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1 Le jeudi 11 avril 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.
7 Peut-on demander au témoin de prononcer la déclaration solennelle.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai
9 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 LE TÉMOIN : KOSTA CAVOSKI [Assermenté]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Professeur Cavoski. Veuillez vous
13 asseoir, s'il vous plaît.
14 Oui, Monsieur Karadzic, allez-y.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
16 Messieurs les Juges. Bonjour à tous.
17 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Professeur Cavoski.
19 R. Bonjour.
20 Q. Pour les besoins du compte rendu d'audience, pourriez-vous décliner
21 votre identité, s'il vous plaît.
22 R. Oui. Je m'appelle Kosta Cavoski. Je suis né à Banatsko Novo Selo le 26
23 octobre 1941. Le nom de mon père est Savo et le nom de ma mère est Vera.
24 Q. Merci. J'attends l'interprétation, et je voudrais également vous
25 demander de vous concentrer sur l'écran, et quand vous verrez que la
26 traduction est terminée, vous pourrez continuer. Je ne vais pas vous
27 demander de parler de vos travaux, parce que cela prendrait énormément de
28 temps. J'aimerais commencer par les derniers éléments de votre parcours.
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1 Mis à part le fait que vous êtes membre de l'Académie serbe des arts et des
2 sciences, pourriez-vous nous dire quel est votre parcours ?
3 R. J'ai obtenu mon diplôme de la faculté de droit de Belgrade en 1964.
4 Pendant un certain temps, j'ai participé à des activités politiques en tant
5 qu'étudiant et j'étais membre d'une organisation de jeunes. J'ai été
6 également vice-président international de l'association des étudiants de
7 Yougoslavie. Et puis, j'ai ensuite décider de travailler dans le domaine de
8 la recherche et j'ai donc réalisé ma maîtrise, et ma thèse était intitulée
9 : Le rôle de la Cour suprême américaine dans la création du fédéralisme
10 américain. Ce qui m'a permis d'être qualifié d'historien connaissant bien
11 l'histoire constitutionnelle américaine. J'ai été professeur associé à la
12 faculté et j'ai obtenu mon doctorat sur le thème de la liberté, la
13 démocratie et les possibilités de la liberté et de la démocratie. J'ai été,
14 donc, professeur associé jusqu'en 1971. Et ensuite, j'ai été renvoyé parce
15 que j'avais été condamné pour ce que j'appellerais le délit d'opinion en
16 raison de mes travaux dans le magazine "Glediste". C'est donc la raison
17 pour laquelle j'ai été renvoyé de l'université. Pendant deux ans, j'ai été
18 sans emploi. J'ai travaillé dans le domaine de la traduction, entre autres,
19 et j'ai traduit deux traités sur le gouvernement par John Locke. Je me suis
20 également intéressé à Firmer [phon], un écrivain anglais du XVIe siècle,
21 qui a parlé du rôle divin des rois. Et en 1978, j'ai travaillé à l'institut
22 pour le droit et la gestion, et ensuite j'ai travaillé à l'institut de
23 philosophie.
24 Le 1er janvier 1991, j'ai été employé en tant que professeur à plein
25 temps à la faculté de droit de Belgrade, où j'ai pris ma retraite et donc
26 terminé ma carrière en tant que professeur possédant une chaire à l'âge de
27 68 ans. Je suis maintenant à la retraite. Et en 2003, je suis devenu membre
28 de l'Académie serbe des arts et des sciences. Voilà donc en bref mon
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1 parcours. Si nécessaire, je peux, bien sûr, apporter des précisions.
2 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Même si votre CV est très long, je
3 voudrais vous parler de certains des éléments les plus importants qui ont
4 été publiés dans votre profession. Pourriez-vous nous parler des domaines
5 spécialisés sur lesquels vous vous êtes concentré durant votre carrière ?
6 R. Parce que j'avais des problèmes lorsque j'ai déposé dans l'affaire
7 contre Stanislav Galic, j'ai juste résumé -- en fait, j'ai demandé à
8 l'Académie des arts et des sciences d'établir sa propre biographie. Donc
9 tous les recueils et les publications sont publiés, pas uniquement par
10 titre, mais également avec un bref résumé, de façon à ce que vous puissiez
11 voir quels sont les contenus --
12 L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : Nous n'avons pas la bibliographie du
13 témoin.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ensuite -- j'étais plus jeune, bien sûr, et
15 maintenant que je suis plus âgé, en fait, je travaille de plus en plus dans
16 le domaine de la publication. Donc j'ai publié 37 livres, et ceux dont je
17 peux parler, ce sont notamment celui qui est intitulé "La possibilité de la
18 liberté et de la démocratie" et puis le livre qui s'appelle
19 "Constitutionnalité et fédéralisme, supervision des tribunaux en matière de
20 constitutionnalité dans les Etats anglo-saxons," et je parle plus
21 particulièrement des Etats-Unis, du Canada et de l'Australie. Nous parlons
22 donc des aspects de l'encadrement judiciaire et de l'encadrement de la
23 magistrature. Par exemple, après la chute de Milosevic, il était président
24 de la République de Yougoslavie, ensuite il est devenu président et puis
25 premier ministre, donc je parle de cette personne --
26 L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas saisi le nom.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui est assez inhabituel pour les avocats,
28 j'ai également étudié Aeschylus, qui est un écrivain grec de la Grèce
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1 antique. J'ai également traduit la trilogie d'Oresteia. Et j'ai également
2 étudié la philosophie politique et juridique. J'ai une étude de John Locke,
3 qui est un des grands libéraux du XVIIe siècle en Angleterre. Et puis, j'ai
4 un monographe [phon] qui, je crois, est un original et qui est une étude de
5 Machiavel.
6 L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de cabine anglaise : Il y a beaucoup
7 d'interférence.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parlez peut-être un peu trop
9 rapidement pour les interprètes.
10 L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de cabine française : Nous n'avons,
11 pour une raison inconnue, aucun document en ce moment en cabine française
12 concernant ce témoin.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parliez de Machiavel.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Après Machiavel, j'ai publié un nombre
15 important de livres ou de publications, et grâce à cela j'ai pu faire la
16 synthèse de toutes mes recherches, de toutes mes études, et j'ai pu publier
17 ceci sous forme d'annale. J'étais très intéressé par les conditions
18 juridiques et politiques de l'ex-Yougoslavie, notamment avant la
19 disparition de cet Etat, c'est-à-dire la situation en Croatie, en Bosnie-
20 Herzégovine, en Republika Srpska, au Monténégro, en Serbie, et cetera, et
21 cetera. Donc j'étais un des meilleurs analystes, et comme le Procureur l'a
22 mentionné dans l'affaire Galic, il a dit que j'avais également rédigé des
23 analyses d'expert sur les activités du Tribunal pénal international pour
24 l'ex-Yougoslavie de La Haye. Deux de ces études ont été également publiées
25 en langue anglaise. Il y a également eu le procès du général Djordje
26 Djukic, qui est mort avant que son procès n'arrive à son terme. Et puis le
27 deuxième, c'est le procès du président Radovan Karadzic à l'époque où il
28 n'y avait que deux actes d'accusation qui ont ensuite été modifiés. Ceci a
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1 été publié à deux reprises en anglais. La deuxième édition comprend
2 également des documents annexes. Je pense que ceci suffit, et je pourrais
3 parler encore plus si vous le souhaitez.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Merci, Professeur Cavoski. Et je vous remercie d'avoir ralenti le
6 débit, parce que ceci a pu être consigné au compte rendu d'audience. Comme
7 vous l'avez dit vous-même, vous savez ce qui m'est reproché ici. Et dans le
8 troisième et dernier acte d'accusation, parmi les faits qui me sont
9 reprochés, on avance que j'ai participé à une entreprise criminelle commune
10 poussée, et ensuite à trois autres entreprises criminelles communes.
11 L'objectif principal de ces entreprises criminelles était en fait le
12 retrait durable des Musulmans et des Croates des territoires qui étaient
13 revendiqués par les Serbes en Bosnie-Herzégovine, et l'acte d'accusation ne
14 mentionne pas, bien sûr, ou n'avance pas que j'ai commis moi-même ces
15 crimes, mais ma responsabilité est au titre de l'article 7(1) du Statut de
16 ce Tribunal pour avoir participé à ces entreprises criminelles communes.
17 Ces allégations sont principalement basées sur des rapports de deux experts
18 de l'Accusation : Robert Donia et Patrick Treanor. Par conséquent, nous
19 vous avons demandé d'étudier ces rapports et de rendre votre propre rapport
20 afin de déterminer si ces rapports sont exacts et si ce qui figure dans
21 leurs rapports est exact.
22 J'aimerais donc, maintenant, vous demander -- donc, nous avons votre
23 rapport. En fait, c'est une version synthétique de votre rapport.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
25 Une seconde.
26 M. TIEGER : [interprétation] De par le passé, j'ai une objection à
27 des commentaires sans propos de l'accusé. Je considère que ceci pouvait
28 faire partie des commentaires, même si c'était peut-être maladroit et assez
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1 long. Mais par exemple, quand il a mentionné ces allégations sont
2 principalement basées sur des rapports, ce n'est pas à l'accusé de se
3 livrer à ce type de commentaire, et, de plus, ceci n'est évidemment pas
4 correct.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De toute façon, c'est également de
6 nature directrice, n'est-ce pas.
7 M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait. C'est exact.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous nous suivez, Monsieur
9 Karadzic ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, je comprends bien. Mais je ne
11 souhaite pas -- enfin, ce que je voulais expliquer, c'est ce que nous
12 avions chargé le Pr Cavoski de faire.
13 M. TIEGER : [interprétation] Ce n'est pas à M. Karadzic de dire ce que M.
14 Cavoski devait faire. Il doit poser des questions au témoin, et ceci de
15 façon non directrice de façon à savoir quelle est la position du témoin.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais quel est le problème si l'accusé
17 demande au témoin ce qu'il a été chargé de faire ?
18 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai aucun problème. C'est simplement que
19 M. Karadzic s'excusait de ce qui s'était passé avant de dire en fait ce
20 qu'il voulait dire et ce qu'on lui demandait de dire. Ça a été le problème
21 pendant toute sa prise de parole, et c'est le Dr Karadzic qui veut parler à
22 la place du témoin.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense maintenant que M. Karadzic a
24 compris.
25 Monsieur Karadzic.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, à la ligne 9 de la page
27 7, c'est exactement ce que je souhaitais demander.
28 M. KARADZIC : [interprétation]
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1 Q. Professeur Cavoski, pourriez-vous nous dire ce que la Défense vous a
2 demandé de faire ?
3 R. On m'a demandé de me pencher attentivement et d'étudier les rapports
4 des deux experts : l'un rédigé par le Dr Robert Donia, et l'autre par le Dr
5 Patrick Treanor. J'ai fait ceci, comme ceci est habituel dans les études de
6 ce type, j'ai essayé de mettre toute la lumière sur des erreurs
7 importantes, sur des incohérences, sur des omissions de faits importants et
8 sur des éléments périodiques qui pourraient être qualifiés de vices dans le
9 rapport et qui pourraient être considérés comme étant de mauvaise foi, qui
10 sont apparus donc dans ces rapports. Et par conséquent, j'ai essayé de
11 remettre en question leur crédibilité et la véracité de ces rapports. C'est
12 donc ce qui figure dans mon rapport. Il s'agit d'un rapport analytique, je
13 l'ai mentionné. J'ai essayé d'attirer l'attention sur les omissions, que
14 les rapports ne pouvaient pas être acceptés tels quels dans leur totalité.
15 Je pourrais citer certains exemples d'erreurs.
16 A la page 6, il est mentionné citation de Robert Donia, où il dit -- c'est
17 la page 52 qui a des erreurs évidentes. Au point 1, à la page 52, il est
18 mentionné en anglais :
19 "Les officiers du MUP de nationalité serbe étaient habillés en uniforme
20 bleu…", et cetera.
21 Donc, on peut voir qu'il est avancé que les officiers de police serbes
22 portaient des uniformes différents des autres. Et sur cette base-là, sur la
23 base du fait qu'ils portaient des uniformes bleus, il en tire la conclusion
24 qu'il s'agissait d'officiers de police serbes.
25 Je suis d'un âge suffisamment avancé et j'ai une mémoire encore
26 suffisamment bonne pour me souvenir que tous les policiers de l'ex-
27 Yougoslavie, de Jesenica à Djevdjelija, utilisaient ces uniformes bleus.
28 Par conséquent, un uniforme bleu n'est pas une marque caractérisant un
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1 policier serbe, mais tout policier.
2 A la page 7, il est écrit -- page 79, on fait mention d'un certain
3 Rizo Selmanagic. Ensuite, on dit que c'était un vétéran serbe de la
4 Deuxième Guerre mondiale.
5 Donc, pour Rizo Selmanagic, on dit que c'était un vétéran serbe de la
6 Deuxième Guerre mondiale. Nous qui habitons sur le territoire de l'ex-
7 Yougoslavie, nous savons très bien ce que veulent dire ces noms. Par
8 exemple, quand on voit les noms des gens, on sait exactement quelle est
9 votre appartenance ethnique. Pour moi, par exemple, j'ai un prénom serbe,
10 mais pas un nom serbe. Il en va de même pour Rizo Selmanagic. Il ne pouvait
11 être autre chose que musulman. Evidemment, vous aviez des Musulmans qui,
12 parfois, se disaient serbes. Alija Izetbegovic, au moment du premier
13 recensement de la population, s'est déclaré comme appartenant à la nation
14 serbe, en fait ayant l'appartenance ethnique serbe, vu qu'au début, il ne
15 pouvait se déclarer que comme serbe, croate ou ne pas donner d'appartenance
16 ethnique. A l'époque, il ne pouvait pas se déclarer musulman.
17 Q. Je vais vous demander de vous concentrer sur un point précis.
18 Pouvez-vous nous dire, dans ces rapports, comment a-t-on décrit la période
19 avant la guerre en Bosnie-Herzégovine, la période de la crise yougoslave ?
20 Pourriez-vous nous dire de quelle façon tout cela a été décrit - parce que
21 nous avons votre rapport et j'espère que ce rapport va être versé au
22 dossier - et pourriez-vous nous dire s'ils ont compris comment les choses
23 se sont déroulées ?
24 R. Président Karadzic, veuillez m'interrompre à l'avenir, à chaque fois
25 que vous pensez que je rentre trop en détail. Ce n'est sans doute pas
26 nécessaire dans le cadre de cette expertise. Moi, je considère que les deux
27 experts, le Dr Donia, qui a bien plus d'erreurs, et Patrick Treanor, où il
28 n'y a eu que, d'après moi, trois erreurs matériels, d'après mon opinion,
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1 ils ont tous les deux décrits d'une façon peu adéquate la situation qui
2 prévalait dans l'ex-Yougoslavie avant son démantèlement. Une question
3 constitutionnelle s'est posée à l'époque : peut-on démanteler la
4 Yougoslavie ou non; et si on le faisait, est-ce que ceci serait un acte
5 constitutionnel ou non. Les deux auteurs n'ont pas traité de cette question
6 importante, et ils ont énuméré les actes des sécessionnistes avec beaucoup
7 de sympathie à leur égard. Tout d'abord, les Slovènes, ensuite les Croates,
8 et après même, les Musulmans de Bosnie-Herzégovine. Moi, je peux comprendre
9 que quelqu'un pense qu'il fallait casser la Yougoslavie. Cependant, il
10 fallait vérifier ça dans le contexte constitutionnel. Ceci était-il une
11 possibilité légale au niveau de la constitution, ou non. Les deux auteurs
12 ne traitent pas de cela. Donia, parce qu'il a dit lui-même qu'il n'a jamais
13 traité du droit constitutionnel, alors lui-même, il a cité une décision de
14 la cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine qui conteste la légitimité
15 d'une institution serbe, le Conseil national. Alors que l'autre expert,
16 Patrick Treanor, n'a pas traité de cette question.
17 Et c'est un grand défaut dans ces deux rapports. Car il aurait été prouvé
18 qu'il n'y avait pas de base légale pour démanteler la Yougoslavie. Ensuite,
19 leurs évaluations de l'armée populaire yougoslave sont tout à fait
20 erronées. L'armée populaire yougoslave était censée, en vertu de la
21 constitution de protéger et défendre l'intégrité territoriale de l'ex-
22 Yougoslavie. Le fait qu'il ne l'ait pas fait, eh bien, cela relevait d'un
23 vrai problème, d'un manquement à son obligation du côté de la JNA, et
24 l'histoire va la juger pour cela. Mais la JNA devait le faire. Alors que
25 Donia et Treanor, quand il s'agit du rôle de la JNA, très souvent, disent
26 que cette JNA ne défendait que les intérêts serbes, et non pas les intérêts
27 de tous les peuples qui constituaient la Yougoslavie à l'époque.
28 Pendant très longtemps, six unités, donc les deux provinces, la Serbie, le
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1 Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine voulaient garder la
2 Yougoslavie. Les seuls qui voulaient en sortir étaient la Slovénie et la
3 Croatie. Ces deux auteurs n'ont pas remarqué cela. Ensuite, la cour
4 constitutionnelle yougoslave avait pris des dizaines et des dizaines de
5 décisions contestant la constitutionnalité des différentes lois
6 constitutionnelles passées par la Slovénie et la Croatie, et puis d'autres
7 lois et réglementations. Aucune de ces décisions ne figure dans ce rapport,
8 même si l'on cite une décision prise par la cour constitutionnelle de
9 Bosnie-Herzégovine. D'après moi, c'étaient des faiblesses, de grosses
10 faiblesses au niveau de ce rapport. Et ce que je pourrais expliquer, si le
11 président Karadzic me posait la question, de quelle façon ils ont évalué la
12 situation qui prévalait en Bosnie-Herzégovine vers de l'année 1991 et au
13 début de l'année 1992, avant que ne se démantèle justement cette Bosnie-
14 Herzégovine dans le cadre d'une ex-Yougoslavie déjà démantelée.
15 Q. Merci, Professeur. Je vais vous poser cette question, en effet. Mais je
16 vais vous demander auparavant de dire aux Juges quelle a été véritablement
17 la situation en Yougoslavie avant que n'éclate la guerre en Bosnie-
18 Herzégovine, et de mettre cela en exergue par rapport à la présentation des
19 faits dans ces deux rapports.
20 R. Vu que moi je suis un historien sérieux, eh bien, je peux affirmer en
21 toute responsabilité, que la vérité vraie va être connue d'ici une
22 trentaine d'années, pas avant, quand on va communiquer toutes les archives
23 diplomatiques et des renseignements des Etats-Unis d'Amérique, de la
24 Grande-Bretagne, Allemagne, et cetera. Ce que vous pouvez dire sur la base
25 des documents que nous possédons à présent, eh bien, vous pouvez dire que
26 pendant assez longtemps, les Etats-Unis d'Amérique mais aussi les pays les
27 plus importants de l'Europe voulaient que la Yougoslavie se préserve dans
28 ses frontières, telle qu'elle était. Et ensuite, tout d'un coup, à cause de
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1 l'influence allemande, il y a eu un virement et ils en sont arrivés à la
2 conclusion qu'il fallait casser, démanteler la Yougoslavie créée au moment
3 du traité de Versailles dont les frontières avaient été définies par les
4 accords du Trianon et autres accords conclus entre pays voisins. A partir
5 de ce moment-là, les forces serbes ont commencé à soutenir la scission de
6 la Slovénie et de la Croatie, mais ensuite aussi de Bosnie-Herzégovine.
7 Et vu les circonstances, il était absolument nécessaire de préserver la
8 Yougoslavie de l'époque, mais aussi par la suite la Bosnie-Herzégovine.
9 Moi, j'ai suivi l'actualité parce qu'à part de mes activités
10 professionnelles, je me suis toujours intéressé à la vie politique et,
11 d'ailleurs, j'ai fait pas mal d'articles, j'ai écrit pas mal d'articles à
12 ce sujet. Vous allez pouvoir le retrouver dans ma bibliographie.
13 Et donc, les Serbes de Bosnie-Herzégovine, d'après mon opinion,
14 poursuivaient trois politiques différentes. Vous en aviez une qui était une
15 politique de premier rang, ensuite une politique du deuxième, et du
16 troisième rang. La première politique, celle que j'appelle la politique de
17 premier rang, visait à préserver toute la Bosnie-Herzégovine et la
18 Yougoslavie. Donc, il fallait préserver la Bosnie-Herzégovine dans le cadre
19 de la Yougoslavie, telle qu'elle existait à l'époque. Au moment où l'on a
20 évalué que ceci n'allait pas pouvoir se faire, les Serbes de Bosnie-
21 Herzégovine qui, à l'époque, avait à leur tête le Parti démocratique serbe,
22 ont tenté de préserver la Bosnie-Herzégovine dans le cadre d'une
23 Yougoslavie Tronquée, pour ainsi dire.
24 Et là, il y a eu un accord qui a été extrêmement important, et qui a eu de
25 conséquences assez lourdes, Adil Zulfikarpasic avait passé cet accord avec
26 Slobodan Milosevic, et cet accord a précédé le plan de Cutileiro. Moi, je
27 le connaissais personnellement ce Adil Zulfikarpasic. Je le fréquentais à
28 partir de 1986 à mon retour d'Amérique. C'était un homme très raisonnable,
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1 et il en est arrivé à la conclusion que les Musulmans vivaient côte à côte
2 avec les Serbes dans 103 municipalités de Bosnie-Herzégovine, et qu'il y
3 avait bien moins de municipalités où vivaient avec les Croates, et que
4 donc, le plus important pour les Musulmans étaient de garder l'amitié avec
5 les Serbes. Il le disait publiquement, mais c'est vrai qu'Alija Izetbegovic
6 oralement l'a autorisé à se rendre à Belgrade et à passer cet accord. Et
7 d'après cet accord, la Bosnie devait rester soit au sein de la Yougoslavie,
8 ou bien ou sein de cette Yougoslavie Tronquée. Cet accord a été passé,
9 signé, communiqué dans le public, mais malheureusement Alija Izetbegovic
10 l'a renié par la suite.
11 Q. Pourriez-vous nous dire si vous savez comment moi j'ai réagi et quels
12 ont été les accords que j'ai passé avec Adil Zulfikarpasic et avec
13 Filipovic, et si les Serbes ont cédé leurs positions dans un certain sens
14 pour préserver cette Bosnie à l'intérieur de la Yougoslavie ?
15 R. Président Karadzic, bien sûr que je ne me souviens pas de tout, mais je
16 pense que le Parti démocratique serbe était prêt à abandonner son idée de
17 régionalisation de Bosnie-Herzégovine à condition que le plan soit adopté.
18 Donc, aussi bien Muhamed Filipovic que Zulfikarpasic se sont séparés de la
19 SDA, ils ont créé à l'époque leur propre parti bosnien et ont négocié au
20 nom de ce parti. C'est surtout Adil Zulfikarpasic qui a fait cela. Donc, le
21 Parti démocratique serbe a fait une grosse concession aux Musulmans
22 justement dans l'espoir de préserver la Bosnie-Herzégovine et de préserver
23 ce qui est encore plus important, la paix en Bosnie-Herzégovine. Parce que
24 dans nos terres des Balkans, chaque problème interethnique mène
25 inévitablement vers des guerres fratricides, voire guerres civiles. Donc,
26 le Parti démocratique serbe, à l'époque, a fait des concessions, oui.
27 Q. Vous pouvez poursuivre.
28 R. La deuxième grosse possibilité qu'on avait pour préserver la guerre en
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1 Bosnie-Herzégovine, c'était le plan Cutileiro. Là, c'était l'initiative de
2 l'Union européenne et des corps diplomatiques de ces pays. Lui, c'était un
3 diplomate portugais. A plusieurs reprises, les représentants des trois
4 peuples de Bosnie-Herzégovine se sont rencontrés, à savoir le Dr Radovan
5 Karadzic, Mate Boban et Alija Izetbegovic. Ce plan était pratiquement
6 défini. On avait accepté les principes et signé les principes de ce plan.
