 confirmer cela ?
6 R. Je ne sais pas s'il y avait des Musulmans là-bas, en tout cas, moi, je
7 suis allé avec quelques voisins, et on n'avait pas suffisamment d'armes, et
8 le soir, alors qu'on est en train d'assurer la ligne qui bien sûr n'était
9 pas faite selon les règles militaires, ce sont les gens qui m'étaient les
10 plus proches, qui m'ont nié, à l'époque, qui était avec moi et je ne sais
11 pas si les Musulmans et les Croates étaient là aussi.
12 Q. [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tomic, Mme Gustafson vous pose
14 des questions en suivant votre déclaration; est-ce que vous avez sous vos
15 yeux votre déclaration ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] A présent, non.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Souhaitez-vous avoir cette déclaration ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, si c'est possible, je pense que ceci
19 serait fort utile de l'avoir.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On va vous le donner.
21 Vous pouvez poursuivre, Madame Gustafson.
22 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
23 Q. Monsieur Tomic, vous avez dit à plusieurs reprises dans votre réponse
24 que vous avez reçu des armes dans le restaurant Pajaco, vous et vos
25 voisins. Pouvez-vous nous dire qui vous a distribué ces armes ?
26 R. Je sais que Budo Obradovic, Momir Garic étaient présents. Je ne
27 connaissais pas toutes les personnes. Vous savez, vous ne pouvez pas
28 connaître tout le monde, il nous a expliqués que notre mission était, avant
Page 30163
1 tout, de protéger nos familles. Et puis, à l'époque, on s'attendait encore
2 qu'un miracle se produise, que la guerre n'éclate pas. Je ne connaissais
3 pas tout le monde là-bas. Je vous ai donné les deux noms dont je me
4 souviens, des gens que je connaissais. Mais, en tout cas, on était là pour
5 protéger nos familles. Et il y avait pas assez d'armes, je vous l'ai déjà
6 dit. Mais parfois il est arrivé que quelqu'un vous prête une arme --
7 Q. [aucune interprétation]
8 R. -- il n'y avait pas assez de fusils automatiques, parfois c'étaient des
9 fusils semi-automatiques.
10 Q. Merci. Parce que, là, à nouveau, on parle d'autre chose. Moi, je vous
11 ai posé une question bien précise. Donc vous avez donc mentionné Budo
12 Obradovic et Momir Garic; est-ce qu'ils vous ont donné les armes; est-ce
13 qu'ils vous ont aussi confié des missions à partir de Pajaco ?
14 R. Moi et mes voisins nous avons entendu dire qu'il y avait un QG à
15 Pajaco.
16 Q. Vous répétez la réponse. Je vous ai posé une question très simple.
17 "Est-ce que ces deux personnes vous ont confié des missions à partir
18 de Pajaco ?"
19 C'est tout.
20 R. Pour ne pas exagérer, je dirais -- je ne sais pas si c'est eux
21 personnellement qui nous ont donné ces armes, mais, en tout cas, ils
22 étaient présents et nous ont confié une mission précise, à savoir de
23 protéger nos familles pour qu'il n'y ait pas d'incursion au cours de la
24 nuit. Donc c'était vraiment le début, le tout début, il n'y avait pas
25 encore de véritables organisations militaires. On était auto-organisés.
26 Alors est-ce que Budo ou Momo m'a donné le fusil ou bien un autre. Je n'en
27 sais rien. En tout cas, ils étaient là. Je ne sais pas si c'était vraiment
28 un QG de la Défense territoriale de Novo Sarajevo, ou bien si c'était juste
Page 30164
1 un point de rassemblement pour la commune locale. Je ne saurais répondre.
2 Q. Donc vous ne savez pas si c'est Budo ou Momo qui vous ont donné les
3 armes, vous faites référence à Budo Obradovic ou Momir Garic.
4 R. [aucune interprétation]
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin a dit : Ou bien une tierce personne,
6 et ce n'est pas quelque chose qui figure au compte rendu d'audience, parce
7 qu'à cause de la façon dont c'est consigné dans le compte rendu d'audience,
8 on a l'impression qu'il n'existe la possibilité qu'on admet que la
9 possibilité que Budo ou Momo lui ont les armes alors qu'il existe aussi la
10 possibilité qu'une tierce personne l'a fait.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, effectivement. Est-ce que vous
12 confirmez cela, Monsieur Tomic ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais je ne sais pas si c'était -- s'ils
14 étaient présents ce jour-là même. Je ne sais pas si, là, on montre -- on
15 m'a donné personnellement les armes. Je ne saurais affirmer cela. Cela
16 n'aurait aucun sens de l'affirmer aujourd'hui. Je ne m'en souviens pas.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et Momir Garic, son surnom était Momo ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, cela commençait comme cela.
19 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
21 Q. Dans votre déclaration et à plusieurs reprises dans vos réponses, vous
22 avez parlé de Momir Garic et Budo Obradovic à Pajaco. Si j'ai bien compris,
23 ils étaient, soit, commandants, soit, des dirigeants de cette unité de la
24 TO de Novo Sarajevo; est-ce exact ?
25 R. Je ne sais pas. Je ne voudrais pas me livrer à des conjectures. Je ne
26 sais pas quelles étaient leurs missions exactes. Tout ce que je vous ai dit
27 c'est qu'on est venus, on nous a distribué les armes. A l'époque il n'avait
28 pas encore de distribution militaire, il y avait une espèce de brigade, la
Page 30165
1 1ère Brigade de Romanija et, à l'époque, on a rejoint cette brigade. Et
2 vers la fin du mois de mai la 1ère Brigade mécanisée de Sarajevo a été
3 créée et mon unité, - moi, y compris - eh bien, j'ai rejoint cette unité-là
4 où je suis resté jusqu'à la fin de la guerre.
5 Q. Vous avez dit que vous êtes arrivé à Pajaco qu'on vous a confié une
6 mission précise, c'est quelque chose qui se trouve à la page 3 et 4, 20; et
7 puis à Pajaco vous aviez aussi d'organiser des gardes dans la rue, et
8 cetera. Mais qui vous a confié cette mission précise ?
9 R. Ecoutez, ils nous ont dit -- ils l'ont dit cela une seule fois, on
10 n'avait pas besoin de la répéter. On allait tous les jours pour prendre --
11 Q. Monsieur Tomic, comme vous le dites une fois ou à plusieurs reprises ce
12 n'est pas la question que je vous pose. Je vous demandé qui vous a confié
13 cette tâche ? Qui vous a dit cela ?
14 R. Je vous ai dit que nous avons donc reçu des instructions, mais nous les
15 avons demandées.
16 Q. Oui, mais qui, qui ?
17 R. Peut-être l'un des deux. Mais je vous répète, on l'a demandé -- nous
18 l'avons demandé nous-mêmes pour notre sécurité parce que vous savez la nuit
19 vous aviez des incursions dans certains quartiers, des criminels qui se
20 livraient au pillage, aux vols --
21 Q. [aucune interprétation]
22 R. -- on voulait s'organiser tout simplement on était obligés de
23 s'organiser.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux vous aider ? Parce que il y
25 a une erreur dans la traduction on a mal traduit les propos du Procureur,
26 on traduit, on a traduit cela comme qui vous donnait des instructions,
27 autrement dit plusieurs fois dans le passé, alors qu'il fallait poser la
28 question comme cela. Qui vous a donné cette instruction-là. Et c'est pour
Page 30166
1 cela que le témoin ne sait pas comment répondre.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est peut-être la raison, je veux bien,
3 Monsieur Tomic, voulez-vous vous concentrer sur les questions posées et
4 répondre précisément aux questions.
5 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.
6 Je voudrais montrer la pièce D2419 sur l'écran.
7 Q. Monsieur Tomic, la carte que vous allez voir sur l'écran c'est la carte
8 que vous avez marquée par rapport à votre déclaration c'est là que vous
9 avez noté avec une ligne rouge les positions serbe dans la rue Ozrenska.
10 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais que nous agrandissons cette
11 partie-là là où se trouve la ligne rouge et plutôt en descendant la page.
12 Voilà. Pourriez-vous déplacer cela pour que l'on puisse voir exactement ce
13 qui nous intéresse.
14 Q. Monsieur Tomic, voyez-vous la ligne rouge que j'ai su [comme
15 interprété] ?
16 R. Si c'est bien la ligne qui vous distinct -- de Zelevici [comme
17 interprété] en passant par un Tranzit en traversant Samac et la rue
18 d'Ozrenska, oui, je reconnais cela. C'est moi qui l'ai inscrit.
19 Q. Pourriez-vous me dire où étiez-vous exactement au mois d'août 1992 ?
20 R. J'ai été exactement ici dans cette partie-là qui passe au-dessus de
21 Tranzit, au-dessus du stade de foot de Zelevici en direction de la rue
22 d'Ozrenska et cela se poursuit. J'y ai été jusqu'en mai 1994 en tant que
23 membre de la 3e Compagnie du 3e Bataillon de la 1ère Brigade de Romanija.
24 Mon ami et moi-même nous avons été commandants d'un peloton qui comptait à
25 peu près 60 personnes. Nous avions notre propre zone de responsabilité qui
26 correspondait -- qui tombait dans les limites de la zone de responsabilité
27 de la 3e Compagnie. Donc nous couvrions le Tranzit -- la surface de Tranzit
28 à un autre peloton voisin, et était stationné à proximité du stade, plus
Page 30167
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 30168
1 proche de l'école de police et de Grbavica. Parce que je voudrais vous
2 expliquer, il y a une rue, qui traverse Miljacka à Milutina [phon]
3 Djuraskovica, s'appelle la rue. C'était cela notre zone de responsabilité.
4 Sur la rive même se trouvait Strojorad, et ensuite sur la rive gauche de
5 Miljacka jusqu'à Grbanj [phon], c'était la zone de responsabilité du 2e
6 Bataillon. J'ai été membre de ce bataillon à partir de 1994 jusqu'à la fin.
7 Et voilà, donc on descend cette rue qui est une des rues les plus longues
8 de la ville, la rue d'Ozrenska, qui va en direction de Grbavica.
9 Q. Si je vous ai bien compris, les positions que vous teniez au mois
10 d'avril, vous avez continué à tenir les mêmes positions en tant que membre
11 du Peloton de la RSK, et donc ceci -- ces positions couvraient tout ce que
12 vous avez inscrit en rouge sur cette carte; est-ce que je vous ai bien
13 compris ?
14 R. Notre peloton faisait partie de la 3e Compagnie du 3e Bataillon de la
15 1ère Brigade de Romanija. Nous étions responsables d'une zone de
16 responsabilité d'une centaine de mètres. Jusqu'en 1994, je passais tout le
17 temps là-bas, j'étais tout le temps là-bas sauf qu'à plusieurs reprises --
18 à quelques reprises où je me suis rendu à l'extérieur de Sarajevo en
19 direction de Trnovo ou bien du plateau de Niksic. Donc oui, il nous est
20 arrivé de sortir de Sarajevo pour venir en renforts, mais la plupart du
21 temps on l'a passé là sur cette surface correspondant à une centaine de
22 mètres, et que notre peloton était responsable de cette ligne. Et pendant
23 la guerre, cette ligne n'a pas bougé, elle est restée là où elle était. Il
24 n'y a pas eu d'activité d'offensive, on est resté là. Et c'est vrai aussi
25 que nous avons, au fur et à mesure que le temps passait, fortifié cette
26 ligne car la position de la ligne rouge derrière Tranzit --
27 Q. Monsieur Tomic, je dois vous demander de limiter vos réponses aux
28 questions que je vous pose de façon assez précise.
Page 30169
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que vous avez besoin de plus
2 de temps pour terminer votre contre-interrogatoire ?
3 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 15
5 minutes et nous allons reprendre à 11 heures 32.
6 J'ai oublié de dire que nous avons siégé en application du 15 bis pendant
7 cette session étant donné que la Juge Lattanzi a des obligations
8 officielles à accomplir et elle nous rejoindra à la session suivante.
9 --- L'audience est suspendue à 11 heures 16.
10 --- L'audience est reprise à 11 heures 36.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci est peut-être la première fois où
12 quatre Juges siègent dans cette petite salle d'audience numéro 2.
13 Madame Gustafson, veuillez continuer.
14 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.
15 Q. Monsieur Tomic, je vais vous demander de vous pencher sur un clip
16 vidéo, il s'agit de la pièce P5062. Il n'y a pas de son, je veux juste vous
17 faire regarder et on s'arrêtera au bout de 28 secondes et je vous poserai
18 ma question ensuite.
19 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi, j'ai besoin d'un instant.
21 [Diffusion de la cassette vidéo]
22 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
23 Q. Monsieur Tomic, sur ce clip vidéo vous avez pu voir M. Karadzic et le
24 général Mladic en train d'accéder à un poste militaire avec la vue que l'on
25 avait depuis cette position militaire. Et ceci est une position dans la rue
26 Ozrenska qui donne sur Grbavica, n'est-ce pas ?
27 R. Je dirais que c'est un peu plus à droite par rapport à Ozrenska.
28 D'après les immeubles qu'on voit sur le clip, j'imagine que c'était un
Page 30170
1 poste d'observation, un poste d'observation des positions en contrebas.
2 Q. Et lorsque vous dites que "c'est un peu plus à droite," qu'entendez-
3 vous par là ? Est-ce que vous parlez de l'est ou de l'ouest ?
4 R. Un peu vers l'est peut-être.
5 Q. Donc vous croyez que ça se trouve à l'est de la rue Ozrenska à Vraca ?
6 R. J'ai l'impression que c'est Vraca compte tenu de l'angle d'observation
7 et des immeubles qu'on voit parce qu'à Ozrenska il n'y a pas de côte aussi
8 prédominante. Enfin, c'est mon opinion, c'est ce que je pense au vu de
9 cette photo.
10 Q. Oui, mais la rue Ozrenska, ça va le long d'une colline et on peut voir
11 Sarajevo ?
12 R. Oui, mais je parle de l'angle de prise de vue. Et je dirais qu'il
13 s'agit d'une côte prédominante par rapport à la rue Ozrenska, il faut aller
14 plus à droite à l'est de la rue Ozrenska, peut-être en direction de
15 Trebevic, je ne sais pas au juste.
16 Q. Très bien.
17 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à ce que l'on nous fasse
18 voir le reste de la vidéo, on s'était arrêté au moment de 28 secondes.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Maintenant nous nous sommes arrêtés à la
21 seconde 52.
22 Q. Monsieur Tomic, est-ce que vous pouvez confirmer si c'est également une
23 vue de Grbavica qu'on a, et les trois tours qui ont une couleur blanche de
24 côté, c'est Soping ?
25 R. Oui. Au loin on voit la colline de Hum avec l'antenne du relais.
26 Q. Merci. On en a terminé avec le clip vidéo.
27 Monsieur Tomic, vous avez souligné dans votre déclaration et au cours de
28 votre témoignage d'aujourd'hui le fait qu'en avril, lorsque vous faisiez
Page 30171
1 partie de la TO de Novo Sarajevo, que vos missions consistaient à protéger
2 vos maisons et votre partie de la ville, vous avez dit que vous n'avez
3 entrepris aucune action offensive. Mais le fait est qu'au fil du mois
4 d'avril il y avait eu une offensive de la TO réalisée au nord des positions
5 que vous avez marquées sur cette carte en disant que c'était la ligne de la
6 défense, et à titre concret, c'était une offensive dirigée sur le secteur
7 de Grbavica; est-ce exact ?
8 R. Dans le secteur couvert par l'unité dont je faisais partie lorsqu'on a
9 fait partie de cette unité plus grande du 1er mai, il n'y a pas eu
10 d'activités offensives, et à Grbavica, il y a une partie de la population
11 serbe qui s'était organisée à des fins de s'auto protéger elle-même et leur
12 famille, ils se sentaient en sécurité dans le secteur.
13 Q. Moi, ce que je suis en train d'évoquer c'est une offensive lancée par
14 la TO serbe de Novo Sarajevo le 21 avril 1992 à Grbavica. Est-ce qu'il y a
15 eu une offensive de cette nature ou pas ?
16 R. Je n'ai pas participé à ces offensives. Je vous ai dit quelles étaient
17 nos positions. Et notre mission était de tenir les positions à cet endroit
18 et de protéger l'endroit où nous habitions, mes voisins, mes amis, et les
19 autres de la rue. Moi, je n'ai pas pris part à des offensives.
20 Q. Vous vous souvenez de ces activités offensives donc du 21 avril en
21 direction de Grbavica ?
22 R. Je ne me souviens pas de la date, je sais que c'était vers la fin
23 avril. Je ne pourrais pas être aussi précis que vous, il se peut que ce
24 soit le 21, mais moi -- c'est possible. Je n'y ai pas pris part. Je ne
25 parlerais pas d'activité offensive. La population s'est auto organisée à
26 des fins d'aboutir à la même chose que nous dans la rue Ozrenska.
