Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 13 mars 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Avant que de reprendre la déposition du témoin, la Chambre va maintenant

  7   présenter sa décision orale sur l'admission des documents. 1D7846 de la

  8   liste 65 ter, débattu le 7 mars 2013, 2013, je dis bien, au cours de la

  9   déposition de Mane Djuric, et le document 1D855 de la liste 65 ter débattu

 10   le 11 mars 2013 au cours de la déposition de Tomislav Puhalac.

 11   Le document 1D7846 de la liste 65 ter est une déclaration présentée

 12   par Fikret Muminovic au poste de sécurité publique de Milici le 4 avril

 13   1992, et le document 1D855 de la liste 65 ter est une déclaration présentée

 14   par Senad Memic, représentant officiel du MUP de la Republika Srpska, le 14

 15   avril 1992.

 16   Etant donné les requêtes des parties quant à l'admission de ces deux

 17   documents la Chambre considère qu'il est nécessaire de rappeler sa

 18   pratique, selon laquelle les déclarations de partie tierce qui ne sont pas

 19   préparées aux fins des procédures au pénal actuelles ne seront admises que

 20   si elles font l'objet de commentaire ou qu'elles sont confirmées ou encore

 21   adoptées par le témoin à la barre. Ces deux documents relèvent de cette

 22   catégorie. Plus précisément, la Chambre est convaincue que Djuric a apporté

 23   ses observations suffisantes sur le document 1D7846 65 ter, aux fins

 24   d'admission. La Chambre donc accorde une cote MFI au document 1D7846 sous

 25   réserve de réception de sa traduction anglaise.

 26   En ce qui concerne 1D855, la Chambre rappelle que l'accusé a déjà

 27   demandé son admission à deux occasions antérieures. Tout d'abord, lors de

 28   la déposition de Robert Donia, le 9 juin 2010, et une deuxième fois au


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  1   cours de la déposition de Momcilo Mandic, le 8 juillet 2010, à ces deux

  2   occasions, la Chambre a rejeté son admission. Le 11 mars 2013 - 2013, je

  3   répète - Puhalac a apporté une taille supplémentaire quant à la source du

  4   document et a présenté sa position concernant l'exactitude de sa teneur. La

  5   Chambre est donc convaincue que 1D855 peut maintenant être versé et admis.

  6   Le Greffier affectera les cotes aux pièces pertinentes et ce, en bonne et

  7   due forme.

  8   Cela étant, peut-on faire venir le témoin ?

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 1D7846 de la liste 65 ter

 10   reçoit la cote MFI D3120 et le document 1D855 de la liste 65 ter reçoit la

 11   cote D3121.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   [Le témoin vient à la barre]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Tesic.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous voulez bien vous asseoir.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons continuer votre contre-

 20   interrogatoire.

 21   Monsieur Nicholls ?

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 23   LE TÉMOIN : ALEKSANDAR TESIC [Reprise]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   Contre-interrogatoire par M. Nicholls : [Suite]

 26   Q.  [interprétation] Monsieur Tesic --

 27   R.  Est-ce que vous pourriez parler un peu plus fort ? Je ne saurais vous

 28   entendre.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Notre huissière va vous aider.

  2   Monsieur Tesic, est-ce que vous m'entendez bien, maintenant ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je vous entends.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Tesic, lorsque nous en avons terminé hier, j'avais commencé à

  6   aborder le paragraphe 41 de votre déclaration que vous avez remis à la

  7   Défense où vous déclarez que :

  8   "Le soir du 13 au 14 juillet, j'ai vu plusieurs autocars où se trouvaient

  9   des Musulmans dans la ville de Bratunac. A l'époque, je pensais que ces

 10   personnes allaient -- étaient de Potocari et ne pourraient être

 11   transportées de la nuit. Il n'y a pas de soldats dans la ville," et cetera.

 12   Le lendemain, j'ai appris qu'il y avait plusieurs cadavres de

 13   Musulmans qui se trouvaient à l'école secondaire Vuk Karadzic."

 14   Conviendrez-vous avec moi que le 13 juillet, à Bratunac, des journées que

 15   vous avez décrites comme étant critiques, hier, il y avait des autocars et

 16   des camions de Musulmans qui avaient été séparés des autres et capturés, et

 17   ce, un peu partout à Bratunac ?

 18   R.  Eh bien, je peux dire précisément que c'était dans tout Bratunac. J'ai

 19   vu des autocars devant le bâtiment -- les bâtiments municipaux, trois

 20   quatre ou cinq d'entre eux et dans une petite ville qui allait à l'école

 21   élémentaire. Combien d'autocars il y avait en nombre exact, je l'ignore car

 22   je ne les ai vus que le soir et encore une fois, je ne me souviens pas si

 23   c'était le 13 ou le 14 avec précision.

 24   Alors, j'étais à mon bureau et de là, l'on voyait les autocars, si

 25   vous regardiez par la fenêtre, mais je sentais également les gaz

 26   d'échappement des autocars, parce que les moteurs étaient allumés. C'est

 27   ainsi que je les ai remarqués. Je suis allé à l'entrée du bâtiment et j'ai

 28   vu que ces autocars étaient remplis de passagers.


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  1   C'est tout ce que je peux dire.

  2   Q.  Donc, c'est votre déposition, que vous n'avez pas quitté le bureau le

  3   13, vous n'avez vu que ce que vous nous avez relaté, et ce, de devant le

  4   bâtiment municipal, au centre de la ville.

  5   R.  Oui. Je ne me suis pas promené dans la ville pour aller voir quelque

  6   chose de particulier. Ce que j'ai vu, c'est principalement ce que je vous

  7   relate ce soir-là.

  8   Q.  Et ce qui veut dire que vous étiez dans votre bureau, parce que comme

  9   vous l'avez déclaré dans votre déposition la dernière fois que vous êtes

 10   venu déposer ici, T7843, je vous rappelle la référence :

 11   "En ce qui concerne le 13, je ne saurais dire avec sûreté, je ne me

 12   souviens pas où j'étais. J'étais sans doute dans mon bureau parce que je

 13   préparais des documents pour le lendemain, car il y avait nombre de

 14   documents pour envoyer ces recrues le lendemain, le 14."

 15   Est-ce exact ?

 16   R.  Oui, oui, oui. C'est cela. Car j'avais des instructions, donc un appel

 17   ordinaire pour des modalités ordinaires de mon travail et nous avions

 18   préparé des documents et donc, j'ai escorté les recrues jusqu'au point de

 19   rassemblement à Zvornik.

 20   Q.  Nous arriverions. Parce qu'il s'agit du 14, le lendemain. Alors, les

 21   hommes dans ces autocars, ceux que vous pouviez voir étaient des

 22   prisonniers n'est-ce pas ? Et ils n'étaient pas de Potocari qui -- c'était

 23   des passagers de Potocari qui s'étaient arrêtés pour passer la nuit, n'est-

 24   ce pas ?

 25   R.  Eh bien, croyez-moi, je vous en prie, je l'ignore. A ce moment-là, je

 26   pensais qu'il s'agissait de personnes qui avaient été à Potocari et qui ne

 27   pouvaient que transporter pendant la journée sur le territoire contrôlé par

 28   les Musulmans et qu'ils attendaient l'aube pour pouvoir les emmener.


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  1   Q.  Très bien. Eh bien, Potocari, il y a des témoignages d'autres témoins.

  2   Il s'agit donc d'une -- et cela se trouve à quelques kilomètres d'ici. Les

  3   Juges de la Chambre en sont informés. Il s'agit peut-être de prendre la

  4   route, en cinq minutes, on se trouve de Bratunac pour se trouver au centre

  5   de Potocari, Oui, c'est à cinq kilomètres environ.

  6   r.  Oui, c'est environ ça.

  7   Q.  Donc, pour emmener des gens de Potocari et ce que je vous avance, c'est

  8   que s'il s'agissait de prisonniers, non pas des femmes et des enfants, mais

  9   toute autre personne de Potocari, qui peut prendre cent kilomètres et

 10   ensuite s'arrêter le soir et les garder à l'autocar, ce sont des personnes

 11   qui étaient -- si c'étaient des personnes de Potocari qui ne pouvaient

 12   aller nulle part de leur propre gré. Est-ce que -- pourquoi est-ce que vous

 13   ne les laisseriez pas rentré chez eux à Srebrenica plutôt de les faire

 14   monter dans un autocar et de les garder dans la rue ?

 15   R.  Ne me posez pas la question. Je ne sais pas. Je n'en sais rien. Je vous

 16   ai dit que à l'époque, c'est ce que je pensais. A savoir si c'était la

 17   réalité, ça, je ne pourrais vous le dire ni pourrais-je dire quoi que ce

 18   soit à ce sujet maintenant, parce que je ne sais pas.

 19   Q.  Donc, vous êtes là, vous ne savez pas si c'étaient des prisonniers,

 20   donc, qui étaient retenus ce soir-là, le 13, à Bratunac en juillet 1995 et

 21   ça, c'est votre témoignage exact et franc aujourd'hui.

 22   R.  Je peux vous dire à nouveau que je ne sais pas si ces personnes étaient

 23   des prisonniers ou si c'était des gens de Potocari. A l'époque, je pensais

 24   que c'était des gens de Potocari. Si c'était des prisonniers ou encore des

 25   personnes qui voulaient être transférées ailleurs, ça, à l'époque, je n'y

 26   ai pas réfléchi.

 27   Q.  Donc, dans votre bureau dans le bâtiment municipal, puisqu'il y avait

 28   des milliers de personnes dans ces autocars qui n'étaient pas des


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  1   prisonniers et qui étaient transférées de leur propre gré, vous en avez vu

  2   des centaines qui sortaient des autocars et les camions qui se

  3   dérouillaient les jambes, qui allaient à l'hôtel Fontana pour y boire un

  4   verre ou peut-être trouver un repas puisqu'ils étaient tout simplement

  5   accueillis à bras ouvert à Bratunac.

  6   R.  Eh bien, ça, c'est du sarcasme. Je ne pense pas que c'était ainsi, et

  7   ce n'était pas ainsi d'ailleurs. Je sais simplement qu'il n'y avait pas de

  8   militaires à Bratunac. Il y avait des personnes âgées, des femmes et des

  9   enfants, et ceux qui étaient dans les autocars, les passagers que j'ai vus

 10   dans les autocars, étaient gardés par une personne que ce soit un soldat ou

 11   un agent de la police militaire. Cela, je ne saurais le dire avec

 12   certitude, mais s'ils l'avaient souhaité, ils auraient pu sortir de

 13   l'autocar et tout simplement prendre à bras le corps ce soldat qui était

 14   seul. C'est ainsi que j'ai vu la chose, mais ils étaient assis

 15   tranquillement, calmement sur le siège dans l'autocar.

 16   Q.  Alors je vais maintenant vous montrer le document D00622, qui est une

 17   déclaration de la Défense, d'un agent de police militaire de Bratunac dont

 18   le nom est Mile --

 19   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation]

 21   Q.  -- et il parle de la façon dont il gardait les autocars à Bratunac, ce

 22   soir-là. Donc tout d'abord, les passagers n'étaient pas libres de partir.

 23   Deuxièmement, il y avait des soldats à Bratunac pour garder ces

 24   prisonniers, n'est-ce pas ?

 25   R.  Et bien, quand j'ai quitté le bâtiment municipal, j'ai vu comme je l'ai

 26   déjà dit qu'il y avait une personne qui gardait ces autocars, et je présume

 27   qu'il s'agissait de l'escorte qui accompagnait ces personnes à leur

 28   destination finale, l'endroit où ils se rendaient. C'est tout ce que je


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  1   sais.

  2   Q.  Je vais vous lire un extrait de votre témoignage.

  3   Vous n'étiez pas averti, ça c'est P7844, qu'il y avait des prisonniers, des

  4   hommes musulmans qui étaient retenus à l'école Vuk Karadzic, ou dans le

  5   hangar. Vous ne le saviez pas, n'est-ce pas ?

  6   R.  A l'école élémentaire ? Je ne m'y suis pas rendu. Je n'ai rien vu.

  7   Q.  Répondez si vous voulez bien, oui ou non. Je vais vous lire votre

  8   réponse dans votre témoignage dans Blagojevic.

  9   "Réponse. Non, je n'en étais pas averti, par la suite, bien sûr, j'ai

 10   entendu dire [inaudible] mais bien plus tard."

 11   Donc ce n'est que bien plus tard que vous avez découvert que des

 12   Musulmans ou du moins vous avez entendu dire que des hommes musulmans

 13   avaient été retenus dans le hangar ou à l'école Vuk Karadzic.

 14   R.  Oui. J'ai entendu dire par la suite qu'il y avait eu des

 15   prisonniers qui s'y trouvaient, peut-être quelques jours plus tard. Il

 16   était impossible de le dissimuler. Ceux qui voulaient s'informer, ceux qui

 17   passaient devant l'école pouvaient sans doute les voir. Mais je ne m'y suis

 18   rendu, moi, je ne l'ai pas vu.

 19   Q.  Notre thèse est qu'il y avait des Musulmans qui étaient retenus

 20   dans l'école Vuk Karadzic, dans le préau derrière l'école et dans le stade,

 21   tous ces bâtiments se trouvant à cinq minutes de votre bureau, du bâtiment

 22   de la municipalité où vous vous trouviez. Et les Juges de la Chambre s'y

 23   sont rendus et ont effectué ce trajet. Donc c'était, vous vous trouviez à

 24   un jet de pierres de là; est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Très bien. Vous avez dit dans votre témoignage --

 27   R.  Oui, oui, j'en conviens.

 28   Q.  Très bien. Et vous avez déclaré que ce soir-là, dans le bâtiment de la


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  1   municipalité, à quelques cinq minutes de là, vous n'avez pas entendu de tir

  2   de coup de feu, vous n'avez rien entendu ?

  3   R.  Je n'arrive pas à me souvenir exactement de cela. Peut-être qu'il y a

  4   eu des coups de feu, mais je ne peux pas le confirmer. Je ne peux pas

  5   confirmer d'où provenaient des tirs non plus. Moi, si j'étais dans mon

  6   bureau, je ne pouvais pas les entendre.

  7   Il est possible qu'il y a eu des tirs mais je ne dis pas que des tirs

  8   provenaient des bâtiments que vous venez de citer. Peut-être qu'il y avait

  9   des tirs dans la ville.

 10   Q.  Permettez-moi de vous poser cette question. Est-ce qu'il est habituel

 11   lorsque vous travaillez dans le bâtiment municipal pour préparer vos

 12   documents pour le jour suivant, est-ce qu'il y est habituel, est-ce qu'il

 13   est normal de pouvoir entendre des tirs d'armes automatiques provenant de

 14   moins de cinq minutes de marche par rapport à votre bureau. Est-ce que cela

 15   n'aurait pas été quelque chose d'alarmant ?

 16   R.  Oui, cela aurait été certainement quelque chose qui aurait prêté à

 17   confusion puisqu'on n'entend pas cela en temps de paix, mais c'était la

 18   guerre, et rien ne pouvait vous surprendre.

 19   Q.  Bien. Vous auriez pu penser qu'il s'agissait d'un combat à Bratunac, au

 20   centre de la ville, et pour vous, cela n'aurait pas été quelque chose

 21   d'inquiétant ?

 22   R.  Non, non, je ne dis pas qu'il s'agissait de combat. Chez nous, on tire

 23   sans raison parfois. Moi, je ne conteste pas que peut-être il y a eu des

 24   prisonniers mais je ne les ai pas vus, et je n'ai pas entendu dire que

 25   quelqu'un aurait tiré sur les prisonniers. Je n'étais pas là-bas, je ne

 26   peux pas confirmer cela. Je ne sais pas ce que vous voulez que je vous dise

 27   là-dessus.

 28   Q.  Bien. Quelqu'un qui est né à Bratunac, qui vivait à Bratunac, qui était


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  1   à Bratunac en 1992 et qui sait qu'à Bratunac il y a eu des événements

  2   tristement célèbres, à savoir que les Musulmans, des prisonniers musulmans

  3   ont été emmenés à l'école Vuk Karadzic, au stade pour être tués, qu'il y a

  4   eu des meurtres commis par les tirs d'armes automatiques, et qu'il y avait

  5   des Musulmans qui ont été probablement tués dans l'école Vuk Karadzic, en

  6   1992.

  7   R.  Je n'entends pas votre question très bien, excusez-moi, pouvez-vous

  8   répéter cette question.

  9   Q.  Je vais répéter. Puisque vous savez qu'en 1992 les Musulmans ont été

 10   tués à l'école Vuk Karadzic et au stade, et qu'il y avait des Musulmans

 11   partout à Bratunac, en 1995, encore une fois, et que vous avez entendu des

 12   tirs d'armes automatiques, pourquoi n'étiez-vous pas inquiet en tant que

 13   membre du ministère de la Défense pour ce qui est d'éventuels nouveaux

 14   meurtres qui allaient se produire ?

 15   R.  A ce moment-là, je n'ai pas pensé à cela. Je ne savais pas que d'autres

 16   meurtres allaient se produire. Si j'avais su cela, en tout cas j'aurais été

 17   inquiet et préoccupé de ce fait.

 18   Q.  Bien. Continuons.

 19   Vous avez appelé ces jours, jours critiques. Vous avez vu des

 20   autocars bondés de gens qui se trouvaient devant le bâtiment de la

 21   municipalité, que les Musulmans se trouvaient à bord de ces autocars. Vous

 22   avez dit que ces Musulmans auraient pu combattre les gardes. Nous avons

 23   entendu dans ce procès que les Musulmans de Bratunac et de Srebrenica

 24   étaient dangereux, les membres de la 28e Division, qu'il y avait des unités

 25   musulmanes qui avaient commis des crimes. Vous avez également dit qu'il n'y

 26   avait pas de soldat dans la ville. Mais maintenant vous êtes ici, mais là-

 27   bas, vous avez 41 ans à l'époque, vous aviez un uniforme, êtes-vous certain

 28   que vous n'êtes pas allé pour aider les gardes à garder ces prisonniers,


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  1   les prisonniers qui étaient aptes à porter les armes, pour aider les

  2   policiers à Bratunac, pour garder ces prisonniers.

  3   Est-ce que cette tâche n'aurait pas été plus importante que la tâche

  4   administrative ?

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne crois pas que l'interprétation fournie --

  6   pourrait être comprise par qui que ce soit. Je pense que quelque chose ne

  7   va pas pour ce qui est de l'interprétation de cette question.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vais répéter ma question et je vais être

  9   très simple.

 10   Q.  Pourquoi ne vous seriez-vous pas rendu là-bas pour garder les

 11   prisonniers puisqu'il n'y avait pas de soldat et il n'avait pas beaucoup de

 12   policiers lors de ces journées critiques à Bratunac avec tous ces Musulmans

 13   présents dans la ville ?

 14   R.  J'étais chef du département du ministère de la Défense. J'étais civil.

 15   Je n'étais pas un militaire. C'est la première chose.

 16   La deuxième chose, j'avais des tâches précises et je ne pouvais pas

 17   m'occuper de la sécurisation des autocars et des prisonniers, comme vous

 18   l'avez suggéré. Ces jours-là, ma tâche était, comme je l'ai déjà dit, de

 19   préparer les documents concernant la mobilisation des recrues et pour les

 20   envoyer au service militaire obligatoire.

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   R.  Et si je dis qu'il n'y avait pas de soldats après la chute de

 23   Srebrenica -- est-ce que je puis continuer ma réponse ?

 24   Q.  Non. Non, puisque c'est à la Chambre d'en décider, mais vous avez

 25   répondu à ma question et d'ailleurs je ne dispose pas de suffisamment de

 26   temps. Mais j'ai compris que votre tâche n'était pas de vous occuper de la

 27   sécurité des prisonniers, indépendamment des conditions qui prévalaient à

 28   Bratunac à l'époque ?


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  1   R.  Cela ne faisait pas partie de mes tâches et de mon travail de garder

  2   les prisonniers.

  3   Q.  Bien. Pourtant l'une des tâches, et nous avons parlé de cela hier,

  4   l'une des tâches de la protection civile était de procéder à

  5   l'assainissement du terrain. Ljupko Ilic se trouvait dans le même bâtiment,

  6   et vous avez appris le lendemain matin, qu'il y avait des cadavres trouvés

  7   partout dans la ville : au stade, à l'intérieur de l'école et à l'extérieur

  8   de l'école Vuk Karadzic, dans le hangar aussi ?

  9   R.  C'est vrai que Ljupko Ilic travaillait dans le même bâtiment, c'est

 10   Ljupko Ilic qui m'a informé du fait que plusieurs cadavres ont été trouvés

 11   près de l'école ou à l'intérieur de l'école primaire Vuk Karadzic. Et pour

 12   ce qui est des cadavres qui auraient été trouvés partout dans la ville ou

 13   au stade, je n'en sais rien.

 14   Q.  Bien. Zoran Petrovic-Pirocanac a déposé dans cette affaire. Et il est

 15   journaliste indépendant de Belgrade. Il a voyagé avec Ljubisa Borovcanin,

 16   que vous connaissez certainement. Et Pirocanac a passé la nuit, du 13

 17   juillet à Bratunac, et il a vu - et c'est ce qu'il a déposé en page du

 18   compte rendu 18817 pour ce qui est de la pièce P00376, il dit que "il y

 19   avait un camion bondé de cadavres musulmans dans le centre de la ville."

 20   Donc un journaliste qui se rend là-bas qui n'est pas originaire de là-bas

 21   était en mesure de savoir plus que vous pour ce qui est du nombre de

 22   cadavres trouvés, donc plus que vous, qui étiez membre de la protection

 23   civile.

 24   R.  Je répète encore une fois, je ne suis pas membre de la protection

 25   civile. Et je ne sais pas où Zoran Pirocanac aurait pu voir cela. Je ne nie

 26   pas qu'il y avait eu des crimes commis. Tout le monde est au courant de

 27   cela, mais pour ce qui est de ces crimes et de leur perpétration, je ne les

 28   ai jamais vus lorsque je suis passé par Kravica le 14 pour me rendre à


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  1   Zvornik avec nos recrues. Et en 1992, non plus. Parce que vous ne m'avez

  2   pas posé la question concernant le hangar.

  3   L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend : Là, j'y étais et j'ai vu cela.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation]

  5   Q.  Nous allons y arriver. Poursuivons, je pense qu'on peut aborder un

  6   nouveau sujet.

  7   Vous êtes d'accord avec moi pour dire que vous-même ainsi que le monde

  8   entier était au courant du fait que le 13 juillet 1995 des crimes ont été

  9   commis contre les prisonniers musulmans à Bratunac. C'est ce que vous venez

 10   de dire, n'est-ce pas ?

 11   Et après on va poursuivre.

 12   R.  S'il vous plaît, je n'ai pas dit qu'à ce moment-là j'étais au courant

 13   de l'événement qui s'est produit. J'ai dit qu'aujourd'hui le monde entier

 14   est au courant de cela. Mais je ne sais pas combien de temps après le 13 ou

 15   le 14 j'ai appris qu'il s'agissait d'un crime en masse. Mais à l'époque,

 16   non, je n'étais pas au courant de cela.

 17   Le 14, j'ai vu les conséquences du crime en masse à Kravica, à savoir j'ai

 18   vu les cadavres devant ce bâtiment là-bas.

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] D'abord.

 21   Il y a beaucoup d'omissions dans le compte rendu. A la page 10, à la

 22   première ligne, le témoin a dit :

 23   "Je ne pensais pas qu'il y aurait eu des meurtres."

 24   Il n'a pas dit :

 25   "Je ne savais pas qu'il y aurait eu des meurtres."

 26   Et ici, il est dit -- donc c'est à la page 10, première ligne. Et ici aussi

 27   dans le compte rendu - juste un instant - le témoin a dit que :

 28   "Beaucoup de temps après les faits," -- après le 13 et le 14 juillet, il a


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  1   reçu certaines informations. Il a dit -- il n'a pas dit "une certaine

  2   période de temps après les faits," il a dit "beaucoup de temps après les

  3   faits."

  4   M. NICHOLLS : [interprétation] Bien. Merci, Monsieur Karadzic. J'ai voulu

  5   qu'on poursuive mais on peut y revenir.

  6   Q.  Combien de temps s'est écoulé après que les crimes en masse avaient été

  7   commis dans votre ville et plus tard à Zvornik ? Donc combien de temps

  8   s'est écoulé jusqu'au moment où vous avez appris ces crimes ?

  9   R.  Je ne sais pas exactement. Peut-être que c'était en été. Plus tard en

 10   été. Mais pour ce qui est du chiffre avancé de 7 000 personnes, je pense

 11   qu'on a appris cela beaucoup de temps après les faits, peut-être quelques

 12   mois après les faits.

 13   Q.  Pour ce qui est du -- juillet 1995 ? Vous étiez au courant du fait que

 14   beaucoup de meurtres ont été commis au 21 juillet ?

 15   R.  Vous avez dit le 21 juillet 198 --

 16   Q.  1995.

 17   R.  21 juillet 1995. Rappelez-moi ce qui s'est passé à cette date-là

 18   puisque je n'en sais rien.

 19   Q.  Oui, mais jusqu'au 21 juillet 1995, ou avant cette date, est-ce que

 20   vous avez appris que des crimes en masse avaient été commis à Bratunac et à

 21   Kozluk ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  bien. Nous allons encore une fois.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Que la pièce P0498 soit affichée à l'écran.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, en attendant que le document soit affiché, puisque

 26   vous n'êtes pas en mesure de lire l'anglais, et vous ne pouvez pas lire ce

 27   document, je vais vous dire de quoi il s'agit.

