Page 35310
1 Le mercredi 13 mars 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.
6 Avant que de reprendre la déposition du témoin, la Chambre va maintenant
7 présenter sa décision orale sur l'admission des documents. 1D7846 de la
8 liste 65 ter, débattu le 7 mars 2013, 2013, je dis bien, au cours de la
9 déposition de Mane Djuric, et le document 1D855 de la liste 65 ter débattu
10 le 11 mars 2013 au cours de la déposition de Tomislav Puhalac.
11 Le document 1D7846 de la liste 65 ter est une déclaration présentée
12 par Fikret Muminovic au poste de sécurité publique de Milici le 4 avril
13 1992, et le document 1D855 de la liste 65 ter est une déclaration présentée
14 par Senad Memic, représentant officiel du MUP de la Republika Srpska, le 14
15 avril 1992.
16 Etant donné les requêtes des parties quant à l'admission de ces deux
17 documents la Chambre considère qu'il est nécessaire de rappeler sa
18 pratique, selon laquelle les déclarations de partie tierce qui ne sont pas
19 préparées aux fins des procédures au pénal actuelles ne seront admises que
20 si elles font l'objet de commentaire ou qu'elles sont confirmées ou encore
21 adoptées par le témoin à la barre. Ces deux documents relèvent de cette
22 catégorie. Plus précisément, la Chambre est convaincue que Djuric a apporté
23 ses observations suffisantes sur le document 1D7846 65 ter, aux fins
24 d'admission. La Chambre donc accorde une cote MFI au document 1D7846 sous
25 réserve de réception de sa traduction anglaise.
26 En ce qui concerne 1D855, la Chambre rappelle que l'accusé a déjà
27 demandé son admission à deux occasions antérieures. Tout d'abord, lors de
28 la déposition de Robert Donia, le 9 juin 2010, et une deuxième fois au
Page 35311
1 cours de la déposition de Momcilo Mandic, le 8 juillet 2010, à ces deux
2 occasions, la Chambre a rejeté son admission. Le 11 mars 2013 - 2013, je
3 répète - Puhalac a apporté une taille supplémentaire quant à la source du
4 document et a présenté sa position concernant l'exactitude de sa teneur. La
5 Chambre est donc convaincue que 1D855 peut maintenant être versé et admis.
6 Le Greffier affectera les cotes aux pièces pertinentes et ce, en bonne et
7 due forme.
8 Cela étant, peut-on faire venir le témoin ?
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 1D7846 de la liste 65 ter
10 reçoit la cote MFI D3120 et le document 1D855 de la liste 65 ter reçoit la
11 cote D3121.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 [Le témoin vient à la barre]
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Tesic.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous voulez bien vous asseoir.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons continuer votre contre-
20 interrogatoire.
21 Monsieur Nicholls ?
22 M. NICHOLLS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
23 LE TÉMOIN : ALEKSANDAR TESIC [Reprise]
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 Contre-interrogatoire par M. Nicholls : [Suite]
26 Q. [interprétation] Monsieur Tesic --
27 R. Est-ce que vous pourriez parler un peu plus fort ? Je ne saurais vous
28 entendre.
Page 35312
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Notre huissière va vous aider.
2 Monsieur Tesic, est-ce que vous m'entendez bien, maintenant ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je vous entends.
4 M. NICHOLLS : [interprétation]
5 Q. Monsieur Tesic, lorsque nous en avons terminé hier, j'avais commencé à
6 aborder le paragraphe 41 de votre déclaration que vous avez remis à la
7 Défense où vous déclarez que :
8 "Le soir du 13 au 14 juillet, j'ai vu plusieurs autocars où se trouvaient
9 des Musulmans dans la ville de Bratunac. A l'époque, je pensais que ces
10 personnes allaient -- étaient de Potocari et ne pourraient être
11 transportées de la nuit. Il n'y a pas de soldats dans la ville," et cetera.
12 Le lendemain, j'ai appris qu'il y avait plusieurs cadavres de
13 Musulmans qui se trouvaient à l'école secondaire Vuk Karadzic."
14 Conviendrez-vous avec moi que le 13 juillet, à Bratunac, des journées que
15 vous avez décrites comme étant critiques, hier, il y avait des autocars et
16 des camions de Musulmans qui avaient été séparés des autres et capturés, et
17 ce, un peu partout à Bratunac ?
18 R. Eh bien, je peux dire précisément que c'était dans tout Bratunac. J'ai
19 vu des autocars devant le bâtiment -- les bâtiments municipaux, trois
20 quatre ou cinq d'entre eux et dans une petite ville qui allait à l'école
21 élémentaire. Combien d'autocars il y avait en nombre exact, je l'ignore car
22 je ne les ai vus que le soir et encore une fois, je ne me souviens pas si
23 c'était le 13 ou le 14 avec précision.
24 Alors, j'étais à mon bureau et de là, l'on voyait les autocars, si
25 vous regardiez par la fenêtre, mais je sentais également les gaz
26 d'échappement des autocars, parce que les moteurs étaient allumés. C'est
27 ainsi que je les ai remarqués. Je suis allé à l'entrée du bâtiment et j'ai
28 vu que ces autocars étaient remplis de passagers.
Page 35313
1 C'est tout ce que je peux dire.
2 Q. Donc, c'est votre déposition, que vous n'avez pas quitté le bureau le
3 13, vous n'avez vu que ce que vous nous avez relaté, et ce, de devant le
4 bâtiment municipal, au centre de la ville.
5 R. Oui. Je ne me suis pas promené dans la ville pour aller voir quelque
6 chose de particulier. Ce que j'ai vu, c'est principalement ce que je vous
7 relate ce soir-là.
8 Q. Et ce qui veut dire que vous étiez dans votre bureau, parce que comme
9 vous l'avez déclaré dans votre déposition la dernière fois que vous êtes
10 venu déposer ici, T7843, je vous rappelle la référence :
11 "En ce qui concerne le 13, je ne saurais dire avec sûreté, je ne me
12 souviens pas où j'étais. J'étais sans doute dans mon bureau parce que je
13 préparais des documents pour le lendemain, car il y avait nombre de
14 documents pour envoyer ces recrues le lendemain, le 14."
15 Est-ce exact ?
16 R. Oui, oui, oui. C'est cela. Car j'avais des instructions, donc un appel
17 ordinaire pour des modalités ordinaires de mon travail et nous avions
18 préparé des documents et donc, j'ai escorté les recrues jusqu'au point de
19 rassemblement à Zvornik.
20 Q. Nous arriverions. Parce qu'il s'agit du 14, le lendemain. Alors, les
21 hommes dans ces autocars, ceux que vous pouviez voir étaient des
22 prisonniers n'est-ce pas ? Et ils n'étaient pas de Potocari qui -- c'était
23 des passagers de Potocari qui s'étaient arrêtés pour passer la nuit, n'est-
24 ce pas ?
25 R. Eh bien, croyez-moi, je vous en prie, je l'ignore. A ce moment-là, je
26 pensais qu'il s'agissait de personnes qui avaient été à Potocari et qui ne
27 pouvaient que transporter pendant la journée sur le territoire contrôlé par
28 les Musulmans et qu'ils attendaient l'aube pour pouvoir les emmener.
Page 35314
1 Q. Très bien. Eh bien, Potocari, il y a des témoignages d'autres témoins.
2 Il s'agit donc d'une -- et cela se trouve à quelques kilomètres d'ici. Les
3 Juges de la Chambre en sont informés. Il s'agit peut-être de prendre la
4 route, en cinq minutes, on se trouve de Bratunac pour se trouver au centre
5 de Potocari, Oui, c'est à cinq kilomètres environ.
6 r. Oui, c'est environ ça.
7 Q. Donc, pour emmener des gens de Potocari et ce que je vous avance, c'est
8 que s'il s'agissait de prisonniers, non pas des femmes et des enfants, mais
9 toute autre personne de Potocari, qui peut prendre cent kilomètres et
10 ensuite s'arrêter le soir et les garder à l'autocar, ce sont des personnes
11 qui étaient -- si c'étaient des personnes de Potocari qui ne pouvaient
12 aller nulle part de leur propre gré. Est-ce que -- pourquoi est-ce que vous
13 ne les laisseriez pas rentré chez eux à Srebrenica plutôt de les faire
14 monter dans un autocar et de les garder dans la rue ?
15 R. Ne me posez pas la question. Je ne sais pas. Je n'en sais rien. Je vous
16 ai dit que à l'époque, c'est ce que je pensais. A savoir si c'était la
17 réalité, ça, je ne pourrais vous le dire ni pourrais-je dire quoi que ce
18 soit à ce sujet maintenant, parce que je ne sais pas.
19 Q. Donc, vous êtes là, vous ne savez pas si c'étaient des prisonniers,
20 donc, qui étaient retenus ce soir-là, le 13, à Bratunac en juillet 1995 et
21 ça, c'est votre témoignage exact et franc aujourd'hui.
22 R. Je peux vous dire à nouveau que je ne sais pas si ces personnes étaient
23 des prisonniers ou si c'était des gens de Potocari. A l'époque, je pensais
24 que c'était des gens de Potocari. Si c'était des prisonniers ou encore des
25 personnes qui voulaient être transférées ailleurs, ça, à l'époque, je n'y
26 ai pas réfléchi.
27 Q. Donc, dans votre bureau dans le bâtiment municipal, puisqu'il y avait
28 des milliers de personnes dans ces autocars qui n'étaient pas des
Page 35315
1 prisonniers et qui étaient transférées de leur propre gré, vous en avez vu
2 des centaines qui sortaient des autocars et les camions qui se
3 dérouillaient les jambes, qui allaient à l'hôtel Fontana pour y boire un
4 verre ou peut-être trouver un repas puisqu'ils étaient tout simplement
5 accueillis à bras ouvert à Bratunac.
6 R. Eh bien, ça, c'est du sarcasme. Je ne pense pas que c'était ainsi, et
7 ce n'était pas ainsi d'ailleurs. Je sais simplement qu'il n'y avait pas de
8 militaires à Bratunac. Il y avait des personnes âgées, des femmes et des
9 enfants, et ceux qui étaient dans les autocars, les passagers que j'ai vus
10 dans les autocars, étaient gardés par une personne que ce soit un soldat ou
11 un agent de la police militaire. Cela, je ne saurais le dire avec
12 certitude, mais s'ils l'avaient souhaité, ils auraient pu sortir de
13 l'autocar et tout simplement prendre à bras le corps ce soldat qui était
14 seul. C'est ainsi que j'ai vu la chose, mais ils étaient assis
15 tranquillement, calmement sur le siège dans l'autocar.
16 Q. Alors je vais maintenant vous montrer le document D00622, qui est une
17 déclaration de la Défense, d'un agent de police militaire de Bratunac dont
18 le nom est Mile --
19 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.
20 M. NICHOLLS : [interprétation]
21 Q. -- et il parle de la façon dont il gardait les autocars à Bratunac, ce
22 soir-là. Donc tout d'abord, les passagers n'étaient pas libres de partir.
23 Deuxièmement, il y avait des soldats à Bratunac pour garder ces
24 prisonniers, n'est-ce pas ?
25 R. Et bien, quand j'ai quitté le bâtiment municipal, j'ai vu comme je l'ai
26 déjà dit qu'il y avait une personne qui gardait ces autocars, et je présume
27 qu'il s'agissait de l'escorte qui accompagnait ces personnes à leur
28 destination finale, l'endroit où ils se rendaient. C'est tout ce que je
Page 35316
1 sais.
2 Q. Je vais vous lire un extrait de votre témoignage.
3 Vous n'étiez pas averti, ça c'est P7844, qu'il y avait des prisonniers, des
4 hommes musulmans qui étaient retenus à l'école Vuk Karadzic, ou dans le
5 hangar. Vous ne le saviez pas, n'est-ce pas ?
6 R. A l'école élémentaire ? Je ne m'y suis pas rendu. Je n'ai rien vu.
7 Q. Répondez si vous voulez bien, oui ou non. Je vais vous lire votre
8 réponse dans votre témoignage dans Blagojevic.
9 "Réponse. Non, je n'en étais pas averti, par la suite, bien sûr, j'ai
10 entendu dire [inaudible] mais bien plus tard."
11 Donc ce n'est que bien plus tard que vous avez découvert que des
12 Musulmans ou du moins vous avez entendu dire que des hommes musulmans
13 avaient été retenus dans le hangar ou à l'école Vuk Karadzic.
14 R. Oui. J'ai entendu dire par la suite qu'il y avait eu des
15 prisonniers qui s'y trouvaient, peut-être quelques jours plus tard. Il
16 était impossible de le dissimuler. Ceux qui voulaient s'informer, ceux qui
17 passaient devant l'école pouvaient sans doute les voir. Mais je ne m'y suis
18 rendu, moi, je ne l'ai pas vu.
19 Q. Notre thèse est qu'il y avait des Musulmans qui étaient retenus
20 dans l'école Vuk Karadzic, dans le préau derrière l'école et dans le stade,
21 tous ces bâtiments se trouvant à cinq minutes de votre bureau, du bâtiment
22 de la municipalité où vous vous trouviez. Et les Juges de la Chambre s'y
23 sont rendus et ont effectué ce trajet. Donc c'était, vous vous trouviez à
24 un jet de pierres de là; est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?
25 R. Oui.
26 Q. Très bien. Vous avez dit dans votre témoignage --
27 R. Oui, oui, j'en conviens.
28 Q. Très bien. Et vous avez déclaré que ce soir-là, dans le bâtiment de la
Page 35317
1 municipalité, à quelques cinq minutes de là, vous n'avez pas entendu de tir
2 de coup de feu, vous n'avez rien entendu ?
3 R. Je n'arrive pas à me souvenir exactement de cela. Peut-être qu'il y a
4 eu des coups de feu, mais je ne peux pas le confirmer. Je ne peux pas
5 confirmer d'où provenaient des tirs non plus. Moi, si j'étais dans mon
6 bureau, je ne pouvais pas les entendre.
7 Il est possible qu'il y a eu des tirs mais je ne dis pas que des tirs
8 provenaient des bâtiments que vous venez de citer. Peut-être qu'il y avait
9 des tirs dans la ville.
10 Q. Permettez-moi de vous poser cette question. Est-ce qu'il est habituel
11 lorsque vous travaillez dans le bâtiment municipal pour préparer vos
12 documents pour le jour suivant, est-ce qu'il y est habituel, est-ce qu'il
13 est normal de pouvoir entendre des tirs d'armes automatiques provenant de
14 moins de cinq minutes de marche par rapport à votre bureau. Est-ce que cela
15 n'aurait pas été quelque chose d'alarmant ?
16 R. Oui, cela aurait été certainement quelque chose qui aurait prêté à
17 confusion puisqu'on n'entend pas cela en temps de paix, mais c'était la
18 guerre, et rien ne pouvait vous surprendre.
19 Q. Bien. Vous auriez pu penser qu'il s'agissait d'un combat à Bratunac, au
20 centre de la ville, et pour vous, cela n'aurait pas été quelque chose
21 d'inquiétant ?
22 R. Non, non, je ne dis pas qu'il s'agissait de combat. Chez nous, on tire
23 sans raison parfois. Moi, je ne conteste pas que peut-être il y a eu des
24 prisonniers mais je ne les ai pas vus, et je n'ai pas entendu dire que
25 quelqu'un aurait tiré sur les prisonniers. Je n'étais pas là-bas, je ne
26 peux pas confirmer cela. Je ne sais pas ce que vous voulez que je vous dise
27 là-dessus.
28 Q. Bien. Quelqu'un qui est né à Bratunac, qui vivait à Bratunac, qui était
Page 35318
1 à Bratunac en 1992 et qui sait qu'à Bratunac il y a eu des événements
2 tristement célèbres, à savoir que les Musulmans, des prisonniers musulmans
3 ont été emmenés à l'école Vuk Karadzic, au stade pour être tués, qu'il y a
4 eu des meurtres commis par les tirs d'armes automatiques, et qu'il y avait
5 des Musulmans qui ont été probablement tués dans l'école Vuk Karadzic, en
6 1992.
7 R. Je n'entends pas votre question très bien, excusez-moi, pouvez-vous
8 répéter cette question.
9 Q. Je vais répéter. Puisque vous savez qu'en 1992 les Musulmans ont été
10 tués à l'école Vuk Karadzic et au stade, et qu'il y avait des Musulmans
11 partout à Bratunac, en 1995, encore une fois, et que vous avez entendu des
12 tirs d'armes automatiques, pourquoi n'étiez-vous pas inquiet en tant que
13 membre du ministère de la Défense pour ce qui est d'éventuels nouveaux
14 meurtres qui allaient se produire ?
15 R. A ce moment-là, je n'ai pas pensé à cela. Je ne savais pas que d'autres
16 meurtres allaient se produire. Si j'avais su cela, en tout cas j'aurais été
17 inquiet et préoccupé de ce fait.
18 Q. Bien. Continuons.
19 Vous avez appelé ces jours, jours critiques. Vous avez vu des
20 autocars bondés de gens qui se trouvaient devant le bâtiment de la
21 municipalité, que les Musulmans se trouvaient à bord de ces autocars. Vous
22 avez dit que ces Musulmans auraient pu combattre les gardes. Nous avons
23 entendu dans ce procès que les Musulmans de Bratunac et de Srebrenica
24 étaient dangereux, les membres de la 28e Division, qu'il y avait des unités
25 musulmanes qui avaient commis des crimes. Vous avez également dit qu'il n'y
26 avait pas de soldat dans la ville. Mais maintenant vous êtes ici, mais là-
27 bas, vous avez 41 ans à l'époque, vous aviez un uniforme, êtes-vous certain
28 que vous n'êtes pas allé pour aider les gardes à garder ces prisonniers,
Page 35319
1 les prisonniers qui étaient aptes à porter les armes, pour aider les
2 policiers à Bratunac, pour garder ces prisonniers.
3 Est-ce que cette tâche n'aurait pas été plus importante que la tâche
4 administrative ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne crois pas que l'interprétation fournie --
6 pourrait être comprise par qui que ce soit. Je pense que quelque chose ne
7 va pas pour ce qui est de l'interprétation de cette question.
8 M. NICHOLLS : [interprétation] Je vais répéter ma question et je vais être
9 très simple.
10 Q. Pourquoi ne vous seriez-vous pas rendu là-bas pour garder les
11 prisonniers puisqu'il n'y avait pas de soldat et il n'avait pas beaucoup de
12 policiers lors de ces journées critiques à Bratunac avec tous ces Musulmans
13 présents dans la ville ?
14 R. J'étais chef du département du ministère de la Défense. J'étais civil.
15 Je n'étais pas un militaire. C'est la première chose.
16 La deuxième chose, j'avais des tâches précises et je ne pouvais pas
17 m'occuper de la sécurisation des autocars et des prisonniers, comme vous
18 l'avez suggéré. Ces jours-là, ma tâche était, comme je l'ai déjà dit, de
19 préparer les documents concernant la mobilisation des recrues et pour les
20 envoyer au service militaire obligatoire.
21 Q. [aucune interprétation]
22 R. Et si je dis qu'il n'y avait pas de soldats après la chute de
23 Srebrenica -- est-ce que je puis continuer ma réponse ?
24 Q. Non. Non, puisque c'est à la Chambre d'en décider, mais vous avez
25 répondu à ma question et d'ailleurs je ne dispose pas de suffisamment de
26 temps. Mais j'ai compris que votre tâche n'était pas de vous occuper de la
27 sécurité des prisonniers, indépendamment des conditions qui prévalaient à
28 Bratunac à l'époque ?
Page 35320
1 R. Cela ne faisait pas partie de mes tâches et de mon travail de garder
2 les prisonniers.
3 Q. Bien. Pourtant l'une des tâches, et nous avons parlé de cela hier,
4 l'une des tâches de la protection civile était de procéder à
5 l'assainissement du terrain. Ljupko Ilic se trouvait dans le même bâtiment,
6 et vous avez appris le lendemain matin, qu'il y avait des cadavres trouvés
7 partout dans la ville : au stade, à l'intérieur de l'école et à l'extérieur
8 de l'école Vuk Karadzic, dans le hangar aussi ?
9 R. C'est vrai que Ljupko Ilic travaillait dans le même bâtiment, c'est
10 Ljupko Ilic qui m'a informé du fait que plusieurs cadavres ont été trouvés
11 près de l'école ou à l'intérieur de l'école primaire Vuk Karadzic. Et pour
12 ce qui est des cadavres qui auraient été trouvés partout dans la ville ou
13 au stade, je n'en sais rien.
14 Q. Bien. Zoran Petrovic-Pirocanac a déposé dans cette affaire. Et il est
15 journaliste indépendant de Belgrade. Il a voyagé avec Ljubisa Borovcanin,
16 que vous connaissez certainement. Et Pirocanac a passé la nuit, du 13
17 juillet à Bratunac, et il a vu - et c'est ce qu'il a déposé en page du
18 compte rendu 18817 pour ce qui est de la pièce P00376, il dit que "il y
19 avait un camion bondé de cadavres musulmans dans le centre de la ville."
20 Donc un journaliste qui se rend là-bas qui n'est pas originaire de là-bas
21 était en mesure de savoir plus que vous pour ce qui est du nombre de
22 cadavres trouvés, donc plus que vous, qui étiez membre de la protection
23 civile.
24 R. Je répète encore une fois, je ne suis pas membre de la protection
25 civile. Et je ne sais pas où Zoran Pirocanac aurait pu voir cela. Je ne nie
26 pas qu'il y avait eu des crimes commis. Tout le monde est au courant de
27 cela, mais pour ce qui est de ces crimes et de leur perpétration, je ne les
28 ai jamais vus lorsque je suis passé par Kravica le 14 pour me rendre à
Page 35321
1 Zvornik avec nos recrues. Et en 1992, non plus. Parce que vous ne m'avez
2 pas posé la question concernant le hangar.
3 L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend : Là, j'y étais et j'ai vu cela.
4 M. NICHOLLS : [interprétation]
5 Q. Nous allons y arriver. Poursuivons, je pense qu'on peut aborder un
6 nouveau sujet.
7 Vous êtes d'accord avec moi pour dire que vous-même ainsi que le monde
8 entier était au courant du fait que le 13 juillet 1995 des crimes ont été
9 commis contre les prisonniers musulmans à Bratunac. C'est ce que vous venez
10 de dire, n'est-ce pas ?
11 Et après on va poursuivre.
12 R. S'il vous plaît, je n'ai pas dit qu'à ce moment-là j'étais au courant
13 de l'événement qui s'est produit. J'ai dit qu'aujourd'hui le monde entier
14 est au courant de cela. Mais je ne sais pas combien de temps après le 13 ou
15 le 14 j'ai appris qu'il s'agissait d'un crime en masse. Mais à l'époque,
16 non, je n'étais pas au courant de cela.
17 Le 14, j'ai vu les conséquences du crime en masse à Kravica, à savoir j'ai
18 vu les cadavres devant ce bâtiment là-bas.
19 Q. [aucune interprétation]
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'abord.
21 Il y a beaucoup d'omissions dans le compte rendu. A la page 10, à la
22 première ligne, le témoin a dit :
23 "Je ne pensais pas qu'il y aurait eu des meurtres."
24 Il n'a pas dit :
25 "Je ne savais pas qu'il y aurait eu des meurtres."
26 Et ici, il est dit -- donc c'est à la page 10, première ligne. Et ici aussi
27 dans le compte rendu - juste un instant - le témoin a dit que :
28 "Beaucoup de temps après les faits," -- après le 13 et le 14 juillet, il a
Page 35322
1 reçu certaines informations. Il a dit -- il n'a pas dit "une certaine
2 période de temps après les faits," il a dit "beaucoup de temps après les
3 faits."
4 M. NICHOLLS : [interprétation] Bien. Merci, Monsieur Karadzic. J'ai voulu
5 qu'on poursuive mais on peut y revenir.
6 Q. Combien de temps s'est écoulé après que les crimes en masse avaient été
7 commis dans votre ville et plus tard à Zvornik ? Donc combien de temps
8 s'est écoulé jusqu'au moment où vous avez appris ces crimes ?
9 R. Je ne sais pas exactement. Peut-être que c'était en été. Plus tard en
10 été. Mais pour ce qui est du chiffre avancé de 7 000 personnes, je pense
11 qu'on a appris cela beaucoup de temps après les faits, peut-être quelques
12 mois après les faits.
13 Q. Pour ce qui est du -- juillet 1995 ? Vous étiez au courant du fait que
14 beaucoup de meurtres ont été commis au 21 juillet ?
15 R. Vous avez dit le 21 juillet 198 --
16 Q. 1995.
17 R. 21 juillet 1995. Rappelez-moi ce qui s'est passé à cette date-là
18 puisque je n'en sais rien.
19 Q. Oui, mais jusqu'au 21 juillet 1995, ou avant cette date, est-ce que
20 vous avez appris que des crimes en masse avaient été commis à Bratunac et à
21 Kozluk ?
22 R. Non.
23 Q. bien. Nous allons encore une fois.
24 M. NICHOLLS : [interprétation] Que la pièce P0498 soit affichée à l'écran.
25 Q. Monsieur le Témoin, en attendant que le document soit affiché, puisque
26 vous n'êtes pas en mesure de lire l'anglais, et vous ne pouvez pas lire ce
27 document, je vais vous dire de quoi il s'agit.
