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2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
9 L'INTERPRÈTE : Dans une langue que je ne comprends pas, malheureusement.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais souhaité pouvoir vous répondre en
11 coréen.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Maître Robinson.
13 M. ROBINSON : [interprétation] Bonjour. Je souhaite présenter Aleksandar
14 Tesic aux Juges de la Chambre, qui est un stagiaire qui vient de la
15 Republika Srpska.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Maître Harvey.
17 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je souhaite
18 également présenter Veronika Miteva, qui vient de Bulgarie, et qui a aidé
19 notre équipe depuis quatre mois. Elle va passer son diplôme cet été de
20 l'Université de La Haye des sciences appliquées.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellences. Bonjour à toutes et à
23 tous.
24 LE TÉMOIN : YASUSHI AKASHI [Reprise]
25 [Le témoin répond par l'interprète]
26 Interrogatoire principal par M. Karadzic : [Suite]
27 Q. [interprétation] Et bonjour, Votre Excellence Akashi.
28 R. [aucune interprétation]
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1 Q. Je souhaite vous demander si vous avez rencontré un représentant des
2 organisations internationales, plus particulièrement le HCR, à la date du
3 11 juillet 1995, et si, oui ou non, ces représentants vous ont informé des
4 souhaits de la population de Srebrenica ?
5 R. Permettez-moi de consulter mon carnet de rendez-vous. Alors, mon carnet
6 de rendez-vous, pour ce qui est de la date du 11 juillet 1995, n'indique
7 pas que j'aie rencontré un représentant du HCR des Nations Unies ce jour-
8 là, mais comme chacun sait, c'était une journée extrêmement chargée et j'ai
9 rencontré de nombreuses personnes. J'ai dû passer des coups de fil très
10 importants à New York et au ministère de la Défense néerlandais. Et le fait
11 que le HCR des Nations Unies ne figure pas dans mon carnet ne signifie pas
12 pour autant que je n'aie pas eu cette réunion.
13 Q. Merci, Excellence.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le D1039 dans
15 le prétoire. Cela vous rappellera peut-être le rapport que vous avez envoyé
16 à Annan et Gharekhan.
17 Mme EDGERTON : [interprétation] Si je puis poser la question, est-ce que je
18 peux demander à ce que le document, lorsqu'il est affiché, qu'on le fasse
19 défiler vers le bas lentement de façon à ce que le témoin ait l'occasion de
20 parcourir le document plutôt que de regarder simplement l'en-tête.
21 M. ROBINSON : [interprétation] Nous pouvons également lui remettre une
22 copie papier.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous
24 souhaitez que M. l'Ambassadeur lise ce document ?
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela n'est pas nécessaire --
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- mais je souhaite qu'il le parcoure. Si vous
28 pouviez lui remettre une copie papier, ce serait utile.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que nous l'avons imprimé.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup de votre attention.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. Est-ce que je peux vous demander de regarder la deuxième page, s'il
5 vous plaît, au paragraphe (b). Vous avez raison, vous avez dit qu'il ne
6 s'agissait pas forcément d'une réunion.
7 R. Oui ?
8 Q. Merci. Vous avez eu l'impression qu'au début, les représentants du
9 gouvernement de Bosnie hésitaient à soutenir l'évacuation des civils. Vous
10 souvenez-vous de cela ?
11 R. Oui, je m'en souviens.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et pour les participants, il s'agit de la pièce
13 P5197. P5197.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Cependant, Excellence, il semble que le gouvernement ait finalement
16 donné son accord pour que les Serbes qui le souhaitaient -- qu'il fallait
17 demander aux Serbes de permettre aux habitants qui souhaitaient partir de
18 quitter l'enclave. Etes-vous d'accord, et est-ce que vous voyez ceci dans
19 votre rapport ?
20 R. Je crois que la question du départ en toute sécurité de ces habitants
21 de Srebrenica, en tout cas pour ceux qui le souhaitaient, était un sujet
22 extrêmement controversé entre la FORPRONU et le gouvernement de Bosnie. Le
23 gouvernement de Bosnie avait adopté comme point de vue que ces habitants
24 devaient, en réalité, rester à Srebrenica, et le HCR, pour des raisons
25 humanitaires, estimait que les habitants qui souhaitaient quitter l'enclave
26 devraient être autorisés à le faire. Donc il y a eu des négociations qui
27 ont été longues et qui ont duré longtemps, et, bien évidemment, la FORPRONU
28 a soutenu le HCR au niveau de sa position.
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1 Q. Merci, Excellence. Si vous le souhaitez, vous pouvez parcourir
2 l'ensemble du document…
3 R. Dans le souci de tenir compte de toutes les personnes présentes, je
4 souhaite demander au Dr Karadzic d'attirer notre attention sur des passages
5 en particulier.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous afficher la page 3, s'il vous
7 plaît, la page suivante.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Excellence, vous souvenez-vous qu'au point 3 vous avez informé New York
10 des actions du HCR ? Vous en souvenez-vous ?
11 R. Oui.
12 Q. Et s'agissait-il de fournir des vivres en urgence et de l'équipement et
13 du matériel médical pour la population de Srebrenica, en particulier les
14 blessés, et :
15 "Deuxième point, ordonner un départ rapide, sûr et sans tarder de
16 Srebrenica de toute la population, y compris les hommes en âge de porter
17 les armes, en direction de Tuzla, à commencer par l'évacuation des blessés,
18 et ce, en fonction de l'urgence."
19 R. Oui.
20 Q. Et d'après la phrase qui suit, qui émane de vous, il s'agirait d'une
21 opération logistique extrêmement importante ?
22 R. Hm-hm.
23 Q. Et d'après vos souvenirs, la partie serbe, comment a-t-elle réagi par
24 rapport à ce départ sans tarder, rapide, en toute sécurité de Srebrenica ?
25 Avez-vous envisagé le fait que cela commence le 13 ? Il me semble, en
26 revanche, que ceci a commencé le 13 aux premières heures du matin.
27 R. Quelle est votre question, Docteur Karadzic ?
28 Q. Le HCR et la FORPRONU ont-ils contacté la partie serbe, et quelles
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1 étaient la réaction et la coopération de la part de la partie serbe ?
2 R. C'est le HCR des Nations Unies qui était en contact avec la partie
3 bosno-serbe, et je ne me souviens pas précisément de la réaction des Bosno-
4 Serbes à la proposition faite par le HCR.
5 Q. Merci, Excellence. Avez-vous proposé à la date du 12 juillet, avez-vous
6 soumis au Conseil de sécurité certains éléments de la résolution portant
7 sur la situation à Srebrenica ?
8 R. Que souhaitez-vous que je vous réponde ? Vous souhaitez que je vous
9 donne l'essentiel de cette résolution ? Il s'agissait d'un projet de
10 résolution.
11 Q. Oui, Excellence.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous afficher le D03401.
13 M. KARADZIC : [interprétation]
14 Q. Il s'agit de votre communiqué envoyé à MM. Annan, Gharekhan et
15 Stoltenberg à la date du 12 juillet. Vous en souvenez-vous ? On y voit
16 votre signature.
17 R. Je ne me souviens pas de ce télégramme en particulier. Je souhaite en
18 avoir une copie, si vous me le permettez.
19 Q. C'est possible.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons l'imprimer.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Je vous demande de bien vouloir regarder les trois derniers paragraphes
24 qui se trouvent sur la première page. Avant le point (1), "Nous comprenons
25 non seulement d'après votre télégramme…," et cetera. Et ensuite, le
26 paragraphe (2), à savoir que vous avez proposé pour ce qui est de ces
27 projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, qu'ils
28 parlent des attaques, et :
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1 "…d'après le HCR des Nations Unies, une grande partie des habitants de
2 Srebrenica ne souhaite pas y rester. Il y a déjà des personnes déplacées
3 venant d'ailleurs et nous souhaitons avancer."
