Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 28 mai 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  7   En entrant dans le prétoire le Greffier m'a fait savoir qu'aujourd'hui nous

  8   allons avoir une 400ième journée de procès dans cette affaire.

  9   Madame Gustafson, veuillez continuer.

 10   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.

 11   LE TÉMOIN : VLADIMIR LUKIC [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   Contre-interrogatoire par Mme Gustafson : [Suite]

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 15   R.  Bonjour.

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais qu'on nous afficher la pièce

 17   P3129, s'il vous plaît.

 18   Q.  Docteur Lukic, dans votre déclaration, vous avez évoqué la question des

 19   réfugiés et le retour des réfugiés, et au paragraphe 33, vous dites que le

 20   gouvernement s'est efforcé d'aider tant les réfugiés serbes que musulmans

 21   et qu'il n'y a pas eu de discrimination à cet égard. Au paragraphe 46, vous

 22   évoquez le fait que le gouvernement a souhaité un retour des réfugiés

 23   indépendamment de leur appartenance ethnique.

 24   Alors, j'aimerais qu'on nous montre la page 8 en anglais, et la page 12 en

 25   version en B/C/S. Il s'agit d'un PV d'une session du gouvernement qui s'est

 26   tenue le 20 mars 1993. En haut de la page, au -- à D 22, en B/C/S et se

 27   trouve vers le milieu de la page en anglais, l'avant-dernier paragraphe dit

 28   que :


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  1   "Le gouvernement a souligné la nécessité d'organiser des activités

  2   synchronisées pour peupler les zones libres sur le territoire de la

  3   Republika Srpska. Et à cette fin, il fallait créer des préalables pour

  4   faciliter le retour des réfugiés … "

  5   Et c'est précisément au sujet de ce PV de la session du gouvernement que

  6   vous avez affirmé que le gouvernement avait essayé d'aider les réfugiés

  7   serbes et musulmans. Alors bien que le document n'évoque en rien les

  8   appartenances ethniques, votre témoignage dit qu'il s'agissait d'une

  9   politique non discriminatoire. Mais, Monsieur le Docteur, Docteur Lukic, le

 10   gouvernement s'est efforcé de peupler stratégiquement le territoire de la

 11   Republika Srpska avec des réfugiés serbes pour créer une nouvelle réalité

 12   démographique au sein de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 13   R.  Ce n'est pas la conclusion que je tirerais de cette session, et pas

 14   seulement de celle-là mais des sessions précédentes, en premier lieu en

 15   raison de ce qui se passait sur le terrain. Il est vrai de dire que nous

 16   avons eu des réfugiés venant de toute la Bosnie-Herzégovine. Et je dirais

 17   même d'une bonne partie de la Croatie, de la moitié de la Croatie peut-

 18   être.

 19   Et ce que je me dois de vous dire c'est que : A un moment donné à Banja

 20   Luka, j'ai senti qu'il y avait plus de réfugiés que d'habitants originaires

 21   de Banja Luka. Et vers la fin de la guerre lorsque je suis revenu de la

 22   faculté, ma femme m'a dit qu'un soldat armé était venu et avec une femme et

 23   ils ont voulu la sortir de son appartement. Alors il me semble avoir déjà

 24   dit --

 25   Q.  Docteur Lukic, excusez-moi, de vous interrompre, mais vous êtes en

 26   train de vous éloigner de la teneur de ma question, vous êtes en train de

 27   parler de chiffres, de problèmes. Mais ma question ne se rapportait qu'à

 28   l'appartenance ethnique de ces réfugiés.


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  1   A cet effet, j'aimerais qu'on nous montre le P1379, il s'agit d'une

  2   transcription de la 34e Session de l'assemblée de la Republika Srpska.

  3   C'est un document que nous avons déjà vu. Et on a vu la teneur d'un

  4   discours que vous avez fait à cette session, et je voudrais à présent que

  5   nous nous penchions sur un autre fragment de ce PV. Et j'aimerais à cet

  6   effet qu'on nous affiche la page 212 en anglais et la page 230 en B/C/S. Il

  7   s'agit de la partie de cette session de l'assemblée où les ministres du

  8   gouvernement présentent leurs rapports relatifs aux activités déployées par

  9   leurs ministères respectifs. Et ici c'est M. Velibor Ostojic qui parle, et

 10   lui, à l'époque, était ministre sans portefeuille au sein de votre

 11   gouvernement.

 12   Vers la moitié de la page en B/C/S et au bas de la page en anglais, trois

 13   lignes plus bas, il dit :

 14   " … j'ai été chargé de cette commission en ma qualité de ministre sans

 15   portefeuille. Nous avons essayé d'aboutir à l'objectif qui est le nôtre, à

 16   savoir une continuité ethnique et géographique de la population serbe, tout

 17   en abritant les réfugiés, pour édifier une nouvelle politique démographique

 18   de la Republika Srpska," et cetera.

 19   Et un peu plus bas dans la version anglaise, il dit cette continuité

 20   géographique a été réalisée dans plusieurs secteurs, qui ont été incorporés

 21   dans les priorités, c'est-à-dire la vieille Stara Herzegovina, Birac, et

 22   Posavina.

 23   Alors, comme M. Ostojic nous le dit ouvertement, Docteur Lukic, l'objectif

 24   de votre gouvernement s'agissant des réfugiés était lié à la réalisation de

 25   cette continuité ethnique et géographique de la population serbe dans la

 26   Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 27   R.  Madame le Procureur, tout d'abord, je dois vous dire que vous m'avez

 28   interrompu. D'autre part, le problème entier, le problème énorme des


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  1   réfugiés vous l'avez simplifié à l'extrême. Et maintenant vous essayez

  2   d'arracher du contexte de certaines interventions des éléments qui ne sont

  3   pas forcément exacts. Moi, j'essaie de vous convaincre de mon mieux que

  4   nous avons dû héberger des milliers et des milliers de gens. Et nous avons

  5   dû restreindre l'espace occupé par certaines familles nous l'avons fait,

  6   non seulement pas seulement pour les groupes ethniques autres mais les

  7   nôtres aussi pour héberger les gens.

  8   C'est un fait notoirement connu que de dire, et là, vous avez parlé de

  9   certains secteurs, où il y avait des Croates qui sont partis en Croatie

 10   occupés des maisons serbes. Ils ont habité -- peuplé des régions entières -

 11   - occupées dans la Croatie par des Serbes, Slavonie, Lika, Kordun. Et que

 12   voulez-vous que nous fassions ? Il fallait bien que nos réfugiés ont les

 13   mettre dans leurs maisons à eux.

 14   Je ne doute pas du fait qu'il y ait eu d'autres thèses de développés par

 15   les gouvernements ou membres -- membres du gouvernement ou ministres; mais

 16   ce que je peux vous dire ce que le gouvernement a appuyé, ce que j'ai

 17   appuyé moi-même, et nous avions en plus le soutien de M. Karadzic.

 18   S'agissant du fait d'essayer d'héberger tous les réfugiés, de les protéger.

 19   Et une fois la paix revenue forcément, on allait restituer les biens de

 20   tout un chacun. Ce qui est chose logique. Et la Republika Srpska a été la

 21   première à le faire à la fin de la guerre.

 22   Q.  Ici vous dites que les choses sont sorties de leur contexte. Voyons un

 23   peu ce que M. Ostojic a dit six mois plus tard à une autre session de

 24   l'assemblée. Six mois plus tard, disais-je. P1388. Il s'agit du mois de

 25   mars 1994, et il est encore ministre au sein de votre gouvernement. Et à

 26   cet effet, j'aimerais que nous passions à la page 168 en anglais, et ça

 27   correspond à la page 135 en B/C/S. Alors, ici, une fois de plus, Monsieur

 28   Lukic, vous avez été présent à cette session, et vous le mentionnez au


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  1   paragraphe 80 de votre déclaration. Vous mentionnez le fait d'y avoir

  2   assisté.