27 Q. Mais en fait, la TO de Vraca est descendue à Grbavica pour essayer de
28 s'emparer du territoire de Grbavica. Ce sont des activités offensives là ?
Page 30172
1 R. Non, il y avait énormément de Serbes à Grbavica et la municipalité de
2 Novo Sarajevo avant la guerre avait une majorité de population serbe. La
3 municipalité englobait un territoire assez important, mais il y avait une
4 majorité de population serbe. Ils s'étaient auto organisés. Ils étaient là.
5 Il n'est pas venu des forces de l'extérieur ou des membres de la TO. Chacun
6 avait ses propres missions par secteur ou par bout de territoire, par
7 communauté locale, là où ils habitaient parce que ce territoire englobait -
8 - la rue Ozrenska ça allait jusqu'à Vraca, et je crois qu'il y a une partie
9 qui faisait partie de la communauté locale de Hrasno, c'est du moins ce que
10 je pense.
11 Q. Monsieur, je m'excuse, je n'ai pas pu suivre votre réponse. Est-ce que
12 vous êtes d'accord ou pas pour dire que les membres de la TO de Vraca sont
13 descendus à Grbavica pour essayer de s'emparer de certaines parties du
14 territoire ?
15 R. J'ai dit de façon explicite que je n'étais pas d'accord parce qu'à
16 Grbavica il y avait énormément de Serbes qui habitaient là et qui eux aussi
17 se sont auto organisés comme nous autres à Ozrenska et ailleurs dans
18 d'autres parties de la ville de Sarajevo.
19 Q. Je voudrais vous demander d'écouter une conversation interceptée, il
20 s'agit de la pièce à conviction D1202.
21 Il s'agit d'une conversation interceptée au téléphone et datée du 21 avril
22 1992, je vais vous demander d'écouter, puis je vous poserai mes questions
23 ensuite.
24 [Diffusion de la conversation interceptée]
25 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
26 "Oui, bonjour."
27 "Bonjour."
28 "Qu'y a-t-il ?"
Page 30173
1 "Veselinovic."
2 [Inaudible].
3 [voix sur voix]
4 "Y a-t-il Prstojevic ?"
5 "D'où appelles-tu et qui es-tu ?"
6 "Momo de Sarajevo."
7 "Quel Momo ?"
8 "Garic."
9 "Dis, Eric.
10 "Attends, attends, attends. Ici Garic."
11 "Que dis-tu, Garic ?"
12 "Qu'y a-t-il pour Veselinovic ?"
13 "Comment pouvez-vous nous aider ?"
14 "Mais dis-nous."
15 "L'armée ne veut pas. Nous sommes encerclés partout. Est-ce que vous avez
16 des blindés ? Je vous en supplie."
17 "Garic Prstojevic est ici."
18 "Passe-le-moi."
19 "Garic ici."
20 "Bonjour."
21 "Ecoute. De quelle façon peux-tu nous aider le plus vite ?
22 "Aider qui ?"
23 "Nous autres."
24 "Où es-tu ?"
25 "A Novo Sarajevo."
26 "Attends. A Vraca, nous avons besoin d'urgence, de renforts."
27 [Inaudible].
28 [voix sur voix]
Page 30174
1 "Quelqu'un attendra au col ces gens."
2 "Moi, j'attendrai ces renforts au col."
3 "Attends, Garic. Tu es au village ou --"
4 "Nous sommes descendus jusqu'à Miljacka. Ils sont en train de nous
5 encercler. L'armée ne veut pas bouger un doigt. Nous sommes en train de
6 nous battre farouchement. Il y a des morts et des blessés."
7 [Inaudible]
8 [voix sur voix]
9 "Ce matin on a commencé, mais là je pense que nous sommes encerclés. Que
10 pouvez-vous faire pour nous aider ? J'ai appelé Velibor et Nedzarici mais
11 c'est faible, c'est maigre."
12 "Alors qu'est-ce qu'ils font les effectifs spéciaux ?"
13 "Ils ne veulent pas sortir de leurs enceintes. La police de réserve a
14 promis d'aider, mais ils ont rebroussé leur chemin."
15 [On entend des voix derrière].
16 [voix sur voix]
17 "Que voulez-vous faire ?"
18 "Ecoute, il est difficile de se battre de jour. Et si --"
19 "Enfin, on ne peut pas les laisser vous encercler."
20 "Ouais."
21 "Organisez-vous et essayez de trouver de l'aide à côté."
22 "Il n'y a personne."
23 "Maintenant vous avez Vraca Petrovici."
24 "Non. Ils sont tous partis."
25 "S'ils sont partis, c'est que vous avez à faire face à des effectifs très
26 importants."
27 "Justement, c'est ça le problème."
28 [Inaudible].
Page 30175
1 [voix sur voix]
2 "Ecoutez, retirez-vous."
3 "Et où est-ce que vous vous trouvez ?"
4 "Vrbanja, Grbavica, Ivan Krndelj, là-bas jusqu'à l'exploitation
5 d'électricité -- l'entreprise d'exploitation d'électricité."
6 "Et vous, vous êtes descendu ?"
7 "Oui."
8 "Hmm. Ecoutez, faites preuve de souplesse. Retirez-vous et retirez la
9 population complète."
10 "N'oublie pas qu'il est difficile d'envoyer des gens. Ils sont en train de
11 se battre dans un secteur qu'ils ne connaissent pas."
12 "Bien. Fort bien."
13 "Allez, au revoir."
14 [Fin de la diffusion de la conversation interceptée]
15 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
16 Q. Monsieur le Témoin, Monsieur Tomic, vous avez entendu le dénommé Momo
17 Garic en train d'appeler de Novo Sarajevo et de Vraca. Il explique à
18 Prstojevic qu'il est encerclé. Il dit :
19 "Nous sommes descendus en contrebas jusqu'à la Miljacka en ville."
20 Et :
21 "Nous sommes en train de nous battre farouchement, nous avons beaucoup de
22 morts et de blessés."
23 Et il décrit une opération lancée par la TO de Novo Sarajevo. Les membres
24 de la TO de Vrace étaient descendus en contrebas pour se battre pendant une
25 opération offensive à Grbavica, n'est-ce pas ?
26 R. Je ne sais pas, il se peut que quelqu'un parmi ces membres de la TO ait
27 participé, mais je vous dis qu'à Grbavica, il y avait suffisamment
28 d'habitants du cru, des Serbes qui s'étaient auto organisés, et je vous ai
Page 30176
1 indiqué la ligne rouge pour vous donner une idée de la superficie de ces
2 territoires. Si nous avions quitté nos positions, ces positions seraient
3 restées vides. Et la ligne de confrontation serait vulnérable, et Grbavica
4 aurait été encerclé de toutes parts. Donc nous ne pouvions pas nous autres,
5 quitter nos positions parce que depuis Hrasno, et ailleurs, il y avait une
6 ligne en face, il y avait une ligne qui était consolidée avec le temps pour
7 des raisons de sécurité. Il n'était donc pas faisable de nous voir, nous
8 autres, mon unité et mes hommes allions participer à des opérations en
9 laissant les positions que nous tenions pour laisser libre accès aux unités
10 de l'armée musulmane. Si quelqu'un était parti, aider, je ne peux pas le
11 contester, je n'en ai pas -- je n'en ai aucune idée, mais je vous dis qu'il
12 y avait des unités là-bas qui faisaient partie de la Brigade de Sarajevo-
13 Romanija, en 1992.
14 Q. Mais dans cette conversation interceptée, le dénommé Prstojevic, en
15 fait, est-ce que vous avez connu Nedjeljko Prstojevic, qui se trouvait être
16 le chef de la cellule de Crise à Ilidza ? Je vois que vous faites un signe
17 négatif de la tête.
18 R. Non, je ne l'ai pas connu.
19 Q. Ce Prstojevic dit que vous vous organisiez, et que vous obteniez de
20 l'aide de la part de gens qui se trouvent le plus près, et Garic dit : Mais
21 vous êtes les plus proches. Et l'autre lui dit : Vous avez Vrace, Petrovici
22 et tout ça. Et Garic lui dit qu'il n'y a personne, ils sont tous descendus
23 en contrebas. Et Prstojevic dit : Ils sont tous descendus, et Garic dit :
24 Oui.
25 Alors ce monsieur Garic dit clairement ici quelle a été l'opération lancée
26 par la TO, où tous ceux de Vrace, de Petrovici et de ce secteur sont
27 descendus en bas de Grbavica, n'est-ce pas ?
28 R. Je vous répète que ce n'est pas faisable de laisser votre aile gauche
Page 30177
1 ou aile droite vide de personnes et d'effectif, et aller vous précipiter en
2 bas. Prstojevic a dû subir des pertes. Il avait enfin il devait être
3 paniqué, on a pu entendre ça dans sa voix. Il demandait de l'aide. Mais je
4 vous affirme qu'il n'était pas possible d'envoyer tout le monde sur un
5 segment de la ligne de front, et laisser l'aile gauche ou l'aile droite
6 tout à fait vide. Ça aurait permis à l'ennemi d'accéder. Qu'avez-vous fait
7 en somme et au final ?
8 Q. Bien, Monsieur Tomic, bien. Je comprends la position que vous venez
9 d'exposer, et vous êtes en train de dire que en dépit de tout ceci ce
10 n'était tout simplement pas possible.
11 Alors je voudrais à autre chose, à une période où votre unité était
12 adjointe, à ce Corps de Sarajevo-Romanija. On croit comprendre d'après vos
13 déclarations que c'est ce qui s'est passé au final. Alors vous vous
14 trouviez dans le cadre de la 3e Compagnie du 2e Bataillon. Or, la Chambre a
15 déjà entendu des éléments de témoignages disant que la 4e Compagnie du 2e
16 Bataillon était positionnée à la rue Ozrenska. Se peut-il que vous ayez été
17 membre ou plutôt votre peloton ait été membre de cette 4e Compagnie, ou
18 est-ce que vous pouvez expliquer ou concilier ces deux éléments ?
19 R. Je souhaite simplement préciser quelque chose. Le RSK était dans
20 l'ensemble du secteur de Sarajevo, et comportait l'armement des brigades.
21 La brigade qui a été créée en mai 1992, était la 1ère Brigade de Romanija,
22 et la compagnie, dont j'étais membre, était la 3e Compagnie du 3e Bataillon
23 de la 1ère Brigade de Romanija. Le peloton dont j'étais membre, était le 2e
24 Peloton de cette compagnie. Et en printemps, vers la fin du mois de mai
25 1993, la 1ère Brigade mécanisée de Sarajevo a été créée, et le 3e Bataillon
26 est ensuite devenu le 2e Bataillon d'Infanterie au sein de la 1ère Brigade
27 mécanisée de Sarajevo. Toutes les brigades de Sarajevo faisaient partie du
28 RSK, le Corps de Sarajevo-Romanija. Donc nos bataillons ou la compagnie
Page 30178
1 n'ont pas fait partie du RSK, parce que nous avions des pelotons, des
2 compagnies, des bataillons, des brigades et des corps, et il y a la
3 hiérarchie qui existe, et c'est ainsi que cela marche. Et, moi, je faisais
4 partie de la 3e Compagnie --
5 Q. Merci. Je comprends votre déposition, vous étiez membre de la 3e
6 Compagnie, du 3e Bataillon de la 1ère Brigade de Romanija, qui s'est
7 ensuite appelée la 3e Compagnie du 2e Bataillon de la 1ère Brigade
8 mécanisée de Sarajevo. Pourriez-vous nous dire où était positionnée la 4e
9 Compagnie par opposition à la 3e Compagnie ? Parce que comme je vous l'ai
10 dit, plutôt les Juges de la Chambre ont entendu des éléments de preuve en
11 vertu desquels la 4e Compagnie se trouvait également sur la rue Ozrenska.
12 R. C'est exact. La 4e Compagnie se trouvait là. Pour ce qui est de la 3e,
13 cela se trouvait sur la gauche ou plutôt à l'ouest, si vous regardez la
14 carte. Et c'est à établir la jonction entre la 5e Compagnie dont la zone de
15 responsabilité se trouvait dans Mojmilo et Lukavica. Et le 2e Bataillon se
16 trouvait là. Et c'était le bataillon de Dobrinje. C'était un autre
17 bataillon de Dobrinje, ce n'était pas le 2e Bataillon. Et ils avaient
18 établi une jonction, il y avait le 2e -- la 4e Compagnie qui se trouvait
19 dans la rue Ozrenska.
20 Q. Je vais vous demander de bien vouloir vous concentrer sur la question
21 particulière que je vous pose. Je vais vous poser des questions sur
22 certains endroits que vous citez dans votre déclaration, à partir desquels
23 on vous a tiré dessus.
24 Aux paragraphes 9 et 10 de votre déclaration, et vous avez parlé de
25 bâtiment résidentiel et d'une place, Pero Kosoric, c'est une place qui se
26 trouve à Hrasno n'est-ce pas ?
27 R. C'est exact.
28 Q. Et le bâtiment le plus bas, se trouve également à Hrasno ?
Page 30179
1 R. Eh bien, cela se trouve dans la direction du stade de football de
2 Zeljeznicar. Et la ligne rouge indique que cela est tout proche de la rue
3 Milutin Djuraskovic, tout près, ou à quelques mètres du stade de football,
4 Zeljeznicar.
5 Q. Et Plavi Neboder où les gratte-ciel bleus, où cela se trouvait-il ?
6 R. Il y avait cinq, il s'agit des positions élevées par rapport à nos
7 positions. Et un tireur embusqué peut couvrir l'ensemble du secteur de la
8 rue d'Ozrenska à partir de ces grattes ciel ou de ces tours très élevés
9 bleu, qui comportaient une vingtaine d'étages.
10 Q. Donc tous ces endroits étaient assez près de vos positions, sur la rue
11 Ozrenska, n'est-ce pas ? Et si, oui, à quelle proximité se trouvaient-ils ?
12 R. Je veux parler du moment où j'y étais moi-même, en 1994, avant de
13 devenir membre du commandement du bataillon. J'ai passé tout mon temps à
14 Sanac, à ce moment-là. Cela se trouve à une distance qui peut être atteinte
15 par un fusil normal ou des armes évidemment de gros calibre. La ligne de
16 démarcation entre nous et les troupes musulmanes, il y a une distance d'une
17 vingtaine de mètres, entre nous et certains quartiers. Je veux parler du
18 quartier où se trouvaient exclusivement ce peloton, ce peloton dont j'étais
19 membre de 1992 à 1994, jusqu'à la fin du mois de mai. Je sais que dans ces
20 autres quartiers, il y avait la Miljacka, la rivière qui marquait la ligne
21 des engagements. Donc c'était à portée d'un fusil ou d'arme d'infanterie,
22 et la maison dans laquelle je vivais, dans laquelle vivaient mes parents
23 également, se trouvait à portée de ces armes d'infanterie. Et nous avons
24 passé toute la guerre dans cette maison.
25 Q. Bien. Et j'ai compris donc les positions de ces unités sur cette ligne
26 étaient généralement positionnées dans cette rue Ozrenska, et donc
27 faisaient l'objet de nombreux tirs, et elles se trouvaient donc dans une
28 situation dangereuse. Est-ce que vous pourriez -- est-ce que vous diriez
Page 30180
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 30181
1 que vous étiez sans cesse en danger à ces positions-là ?
2 R. Oui, oui, tout à fait. La ligne qui longeait la rue Ozrenska, eh bien,
3 était interrompue par endroit à toutes les fois que c'était possible
4 c'était dû à la configuration du terrain. Il y a beaucoup de maisons à cet
5 endroit-là et chaque maison était une cible éventuelle à l'endroit où l'on
6 pouvait faire une incursion. Tout le long de la rue Ozrenska c'était le
7 cas. La distance entre les deux armées était de 20 à 50 mètres au maximum.
8 Donc on pouvait même lancer une pierre, on pouvait se lancer des pierres,
9 c'était possible. La rue Ozrenska a vu tomber 200 personnes et il y a eu
10 200 morts et de nombreux civils sont morts suite aux tirs de mortier ou aux
11 tirs de tireurs embusqués qui venaient de l'autre côté.
12 Q. Merci. Vous avez dit également dans votre déclaration que :
13 "Nous n'avons jamais tiré en profondeur sur le territoire."
14 Est-ce que vous voulez parler de nous, notre peloton, votre
15 peloton, ou est-ce que vous diriez que c'était le cas de toutes les unités
16 qui se trouvaient sur la rue Ozrenska ?
17 R. Je dois établir une distinction entre 1994, je faisais partie de cette
18 unité, et je peux vous dire que personne n'a tiré au cœur de la ville.