4 R. Je crois que ceci correspond à mes impressions du moment concernant
5 Srebrenica.
6 Q. Merci. Hier, vous avez dit que vous avez remarqué quelles relations
7 existaient entre les autorités militaires et civiles de la Republika
8 Srpska, qui étaient inhabituelles ou perturbées ou quelque chose comme ça.
9 Avez-vous eu une réunion le 17 juillet à Belgrade avec le président
10 Milosevic et le général Mladic, et était-ce inhabituel, d'après vous, que
11 le président Milosevic fasse l'impasse sur moi et qu'il a recommandé au
12 général Mladic qu'il soit un partenaire ou un participant en contact avec
13 les organisations internationales, et avez-vous informé les Nations Unies
14 de votre observation ?
15 R. Pardonnez-moi, Docteur Karadzic. Avez-vous parlé de la date du 17
16 juillet ?
17 Q. Le télégramme est daté du 17 juillet, peut-être.
18 R. Je pense que vous vouliez sans doute parler d'une réunion qui s'est
19 tenue dans une des propriétés du président Milosevic qui s'est tenue le 15
20 juillet au cours de laquelle le général Mladic est soudain apparu.
21 Q. Je crois que vous avez raison, Excellence, mais il aurait pu s'agir du
22 16 également.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher dans le
24 prétoire électronique le 1D2500 [comme interprété].
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Si ma mémoire est juste, cela s'est passé le
26 15, et je savais qu'il y avait une réunion, et je connaissais certains
27 participants assez bien. Je me souviens de l'impression que m'a laissée le
28 général Mladic ce jour-là, à savoir qu'il était soumis à des pressions très
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1 fortes.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous regarder la page 2, s'il vous
3 plaît.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Excellence, dans le premier paragraphe de cette page, six lignes à
6 partir du haut :
7 "Dans ce cas, nous ferions le jeu de Milosevic --"
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez indiquer au témoin à quel
9 endroit cela se trouve.
10 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas certain que vous
12 disposiez d'une copie papier de ce document.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je me demande si le Dr
14 Karadzic ne fait pas mention d'un télégramme que j'ai envoyé à New York et
15 qui est daté du 12 juillet 1995.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, le 17 juillet.
17 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez avoir une
19 copie papier de cela également ?
20 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous allez la recevoir.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Au premier paragraphe de la première page, on peut lire : "hier", "m'a
25 appelé hier pour parler de la situation", ou peut-être -- oui.
26 R. Vous voulez parler de quel paragraphe ?
27 Q. Je souhaite que vous regardiez la deuxième page maintenant, et le
28 premier paragraphe qui se trouve sur cette page.
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1 R. Est-ce qu'il s'agit du paragraphe 4 ?
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que le Dr Karadzic parle du
3 paragraphe 3, qui commence sur la première page.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça y est. Je l'ai.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. A la première page, il est indiqué que les dirigeants serbes n'ont pas
7 mentionné Karadzic pendant les négociations.
8 "Nous ferions alors le jeu de Milosevic, qui a longtemps voulu que nous
9 croyions que ce dirigeant était un dirigeant serbe plus coopératif que
10 Karadzic…"
11 R. [aucune interprétation]
12 Q. Quelle était votre impression et votre conclusion à ce sujet,
13 Excellence ?
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne devrions-nous peut-être pas d'abord
15 déterminer ce que ce dirigeant isolé ou seul, et ensuite la référence à ce
16 dirigeant dans le paragraphe en question signifie ?
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Excellence, venez-nous en aide. Quel était le dirigeant qui recueillait
19 la préférence du président Milosevic, et que celui-ci vous a proposé ? Quel
20 était le dirigeant qu'il vous a présenté comme étant plus coopératif et
21 comme étant celui avec lequel vous devriez engager une coopération plus
22 poussée ?
23 R. A partir du contexte, je suppose qu'il y a deux personnes à qui on se
24 réfère plus particulièrement dans ce paragraphe. Tout d'abord, M. Karadzic
25 en tant que dirigeant civil, puis le général Mladic en tant que dirigeant
26 militaire.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est votre question, Monsieur
28 Karadzic ?
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1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Quels étaient les problèmes remarqués par vous comme inhabituels et
3 particulièrement indésirables ou gênants ? Quels étaient les problèmes
4 désagréables et inhabituels que vous avez remarqués, et que préférait le
5 président Milosevic ?
6 R. Je crois que les entretiens que nous avons eus avec le secrétaire à la
7 Défense britannique nouvellement nommé permettent, au vu de ce passage, de
8 déduire peut-être un certain nombre de choses. Je réfléchis à voix haute,
9 si vous voulez, et je pense notamment aux différences de vue internes au
10 sein de la direction des Serbes de Bosnie. Je puis imaginer pourquoi M.
11 Karadzic souhaite attirer notre attention sur ce paragraphe.
12 Q. Avez-vous remarqué qui le président Milosevic souhaitait avancer comme
13 devant être votre interlocuteur du côté serbe ?
14 R. Encore une fois, les discussions menées lors de cette réunion sont un
15 sujet qui prête à spéculation et ont été de nature spéculatives. On
16 m'attribue des propos consistant à donner ma caution à des spéculations de
17 cette nature au sujet de quelque chose que nous connaissons de façon
18 directe, mais je crois qu'en l'absence de M. Karadzic lors de cette réunion
19 qui se tenait sous l'égide du président Milosevic dans sa villa le 15
20 juillet, en l'absence donc de M. Karadzic, un certain nombre de
21 spéculations se sont fait jour en la matière, mais je crois qu'à l'époque
22 nous n'avions aucune preuve solide quant à ce qui était en train de se
23 passer. Nous nous contentions de spéculer.
24 Q. Merci, Excellence. Est-ce que vous tendriez à considérer comme une
25 situation assez sensible celle où vous avez le général Mladic qui est
26 présent à une réunion alors même que M. Karadzic n'a apparemment pas été
27 informé de sa présence ?
28 R. Voulez-vous répéter votre question.
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1 Q. Je voudrais que nous affichions le D2279 [comme interprété]. Il s'agit
2 d'un autre télégramme envoyé par vous à la date du 17 juillet.
3 R. Pourrait-on me remettre une copie, un exemplaire de ce document, s'il
4 vous plaît.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous ne disposons que de la version serbe.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce télégramme se réfère
8 à la présence du général Mladic lors de la réunion, et il est indiqué que
9 le général Mladic est présent suite à la demande de Carl Bildt. Ce n'est
10 donc pas le président Milosevic qui aurait choisi ici le général Mladic.
11 C'est le général Mladic qui a décidé de répondre positivement à
12 l'invitation et à ce que souhaitait M. Bildt.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous visualiser l'ensemble de la page.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Excellence, voyez la phrase suivante :
16 "Compte tenu de la nature particulièrement sensible de la présence de
17 Mladic à la réunion, il a été convenu entre tous les participants que ce
18 fait ne serait pas mentionné du tout en public".
19 R. Oui, en effet.
20 Q. Pourquoi cette situation était-elle sensible, en quoi ?
21 R. Je crois que je percevais le rôle du général Mladic comme intimement
22 lié à la situation à Srebrenica, et je crois que cela a donné lieu à toutes
23 sortes de spéculations dans la presse et, en fait, c'est de cela que je me
24 suis rendu compte, que cela, le rôle de Mladic dans la crise de Srebrenica,
25 avait donné lieu à toutes sortes de spéculations dans les médias. Je crois
26 que c'est là la raison pour laquelle il a été convenu que la présence de
27 Mladic ne devait pas être mentionnée en public, mais c'est une supposition
28 de ma part que je vous livre ici.
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1 Q. Merci, Excellence. Nous manquons de temps, et pour cette raison, j'ai
2 laissé de côté de nombreux sujets et de nombreux documents émanant de vous.