 28   Il s'agit de l'article d'un journal britannique qui s'appelle "Indépendant"


Page 35323

  1   du 21 juillet 1995. Concernant votre ville et concernant ces meurtres, le

  2   titre est : "Le meurtre en masse sur le champ en Bosnie, le champ rempli

  3   sang." Et il y a eu une déposition dans cette affaire par rapport à cette

  4   information c'est comme cela qu'on a obtenu cette information ce

  5   journaliste américain ne pouvait pas aller à Bratunac, il a garé sa voiture

  6   en Serbie de l'autre côté de la frontière à Ljubovija, il a pu parler aux

  7   femmes qui passaient en Serbie pour faire des emplettes.

  8   Et il a appris et par la suite il a publié le fait que le 21 juillet les

  9   femmes serbes, qui étaient résidentes en Serbie et à Bratunac, donc que ces

 10   femmes étaient venues pour lui dire par le biais d'un interprète qu'il y

 11   avait eu des meurtres des Musulmans à Bratunac. L'une de ces femmes lui a

 12   dit, en fait, le journaliste a dit que l'une d'entre elles lui a dit que

 13   son frère lui avait parlé de cela ainsi que ces amis qui étaient très

 14   ouverts en parlant de ces meurtres de soldats musulmans. Une des femmes a

 15   décrit l'exécution en masse au stade à Bratunac et que c'était terrible.

 16   Ces femmes ont dit que les sites où ces personnes avaient été tuées - c'est

 17   en page 2 en anglais - elle a également décrit le stade, ainsi que l'école

 18   Vuk Karadzic, et elle a parlé d'une sorte d'entrepôt, probablement hangar

 19   qui se trouvait juste derrière l'école, elle a décrit le camion qui était

 20   chargé de cadavres et qui était garé près de Bratunac.

 21   Et ces articles ont été corroborés par les dépositions de témoins.

 22   Donc votre témoignage est que les femmes au foyer de la Serbie et de

 23   Bratunac savaient davantage de ces meurtres commis à Bratunac que vous-

 24   même, les meurtres qui ont été commis en juillet ?

 25   R.  Les femmes au foyer ou pas, d'après elles, elles étaient au courant de

 26   cela. Moi, je n'étais pas au courant de cela, je ne dirais jamais que

 27   j'étais au courant de cela, puisque je n'étais pas au courant de cela.

 28   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : Les ménagères et non pas les femmes


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  1   au foyer.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] -- je ne me souviens pas que le 21 juillet, il

  3   y a eu des crimes commis à Bratunac, peut-être que oui, mais j'avance que

  4   je n'en savais rien. Peut-être qu'il y a eu des cadavres par-ci, par-là, et

  5   l'unité chargée de l'assainissement du terrain a ramassé ces cadavres sur

  6   le terrain mais, moi, je ne les ai pas vus. Je ne peux pas dire que je les

  7   ai vus, puisque je ne les ai pas vus.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation]

  9   Q.  Je n'ai pas dit que vous aviez vu cela, j'ai dit qu'il s'agissait d'une

 10   petite ville et tout le monde était au courant de ce qui se passait. Mais

 11   continuons.

 12   Le lendemain matin, à savoir le 14 juillet, vous étiez en train de conduire

 13   vos recrues vers Zvornik, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et c'était à peu près vers midi, ce matin-là, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, probablement, peut-être entre 10 h et midi, je ne suis pas

 17   certain. Puisque d'habitude, nous partions à 10 h, peut-être que ce jour-

 18   là, on est parti à 11 h ou à 12 h de Bratunac. 

 19   Q.  Bien. Et dans votre déclaration, vous avez dit que vous avez vu un

 20   grand nombre de cadavres dans l'entrepôt de Kravica, n'est-ce pas ?

 21   R.  Non, pas dans l'entrepôt, mais devant l'entrepôt puisque je ne suis pas

 22   descendu de l'autocar pour pénétrer dans l'entrepôt.

 23   Q.  Bien. J'ai dit près de l'entrepôt.

 24   Jovan Nikolic va déposer aujourd'hui ou demain, et lui, il était présent

 25   près de l'entrepôt de Kravica, le 14, au moment où les exécutions se sont

 26   produites. C'était vers 11 h du matin.

 27   Donc vous avez conduit à bord de la voiture, et vous êtes passé par ce site

 28   d'exécution au moment de l'exécution ou juste après l'exécution ?


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  1   R.  Je n'ai pas vu ces exécutions. Lorsque je suis passé par là, j'ai vu

  2   une foule, il y avait beaucoup de soldats, l'autocar se déplaçait très

  3   lentement. Par moment, on devait s'arrêter. Et près du mur du bâtiment de

  4   la coopérative agricole, il y avait beaucoup de cadavres. Ce qui était un

  5   choc pour moi, même aujourd'hui, lorsque j'y pense, c'est choquant, et

  6   c'était surtout choquant pour les jeunes hommes de 17 ou 18 ans. J'estime

  7   qu'il y avait entre 200 et 300 cadavres devant ce bâtiment qui étaient

  8   empilés. Et cette pile était d'un mètre, un mètre et demi de haut. Au

  9   début, j'ai pensé qu'il s'agissait des bûches qui étaient empilées, mais

 10   lorsque je me suis approché de cette pile, j'ai vu qu'il s'agissait des

 11   cadavres. Nous sommes passés lentement à côté de cette pile de cadavres, et

 12   c'était terrible.

 13   Q.  Bien. Et il y avait beaucoup de soldats là-bas, vous avez déjà dit

 14   cela. Vous avez dit qu'il y avait tant de soldats que vous deviez vous

 15   frayer le chemin avec difficulté. Il y avait des soldats portant des

 16   uniformes variés, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, principalement il s'agissait des uniformes militaires de

 18   différents aspects, des uniformes de camouflage avec, je n'ai pas pu voir

 19   les insignes qui se trouvaient sur ces uniformes.

 20   Et pour ce qui est de ma déposition précédente, dans l'affaire concernant

 21   le colonel Blagojevic, j'ai dit également que même si je suis originaire de

 22   Bratunac, et même si je travaille dans le secteur où je dois connaître les

 23   gens qui sont des recrues militaires, au moins un mille --

 24   Q.  Je vous arrête ici parce que je sais que vous allez dire que vous

 25   n'avez reconnu personne de Bratunac, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Très bien. Je voulais simplement vous éviter de perdre du temps. Alors

 28   vous êtes passé à côté des soldats, vous marchez lentement, vous ne pouvez


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  1   pas -- vous vous déplacez lentement. Pourquoi ne vous êtes-vous pas arrêté,

  2   baissez la fenêtre pour voir ce qui s'est passé, et pour dire "que se

  3   passe-t-il ici" ? Parce que cela ne faisait pas partie de vos tâches non

  4   plus ?

  5   R.  Ma tâche consistait à remettre les personnes au centre de rassemblement

  6   à Zvornik, et il fallait que l'on transfère ces personnes à trois endroits

  7   différents. Certaines personnes devaient être allés à Bijeljina, d'autres à

  8   Banja Luka, d'autres à Banjaca, certaines personnes également à Kalinovik,

  9   et cetera, afin de ne pas être en retard. C'est simplement ceci.

 10   Q.  Je vous arrête ici. Je ne vous demande pas de nous dire où se

 11   trouvaient ces recrues. Mais je voulais simplement m'assurer que l'on se

 12   comprenne bien. Alors c'est à 15 minutes de Bratunac, de votre ville, il y

 13   a des centaines de cadavres qui sont alignés, qui sont là, et les soldats

 14   sont là, et pour vous, il est plus important d'arriver à temps plutôt que

 15   d'arrêter, et de voir ce qui s'est passé, qui était tué, que s'est-il

 16   passé. Vous êtes en train de regarder votre montre, et de dire, non, non,

 17   je ne veux surtout pas être en retard.

 18   R.  Eh bien, ce n'est pas exact. Tout d'abord, j'avais très peur. Je

 19   voulais sortir, enfin j'avais très peur de sortir devant ces personnes

 20   armées. Il y avait tellement de morts, et j'avais la responsabilité de ces

 21   jeunes.

 22   Et donc lorsque j'ai terminé ma tâche, mon travail à Zvornik, dès que

 23   je suis revenu, peut-être vers 14 h, je suis allé immédiatement voir les

 24   dirigeants de la municipalité, et je leur ai dit ce que j'avais vu. Et ils

 25   m'ont dit qu'ils avaient eu des renseignements à ce sujet, et que Jovan

 26   Nikolic, le directeur de la coopérative agricole leur en avait déjà, enfin

 27   il les avait déjà informés.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais simplement ajouter quelque chose


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  1   plutôt poser une question.

  2   Vous avez ce genre de commentaire ne me serait pas permis, des commentaires

  3   comme on le voit à la page 16. Alors je voulais savoir si M. Nicholls a des

  4   privilèges particuliers. Ligne 24, ligne 25, page 16.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.

  6   Vous aimeriez que je demande au témoin de répondre par rapport à ce

  7   commentaire ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je voulais simplement vous dire que vous

  9   m'avertissez chaque fois.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Restons-en là.

 11   De combien de minutes auriez-vous encore besoin, Monsieur Nicholls

 12   pour conclure ?

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-être cinq minutes, Monsieur le

 14   Président.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Poursuivez, je vous prie.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation]

 17   Q.  Très brièvement. Veuillez, je vous prie, répondre à cette question par

 18   oui ou non. Alors est-ce que vous vous souvenez qu'en septembre 1995, il y

 19   avait une opération de grande envergure dont l'objectif était de déplacer

 20   les cadavres des victimes de l'entrepôt de Kravica d'un endroit à l'autre,

 21   c'est-à-dire qu'ils avaient été enterrés à un certain endroit, à Glogova et

 22   qu'une opération avait été lancée pour le déplacer de cet endroit-là ?

 23   R.  Je n'avais aucune connaissance de ceci pendant très longtemps. Mais

 24   plus tard, je ne sais pas combien de temps après exactement, on a entendu

 25   parler de ce déplacement. Mais je ne sais pas d'où, je ne sais pas où non

 26   plus je préférais ne pas le savoir et ne rien -- ne pas voir certaines

 27   choses.

 28   Q.  Oui, bien. D'accord. Parlons maintenant de 1992 très rapidement. Dans


Page 35328

  1   votre déclaration donnée auprès du MUP de la RS -- 65 ter 24748,

  2   déclaration que vous avez fait en 2005.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Et je demanderais que l'on affiche ce

  4   document, s'il vous plaît.

  5   Q.  Pendant que l'on attend l'affichage de ce document que vous avez fait

  6   auprès du poste de police de Bijeljina le 28 décembre 2005, donc

  7   déclaration que vous avez faite le 26 décembre 2005, j'aimerais vous

  8   demander si c'est bien au poste de police de Bijeljina que vous l'avez

  9   faite ?

 10   R.  Oui, c'était un inspecteur du centre de sécurité publique de Bijeljina,

 11   effectivement. C'est auprès d'eux que j'ai fait cette déclaration.

 12   Q.  Oui, très bien. Je vous arrête ici pour vous demander, donc, vous vous

 13   rappelez de cette déclaration, de l'avoir faite ?

 14   R.  Oui. Je me rappelle d'avoir fait une déclaration, effectivement. Oui,

 15   je vous écoute.

 16   Q.  Oui, effectivement. Et donc vous avez dit la vérité dans cette

 17   déclaration. C'est ce que -- c'est-à-dire, on vous a -- à l'époque, on vous

 18   a mis en garde et vous avez prêté serment de dire la vérité.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  A la page 3, en l'anglais et à la page 2 en serbe -- en fait, on ne

 21   peut pas voir le haut de la page, mais c'est la page qui commence par la

 22   phrase "Le commandant et le groupe consistaient…" et cetera, et cetera.

 23   C'est sur le groupe de Vukovar. Vous avez dit :

 24   "Je pense que leur objectif était de faire peur à la population

 25   musulmane et de faire une pression auprès de ces derniers afin qu'ils

 26   partent. Et c'est un résultat qu'ils ont obtenu partiellement, parce que,

 27   plus tard, ils ont rassemblé et maltraité et tué les Musulmans et donc,

 28   c'était à l'époque où un exode majeur de Musulmans de Bratunac a eu lieu."


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  1   Et plus tard, vous dites, après que vous avez parlé du meurtre de

  2   Zoran Zekic, vous avez dit :

  3   "S'agissant de Miroslav Deronjic, qui était le président de la

  4   cellule de Crise, celui qui a mené cette -- celui qui a mené les hommes

  5   armés au village de Glogova."

  6   Donc, il y a eu un exode de grande envergure, parce que ces derniers

  7   avaient peur et ils avaient subi une grande pression, n'est-ce pas ?

  8   R.  Ce que j'ai dit dans cette déclaration est exact. C'est ce que j'ai

  9   dit. Et voilà, c'est tout.

 10   Q.  Merci, merci. Non, merci. Je vais avancer rapidement, parce que je n'ai

 11   pas beaucoup de temps.

 12   R.  Très bien, d'accord, allez-y.

 13   Q.  J'aimerais que l'on affiche votre déclaration de 2003.

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est une déclaration qui porte le numéro

 15   24747 de la liste 65 ter.

 16   Q.  Vous l'aviez également faite auprès du MUP, celle-ci également. Prenons

 17   la page 3 en anglais et la page 3 en serbe.

 18   Vous y dites :

 19   "Les autorités municipales, la cellule de Crise s'est opposée à ce qu'on --

 20   à ceci et a décidé d'expulser le groupe de la municipalité -- au poste de

 21   police --"

 22   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de la cabine française : Monsieur le

 23   Procureur lit beaucoup trop rapidement nous n'arrivons pas à le suivre.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation]

 25   Q.  "… je ne sais pas non plus qui a organisé les réunions de protestation

 26   contre la mise en œuvre de cette décision. Un grand rassemblement de

 27   protestation a été tenu au centre de la ville. Les citoyens ont protesté

 28   contre la décision adoptée pour expulser les groupes paramilitaires et je


Page 35330

  1   me souviens qu'ils ont crié des slogans, Est-ce que vous allez expulser nos

  2   libérateurs ?"

  3   Vous souvenez d'en avoir parlé hier -- c'est-à-dire --

  4   L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend.

  5   M. NICHOLLS : [interprétation]

  6   Q.  Votre frère a déposé sur ceci hier et il a dit :

  7   "Les autorités n'étaient pas aussi restrictives quant aux autorités --

  8   unités paramilitaires." Et vous décrivez la manière dont les autorités

  9   pensaient qu'ils devraient expulser les unités paramilitaires pour soutenir

 10   la population.

 11   "Et donc, ces personnes se sont rassemblée devant le bâtiment

 12   municipal et n'ont pas permis ou n'ont pas exprimé leur soutient pour les

 13   unités paramilitaires. --"

 14   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : M. Nicholls lit beaucoup trop

 15   rapidement et ne nous dit pas où se trouve l'extrait duquel il lit. Donc,

 16   nous sommes en train de travailler dans des conditions très difficiles.

 17   Reprise des débats.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation]

 19   Q.  "Les unités paramilitaires ont pris part à l'expulsion de la population

 20   musulmane qui était soutenue par les Serbes du cru de Bratunac."

 21   C'était un facteur dans la police et les autorités pour ne pas

 22   expulser ces unités, n'est-ce pas ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on avoir la référence ? Où voit-on que

 24   le peuple était -- militait en faveur de une -- d'une expulsion des

 25   Musulmans ? Le peuple était contre l'expulsion des Musulmans, 3t de toute

 26   façon, la réponse n'est pas exacte non plus.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que le commentaire n'est pas juste

 28   à la question qui a été posée. Je crois qu'il est -- il découle très


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  1   clairement de la déclaration de son frère d'hier que les Musulmans

  2   expulsaient et contraignaient les paramilitaires -- que les forçaient, les

  3   paramilitaires tuaient les Musulmans et les contraignaient à quitter, qu'il

  4   y avait une grande démonstration tenue à Bratunac en faveur contre le fait

  5   de prendre des actions contre les paramilitaires. Donc je pense que ma

  6   question est tout à fait juste.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter votre question,

  8   Monsieur Nicholls ?

  9   M. NICHOLLS : [interprétation]

 10   Q.  Ces unités paramilitaires ont pris part dans l'expulsion de la

 11   population musulmane, les ont forcé à quitter, n'est-ce pas ?

 12   R.  Les unités paramilitaires ont exercé au cours de ces jours-là des

 13   arrestations, ont procédé à des arrestations et ont tué des citoyens de

 14   nationalité musulmane. Et il y en avait -- il y avait un très grand nombre

 15   de personnes dans le hangars; un très grand nombre de personnes avait été

 16   détenu dans le gymnase de l'école élémentaire et c'est là qu'ils faisaient

 17   subir des exactions à ces détenus. Ils les maltraitaient et les tuaient et

 18   ils sortaient les cadavres de ce hangar. Et je dois vous dire que le peuple

 19   n'en pouvait plus, ne pouvait plus assister à ceci et voir tout ceci et

 20   supporter tout ceci -- endurer tout ceci. La cellule de Crise était

 21   inquiète et la cellule de Crise a pris une décision au cours d'une nuit

 22   afin de les chasser et que les unités de la JNA qui, à l'époque, était une

 23   armée régulière et que la Défense territoriale serait les seules structures

 24   des forces armées qui allaient s'occuper des questions militaires, c'est-à-

 25   dire des questions relatives à la Défense. Toutefois, la police qui se

 26   trouvait en minorité et dont le nombre était inférieur par rapport aux

 27   effectifs des paramilitaires ne pouvaient pas s'opposer aux unités

 28   paramilitaires. Et je dois aussi ajouter qu'il y a eu un certain nombre --


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  1   un grand nombre d'ailleurs de femmes, surtout de femmes en deuil et de

  2   mères en deuil -- de mères de Serbes qui avaient été tués, parce qu'on

  3   avait commencé à tuer des Serbes, à les chasser, à incendier leur village.

  4   Donc, elles sont sorties également pour dire voilà, nous sortons pour nos

  5   combattants. Et donc -- et on n'avait pas le courage -- enfin, le courage

  6   ou les effectifs --

  7   L'INTERPRÈTE : -- se reprend l'interprète --

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] -- n'étaient pas suffisants pour chasser ces

  9   paramilitaires.

 10   Voilà. C'est ma définition de la situation.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation]

 12   Q.  Une dernière question s'il vous plaît par la -- à laquelle vous pouvez

 13   répondre par un oui ou un non. Les unités JNA -- de la JNA qui était une

 14   armée régulière, les unités de la TO ne se sont jamais mis ensemble en tant

 15   qu'une force pour expulser les paramilitaires. Est-ce que c'est exact ?

 16   R.  Cela semble énorme lorsque vous dites les unités de la JNA, par

 17   exemple, mais à Bratunac, il y avait une toute petite unité militaire qui

 18   était composée d'un détachement -- d'un département de dix policiers

 19   militaires. Et il y avait quelques blindés de transport de troupes et c'est

 20   tout, donc, il s'agissait d'une section comptant environ dix policiers

 21   militaires. Il ne s'agit pas du tout de forces nombreuses.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] De nouveau, je dois interrompre pour le compte

 23   rendu d'audience. A la page 22, ligne 25, le témoin n'a pas dit "Il n'y a

 24   pas eu de résolution." Mais il n'y a pas eu de forces -- le mot

 25   "détermination," qui est consigné au compte rendu d'audience en anglais est

 26   complètement faux. Ce n'est pas ce qu'il fallait dire. Le témoin a dit

 27   qu'il n'avait pas suffisamment d'effectifs. Il ne dit pas, suffisamment

 28   nombreux.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Et je pense que vous avez terminé, Monsieur Nicholls.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Madame,

  4   Messieurs les Juges.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez

  6   des questions supplémentaires ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Quelques questions, Excellence.

  8   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

  9   Q.  [interprétation] Monsieur Tesic, veuillez, je vous prie, nous venir en

 10   aide pour essayer d'éclairer notre lanterne et s'agissant de ceci. Le

 11   peuple qui protestait militait en faveur de quoi ? Ici on disait qu'ils

 12   militaient en faveur de l'expulsion des Musulmans. Alors quels étaient

 13   l'objectif et le rassemblement ?

 14   R.  En 1992 ?

 15   Q.  Oui.

 16   R.  L'objectif de ce rassemblement de cette population était de s'assurer à

 17   ce que l'on puisse assurer une certaine sécurité parce que les femmes

 18   surtout pensaient que ces paramilitaires avaient beaucoup d'expériences,

 19   que c'étaient des combattants avec de l'expérience venus des champs de

 20   bataille, de la Croatie, et elles les appelaient leurs libérateurs. Parce

 21   que nous n'avions pas à Bratunac de combattants de carrière avec une

 22   expérience. Nous n'avions pas suffisamment d'unités. Nous n'avions pas --

 23   nous n'étions pas une -- d'effectifs organisés.

 24   Q.  D'accord. Et ces personnes rassemblées demandaient-elles que l'on aide,

 25   que l'on soutienne le fait de chasser les Musulmans ?

 26   R.  Du meilleur de ma connaissance, non. Non, les personnes rassemblées, je

 27   ne pense pas. Non, je ne crois pas.

 28   M. NICHOLLS : [aucune interprétation]


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  1   L'INTERPRÈTE : M. Nicholls commentaire inaudible.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que ces derniers s'étaient rassemblés pour militer en faveur de

  4   chasse les Musulmans ? Voulaient-ils chasser les Musulmans ?

  5   R.  Vous demandez si les femmes s'étaient rassemblées pour s'assurer que

  6   les Musulmans soient chassés. Non, absolument pas. Du meilleur de ma

  7   connaissance, non.

  8   Q.  D'accord. Merci. Et quelle était l'attitude des autorités par au groupe

  9   de Vukovar et est-ce que leur comportement était différent par rapport à

 10   d'autres groupes paramilitaires ?

 11   R.  Ce groupe de Vukovar, qui est arrivé, il a essayé de créer une sorte --

 12   de créer de situation de peur, un climat de peur, et il ont immédiatement

 13   pris les objectifs d'importance vitale, par exemple, le pont qui enjambe

 14   une rivière qui passe par -- en Serbie, ensuite une station d'essence afin

 15   d'avoir le carburant, ensuite la municipalité parce qu'ils attaquaient

 16   également la police. Donc lorsque ces effectifs paramilitaires étaient

 17   nombreux ils pillaient, il y avait des groupes de 20, de 30, de 50 hommes

 18   et ils ont même compté environ 200 personnes, 200 hommes et ils ont pris

 19   les meilleurs véhicules, les meilleures automobiles. Ils ont pillé et ils

 20   ont pris les biens d'autrui.

 21   Et donc la population de Bratunac a pris du temps à comprendre qu'ils

 22   devaient prendre leurs propres armes et se battre parce que personne

 23   n'allait les protéger dans cette guerre. Il fallait qu'ils le fassent eux-

 24   mêmes.

 25   Q.  Très bien. Merci. A la page 16, on vous a posé une question entourant

 26   les soldats que vous avez vus sur la route alors que vous vous dirigiez à

 27   Zvornik à un endroit de recrutement. Pourriez-vous nous dire, s'il vous

 28   plaît, où se trouvaient ces soldats ? Etaient-ils sur la route, ou bien


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  1   étaient-ils dans la cour de la coopérative ?

  2   R.  Les soldats se trouvaient le long de la route devant la coopérative,

  3   donc le long de la route, sur la route à côté de la route, et en direction

  4   jusqu'à Konjevic Polje. Peut-être un peu moins, alors que l'on s'avançait

  5   vers Konjevic Polje. Mais ils étaient nombreux.

  6   Q.  Merci. Pourriez-vous maintenant nous dire ceci ? On vous a posé une

  7   question aujourd'hui de nous parler du rôle que vous avez joué. Alors

  8   pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si le chef d'une section

  9   militaire relève des commandants civils ou militaires ?

 10   R.  De façon organisationnelle, nous relevons de la compétence des

 11   autorités civiles.

 12   Q.  Merci. Est-ce que vous avez jamais rencontré ce journaliste Robert

 13   Block ?

 14   R.  Je ne le connais pas ce nom.

 15   Q.  Bien. Merci. Est-ce que vous receviez "Indépendant" de façon régulière

 16   ? 

 17   R.  Non, jamais.

 18   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si à quelque moment

 19   que ce soit le commandement militaire et la direction militaire a pris le

 20   contrôle de Bratunac; et pourriez-vous nous dire à quel moment ceci ait pu

 21   survenir ?

 22   R.  Lorsque la direction militaire a pris le --

 23   Q.  [aucune interprétation]

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, de quelle façon est-ce que ceci

 25   découle de ma question ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, si je puis répondre. Eh bien, ce

 27   qui découle c'est parce que je voulais savoir ce qui a été entrepris

 28   concernant ces formations militaires pour l'ordre et la paix.


Page 35337

  1   M. NICHOLLS : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci peut être un lien par rapport au

  3   rôle que jouait cette personne, notre témoin, dans Bratunac.

  4   Alors poursuivez, je vous prie.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, je sais que la direction militaire

  6   était en vigueur, et la JNA était encore l'armée régulière.

  7   Et je me souviens qu'à l'entrée du bâtiment municipal, à droite sur le mur,

  8   il y avait une affiche, parlant de la direction militaire, ou de

  9   l'administration militaire, et on pouvait voir que le Groupe opérationnel

 10   Drina avait signé.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Merci. Est-ce que vous connaissez le colonel Prstojevic et le

 13   lieutenant-colonel Milan Urosevic ?

 14   R.  Je me souviens qu'à certaine période ils faisaient partie du

 15   commandement de la Brigade de Bratunac.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander à voir la pièce 65 ter 4719.

 17   Je vais demander que ce document soit agrandi.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Pouvez-vous me dire ce qui a fait que les autorités et les

 20   commandements le 30 décembre 1992 introduisent l'autorité militaire à

 21   Bratunac ? Quelle a été la situation à Bratunac qui a nécessité

 22   l'introduction des autorités militaires à Bratunac vers la fin du mois de

 23   décembre ?

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne vois pas pourquoi il est nécessaire de

 25   lire le document pour répondre à la question.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Comment voulez-vous que je réponde ?