19 Après 1994 je suis devenu membre du commandement du bataillon et je peux
20 dire que des ordres très stricts avaient été donnés, on nous avait demandés
21 de ne pas tirer sur le cœur de la ville, à moins que nous soyons attaqués.
22 Dans ce cas, nous y avons droit d'utiliser tous les moyens possibles car
23 nous étions à ce moment-là en état de préparation au combat et nous étions
24 à ce moment-là sur la ligne de front et en mesure de nous défendre.
25 Q. Donc vous dites en somme que lorsque vous étiez membre du peloton,
26 personne n'a tiré au cœur de la ville en profondeur. Vous voulez dire que
27 personne dans votre peloton n'a tiré ainsi en profondeur; c'est exact ?
28 R. C'est exact.
Page 30182
1 Q. Et vous avez également identifié des cibles au cœur de la ville en
2 profondeur au paragraphe 19 de votre déclaration, et vous avez parlé
3 d'école en particulier qui se trouvait sur la rive droite de la Miljacka et
4 de pièces d'artillerie à un endroit qui se trouvait près des bâtiments
5 résidentielles. Les unités qui se trouvaient sur la rue Ozrenska ont-elles
6 fait l'objet de tirs entrant à partir de ces positions qui se trouvaient au
7 cœur de la ville, comme vous le dites ?
8 R. De Grbavica -- ou plutôt, de Soping, nous avions placé des postes
9 d'observation provisoire étant donné qu'il s'agissait de tour qui
10 comportait une vingtaine d'étages, nous pouvions observer ce qui se passait
11 d'un côté. Nous ne pouvions qu'observer, nous ne pouvions rien faire
12 d'autre sinon nous révélerions l'endroit où nous étions. Et nous pouvions
13 distinguer toutes ces installations, et depuis ces installations on nous
14 tirait dessus. Et nous avons appris par la suite qu'ils avaient participé à
15 de sales besognes. Par exemple, ils fixaient un mortier sur un petit camion
16 et il s'approchait d'un bâtiment tirait quelques coups, et ensuite ce
17 camion serait caché derrière une école ou un bâtiment. Et nos observateurs
18 ont pu voir cela. C'était impossible de les retrouver par la suite, et
19 s'eut été en vain de tirer sur ces cibles qui étaient mobiles.
20 Q. Donc vous -- pour reprendre ce que vous avez dit, vous avez parlé des
21 mortiers qui étaient fixés sur le camion et vous dites qu'il eut été
22 inutile de tirer sur ces cibles parce que vous voulez dire qu'au moment où
23 vous étiez prêt à tirer sur une cible comme cela, un mortier mobile, ce
24 mortier serait déjà à un autre endroit, n'est-ce pas ?
25 R. L'unité -- ou plutôt, le peloton au début de la guerre et le bataillon
26 pendant toute la durée de la guerre, ne disposait pas de ce genre d'arme
27 avec ce type de calibre mais ne se possédait pas de ce genre d'outil ou
28 d'instrument qui l'aurait permis de riposter quelquefois lorsqu'il y avait
Page 30183
1 des escarmouches, lorsqu'ils tentaient d'opérer une percée dans notre ligne
2 de défense, et quelquefois ils réussissaient, nous demandaient à ce moment-
3 là avoir un appui d'artillerie visant -- dirigé sur les cibles que nous
4 observions. Il s'agissait d'endroits où les membres des forces de l'armée
5 musulmane se concentraient. Autrement dit, nous ne disposions pas d'arme
6 que nous pouvions utiliser contre eux sur la ligne de front. Nous
7 disposions que d'armes d'infanterie. C'est tout. Avant d'être -- car les
8 armes [inaudible] calibre -- notre plus gros -- notre arme avec le plus
9 gros calibre était un M84. Nous avions des mitrailleuses M53 et des armes
10 de 7,62 millimètres. Nous n'avions pas de canon. Nous n'avions pas de
11 mortier qui nous aurait permis de compromettre les cibles que nous
12 observions.
13 Q. Lorsque vous dites que le plus gros calibre dont vous disposiez était
14 un 84, nous n'avions pas de canon ni de mortier; est-ce que vous voulez
15 parler de votre peloton ? Est-ce que vous voulez parler du bataillon ?
16 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise : Veuillez remplacer peloton par
17 section.
18 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
19 Q. Alors je parle -- je ne veux pas parler de la section avant 1994. Dans
20 le bataillon, par la suite, nous disposions d'armes qui pouvaient être
21 utilisées pour fournir un appui à certaines positions pendant des combats
22 intenses, pendant des attaques venant de leur côté, et dans ce cas, nous
23 pouvions demander un appui et nous le recevions. Et au sein des compagnies
24 nous avions des mortiers plus petits, d'un calibre plus petit de 60
25 millimètres. Nous n'avions pas de mortier de plus gros calibre. Et en
26 réalité, il eut été impossible d'utiliser ces armes-là, parce que la ligne
27 de séparation était de 20 à 30 mètres, et pas davantage. On ne pouvait pas
28 demander à recevoir un appui avec des armes avec un plus calibre parce que,
Page 30184
1 dans ce cas, nous aurions menacé la vie de nos propres soldats, de nos
2 propres troupes, en raison de la proximité géographique des deux armées le
3 long de la ligne de séparation. Et personne n'est parfait et personne ne
4 peut viser avec autant de précision.
5 Q. Bien. Pour être claire, vous dites donc qu'avant 1994 personne au sein
6 du bataillon ne disposait d'une arme avec un calibre plus gros qu'un M84.
7 Ai-je raison de vous dire cela ?
8 R. Je ne peux pas dire qu'il s'agit d'un fait. Je faisais partie d'une des
9 unités du bataillon. Peut-être que dans le bataillon quelqu'un disposait
10 d'une arme de ce genre. Mais je ne le sais pas et je ne peux pas vous dire
11 que je le sais parce que je n'étais pas membre des autres unités. Il était
12 impossible de se déplacer. Je ne savais pas ce dont disposaient les autres
13 unités du bataillon. Je ne savais pas ce qu'ils faisaient, ce qu'elles
14 faisaient le long de la ligne de séparation. Lorsqu'on veut se protéger des
15 mortiers, il n'y a pas de façon idéale pour le faire et lorsqu'on se
16 déplace le long de voies sécurisées, mais lorsqu'il n'y avait pas de route,
17 il y avait des avertissements. On nous indiquait qu'il fallait faire
18 attention aux tireurs embusqués. Les gens faisaient attention. Et il y
19 avait moins de pertes parce que les gens ont commencé à faire davantage
20 attention.
21 Q. Merci. Je vous ai interrompu parce que vous vous écartez de la question
22 que je vous posais. Vous avez dit dans votre déclaration au paragraphe 23
23 que les observateurs militaires des Nations Unies avec lesquels vous étiez
24 en contact ne se sont jamais plaints de tir lancé par votre bataillon. Et
25 vous avez dit que :
26 "Nous dans notre unité nous n'avions pas d'arme d'infanterie, nous avions
27 des mortiers, que de 60 millimètres."
28 D'après ce que j'ai compris, vous voulez parler du 2e Bataillon, et dans
Page 30185
1 votre déposition, vous dites que, dans l'ensemble du 2e Bataillon, nous
2 n'avions pas de mortiers d'un calibre plus élevé que 60 millimètres; est-ce
3 exact ?
4 R. Oui.
5 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je souhaite maintenant regarder le numéro
6 65 ter 24044, s'il vous plaît.
7 Q. Monsieur Tomic, le document que vous êtes sur le point de voir est un
8 document qui émane de la 4e Compagnie du 2e Bataillon sur la rue Ozrenska.
9 D'après ce que j'ai compris de votre déposition antérieure, il ne s'agit
10 pas de votre compagnie mais de celle qui se trouvait un peu plu loin dans
11 cette rue. Il s'agit d'une liste d'armes, ceci est daté du 22 octobre 1993,
12 à un moment où vous étiez également cantonné dans la rue Ozrenska. Et vous
13 pouvez constater que cette liste comprend un PAM une mitrailleuse
14 antiaérienne; trois mortiers de 62 [comme interprété] millimètres; un
15 mortier de 82 millimètres; un nombre de M84 et M53; trois lance-roquettes;
16 des M48; et un 12,7 millimètres mitrailleuse Browing ou Broving.
17 Ce document montre non seulement que le 2e Bataillon disposait d'un mortier
18 de 82 millimètres, mais la 4e Compagnie, qui se trouvait un peu plus loin
19 sur la rue Ozrenska, en possédait également, n'est-ce pas ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir la date qui correspond,
21 s'il vous plaît ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en 1993. Je faisais partie de la
23 section. Je ne sais pas à quel moment ce dont disposait la compagnie le
24 long de la rue Ozrenska ou ce qu'elle avait à côté de la rue. Si j'ai bien
25 compris ceci s'applique à l'année 1993, et en 1994, au début du mois de
26 juin je suis devenu membre du commandement du bataillon de la 1ère Brigade
27 de Romanija.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mme Gustafson a cité la date.
Page 30186
1 Poursuivons.
2 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
3 Q. [aucune interprétation]
4 R. L'année est 1993. En 1993, je ne faisais toujours pas partie du
5 commandement du bataillon donc je ne sais pas si ceci existait dans la 4e
6 Compagnie, car je n'en étais pas un membre à l'époque.
7 Q. Monsieur Tomic, vous avez dit qu'en 1994 personne dans l'ensemble du
8 bataillon ne disposait d'un mortier plus important que 60 millimètres. Et
9 maintenant nous constatons que 1993 déjà la 4e Compagnie disposait d'un
10 mortier de 82 millimètres.
11 R. Je ne sais pas si vous savez qu'en 1994, les forces des Nations Unies
12 ont interdit l'usage des armes le long de la ligne de front d'un calibre
13 plus important que 60 millimètres, et toutes ces armes ont été déplacées en
14 profondeur sur le territoire derrière les lignes et les membres de la
15 FORPRONU sont même venus sur place et -- car il était possible de tirer
16 avec ces armes. Donc il y a eu une interdiction imposée sur l'emploi
17 d'armes de haut calibre dans ces secteurs. Je ne sais pas quand ceci est
18 entré en vigueur. Je sais que c'était en 1994 et la liste des armes qui
19 existaient au sein de la 4e Compagnie remonte à l'année 1993.
20 Q. Bien. Vous avez dit un peu plus tôt -- vous avez dit que sur la ligne
21 de séparation il y avait vingtaine ou trentaine de mètres de distance. Donc
22 ces armes qui figurent sur cette liste, en particulier ces mortiers, ceux
23 qui ont été utilisés pour tirer sur les cibles en profondeur, au-delà de la
24 ligne de confrontation; c'est à cela que cela correspond; c'est exact ?
25 R. Oui. Un mortier de 62 millimètres est le seul qui permet de fournir un
26 appui lorsqu'il y a des combats le long de la ligne de confrontation qui
27 n'est que de 30 mètres en profondeur. On ne peut pas utiliser un calibre
28 plus important parce que les éclats d'obus peuvent tomber de part et
Page 30187
1 d'autre. C'est la raison pour laquelle la compagnie à laquelle
2 j'appartenais avant 1994, dans cette section, nous ne disposions pas d'un
3 calibre plus gros que 60 millimètres. Et nous parlons de 1993, vous avez
4 parlé de la 4e Compagnie, je vois qu'il s'agit de la 4e Compagnie. Je ne
5 savais pas qu'ils disposaient d'un mortier de 82 millimètres que vous avez
6 cité et je vois qu'ils apparaissent dans cette liste.
7 Q. Très bien. Donc les mortiers de 82 millimètres apparaissant sur cette
8 liste ne pouvaient être utilisés que pour tirer en visant un territoire se
9 trouvant en profondeur, n'est-ce pas ?
10 R. Je ne peux pas faire des hypothèses. Je ne sais pas s'ils l'ont
11 utilisé. Peut-être qu'ils le gardaient prêt à être utilisé pour se défendre
12 parce qu'il y avait eu beaucoup de tentatives de percées, en 1992 et 1993,
13 beaucoup de victimes. Alors je ne sais pas. Je ne peux pas me livrer à des
14 suppositions pour savoir s'ils ont tiré en l'utilisant ou les utilisant.
15 Q. Très bien. Alors je voudrais poser des questions de suivi, mais avant
16 de quitter ce document confirmez-moi deux ou trois choses, s'il vous plaît.
17 Une arme automatique de type M84 a une portée qui peut aller jusqu'à mille
18 mètres lorsqu'elle est montée sur un trépied, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Pour un M53, la portée effective est de 1 500 mètres lorsque l'arme est
21 montée sur un trépied, n'est-ce pas ?
22 R. Oui. Il y avait également des M53, mais pour la plupart c'étaient des
23 armes défectueuses parce que c'étaient des armes anciennes fabriquées en
24 1953, donc ce n'était même pas sûr de les utiliser. Malheureusement, nous
25 n'avions pas davantage de M84, c'est pourquoi nous avions de M53.
26 Q. Et la mitrailleuse lourde de 12,7 millimètres Browing a une portée de 1
27 800 mètres, n'est-ce pas, et de 1 500 mètres pour une cible ponctuelle;
28 est-ce exact ?
Page 30188
1 R. Oui, mais je ne comprends pas votre question. Personne ne va tirer au
2 petit bonheur la chance s'il y a des combats à proximité. On utilise ces
3 armes uniquement au cas de besoin. Vous les utilisez si votre position
4 était attaquée, mais maintenant parler de portée, pour moi, ça n'a aucun
5 sens d'imaginer qu'on aurait tirer aussi loin et qu'on aurait dépensé des
6 munitions en tirant aussi loin. Alors même que nous avions des consignes
7 nous imposant d'économiser strictement les munitions. Donc je ne vois pas à
8 quoi cela correspond ? Vous parlez de 1 500 mètres ? Moi, je vous dis qu'à
9 aucun endroit nous n'avions une distance entre les lignes qui dépassaient
10 une cinquantaine de mètres, je le dis en toute responsabilité.
11 Q. Très bien. Mais il y a quelques instants vous avez dit que vous ne
12 pouviez pas faire des hypothèses sur l'utilisation ou non de mortier de 82
13 millimètres de la 4e Compagnie. Vous avez dit que peut-être on se contenait
14 de les garder prêt à être utilisé.
15 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Mais je voudrais justement que nous
16 regardions maintenant ensemble le document numéro 24043 de la liste 65 ter.
17 Q. Vous voyez qu'il s'agit là d'un document du 8juin 1993, adressé au
18 commandant de bataillon par la 4e Compagnie, c'est un rapport portant sur
19 l'état du stock de munition. Vous pouvez y voir qu'il y a des grenades qui
20 a sept obus de mortier de 60 millimètres et six obus de mortier de 82
21 millimètres que nous voyons dans la liste en anglais avec le qualificatif -
22 - ou sous la dénomination de grenades. Mais il s'agit d'obus de mortier,
23 n'est-ce pas ?
24 R. Oui, je suppose que c'est bien le cas.
25 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous passions
26 au document le numéro 24045 de la liste 65 ter.
27 Q. Il s'agit encore une fois d'un document de la 4e Compagnie du 2e
28 Bataillon six mois plus tard avec la date du 3 décembre 1993, et il est
Page 30189
1 indiqué qu'il s'agit de "munition," des obus de 60 millimètres, une caisse,
2 et deux obus de 82 millimètres
3 peuvent être deux caisses. Il est indiqué plus bas :
4 "Nous n'avons aucune des munitions mentionnées ci-dessus, nous
5 demandons que vous me livriez à moi ces munitions."
6 Donc ce document nous montre que la 4e Compagnie avait bien des munitions
7 pour des mortiers de 82-millimètres et les utilisaient et les utilisaient,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Je ne sais pas si elle les utilisait, mais ce que je sais, c'est que ce
10 document est de 1993. Je sais que certains commandants de sections ou de
11 compagnies par peur de se retrouver à court de munitions, se constituaient
12 une petite réserve. Alors est-ce qu'ils ont utilisé ce que nous voyons là
13 ou pas, je ne le sais pas, parce que c'est l'année 1993, et ce n'est pas ma
14 compagnie d'ailleurs. Je connais par ailleurs ce genre de situation, parce
15 que parfois vous devez vous assurer des stocks un peu plus importants; si
16 vous faites des provisions pour l'hiver, vous allez faire un peu plus de
17 provisions. Donc c'est une digression que je fais mais je vous dis que je
18 sais qu'il y a eu des commandants qui pour parer à toute éventualité ont
19 procédé ainsi. Alors est-ce que ça a été le cas dans ce cas précis? Je
20 pense que oui, je suppose que oui.
21 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voulais demander le versement des
22 derniers trois documents qui ont été versés.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste une question, Madame Gustafson. Je
24 vois le nom de Dusan Zurovac; est-ce que c'est le témoin suivant ?