3 J'espère que nous aurons d'autres occasions d'en demander le versement et
4 de les présenter. Je vous remercie vivement d'être venu et d'avoir déposé.
5 Je n'ai pas d'autres questions pour le moment.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, en rapport avec ceci,
7 dans mon opuscule, je fais une brève référence à l'atmosphère qui régnait
8 lors de cette réunion et à la façon dont j'ai perçu l'état d'esprit du
9 général Mladic.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez un numéro de page,
11 Monsieur l'Ambassadeur ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Donnez-moi quelques instants.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
14 Entre-temps, Monsieur Karadzic, j'imagine que vous voulez demander le
15 versement du document 1D2550 [comme interprété].
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] En effet, Excellence. C'est le seul qui n'ait
17 pas encore été versé.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote D3512, Madame et
20 Messieurs les Juges.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai retrouvé le
22 paragraphe précis de mon livre, où je me réfère à la réunion en question et
23 au comportement du général Mladic ainsi qu'à la présence de Rupert Smith.
24 Ceci se trouve au dernier paragraphe de la page 85, et ce passage commence
25 par les mots suivants : "Plusieurs jours après le massacre de Srebrenica."
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sauf objection des parties, les Juges
27 sont disposés à verser cette page particulière.
28 Maître Robinson ?
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1 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton ?
3 Mme EDGERTON : [interprétation] Pas d'objection non plus.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ceci sera donc adjoint à la
5 pièce à conviction correspondante.
6 Je vous remercie.
7 Madame Edgerton, à vous.
8 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. Avant de commencer, Madame et
9 Messieurs les Juges, je souhaite vous communiquer l'estimation à laquelle
10 j'ai procédé hier au vu de l'interrogatoire principal, et ensuite compte
11 tenu de ce que nous avons entendu ce matin, j'ai révisé mon estimation et
12 je crois que j'aurais besoin d'un peu moins de temps que ce que j'ai
13 indiqué hier.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
15 Contre-interrogatoire par Mme Edgerton :
16 Q. [interprétation] Merci. Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.
17 R. Bonjour, Madame.
18 Q. Hier lors de votre déposition, M. Karadzic aux pages numéro 37 687 à 37
19 688, vous a posé des questions, et vous avez en réponse résumé en termes
20 généraux les conclusions d'une commission d'experts des Nations Unies au
21 sujet de laquelle il avait été convenu, y compris par vous-même, qu'elle
22 enquêterait sur les meurtres survenus au marché à Sarajevo en février 1994.
23 Mais juste pour être tout à fait sûre, puis-je déduire ou supposer que
24 lorsque vous êtes référé aux conclusions de cette commission hier, vous
25 aviez en quelque sorte une certaine distance parce que vous n'aviez pas eu
26 l'opportunité ni l'occasion de relire les rapports de cette commission
27 avant de déposer hier, une distance de quelque 18 ans ?
28 R. Oui, vous avez raison.
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1 Q. Merci. Et à l'époque en 1994, tout comme aujourd'hui, Monsieur
2 l'Ambassadeur, j'imagine que vous n'aviez pas, et vous n'avez toujours pas
3 aujourd'hui connaissance de la moindre autre enquête qui ait pu être
4 conduite au sujet de cet incident ?
5 R. Vous voulez dire d'enquête consécutive à celle à laquelle a procédé
6 notre commission d'experts ?
7 Q. Non, je parle de toute enquête en général.
8 R. Eh bien, non. Je ne suis au courant d'aucune enquête de cette sorte, et
9 je sais qu'il y a eu beaucoup de spéculation avant et également après les
10 événements.
11 Q. Merci. Alors, concernant cet incident auquel il a été fait référence
12 aux pages 37 694 et suivantes, M. Karadzic, à ce sujet, vous a présenté le
13 document D717. Je peux vous remettre, si vous le souhaitez, un exemplaire
14 imprimé de ce document. Il s'agit d'un télégramme chiffré sortant émanant
15 de vous, adressé à M. Annan, Z-156 [comme interprété] daté du 15 [comme
16 interprété] août 1994. Donc, numéro Z-1256, au sujet des points de collecte
17 des armes à Sarajevo, et il y a deux autres documents qui y sont joints.
18 Alors, le premier document joint reprend les points d'accord signés entre
19 vous-même et M. Karadzic. Ceci est daté du 18 février 1994. Alors pour le
20 compte rendu, ce document reprenant les points d'accord porte également la
21 cote P1654, ainsi que P1820. Le deuxième document joint est un protocole ou
22 un mémorandum d'accord non signé avec une date dactylographiée en bas de
23 page, et la date du 19 février 1994 --
24 Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi. Pourrions-nous afficher le
25 document reprenant les points d'accord qui est le deuxième document joint à
26 ce télégramme.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 3.
28 Mme EDGERTON : [interprétation] Page 3. Oui. Et ensuite le protocole
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1 d'accord non signé figure à la page 4.
2 Q. En bas de ce protocole d'accord, le toponyme qui est indiqué est
3 Lukavica. Hier, le Dr Karadzic vous a demandé si vous aviez vu le point
4 numéro 1 de ce protocole, dont il a dit que :
5 "Il disposait du droit à l'autodéfense en cas de retrait de la FORPRONU des
6 zones d'interposition et dans le cas où --" oui. Page 4, s'il vous plaît, à
7 l'écran.
8 "Et dans le cas où la FORPRONU s'avérerait incapable d'empêcher ou
9 d'arrêter l'attaque, les Serbes se réservent le droit d'entreprendre des
10 mesures adéquates aux fins de leur autodéfense."
11 Hier, vous avez confirmé avoir vu cela, et vous vous rappellerez peut-être
12 qu'au moment où l'on passait à un autre document, je me suis levée et je me
13 suis manifestée, et M. Karadzic a alors dit : "Je ne crois pas que l'on
14 puisse en fait dire que son Excellence, M. Akashi, ait vraiment vu ceci,
15 mais en fait il a participé à cette conclusion." Donc, je suis ensuite
16 toujours à l'introduction de ma question. A ce titre, je souhaiterais,
17 avant de vous poser la question, vous présenter un autre document qui s'y
18 rapporte. P2188. J'ai également un exemplaire imprimé à vous proposer,
19 télégramme chiffré donc, daté du 12 septembre 1994, émanant de votre bureau
20 et adressé à M. Annan. Vous faites suivre un rapport, ainsi qu'une copie
21 d'une lettre émanant du principal conseiller juridique de la FORPRONU.
22 M. ROBINSON : [interprétation] Il s'agit du 2118.
23 Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi.
24 Q. Monsieur l'Ambassadeur, lorsque vous aurez eu le temps d'examiner le
25 second document joint au télégramme, je vous poserai ma question. Comme
26 vous pouvez le lire, juste une ou deux choses au sujet de ce document P2118
27 joint au télégramme.
28 Le deuxième paragraphe de la page 1 dit :
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1 "Notre examen de négociations a permis de valider la première pièce jointe
2 à notre câble Z-1256, intitulé 'points d'accord'. Le protocole joint, en
3 revanche, est une proposition bosno-serbe qui n'a jamais été acceptée par
4 nous."
5 Ensuite au troisième paragraphe, le texte se poursuit en indiquant : "Nos
6 documents indiquent que les Serbes, pendant des discussions avec le SRSG et
7 d'autres membres de la FORPRONU à Lukavica le 18 février 1994, ont fait
8 part de leurs préoccupations quant à la sécurité après le retrait, et le
9 regroupement des armes lourdes.
10 "Plutôt que d'entrer dans un échange argumenté écrit, la FORRRONU s'est
11 contentée de relever leurs préoccupations et de leur donner l'assurance que
12 des unités de la FORPRONU seraient interposées entre les deux parties le
13 long des lignes de confrontation. La partie bosno-serbe, néanmoins, s'est
14 réservée le droit de prendre des mesures adéquates d'autodéfense en cas
15 d'attaque par l'autre partie. Nous n'avons pas soutenu leur position, ni
16 accepté leur position."