 27   Comment voulez-vous que je réponde sans lire, répétez-moi la question,

 28   alors.


Page 35338

  1   Moi, je sais quelle a été la situation vers la fin de 1992. C'était une

  2   situation extrêmement difficile. La situation était pire uniquement après

  3   Noël, quand Kravica est tombé et quand les forces serbes ont essuyé

  4   beaucoup de pertes, et jusqu'alors, il y a eu beaucoup de pertes à

  5   Podrinje, énormément de pertes. A Bratunac, même moi, c'était autour du 20

  6   décembre mais, moi, donc, je me suis rendu sur les tranchées en tant que

  7   chef du département, j'y ai passé sept jours. Personne n'était là. Bratunac

  8   allait tombée, incessamment, sous peu. La ville était tombée de tous les

  9   côtés. Il n'y avait que la ville qui était encore libre. Donc, du point de

 10   vue militaire, la situation était extrêmement difficile.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] A nouveau, je me pose la question : De

 12   quelle façon cela découle de -- du contre-interrogatoire.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai voulu intervenir. Justement, vous

 14   allez beaucoup trop loin. De quelle façon cela découle du contre-

 15   interrogatoire de M. Nicholls ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nicholls et le Procureur considèrent qu'à

 17   l'époque, c'était [inaudible] qui régnait. La situation était paisible et

 18   les autorités ne voulaient pas fonctionner. Et, moi, je veux qu'on dépeigne

 19   le contexte dans lequel ces autorités exerçaient leur pouvoir, pour voir si

 20   les autorités étaient en mesure de le faire ou bien si elles ne voulaient

 21   pas le faire. Parce que quand vous avez, donc, le putsch militaire, les --

 22   l'instauration du pouvoir militaire, eh bien, cela veut dire qu'on n'a plus

 23   d'autre choix.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pourquoi vous ne posez-vous pas la

 25   question comme cela au témoin ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est ce que j'ai fait. Je lui ai demandé

 27   quelle a été la situation, pourquoi les autorités militaires ont décidé

 28   d'instaurer, donc, le pouvoir militaire, exclusivement militaire dans la


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  1   ville.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, c'est la situation sur le terrain

  3   qu'il demandait. C'était un mouvement logique.

  4   R.  La situation était vraiment catastrophique. On n'avait pas assez

  5   d'éléments. Les gens avaient peur. Ils devaient -- l'armée et la logistique

  6   ne fonctionnaient pas. Il fallait tout simplement être à un niveau le plus

  7   élevé possible de -- pour -- pour tout le monde, pour être en mesure de

  8   défendre la ville.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Là, il s'agit de M. Karadzic qui instaure

 11   donc le pouvoir militaire le 29 décembre 1992. Maintenant, on dit que ceci

 12   a été fait à cause de la menace militaire ou qu'ils menaçaient la ville de

 13   Bratunac. C'était une menace qui provenait des forces de l'armée de Bosnie-

 14   Herzégovine. Et cela n'a rien à voir avec la situation qui prévalait en

 15   avril et en mai 1992 à Bratunac.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est pour cela qu'il faudrait poser des

 17   questions additionnelles. Mais on va permettre à l'accusé de continuer.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] N'ai-je pas répondu à la question ?

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que les autorités civiles pouvaient faire régner la paix, la loi

 21   dans Bratunac sans qu'il -- sans recourir au pouvoir militaire ?

 22   R.  De toute apparence, non, parce que, sinon, il n'y aura pas eu cet ordre

 23   d'émis.

 24   Q.  Mais quelque soit ce document, est-ce que vous pouvez nous dire quelle

 25   a été la situation à Bratunac à l'époque ?

 26   R.  Tout ce que je peux dire, c'est qu'à Bratunac, il n'y avait que des

 27   chats et des chiens dans les rues. Il était difficile de nourrir l'armée.

 28   Il y avait beaucoup de pertes, surtout le 15 décembre. La situation est


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  1   devenue de plus en plus difficile. On a coupé les communications. Donc, du

  2   point de vue militaire, il fallait vraiment se concentrer sur la situation

  3   du point de vue du pouvoir, puisque les autorités n'étaient pas en mesure

  4   de faire en sorte que la vie paisible continue dans la ville.

  5   M. KARADZIC : [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons accepter ces pièces, donc.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D3122.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  La dernière question, Monsieur Tesic. Ce n'était pas clair si vous

 10   étiez la Défense populaire -- protection civile, la TO ou bien si vous

 11   faisiez partie du ministère.

 12   D'après ce que vous savez, est-ce que les structures de la TO de Bratunac

 13   comptaient aussi dans ses rangs des unités paramilitaires ou illégales ?

 14   R.  Non, jamais ce n'était le cas.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander qu'on examine la pièce 65 ter

 16   00744.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Vous souvenez-vous du document de la cellule de Crise du 13 avril 1992

 19   ? Pouvez-vous nous dire, à la lecture du paragraphe 2, de -- enfin, ce qui

 20   fait partie de la Défense territoriale de la municipalité, donc une unité,

 21   une formation tout à fait légale.

 22   R.  Cela, c'est un ordre concernant la formation des unités de la Défense

 23   territoriale. Je vois que c'est Miroslav Deronjic l'a signé, même si la

 24   signature n'est pas très claire. Donc, cela vient de la cellule de Crise de

 25   Bratunac. La Défense territoriale de la municipalité serbe était composée

 26   du QG municipal de la Défense territoriale avec les unités du QG. Et puis

 27   aussi, donc, il s'agissait des unités du niveau de compagnie. Et puis, il y

 28   avait une base, des arrières aussi, composés des compagnies.


Page 35341

  1   Q.  Et qui est recruté dans ces unités, en vertu de cet ordre ?

  2   R.  Eh bien, les recrues militaires qui ont une obligation militaire.

  3   Q.  Mais qui viennent d'où ?

  4   R.  Du territoire de la municipalité de Bratunac qui font partie -- sont

  5   inscrits dans le registre de la Défense municipale.

  6   Q.  Ici, on peut lire :

  7   "Suite à la décision concernant la proclamation de la situation

  8   extraordinaire dans la municipalité, est-ce que vous savez si cette

  9   situation extraordinaire qui était en réalité un état d'urgence a été bel

 10   et bien proclamé dans la municipalité ?

 11   R.  Oui, c'est sûr que l'état d'urgence avait été proclamé, puisqu'ils font

 12   référence à cette décision prise par la cellule de Crise.

 13   Q.  Pourriez-vous nous dire si tout cela est légal, si la façon dont a été

 14   créée et structurée la Défense territoriale est légale ?

 15   R.  Ecoutez, je ne suis pas un juriste et je n'ai pas de connaissances

 16   juridiques.

 17   Q.  Est-ce que je peux vous aider ? La Défense territoriale de la

 18   municipalité dépendait --

 19   R.  Toutes les municipalités avaient leurs QG municipaux de la

 20   Défense territoriale. Du point de vue de la hiérarchie, ils étaient liés

 21   aussi au QG au niveau de la république ou du district. Tout cela a été

 22   instauré et créé en vertu de la Loi qui régit la défense.

 23   Q.  Merci, Monsieur Tesic. Merci d'être venu déposer. Je n'ai pas d'autres

 24   questions.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je vais demander que ce document soit

 26   versé au dossier.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document va être versé au dossier.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que document D3123.M. LE JUGE


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  1   KWON : [interprétation] Vous avez des questions supplémentaires, Monsieur

  2   Nicholls ?

  3   M. FILE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  4   L'INTERPRÈTE : L'interprète demande que l'on remplace "instauration du

  5   pouvoir militaire" par "instauration de l'ordre militaire."

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tesic, avec ceci se conclut

  7   votre déposition. Nous vous remercions d'être venu déposer ici à La Haye.

  8   Et maintenant, vous pouvez disposer.

  9   [Le témoin se retire]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le témoin prochain est prêt ?

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le Dr Pasalic.

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

 14   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin peut-il prononcer la

 16   déclaration solennelle.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 18   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   LE TÉMOIN : STEVO PASALIC [Assermenté]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Docteur Pasalic. Si vous voulez

 22   bien vous asseoir.  

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Pasalic.

 28   R.  Bonjour.


Page 35343

  1   Q.  Je vais vous demander de décliner votre nom, votre patronyme et votre

  2   date et lieu de naissance.

  3   R.  Je me présente, Stevo Pasalic. Mon patronyme est Radivoje. Je suis né

  4   en 1951, en Bosnie-Herzégovine, à Vozuca.

  5   Q.  Merci. Votre CV fait partie de ce rapport. Les Juges de la Chambre

  6   peuvent souhaiter l'accepter en qualité de document distinct. Mais quoi

  7   qu'il en soit, nous ne passerons au menu détail.

  8   Si vous voulez bien dire aux Juges de la Chambre pour le compte rendu

  9   quelques mots sur vos antécédents universitaires.

 10   R.  Après avoir fait l'école primaire, je suis passé à l'école normale à

 11   Slavonski Brod. Et ensuite, je suis passé à la faculté de mathématiques à

 12   Novi Sad. Puis, j'ai également reçu mon dogme à Belgrade et obtenu mon

 13   doctorat à Novi Sad, à la faculté de sciences.

 14   Q.  Je ne crois pas que votre dernière phrase a été interprétée.

 15   R.  Dois-je répéter ?

 16   Q.  Oui, s'il vous plaît. Et je vous rappellerais qu'il convient que nous

 17   devons parler plus lentement et ménager des pauses entre les questions et

 18   les réponses, suffisamment de temps en tout cas pour que les interprètes

 19   puissent faire leur travail, et vous le verrez sur l'écran lorsqu'ils

 20   s'arrêtent.

 21   Vous avez indiqué dans votre CV vos antécédents universitaires, mais quelle

 22   est votre spécialisation ?

 23   R.  Bien. Il y a également des profils spécialisés dans l'instruction que

 24   j'ai reçue. Je suis dans la démographie et la géographie sociale, qui est

 25   dans le créneau des sujets enseignés à la faculté de sciences.

 26   Q.  Merci. Rappelez-nous, ce que nous avons déjà dans votre CV, combien de

 27   documents professionnels ou scientifiques avez-vous publiés au total ?

 28   R.  En ce qui concerne nos ouvrages scientifiques, ils sont évalués à


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  1   partir des ouvrages publiés, des mémoires publiés et nos documents

  2   professionnels publiés, ou la participation à des projets d'ordre

  3   professionnel ou à titre de mentor pour les candidats au doctorat.

  4   Je suis l'auteur de 12 ouvrages, ce qui est un nombre assez élevé pour un

  5   professeur. Deux d'entre eux étaient dans le domaine de la démographie et

  6   de la géographie sociale, ou encore de l'interaction entre le tourisme et

  7   la démographie. Mes ouvrages scientifiques ont été publiés et relèvent de

  8   deux catégories : d'un côté, d'importance nationale, et de l'autre,

  9   d'importance internationale. Ceux qui sont les plus intéressants sont ceux

 10   qui ont été publiés sur la liste SCI. J'ai également présenté des exposés

 11   dans des conférences nationales, internationales. Une dizaine de ces

 12   documents. D'ailleurs, je ne saurais vous en faire la liste exacte.

 13   J'ai également été à la tête d'une dizaine de projets scientifiques qui ont

 14   traité de la démographie appliquée en Bosnie-Herzégovine.

 15   J'ai également été l'auteur de nombreux ouvrages sur l'application de

 16   ce thème dans les établissements scolaires ou d'autres ouvrages qui étaient

 17   commandités, et ce, pour un objectif bien précis.

 18   Q.  Merci. Quel poste universitaire avez-vous tenu ? Ou avez-vous un titre

 19   à cet effet maintenant ?

 20   R.  Oui. Il est bien connu que les professeurs doivent grimper une échelle

 21   bien définie. J'ai commencé en qualité d'adjoint conférencier, et ensuite

 22   je suis devenu conférencier principal. Ensuite, professeur adjoint, et

 23   maintenant je suis professeur titulaire. Et je couvre un domaine

 24   spécialisé, démographie et géographie sociale. C'est là le titre.

 25   Cette chaire est permanente, et donc j'y suis nommé à vie. J'ai également

 26   été invité à devenir membre de l'académie des sciences de la RS et d'autres

 27   organisations en Bosnie-Herzégovine, notamment --

 28   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que le témoin répète sa dernière


Page 35345

  1   phrase.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, voudriez-vous bien répéter le

  3   dernier membre de votre réponse.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai été invité dans d'autres

  5   institutions, à l'agence pour le développement de l'éducation supérieure en

  6   Bosnie-Herzégovine à titre de membre du conseil, et je suis également

  7   membre du sénat de l'Université de Sarajevo. Et c'est là mon deuxième

  8   mandat. J'ai également été élu au comité de la démographie et des

  9   statistiques à l'académie des sciences de la RS. Ce sont là mes autres

 10   créances en dehors de mon poste de professeur titulaire à l'université.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Merci. Avez-vous jamais reçu des décorations, des félicitations ou des

 13   [inaudible] pour vos accomplissements professionnels ?

 14   R.  Oui. Je suis lauréat à plusieurs reprises lors de ma carrière

 15   universitaire de récompenses et de titres, mais ces récompenses ne m'ont

 16   été accordées que pour mes ouvrages dans l'éducation supérieure et

 17   scientifique. C'est donc dans le droit fil de la Déclaration de Bologne.

 18   La dernière récompense que j'ai reçue était en 2012 pour ma

 19   contribution à la science, culture et les sports, et j'ai reçu une médaille

 20   accordée par le président de la Republika Srpska, de Njegos, et il s'agit

 21   là de la récompense supérieure du plus haut rang pour travaux

 22   scientifiques. Encore une fois, pour les accomplissements du plus haut

 23   rang.

 24   Q.  Ça n'a pas inscrit au compte rendu. Quelle décoration avez-vous reçue ?

 25   R.  La médaille Njegos du premier ordre. Il y a également un deuxième ordre

 26   et troisième ordre dans cette médaille Njegos.

 27   Q.  Merci. Si vous voulez bien me dire deux choses : quel est votre aperçu

 28   direct sur les événements de la guerre et où vous trouviez-vous pendant la


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  1   guerre en Bosnie-Herzégovine ?

  2   R.  Je suis né en Bosnie-Herzégovine. J'y ai été élevé. J'y ai travaillé,

  3   j'y ai vécu, et j'ai passé toute la guerre en Bosnie-Herzégovine. Ma seule

  4   tâche pendant la guerre consistait à recueillir des données sur les

  5   changements démographiques qui intervenaient et les différentes mouvances

  6   démographiques dans la région à laquelle j'avais accès, bien sûr, parce

  7   qu'en Bosnie-Herzégovine l'on ne pouvait se déplacer librement pendant la

  8   guerre.

  9   J'ai recueilli des éléments extrêmement intéressants que je peux vous

 10   présenter aujourd'hui. Ce sont là des enquêtes scientifiques empiriques et

 11   des recherches qui se sont déroulées sur 20 ans. C'est extrêmement

 12   important. A moins que l'on y prenne part directement dans ce travail sur

 13   le terrain, c'est quelque chose que l'on ne peut acquérir par tout autre

 14   moyen d'instruction.

 15   Q.  Dernière question avant la pause : pourriez-vous nous parler de votre

 16   expérience judiciaire. Est-ce que vous avez témoigné devant des tribunaux;

 17   si oui, lesquels et dans quelles affaires ?

 18   R.  Je puis dire que j'ai pris part directement et indirectement. De la

 19   façon la plus directe devant ce Tribunal-ci en mai 2011 dans la l'affaire

 20   Stanisic/Zupljanin, lorsque mon rapport d'expert démographique a été admis

 21   intégralement par la Chambre, ce qui, bien sûr, couronne de succès, je

 22   dirais, ces travaux.

 23   A cet instar, en Bosnie-Herzégovine, lorsqu'il s'agit de la démographie et

 24   de la recherche qui porte sur les événements en temps de guerre, les

 25   résultats de mes travaux ont été utilisés ou le seront.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je note le temps. Peut-être que le Président

 28   souhaiterait prendre une pause.


Page 35347

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons faire une pause d'une

  2   demi-heure.

  3   Nous reprendrons à 11 heures 04.

  4   [Le témoin quitte la barre]

  5   --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

  6   --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

  7    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, si vous voulez

  8   bien poursuivre.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Docteur Pasalic, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce qu'on

 12   vous a demandé de faire de la part de la Défense, dans notre affaire, aux

 13   fins de notre affaire ?

 14   R.  Aux fins de cette affaire, je me suis efforcé de montrer de façon

 15   complexe les mouvements démographiques dans la région de Bosnie-

 16   Herzégovine, pendant la guerre, avant la guerre et également les effets de

 17   la guerre. Mais avant cela, j'ai analysé de façon détaillée et fourni une

 18   analyse critique sur les opinions d'experts, principalement Mme l'expert

 19   Ewa Tabeau, et j'ai procédé à des recherches sur les sources et les

 20   processus méthodologiques qui sont les pierres angulaires de tout rapport

 21   d'expert de la sorte. Et puis, j'ai présenté mes propres conclusions que

 22   j'ai tirées en me servant de méthodes scientifiques et de processus

 23   méthodologiques complètement différents par lesquels je voudrais démontrer

 24   qu'il y a d'autres démarches à adopter dans la recherche scientifique, pour

 25   que l'on voie que les résultats seraient-ils les mêmes ou différents. Et

 26   pour moi, c'est très important. Et ce dans mon travail enfin, et non des

 27   moins importants, je voulais démontrer dans mon rapport ce tableau complexe

 28   qui avait changé du fait de la guerre mais qui aurait changé même si la


Page 35348

  1   guerre ne s'était déroulée. Ce qui est une démarche assez intéressante pour

  2   la bonne raison que l'on suit des événements qui sont le résultat

  3   d'événements de la guerre, en Bosnie-Herzégovine, par exemple, mais l'on y

  4   voit également ce qui serait intervenu si la guerre ne s'était pas

  5   déroulée. Donc on essaie tout simplement d'observer le tableau, et de le

  6   comparer à toutes les données disponibles. En bref, ce serait là le

  7   résultat de mes recherches, et c'est ce que la Défense m'a demandé de

  8   présenter.

  9   Q.  Merci. En distinguant des phénomènes qui se seraient déroulés, même

 10   s'il n'y avait pas eu la guerre, et en isolant des phénomènes qui se sont

 11   produits en résultat de la guerre, qu'avez-vous réussi de la sorte ?

 12   R.  Il est important pour ce qui est d'une analyse complexe et en

 13   particulier en démographie, de connaître bien les tendances d'un phénomène,

 14   le développement d'un phénomène avant la guerre, et pendant la guerre, et à

 15   cause de la guerre, donc au cours des événements de la guerre, et de voir

 16   comment ce phénomène s'est développé après les événements de la guerre.

 17   C'est comme cela que vous arrivez à des informations exhaustives, à un

 18   tableau historique et des donnes statistiques plus exactes. Au contraire,

 19   si vous ne procédez pas ainsi, vous allez obtenir un tableau historique

 20   erroné, et des données statistiques erronées. Alors ces données

 21   statistiques ne sont pas valides pour procéder à d'autres recherches. Voilà

 22   ce que j'ai fait dans ce cas-là. J'ai produit une rétrospective des

 23   mouvements démographiques en Bosnie-Herzégovine, à partir de l'année 1948,

 24   où il y a eu le premier recensement après la Deuxième Guerre mondiale

 25   jusqu'à l'année 1991, où il y a eu le dernier recensement de la population

 26   en Bosnie-Herzégovine. 22 ans après ce recensement, on n'a pas de nouveau

 27   recensement, toujours pas. Et j'ai pu remarquer les tendances, le mouvement

 28   de la population pendant cette période-là, où il y avait beaucoup de


Page 35349

  1   modifications importantes. Même à l'époque où la Bosnie-Herzégovine a

  2   marqué le progrès technologique le plus important, et c'est vers la fin des

  3   années 1980 qu'on a pu noter que la Bosnie-Herzégovine a complètement

  4   changé de caractère, et la direction du développement de sa population.

  5   Avant la guerre, la Bosnie-Herzégovine entrait dans une sorte de phase de

  6   transition démographique, comme tous les autres pays en développement, en

  7   voie de développement, à savoir à une phase de transformation concernant le

  8   taux de natalité et le taux de mortalité de la population. Le taux de

  9   natalité a baissé. Après la Deuxième Guerre, après la Macédoine, la Bosnie-

 10   Herzégovine a eu le niveau de natalité le plus élevé jusqu'à la fin des

 11   années 80. Après quoi, il y a eu cette transformation. Je peux fournir des

 12   documents corroborant cela, des documents explicites pour ce qui est de

 13   l'année 1991, à savoir que le taux de natalité a baissé, et jusqu'en 1991,

 14   pour la Bosnie-Herzégovine, on peut dire que c'était relativement élevé, ce

 15   taux de natalité. Mais on peut le regarder également comme étant une sorte

 16   de natalité différenciée où on peut remarquer que les Musulmans, en 1991

 17   selon le recensement de la population officielle, a eu le taux de natalité

 18   14 pour 1 000, cela veut dire que 14 nouveaux-nés sur 1 000 enfants dans le

 19   cadre de la population musulmane, en 1991. 7 pour 1 000 de la population

 20   serbe, donc le taux de natalité a doublement diminué. Et 8 [phon] pour 1

 21   000 pour ce qui est de la population croate. Je souligne qu'il s'agit du

 22   taux de natalité différencié ou comparatif qui est très important.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur, pouvez-vous répéter la partie

 24   de votre réponse où vous avez mentionné 14 pour 1 000 ou million.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il ne s'agissait pas de 14 millions. Il

 26   s'agissait des informations qui s'expriment en millième, c'est-à-dire une

 27   millième partie de quelque chose, d'une entité. La population musulmane, en

 28   1991, avait le taux de natalité de 14 pour 1 000, 14 enfants sur 1 000


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  1   enfants dans la population musulmane, 14 pour 1 000 ou 14 millièmes, et la

  2   population serbe 7 pour 1 000, 7 enfants sur 1 000 personnes de la

  3   population serbe. Et pour ce qui est de la population croate, c'était 8

  4   pour 1 000. Je me souviens qu'il s'agit des informations significatives

  5   concernant la structure de la population pour ce qui est des tranches d'âge

  6   dont on va certainement parler ici, dans cette affaire.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Merci. Comment cela s'est reflété sur les catégories de la population

  9   apte à combattre, vu la participation de mineurs ou la partie que les

 10   mineurs prenaient dans la population globale, musulmane, croate et serbe ?

 11   Alors pouvez-vous dire comment cela se reflétait sur les différentes

 12   couches de cette catégorie de la population ?

 13   R.  Les experts du bureau du Procureur ne se sont pas occupés de ces

 14   variables, même si ces variables étaient très importantes. Vous avez une

 15   population dans ce cas-là, la population musulmane, où il y a eu beaucoup

 16   de mineurs, un flux de mineurs jusqu'à l'âge de 18 ans. De l'autre côté,

 17   vous avez la population serbe, qui a eu influx de la même population qui

 18   était doublement diminuée, ainsi que dans la population croate. Ce qui nous

 19   donne les caractéristiques démographiques tout à fait différentes, dans le

 20   cadre de ces structures démographiques. Ce qui allait se refléter pour ce

 21   qui est de la période de la guerre et pour ce qui est des activités

 22   militaires ou civiles pendant la guerre. Je ne pourrais peut-être pas être

 23   explicite, comment cela s'est reflété pour ce qui est des activités

 24   militaires, sur le front, et à l'arrière du front, mais pour ce qui est des

 25   indicateurs démographiques, il s'agissait de [inaudible] très importante

 26   qui se reflète aux engagements et de différents aspects de l'engagement de

 27   la population en temps de guerre.

 28   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre quel était le pourcentage alors de


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  1   mineurs pour ce qui est des Serbes, des Croates et des Musulmans, pour ce

  2   qui est de ces activités ?

  3   R.  Nous utilisons tous des chiffres apocryphes, la plupart d'entre nous.

  4   Personne en Bosnie-Herzégovine, ni les experts du bureau du Procureur ne

  5   disposent d'une formation explicite concernant cela. Mais, par analogie, on

  6   peut dire que le pourcentage des mineurs qui participaient à ces activités

  7   pour ce qui est des Musulmans était beaucoup plus élevé que par rapport à

  8   la population serbe ou à la population croate. Cela dépendant, il fallait

  9   dire, des autorités locales et de l'engagement de cette catégorie de la

 10   population, des mineurs de 15, 16 ou 17 ans pour ce qui est de ces

 11   activités. Donc, en tout cas, la catégorie de la population jusqu'à l'âge

 12   de 18 ans et bien sûr, la population qui avait plus de mineurs de cet âge a

 13   vu le pourcentage plus élevé de l'engagement de cette même population.

 14   Q.  Merci. Pouvez-vous dire si cela s'est reflété ou se serait reflété sur

 15   les calculs des pertes de la population apte à porter les armes et pourquoi

 16   il est important de constater quel était le pourcentage de la population

 17   apte à porter les armes pour ce qui est de ces trois communautés

 18   distinctes.

 19   R.  C'est une question très importante. J'ai remarqué que les experts du

 20   bureau du Procureur, lorsqu'ils ont fait cette distinction pour ce qui est

 21   des militaires et des civils n'ont pas utilisé des qualificatifs

 22   logistiques. Et ce qui est encore plus intéressant, ces experts ne

 23   disposaient pas du tout d'informations concernant l'ensemble de la

 24   population. Comment pouvez-vous alors faire cette distinction pour ce qui

 25   est de la population pour les y mettre dans des catégories des civils ou

 26   des militaires si vous ne connaissez pas le phénomène en question dans son

 27   ensemble ? C'est important pour certains types de recherche. Ces experts

 28   ont utilisé des informations qui étaient d'importance secondaire ou


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  1   tertiaire et qui n'étaient pas du tout fiables, et c'est ainsi qu'on a une

  2   très grande diversité pour ce qui est des informations provenant de sources

  3   qui peuvent être qualifiées comme une approche de dilettante pour ce qui

  4   est de donner les définitions de ces missions.