  3   Et c'est une fois de plus Velibor Ostojic qui parle, et il commence

  4   son discours en parlant de réfugiés. Vers le bas de la page en B/C/S, et je

  5   crois qu'on peut zoomer quelque peu, et en anglais c'est juste avant le

  6   numéro 33, en anglais, où il est dit :

  7   "La première partie du travail a été effectué. Un document a été

  8   établi qui s'appelle Projection de la politique démographique de la

  9   Republika Srpska. Nous devons nous pencher sur le problème pour établir une

 10   continuité géographique de la population serbe sur le territoire de la

 11   Republika Srpska."

 12   Or, si on tourne la page de la version en B/C/S, on voit qu'il

 13   continue par dire :

 14   "Il y a quatre secteurs extrêmement sensibles où il convient de

 15   travailler. D'abord, Stara Herzégovina, la vieille Herzégovine, Srbinje,

 16   Visegrad, Rogatica. Ensuite, Birac, Vlasenica, Bratunac, Zvornik. Et

 17   ensuite, troisième secteur, Posavina, dans deux axes, le long de la Sava,

 18   de la Save, la rivière, et les environs de Trebova et Vlasic. Ensuite, il y

 19   a Sana et Una, la rivière de Sana et Una, et Vrbas. Alors c'est ce secteur

 20   Sana-Una et jusqu'à Krupa, Novi Prijedor, Kljuc, Sanski Most, et cetera."

 21   Puis un peu plus tard, il dit :

 22   "Nous n'avons pas cette population … "

 23   Alors Docteur Lukic, vous dites que la république entière a été

 24   submergée de réfugiés, mais ici, M. Ostojic nous dit une fois de plus que

 25   la priorité des priorités est celle de mettre en place une continuité

 26   géographique de la population serbe dans les secteurs qui revêtent une

 27   importance stratégique, et là où la population est insuffisante. Donc une

 28   fois de plus, ici, il est question de peuplement des secteurs de la


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  1   Republika Srpska qui ont été vidés de leurs Musulmans et Croates locaux

  2   pour y placer ou y installer des Serbes, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non. Non pour une raison qui est celle-ci, vous ne voyez pas qu'à

  4   Sarajevo, nous avions eu 155 000 Serbes, et lorsque fin 1992 je suis sorti

  5   de là-bas, il en est resté 20 à 25 000. A Bihac, nous avions eu plus de 40

  6   % de Serbes, et à Bihac, il n'est resté pratiquement pas un seul Serbe. A

  7   Mostar, on a chassé jusqu'aux derniers des Serbes, ceux qui n'ont pas été

  8   chassés, expulsés, ont été abattus. Je ne vais pas aller parler de Zenica,

  9   Rogatica, localités que vous venez de mentionner, vous aussi, et ces gens-

 10   là, il fallait forcément les héberger quelque part.

 11   Ecoutez, s'il vous plaît, Monsieur Ostojic, était le dernier à être à

 12   même d'interpréter les intentions du gouvernement. Ce n'est pas une bonne

 13   chose que de dire du mal des morts, et je pense que M. Karadzic va être

 14   d'accord avec moi. Ce n'était pas une personnalité d'envergure. Il y avait

 15   quatre professeurs d'université, et il y avait deux médecins, il y avait

 16   deux professeurs, et cetera.

 17   Donc c'était et je vous l'affirme, une fois de plus, c'était un

 18   gouvernement tout à fait compétent qui ne pouvait pas, enfin ne pouvait pas

 19   passer sous silence certains débats, mais il y avait des choses que ce

 20   gouvernement ne voulait pas réaliser. Donc c'est un fait au final. Dites-

 21   nous quel est le secteur où nous avons réalisé ce type de chose. Non, au

 22   contraire, nous avons demandé à ce que les gens retournent chez eux, et

 23   qu'on leur restitue leurs biens. Ça a été certainement l'exigence

 24   principale.

 25   Et, bien sûr, il y a eu des individus qui ont fait ce qu'ils ont

 26   fait, vous le savez parfaitement bien. Nous n'avons pas à élaborer outre

 27   mesure parce que ce sont des choses qui sont notoirement connues.

 28   Q.  Docteur Lukic, dans votre réponse, vous nous avez dit que "M. Ostojic


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  1   n'est pas une personnalité de format à pouvoir interpréter les décisions du

  2   gouvernement."

  3   Mais quelques mois avant qu'il n'ait dit ce qu'il a dit dans son discours à

  4   l'assemblée, il a été chargé par votre gouvernement avec M. Brdjanin à ses

  5   côtés pour préparer un programme d'hébergement des réfugiés dans la

  6   Republika Srpska, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, un programme d'hébergement des réfugiés mais pas sur ces bases-là.

  8   Ecoutez, il y a beaucoup de gens, même des responsables de niveau du

  9   gouvernement qui étaient des sous locataires quelque part parce qu'il

 10   fallait forcément qu'ils viennent habiter quelque part. Et partant du

 11   fondement que vous voulez imposer comme étant le bon, pour indiquer que ça

 12   avait été la politique d'Ostojic et du gouvernement de la Republika Srpska,

 13   pour tirer une conclusion qui serait celle de dire que c'était la politique

 14   de la Republika Srpska consistant en un nettoyage ethnique. Mais au final,

 15   regardez combien de gens il est rentré à quel ou tel ou tel autre endroit,

 16   et vous allez voir qu'il n'en est rien. Je vais vous dire combien de gens

 17   nous avons réfugiés en sus de la totalité des problèmes auxquels nous avons

 18   effectivement dû faire face.

 19   Q.  Donc vous êtes d'accord pour dire que M. Ostojic avait été chargé par

 20   le gouvernement de préparer un programme d'accueil de réfugiés. Il y a deux

 21   sessions de l'assemblée où M. Ostojic dit clairement que la politique de

 22   cette police c'était une continuité ethnique et géographique de la

 23   population serbe. Vous avez été présent à l'occasion de ces deux sessions-

 24   là. Vous avez été premier ministre. Mais vous n'avez jamais pris la parole

 25   pour dire que : Non, non, M. Ostojic n'a pas saisi les chose comme il

 26   fallait, ce n'est pas la politique de mon gouvernement, n'est-ce pas ?

 27   R.  Vous négligez le fait qu'il y avait une guerre qui faisait rage, une

 28   guerre civile. Il s'agissait d'une guerre où il était difficile de se


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  1   débrouiller dans ces différentes situations et cas de figure, et en aucun

  2   cas, bon nombre de gens que je connais très bien ni au gouvernement ni à

  3   l'assemblée n'acceptaient que les gens soient expulsés de chez eux, pour

  4   ramener des Serbes, et ne peupler que des Serbes là. Nous avions à résoudre

  5   des problèmes liés aux Serbes mais aussi liés aux Musulmans et aux Croates.

  6   Et je suis au courant de bon nombre d'exemples où des Croates et Musulmans,

  7   ont été hébergés dans d'autres logements en attendant que leur logement,

  8   leur appartement soit libéré. Et il n'était pas facile de le faire, parce

  9   que tout le monde avait une arme ou plusieurs armes chez lui.

 10   Q.  Dans votre réponse, Docteur Lukic, vous continuez à insister sur le

 11   fait que leur direction avait demandé leur retour des réfugiés musulmans et

 12   croates dans la Republika Srpska, mais en réalité, la direction de la

 13   Republika Srpska en sus du fait d'avoir essayé de peupler les secteurs

 14   vides avec des Serbes avait œuvré en faveur d'obstacle au retour des

 15   Musulmans et Croates, n'est-ce pas ?

 16   R.  Tout d'abord, il n'y en a Bosnie-Herzégovine nulle part de secteur

 17   ethniquement pur où il n'y avait eu que des Musulmans d'expulsés ou il n'y

 18   avait eu que des Serbes qui ont été expulsés ou des Croates qui ont été

 19   expulsés. Pour l'essentiel, c'était très mélangé. Il y avait les uns, les

 20   autres et les tiers. Et quand vous parlez de certains secteurs, j'ai vu

 21   tout de suite qu'il y a eu un nombre considérable de Croates et de Serbes

 22   qui ont été expulsés, et qui ont été abattus.