7 Il s'agissait de principes constitutionnels qui sous-entendaient la
8 création de trois unités constitutionnelles. Aujourd'hui, on parle des
9 "entités". Mais vous savez, cela fait partie de mes intérêts
10 professionnels, car là, il s'agirait donc des trois unités
11 constitutionnelles ou confédérales faisant partie d'une fédération de
12 Bosnie.
13 Au début, il n'était même pas prévu que ces municipalités soient reliées du
14 point de vue territorial. Mais on a prévu au départ que les municipalités
15 avec une majorité musulmane allaient être rattachées à l'entité musulmane,
16 et ainsi de suite. Cependant, il y a eu un certain nombre de municipalités
17 qui posaient problème, et là, on avait prévu que l'Union européenne
18 intervienne en guise d'arbitre. Il n'y en a pas eu beaucoup, et le problème
19 a été pratiquement résolu et ce plan a été pratiquement finalisé quand un
20 événement inattendu s'est produit. Warren Zimmermann, l'ambassadeur
21 américain de Belgrade, s'est rendu à Sarajevo en parlant avec Alija
22 Izetbegovic, et celui-ci s'est plaint en disant qu'il était obligé de
23 signer cet accord avec les représentants des Serbes et des Croates, et que
24 lui, il ne pensait pas que c'était un plan vraiment favorable aux
25 Musulmans, et sur ce, Zimmermann lui a dit - ce qu'on trouve dans les
26 médias : Mais pourquoi seriez-vous obligé de signer ce plan ? Et donc, il
27 en a tiré la conclusion que les Etats-Unis d'Amérique n'insistaient pas que
28 les Musulmans de Bosnie signent ce plan. Et à ce moment, Alija Izetbegovic
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1 a, en dernière minute, retiré la signature, le paraphe, sur l'accord.
2 Et quand j'ai témoigné dans l'affaire Galic, le Procureur m'a donné
3 lecture d'un entretien avec Warren Zimmermann, car lui, il dit que les
4 choses ne se sont pas produites comme cela. Mais vous savez, la vérité
5 vraie, on la découvrira d'ici 25, 30 ans, quand on va communiquer et rendre
6 publique les archives diplomatiques, et là, on verra comment les choses se
7 sont produites vraiment. Nous, nous étions convaincus - et d'ailleurs,
8 Izetbegovic lui-même en a parlé, il en a parlé à de nombreuses personnes -
9 qu'il s'agissait d'un entretien entre lui et Warren Zimmermann. Comme vous
10 le savez, ce retrait de dernière minute et sans crier gare de sa signature
11 apposée pratiquement déjà sur l'accord était ce qu'on appelle casus belli.
12 Izetbegovic le savait très bien, car il a dit en 1993 qu'il savait qu'il
13 fallait qu'il fasse un choix, un choix entre la paix et la souveraineté de
14 Bosnie-Herzégovine. Il a choisi la souveraineté, et ceci a mené à la guerre
15 civile.
16 Pourtant, le Tribunal s'intéresse plus aux conséquences et les
17 historiens s'intéressent plus à la responsabilité. Moi, en tant que
18 quelqu'un qui s'occupe de l'histoire, je dois dire que la responsabilité
19 pour la guerre incombe à ceux et à celui qui ont refusé s'accepter,
20 d'adopter le plan Cutileiro, qui, d'après moi et d'après beaucoup d'autres
21 personnes, était juste.
22 Q. Merci. Est-ce qu'on peut éclaircir. A la page 16, ligne l0, vous avez
23 dit le tribunal. Est-ce que vous avez pensé à ce tribunal-là, le Tribunal
24 pénal de La Haye, ou au tribunal en général ? Dans le compte rendu, page
25 16, ligne 10.
26 R. Je pensais à ce Tribunal pénal international.
27 Q. Concernant les conditions imposées par le plan Cutileiro et l'accord de
28 Lisbonne, nous avons contesté le droit de la Bosnie-Herzégovine à être
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1 indépendante.
2 R. J'ai déjà dit qu'il s'agissait de la solution qui était la moins
3 acceptable pour les Serbes, mais quand même acceptable. J'ai déjà dit que
4 la variante la plus favorable aux Serbes était la préservation de la
5 Yougoslavie. Ensuite, la deuxième option était ce qui s'est passé avec Adil
6 Zulfikarpasic et ce qu'il proposait, à savoir que la Bosnie-Herzégovine
7 reste dans le cadre de la Yougoslavie tronquée, et la Republika Srpska
8 devait être dans le cadre de la Serbie. Et la troisième option que les
9 Serbes ont accepté à contrecœur était de voir la Bosnie-Herzégovine
10 indépendante et lorsque les Serbes se séparent des Serbes de la Serbie pour
11 vivre dans deux Etats indépendants. Mais afin de préserver la paix, pour
12 que la Bosnie soit tranquille, comme les Serbes disent, nous avons accepté
13 que la Bosnie-Herzégovine soit une fédération ou une confédération de trois
14 entités nationales étatiques.
15 Q. Professeur Cavoski, est-ce que le modèle proposé par l'Union européenne
16 par le biais de l'ambassadeur Cutileiro était quelque chose de nouveau et
17 est-ce que vous avez remarqué d'autres exemples similaires du même système
18 en Europe, du système interne d'Etats indépendants européens ?
19 R. Je m'occupe de cette question du fédéralisme, et le fédéralisme a été
20 pendant longtemps le sujet principal, puisque la Yougoslavie était un Etat
21 fédéral, une fédération. L'exemple de la Belgique, qui a adopté en 1835 la
22 première constitution - ou c'était plutôt en 1833, je n'en suis pas tout à
23 fait certain - et notre première constitution de 1835 de Sretenovo [phon],
24 la première constitution serbe a été rédigée d'après cette constitution.
25 Mais aujourd'hui, la Belgique est une fédération qui n'est pas très solide,
26 mais les Flamands ne voulaient pas avoir cette fédération. La ville de
27 Bruxelles, qui se trouve sur le territoire flamand, est la seule ville à
28 majorité wallonne qui tient la Belgique en tant que fédération. L'Europe,
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1 par exemple, ne soutient pas la séparation de l'Ecosse de l'Angleterre, ou
2 plutôt de la Grande-Bretagne. On a fait comprendre aux Ecossais que s'ils
3 font sécession - et je pense que c'était en 1701 qu'ils se sont réunis avec
4 la Grande-Bretagne, que l'Ecosse devrait attendre plusieurs années pour se
5 voir en tant qu'un état indépendant à des réunions européennes. Cela n'a
6 pas été dit pour le pays de Galles. Cela ne concerne le pays basque ni la
7 Catalogne, non plus. Ce sont deux entités qui ont des langues distinctes;
8 la langue basque se distingue de toutes les autres langues européennes. Et
9 le catalan et l'espagnol appartiennent à un autre groupe de langues.
10 L'Europe ne soutient pas cela, ne soutient pas la désunification [phon].
11 L'Italie non plus, il y a une idée selon laquelle la province qui comprend
12 Milan, Venise, au-dessus de Rome, voudrait être une province séparée. La
13 Sardaigne pourrait être séparée de l'Italie, ainsi que la Sicile, puisqu'en
14 Sardaigne, il y a un dialecte distinct, qui est en fait le Catalan qui est
15 parlé. Pour ce qui est de la Sicile, la situation est très complexe, parce
16 qu'avant c'était la Magna Graecia, la grande Grèce. Et pendant longtemps en
17 Sicile et dans l'Italie du sud, on parlait le grec pendant la domination
18 romaine. Après quoi, les Arabes y ont régné pendant plusieurs siècles. La
19 population est très mixte et a une mentalité distincte. Donc, les raisons
20 de sécession, de séparation existent là-bas.
21 Et lorsque l'Italie a été vaincue, les Siciliens ont demandé que soit on
22 adhère aux Etats-Unis d'Amérique en tant que 49e Etat des Etats-Unis
23 d'Amérique. La Transylvanie pourrait poser problème également, où il y a
24 beaucoup plus de Hongrois qu'il y en a en Serbie sur un territoire
25 homogène, sur un territoire où depuis des siècles ils vivaient. Il n'y a
26 pas beaucoup de Hongrois non plus dans le sud de la Slovaquie qui pourrait
27 également demander de faire sécession de la Slovaquie. Donc, cette question
28 n'est pas du tout aussi simple que cela a l'air en Europe, puisque je pense
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1 que l'Europe - et je pense à l'Union européenne - l'Union européenne n'a
2 jamais soutenu de sécessions hormis sur le territoire de la Yougoslavie.
3 Q. Merci Professeur. Puisque vous avez pu remarquer que ces unités
4 constitutives ne devaient pas avoir une continuité d'existence, dans quelle
5 mesure cela ressemble au modèle suisse où il y a beaucoup de cantons
6 organisés sur la base linguistique qui ne sont pas reliés du point de vue
7 territorial entre eux ?
8 R. La Suisse est une fédération très unie, et c'est la seule fédération
9 dans le monde entier qui n'a pas été construite selon le modèle américain -
10 tous les scientifiques qui s'occupent du fédéralisme le disent - toutes les
11 autres fédérations ont été construites sur le modèle américain, ainsi que
12 l'Union soviétique. Au début, il n'y avait que trois cantons qui étaient
13 unis, et au fur et à mesure le nombre de cantons augmentait. Et ce qui a
14 déterminé définitivement de destin de la Suisse était Zonder Buhrig [phon]
15 de 1837. Il s'agissait d'une guerre entre les Protestants et les
16 Catholiques, les cantons catholiques et les cantons protestants et le
17 canton de Bern, qui était très puissant, a rapporté la victoire sur les
18 Catholiques pour préserver l'unité de la Suisse. Et à ce moment-là, la
19 Suisse a été divisée en cantons, mais il a été permis que les cantons
20 soient divisés en subdivisions, et c'est comme ça que le canton de Jura a
21 été créé, qui s'est séparé, puisque la population du Jura appartenait à une
22 autre religion. Les Suisses vivent en paix, n'est-ce pas.
23 Et leur principe est comme suit : mis à part les cantons qui ont également
24 les codes pénaux -- seulement le code civil et uni pour toute la Suisse.
25 Ils ont en fait trois ou même quatre groupes ethniques : d'abord les
26 Allemands qui sont majoritairement des Protestants, ce qui est très
27 important, n'est-ce pas; ensuite, les Français qui sont également
28 Protestants; les Italiens; il y a un petit groupe qui est composé de
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1 plusieurs milliers de personnes qui parlent une langue qui est originaire
2 de Vulgata [phon], du latin vulgaire, en fait. Mais ils ont le droit à
3 utiliser la langue officielle dans le cadre de l'assemblée. Il y a quatre
4 identités nationales.
5 Q. Merci. Revenons au plan de Cutiliero et aux accords de Lisbonne. Est-ce
6 que vous avez remarqué dans ces accords que les Serbes ont acceptés et
7 qu'ils ont appliqués fidèlement, il y avait des bases ou des fondements
8 pour pouvoir procéder au transfert, à l'échange de la population pour les
9 persécutions ethniques, ce qui figure dans l'acte d'accusation dressé
10 contre moi ?
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît.
12 Oui, Monsieur Tieger.
13 M. TIEGER : [interprétation] "Est-ce que vous avez remarqué ou est-ce que
14 cela peut être trouvé dans l'accord accepté par les Serbes et que les
15 Serbes ont appliqué fidèlement…", encore une fois, je soulève l'objection
16 puisque l'accusé témoigne, à savoir il fournit les informations au témoin
17 qui, soi-disant, dépose en fournissant des commentaires. C'est comme cela
18 que l'information est donnée par l'accusé au témoin.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez compris cela,
20 Monsieur Karadzic ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela figure dans son rapport. Il a dit dans le
22 rapport que les Serbes ont appliqué ces accords à la lettre, et cette
23 Chambre sait que nous n'avons jamais renoncé à --
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît.
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A la lumière de la réponse précédente de
27 ce témoin, la Chambre ne voit pas de difficulté pour permettre que cette
28 question soit posée. Continuez.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Vous vous souvenez de la question ? Est-ce que dans cet accord il y
4 avait des fondements qui auraient permis ou qui auraient même ordonné à ce
5 que les crimes soient commis, des persécutions, le génocide, même le
6 transfert de la population ? Et est-ce que vous saviez quelles étaient ma
7 position et la position serbe concernant l'échange de la population, pour
8 ne pas dire par rapport à la destruction de la population, des persécutions
9 de la population, la radication de la population, comme on dit ?
10 R. Président Karadzic, il n'est pas nécessaire que vous me disiez ce qui
11 figure dans cet accord, parce que je le connais. J'ai suivi avec attention
12 l'évolution des événements en Bosnie-Herzégovine, quotidiennement je lisais
13 la presse et collectais des articles, et de temps en temps, je publiais des
14 ouvrages là-dessus. Et je me souviens qu'à une occasion, ou peut-être à
15 plusieurs occasions, j'ai écrit sur le plan de Cutileiro, cela figure dans
16 ma bibliographie. Alors, pour ce qui est de ce plan, il n'a pas été prévu
17 que la population soit déplacée ou transférée, et encore moins quelque
18 chose de pire. Il a été supposé que la population qui vivait dans leur
19 ville resterait dans leur ville, et que la majorité serbe vivrait dans
20 l'entité serbe; la majorité musulmane dans l'entité musulmane; la majorité
21 croate dans l'entité croate. Et comme je l'ai déjà dit, la question
22 concernant les municipalités contestables devait être résolue, la question
23 des municipalités où seulement un peuple était majoritaire, était en
24 majorité relative et non pas absolue.
25 C'était le problème lorsqu'on a déterminé des frontières de la
26 Banovina de Croatie en Bosnie-Herzégovine en 1939, vous connaissez cela
27 très bien. Donc, il n'a pas été prévu que le transfert de la population
28 soit fait, encore moins des règlements de compte utilisant la force ou le
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1 génocide. Cela n'a pas été mentionné du tout. Je suis étonné d'entendre
2 qu'on aurait pu dire que cela était prévu dans cet accord. Il s'agissait
3 d'un accord normal, habituel, qui prévoyait la fédéralisation de la Bosnie-
4 Herzégovine, un système fédéral de la Bosnie-Herzégovine.
5 Q. Merci. Qu'est-ce que vous diriez concernant l'aspect de l'accord
6 par rapport aux élections en Bosnie-Herzégovine, quelle était la variante
7 du système électoral en Bosnie-Herzégovine et le fait qu'Ilija Izetbegovic
8 a accepté l'accord ?
9 R. C'est une question politique, président Karadzic. C'est une question,
10 ce qui s'est passé et ce qui a été écrit, et une autre question est de
11 savoir quelle était la pertinence politique de cet accord. D'après moi, la
12 pertinence politique de l'accord en question a été déterminée par les
13 responsables d'un peuple. C'est dans ce cas-là, vous-même. Vous avez fait
14 cela. Vous avez rendu des décisions que vous considérez comme étant dans
15 l'intérêt des Serbes. Et si vous me demandez mon opinion personnelle, je
16 peux vous dire que j'estimais qu'il fallait utiliser la JNA, l'armée
17 populaire yougoslave - c'était mon opinion personnelle, pas la vôtre - moi,
18 je considérais que l'Etat devait être défendu et que c'était le devoir de
19 l'armée de le faire, qu'il fallait procéder à la mobilisation, et cetera.
20 Mais c'était mon point de vue personnel d'alors et d'aujourd'hui,
21 d'ailleurs, ce qui n'est pas du tout pertinent pour cette Chambre et pour
22 ce Tribunal.
23 Donc, d'après mon évaluation, Alija Izetbegovic aurait dû être
24 conscient du fait que s'il refuse l'accord de Cutileiro, cela mènerait à la
25 guerre. Et cette conséquence tragique, il l'avait acceptée par avance en
26 refusant le plan de Cutileiro, et c'est pour cela qu'il s'est rendu à
27 plusieurs reprises en Libye, en Turquie, il a vexé les Turcs à cette
28 occasion-là puisqu'il n'a pas voulu rendre honneur au mausolée de Kemal
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1 Ataturk, et cetera. Mais il a eu le soutien de la Turquie. Il s'attendait à
2 ce que l'Iran le soutienne aussi. Je ne peux pas savoir dans quelle mesure
3 il a été soutenu par l'Iran, mais Alija Izetbegovic a décidé de mener la
4 guerre et il doit assumer la responsabilité historique devant le tribunal
5 de l'histoire.
6 Q. Merci. Pourriez-vous dire à la Chambre en une phrase pourquoi
7 Izetbegovic a refusé de rendre honneur à Kemal Ataturk devant son mausolée
8 ?
9 R. Je connaissais personnellement Alija Izetbegovic. Son fils venait chez
10 moi pendant que j'habitais sur la rue Maksim Gorki. Il est venu pour que
11 l'on parle de la publication d'un ouvrage, mais nous nous connaissions
12 depuis le temps où il était condamné à Belgrade. Et il est venu dans ma
13 maison à Belgrade. Il était Musulman croyant. Il considérait que quitter la
14 religion n'était pas une bonne chose, et Kemal Ataturk était pour une
15 Turquie séculaire. Il a annulé le califat, et d'une certaine façon, il a
16 sapé le pouvoir des Hodza, des Imams, des prêtres musulmans. Puisqu'il
17 condamnait le fait que Kemal Ataturk était pour un Etat séculaire, Alija
18 Izetbegovic, en tant que croyant musulman, ne voulait pas lui rendre
19 honneur.
20 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire comment la préservation de la paix, la
21 tentative de préserver la paix, et le fait que le plan de Cutileiro et
22 l'accord de Lisbonne ont été acceptés, dans quel sens cela caractérise ces
23 deux rapports que vous avez examinés et qui ont été soumis au Tribunal en
24 tant que pièce à conviction ?
25 R. J'étudie l'histoire, et récemment, je me suis penché sur l'Antiquité,
26 les historiens de l'Antiquité, Xénophon, Tacite, Platon, Suetonius, Live
27 [phon], et ceux que j'ai cités, d'ailleurs. Ce qui est très important
28 lorsque l'on parle de l'histoire et des historiens, ce n'est pas uniquement
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1 important qu'ils se réfèrent aux faits de ce qui s'est passé, des
2 événements, mais ce qui est important, c'est que dans cette mer de faits,
3 de découvrir ceux qui sont les plus importants pour pouvoir expliquer les
4 causes de certains événements.
5 Voyez-vous, Robert Donia, qui est un historien et professeur, ce
6 n'est pas ainsi qu'il a procédé. Il lui a fallu vouloir trouver les faits
7 cruciaux qui ont abouti à l'éclatement de la guerre, non seulement en ex-
8 Yougoslavie mais en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire qu'il décrétait que la
9 sécession des gouvernements croate et slovène - ça, c'est la cause de la
10 guerre en ex-Yougoslavie - ainsi que la tentative de mettre en place une
11 Bosnie-Herzégovine souveraine et indépendante qui serait à majorité
12 musulmane sur les ruines de l'ex-Yougoslavie. En ensuite, vous pourriez
13 donc arriver au rejet de l'accord historique entre Zulfikarpasic et
14 Milosevic, et ensuite rejeter le plan Cutileiro.
15 Comment est-ce que Robert Donia ne s'est jamais posé la question quel
16 casus belli se trouvait sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. C'était une
17 question importante. Tous ceux qui étudient réellement l'histoire auraient
18 dû aborder la question.
19 Q. Merci. Professeur, pourriez-vous nous dire s'il y a des obligations
20 juridiques internationales ou des documents qui nous amèneraient, nous
21 contraindraient à accepter une sécession unilatérale violente non
22 constitutionnelle et non acceptée en Bosnie-Herzégovine et d'accepter le
23 gouvernement de la population musulmane minoritaire par rapport à la
24 population majoritaire et chrétienne ?
25 R. Eh bien, j'ai traité du fédéralisme et de sécession, ainsi que du droit
26 international viable, et des modifications depuis 20 ans se sont déroulées.
27 Elles sont cruciales. L'ancien Secrétaire général des Nations Unies a
28 déclaré qu'il n'y avait pas de questions d'éclatement d'un membre des
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1 Nations Unies, donc c'était absolument hors de question, la possibilité n'a
2 pas été permise pour qu'un membre des Nations Unies soit morcelé de
3 l'extérieur ou de l'intérieur à titre d'Etat. Donc le droit à la sécession
4 et à l'indépendance a été appliqué exclusivement aux anciennes populations
5 coloniales et à leur libération de toute domination des pouvoirs européens
6 et coloniaux. Il n'y a pas de fédération dans le monde, sauf l'ex-Union
7 soviétique, qui aura permis cette sécession. Aux Etats-Unis, il y a eu deux
8 grands écrivains controversés qui ont prévu cette possibilité, Taylor et
9 Calhoun [phon], et qui se sont penchés sur cette possibilité. Ceci n'a pas
10 été réglé du point de vue juridique, cette question a été réglée par la
11 défaite des états du sud en 1865. Et après cela, les tribunaux des Etats-
12 Unis - j'ai cité, d'ailleurs cette affaire, Texas contre White, qui a rendu
13 l'opinion que l'Union américaine était indestructible, consistant d'Etats
14 membres indestructibles. Aucune tentative n'aura réussi pour la sécession.
15 Q. Puis-je vous demander, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps :
16 est-ce que vous êtes en mesure de nous dire --
17 R. Oui, très bien.
18 Q. Nous allons ménager des pauses, et nous allons parler plus lentement.
19 Pourriez-vous nous dire comment les accords serbes de maintenir la paix et
20 de protéger l'unité de la Bosnie-Herzégovine ont été empêchés dans ces
21 rapports d'experts qui ont été remis à ce Tribunal, ainsi que la
22 conservation de la Yougoslavie ?
23 R. Pour vous dire la vérité, Président, et ça n'a pas été traité, ça n'a
24 pas été présenté. Il n'y a pas eu, semble-t-il, nécessité de déclarer que
25 les Serbes en Bosnie-Herzégovine, sous la direction du Parti démocrate
26 serbe, étaient prêts à concéder, à donner des concessions très importantes,
27 d'abandonner le cadre constitutionnel de l'ex-Yougoslavie, d'abandonner les
28 liens territoriaux et nationaux avec les Serbes en Serbie, tout simplement
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1 pour maintenir la paix. Donc, ce n'est pas abordé de quelle que façon que
2 ce soit dans ces rapports, où que ce soit. Lorsque c'est nécessaire - et je
3 le cite à plusieurs égards à plusieurs endroits - il y a eu une tentative
4 malveillante de le démontrer que l'armée populaire yougoslave aura agi
5 exclusivement dans les intérêts des Serbes, ce que je pense est absolument
6 erroné, erroné et mal présenté.
7 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire comment ces rapports ont présenté la
8 succession des événements et la conduite serbe après que le conflit ait
9 éclaté, et comment les mesures de l'auto-organisation et l'autoprotection
10 ou la conduite des parties serbes, comment ont-ils été présentés dans ces
11 rapports, c'est-à-dire la présentation des états-majors et toutes autres
12 mesures des Serbes dans ces circonstances, sont une situation tout à fait
13 nouvelle qui se sont présentés ?
14 R. Très bien. J'aimerais parler de quelque chose qui est souvent cité,
15 c'est-à-dire l'état-major de crise ou plutôt la cellule de Crise. Le terme
16 "kriza", c'est-à-dire "crise", qui en ancien grec veut dire le moment de
17 prise de décision. Cela a beaucoup servi dans les années 1980 en
18 Yougoslavie, car le socialisme était en crise, le parti au pouvoir était en
19 crise, il y avait les soi-disant chrysologues qui traitaient de cette
20 question. L'ancienne Yougoslavie ainsi que l'ex-Bosnie-Herzégovine
21 possédaient des lois pour la défense de toutes les populations et de
22 l'autoprotection sociale, et ces lois prévoyaient des mesures précises en
23 cas de danger de conflits, de soulèvements internes, ou encore d'une
24 attaque venant de l'extérieur. La création des cellules de Crise à cet
25 égard était une mesure légitime et juridiquement viable, qui a été prise en
26 cas de scénario catastrophe et qui deviendrait réalité. Donc lorsqu'on voit
27 la possibilité d'un conflit qui éclaterait, eh bien, il faut à ce moment-là
28 prendre des mesures de précaution. Donc, ces cellules de Crise étaient des
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1 mesures préparatoires au cas où le pire se révélait réel.