  5   Q.  Merci. Je vais revenir à ces tendances de nature naturelle -- de portée

  6   naturelle. Comment, pour ce qui est de vos activités en tant qu'expert et

  7   pour ce qui est de votre travail sur ce rapport, quelles étaient les

  8   tendances démographies naturelles que vous avez pu remarquer en Bosnie-

  9   Herzégovine avant la guerre ?

 10   R.  Il y a une règle qui dit pour bien connaître le présent, il faut que

 11   vous connaissiez très bien le passé et il faut que vous soyez un

 12   visionnaire pour ce qui est de l'avenir. La Bosnie-Herzégovine, pour ce qui

 13   est de l'aspect démographique et ethno démographique, représente un espace

 14   très complexe, et pour ce qui est de son passé, on peut dire que c'est

 15   l'espace le plus complexe sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Et celui

 16   qui veut obtenir des résultats de recherche valides doit bien connaître ce

 17   contexte historique. Les peuples de la Bosnie-Herzégovine représentent la

 18   base historique de cet état. Et voilà quelles étaient les tendances pour ce

 19   qui est de la démographie. Le plus grand pourcentage de la population serbe

 20   avait la tendance à se rendre dans la direction de la Serbie, les Croates

 21   partaient traditionnellement toujours vers la Croatie, alors que la

 22   population musulmane était stationnaire et restait sur le territoire de la

 23   Bosnie-Herzégovine ou bien il y avait un certain flux des Musulmans de la

 24   région de Sandjak, de la Turquie ou d'autres régions. Les résultats de ces

 25   mouvements étaient que vers la fin de l'année -- des années 1980, la

 26   Bosnie-Herzégovine par an perdait de la population, entre 15 000 et 17 000

 27   partaient par an, migraient en dehors de la Bosnie-Herzégovine. Pour ce qui

 28   est d'une période de 10 ans, cela représente à peu près 200 000 personnes.


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  1   Il s'agissait des pertes démographiques significatives, si on sait que les

  2   migrants représentent un catégorie de la population la plus vitale âgée de

  3   -- entre 20 et 40 ans. Il s'agit d'une catégorie reproductive qui est

  4   toujours apte à donner des descendants.

  5   Il s'agissait de tendances démographiques avant la guerre. Si la

  6   guerre n'avait pas eu lieu et c'est ce que mes recherches ont démontré, ces

  7   tendances se seraient poursuivies dans une certaine mesure pour ce qui est

  8   de ces phénomènes. Mais puisque la guerre a eu lieu, ces tendances ne

  9   continuaient qu'à ce développer avec une intensité plus élevée. Pour

 10   corroborer cela, je veux dire qu'à la fin de la guerre, les même tendances

 11   se sont poursuivies, à savoir la population a continué à quitter le

 12   territoire de la Bosnie-Herzégovine et lorsqu'on procède à une synthèse de

 13   tous ces phénomènes-là de 1991 jusqu'à 2011, la Bosnie-Herzégovine a perdu

 14   900 000 personnes. Il ne s'agit pas de victimes de la guerre. C'est ce que

 15   je vais expliquer plus tard. Mais c'est par rapport au -- à la baise du

 16   taux de natalité par rapport à des migrations et par rapport aussi au

 17   nombre des victimes de la guerre.

 18   Q.  Lorsque vous dites que c'était entre 15 000 et 17 000 personnes, est-ce

 19   qu'il s'agit d'une sorte de balance entre les migrations et immigrations ?

 20   R.  Je voudrais répondre à cette question, mais d'abord, il faut que

 21   j'apporte une correction au compte rendu. Il s'agit de 900 000 personnes

 22   des pertes démographiques -- 900 000 et non pas 90 000.

 23   Q.  Merci.

 24   R.  Et pour ce qui est des migratoires, ou des migrations, plutôt, il

 25   s'agit de la balance négative, c'est-à-dire, ceux qui étaient arrivés moins

 26   ceux qui étaient partis nous donne la balance qui est entre 15 et 17 000

 27   personnes en plus qui partent qu'il n'en arrive. La Bosnie-Herzégovine

 28   était toujours la république ou l'Etat, cela dépendait de son statut, a vu


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  1   sa population partir qu'arriver.

  2   Q.  Merci. Disposiez-vous de l'information disant où cette population qui a

  3   migré en Bosnie-Herzégovine s'est installée et quelle est la composition

  4   ethnique de cette population ?

  5   R.  C'est tout à fait notoire que la tendance était dans ce sens-là, que

  6   aujourd'hui il s'agit de la population musulmane qui affluait plus en

  7   Bosnie-Herzégovine qui partait de la Bosnie-Herzégovine par rapport à la

  8   population serbe, et cette population, pour ce qui est de sa disposition

  9   sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, s'installait soit dans des

 10   zones urbaines ou dans les vallées des rivières de moindre altitude, sur

 11   les rives des rivières de moyenne ou grande taille où la -- le taux de

 12   densité de population est le plus élevé. Alors que la population serbe

 13   s'est installée traditionnellement dans des montagnes ou dans des régions

 14   montagneuses.

 15   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut alors supposer ou conclure que la balance

 16   démocratique -- démographique différait par rapport à l'appartenance

 17   ethnique de la population qui faisait l'objet de ces migrations ?

 18   R.  C'est absolument différent, et là, on peut faire référence à la source

 19   élémentaire d'information.

 20   A partir des années '80 -- '70, du X1Xe siècle, la population

 21   musulmane est devenue la population majoritaire en Bosnie-Herzégovine pour

 22   des raisons d'immigration mais également pour des raisons de taux de

 23   natalité élevé. Alors que pour ce qui est de la population serbe, et en

 24   particulier, la population serbe ainsi que la population croate partaient

 25   davantage vers la Serbie et vers la Croatie et c'est comme cela que ces

 26   deux communautés ont diminué pour ce qui est du nombre des personnes qui

 27   étaient restées. Et cela veut dire que les pourcentages de ces deux

 28   communautés ont baissé pour ce qui est de la population totale de la


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  1   Bosnie-Herzégovine.

  2   Q.  Pour ce qui est d'immigration et pour ce qui est de l'immigration et de

  3   leur installation, dans l'institution des immigrants musulmans dans des

  4   zones urbaines, dans des villes, dites-nous comment cela se reflétait sur

  5   la disposition de la population dans des zones urbaines et dans des zones

  6   rurales ? Quelle population dominait dans les villes et quelle population

  7   dans les zones rurales ?

  8   R.  On peut noter qu'après la Deuxième Guerre mondiale et après cette

  9   guerre récente que les Musulmans dominaient dans des zones rurales, dans

 10   des villes donc dans les plus grandes villes, comme Sarajevo, Tuzla,

 11   Zenica, ensuite Bihac, et cetera. Alors que la population serbe dominait

 12   et/ou était plus nombreuse à Banja Luka seulement et les Croates dominaient

 13   relativement en Mostar, avaient une majorité relative à Mostar. Et pour ce

 14   qui est de la disposition de la population dans des zones urbaines, ce

 15   processus continue à être appliqué. Le processus de l'urbanisation qui est

 16   global et qui se passe en Bosnie-Herzégovine.

 17   A savoir que la population urbaine est majoritairement musulmane.

 18   Alors que la population serbe traditionnellement, je répète encore une

 19   fois, s'est installée la plupart du temps dans des zones montagneuses pour

 20   que les propriétés ne se dispersent pas, puisque la population serbe

 21   possède le plus de ses propriétés foncières qui héritaient d'une génération

 22   à l'autre et les Serbes sont liés à ces zones, en dehors des zones

 23   urbaines. Et même 15 ou 16 ans après la guerre, il est évident que la

 24   population musulmane est concentrée dans les zones urbaines par rapport à

 25   la population serbe qui s'est installée, soit, dans des villes plus petites

 26   ou dans des zones rurales. Il s'agit du processus objectif et corroboré par

 27   des faits explicites et pas par ma position subjective par rapport à cela.

 28   Q.  Merci. Vous nous avez dit qu'avant la guerre et même s'il n'y avait pas


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  1   eu la guerre il y avait des tendances de migration et d'immigration avec --

  2   négative pour la Bosnie-Herzégovine dans son intégralité.

  3   Est-ce qu'avant la guerre, il y avait de même tendance dans le cadre

  4   de la Bosnie-Herzégovine ? Et si oui, dans quel sens ?

  5   R.  Bien sûr que oui, j'ai déjà mentionné que les mouvements démographiques

  6   ne se sont pas produits au début de la guerre. Seulement au début de la

  7   guerre que -- et que ces mouvements démographiques se sont produits

  8   davantage dans la deuxième moitié du X1Xe siècle.

  9   J'ai déjà dit que le nombre d'habitants en Bosnie-Herzégovine, par

 10   rapport à l'année '48 [phon], a augmenté de 71 % en 1991. Seulement en

 11   Macédoine, le pourcentage était plus élevé par rapport à la Bosnie-

 12   Herzégovine. Et c'était 76 %. Et pour ce qui est de ces phénomènes la

 13   population se déplace à l'intérieur du pays. Il s'agit de migrations

 14   internes qui ont eu une grande incidence sur la disposition de la

 15   population dans certaines régions ou provinces. Et avant la guerre, par

 16   exemple, la vallée de Sarajevo ou de Zenica avait en majorité la population

 17   musulmane ou la région de Tuzla ou de Bihac la partie nord-est de la

 18   Bosnie-Herzégovine. Alors que la population serbe s'installait dans la

 19   région nord-est de la Bosnie. A l'est de la Bosnie la population était

 20   mixte. Il y avait les Musulmans et les Serbes. Même si le pourcentage des

 21   Serbes était moindre par rapport au pourcentage de la population musulmane

 22   et même s'il y a des Croates. Et pour ce qui est de cette partie orientale

 23   de la Bosnie il y avait des Musulmans et des Serbes qui étaient

 24   majoritaires et très peu de Croates.

 25   Ce processus qui s'est déroulé là-bas à cette époque-là s'appelle

 26   homogénéisation ethnique globale et ces processus sont mes recherches se

 27   développent toujours. Ce qui peut être démontré en montrant comment les

 28   migrations se sont produites d'une région à l'autre. Donc le processus


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  1   d'une homogénéisation territoriale et celui-ci c'est que Sarajevo compte

  2   maintenant plus de 90 % de Bosniens; Mostar est divisée en une partie

  3   musulmane et croate; Banja Luka possède une population serbe dominante;

  4   Zenica musulmane; Tuzla une population musulmane dominante, et cetera, et

  5   cetera.

  6   Donc il s'agit là d'un processus d'une homogénéisation territoriale

  7   et ethnique qui n'est pas encore terminé. Et qui se déroule en continuité.

  8   Q.  Très bien. Merci. Bien. Maintenant en dehors de la guerre. Pourriez-

  9   vous nous dire de quelle façon est-ce que ceci se présentait avant la

 10   guerre ce phénomène. J'entends par là est-ce que ce phénomène était présent

 11   et où se déplaçaient les gens s'il y avait des déplacements à l'intérieur

 12   du territoire de Bosnie-Herzégovine ?

 13   R.  Oui, bien sûr. J'ai déjà mentionné, que même si l'on faisait

 14   abstraction de la guerre, nous avons des espaces ethniques en Bosnie-

 15   Herzégovine où l'une des trois populations peuplaient de façon dominante.

 16   Alors il est tout à fait connu que l'Herzégovine de l'ouest est un

 17   territoire comptant une population croate en majorité. Mais aujourd'hui je

 18   dois dire que ceci a fait en sorte que ces régions deviennent encore plus

 19   ethniquement dominantes pour ce qui est des Croates.

 20   Maintenant les vallées de grande ville, comme par exemple, la vallée

 21   de Sarajevo et de Zenica, ou les espaces qui portent sur une partie de la

 22   région de Gorazde, ou de la Krajina, de Bihac, et d'autres parties de la

 23   Bosnie centrale sont principalement habitées par une population musulmane.

 24   Et s'il n'y avait pas eu la guerre, c'étaient des territoires ethniques en

 25   prédominance qui étaient les leurs.

 26   Et je dois dire que les territoires serbes ethniquement sont beaucoup plus

 27   étendus mais n'ont pas aussi peuplés densément puisque la population des

 28   Serbes était plus petite. Donc c'est la partie que l'on appelle la Krajina


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  1   et le centre est Banja Luka. Mais les espaces, telles, par exemple, c'est

  2   la Semberija, en Bosnie nord-est, dans les Régions de Podrinja, et

  3   Herzégovine qui traditionnellement était habitée par une population serbe.

  4   La Bosnie centrale était principalement une région qui comptait une

  5   population mixte, mais la population musulmane était néanmoins

  6   prédominante.

  7   Donc je vous trace là un portait, une rétrospective du territoire en

  8   Bosnie-Herzégovine avant la guerre, et je vous explique à quoi

  9   ressemblerait le tout s'il n'y avait pas eu de guerre bien sûr. Je n'ai pas

 10   de carte géographique. Il aurait été beaucoup plus facile si je pouvais

 11   vous montrer une carte ethnique bien sûr, mais nous ne l'avons pas sous les

 12   yeux.

 13   Q.  Très bien. Alors dites-nous : si sans la guerre il y aurait eu beaucoup

 14   plus de mélanges parmi la population, est-ce que la population serait plus

 15   mixte et est-ce que cette homogénéisation territoriale ethnique aurait

 16   continuée ?

 17   R.  Tous les facteurs historiques et d'autres facteurs s'agissant de

 18   territoires ethno démographiques, tel le territoire de Bosnie-Herzégovine

 19   qui est complexe parle incontestablement du fait que : Il y aurait eu plus

 20   d'homogénéisation ethnique et il y aurait eu, bien sûr, une espace plus

 21   purement ethnique, ce qui ne veut pas dire que leurs rapports ont été

 22   mauvais entre ces personnes, mais traditionnellement parlant, c'est ce que

 23   je vais vous dire. Et donc, il faut comprendre bien sûr la démographie

 24   historique de ces espace et suivre tous ces phénomènes dans un -- dans le

 25   cadre, dans un contexte actuel.

 26   Q.  Je vous remercie. J'aimerais vous demander de bien vouloir nous

 27   expliquer quelle est l'importance de la source des données, de leur nature

 28   et dites-nous, s'agissant des données que vous avez, des données originales


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  1   dont vous vous êtes servi pour effectuer votre analyse et comparer les

  2   données que les experts de l'Accusation ont utilisées, alors pourriez-vous

  3   nous expliquer s'il vous plaît, nous expliquer quelles sont les similitudes

  4   et quelles sont les différences par rapport à la pertinence.

  5   R.  Il s'agit là d'une question qui est la question la plus importante qui

  6   figure dans nos rapports, dans les rapports des témoins experts de

  7   l'Accusation et dans nos rapports d'expert à nous.

  8   Tout à l'heure, j'ai parlé de ce type de rapport et j'ai dit qu'il y

  9   a deux pierres angulaires qui y figurent. Donc, l'une pierre angulaire --

 10   l'une des pierres angulaires, c'est la source et l'autre, c'est la

 11   méthodologie, donc l'approche méthodologique et donc, la -- il y a -- c'est

 12   une grande différence entre la façon dont les experts de l'Accusation se

 13   sont servis des données et nous.

 14   Et il était très important de voir quelles sont les données les plus

 15   valables. Alors, il y a d'abord les données primaires, donc les données les

 16   plus valables, les données les plus pertinentes. Et si vous avez ces

 17   données, premièrement, vous devez faire appel à ces données. Et ensuite, il

 18   faut le recueillir.

 19   Voilà, je vous cite un exemple : Une telle donnée par exemple serait

 20   le recensement de la population et même si nous avons un très grand nombre

 21   d'objections pour ce qui est de la population, du recensement de la

 22   population en BiH de 1991, il s'agit là quand même d'une source primaire de

 23   données et c'est très clairement indiqué dans notre rapport et nous avons

 24   même cité certains passages provenant des -- provenant de l'Accusation --

 25   des experts de l'Accusation si ceci n'a jamais été publié après le

 26   recensement de 1991, alors que nous, dans nos rapports, nous avons trouvé

 27   ces données seulement en 1998 et nous nous sommes servis de ces données

 28   pour rédiger nos rapports. Et je trouve que c'est l'un -- c'est l'une des


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  1   lacunes très importantes s'agissant du rapport de l'Accusation, parce

  2   qu'ils ne se sont pas servis de ce type de données primaires. Ils ont

  3   plutôt utilisé une méthode mathématique et statistique qui donne des

  4   figures -- des chiffres imaginaires qui ne reflètent pas la réalité. Et

  5   j'entends par là les données secondaires.

  6   Donc, les experts de l'Accusation se sont servis de données

  7   secondaires et il s'agit là de données que vous pouvez utiliser pour

  8   rédiger, par exemple -- ou pour étoffer un rapport d'expert ou pour étoffer

  9   les sources primaires. Ils ne sont pas aussi pertinents.

 10   Ces données ne sont pas aussi pertinentes, parce qu'on les -- des

 11   données en question n'ont pas été publiées par les institutions officielles

 12   qui sont habilités de le faire, telles les agences chargés des questions

 13   relatives à la statistique ou des institutions d'Etat. Et nous pouvons

 14   l'énumérer, nous pouvons le dire avec certitude. Donc, un tel exemple, par

 15   exemple, serait les listes électorales de 1997. J'aurai sans doute

 16   l'occasion d'en parler. Et ensuite, comme deux données principales de

 17   source, les experts de l'Accusation se servent du recensement de 1991 et de

 18   la liste des -- électorale de 1997-1998 en se servant d'un modèle -- d'une

 19   méthode plutôt de comparaison. C'est une méthode complexe qui vous donne un

 20   tas de chiffres. Mais vous verrez que ceci ne donne pas une idée exacte de

 21   ce qui se passait, des événements qui se sont déroulés sur -- ou l'espace à

 22   leur avis.

 23   A l'exception de nos rapports -- pour comparer nos rapports à nous

 24   avec les rapports des experts de l'Accusation, nous, nous avons recueilli

 25   d'autres sources principales de données. Et vous savez qu'il s'agit là

 26   d'ouvrages scientifiques provenant soit de scientifiques éminents ou

 27   d'institutions très importantes. Il s'agit, bien sûr, du recensement de la

 28   population et c'est ces sources-là qui nous ont permis de choisir un


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  1   certain nombre de variables. Et j'ai pu aborder le tout d'une façon

  2   différente. J'ai pu calculer de façon différente les données et les

  3   phénomènes qui, d'une certaine façon, avaient été calculés par les experts

  4   de l'Accusation. Bien sûr, les résultats ne sont pas les mêmes, mais je

  5   peux vous dire que notre rapport à nous a un avantage : C'est que nous nous

  6   sommes servis des données primaires qui ont été disponibles et je peux vous

  7   les montrer ici aujourd'hui, je les ai avec moi.

  8   Donc, j'aimerais vous demander de me permettre de vous étoffer mes

  9   dires en vous donnant certains exemples, car j'aimerais vous montrer de

 10   quelle façon est-ce qu'on calcule les données qui ont été citées dans

 11   l'affaire du Dr Karadzic pour ce qui est de certaines municipalités.

 12   Q.  Merci. Pourriez-vous, je vous prie et je vous remercie d'ailleurs de

 13   banaliser les choses de façon excellente. Merci beaucoup. Vous simplifiez

 14   très bien.

 15   Mais j'aimerais vous demander : de quelle façon est-ce que l'on peut

 16   mesurer les variables lorsque la source des données est dans un cas le

 17   recensement, le groupe de contrôle est un -- le groupe de recensement,

 18   alors que le groupe expérimental serait les listes électorales. Alors que

 19   peut-on conclure lorsque l'on compare ces deux groupes ?

 20   R.  Eh bien, d'abord, je vais vous donner un exemple symbolique comme le

 21   disent les scientifiques : il ne faut pas mélanger les pommes et les

 22   poires. Donc, le recensement, d'une part, est une façon la plus globale de

 23   mesurer un espace, même si le recensement comportement plusieurs lacunes en

 24   Bosnie-Herzégovine en 1991, pour nous, est quand même une source

 25   pertinente. D'autre part, si vous voulez prendre ceci comme recensement de

 26   contrôle ou quelque chose qui permettra de conclure les choses sur un

 27   phénomène qui est traité, c'est -- ce sont les listes électorales. Et donc,

 28   vous ne faites que citer les experts de l'Accusation à ce moment-là qui


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  1   disent les listes électorales étaient volontaires. Alors, c'est leurs

  2   citations, c'est leurs thèses. Donc, d'après eux, ils disent que c'était

  3   volontaire. Donc quelqu'un pourrait s'inscrire en tant qu'électeurs et

  4   d'autres personnes non. Il y a eu différentes manipulations. Il vous était

  5   possible de voter à plusieurs endroits en Bosnie-Herzégovine ou bien, vous

  6   n'étiez peut-être pas motivé à sortir et voter, et cetera.

  7   Mais notre opinion à nous était que les listes électorales sont importantes

  8   pour l'année 1996. Et je pense que pour ce qui est de l'année 1996, c'est

  9   une année qui se rapproche de la fin de la guerre, car c'était l'année --

 10   la première année à laquelle les gens sont sortis en fait voter. Donc, ces

 11   deux méthodes de comparaison vous donnent une idée très complexe et donc,

 12   en utilisant ces deux méthodes, ils essayent de qualifier une manifestation

 13   ou un phénomène qui essaie de dire où se trouve cette personne par rapport

 14   -- des personnes qui se trouvent sur la liste électorale de 1996 en

 15   utilisation le recensement de 1991 et de voir où se trouvaient ces

 16   personnes. Et ça, c'est très intéressant, parce qu'il y a toute une série

 17   de données très complexes.

 18   Alors, j'ai parlé de l'immigration, de la migration de la population,

 19   mais il faut également tenir compte des motifs. La migration est-elle

 20   spontanée ? Est-elle pour des raisons économiques ? Est-ce que c'était pour

 21   retrouver les membres de la famille, et cetera ? Donc, qui sait pourquoi

 22   une personne s'est installée sur un territoire rural ? Pourquoi une

 23   personne a-t-elle quitté la ville ? Et cetera, et cetera. Et nous n'avons

 24   pas ces données ou ces informations profondes scientifiques. Elles ne

 25   figurent pas dans les rapports des experts de l'Accusation. Donc, une

 26   analyse en profondeur n'existe pas, n'y est pas, chez eux.

 27   Et nous, nous disons, lorsqu'on parle de la statistique, je n'ai --

 28   je ne veux attaquer personne ici, mais de façon métaphorique, les chiffres


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  1   disent -- peuvent seulement aider aux personnes qui veulent jouer avec les

  2   chiffres. Nous pouvons tous nous servir de ces chiffres et jouer avec les

  3   chiffres. Mais ce n'est qu'une analyse en profondeur qui peut montrer une

  4   manifestation ou un phénomène. Mais voilà justement des lacunes principales

  5   de la méthode utilisée par l'autre camp, si nous nous comprenons bien, où

  6   ils ont peut-être eu recours à d'autres méthodes scientifiques et à

  7   d'autres approches scientifiques.

  8   Et il s'agit là, je le dis, d'une structure de la population

  9   s'agissant de la tranche -- le groupe d'âge. Donc, je -- par exemple, j'ai

 10   des données de 1998 qui ont été publiées par le centre statistique de

 11   Bosnie-Herzégovine et qui compte -- porte en soi le groupe d'âge de la

 12   population pour 1998, et vous l'avez -- pour la première fois, vous avez là

 13   toutes les structures ou des tranches d'âges. Vous prenez cette variable-

 14   là, vous prenez la variable des déplacements naturels qui sont toujours

 15   présents, vous prenez le déplacement total. Et si vous souhaitez, vous

 16   pouvez également prendre une variable qui est la fertilité, c'est une

 17   variable très importante aussi, et vous avez d'autres données. Donc en

 18   employant des méthodes scientifiques, vous arrivez à un résultat qui

 19   s'appelle une reconnaissance scientifique, et qui ne correspond pas aux

 20   résultats que nous retrouvons dans les rapports de l'Accusation.

 21   Et c'était notre objectif de démontrer que nous pouvons calculer de

 22   façon encore plus simple, et nous pouvons arriver à une image beaucoup plus

 23   réelle de la situation en Bosnie-Herzégovine, et de ce qui se passait en

 24   Bosnie-Herzégovine.

 25   Q.  Merci beaucoup. Et nous arrivons à ceci, j'aimerais savoir quelles sont

 26   les manières qui permettent d'établir des changements démographiques

 27   surtout lorsqu'il s'agit de pertes démographiques ? Et pourriez-vous nous

 28   dire, s'il vous plaît, aussi, qu'est-ce qui a influé plus particulièrement


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  1   sur le travail des experts de l'Accusation ? Qu'est-ce qui leur a permis de

  2   conclure quelles étaient les dimensions des pertes démographiques ? Qu'est-

  3   ce qu'ils ont pris en compte, qu'est-ce qu'ils n'ont pas pris en compte ?

  4   Donc, ça veut dire s'agissant de la population qui se trouve dans les pays

  5   tiers; est-ce qu'on sait, par exemple, si une population, quel est le

  6   nombre des personnes qui se trouvent dans une municipalité avoisinante, et

  7   cetera, est-ce que ceci est considéré comme une perte, et cetera, et

  8   cetera. Donc qu'est-ce que vous pouvez nous dire là-dessus.

  9   R.  Eh bien, voici, il est tout à fait clair qu'au cours des 20 dernières

 10   années, l'objet de mon intérêt scientifique, indépendamment du fait qu'un

 11   jour je viendrais déposer devant ce Tribunal, c'était les pertes

 12   démographiques en Bosnie-Herzégovine. Parce que, nous, lorsque nous nous

 13   occupons des questions de recherches démographiques, nous avons

 14   l'obligation de nous pencher sur ce genre de questions.