17 Pouvons-nous maintenant passer à la page 2 de ce document et faire défiler
18 vers le bas jusqu'au paragraphe numéro 4, la page 2 que nous avons est en
19 fait ce mémorandum d'accord.
20 Je lis le paragraphe 4 :
21 "A partir des informations disponibles, il s'est avéré que le 'Protocole
22 d'accord' était un premier jet préparé et soumis par les négociateurs
23 bosno-serbes, mais qui avait été considéré comme inacceptable par les
24 négociateurs de la FORPRONU et n'a jamais été signé. Par conséquent, il ne
25 saurait été considéré comme ayant la moindre valeur juridique."
26 Alors, si vous avez eu la possibilité à ce stade d'examiner ces documents,
27 Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais vous poser simplement deux questions,
28 si vous voulez bien.
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1 R. Je vous en prie.
2 Q. Premièrement, est-ce que vous pourriez nous donner le contexte de ces
3 documents, et deuxièmement, quel est le rapport entre ces documents ?
4 R. Comment… pardon ?
5 Q. Quel lien existe entre ces documents, quelle relation ?
6 R. Je ne vois pas pour le moment le lien qui les unirait.
7 Q. Bien. Je vais vous poser la question un peu différemment, dans ce cas.
8 M. Karadzic, hier, dans les commentaires qu'il a faits, vous a affirmé que
9 ce protocole supplémentaire, dont il a dit qu'il accordait aux Serbes le
10 droit de récupérer leurs armes lourdes en les reprenant des points de
11 collecte d'armes en cas d'attaque, avait été conclu, et qu'il s'agissait
12 d'un accord entre la FORPRONU et les Serbes de Bosnie. Ces deux documents,
13 pris ensemble, Monsieur l'Ambassadeur, tendent plutôt à montrer qu'à
14 l'inverse de ce qu'a indiqué M. Karadzic dans ses commentaires, ce
15 protocole n'a, en fait, jamais été conclu en tant qu'accord; n'est-ce pas
16 exact ?
17 R. Eh bien, je crois que des copies de ces messages envoyés par moi au
18 siège de New York semblent effectivement appuyer la conclusion que vous en
19 avez tirée.
20 Q. Et pour vous, on ne considérait pas du tout que les Serbes, les Bosno-
21 Serbes ou les Bosno-Musulmans, d'ailleurs, auraient eu le droit de
22 récupérer leurs armes à partir des points de collecte d'armes en cas
23 d'attaque, et ce, aux termes de l'accord.
24 R. Je ne suis pas un expert militaire, mais la présence de 20 à 30 soldats
25 de la FORPRONU à chaque point de collecte d'armes semblait également
26 résulter d'un raisonnement où l'on considérait que la présence de ces mêmes
27 soldats de la FORPRONU était nécessaire pour pouvoir parer à toute
28 éventualité, et je me rappelle que les Serbes souhaitaient qu'il y ait
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1 davantage de points de collecte d'armes et s'attendaient peut-être ainsi à
2 ce que le nombre de soldats présents à chacun de ces points de collecte
3 d'armes serait moins important, justement dans l'éventualité où les points
4 de collecte d'armes seraient plus nombreux.
5 Je me suis aventuré à dire que peut-être l'une des raisons d'un
6 désaccord entre la FORPRONU dans le secteur bosnien et l'OTAN était liée à
7 des doutes de l'OTAN quant au style de négociation du général Michael Rose.
8 Michael Rose était un négociateur très habile, très capable. Il avait
9 tendance à prendre le dessus sur ses interlocuteurs dans les négociations,
10 notamment en avançant des arguments tout à fait inattendus. Donc, à un
11 moment ou à un autre, il est possible qu'il ait accepté ce droit de retirer
12 les armes rassemblées aux points de collecte des armes de la FORPRONU. Et
13 puis, à bien y réfléchir, il est possible qu'il se soit rendu compte que
14 les Nations Unies n'avaient pas concrètement reconnu ce droit, une forme de
15 droit à l'autodéfense qui risquait toujours de prendre des proportions bien
16 plus grandes dans l'esprit de certaines des parties concernées. C'est
17 pourquoi nous devons être extrêmement prudents lorsque nous nous aventurons
18 dans une interprétation assez libre de ce droit à l'autodéfense.
19 Dans le processus des négociations, il y a toujours des choses que
20 l'on concède et d'autres, non. Après réflexion, toute partie, après
21 consultation avec ses propres conseillers juridiques, peut être amenée à
22 modifier sa position pour se rendre compte que la position adoptée
23 temporairement lors des négociations ne peut être maintenue et en venir
24 éventuellement à la conclusion que le document final ne saurait être signé,
25 ni recevoir le soutien de la partie en question. Donc, je suppose que c'est
26 peut-être le caractère fluide du processus des négociations qui a causé
27 ceci.
28 Q. Merci. Je vais maintenant passer à un autre sujet qui concerne un
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1 passage de votre livre, numéro 1D29269 de la liste 65 ter, page 80; ceci
2 correspond à la page 43 dans le prétoire électronique. Et vous avez
3 déclaré, là, Monsieur :
4 "Karadzic, en sa qualité de négociateur, avait tendance à déformer la
5 vérité plutôt de façon nonchalante", une caractéristique que j'ai observée
6 à plusieurs reprises.
7 Un instant, s'il vous plaît. En fait, c'est en bas à gauche de l'image qui
8 est à l'écran.
9 Et puis, vous donnez deux exemples qui découlent de la crise de Gorazde.
10 Vous nous dites, à l'époque, le Dr Karadzic a insisté sur le fait qu'il
11 n'avait pas reçu de fax de votre part portant sur la prise d'otage des
12 officiers des Nations Unies par ses forces, et alors que beaucoup d'entre
13 eux restaient pris en otage, il, lui, affirmait qu'ils avaient été
14 relâchés, mais vous vous êtes facilement rendu compte que ce n'était pas le
15 cas. Ensuite -- passons à la page suivante, tout en haut. Voilà. Vous dites
16 :
17 "A un moment des négociations de Genève à Gorazde, Karadzic a prononcé une
18 déclaration très forte selon laquelle les forces serbes de Bosnie sous son
19 commandement s'étaient retirées d'une certaine zone, mais suite à
20 l'inspection du côté des Nations Unies sur les lieux, il s'est révélé que
21 ce n'était pas vrai."
22 Vous nous avez parlé de cela hier, Monsieur l'Ambassadeur, vous avez parlé
23 de vos regrets quant à la crise de Gorazde, que le Dr Karadzic vous avait
24 dit des choses qu'il avait faites mais qu'ensuite, lorsque vous avez
25 vérifié les choses avec la FORPRONU, il y avait eu des divergences ?
26 R. Oui, Madame. C'est tout à fait exact. Et, en fait, je me souviens que
27 dans la première citation que vous avez reprise de mon livre, je dois dire
28 que des membres de mon personnel qui m'accompagnaient lors des négociations
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1 à Pale m'avaient dit que nous devrions quitter la réunion vu ces
2 divergences très claires entre ce que le Dr Karadzic nous avait dit et ce
3 que le terrain nous avait confirmé ensuite.
4 J'ai dit non. J'aimerais être poli, et il serait très mal élevé de se
5 retirer d'une réunion qui est si importante, donc je suis resté, et
6 j'espérais que davantage d'otages de la FORPRONU seraient peut-être
7 libérés. Donc j'ai toujours voulu leur octroyer le bénéfice du doute, et je
8 me souviens que M. Churkin, l'envoyé spécial du gouvernement russe, m'avait
9 accompagné à Pale. Il était très déçu et très déstabilisé pendant les
10 négociations, et lui avait décidé de quitter la réunion, mais je suis
11 resté. Et j'ai décidé de ne pas accepter l'invitation de mon hôte,
12 invitation de me joindre à eux pour le dîner.