2 J'aimerais vous rappeler à tout un chacun et parler de deux grands
3 philosophes politiques - Hobbes et John Locke - qui avaient le concept d'un
4 état naturel, d'une situation -- un état naturel, c'est-à-dire l'état qui
5 précède la création d'un état ou se situe à la suite de l'effondrement d'un
6 état. Donc, c'est également un état naturel de guerre civile, tout comme un
7 état naturel qui pourrait être la présentation des affaires internationales
8 réelles en cas de conflits et de désaccords. Donc, quelqu'un estime qu'un
9 état va s'effondrer et que le gouvernement en place ne serait pas en mesure
10 de protéger ses propres citoyens, ne serait en mesure de protéger leur
11 sûreté, leur sécurité, leurs biens, eh bien, l'on prévoit la possibilité de
12 prendre des mesures alors de précaution pour l'auto-organisation, et ce, au
13 cas où cette situation effectivement deviendrait réalité, c'est-à-dire
14 quasi-état naturel, et ceci, c'est dans la théorie de Hobbes.
15 Donc, le côté serbe et le côté croate également, on pourrait dire
16 ainsi, les deux côtés ont établi des cellules de Crise qui, dans la
17 République socialiste de la Bosnie-Herzégovine qui était principal, et ce,
18 sous la direction des sept dirigeants de la présidence, Ejub Ganic, qui a
19 été élu d'obédience yougoslave, alors qu'il était d'appartenance ethnique
20 musulmane. Il était à la tête de la cellule de Crise. Il a essayé en
21 quelque sorte de contourner les pouvoirs des autres représentants serbes :
22 le Pr Plavsic et Pr Koljevic. Donc, ça c'était la raison pour laquelle la
23 cellule de Crise par la suite a été éliminée. Les Croates ont également mis
24 en place des cellules de Crise, les Musulmans également, et bien entendu,
25 les Serbes ont suivi. Et à mon sens, c'était seulement dans le droit-fil
26 des lois viables de la Défense populaire et de l'autoprotection civile,
27 mais c'était une mesure de protection en cas de scénario catastrophe qui,
28 en fait, ce scénario catastrophe s'est bel et bien réalisé.
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1 Q. Merci. Dans ce processus et dans ce cas le Parti démocrate serbe et les
2 Serbes en Bosnie ont été vilipendés pour avoir dressé un projet, des
3 instructions en cas de situation hors de l'ordinaire que l'on connaît sous
4 les termes abrégés des variantes A et B parce que ces options sont
5 présentés dans le document. Je ne vais me pencher sur ceux qui ont rédigé
6 ce projet, mais j'aimerais vous poser la question suivante. C'était là la
7 question. Connaissez-vous ce document et êtes-vous en mesure de nous dire
8 si ce document est la cause de la crise et que la crise émane de ce
9 document ? Est-il juridiquement viable en termes des lois de l'époque en
10 vigueur en Yougoslavie ?
11 R. Le document en soi ne saurait être la cause de quoi que ce soit sans
12 que ceux qui en soient responsable aient agi dans le droit-fil de ce qui
13 avait été déclaré dans ce document. J'ai eu effectivement ces instructions
14 entre les mains. J'ai étudié ces deux variantes A et B soigneusement, et
15 j'estime que c'était dans le droit-fil des lois en vigueur viables à
16 l'époque de la Défense populaire et de l'autoprotection sociale. La
17 variante A prévoyait la création de cellules de Crise dans les
18 municipalités où les Serbes étaient majoritaires, et le maire viendrait de
19 la majorité démographique, c'est-à-dire les Serbes. La variante B, en
20 revanche, serait pour les municipalités où les Serbes seraient en minorité
21 pour organiser une cellule de Crise spéciale qui recouvrirait les
22 établissements humains et les villages où les Serbes étaient en majorité,
23 et dans celles où ils étaient en minorité, au cas où la sécurité et les
24 biens étaient gravement en danger. C'était là une mesure - comment vous le
25 dire ? - de type de précaution en prévision de tout ce qui pourrait
26 éventuellement se dérouler, ce qui n'aurait pas nécessairement dû se
27 dérouler, mais malheureusement si le plan Cutileiro avait été accepté, cela
28 aurait pu être évité. Mais ces instructions concernant les activités des
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1 cellules de Crise n'auraient pas été mises en œuvre, point à la ligne, dans
2 ce cas-là.
3 Toutefois, à mon sens, ceux qui ont rédigé ce projet de plan étaient très
4 prescients pour la bonne raison qu'ils ont vu que les populations devraient
5 être préparées au cas où, malheureusement, les situations se seraient
6 révélées vraies, qui se sont révélées vrai, en fait. Donc, à mon sens,
7 c'était là, encore une fois, une mesure de précaution, aussi bien viable du
8 point de vue juridique que justifiable et, ce faisant, ce plan n'aurait pu
9 être la cause de quoi que ce soit, ni certainement de la guerre non plus.
10 Q. Merci. Vous êtes-vous penché sur la proposition serbe de la création de
11 municipalités sur la base d'appartenance ethnique lorsque les conditions
12 étaient présentes ? Et avez-vous été informé de la proposition qu'en cas de
13 conflits et d'éclatement de conflits, lorsque les Musulmans et les Croates
14 étaient en mesure de créer leurs propres municipalités, ils devraient y
15 procéder, avoir leur propre police, leur propre administration ?
16 R. Oui, bien sûr, je l'ai relevé dans cette proposition, c'était
17 d'ailleurs très rationnel. Si vous suiviez, vous n'êtes pas juriste, vous
18 êtes neuropsychiatre, mais si vous aviez suivi les lois sur l'organisation
19 en Bosnie-Herzégovine sur la création des municipalités, ont été modifiées,
20 et les municipalités d'ailleurs avaient tendance à se développer en taille,
21 donc les municipalités serbes qui étaient principalement rurales se
22 joindraient à une ville avec une majorité musulmane, donc l'on perdrait le
23 nombre de municipalités où les Serbes étaient en majorité. Peut-être que la
24 chose est vraie également pour les municipalités croates. Car pour des
25 raisons historiques, vous venez du Monténégro, moi de la Serbie, mais les
26 Musulmans vivaient dans des villes. En général, rares étaient ceux qui
27 vivaient dans des villages. Sinon, c'était le long de la Drina. Il n'y en
28 avait presque pas le long de la Sava. Donc, de grands pans de territoires
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1 étaient soit serbes, et jusqu'à un certain degré croates, donc ce qui fait
2 que l'organisation des municipalités était alors inéquitable, car ils
3 rentraient dans des territoires serbes de grande taille, et des villages
4 serbes et des villes se joignaient à des villes où les Musulmans étaient en
5 majorité. Donc, la séparation des municipalités serbes et celle des
6 municipalités musulmanes et croates permettaient à de petites municipalités
7 où les populations étaient plus satisfaites et pourraient gérer leurs
8 affaires de façon plus aisée. Je suis né à Banatsko Novo Selo, à Banat, où
9 il y avait 7 000 habitants entre les deux guerres. Deux tiers des
10 populations étaient différentes, et donc une population de plus de 100 000
11 habitants. De la même façon, les municipalités étaient formées en Bosnie
12 pour que les Serbes et les Croates aient la possibilité de vivre dans des
13 municipalités où ils étaient en majorité.
14 Q. Merci. Tout à l'heure, vous avez parlé d'une décision --
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Si vous voulez bien parler
16 plus lentement, Monsieur Karadzic et Monsieur le Témoin.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Nous avons peu de temps.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Vous avez parlé d'une décision du tribunal constitutionnel qui a été
20 contestée par le Conseil serbe. Comment la situation se présente-t-elle
21 aujourd'hui en Serbie quant à l'existence de groupes ethniques distincts ?
22 R. La Serbie souhaite rentrer dans l'Union européenne, mais selon moi,
23 elle n'y arrivera jamais. L'Union européenne exige l'adoption ou la
24 reconnaissance des droits de toutes les minorités ethniques. Ce faisant,
25 nous avons une discrimination inverse que l'on appelle "positive action",
26 l'action positive, l'égalité des chances.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je ne suis pas sûr
28 que ce soit pertinent. Passez à autre chose.
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1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Je voulais poser une question, à savoir si la loi le prévoyait ?
3 R. Oui, oui. Le conseil des minorités hongroises, des Roms également, et
4 qui décident de leur propre cursus d'instruction pour qu'ils aient leur
5 propre histoire, langue maternelle, et également qu'ils puissent intervenir
6 dans les conseils et aient leurs propres médias qui projettent des
7 émissions dans leurs propres langues, langues minoritaires.
8 Q. Quand on parle de l'état naturel des choses, en latin on dirait "status
9 naturalis", est-ce que vous avez pu observer l'auto-organisation du peuple
10 serbe, surtout pendant la première année de la guerre ? Est-ce que vous
11 pouvez nous dire sur quelle base se sont-ils organisés ? Est-ce qu'ils
12 avaient d'autres possibilités ? Est-ce que vous pouvez nous dire aussi
13 comment ce comportement du peuple serbe a été décrit dans ces deux rapports
14 ?
15 R. Je dirais que les Serbes étaient un peu naïfs, car les Musulmans et les
16 Croates étaient bien réfléchis, en revanche, mais il est clair que les
17 Musulmans et les Croates avaient créé leurs propres unités militaires bien
18 avant que les Serbes ne le fassent. Et vu que la création de ces forces
19 n'était pas créée en fonction de la loi, je dirais qu'il s'agissait là des
20 unités paramilitaires. Alors que ces deux auteurs qualifient les unités
21 militaires croates comme des unités paramilitaires, alors que quand ils
22 parlent des unités musulmanes, ils parlent de l'ABiH, et je ne pense pas
23 que ceci soit juste. Les Serbes se sont appuyés sur l'armée populaire
24 yougoslave, mais à partir du moment où il n'y avait plus suffisamment de
25 recrues à cause de la guerre en Croatie, vu que tout le monde devait
26 normalement répondre aux appels à la mobilisation, mais les Croates et les
27 Musulmans s'y refusaient, de sorte qu'il n'y avait que les Serbes, encore,
28 qui sont restés dans l'armée populaire yougoslave.
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1 Ce n'est qu'au moment où Milosevic a accepté le plan Vance Owen - et
2 je pense que là il a fait une grosse erreur, c'était le plan pour le Serbes
3 en Croatie - eh bien, selon ce plan, la République serbe de la Krajina,
4 comme elle était appelée à l'époque, dans cette Krajina, l'armée populaire
5 yougoslave était supposée se retirer de cette partie-là de Bosnie-
6 Herzégovine, et ce n'est que là que l'on a créé l'armée de la Republika
7 Srpska. Et vous le saviez mieux que moi, les Serbes n'ont jamais permis les
8 activités illégales de la part de paramilitaires, ils ont jamais permis aux
9 criminels de faire partie de ces unités. Il s'agissait d'une unité qui
10 était soumise à une discipline stricte. Elle était bien organisée depuis le
11 début et il s'agissait donc d'une armée qui répondait à tous les critères
12 de la loi internationale quand il s'agit d'une guerre civile.
13 Q. Quand on parle des Lois de la défense populaire et de l'autoprotection
14 de la population, et quand il s'agit de protéger cet état naturel des
15 choses, peut-on dire que les Serbes ont fait des choix qui faisaient le
16 moins mal, pour ainsi dire ? Quelles options avaient-ils pour continuer à
17 exister dans cette ère ?
18 R. Là, vous avez posé une question très difficile, il s'agit de la
19 question de l'efficacité de la constitution et des lois. La question qui se
20 pose, c'est de savoir s'il faut avoir une confiance absolue en la
21 constitution, aux lois en vigueur, même si elles ne sont pas efficaces, ou
22 bien s'il fallait essayer de faire autre chose. Je vais faire une
23 digression, j'espère qu'elle va vous intéresser. Il s'agissait d'une
24 polémique entre Thomas Hobbes et Sir Edward Coke, qui a eu lieu dans le
25 XVIIe siècle. Sir Edward Coke était pour le règne de la loi, "Rule of Law",
26 alors que Thomas Hobbes était parfaitement étonné, choqué même qu'on puisse
27 en parler, et voici ce qu'il lui a dit : Mais qui a jamais entendu parler
28 de cela ? Comment voulez-vous que les papiers et l'encre règnent sans les
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1 épées tenues par les hommes ? Car si vous n'avez pas la force militaire
2 adéquate, la meilleure des constitutions ne saurait être respectée et les
3 gens, le peuple doit le savoir.
4 C'est exactement ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine. Nous, nous
5 faisions confiance à la constitution, alors que les autres ont été bien
6 prévoyants, ils se sont organisés bien à l'avance. Heureusement, les
7 Serbes, au dernier moment, sont revenus à la raison et ont créé les
8 cellules de Crise. Il s'agissait donc des soldats nés sur le territoire de
9 Bosnie-Herzégovine, appartenant au groupe ethnique serbe, qui ont rejoint
10 l'armée de la Republika Srpska.
11 Q. Est-ce que les Serbes, d'après vous, avaient le droit de s'auto-
12 organiser et de supposer, donc, aux actes unilatéraux et violents des
13 forces armées musulmanes, ou bien les Serbes étaient-ils obligés d'accepter
14 le fait accompli et d'accepter cette situation qui leur avait été imposé
15 par la force ?
16 R. D'un côté vous avez la question de la légalité, et puis de l'autre
17 côté, vous avez la question de l'utilité. Vous avez des lâches qui vont
18 accepter tout pour sauver leur vie. Moi, en tant qu'homme, je rejette
19 résolument cette position-là. Moi, je pense que constituer une espèce de
20 Bosnie-Herzégovine contrairement à la constitution de l'époque, eh bien
21 cela, d'après moi, constituait un acte anticonstitutionnel. Et vous ne
22 pouvez pas découler des droits à partir de cet acte non constitutionnel.
23 Vous avez la règle ex juriajus non retenue. Donc, vous ne pouvez pas faire
24 valoir un droit à partir du non-respect de la loi. Donc, à partir du moment
25 où vous avez basé votre état sur un acte non constitutionnel, vous ne
26 pouvez pas tirer des droits à partir de cet acte. Vous ne pouvez pas les
27 imposer aux autres non plus. Et puis aussi, il faut ajouter que les Serbes
28 avaient le droit moral de s'auto-organiser et de s'opposer à cet acte non
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1 constitutionnel.
2 Q. Pourriez-vous nous dire ce que vous avez appris pendant que vous étiez
3 à la tête de ce comité international luttant pour établir la vérité au
4 sujet de Radovan Karadzic ?
5 R. Alors que vous étiez encore en fuite, et moi, à vrai dire, je pensais
6 que vous étiez à l'étranger, cela aurait été la meilleure chose pour vous,
7 mais malheureusement vous n'étiez pas à l'étranger. Eh bien, nous avons
8 créé ce comité chargé d'établir la vérité sur le Dr Radovan Karadzic, il y
9 avait d'autres académiciens, Rajko Petrov Nogo ou Gojko Djogo qui étaient
10 vos amis personnels. Les membres de ce comité pensaient que le président du
11 comité devait devenir quelqu'un qui n'était pas votre ami personnel, et ils
12 m'ont proposé d'accepter de présider cet organe. Et comme je suis un homme
13 courageux et que je n'ai jamais fui devant mes responsabilités, j'ai
14 accepté cela, même si c'était une tâche difficile. Alors, des académiciens
15 comme Vasilije Krestic, par exemple, notre historien le plus connu, ou le
16 Pr Admadzic faisaient partie de ce comité. Le Pr Admadzic, c'est aussi un
17 académicien qui était professeur pendant très longtemps à Sarajevo. Puis,
18 vous aviez d'autres personnalités, comme Elena Guskova. Alors, nous avons
19 fait des efforts pour comparaître en public, dans les médias, pour
20 expliquer la vérité, pour prêcher la vérité vous concernant. Et puis, nous
21 avons aussi publié des publications. Moi, j'ai été le rédacteur en chef et
22 aussi celui qui a publié votre œuvre politique en six volumes; en serbe et
23 en anglais, de sorte que c'est disponible pour tout le monde. Je suis sûr
24 que vous avez cela dans les archives du Tribunal de La Haye, et dans ces
25 volumes, on peut voir quels sont les actes que vous avez signés, quels ont
26 été vos propos tenus dans le public, tout ce que vous avez fait pendant
27 cette période, avant de disparaître de la scène politique.
28 Q. Merci. Est-ce que dans ce travail, vous avez pu aussi recueillir des
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1 déclarations qui concernaient cet acte d'accusation me concernant ?
2 R. Eh bien, il y a eu de bonnes initiatives pour faire quelque chose comme
3 cela. Par exemple, le vice-président Radulovic a fait deux déclarations
4 puissantes, qui ont demandé que l'on retire l'acte d'accusation vous
5 concernant. Et des hommes très puissants ont signé cette déclaration, par
6 exemple, le patriarche serbe Pavle, l'a signé lui-même. C'est une grande
7 personnalité, et c'est un acte public, un document public qui a été
8 parfaitement disponible pour les médias, pour le public, et tous ceux qui
9 souhaitait le voir. Pour nous, c'était très important d'avoir cette
10 déclaration signée par des gens très respectables, et cela a montré dans
11 quelle mesure il était important de retirer ces actes d'accusation, car les
12 gens très importants ont insisté pour que ceci soit fait. Malheureusement,
13 cela ne s'est pas produit, et aujourd'hui on est ici dans ce procès.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, si nous avons suffisamment de temps,
15 je vais demander que l'on montre ce document dans le système du prétoire
16 électronique. Mais sinon, on peut prendre la pause.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. On va prendre la pause d'une
18 demi-heure et reprendre nos travaux à 11 heures.
19 [Le témoin quitte la barre]
20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.
21 --- L'audience est reprise à 11 heures 02.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On commence cette audience sans témoin
23 vu que je voudrais traiter d'un point à huis clos partiel. Je vais demander
24 que l'on passer à huis clos partiel.
25 [Audience à huis clos partiel]
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 [Audience publique]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En attendant, les Juges ont ordonné le 5
8 avril 2013 que le rapport de Kosta Cavoski soit expurgé conformément à la
9 décision des Juges. Nous avons bien pris note du fait que les parties
10 pertinentes du rapport ont été expurgées, les notes de bas de page qui se
11 réfèrent à ces paragraphes sont restées intactes. Donc, nous demandons à la
12 Défense de procéder aux expurgations au niveau des notes de bas de page
13 conformément à la décision des Juges.
14 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, on va le faire.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. ROBINSON : [interprétation] Et d'ailleurs, j'ai conseillé à M.
17 Karadzic, et il s'agit là d'une question de procédure, de montrer le
18 rapport au témoin pour que celui-ci l'identifie, de sorte que l'on puisse
19 le verser au dossier. Mais si cela n'est pas nécessaire, je vais demander
20 d'emblée que ce rapport soit versé au dossier. Il s'agit donc de la pièce
21 1D6911, tel qu'expurgé conformément à la décision.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Qu'il s'agisse d'une
23 formalité ou non, je pense qu'il vaudrait mieux que M. Karadzic le fasse.
24 Mais vous pouvez poursuivre, Monsieur Karadzic.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on montre dans le
26 système du prétoire électronique la pièce 1D7731.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] N'est-ce pas la pièce 1D6911 ?
28 M. ROBINSON : [interprétation] Il s'agit de la pièce D7731, c'est une des
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1 déclarations dont a parlé le témoin.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est quelque chose qui est écrit en deux
4 langues. Est-il possible de voir donc une seule image.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit, là ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] La deuxième page, plutôt, parce que la première
8 est une page de couleur.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une déclaration que nous avons signée.
10 On demande que l'on retire l'acte d'accusation vous concernant. Et d'après
11 ce que je peux voir, même si j'ai le texte en anglais, on énumère des
12 raisons à l'appui de cette demande qui sont répertoriées par paragraphes.
13 Un grand nombre de notables l'ont signée. Bon, cela, on ne le voit qu'à la
14 fin. Ici, on ne voit pas la dernière page, mais si vous nous montrez la
15 dernière page, vous allez voir qui sont les signataires de cette
16 déclaration. Je pourrais par exemple vous donner lecture des noms des
17 signataires.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Peut-on feuilleter.
20 R. Voilà. Le professeur Smilja Avramov, académicien; Ivan Maksimovic;
21 Pavle Iviv; Dejan Medakovic; Niksa Stipcevic, ce sont tous des
22 académiciens; et puis, tout à fait à la fin, on voit le Pr Kosta Cavoski. A
23 l'époque, je n'étais pas encore membre de l'académie. Apparemment, on a
24 respecté l'ordre alphabétique, même si nous, nous utilisons asbuka, qui est
25 l'alphabet en cyrillique. Mais c'est quelque chose qui a été écrit en
26 latin. Donc, la moitié des gens, des signataires, sont des académiciens.
27 Q. Pourriez-vous nous dire quelles sont les positions, quelle est l'œuvre
28 de ces gens ? Par exemple, M. Avramov ?
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1 R. Pour commencer, je voudrais m'exclure, parce que je ne voudrais pas
2 faire des louanges sur mon compte, mais en ce qui concerne les autres
3 personnes, ce sont les gens les plus notables à Belgrade. Smilja Avramov,
4 c'est un expert du droit international, le plus connu en Serbie; Ivan
5 Maksimovic, c'est un économiste; l'académicien Pavle Ilic, c'est un expert
6 en dialecte. Il étudie la langue serbe et ses dialectes; Dejan Medakovic
7 était le président de l'Académie des sciences et des arts, et c'est un
8 expert de l'histoire de l'art, surtout les fresques; ensuite, vous avez
9 Stipcevic, c'est un expert de la langue italienne; Vasilije Krestic, c'est
10 notre historien le plus connu; ensuite, Miodrag Jovicic, un ami à moi, un
11 professeur de droit constitutionnel; ensuite, Mihailo Markovic, le plus
12 grand philosophe serbe, connu dans le monde entier, une dizaine de livres
13 ont été publiés en anglais, et c'était le seul philosophe qui avait cette
14 renommée internationale, et il pouvait donner des cours partout dans le
15 monde.
16 Q. Quelle a été leur position à l'époque où régnait le système communiste
17 unipartite ?
18 R. Nous étions pratiquement tous très critiques vis-à-vis de Slobodan
19 Milosevic à partir de son arrivée au pouvoir en 1987 quand il a renversé
20 Ivan Stambolic et quand il est resté le seul au pouvoir, pratiquement, et
21 justement parce qu'il ne voulait pas démocratiser la Serbie de l'époque,
22 nous étions presque tous - pas tous, mais presque tous - dans l'opposition.
23 Certains des signataires pensaient qu'il allait être à même de résoudre la
24 question serbe. Smilja Avramov a collaboré avec lui, mais dès qu'il a
25 compris que la politique qu'il menait n'était pas la bonne, elle a
26 abandonné. Aussi, vous avez l'académicien Ljubomir Tadic, c'est le père de
27 Borislav Tadic, qui avait été le président de la république, eh bien lui,
28 avec moi, il a créé le Parti démocratique. C'était le premier parti
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1 d'opposition en Serbie et en Yougoslavie. Nous avons créé ce parti au mois
2 de novembre 1989. Ljubomir Tadic.
3 Q. Merci. Et avant Slobodan Milosevic dans le régime de l'époque,
4 pourriez-vous nous dire quelle a été la position occupée par ces gens par
5 rapport au régime communiste ?
6 R. Dès 1968 et à partir de cette date-là, nous avons eu des manifestations
7 d'étudiants et l'opposition était constituée, mais ce n'était pas vraiment
8 une opposition réelle, parce que ce n'était pas permis. Nous étions des
9 dissidents, c'était typique de ce qui se passait en Europe de l'est à
10 l'époque. Et donc, il y avait ces personnes telles que Mihailo Markovic. Il
11 avait donc été renvoyé de la faculté de philosophie. Il a ensuite été
12 employé dans un institut. Il n'était plus en hauteur de sainteté au sein du
13 régime, mais c'étaient des experts éminents et très connus à l'étranger.
14 Q. Merci.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser cette déclaration au
16 dossier ?