28 Il s'agit de l'article d'un journal britannique qui s'appelle "Indépendant"
Page 35323
1 du 21 juillet 1995. Concernant votre ville et concernant ces meurtres, le
2 titre est : "Le meurtre en masse sur le champ en Bosnie, le champ rempli
3 sang." Et il y a eu une déposition dans cette affaire par rapport à cette
4 information c'est comme cela qu'on a obtenu cette information ce
5 journaliste américain ne pouvait pas aller à Bratunac, il a garé sa voiture
6 en Serbie de l'autre côté de la frontière à Ljubovija, il a pu parler aux
7 femmes qui passaient en Serbie pour faire des emplettes.
8 Et il a appris et par la suite il a publié le fait que le 21 juillet les
9 femmes serbes, qui étaient résidentes en Serbie et à Bratunac, donc que ces
10 femmes étaient venues pour lui dire par le biais d'un interprète qu'il y
11 avait eu des meurtres des Musulmans à Bratunac. L'une de ces femmes lui a
12 dit, en fait, le journaliste a dit que l'une d'entre elles lui a dit que
13 son frère lui avait parlé de cela ainsi que ces amis qui étaient très
14 ouverts en parlant de ces meurtres de soldats musulmans. Une des femmes a
15 décrit l'exécution en masse au stade à Bratunac et que c'était terrible.
16 Ces femmes ont dit que les sites où ces personnes avaient été tuées - c'est
17 en page 2 en anglais - elle a également décrit le stade, ainsi que l'école
18 Vuk Karadzic, et elle a parlé d'une sorte d'entrepôt, probablement hangar
19 qui se trouvait juste derrière l'école, elle a décrit le camion qui était
20 chargé de cadavres et qui était garé près de Bratunac.
21 Et ces articles ont été corroborés par les dépositions de témoins.
22 Donc votre témoignage est que les femmes au foyer de la Serbie et de
23 Bratunac savaient davantage de ces meurtres commis à Bratunac que vous-
24 même, les meurtres qui ont été commis en juillet ?
25 R. Les femmes au foyer ou pas, d'après elles, elles étaient au courant de
26 cela. Moi, je n'étais pas au courant de cela, je ne dirais jamais que
27 j'étais au courant de cela, puisque je n'étais pas au courant de cela.
28 L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : Les ménagères et non pas les femmes
Page 35324
1 au foyer.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] -- je ne me souviens pas que le 21 juillet, il
3 y a eu des crimes commis à Bratunac, peut-être que oui, mais j'avance que
4 je n'en savais rien. Peut-être qu'il y a eu des cadavres par-ci, par-là, et
5 l'unité chargée de l'assainissement du terrain a ramassé ces cadavres sur
6 le terrain mais, moi, je ne les ai pas vus. Je ne peux pas dire que je les
7 ai vus, puisque je ne les ai pas vus.
8 M. NICHOLLS : [interprétation]
9 Q. Je n'ai pas dit que vous aviez vu cela, j'ai dit qu'il s'agissait d'une
10 petite ville et tout le monde était au courant de ce qui se passait. Mais
11 continuons.
12 Le lendemain matin, à savoir le 14 juillet, vous étiez en train de conduire
13 vos recrues vers Zvornik, n'est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Et c'était à peu près vers midi, ce matin-là, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, probablement, peut-être entre 10 h et midi, je ne suis pas
17 certain. Puisque d'habitude, nous partions à 10 h, peut-être que ce jour-
18 là, on est parti à 11 h ou à 12 h de Bratunac.
19 Q. Bien. Et dans votre déclaration, vous avez dit que vous avez vu un
20 grand nombre de cadavres dans l'entrepôt de Kravica, n'est-ce pas ?
21 R. Non, pas dans l'entrepôt, mais devant l'entrepôt puisque je ne suis pas
22 descendu de l'autocar pour pénétrer dans l'entrepôt.
23 Q. Bien. J'ai dit près de l'entrepôt.
24 Jovan Nikolic va déposer aujourd'hui ou demain, et lui, il était présent
25 près de l'entrepôt de Kravica, le 14, au moment où les exécutions se sont
26 produites. C'était vers 11 h du matin.
27 Donc vous avez conduit à bord de la voiture, et vous êtes passé par ce site
28 d'exécution au moment de l'exécution ou juste après l'exécution ?
Page 35325
1 R. Je n'ai pas vu ces exécutions. Lorsque je suis passé par là, j'ai vu
2 une foule, il y avait beaucoup de soldats, l'autocar se déplaçait très
3 lentement. Par moment, on devait s'arrêter. Et près du mur du bâtiment de
4 la coopérative agricole, il y avait beaucoup de cadavres. Ce qui était un
5 choc pour moi, même aujourd'hui, lorsque j'y pense, c'est choquant, et
6 c'était surtout choquant pour les jeunes hommes de 17 ou 18 ans. J'estime
7 qu'il y avait entre 200 et 300 cadavres devant ce bâtiment qui étaient
8 empilés. Et cette pile était d'un mètre, un mètre et demi de haut. Au
9 début, j'ai pensé qu'il s'agissait des bûches qui étaient empilées, mais
10 lorsque je me suis approché de cette pile, j'ai vu qu'il s'agissait des
11 cadavres. Nous sommes passés lentement à côté de cette pile de cadavres, et
12 c'était terrible.
13 Q. Bien. Et il y avait beaucoup de soldats là-bas, vous avez déjà dit
14 cela. Vous avez dit qu'il y avait tant de soldats que vous deviez vous
15 frayer le chemin avec difficulté. Il y avait des soldats portant des
16 uniformes variés, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, principalement il s'agissait des uniformes militaires de
18 différents aspects, des uniformes de camouflage avec, je n'ai pas pu voir
19 les insignes qui se trouvaient sur ces uniformes.
20 Et pour ce qui est de ma déposition précédente, dans l'affaire concernant
21 le colonel Blagojevic, j'ai dit également que même si je suis originaire de
22 Bratunac, et même si je travaille dans le secteur où je dois connaître les
23 gens qui sont des recrues militaires, au moins un mille --
24 Q. Je vous arrête ici parce que je sais que vous allez dire que vous
25 n'avez reconnu personne de Bratunac, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Très bien. Je voulais simplement vous éviter de perdre du temps. Alors
28 vous êtes passé à côté des soldats, vous marchez lentement, vous ne pouvez
Page 35326
1 pas -- vous vous déplacez lentement. Pourquoi ne vous êtes-vous pas arrêté,
2 baissez la fenêtre pour voir ce qui s'est passé, et pour dire "que se
3 passe-t-il ici" ? Parce que cela ne faisait pas partie de vos tâches non
4 plus ?
5 R. Ma tâche consistait à remettre les personnes au centre de rassemblement
6 à Zvornik, et il fallait que l'on transfère ces personnes à trois endroits
7 différents. Certaines personnes devaient être allés à Bijeljina, d'autres à
8 Banja Luka, d'autres à Banjaca, certaines personnes également à Kalinovik,
9 et cetera, afin de ne pas être en retard. C'est simplement ceci.
10 Q. Je vous arrête ici. Je ne vous demande pas de nous dire où se
11 trouvaient ces recrues. Mais je voulais simplement m'assurer que l'on se
12 comprenne bien. Alors c'est à 15 minutes de Bratunac, de votre ville, il y
13 a des centaines de cadavres qui sont alignés, qui sont là, et les soldats
14 sont là, et pour vous, il est plus important d'arriver à temps plutôt que
15 d'arrêter, et de voir ce qui s'est passé, qui était tué, que s'est-il
16 passé. Vous êtes en train de regarder votre montre, et de dire, non, non,
17 je ne veux surtout pas être en retard.
18 R. Eh bien, ce n'est pas exact. Tout d'abord, j'avais très peur. Je
19 voulais sortir, enfin j'avais très peur de sortir devant ces personnes
20 armées. Il y avait tellement de morts, et j'avais la responsabilité de ces
21 jeunes.
22 Et donc lorsque j'ai terminé ma tâche, mon travail à Zvornik, dès que
23 je suis revenu, peut-être vers 14 h, je suis allé immédiatement voir les
24 dirigeants de la municipalité, et je leur ai dit ce que j'avais vu. Et ils
25 m'ont dit qu'ils avaient eu des renseignements à ce sujet, et que Jovan
26 Nikolic, le directeur de la coopérative agricole leur en avait déjà, enfin
27 il les avait déjà informés.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais simplement ajouter quelque chose
Page 35327
1 plutôt poser une question.
2 Vous avez ce genre de commentaire ne me serait pas permis, des commentaires
3 comme on le voit à la page 16. Alors je voulais savoir si M. Nicholls a des
4 privilèges particuliers. Ligne 24, ligne 25, page 16.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.
6 Vous aimeriez que je demande au témoin de répondre par rapport à ce
7 commentaire ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je voulais simplement vous dire que vous
9 m'avertissez chaque fois.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Restons-en là.
11 De combien de minutes auriez-vous encore besoin, Monsieur Nicholls
12 pour conclure ?
13 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-être cinq minutes, Monsieur le
14 Président.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Poursuivez, je vous prie.
16 M. NICHOLLS : [interprétation]
17 Q. Très brièvement. Veuillez, je vous prie, répondre à cette question par
18 oui ou non. Alors est-ce que vous vous souvenez qu'en septembre 1995, il y
19 avait une opération de grande envergure dont l'objectif était de déplacer
20 les cadavres des victimes de l'entrepôt de Kravica d'un endroit à l'autre,
21 c'est-à-dire qu'ils avaient été enterrés à un certain endroit, à Glogova et
22 qu'une opération avait été lancée pour le déplacer de cet endroit-là ?
23 R. Je n'avais aucune connaissance de ceci pendant très longtemps. Mais
24 plus tard, je ne sais pas combien de temps après exactement, on a entendu
25 parler de ce déplacement. Mais je ne sais pas d'où, je ne sais pas où non
26 plus je préférais ne pas le savoir et ne rien -- ne pas voir certaines
27 choses.
28 Q. Oui, bien. D'accord. Parlons maintenant de 1992 très rapidement. Dans
Page 35328
1 votre déclaration donnée auprès du MUP de la RS -- 65 ter 24748,
2 déclaration que vous avez fait en 2005.
3 M. NICHOLLS : [interprétation] Et je demanderais que l'on affiche ce
4 document, s'il vous plaît.
5 Q. Pendant que l'on attend l'affichage de ce document que vous avez fait
6 auprès du poste de police de Bijeljina le 28 décembre 2005, donc
7 déclaration que vous avez faite le 26 décembre 2005, j'aimerais vous
8 demander si c'est bien au poste de police de Bijeljina que vous l'avez
9 faite ?
10 R. Oui, c'était un inspecteur du centre de sécurité publique de Bijeljina,
11 effectivement. C'est auprès d'eux que j'ai fait cette déclaration.
12 Q. Oui, très bien. Je vous arrête ici pour vous demander, donc, vous vous
13 rappelez de cette déclaration, de l'avoir faite ?
14 R. Oui. Je me rappelle d'avoir fait une déclaration, effectivement. Oui,
15 je vous écoute.
16 Q. Oui, effectivement. Et donc vous avez dit la vérité dans cette
17 déclaration. C'est ce que -- c'est-à-dire, on vous a -- à l'époque, on vous
18 a mis en garde et vous avez prêté serment de dire la vérité.
19 R. Oui.
20 Q. A la page 3, en l'anglais et à la page 2 en serbe -- en fait, on ne
21 peut pas voir le haut de la page, mais c'est la page qui commence par la
22 phrase "Le commandant et le groupe consistaient…" et cetera, et cetera.
23 C'est sur le groupe de Vukovar. Vous avez dit :
24 "Je pense que leur objectif était de faire peur à la population
25 musulmane et de faire une pression auprès de ces derniers afin qu'ils
26 partent. Et c'est un résultat qu'ils ont obtenu partiellement, parce que,
27 plus tard, ils ont rassemblé et maltraité et tué les Musulmans et donc,
28 c'était à l'époque où un exode majeur de Musulmans de Bratunac a eu lieu."
Page 35329
1 Et plus tard, vous dites, après que vous avez parlé du meurtre de
2 Zoran Zekic, vous avez dit :
3 "S'agissant de Miroslav Deronjic, qui était le président de la
4 cellule de Crise, celui qui a mené cette -- celui qui a mené les hommes
5 armés au village de Glogova."
6 Donc, il y a eu un exode de grande envergure, parce que ces derniers
7 avaient peur et ils avaient subi une grande pression, n'est-ce pas ?
8 R. Ce que j'ai dit dans cette déclaration est exact. C'est ce que j'ai
9 dit. Et voilà, c'est tout.
10 Q. Merci, merci. Non, merci. Je vais avancer rapidement, parce que je n'ai
11 pas beaucoup de temps.
12 R. Très bien, d'accord, allez-y.
13 Q. J'aimerais que l'on affiche votre déclaration de 2003.
14 M. NICHOLLS : [interprétation] C'est une déclaration qui porte le numéro
15 24747 de la liste 65 ter.
16 Q. Vous l'aviez également faite auprès du MUP, celle-ci également. Prenons
17 la page 3 en anglais et la page 3 en serbe.
18 Vous y dites :
19 "Les autorités municipales, la cellule de Crise s'est opposée à ce qu'on --
20 à ceci et a décidé d'expulser le groupe de la municipalité -- au poste de
21 police --"
22 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de la cabine française : Monsieur le
23 Procureur lit beaucoup trop rapidement nous n'arrivons pas à le suivre.
24 M. NICHOLLS : [interprétation]
25 Q. "… je ne sais pas non plus qui a organisé les réunions de protestation
26 contre la mise en œuvre de cette décision. Un grand rassemblement de
27 protestation a été tenu au centre de la ville. Les citoyens ont protesté
28 contre la décision adoptée pour expulser les groupes paramilitaires et je
Page 35330
1 me souviens qu'ils ont crié des slogans, Est-ce que vous allez expulser nos
2 libérateurs ?"
3 Vous souvenez d'en avoir parlé hier -- c'est-à-dire --
4 L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend.
5 M. NICHOLLS : [interprétation]
6 Q. Votre frère a déposé sur ceci hier et il a dit :
7 "Les autorités n'étaient pas aussi restrictives quant aux autorités --
8 unités paramilitaires." Et vous décrivez la manière dont les autorités
9 pensaient qu'ils devraient expulser les unités paramilitaires pour soutenir
10 la population.
11 "Et donc, ces personnes se sont rassemblée devant le bâtiment
12 municipal et n'ont pas permis ou n'ont pas exprimé leur soutient pour les
13 unités paramilitaires. --"
14 L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : M. Nicholls lit beaucoup trop
15 rapidement et ne nous dit pas où se trouve l'extrait duquel il lit. Donc,
16 nous sommes en train de travailler dans des conditions très difficiles.
17 Reprise des débats.
18 M. NICHOLLS : [interprétation]
19 Q. "Les unités paramilitaires ont pris part à l'expulsion de la population
20 musulmane qui était soutenue par les Serbes du cru de Bratunac."
21 C'était un facteur dans la police et les autorités pour ne pas
22 expulser ces unités, n'est-ce pas ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on avoir la référence ? Où voit-on que
24 le peuple était -- militait en faveur de une -- d'une expulsion des
25 Musulmans ? Le peuple était contre l'expulsion des Musulmans, 3t de toute
26 façon, la réponse n'est pas exacte non plus.
27 M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que le commentaire n'est pas juste
28 à la question qui a été posée. Je crois qu'il est -- il découle très
Page 35331
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 35332
1 clairement de la déclaration de son frère d'hier que les Musulmans
2 expulsaient et contraignaient les paramilitaires -- que les forçaient, les
3 paramilitaires tuaient les Musulmans et les contraignaient à quitter, qu'il
4 y avait une grande démonstration tenue à Bratunac en faveur contre le fait
5 de prendre des actions contre les paramilitaires. Donc je pense que ma
6 question est tout à fait juste.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter votre question,
8 Monsieur Nicholls ?
9 M. NICHOLLS : [interprétation]
10 Q. Ces unités paramilitaires ont pris part dans l'expulsion de la
11 population musulmane, les ont forcé à quitter, n'est-ce pas ?
12 R. Les unités paramilitaires ont exercé au cours de ces jours-là des
13 arrestations, ont procédé à des arrestations et ont tué des citoyens de
14 nationalité musulmane. Et il y en avait -- il y avait un très grand nombre
15 de personnes dans le hangars; un très grand nombre de personnes avait été
16 détenu dans le gymnase de l'école élémentaire et c'est là qu'ils faisaient
17 subir des exactions à ces détenus. Ils les maltraitaient et les tuaient et
18 ils sortaient les cadavres de ce hangar. Et je dois vous dire que le peuple
19 n'en pouvait plus, ne pouvait plus assister à ceci et voir tout ceci et
20 supporter tout ceci -- endurer tout ceci. La cellule de Crise était
21 inquiète et la cellule de Crise a pris une décision au cours d'une nuit
22 afin de les chasser et que les unités de la JNA qui, à l'époque, était une
23 armée régulière et que la Défense territoriale serait les seules structures
24 des forces armées qui allaient s'occuper des questions militaires, c'est-à-
25 dire des questions relatives à la Défense. Toutefois, la police qui se
26 trouvait en minorité et dont le nombre était inférieur par rapport aux
27 effectifs des paramilitaires ne pouvaient pas s'opposer aux unités
28 paramilitaires. Et je dois aussi ajouter qu'il y a eu un certain nombre --
Page 35333
1 un grand nombre d'ailleurs de femmes, surtout de femmes en deuil et de
2 mères en deuil -- de mères de Serbes qui avaient été tués, parce qu'on
3 avait commencé à tuer des Serbes, à les chasser, à incendier leur village.
4 Donc, elles sont sorties également pour dire voilà, nous sortons pour nos
5 combattants. Et donc -- et on n'avait pas le courage -- enfin, le courage
6 ou les effectifs --
7 L'INTERPRÈTE : -- se reprend l'interprète --
8 LE TÉMOIN : [interprétation] -- n'étaient pas suffisants pour chasser ces
9 paramilitaires.
10 Voilà. C'est ma définition de la situation.
11 M. NICHOLLS : [interprétation]
12 Q. Une dernière question s'il vous plaît par la -- à laquelle vous pouvez
13 répondre par un oui ou un non. Les unités JNA -- de la JNA qui était une
14 armée régulière, les unités de la TO ne se sont jamais mis ensemble en tant
15 qu'une force pour expulser les paramilitaires. Est-ce que c'est exact ?
16 R. Cela semble énorme lorsque vous dites les unités de la JNA, par
17 exemple, mais à Bratunac, il y avait une toute petite unité militaire qui
18 était composée d'un détachement -- d'un département de dix policiers
19 militaires. Et il y avait quelques blindés de transport de troupes et c'est
20 tout, donc, il s'agissait d'une section comptant environ dix policiers
21 militaires. Il ne s'agit pas du tout de forces nombreuses.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] De nouveau, je dois interrompre pour le compte
23 rendu d'audience. A la page 22, ligne 25, le témoin n'a pas dit "Il n'y a
24 pas eu de résolution." Mais il n'y a pas eu de forces -- le mot
25 "détermination," qui est consigné au compte rendu d'audience en anglais est
26 complètement faux. Ce n'est pas ce qu'il fallait dire. Le témoin a dit
27 qu'il n'avait pas suffisamment d'effectifs. Il ne dit pas, suffisamment
28 nombreux.
Page 35334
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
2 Et je pense que vous avez terminé, Monsieur Nicholls.
3 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Madame,
4 Messieurs les Juges.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez
6 des questions supplémentaires ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Quelques questions, Excellence.
8 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :
9 Q. [interprétation] Monsieur Tesic, veuillez, je vous prie, nous venir en
10 aide pour essayer d'éclairer notre lanterne et s'agissant de ceci. Le
11 peuple qui protestait militait en faveur de quoi ? Ici on disait qu'ils
12 militaient en faveur de l'expulsion des Musulmans. Alors quels étaient
13 l'objectif et le rassemblement ?
14 R. En 1992 ?
15 Q. Oui.
16 R. L'objectif de ce rassemblement de cette population était de s'assurer à
17 ce que l'on puisse assurer une certaine sécurité parce que les femmes
18 surtout pensaient que ces paramilitaires avaient beaucoup d'expériences,
19 que c'étaient des combattants avec de l'expérience venus des champs de
20 bataille, de la Croatie, et elles les appelaient leurs libérateurs. Parce
21 que nous n'avions pas à Bratunac de combattants de carrière avec une
22 expérience. Nous n'avions pas suffisamment d'unités. Nous n'avions pas --
23 nous n'étions pas une -- d'effectifs organisés.
24 Q. D'accord. Et ces personnes rassemblées demandaient-elles que l'on aide,
25 que l'on soutienne le fait de chasser les Musulmans ?
26 R. Du meilleur de ma connaissance, non. Non, les personnes rassemblées, je
27 ne pense pas. Non, je ne crois pas.
28 M. NICHOLLS : [aucune interprétation]
Page 35335
1 L'INTERPRÈTE : M. Nicholls commentaire inaudible.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Est-ce que ces derniers s'étaient rassemblés pour militer en faveur de
4 chasse les Musulmans ? Voulaient-ils chasser les Musulmans ?
5 R. Vous demandez si les femmes s'étaient rassemblées pour s'assurer que
6 les Musulmans soient chassés. Non, absolument pas. Du meilleur de ma
7 connaissance, non.
8 Q. D'accord. Merci. Et quelle était l'attitude des autorités par au groupe
9 de Vukovar et est-ce que leur comportement était différent par rapport à
10 d'autres groupes paramilitaires ?
11 R. Ce groupe de Vukovar, qui est arrivé, il a essayé de créer une sorte --
12 de créer de situation de peur, un climat de peur, et il ont immédiatement
13 pris les objectifs d'importance vitale, par exemple, le pont qui enjambe
14 une rivière qui passe par -- en Serbie, ensuite une station d'essence afin
15 d'avoir le carburant, ensuite la municipalité parce qu'ils attaquaient
16 également la police. Donc lorsque ces effectifs paramilitaires étaient
17 nombreux ils pillaient, il y avait des groupes de 20, de 30, de 50 hommes
18 et ils ont même compté environ 200 personnes, 200 hommes et ils ont pris
19 les meilleurs véhicules, les meilleures automobiles. Ils ont pillé et ils
20 ont pris les biens d'autrui.
21 Et donc la population de Bratunac a pris du temps à comprendre qu'ils
22 devaient prendre leurs propres armes et se battre parce que personne
23 n'allait les protéger dans cette guerre. Il fallait qu'ils le fassent eux-
24 mêmes.
25 Q. Très bien. Merci. A la page 16, on vous a posé une question entourant
26 les soldats que vous avez vus sur la route alors que vous vous dirigiez à
27 Zvornik à un endroit de recrutement. Pourriez-vous nous dire, s'il vous
28 plaît, où se trouvaient ces soldats ? Etaient-ils sur la route, ou bien
Page 35336
1 étaient-ils dans la cour de la coopérative ?
2 R. Les soldats se trouvaient le long de la route devant la coopérative,
3 donc le long de la route, sur la route à côté de la route, et en direction
4 jusqu'à Konjevic Polje. Peut-être un peu moins, alors que l'on s'avançait
5 vers Konjevic Polje. Mais ils étaient nombreux.
6 Q. Merci. Pourriez-vous maintenant nous dire ceci ? On vous a posé une
7 question aujourd'hui de nous parler du rôle que vous avez joué. Alors
8 pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si le chef d'une section
9 militaire relève des commandants civils ou militaires ?
10 R. De façon organisationnelle, nous relevons de la compétence des
11 autorités civiles.
12 Q. Merci. Est-ce que vous avez jamais rencontré ce journaliste Robert
13 Block ?
14 R. Je ne le connais pas ce nom.
15 Q. Bien. Merci. Est-ce que vous receviez "Indépendant" de façon régulière
16 ?
17 R. Non, jamais.
18 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si à quelque moment
19 que ce soit le commandement militaire et la direction militaire a pris le
20 contrôle de Bratunac; et pourriez-vous nous dire à quel moment ceci ait pu
21 survenir ?
22 R. Lorsque la direction militaire a pris le --
23 Q. [aucune interprétation]
24 M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, de quelle façon est-ce que ceci
25 découle de ma question ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, si je puis répondre. Eh bien, ce
27 qui découle c'est parce que je voulais savoir ce qui a été entrepris
28 concernant ces formations militaires pour l'ordre et la paix.
Page 35337
1 M. NICHOLLS : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci peut être un lien par rapport au
3 rôle que jouait cette personne, notre témoin, dans Bratunac.
4 Alors poursuivez, je vous prie.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, je sais que la direction militaire
6 était en vigueur, et la JNA était encore l'armée régulière.
7 Et je me souviens qu'à l'entrée du bâtiment municipal, à droite sur le mur,
8 il y avait une affiche, parlant de la direction militaire, ou de
9 l'administration militaire, et on pouvait voir que le Groupe opérationnel
10 Drina avait signé.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Merci. Est-ce que vous connaissez le colonel Prstojevic et le
13 lieutenant-colonel Milan Urosevic ?
14 R. Je me souviens qu'à certaine période ils faisaient partie du
15 commandement de la Brigade de Bratunac.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander à voir la pièce 65 ter 4719.