13 Q. Vous avez observé cette caractéristique de déformer la vérité à
14 plusieurs reprises, et je me demandais si vous pouviez nous dire si, en
15 conséquence de cela, vous avez pondéré certaines actions, certaines
16 descriptions ou certains accords avec le Dr Karadzic ?
17 R. Au fur et à mesure que je me suis rendu compte de cette tendance, bien
18 sûr que j'ai fait preuve de plus de prudence, et au fil du temps, je suis
19 devenu bien plus prudent. Et je me souviens que bien plus tard, 1994 et
20 1995 - en fait, voilà, oui - parallèlement à l'action aérienne complète de
21 l'OTAN au mois d'août et au début du mois de septembre 1995, j'ai rendu
22 visite au président Milosevic et je lui ai dit que j'avais clairement
23 l'impression que l'OTAN était en train de se préparer à une action aérienne
24 de grande échelle. Et donc, il était important pour la partie serbe d'être
25 totalement au courant de la détermination de l'OTAN et d'en tenir compte
26 lors des négociations.
27 M. Milosevic m'a répondu qu'il avait relayé cette information aux
28 dirigeants des Serbes de Bosnie, c'est-à-dire le Dr Karadzic et le général
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1 Mladic, et il m'a dit que ces derniers lui avaient ri au nez lorsqu'il leur
2 a relaté cet avertissement de ma part.
3 Donc il y avait des points de vue mal interprétés, je dirais, de temps en
4 temps, et j'aimerais faire référence au paragraphe que vous avez cité, je
5 cite :
6 "Je pensais que le mot promesse ou accord n'aurait pas autant de poids dans
7 la péninsule balkanique qu'en Asie orientale. D'après certaines sources ou
8 dans les milieux autorisés, cette pratique remonte aux périodes ottomanes,
9 et à cette période-là on pouvait vivre librement sans être tenu par un
10 accord."
11 Alors, je me prête à des conjectures, là, et je ne voudrais pas insulter la
12 culture balkanique, mais je m'étais dit à l'époque que l'histoire
13 compliquée des Balkans pouvait peut-être expliquer partiellement cette
14 pondération que l'on donnait aux promesses et aux accords.
15 Q. Les affirmations du Dr Karadzic, je le suppose, faisaient l'objet de
16 vérification de la part du personnel de la FORPRONU et de votre personnel
17 afin de voir si elles étaient vraies, n'est-ce pas ?
18 R. C'est exact.
19 Q. Passons à un autre domaine, mais dans la même période. Hier, vous avez
20 abordé cette question-là, il s'agit du mois d'avril 1994 --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Est-ce que vous voudriez
22 verser ces pages et les ajouter à la pièce à conviction ?
23 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci de me l'avoir rappelé, Monsieur le
24 Juge. Vu que j'ai lu certaines parties du livret de M. Akashi et vu que ce
25 dernier a également procédé à quelques citations, oui, je pense qu'il
26 vaudrait mieux ajouter ces pages-là pour les remettre dans le contexte.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre, à ce stade-ci, va donc
28 verser l'intégralité du chapitre, le chapitre 4, intitulé "Emotional
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1 Nationalist, Karadzic and Mladic," donc pages 77 à 85.
2 Maître Robinson, vous voulez dire quelque chose ?
3 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous n'avons
4 aucun inconvénient à cela. Il s'agit d'un livret qui n'est pas très long,
5 comme M. Akashi l'a dit, donc peut-être qu'il vaudrait mieux admettre
6 l'ensemble du livret. Il y a d'autres chapitres qui portent sur le Dr
7 Karadzic également.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais nous n'avons pas l'habitude de
9 faire cela. Nous aimerions assurer une certaine cohérence, donc admettons
10 uniquement ces pages-là.
11 M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Mais vous parlez d'une pratique, d'une
12 habitude, et nous avions également l'habitude d'admettre des documents dans
13 leur intégralité, tels que les séances de l'assemblée, pour avoir le
14 contexte des événements d'un point de vue plus général.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous interromps un instant. Revenons
16 sur cette question à la fin de la déposition de M. Akashi.
17 M. ROBINSON : [interprétation] Très bien.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, continuez.
19 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.
20 Q. Alors, comme je le disais, je voudrais passer à un autre sujet, mais
21 pendant la même période de temps, en avril 1994. Le Dr Karadzic vous a
22 montré hier, à la page 37 687 du compte rendu, une copie de votre
23 correspondance avec M. Annan qui faisait rapport de vos réunions avec lui
24 le 7 avril, et il s'agit de la pièce D3492. Et je viens d'en retrouver une
25 copie, je vais vous la fournir, Monsieur l'Ambassadeur. De la sorte, vous
26 avez tout le document.
27 Alors, dans le contexte de la discussion sur ce document, le Dr Karadzic a
28 fait référence au paragraphe 14, qui est à la dernière page du document, et
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1 qui porte sur votre visite -- bon, vous en avez parlé hier, votre visite à
2 Banja Luka, et j'aimerais vous poser des questions à ce sujet. Vous avez
3 décidé de vous rendre dans la zone suite à des allégations portant sur du
4 nettoyage ethnique et des violations des droits de l'homme à Banja Luka,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Oui, c'est exact.
7 Q. Et hier, vous avez dit que même si vous espériez pouvoir vous y rendre
8 et que vous l'aviez dit au Dr Karadzic à plusieurs reprises, vous avez été
9 frustré parce qu'il n'avait jamais donné suite à vos demandes et que ces
10 visites n'avaient jamais eu lieu, n'est-ce pas ?
11 R. Oui. Le Dr Karadzic l'a dit hier, il s'inquiétait de ma propre
12 sécurité. Je n'avais aucun moyen d'évaluer les risques que j'aurais
13 encourus. J'étais toujours accompagné de gardes du corps et, du coup,
14 j'avais du mal à concevoir que ma vie aurait pu être en danger. J'ai dû
15 faire face à des dangers semblables plusieurs fois dans ma vie et cela fait
16 partie de mon travail.
17 Q. J'aimerais vous montrer un autre document parlant de Banja Luka. Et
18 nous allons faire un saut dans le temps, nous allons passer d'avril 1994 à
19 septembre de cette même année. Un instant, s'il vous plaît.
20 Mme EDGERTON : [interprétation] Pouvons-nous afficher la pièce P5423, s'il
21 vous plaît.
22 Q. Il s'agit d'une copie d'une lettre que vous avez rédigée et adressée au
23 Dr Karadzic le 20 septembre 1994. J'aimerais que l'on affiche la page 2 du
24 document, s'il vous plaît. Monsieur l'Ambassadeur, j'ai une version papier
25 si vous désirez y jeter un œil.
26 R. Oui, s'il vous plaît.
27 Q. Cette lettre au Dr Karadzic est une lettre contenant des mots très
28 forts dans laquelle vous exprimez votre mécontentement très fort quant au
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1 fait que ces derniers jours, plus de 2 500 civils musulmans ont été
2 expulsés de force de la région de Bijeljina et Janja. Vous avez fait
3 remarquer que les départs de la population non-serbe de la zone avaient
4 continué, vous faites référence à 700 personnes qui étaient arrivées en
5 Bosnie centrale le 17 septembre 1994, et vous avez rappelé au Dr Karadzic
6 les garanties qu'il vous avait données le 20 août selon lesquelles ces
7 expulsions forcées de la population non-serbe n'étaient pas conformes aux
8 politiques des autorités serbes de Bosnie.
9 La lettre montre également que vous avez parlé par téléphone avec lui le 6
10 septembre, et qu'à cette occasion il vous avait informé qu'il avait pris
11 des mesures pour identifier, arrêter, et poursuivre les personnes
12 responsables des expulsions inhumaines et criminelles de civils non-serbes.