25 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, je crois.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Maître Robinson.
27 M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Monsieur le Président, même si le
28 témoin n'a pas confirmé ces documents, je crois qu'en application de la
Page 30190
1 décision de la Chambre, il y a un suffisant entre ces documents et la
2 déposition du document pour qu'il puisse être versé.
3 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Eh bien, je voudrais ajouter que ces
4 documents contredisent l'affirmation du témoin, selon laquelle personne au
5 sein du bataillon n'avait de mortier de 82-millimètres.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Le document est versé.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Les documents 24044, 24043 et 24045 de la
8 liste 65 ter reçoivent les cotes respectives P5983, P5984 et P5985.
9 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Très bien. Je voudrais maintenant examiner
10 encore un document qui porte le numéro 1D20334, sur la liste 65 ter.
11 Q. Monsieur Tomic, c'est un rapport quotidien de la 4e Compagnie du 2e
12 Bataillon. Il décrit ce qui s'est passé dans le secteur de la 4e Compagnie.
13 Il est indiqué que :
14 "Maison après maison, notre groupe de commando a pris avec succès
15 chaque maison, l'une après l'autre, et que la ligne de désengagement s'est
16 déplacée d'environ une centaine de mètres vers la profondeur du territoire
17 ennemi. L'ennemi disposait de soutien en artillerie, probablement à partir
18 de Velesici après que nous ayons déterminé cela en analysant les
19 trajectoires des obus ultérieurement, obus qui ont atteint des structures
20 civiles dans le voisinage immédiat du commandement."
21 Il est indiqué ensuite :
22 "Beaucoup de munitions ont été utilisées, y compris dix obus de
23 mortier…"
24 Alors, selon moi, ces obus de mortier n'ont pas pu être tirés en
25 visant la ligne d'engagement puisque le commando était en train de prendre
26 les maisons l'une après l'autre. Est-ce que vous pouvez nous dire, en vous
27 basant sur votre connaissance de la situation, quelles auraient été les
28 cibles visées au moyen de ces dix obus de mortier pendant cette opération ?
Page 30191
1 R. Je ne peux pas me livrer à des suppositions. C'est l'année 1993,
2 ce n'est pas mon unité, peut-être qu'ils ont fait face à une tentative de
3 percée de la part des Musulmans, et ils ont dans ce cas dû rétablir la
4 ligne. J'ai dit que c'est ce qu'on faisait dans mon unité, s'il y avait une
5 tentative de percée, nous devions rétablir la ligne là où elle était,
6 avant. Donc je ne peux pas faire des suppositions. Est-ce qu'ils ont tiré
7 des obus, est-ce qu'ils les ont tirés en visant la profondeur du
8 territoire, je ne sais pas. Et je vous ai déjà dit que ça n'avait aucun
9 sens de tirer des obus en visant la profondeur du territoire, alors que
10 votre ligne est elle-même menacée surtout lorsqu'il s'agit d'hommes qui ont
11 déjà de l'expérience. Là, on est au mois de juin 1993, donc il a déjà
12 certainement eu des tentatives. Je ne pense pas que qui que ce soit de
13 censé tirerait dans ce cas-là des obus en visant la profondeur du
14 territoire. En tout cas, moi, je vous répète que j'étais dans cette
15 section, dans le cadre de la 3e Compagnie, et ceci n'est pas ma zone de
16 responsabilité. C'est à une certaine distance, c'est très loin en fait de
17 là où je me trouvais, peut-être à un kilomètre de distance même, voire un
18 kilomètre et demi.
19 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais demander le versement de
20 ce document.
21 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Le document est versé.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P5986, Madame et Messieurs
24 les Juges.
25 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
26 Q. Monsieur Tomic, je voudrais maintenant passer à un autre sujet, à
27 savoir, le départ des non-Serbes de votre quartier, ainsi que vous le
28 mentionnez dans votre déclaration. Vous dites au paragraphe 13, je cite :
Page 30192
1 "Après le début du conflit, près de l'école du MUP, j'ai remarqué que les
2 Musulmans de notre rue s'étaient retirés dans leur maison, et qu'ils
3 circulaient de moins en moins. Je suis allé dans les maisons de mes voisins
4 musulmans, Suad Jazic, Senad Sabit, et Ibro Surkovic, je voulais voir
5 comment ils se sentaient et s'ils avaient des difficultés, s'ils avaient
6 des problèmes, si tout allait bien. Ils étaient tous dans un état de
7 confusion, et effrayés."
8 Alors l'un des facteurs qui ont contribué à la peur des non-Serbes vivant
9 dans votre quartier, était le fait que les non-Serbes des parties de
10 Sarajevo contrôlées par les Serbes étaient expulsés, n'est-ce pas ?
11 R. Je ne sais pas si à ce moment-là, il y avait des expulsions. Mais je
12 crois qu'ils ne se sentaient pas en sécurité, et qu'ils avaient peur. Et
13 moi aussi, j'éprouvais la même chose de l'autre côté, parce que ma propre
14 sœur avec son fils et son mari se trouvaient de l'autre côté par rapport à
15 eux, et se sentaient tout aussi menacés jusqu'au moment où elle a pu
16 quitter la Bosnie-Herzégovine, en passant du côté serbe. Donc c'est pour ça
17 que je vous dis que je comprends qu'ils se soient sentis menacés, parce que
18 Suad Senad et les autres s'étaient de très bons camarades à moi, et je
19 vivais à leurs côtés; c'est pourquoi j'ai essayé de les aider autant que
20 j'ai pu. Je voulais qu'ils se sentent autant en sécurité que possible. Je
21 connaissais deux autres, il y avait deux autres de mes amis qui étaient
22 Croates, ils ont quitté le secteur, je ne sais pas comment ils ont fait
23 pour partir mais ils sont partis pendant la nuit. Plus tard, je les ai
24 contactés -- ou plutôt, ce sont qui m'ont contacté après avoir quitté la
25 Bosnie-Herzégovine, ils étaient tous les deux mariés, ils étaient Croates,
26 et c'étaient de bons amis à moi. Je leur souhaite tout bonheur possible,
27 comme je le souhaite pour moi-même. Il est probablement assez
28 compréhensible qu'ils ne soient pas sentis en sécurité.
Page 30193
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 30194
1 Q. A cette époque, il y avait, n'est-ce pas, des expulsions de non-Serbes
2 qui se produisaient dans les quartiers de Sarajevo, contrôlés par les
3 Serbes, n'est-ce pas ?
4 R. Je n'en ai pas connaissance. Je vous parle de la partie de cette rue où
5 je résidais moi, et je vous parle des personnes précises que je connaissais
6 qui étaient de très bons amis. Est-ce que cela se produisait ailleurs ? Je
7 suppose que oui, et dans l'autres sens aussi, parce que chacun souhaitait
8 quitter ce territoire à la veille d'une guerre. Comme vous pouvez imaginer
9 que ça peut être le cas aujourd'hui, en Syrie, par exemple, c'est tout à
10 fait humain, cette peur, et le souhait de sauver, de préserver sa famille.
11 Je ne sais pas si cela se produisait dans d'autres parties de la ville, ce
12 dont je vous parle, c'est de la partie de la rue où je vivais. Je vous dis
13 que, là, il n'y avait rien de tel, et dans ma déclaration, j'ai apporté des
14 précisions. Probablement que ce jour-là, j'étais de garde ou que j'avais
15 d'autres obligations, le jour où ils sont partis, et j'en suis désolé. Mes
16 voisins dont j'ai donné les noms, ils les ont accompagnés pour qu'il n'y
17 ait pas de désagréments, et je sais qu'ils sont arrivés de l'autre côté et
18 qu'ils sont arrivés là-bas et sécurité. J'ai appris cela par des amis, j'ai
19 appris que rien ne leur est arrivé, et c'est la chose la plus importante,
20 de survivre.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ils ont été escortés. Ça n'a de nouveau pas été
22 consigné. Le témoin a dit qu'ils ont été escortés pour que rien ne leur
23 arrive.
24 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
25 Q. Monsieur Tomic --
26 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
27 Mme GUSTAFSON : [aucune interprétation]
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y, continuez.
Page 30195
1 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
2 Q. Monsieur Tomic, votre réponse suggère que ces personnes fuyaient
3 simplement une zone de guerre, mais alors, en fait, ils passaient d'un côté
4 de la ligne de confrontation à l'autre au sein de la ville de Sarajevo, ce
5 qui n'a rien à voir avec le fait de quitter une zone de guerre. Ces gens,
6 qui étaient des non-Serbes, quittaient votre quartier par peur en voyant
7 tout ce qui se passait autour d'eux, à savoir l'expulsion de non-Serbes,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Non. J'affirme que ce n'était pas le cas, et je l'affirme
10 catégoriquement, parce que ma propre sœur était de l'autre côté et elle
11 aussi, c'est volontairement qu'elle est partie. Personne ne l'a chassée.
12 Elle a pensé au sort de son fils et, de façon tout à fait logique et
13 raisonnable, elle souhaité le sauver, elle a souhaité lui épargner tout
14 cela. Ma sœur n'a pas été expulsée et, eux aussi, ils n'ont pas été
15 expulsés. Mais je vous le répète, c'était la période à laquelle on pouvait
16 encore passer d'un côté à l'autre, et ça a pu durer jusqu'à la fin du mois
17 de mai. Je ne peux pas vous le dire avec précision. Après, la ville a été
18 complètement verrouillée et fermée pour de nombreuses personnes, tant des
19 Serbes que des Croates et des Musulmans, qui souhaitaient partir mais ce
20 n'était pas possible. Pourquoi ? Parce que la direction musulmane ne
21 permettait pas aux Serbes de partir --
22 Q. [aucune interprétation]
23 R. -- moi, j'affirme qu'un très grand nombre, un nombre énorme de
24 Musulmans raisonnables auraient quitté la ville, sinon.
25 Q. Encore une fois, nous nous éloignons de la question.
26 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais que nous passions maintenant à
27 la pièce D92, page 66.
28 Q. Monsieur Tomic, ce document nous montre une partie d'un discours
Page 30196
1 concernant M. Prstojevic dont il a été question dans une pièce précédente,
2 lorsque M. Prstojevic s'entretenait avec Momo Garic, il s'adressait à
3 l'assemblée, à l'assemblée de la Republika Srpska, en juillet 1992. Alors,
4 en B/C/S, ce n'est pas très visible donc je vais vous en lire la partie
5 pertinente. Il dit, je cite :
6 "En effet, lorsque les Serbes ont commencé leur soulèvement à Sarajevo et
7 qu'ils ont pris le contrôle de certains territoires, il n'y avait pas de
8 gouvernement, ou en tout cas, on ne savait pas où se trouvait le
9 gouvernement à l'époque. De plus, nous ne savions pas non plus si M.
10 Karadzic était en vie ou non pendant les premiers jours. Lorsque nous avons
11 appris qu'il était en vie et lorsqu'il nous a rendu visite à Ilidza et nous
12 a encouragés, les Serbes de Sarajevo ont conservé le contrôle du territoire
13 et ont même étendu leur territoire dans certains secteurs en repoussant les
14 Musulmans hors des territoires où ils avaient en fait été majoritaires."
15 Donc, en substance, ceci est ce qui se passait lors des premiers jours de
16 la guerre à Sarajevo, et c'est précisément la raison pour laquelle les non-
17 Serbes de votre quartier étaient effrayés, n'est-ce pas ?
18 R. Je ne sais pas. C'est la première fois que je vois ce document. Je n'ai
19 jamais fait personnellement la connaissance de M. Prsojevic, alors ceci
20 peut effectivement faire partie d'un discours qu'il a prononcé. Qu'est-ce
21 qu'il a voulu dire par là, je ne sais pas. Mais, en tout cas, il était à
22 Ilidza, donc je ne sais pas -- je ne sais rien à ce sujet. Je ne sais pas
23 s'il s'est exprimé ou non devant l'assemblée mais je dois dire que je n'ai
24 jamais été membre du SDS. Pour moi, il était un des dirigeants de ce
25 mouvement parce qu'il était préoccupé par la survie du peuple serbe, mais
26 pourquoi M. Prstojevic a déclaré ceci et parlé d'une forme d'extension du
27 territoire, je l'ignore. Nous n'avons pas eu d'actions offensives et nous
28 nous contentions de tenir notre ligne de défense, qui ne s'est pas déplacée
Page 30197
1 pendant toute la durée de la guerre. Je ne suis pas au courant de ce
2 discours et je ne le connais pas, je n'en ai jamais entendu parler avant.
3 Q. Oui, mais vers la fin de la guerre ou peu avant la fin de la guerre,
4 vous avez été partisan de cette idée selon laquelle les Musulmans qui
5 avaient quitté Grbavica ne devaient pas retourner à Grbavica, qu'il fallait
6 les en empêcher, n'est-ce pas ?
7 R. Eh bien, je ne sais pas à quel passage ceci correspond, mais je vous
8 réponds non. Comment auraient-ils pu revenir ? La guerre était toujours en
9 cours. Vous dites : "Vers la fin de la guerre," mais est-ce que cela
10 signifie que la guerre se poursuivait ou que la guerre était terminée ?
11 R. La guerre était finie, c'était après les accords de Dayton, les accords
12 de Dayton ont été signés, et Grbavica revenait donc du côté de la
13 Fédération, et vous, vous étiez partisan de l'idée d'empêcher que les
14 Musulmans retournent à Grbavica ?
15 R. Non, non. Je ne sais pas si vous êtes au courant de cela, mais un grand
16 nombre de Musulmans est resté à Grbavica pendant toute la guerre. Et à
17 partir du moment où les accords de Dayton ont été signés, il est vrai que
18 les Serbes étaient obligés de quitter Sarajevo. Alors, comment voulez-vous
19 que l'on puisse empêcher le retour de Musulmans, puisque ce n'est pas
20 logique ? Je ne vois pas comment vous voulez que nous, que l'on puisse
21 intervenir là-dessus. Comment pouvait-on les empêcher de venir alors qu'un
22 accord avait été signé, les lignes de démarcation ont été établies, on
23 savait exactement à qui revenait quelle partie de Sarajevo. Nous n'avons
24 pratiquement rien eu; ils ont eu pratiquement toute la ville.
25 Q. Est-il possible d'examiner la pièce 65 ter 2281 [comme interprété], je
26 pense que c'est un document qui figure déjà parmi les pièces à conviction.
27 Et je vais demander d'examiner la page 169 en anglais et en B/C/S.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P1489.
Page 30198
1 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-il possible de voir le compte rendu en
2 B/C/S plutôt que d'examiner l'original qui est écrit en cyrillique, la
3 transcription de l'original, donc ?
4 Q. Monsieur Tomic, ici, nous avons un extrait du journal militaire du
5 général Mladic, et on parle d'une réunion avec les officiers du Corps de
6 Sarajevo-Romanija qui a eu lieu le 22 décembre 1995, et c'est quelque chose
7 qui se passe très peu de temps après la signature des accords de Dayton. Et
8 je vais demander que l'on examine la page suivante de ce document. C'est le
9 lieutenant Bozidar Tomic que l'on voit ici. C'est vous-même, n'est-ce pas ?
10 R. Oui. Je m'appelle Bozo, mais c'est vrai qu'il leur est arrivé de
11 m'appeler Bozidar. Aleksandar, À côté, Sasa, peu importe. Mais je ne vois
12 pas ce qui est écrit ici.
13 Q. Est-ce que vous voyez maintenant, sous votre nom, on peut lire :
14 "Peuple à Grbavica souhaite rester.