 23    Alors, je vous prie de prendre en considération le fait qu'il y a eu des

 24   Serbes, dès le début de la guerre, qui ont été abattus à Kupres, Brod,

 25   Sijekovac, Samac, Duvno. Alors comment voulez-vous qu'on peuple ces

 26   secteurs ? Avec des Serbes qui ont déjà été tués ? Vous ne mentionnez nulle

 27   part cela, et vous mentionnez le fait que des Croates ou des Musulmans ont

 28   été dépossédés de leurs appartements qu'ils ont occupés parce qu'ils ont


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  1   chassé d'autres personnes. Mais on leur a demandé de quitter les biens

  2   appartenant à d'autres personnes.

  3   Je vous répète et j'en ai un peu assez de le répéter pour dire que le

  4   plupart des Serbes avaient été expulsés des villes et même là où les Serbes

  5   avaient été représentés par des pourcentages considérables, et ils ont dû

  6   aller ailleurs en Republika Srpska ou en Serbie et bon nombre d'entre eux

  7   avaient trouvé refuge dans d'autres pays. Alors je vous répète une fois de

  8   plus, j'affirme, et je vous demande de prendre une moyenne. Les Serbes dans

  9   la Republika Srpska ont restitué plus de biens musulmans et croates que

 10   cela n'a été fait dans la Fédération de la Bosnie-Herzégovine. C'est un

 11   fait. Je n'invente rien. Ce sont des données.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais qu'on nous affiche maintenant

 13   la pièce P1385, je vous prie.

 14   Q.  Il s'agit d'une transcription de la 37e Session de l'assemblée la date

 15   est celle du 10 janvier 1994, on y dit que vous étiez présent. Vous avez

 16   pris la parole à cette session et ce PV c'est le P1384 qui nous montre bien

 17   que vous aviez été présent. Alors j'aimerais qu'on nous montre la page 126

 18   en anglais et la page 94 et B/C/S.

 19   Le contexte de ce débat est le suivant à présent l'assemblée, on est en

 20   train de se pencher sur les rapports relatifs aux conférences de Genève et

 21   de Bruxelles pour définir une plateforme de pourparlers à l'avenir, et

 22   c'est donc un débat relatif aux négociations les plus récentes. Vers le

 23   milieu de la page en B/C/S et vers le bas de la page en version anglaise.

 24   Il y a M. Vojislav Maksimovic qui intervient et il dit :

 25   "Ce que je voudrais véritablement qu'il soit pris comme attitude c'est que

 26   les Musulmans et Croates ne soient pas autorisés à revenir vers les

 27   secteurs sous notre autorité. Et il en va de même pour ce qui nous concerne

 28   ne pas retourner dans des secteurs qui seront sous l'autorité croate. Ça


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  1   doit être une position très claire. Parce qu'on va avoir les gens de

  2   Sandzak qui vont occuper Srbinje et les environs parce qu'ils sont trop

  3   nombreux dans le secteur. Et je voudrais que cette position soit prise de

  4   façon ferme pour dire que nous n'allons pas autoriser leur retour sur les

  5   territoires que nous avons obtenu par le biais de ces combinaisons

  6   internationales."

  7   Alors maintenant vers le bas de la page en anglais et le bas de la page en

  8   B/C/S aussi. Quelques lignes plus bas il dit :

  9   "Je ne veux pas savoir où les Musulmans vont résider, où est-ce qu'ils vont

 10   vivre, est-ce qu'ils vont avoir un pays. Ce qui m'intéresse c'est mon

 11   peuple. Et le territoire occupé par mon peuple. Par conséquent, il n'y a

 12   pas lieu de se dire que nous allons avoir 500 Musulmans qui vont faire

 13   partie de notre futur pays … "

 14   Et vers le bas de la page en anglais, page suivante en version B/C/S, c'est

 15   le Dr Karadzic qui répond et qui dit :

 16   "Ce que M. Maksimovic -- est vrai. Mais je dois attirer votre attention sur

 17   plusieurs éléments."

 18   Et il parle du monde entier qui est contre eux. Et vers le bas de la page

 19   en B/C/S et page suivante en version anglaise, c'est-à-dire vers le milieu

 20   de la page en version anglaise, il dit :

 21   "Ce que dit Vojo est vrai. Nos arrières grands-parents sont en train de se

 22   retourner dans leurs tombes. Parce que nos grands-parents se sont battus

 23   contre les Turcs, exception faite du grand-père Stevan qui lui s'est battu

 24   contre les Allemands."

 25   Puis vers la fin de la page en B/C/S, il dit :

 26   "Comme Vojo nous l'a dit, nous nous efforçons de rassembler des bouts de

 27   territoire. Nous ne pouvons pas divorcer de ces gens, de cette population.

 28   Notre objectif stratégique doit être de nous séparer d'eux. Et le monde là


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  1   nous a autorisé à le faire … "

  2   Alors ensuite il fait référence à un discours de Maksimovic page 132 en

  3   anglais et page 98 en version en B/C/S, vers le milieu de la page en

  4   anglais et vers le bas de la page en B/C/S, il dit :

  5   "S'agissant du retour des réfugiés, j'ai oublié de répondre à ce que Vojo a

  6   dit. En vertu de la loi internationale, nous n'avons pas le droit

  7   d'interdire le retour des réfugiés. En principe, tous les réfugiés peuvent

  8   revenir chez eux, mais j'ai ajouté une phrase et j'ai dit que : 'Cela

  9   devrait être un processus à deux sens.' Les Musulmans et les Croates ont

 10   accepté ce processus à deux sens. Ensuite Owen m'a demandé : 'Pourquoi vous

 11   avez insisté sur la nécessité d'un processus à deux directions, à deux sens

 12   ?' J'ai dit que quand les Serbes de Zvornik retourneront à Zenica, les

 13   Musulmans de Prijedor vont revenir à Prijedor; donc il faut que le

 14   processus se fasse dans les deux sens. Parce qu'on ne peut pas

 15   déclarativement [comme interprété] dire qu'on interdit le retour des

 16   réfugiés puisqu'il y a une loi internationale qui l'interdit."

 17   Alors, Docteur Lukic, ce que le Dr Karadzic a indiqué ici dans sa réponse à

 18   M. Maksimovic c'est le fait qu'il n'était pas admissible en vertu de la

 19   loin internationale d'interdire le retour des Musulmans et Croates, il

 20   avait insisté sur un processus à deux sens, et il a donc posé des

 21   conditions pour ce qui est du retour des Musulmans et Croates dans la

 22   Republika Srpska en conditionnant cela par un retour des Serbes dans les

 23   secteurs de la Fédération. Et c'est ce que le Dr Karadzic a utilisé comme

 24   ruse pour limiter le retour des Musulmans et Croates dans la Republika

 25   Srpska, n'est-ce pas ?

 26   R.  Chère Madame le Procureur, si vous saviez ce que les Serbes ont

 27   souffert pendant la Première Guerre mondiale, et maintenant je ne vais

 28   parler que des Musulmans, de la part des Musulmans, ce qu'on leur a fait


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  1   pendant la Deuxième Guerre mondiale, et si vous me croyez bien, je n'avais

  2   que 8 ans et quatre mois lorsque j'ai vu tuer 5 500 Serbes et 50 Juifs. Je

  3   n'avais que 8 ans et quatre mois quand je l'ai vu. Ce que j'ai vécu ensuite

  4   pendant la guerre ça nous mènerait très loin et je crois que vous auriez du

  5   mal à tout entendre.

  6   Donc compte tenu de ce qui s'est fait pendant les guerres précédentes ça a

  7   créé des antagonismes de tous les côtés et de la haine. Et ce que le Dr

  8   Karadzic a fait c'est qu'il a eu la sagesse de mettre en place un principe

  9   de réciprocité. Mais qui a-t-il de mal à cela que de la dire : Mais, Madame

 10   et Messieurs, laissez donc les Serbes revenir vers les territoires qu'ils

 11   avaient occupés et on laissera rentrer les autres ? Mais personne ne l'a

 12   respecté cela. Personne ne s'y est tenu. Alors comment à Mostar, la ville

 13   de Mostar où il y a eu un partage des Musulmans et des Croates, les Serbes

 14   n'existent pratiquement plus là-bas, et vous allez tout comprendre en

 15   prenant ceci comme exemple pour vous illustrer le retour des gens en

 16   Bosnie-Herzégovine et vous illustrez des relations. Il n'y a pas que le

 17   retour, il y a les relations en place.