13 Vous lui avez également rappelé qu'il avait donné les mêmes garanties
14 à M. de Mello, qui faisait partie de votre personnel, et qu'il l'avait fait
15 au début du mois, et vous concluez dans le dernier paragraphe votre lettre
16 en disant au Dr Karadzic que vous ne comprenez pas comment une situation
17 aussi déplorable peut continuer et même prendre en envergure malgré tous
18 les engagements qu'il avait pris vis-à-vis de vous pour arrêter les
19 expulsions forcées et pour améliorer les conditions de la population non-
20 serbe. Et vous lui avez fait remarquer que les personnes responsables de
21 ces actions, bien sûr, seraient soumises à des enquêtes et à des poursuites
22 par ce Tribunal.
23 Monsieur Akashi, aimeriez-vous apporter des commentaires à ce document ?
24 R. Je pense que cette lettre parle d'elle-même. C'est le fruit de mon
25 mécontentement quant à ce que l'on faisait dans la zone de Banja Luka, et
26 je n'ai pas eu d'autre choix que de rédiger ce genre de lettre, une lettre
27 directe, de temps en temps, et de l'envoyer au Dr Karadzic. Mais j'aimerais
28 vous rappeler que j'ai été accusé d'être trop poli envers le Dr Karadzic,
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1 et le représentant bien connu d'une grande puissance a obtenu une copie de
2 ces lettres polies que j'avais envoyées au Dr Karadzic et m'a accusé
3 indûment d'être trop poli et trop courtois. Mais j'ai essayé de faire de
4 mon mieux et de maintenir des relations de confiance avec tous les
5 partenaires, c'est-à-dire les trois parties.
6 Q. Je pense que cela a dû consumer énormément d'énergie et exigé un énorme
7 engagement et dévouement. J'aimerais vous poser quelques questions
8 supplémentaires sur les affirmations que vous faites au Dr Karadzic dans ce
9 document.
10 D'après vous, est-il possible que de tels mouvements de population de
11 grande échelle, 2 500 d'une part, et 700 d'autre part, que ces mouvements
12 de population à grande échelle puissent avoir lieu, et je dois ajouter que
13 ces mouvements de population étaient de grande échelle mais également
14 quotidiens, parce que nous avons là des événements au mois de septembre, et
15 hier vous avez parlé de vos inquiétudes quant aux expulsions forcées à
16 Banja Luka au mois d'avril. Donc, est-il possible que ces mouvements de
17 population sur une période de temps relativement large aient pu avoir lieu,
18 à votre avis, sans que le gouvernement l'accepte et le sache ?
19 R. Qu'entendez-vous par "gouvernement" ?
20 Q. Les autorités de l'Etat.
21 R. Vous parlez des autorités de l'Etat du gouvernement de Bosnie-
22 Herzégovine ?
23 Q. De la Republika Srpska.
24 R. Ah. Je crois qu'il est fort improbable que cela ait pu avoir eu lieu
25 sans que les autorités locales autonomes, quelles qu'elles soient, dans un
26 pays ne soient au courant.
27 Q. Et une fois qu'une région a été vidée de tous les autres groupes
28 ethniques -- non, en fait, je reformule. Ce genre d'exercice, ce genre
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1 d'expulsion, convenez-vous que ça crée une situation sur le terrain qui
2 pourrait être difficilement renversée dans un accord politique, donc
3 lorsque l'on vide une zone de tous ces autres groupes ethniques ?
4 R. Difficile à renverser, oui, mais si ces actions sont injustes et
5 totalement impardonnables, nous ne devrions pas en conclure que cela est
6 irréversible et qu'il ne serait pas réaliste de renverser cette situation.
7 Nous devons accepter la nouvelle situation qui a été créée suite à une
8 action illégale quelle qu'elle soit.
9 Et donc, mettre en œuvre quelque chose difficilement est différent du
10 caractère illégitime d'une action.
11 Mme EDGERTON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, il est
12 10 heures 29. Serait-il temps de faire la pause ?
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons faire une pause
14 de 30 minutes, et nous reprendrons à 11 heures.
15 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.
16 --- L'audience est reprise à 11 heures 05.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson.
18 M. ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons
19 avec nous Milos Bacic, qui vient de la Republika Srpska, et qui travaille
20 comme stagiaire dans l'équipe de la Défense. Merci.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, vous pouvez poursuivre.
22 Mme EDGERTON : [interprétation]
23 Q. Excellence, hier, Dr Karadzic vous a montré un document, un document
24 qui à présent porte la cote D3495. Je vais vous demander de le regarder sur
25 l'écran, et c'est la réponse qu'il vous a faite suite à votre protestation
26 concernant une attaque contre un convoi humanitaire. Vous allez le voir sur
27 l'écran. Veuillez vous référer à la deuxième page de ce document. Et là,
28 vous voyez sa réponse.
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1 Dans cette réponse, Dr Karadzic vous dit :
2 "Je vous assure que ce qui s'est produit ne peut en aucun cas être
3 considéré comme représentatif de la politique de la Republika Srpska, et
4 ceci n'est pas la façon dont se comporte de façon générale l'armée de la
5 Republika Srpska."
6 Donc, je vous ai montré cela pour rafraîchir votre mémoire quant au
7 document qu'on vous a montré hier. A présent, je vais vous demander
8 d'examiner la pièce P1686. Là, nous avons une lettre de protestation que
9 vous avez envoyée au Dr Karadzic le 30 juillet 1994. Je vais vous demander
10 d'examiner le bas de la page. Ce n'est pas très lisible, mais en somme,
11 cette lettre que vous avez envoyée au Dr Karadzic fait référence à un
12 rapport qui vient du chef de mission de l'UNHCR pour la Bosnie envoyée au
13 Pr Konjevic le 17 juillet, où il fait part d'un incident qui s'est produit
14 le 18 juin quand l'on a confisqué les sacs de couchage et de la colle au
15 niveau d'un point de contrôle des Serbes de Bosnie à Dobrun. Et puis, on
16 fait référence aussi à un autre incident qui s'est produit le 14 juillet
17 quand 500 sacs de farine de blé ont été endommagés, et cetera. Un autre
18 document où l'on a endommagé, le 3 juillet aussi, des sacs de farine de blé
19 et des haricots, et ensuite, le 20 juillet, le convoi russe de l'UNHCR dit
20 que l'on a à nouveau endommagé des sacs de farine de blé ainsi que des
21 canettes de viande, et qu'on les a ouverts.
22 Et vous, donc, vous adressez au Dr Karadzic, vous dites que "…tous vos
23 convois à destination de Gorazde partent de Belgrade et passent par les
24 zones contrôlées exclusivement par les Serbes…" et donc, vous ne pouviez
25 pas recevoir ou accepter les explications indiquant que ces pertes de
26 denrées humanitaires sont nécessaires pour des raisons de sécurité.
27 Donc, il semblerait que les protestations dont vous faites part dans ce
28 document reflètent un comportement qui est parfaitement contraire à ce que
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1 vous a dit le Dr Karadzic dans sa lettre du 24 mars en parlant du
2 comportement de l'armée de la Republika Srpska.
3 R. Et bien, ceci montre bien qu'il n'y avait pas suffisamment de
4 discipline en place dans les forces armées de la Republika Srpska.
5 Q. Dans votre livre, vous faites référence à la page 26 -- dans le système
6 du prétoire électronique, il s'agit de la page 16, donc nous parlons
7 toujours de l'aide humanitaire, vous avez dit à la page 26, avant-dernier
8 paragraphe, vous dites :
9 "D'après les points de vue des parties belligérantes, l'aide humanitaire
10 n'est pas une action morale désintéressée, mais un instrument visant à
11 affaiblir la position de leurs opposants ou bien renforcer leur partie,
12 qu'il s'agisse de civils ou de militaires."