15 "Garantir que les Musulmans et leur police et leurs autorités ne vont pas
16 venir …"
17 Maintenant, on fait référence à ce que vous avez demandé, à savoir vous
18 avez demandé des garanties que les Musulmans n'allaient pas retourner à
19 Grbavica ?
20 R. Non. Moi, j'ai participé à cette réunion - c'est vrai - et moi j'ai
21 demandé qu'on me donne des garanties que leur police n'allait pas venir
22 pour nous infliger des mauvais traitements parce qu'à l'époque, nous tous,
23 les habitants de Grbavica, Vraca, Vogosca, Ilijas et autres parties de
24 Sarajevo habitées par les Serbes, nous souhaitions rester chez nous dans
25 nos foyers. Donc nous avons demandé des garanties. Pas contre l'arrivée des
26 Musulmans parce que c'est leur droit, personne ne conteste. Je dois vous
27 dire que, pendant sept années, je n'ai pas pu expulser certaines familles
28 musulmanes de ma propre maison, mais peu importe, ce que nous ne voulions
Page 30199
1 pas c'est que les autorités arrivent et qui allaient tout de suite faire
2 quoi, nous arrêter. Que pouvions-nous espérer après cela ? Ce n'est pas les
3 Musulmans qui me dérangeaient, mais je ne voulais pas leur police, je ne
4 voulais pas qu'ils nous fouillent, qu'ils fouillent nos maisons, qui nous
5 arrêtent. Comment voulez-vous qu'on se sent en sécurité à Grbavica même si
6 on -- avait laissé -- on nous a accordé le droit de rester chez nous. Parce
7 que vous allez vous rappeler de Hrvacevic, qui avait été l'adjoint du
8 commandant du bataillon, moi, j'étais son assistant et donc il est allé
9 voir la police internationale pour y travailler en tant qu'interprète. Et
10 qu'est-ce qui lui est arrivé, eh bien, il a été arrêté, il a subi de
11 mauvais traitements, il a été envoyé à prison à Zenica où il a passé quatre
12 années. Il a passé quatre années là-bas alors qu'il n'était coupable de
13 rien. Comment voulez-vous que l'on se sent en toute sécurité avec leur
14 police et leur armée qui -- parce qu'il était sûr qu'ils allaient nous
15 arrêter et fouiller nos maisons --
16 Q. Monsieur Tomic --
17 R. [aucune interprétation]
18 Q. -- là, à nouveau, vous déviez de la question. Donc d'après vous vous ne
19 parlez pas de Musulmans, là, vous parlez de la police musulmane et de leurs
20 autorités.
21 R. Bien sûr.
22 Q. Dans votre -- quand on lit votre déclaration on a l'impression que vous
23 et vos unités vous respectiez les droits de la guerre. Est-ce que vous
24 connaissez les conventions de Genève ?
25 R. J'ai eu l'occasion de lire cela, mais ce n'est pas un texte qui est
26 inconnu par nos soldats. Nous avons eu l'occasion de le lire et d'ailleurs
27 tous les ordres que nous avons reçus de notre commandement supérieur, à
28 savoir du niveau de la brigade, disait toujours la même chose, il était
Page 30200
1 strictement interdit de tirer sur les civils, les femmes, les enfants dans
2 la ville. Tous les ordres reçus allaient dans ce sens et nous on donnait
3 les mêmes ordres à notre niveau aux commandants des compagnies et ainsi de
4 suite.
5 Q. Donc vous conviendrez que les conventions de Genève demandent entre
6 autres que les civils et les prisonniers de guerre soient traités de façon
7 humaine sans violence et que toute violence, tout acte de violence contre
8 cette catégorie de personnes est interdit.
9 R. Oui, je suis d'accord.
10 Q. Est-ce que vous saviez s'il y avait eu jamais des violations de ces
11 conventions commises par des membres de votre unité ou d'autres unités du
12 Corps de Sarajevo-Romanija ?
13 R. Je ne peux pas parler au nom des autres unités. Parce que, vous savez,
14 un bataillon compte 1 000 soldats, c'est un nombre trop important pour un
15 bataillon, pour une unité de taille d'un bataillon, de la taille d'un
16 bataillon. Mais vous savez à cause de la configuration du terrain on était
17 obligés d'avoir autant de soldats et puis après on a eu des pertes, et
18 cetera.
19 Q. Monsieur Tomic, mais je ne pose pas de question au sujet de la
20 configuration du terrain et de vos lignes. Est-ce que vous savez s'il y a
21 eu des infractions aux conventions de Genève, des infractions commis par
22 les membres de votre unité ou autres unités ?
23 R. Non, je ne suis pas au courant de cela.
24 Q. Très bien. Est-ce que vous savez s'il y a eu des enquêtes de faites au
25 sein d'une quelconque unité dont vous avez fait partie concernant
26 d'éventuels affrontements aux conventions de Genève ou droits de guerre en
27 général ?
28 R. Dans mon unité il n'y a pas eu de tel cas. Je ne suis pas au courant de
Page 30201
1 cela. Cela étant dit, si jamais s'il y avait des infractions la police
2 militaire intervenait. Mais, là, il s'agit des infractions de type d'état
3 d'ébriété, vols, et cetera.
4 Q. Bien. Merci. Je voudrais vous poser quelques questions au sujet de
5 votre travail que vous décrivez au paragraphe 15. Vous dites qu'à cause des
6 difficultés au niveau du front et un restreint d'éléments dans la rue
7 Ozrenska que vous avez contacté la brigade et qu'un groupe de prisonniers
8 musulmans de Kula est venu aider pour renforcer les lignes.
9 Pourriez-vous nous dire pendant combien de temps cette unité de travail a
10 travaillé sur vos positions dans la rue Ozrenska pour fortifier les lignes
11 de front ?
12 R. Vu qu'il s'agit encore de l'année 1992, je dois vous dire que nous
13 avons demandé de l'aide vu que nous ne pouvions pas le faire de façon
14 correcte, donc nous avons demandé de l'aide et sept, huit personnes sont
15 venues. A nouveau, là, je vous parle des unités où j'ai été moi en 1992.
16 Ils sont restés dix jours, au maximum 12 ou 15 jours. Nous ne savions pas
17 qui ils étaient. Ils étaient là pour nous aider. Nous avons fortifié la
18 ligne ensemble selon la ligne que j'ai inscrite sur la carte en rouge.
19 Q. Qu'ont-ils fait exactement ? Qu'est-ce qu'ils ont fait, creuser des
20 tranchées, construit des fortifications ?
21 R. Vu que cet endroit se trouve tout près des Pero Kosoric -- la place
22 Pero Kosoric et différents gratte-ciels à partir desquels ils pouvaient
23 contrôler la zone, cette zone n'était vraiment pas sûre. Donc il fallait
24 tout de suite dès notre arrivée créer des tranchées et évidemment il
25 fallait aussi fortifier les bunkers, là où étaient cachés les hommes censés
26 observer, garder la ligne. Evidemment on travaillait en équipe, on se
27 relayait. Une partie de ces tranchées qui étaient très bien vues de ce
28 gratte-ciel, eh bien, il fallait les couvrir. Nous avons créé une espèce de
Page 30202
1 catacombe. Parce qu'à cause de la [inaudible] de creuser des tranchées
2 alors qu'ils peuvent vous observer du gratte-ciel. Et d'ailleurs quatre
3 hommes se sont faits tuer en venant visiter la ligne de front.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Gustafson, nous allons prendre
5 une pause à présent qui va durer 40 minutes et nous allons reprendre à 1
6 heure 30.
7 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 51.
8 --- L'audience est reprise à 13 heures 32.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir au niveau du
10 compte rendu, s'il vous plaît ? Je voudrais indiquer qu'il y a une
11 imprécision. En page 51, ligne 25, le témoin a dit qu'il n'a jamais été
12 membre du SDS, mais il sait que le SDS -- il sait que, lui, le SDS, et on a
13 traduit par "he" au lieu de dire "it" en anglais, ce qui change le sens.
14 C'était le SDS qui était le parti au pouvoir. Donc, ça ne se rapporte pas à
15 une personnalité mais à une organisation. Or, dans notre langue, nous
16 n'avons pas de pronom différent pour l'organisation et l'individu.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est question donc du SDS lorsqu'il a
18 parlé du mouvement qui était le leader pour ce qui est du peuple serbe.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le SDS avait la puissance d'un mouvement
20 au sein du peuple serbe. C'était donc une puissance politique qui avait son
21 poids aux yeux du peuple serbe.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
23 Continuons, s'il vous plaît, Madame Gustafson.
24 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.
25 Q. Juste avant la pause, Monsieur Tomic, je vous ai posé des questions au
26 sujet de ce peloton de travail de prisonniers de Kula, et d'après ce que
27 j'ai cru comprendre partant de votre dernière réponse, ce peloton de
28 travail est intervenu en matière de construction de bunkers, d'abris, de
Page 30203
1 tranchées, et couverture de ces tranchées.
2 R. Oui. Il s'agissait d'excaver des tranchées et les accès aux tranchées,
3 c'est-à-dire les endroits où les soldats devaient rester et c'est à partir
4 de là qu'ils étaient censés observer les alentours. Mais étant donné le
5 danger et les tireurs qui étaient embusqués, il fallait que ce soit couvert
6 pour que les tranchées soient sûres lorsque les soldats allaient et
7 venaient par ces tranchées jusqu'à leur poste.
8 Q. Bien. Vous avez dit dans vos déclarations que vous en saviez rien au
9 sujet de ces gens si ce n'est que c'étaient des prisonniers de Kula, et
10 partant de votre déclaration, il est évident -- il apparaissait 326 [phon]
11 avec évidence que c'étaient des Musulmans. Étaient-ce des civils, à votre
12 avis, ou étaient-ce des prisonniers de guerre ?
13 R. Je n'ai pas d'information précise pour pouvoir vous répondre de façon
14 exacte. Je sais que nous nous sommes adressés au commandant supérieur de la
15 brigade, et suite à demande de notre part et selon les possibilités, ils
16 nous envoyaient ces gens-là. Et ils sont restés là peut-être une quinzaine
17 de jours pendant -- enfin, en attendant que la ligne ne soit consolidée, et
18 nous n'avons plus eu besoin de ces gens-là, du moins pas au sein de l'unité
19 dont je faisais partie moi-même. Je ne sais pas si c'étaient des
20 prisonniers ou des civils, comme vous l'avez dit. Je n'en ai aucune idée.
21 Q. Bon. Vous nous avez dit que ces travaux s'accomplissaient non loin de
22 la place Pero Kosoric, et partant de là, vous avez expliqué que vous avez
23 été exposé à des tirs permanents et que vous étiez exposés à des périls
24 permanents, parce que c'était à 20 ou 50 mètres des séparations des deux
25 parties qui se trouvaient face à face, et vous dites que ces travaux ont
26 été effectués parce que la VRS était en danger. Alors, je suppose, partant
27 de toutes ces informations, que ces prisonniers musulmans, qui ont été
28 engagés pour faire ces types de travaux au niveau du peloton de travail,
Page 30204
1 étaient exposés à des risques de mort ou de blessure pendant qu'ils
2 faisaient ces travaux, n'est-ce pas ?
3 R. Non, ce n'est pas cela. Dès qu'ils sont arrivés sur ce territoire ou
4 sur ce terrain, ils ont commencé à creuser, et dès qu'on avait creusé une
5 certaine profondeur, on couvrait la partie en question, on la recouvrait.
6 Nous ne les placions pas en danger de mort pour les laisser aller et venir
7 et servir de cible par excellence. Nous avions utilisé leurs travaux --
8 enfin, leur travail pour fortifier la ligne, parce que -- et pour leur
9 sécurité à eux, et pour la nôtre. Parce que quand vous commencez à creuser,
10 vous creusez le plus possible dans la terre, et la partie qui a déjà été
11 creusée, on sort la terre et on recouvre le tout pour -- afin qu'à partir
12 des positions que vous avez mentionnées au niveau de Pero, Kosoric, et
13 autres, à partir desquelles on pouvait nous tirer dessus, donc on pouvait
14 nous tirer dessus à nous et à ceux qui faisaient ces travaux. On a tenu
15 compte de leur sécurité. On a attiré leur attention en leur disant qu'il ne
16 fallait pas essayer de faire quoi que ce soit de dangereux. On leur donnait
17 des mêmes vivres et on leur donnait des cigarettes. Et l'unité dont je
18 faisais partie, comme je vous l'ai déjà dit, dès le départ, j'étais chef
19 adjoint du peloton, et la ligne rouge que vous avez montrée sur la carte,
20 c'était le secteur de responsabilité du peloton. Ça fait 300 ou 400 mètres
21 à peine, et là, véritablement, il n'y a eu aucun incident. Et d'après les
22 récits de certaines de ces personnes, qui venaient là, nous disaient qu'ils
23 préféraient venir là pour être à l'air, enfin, peut-être avaient-ils des
24 vivres meilleurs chez nous qu'ailleurs. On avait la possibilité de leur
25 offrir des cigarettes, on a eu des bavardages au sujet de questions et
26 d'autres, et nous ne les avons jamais placés dans quelque situation de
27 péril que ce soit. Ils étaient venus pour faire cette tâche et personne
28 dans mon unité ne les a malmenés physiquement, ne leur a réservé de mauvais
Page 30205
1 traitement, et nous avons veillé à leur sécurité comme à la nôtre. Notre
2 objectif, c'était de fortifier la ligne afin de ne pas avoir des pertes
3 qu'on avait eues jusque-là lorsque nous sommes arrivés à ces positions.
4 Q. Bon. Vous venez de nous dire que cet emplacement où vous étiez chef
5 adjoint du peloton, il n'y avait pas eu d'incident. Mais auparavant,
6 lorsque je vous ai demandé -- enfin, je vous avais posé la question, vous
7 nous aviez dit que vous étiez en péril permanent et vous êtes tombé
8 d'accord avec ce type d'affirmation. Ensuite, vous avez dit que dès
9 l'arrivée des prisonniers, ils commençaient à creuser, et arrivé à une
10 certaine profondeur, on recouvrait l'ouverture. J'imagine que ces
11 prisonniers ont été protégés une fois qu'ils étaient entrés dans la
12 tranchée, mais ils n'étaient pas très en sécurité avant que d'entrer dans
13 la tranchée et ils devaient forcément être exposés à des tirs de l'autre
14 partie du front, et l'autre ligne du front se trouvait à 20 ou 50 mètres de
15 là.
16 R. Non, pas à l'arrivée. La ligne de démarcation se trouvait à 20 ou 50
17 mètres, mais pour arriver jusqu'à ces tranchées, la configuration du
18 terrain vous montrerait la chose de façon assez bonne, c'était une espèce
19 de colline, et dès que vous montez à la crête de la colline, vous êtes une
20 cible potentielle pour ce qui est des tirs de l'ennemi. Pour éviter ce type
21 de chose, parce que nous étions en leur compagnie pendant qu'ils faisaient
22 ces travaux, ils ne pouvaient pas faire ces travaux tout seuls, il y avait
23 tout le temps des soldats à nous pour veiller à leur sécurité et, bien sûr,
24 pour veiller aussi à ce que ces gens-là ne fassent pas des bêtises, on leur
25 a attiré l'attention dès l'arrivée en leur disant qu'il fallait qu'ils se
26 comportent de façon correcte. Et quand je dis qu'il n'y a pas eu
27 d'incident, j'ai à l'esprit les incidents avec le peloton de travail.
28 Personne ne les a malmenés, maltraités, ne les a battus, pas même menacés.
Page 30206
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 30207
1 On leur a dit de faire leur travail et que tout irait bien, et c'est comme
2 ça que les choses se sont passées. Je vous dis, la configuration du terrain
3 est telle, c'est une espèce de petit monticule, et lorsque vous arrivez à
4 la crête, vous êtes exposé, donc, si c'était dangereux pour eux, c'était
5 dangereux pour nous. Les soldats serbes n'étaient pas plus en sécurité que
6 les membres du peloton de travail, et c'était la raison pour laquelle nous
7 avions demandé à ce qu'on nous envoie quelqu'un. Ils sont venus là, on a
8 fortifié les lignes, et il n'y a plus eu besoin d'avoir recours à eux. Et
9 tant que je suis resté chef adjoint du peloton, ces gens-là ne sont plus
10 revenus là.
11 Q. Bon. J'aimerais qu'on nous montre maintenant la pièce 65 ter 1D02771,
12 s'il vous plaît.
13 Monsieur Tomic, ceci est un rapport du commandement du 2e Bataillon, de
14 votre bataillon à vous, et c'est destiné à l'administration de la prison de
15 Kula. Il y est dit que vers midi 30 -- minuit 30, au matin, le 21 mai 1993,
16 deux prisonniers musulmans qui accomplissaient des travaux de fabrication
17 d'un abri sur les positions de notre compagnie d'infanterie dans la rue
18 Ozrenska, et ils se sont évadés. Alors, pendant l'accomplissement des
19 travaux, Mitrovic était en train d'assurer le gardiennage avec deux autres
20 soldats et eux se trouvaient à quelque dix mètres des prisonniers. D'après
21 Mitrovic, cet endroit était constamment exposé à des tirs d'infanterie et à
22 des tirs au trombone de l'ennemi, et il était difficile de procéder à des
23 observations plus avancées. Alors, il est dit que :
24 "Mitrovic a constaté que l'un de ces prisonniers s'était évadé de la
25 tranchée, et il a dit : 'Zeka et Trifun se sont évadés.' Mitrovic et ces
26 deux soldats étaient là et ils ont tiré en direction des prisonniers mais
27 ils n'ont pas réussi à empêcher leur évasion."
28 Et au dernier paragraphe, il est dit que l'on ajoute que ces travaux ont
Page 30208
1 été faits de nuit parce que cet endroit était sous des tirs constants de
2 l'ennemi et qu'il était impossible de réaliser les travaux de jour. En sus
3 de tout ceci, il y avait à proximité immédiate des positions de l'ennemi.