 18   D'autre part, je ne pense pas que vous croyez vraiment que nous avons

 19   toujours été tous d'accord aux sessions de l'assemblée, il y a eu beaucoup

 20   de discorde. Nous avons laissé certaines personnes parler, et puis on

 21   mettait en œuvre les choses de façon tout à fait autre par la suite. Donc

 22   ce que je vous maintiens encore, et ce que je vous affirme vraiment, il n'y

 23   a pas que le gouvernement mais la présidence aussi avec Radovan Karadzic à

 24   sa tête, le parlement également n'a jamais pris de décisions qui ont

 25   conduit à des crimes, indépendamment du fait qu'il y ait eu des individus

 26   qui avaient là aussi été plutôt radicaux.

 27   Et vraiment, je vous prierais de ne pas perdre de vue les événements

 28   qui ont précédé à notre guerre sanglante, et de mon avis, le mal essentiel


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  1   réside ailleurs. C'est que les Serbes dans la guerre précédente n'ont pas

  2   survécu pour être présents à la Deuxième Guerre mondiale. Moi, je suis

  3   président de l'association Jasenovac/Donja Gradina. Je m'excuse des deux ou

  4   trois phrases que je vais prononcer, mais Jasenovac c'est le troisième des

  5   sites de camp d'extermination en Europe. De par sa monstruosité, c'est le

  6   numéro un, et il a été créé pour exterminer les Serbes, les Juifs et les

  7   Romes. 700 000 Serbes, 25 000 Juifs et 80 000 Romes ont trouvé là, la mort.

  8   Est-ce que vous pensez vraiment que cela n'est pas une chose possible et

  9   que cela ne peut pas exercer une influence, mais pas une influence petite,

 10   une influence énorme.

 11   Je vous ai dit que mon père a libéré Prijedor à deux reprises, et il

 12   sait ce qu'il y a trouvé. Vous devez forcément croire que ce qui s'est

 13   passé à Kozarac pendant la Deuxième Guerre mondiale, et ce qui a fait

 14   démarrer la guerre ici, ça a dû se solder par quelque chose.

 15   Excusez-moi d'avoir fait cette digression, mais je vois l'image bien

 16   plus grande pour ce qui est de la façon dont les choses se sont passées

 17   chez nous.

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 19   Q.  Docteur Lukic, vous avez plusieurs fois soulevé la question des crimes

 20   commis à Prijedor pendant la Seconde Guerre mondiale. Et la semaine

 21   dernière, lorsque je vous ai posé la question qui était de savoir si vous

 22   pouviez confirmer qu'en 1991 les Musulmans représentaient le groupe

 23   ethnique le plus important de Prijedor, de nouveau, vous avez reparlé de

 24   crimes atroces commis pendant la Seconde Guerre mondiale, commis contre les

 25   Serbes de Prijedor. Et vous avez dit que c'est ce qui a causé un

 26   déséquilibre, déséquilibre au niveau de la composition ethnique de

 27   Prijedor. Page 38 783 du compte rendu d'audience. --

 28   R.  Je n'entends pas l'interprétation.


Page 38798

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons des problèmes tant avec

  2   l'interprétation qu'avec le transcript.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends pas bien.

  4   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et je voudrais aussi apporter quelques

  6   corrections au compte rendu d'audience, s'il vous plaît, nous n'avons pas

  7   le transcript qui s'affiche en temps réel.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il faudra relancer le logiciel.

  9   Une petite pause, peut-être, cinq minutes.

 10   -- La pause est prise à 9 heures 34.

 11   -- La pause est terminée à  9 heures 44.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite apporter quelques corrections au

 13   compte rendu d'audience avant que Mme Gustafson ne reprenne.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 12, lignes 15 et 16, le témoin a dit :

 16   "Serbes, des Juifs, des Romes," et pas des "Communistes." Et ensuite, il a

 17   donné les chiffres, 700 000 Serbes, 25 000 Juifs et 80 000 Romes tués au

 18   camp de Jasenovac. Est-ce que l'on peut vérifier cela, s'il vous plaît,

 19   avec le témoin.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Docteur Lukic, est-ce que vous

 21   pourriez confirmer que c'est bien ce que vous avez dit ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   C'est à vous, Madame Gustafson.

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Docteur Lukic, plusieurs fois dans le cadre de votre déposition, vous

 27   avez parlé de crimes commis contre les Serbes de Prijedor pendant la

 28   Seconde Guerre mondiale. Et la semaine dernière, vous avez dit que ces


Page 38799

  1   crimes étaient à l'origine d'un déséquilibre ethnique qui s'est créé dans

  2   la municipalité. Vous avez évoqué le fait que pendant ces guerres

  3   précédentes on a vu naître la haine entre les différents groupes ethniques.

  4   Et vous avez parlé aussi de la peur qu'ont éprouvé les Serbes, la peur que

  5   ces crimes du passé ne se répètent.

  6   Alors, dans ce contexte-là, ne seriez-vous pas d'accord pour dire que

  7   dans une localité telle Prijedor, il serait justifié d'amener des Serbes

  8   afin de remplacer les Croates et les Musulmans qui étaient partis, afin de

  9   réparer ces injustices historiques, et empêcher que ces crimes ne se

 10   répètent à l'avenir ?

 11   R.  Avant tout, une telle chose n'est pas possible. Vous devriez me

 12   croire quand même, je dois savoir qu'aucun peuple ne se laisse anéantir, et

 13   simplement raser, évincer d'un territoire. D'autre part, j'ai déjà trop

 14   parlé de la Seconde Guerre mondiale, au mont Kozarac mais seulement nous

 15   avons tenu une table ronde sur les 59 000 victimes de la région de Kozara.

 16   Parmi eux, des victimes de Kozarac. S'il y en a qui pensent que les

 17   conséquences d'autres guerres, en particulier la Seconde Guerre mondiale

 18   n'a pas causé la peur, eh bien, ceux-là se fermeraient les yeux devant la

 19   réalité.

 20   Pourquoi suis-je parti faire la guerre, et pourquoi 20 et quelque

 21   proches, de mes proches sont-ils allés faire la guerre ? Eh bien, ce n'est

 22   pas parce qu'ils voulaient s'amuser, c'est parce qu'ils étaient prêts à

 23   donner leur vie pour la liberté de leurs proches, et la leur. Donc ça me

 24   prendrait beaucoup de temps de raconter toutes les victimes de Sarajevo, et

 25   tout ce qui est arrivé à certains, des choses qui n'auraient jamais dû se

 26   produire, et c'était à cause de la haine.

 27   Récemment vous avez parlé de notre assemblée, d'une séance de notre

 28   assemblée. Je dois vous dire que nous avons entendu des tas de choses dans


Page 38800

  1   le cadre des débats devant l'assemblée, et si nous avions tenu compte de

  2   tout cela, il y avait des Croates, et des Musulmans, qui prenaient la

  3   parole, et il y a eu du tac au tac. Vous avez vu ces échanges pour certains

  4   d'entre eux. Et je dois dire qu'on ne manquait pas de personnes cultivées

  5   et formées, elles n'acceptaient pas cela, elles ne tenaient pas compte de

  6   ce type de discours, et beaucoup de ces choses-là n'ont jamais vu le jour,

  7   et ne pouvaient pas être traduites dans les faits.

  8   Q.  Je demande l'affichage du document 1D07862, s'il vous plaît. Monsieur,

  9   il est question de ce document au paragraphe 36 de votre déclaration, et de

 10   manière générale, au paragraphe 26, vous affirmez que le Dr Karadzic et

 11   vous-même avez souligné qu'il fallait engager des poursuites pour tout

 12   crime indépendamment de l'appartenance ethnique de son auteur.

 13   La date de ce document est le 6 avril 1993, vous en êtes l'auteur, il l'a

 14   envoyé à l'état-major de l'armée, au commandement du SRK, et vous affirmez

 15   que le gouvernement a reçu pour information qu'il y a eu des cas de

 16   pillage, de meurtre, d'incendie de bâtiments, de viol dans la municipalité

 17   de Novo Sarajevo, et en particulier dans le quartier de Grbavica, et que

 18   c'étaient des membres de la VRS qui avaient commis essentiellement ces

 19   crimes.