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
18 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous acceptons le versement de ce
20 document.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] D3378.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on maintenant afficher le document
23 1D7732.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Nous avons 24 signataires ici, n'est-ce pas ?
26 R. Oui, 24.
27 Q. Juin 1996. Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit dans ce document ?
28 R. Il s'agit d'une deuxième déclaration exigeant l'annulation des
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1 poursuites par le TPIY contre Radovan Karadzic. Encore une fois, c'est
2 publié en quatre langues. C'est similaire à la table des matières du
3 document précédent. Je me demande si les signataires sont différents.
4 Q. Est-ce que l'on pourrait passer ce document en revue en une seule
5 langue ?
6 R. Oui, tout à fait. On peut le faire en anglais. Mais maintenant,
7 apparemment, ça n'apparaît qu'en serbe et la Chambre de première instance
8 ne peut pas…
9 Q. Peut-on passer en revue ce document en version serbe pour voir les
10 signatures ?
11 R. Oui, on peut voir les signatures, mais c'est la version anglaise qui
12 serait intéressante pour les membres de cette Chambre de première instance.
13 Vous voyez, il y a 60 signatures, donc le nombre est plus important.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on garder la version anglaise à l'écran et
15 ne plus avoir la version serbe à l'écran.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] En plus de ceux qui avaient signé la
17 précédente déclaration, on peut voir ici beaucoup plus de nouveaux noms,
18 qui sont des personnes bien connues et respectées à l'époque. Enfin, ça,
19 c'était à l'époque, parce que malheureusement, beaucoup de personnes sont
20 décédées. Par exemple, vous avez Enriko Josif, qui est un compositeur et
21 qui est membre de l'Académie serbe des arts et des sciences. Il est Juif.
22 Il y a Slavko Gavrilovic. Dragoslav Mihailovic, qui est également membre de
23 l'Académie des arts et des sciences, est un écrivain. Il y a Vaziljeff
24 [phon] également, qui a parlé de Goli Otok, parce qu'il a été incarcéré
25 pendant pas mal d'années.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Et tout en haut ?
28 R. Tout en haut, vous avez le patriarche de l'Eglise orthodoxe serbe,
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1 Pavle. Vous voyez, il signait toujours avec son nom et avec une croix qui
2 est typique des hauts dignitaires de l'Eglise. C'est ce que j'ai dit
3 précédemment, c'est-à-dire que le patriarche Pavle a signé cette
4 déclaration.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser cette
6 déclaration au dossier ?
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce D3379
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on maintenant afficher le document
10 1D6911, s'il vous plaît.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit ici ?
13 R. C'est le rapport que j'ai rédigé pour votre procès : "Analyse critique
14 des travaux de Robert Donia et de Patrick Treanor, sécession au sein de
15 l'ex-Yougoslavie de la Bosnie-Herzégovine." C'est un rapport que j'ai donc
16 préparé en vue de votre procès.
17 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire comment ces deux experts ont compris et
18 ont présenté les droits légitimes du peuple serbe ou des autorités serbes;
19 en d'autres termes, comment ont-ils traité les Musulmans et les Croates et
20 comment ils ont traité également les Serbes d'un point de vue de la
21 légitimité ?
22 R. Je vais essayer d'être bref, parce qu'il faudra laisser du temps au
23 Procureur pour le contre-interrogatoire. En ce qui concerne les dirigeants
24 serbes, y compris le président, ils utilisent les termes "nationalistes" ou
25 "délégués nationalistes" ou "positions nationalistes". En langue anglaise,
26 ce sont des termes péjoratifs. Lorsqu'ils parlent de Musulmans, ils
27 n'utilisent jamais ces termes, ils parlent en fait de militants,
28 "activists" en anglais, des militants musulmans, et pour les Croates, les
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1 termes de "nationalistes" ne sont utilisés que lorsque les Croates
2 négocient avec les Serbes sur ce qu'on appelle la division de la Bosnie.
3 Ici, je parle tout d'abord et avant tout des pourparlers que vous, en tant
4 que président de la RS, avez eus avec Mate Boban à Grac, et ensuite il est
5 devenu le président d'Herceg-Bosna. Lorsque Mate Boban négociait avec les
6 Serbes sans les Musulmans, il était qualifié de nationaliste. Cependant,
7 lorsque les Croates négociaient avec les Musulmans sans les Serbes, dans ce
8 cas-là, il s'agissait d'une négociation légitime et ces termes péjoratifs
9 n'étaient pas utilisés. Et à l'ultime période de la guerre, sous
10 l'influence des USA, Alija Izetbegovic, Franjo Tudjman, ainsi qu'un
11 représentant des Croates de Bosnie se sont réunis pour forger ce qu'on a
12 appelé la Fédération de Bosnie-Herzégovine, et c'est une entité sans les
13 Serbes dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine. Il a été décidé que cette
14 fédération ferait partie d'une confédération avec la Croatie. C'était un
15 projet qui allait au-delà des frontières de la Bosnie-Herzégovine. Ceci
16 n'était pas un problème pour les deux susmentionnés, mais plutôt quelque
17 chose de normal. Je pense que ceci pourrait être considéré comme une
18 attitude méprisante.
19 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire comment, en vertu des conditions qui
20 existaient au moment de l'éclatement du pays en trois entités souveraines -
21 - est-ce que c'était approprié d'utiliser le terme de "gouvernement" pour
22 certains et pas pour d'autres, alors que nous, par exemple, nous étions
23 appelés les Bosno-Serbes ou les Serbes de Bosnie ? Est-ce qu'ils avaient un
24 droit à la souveraineté ? Est-ce que nous, nous avions un droit à la
25 souveraineté ?
26 R. Lorsque la présidence de la Yougoslavie est passée de huit à quatre
27 membres, tous les acteurs internationaux ont refusé de coopérer avec celle-
28 ci. Cependant, lorsqu'il y a eu une présidence de Bosnie qui était composée
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1 de sept membres et les Serbes ont quitté, suivi par les Croates, et au
2 total il n'y avait plus que quatre membres, et donc Abdic a refusé de
3 participer à ces réunions dans la Krajina de Cazin, la conséquence a été
4 qu'ils ont été renvoyés de la présidence par une décision non légitime.
5 Cependant, Robert Donia et Patrick Treanor ont qualifié cette instance qui
6 en découlait comme étant la présidence de Bosnie-Herzégovine, même si leur
7 mandat d'un an était arrivé à expiration. Donc, en vertu de la constitution
8 de la Bosnie-Herzégovine, quelqu'un d'autre aurait dû prendre la place du
9 président de la présidence. Cependant, le président n'a pas changé
10 jusqu'aux accords de Dayton et aux négociations de Paris.
11 Q. Merci. Je suis accusé ici de nettoyage ethnique et d'avoir œuvré au
12 retrait permanent des Musulmans et des Croates des territoires que nous
13 considérions comme étant pleinement les nôtres. Est-ce que vous avez vu des
14 éléments de preuve ou des éléments tout court qui signifieraient que les
15 Serbes avaient refusé que les réfugiés reviennent une fois que la paix
16 avait été rétablie ?
17 R. Je n'ai rien vu de ce genre lorsque j'ai étudié le document. Je n'ai vu
18 aucune déclaration écrite ni aucune déclaration orale laissant penser que
19 quelqu'un dans les cercles dirigeants de la RS avait mentionné quoi que ce
20 soit de ce genre. Bien au contraire, il a toujours été entendu que les
21 réfugiés pouvaient revenir et, de toute façon, ça a finalement été partie
22 intégrante des accords de Dayton. Après la guerre, j'ai donné des cours à
23 la faculté de droit de Sarajevo est, et j'étais personnellement à même de
24 voir qu'il y avait des personnes, effectivement, qui rentraient.
25 Q. Merci. Etant donné que vous étiez au courant que nous avions donné du
26 terrain, que nous avions fait des concessions, que nous avions accepté
27 différents plans, est-ce que vous avez vu des éléments qui laissaient
28 penser que les Serbes avaient des plans qui ne pouvaient pas être mis en
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1 œuvre, mis à part en faisant l'usage de la force et en commettant des
2 crimes ?
3 R. Je n'ai pas d'éléments de ce genre à présenter. Je pense
4 personnellement qu'une grande partie des activités de combat a été menée en
5 situation de légitime défense et pour garantir sa propre identité.
6 Lorsqu'une guerre est menée, elle se fait avec un objectif, et l'objectif
7 était de garantir l'ethnicité serbe et de garantir également ou de
8 préserver la vie ainsi que de garantir la sécurité des différents biens qui
9 nous appartenaient.
10 Q. Est-ce qu'il y a une présentation neutre de tout cela dans ces rapports
11 ?
12 R. Certainement pas. Prenons l'exemple, par exemple, de Sarajevo. En
13 parlant des victimes musulmanes, on mentionne souvent des chiffres.
14 Cependant, lorsque les victimes serbes à Sarajevo sont abordées, aucun
15 chiffre n'est mentionné. Il est mentionné qu'il y avait environ 150, alors
16 qu'il y a eu peut-être jusqu'à 3 000 personnes. Et les auteurs de ces faits
17 ne sont jamais mentionnés devant les tribunaux de la Fédération de Bosnie-
18 Herzégovine ou ici devant ce Tribunal. Les personnes responsables ne sont
19 pas mentionnées. Cependant, lorsqu'il s'agit des Serbes, on donne toujours
20 des noms, et ceci s'applique également à des échanges de tirs d'artillerie,
21 et cetera.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais verser ce rapport d'expert. Et nous
23 réviserons les notes en bas de page associées aux paragraphes qui ont été
24 biffés, et j'aimerais donc que l'on verse le reste du document.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
26 M. TIEGER : [interprétation] A condition que les expurgations idoines
27 soient réalisées, je n'ai pas d'objection.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] D3380.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions au professeur
3 Cavoski. Je vais attendre le contre-interrogatoire.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai juste une question pour précision.
5 Ce rapport inclut également le CV du Dr Cavoski, n'est-ce pas ?
6 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est la dernière page du rapport,
7 Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
9 Allez-y, Monsieur Tieger.
10 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à tous.
11 Contre-interrogatoire par M. Tieger :
12 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Avant de rentrer dans les
13 détails de votre rapport, je voudrais revenir à certaines questions que M.
14 Karadzic vous a posées dans le cadre de son interrogatoire principal. Tout
15 d'abord, en ce qui concerne la question qui a été soulevée durant la
16 dernière partie de l'interrogatoire principal en ce qui concerne la mise en
17 œuvre de plans qui nécessitait l'usage de la force, je vais vous poser la
18 question suivante : est-ce que vous avez jamais vu des preuves ou des
19 éléments, Professeur, qui laissaient penser que les forces bosno-serbes ou
20 les dirigeants bosno-serbes essaient d'obtenir des territoires pour, par
21 exemple, des raisons stratégiques, des territoires sur lesquels les
22 Musulmans étaient majoritaires ?
23 R. Personnellement, je n'ai vu aucun élément de ce genre, mais si j'ai
24 voyagé en Bosnie-Herzégovine durant la guerre --
25 Q. Je vois que vous répondez en tant qu'observation personnelle. Je
26 voulais également vous demander si, compte tenu des documents que vous
27 aviez examinés pour le besoin de votre rapport ou pour d'autres raisons,
28 vous étiez en mesure également de répondre plus en détail à ma question.
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1 R. Je vais commencer par répondre à votre deuxième question. Je me suis
2 principalement axé sur l'analyse de ces deux rapports, et je n'ai pas
3 analysé d'autres documents que j'avais faits dans le cadre de mes travaux
4 antérieurs. Je me suis fixé la mission, ici, de critiquer ou de faire une
5 analyse critique de ces deux rapports, point par point, en prenant tout
6 particulièrement comme approche l'aspect de la constitutionnalité. Je n'ai
7 pas abordé les autres questions parce que ce n'était pas ma mission.
8 Q. Merci. Ceci pourrait être une indication de ce que je vais avoir comme
9 réponse à ma question suivante ou à mes questions suivantes. Mais je vais
10 donc poser une question de suivi pour commencer, que M. Karadzic vous a
11 posé également en ce qui concerne les attitudes vis-à-vis des transferts de
12 population. Est-ce que vous savez qui a rencontré le Pr Koljevic vers le 8
13 janvier 1992 ou le 8 janvier 1992 ?
14 R. Ce que j'ai compris dans ce rapport concernant cette réunion, il a
15 rencontré Tudjman ou ses hommes à Zagreb. Je pense que Donia ou Treanor
16 cite des extraits de procès-verbal de cette réunion. Nikola Koljevic en
17 tant que vice-président de la Republika Srpska s'est rendu à Zagreb à cette
18 réunion.
19 Q. Et savez-vous de quoi ils ont discuté lors de cette réunion ?
20 R. Entre autres, les questions liées au territoire ont été abordées, les
21 Croates, par exemple, qui vivaient dans la Posavina, et ainsi des relations
22 avec les Musulmans. C'est ce qui est écrit dans ces deux rapports, dans les
23 rapports de ces deux experts.
24 Q. Bien. Cela veut dire que vous avez appris cela dans ces rapports, et si
25 j'ai bien compris, vous ne vous souvenez pas que dans le compte rendu de
26 cette réunion, il figure qu'il y a eu discussion sur le transfert de la
27 population, et que l'objectif était l'homogénéité nationale ?
28 R. C'était l'une des questions qui a été soulevée, mais cette question
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1 concernait la relation entre les Serbes et les Croates. Donc, je dois dire
2 - et vous le savez probablement, comme moi-même - lorsque les frontières
3 sont déterminées, il est permis de coopter. Moi, je suis né dans le Banat,
4 qui appartenait à l'Austro-Hongrie lorsque la frontière a été établie entre
5 la Roumanie et la Yougoslavie d'époque, il y a eu la cooptation, et les
6 Serbes qui sont restés sur le territoire roumain pouvaient se déplacer de
7 l'autre côté. La même chose s'appliquait sur ce cas-là.
8 Q. Bien. Permettez-moi de vous expliquer les règles que nous devons
9 respecter tous les deux. Je ne veux pas vous interrompre au moment où vous
10 répondez à ma question. En même temps, je dois tenir compte du temps qui
11 m'a été accordé, et l'utilisation efficace de ce temps dans le prétoire.
12 Donc, si je vois que vous répondez à ma question et vous répondez d'une
13 façon plus large que demandée, je vais vous interrompre.
14 Savez-vous quelles questions ont été débattues à la réunion à Doboj le 13
15 février 1992 entre les membres de la direction des Serbes de Bosnie, y
16 compris M. Karadzic ?
17 R. Je ne le sais pas.
18 Q. Bien. Nous le savons, puisque nous disposons des moyens déposition
19 preuve concernant cette réunion. C'est P3474, mais puisque vous ne savez
20 pas, je ne vais plus y insister.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que M. Tieger pourrait dire que la
22 Défense a contesté l'authenticité de ce document, de cette pièce. La
23 Défense la considère comme étant falsifiée. Il s'agit des rapports de
24 Brdjanin concernant ce qui aurait été dit lors de cette réunion. Il serait
25 correct de dire cela à la Chambre et au témoin, à savoir que cela a été
26 contesté par la Défense.
27 M. TIEGER : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, c'est
28 absurde, dans le contexte des interventions dans le prétoire, je n'ai pas
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1 posé de questions là-dessus au témoin, puisqu'il a dit qu'il n'en savait
2 rien. Nous pourrions en discuter longuement, mais il s'agit d'un
3 commentaire qui n'est pas nécessaire de la part de l'accusé.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre n'a pas suivi cet échange de
5 point de vue. Continuez.
6 M. TIEGER : [interprétation]
7 Q. Lors de l'interrogatoire principal, vous avez beaucoup parlé du plan
8 Cutileiro. Et j'ai remarqué en page 29 de votre rapport, que vous avez
9 mentionné le plan Cutileiro et - comme dans d'autres parties de votre
10 rapport - vous avez critiqué le Pr Donia pour soi-disant ne pas avoir
11 fourni tous les faits concernant le plan Cutileiro, que vous avez considéré
12 comme des éléments qui auraient dû être pris en compte. En particulier en
13 page 95, et page 96 de son rapport : "Les responsables des Serbes de Bosnie
14 et le siège de Sarajevo", vous avez dit que les trois parties se sont mis
15 d'accord pour respecter les principes du plan Cutileiro comme étant la base
16 pour continuer les négociations, mais les parties en question n'ont signé
17 aucun accord. Et, entre autres, vous l'avez critiqué puisque le plan de
18 Cutileiro n'a pas été signé mais seulement les paraphes y ont été apposés.
19 C'est la première phrase au début de votre critique à l'intention du Pr
20 Donia. Là, je pense de votre critique de cette partie de son rapport.
21 Vous avez également déposé dans l'affaire Galic, et lors de cette
22 déposition, vous avez également témoigné du plan Cutileiro. C'était en
23 2003. A l'époque, vous avez dit que le plan Cutileiro a été signé, n'est-ce
24 pas ?
25 R. Il y avait des paraphes qui ont été apposés sur le plan Cutileiro.
26 Q. Je vais vous lire ce que vous avez dit dans l'affaire Galic, c'est en
27 page du compte rendu 19 133, le document 65 ter 24943. Vous avez commencé à
28 parler de divers plans, mais quand l'Union européenne a engagé le diplomate
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1 portugais Jose Cutileiro pour mener les négociations avec les trois
2 parties, Alija Izetbegovic a même participé à ces négociations, il a signé
3 le plan également. La question qui vous a été posée était comme suit :
4 "Je serais reconnaissant si vous pourriez me dire brièvement ce qui s'est
5 passé après la signature de l'accord."
6 Votre réponse commence par :
7 "Lorsque le plan a été signé…"
8 Cela veut dire, Monsieur, qu'à l'époque vous avez dit que ce plan avait été
9 signé, c'était votre position en tant que témoin expert et vous êtes arrivé
10 à cette conclusion après avoir examiné attentivement tous les documents,
11 n'est-ce pas ?
12 R. Je dois dire que je suis quelque peu surpris, puisque vous avez
13 présenté mon rapport dans l'affaire Galic, ici, et vous avez contesté mon
14 droit pour analyser le rapport de Robert Donia dans d'autres affaires.
15 Donc, cela a été retiré, malheureusement, je n'ai pas ce rapport sur moi à
16 présent pour pouvoir l'examiner. Je vous crois sur parole par rapport à ce
17 que vous avez lu. Concernant la signature, la déclaration portant sur les
18 principes constitutionnels a été effectivement signée, mais le plan ne
19 pouvait pas être signé parce qu'il n'a pas été complété. Le plan général
20 exhaustif aurait dû être signé sur, non seulement les principes
21 constitutionnels, mais la division de la Bosnie-Herzégovine sur les
22 municipalités musulmanes, croates, et serbes. Dans ce rapport, il est dit
23 explicitement qu'il y avait des questions à contester. Et le Procureur,
24 lors de ma déposition dans cette affaire, m'a dit que pour certaines
25 municipalités, j'ai dit qu'il s'agissait de municipalités majoritairement
26 serbes, et il m'a donné des informations du recensement de la population de
27 1993 et 1994 pour me dire que dans ces municipalités n'étaient pas en
28 majorité. En tant que juriste, je sais très bien que cet accord ne pouvait
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1 être signé qu'après avoir complété concernant les questions de la
2 démarcation et de détermination des frontières. Le fait est que les
3 principes constitutionnels ont été signés, cette partie de l'accord qui
4 prévoyait comment allait être constitué les trois entités en Bosnie-
5 Herzégovine.
6 Concernant la distinction entre apposer des paraphes et des signatures,
7 j'aimerais vous rappeler que l'accord de Dayton a été paraphé à Dayton et
8 signé à Paris, il s'agissait du même document.
9 Q. Est-ce que vous savez ce que le Dr Karadzic a dit concernant les
10 principes de l'accord du 18 mars à l'époque ? Est-ce que vous avez vu ce
11 qu'il avait dit, par exemple, devant l'assemblée des Serbes de Bosnie pour
12 ce qui est de ce document ?
13 R. Je ne me souviens pas de tous les détails concernant ses propos et
14 cités dans cet accord. Je pense que cet accord, même s'il s'agissait d'un
15 accord que les Serbes acceptait à contrecoeur, que les Serbes l'ont quand
16 même accepté afin de préserver la paix. Mais pour vous dire quels étaient
17 les propos exacts du Dr Karadzic, je ne peux pas vous dire puisque je ne me
18 souviens pas. Beaucoup de temps s'est écoulé depuis.
19 Q. Alors, permettez-moi de vous citer ce qu'il a dit. C'est le document
20 D90, page 5 :
21 "Le document a été accepté pour servir de base à des négociations à suivre.
22 Le document n'a pas été signé. Nous n'aurions jamais signé quelque chose
23 dont nous ne sommes pas d'accord."
24 Et ensuite en page 43 en anglais et en page 62 en serbe, il est dit :
25 "Ce que nous avons ici représente un processus…"
26 Ensuite, le Dr Karadzic continue :
27 "Nous sommes entrés dans ce processus avec nos objectifs stratégiques, et
28 nous les réalisons pas à pas. Nous n'aurions jamais signé ce papier en tant
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1 que document, jamais, jamais, jamais, mais à ce stade, il serait insensé de
2 ne pas l'accepter."
3 Ensuite, en page 46 en anglais et en page 66 et en page 67 en serbe, il est
4 dit :
5 "Vous pouvez être sûrs que rien ne sera signé jusqu'à ce que nous
6 réaliserions nos objectifs, et vous connaissez tous nos plans
7 stratégiques…"
8 Je vais revenir là-dessus dans quelques instants. Ce sont les propos
9 prononcés par le Dr Karadzic à l'époque. Votre critique adressée au Dr
10 Donia, puisqu'il a dit que l'accord a été passé le 18 mars, et le document
11 n'a pas été signé, est quelque chose qu'il a dit et qui correspondait à ce
12 que le Dr Karadzic a dit devant l'assemblée des Serbes de Bosnie à
13 l'époque, n'est-ce pas ? C'est quelque chose que vous avez omis ?
14 R. Non, dans la presse de Belgrade, on a pu lire que cet accord a été
15 passé et qu'il ne restait que de procéder à la division des municipalités
16 concernant ces trois entités. C'est tout ce que j'ai appris là-dessus à
17 l'époque. Jamais je n'ai tenu entre mes mains, comme vous, un papier
18 portant une signature ou pas. Tout ce que j'ai vu était ce qui a été publié
19 dans la presse.
20 Q. Merci pour cela. Mais vous critiquez le Dr Donia, puisqu'il n'a pas
21 présenté tous les faits, d'après la pratique qui était appliquée
22 habituellement, en disant le plan de Cutileiro n'a pas été signé, mais
23 seulement paraphé. Dr Donia a dit que cela n'a pas été signé. Le Dr
24 Karadzic a même souligné le fait que l'accord n'a pas été signé. Je ne vois
25 pas comment aujourd'hui vous pouvez accuser le Dr Donia d'avoir dissimulé
26 des faits critiques.
27 R. Ce que j'ai dit a en fait une portée beaucoup plus large. Il n'a pas
28 voulu de l'importance de ces négociations et de la paix en Bosnie. Il n'a
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1 pas parlé des concessions, grandes concessions faites par les Serbes.
2 C'était l'essentiel de la critique par rapport au Dr Donia.
3 Q. Bien. Le Dr Karadzic, à partir du début de sa carrière politique,
4 disait que si la Bosnie obtenait la souveraineté et l'indépendance, cela
5 allait être quelque chose que le SDS et les responsables des Serbes de
6 Bosnie n'allaient pas accepter, et que la guerre allait éclater ?
7 R. J'ai dit que puisqu'il y avait trois degrés concernant les concessions
8 des Serbes. D'abord, les Serbes demandaient que la Yougoslavie soit
9 préservée. En tant que juriste, vous savez très bien que cette demande
10 était tout à fait légitime, la demande de préserver l'Etat qui existait
11 déjà.