4 Ceci est un rapport de la 4e Compagnie qui se trouvait en contrebas
5 de la rue où vous étiez positionné vous-même, et ce rapport explique que
6 les travaux effectués par ce peloton de prisonniers musulmans de Kula ont
7 été réalisés sous des tirs permanents d'infanterie et de grenades
8 propulsées par des fusils, et on explique que ça s'est fait de nuit, et
9 c'est là les conditions dans lesquelles ces prisonniers musulmans de Kula
10 ont eu à intervenir lorsqu'ils exécutaient des travaux dans la rue
11 Ozrenska, n'est-ce pas ?
12 R. Ici, il est dit qu'il s'agit de la 4e Compagnie d'infanterie. Ce n'est
13 pas ma compagnie à moi. Cela se trouvait à quelque 1 500 mètres de
14 l'endroit où je me trouvais moi-même. Mais le fait qu'ils aient eu à faire
15 ces travaux de nuit ne vous dit-il pas qu'on veillait à leur sécurité ? Ils
16 étaient plus en sécurité la nuit que de jour. Et je comprends la
17 préoccupation de ce chef de peloton qui voulait fortifier des positions de
18 la compagnie. Il ne pouvait pas le faire le jour, donc il l'a fait faire la
19 nuit. Et nous, des fois, là où c'était dangereux, on enterrait les nôtres,
20 lorsqu'ils étaient tués, de nuit. Je n'ai pas entendu parler de ce cas de
21 figure parce que ce n'était pas la zone de responsabilité de l'unité dont
22 je faisais partie, mais j'ai entendu parler du cas où il y a eu des
23 personnes qui s'étaient évadées. Mais là où c'était dangereux, quelqu'un a
24 veillé à leur sécurité et on les a fait venir travailler la nuit, lorsque
25 c'est moins dangereux, parce que la nuit, ils n'auraient pas pu faire de
26 travaux du tout. Mais ce n'était pas dans le secteur de mon unité. J'ai
27 entendu parler de ce cas. Je sais que des membres du peloton de travail
28 avaient réussi à s'évader, comme on l'explique ici. Et dans la signature,
Page 30209
1 on voit que c'est le chef du commandant chargé de la sécurité, le
2 lieutenant Rajko Mladic.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je intervenir au niveau de la troisième
4 ligne ? On a traduit au passif, "les gens s'enterraient," mais les gens ne
5 s'enterraient pas. C'est nous qui enterrions nos hommes qui étaient tombés
6 aux lignes la nuit.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
8 Vous pouvez continuer.
9 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
10 Q. Monsieur Tomic, l'utilisation de ces prisonniers musulmans pour
11 l'exécution de travaux, construction d'abris, de tranchées, sur les lignes
12 de front, dans la rue Ozrenska, non seulement cela constitue-t-il les
13 dispositions élémentaires des conventions de Genève du point de vue des
14 traitements humains à réserver aux prisonniers civils, mais cela est une
15 violation des conventions de Genève pour ce qui est de l'utilisation des
16 prisonniers de guerre et prisonniers civils pour ce qui est de l'exécution
17 de travaux liés à des activités militaires.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci est une façon de diriger les réponses. Le
19 témoin a parlé des voies de communication. Il n'a pas été dit qu'on
20 creusait des tranchées de combat, mais il a parlé de tranchées d'accès.
21 C'est des voies d'accès.
22 Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est tout à fait faux.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuons. Vous pouvez, aux questions
24 complémentaires, vous pencher sur cette question. Je ne pense pas que Mme
25 Gustafson ait posé des questions directrices.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous pouvez me reposer la question,
27 s'il vous plaît ? Excusez-moi, mais --
28 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
Page 30210
1 Q. Merci. Certainement. Le fait d'utiliser des prisonniers musulmans pour
2 ce qui est d'accomplir des travaux d'exécution de tranchées sur la ligne de
3 front, dans la rue Ozrenska, non seulement cela étaient des violations des
4 dispositions élémentaires des conventions de Genève pour ce qui est des
5 traitements humains à réserver aux prisonniers de guerre et aux civils,
6 mais ceci constitue une violation des conventions qui interdisent
7 l'utilisation des prisonniers de guerre et des civils pour ce qui est de
8 l'accomplissement de travaux qui sont directement liés à des activités
9 militaires, n'est-ce pas ?
10 R. Notre motivation et notre souhait étaient en premier lieu celui de
11 protéger les effectifs. Nous avons pendant toute la guerre eu des problèmes
12 de complètement des unités avec beaucoup de victimes, beaucoup de blessés,
13 des gens qui étaient donc hors combat, et nous ne pouvions pas faire tout
14 cela nous-mêmes. C'est la raison pour laquelle nous avions demandé de
15 l'aide auprès du commandement supérieur pour que nous puissions résoudre
16 nos problèmes de façon durable, et c'est ce que j'ai dit. Ils ont creusé,
17 en effet, des voies d'accès à ces abris, et dans ces bunkers que nous
18 construisions, ils nous aidaient, mais nous, on les fabriquait tel que cela
19 nous arrangeait, afin que nous puissions observer les différentes positions
20 et, évidemment, que nous puissions tirer à partir de ces abris fortifiés si
21 on nous attaquait. Ce n'est pas eux qui nous disaient -- ou qui nous
22 donnaient des solutions en matière de construction. Ils nous ont juste
23 aidés à construire. Leurs travaux étaient tout à fait sécurisés. Nous avons
24 veillé à leur sécurité comme à la nôtre, ni plus, ni moins. Ils ont mangé
25 comme nous, et dès qu'ils finissaient leurs travaux, ils s'en allaient.
26 C'est ainsi que les choses se sont passées au niveau de l'unité dont je
27 faisais partie.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous dire à quel
Page 30211
1 endroit du document il est dit qu'ils creusaient des tranchées sur les
2 lignes avancées, au niveau de la première phrase.
3 Mme GUSTAFSON : [interprétation] La question ne portait pas sur ce document
4 en particulier mais le document précise que ces prisonniers construisaient
5 des casemates.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons.
7 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce
8 document, s'il vous plaît.
9 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci sera versé au dossier.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document portera la cote P5987,
12 Madame, Messieurs les Juges.
13 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
14 Q. Monsieur Tomic, je souhaite passer à une autre partie de votre
15 déclaration où vous dites au paragraphe 23 que vous les observateurs
16 militaires vous vous rendiez au commandement du bataillon. C'était, à
17 l'époque, vous qui en faisiez partie pour enquêter sur les incidents de
18 tir. On vous a emmené dans ce cas sur les positions de tir alléguées pour
19 vous assurez que les Serbes n'étaient pas à l'origine des tirs présumés et
20 qu'ils n'avaient aucune plainte à formuler contre votre unité.
21 Donc, si nous pouvons regarder la pièce D2421, qui est un document qui
22 parle de votre déclaration au paragraphe 26, il s'agit d'un ordre qui émane
23 du commandement du bataillon à l'intention de la 4e Compagnie, qui déclare
24 que les observateurs militaires étrangers ont été autorisés à surveiller le
25 cessez-le-feu dans la zone de responsabilité du bataillon.
26 Au niveau du deuxième paragraphe, on y explique à quel moment cette
27 surveillance va commander. On donne les numéros d'immatriculation des
28 véhicules qui seront utilisés. Et l'essentiel de l'ordre se trouve dans le
Page 30212
1 dernier paragraphe où il est dit qu'il faut faciliter le mouvement des
2 observateurs militaires dans votre zone de responsabilité mais empêcher
3 qu'il n'ait un accès direct à nos positions et puissent surveiller ces
4 mêmes positions sans autorisation. S'ils demandent d'une telle
5 autorisation, veuillez recueillir l'autorisation du commandement du
6 bataillon, si on les trouve à ces positions sans autorisation veuillez les
7 détenir et en faire un rapport au commandement du bataillon.
8 Donc l'ordre permanent, qui figure dans ce document, consiste à
9 empêcher un accès et une surveillance des positions de l'unité et indique
10 quelles mesures doivent être prises dans le cas où un tel accès a
11 effectivement lieu.
12 R. Une correction, je vous prie. Il y a quelques instants, vous avez dit
13 que j'étais commandant de bataillon à ce moment-là. Si vous regardez la
14 signature, c'est le commandant adjoint du bataillon, M. Hrvacevic et M.
15 Petrovic était commandant. Moi, j'étais l'assistant du commandant du
16 bataillon et on peut lire : "Permettre aux observateurs militaires de se
17 déplacer," et il énumère même les véhicules qui doivent être mis à leur
18 disposition pour rendre leurs tâches faciles. Mais s'ils pénètrent
19 directement dans la tranchée, on ne peut pas être sûrs même s'ils
20 constituent une organisation impartiale, on ne pouvait jamais être sûr si,
21 oui ou non, ils pouvaient transmettre des éléments d'information à l'autre
22 partie, parce que c'était l'équipe B des observateurs militaires alors que
23 l'équipe A des observateurs militaires se trouvait dans le bâtiment des PTT
24 en ville. Il y avait un Jordanien qui dirigeait les deux équipes. L'équipe
25 A et B. Et ils coordonnaient les actions des deux équipes A et B. Donc
26 l'ordre était clair et permettre leur déplacement. Mais, je vous en prie,
27 pour leur permettre d'entrer dans nos tranchées pour voir de quel type
28 d'armes nous disposions, qui aurait autorisé cela. On leur avait dit qu'ils
Page 30213
1 pouvaient aller où ils le souhaitaient. Et du côté musulman il y avait
2 toujours des violations, des cessez-le-feu, ils réparaient leur
3 fortification, et cetera.
4 Et lorsque nous, les membres du commandement de bataillon, nous leur
5 posions des questions qui se fondaient sur des éléments que nous avions
6 reçus d'unités subalternes, ils devaient, à ce moment-là, vérifier les
7 incidents et les violations ils devaient donc appeler les membres de
8 l'équipe A, ce qui est arrivé à de multiples reprises, et à ce moment-là,
9 les Musulmans cessaient leurs travaux. Et à leurs yeux ou ils avaient
10 toujours l'impression que l'on fabriquait tout de toutes pièces jusqu'au
11 jour où ils se sont rendus compte de ce que nous leur disions était vrai,
12 donc leur équipe est partie rendre visite aux Musulmans et ont constaté
13 qu'ils étaient en train de faire cela. Mais il fallait toujours avoir le
14 feu vert de cet homme jordanien pour qu'une équipe puisse se rendre sur le
15 site et vérifier si leurs allégations étaient justes ou non. Donc ils
16 devaient toujours recueillir une autorisation pour pouvoir se déplacer. Je
17 sais, mais il y avait des limites. Je sais que, pour le commandant, le
18 commandant adjoint c'était peut-être bien. Moi, je suis arrivé au début du
19 mois de juin. Ce document est daté du 26 mai. Mais je sais que --
20 Q. Encore une fois, je crois que nous nous écartons de la question.
21 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons regarder le
22 document P1822, s'il vous plaît ? Il s'agit d'un rapport des observateurs
23 militaires des Nations Unies. Est-ce que nous pouvons regarder la page 2,
24 s'il vous plaît, du rapport ? Ceci est daté du 11 août 1994, et on y décrit
25 une enquête de suivi après la fusillade d'une jeune fille de 11 ans à
26 l'aide d'une arme de 12,7 millimètres. Et on peut y lire :
27 "Les patrouilles des observateurs militaires des Nations Unies ont été
28 envoyés de part et d'autre de la ligne de confrontation."
Page 30214
1 Et au paragraphe 2, on y dit :
2 "Que l'équipe a pu avoir une idée de l'endroit où se trouvait le point de
3 tir qui correspondait aux positions de cette arme de 12,7 millimètres dont
4 avait connaissance l'équipe."
5 Et au paragraphe 3, on dit que :
6 "L'observation militaire a été envoyé sur le site mais a été retardé par
7 les forces musulmanes de Bosnie qui ont insisté pour que la patrouille
8 puisse être habilitée à transiter par là, habilitation qu'elle avait déjà
9 reçue, et à présent un certain nombre d'aller-retour la patrouille a été
10 autorisée à se rendre sur le site et c'est à ce moment-là l'arme de 12,7
11 millimètres avait été enlevée. Les soldats qui se trouvaient sur cette
12 position ont indiqué que cela avait été enlevé pour être nettoyé."
13 Donc ceci se trouve dans le secteur très clairement du 2e Bataillon et ce
14 document note que cette demande d'habilitation était superflue et évoque
15 ces retards qui étaient suffisamment importants pour que l'arme suspecte
16 puisse être enlevée, ce qui suggère que des efforts ont été déployés par
17 vos forces au sein de votre bataillon pour entraver la surveillance
18 effective du cessez-le-feu, n'est-ce pas ?
19 R. Non, ceci n'est pas exact et je vais vous dire pourquoi. J'avais raison
20 à ce moment-là je crois que l'incident comportait ou portait sur deux
21 petites filles s'il s'agit du même incident. Il y avait deux petites filles
22 à cet endroit-là. Lorsque je faisais partie du commandement du bataillon
23 nous avons reçu un rapport du commandant de la compagnie qui précisait que
24 deux petites filles qui avaient environ dix ans ont été touchées. Et
25 ensuite j'en ai informé l'équipe B des observateurs militaires par
26 estafette, l'homme -- le numéro un de cette équipe était un capitaine
27 suédois. Et ils sont sortis, je pense, que c'était l'expression de la
28 colère de troupes qui se trouvaient sur place, mais moi-même j'y étais
Page 30215
1 personnellement. Avec ce capitaine suédois, nous sommes allés sur les
2 lieux, nous avons emmené les deux petites filles à l'hôpital de Kasindol et
3 nous étions horrifiés. C'est comme si quelqu'un avait scalpé ces deux
4 petites filles et avec un calibre très destructeur.
5 Q. Je crois qu'il y a un malentendu. Je crois que vous confondez cet
6 incident avec un autre incident que vous décrivez dans votre déclaration.
7 Le meurtre de deux petites filles qui s'est déroulé le 11 mars 1995. Et
8 cela, il est fait référence au D2294 et P789, et cet incident évoque le cas
9 d'une jeune fille que l'on aurait prétendument frappée. Et c'est la partie
10 bosno-serbe qui l'aurait frappée le long de la ligne de confrontation. La
11 victoire s'est trouvée du côté musulman de la ligne de front.
12 R. Grbavica, je crois que l'incident s'est déroulé à Grbavica, si je ne me
13 trompe pas.
14 Q. Je ne pense pas que c'est exact. Je crois que cela donne des
15 coordonnées en fait à Sarajevo, et l'enquête s'est déroulée à Grbavica,
16 d'après ce que j'ai compris. Si c'est le cas, ne vous souvenez-vous pas de
17 cet incident ?
18 R. Non, non, je ne connais pas cet incident. Vous avez raison, ce que
19 j'avais à l'esprit, c'était un autre incident. Celui-ci, je ne connais pas
20 ce qui s'est passé, eh bien, je ne sais pas si une arme de 12.7-millimètres
21 existe.
22 Q. Donc vous ne pouvez pas nous dire si un fusil à lunettes de 12.7-
23 milliètres existe. Donc vous n'apportez aucun commentaire sur le fait que
24 l'armée bosno-serbe est entravée ?
25 R. Non pas vraiment.
26 Q. Vous ne pouvez pas apporter de commentaire.
27 R. Non, je ne peux, je ne connais pas. Ce cas-ci, je n'ai jamais entendu
28 parler, vu quoi que ce soit à ce sujet.
Page 30216
1 Q. Bien. Alors je souhaite vous poser une question d'ordre plus général.
2 Vous avez insisté dans votre déclaration pour dire ainsi que dans votre
3 déposition, que d'après vous, la partie bosno-serbe se conformait
4 scrupuleusement aux lois de la guerre. Avez-vous jamais entendu quelque
5 chose émanant d'une quelconque source indiquant que la RSK prenait pour
6 cible des civils, à Sarajevo, les particuliers, par le biais de pilonnage
7 et des tirs embusqués. Des informations de ce genre ne sont-elles jamais
8 parvenues à vos oreilles, à l'époque ?
9 R. Non, personnellement, non.
10 Q. Merci.
11 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions. Je vous
12 remercie, Monsieur Tomic.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Gustafson.
14 Oui, Monsieur Karadzic, avez-vous des questions supplémentaires à poser au
15 témoin ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellences.
17 Je dois jeter la lumière sur certaines choses qui ont été dites lors du
18 contre-interrogatoire. Est-ce que nous pourrions regarder le P426, s'il
19 vous plaît -- le D426.