 15   Et je peux vous dire qu'il s'agit de la question la plus complexe. C'est

 16   une question à laquelle personne ne peut vous donner vraiment une réponse

 17   explicite, à savoir quelles étaient les pertes démographiques, plus

 18   particulièrement lorsqu'il s'agit de pertes directes de la guerre, des

 19   pertes classiques, donc des pertes de la guerre. Et ensuite, il y a eu

 20   d'autres pertes d'autres natures. Et vous savez, ce Tribunal est au courant

 21   du fait que l'on opérait avec deux sources pertinentes s'agissant des

 22   pertes démographiques, c'est le centre Mirsad Tokaca, de Sarajevo, le

 23   centre de documentation. Et il s'agit là, bien sûr, des recherches de

 24   l'expert de l'Accusation, Ewa Tabeau. Donc leurs pertes vont de 104 730

 25   victimes, leurs pertes sont estimées d'une part à 97 000, et 104 735

 26   [phon]. Il s'agit d'une estimation, il ne s'agit pas de pertes

 27   démographiques, parce que, lorsque vous calculez les pertes démographiques

 28   pour un pays, c'est quelque chose de très important. Vous pouvez observer


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  1   les conditions de guerre, et vous pouvez observer le tout dans les

  2   conditions lorsqu'il n'y a pas de guerre dans un pays ce qui se passerait.

  3   Donc j'ai adopté cette approche, et j'ai pris en compte les victimes

  4   directes de la guerre, et il n'y a pas une grande différence quant aux

  5   chiffres, d'après mes calculs à moi. Il s'agit de chiffres approximatifs.

  6   Mais personne en fin de compte ne peut réellement donner le vrai numéro, le

  7   vrai nombre de victimes en Bosnie-Herzégovine. Si une personne souhaite

  8   dire qu'elle détient les chiffres exacts, eh bien, ce n'est pas une

  9   approche sérieuse. Donc, d'après moi, il s'agirait environ de 110 000

 10   d'après une évaluation qui est la mienne. Ce sont des pertes les plus

 11   pénibles, celles qui font le plus mal, mais il ne s'agit pas de pertes

 12   démographiques. Donc il y a également des pertes démographiques, donc il y

 13   a également des pertes démographiques pendant la guerre ou s'ils n'avaient

 14   pas eu de guerre. Donc ce sont des pertes du taux de natalité. Donc en

 15   Bosnie-Herzégovine, la Bosnie-Herzégovine plutôt pendant la guerre a perdu

 16   un très grand nombre de citoyens. Donc cela veut dire --

 17   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le chiffre exact.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] -- mais ces bébés-là ne sont pas nés.

 19   Et le plus grand nombre de pertes, ce sont les pertes démographiques.

 20   C'est ça la perte la plus importante. Et ces pertes démographiques étaient

 21   très importantes avant la guerre, et beaucoup, pendant la guerre, on a

 22   généré des déplacements intérieurs de l'ABiH, et même à l'extérieur de la

 23   Bosnie-Herzégovine. Donc un million à l'extérieur, et un million à

 24   l'intérieur des frontières de l'ABiH pour encercler ces chiffres, et pour

 25   donner des chiffres. Donc nous avons après la guerre un retour beaucoup

 26   plus intensif, il y a environ 500 000 personnes, et il y a eu également 520

 27   000 [phon] personnes qui étaient restées à l'intérieur des frontières. Mais

 28   un très grand nombre souhaitait avoir des [inaudible] d'autres pays. Mais


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  1   d'après moi, après la guerre, après 1996, et ce jusqu'au aujourd'hui, en

  2   Bosnie-Herzégovine, 120 000 personnes sont partis de la Bosnie-Herzégovine.

  3   Et ensuite vous arrivez à un taux, un chiffre de 645 000 pertes

  4   démographiques, et donc il s'agit d'une très grande perte. C'est la

  5   catégorie de la population la plus vitale, et c'est grâce à ces recherches,

  6   ces recherches-là que les experts de l'Accusation n'ont pas étudiées. Ils

  7   n'ont pas tenu compte du tout de ceci.

  8   Mais il ne faut pas oublier ces données là, parce qu'il y a eu

  9   également d'autres faits, et ces faits-ci contribuent à d'autres faits. Et

 10   donc nous arrivons au chiffre de 900 000 personnes. Et donc la Bosnie-

 11   Herzégovine a perdu 900 000 personnes au cours des 20 dernières années.

 12   Donc très clairement si en 1991, il y a eu un recensement, l'ABiH aurait

 13   compté 4 700 000 personnes, et je vous rappelle qu'en 1991, il y avait 437

 14   millions de personnes, alors qu'aujourd'hui, d'après une évaluation

 15   officielle, les agences, pour les agences, ont vu que l'ABiH comptait 3 837

 16   000 [phon] personnes, et d'après nos évaluations personnelles, ce chiffre

 17   est beaucoup plus petit.

 18   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 19   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au témoin de ralentir le

 20   débit. Les interprètes de la cabine anglaise et les interprètes de la

 21   cabine française.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur, les interprètes vous demandent

 23   de ralentir quelque peu votre débit. Donc vous avez parlé de 4 377 000 de

 24   personnes. C'est là que nous nous sommes arrêtés.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je répète.

 26   La Bosnie-Herzégovine, en 1991, comptait 4 377 000 citoyens.

 27   S'il n'avait pas eu de guerre, dans d'autres conditions démographiques,

 28   selon une évaluation, nous estimons qu'en 2011, elle aurait compté 4 700


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  1   0000.

  2   Alors ce qui n'a pas été interprété ici, c'est qu'un si petit pays a

  3   perdu entre guillemets 900 000 personnes de façon directe et indirecte. Et

  4   nous arrivons maintenant au fait que les évaluations d'aujourd'hui, d'après

  5   les institutions statistiques officielles, en Bosnie-Herzégovine, nous

  6   avons aujourd'hui environ 3 830 000 personnes. Il est très facile de

  7   compter et de voir qu'il s'agit d'une perte de 900 000 personnes. Donc il y

  8   a 900 000 personnes de moins que si les conditions démographiques avaient

  9   été différentes, et si le développement démographique avait été différent.

 10   Et je vous parle de la période 2011.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais que l'on corrige au compte rendu

 12   d'audience, ligne 8, page 53, le Dr Pasalic n'a pas dit qu'il s'agissait en

 13   temps de guerre, la participation en temps de guerre, mais il a dit qu'il

 14   "s'était préparé, il avait étudié ces questions même s'il ne savait pas

 15   qu'il viendrait déposer."

 16   S'agissant des chiffres du Dr Tabeau, il s'agit d'un autre chiffre qui

 17   figure au compte rendu d'audience, le témoin n'a pas dit 492 000 --

 18   L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine française ont traduit

 19   correctement le chiffre.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Alors s'agissant maintenant de ce chiffre de 900 000, qu'est-ce que

 22   ceci, quel  -- pour arriver à cette moyenne négative de moins 17 000, est-

 23   ce que c'est trois 340 000 avant la guerre ou pendant la guerre ? Je n'ai

 24   pas très bien copris. Au cours des 20 dernières années, est-ce que l'on

 25   aurait accumulé 17 000 personnes ?

 26   R.  Très intéressant. Si l'on pouvait choisir le développement

 27   démographique - justement, j'ai essayé de le dire dans mes déclarations.

 28   Alors, la Bosnie-Herzégovine était entrée dans une transition démographique


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  1   avant la guerre, ce qui veut dire que c'était une période pendant laquelle

  2   il y a eu un changement de population. La population de la BiH en moyenne

  3   était en train de vieillir. Sa population avait un taux de natalité

  4   inférieur, et c'est une tendance des pays développés que l'on vive plus

  5   longtemps aussi.

  6   En 1991, l'âge moyen des citoyens de la BiH était de 33 ans. Aujourd'hui,

  7   cet âge moyen, d'après nos évaluations à nous, est de 40 ans. Et cette

  8   tendance, s'il n'y avait pas eu de guerre, elle aurait été continuée.

  9   Prenons maintenant un autre pays : la Croatie, la Slovénie, la Serbie, ces

 10   pays démontrent qu'il y a une même tendance démographique. Donc la

 11   population a déjà dépassé cet âge de 40 ans et dont la population se trouve

 12   sur ce territoire. Et pour la première fois dans l'histoire, depuis 2007,

 13   la Bosnie-Herzégovine est entrée dans un processus de dépopulation, donc

 14   perte de sa population. Il y a moins de personnes qui sont nées qu'il y en

 15   a qui meurent. Et c'est la première fois que cela arrive du point de vue de

 16   la structure démographique de Bosnie-Herzégovine. Donc il s'agit de

 17   changements qui se seraient produits même sans la guerre. Mais la guerre a

 18   accéléré certains processus, surtout quand il s'agit des déplacements de la

 19   population. Parce que les autres caractéristiques n'auraient pas été

 20   modifiées même s'il n'y avait pas eu de guerre. Ce sont les tendances

 21   globales au niveau mondial. Et on peut donc voir que la Bosnie-Herzégovine

 22   ne représente pas d'exception.

 23   Q.  Mais on n'a pas vu que vous avez bien affirmé que nous aurions eu 340

 24   000 même sans la guerre.

 25   Donc, si la tendance s'était poursuivie de 17 000 de balance négative

 26   démographique par an, quels auraient les chiffres, donc le nombre de la

 27   population sans la guerre, sans le facteur guerre ?

 28   R.  C'est très facile de calculer cela. Vingt années fois 17 000, on en


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  1   arrive à 250 000 de personnes en moins à cause des migrations. Mais il faut

  2   ajouter l'autre composante, parce que, là, il s'agit de pertes

  3   démographiques nettes. Il s'agit du manque des naissances. Il y a moins de

  4   gens qui naissent en Bosnie qu'ailleurs. Et c'est à l'aide de ces calculs

  5   qu'on arriverait à ce chiffre de 340 000 pertes au niveau démographique.

  6   Pour conclure, la Bosnie-Herzégovine, même avec le temps idéal, en

  7   paix idéale -- les conditions de paix idéale, elle n'aurait pas vu les

  8   mêmes conditions de développement démographique que celles qu'elle avait

  9   entre la fin de la Deuxième Guerre mondiale et les années 1990. Dans tous

 10   les autres pays, nous avons exactement la même tendance.

 11   Q.  Vu qu'ici nous sommes dans un procès au pénal, pourriez-vous nous dire

 12   dans quelles mesures on peut tirer des conclusions fiables portant sur

 13   l'illégalité ou bien le caractère criminel des déplacements de la

 14   population qui ont eu lieu à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine ?

 15   M. FILE : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde à la question,

 16   nous avons une objection quant à la question posée. Le témoin n'est pas ici

 17   pour parler de la nature légale ou illégale des migrations de population.

 18   Et je pense que la question, de toute façon, n'est pas assez précise.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson, est-ce que vous

 20   pourriez nous aider ?

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, peut-être que le Dr Karadzic

 22   pourrait nous préciser ce qu'il veut dire, ce qu'il entend par "illégal",

 23   et ceci serait for au-dessus.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai tendance à être d'accord avec le

 25   Procureur.

 26   Mais pourriez-vous nous préciser, Monsieur Karadzic, que vouliez-vous

 27   dire par "illégal" ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit donc des expulsions illégales.


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  1   Nettoyage ethnique. Vu que le Procureur indique que ces pertes au niveau

  2   démographique sont les résultats de ces expulsions illégales de la

  3   population. Et je demande à notre expert de tirer des conclusions sur la

  4   base de son rapport d'expert et du rapport d'expert du Procureur quand il

  5   s'agit de déterminer la légalité de ces fluctuations qui ont eu lieu

  6   pendant la guerre, vu que les mêmes tendances ont existé même avant la

  7   guerre.

  8   [La Chambre de première instance se concerte] 

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, allez-y.

 10   Vous pouvez essayer de répondre, Monsieur le Témoin.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais essayer de répondre le plus

 12   brièvement possible.

 13   Eh bien, il s'agit d'une simplification, et ce sont vraiment des

 14   conclusions très osées, ces conclusions qui figurent dans le rapport du

 15   Procureur qui dit qu'il s'agissait là de tendances qui ne sont pas des

 16   tendances naturelles. Moi, je trouve que le problème est bien plus complexe

 17   que cela et que, donc, il est très osé -- en tout cas, moi, je n'oserais

 18   pas le faire. Je n'oserais pas tirer des conclusions aussi faciles, parce

 19   que je pense que là il s'agit de conclusions tendancieuses qui ne reflètent

 20   pas la complexité de la situation --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. Avant de répondre, pourriez-

 22   vous nous montrer l'endroit où ces conclusions se trouvent dans le rapport

 23   du bureau du Procureur ?

 24   Monsieur File, seriez-vous d'accord --

 25   M. FILE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, tout à fait.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous ai demandé si vous êtes d'accord

 27   pour dire qu'il y a de telles conclusions dans le rapport du bureau du

 28   Procureur.


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  1   M. FILE : [interprétation] Non, non. Je pense que dans le bureau [comme

  2   interprété] de M. [comme interprété] Tabeau on ne trouve pas de

  3   commentaires, il n'y a pas de conclusions tendancieuses. Il s'agit d'un

  4   rapport basé sur des statistiques. Et je voudrais savoir exactement quelle

  5   est la partie du rapport auquel le témoin fait référence.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, Monsieur Karadzic, mis à part

  7   cela, vous êtes arrivé à des chiffres précis. Vous nous avez montré des

  8   exemples précis. Parce que c'est très difficile de vous suivre quand vous

  9   parlez de façon générale et de façon abstraite.

 10   Docteur, est-ce que vous l'avez trouvé ?

 11   Ou, Monsieur Karadzic, vous pouvez peut-être nous montrer cette

 12   portion du rapport.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, le Dr Tabeau n'est pas

 14   ici pour assister à une conférence scientifique. Elle a été convoquée pour

 15   prouver ma responsabilité dans les changements démographiques qui ont eu

 16   lieu --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. Le Dr Pasalic a dit que

 18   l'expert du bureau du Procureur a tiré des conclusions assez osées et que

 19   cet expert n'aurait pas dû tirer de telles conclusions. Vous avez dit qu'il

 20   s'agissait de conclusions partiales qui ne reflètent pas quelque chose.

 21   Donc moi, je voudrais voir exactement quelles sont ces conclusions du

 22   Dr Tabeau, et donc à quel endroit on les trouve dans son rapport.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Après la pause, je serai en mesure de vous le

 24   montrer, Monsieur le Président. Mais la nature même de la déposition du Dr

 25   Tabeau était telle qu'elle voulait prouver ma responsabilité dans les

 26   changements démographiques, dans le sens où il s'agissait de confirmer la

 27   thèse du Procureur que ces changements ont été provoqués par des expulsions

 28   par la force de la population non serbe. Donc c'est très clair quelle a été


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  1   la mission du Dr Tabeau.

  2   Après la pause, si vous le demandez toujours, je pourrais vous fournir

  3   davantage d'informations quant aux endroits où on dit, implicitement ou

  4   explicitement, que ces changements sont le résultat du nettoyage ethnique.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur File.

  6   M. FILE : [interprétation] Moi, je voudrais tirer un point de clarification

  7   ici.

  8   Mme Tabeau montre quels étaient les changements démographiques, et il

  9   y a des milliers de pages de compte rendu d'audience, de milliers de pièces

 10   à conviction qui montrent quelle a été la motivation, la raison de ces

 11   changements.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, pourquoi a-t-on exclu le mouvement de la

 13   population serbe de ce rapport d'expert ? Car il faut que les deux

 14   variables soient prises en compte pour établir la vérité, la variable serbe

 15   et la variable musulmane.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vous ai pas suivi là.

 17   Vous dites en somme qu'on vous a interdit de traiter des changements

 18   démographiques intervenus au niveau de la population serbe. C'est bien de

 19   cela que vous parlez ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si ce qu'a dit le bureau du Procureur est

 21   exact, à savoir que le Dr Tabeau a montré de façon impartiale le mouvement

 22   de la population, eh bien, ce n'est pas quelque chose que l'on pourrait

 23   établir sans tenir compte du mouvement de la population serbe, surtout

 24   quand il s'agit de chiffres relatifs qui dépendent les uns des autres. Et

 25   donc, si tel est le cas, je voudrais savoir dans quelle mesure on peut

 26   utiliser le rapport d'expert établi par le Dr Tabeau pour prouver

 27   éventuellement ma responsabilité. Pourquoi l'a-t-on invitée à témoigner si

 28   on n'est pas ici pour chercher qui est coupable de la guerre ? A la place


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  1   de cela, on est ici pour voir qui est coupable des différents crimes de

  2   guerre.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur, est-ce que vous avez eu la

  4   possibilité d'examiner le rapport du Dr Tabeau et est-ce que vous avez pu

  5   trouver les conclusions qu'elle a tirées pour corroborer ce que vous avez

  6   dit ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, je veux vous répondre que j'ai

  8   examiné tous les rapports du Dr Tabeau, à partir de celui élaboré pour

  9   l'affaire Milosevic qui a servi de base pour tous les autres rapports, et

 10   puis aussi quelque chose qu'elle a écrit dans une thèse qui s'appelle : "La

 11   guerre exprimée en chiffres." Ici, je n'ai pas ses conclusions, mais sur la

 12   base d'une phrase prononcée par le Dr Karadzic, même si je ne vois pas cela

 13   ici, je peux vous dire en toute confiance que ses conclusions ne tiennent

 14   pas la route vu la complexité des changements dont j'ai parlé ici

 15   aujourd'hui.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 17   Monsieur Karadzic, vous pouvez poursuivre.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais intervenir. Page 14 -- page 16,

 19   ligne 60, j'ai dit que ces chiffres étaient "interdépendants" et que le

 20   changement au niveau d'un groupe ethnique dépend aussi des changements des

 21   allées et des venues des autres groupes ethniques, et les deux facteurs

 22   doivent être pris en compte.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur, Docteur Pasalic, je suis en train d'examiner le paragraphe 24

 25   de votre déclaration. Etes-vous en mesure de me dire ce que vous vouliez

 26   dire, morts au combat, donc les décès provoqués par les combats ? Vous vous

 27   êtes appuyé sur deux auteurs. Pourriez-vous nous dire quels sont les types

 28   de décès que l'on peut identifier dans une guerre civile ?


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  1   R.  J'ai voulu vous donner une définition théorique des types de mort. Vu

  2   que l'approche adoptée par le bureau du Procureur était une approche assez

  3   libre, on n'a pas utilisé les documents standardisés pour définir la mort.

  4   Il s'agit des documents que possèdent différentes institutions

  5   hospitalières et autres institutions.

  6   C'est pour cela que je me suis appuyé sur différentes catégories qui

  7   existent dans le monde. Quatre catégories. Donc vous avez la catégorie

  8   suite au conflit, ensuite vous avez les morts provoqués par la violence

  9   d'un côté, par les crimes non organisés, ou bien aussi vous avez

 10   l'augmentation des décès de mortalité sans qu'il y ait eu de violence.

 11   Pourquoi ai-je fait cela ? Eh bien, je l'ai fait parce que je n'ai

 12   pas trouvé ces informations dans les experts du Procureur qui traitent des

 13   informations concernant le nombre de décès pendant la guerre. Et donc, ils

 14   étaient obligés de faire cette différence, mais ils ne pouvaient pas le

 15   faire, et ça je le comprends, parce qu'ils ne disposaient pas des bases de

 16   données au départ. Il s'agit des documents standardisés, des formulaires,

 17   qui sont les mieux à même et les seuls à même pour montrer les raisons de

 18   décès des personnes.

 19   Q.  Pourriez-vous nous dire quels sont les pourcentages de ces quatre

 20   catégories de décès dans les guerres civiles ? Est-ce que vous disposez de

 21   ces informations ?

 22   R.  Eh bien, j'ai dit que dans certains rapports, pas seulement dans les

 23   rapports du bureau du Procureur, on n'a pas vraiment fait de différence

 24   entre les combattants et les civils. Et pour des raisons qui me sont

 25   inconnues, des raisons assez tendancieuses, on a établi que la mort est

 26   intervenue à cause du premier, deuxième, troisième ou quatrième facteur.

 27   Moi, j'ai pensé que tout simplement cela ne tenait pas la route, et

 28   j'insiste - mais, moi, je ne dispose pas de ces informations - j'insiste


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  1   qu'il faut appliquer ces critères, ce sont des critères internationaux, et

  2   il faut absolument procéder à cette catégorisation-là.

  3   Et d'après moi, il ne s'agit pas seulement des morts au combat. Dans

  4   la guerre, vous avez davantage des maladies, des enfants mort-nés,

  5   davantage de décès provoqués par des causes non violentes. Ceci ressort de

  6   tous les rapports concernant la Bosnie-Herzégovine. Ces informations nous

  7   manquent, et ceci diminue la validité de ces rapports. Malheureusement,

  8   moi-même je ne dispose pas de ces informations et je ne saurais donc vous

  9   les fournir.

 10   Q.  Merci. En outre du fait qu'une version originale de ces recherches

 11   serait utile, pourriez-vous nous dire en quoi les recherches longitudinales

 12   que vous avez effectuées pendant la guerre -- comment ce type de recherches

 13   ou quelle serait son évaluation en termes d'exactitude par rapport à ce que

 14   votre collègue du bureau du Procureur aura fourni ? Ces recherches --

 15   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que la question soit répétée.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre question n'a pas été interprétée,

 17   Monsieur Karadzic, si vous pouviez la répéter.

 18   Pourriez-vous répéter la dernière phrase ?

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Votre observation des événements pendant la guerre et les recherches

 21   sur ce phénomène, ont-elles -- ou plutôt, sont-elles de nature

 22   longitudinale, et quelle est la valeur de ces recherches longitudinales

 23   plutôt que des recherches transversales tout particulièrement au vu des

 24   sources secondaires d'information ?

 25   R.  Au fil des 20 dernières années, j'ai appliqué la recherche tant

 26   longitudinales, et pour que ce soit clair, cela veut dire faire des

 27   recherches ou de suivre certains phénomènes, et ce, dans la continuité en

 28   succession. C'est ce que j'ai dit au départ que j'ai effectué des


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  1   recherches avant la guerre, pendant la guerre, et après la guerre. Il y a

  2   également la démarche transversale qui est la démarche où l'on observe un

  3   phénomène parallèlement dans différents secteurs qui peuvent être ce que

  4   l'on voie dans ma recherche tout particulièrement pendant la guerre, c'est-

  5   à-dire dans certains secteurs de la Bosnie-Herzégovine.

  6   Cette recherche mène toujours à des conclusions ou de résultats plus

  7   viables, et plus scientifiques. C'est là l'un des défauts du rapport des

  8   experts du bureau du Procureur, car ceux-ci ne se sont servis de données

  9   que d'une seule période. Par exemple, si vous ne prenez que 1992, cela ne

 10   saura vous dire quoi que ce soit sur ce qui s'est passé en Bosnie-

 11   Herzégovine au fil du temps. Donc c'est pourquoi j'ai souligné qu'il est

 12   nécessaire d'adopter la démarche longitudinale et transversale.

 13   Q.  Merci. Vous avez dit, et ce pour le compte rendu que la démarche

 14   transversale signifie d'observer un certain phénomène à un moment donné, et

 15   ce, dans plusieurs secteurs, dans des secteurs différents, et pas dans le

 16   même secteur.

 17   R.  Oui, c'est exact.

 18   Q.  Est-ce que vous avez relevé ou conclu, plutôt, et consigné

 19   l'application de méthodes scientifiques concernant la migration des

 20   populations après la guerre, et après les accords de Dayton ?

 21   R.  Quand la guerre s'est terminée, après la guerre, on le voit dans ma

 22   recherche que les tendances démographiques en Bosnie-Herzégovine se sont

 23   poursuivies, et qu'elles étaient négatives. Donc il y a eu une chute du

 24   taux de natalité, donc si vous voulez une dépopulation naturelle.

 25   L'immigration en d'autres termes, les personnes qui partaient, et une

 26   redistribution de la population de la Bosnie-Herzégovine que l'on voie à

 27   partir de statistiques publiées par le bureau des statistiques sur le

 28   déplacement interne des populations. Nous voyons qu'il y a une tendance


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  1   plus importante du déplacement de populations vers la Republika Srpska, et

  2   un chemin plus important encore de ceux qui reviennent dans la région de

  3   Brcko. Je vois qu'il y a une relation entre les deux, et quoi qu'il en soit

  4   après la guerre, il y a également un certain nombre de tendances négatives

  5   en Bosnie-Herzégovine, le nombre d'habitants chute, vieillit, les

  6   populations plus jeunes ont un développement plus lent, mais il y a

  7   stagnation sans doute, et il y a également une perte migratoire plus

  8   importante tout simplement parce qu'il y a tant de pays d'immigration qui

  9   acceptaient les habitants qui émigraient de Bosnie-Herzégovine.

 10   C'est là ma conclusion générale parce qu'il y a quelques pays d'immigration

 11   qui ont facilement ouvert leurs portes au courant migratoire.

 12   Q.  Merci. Pourriez-vous expliquer le tableau 17 de votre rapport. Comment

 13   se fait-il que la Republika Srpska ait eu une tendance, une croissance

 14   démographique positive, et qui sont ceux qui reviennent ou qui viennent

 15   s'installer en Republika Srpska.

 16   R.  Dans mon rapport, j'ai présenté ces données, et je me suis servi de

 17   l'agence des statistiques de Bosnie-Herzégovine, document de 2011, et des

 18   informations également dont nous disposions pour 2012, comme je l'ai dit

 19   ici, et la tendance est la même.