 20   Et au paragraphe 36 de votre déclaration, vous affirmez que :

 21   "Le gouvernement a demandé que l'on empêche la commission de crimes par la

 22   VRS, à Sarajevo, et que vous bénéficiez d'un soutien total, inconditionnel

 23   du général Mladic, et du général Galic."

 24   Donc je suppose que Dr Karadzic, le général Mladic, et le général Galic

 25   étaient au courant de ces cas de pillage, de meurtre, d'incident de

 26   bâtiments et de viol dans le quartier de Grbavica.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout d'abord j'aimerais savoir si le témoin a

 28   sous les yeux sa déclaration; et sinon, je vais demander qu'on la lui


Page 38801

  1   remette.

  2   En outre, Mme Gustafson laisse entendre qu'il s'agissait de crimes de la

  3   VRS.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas exact.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Elle présente comme implicite dans ses

  6   questions que nous admettions qu'il s'agissait de crimes commis par la VRS.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Mais, excusez-moi, je suis en train de

  8   donner lecture d'un document qui fait état de crimes commis par la VRS.

  9   C'est le document qui a été versé au dossier par le truchement de ce témoin

 10   et c'est un document de la Défense.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 13   Q.  Docteur Lukic, vous avez dit que vous bénéficiez du soutien du Dr

 14   Galic, des généraux Galic, et Mladic, dans ces efforts. Je suppose que ces

 15   trois hommes étaient au courant du fait que ces crimes étaient en train

 16   d'être commis par des militaires de la VRS à Grbavica; exact ?

 17   R.  Avant tout, il faut dire qu'il y a eu des crimes, et ça, on ne le

 18   conteste pas. Il est difficile d'établir que c'était véritablement fait par

 19   l'armée. Il y a eu des militaires mais il y a eu aussi des vauriens qui se

 20   lançaient dans -- enfin qui volaient, qui maltraitaient les femmes.

 21   Et je dois vous dire qu'il y a eu un exemple - quelqu'un dont je ne

 22   voudrais pas donner le nom - il traitait mal les femmes indépendamment de

 23   leur origine ou de leur statut, et son supérieur la mettait chez nous sur

 24   notre territoire, mais il n'y avait pas une seule femme d'un autre groupe

 25   ethnique et il s'est remis à faire la même chose nos soldats l'ont tuée. Et

 26   je dois vous dire que j'ai entendu parler de cela de la part de ceux qui

 27   avaient été ses camarades initialement avant qu'il ne soit muté ils

 28   pensaient qu'ils auraient dû faire la même chose.


Page 38802

  1   Il y a eu des procès, mais je dois vous dire une chose qui est vraie, qui

  2   est exacte, qu'il y a eu beaucoup de rumeurs comme quoi des choses se

  3   seraient produites qui ne sont pas produites --

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   R.  -- bien sûr, parfois on a des connaissances parmi -- il y a parmi des

  6   connaissances des gens qui ont péri ainsi --

  7   Q.  Reprenons ce document, Docteur Lukic. Ce document vous l'adressez au

  8   commandant de l'état-major et au commandant du Corps de Sarajevo-Romanija

  9   vous parlez de choses très, très graves, de crimes terribles qui sont

 10   commis par des membres des unités de la VRS. Alors, je voudrais simplement

 11   vous dire que vous n'auriez pas décidé d'agir de la manière aussi sérieuse

 12   si vous n'aviez pas d'information fiable, --

 13   R.  En guerre, tous les soupçons doivent être vérifiés. J'ai appris de

 14   certains côtés que certains de nos organes étaient en train de gérer des

 15   camps. Après j'ai cherché à vérifier cela, et j'ai pu constater que ce

 16   n'était pas exact, qu'il n'y avait pas de camp, pas une seule personne

 17   détenue, donc cette information n'était pas exacte. Donc en situation de

 18   guerre on envoie toutes sortes d'information et personne ne le prend mal,

 19   parce que ces informations on les envoie simplement pour qu'elles soient

 20   vérifiées.

 21   Et puisque vous me posez la question, est-ce que dans le quartier de

 22   Grbavica il y a eu de telles choses, il y en a eu surtout à Sarajevo. Et en

 23   toute responsabilité, je peux vous dire qu'il y a plus de femmes serbes qui

 24   ont été maltraitées dans Sarajevo que de toutes les autres femmes

 25   confondues, que toutes les autres femmes confondues. Et je dois dire que

 26   j'ai pu effectivement recevoir beaucoup d'éléments d'information contenus

 27   du poste que j'occupais.

 28   Q.  Docteur Lukic, à ce stade, vous étiez préoccupé par ces crimes commis à


Page 38803

  1   Grbavica par rapport au fait que même la population serbe en devait

  2   victime. Autrement dit, ce n'était pas uniquement les Musulmans et les

  3   Croates qui en étaient victimes. Même les Serbes le devenaient et c'était à

  4   cause de cela que vous étiez préoccupé; exact ?

  5   R.  [aucune interprétation]

  6   Q.  Avez-vous entendu ma question ?

  7   R.  En partie.

  8   Q.  Ma question était la suivante : A ce moment-là, si vous vous

  9   préoccupiez à cause de ces crimes de Grbavica c'était que non seulement les

 10   Croates et les Musulmans étaient les victimes de ces crimes, mais qu'aussi

 11   la population serbe de Grbavica devenait victime; exact ?

 12   R.  Peut-être bien lorsqu'on analyse les choses maintenant à distance, mais

 13   lorsqu'on est pris dans le tourbillon de la guerre, les choses se

 14   présentent autrement. Dans une telle guerre on ne peut pas avoir qui sont

 15   les victimes et qui risquent de le devenir demain. Donc, Madame le

 16   Procureur, j'habitais dans un bâtiment qui est tout à fait calme mais je ne

 17   savais pas que pendant des mois à 50 mètres, il y avait des soldats

 18   musulmans armés en civil qui n'étaient pas en uniforme militaire. Dans un

 19   foyer pour étudiant. Donc il y a eu plein de choses, toutes sortes de

 20   choses. Je sais qu'il y a eu beaucoup de victimes parmi mes amis --

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   R.  -- des Musulmans, des Croates mais aussi des Serbes et tout ça --

 23   seulement -- seulement ce qui est certain c'est que je ne peux pas savoir

 24   exactement tout ce qui se passait dans un quartier qui comptait 10, 12

 25   [comme interprété], peut-être même plus d'habitants.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande l'affichage du document P1474.

 27   Q.  Et encore une fois, je vais vous demander, Docteur Lukic, de bien

 28   vouloir vous concentrer sur la question que je vous pose.


Page 38804

  1   R.  J'ai du mal à entendre. Est-ce qu'on peut parler plus fort, s'il vous

  2   plaît ?

  3   Q.  Est-ce que c'est mieux, Docteur Lukic ?

  4   R.  Oui, oui, c'est mieux.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande la page 157 en anglais et page

  6   159 en B/C/S.

  7   Q.  Il s'agit d'un carnet militaire, ce carnet vient du général Mladic et

  8   la note que je vais vous montrer se situe à peu près deux semaines avant

  9   que vous n'ayez rédigé le document que nous venons d'examiner. La date est

 10   celle du 25 mars 1993, et vous voyez le titre : "Rencontre aux réunions

 11   avec le premier ministre Lukic." Deuxième ligne vers le bas de la page :

 12   "Problèmes :

 13   "Vol, profiteur, pillage, désir d'enrichissement personnel."

 14   Et page suivante au milieu de la page :

 15   "Quelques soldats ont violé même des femmes serbes (de Grbavica). (Lukic) a

 16   sorti de Sarajevo quelqu'un qui a fait cela il l'a fait personnellement, il

 17   ne voulait pas donner son nom)."

 18   Alors, Docteur Lukic, cela reflète la préoccupation qui était la vôtre,

 19   qu'il ne s'agissait pas seulement de Musulmans et de Croates qui devenaient

 20   utiles de ces soldats de Grbavica, que même des Serbes étaient touchés,

 21   n'est-ce pas ?