20 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :
21 Q. [interprétation] Et un peu plus tôt aujourd'hui, on vous a montré un
22 passage dans un document D426. Un peu plus tôt aujourd'hui, on vous a
23 montré un passage dans un document dans lequel M. Prstojevic s'adressait au
24 président. Regardez le point 3, pour voir quel était mon point de vue par
25 rapport à la population civile.
26 Veuillez lire le point 3, s'il vous plaît, à voix haute. Veuillez lire ceci
27 à voix haute.
28 R. Vous souhaitez que je lise ceci à voix haute. Au point 3, on peut lire
Page 30217
1 :
2 "D'épargner des civils de toute attaque."
3 Q. Merci.
4 Et maintenant, je vais vous demander d'afficher le D92, c'est un document
5 qui vous a également été montré, qu'on vous a montré auparavant.
6 Pouvons-nous regarder la page 87 en serbe, et 86 en anglais, s'il vous
7 plaît.
8 On ne vous a pas montré ce document, c'est un extrait d'une séance de
9 l'assemblée. Veuillez regarder la ligne 9, à partir du haut dans la version
10 serbe du document, ligne 9, à partir du bas, pour qu'afficher cette ligne.
11 On peut lire cette phrase :
12 Dans cette attaque, nous construisons, il faut leur fournir les mêmes
13 droits que ceux que nous avons nous-mêmes.
14 Comment ceci coïncide-t-il avec votre perception de nos politiques,
15 de ma politique à l'égard d'autres groupes ethniques et peuples ? Comment
16 ceci coïncide-t-il avec ce que vous savez de mes points de vue ou positions
17 à l'égard d'autres groupes ethniques ?
18 R. Monsieur le président, vous me posez une question ?
19 Q. Oui, oui.
20 R. Je ne vois rien dans ce document, tout système démocratique serait
21 satisfait de quelque chose de ce genre, parce qu'il permet de garantir les
22 droits des Oustacha, à moins que l'une quelconque des personnes, n'ait des
23 intentions hostiles. Ceci encourage toutes les personnes qui souhaitent
24 vivre en Republika Srpska, ce qui les encourage à vivre dans leur maison et
25 à vivre à l'endroit où ils ont toujours vécu.
26 Q. Je viens de vous montrer le point 3, qui a été adopté lors de cette
27 séance de l'assemblée. Est-ce que nous pouvons maintenant regarder le
28 numéro D7154. D7154 -- D1754. D1754, veuillez regarder le point 3, ce n'est
Page 30218
1 pas très lisible. Je vais essayer de lire ce troisième paragraphe, et une
2 version anglaise doit exister parce que ces documents ont déjà été versés
3 au dossier.
4 Au point 3, je vois que ceci :
5 "Le transfert forcé des personnes ainsi que d'autres mesures illégales
6 contre la population civile doit être empêché. Le certificat sur la vente
7 de biens ou de déclarations écrites, rédigées par des réfugiés, à savoir,
8 qu'ils ne vont pas revenir, si pour autant qu'ils existent ne sont pas
9 valables sur un plan juridique, et ne peuvent pas être entrés en vigueur.
10 Je crois que ceci date du mois d'août. Comment ceci coïncide-t-il avec
11 votre compréhension de nos politiques.
12 R. C'est la seule façon de comprendre les choses. Il n'y a pas de
13 transfert forcé, je l'ai dit dans ma déclaration que de telles choses n'ont
14 jamais existé.
15 Q. Est-ce que vous voulez parler du document qui a été établi le 13 juin
16 1992, c'est le document que j'ai sous les yeux. On y lit :
17 "D'après notre loi du 13 juin," c'est le premier document qui a été établi,
18 le 19 août, si nous remontons vers le haut du document.
19 R. C'est ainsi que je comprends l'encouragement et l'orientation qui était
20 à ceux qui souhaitaient rester, pour autant qu'ils n'ont pas l'intention de
21 commettre des actes hostiles et ne participent pas à des actes de
22 terrorisme. Il est dit que le transfert forcé doit être interdit, le
23 pillage de biens doit être interdit, et si quiconque se livre à des telles
24 activités, ces personnes, elles doivent être dûment sanctionnées. C'est
25 ainsi que je comprends cela.
26 Q. Merci. On vous a montré quelque chose concernant mon discours face à
27 l'assemblée.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite afficher le D1270.
Page 30219
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 30220
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. On vous a suggéré et ceci hors contexte que j'aurais tenu des propos
3 incendiaires ou visant à instiller la peur.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je voudrais que nous affichions la page
5 numéro 116 -- 122 en serbe et 116 en anglais.
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. C'est, n'est-ce pas, la date du 14 octobre -- en fait, on va du 14 au
8 15 et ils nous ont mis en minorité et ont voté cette déclaration de
9 souveraineté. Vous vous en souvenez, n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Alors, je vais maintenant lire le premier paragraphe. Je cite :
12 "Avant de fournir les raisons de cette proposition, est-ce que c'est moi
13 qui vais la justifier ou quelqu'un d'autre ? Je ne sais pas. Je dois
14 apporter des précisions sur un point qui découle de l'interprétation de ce
15 que nous disons à ce -- à cette tribune. Il s'agit de la question de la
16 guerre ou de la paix. Je dois répéter pour la centième fois que les Serbes
17 ne menacent pas d'une guerre. Ils ne font qu'annoncer, que faire savoir
18 qu'ils ne pourront pas accepter de décision obtenue en les mettant eux en
19 minorité."
20 Voyez encore un peu plus bas dans cette même page, vers le milieu, je cite
21 :
22 "Les Serbes n'ont jamais attaqué les Musulmans, ni n'attaqueront jamais les
23 Musulmans, ni d'ailleurs il n'existe un tel état d'esprit à l'égard des
24 Musulmans, mais le chaos qui pourrait résulter d'une adoption de décision
25 illégale par mise en minorité un tel chaos qui n'aura été créé par
26 personne, mais qui a sa logique propre dont nous avons tous déjà parlé ici,
27 c'est autre chose. Ce qui est entre nos mains, ce n'est pas le chaos, c'est
28 l'ordre, alors que le chaos, il est entre les mains de personne. Sa
Page 30221
1 caractéristique fondamentale, c'est qu'il n'est généré par personne. Il a
2 sa propre logique et il apparaît de façon spontanée. Il se génère de lui-
3 même."
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que nous passions la page suivante,
5 numéro 117 en anglais.
6 Mme GUSTAFSON : [interprétation] : Je voudrais simplement demander que M.
7 Karadzic nous indique où, dans ce procès-verbal, il est indiqué que les
8 Serbes n'ont jamais attaqué les Musulmans. Où peut-on lire ceci, s'il vous
9 plaît ?
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est vers le -- la fin de la page, avant que
12 l'on ne passe à la page suivante, 117 en anglais. Dernière ligne : "Les
13 Serbes n'ont jamais attaqué." Voilà. Et ensuite, il est question du chaos.
14 Pouvons-nous afficher la page suivante en serbe et la page suivante en
15 anglais également ?
16 Il est ici indiqué, je cite :
17 "Que peut-on proposer de plus du côté serbe ? Bien que nous acceptions
18 cette proposition de M. Izetbegovic, mais je vois que même au sein du HDZ,
19 il n'y a pas des positions. Je demande à ce que nous réfléchissions à la
20 chose suivante, qu'en Bosnie-Herzégovine ce soir, nous envoyons un message,
21 tant aux Serbes qu'aux Croates et aux Musulmans qui sera le suivant : Il
22 n'y aura pas de guerre. Ni les uns ni les autres ne seront contraints à
23 accepter telle ou telle option. C'est ainsi que nous pouvons garantir qu'il
24 n'y ait pas de guerre ni de chaos, parce qu'il y est, entre nos mains,
25 c'est l'ordre. Le chaos n'est entre les mains de personne. A cette
26 occasion, j'adresse un message chaleureux et des salutations chaleureuses à
27 tous, tant aux Serbes qu'aux Croates et aux Musulmans, au peuple ordinaire
28 qui ne sait pas toujours ce qu'est la souveraineté, que ne mesure pas
Page 30222
1 toujours ce qu'est un changement de l'ordre constitutionnel et qui ignore
2 les projections de ce que sera la Bosnie dans deux ou dans cinq ans. J'en
3 appelle à eux afin qu'ils nous soutiennent dans nos efforts pour garantir
4 qu'il n'y aura pas de guerre et qu'aucun peuple n'opposera sa volonté à un
5 autre."
6 Et pour le compte rendu, j'adresse des messages chaleureux et non pas
7 des messages de guerre, "warm" et non pas "war" en anglais. Donc, j'adresse
8 des messages chaleureux et -- et je salue chaleureusement tous les trois
9 peuples en assurant que nous prendrons toutes les mesures pour qu'il n'y
10 ait pas de guerre, qu'il n'y ait pas de mise en minorité d'un peuple par
11 les autres.
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Alors, est-ce que selon vous ceci est un message pacifiste ou
14 belliqueux ?
15 R. Tout à fait pacifiste. Et d'ailleurs, je me suis déjà exprimé et je me
16 suis rappelé l'accord de Lisbonne et nous espérions sincèrement qu'il n'y
17 aurait pas de guerre. Je suppose que les membres des autres peuples avaient
18 le même espoir. Mais à vrai dire, je n'ai jamais compris pourquoi les
19 Musulmans ont renoncé à cet accord qui garantissait la sécurité à tous et
20 qui garantissait qu'il n'y aurait pas de guerre et que tout se conclue de
21 façon pacifique, parce que la guerre, est la pire des options. Moi, je ne
22 vis plus dans ma ville, par exemple, sans parler de tous ceux qui ont dû
23 quitter leur foyer et encore moins de ceux qui ont succombé.
24 Q. Merci. Aujourd'hui, on vous a présenté une partie des carnets du
25 général Mladic en page 53.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais donc qu'on nous présente maintenant
27 le document numéro 7845 de la liste 65 ter.
28 M. KARADZIC : [interprétation]
Page 30223
1 Q. Vous avez répondu que ceci ne concernait pas les Musulmans, mais la
2 police musulmane qui risquait de mettre en péril la sécurité. Alors, je
3 voudrais que vous examiniez ceci. Il s'agit de la visite de la FORPRONU à
4 Grbavica. Il est dit :
5 "9 mars 1993, visite d'officiers chargés de la protection à Grbavica le 9
6 mars 1993."
7 Et au point numéro 4, sous l'intitulé : "Minorités," je cite :
8 "Il y a environ un millier -- ou plutôt 1 200 Musulmans qui sont toujours à
9 Grbavica. Les hommes n'ont pas été appelés, mais ceux d'un certain âge
10 doivent effectuer des travaux. Entre 100 et 150 Musulmans ont indiqué
11 qu'ils étaient disposés à partir pour gagner l'autre côté," et cetera, et
12 cetera.
13 Est-il exact qu'il y avait à cette époque-là environ 1 200 Musulmans qui
14 vivaient là-bas, que vous ne les avez pas appelés à rejoindre -- rejoindre
15 les rangs de l'armée et que certains d'entre eux avaient une obligation de
16 la -- de travail. Et étaient-ils les seuls à avoir une obligation de
17 travail ou tous avaient-ils une obligation de travail ?
18 R. Je n'avais pas de données précises, mais je sais qu'il y avait un grand
19 nombre de Musulmans qui vivait à Grbavica et je vous en ai parlé déjà
20 aujourd'hui, surtout dans la partie qui concernait les expulsions. Donc, un
21 très -- Un nombre très élevé y vivait. J'ignorais ce chiffre qui vient
22 d'ailleurs de la FORPRONU. L'obligation de travail s'appliquait à tous ceux
23 qui n'appartenaient pas à des unités militaires. Alors, je n'avais aucun
24 lien personnel avec ceci, mais je sais qu'il y en a eu un certain nombre
25 qui se sont présentés pour travailler à l'occasion de l'arrivée des convois
26 d'aide humanitaire pour aider au déchargement, et cetera, parce que les
27 temps étaient tout simplement ainsi, surtout à Sarajevo. Il n'y avait pas
28 assez de vivres et les gens étaient assez disposés à se porter volontaires
Page 30224
1 pour travailler afin de recevoir une aide humanitaire. Par ailleurs, ils en
2 recevaient une de toute façon, comme tous les habitants. Alors, je ne sais
3 pas exactement combien ils étaient mais ils étaient extrêmement nombreux,
4 les Musulmans. J'en suis tout à fait sûr.
5 Q. Il est dit ici qu'ils ont enregistré 100 à 150 personnes qui
6 souhaitaient passer de l'autre côté. Est-ce qu'on empêchait les personnes
7 de passer de l'autre côté lorsqu'elles exprimaient un tel désir ?
8 R. Non, non, non, personne ne les en empêchait, mais il s'agit ici
9 d'informations qui remontent à 1993. A l'époque, j'étais dans le secteur de
10 mon unité et je sais qu'un groupe nombreux, peut-être de 200 personnes, je
11 ne sais pas, sont passées de l'autre côté. Une partie, c'est ce que j'ai
12 entendu plus tard, une partie donc sont passés par le pont de la fraternité
13 et de l'unité, et l'autre -- un autre groupe est passé par le pont qui se
14 situait près de l'hôtel Bristol.
15 Q. Merci. Alors, je ne vais pas vous interroger concernant les chiffres,
16 mais est-ce que des Musulmans et des Croates ont continué à vivre à
17 Grbavica pendant toute la durée de la guerre, ceux qui ne souhaitaient pas
18 partir ?
19 R. Oui. Oui, oui. Je ne sais pas combien, mais il y avait tant des
20 Musulmans que des Croates. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts
21 mais je sais avec certitude qu'ils ont continué à y vivre.
22 Q. Merci.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document au dossier.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Gustafson.
25 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pas d'objection.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, quel est le lien
28 entre ceci et l'extrait des carnets de Mladic que nous avons examiné
Page 30225
1 précédemment ? Cet extrait des carnets de Mladic était daté de 1995, après
2 les accords de Dayton, alors que ceci remonte à 1993.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellence, mais à ce moment-là, on a
4 suggéré que M. Tomic aurait été contre le retour des Musulmans, des civils
5 musulmans, alors qu'en fait, il était écrit "les autorités et la police
6 musulmane," et non pas les civils. Donc, ceci nous montre que les civils
7 n'ont jamais cessé de vivre là-bas pendant toute la durée de cette période.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document montre qu'il y avait 200
9 Musulmans en 1993. En tout état de cause, j'en resterai là. Nous allons
10 poursuivre et verser ceci au dossier.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D24.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous maintenant afficher le document
13 1D3709.
14 Je voudrais attirer l'attention des participants sur la chose suivante :
15 ordre d'exécution d'opérations de combat dans le secteur de Grbavica, signé
16 par le commandant de la 1ère Brigade motorisée musulmane, approuvé par le
17 commandant du 1er Corps, Mustafa Hajrulahovic, Talijan. Le 2 janvier 1993.
18 Alors, je voudrais maintenant vous rappeler votre déposition, à savoir que
19 vous n'aviez pas peur du retour des civils mais du retour des forces
20 armées, ou plutôt, de la police et des autorités musulmanes.
21 Alors, peut-on afficher la page suivante. En anglais également.
22 Voyons ce qui figure dans l'encadré sous l'intitulé : "Tâches" ou
23 "Missions". Donc, le 31 décembre 1992, le soir du nouvel an :
24 "Mission : prendre possession du secteur comme suit : à droite, transit; à
25 gauche, le pont près de Elektroprivreda; exécuter l'attaque le long de
26 l'axe : 11 Plavi, côté sud du stade de Grbavica, Palma, Soping et
27 Strojorad, quatre gratte-ciels dans le but de briser les positions de
28 l'ennemi le long des axes indiqués et de prendre le contrôle des structures
Page 30226
1 importantes."
2 Peut-on afficher la page suivante ? En anglais également, page suivante.
3 Alors, en fait, en anglais, il n'y a que cette partie qui a été traduite.
4 Vous voyez le point numéro 6, soutien -- tirs de soutien ? Je cite :
5 "L'artillerie fournira des tirs de soutien visant la profondeur du
6 territoire ennemi, visant le poste de commandement, le lieu de déploiement
7 des réservistes, et ceci, conformément à la demande du commandant de
8 bataillon."
9 Peut-on passer à la page suivante ? Même chose en anglais.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, Monsieur Karadzic. Avant que
11 vous ne poursuiviez avec votre question, pouvez-vous nous expliquer de quoi
12 il s'agit dans ce document, et également ce que signifie sa présentation
13 particulière, son format ? On a l'impression que des extraits ont été
14 copiés et collés à partir d'autres documents.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, il s'agit ici d'un ordre musulman
16 pour une offensive à lancer contre Grbavica, et nous présentons ici
17 uniquement les passages les plus marquants.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous ne nous avez pas
19 expliqué ce que je vous demandais. Je vous demandais pourquoi ce n'est pas
20 la même police de caractère d'un paragraphe à l'autre, entre le paragraphe
21 3, le paragraphe 4, le paragraphe 6, ils ont tous une apparence différente.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, c'est une machine utilisée par les
23 Musulmans, une machine à écrire. Ceci ne correspond pas à une seule et même
24 date mais les originaux sont à eux, et tout ça est signé, donc c'est eux
25 qui ont rédigé ceci et qui ont rédigé différentes parties de cet ordre. Il
26 y a également un cachet et une signature à la fin.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois qu'il y a également un numéro de
28 document ERN. Est-ce que c'est un numéro de l'Accusation ou un document de
Page 30227
1 l'Accusation ?