 20   Vous voyez, en Republika Srpska, que le nombre de personnes qui

 21   s'installe est plus important que celui de ceux qui s'en vont, et que cette

 22   tendance est positive. Alors en ce qui concerne l'immigration, il y a un

 23   plus grand nombre de personnes --

 24   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que M. le Témoin

 25   ralentisse.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les interprètes n'ont pu suivre ce que

 27   vous disiez.

 28   Est-ce que vous pourriez répéter.


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  1   Et entre-temps, est-ce que l'on pourrait afficher ce document à la page en

  2   anglais, page 68, au prétoire électronique ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Dois-je répéter ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  6   Alors le tableau 17 qui a été produit à partir de données officielles

  7   venant de l'agence des statistiques, le bureau des statistiques de la

  8   Bosnie-Herzégovine, qui produit ce type d'information tous les ans. Nous le

  9   voyons, la Republika Srpska a, au fil de l'an, davantage de personnes qui

 10   viennent s'y installer que de ceux qui en sortent et qui partent. Ce qui

 11   signifie que le taux migratoire est positif. Alors que par rapport à la

 12   fédération BiH et la région de Brcko, là, le ratio est, le taux est

 13   négatif.

 14   Ce sont des informations certes à partir de 2011, mais la tendance existe

 15   déjà dans des données statistiques antérieures lorsque la migration

 16   intérieure était surveillée. Et ceci date de 2007 jusqu'à 2012. Je n'ai pas

 17   ces informations là, mais ces informations existent.

 18   Donc ceci indique également qu'il y a une redistribution qui se poursuit

 19   des populations, et ce sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ou encore

 20   comme nous l'avons dit dans le sens statistique, il y a une homogénéisation

 21   territoriale ethnique.

 22   Q.  Merci.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comment est-ce que cela peut représenter

 24   une tendance si ceci se limite à 2011, et au site de Brcko ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement. J'ai dit que je n'ai que faire

 26   un survol de 2012. Vous avez raison, en soi, ce ne serait pas exact. Mais

 27   j'ai également ajouté que cela a été surveillé ou suivi depuis 2007, et que

 28   pendant toute cette période, de 2007 à 2012, cette tendance reste la même.


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  1   Elle est positive, la tendance ou le taux migratoire est positif pour la

  2   RS, et négatif pour la fédération de Brcko.

  3   Malheureusement, je n'ai pas, je ne suis pas saisi des données, mais c'est

  4   quelque chose que j'ai observé, et je le répète c'est dans la continuité.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  6   Si vous voulez bien continuer.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous dire quelle est la part ou l'effet plutôt

  9   des événements de la guerre ou des tensions interethniques ou des autorités

 10   serbes, en la matière ? Dans quelle mesure ces dernières sont-elles

 11   responsables de la chose ou plutôt qu'est-ce que les Musulmans, les Croates

 12   fuient ?

 13   R.  Eh bien, tout d'abord, je vous dirais la chose suivante : Tous ceux qui

 14   ont souhaité retourner en Republika Srpska et récupérer leurs biens, parce

 15   que, bien sûr, cela, c'est un choix personnel et individuel, donc, je vais

 16   mentionner plusieurs domaines où un grand nombre de Musulmans sont revenus.

 17   Par exemple, Zvornik, 25 000 Musulmans sont revenus à la zone musulmane

 18   après la guerre. Ou Kozarac à côté de Prijedor et dans toute cette

 19   municipalité.

 20   D'un autre côté, ce qui est frappant, très frappant, c'est le fait

 21   que les Serbes ne retournent pas dans la fédération, même pas ceux qui, de

 22   tradition, souhaiteraient retourner sur leur propre territoire ou dans

 23   leurs foyers, si l'on peut dire, car ceci n'a pas été prévu. Les bâtiments

 24   n'ont pas été rebâtis. Il y a -- ou reconstruits. Il n'est pas non plus

 25   possible de [inaudible] un moyen d'existence du point de vue économique. Il

 26   n'y a pas de moyen d'existence.

 27   En -- Dans l'ex-territoire de la fédération, il y avait 17 % de

 28   Serbes de par le passé alors que --


Page 35382

  1   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que le témoin répète les

  2   pourcentages.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous reprendre, Monsieur, à

  4   partir de -- à partir des pourcentages ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai dit, pour répondre à la question

  6   pourquoi les Serbes et les Croates quittaient et quittent la fédération 15

  7   ans encore après la guerre, j'ai déclaré que selon certaines estimations ou

  8   celles du bureau des statistiques de la Bosnie-Herzégovine, seuls 3 % de

  9   Serbes sont dans la Fédération de la Bosnie-Herzégovine aujourd'hui. Il y a

 10   75,5 % de Bosniaques, 25 % de Croates et le restant étant autre, [comme

 11   interprété] (total en haut de 100).

 12   En 1991, il y avait 17 % de Serbes dans les -- dans cette fédération avec

 13   les mêmes frontières d'aujourd'hui et l'on estime qu'il y avait environ 400

 14   000 Croates dans la fédération aujourd'hui alors qu'en 1991, il y avait 750

 15   000 Croates.

 16   Donc, je vais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure : Les Serbes et les

 17   Croates gravitent vers la Serbie et la Croatie respectivement. D'un autre

 18   côté, je répéterais le retour en Republika Srpska ont été quasiment

 19   finalisés et par exemple, dans la municipalité de Zvornik, 25 000

 20   Bosniaques sont revenus sur leurs terres et dans leurs foyers. Se sont des

 21   informations fondées sur les informations des institutions bosniennes, car

 22   il -- ces institutions conservent des éléments en la matière et tout

 23   particulièrement sur les éléments de reconstruction de récupération des

 24   biens.

 25   Donc, c'est là la différence migratoire que l'on a indiqué et l'explication

 26   que nous donnons dans le tableau 17, c'est-à-dire la raison pour laquelle

 27   la croissance est positive en Republika Srpska et négative dans la

 28   fédération.


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  1   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire maintenant quelle est la base sur

  2   laquelle vous vous fondez pour vos conclusions que vous présentez

  3   concernant 20 municipalités de la fédération ou 65 municipalités en

  4   Republika Srpska ? En quoi cet échantillon est-il représentatif ? Quelle

  5   est sa nature ?

  6   L'interprétation est désastreuse. Je vais essayer de faire plus simple pour

  7   les interprètes. Du nombre total de municipalités de Bosnie-Herzégovine,

  8   c'est-à-dire 148 par rapport à 62 nouvelles municipalités en Republika

  9   Srpska, dans quelle mesures est-ce que l'échantillon des 20 municipalités

 10   qui ont été indiquées dans mon dernier acte d'accusation, dans quelle

 11   mesure cela est-il représentatif pour tirer des conclusions sur un

 12   phénomène de façon systématique ?

 13   R.  Si je voulais être explicite, je dirais que ce n'est absolument pas

 14   représentatif, non seulement si l'on prend ces 20 municipalités, mais

 15   également lorsque d'autres échantillons sont prélevés, pour la bonne raison

 16   qu'on se sert d'échantillons idoines, soi-disant idoines, ce qui fait que

 17   lorsque vous fondez un échantillon conformément à quelque position que vous

 18   souhaitez prendre, à ce moment-là, vous obtiendrez des statistiques

 19   erronées et un tableau historique également erroné, ce qui veut dire que

 20   ces informations ne sont pas utilisables du point de vue pratique, tout

 21   particulièrement lorsqu'il s'agit de cas aussi complexes que celui-ci.

 22   Ce -- qu'est-ce qui serait arrivé si ont avait pris que les 62

 23   municipalités de la Republika Srpska ou le même nombre de municipalités de

 24   la fédération ? Ceci nous donnerait des données faussées. Ce ne serait pas

 25   représentatif et ce, sans voir ou sans survoler l'intégralité du -- de la

 26   région ou l'on ne peut tirer ou dresser un tableau historique exact et ni

 27   d'ailleurs les statistiques exactes.

 28   Q.  Merci.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure et je

  2   présume que vous avez voulu intervenir et j'aimerais remercier M. Ram. Et

  3   nous venons d'apprendre, grâce à son amabilité que nous en sommes aux 365

  4   jours de ce procès, ce qui veut dire que nous sommes dans ce prétoire

  5   depuis un an.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On nous a également dit que le témoin

  7   suivant sera le 300e témoin au total, donc y compris ceux du Procureur.

  8   Etant donné l'heure, nous allons faire une pause et ce de 45 minutes

  9   et nous reprendrons donc à 13 heures 18.

 10   --- L'audience est suspendue à 12 heures 34.

 11   --- L'audience est reprise à 13 heures 19.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si nous incluons M. Momcilo Mandic, qui

 13   était -- si nous comptons le nom de M. Momcilo Mandic, qui était le témoin

 14   de la Chambre, Docteur Pasalic, maintenant 300e témoin pour ce qui est au

 15   nombre total du témoin dans ce procès.

 16   Monsieur Karadzic, continuez.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Docteur Pasalic, vous nous avez parlé d'échantillon représentatif pour

 19   ce qui est du nombre de municipalités de la Republika Srpska par rapport à

 20   200 et quelques municipalités, l'échantillon comprenait 62 municipalités en

 21   Bosnie-Herzégovine. Pouvez-vous nous dire quelque chose pour ce qui est du

 22   traitement de ces catégories de Musulmans, Croates, Serbes et autres par

 23   les experts du bureau du Procureur ?

 24   R.  Je dirais qu'il y a eu une confusion pour ce qui est de cette catégorie

 25   autre. Pourquoi ? C'est parce que son recensement de 1991, en Bosnie-

 26   Herzégovine, il y avait des personnes recensées qui se sont déclarées comme

 27   appartenant à des groupes ethniques de façon suggestive. Il y avait trois

 28   peuples constitutifs à l'époque, à savoir musulman, serbe et croate. Et


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  1   plus 27 catégories d'appartenance à de différents groupes ethniques où on

  2   avait peu de personnes déclarées comme appartenant à ces catégories et les

  3   autres -- il y avait catégorie autre. Il y avait également catégorie

  4   yougoslave qui, pour les personnes qui se sont déclarées yougoslaves à

  5   l'époque, et dans cette catégorie, il y avait le plus de personnes qui se

  6   sont déclarées comme étant yougoslaves. Donc je dirais qu'il s'agissait

  7   d'une catégorisation assez libre où les Yougoslaves ont été mis dans la

  8   catégorie autre. Et pour ce qui est de la catégorie yougoslave, cette

  9   catégorie de la population traditionnellement est reliée à la communauté

 10   serbe, au peuple serbe, moins au peuple musulman encore, moins au peuple

 11   croate. Par exemple, Siroki Brijeg, une ville en Herzégovine occidentale où

 12   il y a un ou 2 % de la population qui se sont déclarés comme étant

 13   yougoslaves par rapport à la ville de Banja Luka où les Serbes sont

 14   dominants et/ou il y a entre 15 et 20 % de personnes qui se sont déclarées

 15   comme étant yougoslaves.

 16   Il était très important de trouver la façon à laquelle cette

 17   catégorie yougoslave allait être traitée dans ces rapports. Et selon moi,

 18   c'était une approche simplifiée parce que les Yougoslaves ont été mis dans

 19   la catégorie autre. Je me suis penché sur la région de Sarajevo et sa

 20   population pour y adopter une approche puisque j'ai tenu compte de tous les

 21   paramètres qui étaient à ma disposition. Donc la question concernant la

 22   catégorie autre pose problème. Cette catégorie est mentionnée dans tous les

 23   rapports du bureau du Procureur et cela a une incidence sur d'autres

 24   paramètres en les faisant diminuer ou accroître.

 25   Ce qui nous pousse à des conclusions pour ce qui est des données

 26   statistiques erronées et le tableau historique erroné.

 27   Q.  Merci. Pour résumer, puis-je vous poser la question suivante : Est-ce

 28   qu'il y a d'autres éléments qui pourrait donner un tableau historique


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  1   erroné, par exemple, échantillon réduit où la différence entre le nombre de

  2   mineurs et également l'approche de la catégorie autre, comment ces éléments

  3   influencent les données concernant les pertes ainsi que les souffrances ?

  4   Pour ce qui est de la population musulmane, serbe et croate, qu'est-ce que

  5   ces éléments peuvent apporter comme modification pour ce qui est de ces

  6   aspects ?

  7   R.  D'après mes calculs cela change le tableau réel et vous obtenez des

  8   paramètres relatifs différents, surtout ces paramètres, dont les experts du

  9   bureau du Procureur ont débattu puisqu'ils ne disposent pas généralement de

 10   nombre relatif. Moi, j'ai voulu établir un lien entre ces données, une

 11   donnée que j'ai mentionnée dans mon rapport, si je peux le faire ici pour

 12   vous expliquer ce que cette interprétation libre veut dire pour ce qui est

 13   des sources d'information pour ce qui est des catégories dont on parle

 14   aujourd'hui, à savoir appartenance à de différents groupes ethniques. Ici

 15   je peux montrer et je pense qu'il serait souhaitable que je montre dans le

 16   prétoire le document, de le scanner. Vous avez le rapport d'Eva Tabeau,

 17   vous avez mon rapport, le rapport de Smajo Cekic, directeur de l'Institut

 18   pour les recherches des crimes de guerre à Sarajevo, et Dr Muhamed

 19   Sestanovic, qui était à la tête du projet du recensement de la population

 20   de Sarajevo entre 1992 et 1994. Et c'est là que vous pouvez voir que ce

 21   recensement n'existe pas. Ces informations n'ont jamais été publiées, et

 22   Eva Tabeau dans son rapport a fait référence à ces informations qui

 23   n'existent pas.Ce qui est arbitraire puisque 20 ans après la guerre on n'a

 24   pas eu le recensement et qui pendant la guerre aurait pu procéder au

 25   recensement de la population entre 1992 et 1994 et tous les protagonistes

 26   de tout cela ont fait des déclarations confuses. Moi, je peux vous fournir

 27   les documents ainsi que les photographies pour étayer tout cela. Je peux

 28   vous montrer l'exemple pour vous montrer comment cela a été fait d'une


Page 35387

  1   façon arbitraire et que cet échantillon n'est pas du tout l'échantillon

  2   représentatif pour montrer le développement d'un phénomène ou d'un

  3   processus. Ou bien, il y avait des rapports où il n'y avait que des données

  4   d'une pompe funèbre d'un seul peuple pour montrer le nombre de personnes

  5   tuées à Sarajevo, par exemple, ce qui n'est pas du tout acceptable. Il

  6   s'agit des données qui ne peuvent aucunement être la base de certains

  7   rapports, puisque ces données ne sont pas pertinentes si vous utilisez une

  8   source d'informations qui n'existe pratiquement pas.

  9   En 1994, donc, ces informations de soi-disant recensement n'ont

 10   jamais été publiées, ce qui a été expliqué par le fait qu'il n'y avait pas

 11   de technologie nécessaire pour le faire, de logiciels nécessaires pour le

 12   faire. Et comment alors qui que ce soit aurait pu utiliser ces données si

 13   ces données n'ont pas été traitées de cette façon-là ?

 14   Q.  Merci. Pendant la guerre, quel aurait pu être le nombre de Serbes ou de

 15   Croates enterrés ou inhumés par l'intermédiaire de ces pompes funèbres qui

 16   s'appellent "bakije" [phon] ?

 17   R.  Objectivement parlant, si cela n'était pas nécessaire, ces enterrements

 18   ne se produisaient pas, ni pour les Croates ni pour les Serbes, parce que

 19   les Serbes et les Croates avaient leurs propres pompes funèbres qui

 20   s'occupaient de ces enterrements et c'est pour ça que je suis étonné de

 21   voir que les scientifiques sérieux ont accepté comme la seule source

 22   d'information ou la source d'information de contrôle pour arriver au nombre

 23   de victimes pendant la guerre dans une grande ville. Même, ils n'ont pas --

 24   Ils n'ont même pas considéré les informations de plusieurs pompes funèbres

 25   dans une ville, ce qui n'a aucun sens, puisque dans la science, cela ne

 26   peut pas être utilisé comme une approche scientifique, pour ce qui est des

 27   recherches scientifiques.

 28   Q.  Vous avez également dit ici que selon vous, les variables qui ont


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  1   diminué, pour ce qui est des mouvements démographiques, ont restreint le

  2   choix, par exemple réduire les recherches seulement au prénom et nom de

  3   famille, ou le prénom du père, pouvez-vous nous dire ce que -- en quoi

  4   consistait l'influence de ces données sur, par exemple -- par rapport à par

  5   exemple la situation où on avait dix catégories requises pour procéder à

  6   des recherches ?

  7   R.  Dans de telles situations, il vaut mieux avoir le plus possible de

  8   catégories ou variables ou -- aujourd'hui, on utilise jusqu'à 15 variables

  9   pour ce qui est de nos recherches, et à l'époque, donc, on essayait

 10   d'utiliser le plus possible de variables pour arriver à des conclusions les

 11   plus fiables. Pourquoi utilisaient-ils les noms de famille et les prénoms

 12   ne suffisent pas, pourquoi ? Parce qu'il faut avoir d'autres variables : le

 13   sexe, les prénoms des parents, et cetera. Puisque en tenant compte de ces

 14   variables, on peut arriver à un tableau plus réaliste de la population ou

 15   d'une partie de la population. C'est pour ça qu'on insiste à ce que ces

 16   variables soient prises en compte. Et les experts du bureau du Procureur

 17   n'ont pas procédé ainsi, mais ils auraient pu procéder ainsi, parce que

 18   déjà en 1997, ils disposaient de ces informations et Ewa Tabeau a commencé

 19   à rédiger son rapport en 2000, à savoir deux ans après la publication de

 20   ces informations fiables et pertinentes.

 21   Q.  Merci. Pour ce qui est de votre rapport d'expert, vous avez présenté

 22   les résultats de vos recherches pour ce qui est de Srebrenica. Pouvez-vous

 23   nous dire brièvement, parce que tout le monde dispose d'une copie de votre

 24   rapport, ce que vous avez conclu pour ce qui est de la méthodologie

 25   utilisée par vous-même et par les experts du bureau du Procureur ?

 26   R.  Quant à moi et quant à tout autre chercheur, Srebrenica représente une

 27   question très -- un sujet très complexe, et il faut être très prudent pour

 28   ce qui est des recherches sur Srebrenica. Et nous faisions des recherches


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  1   sur Srebrenica que du point de vue démographique pour savoir ce qui s'est

  2   passé dans cette région, et dans mes conclusions, j'ai dit que, pour

  3   obtenir une analyse démographique fiable pour ce qui est des personnes

  4   disparues à Srebrenica, des personnes qui ont été soit tuées ou qui sont

  5   toujours portées disparues, il a fallu avoir des données statistiques

  6   fiables, des sources authentiques d'information. Et dans tous les rapports

  7   portant sur Srebrenica, ce point était le point le plus faible, puisqu'il y

  8   a eu des interprétations libres des données par des différentes

  9   associations et qui diverges pour ce qui est de cela. Et le non-respect des

 10   -- de la méthodologie scientifique pour ce qui est des statistiques,

 11   utilisation des sources pas fiables est -- en fait provoquait une sorte de

 12   confusion pour ce qui est des données statistiques pertinentes. Il y a eu

 13   des listes de la Croix-Rouge -- de la Croix-Rouge internationale, des

 14   médecins pour les droits de l'homme, leur recensement de 1991, les listes

 15   électorales de 1997-1998 qui ont été utilisées, la base de données pour ce

 16   qui est des personnes déplacées, la base de données pour ce qui est des

 17   personnes exhumées et identifiées. Mais -- qu'est-ce que je voulais dire

 18   par tout cela ? Aucune de ces sources d'information, à l'exception faite du

 19   recensement en 1991, ne remplit des normes statistiques et c'est ainsi

 20   qu'on a beaucoup d'erreur, même plus de 30 %. C'est -- ce sont nos

 21   observations pour ce qui est des mouvements démographiques. Nous pensons

 22   qu'il était possible et qu'il est toujours possible aujourd'hui pour ceux

 23   qui voudraient s'occuper de façon sérieuse de cette question qu'il y a

 24   d'autres sources d'informations beaucoup plus acceptables. Puis-je donner

 25   un exemple de cela ?

 26   Q.  Allez-y.

 27   R.  J'ai cité un exemple dans le rapport, peut-être pas dans son

 28   intégralité, mais partiel. Ewa Tabeau, expert du bureau du Procureur, en


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  1   appliquant la méthode [inaudible], qu'en 1991, une personne de Srebrenica

  2   figure sur la liste électorale et ensuite, nous allons trouver une liste de

  3   3 500 personnes dont les noms figurent sur la liste électorale de 1997 et

  4   1998 et d'où les noms ne figurent pas sur la liste du recensement de 1991

  5   en tant que habitant de Srebrenica. Donc, il s'agissait des renvois croisés

  6   qui nous a permis de arriver à un tableau général des mouvements

  7   démographiques dans cette région. C'est un exemple explicite de cela.

  8   Q.  Merci. J'aimerais savoir pour ce qui est des échantillons

  9   représentatifs de certains -- différentes couches de la population. Pouvez-

 10   vous nous dire si le taux de mortalité pour ce qui est de la génération en

 11   1990 serait un échantillon représentatif pour une population d'hommes, en

 12   général ?

 13   R.  Bien sûr. Du point de vue démographique. Lorsqu'on prend un échantillon

 14   pour ce qui est de arriver au taux de mortalité, il faut utiliser le taux

 15   de mortalité standard de la population pour arriver à ces données. Et

 16   également le taux de mortalité différencié qui n'est pas la même chose,

 17   parce que la probabilité d'essai n'est pas la même pour ce qui est des

 18   personnes qui ont 90 ans qui se trouvent à la fin de la vie par rapport à

 19   la population qui a 20 ans, 30 ans ou 40 ans. C'est une question très

 20   délicate lorsqu'il s'agit du taux de mortalité de la population en temps de

 21   paix et en temps de guerre. Il est très délicat à adopter une approche

 22   différentielle en appliquant la soi-disant méthode de taux de mortalité

 23   standard de la population dans n'importe quelle condition.

 24   Si j'ai bien compris votre question, pour ce qui est des personnes

 25   qui avaient 90 ans, pour ce qui est de cette tranche d'âge, cet échantillon

 26   n'est pas représentatif du tout.

 27   Q.  Merci. Comment, dans ce sens-là, peut-on arriver à la conclusion,

 28   pour ce qui est de l'échantillon représentatif de la population masculine


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  1   qui est apte à combattre ? Quel serait cet échantillon représentatif ?

  2   Quels sont les résultats si on ne se penche que sur une couche de la

  3   population qui n'est pas une couche représentative de la population, mais

  4   qu'il s'agit plutôt d'une tranche d'âge limitée, une cohorte de naissance ?

  5   R.  Oui. Cela veut dire que si vous considérez seulement une partie

  6   de la population, une cohorte de naissance, vous pouvez obtenir un tableau

  7   qui ne reflète pas la situation générale, pour ce qui est d'un phénomène.

  8   Mais il est bien connu que la population masculine au niveau mondial est

  9   réduite, justement parce qu'il y a des guerres dans le monde entier, que

 10   cela a une incidence sur la population masculine qui diminue. Bien que par

 11   rapport au nombre de naissance d'hommes, le taux de natalité est plus

 12   élevé, 106 hommes par rapport à 100 femmes. Et après, à partir de l'âge de

 13   14 ou de 15 ans, les femmes, la population féminine commence à grandir. Et

 14   pour ce qui est des régions où il y a eu des guerres, on peut parler

 15   également de taux de morbidité de la population masculine qui est élevé,

 16   comme par exemple crise cardiaque, ensuite des activités physiques plus

 17   considérables qui ont également une influence sur l'espérance de vie des

 18   hommes. Donc cette question, pour ce qui est du taux de mortalité de la

 19   population, même en temps de guerre ne peut pas être considéré dans ces

 20   conditions-là.

 21   Q.  Comment la vie des hommes, des hommes qui utilisent le tabac, qui

 22   boivent, qui s'adonnent à des jeux de hasard influencent également

 23   l'espérance de vie des hommes par rapport à l'espérance de vie des femmes,

 24   est-ce que ce style de vie a une influence sur la longévité des hommes ?

 25   R.  Bien sûr que oui. Donc la longévité moyenne de la population dans

 26   le monde est plus élevée pour ce qui est des femmes que pour ce qui est des

 27   hommes. Sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, et c'est ce qui nous

 28   intéresse ici, aujourd'hui la longévité des femmes est à peu près 75 ans,


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  1   et pour ce qui est des hommes, c'est 72 ans, même en temps de paix, donc

  2   sans la guerre. Donc cela nous amène à la conclusion qu'il y a beaucoup de

  3   facteurs qui influencent l'espérance de vie des hommes qui est plus courte

  4   que celle des femmes.

  5   De plus l'espérance de vie sur nos territoires est toujours plus

  6   courte que l'espérance de vie dans d'autres pays développés. Par exemple,

  7   au Japon, aux pays scandinaves, aux pays de l'Europe de l'ouest, et cetera,

  8   ce sont les conditions de vie qui ont une influence directe sur l'espérance

  9   de vie. Et chez nous, traditionnellement pour ce qui est de la population

 10   masculine qui s'adonne à ces vices, c'est-à-dire au tabac, à la boisson

 11   alcoolisée, et cetera, ce sont les facteurs qui auraient dû être pris en

 12   considération en parlant du taux de mortalité de la population entière.

 13   Q.  Merci. A la page 116 de votre déclaration, vous avez cité une

 14   phrase du rapport d'expert de l'Accusation, et je vais vous en donner

 15   lecture. Il est dit :

 16   "Il n'y a pas de preuve indiquant qu'un nombre important de personnes

 17   disparues -- soient disparues en lien avec -- disparues en lien avec la

 18   chute de Srebrenica ait survécu."

 19   Que pouvez-vous nous dire de l'importance de cette conclusion, d'un

 20   point de vue médico-légal, puisque, ici, il s'agit d'un Tribunal.