17 Je vais demander que ce document soit agrandi.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Pouvez-vous me dire ce qui a fait que les autorités et les
20 commandements le 30 décembre 1992 introduisent l'autorité militaire à
21 Bratunac ? Quelle a été la situation à Bratunac qui a nécessité
22 l'introduction des autorités militaires à Bratunac vers la fin du mois de
23 décembre ?
24 M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne vois pas pourquoi il est nécessaire de
25 lire le document pour répondre à la question.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Comment voulez-vous que je réponde ?
27 Comment voulez-vous que je réponde sans lire, répétez-moi la question,
28 alors.
Page 35338
1 Moi, je sais quelle a été la situation vers la fin de 1992. C'était une
2 situation extrêmement difficile. La situation était pire uniquement après
3 Noël, quand Kravica est tombé et quand les forces serbes ont essuyé
4 beaucoup de pertes, et jusqu'alors, il y a eu beaucoup de pertes à
5 Podrinje, énormément de pertes. A Bratunac, même moi, c'était autour du 20
6 décembre mais, moi, donc, je me suis rendu sur les tranchées en tant que
7 chef du département, j'y ai passé sept jours. Personne n'était là. Bratunac
8 allait tombée, incessamment, sous peu. La ville était tombée de tous les
9 côtés. Il n'y avait que la ville qui était encore libre. Donc, du point de
10 vue militaire, la situation était extrêmement difficile.
11 M. NICHOLLS : [interprétation] A nouveau, je me pose la question : De
12 quelle façon cela découle de -- du contre-interrogatoire.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai voulu intervenir. Justement, vous
14 allez beaucoup trop loin. De quelle façon cela découle du contre-
15 interrogatoire de M. Nicholls ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nicholls et le Procureur considèrent qu'à
17 l'époque, c'était [inaudible] qui régnait. La situation était paisible et
18 les autorités ne voulaient pas fonctionner. Et, moi, je veux qu'on dépeigne
19 le contexte dans lequel ces autorités exerçaient leur pouvoir, pour voir si
20 les autorités étaient en mesure de le faire ou bien si elles ne voulaient
21 pas le faire. Parce que quand vous avez, donc, le putsch militaire, les --
22 l'instauration du pouvoir militaire, eh bien, cela veut dire qu'on n'a plus
23 d'autre choix.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pourquoi vous ne posez-vous pas la
25 question comme cela au témoin ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est ce que j'ai fait. Je lui ai demandé
27 quelle a été la situation, pourquoi les autorités militaires ont décidé
28 d'instaurer, donc, le pouvoir militaire, exclusivement militaire dans la
Page 35339
1 ville.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, c'est la situation sur le terrain
3 qu'il demandait. C'était un mouvement logique.
4 R. La situation était vraiment catastrophique. On n'avait pas assez
5 d'éléments. Les gens avaient peur. Ils devaient -- l'armée et la logistique
6 ne fonctionnaient pas. Il fallait tout simplement être à un niveau le plus
7 élevé possible de -- pour -- pour tout le monde, pour être en mesure de
8 défendre la ville.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.
10 M. NICHOLLS : [interprétation] Là, il s'agit de M. Karadzic qui instaure
11 donc le pouvoir militaire le 29 décembre 1992. Maintenant, on dit que ceci
12 a été fait à cause de la menace militaire ou qu'ils menaçaient la ville de
13 Bratunac. C'était une menace qui provenait des forces de l'armée de Bosnie-
14 Herzégovine. Et cela n'a rien à voir avec la situation qui prévalait en
15 avril et en mai 1992 à Bratunac.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est pour cela qu'il faudrait poser des
17 questions additionnelles. Mais on va permettre à l'accusé de continuer.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] N'ai-je pas répondu à la question ?
19 M. KARADZIC : [interprétation]
20 Q. Est-ce que les autorités civiles pouvaient faire régner la paix, la loi
21 dans Bratunac sans qu'il -- sans recourir au pouvoir militaire ?
22 R. De toute apparence, non, parce que, sinon, il n'y aura pas eu cet ordre
23 d'émis.
24 Q. Mais quelque soit ce document, est-ce que vous pouvez nous dire quelle
25 a été la situation à Bratunac à l'époque ?
26 R. Tout ce que je peux dire, c'est qu'à Bratunac, il n'y avait que des
27 chats et des chiens dans les rues. Il était difficile de nourrir l'armée.
28 Il y avait beaucoup de pertes, surtout le 15 décembre. La situation est
Page 35340
1 devenue de plus en plus difficile. On a coupé les communications. Donc, du
2 point de vue militaire, il fallait vraiment se concentrer sur la situation
3 du point de vue du pouvoir, puisque les autorités n'étaient pas en mesure
4 de faire en sorte que la vie paisible continue dans la ville.
5 M. KARADZIC : [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons accepter ces pièces, donc.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D3122.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. La dernière question, Monsieur Tesic. Ce n'était pas clair si vous
10 étiez la Défense populaire -- protection civile, la TO ou bien si vous
11 faisiez partie du ministère.
12 D'après ce que vous savez, est-ce que les structures de la TO de Bratunac
13 comptaient aussi dans ses rangs des unités paramilitaires ou illégales ?
14 R. Non, jamais ce n'était le cas.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander qu'on examine la pièce 65 ter
16 00744.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Vous souvenez-vous du document de la cellule de Crise du 13 avril 1992
19 ? Pouvez-vous nous dire, à la lecture du paragraphe 2, de -- enfin, ce qui
20 fait partie de la Défense territoriale de la municipalité, donc une unité,
21 une formation tout à fait légale.
22 R. Cela, c'est un ordre concernant la formation des unités de la Défense
23 territoriale. Je vois que c'est Miroslav Deronjic l'a signé, même si la
24 signature n'est pas très claire. Donc, cela vient de la cellule de Crise de
25 Bratunac. La Défense territoriale de la municipalité serbe était composée
26 du QG municipal de la Défense territoriale avec les unités du QG. Et puis
27 aussi, donc, il s'agissait des unités du niveau de compagnie. Et puis, il y
28 avait une base, des arrières aussi, composés des compagnies.
Page 35341
1 Q. Et qui est recruté dans ces unités, en vertu de cet ordre ?
2 R. Eh bien, les recrues militaires qui ont une obligation militaire.
3 Q. Mais qui viennent d'où ?
4 R. Du territoire de la municipalité de Bratunac qui font partie -- sont
5 inscrits dans le registre de la Défense municipale.
6 Q. Ici, on peut lire :
7 "Suite à la décision concernant la proclamation de la situation
8 extraordinaire dans la municipalité, est-ce que vous savez si cette
9 situation extraordinaire qui était en réalité un état d'urgence a été bel
10 et bien proclamé dans la municipalité ?
11 R. Oui, c'est sûr que l'état d'urgence avait été proclamé, puisqu'ils font
12 référence à cette décision prise par la cellule de Crise.
13 Q. Pourriez-vous nous dire si tout cela est légal, si la façon dont a été
14 créée et structurée la Défense territoriale est légale ?
15 R. Ecoutez, je ne suis pas un juriste et je n'ai pas de connaissances
16 juridiques.
17 Q. Est-ce que je peux vous aider ? La Défense territoriale de la
18 municipalité dépendait --
19 R. Toutes les municipalités avaient leurs QG municipaux de la
20 Défense territoriale. Du point de vue de la hiérarchie, ils étaient liés
21 aussi au QG au niveau de la république ou du district. Tout cela a été
22 instauré et créé en vertu de la Loi qui régit la défense.
23 Q. Merci, Monsieur Tesic. Merci d'être venu déposer. Je n'ai pas d'autres
24 questions.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je vais demander que ce document soit
26 versé au dossier.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document va être versé au dossier.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que document D3123.M. LE JUGE
Page 35342
1 KWON : [interprétation] Vous avez des questions supplémentaires, Monsieur
2 Nicholls ?
3 M. FILE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
4 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande que l'on remplace "instauration du
5 pouvoir militaire" par "instauration de l'ordre militaire."
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tesic, avec ceci se conclut
7 votre déposition. Nous vous remercions d'être venu déposer ici à La Haye.
8 Et maintenant, vous pouvez disposer.
9 [Le témoin se retire]
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le témoin prochain est prêt ?
11 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le Dr Pasalic.
13 M. ROBINSON : [interprétation] Oui.
14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin peut-il prononcer la
16 déclaration solennelle.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 LE TÉMOIN : STEVO PASALIC [Assermenté]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Docteur Pasalic. Si vous voulez
22 bien vous asseoir.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
26 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
27 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Pasalic.
28 R. Bonjour.
Page 35343
1 Q. Je vais vous demander de décliner votre nom, votre patronyme et votre
2 date et lieu de naissance.
3 R. Je me présente, Stevo Pasalic. Mon patronyme est Radivoje. Je suis né
4 en 1951, en Bosnie-Herzégovine, à Vozuca.
5 Q. Merci. Votre CV fait partie de ce rapport. Les Juges de la Chambre
6 peuvent souhaiter l'accepter en qualité de document distinct. Mais quoi
7 qu'il en soit, nous ne passerons au menu détail.
8 Si vous voulez bien dire aux Juges de la Chambre pour le compte rendu
9 quelques mots sur vos antécédents universitaires.
10 R. Après avoir fait l'école primaire, je suis passé à l'école normale à
11 Slavonski Brod. Et ensuite, je suis passé à la faculté de mathématiques à
12 Novi Sad. Puis, j'ai également reçu mon dogme à Belgrade et obtenu mon
13 doctorat à Novi Sad, à la faculté de sciences.
14 Q. Je ne crois pas que votre dernière phrase a été interprétée.
15 R. Dois-je répéter ?
16 Q. Oui, s'il vous plaît. Et je vous rappellerais qu'il convient que nous
17 devons parler plus lentement et ménager des pauses entre les questions et
18 les réponses, suffisamment de temps en tout cas pour que les interprètes
19 puissent faire leur travail, et vous le verrez sur l'écran lorsqu'ils
20 s'arrêtent.
21 Vous avez indiqué dans votre CV vos antécédents universitaires, mais quelle
22 est votre spécialisation ?
23 R. Bien. Il y a également des profils spécialisés dans l'instruction que
24 j'ai reçue. Je suis dans la démographie et la géographie sociale, qui est
25 dans le créneau des sujets enseignés à la faculté de sciences.
26 Q. Merci. Rappelez-nous, ce que nous avons déjà dans votre CV, combien de
27 documents professionnels ou scientifiques avez-vous publiés au total ?
28 R. En ce qui concerne nos ouvrages scientifiques, ils sont évalués à
Page 35344
1 partir des ouvrages publiés, des mémoires publiés et nos documents
2 professionnels publiés, ou la participation à des projets d'ordre
3 professionnel ou à titre de mentor pour les candidats au doctorat.
4 Je suis l'auteur de 12 ouvrages, ce qui est un nombre assez élevé pour un
5 professeur. Deux d'entre eux étaient dans le domaine de la démographie et
6 de la géographie sociale, ou encore de l'interaction entre le tourisme et
7 la démographie. Mes ouvrages scientifiques ont été publiés et relèvent de
8 deux catégories : d'un côté, d'importance nationale, et de l'autre,
9 d'importance internationale. Ceux qui sont les plus intéressants sont ceux
10 qui ont été publiés sur la liste SCI. J'ai également présenté des exposés
11 dans des conférences nationales, internationales. Une dizaine de ces
12 documents. D'ailleurs, je ne saurais vous en faire la liste exacte.
13 J'ai également été à la tête d'une dizaine de projets scientifiques qui ont
14 traité de la démographie appliquée en Bosnie-Herzégovine.
15 J'ai également été l'auteur de nombreux ouvrages sur l'application de
16 ce thème dans les établissements scolaires ou d'autres ouvrages qui étaient
17 commandités, et ce, pour un objectif bien précis.
18 Q. Merci. Quel poste universitaire avez-vous tenu ? Ou avez-vous un titre
19 à cet effet maintenant ?
20 R. Oui. Il est bien connu que les professeurs doivent grimper une échelle
21 bien définie. J'ai commencé en qualité d'adjoint conférencier, et ensuite
22 je suis devenu conférencier principal. Ensuite, professeur adjoint, et
23 maintenant je suis professeur titulaire. Et je couvre un domaine
24 spécialisé, démographie et géographie sociale. C'est là le titre.
25 Cette chaire est permanente, et donc j'y suis nommé à vie. J'ai également
26 été invité à devenir membre de l'académie des sciences de la RS et d'autres
27 organisations en Bosnie-Herzégovine, notamment --
28 L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que le témoin répète sa dernière
Page 35345
1 phrase.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, voudriez-vous bien répéter le
3 dernier membre de votre réponse.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai été invité dans d'autres
5 institutions, à l'agence pour le développement de l'éducation supérieure en
6 Bosnie-Herzégovine à titre de membre du conseil, et je suis également
7 membre du sénat de l'Université de Sarajevo. Et c'est là mon deuxième
8 mandat. J'ai également été élu au comité de la démographie et des
9 statistiques à l'académie des sciences de la RS. Ce sont là mes autres
10 créances en dehors de mon poste de professeur titulaire à l'université.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Merci. Avez-vous jamais reçu des décorations, des félicitations ou des
13 [inaudible] pour vos accomplissements professionnels ?
14 R. Oui. Je suis lauréat à plusieurs reprises lors de ma carrière
15 universitaire de récompenses et de titres, mais ces récompenses ne m'ont
16 été accordées que pour mes ouvrages dans l'éducation supérieure et
17 scientifique. C'est donc dans le droit fil de la Déclaration de Bologne.
18 La dernière récompense que j'ai reçue était en 2012 pour ma
19 contribution à la science, culture et les sports, et j'ai reçu une médaille
20 accordée par le président de la Republika Srpska, de Njegos, et il s'agit
21 là de la récompense supérieure du plus haut rang pour travaux
22 scientifiques. Encore une fois, pour les accomplissements du plus haut
23 rang.
24 Q. Ça n'a pas inscrit au compte rendu. Quelle décoration avez-vous reçue ?
25 R. La médaille Njegos du premier ordre. Il y a également un deuxième ordre
26 et troisième ordre dans cette médaille Njegos.
27 Q. Merci. Si vous voulez bien me dire deux choses : quel est votre aperçu
28 direct sur les événements de la guerre et où vous trouviez-vous pendant la
Page 35346
1 guerre en Bosnie-Herzégovine ?
2 R. Je suis né en Bosnie-Herzégovine. J'y ai été élevé. J'y ai travaillé,
3 j'y ai vécu, et j'ai passé toute la guerre en Bosnie-Herzégovine. Ma seule
4 tâche pendant la guerre consistait à recueillir des données sur les
5 changements démographiques qui intervenaient et les différentes mouvances
6 démographiques dans la région à laquelle j'avais accès, bien sûr, parce
7 qu'en Bosnie-Herzégovine l'on ne pouvait se déplacer librement pendant la
8 guerre.
9 J'ai recueilli des éléments extrêmement intéressants que je peux vous
10 présenter aujourd'hui. Ce sont là des enquêtes scientifiques empiriques et
11 des recherches qui se sont déroulées sur 20 ans. C'est extrêmement
12 important. A moins que l'on y prenne part directement dans ce travail sur
13 le terrain, c'est quelque chose que l'on ne peut acquérir par tout autre
14 moyen d'instruction.
15 Q. Dernière question avant la pause : pourriez-vous nous parler de votre
16 expérience judiciaire. Est-ce que vous avez témoigné devant des tribunaux;
17 si oui, lesquels et dans quelles affaires ?
18 R. Je puis dire que j'ai pris part directement et indirectement. De la
19 façon la plus directe devant ce Tribunal-ci en mai 2011 dans la l'affaire
20 Stanisic/Zupljanin, lorsque mon rapport d'expert démographique a été admis
21 intégralement par la Chambre, ce qui, bien sûr, couronne de succès, je
22 dirais, ces travaux.
23 A cet instar, en Bosnie-Herzégovine, lorsqu'il s'agit de la démographie et
24 de la recherche qui porte sur les événements en temps de guerre, les
25 résultats de mes travaux ont été utilisés ou le seront.
26 Q. Merci.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je note le temps. Peut-être que le Président
28 souhaiterait prendre une pause.
Page 35347
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons faire une pause d'une
2 demi-heure.
3 Nous reprendrons à 11 heures 04.
4 [Le témoin quitte la barre]
5 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
6 --- L'audience est reprise à 11 heures 05.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, si vous voulez
8 bien poursuivre.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Docteur Pasalic, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce qu'on
12 vous a demandé de faire de la part de la Défense, dans notre affaire, aux
13 fins de notre affaire ?
14 R. Aux fins de cette affaire, je me suis efforcé de montrer de façon
15 complexe les mouvements démographiques dans la région de Bosnie-
16 Herzégovine, pendant la guerre, avant la guerre et également les effets de
17 la guerre. Mais avant cela, j'ai analysé de façon détaillée et fourni une
18 analyse critique sur les opinions d'experts, principalement Mme l'expert
19 Ewa Tabeau, et j'ai procédé à des recherches sur les sources et les
20 processus méthodologiques qui sont les pierres angulaires de tout rapport
21 d'expert de la sorte. Et puis, j'ai présenté mes propres conclusions que
22 j'ai tirées en me servant de méthodes scientifiques et de processus
23 méthodologiques complètement différents par lesquels je voudrais démontrer
24 qu'il y a d'autres démarches à adopter dans la recherche scientifique, pour
25 que l'on voie que les résultats seraient-ils les mêmes ou différents. Et
26 pour moi, c'est très important. Et ce dans mon travail enfin, et non des
27 moins importants, je voulais démontrer dans mon rapport ce tableau complexe
28 qui avait changé du fait de la guerre mais qui aurait changé même si la
Page 35348
1 guerre ne s'était déroulée. Ce qui est une démarche assez intéressante pour
2 la bonne raison que l'on suit des événements qui sont le résultat
3 d'événements de la guerre, en Bosnie-Herzégovine, par exemple, mais l'on y
4 voit également ce qui serait intervenu si la guerre ne s'était pas
5 déroulée. Donc on essaie tout simplement d'observer le tableau, et de le
6 comparer à toutes les données disponibles. En bref, ce serait là le
7 résultat de mes recherches, et c'est ce que la Défense m'a demandé de
8 présenter.
9 Q. Merci. En distinguant des phénomènes qui se seraient déroulés, même
10 s'il n'y avait pas eu la guerre, et en isolant des phénomènes qui se sont
11 produits en résultat de la guerre, qu'avez-vous réussi de la sorte ?
12 R. Il est important pour ce qui est d'une analyse complexe et en
13 particulier en démographie, de connaître bien les tendances d'un phénomène,
14 le développement d'un phénomène avant la guerre, et pendant la guerre, et à
15 cause de la guerre, donc au cours des événements de la guerre, et de voir
16 comment ce phénomène s'est développé après les événements de la guerre.
17 C'est comme cela que vous arrivez à des informations exhaustives, à un
18 tableau historique et des donnes statistiques plus exactes. Au contraire,
19 si vous ne procédez pas ainsi, vous allez obtenir un tableau historique
20 erroné, et des données statistiques erronées. Alors ces données
21 statistiques ne sont pas valides pour procéder à d'autres recherches. Voilà
22 ce que j'ai fait dans ce cas-là. J'ai produit une rétrospective des
23 mouvements démographiques en Bosnie-Herzégovine, à partir de l'année 1948,
24 où il y a eu le premier recensement après la Deuxième Guerre mondiale
25 jusqu'à l'année 1991, où il y a eu le dernier recensement de la population
26 en Bosnie-Herzégovine. 22 ans après ce recensement, on n'a pas de nouveau
27 recensement, toujours pas. Et j'ai pu remarquer les tendances, le mouvement
28 de la population pendant cette période-là, où il y avait beaucoup de
Page 35349
1 modifications importantes. Même à l'époque où la Bosnie-Herzégovine a
2 marqué le progrès technologique le plus important, et c'est vers la fin des
3 années 1980 qu'on a pu noter que la Bosnie-Herzégovine a complètement
4 changé de caractère, et la direction du développement de sa population.
5 Avant la guerre, la Bosnie-Herzégovine entrait dans une sorte de phase de
6 transition démographique, comme tous les autres pays en développement, en
7 voie de développement, à savoir à une phase de transformation concernant le
8 taux de natalité et le taux de mortalité de la population. Le taux de
9 natalité a baissé. Après la Deuxième Guerre, après la Macédoine, la Bosnie-
10 Herzégovine a eu le niveau de natalité le plus élevé jusqu'à la fin des
11 années 80. Après quoi, il y a eu cette transformation. Je peux fournir des
12 documents corroborant cela, des documents explicites pour ce qui est de
13 l'année 1991, à savoir que le taux de natalité a baissé, et jusqu'en 1991,
14 pour la Bosnie-Herzégovine, on peut dire que c'était relativement élevé, ce
15 taux de natalité. Mais on peut le regarder également comme étant une sorte
16 de natalité différenciée où on peut remarquer que les Musulmans, en 1991
17 selon le recensement de la population officielle, a eu le taux de natalité
18 14 pour 1 000, cela veut dire que 14 nouveaux-nés sur 1 000 enfants dans le
19 cadre de la population musulmane, en 1991. 7 pour 1 000 de la population
20 serbe, donc le taux de natalité a doublement diminué. Et 8 [phon] pour 1
21 000 pour ce qui est de la population croate. Je souligne qu'il s'agit du
22 taux de natalité différencié ou comparatif qui est très important.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur, pouvez-vous répéter la partie
24 de votre réponse où vous avez mentionné 14 pour 1 000 ou million.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il ne s'agissait pas de 14 millions. Il
26 s'agissait des informations qui s'expriment en millième, c'est-à-dire une
27 millième partie de quelque chose, d'une entité. La population musulmane, en
28 1991, avait le taux de natalité de 14 pour 1 000, 14 enfants sur 1 000
Page 35350
1 enfants dans la population musulmane, 14 pour 1 000 ou 14 millièmes, et la
2 population serbe 7 pour 1 000, 7 enfants sur 1 000 personnes de la
3 population serbe. Et pour ce qui est de la population croate, c'était 8
4 pour 1 000. Je me souviens qu'il s'agit des informations significatives
5 concernant la structure de la population pour ce qui est des tranches d'âge
6 dont on va certainement parler ici, dans cette affaire.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Merci. Comment cela s'est reflété sur les catégories de la population
9 apte à combattre, vu la participation de mineurs ou la partie que les
10 mineurs prenaient dans la population globale, musulmane, croate et serbe ?
11 Alors pouvez-vous dire comment cela se reflétait sur les différentes
12 couches de cette catégorie de la population ?
13 R. Les experts du bureau du Procureur ne se sont pas occupés de ces
14 variables, même si ces variables étaient très importantes. Vous avez une
15 population dans ce cas-là, la population musulmane, où il y a eu beaucoup
16 de mineurs, un flux de mineurs jusqu'à l'âge de 18 ans. De l'autre côté,
17 vous avez la population serbe, qui a eu influx de la même population qui
18 était doublement diminuée, ainsi que dans la population croate. Ce qui nous
19 donne les caractéristiques démographiques tout à fait différentes, dans le
20 cadre de ces structures démographiques. Ce qui allait se refléter pour ce
21 qui est de la période de la guerre et pour ce qui est des activités
22 militaires ou civiles pendant la guerre. Je ne pourrais peut-être pas être
23 explicite, comment cela s'est reflété pour ce qui est des activités
24 militaires, sur le front, et à l'arrière du front, mais pour ce qui est des
25 indicateurs démographiques, il s'agissait de [inaudible] très importante
26 qui se reflète aux engagements et de différents aspects de l'engagement de
27 la population en temps de guerre.
28 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre quel était le pourcentage alors de
Page 35351
1 mineurs pour ce qui est des Serbes, des Croates et des Musulmans, pour ce
2 qui est de ces activités ?
3 R. Nous utilisons tous des chiffres apocryphes, la plupart d'entre nous.
4 Personne en Bosnie-Herzégovine, ni les experts du bureau du Procureur ne
5 disposent d'une formation explicite concernant cela. Mais, par analogie, on
6 peut dire que le pourcentage des mineurs qui participaient à ces activités
7 pour ce qui est des Musulmans était beaucoup plus élevé que par rapport à
8 la population serbe ou à la population croate. Cela dépendant, il fallait
9 dire, des autorités locales et de l'engagement de cette catégorie de la
10 population, des mineurs de 15, 16 ou 17 ans pour ce qui est de ces
11 activités. Donc, en tout cas, la catégorie de la population jusqu'à l'âge
12 de 18 ans et bien sûr, la population qui avait plus de mineurs de cet âge a
13 vu le pourcentage plus élevé de l'engagement de cette même population.
14 Q. Merci. Pouvez-vous dire si cela s'est reflété ou se serait reflété sur
15 les calculs des pertes de la population apte à porter les armes et pourquoi
16 il est important de constater quel était le pourcentage de la population
17 apte à porter les armes pour ce qui est de ces trois communautés
18 distinctes.