13 Vous avez aussi dans votre livre parlé de déclarations faites par les
14 autorités bosniaques dans ce sens. Mais voici ma question : n'est-il pas
15 exact, Monsieur l'Ambassadeur, que vous avez vu le Dr Karadzic et ses
16 forces militaires, surtout quand il s'agit des années 1994 et 1995,
17 entraver la distribution de l'aide humanitaire en l'utilisant comme un
18 instrument servant à affaiblir l'ennemi ?
19 R. Malheureusement, oui. C'était pratique courante, donc les deux parties
20 au conflit, le gouvernement bosniaque et les forces des Serbes de Bosnie,
21 voyaient dans l'aide humanitaire un instrument utile pour éventuellement
22 aider ou ne pas aider leurs positions. Donc, pour eux, c'était un moyen,
23 par exemple, de renforcer leurs positions. Pour nous, il s'agissait d'une
24 activité purement humanitaire; pour eux, c'était une question politique et
25 avait une signification même militaire. Nous avons fait de notre mieux pour
26 persuader les parties de s'occuper exclusivement de l'équilibre militaire,
27 mais souvent nous avons dû constater avec frustration qu'ils continuaient à
28 considérer l'aide humanitaire de leur point de vue réduit intéressé.
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1 Q. [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ambassadeur, en examinant ce paragraphe,
3 on a l'impression que dans ce paragraphe, on parle du gouvernement
4 bosniaque et pas des Serbes; ai-je raison de dire cela ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Président. La
6 première phrase parle du gouvernement bosniaque, mais veuillez examiner la
7 troisième phrase : "Les parties belligérantes considéraient que…" Donc,
8 toutes les parties belligérantes, malheureusement sans exception, voyaient
9 l'aide humanitaire comme une aide intéressée et pas désintéressée, ce qui
10 était inacceptable et très mauvais du point de vue des Nations Unies.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Vous pouvez poursuivre.
12 Mme EDGERTON : [interprétation] Pouvons-nous voir dans le système du
13 prétoire électronique, et avant de poursuivre, je vais demander de voir la
14 page 16 dans le système du prétoire électronique du livre de l'Ambassadeur,
15 qui se trouve aux pages 26 et 27 dans le livre.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons examiné quoi que
17 ce soit sur la page 27 ?
18 Mme EDGERTON : [interprétation] Non. C'est tout simplement que je ne sais
19 pas comment le présenter.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais dans le système de prétoire
21 électronique, de toute façon c'est la même page. Donc, nous allons ajouter
22 cette page à la pièce déjà versée.
23 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. 65 ter 01291.
24 Q. Donc, ce document, Ambassadeur, est daté du 3 septembre 1994. Là, nous
25 avons la page de garde de la lettre que vous avez écrite au Dr Karadzic à
26 la même date. Je vais demander de voir la deuxième page. C'est une lettre
27 assez courte. On peut la voir sur l'écran et on peut l'agrandir.
28 Donc, dans cette lettre vous exprimez vos préoccupations par rapport aux
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1 remarques qu'il a faites dans son discours à l'assemblée des Serbes de
2 Bosnie le 1er septembre 1994 à Pale, et il fait référence aux sanctions
3 économiques imposées par la République fédérative de Yougoslavie, et il dit
4 : "Maintenant nous sommes en droit d'introduire les mêmes sanctions contre
5 les Musulmans, de sorte que même pas un oiseau ne traversera leur espace
6 aérien."
7 Donc, Monsieur l'Ambassadeur, cette déclaration de M. Karadzic, est-ce
8 qu'elle reflète cette tendance qu'avait les parties d'utiliser l'aide
9 humanitaire pour servir leurs fins plutôt que de la voir comme une
10 assistance désintéressée ?
11 R. Je pense que vous avez raison.
12 Mme EDGERTON : [interprétation] Je vais demander de verser ce document.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P6293.
15 Mme EDGERTON : [interprétation]
16 Q. Une dernière question, et nous allons revenir vers votre livre,
17 Ambassadeur. 65 ter 1D29269, c'est la page 31 du livre dans la page 18 et
18 19 du système de prétoire électronique, et dans ce livre -- enfin dans ce
19 passage, vous faites référence à la détention du personnel de l'ONU suite
20 aux frappes de l'OTAN au mois de mai 1995. Je voudrais vous demander si
21 vous êtes d'accord avec moi pour dire que le personnel de l'ONU qui a été
22 pris en otage à cette occasion était utilisé en tant que boucliers humains
23 pour forcer l'OTAN d'arrêter les frappes aériennes ?
24 R. Je pense que l'utilisation de ce terme de "bouclier humain" et un terme
25 utilisé fréquemment par les journalistes. Dans ce cas précis, je pense que
26 le fait que les Serbes de Bosnie aient pris le personnel de l'ONU en tant
27 qu'otages, et c'est comme cela qu'on le perçoit, nous, si -- en revanche,
28 j'ajouterais que si on dit qu'on les a pris en otage pour les utiliser en
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1 tant que boucliers humains, là, pour une fois, il ne s'agit pas d'une
2 exagération de la part de journalistes.
3 Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Excellence. Je n'ai pas d'autres
4 questions pour vous.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
6 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez
8 des questions supplémentaires ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je souhaite en
10 revanche remercier son Excellence d'être venu déposer.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
12 Avec ceci se termine votre déposition --
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, il y a eu un grand
14 nombre de pages après la première ordonnance que vous avez faite, et
15 maintenant je me demande, vu que de nombreuses pages du livre ont été
16 utilisées entre-temps, qu'il ne serait pas justifié de verser le livre en
17 entier.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons réfléchi à cela et nous avons
19 décidé de laisser les choses telles qu'elles sont à présent.
20 Monsieur Akashi, à moins que mes collègues n'aient des questions pour vous,
21 avec ceci se termine votre déposition devant cette Chambre de première
22 instance et devant ce Tribunal. Je voudrais, au nom des Juges et moi-même,
23 vous remercier d'être venu ici déposer, et à présent vous pouvez disposer.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Votre tâche
25 n'est pas une tâche facile, et je vous souhaite à vous et à tous vos
26 collègues et aux parties bonne chance pour la suite. Notre mission dans le
27 cadre des affaires internationales n'est pas une mission facile, et souvent
28 on n'est pas suffisamment remerciés de cela, et je pense que vous méritez
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1 davantage de considération.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
3 [Le témoin se retire]
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson.
5 M. ROBINSON : [interprétation] Je suis vraiment désolé, nous aurions dû
6 continuer avec le général Galic. Je suis désolé. Je voudrais ajouter un
7 point. Le général Mladic a fait une demande de lui permettre de répondre à
8 notre requête portant injonction à comparaître, et nous n'avons pas
9 d'objection quant à cette réponse.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'allez pas faire d'observations
12 vous non plus, Monsieur Tieger ?
13 M. TIEGER : [interprétation] Non.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'ai pas cette requête sous mes yeux,
15 mais je pense que je peux dire en toute confiance qu'on peut faire droit à
16 cette requête.
17 Il y a un certain nombre de points dont je voudrais traiter avant de
18 terminer nos travaux d'aujourd'hui.
19 Tout d'abord, concerne la requête de l'accusé de remettre à plus tard la
20 déposition de Slavko Puhalic.
21 Les Juges de la Chambre ont reçu la requête de l'accusé visant à remettre à
22 une date ultérieure la déposition du Témoin Slavko Puhalic, qui a fait
23 l'objet d'une injonction à comparaître et qui a été soumise le 24 avril
24 2013. L'accusé demande que la date de la déposition de M. Puhalic soit
25 remise à la date du 7 mai 2013 jusqu'au 30 août 2013, donc à cette période-
26 là, en fonction des questions du calendrier, et que sa déposition se
27 déroule en même temps que la déposition d'autres témoins qui vont déposer
28 en venant des municipalités au nord-ouest. Les Juges de la Chambre
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1 souhaitent tout d'abord demander au Procureur si elle souhaite répondre à
2 cette requête.