 21   R.  Je pense que vous n'avez pas la même page, enfin je ne retrouve

 22   pas le passage que vous nous avez lu. Je n'arrive pas à le trouver.

 23   Q.  Oui, c'est le passage qui porte sur Srebrenica.

 24   R.  Oui, Srebrenica, mais je ne le trouve pas à la page 107.

 25   M. FILE : [interprétation] Excusez-moi, c'est 108, en anglais.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

 27   M. FILE : [interprétation] C'est le premier paragraphe, le premier

 28   paragraphe entier. C'est la note de bas de page 49, page 108.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, j'ai zoomé et donc la pagination

  2   a été changée. J'ai trouvé la note de bas de page, très bien : 

  3   "Donc il n'y a aucune preuve démontrant qu'un nombre important de personnes

  4   disparues en lien avec la chute de Srebrenica ait survécu."

  5   Il s'agit donc d'une note de bas de page du 12, d'un rapport émanant du 12

  6   février 2000, et cetera, et cetera.

  7   Avec cette citation, j'ai simplement voulu démontrer qu'il s'agit

  8   d'une déclaration qui ne peut pas être prouvée, que quelqu'un ait survécu

  9   ou non. La personne qui a fait cette affirmation ne l'a pas prouvé, c'est

 10   impossible de le prouver.

 11   Q.   Merci bien, Docteur Pasalic. Je n'ai plus de questions pour

 12   vous.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais laisser à l'Accusation un peu de

 14   temps, bien sûr, et Excellence, si vous souhaitez entendre ce que j'ai dit

 15   concernant les implications des conclusions du Dr Tabeau, je peux vous les

 16   citer, si vous le souhaitez.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'abord, il faudrait faire verser au

 18   dossier le curriculum vitae du Dr. Alors quelle en sera la cote ?

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D3142.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez des objections,

 21   pour que ceci soit versé au dossier, Monsieur le Procureur ?

 22   M. FILE : [interprétation] Mais non, en fait, simplement une petite

 23   observation. J'ai remarqué à la page 111, en anglais, note de bas de page

 24   60, on fait référence à une liste de personnes qui figurent sur la liste

 25   des électeurs de 1997/1998. Mais tous ces noms ne figurent pas dans le

 26   recensement de 1991, car ceci figure dans une autre annexe du rapport, mais

 27   je n'ai pas vu l'annexe séparer du rapport. Je pense que le témoin a

 28   également fait référence à ceci comme étant des pièces jointes,


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  1   aujourd'hui, vers la page 77 du compte rendu d'audience, je ne sais pas si

  2   cela a été enregistré fidèlement au compte rendu d'audience. Mais je

  3   voulais simplement néanmoins faire cette observation.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pourriez sans doute poser cette

  5   question, si vous le souhaitez dans le cadre du contre-interrogatoire, et

  6   préciser ce point.

  7   Très bien. Donc le [comme interprété] témoin expert sera admis.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la cote D3125, Monsieur le

  9   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Oui, Monsieur File. J'imagine que votre contre-interrogatoire se poursuivra

 12   demain.

 13   M. FILE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir

 15   penser à me laisser cinq minutes avant la fin de la journée d'aujourd'hui.

 16   M. FILE : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

 17   Contre-interrogatoire par M. File :

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur.

 19   R.  Bonjour.

 20   Q.  L'une de vos critiques principales sur le rapport relatif aux

 21   municipalités du Dr Tabeau, P4494 est que ce rapport n'est basé que sur les

 22   statistiques et ne se penche pas sur les causes individuelles de la

 23   migration qui a eu lieu entre 1991 et 1997. J'ai remarqué au paragraphe 66

 24   de votre rapport que vous formulez un grief quant à l'utilisation de

 25   chiffres, et au paragraphe 67, vous dites notre objection principale est

 26   que les tendances démographiques des développements en Bosnie-Herzégovine

 27   en 1992, de 1992 à 1995, étaient beaucoup plus complexes et vont bien au-

 28   delà que le seul fait d'adopter des conclusions sur la base de chiffres


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  1   seulement.

  2   Alors si, par exemple, vous faisiez une étude scientifique pour identifier

  3   les raisons pour lesquelles les individus se sont déplacés à un certain

  4   moment donné dans le temps, normalement vous mèneriez une étude avec des

  5   entretiens individuels, n'est-ce pas ?

  6   R.  Il est possible de se servir de cet instrument, comme on l'appelle, ce

  7   sont des enquêtes, par exemple, de ce type pour étudier un certain

  8   événement. Mais vous pouvez également utiliser d'autres instruments. Cela

  9   dépend des instruments que vous choisissez.

 10   Q.  Oui, mais aujourd'hui, à la page 36 du compte rendu d'audience, vous

 11   avez décrit la manière dont vous avez recueilli des données pendant la

 12   guerre dans une région à laquelle vous aviez accès, et ceci a été fait en

 13   collaboration avec les entretiens. Vous aviez recueilli au préalable des

 14   entretiens individuels avec ces personnes, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Il s'agissait d'entretiens avec les membres de la population serbe

 17   exclusivement, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, en réalité c'était le cas. C'était la guerre, nos déplacements

 19   étaient forts limités et donc il était absolument impossible de recueillir

 20   des données sur un territoire qui ne vous est pas accessible. De sorte

 21   qu'il n'était pas possible d'enquêter des régions qui ne m'étaient pas

 22   disponibles et je ne pouvais pas non plus me trouver ailleurs en Bosnie-

 23   Herzégovine alors que ces régions n'étaient physiquement pas disponibles.

 24   Je ne pouvais pas aller recueillir des données.

 25   Mais pour répondre à votre question je peux vous dire que j'ai également

 26   fait des recherches empiriques et ceci par le biais d'enquêtes. Ce qui veut

 27   dire que j'ai mené des enquêtes individuelles et il s'agit de milliers de

 28   questionnaires.


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  1   Q.  Mais ma question est simplement de savoir si c'était seulement la

  2   population serbe, exclusivement avec la population serbe que vous avez mené

  3   ces enquêtes. Vous n'avez pas parlé de ceci dans votre rapport. Vous n'en

  4   avez pas fait été, n'est-ce pas ?

  5   R.  Je pense que dans mon rapport je l'ai mentionné parce que j'ai dit,

  6   Même si ce rapport parle de mes enquêtes auprès d'une population serbe

  7   prédominante c'est très important. L'image est importante parce qu'elle

  8   peut nous donner une image des déplacements démographiques en Bosnie-

  9   Herzégovine lorsque, bien sûr, l'on comprend également d'autres rapports.

 10   Nous ne rejetons pas les conclusions d'autres chercheurs et scientifiques

 11   si c'est scientifiquement acceptable.

 12   Si je peux constater, il y a deux ans ici, il y a eu un rapport très

 13   semblable et un rapport similaire a été accepté dans son ensemble par les

 14   Juges de la Chambre même s'il s'agissait d'une enquête qui avait été faite

 15   auprès de la population serbe exclusivement.

 16   Q.  Je vais essayer d'être un petit peu précis dans ma question. Dans votre

 17   rapport il n'y a pas de détail sur la méthodologie employée ou sur -- vous

 18   n'avez pas inclus des questionnaires que vous auriez employés pour mener à

 19   bien cette enquête. On ne voit pas où vous vous êtes rendu pour passer en

 20   revue ces documents. Il n'y a pas non plus d'indication des régions que

 21   vous avez parcourues ou le territoire que vous avez parcouru pour mener à

 22   bien cette enquête, n'est-ce pas ? Ce n'est pas inclus dans votre rapport.

 23   R.  Eh bien, vous savez ma réponse serait très simple. Bien sûr, je dois

 24   vous rappeler et vous ramener à la période pendant laquelle ces données ont

 25   été recueillies. Il s'agissait d'une période pendant laquelle la guerre

 26   faisait rage.

 27   Q.  En fait, pour être bien honnête avec vous, je serais intéressé à une

 28   réponse simplifiée.


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  1   R.  J'ai recueilli ces données au nom du centre d'Etat chargé de la

  2   recherche des crimes de guerre et toutes ces données se trouvent dans les

  3   archives de l'institution qui pourraient être disponibles, si vous le

  4   souhaitez. Il s'agit d'enquêtes et de formulaires. Mais sinon, j'ai publié

  5   les résultats dans trois ouvrages scientifiques à partir de 1997 jusqu'à ce

  6   jour, qui sont disponibles donc.

  7   Q.  Ce n'était pas ma question. De nouveau, ma question était de savoir

  8   vous n'avez pas inclus ceci dans votre rapport, n'est-ce pas ?

  9   R.  Il faudrait des milliers de pages pour que je donne des exemplaires de

 10   formulaire d'enquêtes, ainsi de suite. Donc lorsqu'il s'agit d'une

 11   recherche scientifique ce n'est pas le genre de chose que l'on fait mais

 12   l'on fait appel aux sources qui renvoient chaque personne qui intéressée

 13   par les sources à avoir et de savoir d'où proviennent ces données. Il

 14   s'agit d'une recherche empirique et il s'agit d'une recherche scientifique

 15   et personne de Bosnie-Herzégovine ne l'a fait. Et d'ailleurs, de toute

 16   façon, dans les cercles scientifiques personne n'ait allé à l'encontre de

 17   mes données.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] En fait, je trouve qu'à partir de la ligne 18

 19   et plus loin on n'a pas très bien du tout bien interprété les propos du

 20   docteur. Il a dit que "Il s'agissait de rapports du fait que les

 21   conclusions ont été publiées dans trois ouvrages indépendants." Et ceci ne

 22   figure pas au compte rendu d'audience.

 23   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : L'interprétation en fait état.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Maintenant c'est au compte rendu

 25   d'audience. Merci, Monsieur Karadzic. C'est partiellement au compte rendu

 26   d'audience.

 27   Vous pouvez continuer, Monsieur File.

 28   M. FILE : [interprétation]


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  1   Q.  Vous avez mentionné dans votre interrogatoire principal que vous avez

  2   également déposé dans l'affaire Stanisic et Zupljanin et que vous y avez

  3   déposé en tant que témoin. Maintenant j'aimerais vous poser un certain

  4   nombre de questions concernant votre déposition.

  5   Tout d'abord, le 12 mai 2011, au compte rendu d'audience D0636 dans cette

  6   affaire vous avez déclaré, je cite :

  7   "Je me trouvais dans une région et je pouvais étudier le processus

  8   démographique impliquant la population serbe. Après la guerre, après un

  9   certain temps les conditions étaient devenues matures pour qu'une telle

 10   recherche soit faite. Toutefois, la recherche menée par Mme Tableau et

 11   celle par le IDC de Sarajevo avaient déjà été recherches globales. Et donc

 12   je pense que tout ce que j'aurais fait aurait été un doublon, et je pensais

 13   que mettre tout ceci ensemble aurait donné une image plus globale, plus

 14   réaliste. C'est pourquoi je vois l'importance de ma propre recherche, même

 15   si elle n'inclut pas tous les processus démographiques car cela aurait été

 16   impossible. Et pour conclure, je n'avais pas la capacité de le faire non

 17   plus et d'étudier une époque d'une durée de dix ans. Il s'agit d'un très

 18   grand travail. Et je pense que jusqu'à maintenant personne a réussi à le

 19   faire."

 20   [Inaudible] précis. Dans la mesure où cette affaire et porte sur le

 21   nettoyage ethnique de Musulmans, d'après l'acte d'accusation, votre

 22   recherche ne contient pas de donnée concernant les raisons d'un mouvement

 23   de population lorsqu'il s'agit de la population musulmane, n'est-ce pas ?

 24   R.  Voilà je vais essayer de répondre à votre question. Voilà vous avez

 25   bien cité mes propos effectivement. Je répondrais aux Juges de la Chambre

 26   et je leur disais que je m'étais penché surtout sur la population serbe et

 27   sur les victimes de la population serbe. Car après la guerre, il n'était

 28   pas nécessaire d'entrer dans des recherches de population croate et


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  1   musulmane puisque ceci avait déjà été fait dans le cadre d'enquêtes déjà

  2   menées. Mais ce qui manquait c'étaient les données concernant la population

  3   serbe et c'était justement la raison pour laquelle je l'ai mentionné. Je

  4   n'ai pas voulu parler du nettoyage ethnique. Il s'agit là bien sûr d'un

  5   terme un peu plus complexe. J'en ai déjà parlé d'ailleurs à ce moment-là.

  6   Mais ce qui est important de mentionner c'est qu'il y a un très grand

  7   nombre de chercheurs sur l'ensemble du territoire de l'ABiH lorsque ces

  8   chercheurs croisent leurs conclusions on peut arriver à des résultats plus

  9   réalistes.

 10   Au cours des dernières années, j'ai fait une recherche dans l'ensemble de

 11   l'ABiH et personne n'a infirmé mes conclusions, elles ont été acceptées

 12   comme étant très pertinentes. Donc indépendamment de cette affaire, mes

 13   conclusions publiées dans des ouvrages scientifiques et personne n'a

 14   infirmé les données et les conclusions auxquelles je suis arrivé. Et je

 15   dois vous dire que j'en suis très fier, d'ailleurs. Comme le serait

 16   n'importe quel scientifique, bien sûr.

 17   Q.  Donc, pour être tout à fait clair, vous répondez à ma question par la

 18   négative. Vous dites : Non, la recherche ne contient pas de données

 19   concernant le déplacement de la population s'agissant de la population

 20   musulmane, n'est-ce pas ?

 21   R.  Non, ce n'est pas exact. Non, parce que, dans ce rapport, j'ai cité des

 22   exemples. Par exemple, s'agissant de la municipalité de Bijeljina, de

 23   Zvornik, de Prijedor, j'ai cité les façons dont on a calculé le changement

 24   de la population musulmane, et je pense que les experts de l'Accusation ont

 25   mal calculé le taux. Je peux d'ailleurs que vous en parlez dans ce rapport-

 26   ci, et je pense qu'il s'agit de la façon la plus explicite d'affirmer ce

 27   qu'il s'est passé dans certaines municipalités couvertes par certaines

 28   affaires précises.


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  1   Q.  J'ai l'impression que l'on ne se comprend pas. Ma question est de

  2   savoir s'agissant de votre propre recherche. Je ne me penche pas sur les

  3   chiffres, mais je vous demande la question à savoir -- c'est-à-dire que

  4   vous n'avez jamais donné de données pour expliquer le déplacement de la

  5   population musulmane ?

  6   R.  Si je vous ai bien compris, ces régions ne m'étaient pas disponibles.

  7   Je ne pouvais pas mener d'enquêtes auprès de toutes les nationalités et

  8   auprès des membres d'appartenance ethnique autre. C'était la guerre. Mes

  9   déplacements étaient très limités. J'avais une tâche très précise, et je

 10   savais quelle était la tâche que j'avais dans des circonstances pareilles.

 11   Si j'ai bien compris votre question.

 12   Q.  J'aimerais vous poser une question concernant cette théorie d'une

 13   homogénéisation territoriale ethnique. Vous en avez fait référence

 14   aujourd'hui, et on le voit à plusieurs endroits dans votre rapport. C'est

 15   une théorie que vous avez développée vous-même, n'est-ce pas ?

 16   R.  Non, ce n'est pas seulement moi qui l'aie inventée ou qui l'aie

 17   développée, mais c'est une variante que j'accepte. Très acceptable, si vous

 18   voulez. Il y a d'autres démographes sociologues qui se sont penchés sur la

 19   question de la Bosnie-Herzégovine, pour d'autres raisons d'ailleurs, et

 20   nous sommes arrivés à cette thèse, c'est-à-dire à parler d'une

 21   homogénéisation ethnique territoriale qui était présente avant la guerre,

 22   générée pendant la guerre et qui s'est poursuivie après la guerre. Et donc,

 23   il est très facile de le démontrer de manière concrète.

 24   Q.  Vous pensez que le groupe ethnique souhaite naturellement vivre séparé

 25   d'autres groupes ethniques, c'est votre thèse ?

 26   R.  Eh bien, pendant la période de l'homogénéisation, il s'agit

 27   d'homogénéiser une certaine caractéristique. L'homogénéisation des

 28   caractéristiques ethniques n'est pas quelque chose qui s'est produit


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  1   seulement pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine. Qu'est-ce qui s'est

  2   passé après la guerre ? C'est un processus qui existe même après la guerre.

  3   Et ce n'est pas un processus qui a une connotation négative. Il ne signifie

  4   rien de mauvais vu qu'il s'agit d'un espace ethnique très complexe.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, le compte rendu d'audience n'a même

  6   pas la moitié des propos, et je vais demander que l'on écoute à nouveau

  7   tout ce qu'a dit le témoin et qu'on vérifie la traduction et le transcript.

  8   Parce qu'à lire le compte rendu d'audience tel qu'il figure à présent, on a

  9   perdu quasiment la moitié des propos tenus par le témoin et il faudrait que

 10   j'intervienne au niveau de chaque réponse. Je comprends qu'on a affaire

 11   avec un expert, peut-être que les interprètes ne connaissent pas les

 12   termes, mais il faut faire quelque chose. Alors, je vais demander qu'on

 13   écoute les bandes et qu'on corrige tout ce qui s'y trouve.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Pasalic, veuillez ralentir, s'il

 15   vous plaît. Nous pouvons poursuivre.

 16   M. FILE : [interprétation] 

 17   Q.  Dans l'affaire Stanisic/Zupljanin, le 10 mai 2011, aux pages du compte

 18   rendu d'audience 2 049 et 20 480, vous avez dit :

 19   "Les Serbes et les Croates ont toujours été focalisés sur les pays

 20   voisins, à savoir la Serbie et la Croatie. En ce qui concerne les

 21   Musulmans, ou les Bosniens, comme ils sont appelés aujourd'hui, eh bien,

 22   ils ont toujours été concentrés sur la Turquie, qui a représenté une zone

 23   d'émigration encore jusqu'au jour d'aujourd'hui."

 24   Vous avez dit quelque chose de similaire aujourd'hui, et ceci figure

 25   à la page 42 du compte rendu d'audience. Est-ce que vous vouliez dire que

 26   les Musulmans de Bosnie-Herzégovine ont toujours eu la tendance à émigrer

 27   vers la Turquie, qu'il s'agisse des facteurs sociaux ou économiques ?

 28   R.  Eh bien, j'ai voulu tout simplement corroborer cela avec des faits


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  1   historiques. Les Musulmans se sont rendus -- enfin, sont partis en

  2   direction de la Turquie même s'ils partaient en plus petits nombres, alors

  3   que les Serbes et les Croates partaient traditionnellement en direction de

  4   la Serbie et de la Croatie. Et j'ai corroboré cela avec des chiffres. Les

  5   plus grands pourcentages de Serbes sont partis donc après la Deuxième

  6   Guerre mondiale en direction de la Serbie, les Croates sont partis en

  7   direction de la Croatie, et les Musulmans étaient dix fois moins nombreux à

  8   quitter la Bosnie-Herzégovine, et quand ils partaient, ils partaient en

  9   direction de la Turquie. Donc, c'est tout à fait naturel vu qu'il s'agit

 10   des territoires où habite la population partageant la religion islamique.

 11   Q.  Mais cette théorie qui est la vôtre n'a jamais été adoptée par les

 12   cercles académiques internationaux. Et je pense que c'est quelque chose que

 13   vous dites dans l'affaire Stanisic/Zupljanin, vous dites que ce n'est pas

 14   un fait connu au niveau international.

 15   R.  Je n'ai pas l'impression que c'est moi qui ai dit cela. Mais si on

 16   développait cette théorie dans les cercles scientifiques en Bosnie-

 17   Herzégovine, la question se pose de savoir dans quelle mesure on serait

 18   d'accord, parce que je sais quel est le point de vue des intellectuels

 19   bosniens au sujet d'émigration. Et puis, d'autres cercles ont d'autres

 20   points de vue. Donc il s'agit là d'une théorie scientifique, et donc

 21   différentes personnes regardent cela de différentes façons. Et on pourrait

 22   développer des théories différentes quand il s'agit de parler d'émigration

 23   vers la Bosnie-Herzégovine ou à l'extérieur.

 24   Q.  Eh bien, je vais vous montrer la page du compte rendu d'audience où

 25   cela figure dans cette affaire.

 26   M. FILE : [interprétation] : Je vais demander que l'on passe au

 27   système Sanction, s'il vous plaît.

 28   Q.  Donc on vous a posé une question, on vous demande d'expliquer cette


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  1   théorie, et vous avez dit que toutes les explications que vous avez données

  2   au sujet des mouvements ethniques et démographiques pendant la guerre, vous

  3   avez dit aussi que vous avez fait des recherches concernant la période

  4   après la guerre et que toutes ces recherches corroborent la thèse de base

  5   qui est la vôtre, à savoir qu'il s'agit d'une homogénéisation ethnique et

  6   territoriale. Et vous dites que cela, il ne s'agit pas de quelque chose qui

  7   est connu au niveau international.

  8   Est-ce que maintenant vous vous êtes rappelé cela ?

  9   R.  Ecoutez, oui, c'est toujours utile. Mais je ne sais pas s'il s'agissait

 10   là d'une erreur d'interprétation, parce que moi je ne me souviens pas avoir

 11   dit cela. Je ne me souviens pas avoir parlé de l'acceptation au niveau

 12   international. Mais vous savez, c'est difficile d'en parler à présent.

 13   C'est tout relatif que de savoir qui est d'accord, qui n'est pas d'accord.

 14   C'est beaucoup trop général pour parler de critères internationaux.

 15   Q.  Quelle que soit la validité de la théorie, ceci n'explique pas pourquoi

 16   un groupe particulier, à un moment donné, se déplacerait. Il nous faut tout

 17   de même des informations supplémentaires pour placer les déplacements de la

 18   population dans un contexte.

 19   R.  Je ne sais pas si j'ai bien compris la question. Mais les mouvements

 20   des population à l'intérieur de Bosnie-Herzégovine ont toujours été très

 21   intenses, le sont toujours, et selon les prévisions, ils vont continuer à

 22   être intenses. Les mouvements concernant les trois peuples constitutionnels

 23   et tout ceux qui vivent là-bas.

 24   Q.  Dans votre déposition dans l'affaire Stanisic/Zupljanin le 10 mai 2011,

 25   au niveau du compte rendu d'audience, pages 20 515 à 516, vous dites :

 26   c'est le principe de l'homogénéisation territoriale et ethnique des

 27   groupes. Parfois ceci est causé par le nettoyage ethnique et parfois par

 28   déportation et persécution.


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  1   Je vous ai déjà expliqué que ce processus continue au jour

  2   d'aujourd'hui. Donc, voici ma question : votre théorie de l'homogénéisation

  3   ethnique et territoriale n'exclut pas le phénomène de transfert par la

  4   force de la population ou bien le nettoyage ethnique ?

  5   R.  Je vais vous dire pourquoi j'ai évoqué ces catégories-là, le nettoyage

  6   ethnique, le transfert de population ou bien déportation. Tout cela

  7   représente les cas de mouvement de population reconnus au niveau

  8   international. Ce que j'ai voulu montrer, c'est que le Procureur n'entre

  9   pas en profondeur, ne fait pas une véritable analyse et permet donc que

 10   l'on mette tout cela dans le sac du nettoyage ethnique. Et ce n'est pas

 11   quelque chose qui était généralisé en Bosnie-Herzégovine, même pas pendant

 12   la guerre. C'est dans ce sens-là que j'en ai parlé.

 13   Q.  Mais ce n'est pas la question que je vous ai posée. Votre théorie de

 14   cette homogénéisation ethnique et territoriale n'exclut pas les cas de

 15   mouvement de la population provoqués par ces types-là; oui ou non ?

 16   R.  Eh bien, voyez-vous, le processus d'homogénéisation ethnique et

 17   territorial est un processus qui a eu lieu pendant la guerre, mais aussi

 18   après la guerre. Il peut y avoir différents motifs qui causent cela. Un de

 19   ces motifs à l'époque, c'était la guerre et la situation d'insécurité et le

 20   fait que la population se sentait plus en sécurité dans le territoire

 21   habité par leur propre groupe ethnique. Mais la question qui se pose, c'est

 22   de savoir pourquoi au jour d'aujourd'hui cette tendance se poursuit ? Je

 23   pense que c'est intéressant de poser cette question, même si vous n'êtes

 24   pas content par la réponse que je vous donne.

 25   Q.  Quand je vous ai lu une portion de votre déposition, vous avez dit : "A

 26   certain moment, c'était provoqué par le nettoyage ethnique, et à d'autres

 27   moments par des déportations et persécutions de la population." Vous avez

 28   bien confirmé que c'était bien votre déposition ?


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Encore une mauvaise traduction. Est-ce que le

  2   Dr Pasalic a dit "appelé" ou bien "causé" par un nettoyage ethnique ? Parce

  3   que dans notre langue ces deux termes sont très proches, mais la

  4   signification est parfaitement différente.

  5   M. FILE : [interprétation] Mais je suis en train de lire le compte rendu

  6   d'audience. S'il n'est pas d'accord avec ce qui est écrit, il peut le lire

  7   lui-même.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, moi, je comprends parfaitement bien. On

  9   peut "appeler" quelque chose nettoyage ethnique. Certains processus, on

 10   peut les appeler "transfert de la population", et puis d'autres

 11   "déportation". On peut qualifier cela de différentes façons. Moi, ce que

 12   j'ai essayé de dire, ce que je fais valoir, c'est le fait que le bureau du

 13   Procureur et ses experts ne se sont pas lancés dans ces analyses. Ils ont

 14   dit que ces chiffres, les chiffres qu'ils donnent, concernent uniquement la

 15   catégorie du nettoyage ethnique. Et ceci n'est pas acceptable, car au

 16   niveau international le nettoyage ethnique a été bien défini, et moi j'ai

 17   respecté cette définition.

 18   M. FILE : [interprétation] Je vais demander qu'on examine la pièce P2839,

 19   s'il vous plaît.