12 Q. Professeur, excusez-moi, il faut que je vous interrompre. Je sais que
13 vous avez déjà parlé des concessions, des degrés de ces concessions, du
14 texte du plan Cutileiro. Permettez-moi de présenter ça d'une façon un peu
15 différente. Savez-vous que l'accusé, le Dr Karadzic, bien avant la
16 reconnaissance de la souveraineté et de l'indépendance par la communauté
17 internationale, ou beaucoup de temps avant le plan Cutileiro, disait que
18 lui-même, ainsi que les responsables des Serbes de Bosnie, n'allaient
19 accepter rien concernant la souveraineté et l'indépendance de la Bosnie,
20 rien de ce qui aurait pu séparer les Serbes de la Bosnie des Serbes à
21 l'extérieur de la Bosnie, les diviser par une frontière, que les Serbes
22 étaient forts et que les Serbes allaient prévenir que cela se produise et
23 que la guerre allait éclater. Est-ce que vous saviez qu'il disait cela en
24 1990 ?
25 R. C'est moi qui je disais cela en 1990, mais la situation était
26 différente. Est-ce que qui que ce soit en 1990 s'attendait à ce que les
27 puissances mondiales, les Etats-Unis d'Amérique, l'Union européenne, et
28 cetera, allaient admettre les concessions ? Ils étaient tous pour
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1 l'intégrité et la préservation de la Yougoslavie, et dans de telles
2 circonstances, non seulement M. Karadzic, mais moi-même disions que la
3 Yougoslavie ne devait pas être démantelée, démembrée. Il fallait s'opposer
4 à cela par la force et d'une façon légitime, à savoir par l'utilisation de
5 la JNA. Donc, à ce moment-là, en 1990, c'était quelque chose qui était tout
6 à fait normal. En 1990, nous ne savions toujours pas que les événements
7 allaient prendre ce cours. Il y avait des réunions des présidents des
8 provinces et des républiques, vous le savez très bien. En 1990, c'était en
9 1990.
10 Q. Merci, Professeur. Il aurait été suffisant de dire, oui, je l'ai
11 entendu dire cela. Mais vous avez également exprimé votre point de vue.
12 Concernant le plan Cutileiro, aujourd'hui durant votre déposition et dans
13 votre rapport également, vous avez dit qu'il y a eu peu de choses qui
14 restaient à être faites après la conclusion de l'accord sur les principes,
15 à savoir qu'il ne fallait qu'avoir des négociations eu égard aux
16 délimitations du territoire. Vous avez dit, si je me souviens bien de votre
17 rapport, que vous avez considéré que les Serbes de Bosnie n'étaient pas
18 intéressés à avoir des territoires continus et que la question des
19 frontières devait être résolue par l'entité des Serbes de Bosnie en
20 s'appuyant sur les négociations portant à la population aux critères tenant
21 compte de la population majoritaire dans différentes régions.
22 Savez-vous que l'accusé, à l'époque, disait que les Serbes de Bosnie
23 avaient certains objectifs stratégiques, que parmi ces objectifs
24 stratégiques figuraient l'établissement des liens avec la Serbie, que le Dr
25 Karadzic ainsi que les responsables des Serbes de Bosnie voulaient que
26 l'entité des Serbes de Bosnie soit la plus étendue possible, et concernant
27 l'étendue de l'entité des Serbes de Bosnie, que cela dépendait finalement
28 des conditions établies sur le terrain par les dirigeants des Serbes de
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1 Bosnie ? Est-ce que vous savez s'il avait dit cela à l'époque, à savoir que
2 la délimitation du territoire allait se faire en comprenant d'autres
3 choses, à savoir les conditions qui prévalaient à l'époque et qui allaient
4 être créées par les responsables sur le terrain ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous pourriez dire au témoin
6 exactement de quelle période vous parlez; avant la guerre, ou cela a-t-il
7 été déclaré lors d'une assemblée ? Je vous prie de donner un contexte au
8 témoin.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense bien que M. Tieger a dit "à
10 l'époque".
11 M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait. Comme si un doute existait, mais
12 je parle bien effectivement de l'époque des négociations du plan Cutileiro;
13 février, mars 1992.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. En ce qui concerne les objectifs
15 stratégiques et les liens à établir, il est vrai que les trois bords en
16 avaient l'intention, non seulement les Serbes, mais les Croates également,
17 qui pensaient donc établir des relations avec la Croatie; et bien sûr, les
18 Musulmans, qui souhaitaient que ce soit aussi dense que faire se peut, donc
19 leur problème était que la Krajina de Cazin était séparée et donc coupée
20 par des municipalités peuplées soit de Croates, soit de majorités serbes.
21 Alors, les trois bords en ont tenu compte, et je dois vous dire,
22 puisque j'observe depuis longtemps la politique et les populations, il faut
23 faire un distinguo entre ceux qui s'asseyent et négocient avec Alija
24 Izetbegovic et Mate Boban quant à cette division. Et, entre autres choses,
25 c'est que chacun d'entre eux se lève et s'adresse à sa propre assemblée
26 nationale. Je me souviens très bien que M. Karadzic, le président de la
27 Republika Srpska, a prononcé un discours devant l'assemblée de la Republika
28 Srpska et a demandé un appui pour le plan Vance Owen, et l'assemblée l'a
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1 rejeté. Je sais pourquoi il a procédé ainsi, parce qu'il a été contraint à
2 signer sous condition cet accord en Grèce, et ce, sous des pressions
3 internationales, principalement de Slobodan Milosevic. Ce que fait un homme
4 politique est important, non seulement ce qu'il dit. Il y a un roman de
5 Mesa Selimovic qui affirme qu'un homme ne vaut que ce qu'il ne fait et ce
6 qu'il prononce, ses propos. Donc, l'action doit suivre ses propos.
7 M. TIEGER : [interprétation]
8 Q. Donc, vous ne considérez pas que lorsqu'un homme politique se tourne
9 vers ses partisans et déclare : La seule question qui reste, c'est la
10 quantité et ce qui va se passer selon la volonté politique et notre droit à
11 l'autodétermination et l'organisation. Cela se produira selon les
12 conditions actuelles qu'il convient que vous créiez, et ceci n'est pas un
13 acte. Ce sont uniquement des propos qui peuvent être méconnus. En qualité
14 d'expert, vous n'accorderiez aucune attention à la chose. C'est bien ce que
15 vous me dites ?
16 R. Non. Lorsque l'on parle de la politique, de la force de la volonté, la
17 volonté est très importante, certes, il doit être éveillée, et c'est là
18 l'objectif d'un discours, et vous verrez que d'ailleurs, sempiternellement,
19 il y a une différence mineure entre ce qui a été dit et ce qui sera fait.
20 J'ai déclaré par rapport au plan Vance Owen, quand M. Karadzic a prôné son
21 acceptation provisoire, mais que l'assemblée l'a rejeté à une grande
22 majorité, il y a une dichotomie entre ce qu'il a dit et ce qu'il aura fait.
23 Je pense également que si vous observez soigneusement et surveillez les
24 discours de Milosevic, vous verrez qu'il a promis beaucoup et qu'il n'a pas
25 réussi à tout réaliser. En ce qui concerne M. Karadzic, à mon sens, il
26 était beaucoup plus uniforme dans ce sens, mais c'est vrai, il s'est
27 adressé à sa propre population à l'assemblée nationale, il a tenté de
28 l'encourager, de donner un certain élan, et ce, par des discours
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1 politiques, mais quant à ce qui se passait dans la division des
2 municipalités, et parfois si l'on ne peut trouver une solution pour
3 certaines municipalités qui sont contestées, eh bien, l'on aura tendance à
4 accepter l'arbitrage de la Communauté européenne, et je crois que c'était
5 là une façon tout à fait honnête et honorable, d'ailleurs, de régler la
6 situation, et ce, à l'époque.
7 Q. Donc, si j'ai bien compris, vous connaissiez ou vous ne connaissiez pas
8 le discours de M. Karadzic s'adressant à l'assemblée bosno-serbe, disant au
9 président des municipalités et aux représentants délégués qui venaient des
10 différentes municipalités, que la quantité de l'entité dépendrait des
11 conditions qui leur incombait de créer ? Oui ou non; le saviez-vous ou pas
12 ?
13 R. Non. En ce qui concerne cet élément, certes, je le savais puisque j'ai
14 rédigé, j'ai modifié et corrigé ses discours aux fins de publication. Et
15 donc, je les ai revus en anglais et en serbe, je les ai lus à plusieurs
16 reprises, mais je n'escomptais pas que vous débattriez de ces éléments.
17 Donc, je ne suis pas prêt. J'aurais apporté avec moi, sinon le rapport que
18 j'ai préparé pour le procès du général Galic. Vous m'avez demandé, à titre
19 de Procureur, que ces extraits soient expurgés de mon rapport et qui ont
20 trait à d'autres procès.
21 Q. Ce sont des documents dans votre rapport. Passons à la page 41 de votre
22 rapport.
23 R. Oui, tout à fait. Allons-y.
24 Q. Eh bien, à la page 41, vous vous appesantissez sur ce que vous affirmez
25 était une affirmation malveillante ou plutôt l'intention malveillante du
26 terme "commandant" dans un débat. On y voit ici :
27 "M. Donia a, de façon malveillante, inséré le terme 'commandant' dans cette
28 phrase"
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1 Et la phrase est la suivante :
2 "Les dirigeants du SDS locaux ont reçu l'ordre de créer une assemblée du
3 peuple serbe et une cellules de Crise du peuple serbe." --
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, voyons quelle est le numéro
5 de la page, tout d'abord.
6 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de la page 41.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de cette page-là ?
8 M. TIEGER : [interprétation] Désolé.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne crois pas que le B/C/S et
10 l'anglais concorde.
11 M. TIEGER : [interprétation]
12 Q. Professeur, il s'agit de votre rapport, on y aborde à la page 20, la
13 direction bosno-serbe par le Dr Donia et le siège de Sarajevo. C'est ce
14 rapport-là.
15 R. Quarante deux, oui, effectivement.
16 Q. Merci. Il s'agit de la page 41 en anglais.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, effectivement, nous l'avons
18 trouvée.
19 M. TIEGER : [interprétation]
20 Q. Et donc, la phrase en question, c'est :
21 "Les dirigeants locaux du SDS ont reçu l'ordre de créer une 'assemblée du
22 peuple serbe' et une 'cellule de Crise du peuple serbe', qui devaient être
23 dirigé par un 'commandant'."
24 Et vous y affirmez, comme vous le faites en divers endroits dans votre
25 rapport, que c'était là une action malveillante de M. Donia que d'insérer
26 le terme de "commandant" dans cette phrase. Est-ce que nous pourrions
27 convenir, Professeur, que le contexte de la phrase dans le rapport de M.
28 Donia est l'exégèse de la variante A et B, c'est d'ailleurs ce document,
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1 des instructions du 19 décembre 1991 ?
2 R. Tout d'abord, vous n'avez pas dit ce qui était important, c'est que le
3 terme "commandant" n'existe pas en serbe. A la note de bas de page J, à la
4 page 106, on y voit simplement la cellule de Crise du peuple serbe est
5 convoquée à une assemblée du peuple serbe. Il a inséré ce terme
6 "commandant" alors qu'il cite ce qui ne se trouve pas dans le texte serbe
7 qu'il cite à la note de bas de page J. Je connais le serbe, et Robert Donia
8 connaît le serbe également, il le parle. Donc, ce n'est pas une erreur.
9 Cela a été fait à dessein. Il a inséré un terme qui n'existe pas dans la
10 version serbe. C'est là mon objection.
11 Q. Voyez-vous, Professeur ? Il s'agit d'instructions des organisations et
12 des activités du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine dans des situations
13 d'urgence en date du 19 décembre 1991, connu également sous les noms
14 variante A et B, et d'ailleurs vous avez d'ores et déjà témoigné que vous
15 l'avez lu, et ce, soigneusement. Il s'agit de la pièce P03470.
16 Ce qu'on y lit à la page 3 en anglais, c'est donc option A, première étape,
17 est la chose suivante :
18 "Le président de l'assemblée municipale ou le président du Conseil exécutif
19 municipal sera le commandant de la cellule de Crise. Le commandant --"
20 R. Oui.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous voulez bien, nous allons
22 télécharger ce document pour que le témoin puisse suivre.
23 Quel est le numéro de la page, Monsieur Tieger ?
24 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de la page 3 dans les deux versions,
25 je crois.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
27 M. TIEGER : [interprétation]
28 Q. Vers le haut de la page, Professeur.
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1 R. Oui.
2 Q. "Le président de l'assemblée municipale ou le président du Conseil
3 exécutif municipal sera le commandant de la cellule de Crise.
4 "Le commandant de la cellule de Crise à titre de coordinateur des relations
5 avec les directions municipales du SDA…"
6 Et ensuite, on y décrit les différents aspects des préparatifs. A cet
7 instar, pour l'option B, les municipalités donc, à la page 5, on y voit,
8 encore une fois je pense en anglais et dans les deux versions :
9 "Le président de" -- non.
10 Pour vous, Professeur, il s'agira des pages 6 et 7. Et donc y continue à la
11 page suivante.
12 "Le président du conseil municipal du SDS sera le commandant et le
13 commandant de la cellule de Crise.
14 "Le commandant nomme les membres de la cellule de Crise à titre de
15 coordinateur pour la coordination avec les directions municipales du SDA et
16 du HDZ…"
17 Et ensuite, on détaille les convocations, la proclamation de l'assemblée du
18 peuple serbe, les préparatifs pour la reprise par les états-majors, et
19 cetera, et cetera. Donc, en fait, le document que vous affirmiez il y a une
20 heure avoir lu soigneusement contient de nombreuses références parlant de
21 commandant, et les références de M. Donia à ce terme commandant ne peuvent
22 être -- l'insertion de ce terme est malveillante. Cela reflète bel et bien
23 ce que le document déclare, n'est-ce pas ?
24 R. J'ai bien peur que vous ayez mal interprété la chose. Quand j'ai dit
25 qu'il s'agissait d'une insertion malveillante, c'est pour la bonne raison
26 qu'à la note bas de page en page 106, ce terme n'est pas cité. Donc il
27 renvoie à la note de bas de page à titre de source en anglais, et il ajoute
28 que ce sera dirigé par un commandant. Donc cette note de bas de page ne
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1 contient pas ce terme, et c'est la raison pour laquelle j'ai affirmé que
2 son insertion dans le texte anglais serait malveillante. Je concède que le
3 terme apparaît, par ailleurs, dans le document. M. Donia aurait pu parler
4 du document d'origine et aurait pu le citer plutôt que de dire à la note de
5 bas de page J que la cellule de Crise du peuple serbe a convoqué une
6 assemblée du peuple serbe.
7 Q. Donc c'est le type d'élément de preuve que vous apportez aux Juges de
8 cette Chambre ? Même si les membres locaux du SDS ont reçu l'ordre par ce
9 document de créer une assemblée du peuple serbe et une cellule de Crise du
10 peuple serbe, qui, en fait, il est bien déclaré, serait sous la direction
11 d'un commandant, vous essayez d'indiquer dans le rapport que cette
12 affirmation, encore une fois, dans le rapport est malveillante parce que ce
13 terme n'apparaît pas dans une note de bas de page, alors qu'il apparaît à
14 maintes reprises dans le document ? C'est la nature de votre rapport; c'est
15 cela ?
16 R. Non. J'ai été très analytique et j'ai essayé de démontrer qu'il n'a pas
17 suivi le texte serbe et qu'il a inséré des termes dans le texte anglais qui
18 ne s'y trouvaient pas dans le texte serbe. Ce n'est pas acceptable pour qui
19 que ce soit, tout particulièrement pour un historien, qui doit être
20 prudent. Lorsqu'il traduit vers l'anglais, il lui faut traduire avec
21 précision ce qui se trouve dans l'original serbe. Ce n'est pas ce qu'il a
22 fait, et ceci n'est pas acceptable.
23 Q. Vous parlez de questions très importantes. Vous parlez d'un document
24 extrêmement important. Avez-vous dit où que ce soit, quand vous avez remis
25 ce rapport aux Juges de la Chambre, qu'il y avait une erreur ou une
26 omission dans une note de bas de page, mais que cette affirmation est
27 exacte, que le document prévoit exactement ce qui y est relaté, et que,
28 donc, si à votre sens le terme "commandant" ou "kommandant" était ajouté à
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1 cette phrase pour représenter la cellule de Crise à titre d'état-major
2 militaire, que c'en était bien un parce que le document lui-même l'affirme
3 ? Est-ce que vous vous êtes soucié de le dire aux Juges de la Chambre ?
4 R. Quand il s'agit d'un QG militaire, on sait bien de quoi il s'agit. Le
5 QG militaire commande exclusivement les unités militaires. Mais quand vous
6 avez un QG qui s'occupe des questions civiles, de la protection de la
7 population, l'approvisionnement en nourriture, équipement, ou bien la
8 protection sanitaire, dans ce cas il ne s'agit pas d'un QG purement
9 militaire.
10 Q. Non, non, Professeur. J'utilise vos propres termes. Vous dites que ce
11 terme a été inséré dans ce document parce que le Dr Donia a voulu d'une
12 façon malveillante que les Juges, qui reçoivent son rapport, considèrent
13 qu'il s'agit là d'un QG militaire, parce qu'un QG militaire dispose d'un
14 commandant, alors que là on voit que dans votre document, vous-même, vous
15 utilisez ce terme, le terme de "commandant", et à plusieurs reprises. Donc
16 j'étais juste en train de citer vos propres mots; autrement dit, cela nous
17 amène à la conclusion que cette cellule de Crise avait un aspect de QG
18 militaire. C'est ce que vous dites ?
19 R. Dans une certaine mesure, la cellule de Crise avait un aspect de QG
20 militaire, puisque les hostilités étaient toujours en cours. Mais je dois
21 vous dire que quand on cite une source, et quand on est historien, eh bien,
22 vous ne pouvez pas citer des sources si elles ne sont pas absolument
23 fiables, car cela met en doute la crédibilité de ce scientifique. Et c'est
24 ce que Donia a fait à plusieurs reprises, même souvent, je dirais. Par
25 exemple, dans la partie du texte que vous avez enlevée, "Sarajevo, la
26 biographie d'une ville." Là, vous allez voir que d'autres partis politiques
27 à vocation nationale avaient créé leurs propres cellules de Crise. C'est
28 sur cette page-là que l'on voit cette information, la page 20, où il est
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1 dit que la forme que revêtait cet organe le plus souvent, c'était la
2 cellule de Crise. Donia le dit dans son livre, "Sarajevo, la biographie
3 d'une ville," et vous avez demandé que j'enlève cela de mon rapport.
4 Heureusement, dans la version que j'ai ici, ceci figure toujours. Et donc,
5 là, il parle des cellules de Crise créées par d'autres partis politiques,
6 mais là il se garde bien de parler des commandants.
7 Q. Je vais vous proposer un certain nombre de choses : tout d'abord,
8 utiliser ce qui est dans le pire des cas une erreur dactylographique mais
9 qui est, en réalité, tout simplement une fusion des deux références et dire
10 que ceci témoigne de la malveillance de la personne qui le fait ou de sa
11 partialité, c'est parfaitement inacceptable. Et puis, autre chose : ici, on
12 parle de la variante A et B, les documents, dont vous avez parlé aux Juges
13 de la Chambre et de ce que vous dites ou ne dites pas au sujet de ces
14 documents.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un instant. Je vais tout de
16 même revenir sur une question de référence évoquée par l'expert. Est-ce que
17 vous êtes d'accord maintenant pour dire que la cellule de Crise devait
18 avoir un commandant à sa tête ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Normalement, c'était le président de la
20 municipalité qui était président de la cellule de Crise. Ce n'était pas un
21 officier militaire. Ce n'est même pas quelqu'un qui est passé par une
22 formation de militaire. Donc c'est le mot qui a été utilisé, et cela ne
23 correspond pas au protocole militaire. Et en ce qui concerne ce que vous
24 venez de dire --
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un instant --
26 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant, on parle de cette partie-là
28 du rapport.
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1 Et je vais demander que cette partie-là du rapport du Dr Donia soit
2 montrée sur l'écran. Il s'agit de la pièce P973.
3 "Les dirigeants du SDS au niveau local sont demandés de créer une
4 'assemblée du peuple serbe' et une 'cellule de Crise du peuple serbe', à la
5 tête de laquelle se trouvera un 'commandant'."
6 Et puis, maintenant, quand on regarde la note de bas de page 49, quand je
7 regarde ce qui est écrit là-dedans, je n'arrive pas à faire le lien entre
8 cela et ce que vous dites dans votre rapport. Pourriez-vous nous expliquer
9 cela.
10 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais il faut voir la note de bas de page
12 49, qui est sous la note 48.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Regardez bien. Sous le numéro 49, on voit la
14 lettre J. Donc, là, nous avons deux notes de bas de page. Il y en a une qui
15 est la note 49, et l'autre, 49 J.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors, nous allons voir la
17 page suivante ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ce n'est pas à la page suivante.
19 C'est à la page 106 dans le texte que j'avais, moi.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-il possible de voir la page 109 dans
21 le système de prétoire électronique.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] J. Veuillez regarder cela. Regardez ce qui est
23 écrit sous J en serbe. Vous n'avez pas de "commandant" ici, ce n'est pas
24 mentionné du tout. Je vais vous donner lecture du petit J, note de bas de
25 page :
26 "'La cellule de Crise du peuple serbe convoquait et proclamait une
27 assemblée du peuple serbe.'"
28 C'est le texte original. On ne fait pas mention de "commandant".
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr de vous avoir suivi.
2 Mais je vous laisse poursuivre, si vous le voulez, Monsieur Tieger.
3 M. TIEGER : [interprétation] Pour me rendre utile aux Juges de la Chambre.
4 Q. Même si les références concrètes par rapport aux différents endroits
5 dans le rapport où l'on mentionne cela, y compris les mentions du
6 commandant, sont reflétées dans la note de bas de page 49, vous avez eu
7 accès à cela ainsi qu'au document tout entier, n'est-ce pas ?
8 R. Moi, j'ai examiné la note de bas de page d'origine, qui est la
9 véritable référence, c'est la note de bas de page J. Ensuite, je ne dis pas
10 que ce qui est dit dans l'autre document ne s'y trouve pas, mais la note
11 d'origine ne permet pas l'utilisation du terme "commandant". Et puis, de
12 toute façon, ce n'est pas acceptable dans un rapport scientifique. C'est
13 peut-être une faute de frappe, rien d'autre, mais j'ai voulu ajouté autre
14 chose. Dans le rapport de Patrick Treanor, on ne voit pas de telles fautes,
15 fautes de frappe ou autres. Ces erreurs sont tout à fait insignifiantes,
16 même s'il y en a quelques-unes. Malheureusement, dans le rapport de Robert
17 Donia, il y en a beaucoup plus.
18 Q. Très bien. Eh bien, on va examiner une autre accusation que vous avez
19 proférée à l'encontre du Dr Donia portant sur sa malveillance, comme vous
20 dites. C'est la page 16. Car, là, on a omis ou enlevé la négation "non"
21 dans le contexte de quelque chose qu'aurait dit M. Krajisnik au mois de
22 novembre 1991.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 16, vous voulez dire ?
24 M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est la page 16 dans l'exemplaire
25 papier.
26 Q. Professeur, vous l'avez trouvé dans votre rapport --
27 R. Oui. Oui, oui. Chez moi, cela se trouve à la page 15. Ici, on lit la
28 page 7. Donc on voit :
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1 "La deuxième session du 21 novembre 1991, Krajisnik," deux points.
2 Q. Bien. Et c'est quelque chose que l'on trouve dans le rapport qui
3 contient les extraits thématiques des sessions de travail de l'assemblée de
4 la Republika Srpska, n'est-ce pas ? Professeur, vous saviez, n'est-ce pas,
5 que ce rapport devait être communiqué aux Juges de la Chambre pour qu'ils
6 l'examinent, et que les Juges de la Chambre allaient l'examiner en langue
7 anglaise, n'est-ce pas ? Vous le savez cela, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Donc j'imagine que vous êtes allé voir ce qui se trouve dans la pièce
10 originale qui devait être communiquée aux Juges pour voir si on y trouve
11 des éléments de malveillance visant à induire les Juges en erreur pour
12 qu'ils interprètent à tort ce que Krajisnik a dit ?