3 Monsieur Tieger.
4 M. TIEGER : [interprétation] Non, je n'ai pas de remarque à faire.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, dans ce cas, les Juges vont
6 vous communiquer leur décision à ce sujet.
7 Les Juges de la Chambre rappellent que l'injonction à comparaître a été
8 émise le 20 mars 2013, demandant à M. Puhalic de comparaître devant la
9 Chambre de première instance pour déposer le 7 mai 2013 ou à une autre date
10 dont il serait averti. Tenant compte des arguments soumis par l'accusé et
11 de la réponse du Procureur, les Juges de la Chambre considèrent qu'il est
12 justifiable de remettre à plus tard la déposition de M. Puhalic. Donc, les
13 Juges de la Chambre font droit à la requête de l'accusé et ordonnent à M.
14 Puhalic de déposer en l'espèce le 30 août 2013. Les Juges de la Chambre
15 demandent au Greffe de communiquer le changement de la date de la
16 déposition de M. Puhalic et de prendre toutes mesures nécessaires pour
17 mettre en œuvre la décision des Juges.
18 A présent, nous allons revenir sur la question de la requête demandant un
19 transfert temporaire du témoin en détention, Franc Kos. Il s'agit d'une
20 requête qui a été soumise le 4 avril 2013. Les Juges de la Chambre
21 rappellent que le 18 avril 2013, en réponse à une demande de la Chambre
22 concernant la requête, le conseil de l'accusé, M. Robinson, a dit que la
23 Défense n'était pas en mesure de donner une réponse définitive concernant
24 la requête faite en fonction de l'article 90 bis, car les autorités
25 bosniaques ne répondent pas en principe aux demandes de la Défense, à moins
26 que cette Défense ne vienne des Juges de la Chambre. D'après ce que dit M.
27 Robinson, pour cette raison, la Défense a demandé de la Chambre d'envoyer
28 une requête aux autorités de Bosnie-Herzégovine pour confirmer que les
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1 requêtes en vertu de l'article 90 ont été fructueuses. Les Juges se
2 rappellent qu'il y a eu des communications fructueuses avec les autorités
3 de Bosnie-Herzégovine et considèrent de plus que les parties doivent
4 démontrer que les requêtes formulées en vertu de l'article 90 ont été
5 satisfaites. C'est pour cela que les Juges demandent à la Défense de se
6 tourner directement vers le gouvernement de Bosnie-Herzégovine et
7 d'informer les Juges de la réponse ou bien du manque de réponse des
8 autorités de Bosnie-Herzégovine. Les Juges, aussi, pensent qu'il serait
9 utile que la Défense demande que la lettre envoyée aux autorités de Bosnie-
10 Herzégovine soit versée au dossier.
11 M. ROBINSON : [interprétation] Nous allons le faire.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ensuite, la Chambre fait référence à
13 l'argument présenté par l'Accusation à l'égard des passages de l'entretien
14 de Milorad Dodik et la déposition dans l'affaire Brdjanin, qui a été citée
15 pendant le contre-interrogatoire et qui est maintenant versée au dossier.
16 La Chambre a reçu les extraits qui ont été téléchargés sous le numéro 65
17 ter 24921 à 24924. La Chambre de première instance n'est pas convaincue du
18 fait que ces extraits doivent être versés pour comprendre la déposition de
19 Milorad Dodik ou pour apprécier sa crédibilité. Les passages pertinents de
20 sa déposition et de son entretien ont été cités d'une façon que les Juges
21 de la Chambre sont en mesure de comprendre et permettent de comprendre
22 l'essentiel de la déposition du témoin et les questions soulevées lors du
23 contre-interrogatoire. Le témoin a également confirmé de façon répétée
24 quelle était la teneur de ce qu'il a dit lors de sa déposition dans
25 l'affaire Brdjanin. La Chambre de première instance note également que les
26 51 pages de la déposition de Dodik dans l'affaire Brdjanin sont versées au
27 dossier, mais que le nombre précis de pages citées pendant le contre-
28 interrogatoire était beaucoup moins élevé. En conséquence, la Chambre de
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1 première instance n'admettra pas le versement au dossier du numéro 65 ter
2 34921 à 24924 à ce stade.
3 Un instant, s'il vous plaît.
4 Oui, Monsieur Tieger.
5 M. TIEGER : [interprétation] Il se peut qu'il y ait un problème de
6 téléchargement, Monsieur le Président. La Chambre de première instance a
7 reçu 51 pages de sa déposition dans l'affaire Brdjanin. Si je me souviens
8 bien, le nombre total de pages que nous avions l'intention de remettre aux
9 Juges de la Chambre conformément à la pratique communément utilisée était
10 beaucoup moins important; c'était moins de la moitié. Donc il se peut qu'il
11 y ait un problème ici. Nous avons essayé de limiter nos arguments aux
12 questions soulevées. Peut-être que -- pardonnez-moi s'il y a une confusion,
13 j'aurais dû le vérifier moi-même, mais nous n'avons jamais rencontré ce
14 problème par le passé, donc nous pourrons peut-être reprendre, et je peux
15 effectivement dire aux Juges de la Chambre à quel endroit se trouvent ces
16 références, mais je m'excuse s'il y a eu un accrochage au plan logistique.
17 Mais comme l'a déjà indiqué Me Robinson, les pages que nous avons
18 présentées sont beaucoup moins importantes, comme l'a signalé Me Robinson.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie de cet élément
20 d'information, Monsieur Tieger, mais la raison essentielle pour laquelle la
21 Chambre de première instance a rendu sa décision figure dans la première
22 partie, et donc cette situation ne justifie pas un changement d'avis de la
23 part des Juges de première instance.
24 Et pour finir, la Chambre de première instance va rendre une décision orale
25 sur le versement au dossier du numéro 65 ter 24232, qui a été versé au
26 dossier par l'Accusation le 10 avril 2013 pendant le contre-interrogatoire
27 du Témoin Soniboje Skiljevic.
28 La Chambre de première instance note que le document en question est
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1 un document de 129 pages, "Verdict rendu par la Chambre d'appel" du
2 tribunal de Bosnie-Herzégovine dans l'affaire contre Radoje Lalovic et
3 Soniboje Skiljevic, daté du 11 juillet 2011, qui est cité au paragraphe 17
4 de la déclaration du Témoin Soniboje Skiljevic, versé au dossier en
5 l'espèce sous la cote D3331. La Chambre note que les parties ont demandé le
6 versement au dossier du document dans son intégralité.
7 La Chambre de première instance est convaincue -- pardonnez-moi.
8 Après avoir examiné les arguments des parties concernant le verdict, ainsi
9 que le document en lui-même, la Chambre de première instance constate qu'il
10 n'y a que les 13 premières pages de la versions anglaise du verdict ainsi
11 que les paragraphes 71, 80, 98 à 101, 104, 105, 108 à 111, 118, 129, 151,
12 158, 174, 205, 216, 225, 226 et 262 qui doivent être verses au dossier. La
13 Chambre de première instance est convaincue que ces paragraphes couvrent
14 les questions soulevées dans le prétoire pendant le contre-interrogatoire
15 du témoin et démontrent l'issue du verdict ainsi que le raisonnement de la
16 Chambre d'appel lorsqu'elle est parvenue à de telles conclusions.
17 La Chambre de première instance, par la présente, ordonne à l'Accusation de
18 télécharger dans le prétoire électronique les 13 premières pages du
19 verdict, ainsi que les 22 paragraphes susmentionnés.
20 La Chambre de première instance ordonne de surcroît au Greffe d'accorder
21 une cote à cette version caviardée du numéro 65 ter 24232.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document aura la cote P6294, Madame,
23 Messieurs les Juges.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins qu'il n'y ait une autre question
25 à soulever, l'audience est levée. L'audience suivante se tiendra le 7 mai.
26 --- L'audience est levée à 11 heures 36 et reprendra le mardi, 7 mai
27 2013, à 9 heures 00.
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