 22   R.  Ecoutez, ne cherchez pas à faire des constructions. C'est de Grbavica

 23   en passant par Vraca que j'ai fait passer des dizaines de fillettes à la

 24   gare routière pour partir vers Belgrade, des dizaines de filles et de

 25   différents groupes ethniques. J'ai demandé à nos soldats de ne pas toucher

 26   aux Musulmans ou, plutôt, de les protéger chez eux parce qu'on ne savait

 27   pas où les placer pour les mettre en sécurité. Comment dirais-je, on

 28   pouvait faire jouer ses contacts, et je l'ai fait pour faire passer à


Page 38805

  1   Belgrade des Musulmans de Petrovac. Donc, Madame, je ne suis pas la

  2   personne à laquelle il faudrait poser cette question.

  3   Je connais pas mal de gens qui ont fait des choses comparables à celles-là,

  4   qui se sont comportés comme moi. Donc cette question-là, je vous prie,

  5   c'est presque une insulte. Et je pourrais d'ailleurs ajouter autre chose :

  6   qu'est-ce que vous feriez si la maman d'une gamine d'une dizaine d'années

  7   vient vous voir, et vous dire : Je vous prie, sauvez ma fille ? Et moi,

  8   j'en ai vu plusieurs des cas de ce genre. J'ajouterais aussi qu'en temps de

  9   guerre, personne n'est à l'abri, personne, et les choses dépendent de

 10   l'endroit où l'on se trouve. La situation est une à Sarajevo, et elle est

 11   autre dans une autre ville. Et puis il y a toujours des représailles,

 12   c'est-à-dire que quelqu'un qui s'est fait tirer dessus va tirer en

 13   représailles.

 14   Q.  J'aimerais --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que le témoin ait

 16   compris votre question. Monsieur, de quelle façon avez-vous compris la

 17   question que Mme Gustafson vous a posée ? Est-ce que vous admettez avoir

 18   rencontré M. Mladic, ce jour-là, et avoir discuté --

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, écoutez, je vois qu'il est écrit que

 20   je l'ai fait, maintenant, je n'ai aucune raison de mettre en doute ce que

 21   M. Mladic a écrit. Mais, pour ma part, je fréquentais un certain nombre de

 22   dirigeants de plusieurs municipalités, j'en connaissais beaucoup, et donc

 23   vraiment, je suis incapable de me rappeler tout dans le détail. Mais il est

 24   clair que j'ai eu une discussion avec lui.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que vous voyez dans ces

 26   notes que vous êtes censé avoir fait référence à des soldats qui auraient

 27   violé y compris des femmes serbes, à Grbavica ? Est-ce que vous vous

 28   rappelez avoir dit cela à M. Mladic ?


Page 38806

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est possible que je lui aie parlé du cas

  2   dont je vous ai parlé ici aussi, parce que ce cas m'a frappé. Mais le mot

  3   "même" qui figure ici, je ne l'utilise pratiquement jamais.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je demande

  7   l'affichage du document 65 ter 1D07894.

  8   Q.  Monsieur Lukic, dans ce document, au paragraphe -- vous parlez de ce

  9   document au paragraphe 91 de votre déclaration.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Lukic, est-ce que vous avez le

 11   texte de votre déclaration sous les yeux ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. Je pense qu'il serait bon

 14   que le témoin ait ce document, cela pour l'aider.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous disposons d'un exemple

 16   papier ? En arrivant l'arrivée du document, nous pourrions poursuivre.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

 18   Q.  Ce document est une lettre du 28 juin 1994, une lettre qui vient du

 19   comité de la République fédérale yougoslave, chargé de recueillir des

 20   renseignements au sujet des crimes contre l'humanité, et au sujet du droit

 21   international pour les transmettre au juge d'instruction du tribunal

 22   élémentaire de Prijedor. Vous discutez de cette lettre dans votre

 23   déclaration en disant, je cite, "elle constitue une demande pour que les

 24   Serbes qui auraient commis des crimes à Prijedor soient interrogés afin que

 25   leur responsabilité soit déterminée." Vous avez ajouté que le gouvernement

 26   convoquait toute personne ayant commis des crimes à répondre à des

 27   questions quelle que soit son appartenance ethnique.

 28   Et dans cette lettre, nous ne voyons aucune mention des crimes en question


Page 38807

  1   qui auraient été commis par des Serbes. Donc je vous pose la question

  2   suivante : Quel est l'élément sur lequel vous vous fondez pour affirmer que

  3   cette lettre concernait des crimes commis par les Serbes ?

  4   R.  A Prijedor, il y avait un groupe de délinquants, de pilleurs, avant

  5   tout des gens qui pillaient chaque fois qu'ils en avaient l'occasion. Et

  6   puis, ces hommes avaient aussi l'habitude de violer les femmes sur

  7   lesquelles ils pouvaient tomber, et plus tard, ils se sont mis à commettre

  8   des meurtres. Et finalement après un certain nombre de meurtres, d'ailleurs

  9   je dirais même de nombreux meurtres, notre service a fini par les

 10   découvrir, il a découvert 11 auteurs de ces faits. Ces hommes ont été

 11   interrogés, mis en examen, transférés devant les services judiciaires par

 12   nos services à nous, et ce qui s'est passé ensuite, je ne sais pas, je ne

 13   suis pas au courant.

 14   Q.  Dans ce document, il est indiqué qu'une lettre est jointe dans laquelle

 15   sont indiqués les noms des personnes qui seront auditionnées et dans

 16   quelles circonstances elles le seront, bien qu'il n'y ait pas d'autre

 17   détail.

 18   J'aimerais donc maintenant que l'on affiche le document 65 ter numéro

 19   25003. Cette lettre porte une date qui se situe quelques jours après la

 20   lettre précédente, elle vient également de la République fédérale

 21   yougoslave, du même comité chargé de recueillir des éléments de preuve

 22   relatifs aux crimes contre l'humanité et au droit international, et elle

 23   est adressée au comité de la Republika Srpska chargé de recueillir des

 24   renseignements au sujet des crimes contre l'humanité et le droit

 25   international. L'auteur de cette lettre est le même que pour la lettre

 26   précédente, il s'agit de M. Ilija Simic, et nous lisons dans celle-ci, je

 27   cite :

 28   "Comme convenu avec votre commission, nous proposons que le tribunal


Page 38808

  1   élémentaire de Prijedor auditionne les témoins dont les noms suivent ainsi

  2   que leurs proches …"

  3   Et ensuite, on voit une liste. La première personne devait être auditionné

  4   au sujet de l'arrestation des Serbes de Kupres; la deuxième personne devait

  5   être interrogée au sujet de sa capture à Bihac; la troisième personne au

  6   sujet de la purge de Serbes de Livno. Et on passe à la page suivante en

  7   anglais, le quatrième témoin devait être interrogé au sujet de

  8   l'arrestation d'un Serbe à Livno; le cinquième témoin devait être interrogé

  9   au sujet d'une arrestation à Slavonski Samac --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.

 11   Oui, Monsieur Karadzic ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais comment est-ce que ce témoin peut répondre

 13   à des questions relatives à ce document qui provient d'un juge

 14   d'instruction de Belgrade ? Quel est le rapport ?

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Le rapport est lié au fait que cette

 16   lettre a une relation avec la lettre précédente qui est une pièce à

 17   conviction versée au dossier par l'intermédiaire de ce témoin.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Vos questions ont été assez

 19   longues, et le témoin n'a pas le texte de sa déclaration sous les yeux,

 20   donc je ne suis pas sûr qu'il ait vraiment pu comprendre complètement la

 21   question précédente que vous lui avez posée, et je ne suis pas sûr que les

 22   documents dont il est fait référence au paragraphe 91 de la déclaration du

 23   témoin soit complètement ou même ne serait-ce que partiellement liés aux

 24   crimes commis par les Serbes. Donc je n'ai pas entendu la réponse du témoin

 25   à votre question. Pourriez-vous la reposer, Madame Gustafson ?

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Bien sûr.