13 R. Moi, j'ai reçu un texte avec des citations en serbe, et vu que je sais
14 que Donia parle très bien la langue serbe et que c'est lui-même qui a
15 sélectionné les extraits et ensuite les a incorporés dans son rapport, j'ai
16 bien remarqué qu'il a oublié la négation. Et c'est très significatif ici vu
17 qu'il apparaît sur la base de ce qui est écrit ici que Krajisnik était
18 favorable aux solutions qui allaient nuire aux autres peuples de Bosnie-
19 Herzégovine, alors qu'avec la négation on ne serait pas arrivés à cette
20 conclusion.
21 Q. Mais avant d'accuser le Pr Donia de cette malveillance, je me demande
22 si vous êtes allé vérifier ce qui est écrit vraiment dans le texte en
23 anglais, le texte qui allait être communiqué aux Juges. Est-ce que vous
24 vous êtes donné la peine de vérifier cela avant de parler de malveillance
25 et de proférer ces accusations ?
26 R. Non. Moi, j'avais mon rapport en serbe et je me suis dit que ce texte
27 allait être plus authentique. Maintenant, on ne va pas débattre de la
28 question de comment ce texte a été traduit en anglais, et surtout des
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1 erreurs de traduction qui auraient pu se produire. Mais en tout cas, pour
2 moi, l'original c'était le texte en langue serbe.
3 Q. Dans le texte, on peut lire -- donc, dans le texte original, il est
4 écrit que les solutions proposées devraient être basées sur la constitution
5 et les lois reflétant les intérêts du peuple serbe, mais pas au détriment
6 des autres peuples. Pas au détriment, c'est ce qui est écrit dans
7 l'original, dans le texte qui est arrivé jusqu'aux Juges. Est-ce que vous
8 êtes d'accord pour dire maintenant qu'il n'y a pas de malveillance, ou est-
9 ce que vous préférez toujours parler de malveillance et garder vos
10 accusations ?
11 R. Tout ce que je dis, c'est que si Donia avait traduit le texte en
12 anglais, mais je ne pense pas que c'est le cas; mais en tout cas, on ne
13 peut pas exclure la possibilité que le traducteur est arrivé à la
14 conclusion que cela ne faisait aucun sens et que Krajisnik dise quelque
15 chose comme cela et que c'est à cause de cela qu'on a ajouté cette négation
16 non. Mais si Donia le voulait, il n'aurait pas fait l'erreur en citant le
17 texte en serbe.
18 Q. Mais quand on regarde ce que Krajisnik dit, les choses deviennent
19 parfaitement claires. Regardez la suite. Il dit dans la suite de ce texte :
20 "Le principe de base est celui de ne pas imposer la volonté…," et cetera.
21 "Il faut respecter la volonté légitime…," et cetera.
22 Donc, qu'est-ce que vous essayez de faire ? Vous essayez d'insinuer que le
23 Dr Donia a omis par pure malveillance le mot "non" dans la première partie
24 de cet extrait, puis après il a été suffisamment bête pour garder toute la
25 négation qu'il fallait garder dans le reste du passage qui rendait évident
26 ce que voulait dire Krajisnik ? C'est comme cela que vous interprétez cela
27 ?
28 R. Si le Pr Donia n'avait fait que ces trois fautes-là, ces trois erreurs,
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1 comme c'était le cas de Patrick Treanor, parce que j'ai dit à plusieurs
2 reprises que les erreurs ou les fautes de Patrick Treanor sont
3 insignifiantes, mais lui, il les a répétées à plusieurs fois. Il en a fait
4 plein d'erreurs. C'est quelque chose qui est fait de façon systématique.
5 Malheureusement, beaucoup de portions de mon rapport étaient expurgées,
6 parce que dans ces portions je mentionne le livre "Sarajevo, une biographie
7 de la ville", et qui n'a pas été versé au dossier. Donc, vu la fréquence de
8 ces erreurs, j'en suis arrivé à la conclusion que c'était un acte de
9 malveillance.
10 Q. Mais vous avez aussi dit que M. Treanor faisait exprès pour passer sous
11 silence certains faits importants, essentiels, n'est-ce pas ? On va
12 regarder la page 78 de votre rapport. Donc ici, c'est la section intitulée
13 :
14 "Le fait d'éviter les faits pertinents…"
15 Et c'est la partie dans laquelle vous parlez du peuple constitutif et des
16 nations fondatrices de l'Etat.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous identifier le numéro de la
18 page en B/C/S ?
19 M. TIEGER : [interprétation] C'est un peu difficile de le retrouver.
20 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
21 M. TIEGER : [interprétation] Mais il s'agit des notes de bas de page 42,
22 43, 44.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. En comparant les notes de bas de
24 page, cela nous rendrait la tâche plus difficile.
25 J'ai l'impression que c'est à la page suivante, mais je n'en suis pas sûr.
26 Vous pourrez poursuivre, Monsieur Tieger.
27 M. TIEGER : [interprétation] Merci.
28 Q. Donc ici, vous critiquez au fond un paragraphe du rapport du Dr
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1 Treanor, où vous dites :
2 "La constitution a laissé tomber la référence dans la constitution croate
3 aux Serbes comme étant un peuple constitutif de la république, bien que
4 cette constitution garantissait l'égalité nationale dans l'article 3…"
5 Et là, vous citez cela en guise d'exemple pour alléguer qu'il passe sous
6 silence un fait essentiel, parce qu'il aurait dû utiliser ce terme "nation
7 fondatrice de l'Etat". Par rapport à cela, les allégations que vous
8 soulevez par rapport à cette question :
9 "Réponse : On y parle tout d'abord de l'amendement numéro 60 qui a
10 été introduit, et qui n'a rien changé quant à la constitution, la nature
11 constitutive des peuples de Bosnie-Herzégovine, et ceci posait problèmes
12 aux Croates, aux Serbes et aux Musulmans. Tout d'abord, la constitution
13 était respectée, mais ensuite l'on respectait la constitution de moins en
14 moins. De sorte que le côté musulman, au sein des autorités communes, a
15 essayé d'obtenir l'indépendance, et l'un des peuples constitutifs étaient
16 contre cette indépendance. Et là, il s'agissait du peuple serbe".
17 Donc, on parle beaucoup de ces peuples constitutifs, et cetera, Professeur,
18 mais de quelle façon cela omet les faits essentiels, s'il vous plaît,
19 dites-le-nous ?
20 R. [aucune interprétation]
21 Q. Je vais vous donner la possibilité d'expliquer les nuances, si
22 nécessaire, mais je veux que vous répondiez à ma question. Est-ce que le
23 passage que j'ai lu est un autre exemple qui signifie que l'on passe sous
24 silence à ces faits essentiels, parce que cela utilise à plusieurs reprises
25 l'expression "peuples constitutifs" plutôt que "nation fondatrice de
26 l'Etat" ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait --
28 M. TIEGER : [interprétation] Je pense qu'il faut qu'il s'arrête. Il est
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1 évident de ce qu'il fait. Je pense que l'on devrait pratiquer une
2 remontrance à ce sujet.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ce n'est pas nécessaire, ce n'est
4 pas nécessaire.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous donner la référence ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas nécessaire. Ce n'est pas
7 nécessaire que l'on m'aide. Je vous dis simplement que le terme
8 "constitutif" a une signification très précise en langue serbo-croate. Ceci
9 signifie, en fait, constitutif d'un Etat. En anglais, le terme
10 "constitutif" veut dire partie intégrante, intégrante de quelque chose,
11 rien de plus. Par conséquent, comme Patrick Treanor le sait pertinemment,
12 puisqu'il parle très bien la langue serbe, il sait ce que signifie le
13 concept constitutif dans notre terminologie constitutionnel, et il devait
14 donc s'assurer que ce soit bien formulé en langue anglaise. Parce que
15 lorsqu'on le dit ainsi, les Serbes sont un des peuples constitutifs, en
16 langue serbe cela signifie qu'il s'agit d'un des peuples qui fait partie
17 intégrante. Et en fait, en plus, il y a une différence de sens lorsqu'on
18 dit que les Serbes en plus des Croates constituent une "nation fondatrice
19 d'un Etat".
20 M. TIEGER : [interprétation]
21 Q. Mais dans tout le passage, on utilise le terme "constitutif" plutôt que
22 le terme "nation fondatrice de l'Etat", n'est-ce pas ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai demandé la référence.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est la Croatie, il s'agissait
25 d'une grande importance en raison du fait que les Croates niaient ceci vis-
26 à-vis des Serbes.
27 M. TIEGER : [interprétation]
28 Q. Non, non, si vous ne pouvez pas répondre à la question --
Page 37107
1 R. [aucune interprétation]
2 Q. [aucune interprétation]
3 R. [aucune interprétation]
4 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le
5 Président, je pense que ce n'est pas juste que M. Tieger arrête le témoin
6 dans sa lancée, et je pense qu'il serait peut-être bon de faire la pause
7 déjeuner de façon à ce que M. Tieger se calme, parce que je pense que nous
8 devons tous nous traiter comme des professionnels ici, et ça ne se produit
9 pas à l'heure actuelle.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de faire la pause déjeuner,
11 entendons ce que le témoin a à dire, mais il est logique de donner la
12 référence quand vous citez quelque chose, Monsieur Tieger.
13 M. TIEGER : [interprétation] Je vais le faire, Monsieur le Président, mais
14 je vais expliquer pourquoi je pose cette question. Si on prétend que je
15 suis --
16 Q. [aucune interprétation]
17 M. ROBINSON : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que c'est, en fait, le bon
19 moment pour faire la pause déjeuner.
20 M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais, en fait, continuer --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons continuer après la pause
22 déjeuner.
23 M. TIEGER : [interprétation] Très bien.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous reprendrons à 13 heures 17.
25 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 35.
26 --- L'audience est reprise à 13 heures 19.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'on peut continuer, Monsieur
28 Tieger ?
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1 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Professeur, avant la pause, nous discutions tranquillement de la page
3 78 de votre rapport, et je vous ai posé une question concernant une
4 citation qui faisait références répétées aux peuples constitutifs. Je ne
5 sais pas si vous avez réfléchi à ma question pendant la pause. Ma question
6 était de savoir si ces références répétées aux peuples constitutifs, sans
7 utiliser l'expression de "nations fondatrices", représentaient un autre
8 exemple du fait que certains faits essentiels étaient passés sous silence ?
9 R. Je vais répondre très tranquillement à cette question qui est la vôtre.
10 La question est de savoir dans quel contexte ceci est mentionné ? Il parle
11 ici de la Croatie, et les Croates ont, en fait, adopté une autre
12 constitution, et ils ont, en fait, enlevé la disposition selon laquelle les
13 Serbes étaient une nation fondatrice de l'Etat, étant donné qu'ils ont
14 enlevé cette disposition des anciennes constitutions qui mentionnaient que
15 la Croatie était un Etat composé de peuples croates et serbes. Plus ou
16 moins. Et dans ce contexte, c'était très important parce que les Serbes
17 correspondaient à 12,5 % de la population en Croatie avant la guerre. Il
18 était donc très important de conserver leur statut de nation fondatrice
19 d'un Etat. Lorsque vous faites savoir à quelqu'un que ce n'est pas
20 tellement important, dans ce cas-là, ça devient suffisant pour garantir
21 l'égalité des nations. Mais en vertu de l'article 3, je peux vous dire que
22 ce n'est pas suffisant parce que l'égalité des nations signifie simplement
23 l'égalité des citoyens si l'on compare à d'autres nations. Et lorsqu'on
24 parle de fondations d'un Etat, on a à l'esprit une égalité par rapport à un
25 élément collectif.
26 Oui, allez-y.
27 Q. Je vois que je n'aurais pas de réponse par un oui ou par un non. Je
28 vais en rester là. Simplement, je voudrais faire remarquer dans la réponse,
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1 également dans la réponse à une question de l'accusé, que le passage que
2 j'ai cité, et je soumettrai ceci aux Juges de la Cour, c'est aux pages 19
3 110 et 19 111 dans votre déposition dans l'affaire Galic, il s'agit d'une
4 réponse à une question qu'on vous avait posée, et durant cette réponse,
5 vous avez répété à plusieurs reprises le terme "peuples constitutifs", et
6 non "nation fondatrice d'un Etat". Je suppose que vous vous souvenez de
7 votre déposition ? Peut-être que vous pouvez le confirmer.
8 R. Oui. Je vais vous expliquer quelles sont les principales différences.
9 Q. Si vous pensez qu'il y a une différence entre les deux et que l'accusé
10 veut entrer dans les différences entre les deux, très bien. Mais vous avez
11 mentionné que vous considérez qu'il y avait une différence entre le concept
12 de peuples constitutifs et de nation fondatrice d'un Etat.
13 M. ROBINSON : [interprétation] Je pense que le témoin a le droit
14 d'expliquer cela.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pouvons demander au témoin de
16 confirmer si c'est ce qu'il a dit.
17 M. TIEGER : [interprétation] Nous avons passé dix minutes sans que cela
18 fasse la différence.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Dans le contexte de Bosnie-Herzégovine,
20 où aucun peuple n'a pas été considéré comme un peuple constitutif --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Cavoski, est-ce que vous vous
22 souvenez de la question ? Est-ce que vous confirmez avoir déposé de la
23 manière citée par M. Tieger dans l'affaire Galic ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] En langue serbe, j'ai utilisé le terme
25 "konstitutivni narod", c'est-à-dire peuple constitutif. Maintenant, la
26 manière dont ceci a été interprété en anglais, ce n'était pas moi parce que
27 je ne suis ni un interprète ni un traducteur, et je ne traduis pas mes
28 propres textes.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends maintenant votre réponse.
2 Veuillez continuer, Monsieur Tieger.
3 M. TIEGER : [interprétation]
4 Q. Monsieur le Professeur, à la page 13, et pour faciliter tout cela --
5 R. [aucune interprétation]
6 Q. [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et j'ai une question à l'attention des
8 interprètes. Est-ce que l'on peut télécharger la version en B/C/S ? Si l'on
9 traduit le terme anglais "peuple constitutif" ou "nation constitutif", est-
10 ce qu'on utilise les mêmes termes ou est-ce qu'on a un terme différent ?
11 L'INTERPRÈTE : Réponse de la cabine anglaise : Tout cela dépend. Il y a une
12 expression qui est "konstitutivni narod", qui est, en fait, l'expression la
13 plus proche "de peuple constitutif."
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais en rester là. Nous pourrons
15 reprendre cela si nécessaire, mais passons à autre chose.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si vous me le permettez, vous pourriez demander
17 aux interprètes comment on interprète le terme "drzavotvorni."
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez parler de cela dans vos
19 questions supplémentaires.
20 Continuons.
21 M. TIEGER : [interprétation]
22 Q. Professeur, il s'agit d'une référence à l'extrait suivant du rapport du
23 Dr Donia du 28 mars, l'assemblée de la République de Serbie. Ceci,
24 brièvement après votre première référence aux origines de la Republika
25 Srpska. La page 5 de ce rapport. Je vois que vous avez ceci. Et là, vous
26 critiquez le Dr Donia, qui utilise des sources non fiables et ensuite, à la
27 fin de cette critique de ce qu'a fait Dr Donia, qui pensait que la citation
28 d'un publiciste était vraie ou véridique, vous mentionnez un publiciste qui
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1 est cité au début de ce passage par le Dr Donia et il est mentionné un
2 certain Cohen. Il s'agirait probablement du Pr Leonard J. Cohen qui parle
3 "Un serpent au sein des Serbes." Est-ce que vous connaissez la carrière de
4 M. Cohen et ce qu'il a publié ?
5 R. Je ne connais pas la carrière de ce monsieur très bien, mais c'est un
6 nom de famille assez commun. Ça se prononce Cohen. C'est un nom juif. J'ai
7 un collègue, un ami qui porte le même nom.
8 Q. Vous ne contestez pas que le Pr Cohen est co-fondateur de l'école pour
9 les études internationales de l'Université Simon Fraser ? Il est professeur
10 émérite depuis 2009 et il a publié de nombreux écrits, y compris deux
11 livres qui ont reçu une bonne critique.
12 R. Bien sûr, je ne conteste pas cela, mais est-ce que cela ne semble pas
13 habituel que quelqu'un qui établit un rapport sur les circonstances du
14 territoire de l'ex-Yougoslavie étudie tous les documents constitutionnels,
15 si ce n'est tous les instruments normatifs ? Par conséquent, c'était
16 simplement logique que le Pr Donia, qui maîtrise bien la langue serbe - je
17 ne sais pas ce qu'il en est de ce M. Cohen - il semblait logique que le Dr
18 Donia ait étudié les amendements de la constitution et puisse tirer les
19 conclusions sur la base de cette étude, comme moi je l'ai fait.
20 Q. A la page 19 de votre rapport, et là, c'est la section 3 de votre
21 rapport, où l'on peut lire : Dissimuler ou de ne pas révéler des faits
22 importants, et c'est une partie qui fait référence à la page 9 du rapport
23 du Dr Donia qui parle donc des "dirigeants bosno-serbes et du siège de
24 Sarajevo." Ceci aborde une partie du rapport du Dr Donia et il est
25 mentionné que :
26 "Ces municipalités avaient un pourcentage assez élevé de Yougoslaves : 16,4
27 % à Centar, 15,9 % à Novo Sarajevo et 11,4 % à Novi Grad."
28 Et en fait, il fournit une explication en disant que les raisons pour
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1 lesquelles, soi-disant, les personnes ne se seraient pas déclarées
2 Yougoslaves et ce que vous avancez, à savoir que les Serbes étaient des
3 Yougoslaves et qu'aucun Croate ou aucun Slovène ne se serait recensé comme
4 étant un Yougoslave. A cet égard, je souhaiterais vous poser une question.
5 J'aimerais savoir : est-ce qu'il est vrai que comme durant la guerre en
6 1994, si l'on revient à cette période, durant cette période, est-il vrai
7 que les Musulmans avaient tendance à considérer les Yougoslaves comme des
8 Musulmans, que les Croates considéraient les Yougoslaves comme des Croates,
9 et vous avez mentionné que les Serbes considéraient les Yougoslaves comme
10 étant des Serbes ? Est-ce que ceci est un reflet exact de la situation ?
11 R. Je ne vous ai pas complètement compris. Est-ce que vous voulez dire que
12 j'ai dit que les Musulmans étaient des Musulmans, les Croates étaient des
13 Croates, et que les Serbes se déclaraient Yougoslaves ? C'est ce que vous
14 voulez dire ?
15 Q. Tout d'abord, j'ai attiré votre attention sur cette partie de votre
16 rapport que j'aborde et votre position à ce sujet a été abordée. De manière
17 plus générale, je vous ai demandé si vous pensiez qu'il était exact
18 d'avancer que les Musulmans avaient tendance à considérer les Yougoslaves
19 comme des Musulmans, que les Croates considéraient les Yougoslaves comme
20 étant des Croates, et vous avez déjà mentionné que d'après vous, vous
21 considérez les Serbes, ou, plutôt les Yougoslaves, comme étant des Serbes.
22 R. Malheureusement, votre question n'est pas bien rédigée. Lorsqu'on parle
23 de citoyenneté, tous les citoyens de Yougoslavie étaient des Yougoslaves,
24 parce qu'ils étaient citoyens yougoslaves --
25 Q. J'espère qu'il était clair d'après le contexte que ce n'était pas une
26 question de nationalité, mais c'est de la manière dont les personnes se
27 considéraient. Vous avez mentionné ceci dans votre rapport, à savoir que
28 les personnes qui se déclaraient Yougoslaves étaient des Serbes, et moi je
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1 vous demande si en fait les Musulmans n'avaient pas tendance à également se
2 considérer comme Yougoslaves et les Croates avaient tendance à penser
3 qu'ils étaient également des Croates.
4 R. Ejup Ganic, un Musulman, s'est déclaré yougoslave pour gagner les
5 élections à la présidence, et ensuite il s'est avéré comme étant un
6 participant ordinaire mais également un participant très actif dans tout ce
7 qui s'est passé durant la guerre. C'était le membre de la cellule de Crise.
8 C'est lui qui a été soupçonné d'avoir donné l'ordre d'une attaque contre un
9 convoi de la JNA --
10 Q. Je ne pense pas que ceci puisse être décrit comme une tentative de
11 répondre à ma question plutôt qu'une tentative de reprendre quelque chose
12 que vous avez déjà abordé à plusieurs reprises dans votre rapport. Si vous
13 ne pouvez pas répondre à ma question, ce n'est pas un problème; si vous le
14 pouvez, faites-le. Je vous ai déjà posé la question deux fois, je pense
15 qu'elle est suffisamment claire.
16 R. Vous ne connaissez pas vraiment la situation dans l'ex-Yougoslavie. Je
17 peux vous dire, par exemple, que les Slovènes ont toujours été des Slovènes
18 --
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous prie de m'excuser de vous
20 interrompre, mais le fait que M. Tieger le sache ou pas, vous pouvez
21 répondre oui ou non à cette question, et vous pouvez expliquer. Veuillez
22 vous concentrer sur les questions et essayer d'y répondre.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Selon moi, les Yougoslaves étaient en plus
24 grande partie des Serbes et il y avait également des personnes de mariages
25 mixtes qui se déclaraient également Yougoslaves. C'est ma réponse.
26 M. TIEGER : [interprétation]
27 Q. Ce n'est pas vraiment une réponse à ma question, je vous ai demandé si
28 dans l'esprit des Musulmans, les Musulmans n'étaient pas des Yougoslaves,
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1 et que dans l'esprit des Croates, les Croates n'étaient pas des Yougoslaves
2 également. C'était ma question. Si vous ne pouvez pas répondre à cette
3 question, très bien --
4 R. Pour être honnête, je ne sais pas, mais je suis presque certain que les
5 Croates et les Musulmans savaient que ceux qui se déclaraient Yougoslaves
6 étaient quasiment sans exception des Serbes. Ils le savaient, parce que je
7 connais la situation là-bas, contrairement à vous.
8 Q. Je vous posais cette question parce que nous avons reçu des éléments de
9 preuve, à savoir que c'est exactement ce que le Dr Karadzic a dit en 1994
10 aux membres de l'assemblée bosno-serbe. Et on trouve ceci à la pièce P1385,
11 page 114 dans la version anglaise, et pour la page en B/C/S, c'est la page
12 84 à 85. Je vais passer à un autre sujet, quelque chose que vous avez
13 abordé durant votre interrogatoire principal. C'était une explication
14 concernant votre rôle dans l'établissement d'un comité pour établir la
15 vérité sur le Dr Karadzic. J'aimerais qu'on affiche le document de la liste
16 65 ter 24933. Cet article de "Glas Javnosti" porte sur la création à la mi-
17 novembre 2001 du comité international pour la vérité sur Radovan Karadzic
18 et qui décrit les membres, et cetera. On parle ici du même comité que vous
19 avez abordé dans votre interrogatoire principal, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Et il y a différentes descriptions de la mission ou de l'objectif de ce
22 comité et des positions des différents participants de ce comité concernant
23 le Dr Karadzic. Et on vous cite ici alors que vous expliquez que le Dr
24 Karadzic est le chantre de la liberté serbe, le créateur de la Republika
25 Srpska et le grand chevalier qui ne se rendra pas. Ceci reflète bien votre
26 position à l'époque concernant le Dr Karadzic, n'est-ce pas ?
27 R. Oui, probablement. Je ne me souviens pas des détails, mais je pense que
28 c'est probablement ce que j'ai dit.
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1 M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais verser ce document au dossier,
2 Monsieur le Président.
3 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] P6289.
6 M. TIEGER : [interprétation]
7 Q. En plus de vos activités pour le compte du comité pour la vérité sur
8 Radovan Karadzic, vous avez également officié en tant que membre de
9 l'équipe de la Défense en tant que bénévole, c'est-à-dire que vous n'avez
10 pas été payé pour cela, n'est-ce pas ?
11 R. C'est exact.
12 M. TIEGER : [interprétation] Et j'aimerais que l'on affiche le document de
13 la liste 65 ter 40614A.