19 R. C'est une question très importante. J'ai remarqué que les experts du
20 bureau du Procureur, lorsqu'ils ont fait cette distinction pour ce qui est
21 des militaires et des civils n'ont pas utilisé des qualificatifs
22 logistiques. Et ce qui est encore plus intéressant, ces experts ne
23 disposaient pas du tout d'informations concernant l'ensemble de la
24 population. Comment pouvez-vous alors faire cette distinction pour ce qui
25 est de la population pour les y mettre dans des catégories des civils ou
26 des militaires si vous ne connaissez pas le phénomène en question dans son
27 ensemble ? C'est important pour certains types de recherche. Ces experts
28 ont utilisé des informations qui étaient d'importance secondaire ou
Page 35352
1 tertiaire et qui n'étaient pas du tout fiables, et c'est ainsi qu'on a une
2 très grande diversité pour ce qui est des informations provenant de sources
3 qui peuvent être qualifiées comme une approche de dilettante pour ce qui
4 est de donner les définitions de ces missions.
5 Q. Merci. Je vais revenir à ces tendances de nature naturelle -- de portée
6 naturelle. Comment, pour ce qui est de vos activités en tant qu'expert et
7 pour ce qui est de votre travail sur ce rapport, quelles étaient les
8 tendances démographies naturelles que vous avez pu remarquer en Bosnie-
9 Herzégovine avant la guerre ?
10 R. Il y a une règle qui dit pour bien connaître le présent, il faut que
11 vous connaissiez très bien le passé et il faut que vous soyez un
12 visionnaire pour ce qui est de l'avenir. La Bosnie-Herzégovine, pour ce qui
13 est de l'aspect démographique et ethno démographique, représente un espace
14 très complexe, et pour ce qui est de son passé, on peut dire que c'est
15 l'espace le plus complexe sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Et celui
16 qui veut obtenir des résultats de recherche valides doit bien connaître ce
17 contexte historique. Les peuples de la Bosnie-Herzégovine représentent la
18 base historique de cet état. Et voilà quelles étaient les tendances pour ce
19 qui est de la démographie. Le plus grand pourcentage de la population serbe
20 avait la tendance à se rendre dans la direction de la Serbie, les Croates
21 partaient traditionnellement toujours vers la Croatie, alors que la
22 population musulmane était stationnaire et restait sur le territoire de la
23 Bosnie-Herzégovine ou bien il y avait un certain flux des Musulmans de la
24 région de Sandjak, de la Turquie ou d'autres régions. Les résultats de ces
25 mouvements étaient que vers la fin de l'année -- des années 1980, la
26 Bosnie-Herzégovine par an perdait de la population, entre 15 000 et 17 000
27 partaient par an, migraient en dehors de la Bosnie-Herzégovine. Pour ce qui
28 est d'une période de 10 ans, cela représente à peu près 200 000 personnes.
Page 35353
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 35354
1 Il s'agissait des pertes démographiques significatives, si on sait que les
2 migrants représentent un catégorie de la population la plus vitale âgée de
3 -- entre 20 et 40 ans. Il s'agit d'une catégorie reproductive qui est
4 toujours apte à donner des descendants.
5 Il s'agissait de tendances démographiques avant la guerre. Si la
6 guerre n'avait pas eu lieu et c'est ce que mes recherches ont démontré, ces
7 tendances se seraient poursuivies dans une certaine mesure pour ce qui est
8 de ces phénomènes. Mais puisque la guerre a eu lieu, ces tendances ne
9 continuaient qu'à ce développer avec une intensité plus élevée. Pour
10 corroborer cela, je veux dire qu'à la fin de la guerre, les même tendances
11 se sont poursuivies, à savoir la population a continué à quitter le
12 territoire de la Bosnie-Herzégovine et lorsqu'on procède à une synthèse de
13 tous ces phénomènes-là de 1991 jusqu'à 2011, la Bosnie-Herzégovine a perdu
14 900 000 personnes. Il ne s'agit pas de victimes de la guerre. C'est ce que
15 je vais expliquer plus tard. Mais c'est par rapport au -- à la baise du
16 taux de natalité par rapport à des migrations et par rapport aussi au
17 nombre des victimes de la guerre.
18 Q. Lorsque vous dites que c'était entre 15 000 et 17 000 personnes, est-ce
19 qu'il s'agit d'une sorte de balance entre les migrations et immigrations ?
20 R. Je voudrais répondre à cette question, mais d'abord, il faut que
21 j'apporte une correction au compte rendu. Il s'agit de 900 000 personnes
22 des pertes démographiques -- 900 000 et non pas 90 000.
23 Q. Merci.
24 R. Et pour ce qui est des migratoires, ou des migrations, plutôt, il
25 s'agit de la balance négative, c'est-à-dire, ceux qui étaient arrivés moins
26 ceux qui étaient partis nous donne la balance qui est entre 15 et 17 000
27 personnes en plus qui partent qu'il n'en arrive. La Bosnie-Herzégovine
28 était toujours la république ou l'Etat, cela dépendait de son statut, a vu
Page 35355
1 sa population partir qu'arriver.
2 Q. Merci. Disposiez-vous de l'information disant où cette population qui a
3 migré en Bosnie-Herzégovine s'est installée et quelle est la composition
4 ethnique de cette population ?
5 R. C'est tout à fait notoire que la tendance était dans ce sens-là, que
6 aujourd'hui il s'agit de la population musulmane qui affluait plus en
7 Bosnie-Herzégovine qui partait de la Bosnie-Herzégovine par rapport à la
8 population serbe, et cette population, pour ce qui est de sa disposition
9 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, s'installait soit dans des
10 zones urbaines ou dans les vallées des rivières de moindre altitude, sur
11 les rives des rivières de moyenne ou grande taille où la -- le taux de
12 densité de population est le plus élevé. Alors que la population serbe
13 s'est installée traditionnellement dans des montagnes ou dans des régions
14 montagneuses.
15 Q. Merci. Est-ce qu'on peut alors supposer ou conclure que la balance
16 démocratique -- démographique différait par rapport à l'appartenance
17 ethnique de la population qui faisait l'objet de ces migrations ?
18 R. C'est absolument différent, et là, on peut faire référence à la source
19 élémentaire d'information.
20 A partir des années '80 -- '70, du X1Xe siècle, la population
21 musulmane est devenue la population majoritaire en Bosnie-Herzégovine pour
22 des raisons d'immigration mais également pour des raisons de taux de
23 natalité élevé. Alors que pour ce qui est de la population serbe, et en
24 particulier, la population serbe ainsi que la population croate partaient
25 davantage vers la Serbie et vers la Croatie et c'est comme cela que ces
26 deux communautés ont diminué pour ce qui est du nombre des personnes qui
27 étaient restées. Et cela veut dire que les pourcentages de ces deux
28 communautés ont baissé pour ce qui est de la population totale de la
Page 35356
1 Bosnie-Herzégovine.
2 Q. Pour ce qui est d'immigration et pour ce qui est de l'immigration et de
3 leur installation, dans l'institution des immigrants musulmans dans des
4 zones urbaines, dans des villes, dites-nous comment cela se reflétait sur
5 la disposition de la population dans des zones urbaines et dans des zones
6 rurales ? Quelle population dominait dans les villes et quelle population
7 dans les zones rurales ?
8 R. On peut noter qu'après la Deuxième Guerre mondiale et après cette
9 guerre récente que les Musulmans dominaient dans des zones rurales, dans
10 des villes donc dans les plus grandes villes, comme Sarajevo, Tuzla,
11 Zenica, ensuite Bihac, et cetera. Alors que la population serbe dominait
12 et/ou était plus nombreuse à Banja Luka seulement et les Croates dominaient
13 relativement en Mostar, avaient une majorité relative à Mostar. Et pour ce
14 qui est de la disposition de la population dans des zones urbaines, ce
15 processus continue à être appliqué. Le processus de l'urbanisation qui est
16 global et qui se passe en Bosnie-Herzégovine.
17 A savoir que la population urbaine est majoritairement musulmane.
18 Alors que la population serbe traditionnellement, je répète encore une
19 fois, s'est installée la plupart du temps dans des zones montagneuses pour
20 que les propriétés ne se dispersent pas, puisque la population serbe
21 possède le plus de ses propriétés foncières qui héritaient d'une génération
22 à l'autre et les Serbes sont liés à ces zones, en dehors des zones
23 urbaines. Et même 15 ou 16 ans après la guerre, il est évident que la
24 population musulmane est concentrée dans les zones urbaines par rapport à
25 la population serbe qui s'est installée, soit, dans des villes plus petites
26 ou dans des zones rurales. Il s'agit du processus objectif et corroboré par
27 des faits explicites et pas par ma position subjective par rapport à cela.
28 Q. Merci. Vous nous avez dit qu'avant la guerre et même s'il n'y avait pas
Page 35357
1 eu la guerre il y avait des tendances de migration et d'immigration avec --
2 négative pour la Bosnie-Herzégovine dans son intégralité.
3 Est-ce qu'avant la guerre, il y avait de même tendance dans le cadre
4 de la Bosnie-Herzégovine ? Et si oui, dans quel sens ?
5 R. Bien sûr que oui, j'ai déjà mentionné que les mouvements démographiques
6 ne se sont pas produits au début de la guerre. Seulement au début de la
7 guerre que -- et que ces mouvements démographiques se sont produits
8 davantage dans la deuxième moitié du X1Xe siècle.
9 J'ai déjà dit que le nombre d'habitants en Bosnie-Herzégovine, par
10 rapport à l'année '48 [phon], a augmenté de 71 % en 1991. Seulement en
11 Macédoine, le pourcentage était plus élevé par rapport à la Bosnie-
12 Herzégovine. Et c'était 76 %. Et pour ce qui est de ces phénomènes la
13 population se déplace à l'intérieur du pays. Il s'agit de migrations
14 internes qui ont eu une grande incidence sur la disposition de la
15 population dans certaines régions ou provinces. Et avant la guerre, par
16 exemple, la vallée de Sarajevo ou de Zenica avait en majorité la population
17 musulmane ou la région de Tuzla ou de Bihac la partie nord-est de la
18 Bosnie-Herzégovine. Alors que la population serbe s'installait dans la
19 région nord-est de la Bosnie. A l'est de la Bosnie la population était
20 mixte. Il y avait les Musulmans et les Serbes. Même si le pourcentage des
21 Serbes était moindre par rapport au pourcentage de la population musulmane
22 et même s'il y a des Croates. Et pour ce qui est de cette partie orientale
23 de la Bosnie il y avait des Musulmans et des Serbes qui étaient
24 majoritaires et très peu de Croates.
25 Ce processus qui s'est déroulé là-bas à cette époque-là s'appelle
26 homogénéisation ethnique globale et ces processus sont mes recherches se
27 développent toujours. Ce qui peut être démontré en montrant comment les
28 migrations se sont produites d'une région à l'autre. Donc le processus
Page 35358
1 d'une homogénéisation territoriale et celui-ci c'est que Sarajevo compte
2 maintenant plus de 90 % de Bosniens; Mostar est divisée en une partie
3 musulmane et croate; Banja Luka possède une population serbe dominante;
4 Zenica musulmane; Tuzla une population musulmane dominante, et cetera, et
5 cetera.
6 Donc il s'agit là d'un processus d'une homogénéisation territoriale
7 et ethnique qui n'est pas encore terminé. Et qui se déroule en continuité.
8 Q. Très bien. Merci. Bien. Maintenant en dehors de la guerre. Pourriez-
9 vous nous dire de quelle façon est-ce que ceci se présentait avant la
10 guerre ce phénomène. J'entends par là est-ce que ce phénomène était présent
11 et où se déplaçaient les gens s'il y avait des déplacements à l'intérieur
12 du territoire de Bosnie-Herzégovine ?
13 R. Oui, bien sûr. J'ai déjà mentionné, que même si l'on faisait
14 abstraction de la guerre, nous avons des espaces ethniques en Bosnie-
15 Herzégovine où l'une des trois populations peuplaient de façon dominante.
16 Alors il est tout à fait connu que l'Herzégovine de l'ouest est un
17 territoire comptant une population croate en majorité. Mais aujourd'hui je
18 dois dire que ceci a fait en sorte que ces régions deviennent encore plus
19 ethniquement dominantes pour ce qui est des Croates.
20 Maintenant les vallées de grande ville, comme par exemple, la vallée
21 de Sarajevo et de Zenica, ou les espaces qui portent sur une partie de la
22 région de Gorazde, ou de la Krajina, de Bihac, et d'autres parties de la
23 Bosnie centrale sont principalement habitées par une population musulmane.
24 Et s'il n'y avait pas eu la guerre, c'étaient des territoires ethniques en
25 prédominance qui étaient les leurs.
26 Et je dois dire que les territoires serbes ethniquement sont beaucoup plus
27 étendus mais n'ont pas aussi peuplés densément puisque la population des
28 Serbes était plus petite. Donc c'est la partie que l'on appelle la Krajina
Page 35359
1 et le centre est Banja Luka. Mais les espaces, telles, par exemple, c'est
2 la Semberija, en Bosnie nord-est, dans les Régions de Podrinja, et
3 Herzégovine qui traditionnellement était habitée par une population serbe.
4 La Bosnie centrale était principalement une région qui comptait une
5 population mixte, mais la population musulmane était néanmoins
6 prédominante.
7 Donc je vous trace là un portait, une rétrospective du territoire en
8 Bosnie-Herzégovine avant la guerre, et je vous explique à quoi
9 ressemblerait le tout s'il n'y avait pas eu de guerre bien sûr. Je n'ai pas
10 de carte géographique. Il aurait été beaucoup plus facile si je pouvais
11 vous montrer une carte ethnique bien sûr, mais nous ne l'avons pas sous les
12 yeux.
13 Q. Très bien. Alors dites-nous : si sans la guerre il y aurait eu beaucoup
14 plus de mélanges parmi la population, est-ce que la population serait plus
15 mixte et est-ce que cette homogénéisation territoriale ethnique aurait
16 continuée ?
17 R. Tous les facteurs historiques et d'autres facteurs s'agissant de
18 territoires ethno démographiques, tel le territoire de Bosnie-Herzégovine
19 qui est complexe parle incontestablement du fait que : Il y aurait eu plus
20 d'homogénéisation ethnique et il y aurait eu, bien sûr, une espace plus
21 purement ethnique, ce qui ne veut pas dire que leurs rapports ont été
22 mauvais entre ces personnes, mais traditionnellement parlant, c'est ce que
23 je vais vous dire. Et donc, il faut comprendre bien sûr la démographie
24 historique de ces espace et suivre tous ces phénomènes dans un -- dans le
25 cadre, dans un contexte actuel.
26 Q. Je vous remercie. J'aimerais vous demander de bien vouloir nous
27 expliquer quelle est l'importance de la source des données, de leur nature
28 et dites-nous, s'agissant des données que vous avez, des données originales
Page 35360
1 dont vous vous êtes servi pour effectuer votre analyse et comparer les
2 données que les experts de l'Accusation ont utilisées, alors pourriez-vous
3 nous expliquer s'il vous plaît, nous expliquer quelles sont les similitudes
4 et quelles sont les différences par rapport à la pertinence.
5 R. Il s'agit là d'une question qui est la question la plus importante qui
6 figure dans nos rapports, dans les rapports des témoins experts de
7 l'Accusation et dans nos rapports d'expert à nous.
8 Tout à l'heure, j'ai parlé de ce type de rapport et j'ai dit qu'il y
9 a deux pierres angulaires qui y figurent. Donc, l'une pierre angulaire --
10 l'une des pierres angulaires, c'est la source et l'autre, c'est la
11 méthodologie, donc l'approche méthodologique et donc, la -- il y a -- c'est
12 une grande différence entre la façon dont les experts de l'Accusation se
13 sont servis des données et nous.
14 Et il était très important de voir quelles sont les données les plus
15 valables. Alors, il y a d'abord les données primaires, donc les données les
16 plus valables, les données les plus pertinentes. Et si vous avez ces
17 données, premièrement, vous devez faire appel à ces données. Et ensuite, il
18 faut le recueillir.
19 Voilà, je vous cite un exemple : Une telle donnée par exemple serait
20 le recensement de la population et même si nous avons un très grand nombre
21 d'objections pour ce qui est de la population, du recensement de la
22 population en BiH de 1991, il s'agit là quand même d'une source primaire de
23 données et c'est très clairement indiqué dans notre rapport et nous avons
24 même cité certains passages provenant des -- provenant de l'Accusation --
25 des experts de l'Accusation si ceci n'a jamais été publié après le
26 recensement de 1991, alors que nous, dans nos rapports, nous avons trouvé
27 ces données seulement en 1998 et nous nous sommes servis de ces données
28 pour rédiger nos rapports. Et je trouve que c'est l'un -- c'est l'une des
Page 35361
1 lacunes très importantes s'agissant du rapport de l'Accusation, parce
2 qu'ils ne se sont pas servis de ce type de données primaires. Ils ont
3 plutôt utilisé une méthode mathématique et statistique qui donne des
4 figures -- des chiffres imaginaires qui ne reflètent pas la réalité. Et
5 j'entends par là les données secondaires.
6 Donc, les experts de l'Accusation se sont servis de données
7 secondaires et il s'agit là de données que vous pouvez utiliser pour
8 rédiger, par exemple -- ou pour étoffer un rapport d'expert ou pour étoffer
9 les sources primaires. Ils ne sont pas aussi pertinents.
10 Ces données ne sont pas aussi pertinentes, parce qu'on les -- des
11 données en question n'ont pas été publiées par les institutions officielles
12 qui sont habilités de le faire, telles les agences chargés des questions
13 relatives à la statistique ou des institutions d'Etat. Et nous pouvons
14 l'énumérer, nous pouvons le dire avec certitude. Donc, un tel exemple, par
15 exemple, serait les listes électorales de 1997. J'aurai sans doute
16 l'occasion d'en parler. Et ensuite, comme deux données principales de
17 source, les experts de l'Accusation se servent du recensement de 1991 et de
18 la liste des -- électorale de 1997-1998 en se servant d'un modèle -- d'une
19 méthode plutôt de comparaison. C'est une méthode complexe qui vous donne un
20 tas de chiffres. Mais vous verrez que ceci ne donne pas une idée exacte de
21 ce qui se passait, des événements qui se sont déroulés sur -- ou l'espace à
22 leur avis.
23 A l'exception de nos rapports -- pour comparer nos rapports à nous
24 avec les rapports des experts de l'Accusation, nous, nous avons recueilli
25 d'autres sources principales de données. Et vous savez qu'il s'agit là
26 d'ouvrages scientifiques provenant soit de scientifiques éminents ou
27 d'institutions très importantes. Il s'agit, bien sûr, du recensement de la
28 population et c'est ces sources-là qui nous ont permis de choisir un
Page 35362
1 certain nombre de variables. Et j'ai pu aborder le tout d'une façon
2 différente. J'ai pu calculer de façon différente les données et les
3 phénomènes qui, d'une certaine façon, avaient été calculés par les experts
4 de l'Accusation. Bien sûr, les résultats ne sont pas les mêmes, mais je
5 peux vous dire que notre rapport à nous a un avantage : C'est que nous nous
6 sommes servis des données primaires qui ont été disponibles et je peux vous
7 les montrer ici aujourd'hui, je les ai avec moi.
8 Donc, j'aimerais vous demander de me permettre de vous étoffer mes
9 dires en vous donnant certains exemples, car j'aimerais vous montrer de
10 quelle façon est-ce qu'on calcule les données qui ont été citées dans
11 l'affaire du Dr Karadzic pour ce qui est de certaines municipalités.
12 Q. Merci. Pourriez-vous, je vous prie et je vous remercie d'ailleurs de
13 banaliser les choses de façon excellente. Merci beaucoup. Vous simplifiez
14 très bien.
15 Mais j'aimerais vous demander : de quelle façon est-ce que l'on peut
16 mesurer les variables lorsque la source des données est dans un cas le
17 recensement, le groupe de contrôle est un -- le groupe de recensement,
18 alors que le groupe expérimental serait les listes électorales. Alors que
19 peut-on conclure lorsque l'on compare ces deux groupes ?
20 R. Eh bien, d'abord, je vais vous donner un exemple symbolique comme le
21 disent les scientifiques : il ne faut pas mélanger les pommes et les
22 poires. Donc, le recensement, d'une part, est une façon la plus globale de
23 mesurer un espace, même si le recensement comportement plusieurs lacunes en
24 Bosnie-Herzégovine en 1991, pour nous, est quand même une source
25 pertinente. D'autre part, si vous voulez prendre ceci comme recensement de
26 contrôle ou quelque chose qui permettra de conclure les choses sur un
27 phénomène qui est traité, c'est -- ce sont les listes électorales. Et donc,
28 vous ne faites que citer les experts de l'Accusation à ce moment-là qui
Page 35363
1 disent les listes électorales étaient volontaires. Alors, c'est leurs
2 citations, c'est leurs thèses. Donc, d'après eux, ils disent que c'était
3 volontaire. Donc quelqu'un pourrait s'inscrire en tant qu'électeurs et
4 d'autres personnes non. Il y a eu différentes manipulations. Il vous était
5 possible de voter à plusieurs endroits en Bosnie-Herzégovine ou bien, vous
6 n'étiez peut-être pas motivé à sortir et voter, et cetera.
7 Mais notre opinion à nous était que les listes électorales sont importantes
8 pour l'année 1996. Et je pense que pour ce qui est de l'année 1996, c'est
9 une année qui se rapproche de la fin de la guerre, car c'était l'année --
10 la première année à laquelle les gens sont sortis en fait voter. Donc, ces
11 deux méthodes de comparaison vous donnent une idée très complexe et donc,
12 en utilisant ces deux méthodes, ils essayent de qualifier une manifestation
13 ou un phénomène qui essaie de dire où se trouve cette personne par rapport
14 -- des personnes qui se trouvent sur la liste électorale de 1996 en
15 utilisation le recensement de 1991 et de voir où se trouvaient ces
16 personnes. Et ça, c'est très intéressant, parce qu'il y a toute une série
17 de données très complexes.
18 Alors, j'ai parlé de l'immigration, de la migration de la population,
19 mais il faut également tenir compte des motifs. La migration est-elle
20 spontanée ? Est-elle pour des raisons économiques ? Est-ce que c'était pour
21 retrouver les membres de la famille, et cetera ? Donc, qui sait pourquoi
22 une personne s'est installée sur un territoire rural ? Pourquoi une
23 personne a-t-elle quitté la ville ? Et cetera, et cetera. Et nous n'avons
24 pas ces données ou ces informations profondes scientifiques. Elles ne
25 figurent pas dans les rapports des experts de l'Accusation. Donc, une
26 analyse en profondeur n'existe pas, n'y est pas, chez eux.
27 Et nous, nous disons, lorsqu'on parle de la statistique, je n'ai --
28 je ne veux attaquer personne ici, mais de façon métaphorique, les chiffres
Page 35364
1 disent -- peuvent seulement aider aux personnes qui veulent jouer avec les
2 chiffres. Nous pouvons tous nous servir de ces chiffres et jouer avec les
3 chiffres. Mais ce n'est qu'une analyse en profondeur qui peut montrer une
4 manifestation ou un phénomène. Mais voilà justement des lacunes principales
5 de la méthode utilisée par l'autre camp, si nous nous comprenons bien, où
6 ils ont peut-être eu recours à d'autres méthodes scientifiques et à
7 d'autres approches scientifiques.
8 Et il s'agit là, je le dis, d'une structure de la population
9 s'agissant de la tranche -- le groupe d'âge. Donc, je -- par exemple, j'ai
10 des données de 1998 qui ont été publiées par le centre statistique de
11 Bosnie-Herzégovine et qui compte -- porte en soi le groupe d'âge de la
12 population pour 1998, et vous l'avez -- pour la première fois, vous avez là
13 toutes les structures ou des tranches d'âges. Vous prenez cette variable-
14 là, vous prenez la variable des déplacements naturels qui sont toujours
15 présents, vous prenez le déplacement total. Et si vous souhaitez, vous
16 pouvez également prendre une variable qui est la fertilité, c'est une
17 variable très importante aussi, et vous avez d'autres données. Donc en
18 employant des méthodes scientifiques, vous arrivez à un résultat qui
19 s'appelle une reconnaissance scientifique, et qui ne correspond pas aux
20 résultats que nous retrouvons dans les rapports de l'Accusation.
21 Et c'était notre objectif de démontrer que nous pouvons calculer de
22 façon encore plus simple, et nous pouvons arriver à une image beaucoup plus
23 réelle de la situation en Bosnie-Herzégovine, et de ce qui se passait en
24 Bosnie-Herzégovine.
25 Q. Merci beaucoup. Et nous arrivons à ceci, j'aimerais savoir quelles sont
26 les manières qui permettent d'établir des changements démographiques
27 surtout lorsqu'il s'agit de pertes démographiques ? Et pourriez-vous nous
28 dire, s'il vous plaît, aussi, qu'est-ce qui a influé plus particulièrement
Page 35365
1 sur le travail des experts de l'Accusation ? Qu'est-ce qui leur a permis de
2 conclure quelles étaient les dimensions des pertes démographiques ? Qu'est-
3 ce qu'ils ont pris en compte, qu'est-ce qu'ils n'ont pas pris en compte ?
4 Donc, ça veut dire s'agissant de la population qui se trouve dans les pays
5 tiers; est-ce qu'on sait, par exemple, si une population, quel est le
6 nombre des personnes qui se trouvent dans une municipalité avoisinante, et
7 cetera, est-ce que ceci est considéré comme une perte, et cetera, et
8 cetera. Donc qu'est-ce que vous pouvez nous dire là-dessus.