2 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Cela semble être le cas, à en juger
3 d'après le numéro ERN.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Veuillez poursuivre.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche la page suivante
6 en serbe. On peut conserver à l'écran la page anglaise. C'est vraiment le
7 dernier paragraphe qui nous intéresse. Pourriez-vous l'agrandir ?
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. "Vu que la conquête d'un tel quartier fortifié n'est pas possible sans
10 détruire des installations qui présentent en même temps des fortifications
11 importantes, il faut tout détruire, tout incendier pour assurer le succès
12 de l'opération. A cause du fait qu'ils ne respectent aucun principe, ne
13 croire à aucun prisonnier, et surtout, aux prisonniers armés."
14 Monsieur Tomic, cette approche de l'armée de Bosnie-Herzégovine à
15 l'encontre des prisonniers, des quartiers, des installations, a influencé
16 votre point de vue quant à l'arrivée éventuelle des autorités de la police
17 après Dayton.
18 R. Mais, bien sûr --
19 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je ne suis pas sûre que des bases
20 suffisantes ont été étayées pour poser cette question, parce qu'ici, on ne
21 sait même pas si cette attaque a eu lieu. On n'a vraiment aucune
22 information complémentaire.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Souhaitez-vous répondre à la remarque
24 formulée par Mme Gustafson ou est-ce que vous voulez reposer la question ?
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais reposer la question.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Est-ce qu'à l'époque, vous étiez à Grbavica ? Moi, je parle de la date
28 du 2 janvier 1993.
Page 30228
1 R. Pendant toute la guerre, comme je l'ai déjà dit, j'ai été dans la zone
2 de responsabilité de l'unité devant le stade de Tranzit au niveau de Sansa
3 [phon], et ceci, jusqu'au moment où je ne deviens le commandant du
4 bataillon. Je n'ai jamais vu ce document, mais il y avait beaucoup de
5 Serbes qui ont fui les lignes de notre zone de responsabilité. Et nous
6 avons obtenu de nombreux documents de ces gens. Evidemment, comme je vous
7 l'ai dit, je n'ai jamais vu ce document.
8 Mais j'ai été inquiet pour ma sécurité et pour la sécurité de mes
9 proches, de ma famille. J'ai signé ma déclaration préalable et je maintiens
10 tout ce que j'ai dit lors de la réunion qui s'est déroulée chez le général
11 Mladic. On ne m'a pas demandé de signer de compte rendu de la réunion. Je
12 n'ai jamais dit, et ce serait fou de le dire, que je ne voulais pas que les
13 Musulmans reviennent. Mais comment voulez-vous permettre que leurs forces
14 arrivent à Grbavica au mois de janvier 1996 ? Parce que tous ceux qui
15 avaient été membres de l'armée de la Republika Srpska se seraient sentis
16 menacés.
17 Q. Il y avait eu combien d'attaques de ce genre sur votre zone, Grbavica
18 et Novo Sarajevo ?
19 R. Je ne sais pas. Il y en a eu un grand nombre contre toutes les lignes.
20 Parfois, vous aviez une attaque de menée contre une ligne alors que
21 l'attaque principale se déroulait ailleurs, mais nous étions sans arrêt au
22 niveau de préparation au combat maximum.
23 Q. Est-ce qu'il est arrivé que l'on détruise des bâtiments, des
24 installations, des incendies ?
25 R. Il y avait des balles incendiaires que l'on lançait à chaque fois que
26 c'était possible pour incendier des installations. Une fois, en visitant
27 l'une de mes lignes, je suis entré dans un gratte-ciel qui est le plus
28 proche Strojorad. Nous avions un soldat qui habitait dans ce gratte-ciel.
Page 30229
1 Il y est resté alors que sa famille était abritée quelque part dans le
2 quartier de Grbavica. Eh bien, il m'a dit lui-même que son gratte-ciel,
3 rien que celui-ci, a été incendié 44 fois. Il est tout près de la rivière
4 de Miljacka. Il est à 30 ou 50 mètres de la rive.
5 Q. Comment expliquez-vous ce qui est dit ici, l'instruction qui dit : Ne
6 croire aucun prisonnier de guerre ?
7 R. Vous savez, chez nous on dit qu'un homme intelligent n'a pas besoin de
8 beaucoup de mots. Il comprend aussi les gestes. Comment voulez-vous que
9 j'agisse quand je vois les gens armés ? Je ne sais pas quelles sont les
10 conventions, je ne sais pas quelles sont les règles, mais en tout cas, ici,
11 c'était très clair : éliminer tout le monde.
12 Q. En latin, ce que vous venez de dire, on le dit brièvement
13 "sapienti sat".
14 Mais on va passer à autre chose. Zlatko Lagumdzija, ce n'est pas
15 l'homme politique que l'on connaît ? C'est un commandant, n'est-ce pas ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est tout simplement, puisqu'on est en
17 audience publique, vous savez, il existe un homme politique très connu qui
18 s'appelle Zlatko Lagumdzija, et je le dis pour le compte rendu. Ce n'est
19 pas de lui qu'on parle, n'est-ce pas ? Vous êtes d'accord avec moi ?
20 Est-il possible de verser ce document.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Gustafson.
22 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je ne pense pas que le témoin aie été en
23 mesure de confirmer que quoi que ce soit de décrit dans ce document s'est
24 déroulé dans la réalité, et je pense que les Juges seraient surpris
25 d'apprendre qu'il y a eu une offensive importante à Grbavica à cette date-
26 là, contrairement à ce que dit le document.
27 M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, le témoin a répété à plusieurs
28 reprises ce qu'il pensait de l'arrivée de la police dans la zone habitée
Page 30230
1 par les Serbes - et je pense que ceci correspond à ce qu'il a déjà dit,
2 c'est parfaitement cohérent - et sur cette base-là, je pense que ce
3 document est admissible.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, le Procureur, si j'ai bien
6 compris, ne met pas en cause l'authenticité de ce document ?
7 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je suis d'accord avec vous pour dire,
8 Monsieur le Président, qu'il s'agit là d'un document qui a une forme
9 étrange, mais je ne peux pas faire d'autres commentaires à présent.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
11 En ce qui concerne la pertinence, les Juges sont plutôt d'accord avec
12 M. Robinson, mais vu que la question d'authenticité de ce document se pose
13 encore et vu que nous n'avons pas de traduction en anglais, nous allons le
14 marquer aux fins d'identification.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] MFI D2425.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et maintenant je vais demander le document
17 1D500.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. C'est la dernière question que je vais vous poser au sujet de votre
20 préoccupation et la préoccupation des Serbes à Grbavica quand il s'agit de
21 savoir qui allait revenir à Grbavica. Malheureusement, je n'ai pas demandé
22 la traduction de ce document parce que je ne pensais pas qu'on allait
23 aborder ce thème avec ce témoin.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc il s'agit d'un bulletin qui émane du
25 service de la sécurité des forces armées de Bosnie-Herzégovine. Je vais
26 demander à voir la troisième page dans le système de prétoire électronique.
27 C'est un document qui date du 11 octobre 1993.
28 M. KARADZIC : [interprétation]
Page 30231
1 Q. Pourriez-vous lire à haute voix ce qui est encadré.
2 R. "Parmi les combattants de la 101e Brigade motorisée qui pour la plupart
3 ne sont pas satisfaits de la façon dont fonctionne le commandement de cette
4 unité, ces jours-ci on entend la rumeur que le commandement dans la zone de
5 responsabilité de ce bataillon doit être remis à Musan Topalovic - Caco. Le
6 commandant du 4e Bataillon motorisé, Enis Srna, qui, d'après certaines
7 rumeurs non vérifiées, a de bons rapports amicaux avec Caco, a fait le
8 commentaire suivant par rapport à cette rumeur : 'Du point de vue tactique,
9 il vaut mieux qu'un seul homme s'occupe de Grbavica de sorte qu'on puisse
10 mieux la nettoyer.'"
11 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de ces gens-là, les gens que l'on
12 voit ici ?
13 R. Musan Topalovic, Caco, oui, j'ai entendu parler de lui. En ce qui
14 concerne Enis Srna, non.
15 Q. Ils voulaient nettoyer Grbavica de qui ? Qu'entendez-vous par là ou que
16 comprenez-vous par là ?
17 R. C'est plus que clair. On nous menace, nous, les Serbes.
18 Q. Pourriez-vous dire aux Juges qui était Musan Topalovic, Caco, et quelle
19 a été sa réputation ?
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tomic, attendez.
21 Mme Gustafson a une question.
22 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Aucun rapport avec le contre-
23 interrogatoire. Je ne vois pas quel est le rapport.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
25 Monsieur Karadzic, pourriez-vous expliquer cela ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, la question que j'ai voulu poser,
27 c'était de savoir si les Serbes de Grbavica craignaient ce Musan Topalovic,
28 Caco, qui faisait partie justement de l'armée des Musulmans qui devait
Page 30232
1 normalement venir à Grbavica. Il était au commandement de cette armée.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter cela, Monsieur
3 Karadzic.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pose la question vu qu'on a nié que la
5 population serbe de Grbavica avait peur de l'arrivée de la police et de
6 l'armée musulmane, des autorités musulmanes, et c'est pour cela que je pose
7 la question au témoin. Je lui demande s'il connaît ce Musan Topalovic,
8 Caco, et si la réputation de cet homme était une cause supplémentaire de la
9 peur parmi la population.
10 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Eh bien, au cours du contre-
11 interrogatoire, on n'a pas du tout posé de questions au sujet de la peur
12 qui prévalait au sein de la population serbe.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons permettre cette question.
15 M. KARADZIC : [interprétation]
16 Q. Est-ce que vous voulez répondre ou vous voulez que je répète la
17 question ?
18 R. Ecoutez, je ne connaissais pas cet homme personnellement, mais à
19 Sarajevo, on connaissait la triste notoriété de cet homme. Evidemment qu'on
20 avait peur à juste titre. On savait exactement quel allait être notre sort,
21 surtout quand il s'agit des membres de l'armée de la Republika Srpska. On
22 avait peur, la peur était bel et bien là, et c'était une peur fondée.
23 Q. Très bien.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de verser ce document aux fins
25 d'identification vu que nous n'avons pas encore de traduction de ce
26 document.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Gustafson, vous voulez ajouter
28 quelque chose ?
Page 30233
1 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Eh bien, vu que vous avez permis la
2 question, je n'ai pas d'objection.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
4 Nous allons marquer aux fins d'identification en attendant la traduction du
5 document.
6 M. LE GREFFIER : [hors micro]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter la cote.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira du document MFI D2426.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. Est-ce que je peux avoir une
11 petite pause pour aller aux toilettes, si c'est faisable. J'ai besoin de
12 deux minutes, trois minutes.
13 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
14 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
15 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Excellence.
17 --- La pause est prise à 14 heures 45.
18 --- La pause est terminée à 14 heures 49.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, je pense que
20 c'était la dernière question que vous ayez eu à poser, mais veuillez
21 continuer, je vous prie.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, faisons de cette question la dernière.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Monsieur Tomic, on vous a demandé des choses au sujet de M84, M53, des
25 Brownings, et de leurs portées respectives. Est-ce que ces armes de la zone
26 d'Ozrenska, pour ce qui est du bataillon entier, pouvaient être utilisées
27 pour servir de fusils à lunette ou d'armes à lunette pour faire du sniping
28 et tuer des civils ?
Page 30234
1 R. Ça, c'est des armes qui apportaient un soutien en cas d'attaque pour
2 que nous puissions nous défendre plus facilement. Le M84, c'est une arme
3 que l'on sait être très bonne, c'est vérifié. Le M53, c'est un fusil
4 mitrailleur qui n'est que très peu fiable. On ne peut pas faire de sniping
5 avec des armes de ce type. D'abord, il n'y a pas d'appareil optique sur un
6 M53.
7 Q. Merci. Merci d'être venu témoigner ici. Je n'ai plus de questions.
8 Enfin, si, j'en aurais quelques-unes, mais elles sont moins importantes.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. le Témoin vous a déjà répondu à la
10 question, mais je vous prie de vous abstenir de poser des questions
11 directrices.
12 Oui, Madame Gustafson.
13 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi, mais je dois ajouter que la
14 question du sniping n'a jamais été provoquée ni ou à l'interrogatoire
15 principal ni au contre-interrogatoire donc il est tout à fait injustifié de
16 poser cette question en guise de dernière question.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Eh bien, puisque ce sujet a été
19 évoqué, Monsieur le Témoin, si la ligne de démarcation ne se trouvait qu'à
20 50 à 80 "yards," ça ne devait pas nécessiter des instruments optiques,
21 n'est-ce pas, parce qu'il suffit d'avoir un bon fusil et un bon tireur qui
22 à 50 ou 80 mètres pourrait tirer rien qu'en se servant de sa propre vue
23 sans pour autant avoir des auxiliaires de visibilité ? Est-ce que vous êtes
24 d'accord ?
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux répondre ?
26 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Non. Mais ça c'était adressé au
27 témoin.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si vous avez suivi. Le
Page 30235
1 Juge Morrison a posé la question au témoin.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vais pas répondre à M. le Juge Morrison.
3 C'est Mme Gustafson qui a posé des fondements pour ce qui est dans la
4 rue Krndelja où il y a eu des incidents de tireurs embusqués. Moi, j'ai
5 voulu que nous déterminions quelles ont été les portées et la précision qui
6 pouvaient être obtenues avec ces armes.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. C'est déjà consigné et c'est dénué
8 d'importance à présent alors on en reste là.
9 Monsieur Tomic, vous souvenez-vous de la question posée par le Juge
10 Morrison ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je me souviens bien, Son Excellence le Juge
12 Morrison a pratiquement fait une constatation, pour indiquer qu'à de
13 faibles distances de ce type on n'a pas nécessairement besoin d'instruments
14 optiques. Je suis tout à fait d'accord avec lui, moi, j'ai répondu à une
15 question posée par M. Karadzic et j'ai dit qu'avec ces armes d'infanterie,
16 on ne peut pas tirer par coups de feu individuels, ce sont des armes
17 automatiques où l'on tire des rafales, et point n'était nécessaire
18 d'utiliser ce type d'armes pour tirer en profondeur. On s'en servait en cas
19 d'attaque pour repousser les attaques. Donc ces armes le M53 et le M84
20 n'ont pas été utilisées parce que ça tire par rafale et ce n'est pas
21 suffisamment précis comme des armes qui permettent de tirer des coups de
22 feu individuellement au cas -- enfin, par balle. Mais le Juge Morrison a
23 raison, parce que nous n'avons pas utilisé d'arme avec des instructions
24 optiques étant donné qu'à 50 ou 80 "yards" comme l'a dit M. le Juge
25 Morrison on voit même sans instrument optique.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, il me semble que ceci met un
27 terme à votre témoignage, Monsieur Tomic. Au nom des Juges de la Chambre
28 nous vous remercions d'être venu à La Haye pour témoigner. Vous êtes libre
Page 30236
1 de vous en aller à présent.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, bien entendu, et je voudrais
3 en mon nom personnel vanter les mérites de votre service chargé du
4 personnel de nos arrivées et de nos séjours et de tout le reste. Merci.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous allons tous ensemble nous
6 lever et quitter la salle.
7 Le Greffier m'a informé du fait que du fait des difficultés techniques, la
8 salle d'audience numéro I sera fermée pour des raisons de réparation des
9 consoles et du reste. Donc demain nous allons siéger dans l'après-midi
10 salle d'audience numéro III après le procès de M. Mladic de 2 heures et
11 quart à 7 heures. Et jeudi, nous allons siéger le matin de 9 heures à 2
12 heures moins quart à la salle d'audience numéro III. Je remercie les
13 efforts déployés par le Greffier pour que nous puissions continuer nos
14 travaux dans ce procès.
15 Etant donné l'heure et étant donné la nécessité pour nous de lever
16 l'audience à 3 heures, nous allons lever l'audience pour aujourd'hui.
17 [Le témoin se retire]
18 --- L'audience est levée à 14 heures 57 et reprendra le mercredi 14
19 novembre 2012, à 14 heures 15.
20
21
22
23
24
25
26
27
28