14 Q. Il s'agit d'une vidéo -- une transcription, en fait, d'une émission
15 télévisée de la chaîne Kopernikus. On peut bien sûr visionner la vidéo,
16 mais nous avons également la transcription qui nous a été fournie. Et on
17 peut voir dans une partie de cette transcription que vous confirmez avoir
18 travaillé au sein de l'équipe de la Défense. Et c'est la partie de la vidéo
19 qui à l'horodateur -- va de 48.46 à 49.53. Et je suis tout à fait disposé à
20 faire visionner cette vidéo si c'est nécessaire et si cela est plus facile.
21 R. Non, non, je vois tout ce qui est nécessaire. Pas de problème.
22 Q. Très bien. Je ne vais pas passer à autre chose, parce que je voudrais
23 vous poser une autre question sur quelque chose d'autre que vous avez dit
24 durant votre déposition. Vous avez parlé de ce que vous appelez les
25 analyses des activités du Tribunal. Et dans cette même émission télévisée,
26 vous avez parlé de certains aspects des activités de ce Tribunal, et
27 notamment vous avez parlé de ce que touchaient les avocats de la Défense et
28 vous avez parlé de ce que cela signifiait selon vous, quels étaient les
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1 objectifs et les effets, et vous l'avez fait tout particulièrement dans le
2 contexte de l'avocat Vujin.
3 M. ROBINSON : [interprétation] J'ai une objection au niveau de la
4 pertinence.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
7 M. TIEGER : [interprétation] Il faut se garder à l'esprit que l'accusé a
8 posé des questions concernant l'analyse de ce témoin et des publications de
9 ce témoin concernant le Tribunal, probablement pour essayer de renforcer sa
10 crédibilité. Et je pense que la moindre des choses, c'est que je puisse
11 revenir sur ce que ce monsieur a dit.
12 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que l'on
13 mélange certaines choses, ici. Tout d'abord, le fait qu'il travaillait
14 gratuitement pour l'équipe de la Défense, ceci est pertinent. Mais pour ce
15 qui est de ses plaintes concernant les paiements à la Défense, aux équipes
16 de la Défense, cela ne semble pas du tout pertinent et n'a pas vraiment
17 quoi que ce soit à voir avec la crédibilité ni avec les aspects mentionnés
18 dans l'acte d'accusation, et c'est le propos de mon objection.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger, allez-y.
20 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que ceci devrait être clair, à savoir
21 que ce qui est avancé ici est inexact. Ou en fait, ceci est inexact dans la
22 mesure que c'est tout à fait pertinent au titre de la déposition de ce
23 témoin, notamment parce que je ne suis pas surpris que Me Robinson essaie
24 d'éviter que l'on se penche plus avant sur la question, mais c'est tout à
25 fait pertinent.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me permettez
27 de répondre. Au moment où ces déclarations ont été faites, le président
28 avait en fait eu des échanges à quatre reprises avec le Greffe sur le
Page 37118
1 financement de l'équipe de la Défense, donc il y a beaucoup d'éléments qui
2 sont abordés ici. Le président a en fait jugé que nous n'avions pas eu
3 suffisamment de financement à quatre reprises, donc je ne vois pas comment
4 ceci peut avoir des conséquences sur la crédibilité ou si ceci peut être
5 pertinent. Il s'agit de questions marginales qui, jusqu'à présent, nous ne
6 pensions pas devaient être nécessairement abordées dans le procès, à moins
7 que ce soit nous qui les abordions.
8 M. TIEGER : [interprétation] Ce n'est pas lié au financement de cette
9 équipe de la Défense, c'est peut-être la nature du malentendu.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre est d'accord avec M. Tieger.
12 Nous allons permettre à M. Tieger de poser sa question.
13 M. TIEGER : [interprétation]
14 Q. Professeur, par rapport à cette question, vous avez dit - c'est la
15 troisième page dans le prétoire électronique dans cette pièce à conviction
16 - vous avez expliqué qu'il s'agissait de l'emploi d'une expression, d'un
17 dicton, c'est-à-dire : qui vous donne de l'argent, c'est lui qui vous
18 respectez. Il y avait des juristes, des avocats, qui ont enfreint ces
19 limites. M. Vujin, par exemple, a été cruellement puni pour avoir fait cela
20 puisqu'il voulait poser des questions concernant ces démarches, et vous
21 avez utilisé cela comme étant un exemple pour corroborer votre position que
22 les avocats ne peuvent pas travailler de façon correcte devant ce Tribunal.
23 Votre position était comme suit : les avocats sont payés, sont rémunérés,
24 de façon à ce qu'on puisse les contrôler dans leur travail, et qui que ce
25 soit qui aurait enfreint ces limites avait été cruellement puni.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Je ne
27 comprends pas comment cela pourrait être pertinent et concernait la
28 crédibilité du témoin. Si quelqu'un est critique pour ce qui est de cette
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1 institution, ou si le jury aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne entend
2 quelque chose qui concerne leur crédibilité, je ne pense pas que cela soit
3 pertinent pour votre évaluation de la fiabilité et de la pertinence de la
4 déposition du Pr Cavoski.
5 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je serais bref. Je n'ai
6 pas eu l'intention de parler ici de beaucoup de critiques de ce témoin sur
7 le compte de ce Tribunal, et à mon avis, ça n'a aucun sens. Ici, il s'agit
8 de la présentation erronée des faits. M. Vujin a été condamné puisqu'il a
9 fait faux témoignage, puisqu'il a manipulé les témoins, au détriment de son
10 propre client. C'est pour cela que je dis que lorsque le Pr Cavoski fait
11 cela, il présente de façon erronée les faits de façon publique, ayant une
12 fin concrète, et cela influe sur la crédibilité du témoin.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, la Chambre ne voit
15 aucune raison pour laquelle elle devrait changer sa position.
16 Vous souvenez-vous de la question, Monsieur Cavoski, ou devrai-je
17 demander à M. Tieger de la répéter ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens de la question de M.
19 Tieger. Ce n'est pas la première fois que mon point de critique envers ce
20 Tribunal est remis en cause. J'ai fait publier deux ouvrages là-dessus. M.
21 le Procureur peut avoir accès à ces deux ouvrages concernant de l'équipe de
22 la Défense devant ce Tribunal. A partir du début du procès, j'ai considéré
23 qu'il n'y avait pas de l'égalité des armes concernant les moyens qui sont à
24 la disposition de la Défense et de l'Accusation.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Cavoski, cela n'a
26 rien à voir avec la critique générale sur le compte de ce Tribunal. Je vais
27 demander à M. Tieger de vous poser une question concrète.
28 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
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1 M. TIEGER : [interprétation]
2 Q. Excusez-moi. D'abord, j'aimerais d'abord qu'on confirme que c'est ce
3 que vous avez dit par rapport à la pratique, n'est-ce pas ? C'est ce que
4 vous avez dit. Cela reflète exactement vos propos.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. Entendons la réponse
6 du témoin. Attendez à ce que l'interprétation soit finie.
7 Continuez.
8 M. TIEGER : [interprétation]
9 Q. Et il est vrai, n'est-ce pas, Professeur Cavoski, que M. Vujin a été
10 sanctionné, et ce n'était pas parce qu'il a outrepassé les limites, étant
11 donné qu'il était agressif au nom de son client, mais parce qu'il a fait un
12 faux témoignage. Il a manipulé les témoins, et c'était contre l'intérêt de
13 son client. Dans d'autres termes, il a été condamné pour outrage au
14 Tribunal. C'est pour cela qu'il a été sanctionné. C'est le contraire de ce
15 que vous avez dit dans cet entretien à la TV Kopernikus.
16 R. Je serais clair dans ma réponse. J'ai dit cela en s'appuyant sur ce que
17 M. Vujin m'a dit, puisque j'ai coopéré avec lui lorsqu'il fallait
18 participer à la Défense de Stanislav Galic. Ce que j'ai dit se base sur sa
19 déclaration. Je n'ai jamais vu cette décision du Tribunal, mais je sais
20 très bien quel était le destin de Dusko Tadic, qui était policier de
21 réserve insignifiant. Son procès était le premier procès devant ce
22 Tribunal, et cela a eu une incidence sur d'autres avocats. Je le sais,
23 puisque j'ai parlé avec beaucoup d'entre eux, et c'était quelque chose que
24 j'ai appris dans le bureau de l'avocat Vujin. Donc, il ne pouvait être pas
25 le premier avocat dans l'affaire Stanislav Galic, mais c'était sa collègue
26 Filipovic qui était l'avocat principal. Mais lui, il préparait les
27 dossiers, les documents, et cetera. Il m'engageait pour écrire ce rapport.
28 Voilà ce que j'ai pu observer. Il m'a donné un texte d'à peu près 300
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1 pages, et il s'agissait du rapport de James Gow, historien, qui à l'époque
2 était comme Donia. Mais par rapport à d'autres historiens, il a parlé des
3 événements historiques à partir du règne du tsar Dusan et de la bataille au
4 Kosovo. Sur la base de son rapport, le Tribunal a voulu que cela soit
5 considéré comme étant chose déjà jugée et que j'examine cela pour l'affaire
6 Galic. J'ai écrit une critique générale pour dire que non seulement il ne
7 connaissait pas l'histoire, mais il était malveillant. J'ai dit que je
8 n'étais pas compétent pour toutes les périodes de l'histoire. J'ai engagé
9 Rados Ljusic, professeur éminent de l'histoire nationale à la faculté de
10 philosophie, et Mirjana Stefanovski, ma collègue, qui enseigne l'histoire
11 du droit. Ils m'ont aidé à écrire le rapport. Je lui ai demandé
12 d'introduire le rapport en anglais et de soumettre le rapport au Tribunal.
13 Lorsque je lui ai demandé ce qu'il avait envoyé au Tribunal, j'ai appris
14 qu'il ne s'agissait pas de la traduction de ce que j'avais écrit.
15 Q. Oui, Professeur. Oui, Professeur --
16 R. Il ne devait pas envoyer cela plus tard. J'ai fait publier cela comme
17 étant un ouvrage en serbe : "Le jugement de l'histoire à La Haye", et cet
18 ouvrage est arrivé au Tribunal. Plus jamais à l'avenir cet historien n'a
19 été engagé, James Gow, après cette critique qui était la mienne.
20 Q. Je vais laisser à la Chambre de rendre une décision là-dessus.
21 J'aimerais vous poser des questions concernant vos activités au sein du
22 comité --
23 M. TIEGER : [interprétation] Et j'aimerais que le dernier document soit
24 versé au dossier, Monsieur le Président, qui porte le numéro 65 ter 40614A.
25 M. ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection pour ce qui est
26 du versement des pages 1 et 3, puisque ces pages ont été montrées au
27 témoin.
28 M. TIEGER : [interprétation] Très bien.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. Vous ne voulez pas que
2 l'enregistrement vidéo soit versé au dossier ?
3 M. TIEGER : [interprétation] Oui, j'aimerais que cela soit versé au
4 dossier.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des objections à ce versement
6 ?
7 M. ROBINSON : [interprétation] Les parties qui n'ont pas été montrées au
8 témoin ne devraient pas être versées au dossier. Selon notre pratique, il
9 faut verser au dossier seulement les parties montrées, et on lui a demandé
10 uniquement de commenter les pages 1 et 3, et nous considérons que seulement
11 ces pages devraient être versées au dossier. Mais si M. Tieger présente
12 deux autres vidéos, nous serions d'accord que cela soit versé au dossier
13 après que le témoin ait eu la possibilité de les commenter.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas-là, les pages 1 et 3 seront
15 versées au dossier.
16 M. TIEGER : [interprétation] Je ne suis pas certain que cela a été le cas
17 quand il s'agissait des documents aussi courts. Il s'agit de quatre pages.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser au dossier deux pages
19 en question.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que P6290.
21 M. TIEGER : [interprétation]
22 Q. J'aimerais vous poser d'autres questions concernant vos activités au
23 sein de ce comité ou de ce conseil, et si je vous ai bien compris, vous
24 avez dit que vous avez rassemblé le document qui avait été signé, les
25 ordonnances, les entretiens, et cetera. Vous avez rassemblé ces documents
26 et vous avez reproduit de divers autres documents. Eu égard au
27 rassemblement de ces documents, étiez-vous en contact avec M. Karadzic pour
28 le faire ?
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1 R. Je ne me souviens pas exactement, mais je pense qu'en fin de l'année
2 1996 et au début de l'année 1997, M. Radovan Karadzic a disparu et on ne
3 pouvait avoir aucun contact avec lui. Mais moi, j'étais en contact avec son
4 frère et avec la fille de son frère. De son frère, Luka Karadzic, qui vit à
5 Belgrade, je recevais ces documents. Ensuite, sa fille, Radmila, une fille
6 gentille, a saisi ces documents dans l'ordinateur. Je recevais des textes
7 imprimés, et je les révisais et relus. Je donnais certains textes aux
8 traducteurs pour qu'ils les traduisent en anglais. Et j'ai essayé moi-même,
9 dans la mesure de mes connaissances de l'anglais, que les traductions en
10 anglais soient correctes et compréhensibles. Tant de ces textes ont été
11 principalement obtenus de Luka Karadzic.
12 Q. J'aimerais vous montrer un autre document et vous poser une question
13 par rapport à ce document.
14 M. TIEGER : [interprétation] C'est le document 65 ter 24910A.
15 Q. C'est la lettre du 1er octobre 2001, la lettre que le Dr Karadzic a
16 envoyée à Miroslav Toholj, et cette lettre figure dans le livre de Toholj :
17 "Correspondance avec Radovan Karadzic", et cela a été publié après
18 l'arrestation de M. Karadzic. Il s'agit des lettres de 1996 à 2004. Peut-on
19 afficher la page 2 dans la version en anglais, et la page 2 également dans
20 la version en serbe. Le Dr Karadzic écrit :
21 "Je suis content de voir que les documents pour le site Web s'accumulent.
22 Le nombre de pages agrandit. J'ai également écrit à Kosta pour lui exprimer
23 ma gratitude d'avoir accepté le travail au sein du comité et pour ses
24 commentaires. Je crois qu'il peut examiner d'autres documents pour les
25 commenter également".
26 Page 3 en anglais, et je crois que c'est toujours en page 3 dans la version
27 en serbe, il y a une autre référence :
28 "Je crois que Kosta et Jovan Herceg Novi et toi-même, vous allez évaluer
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1 cela de façon correcte, et peut-être les rassembler de façon différente,
2 puisque Ljiljana a fait cela selon un ordre chronologique…"
3 En page suivante en version en anglais, et en page suivante dans la version
4 en serbe, on peut lire comme suit, il s'agit d'imprimer des poèmes pour
5 enfants :
6 "Peut-être qu'il y aura la place pour des poèmes que j'ai appelés,
7 'pensée chrétienne' que je reçois souvent de Kosta".
8 Votre nom est mentionné dans cette partie, n'est-ce pas, Monsieur ?
9 R. Oui.
10 Q. Peut-on maintenant revenir à la page 2, dans la version en anglais.
11 C'est la même page, la page 2, dans la version en serbe. Nous pouvons y
12 lire la description des documents joints qui sont mentionnés dans des
13 références précédentes. On voit ici, je cite :
14 "Je t'envoie des disques que Ljiljana a rassemblés. Sur les disques que je
15 t'envois, j'ai fait disparaître tout ce que je pensais qui ne devait pas y
16 figurer, mais peut-être qu'il y aurait besoin d'autres expurgations. Je
17 crois que tu vas examiner tous les rapports et en décider toi-même".
18 Ensuite, ça continue quelques lignes plus loin, après la référence
19 d'entretiens et de discours. Il dit :
20 "Bien sûr, je n'ai pas mentionné nos déshonneurs, mais je pense que
21 certains de ces déshonneurs sont sur un niveau acceptable et devaient être
22 publiés. Je me gardais en particulier de ne pas compromettre qui que ce
23 soit ou de ne pas laisser penser qu'on jette des pièces sur Slobodan et sur
24 son premier ministre".
25 Ensuite, il fait référence à des lettres ouvertes envoyées à lui, et
26 cetera, que cela a été publié, qu'il n'y a rien à dissimuler, et ensuite
27 continue à parler des références que j'avais déjà mentionnées, à savoir que
28 vous et Kosta, vous allez évaluer cela de façon appropriée et les assembler
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1 différemment. Cela reflète le rôle du Dr Karadzic concernant ces documents
2 qui ont été fournis pour publier des documents qui étaient censés
3 acceptables, et pour éliminer tous les documents qu'il considérait comme
4 des documents qui ne devaient pas être publiés, n'est-ce pas ?
5 R. Je dois dire que je n'ai absolument aucune idée de ce que était le rôle
6 de Miroslav Toholj dans tout cela. J'ai reçu les documents, comme je l'ai
7 dit, principalement de la part de Luka Karadzic, et avec Radmila, la fille
8 de Radovan Karadzic, j'ai donc fait des révisions. Il y a eu quelques amis
9 de M. Karadzic qui sont d'excellents auteurs ou écrivains et qui
10 connaissent fort bien la langue, qui m'ont aidé à faire des corrections,
11 car mes connaissances ne sont pas sans faille dans le domaine des langues.
12 Donc ils m'ont aidé pour faire de mon mieux. M. Karadzic ne m'a pas donné
13 ces documents. Je ne sais pas comment ils me sont pas arrivés. J'ai des
14 photocopies des documents avec des en-têtes et des signatures appropriées,
15 et j'ai saisi ces documents dans six volumes de collection de ses actes
16 politiques. On a des photocopies. Je n'ai reçu aucune disquette. Ce que je
17 sais, qui se trouvait sur disquette, ce que j'ai vu par la suite, c'est à
18 l'exposition des livres, c'était le livre qui a été par la suite transcrit
19 par Toholj. Je sais qu'il s'agissait de lettres de la période où il était
20 fugitif caché. J'ai reçu certaines de ces lettres, mais c'était il y a
21 tellement longtemps, tant de temps s'est écoulé depuis lors que lorsque
22 j'ai remis les lettres à sa fille pour qu'elle les lui remette par quelque
23 moyen, j'ai reçu les réponses un an plus tard. Ce n'était donc plus
24 pertinent après qu'un laps de temps aussi long se soit écoulé. Il ne se
25 servait pas d'ordinateur pour sa rédaction, puisque ceci aurait pu être
26 intercepté, donc il rédigeait des lettres rarement. Il envoyait des lettres
27 à Smilja Avramov. Je sais que de temps à autre, il envoyait des lettres. Et
28 peut-être qu'il était en contact avec d'autres. Tout ce que je sais, c'est
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1 que j'ai reçu un certain nombre de lettres sans lui -- mais avec Luka
2 Karadzic et avec la fille de Radovan Karadzic, j'ai synthétisé ces
3 documents, je les ai donnés pour traduction, et ensuite je me suis chargé
4 de la révision des six volumes de documents.
5 Q. Votre déposition, Professeur -- ni M. Toholj, ni qui que ce soit
6 d'autre associé au bureau de publication ou en contact avec M. Karadzic
7 dans cette affaire n'ont transmis un encouragement pour passer en revue ces
8 documents de façon appropriée comme cela avait déjà été fait ?
9 R. Non, non, absolument pas. Je peux l'affirmer. J'ai été celui qui a été
10 chargé de la révision, ce qui serait publié ou pas. Je sais comment
11 travaillent les historiens. Il faut soit écarter tout ou le mettre. Mais
12 tout doit être publié. Je n'ai pas pris part à la sélection des documents.
13 Q. Très bien.
14 M. TIEGER : [interprétation] Je verse ce document, Monsieur le Président.
15 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous recevons ce document.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P6291.
18 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois que le
19 temps qui m'était imparti vient de s'écouler et je remercie les Juges de la
20 Chambre de leur patience si j'ai dépassé ce laps de temps. Cela conclut
21 donc mon contre-interrogatoire.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
23 Monsieur Karadzic, avez-vous des questions supplémentaires ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je ne crois pas que
25 j'en ai beaucoup. Je crois que nous allons parachever la déposition du
26 témoin aujourd'hui.
27 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :
28 Q. [interprétation] Commençons par les choses les plus récentes,
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1 Professeur. Lorsque vous avez eu la possibilité de m'envoyer un livre ou un
2 magazine, comment le faisiez-vous ? A qui le remettiez-vous ?
3 R. Je le remettais à Pale, Sarajevo orientale. Votre épouse et votre fille
4 y habitent dans deux appartements séparés, donc j'ai fait de mon mieux pour
5 autant que je le pouvais - peut-être pas tous les mois mais assez
6 fréquemment - pour rédiger quelque chose et vous envoyer le magazine nommé
7 "Pensée chrétienne." Moi-même, j'y publiais des articles, donc je pensais
8 que ça serait intéressant pour vous. Plusieurs fois avec de longs différés,
9 vous me renvoyiez quelque chose en me disant qu'il n'était pas facile de
10 procéder ainsi. Mais c'est arrivé très rarement, deux ou trois fois au
11 plus.
12 Q. Etait-il possible que j'envoie quelque chose et que vous ne l'ayez pas
13 reçu ?
14 R. Oui, bien sûr, c'est possible. Mais je l'ignore. Je ne saurais dire si
15 ça a été le cas ou pas.
16 Q. Lorsque l'on parle des Yougoslaves, êtes-vous en mesure de nous dire
17 quand, selon vous et selon vos connaissances, l'effondrement et le
18 démantèlement de la Yougoslavie a commencé ?
19 R. Puisque j'ai également étudié le droit constitutionnel et je me suis un
20 peu préoccupé de l'histoire, la raison principale de la fédéralisation de
21 l'état a commencé en 1983 lors de la session d'Avnoj, puis en 1946. La
22 plupart des historiens ont la même opinion que la mienne, avec lesquels je
23 me suis entretenu, mais quand c'est devenu réellement grave, c'était
24 l'élection multipartite, qui n'était pas au niveau fédéral mais au niveau
25 des républiques. La direction en Slovénie, qui était communiste à l'époque,
26 et en Croatie, a empêché l'adoption d'une loi électorale fédérale qui
27 garantirait des élections multipartite. La loi n'a jamais été adoptée, ce
28 qui fait que les élections multipartites ne se sont jamais tenues. Elles se
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1 sont tenues pour la première fois, je crois, en Slovénie, puis en Croatie
2 ou peut-être l'inverse, et puis bien plus tard en Serbie et en Bosnie-
3 Herzégovine. Sauf que pour la Serbie, partout ailleurs, les partis ont
4 remporté des victoires. C'était les partis qui avaient une orientation
5 nettement nationaliste, ou comme M. Treanor le dirait, ils avaient une
6 orientation nationaliste. Les organes fédéraux n'étaient pas formés, le
7 mandat de l'assemblée nationale était venu à expiration même s'il avait été
8 prolongé par deux fois. C'était donc un mandat de six ans. Le gouvernement
9 qui avait un Croate à titre de premier ministre, son mandat également était
10 venu à expiration, donc la seule chose qui restait c'était la présidence,
11 qui se composait d'hommes politiques des républiques, et bien sûr, c'était
12 là la voie de la destruction, ce qui a été, je crois, fait de façon
13 délibérée.
14 Q. Merci. Les élections se sont tenues en 1990, c'est exact ?
15 R. Oui.
16 Q. Pourriez-vous nous dire, au vu de ce qui vient de précéder, quelle
17 était l'attitude quant à l'appartenance yougoslave lors du recensement de
18 1991 ? Etait-ce prisé que d'être Yougoslave pour les Croates et les autres
19 ?
20 R. Je dois dire, je ne sais pas, je ne connais pas ces données, car c'est
21 quelque chose que je n'ai pas étudié, mais j'ai bien peur que lorsque l'on
22 parle des Croates, il ne leur est même pas venu à l'esprit de se déclarer
23 comme étant Yougoslave, parce que ça n'a pas été le cas jusque-là, et les
24 Musulmans non plus, d'ailleurs. Mais je n'ai pas les données.
25 Malheureusement, ce n'est que les Serbes, mais ceci exigerait un certain
26 temps et peut-être que ce serait fatiguant pour les tribunaux que
27 d'expliquer la chose. Ils se sont déclarés comme étant des Yougoslaves, car
28 avec la création de la Yougoslavie, qui a été créée en 1980 avec la Serbie
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1 qui s'était introduite dans cette nouvelle Yougoslavie, c'était une
2 identité constitutive d'Etat. Il était facile pour eux d'écarter leur
3 appartenance serbe pour reprendre l'appartenance yougoslave pour créer une
4 identité nationale d'Etat.