9 R. Eh bien, voici, il est tout à fait clair qu'au cours des 20 dernières
10 années, l'objet de mon intérêt scientifique, indépendamment du fait qu'un
11 jour je viendrais déposer devant ce Tribunal, c'était les pertes
12 démographiques en Bosnie-Herzégovine. Parce que, nous, lorsque nous nous
13 occupons des questions de recherches démographiques, nous avons
14 l'obligation de nous pencher sur ce genre de questions.
15 Et je peux vous dire qu'il s'agit de la question la plus complexe. C'est
16 une question à laquelle personne ne peut vous donner vraiment une réponse
17 explicite, à savoir quelles étaient les pertes démographiques, plus
18 particulièrement lorsqu'il s'agit de pertes directes de la guerre, des
19 pertes classiques, donc des pertes de la guerre. Et ensuite, il y a eu
20 d'autres pertes d'autres natures. Et vous savez, ce Tribunal est au courant
21 du fait que l'on opérait avec deux sources pertinentes s'agissant des
22 pertes démographiques, c'est le centre Mirsad Tokaca, de Sarajevo, le
23 centre de documentation. Et il s'agit là, bien sûr, des recherches de
24 l'expert de l'Accusation, Ewa Tabeau. Donc leurs pertes vont de 104 730
25 victimes, leurs pertes sont estimées d'une part à 97 000, et 104 735
26 [phon]. Il s'agit d'une estimation, il ne s'agit pas de pertes
27 démographiques, parce que, lorsque vous calculez les pertes démographiques
28 pour un pays, c'est quelque chose de très important. Vous pouvez observer
Page 35366
1 les conditions de guerre, et vous pouvez observer le tout dans les
2 conditions lorsqu'il n'y a pas de guerre dans un pays ce qui se passerait.
3 Donc j'ai adopté cette approche, et j'ai pris en compte les victimes
4 directes de la guerre, et il n'y a pas une grande différence quant aux
5 chiffres, d'après mes calculs à moi. Il s'agit de chiffres approximatifs.
6 Mais personne en fin de compte ne peut réellement donner le vrai numéro, le
7 vrai nombre de victimes en Bosnie-Herzégovine. Si une personne souhaite
8 dire qu'elle détient les chiffres exacts, eh bien, ce n'est pas une
9 approche sérieuse. Donc, d'après moi, il s'agirait environ de 110 000
10 d'après une évaluation qui est la mienne. Ce sont des pertes les plus
11 pénibles, celles qui font le plus mal, mais il ne s'agit pas de pertes
12 démographiques. Donc il y a également des pertes démographiques, donc il y
13 a également des pertes démographiques pendant la guerre ou s'ils n'avaient
14 pas eu de guerre. Donc ce sont des pertes du taux de natalité. Donc en
15 Bosnie-Herzégovine, la Bosnie-Herzégovine plutôt pendant la guerre a perdu
16 un très grand nombre de citoyens. Donc cela veut dire --
17 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le chiffre exact.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] -- mais ces bébés-là ne sont pas nés.
19 Et le plus grand nombre de pertes, ce sont les pertes démographiques.
20 C'est ça la perte la plus importante. Et ces pertes démographiques étaient
21 très importantes avant la guerre, et beaucoup, pendant la guerre, on a
22 généré des déplacements intérieurs de l'ABiH, et même à l'extérieur de la
23 Bosnie-Herzégovine. Donc un million à l'extérieur, et un million à
24 l'intérieur des frontières de l'ABiH pour encercler ces chiffres, et pour
25 donner des chiffres. Donc nous avons après la guerre un retour beaucoup
26 plus intensif, il y a environ 500 000 personnes, et il y a eu également 520
27 000 [phon] personnes qui étaient restées à l'intérieur des frontières. Mais
28 un très grand nombre souhaitait avoir des [inaudible] d'autres pays. Mais
Page 35367
1 d'après moi, après la guerre, après 1996, et ce jusqu'au aujourd'hui, en
2 Bosnie-Herzégovine, 120 000 personnes sont partis de la Bosnie-Herzégovine.
3 Et ensuite vous arrivez à un taux, un chiffre de 645 000 pertes
4 démographiques, et donc il s'agit d'une très grande perte. C'est la
5 catégorie de la population la plus vitale, et c'est grâce à ces recherches,
6 ces recherches-là que les experts de l'Accusation n'ont pas étudiées. Ils
7 n'ont pas tenu compte du tout de ceci.
8 Mais il ne faut pas oublier ces données là, parce qu'il y a eu
9 également d'autres faits, et ces faits-ci contribuent à d'autres faits. Et
10 donc nous arrivons au chiffre de 900 000 personnes. Et donc la Bosnie-
11 Herzégovine a perdu 900 000 personnes au cours des 20 dernières années.
12 Donc très clairement si en 1991, il y a eu un recensement, l'ABiH aurait
13 compté 4 700 000 personnes, et je vous rappelle qu'en 1991, il y avait 437
14 millions de personnes, alors qu'aujourd'hui, d'après une évaluation
15 officielle, les agences, pour les agences, ont vu que l'ABiH comptait 3 837
16 000 [phon] personnes, et d'après nos évaluations personnelles, ce chiffre
17 est beaucoup plus petit.
18 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
19 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au témoin de ralentir le
20 débit. Les interprètes de la cabine anglaise et les interprètes de la
21 cabine française.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur, les interprètes vous demandent
23 de ralentir quelque peu votre débit. Donc vous avez parlé de 4 377 000 de
24 personnes. C'est là que nous nous sommes arrêtés.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je répète.
26 La Bosnie-Herzégovine, en 1991, comptait 4 377 000 citoyens.
27 S'il n'avait pas eu de guerre, dans d'autres conditions démographiques,
28 selon une évaluation, nous estimons qu'en 2011, elle aurait compté 4 700
Page 35368
1 0000.
2 Alors ce qui n'a pas été interprété ici, c'est qu'un si petit pays a
3 perdu entre guillemets 900 000 personnes de façon directe et indirecte. Et
4 nous arrivons maintenant au fait que les évaluations d'aujourd'hui, d'après
5 les institutions statistiques officielles, en Bosnie-Herzégovine, nous
6 avons aujourd'hui environ 3 830 000 personnes. Il est très facile de
7 compter et de voir qu'il s'agit d'une perte de 900 000 personnes. Donc il y
8 a 900 000 personnes de moins que si les conditions démographiques avaient
9 été différentes, et si le développement démographique avait été différent.
10 Et je vous parle de la période 2011.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais que l'on corrige au compte rendu
12 d'audience, ligne 8, page 53, le Dr Pasalic n'a pas dit qu'il s'agissait en
13 temps de guerre, la participation en temps de guerre, mais il a dit qu'il
14 "s'était préparé, il avait étudié ces questions même s'il ne savait pas
15 qu'il viendrait déposer."
16 S'agissant des chiffres du Dr Tabeau, il s'agit d'un autre chiffre qui
17 figure au compte rendu d'audience, le témoin n'a pas dit 492 000 --
18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine française ont traduit
19 correctement le chiffre.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Alors s'agissant maintenant de ce chiffre de 900 000, qu'est-ce que
22 ceci, quel -- pour arriver à cette moyenne négative de moins 17 000, est-
23 ce que c'est trois 340 000 avant la guerre ou pendant la guerre ? Je n'ai
24 pas très bien copris. Au cours des 20 dernières années, est-ce que l'on
25 aurait accumulé 17 000 personnes ?
26 R. Très intéressant. Si l'on pouvait choisir le développement
27 démographique - justement, j'ai essayé de le dire dans mes déclarations.
28 Alors, la Bosnie-Herzégovine était entrée dans une transition démographique
Page 35369
1 avant la guerre, ce qui veut dire que c'était une période pendant laquelle
2 il y a eu un changement de population. La population de la BiH en moyenne
3 était en train de vieillir. Sa population avait un taux de natalité
4 inférieur, et c'est une tendance des pays développés que l'on vive plus
5 longtemps aussi.
6 En 1991, l'âge moyen des citoyens de la BiH était de 33 ans. Aujourd'hui,
7 cet âge moyen, d'après nos évaluations à nous, est de 40 ans. Et cette
8 tendance, s'il n'y avait pas eu de guerre, elle aurait été continuée.
9 Prenons maintenant un autre pays : la Croatie, la Slovénie, la Serbie, ces
10 pays démontrent qu'il y a une même tendance démographique. Donc la
11 population a déjà dépassé cet âge de 40 ans et dont la population se trouve
12 sur ce territoire. Et pour la première fois dans l'histoire, depuis 2007,
13 la Bosnie-Herzégovine est entrée dans un processus de dépopulation, donc
14 perte de sa population. Il y a moins de personnes qui sont nées qu'il y en
15 a qui meurent. Et c'est la première fois que cela arrive du point de vue de
16 la structure démographique de Bosnie-Herzégovine. Donc il s'agit de
17 changements qui se seraient produits même sans la guerre. Mais la guerre a
18 accéléré certains processus, surtout quand il s'agit des déplacements de la
19 population. Parce que les autres caractéristiques n'auraient pas été
20 modifiées même s'il n'y avait pas eu de guerre. Ce sont les tendances
21 globales au niveau mondial. Et on peut donc voir que la Bosnie-Herzégovine
22 ne représente pas d'exception.
23 Q. Mais on n'a pas vu que vous avez bien affirmé que nous aurions eu 340
24 000 même sans la guerre.
25 Donc, si la tendance s'était poursuivie de 17 000 de balance négative
26 démographique par an, quels auraient les chiffres, donc le nombre de la
27 population sans la guerre, sans le facteur guerre ?
28 R. C'est très facile de calculer cela. Vingt années fois 17 000, on en
Page 35370
1 arrive à 250 000 de personnes en moins à cause des migrations. Mais il faut
2 ajouter l'autre composante, parce que, là, il s'agit de pertes
3 démographiques nettes. Il s'agit du manque des naissances. Il y a moins de
4 gens qui naissent en Bosnie qu'ailleurs. Et c'est à l'aide de ces calculs
5 qu'on arriverait à ce chiffre de 340 000 pertes au niveau démographique.
6 Pour conclure, la Bosnie-Herzégovine, même avec le temps idéal, en
7 paix idéale -- les conditions de paix idéale, elle n'aurait pas vu les
8 mêmes conditions de développement démographique que celles qu'elle avait
9 entre la fin de la Deuxième Guerre mondiale et les années 1990. Dans tous
10 les autres pays, nous avons exactement la même tendance.
11 Q. Vu qu'ici nous sommes dans un procès au pénal, pourriez-vous nous dire
12 dans quelles mesures on peut tirer des conclusions fiables portant sur
13 l'illégalité ou bien le caractère criminel des déplacements de la
14 population qui ont eu lieu à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine ?
15 M. FILE : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde à la question,
16 nous avons une objection quant à la question posée. Le témoin n'est pas ici
17 pour parler de la nature légale ou illégale des migrations de population.
18 Et je pense que la question, de toute façon, n'est pas assez précise.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson, est-ce que vous
20 pourriez nous aider ?
21 M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, peut-être que le Dr Karadzic
22 pourrait nous préciser ce qu'il veut dire, ce qu'il entend par "illégal",
23 et ceci serait for au-dessus.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai tendance à être d'accord avec le
25 Procureur.
26 Mais pourriez-vous nous préciser, Monsieur Karadzic, que vouliez-vous
27 dire par "illégal" ?
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit donc des expulsions illégales.
Page 35371
1 Nettoyage ethnique. Vu que le Procureur indique que ces pertes au niveau
2 démographique sont les résultats de ces expulsions illégales de la
3 population. Et je demande à notre expert de tirer des conclusions sur la
4 base de son rapport d'expert et du rapport d'expert du Procureur quand il
5 s'agit de déterminer la légalité de ces fluctuations qui ont eu lieu
6 pendant la guerre, vu que les mêmes tendances ont existé même avant la
7 guerre.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, allez-y.
10 Vous pouvez essayer de répondre, Monsieur le Témoin.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais essayer de répondre le plus
12 brièvement possible.
13 Eh bien, il s'agit d'une simplification, et ce sont vraiment des
14 conclusions très osées, ces conclusions qui figurent dans le rapport du
15 Procureur qui dit qu'il s'agissait là de tendances qui ne sont pas des
16 tendances naturelles. Moi, je trouve que le problème est bien plus complexe
17 que cela et que, donc, il est très osé -- en tout cas, moi, je n'oserais
18 pas le faire. Je n'oserais pas tirer des conclusions aussi faciles, parce
19 que je pense que là il s'agit de conclusions tendancieuses qui ne reflètent
20 pas la complexité de la situation --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. Avant de répondre, pourriez-
22 vous nous montrer l'endroit où ces conclusions se trouvent dans le rapport
23 du bureau du Procureur ?
24 Monsieur File, seriez-vous d'accord --
25 M. FILE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, tout à fait.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous ai demandé si vous êtes d'accord
27 pour dire qu'il y a de telles conclusions dans le rapport du bureau du
28 Procureur.
Page 35372
1 M. FILE : [interprétation] Non, non. Je pense que dans le bureau [comme
2 interprété] de M. [comme interprété] Tabeau on ne trouve pas de
3 commentaires, il n'y a pas de conclusions tendancieuses. Il s'agit d'un
4 rapport basé sur des statistiques. Et je voudrais savoir exactement quelle
5 est la partie du rapport auquel le témoin fait référence.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, Monsieur Karadzic, mis à part
7 cela, vous êtes arrivé à des chiffres précis. Vous nous avez montré des
8 exemples précis. Parce que c'est très difficile de vous suivre quand vous
9 parlez de façon générale et de façon abstraite.
10 Docteur, est-ce que vous l'avez trouvé ?
11 Ou, Monsieur Karadzic, vous pouvez peut-être nous montrer cette
12 portion du rapport.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, le Dr Tabeau n'est pas
14 ici pour assister à une conférence scientifique. Elle a été convoquée pour
15 prouver ma responsabilité dans les changements démographiques qui ont eu
16 lieu --
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. Le Dr Pasalic a dit que
18 l'expert du bureau du Procureur a tiré des conclusions assez osées et que
19 cet expert n'aurait pas dû tirer de telles conclusions. Vous avez dit qu'il
20 s'agissait de conclusions partiales qui ne reflètent pas quelque chose.
21 Donc moi, je voudrais voir exactement quelles sont ces conclusions du
22 Dr Tabeau, et donc à quel endroit on les trouve dans son rapport.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Après la pause, je serai en mesure de vous le
24 montrer, Monsieur le Président. Mais la nature même de la déposition du Dr
25 Tabeau était telle qu'elle voulait prouver ma responsabilité dans les
26 changements démographiques, dans le sens où il s'agissait de confirmer la
27 thèse du Procureur que ces changements ont été provoqués par des expulsions
28 par la force de la population non serbe. Donc c'est très clair quelle a été
Page 35373
1 la mission du Dr Tabeau.
2 Après la pause, si vous le demandez toujours, je pourrais vous fournir
3 davantage d'informations quant aux endroits où on dit, implicitement ou
4 explicitement, que ces changements sont le résultat du nettoyage ethnique.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur File.
6 M. FILE : [interprétation] Moi, je voudrais tirer un point de clarification
7 ici.
8 Mme Tabeau montre quels étaient les changements démographiques, et il
9 y a des milliers de pages de compte rendu d'audience, de milliers de pièces
10 à conviction qui montrent quelle a été la motivation, la raison de ces
11 changements.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, pourquoi a-t-on exclu le mouvement de la
13 population serbe de ce rapport d'expert ? Car il faut que les deux
14 variables soient prises en compte pour établir la vérité, la variable serbe
15 et la variable musulmane.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vous ai pas suivi là.
17 Vous dites en somme qu'on vous a interdit de traiter des changements
18 démographiques intervenus au niveau de la population serbe. C'est bien de
19 cela que vous parlez ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si ce qu'a dit le bureau du Procureur est
21 exact, à savoir que le Dr Tabeau a montré de façon impartiale le mouvement
22 de la population, eh bien, ce n'est pas quelque chose que l'on pourrait
23 établir sans tenir compte du mouvement de la population serbe, surtout
24 quand il s'agit de chiffres relatifs qui dépendent les uns des autres. Et
25 donc, si tel est le cas, je voudrais savoir dans quelle mesure on peut
26 utiliser le rapport d'expert établi par le Dr Tabeau pour prouver
27 éventuellement ma responsabilité. Pourquoi l'a-t-on invitée à témoigner si
28 on n'est pas ici pour chercher qui est coupable de la guerre ? A la place
Page 35374
1 de cela, on est ici pour voir qui est coupable des différents crimes de
2 guerre.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur, est-ce que vous avez eu la
4 possibilité d'examiner le rapport du Dr Tabeau et est-ce que vous avez pu
5 trouver les conclusions qu'elle a tirées pour corroborer ce que vous avez
6 dit ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, je veux vous répondre que j'ai
8 examiné tous les rapports du Dr Tabeau, à partir de celui élaboré pour
9 l'affaire Milosevic qui a servi de base pour tous les autres rapports, et
10 puis aussi quelque chose qu'elle a écrit dans une thèse qui s'appelle : "La
11 guerre exprimée en chiffres." Ici, je n'ai pas ses conclusions, mais sur la
12 base d'une phrase prononcée par le Dr Karadzic, même si je ne vois pas cela
13 ici, je peux vous dire en toute confiance que ses conclusions ne tiennent
14 pas la route vu la complexité des changements dont j'ai parlé ici
15 aujourd'hui.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
17 Monsieur Karadzic, vous pouvez poursuivre.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais intervenir. Page 14 -- page 16,
19 ligne 60, j'ai dit que ces chiffres étaient "interdépendants" et que le
20 changement au niveau d'un groupe ethnique dépend aussi des changements des
21 allées et des venues des autres groupes ethniques, et les deux facteurs
22 doivent être pris en compte.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Monsieur, Docteur Pasalic, je suis en train d'examiner le paragraphe 24
25 de votre déclaration. Etes-vous en mesure de me dire ce que vous vouliez
26 dire, morts au combat, donc les décès provoqués par les combats ? Vous vous
27 êtes appuyé sur deux auteurs. Pourriez-vous nous dire quels sont les types
28 de décès que l'on peut identifier dans une guerre civile ?
Page 35375
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 35376
1 R. J'ai voulu vous donner une définition théorique des types de mort. Vu
2 que l'approche adoptée par le bureau du Procureur était une approche assez
3 libre, on n'a pas utilisé les documents standardisés pour définir la mort.
4 Il s'agit des documents que possèdent différentes institutions
5 hospitalières et autres institutions.
6 C'est pour cela que je me suis appuyé sur différentes catégories qui
7 existent dans le monde. Quatre catégories. Donc vous avez la catégorie
8 suite au conflit, ensuite vous avez les morts provoqués par la violence
9 d'un côté, par les crimes non organisés, ou bien aussi vous avez
10 l'augmentation des décès de mortalité sans qu'il y ait eu de violence.
11 Pourquoi ai-je fait cela ? Eh bien, je l'ai fait parce que je n'ai
12 pas trouvé ces informations dans les experts du Procureur qui traitent des
13 informations concernant le nombre de décès pendant la guerre. Et donc, ils
14 étaient obligés de faire cette différence, mais ils ne pouvaient pas le
15 faire, et ça je le comprends, parce qu'ils ne disposaient pas des bases de
16 données au départ. Il s'agit des documents standardisés, des formulaires,
17 qui sont les mieux à même et les seuls à même pour montrer les raisons de
18 décès des personnes.
19 Q. Pourriez-vous nous dire quels sont les pourcentages de ces quatre
20 catégories de décès dans les guerres civiles ? Est-ce que vous disposez de
21 ces informations ?
22 R. Eh bien, j'ai dit que dans certains rapports, pas seulement dans les
23 rapports du bureau du Procureur, on n'a pas vraiment fait de différence
24 entre les combattants et les civils. Et pour des raisons qui me sont
25 inconnues, des raisons assez tendancieuses, on a établi que la mort est
26 intervenue à cause du premier, deuxième, troisième ou quatrième facteur.
27 Moi, j'ai pensé que tout simplement cela ne tenait pas la route, et
28 j'insiste - mais, moi, je ne dispose pas de ces informations - j'insiste
Page 35377
1 qu'il faut appliquer ces critères, ce sont des critères internationaux, et
2 il faut absolument procéder à cette catégorisation-là.
3 Et d'après moi, il ne s'agit pas seulement des morts au combat. Dans
4 la guerre, vous avez davantage des maladies, des enfants mort-nés,
5 davantage de décès provoqués par des causes non violentes. Ceci ressort de
6 tous les rapports concernant la Bosnie-Herzégovine. Ces informations nous
7 manquent, et ceci diminue la validité de ces rapports. Malheureusement,
8 moi-même je ne dispose pas de ces informations et je ne saurais donc vous
9 les fournir.
10 Q. Merci. En outre du fait qu'une version originale de ces recherches
11 serait utile, pourriez-vous nous dire en quoi les recherches longitudinales
12 que vous avez effectuées pendant la guerre -- comment ce type de recherches
13 ou quelle serait son évaluation en termes d'exactitude par rapport à ce que
14 votre collègue du bureau du Procureur aura fourni ? Ces recherches --
15 L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que la question soit répétée.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre question n'a pas été interprétée,
17 Monsieur Karadzic, si vous pouviez la répéter.
18 Pourriez-vous répéter la dernière phrase ?
19 M. KARADZIC : [interprétation]
20 Q. Votre observation des événements pendant la guerre et les recherches
21 sur ce phénomène, ont-elles -- ou plutôt, sont-elles de nature
22 longitudinale, et quelle est la valeur de ces recherches longitudinales
23 plutôt que des recherches transversales tout particulièrement au vu des
24 sources secondaires d'information ?
25 R. Au fil des 20 dernières années, j'ai appliqué la recherche tant
26 longitudinales, et pour que ce soit clair, cela veut dire faire des
27 recherches ou de suivre certains phénomènes, et ce, dans la continuité en
28 succession. C'est ce que j'ai dit au départ que j'ai effectué des
Page 35378
1 recherches avant la guerre, pendant la guerre, et après la guerre. Il y a
2 également la démarche transversale qui est la démarche où l'on observe un
3 phénomène parallèlement dans différents secteurs qui peuvent être ce que
4 l'on voie dans ma recherche tout particulièrement pendant la guerre, c'est-
5 à-dire dans certains secteurs de la Bosnie-Herzégovine.
6 Cette recherche mène toujours à des conclusions ou de résultats plus
7 viables, et plus scientifiques. C'est là l'un des défauts du rapport des
8 experts du bureau du Procureur, car ceux-ci ne se sont servis de données
9 que d'une seule période. Par exemple, si vous ne prenez que 1992, cela ne
10 saura vous dire quoi que ce soit sur ce qui s'est passé en Bosnie-
11 Herzégovine au fil du temps. Donc c'est pourquoi j'ai souligné qu'il est
12 nécessaire d'adopter la démarche longitudinale et transversale.
13 Q. Merci. Vous avez dit, et ce pour le compte rendu que la démarche
14 transversale signifie d'observer un certain phénomène à un moment donné, et
15 ce, dans plusieurs secteurs, dans des secteurs différents, et pas dans le
16 même secteur.
17 R. Oui, c'est exact.
18 Q. Est-ce que vous avez relevé ou conclu, plutôt, et consigné
19 l'application de méthodes scientifiques concernant la migration des
20 populations après la guerre, et après les accords de Dayton ?
21 R. Quand la guerre s'est terminée, après la guerre, on le voit dans ma
22 recherche que les tendances démographiques en Bosnie-Herzégovine se sont
23 poursuivies, et qu'elles étaient négatives. Donc il y a eu une chute du
24 taux de natalité, donc si vous voulez une dépopulation naturelle.
25 L'immigration en d'autres termes, les personnes qui partaient, et une
26 redistribution de la population de la Bosnie-Herzégovine que l'on voie à
27 partir de statistiques publiées par le bureau des statistiques sur le
28 déplacement interne des populations. Nous voyons qu'il y a une tendance
Page 35379
1 plus importante du déplacement de populations vers la Republika Srpska, et
2 un chemin plus important encore de ceux qui reviennent dans la région de
3 Brcko. Je vois qu'il y a une relation entre les deux, et quoi qu'il en soit
4 après la guerre, il y a également un certain nombre de tendances négatives
5 en Bosnie-Herzégovine, le nombre d'habitants chute, vieillit, les
6 populations plus jeunes ont un développement plus lent, mais il y a
7 stagnation sans doute, et il y a également une perte migratoire plus
8 importante tout simplement parce qu'il y a tant de pays d'immigration qui
9 acceptaient les habitants qui émigraient de Bosnie-Herzégovine.
10 C'est là ma conclusion générale parce qu'il y a quelques pays d'immigration
11 qui ont facilement ouvert leurs portes au courant migratoire.
12 Q. Merci. Pourriez-vous expliquer le tableau 17 de votre rapport. Comment
13 se fait-il que la Republika Srpska ait eu une tendance, une croissance
14 démographique positive, et qui sont ceux qui reviennent ou qui viennent
15 s'installer en Republika Srpska.