 27   Q.  Docteur Lukic, le document précédent --

 28   R.  Je vous en prie, écoutez, je fais de très nombreux efforts, je


Page 38809

  1   m'efforce au maximum, mais je ne me rappelle pas. Je ne me rappelle pas ce

  2   document.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Un instant. Est-ce que vous

  4   avez votre déclaration sous les yeux ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, veuillez vous pencher sur le

  7   paragraphe 91.

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  9   Q.  Et puis --

 10   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait lui montrer le

 12   document précédent aussi ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Document précédent, 1D7894.

 14   Ici vous dites, je cite : "Ce document constitue une demande pour que les

 15   Serbes ayant commis des crimes à Prijedor soient interrogés." Est-ce que

 16   vous vous rappelez avoir dit cela dans votre déclaration préalable ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et maintenant si vous vous penchez sur

 19   le document qui est devant vous -- vous êtes invité à répondre à la

 20   question suivante : Sur quoi vous appuyez-vous pour aboutir à la conclusion

 21   que tout ceci concernait des auteurs de crimes d'appartenance ethnique

 22   serbe ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'il y a des informations ? Toutes les

 24   informations ne nous parvenaient pas sous forme écrite. Elles nous

 25   parvenaient sous d'autres formes très souvent.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vous suis plus là. Dans votre

 27   déclaration préalable, là où vous expliquez ce document, vous dites, je

 28   cite : "Ce document constitue une demande pour que les Serbes ayant commis


Page 38810

  1   des crimes soient interrogés." Et la question qui vous est posée maintenant

  2   c'est sur quoi vous vous appuyez pour conclure cela ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, il est fort probable qu'un

  4   représentant des organes, un agent officiel ou je ne sais qui d'autre nous

  5   a dit qu'il s'agissait des Serbes.

  6   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Encore une fois, c'est l'interprète qui est

  8   responsable de ce malentendu. A la ligne 13, le témoin a répondu : "Eh

  9   bien, on avait des renseignements." Il n'a pas demandé si des

 10   renseignements leur parvenaient. Il a dit qu'il recevait des

 11   renseignements.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 14   Q.  Bien. Je crois maintenant nous pourrions nous pencher sur le document

 15   65 ter numéro 25003.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A des fins d'organisation de notre temps

 17   de travail, Madame Gustafson, et puisque nous siégeons en audience

 18   courante, j'indique que nous ferons une première pause à 10 heures 20

 19   pendant 20 minutes et une demande à midi pendant une demi-heure.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 21   Q.  Alors, Monsieur Lukic, ce document-ci date de quelques jours avant le

 22   document précédent, l'auteur de ce document est le même que celui du

 23   document précédent, et ce document provient du même organe et il est

 24   adressé comme le précédent à la commission de la Republika Srpska chargée

 25   de recueillir des renseignements relatifs aux crimes contre l'humanité et

 26   au droit international, il a pour objectif d'obtenir que le tribunal

 27   élémentaire de Prijedor interroge un certain nombre de témoins résidant de

 28   Prijedor. Et nous avions commencé à examiner la liste.


Page 38811

  1   J'aimerais donc que nous passions à la page suivante en version anglaise.

  2   Entrée numéro 6, c'est une personne qui doit être auditionnée au sujet de

  3   crimes commis contre les Serbes de Livno. La personne numéro 7, auditionnée

  4   au sujet de crimes commis contre les Serbes de Bugojno. Et puis nous

  5   pourrions passer à la page suivante en B/C/S maintenant. Personne numéro 8,

  6   elle devra être auditionnée au sujet de la purge des Serbes dans les

  7   environs de Zenica; numéro 9, même chose; numéro 10, également en rapport

  8   avec des crimes commis à Zenica; numéro 11, des crimes contre des Serbes de

  9   Zagreb, et cetera, et cetera.

 10   Et puis nous pouvons peut-être passer à la dernière page dans les deux

 11   langues simplement pour que nous voyons quelques-unes des dernières

 12   entrées, et dans l'ensemble, nous constatons que chacune des personnes dont

 13   les noms figurent sur cette liste doit être auditionnée, selon ce qui est

 14   écrit dans ce document, par le tribunal d'instance de Prijedor parce

 15   qu'elles auraient été témoins de crimes commis contre des Serbes en

 16   d'autres lieux que Prijedor. Donc les détails que l'on trouve dans cette

 17   lettre montre très clairement que la lettre à laquelle vous faites

 18   référence dans votre déclaration n'a rien à voir avec des crimes commis par

 19   les Serbes de Prijedor, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je dois vous avouer que je n'ai rien compris à votre conclusion. Quand

 21   nous parlions des Serbes de Prijedor, c'est parce que nous avions bien sûr

 22   reçu des renseignements particuliers à leur sujet, indiquant qu'ils

 23   auraient commis des crimes. Le service les ont recherché, les ont trouvés,

 24   et se sont effectivement convaincus que ces hommes avaient commis des

 25   sévices, avaient pillé, et avaient commis un certain nombre de crimes

 26   contre des personnes, et c'est la raison pour laquelle ces personnes ont

 27   été mises en examen.

 28   Alors qu'ici il est question de la recherche d'un certain nombre de témoins


Page 38812

  1   : Qu'est-ce que cela veut dire ? Eh bien, cela veut dire que les personnes

  2   dont les noms figurent sur cette liste sont soupçonnées d'avoir commis un

  3   certain nombre de délits et de crimes dans les localités dont les noms

  4   figurent dans la liste. Ce n'est pas quelque chose d'inconnu. Il est bien

  5   connu que des personnes ont commis des crimes et qu'ensuite elles ont fui

  6   vers des lieux différents. Bien entendu, elles ont été recherchées et

  7   certaines d'entre elles ont comparu en justice, d'autres pas, c'est de

  8   cette façon que les choses se passent en temps de guerre.

  9   Q.  Monsieur Lukic, je vais essayer encore une fois. Je vais vous

 10   interroger au sujet du document dont vous parlez dans votre déclaration

 11   préalable document émanant du comité de la République fédérale yougoslave

 12   chargé -- est destinée au juge d'instruction de Prijedor, dans lequel il

 13   est indiqué qu'un certain nombre de témoins de Prijedor doivent être

 14   auditionnés au sujet de certains crimes. Vous avez dit que ce document

 15   concernait des crimes commis par les Serbes. Et maintenant je vous montre

 16   un document qui date de quelques jours avant qui émane du même comité dans

 17   lequel nous lisons, je cite : "Ceci est une proposition visant à ce que des

 18   témoins soient auditionnés par le tribunal d'instance de Prijedor et toutes

 19   ces personnes ont un rapport avec des crimes commis contre les Serbes dans

 20   d'autres lieux que Prijedor." Donc je vous dis suite à l'examen de ces deux

 21   documents que le document dont vous parlez dans votre déclaration préalable

 22   n'a rien à voir avec des crimes commis par les Serbes, n'est-ce pas ?

 23   R.  Cette constatation est inexacte. Car si nous, nous avons appris, si

 24   nous avons reçu des renseignements qui nous indiquaient qu'un groupe de

 25   Serbes avait commis des délits, et des crimes divers, parce qu'ils le

 26   faisaient de façon assez peu sélective, de temps en temps ils pillaient,

 27   ils volaient quelqu'un, de temps en temps ils tuaient, de temps en temps

 28   ils malmenaient une femme, et cetera, et si ces hommes sont poursuivis et


Page 38813

  1   mis en accusation c'est une chose. Mais ce document qui provient de

  2   Belgrade et dont vous parlez, c'est quelque chose de tout à fait différent.

  3   Il s'agit de personnes qui ont commis des crimes et des pillages en dehors

  4   de Prijedor. Donc ces personnes n'ont rien à voir avec Prijedor, peut-être

  5   que si elles se sont trouvées à Prijedor c'était l'effet du hasard. Voilà

  6   ce que je dis.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande le versement au dossier du

  8   document.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est admis au dossier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce à conviction P6344.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si cela convient à chacun, je propose

 12   que nous fassions la pause, Madame Gustafson.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pause de 20 minutes.

 15   --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.

 16   --- L'audience est reprise à 10 heures 42. 