 20   Q.  Vous voyez ici une décision qui émane de la cellule de Crise de la

 21   municipalité serbe de Sanski Most du 4 juin 1992. Et sous les

 22   "conclusions", on peut lire :

 23   "Mirko Vrucinic, Nedeljko Rasula et le colonel Nedjo Anicic seront

 24   responsable de résoudre la question des prisonniers, de la catégorisation

 25   et transfert à Manjaca. La première catégorie, les hommes politiques; la

 26   deuxième catégorie, les extrémistes nationalistes; la troisième catégorie,

 27   la catégorie des gens qui ne sont pas désirables sur le territoire de la

 28   municipalité de Sanski Most. Eh bien, par rapport à cela, nous allons


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  1   parler avec le colonel Stevilovic du 1er Corps de la Krajina."

  2   Est-ce que ceci ressemble à quelque chose qui pourrait provoquer le

  3   mouvement de la population, quels que soient les autres facteurs que vous

  4   évoquez ?

  5   R.  Eh bien, c'est la première fois que vous me montrez ce rapport. Il n'a

  6   rien à voir avec mon rapport. C'est la première fois que je le vois. Je ne

  7   vois pas d'où il vient.

  8   Q.  Eh bien, c'est quelque chose qui figure parmi les éléments de preuve en

  9   l'espèce, et je me demande ce que vous en pensez.

 10   R.  Eh bien, je peux vous donner mon point de vue. Il s'agissait de quelque

 11   chose qui était donné au niveau local. La population locale négociait au

 12   sujet de ces transferts. Je peux vous citer un exemple : le transfert de la

 13   population de Kozluk. Kozluk, où vous aviez 10 000 des Bosniens. Eh bien,

 14   ils sont sortis paisiblement de ce territoire, et ensuite ils sont revenus

 15   quand la situation s'est calmée. C'était la guerre, et pour eux c'était la

 16   façon la plus simple de sauver la tête.

 17   Q.  Dans le compte rendu d'audience de l'affaire Stanisic/Zupljanin, à la

 18   page 20 503, vous avez dit :

 19   "Quand à cause des migrations forcées un groupe appartenant à un

 20   groupe ethnique arrive dans une zone précise, il exerce des pressions de

 21   façon indirecte sur l'autre groupe ethnique déjà présent dans ce

 22   territoire. Ce groupe se sent en insécurité, car la guerre implique des

 23   choses terribles. Les gens ont laissé derrière eux des membres de leurs

 24   familles. Il y a des groupes des extrémistes et des paramilitaires qui

 25   apparaissent, augmentant ce sentiment d'insécurité auprès de la population

 26   civile. Et ensuite, les gens étaient prêts à partir et de tout quitter, de

 27   laisser tous leurs biens, pour rejoindre un territoire plus sûr, et c'est

 28   souvent le territoire où habitent les membres de leur propre groupe


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  1   ethnique. C'est ce que j'appelle des migrations volontaires."

  2   Voici ma question : ce sont les migrations qui s'exercent quand il y a

  3   pression, et pour vous -- vous appelez cela "migration volontaire" ?

  4   R.  Eh bien, je ne veux pas vous parler des migrations ici, mais je me

  5   souviens très bien de ce qui s'est passé, par exemple, dans la zone où moi

  6   j'ai vécu. Moi, j'ai quitté ce territoire même si on ne m'a pas menacé par

  7   d'un fusil, et je suis allé vivre dans une région où habitaient en majorité

  8   les membres de mon groupe ethnique. Donc, là, il s'agit d'un principe de

  9   base communiquant les mouvements des populations avant la guerre -- ont

 10   commencé à se produire même avant la guerre, car la population voulait fuir

 11   l'incertitude et voulait se sentir en sécurité là où ils vivaient.

 12   Donc c'était très important de comprendre ce mécanisme, ce processus. Il

 13   s'agissait là des migrations spontanées plutôt que des expulsions ou des

 14   persécutions accompagnées d'actes de violence. En même temps, cela ne veut

 15   pas dire qu'il n'y avait pas des paramilitaires ou des extrémistes

 16   présents.

 17   Q.  Je voudrais à présent changer de sujet et je voudrais vous poser une

 18   question au sujet de quelque chose dont vous avez parlé aujourd'hui à la

 19   page 71 du compte rendu d'audience. Là, vous avez parlé de la catégorie des

 20   Yougoslaves et autres. Vous dites que dans votre rapport, dans le

 21   paragraphe 38, le problème le plus grave tient du fait que les gens ne

 22   pouvaient pas déclarer leur appartenance ethnique en 1997 quand ils sont

 23   allés voter. Vous dites aussi qu'il y a eu un changement au niveau de la

 24   déclaration. Donc c'est quelque chose qui figure à la page 18 et 19 en

 25   B/C/S, 20 en anglais.

 26   Ensuite, vous dites qu'il y a eu des changements, mais je ne trouve pas

 27   d'éléments qui corroborent cela. Ce n'est pas quelque chose qui se trouve

 28   dans votre rapport; ai-je raison de le dire ?


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  1   R.  Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question. Que me demandez-vous

  2   ? Quel est le champ de votre question et que voulez-vous comme réponse ?

  3   Parlez-vous des Yougoslaves, qui est l'une des catégories du recensement

  4   jusqu'en 1991 ?

  5   Q.  Je vous demande des éléments de preuve qui viennent d'appuyer votre

  6   affirmation qu'au fil des six ans, il y a eu une modification indicative

  7   des groupes ethniques, et je me demandais s'il y a des éléments de preuve

  8   dans votre rapport, et où ils se trouvent, à cet effet.

  9   R.  Eh bien, le recensement a été réalisé la dernière fois en 1991, un

 10   recensement officiel, et il y avait une catégorie "Yougoslave", Yougoslave

 11   en qualité de groupe ethnique. Après cela, il n'y a plus du tout eu de

 12   recensement. Et c'est une question hypothétique, je présume; en

 13   l'occurrence, qui se déclarerait et dans quel groupe ethnique ? Je présume

 14   que c'est ça, votre question ? Je crois que l'on pourrait vous donner des

 15   données explicites sur la façon dont les gens décidaient de se déclarer

 16   après cela, parce que cela est un choix subjectif de tout particulier, et

 17   c'est le cas d'ailleurs partout, y compris en Bosnie-Herzégovine.

 18   Mais si ce que vous voulez dire c'est la catégorie des Yougoslaves,

 19   il est évident que cette catégorie comportait un pourcentage important,

 20   c'est-à-dire toute cette gamme des déclarations ethniques où l'on se

 21   déclare yougoslave. Donc il y avait toute une gamme de différents groupes

 22   ethniques, mais ces groupes ont disparu et n'existent plus.

 23   Q.  Très bien. Passons à un autre sujet. Je vous ai demandé s'il y avait

 24   des éléments de preuve indiquant donc ces modifications des catégories

 25   ethniques. Je me demande si dans votre rapport il y a des éléments de

 26   preuve à cet effet.

 27   Je vais vous demander tout simplement de vous reporter au paragraphe

 28   40, qui porte sur ce que vous venez de dire, c'est-à-dire que l'on sait


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  1   qu'il y a une catégorie yougoslave qui existait, que c'étaient

  2   principalement des Serbes et qu'ils étaient en faveur de la conservation de

  3   la Yougoslavie, même de la création d'une nation yougoslave. Ceci était

  4   bien évidemment présent les Musulmans et quasiment négligeable en Croatie.

  5   Maintenant, vous ne citez aucunement des éléments de preuve pour appuyer

  6   cette affirmation dans votre rapport.

  7   R.  Voyez-vous, j'ai tenté aujourd'hui dans ma déposition de souligner

  8   cette catégorie de Yougoslaves. Où la plupart des Yougoslaves se

  9   déclaraient Yougoslaves ? Dans les villes où les Serbes étaient en

 10   majorité. Et donc, par exemple, j'ai parlé des chambres des municipalités

 11   et des communes locales ou des localités en 1991 où une majorité des

 12   députés serbes ont remporté des sièges dans ces municipalités même s'ils

 13   n'avaient pas la majorité dans la population d'ensemble.

 14   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que le dernier segment de réponse

 15   soit répété.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, à nouveau, vous parlez trop

 17   vite. Je présume que vous lisez l'anglais.

 18   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous vous reprendre à

 20   partir de l'exemple que vous avez donné, c'est-à-dire la chambre --

 21   M. FILE : [interprétation] Je ne crois pas que cette réponse

 22   répondait directement à ma question, donc je pense que je préférerais poser

 23   une autre question.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quoi qu'il en soit, si vous voulez

 25   bien ralentir vos propos.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas eu de réponse; qu'est-ce que ça

 27   veut dire ? Ça ne portait pas à réponse. Le Dr Pasalic a dit : "J'ai parlé

 28   de la participation des Yougoslaves et des Serbes et des Musulmans dans les


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  1   villes ou les localités." Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous dites

  2   qu'il n'a pas répondu ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La question était de savoir s'il avait

  4   cité des références ou pas dans son rapport.

  5   M. FILE : [interprétation]

  6   Q.  Ma question de suivi est la suivante : je ne vous pose pas de question

  7   sur les conjectures fondées sur les événements politiques, mais je vous

  8   pose des questions sur des études scientifiques ou tout autre élément de

  9   preuve scientifique qui vient appuyer cette affirmation.

 10   R.  Eh bien, personne n'a effectué des recherches dans cette catégorie

 11   yougoslave et il n'existe pas de recherche en la matière ni d'étude en la

 12   matière en Bosnie-Herzégovine.

 13   Q.  La déclaration selon laquelle les Yougoslaves sont en fait des Serbes,

 14   est-ce que cela ne va pas à l'encontre du principe fondamental du

 15   recensement où les personnes sont libres de déclarer leur affiliation

 16   ethnique, c'est-à-dire, en dépit de ce que les gens en pensent, vous allez

 17   leur dire ce qu'ils sont en vérité ? Est-ce ainsi que vous abordez la

 18   question ?

 19   R.  Non, ce n'est pas ainsi que j'ai procédé. C'est le procédé selon lequel

 20   la population déclare librement son affiliation ethnique en 1991, où 7 à 8

 21   % en Bosnie-Herzégovine se déclarent comme étant Yougoslaves. Mais après la

 22   guerre, cette catégorie n'existe plus en Bosnie. Il y a quatre catégories :

 23   Bosniaque, Croate, Serbe et divers et autres. Bien sûr, dans les cercles

 24   scientifiques, la question est posée de savoir si -- où se trouvent ces

 25   Yougoslaves. Puisqu'il n'y a pas de recensement 121, il n'y en a pas eu,

 26   nous avons appliqué le principe de l'analogie selon la répartition

 27   territoriale et, nous, donc, par analogie, nous démontrons que cette

 28   catégorie n'existe pas à Zenica aujourd'hui, et Tuzla, Bihac, qui sont des


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  1   villes principalement musulmanes où la population principale était serbe

  2   avec une inflation des chiffres pour la bonne raison qu'ils étaient de

  3   mariage mixte, et les Serbes, de façon traditionnelle, ont des relations

  4   avec le concept de la Yougoslavie où cela a été créé à plusieurs reprises.

  5   Q.  On en revient à des questions de méthodologie. Vous dites, au

  6   paragraphe 40 :

  7   "Les auteurs auraient dû calculer la proportion de Serbes dans les

  8   catégories de divers et autres et utiliser alors leurs résultats pour

  9   rectifier les données de la liste de 1997-1998. Ce serait, du point de vue

 10   méthodologique, absolument inadéquat pour la bonne raison que cela

 11   viendrait modifier les données du recensement, et ce, de façon arbitraire."

 12   R.  J'ai expliqué que les informations de 1997-1998 des listes électorales

 13   ne sont pas pertinentes et ne sont pas non plus fiables, ni pour moi, ni

 14   pour d'autres chercheurs. Ce qui était un élément que l'expert du Procureur

 15   a souligné, c'est un principe arbitraire. Nous n'avons trouvé aucune donnée

 16   solide sur la base de laquelle l'on pourrait trouver des données fiables

 17   sur les affiliations ethniques d'aucuns.

 18   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que l'on répète la dernière

 19   partie de la question.

 20   M. FILE : [interprétation]

 21   Q.  Ma question n'était pas sur la source, en ce qui concerne les listes

 22   électorales, mais la modification des données qui se trouvent dans le

 23   recensement concernant l'affiliation ethnique, et ce, ce serait, vous en

 24   conviendrez avec moi, absolument non conforme du point de vue

 25   méthodologique.

 26   R.  Si j'ai bien compris votre question, comment est-ce que l'expert du

 27   bureau du Procureur, en 1997-1998, en appliquant cette méthodologie, aurait

 28   pu modifier cette affiliation et aurait pu donc fusionner les catégories


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  1   "autres" et "Yougoslaves," de quel droit ? Nous estimons que la catégorie

  2   de Yougoslaves ne peut pas être fusionnée avec des autres parce que ceux-ci

  3   représentent deux tiers des autres populations. C'est absurde. On ne

  4   pourrait l'additionner dans cette catégorie et c'est là où nous divergeons

  5   en termes d'experts du bureau du Procureur sur la question des Yougoslaves

  6   par rapport aux autres populations, et c'est pourquoi il faut changer leur

  7   catégorie.

  8   Q.  Au paragraphe 41, au tableau 1 de l'ajout, vous citez le document

  9   P4994. Les auteurs présentent des calculs réalisés uniquement pour les

 10   Serbes et les Musulmans. Le fait que les Croates et autres et un grand

 11   nombre de Serbes parmi eux ont été exclus de la population générale dans

 12   cet échantillon et que toutes les valeurs sont exprimées par le nombre

 13   relatif et qui d'ailleurs a été affecté pour l'exclusion des Croates et

 14   autres de ce calcul est loin d'être réaliste. Ma question est donc : est-ce

 15   que vous avez lu le tableau 1 de cette pièce ajoutée ? Car je vous

 16   renverrai précisément au tableau 1(C), qui a trait aux Croates, et au

 17   tableau 1(O), qui a trait aux populations autres et offre des statistiques

 18   sur ces deux groupes aux pages 32 et 35 du rapport.

 19   R.  Oui, je me souviens de cela. Je me souviens de tous les tableaux pour

 20   les Musulmans, les Croates, les Serbes et autres. Je n'ai apporté aucun

 21   commentaire en la matière dans ce même contexte. Donc, la définition que

 22   nous avons calculée, les Serbes et les Musulmans, parce que nous nous

 23   sommes servi de points de référence pour les municipalités individuelles

 24   citées dans cette affaire où les Croates et autres ont été un groupe

 25   négligeable du point de vue statistique, tout simplement parce qu'il n'y en

 26   avait pas beaucoup sur place -- ou ils n'étaient pas nombreux sur place.

 27   Q.  Je dois dire que je suis décontenancé par cette réponse, parce que ce

 28   n'est pas ainsi que c'est rédigé dans votre rapport. Vous déclarez que les


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  1   Croates et autres ont été exclus de la population générale dans cet

  2   échantillon. Ce n'est -- est-ce que ce n'est pas donc une présentation de

  3   ce qui se trouve dans le rapport Tabeau ?

  4   R.  Non. Dans mon rapport, j'ai traité des Musulmans, des Croates, des

  5   Serbes et de tous les autres, dans l'une des pièces jointes. Peut-être que

  6   c'est le contexte de la phrase où ceci se trouve qui vous amène à des

  7   conclusions erronées, mais dans le processus, les Croates, les Serbes et

  8   autres se trouvent la méthodologie différente de celle appliquée par Mme

  9   Tabeau, et les résultats sont différents, et ça c'est facile à démontrer

 10   que je ne suis pas passé en survol sur ces critères supplémentaires.

 11   Q.  Je ne vous pose pas une question sur ce qui se trouve dans votre

 12   rapport, mais ce que vous avez déclaré se trouver dans le rapport Tabeau.

 13   Passons au sujet suivant. J'aimerais maintenant passer à la page en anglais

 14   39, et B/C/S 37 de votre rapport, paragraphe 800 [phon].

 15   Nous parlons de la méthode de calcul et vous déclarez :

 16   "Notre méthode de calcul est différente de celle des experts du Procureur.

 17   Nous n'avons pas utilisé la méthode de concordance mais plutôt une

 18   sélection de différentes variables pour calculer les indicateurs regroupés

 19   pour chacun des groupes ethniques. A partir des différentes variables

 20   possibles, nous nous servons des variables pertinentes pour la taille de la

 21   population totale ou des éléments constitutifs de la population et du

 22   mouvement naturel, c'est-à-dire le taux de croissance de population naturel

 23   pour chacun des groupes ethniques."

 24   Et ensuite, vous énumérez certaines variables, et vous avez un

 25   tableau, tableau numéro 3, où il y a des chiffres, des pourcentages, ainsi

 26   qu'une note en bas de page qui déclare :

 27   "Calculé sur la base du nombre de variables précisément en tenant en

 28   compte le nombre de naissances vivantes, le taux de croissance de la


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  1   population naturelle, différenciée par groupes ethniques, en tenant compte

  2   des différents niveaux des taux qui offrent des données fiables --

  3   extrêmement fiables avec des erreurs éventuelles dans les erreurs

  4   statistiques uniquement."

  5   Alors, encore une fois, vous ne parlez pas de votre méthodologie. Si l'on

  6   lit l'autre texte, l'on ne pourrait même essayer de reproduire ce que vous

  7   avez fait parce qu'on ne sait absolument pas comment vous êtes arrivé à ces

  8   chiffres, n'est-ce pas ?

  9   R.  Ce n'est pas exact. J'ai communiqué ma méthode en terme de ces

 10   chiffres, comment ils ont été obtenus et ceux dans un autre paragraphe.

 11   Mais vous en avez [inaudible] à une situation des taux de natalité avec des

 12   informations différentes qui se fondent sur des variables, et ceci donne

 13   des résultats différents par rapport aux résultats de l'expert du bureau du

 14   Procureur, par rapport au nombre général de naissances, et ce, jusqu'en

 15   1998. Leur âge, de nationalité relève de 1998 jusqu'en 1998, ils étaient

 16   mineurs. Mais l'indicateur indique le ratio entre les non-Serbes et les

 17   Serbes, ce qui nous indique que la plus grande partie de la population

 18   serbe née avant 1980, pour la bonne raison que les Serbes sont sur-

 19   représentés dans la catégorie allant jusqu'à 18 ans en raison du taux de

 20   natalité qui est inférieur. Ce qui est très important parce que c'est

 21   totalement oublié par Mme Tabeau dans son rapport et c'est là, en fait, le

 22   fond de ce rapport. Et par la suite nous trouvons des barrières spécifiques

 23   concernant chaque groupe ethnique et c'est dont je vous parle.

 24   Q.  Je vais essayer à nouveau. Je ne vous posais pas une question, à savoir

 25   si vous avez donné des variables mais comment vous êtes arrivé à ces

 26   chiffres que vous avez dans vos tableaux. Rien n'indique comment vous avez

 27   effectué vos calculs.

 28   Pourriez-vous me donner le paragraphe où vous indiquez ces éléments ?


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  1   R.  Je serais ravi de le faire. Alors tableau 2 [comme interprété], alors

  2   âge, sexe, groupe, catégorie, en B/C/S, c'est à page 37 de mon rapport.

  3   Vous trouvez donc que ces variables s'y trouvent, l'âge, le groupe, la

  4   population d'ensemble hommes/femmes, source, journal officiel des

  5   statistiques 1992 à 1998, bureau fédéral des statistiques. Mme Tabeau n'a

  6   pas utilisé cette source, ce qui est malheureux pour la bonne raison que

  7   c'est ce qui est le plus pertinent et c'est là où je reçois mes

  8   informations. Je prends mes informations en ce qui concerne les habitants

  9   serbes, croates, et cetera, mais avant 1981 et après 1981, ceci est

 10   incontestable comme information. Ce n'est pas quelque chose que j'ai

 11   concocté à partir de rien du tout. Et ensuite vous avez tous les calculs

 12   dans le tableau, paragraphe par paragraphe jusqu'à 110. Vous avez les

 13   résultats à 111 qui se fondent sur les calculs précédents.

 14   Q.  Soyons plus précis. Au tableau 2, on y voit population BH par âge et

 15   sexe selon les recensements de 1991. Il n'y a pas de ventilation entre les

 16   Serbes, les Musulmans, les Croates, et autres. Et vous nous dites -- si

 17   vous me dites que ça c'est la base de la production du tableau numéro 3 qui

 18   a une répartition, une ventilation par pourcentage par groupes ethniques de

 19   personnes nées avant 1980 en Bosnie-Herzégovine. Donc, encore une fois, il

 20   y a quelque chose qui manque, n'est-ce pas ?

 21   R.  A prime abord vous avez bien remarqué qu'il s'agit ici d'une

 22   conclusion universelle pour l'ensemble de la population de la BiH. Mais

 23   ensuite j'emploie une deuxième variable qui s'appelle : "Le taux de

 24   natalité différencié," et qui - je ne peux pas vous donner le paragraphe à

 25   ce moment-ci - mais il est cité pour chaque groupe national et une forme

 26   statistique qui est utilisée ici afin de pouvoir effectuer une

 27   différenciation par rapport à différentes tranches d'âge. Car dans ce

 28   rapport on n'a pas ventilé les tranches d'âge par groupe national, c'est la


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  1   raison pour laquelle j'ai dû faire mes calculs, mes propres calculs et mes

  2   propres normes pour calculer ces chiffres.

  3   M. FILE : [interprétation] Eh bien, je remarque l'heure, Monsieur le

  4   Président, vous m'aviez demandé cinq minutes donc je vais continuer demain.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Nous allons continuer demain,

  6   Docteur Pasalic, mais avant que je ne lève l'audience je voudrais aborder

  7   trois questions.

  8   La première étant la suivante : La Chambre rendra une décision orale

  9   concernant la déposition du général Krstic. Le 7 février 2013, suite au

 10   refus de Radislav Krstic de déposer dans cette affaire en l'espèce pour des

 11   raisons médicales, la Chambre a enjoint le Greffe à déposer un rapport

 12   médical détaillé évaluant l'état de santé mental et physique de M. Krstic

 13   et de voir si je cite :

 14   "Le fait de déposer dans cette affaire en l'espèce pourrait nuire à

 15   la santé de M. Krstic, et si oui, de quelle façon ?"

 16   Et s'il est apte à comprendre les questions qui lui sont posées et de

 17   répondre de manière rationnelle et véridique aux questions qui lui seraient

 18   posées.

 19   Conformément à cette ordonnance, la Chambre a reçu la requête du Greffier

 20   adjoint relative à un rapport d'expert médical indépendant déposée

 21   confidentiellement le 8 mars 2013. La Chambre a pris connaissance du

 22   rapport médical et des réponses données par le neuropsychiatre traitant

 23   concernant l'état de santé de M. Krstic et si le fait de déposer dans cette

 24   affaire pourrait nuire à son état de santé, et si ce dernier pourrait venir

 25   déposer en tant que témoin.

 26   A la lumière de la réponse donnée à la question 2 de la page 7 du rapport,

 27   la Chambre n'estime pas que les préoccupations soulevées dans la réponse à

 28   la question 1 pourraient exclure la déposition de M. Krstic dans cette


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  1   affaire. A la lumière de ce rapport, la Chambre estime qu'il n'y a aucune

  2   raison médicale qui pourrait faire en sorte que M. Krstic ne se conforme

  3   pas au subpoena qui lui a été remis le 12 octobre 2012 selon lequel il a

  4   reçu l'ordonnance de venir déposer dans cette affaire en l'espèce. La

  5   Chambre ordonne à M. Krstic de venir déposer dans cette affaire le lundi 25

  6   mars 2013.

  7   La Chambre enjoint le Greffe de prendre les mesures nécessaires par rapport

  8   à ceci et de communiquer cette décision à M. Krstic et à ses représentants

  9   juridiques.

 10   La Chambre réitère qu'un manquement de se conformer au subpoena constitue

 11   un outrage au tribunal en vertu de l'article 77 du Règlement de procédure

 12   et de preuve qui est passible d'une peine d'emprisonnement ne dépassant pas

 13   sept ans et d'une amende n'excédant pas 100 000 Euros.

 14   La prochaine décision a trait au subpoena Puhalac. En évaluant la requête

 15   de l'Accusation pour une injonction à comparaître donnée à M. Slavko

 16   Puhalac, déposée le 1er mars 2013, la Chambre a noté que dans la déclaration

 17   jointe en tant qu'annexe confidentielle à la requête, le chargé du dossier

 18   de l'accusé a fait référence à un nom différent -- un nom de famille

 19   différent pour ce témoin ainsi qu'un autre numéro 65 ter pour la

 20   déclaration du témoin qui a été fournie à l'équipe de la Défense et que

 21   celle-ci est différente à celle qui figure dans la requête.

 22   La Chambre note que le document 65 ter qui a été fourni dans la déclaration

 23   porte sur la déclaration pour un autre témoin qui a déjà déposé dans cette

 24   affaire. Monsieur Robinson, pourriez-vous, je vous prie, nous donner cette

 25   information demain ?

 26   Ensuite je voudrais parler du Témoin Milan Martic. La Chambre a reçu une

 27   liste de témoins pour la semaine prochaine mais nous nous apercevons que

 28   Milan Martic n'est pas là étant donné que la Chambre a donné une ordonnance


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  1   -- une ordonnance de la Chambre qu'une semaine est suffisante pour que le

  2   témoin puisse comparaître et il est possible bien sûr de le récoler entre-

  3   temps. La Chambre exprime sa préoccupation concernant sa déposition, à

  4   savoir que celle-ci pourrait être retardée. Je m'attendrais donc à ce que

  5   mes -- Milan Martic vienne déposer immédiatement après la déposition de M.

  6   Krstic dans la semaine du 25.

  7   M. ROBINSON : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  9   M. ROBINSON : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 11   --- L'audience est levée à 14 heures 48 et reprendra le jeudi 14 mars 2013,

 12   à 9 heures 00.

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