16 R. Dans mon rapport, j'ai présenté ces données, et je me suis servi de
17 l'agence des statistiques de Bosnie-Herzégovine, document de 2011, et des
18 informations également dont nous disposions pour 2012, comme je l'ai dit
19 ici, et la tendance est la même.
20 Vous voyez, en Republika Srpska, que le nombre de personnes qui
21 s'installe est plus important que celui de ceux qui s'en vont, et que cette
22 tendance est positive. Alors en ce qui concerne l'immigration, il y a un
23 plus grand nombre de personnes --
24 L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que M. le Témoin
25 ralentisse.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les interprètes n'ont pu suivre ce que
27 vous disiez.
28 Est-ce que vous pourriez répéter.
Page 35380
1 Et entre-temps, est-ce que l'on pourrait afficher ce document à la page en
2 anglais, page 68, au prétoire électronique ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Dois-je répéter ?
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
6 Alors le tableau 17 qui a été produit à partir de données officielles
7 venant de l'agence des statistiques, le bureau des statistiques de la
8 Bosnie-Herzégovine, qui produit ce type d'information tous les ans. Nous le
9 voyons, la Republika Srpska a, au fil de l'an, davantage de personnes qui
10 viennent s'y installer que de ceux qui en sortent et qui partent. Ce qui
11 signifie que le taux migratoire est positif. Alors que par rapport à la
12 fédération BiH et la région de Brcko, là, le ratio est, le taux est
13 négatif.
14 Ce sont des informations certes à partir de 2011, mais la tendance existe
15 déjà dans des données statistiques antérieures lorsque la migration
16 intérieure était surveillée. Et ceci date de 2007 jusqu'à 2012. Je n'ai pas
17 ces informations là, mais ces informations existent.
18 Donc ceci indique également qu'il y a une redistribution qui se poursuit
19 des populations, et ce sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ou encore
20 comme nous l'avons dit dans le sens statistique, il y a une homogénéisation
21 territoriale ethnique.
22 Q. Merci.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comment est-ce que cela peut représenter
24 une tendance si ceci se limite à 2011, et au site de Brcko ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement. J'ai dit que je n'ai que faire
26 un survol de 2012. Vous avez raison, en soi, ce ne serait pas exact. Mais
27 j'ai également ajouté que cela a été surveillé ou suivi depuis 2007, et que
28 pendant toute cette période, de 2007 à 2012, cette tendance reste la même.
Page 35381
1 Elle est positive, la tendance ou le taux migratoire est positif pour la
2 RS, et négatif pour la fédération de Brcko.
3 Malheureusement, je n'ai pas, je ne suis pas saisi des données, mais c'est
4 quelque chose que j'ai observé, et je le répète c'est dans la continuité.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
6 Si vous voulez bien continuer.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Monsieur, pourriez-vous nous dire quelle est la part ou l'effet plutôt
9 des événements de la guerre ou des tensions interethniques ou des autorités
10 serbes, en la matière ? Dans quelle mesure ces dernières sont-elles
11 responsables de la chose ou plutôt qu'est-ce que les Musulmans, les Croates
12 fuient ?
13 R. Eh bien, tout d'abord, je vous dirais la chose suivante : Tous ceux qui
14 ont souhaité retourner en Republika Srpska et récupérer leurs biens, parce
15 que, bien sûr, cela, c'est un choix personnel et individuel, donc, je vais
16 mentionner plusieurs domaines où un grand nombre de Musulmans sont revenus.
17 Par exemple, Zvornik, 25 000 Musulmans sont revenus à la zone musulmane
18 après la guerre. Ou Kozarac à côté de Prijedor et dans toute cette
19 municipalité.
20 D'un autre côté, ce qui est frappant, très frappant, c'est le fait
21 que les Serbes ne retournent pas dans la fédération, même pas ceux qui, de
22 tradition, souhaiteraient retourner sur leur propre territoire ou dans
23 leurs foyers, si l'on peut dire, car ceci n'a pas été prévu. Les bâtiments
24 n'ont pas été rebâtis. Il y a -- ou reconstruits. Il n'est pas non plus
25 possible de [inaudible] un moyen d'existence du point de vue économique. Il
26 n'y a pas de moyen d'existence.
27 En -- Dans l'ex-territoire de la fédération, il y avait 17 % de
28 Serbes de par le passé alors que --
Page 35382
1 L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que le témoin répète les
2 pourcentages.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous reprendre, Monsieur, à
4 partir de -- à partir des pourcentages ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai dit, pour répondre à la question
6 pourquoi les Serbes et les Croates quittaient et quittent la fédération 15
7 ans encore après la guerre, j'ai déclaré que selon certaines estimations ou
8 celles du bureau des statistiques de la Bosnie-Herzégovine, seuls 3 % de
9 Serbes sont dans la Fédération de la Bosnie-Herzégovine aujourd'hui. Il y a
10 75,5 % de Bosniaques, 25 % de Croates et le restant étant autre, [comme
11 interprété] (total en haut de 100).
12 En 1991, il y avait 17 % de Serbes dans les -- dans cette fédération avec
13 les mêmes frontières d'aujourd'hui et l'on estime qu'il y avait environ 400
14 000 Croates dans la fédération aujourd'hui alors qu'en 1991, il y avait 750
15 000 Croates.
16 Donc, je vais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure : Les Serbes et les
17 Croates gravitent vers la Serbie et la Croatie respectivement. D'un autre
18 côté, je répéterais le retour en Republika Srpska ont été quasiment
19 finalisés et par exemple, dans la municipalité de Zvornik, 25 000
20 Bosniaques sont revenus sur leurs terres et dans leurs foyers. Se sont des
21 informations fondées sur les informations des institutions bosniennes, car
22 il -- ces institutions conservent des éléments en la matière et tout
23 particulièrement sur les éléments de reconstruction de récupération des
24 biens.
25 Donc, c'est là la différence migratoire que l'on a indiqué et l'explication
26 que nous donnons dans le tableau 17, c'est-à-dire la raison pour laquelle
27 la croissance est positive en Republika Srpska et négative dans la
28 fédération.
Page 35383
1 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire maintenant quelle est la base sur
2 laquelle vous vous fondez pour vos conclusions que vous présentez
3 concernant 20 municipalités de la fédération ou 65 municipalités en
4 Republika Srpska ? En quoi cet échantillon est-il représentatif ? Quelle
5 est sa nature ?
6 L'interprétation est désastreuse. Je vais essayer de faire plus simple pour
7 les interprètes. Du nombre total de municipalités de Bosnie-Herzégovine,
8 c'est-à-dire 148 par rapport à 62 nouvelles municipalités en Republika
9 Srpska, dans quelle mesures est-ce que l'échantillon des 20 municipalités
10 qui ont été indiquées dans mon dernier acte d'accusation, dans quelle
11 mesure cela est-il représentatif pour tirer des conclusions sur un
12 phénomène de façon systématique ?
13 R. Si je voulais être explicite, je dirais que ce n'est absolument pas
14 représentatif, non seulement si l'on prend ces 20 municipalités, mais
15 également lorsque d'autres échantillons sont prélevés, pour la bonne raison
16 qu'on se sert d'échantillons idoines, soi-disant idoines, ce qui fait que
17 lorsque vous fondez un échantillon conformément à quelque position que vous
18 souhaitez prendre, à ce moment-là, vous obtiendrez des statistiques
19 erronées et un tableau historique également erroné, ce qui veut dire que
20 ces informations ne sont pas utilisables du point de vue pratique, tout
21 particulièrement lorsqu'il s'agit de cas aussi complexes que celui-ci.
22 Ce -- qu'est-ce qui serait arrivé si ont avait pris que les 62
23 municipalités de la Republika Srpska ou le même nombre de municipalités de
24 la fédération ? Ceci nous donnerait des données faussées. Ce ne serait pas
25 représentatif et ce, sans voir ou sans survoler l'intégralité du -- de la
26 région ou l'on ne peut tirer ou dresser un tableau historique exact et ni
27 d'ailleurs les statistiques exactes.
28 Q. Merci.
Page 35384
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure et je
2 présume que vous avez voulu intervenir et j'aimerais remercier M. Ram. Et
3 nous venons d'apprendre, grâce à son amabilité que nous en sommes aux 365
4 jours de ce procès, ce qui veut dire que nous sommes dans ce prétoire
5 depuis un an.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On nous a également dit que le témoin
7 suivant sera le 300e témoin au total, donc y compris ceux du Procureur.
8 Etant donné l'heure, nous allons faire une pause et ce de 45 minutes
9 et nous reprendrons donc à 13 heures 18.
10 --- L'audience est suspendue à 12 heures 34.
11 --- L'audience est reprise à 13 heures 19.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si nous incluons M. Momcilo Mandic, qui
13 était -- si nous comptons le nom de M. Momcilo Mandic, qui était le témoin
14 de la Chambre, Docteur Pasalic, maintenant 300e témoin pour ce qui est au
15 nombre total du témoin dans ce procès.
16 Monsieur Karadzic, continuez.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Docteur Pasalic, vous nous avez parlé d'échantillon représentatif pour
19 ce qui est du nombre de municipalités de la Republika Srpska par rapport à
20 200 et quelques municipalités, l'échantillon comprenait 62 municipalités en
21 Bosnie-Herzégovine. Pouvez-vous nous dire quelque chose pour ce qui est du
22 traitement de ces catégories de Musulmans, Croates, Serbes et autres par
23 les experts du bureau du Procureur ?
24 R. Je dirais qu'il y a eu une confusion pour ce qui est de cette catégorie
25 autre. Pourquoi ? C'est parce que son recensement de 1991, en Bosnie-
26 Herzégovine, il y avait des personnes recensées qui se sont déclarées comme
27 appartenant à des groupes ethniques de façon suggestive. Il y avait trois
28 peuples constitutifs à l'époque, à savoir musulman, serbe et croate. Et
Page 35385
1 plus 27 catégories d'appartenance à de différents groupes ethniques où on
2 avait peu de personnes déclarées comme appartenant à ces catégories et les
3 autres -- il y avait catégorie autre. Il y avait également catégorie
4 yougoslave qui, pour les personnes qui se sont déclarées yougoslaves à
5 l'époque, et dans cette catégorie, il y avait le plus de personnes qui se
6 sont déclarées comme étant yougoslaves. Donc je dirais qu'il s'agissait
7 d'une catégorisation assez libre où les Yougoslaves ont été mis dans la
8 catégorie autre. Et pour ce qui est de la catégorie yougoslave, cette
9 catégorie de la population traditionnellement est reliée à la communauté
10 serbe, au peuple serbe, moins au peuple musulman encore, moins au peuple
11 croate. Par exemple, Siroki Brijeg, une ville en Herzégovine occidentale où
12 il y a un ou 2 % de la population qui se sont déclarés comme étant
13 yougoslaves par rapport à la ville de Banja Luka où les Serbes sont
14 dominants et/ou il y a entre 15 et 20 % de personnes qui se sont déclarées
15 comme étant yougoslaves.
16 Il était très important de trouver la façon à laquelle cette
17 catégorie yougoslave allait être traitée dans ces rapports. Et selon moi,
18 c'était une approche simplifiée parce que les Yougoslaves ont été mis dans
19 la catégorie autre. Je me suis penché sur la région de Sarajevo et sa
20 population pour y adopter une approche puisque j'ai tenu compte de tous les
21 paramètres qui étaient à ma disposition. Donc la question concernant la
22 catégorie autre pose problème. Cette catégorie est mentionnée dans tous les
23 rapports du bureau du Procureur et cela a une incidence sur d'autres
24 paramètres en les faisant diminuer ou accroître.
25 Ce qui nous pousse à des conclusions pour ce qui est des données
26 statistiques erronées et le tableau historique erroné.
27 Q. Merci. Pour résumer, puis-je vous poser la question suivante : Est-ce
28 qu'il y a d'autres éléments qui pourrait donner un tableau historique
Page 35386
1 erroné, par exemple, échantillon réduit où la différence entre le nombre de
2 mineurs et également l'approche de la catégorie autre, comment ces éléments
3 influencent les données concernant les pertes ainsi que les souffrances ?
4 Pour ce qui est de la population musulmane, serbe et croate, qu'est-ce que
5 ces éléments peuvent apporter comme modification pour ce qui est de ces
6 aspects ?
7 R. D'après mes calculs cela change le tableau réel et vous obtenez des
8 paramètres relatifs différents, surtout ces paramètres, dont les experts du
9 bureau du Procureur ont débattu puisqu'ils ne disposent pas généralement de
10 nombre relatif. Moi, j'ai voulu établir un lien entre ces données, une
11 donnée que j'ai mentionnée dans mon rapport, si je peux le faire ici pour
12 vous expliquer ce que cette interprétation libre veut dire pour ce qui est
13 des sources d'information pour ce qui est des catégories dont on parle
14 aujourd'hui, à savoir appartenance à de différents groupes ethniques. Ici
15 je peux montrer et je pense qu'il serait souhaitable que je montre dans le
16 prétoire le document, de le scanner. Vous avez le rapport d'Eva Tabeau,
17 vous avez mon rapport, le rapport de Smajo Cekic, directeur de l'Institut
18 pour les recherches des crimes de guerre à Sarajevo, et Dr Muhamed
19 Sestanovic, qui était à la tête du projet du recensement de la population
20 de Sarajevo entre 1992 et 1994. Et c'est là que vous pouvez voir que ce
21 recensement n'existe pas. Ces informations n'ont jamais été publiées, et
22 Eva Tabeau dans son rapport a fait référence à ces informations qui
23 n'existent pas.Ce qui est arbitraire puisque 20 ans après la guerre on n'a
24 pas eu le recensement et qui pendant la guerre aurait pu procéder au
25 recensement de la population entre 1992 et 1994 et tous les protagonistes
26 de tout cela ont fait des déclarations confuses. Moi, je peux vous fournir
27 les documents ainsi que les photographies pour étayer tout cela. Je peux
28 vous montrer l'exemple pour vous montrer comment cela a été fait d'une
Page 35387
1 façon arbitraire et que cet échantillon n'est pas du tout l'échantillon
2 représentatif pour montrer le développement d'un phénomène ou d'un
3 processus. Ou bien, il y avait des rapports où il n'y avait que des données
4 d'une pompe funèbre d'un seul peuple pour montrer le nombre de personnes
5 tuées à Sarajevo, par exemple, ce qui n'est pas du tout acceptable. Il
6 s'agit des données qui ne peuvent aucunement être la base de certains
7 rapports, puisque ces données ne sont pas pertinentes si vous utilisez une
8 source d'informations qui n'existe pratiquement pas.
9 En 1994, donc, ces informations de soi-disant recensement n'ont
10 jamais été publiées, ce qui a été expliqué par le fait qu'il n'y avait pas
11 de technologie nécessaire pour le faire, de logiciels nécessaires pour le
12 faire. Et comment alors qui que ce soit aurait pu utiliser ces données si
13 ces données n'ont pas été traitées de cette façon-là ?
14 Q. Merci. Pendant la guerre, quel aurait pu être le nombre de Serbes ou de
15 Croates enterrés ou inhumés par l'intermédiaire de ces pompes funèbres qui
16 s'appellent "bakije" [phon] ?
17 R. Objectivement parlant, si cela n'était pas nécessaire, ces enterrements
18 ne se produisaient pas, ni pour les Croates ni pour les Serbes, parce que
19 les Serbes et les Croates avaient leurs propres pompes funèbres qui
20 s'occupaient de ces enterrements et c'est pour ça que je suis étonné de
21 voir que les scientifiques sérieux ont accepté comme la seule source
22 d'information ou la source d'information de contrôle pour arriver au nombre
23 de victimes pendant la guerre dans une grande ville. Même, ils n'ont pas --
24 Ils n'ont même pas considéré les informations de plusieurs pompes funèbres
25 dans une ville, ce qui n'a aucun sens, puisque dans la science, cela ne
26 peut pas être utilisé comme une approche scientifique, pour ce qui est des
27 recherches scientifiques.
28 Q. Vous avez également dit ici que selon vous, les variables qui ont
Page 35388
1 diminué, pour ce qui est des mouvements démographiques, ont restreint le
2 choix, par exemple réduire les recherches seulement au prénom et nom de
3 famille, ou le prénom du père, pouvez-vous nous dire ce que -- en quoi
4 consistait l'influence de ces données sur, par exemple -- par rapport à par
5 exemple la situation où on avait dix catégories requises pour procéder à
6 des recherches ?
7 R. Dans de telles situations, il vaut mieux avoir le plus possible de
8 catégories ou variables ou -- aujourd'hui, on utilise jusqu'à 15 variables
9 pour ce qui est de nos recherches, et à l'époque, donc, on essayait
10 d'utiliser le plus possible de variables pour arriver à des conclusions les
11 plus fiables. Pourquoi utilisaient-ils les noms de famille et les prénoms
12 ne suffisent pas, pourquoi ? Parce qu'il faut avoir d'autres variables : le
13 sexe, les prénoms des parents, et cetera. Puisque en tenant compte de ces
14 variables, on peut arriver à un tableau plus réaliste de la population ou
15 d'une partie de la population. C'est pour ça qu'on insiste à ce que ces
16 variables soient prises en compte. Et les experts du bureau du Procureur
17 n'ont pas procédé ainsi, mais ils auraient pu procéder ainsi, parce que
18 déjà en 1997, ils disposaient de ces informations et Ewa Tabeau a commencé
19 à rédiger son rapport en 2000, à savoir deux ans après la publication de
20 ces informations fiables et pertinentes.
21 Q. Merci. Pour ce qui est de votre rapport d'expert, vous avez présenté
22 les résultats de vos recherches pour ce qui est de Srebrenica. Pouvez-vous
23 nous dire brièvement, parce que tout le monde dispose d'une copie de votre
24 rapport, ce que vous avez conclu pour ce qui est de la méthodologie
25 utilisée par vous-même et par les experts du bureau du Procureur ?
26 R. Quant à moi et quant à tout autre chercheur, Srebrenica représente une
27 question très -- un sujet très complexe, et il faut être très prudent pour
28 ce qui est des recherches sur Srebrenica. Et nous faisions des recherches
Page 35389
1 sur Srebrenica que du point de vue démographique pour savoir ce qui s'est
2 passé dans cette région, et dans mes conclusions, j'ai dit que, pour
3 obtenir une analyse démographique fiable pour ce qui est des personnes
4 disparues à Srebrenica, des personnes qui ont été soit tuées ou qui sont
5 toujours portées disparues, il a fallu avoir des données statistiques
6 fiables, des sources authentiques d'information. Et dans tous les rapports
7 portant sur Srebrenica, ce point était le point le plus faible, puisqu'il y
8 a eu des interprétations libres des données par des différentes
9 associations et qui diverges pour ce qui est de cela. Et le non-respect des
10 -- de la méthodologie scientifique pour ce qui est des statistiques,
11 utilisation des sources pas fiables est -- en fait provoquait une sorte de
12 confusion pour ce qui est des données statistiques pertinentes. Il y a eu
13 des listes de la Croix-Rouge -- de la Croix-Rouge internationale, des
14 médecins pour les droits de l'homme, leur recensement de 1991, les listes
15 électorales de 1997-1998 qui ont été utilisées, la base de données pour ce
16 qui est des personnes déplacées, la base de données pour ce qui est des
17 personnes exhumées et identifiées. Mais -- qu'est-ce que je voulais dire
18 par tout cela ? Aucune de ces sources d'information, à l'exception faite du
19 recensement en 1991, ne remplit des normes statistiques et c'est ainsi
20 qu'on a beaucoup d'erreur, même plus de 30 %. C'est -- ce sont nos
21 observations pour ce qui est des mouvements démographiques. Nous pensons
22 qu'il était possible et qu'il est toujours possible aujourd'hui pour ceux
23 qui voudraient s'occuper de façon sérieuse de cette question qu'il y a
24 d'autres sources d'informations beaucoup plus acceptables. Puis-je donner
25 un exemple de cela ?
26 Q. Allez-y.
27 R. J'ai cité un exemple dans le rapport, peut-être pas dans son
28 intégralité, mais partiel. Ewa Tabeau, expert du bureau du Procureur, en
Page 35390
1 appliquant la méthode [inaudible], qu'en 1991, une personne de Srebrenica
2 figure sur la liste électorale et ensuite, nous allons trouver une liste de
3 3 500 personnes dont les noms figurent sur la liste électorale de 1997 et
4 1998 et d'où les noms ne figurent pas sur la liste du recensement de 1991
5 en tant que habitant de Srebrenica. Donc, il s'agissait des renvois croisés
6 qui nous a permis de arriver à un tableau général des mouvements
7 démographiques dans cette région. C'est un exemple explicite de cela.
8 Q. Merci. J'aimerais savoir pour ce qui est des échantillons
9 représentatifs de certains -- différentes couches de la population. Pouvez-
10 vous nous dire si le taux de mortalité pour ce qui est de la génération en
11 1990 serait un échantillon représentatif pour une population d'hommes, en
12 général ?
13 R. Bien sûr. Du point de vue démographique. Lorsqu'on prend un échantillon
14 pour ce qui est de arriver au taux de mortalité, il faut utiliser le taux
15 de mortalité standard de la population pour arriver à ces données. Et
16 également le taux de mortalité différencié qui n'est pas la même chose,
17 parce que la probabilité d'essai n'est pas la même pour ce qui est des
18 personnes qui ont 90 ans qui se trouvent à la fin de la vie par rapport à
19 la population qui a 20 ans, 30 ans ou 40 ans. C'est une question très
20 délicate lorsqu'il s'agit du taux de mortalité de la population en temps de
21 paix et en temps de guerre. Il est très délicat à adopter une approche
22 différentielle en appliquant la soi-disant méthode de taux de mortalité
23 standard de la population dans n'importe quelle condition.
24 Si j'ai bien compris votre question, pour ce qui est des personnes
25 qui avaient 90 ans, pour ce qui est de cette tranche d'âge, cet échantillon
26 n'est pas représentatif du tout.
27 Q. Merci. Comment, dans ce sens-là, peut-on arriver à la conclusion,
28 pour ce qui est de l'échantillon représentatif de la population masculine
Page 35391
1 qui est apte à combattre ? Quel serait cet échantillon représentatif ?
2 Quels sont les résultats si on ne se penche que sur une couche de la
3 population qui n'est pas une couche représentative de la population, mais
4 qu'il s'agit plutôt d'une tranche d'âge limitée, une cohorte de naissance ?
5 R. Oui. Cela veut dire que si vous considérez seulement une partie
6 de la population, une cohorte de naissance, vous pouvez obtenir un tableau
7 qui ne reflète pas la situation générale, pour ce qui est d'un phénomène.
8 Mais il est bien connu que la population masculine au niveau mondial est
9 réduite, justement parce qu'il y a des guerres dans le monde entier, que
10 cela a une incidence sur la population masculine qui diminue. Bien que par
11 rapport au nombre de naissance d'hommes, le taux de natalité est plus
12 élevé, 106 hommes par rapport à 100 femmes. Et après, à partir de l'âge de
13 14 ou de 15 ans, les femmes, la population féminine commence à grandir. Et
14 pour ce qui est des régions où il y a eu des guerres, on peut parler
15 également de taux de morbidité de la population masculine qui est élevé,
16 comme par exemple crise cardiaque, ensuite des activités physiques plus
17 considérables qui ont également une influence sur l'espérance de vie des
18 hommes. Donc cette question, pour ce qui est du taux de mortalité de la
19 population, même en temps de guerre ne peut pas être considéré dans ces
20 conditions-là.
21 Q. Comment la vie des hommes, des hommes qui utilisent le tabac, qui
22 boivent, qui s'adonnent à des jeux de hasard influencent également
23 l'espérance de vie des hommes par rapport à l'espérance de vie des femmes,
24 est-ce que ce style de vie a une influence sur la longévité des hommes ?
25 R. Bien sûr que oui. Donc la longévité moyenne de la population dans
26 le monde est plus élevée pour ce qui est des femmes que pour ce qui est des
27 hommes. Sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, et c'est ce qui nous
28 intéresse ici, aujourd'hui la longévité des femmes est à peu près 75 ans,
Page 35392
1 et pour ce qui est des hommes, c'est 72 ans, même en temps de paix, donc
2 sans la guerre. Donc cela nous amène à la conclusion qu'il y a beaucoup de
3 facteurs qui influencent l'espérance de vie des hommes qui est plus courte
4 que celle des femmes.
5 De plus l'espérance de vie sur nos territoires est toujours plus
6 courte que l'espérance de vie dans d'autres pays développés. Par exemple,
7 au Japon, aux pays scandinaves, aux pays de l'Europe de l'ouest, et cetera,
8 ce sont les conditions de vie qui ont une influence directe sur l'espérance
9 de vie. Et chez nous, traditionnellement pour ce qui est de la population
10 masculine qui s'adonne à ces vices, c'est-à-dire au tabac, à la boisson
11 alcoolisée, et cetera, ce sont les facteurs qui auraient dû être pris en
12 considération en parlant du taux de mortalité de la population entière.
13 Q. Merci. A la page 116 de votre déclaration, vous avez cité une
14 phrase du rapport d'expert de l'Accusation, et je vais vous en donner
15 lecture. Il est dit :
16 "Il n'y a pas de preuve indiquant qu'un nombre important de personnes
17 disparues -- soient disparues en lien avec -- disparues en lien avec la
18 chute de Srebrenica ait survécu."