5 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure est-ce que M. Donia
6 et M. Treanor ont englobé les grandes régions yougoslaves dans leurs
7 rapports en terme de territoire et de temps ? Jusqu'où sont-ils remontés
8 dans le passé ?
9 R. Je ne saurais le dire au pied levé. Je n'ai pas le rapport devant les
10 yeux, mais ils ne sont pas allés très loin. Ce qui les intéressait, c'était
11 1989, 1990, parfois il y avait digression pour aller remonter un peu plus
12 haut, mais ce n'était pas la règle. La plupart du temps, ils sont partis de
13 1989 et l'étude principale commence à partir de 1990, lorsque les partis
14 politiques de l'opposition ont commencé à se constituer.
15 Q. Merci. Et dans leurs rapports dans cette affaire, est-ce que la Croatie
16 et la Slovénie -- ont-elles été étudiées ? Avez-vous eu la possibilité
17 d'analyser leurs observations dans cette partie du rapport ?
18 R. Pour autant que je me souvienne, la Slovénie était mentionnée de façon
19 superficielle ici et là et il n'y avait pas de débat plus avancé en la
20 matière. Ils ont sans doute estimé que ce n'était pas pertinent. A mon
21 sens, lorsque quelqu'un se présente à titre d'historien, l'on ne peut
22 suivre que les sujets qui sont mentionnés dans l'acte d'accusation. Il faut
23 étudier le contexte qui est plus large et permettre à l'Accusation
24 d'interpréter les choses de façon plus large, mais ils ont préféré s'en
25 tenir à l'acte d'accusation et ils ont présenté des données qui viendraient
26 circonstancier l'acte d'accusation, ce qui est non pas le fait des
27 historiens, mais bien des enquêteurs.
28 Je dois dire à l'Accusation que Patrick Treanor, même s'il n'est pas
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1 historien, a été beaucoup plus scrupuleux que Robert Donia ne l'a été.
2 Q. Merci. Et pourriez-vous nous dire si les événements en Slovénie qui ont
3 porté sur la question de l'Etat de Yougoslavie ont eu une incidence sur les
4 autres en Yougoslavie ?
5 R. Bien sûr. Tout a commencé par la Slovénie. Lorsque les Slovènes ont
6 déclaré des amendements à leur constitution et ont commencé à parler de
7 souveraineté --
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
9 M. TIEGER : [interprétation] Je ne crois pas que ceci émane du contre-
10 interrogatoire, ou tout du moins je ne vois pas en quoi cela émanerait ou
11 découlerait de mon contre-interrogatoire, car mes questions étaient
12 relativement précises.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je peux répondre. M. Tieger a parlé des
14 relations en Croatie et il a parlé de la position du Pr Cavoski et des deux
15 experts en ce qui concerne les événements en Croatie, donc je jette les
16 fondements, ici, de la question de la nation-état. Et si vous me donnez
17 quelques temps, je pourrai développer cette série de questions et peut-être
18 verrez vous alors quelle est la relation.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et je fais un suivi --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons vous autoriser à
22 poser la question, mais si vous voulez bien ne pas procéder de façon
23 directive.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
25 M. KARADZIC : [interprétation]
26 Q. Vous avez commencé à expliquer la différence quant aux positions ou aux
27 qualifications des Serbes, des Serbes en Croatie et des Serbes en Bosnie-
28 Herzégovine. Avant cela, pourriez-vous nous dire ce que "constituent" veut
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1 dire en anglais, ou une circonscription ? Est-ce que cela aborde
2 suffisamment les droits collectifs ?
3 R. Le terme "konstituanta" existe en serbe. C'est une assemblée qui
4 constitue un pays où la constitution est adoptée, "konstituanta." C'est
5 pour cela qu'on utilise un terme étranger, "constituency", pour parler de
6 la constitution d'un Etat. Il vaudrait mieux utiliser le terme serbe.
7 Quelle est la différence entre les Serbes en Croatie et en Bosnie-
8 Herzégovine ? La Bosnie et l'Herzégovine, ça n'était pas contesté qu'il y
9 ait bien trois populations. Les Musulmans ne peuvent contester cela aux
10 Serbes ni vice versa et les Croates, pareil, mais le problème, c'est que
11 les Serbes en Croatie, ils étaient 12,5 % et donc les Croates voulaient et
12 ont réussi à les repousser à une minorité ethnique et c'est pour cela qu'il
13 est important que Patrick Treanor indique qu'on leur a enlevé leur qualité
14 constituante et donc le statut collectif par rapport aux Croates en tant
15 que collectivité. Parce qu'auparavant, la Croatie était un pays et les
16 Croates et les Serbes existaient également. Après cela, selon la
17 constitution, tout commun Etat des peuples croates et des Serbes, qui
18 étaient une minorité ethnique, à l'instar des Hongrois et d'autres, qui
19 étaient très rares.
20 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire, en prenant l'exemple des Serbes de
21 Bosnie, s'ils étaient une population constituante, à savoir si cette
22 qualité continuerait à exister s'ils étaient mis en minorité sur les
23 questions ayant trait au pays, même moins des deux tiers ?
24 R. Lorsque les populations -- constituantes, une décision prise l'est par
25 accord et ne peut être adoptée sur la base d'une simple majorité, et c'est
26 très important, parce que ce principe est appliqué dans une fédération. Si,
27 par exemple, conformément à la constitution de 1974, c'était non seulement
28 une question de frontières qui était absolument essentielle, mais c'était
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1 également une question d'adoption de législations spécifiques qui reposait
2 sur l'accord de toutes les républiques et des provinces autonomes à titre
3 d'unités constitutives. Une majorité de huit était exigée, et nous avons
4 une expression en serbe - je ne sais pas si cela se traduit en anglais - où
5 l'on a distribué des majorités simples. Lorsqu'il y a eu vote à
6 l'assemblée, ceci a été réparti ou distribué, divisé en conciliabules
7 nationaux. Vous aviez les Croates, les Serbes, les Slovènes et dans chaque
8 conciliabule, vous aviez donc une simple majorité et également une simple
9 majorité générale, et donc l'égalité de tous les peuples était garantie. Il
10 n'y avait pas de mise en minorité. Ce que les Musulmans et les Croates ont
11 tenté de faire, c'était de mettre en minorité des Serbes et c'est ce qui a
12 été fait lors du référendum. Malheureusement, ceci s'est retourné contre
13 les Croates, car Tudjman en a abusé afin d'arriver à l'indépendance de la
14 Croatie, et pour cela, il lui a fallu accepter l'indépendance de la Bosnie-
15 Herzégovine, mais selon les conditions musulmanes et il a forcé les Croates
16 à s'unir aux Musulmans, et donc la qualité constitutive a été contestée. Et
17 lorsque les Serbes ont été mis en minorité, il s'est trouvé que ceci,
18 encore une fois, s'est retourné contre les Croates jusqu'à aujourd'hui. Je
19 l'affirme ici et vous le savez sans doute, que lorsqu'un Croate est élu qui
20 est membre de la présidence de la Bosnie-Herzégovine -- savez-vous quels
21 étaient les votes grâce auxquels il a été élu dans les dernières élections
22 ? Les voix musulmanes. Il a été élu sur la base des voix musulmanes. Et
23 ceci est une décision de la cour de Strasbourg qui exige que d'autres
24 doivent également être candidats --
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Professeur, si vous voulez bien être un
26 petit peu plus simple en répondant à votre question. Je crois que vous avez
27 répondu.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer.
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1 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci. Ralentissez. J'écoute
2 les interprètes qui font un travail extraordinaire, mais vous parlez en
3 galopant et il est très difficile de suivre.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Lorsqu'un Serbe pose une question à un autre
5 Serbe, la langue peut être éventuellement problématique. Je remercie d'ores
6 et déjà les interprètes. Nous allons essayer de ralentir.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. A la page 55, mon collègue M. Tieger vous a déclaré que les Serbes ont
9 exigé d'être reliés à la Serbie. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre
10 si nous avons demandé quoi que ce soit de nouveau ou si c'est quelque chose
11 dont nous disposions d'ores et déjà, et est-ce que nous avions le droit
12 d'avoir cette relation qui existait d'ores et déjà ?
13 R. C'est une erreur tout à fait logique. Je vais demander à présenter aux
14 Juges de la Chambre mes excuses, parce que vous savez, je parle
15 naturellement rapidement et c'est difficile de renoncer à cette habitude,
16 et puis aussi, je suis professeur donc je suis habitué à me lancer dans des
17 harangues assez longues et je vous présente mes excuses pour cela.
18 Les Serbes sont ceux qui ont créé la Yougoslavie en 1918. Pourquoi ? Pour
19 que tous les Serbes puissent rester ensemble. Et il y avait très peu de
20 celles qui sont restées dans les pays voisins. Il s'agissait d'une création
21 qui visait à garder tous les Serbes sous un même toit. Les Serbes ont même
22 accepté au moment de la fédéralisation de la Yougoslavie en 1943 et 1946 de
23 se retrouver distribués au sein de différentes unités fédérales, mais à
24 l'intérieur d'une même fédération. Et puis tout d'un coup, quelqu'un dit :
25 Mais écoutez, ce n'est pas important. Laissez chaque peuple avoir son
26 propre Etat. Alors que cela laissait les Serbes dans plusieurs Etats. Et
27 d'après eux, c'était le problème des Serbes. Donc, les Croates ont ce
28 problème aussi parce qu'il y en a un petit peu en Bosnie-Herzégovine; les
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1 Musulmans parce qu'il y en a un petit peu à Raska, mais les Slovènes n'ont
2 aucun problème. Mais les Serbes avaient un gros problème, parce que mis à
3 part en Slovénie ils étaient présents dans toutes les autres entités
4 fédérales sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Donc, quand on dit les
5 Serbes voulaient se relier à la Serbie, mais ils ont été reliés à la
6 Serbie, seulement quelqu'un a voulu les séparer par la force de la Serbie
7 d'une façon anticonstitutionnelle et illégale.
8 Q. Merci. A la page 49, on a parlé du plan de Cutileiro. Est-ce que ce
9 plan a été signé ou non, est-ce qu'il a été paraphé ? Donc, il s'agit des
10 accords de Lisbonne. Vous avez dit que vous, vous avez compris les choses
11 de façon que du point de vue constitutionnel c'était chose faite,
12 pratiquement finalisée; est-ce exact ?
13 R. Oui.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on voit la pièce D00302.
15 Peut-on agrandir cette page en serbe. Et puis vous pouvez aussi peut-être
16 examiner le texte en anglais sur vos ordinateurs.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Donc là, vous avez une page du journal "Politika" consacrée justement -
19 - et tout en haut, on peut lire : "L'accord des dirigeants du HDZ, du SDA
20 et du SDS de Bosnie-Herzégovine."
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Faites descendre un peu la page. Il ne faut pas
22 la remonter, il faut la faire descendre.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Professeur, est-ce qu'ici on peut lire : "L'accord entre les dirigeants
25 du SDS, SDA et le HDZ de Bosnie-Herzégovine ?"
26 R. Mais justement j'étais en train de vous dire que je dispose de toutes
27 ces coupures de presse, et je me suis servi de cette coupure de presse pour
28 faire mes rapports dans l'affaire Galic, et puis pour écrire mes articles.
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1 Q. Est-ce que la question des principes constitutionnels était élaborée
2 dans ce document ? Ou bien, fallait-il encore travailler là-dessus ?
3 R. D'après ce texte, je suis arrivé à la conclusion que les principes
4 constitutionnels ont fait l'objet d'un accord, que les paraphes ont été
5 apposés et que la seule question qu'il restait à résoudre, c'était la
6 question territoriale.
7 Q. Merci.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourriez-vous maintenant agrandir la partie
9 surlignée du texte.
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Là, vous avez la déclaration d'un haut fonctionnaire du SDA, d'un
12 député à l'assemblée, Irfan Ajanovic, qui dit que les Musulmans sont
13 contents, ils sont même le plus contents de tous parce qu'ils allaient
14 représenter 82 % dans leur unité constitutionnelle. Est-ce que cela voulait
15 dire qu'il allait y avoir des minorités dans chaque unité constitutionnelle
16 ?
17 R. Justement, je l'ai cité, celui-ci, cet auteur Ajanovic. Je l'ai fait à
18 plusieurs reprises, peut-être même dans le rapport d'expert que je fais
19 pour Galic. Et cela montre bien que les Musulmans ont tiré la plus belle
20 part du gâteau. Ensuite, les Serbes et ensuite les Croates, parce que les
21 Croates ne pouvaient pas disposer d'un territoire en continu, parce qu'il y
22 en avait parmi eux qui habitaient en Bosnie en Posavina. Donc ils étaient
23 contents, les Musulmans, et Irfan Ajanovic était le porte-parole. Il était
24 autorisé à faire des déclarations au nom du parti. Lui, et personne
25 d'autre.
26 Q. [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, moi je parle pour
28 moi-même, mais j'ai vraiment du mal à voir de quelle façon ceci m'aide pour
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1 prendre des décisions concernant les points cruciaux dans l'acte
2 d'accusation. Peut-être que mes collègues ne sont pas du même avis, mais je
3 crains fort que j'aie raison.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs les Juges, on est dans le cadre d'un
5 contre-interrogatoire. Je réponds au contre-interrogatoire, et la page 49,
6 M. Tieger avait contesté que ce plan a été accepté, paraphé, signé. Et le
7 Pr Cavoski a cité un article de journal, mais je pense que ceci est très
8 important pour votre jugement. Car si on sait que nous allions faire une
9 minorité, et nous avions accepté cet accord, comment peut-on insinuer que
10 l'on avait planifié les expulsions, le meurtre et le génocide ? Je vais
11 faire référence à cela dans mes plaidoiries, mais pour l'instant je
12 voudrais voir quel est le point de vue du Pr Cavoski. Est-ce quelque chose
13 qui avait été prévu ?
14 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Tout d'abord, il a écrit un rapport
15 bien détaillé et s'il s'agissait de facteurs qu'il fallait prendre en
16 compte, ils auraient dû se trouver dans son rapport. Ensuite, je pense, et
17 je pense que c'est encore plus important, un élément encore plus important,
18 il s'agit là de points qu'il convient d'évoquer dans votre plaidoirie.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
20 M. TIEGER : [interprétation] Et puis de plus, ce n'est pas de cela qu'il
21 s'agissait dans le contre-interrogatoire. Il interprète mal mes propos.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
23 J'ai voulu tout simplement dire qu'Ajanovic avait dit lui-même que
24 les Serbes, si jamais, s'ils refusaient ces plans, ils allaient être
25 vraiment stupides et on allait clairement voir qui était opposé à l'Union
26 européenne; cependant, c'est Ajanovic et son parti qui ont rejeté le projet
27 une semaine plus tard, comme l'a indiqué à juste titre le Pr Cavoski, mais
28 je veux parler d'autre chose.
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1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Donc à la page 47, on vous a posé des questions sur la légitimité des
3 transferts de la population. Vous avez parlé des différentes options. Est-
4 ce que vous pouvez nous dire de quelle façon on a réorganisé les pays
5 scandinaves en 1905 ?
6 R. La Norvège s'est séparée de la Suède en 1905. La langue norvégienne
7 n'est pas la même langue que la langue suédoise. La Suède était un grand
8 pouvoir tout comme le Danemark. Aujourd'hui c'est un facteur culturel, rien
9 d'autre malheureusement. Les citoyens donc avaient le droit de choisir le
10 pays dans lequel ils allaient vivre et la citoyenneté qu'ils allaient
11 avoir, et tout cela s'est fait dans la paix, sans aucun problème majeur.
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. A la page 46 ou 47, l'on vous a demandé si vous saviez que le Pr
14 Koljevic s'est rendu chez le président Tudjman. Savez-vous à quel moment le
15 Pr Koljevic y est allé, s'il y est allé en tant que vice-président de la
16 Republika Srpska, ou bien en tant que membre de la présidence de Bosnie-
17 Herzégovine ?
18 R. En ce qui concerne son statut, il n'a jamais cessé de faire partie de
19 la présidence de Bosnie-Herzégovine. Cette position, il n'aurait pu la
20 perdre qu'à l'occasion des élections qui n'ont pas eu lieu. De sorte que je
21 pense que tous les membres de la présidence d'origine le sont restés et
22 Biljana Plavsic a été remplacée, contrairement à la constitution,
23 professeur Koljevic aussi. Cela étant dit, je ne sais pas à quel moment il
24 est devenu le vice-président de la Republika Srpska. C'est au moment où
25 l'on a modifié la constitution de la Republika Srpska, et c'est à ce
26 moment-là qu'on a introduit donc le poste du président et des deux vice-
27 présidents. Et c'est vrai que le droit constitutionnel est mon domaine de
28 prédilection, mais je ne me souviens pas de ce détail.
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1 Q. Si je vous disais que Franjo Boras était avec lui, qu'il
2 l'accompagnait, il s'agissait donc du membre croate de la présidence de
3 Bosnie-Herzégovine, est-ce que cela vous aide à rafraîchir votre mémoire ?
4 R. Et bien, cela veut dire que cette visite s'est déroulée au moment où
5 ils étaient tous membres de la présidence.
6 Q. Et à la page 46, on vous a demandé si vous saviez que nous avions
7 demandé à avoir certains territoires où les Musulmans représentaient la
8 majorité de la population. Et je vais vous poser la même question que j'ai
9 posée au professeur Donia. Quand vous vous lancez dans les négociations,
10 est-ce que l'on commence en proposant le prix le plus élevé pour céder ou
11 bien est-ce qu'on fait l'inverse ?
12 R. Ecoutez, je n'ai jamais participé aux négociations internationales ou
13 étatiques, mais je sais qu'il existe donc une stratégie de négociation et
14 il est essentiel que l'autre partie n'est pas au courant de votre
15 stratégie. Donc vous demandez toujours plus pour essayer d'obtenir ce qui
16 est satisfaisant tout en ne descendant pas au-dessous d'un minimum. De
17 sorte que tous les négociateurs au début des négociations demandent
18 davantage, bien davantage, et ensuite ils se confrontent les uns les autres
19 avec les incohérences de leurs demandes pour arriver à une solution
20 raisonnable qui va quand même comprendre certains facteurs importants, à
21 savoir au moins une certaine continuité dans le territoire, un partage
22 équitable des minerais et des richesses naturelles et, ce qui est très
23 important en Bosnie-Herzégovine, le partage de l'énergie électrique fait de
24 façon équitable.
25 Q. Est-ce que vous savez si nous avons à aucun moment demandé à avoir le
26 contrôle de certains territoires et si nous avions dit à l'époque que nous
27 allions les conquérir par la force, ou bien est-ce que nous avons toujours
28 prôné la solution de négociation ?
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1 R. Ecoutez, je n'ai jamais remarqué cela. Moi, j'ai toujours suivi la
2 presse. J'étais très intéressé par cela, et je n'ai jamais vu un tel
3 élément d'information.
4 Q. Et puis la troisième question, est-ce que vous pensiez que pour obtenir
5 la paix nous étions même prêts à céder des parties importantes de notre
6 territoire, des parties de territoire que nous contrôlions ?
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
8 M. TIEGER : [interprétation] Et bien, je pense que les Juges savent très
9 bien quelle est la nature de mon objection.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux reformuler.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Est-ce que vous saviez quelle a été notre attitude en ce qui concerne
13 les questions territoriales depuis le début de la guerre ?
14 R. Depuis le début de la guerre, il été indiqué que les parties serbes
15 étaient prêts à faire des concessions territoriales, donc à concéder nos
16 terres aux Musulmans avant tout, mais aussi aux Croates dans une certaine
17 mesure. Cela se sous-entendait, et c'est devenu clair au moment où l'armée
18 de la Republika Srpska tenait 70 % du territoire de Bosnie-Herzégovine,
19 alors que lors des accords de Dayton, seulement 40 % des territoires lui a
20 été donné, avec une ruse, un tour qu'on lui a joué avec les cartes, de
21 sorte qu'on lui a piqué encore de 200 mètres carré de territoire. Mais bon,
22 on va parler de cela une autre fois.
23 Q. En ce qui concerne Sarajevo, la ville même de Sarajevo, est-ce que là
24 nous nous sommes comportés comme des militaires victorieux ou bien est-ce
25 que nous avons cédé certains territoires précieux de la ville ? Mais je
26 vais reformuler ma question. Quelle est la situation à Sarajevo ?
27 M. TIEGER : [interprétation] Et bien, il s'agit d'une objection multiple.
28 Il dirige le témoin, il pose des questions qui dépassent la portée des
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1 questions posées au moment du contre-interrogatoire. Et il continue, il
2 persiste et signe dans ce comportement.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous me dire, Monsieur
4 Karadzic, de quelle façon cela découle du contre-interrogatoire ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] A la page 46, on a dit au professeur Cavoski
6 qu'il ne savait peut-être pas que moi j'ai demandé à avoir beaucoup de
7 territoires, même le contrôle sur les territoires qui étaient habités par
8 la population musulmane à majorité. Donc j'ai voulu vérifier avec lui ce
9 qu'il sait sur le contrôle du territoire. C'est M. Tieger qui a commencé en
10 posant cette question en premier.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et quel rapport avec Sarajevo ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, c'est justement à Sarajevo que nous
13 avons cédé un certain nombre de municipalités dont nous avions le contrôle
14 du point de vue militaire. Et M. Cavoski était un professeur à Sarajevo, et
15 donc c'est un exemple. Je cite cela en guise d'exemple pour montrer comment
16 nous avons cédé nos territoires.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez passer à un autre sujet.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en ai fini de mes questions.
19 M. KARADZIC : [interprétation]
20 Q. Je vous remercie, Professeur, d'avoir fait votre rapport d'expert.
21 R. Je vous remercie à vous aussi.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins que mes collègues n'aient des
23 questions pour vous, avec ceci se termine votre déposition, Professeur
24 Cavoski. Je vous remercie d'être venu déposer à La Haye et vous pouvez
25 disposer à présent.
26 [Le témoin se retire]
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vu l'heure, nous n'allons pas convoquer
28 le témoin suivant, mais il y a un point que je souhaite soulever. Les Juges
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1 de la Chambre évoque les deux requêtes de l'accusé de verser des documents
2 qui ont reçu la cote aux fins d'identification et qui ont été déposés le 25
3 mars et le 2 avril 2013, et l'Accusation a déposé sa réplique les 5 et 10
4 avril respectivement. Avant que de donner notre décision en la matière, les
5 Juges de la Chambre relèvent qu'il y a des problèmes quant à deux des
6 pièces versées dans ces requêtes. La Chambre note tout d'abord que ces
7 questions ont déjà été soulevées au prétoire lorsque le document a été
8 versé pour la première fois, l'original B/C/S qui a été téléchargé au
9 prétoire électronique avec une cote MFI D2800, il contient des pages qui ne
10 semblent pas correspondre au même document.
11 De plus, la traduction anglaise téléchargée au prétoire électronique pour
12 la pièce ayant reçu la cote aux fins d'identification MFI 2800 ne
13 correspond pas à l'original et, d'ailleurs, semble être une traduction de
14 la pièce D2801.
15 Et enfin, les Juges de la Chambre relèvent que pour la pièce ayant reçu la
16 cote MFI D3061, la traduction anglaise téléchargée au prétoire électronique
17 n'est que de deux pages, alors que l'original est de huit pages, et les
18 Juges de la Chambre ont donc décidé d'en accepter le versement dans son
19 intégralité. Les Juges de la Chambre demande à la Défense de télécharger
20 les documents originaux et les traductions idoines, et ce, pour les pièces
21 suscitées, et ce d'ici mercredi, 17 avril 2013.
22 A moins qu'il n'y ait d'autres questions, l'audience est levée. Lundi nous
23 reprenons par M. Galic ?
24 M. ROBINSON : [aucune interprétation]
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Lundi.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lundi.
27 --- L'audience est levée à 14 heures 45 et reprendra le lundi, 15 avril
28 2013, à 9 heures 00.