19 Que pouvez-vous nous dire de l'importance de cette conclusion, d'un
20 point de vue médico-légal, puisque, ici, il s'agit d'un Tribunal.
21 R. Je pense que vous n'avez pas la même page, enfin je ne retrouve
22 pas le passage que vous nous avez lu. Je n'arrive pas à le trouver.
23 Q. Oui, c'est le passage qui porte sur Srebrenica.
24 R. Oui, Srebrenica, mais je ne le trouve pas à la page 107.
25 M. FILE : [interprétation] Excusez-moi, c'est 108, en anglais.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.
27 M. FILE : [interprétation] C'est le premier paragraphe, le premier
28 paragraphe entier. C'est la note de bas de page 49, page 108.
Page 35393
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, j'ai zoomé et donc la pagination
2 a été changée. J'ai trouvé la note de bas de page, très bien :
3 "Donc il n'y a aucune preuve démontrant qu'un nombre important de personnes
4 disparues en lien avec la chute de Srebrenica ait survécu."
5 Il s'agit donc d'une note de bas de page du 12, d'un rapport émanant du 12
6 février 2000, et cetera, et cetera.
7 Avec cette citation, j'ai simplement voulu démontrer qu'il s'agit
8 d'une déclaration qui ne peut pas être prouvée, que quelqu'un ait survécu
9 ou non. La personne qui a fait cette affirmation ne l'a pas prouvé, c'est
10 impossible de le prouver.
11 Q. Merci bien, Docteur Pasalic. Je n'ai plus de questions pour
12 vous.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais laisser à l'Accusation un peu de
14 temps, bien sûr, et Excellence, si vous souhaitez entendre ce que j'ai dit
15 concernant les implications des conclusions du Dr Tabeau, je peux vous les
16 citer, si vous le souhaitez.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'abord, il faudrait faire verser au
18 dossier le curriculum vitae du Dr. Alors quelle en sera la cote ?
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D3142.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez des objections,
21 pour que ceci soit versé au dossier, Monsieur le Procureur ?
22 M. FILE : [interprétation] Mais non, en fait, simplement une petite
23 observation. J'ai remarqué à la page 111, en anglais, note de bas de page
24 60, on fait référence à une liste de personnes qui figurent sur la liste
25 des électeurs de 1997/1998. Mais tous ces noms ne figurent pas dans le
26 recensement de 1991, car ceci figure dans une autre annexe du rapport, mais
27 je n'ai pas vu l'annexe séparer du rapport. Je pense que le témoin a
28 également fait référence à ceci comme étant des pièces jointes,
Page 35394
1 aujourd'hui, vers la page 77 du compte rendu d'audience, je ne sais pas si
2 cela a été enregistré fidèlement au compte rendu d'audience. Mais je
3 voulais simplement néanmoins faire cette observation.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pourriez sans doute poser cette
5 question, si vous le souhaitez dans le cadre du contre-interrogatoire, et
6 préciser ce point.
7 Très bien. Donc le [comme interprété] témoin expert sera admis.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la cote D3125, Monsieur le
9 Président, Madame, Messieurs les Juges.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
11 Oui, Monsieur File. J'imagine que votre contre-interrogatoire se poursuivra
12 demain.
13 M. FILE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir
15 penser à me laisser cinq minutes avant la fin de la journée d'aujourd'hui.
16 M. FILE : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
17 Contre-interrogatoire par M. File :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Professeur.
19 R. Bonjour.
20 Q. L'une de vos critiques principales sur le rapport relatif aux
21 municipalités du Dr Tabeau, P4494 est que ce rapport n'est basé que sur les
22 statistiques et ne se penche pas sur les causes individuelles de la
23 migration qui a eu lieu entre 1991 et 1997. J'ai remarqué au paragraphe 66
24 de votre rapport que vous formulez un grief quant à l'utilisation de
25 chiffres, et au paragraphe 67, vous dites notre objection principale est
26 que les tendances démographiques des développements en Bosnie-Herzégovine
27 en 1992, de 1992 à 1995, étaient beaucoup plus complexes et vont bien au-
28 delà que le seul fait d'adopter des conclusions sur la base de chiffres
Page 35395
1 seulement.
2 Alors si, par exemple, vous faisiez une étude scientifique pour identifier
3 les raisons pour lesquelles les individus se sont déplacés à un certain
4 moment donné dans le temps, normalement vous mèneriez une étude avec des
5 entretiens individuels, n'est-ce pas ?
6 R. Il est possible de se servir de cet instrument, comme on l'appelle, ce
7 sont des enquêtes, par exemple, de ce type pour étudier un certain
8 événement. Mais vous pouvez également utiliser d'autres instruments. Cela
9 dépend des instruments que vous choisissez.
10 Q. Oui, mais aujourd'hui, à la page 36 du compte rendu d'audience, vous
11 avez décrit la manière dont vous avez recueilli des données pendant la
12 guerre dans une région à laquelle vous aviez accès, et ceci a été fait en
13 collaboration avec les entretiens. Vous aviez recueilli au préalable des
14 entretiens individuels avec ces personnes, n'est-ce pas ?
15 R. Oui, c'est exact.
16 Q. Il s'agissait d'entretiens avec les membres de la population serbe
17 exclusivement, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, en réalité c'était le cas. C'était la guerre, nos déplacements
19 étaient forts limités et donc il était absolument impossible de recueillir
20 des données sur un territoire qui ne vous est pas accessible. De sorte
21 qu'il n'était pas possible d'enquêter des régions qui ne m'étaient pas
22 disponibles et je ne pouvais pas non plus me trouver ailleurs en Bosnie-
23 Herzégovine alors que ces régions n'étaient physiquement pas disponibles.
24 Je ne pouvais pas aller recueillir des données.
25 Mais pour répondre à votre question je peux vous dire que j'ai également
26 fait des recherches empiriques et ceci par le biais d'enquêtes. Ce qui veut
27 dire que j'ai mené des enquêtes individuelles et il s'agit de milliers de
28 questionnaires.
Page 35396
1 Q. Mais ma question est simplement de savoir si c'était seulement la
2 population serbe, exclusivement avec la population serbe que vous avez mené
3 ces enquêtes. Vous n'avez pas parlé de ceci dans votre rapport. Vous n'en
4 avez pas fait été, n'est-ce pas ?
5 R. Je pense que dans mon rapport je l'ai mentionné parce que j'ai dit,
6 Même si ce rapport parle de mes enquêtes auprès d'une population serbe
7 prédominante c'est très important. L'image est importante parce qu'elle
8 peut nous donner une image des déplacements démographiques en Bosnie-
9 Herzégovine lorsque, bien sûr, l'on comprend également d'autres rapports.
10 Nous ne rejetons pas les conclusions d'autres chercheurs et scientifiques
11 si c'est scientifiquement acceptable.
12 Si je peux constater, il y a deux ans ici, il y a eu un rapport très
13 semblable et un rapport similaire a été accepté dans son ensemble par les
14 Juges de la Chambre même s'il s'agissait d'une enquête qui avait été faite
15 auprès de la population serbe exclusivement.
16 Q. Je vais essayer d'être un petit peu précis dans ma question. Dans votre
17 rapport il n'y a pas de détail sur la méthodologie employée ou sur -- vous
18 n'avez pas inclus des questionnaires que vous auriez employés pour mener à
19 bien cette enquête. On ne voit pas où vous vous êtes rendu pour passer en
20 revue ces documents. Il n'y a pas non plus d'indication des régions que
21 vous avez parcourues ou le territoire que vous avez parcouru pour mener à
22 bien cette enquête, n'est-ce pas ? Ce n'est pas inclus dans votre rapport.
23 R. Eh bien, vous savez ma réponse serait très simple. Bien sûr, je dois
24 vous rappeler et vous ramener à la période pendant laquelle ces données ont
25 été recueillies. Il s'agissait d'une période pendant laquelle la guerre
26 faisait rage.
27 Q. En fait, pour être bien honnête avec vous, je serais intéressé à une
28 réponse simplifiée.
Page 35397
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 35398
1 R. J'ai recueilli ces données au nom du centre d'Etat chargé de la
2 recherche des crimes de guerre et toutes ces données se trouvent dans les
3 archives de l'institution qui pourraient être disponibles, si vous le
4 souhaitez. Il s'agit d'enquêtes et de formulaires. Mais sinon, j'ai publié
5 les résultats dans trois ouvrages scientifiques à partir de 1997 jusqu'à ce
6 jour, qui sont disponibles donc.
7 Q. Ce n'était pas ma question. De nouveau, ma question était de savoir
8 vous n'avez pas inclus ceci dans votre rapport, n'est-ce pas ?
9 R. Il faudrait des milliers de pages pour que je donne des exemplaires de
10 formulaire d'enquêtes, ainsi de suite. Donc lorsqu'il s'agit d'une
11 recherche scientifique ce n'est pas le genre de chose que l'on fait mais
12 l'on fait appel aux sources qui renvoient chaque personne qui intéressée
13 par les sources à avoir et de savoir d'où proviennent ces données. Il
14 s'agit d'une recherche empirique et il s'agit d'une recherche scientifique
15 et personne de Bosnie-Herzégovine ne l'a fait. Et d'ailleurs, de toute
16 façon, dans les cercles scientifiques personne n'ait allé à l'encontre de
17 mes données.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] En fait, je trouve qu'à partir de la ligne 18
19 et plus loin on n'a pas très bien du tout bien interprété les propos du
20 docteur. Il a dit que "Il s'agissait de rapports du fait que les
21 conclusions ont été publiées dans trois ouvrages indépendants." Et ceci ne
22 figure pas au compte rendu d'audience.
23 L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : L'interprétation en fait état.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Maintenant c'est au compte rendu
25 d'audience. Merci, Monsieur Karadzic. C'est partiellement au compte rendu
26 d'audience.
27 Vous pouvez continuer, Monsieur File.
28 M. FILE : [interprétation]
Page 35399
1 Q. Vous avez mentionné dans votre interrogatoire principal que vous avez
2 également déposé dans l'affaire Stanisic et Zupljanin et que vous y avez
3 déposé en tant que témoin. Maintenant j'aimerais vous poser un certain
4 nombre de questions concernant votre déposition.
5 Tout d'abord, le 12 mai 2011, au compte rendu d'audience D0636 dans cette
6 affaire vous avez déclaré, je cite :
7 "Je me trouvais dans une région et je pouvais étudier le processus
8 démographique impliquant la population serbe. Après la guerre, après un
9 certain temps les conditions étaient devenues matures pour qu'une telle
10 recherche soit faite. Toutefois, la recherche menée par Mme Tableau et
11 celle par le IDC de Sarajevo avaient déjà été recherches globales. Et donc
12 je pense que tout ce que j'aurais fait aurait été un doublon, et je pensais
13 que mettre tout ceci ensemble aurait donné une image plus globale, plus
14 réaliste. C'est pourquoi je vois l'importance de ma propre recherche, même
15 si elle n'inclut pas tous les processus démographiques car cela aurait été
16 impossible. Et pour conclure, je n'avais pas la capacité de le faire non
17 plus et d'étudier une époque d'une durée de dix ans. Il s'agit d'un très
18 grand travail. Et je pense que jusqu'à maintenant personne a réussi à le
19 faire."
20 [Inaudible] précis. Dans la mesure où cette affaire et porte sur le
21 nettoyage ethnique de Musulmans, d'après l'acte d'accusation, votre
22 recherche ne contient pas de donnée concernant les raisons d'un mouvement
23 de population lorsqu'il s'agit de la population musulmane, n'est-ce pas ?
24 R. Voilà je vais essayer de répondre à votre question. Voilà vous avez
25 bien cité mes propos effectivement. Je répondrais aux Juges de la Chambre
26 et je leur disais que je m'étais penché surtout sur la population serbe et
27 sur les victimes de la population serbe. Car après la guerre, il n'était
28 pas nécessaire d'entrer dans des recherches de population croate et
Page 35400
1 musulmane puisque ceci avait déjà été fait dans le cadre d'enquêtes déjà
2 menées. Mais ce qui manquait c'étaient les données concernant la population
3 serbe et c'était justement la raison pour laquelle je l'ai mentionné. Je
4 n'ai pas voulu parler du nettoyage ethnique. Il s'agit là bien sûr d'un
5 terme un peu plus complexe. J'en ai déjà parlé d'ailleurs à ce moment-là.
6 Mais ce qui est important de mentionner c'est qu'il y a un très grand
7 nombre de chercheurs sur l'ensemble du territoire de l'ABiH lorsque ces
8 chercheurs croisent leurs conclusions on peut arriver à des résultats plus
9 réalistes.
10 Au cours des dernières années, j'ai fait une recherche dans l'ensemble de
11 l'ABiH et personne n'a infirmé mes conclusions, elles ont été acceptées
12 comme étant très pertinentes. Donc indépendamment de cette affaire, mes
13 conclusions publiées dans des ouvrages scientifiques et personne n'a
14 infirmé les données et les conclusions auxquelles je suis arrivé. Et je
15 dois vous dire que j'en suis très fier, d'ailleurs. Comme le serait
16 n'importe quel scientifique, bien sûr.
17 Q. Donc, pour être tout à fait clair, vous répondez à ma question par la
18 négative. Vous dites : Non, la recherche ne contient pas de données
19 concernant le déplacement de la population s'agissant de la population
20 musulmane, n'est-ce pas ?
21 R. Non, ce n'est pas exact. Non, parce que, dans ce rapport, j'ai cité des
22 exemples. Par exemple, s'agissant de la municipalité de Bijeljina, de
23 Zvornik, de Prijedor, j'ai cité les façons dont on a calculé le changement
24 de la population musulmane, et je pense que les experts de l'Accusation ont
25 mal calculé le taux. Je peux d'ailleurs que vous en parlez dans ce rapport-
26 ci, et je pense qu'il s'agit de la façon la plus explicite d'affirmer ce
27 qu'il s'est passé dans certaines municipalités couvertes par certaines
28 affaires précises.
Page 35401
1 Q. J'ai l'impression que l'on ne se comprend pas. Ma question est de
2 savoir s'agissant de votre propre recherche. Je ne me penche pas sur les
3 chiffres, mais je vous demande la question à savoir -- c'est-à-dire que
4 vous n'avez jamais donné de données pour expliquer le déplacement de la
5 population musulmane ?
6 R. Si je vous ai bien compris, ces régions ne m'étaient pas disponibles.
7 Je ne pouvais pas mener d'enquêtes auprès de toutes les nationalités et
8 auprès des membres d'appartenance ethnique autre. C'était la guerre. Mes
9 déplacements étaient très limités. J'avais une tâche très précise, et je
10 savais quelle était la tâche que j'avais dans des circonstances pareilles.
11 Si j'ai bien compris votre question.
12 Q. J'aimerais vous poser une question concernant cette théorie d'une
13 homogénéisation territoriale ethnique. Vous en avez fait référence
14 aujourd'hui, et on le voit à plusieurs endroits dans votre rapport. C'est
15 une théorie que vous avez développée vous-même, n'est-ce pas ?
16 R. Non, ce n'est pas seulement moi qui l'aie inventée ou qui l'aie
17 développée, mais c'est une variante que j'accepte. Très acceptable, si vous
18 voulez. Il y a d'autres démographes sociologues qui se sont penchés sur la
19 question de la Bosnie-Herzégovine, pour d'autres raisons d'ailleurs, et
20 nous sommes arrivés à cette thèse, c'est-à-dire à parler d'une
21 homogénéisation ethnique territoriale qui était présente avant la guerre,
22 générée pendant la guerre et qui s'est poursuivie après la guerre. Et donc,
23 il est très facile de le démontrer de manière concrète.
24 Q. Vous pensez que le groupe ethnique souhaite naturellement vivre séparé
25 d'autres groupes ethniques, c'est votre thèse ?
26 R. Eh bien, pendant la période de l'homogénéisation, il s'agit
27 d'homogénéiser une certaine caractéristique. L'homogénéisation des
28 caractéristiques ethniques n'est pas quelque chose qui s'est produit
Page 35402
1 seulement pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine. Qu'est-ce qui s'est
2 passé après la guerre ? C'est un processus qui existe même après la guerre.
3 Et ce n'est pas un processus qui a une connotation négative. Il ne signifie
4 rien de mauvais vu qu'il s'agit d'un espace ethnique très complexe.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, le compte rendu d'audience n'a même
6 pas la moitié des propos, et je vais demander que l'on écoute à nouveau
7 tout ce qu'a dit le témoin et qu'on vérifie la traduction et le transcript.
8 Parce qu'à lire le compte rendu d'audience tel qu'il figure à présent, on a
9 perdu quasiment la moitié des propos tenus par le témoin et il faudrait que
10 j'intervienne au niveau de chaque réponse. Je comprends qu'on a affaire
11 avec un expert, peut-être que les interprètes ne connaissent pas les
12 termes, mais il faut faire quelque chose. Alors, je vais demander qu'on
13 écoute les bandes et qu'on corrige tout ce qui s'y trouve.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Pasalic, veuillez ralentir, s'il
15 vous plaît. Nous pouvons poursuivre.
16 M. FILE : [interprétation]
17 Q. Dans l'affaire Stanisic/Zupljanin, le 10 mai 2011, aux pages du compte
18 rendu d'audience 2 049 et 20 480, vous avez dit :
19 "Les Serbes et les Croates ont toujours été focalisés sur les pays
20 voisins, à savoir la Serbie et la Croatie. En ce qui concerne les
21 Musulmans, ou les Bosniens, comme ils sont appelés aujourd'hui, eh bien,
22 ils ont toujours été concentrés sur la Turquie, qui a représenté une zone
23 d'émigration encore jusqu'au jour d'aujourd'hui."
24 Vous avez dit quelque chose de similaire aujourd'hui, et ceci figure
25 à la page 42 du compte rendu d'audience. Est-ce que vous vouliez dire que
26 les Musulmans de Bosnie-Herzégovine ont toujours eu la tendance à émigrer
27 vers la Turquie, qu'il s'agisse des facteurs sociaux ou économiques ?
28 R. Eh bien, j'ai voulu tout simplement corroborer cela avec des faits
Page 35403
1 historiques. Les Musulmans se sont rendus -- enfin, sont partis en
2 direction de la Turquie même s'ils partaient en plus petits nombres, alors
3 que les Serbes et les Croates partaient traditionnellement en direction de
4 la Serbie et de la Croatie. Et j'ai corroboré cela avec des chiffres. Les
5 plus grands pourcentages de Serbes sont partis donc après la Deuxième
6 Guerre mondiale en direction de la Serbie, les Croates sont partis en
7 direction de la Croatie, et les Musulmans étaient dix fois moins nombreux à
8 quitter la Bosnie-Herzégovine, et quand ils partaient, ils partaient en
9 direction de la Turquie. Donc, c'est tout à fait naturel vu qu'il s'agit
10 des territoires où habite la population partageant la religion islamique.
11 Q. Mais cette théorie qui est la vôtre n'a jamais été adoptée par les
12 cercles académiques internationaux. Et je pense que c'est quelque chose que
13 vous dites dans l'affaire Stanisic/Zupljanin, vous dites que ce n'est pas
14 un fait connu au niveau international.
15 R. Je n'ai pas l'impression que c'est moi qui ai dit cela. Mais si on
16 développait cette théorie dans les cercles scientifiques en Bosnie-
17 Herzégovine, la question se pose de savoir dans quelle mesure on serait
18 d'accord, parce que je sais quel est le point de vue des intellectuels
19 bosniens au sujet d'émigration. Et puis, d'autres cercles ont d'autres
20 points de vue. Donc il s'agit là d'une théorie scientifique, et donc
21 différentes personnes regardent cela de différentes façons. Et on pourrait
22 développer des théories différentes quand il s'agit de parler d'émigration
23 vers la Bosnie-Herzégovine ou à l'extérieur.
24 Q. Eh bien, je vais vous montrer la page du compte rendu d'audience où
25 cela figure dans cette affaire.
26 M. FILE : [interprétation] : Je vais demander que l'on passe au
27 système Sanction, s'il vous plaît.
28 Q. Donc on vous a posé une question, on vous demande d'expliquer cette
Page 35404
1 théorie, et vous avez dit que toutes les explications que vous avez données
2 au sujet des mouvements ethniques et démographiques pendant la guerre, vous
3 avez dit aussi que vous avez fait des recherches concernant la période
4 après la guerre et que toutes ces recherches corroborent la thèse de base
5 qui est la vôtre, à savoir qu'il s'agit d'une homogénéisation ethnique et
6 territoriale. Et vous dites que cela, il ne s'agit pas de quelque chose qui
7 est connu au niveau international.
8 Est-ce que maintenant vous vous êtes rappelé cela ?
9 R. Ecoutez, oui, c'est toujours utile. Mais je ne sais pas s'il s'agissait
10 là d'une erreur d'interprétation, parce que moi je ne me souviens pas avoir
11 dit cela. Je ne me souviens pas avoir parlé de l'acceptation au niveau
12 international. Mais vous savez, c'est difficile d'en parler à présent.
13 C'est tout relatif que de savoir qui est d'accord, qui n'est pas d'accord.
14 C'est beaucoup trop général pour parler de critères internationaux.
15 Q. Quelle que soit la validité de la théorie, ceci n'explique pas pourquoi
16 un groupe particulier, à un moment donné, se déplacerait. Il nous faut tout
17 de même des informations supplémentaires pour placer les déplacements de la
18 population dans un contexte.
19 R. Je ne sais pas si j'ai bien compris la question. Mais les mouvements
20 des population à l'intérieur de Bosnie-Herzégovine ont toujours été très
21 intenses, le sont toujours, et selon les prévisions, ils vont continuer à
22 être intenses. Les mouvements concernant les trois peuples constitutionnels
23 et tout ceux qui vivent là-bas.
24 Q. Dans votre déposition dans l'affaire Stanisic/Zupljanin le 10 mai 2011,
25 au niveau du compte rendu d'audience, pages 20 515 à 516, vous dites :
26 c'est le principe de l'homogénéisation territoriale et ethnique des
27 groupes. Parfois ceci est causé par le nettoyage ethnique et parfois par
28 déportation et persécution.
Page 35405
1 Je vous ai déjà expliqué que ce processus continue au jour
2 d'aujourd'hui. Donc, voici ma question : votre théorie de l'homogénéisation
3 ethnique et territoriale n'exclut pas le phénomène de transfert par la
4 force de la population ou bien le nettoyage ethnique ?
5 R. Je vais vous dire pourquoi j'ai évoqué ces catégories-là, le nettoyage
6 ethnique, le transfert de population ou bien déportation. Tout cela
7 représente les cas de mouvement de population reconnus au niveau
8 international. Ce que j'ai voulu montrer, c'est que le Procureur n'entre
9 pas en profondeur, ne fait pas une véritable analyse et permet donc que
10 l'on mette tout cela dans le sac du nettoyage ethnique. Et ce n'est pas
11 quelque chose qui était généralisé en Bosnie-Herzégovine, même pas pendant
12 la guerre. C'est dans ce sens-là que j'en ai parlé.
13 Q. Mais ce n'est pas la question que je vous ai posée. Votre théorie de
14 cette homogénéisation ethnique et territoriale n'exclut pas les cas de
15 mouvement de la population provoqués par ces types-là; oui ou non ?
16 R. Eh bien, voyez-vous, le processus d'homogénéisation ethnique et
17 territorial est un processus qui a eu lieu pendant la guerre, mais aussi
18 après la guerre. Il peut y avoir différents motifs qui causent cela. Un de
19 ces motifs à l'époque, c'était la guerre et la situation d'insécurité et le
20 fait que la population se sentait plus en sécurité dans le territoire
21 habité par leur propre groupe ethnique. Mais la question qui se pose, c'est
22 de savoir pourquoi au jour d'aujourd'hui cette tendance se poursuit ? Je
23 pense que c'est intéressant de poser cette question, même si vous n'êtes
24 pas content par la réponse que je vous donne.
25 Q. Quand je vous ai lu une portion de votre déposition, vous avez dit : "A
26 certain moment, c'était provoqué par le nettoyage ethnique, et à d'autres
27 moments par des déportations et persécutions de la population." Vous avez
28 bien confirmé que c'était bien votre déposition ?
Page 35406
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Encore une mauvaise traduction. Est-ce que le
2 Dr Pasalic a dit "appelé" ou bien "causé" par un nettoyage ethnique ? Parce
3 que dans notre langue ces deux termes sont très proches, mais la
4 signification est parfaitement différente.
5 M. FILE : [interprétation] Mais je suis en train de lire le compte rendu
6 d'audience. S'il n'est pas d'accord avec ce qui est écrit, il peut le lire
7 lui-même.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, moi, je comprends parfaitement bien. On
9 peut "appeler" quelque chose nettoyage ethnique. Certains processus, on
10 peut les appeler "transfert de la population", et puis d'autres
11 "déportation". On peut qualifier cela de différentes façons. Moi, ce que
12 j'ai essayé de dire, ce que je fais valoir, c'est le fait que le bureau du
13 Procureur et ses experts ne se sont pas lancés dans ces analyses. Ils ont
14 dit que ces chiffres, les chiffres qu'ils donnent, concernent uniquement la
15 catégorie du nettoyage ethnique. Et ceci n'est pas acceptable, car au
16 niveau international le nettoyage ethnique a été bien défini, et moi j'ai
17 respecté cette définition.
18 M. FILE : [interprétation] Je vais demander qu'on examine la pièce P2839,
19 s'il vous plaît.
20 Q. Vous voyez ici une décision qui émane de la cellule de Crise de la
21 municipalité serbe de Sanski Most du 4 juin 1992. Et sous les
22 "conclusions", on peut lire :
23 "Mirko Vrucinic, Nedeljko Rasula et le colonel Nedjo Anicic seront
24 responsable de résoudre la question des prisonniers, de la catégorisation
25 et transfert à Manjaca. La première catégorie, les hommes politiques; la
26 deuxième catégorie, les extrémistes nationalistes; la troisième catégorie,
27 la catégorie des gens qui ne sont pas désirables sur le territoire de la
28 municipalité de Sanski Most. Eh bien, par rapport à cela, nous allons
Page 35407
1 parler avec le colonel Stevilovic du 1er Corps de la Krajina."
2 Est-ce que ceci ressemble à quelque chose qui pourrait provoquer le
3 mouvement de la population, quels que soient les autres facteurs que vous
4 évoquez ?
5 R. Eh bien, c'est la première fois que vous me montrez ce rapport. Il n'a
6 rien à voir avec mon rapport. C'est la première fois que je le vois. Je ne
7 vois pas d'où il vient.
8 Q. Eh bien, c'est quelque chose qui figure parmi les éléments de preuve en
9 l'espèce, et je me demande ce que vous en pensez.
10 R. Eh bien, je peux vous donner mon point de vue. Il s'agissait de quelque
11 chose qui était donné au niveau local. La population locale négociait au
12 sujet de ces transferts. Je peux vous citer un exemple : le transfert de la
13 population de Kozluk. Kozluk, où vous aviez 10 000 des Bosniens. Eh bien,
14 ils sont sortis paisiblement de ce territoire, et ensuite ils sont revenus
15 quand la situation s'est calmée. C'était la guerre, et pour eux c'était la
16 façon la plus simple de sauver la tête.
17 Q. Dans le compte rendu d'audience de l'affaire Stanisic/Zupljanin, à la
18 page 20 503, vous avez dit :
19 "Quand à cause des migrations forcées un groupe appartenant à un
20 groupe ethnique arrive dans une zone précise, il exerce des pressions de
21 façon indirecte sur l'autre groupe ethnique déjà présent dans ce
22 territoire. Ce groupe se sent en insécurité, car la guerre implique des
23 choses terribles. Les gens ont laissé derrière eux des membres de leurs
24 familles. Il y a des groupes des extrémistes et des paramilitaires qui
25 apparaissent, augmentant ce sentiment d'insécurité auprès de la population
26 civile. Et ensuite, les gens étaient prêts à partir et de tout quitter, de
27 laisser tous leurs biens, pour rejoindre un territoire plus sûr, et c'est
28 souvent le territoire où habitent les membres de leur propre groupe
Page 35408
1 ethnique. C'est ce que j'appelle des migrations volontaires."
2 Voici ma question : ce sont les migrations qui s'exercent quand il y a
3 pression, et pour vous -- vous appelez cela "migration volontaire" ?
4 R. Eh bien, je ne veux pas vous parler des migrations ici, mais je me
5 souviens très bien de ce qui s'est passé, par exemple, dans la zone où moi
6 j'ai vécu. Moi, j'ai quitté ce territoire même si on ne m'a pas menacé par
7 d'un fusil, et je suis allé vivre dans une région où habitaient en majorité
8 les membres de mon groupe ethnique. Donc, là, il s'agit d'un principe de
9 base communiquant les mouvements des populations avant la guerre -- ont
10 commencé à se produire même avant la guerre, car la population voulait fuir
11 l'incertitude et voulait se sentir en sécurité là où ils vivaient.
12 Donc c'était très important de comprendre ce mécanisme, ce processus. Il
13 s'agissait là des migrations spontanées plutôt que des expulsions ou des
14 persécutions accompagnées d'actes de violence. En même temps, cela ne veut
15 pas dire qu'il n'y avait pas des paramilitaires ou des extrémistes
16 présents.
17 Q. Je voudrais à présent changer de sujet et je voudrais vous poser une
18 question au sujet de quelque chose dont vous avez parlé aujourd'hui à la
19 page 71 du compte rendu d'audience. Là, vous avez parlé de la catégorie des
20 Yougoslaves et autres. Vous dites que dans votre rapport, dans le
21 paragraphe 38, le problème le plus grave tient du fait que les gens ne
22 pouvaient pas déclarer leur appartenance ethnique en 1997 quand ils sont
23 allés voter. Vous dites aussi qu'il y a eu un changement au niveau de la
24 déclaration. Donc c'est quelque chose qui figure à la page 18 et 19 en
25 B/C/S, 20 en anglais.
26 Ensuite, vous dites qu'il y a eu des changements, mais je ne trouve pas
27 d'éléments qui corroborent cela. Ce n'est pas quelque chose qui se trouve
28 dans votre rapport; ai-je raison de le dire ?
Page 35409
1 R. Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question. Que me demandez-vous
2 ? Quel est le champ de votre question et que voulez-vous comme réponse ?
3 Parlez-vous des Yougoslaves, qui est l'une des catégories du recensement
4 jusqu'en 1991 ?
5 Q. Je vous demande des éléments de preuve qui viennent d'appuyer votre
6 affirmation qu'au fil des six ans, il y a eu une modification indicative
7 des groupes ethniques, et je me demandais s'il y a des éléments de preuve
8 dans votre rapport, et où ils se trouvent, à cet effet.
9 R. Eh bien, le recensement a été réalisé la dernière fois en 1991, un
10 recensement officiel, et il y avait une catégorie "Yougoslave", Yougoslave
11 en qualité de groupe ethnique. Après cela, il n'y a plus du tout eu de
12 recensement. Et c'est une question hypothétique, je présume; en
13 l'occurrence, qui se déclarerait et dans quel groupe ethnique ? Je présume
14 que c'est ça, votre question ? Je crois que l'on pourrait vous donner des
15 données explicites sur la façon dont les gens décidaient de se déclarer
16 après cela, parce que cela est un choix subjectif de tout particulier, et
17 c'est le cas d'ailleurs partout, y compris en Bosnie-Herzégovine.
18 Mais si ce que vous voulez dire c'est la catégorie des Yougoslaves,
19 il est évident que cette catégorie comportait un pourcentage important,
20 c'est-à-dire toute cette gamme des déclarations ethniques où l'on se
21 déclare yougoslave. Donc il y avait toute une gamme de différents groupes
22 ethniques, mais ces groupes ont disparu et n'existent plus.
23 Q. Très bien. Passons à un autre sujet. Je vous ai demandé s'il y avait
24 des éléments de preuve indiquant donc ces modifications des catégories
25 ethniques. Je me demande si dans votre rapport il y a des éléments de
26 preuve à cet effet.
27 Je vais vous demander tout simplement de vous reporter au paragraphe
28 40, qui porte sur ce que vous venez de dire, c'est-à-dire que l'on sait
Page 35410
1 qu'il y a une catégorie yougoslave qui existait, que c'étaient
2 principalement des Serbes et qu'ils étaient en faveur de la conservation de
3 la Yougoslavie, même de la création d'une nation yougoslave. Ceci était
4 bien évidemment présent les Musulmans et quasiment négligeable en Croatie.
5 Maintenant, vous ne citez aucunement des éléments de preuve pour appuyer
6 cette affirmation dans votre rapport.
7 R. Voyez-vous, j'ai tenté aujourd'hui dans ma déposition de souligner
8 cette catégorie de Yougoslaves. Où la plupart des Yougoslaves se
9 déclaraient Yougoslaves ? Dans les villes où les Serbes étaient en
10 majorité. Et donc, par exemple, j'ai parlé des chambres des municipalités
11 et des communes locales ou des localités en 1991 où une majorité des
12 députés serbes ont remporté des sièges dans ces municipalités même s'ils
13 n'avaient pas la majorité dans la population d'ensemble.
14 L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que le dernier segment de réponse
15 soit répété.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, à nouveau, vous parlez trop
17 vite. Je présume que vous lisez l'anglais.
18 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous vous reprendre à
20 partir de l'exemple que vous avez donné, c'est-à-dire la chambre --
21 M. FILE : [interprétation] Je ne crois pas que cette réponse
22 répondait directement à ma question, donc je pense que je préférerais poser
23 une autre question.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quoi qu'il en soit, si vous voulez
25 bien ralentir vos propos.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas eu de réponse; qu'est-ce que ça
27 veut dire ? Ça ne portait pas à réponse. Le Dr Pasalic a dit : "J'ai parlé
28 de la participation des Yougoslaves et des Serbes et des Musulmans dans les
Page 35411
1 villes ou les localités." Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous dites
2 qu'il n'a pas répondu ?
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La question était de savoir s'il avait
4 cité des références ou pas dans son rapport.
5 M. FILE : [interprétation]
6 Q. Ma question de suivi est la suivante : je ne vous pose pas de question
7 sur les conjectures fondées sur les événements politiques, mais je vous
8 pose des questions sur des études scientifiques ou tout autre élément de
9 preuve scientifique qui vient appuyer cette affirmation.
10 R. Eh bien, personne n'a effectué des recherches dans cette catégorie
11 yougoslave et il n'existe pas de recherche en la matière ni d'étude en la
12 matière en Bosnie-Herzégovine.
13 Q. La déclaration selon laquelle les Yougoslaves sont en fait des Serbes,
14 est-ce que cela ne va pas à l'encontre du principe fondamental du
15 recensement où les personnes sont libres de déclarer leur affiliation
16 ethnique, c'est-à-dire, en dépit de ce que les gens en pensent, vous allez
17 leur dire ce qu'ils sont en vérité ? Est-ce ainsi que vous abordez la
18 question ?
19 R. Non, ce n'est pas ainsi que j'ai procédé. C'est le procédé selon lequel
20 la population déclare librement son affiliation ethnique en 1991, où 7 à 8
21 % en Bosnie-Herzégovine se déclarent comme étant Yougoslaves. Mais après la
22 guerre, cette catégorie n'existe plus en Bosnie. Il y a quatre catégories :
23 Bosniaque, Croate, Serbe et divers et autres. Bien sûr, dans les cercles
24 scientifiques, la question est posée de savoir si -- où se trouvent ces
25 Yougoslaves. Puisqu'il n'y a pas de recensement 121, il n'y en a pas eu,
26 nous avons appliqué le principe de l'analogie selon la répartition
27 territoriale et, nous, donc, par analogie, nous démontrons que cette
28 catégorie n'existe pas à Zenica aujourd'hui, et Tuzla, Bihac, qui sont des
Page 35412
1 villes principalement musulmanes où la population principale était serbe
2 avec une inflation des chiffres pour la bonne raison qu'ils étaient de
3 mariage mixte, et les Serbes, de façon traditionnelle, ont des relations
4 avec le concept de la Yougoslavie où cela a été créé à plusieurs reprises.
5 Q. On en revient à des questions de méthodologie. Vous dites, au
6 paragraphe 40 :
7 "Les auteurs auraient dû calculer la proportion de Serbes dans les
8 catégories de divers et autres et utiliser alors leurs résultats pour
9 rectifier les données de la liste de 1997-1998. Ce serait, du point de vue
10 méthodologique, absolument inadéquat pour la bonne raison que cela
11 viendrait modifier les données du recensement, et ce, de façon arbitraire."
12 R. J'ai expliqué que les informations de 1997-1998 des listes électorales
13 ne sont pas pertinentes et ne sont pas non plus fiables, ni pour moi, ni
14 pour d'autres chercheurs. Ce qui était un élément que l'expert du Procureur
15 a souligné, c'est un principe arbitraire. Nous n'avons trouvé aucune donnée
16 solide sur la base de laquelle l'on pourrait trouver des données fiables
17 sur les affiliations ethniques d'aucuns.
18 L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que l'on répète la dernière
19 partie de la question.
20 M. FILE : [interprétation]
21 Q. Ma question n'était pas sur la source, en ce qui concerne les listes
22 électorales, mais la modification des données qui se trouvent dans le
23 recensement concernant l'affiliation ethnique, et ce, ce serait, vous en
24 conviendrez avec moi, absolument non conforme du point de vue
25 méthodologique.
26 R. Si j'ai bien compris votre question, comment est-ce que l'expert du
27 bureau du Procureur, en 1997-1998, en appliquant cette méthodologie, aurait
28 pu modifier cette affiliation et aurait pu donc fusionner les catégories
Page 35413
1 "autres" et "Yougoslaves," de quel droit ? Nous estimons que la catégorie
2 de Yougoslaves ne peut pas être fusionnée avec des autres parce que ceux-ci
3 représentent deux tiers des autres populations. C'est absurde. On ne
4 pourrait l'additionner dans cette catégorie et c'est là où nous divergeons
5 en termes d'experts du bureau du Procureur sur la question des Yougoslaves
6 par rapport aux autres populations, et c'est pourquoi il faut changer leur
7 catégorie.
8 Q. Au paragraphe 41, au tableau 1 de l'ajout, vous citez le document
9 P4994. Les auteurs présentent des calculs réalisés uniquement pour les
10 Serbes et les Musulmans. Le fait que les Croates et autres et un grand
11 nombre de Serbes parmi eux ont été exclus de la population générale dans
12 cet échantillon et que toutes les valeurs sont exprimées par le nombre
13 relatif et qui d'ailleurs a été affecté pour l'exclusion des Croates et
14 autres de ce calcul est loin d'être réaliste. Ma question est donc : est-ce
15 que vous avez lu le tableau 1 de cette pièce ajoutée ? Car je vous
16 renverrai précisément au tableau 1(C), qui a trait aux Croates, et au
17 tableau 1(O), qui a trait aux populations autres et offre des statistiques
18 sur ces deux groupes aux pages 32 et 35 du rapport.
19 R. Oui, je me souviens de cela. Je me souviens de tous les tableaux pour
20 les Musulmans, les Croates, les Serbes et autres. Je n'ai apporté aucun
21 commentaire en la matière dans ce même contexte. Donc, la définition que
22 nous avons calculée, les Serbes et les Musulmans, parce que nous nous
23 sommes servi de points de référence pour les municipalités individuelles
24 citées dans cette affaire où les Croates et autres ont été un groupe
25 négligeable du point de vue statistique, tout simplement parce qu'il n'y en
26 avait pas beaucoup sur place -- ou ils n'étaient pas nombreux sur place.
27 Q. Je dois dire que je suis décontenancé par cette réponse, parce que ce
28 n'est pas ainsi que c'est rédigé dans votre rapport. Vous déclarez que les
Page 35414
1 Croates et autres ont été exclus de la population générale dans cet
2 échantillon. Ce n'est -- est-ce que ce n'est pas donc une présentation de
3 ce qui se trouve dans le rapport Tabeau ?
4 R. Non. Dans mon rapport, j'ai traité des Musulmans, des Croates, des
5 Serbes et de tous les autres, dans l'une des pièces jointes. Peut-être que
6 c'est le contexte de la phrase où ceci se trouve qui vous amène à des
7 conclusions erronées, mais dans le processus, les Croates, les Serbes et
8 autres se trouvent la méthodologie différente de celle appliquée par Mme
9 Tabeau, et les résultats sont différents, et ça c'est facile à démontrer
10 que je ne suis pas passé en survol sur ces critères supplémentaires.
11 Q. Je ne vous pose pas une question sur ce qui se trouve dans votre
12 rapport, mais ce que vous avez déclaré se trouver dans le rapport Tabeau.
13 Passons au sujet suivant. J'aimerais maintenant passer à la page en anglais
14 39, et B/C/S 37 de votre rapport, paragraphe 800 [phon].
15 Nous parlons de la méthode de calcul et vous déclarez :
16 "Notre méthode de calcul est différente de celle des experts du Procureur.
17 Nous n'avons pas utilisé la méthode de concordance mais plutôt une
18 sélection de différentes variables pour calculer les indicateurs regroupés
19 pour chacun des groupes ethniques. A partir des différentes variables
20 possibles, nous nous servons des variables pertinentes pour la taille de la
21 population totale ou des éléments constitutifs de la population et du
22 mouvement naturel, c'est-à-dire le taux de croissance de population naturel
23 pour chacun des groupes ethniques."
24 Et ensuite, vous énumérez certaines variables, et vous avez un
25 tableau, tableau numéro 3, où il y a des chiffres, des pourcentages, ainsi
26 qu'une note en bas de page qui déclare :
27 "Calculé sur la base du nombre de variables précisément en tenant en
28 compte le nombre de naissances vivantes, le taux de croissance de la
Page 35415
1 population naturelle, différenciée par groupes ethniques, en tenant compte
2 des différents niveaux des taux qui offrent des données fiables --
3 extrêmement fiables avec des erreurs éventuelles dans les erreurs
4 statistiques uniquement."
5 Alors, encore une fois, vous ne parlez pas de votre méthodologie. Si l'on
6 lit l'autre texte, l'on ne pourrait même essayer de reproduire ce que vous
7 avez fait parce qu'on ne sait absolument pas comment vous êtes arrivé à ces
8 chiffres, n'est-ce pas ?
9 R. Ce n'est pas exact. J'ai communiqué ma méthode en terme de ces
10 chiffres, comment ils ont été obtenus et ceux dans un autre paragraphe.
11 Mais vous en avez [inaudible] à une situation des taux de natalité avec des
12 informations différentes qui se fondent sur des variables, et ceci donne
13 des résultats différents par rapport aux résultats de l'expert du bureau du
14 Procureur, par rapport au nombre général de naissances, et ce, jusqu'en
15 1998. Leur âge, de nationalité relève de 1998 jusqu'en 1998, ils étaient
16 mineurs. Mais l'indicateur indique le ratio entre les non-Serbes et les
17 Serbes, ce qui nous indique que la plus grande partie de la population
18 serbe née avant 1980, pour la bonne raison que les Serbes sont sur-
19 représentés dans la catégorie allant jusqu'à 18 ans en raison du taux de
20 natalité qui est inférieur. Ce qui est très important parce que c'est
21 totalement oublié par Mme Tabeau dans son rapport et c'est là, en fait, le
22 fond de ce rapport. Et par la suite nous trouvons des barrières spécifiques
23 concernant chaque groupe ethnique et c'est dont je vous parle.
24 Q. Je vais essayer à nouveau. Je ne vous posais pas une question, à savoir
25 si vous avez donné des variables mais comment vous êtes arrivé à ces
26 chiffres que vous avez dans vos tableaux. Rien n'indique comment vous avez
27 effectué vos calculs.
28 Pourriez-vous me donner le paragraphe où vous indiquez ces éléments ?
Page 35416
1 R. Je serais ravi de le faire. Alors tableau 2 [comme interprété], alors
2 âge, sexe, groupe, catégorie, en B/C/S, c'est à page 37 de mon rapport.
3 Vous trouvez donc que ces variables s'y trouvent, l'âge, le groupe, la
4 population d'ensemble hommes/femmes, source, journal officiel des
5 statistiques 1992 à 1998, bureau fédéral des statistiques. Mme Tabeau n'a
6 pas utilisé cette source, ce qui est malheureux pour la bonne raison que
7 c'est ce qui est le plus pertinent et c'est là où je reçois mes
8 informations. Je prends mes informations en ce qui concerne les habitants
9 serbes, croates, et cetera, mais avant 1981 et après 1981, ceci est
10 incontestable comme information. Ce n'est pas quelque chose que j'ai
11 concocté à partir de rien du tout. Et ensuite vous avez tous les calculs
12 dans le tableau, paragraphe par paragraphe jusqu'à 110. Vous avez les
13 résultats à 111 qui se fondent sur les calculs précédents.
14 Q. Soyons plus précis. Au tableau 2, on y voit population BH par âge et
15 sexe selon les recensements de 1991. Il n'y a pas de ventilation entre les
16 Serbes, les Musulmans, les Croates, et autres. Et vous nous dites -- si
17 vous me dites que ça c'est la base de la production du tableau numéro 3 qui
18 a une répartition, une ventilation par pourcentage par groupes ethniques de
19 personnes nées avant 1980 en Bosnie-Herzégovine. Donc, encore une fois, il
20 y a quelque chose qui manque, n'est-ce pas ?
21 R. A prime abord vous avez bien remarqué qu'il s'agit ici d'une
22 conclusion universelle pour l'ensemble de la population de la BiH. Mais
23 ensuite j'emploie une deuxième variable qui s'appelle : "Le taux de
24 natalité différencié," et qui - je ne peux pas vous donner le paragraphe à
25 ce moment-ci - mais il est cité pour chaque groupe national et une forme
26 statistique qui est utilisée ici afin de pouvoir effectuer une
27 différenciation par rapport à différentes tranches d'âge. Car dans ce
28 rapport on n'a pas ventilé les tranches d'âge par groupe national, c'est la
Page 35417
1 raison pour laquelle j'ai dû faire mes calculs, mes propres calculs et mes
2 propres normes pour calculer ces chiffres.
3 M. FILE : [interprétation] Eh bien, je remarque l'heure, Monsieur le
4 Président, vous m'aviez demandé cinq minutes donc je vais continuer demain.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Nous allons continuer demain,
6 Docteur Pasalic, mais avant que je ne lève l'audience je voudrais aborder
7 trois questions.
8 La première étant la suivante : La Chambre rendra une décision orale
9 concernant la déposition du général Krstic. Le 7 février 2013, suite au
10 refus de Radislav Krstic de déposer dans cette affaire en l'espèce pour des
11 raisons médicales, la Chambre a enjoint le Greffe à déposer un rapport
12 médical détaillé évaluant l'état de santé mental et physique de M. Krstic
13 et de voir si je cite :
14 "Le fait de déposer dans cette affaire en l'espèce pourrait nuire à
15 la santé de M. Krstic, et si oui, de quelle façon ?"
16 Et s'il est apte à comprendre les questions qui lui sont posées et de
17 répondre de manière rationnelle et véridique aux questions qui lui seraient
18 posées.
19 Conformément à cette ordonnance, la Chambre a reçu la requête du Greffier
20 adjoint relative à un rapport d'expert médical indépendant déposée
21 confidentiellement le 8 mars 2013. La Chambre a pris connaissance du
22 rapport médical et des réponses données par le neuropsychiatre traitant
23 concernant l'état de santé de M. Krstic et si le fait de déposer dans cette
24 affaire pourrait nuire à son état de santé, et si ce dernier pourrait venir
25 déposer en tant que témoin.
26 A la lumière de la réponse donnée à la question 2 de la page 7 du rapport,
27 la Chambre n'estime pas que les préoccupations soulevées dans la réponse à
28 la question 1 pourraient exclure la déposition de M. Krstic dans cette
Page 35418
1 affaire. A la lumière de ce rapport, la Chambre estime qu'il n'y a aucune
2 raison médicale qui pourrait faire en sorte que M. Krstic ne se conforme
3 pas au subpoena qui lui a été remis le 12 octobre 2012 selon lequel il a
4 reçu l'ordonnance de venir déposer dans cette affaire en l'espèce. La
5 Chambre ordonne à M. Krstic de venir déposer dans cette affaire le lundi 25
6 mars 2013.
7 La Chambre enjoint le Greffe de prendre les mesures nécessaires par rapport
8 à ceci et de communiquer cette décision à M. Krstic et à ses représentants
9 juridiques.
10 La Chambre réitère qu'un manquement de se conformer au subpoena constitue
11 un outrage au tribunal en vertu de l'article 77 du Règlement de procédure
12 et de preuve qui est passible d'une peine d'emprisonnement ne dépassant pas
13 sept ans et d'une amende n'excédant pas 100 000 Euros.
14 La prochaine décision a trait au subpoena Puhalac. En évaluant la requête
15 de l'Accusation pour une injonction à comparaître donnée à M. Slavko
16 Puhalac, déposée le 1er mars 2013, la Chambre a noté que dans la déclaration
17 jointe en tant qu'annexe confidentielle à la requête, le chargé du dossier
18 de l'accusé a fait référence à un nom différent -- un nom de famille
19 différent pour ce témoin ainsi qu'un autre numéro 65 ter pour la
20 déclaration du témoin qui a été fournie à l'équipe de la Défense et que
21 celle-ci est différente à celle qui figure dans la requête.
22 La Chambre note que le document 65 ter qui a été fourni dans la déclaration
23 porte sur la déclaration pour un autre témoin qui a déjà déposé dans cette
24 affaire. Monsieur Robinson, pourriez-vous, je vous prie, nous donner cette
25 information demain ?
26 Ensuite je voudrais parler du Témoin Milan Martic. La Chambre a reçu une
27 liste de témoins pour la semaine prochaine mais nous nous apercevons que
28 Milan Martic n'est pas là étant donné que la Chambre a donné une ordonnance
Page 35419
1 -- une ordonnance de la Chambre qu'une semaine est suffisante pour que le
2 témoin puisse comparaître et il est possible bien sûr de le récoler entre-
3 temps. La Chambre exprime sa préoccupation concernant sa déposition, à
4 savoir que celle-ci pourrait être retardée. Je m'attendrais donc à ce que
5 mes -- Milan Martic vienne déposer immédiatement après la déposition de M.
6 Krstic dans la semaine du 25.
7 M. ROBINSON : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
9 M. ROBINSON : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
11 --- L'audience est levée à 14 heures 48 et reprendra le jeudi 14 mars 2013,
12 à 9 heures 00.
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28