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Q.  Monsieur Lukic, au paragraphe 33 de votre déclaration préalable, vous

 20   parlez de prisonniers civils et de leur échange. Et vous développez votre

 21   position selon laquelle les prisonniers civils constituaient une catégorie

 22   de personnes qu'il était raisonnable de soupçonner d'avoir commis des

 23   crimes, et vous ajoutez que ces prisonniers étaient échangés indépendamment

 24   de la gravité du crime qu'ils auraient commis. "Parce que" - dites-vous -

 25   "nous voulions sauver les civils serbes qui avaient été emprisonnés et qui

 26   subissaient la terreur dans les prisons tenues par la partie musulmane."

 27   Alors j'aimerais que l'on affiche le document P2684, je vais vous montrer

 28   un passage de ce texte, et vous posez ensuite une question. Ce document est


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  1   un ordre émanant du service du Renseignement de l'état-major principal de

  2   la VRS, qui date du 3

  3   Octobre 1994, il y est question d'échanges des prisonniers. Et au troisième

  4   paragraphe à partir du bas, en B/C/S, qui correspond à l'avant-dernier

  5   paragraphe de la version anglaise, Tolimir dit ce qui suit, je cite :

  6   "Il convient de ne pas perdre de vue que dans le cadre des échanges, nous

  7   recevions les prisonniers capturés de la Republika Srpska, et pour ce qui

  8   nous concerne, nous leur remettions surtout des civils."

  9   Alors, vous, vous avez dit que vous échangiez des civils dans le but de

 10   sauver les civils serbes qui se trouvaient en d'autres lieux. Mais dans ce

 11   document que je vous soumets, le général Tolimir déclare que les civils

 12   étaient échangés contre des soldats serbes, n'est-ce pas ?

 13   R.  En temps de guerre, il est fréquent de ne pas avoir le choix, on fait

 14   ce qu'on est obligé de faire. Prenons l'exemple de Croates, après la trêve

 15   de cessez-le-feu qui a été conclu avec eux en 1993, nous avons accepté des

 16   échanges de tous contre tous. Nous savions souvent que nous leur remettions

 17   des criminels mais notre principal objectif était de sauver des personnes.

 18   Et je dois dire que parmi les Musulmans, et cetera, si nous n'avions pas

 19   une preuve très ferme, très flagrante de la culpabilité de tel ou tel

 20   homme, nous acceptions l'échange, autrement dit, nous libérions la

 21   personne. Donc les circonstances ne nous permettaient pas de réfléchir trop

 22   à la gravité de ce qu'avait fait untel ou untel. Le plus souvent, nous

 23   acceptions d'échanger tous contre tous ou bien un groupe contre un autre

 24   groupe, et cetera.

 25   Q. D'accord. J'aimerais maintenant vous interroger sur un autre point que

 26   l'on trouve dans votre déclaration au préalable. Au paragraphe 56, vous

 27   dites dans ce paragraphe que les Musulmans de Sarajevo voulaient se

 28   présenter au monde comme étant des victimes. Et vous ajoutez, je cite :


Page 38815

  1   "Comme cela a été le cas avec Cerska et Srebrenica, même si les Musulmans

  2   avaient de quoi manger et des réserves, ils ne cessaient de se présenter

  3   sous un jour déformé comme étant des civils qui n'avaient rien à manger, et

  4   rien à boire … " et cetera.

  5   J'aimerais vous interroger au sujet de Srebrenica alors que vous étiez

  6   premier ministre. Vous avez été premier ministre en 1993 et 1994, n'est-ce

  7   pas, et vous n'êtes pas allé dans l'enclave de Srebrenica pour vérifier les

  8   conditions d'existence de vos yeux, n'est-ce pas ?

  9   R.  Je connaissais Srebrenica avant la guerre, parce que j'avais un certain

 10   nombre de choses à y faire, comme par exemple, surveiller la construction

 11   d'un tunnel, et cetera. Et puis, en ce qui concerne l'étendue de

 12   territoire, je dirais que j'ai parcouru au moins 70 % du territoire de

 13   l'enclave avec tous les villages qui s'y trouvent. Pendant la guerre, j'ai

 14   parcouru Srebrenica dans tous les sens de Milici à Konjevic Polje, en

 15   passant Kravica, et puis quand un crime a été commis là-bas par des gens de

 16   Srebrenica, et puis je suis allé à Bakovici, à Ljubovija, et bien sûr, à

 17   Skelani. Pendant la Seconde Guerre mondiale, comme pendant cette dernière

 18   guerre --

 19   Q.  Je vous interromps parce que vous n'êtes pas en train de répondre à ma

 20   question. Lorsque vous étiez première ministre, vous n'êtes pas allé dans

 21   l'enclave pour vérifier de vos yeux les conditions d'existence des

 22   Musulmans de Srebrenica, n'est-ce pas ?

 23   R.  Je n'avais même pas la possibilité d'y aller, vu les circonstances, et

 24   je m'arrêterais là car, sinon, mon commentaire serait long.

 25   Q.  Bon. Un témoin dans cette affaire, le commandant Tucker est allé dans

 26   l'enclave pendant que vous avez été premier ministre, en mars 1993, et ce

 27   sont ses observations que l'on pourra lire à la pièce P4203, paragraphe

 28   178. Je cite :


Page 38816

  1   "Les réfugiés dans les rues n'avaient pratiquement pas de vraies

  2   nourritures depuis qu'ils ont fui Kamenica, Cerska et les autres villages

  3   au sud de Srebrenica. Le peu de vivres qu'ils avaient c'était une espèce de

  4   pain avec de la farine jaune, qu'il y avait pas mal dans les forêts autour

  5   de Srebrenica. L'eau venait des rivières, de la rivière qui passait par

  6   Srebrenica, polluée avec des excréments d'urine, avec de l'eau de lessive,

  7   des matières grasses. Donc ce que j'ai retenu à compter du début de mon

  8   séjour à Srebrenica, c'était la mauvaise odeur, les gens mal lavés, les

  9   débris, et des gens qui s'étaient entassés dans des circonstances

 10   extraordinaires."

 11   Alors vous avez dit, dans ce témoignage-ci, que les Musulmans de Srebrenica

 12   avaient constamment présenté une fausse image du fait que les civils

 13   n'avaient rien à manger, et qu'ils n'avaient pas d'eau à boire. Alors est-

 14   ce que vous êtes d'avis que cette farine qu'on s'est procurée dans la

 15   forêt, et les eaux contaminées qui passaient par Srebrenica, c'étaient des

 16   conditions adéquates pour ce qui est des habitants de Srebrenica ?

 17   R.  Vous êtes en train de remplacer les thèses et des inverser. Moi, j'ai

 18   parlé de Cerska et d'autres localités où nous avons vérifié et où on a même

 19   saisi du bétail, du bétail qui avait été confisqué sur des territoires à

 20   nous auparavant.

 21   Alors, pour ce qui est de Srebrenica, vous devriez garder à l'esprit : Le

 22   fait que Srebrenica était un territoire protégé; en outre, Srebrenica avait

 23   sans cesse généré la guerre autour de son territoire. Ils avaient de

 24   grandes quantités d'hommes armés et l'armée n'était pas mal nourrie

 25   indépendamment du reste, moi, je veux bien croire ce que ce monsieur a

 26   écrit. Ce que je sais, cependant, c'est qu'eux ont été approvisionnés de

 27   façon illégale. Et les Serbes savent très bien comment, la FORPRONU le sait

 28   aussi.


Page 38817

  1   D'autre part, au moment le plus décisif ils ont envoyé 5 000 soldats vers

  2   d'autres théâtres de combat hors de Srebrenica, s'ils avaient accepté le

  3   cessez-le-feu et s'ils avaient restitué leurs armes, les gens de Srebrenica

  4   auraient accueilli la fin de la guerre mieux que les autres où qu'ils se

  5   soient trouvés, du côté serbe ou du côté musulmans. En terme simple, à

  6   cause de leur direction, ils ne voulaient pas accepter. Et certains ont

  7   perdu la vie de ce fait-là.

  8   Je ne vais pas parler de certains Musulmans de Srebrenica qui avaient

  9   occupé les postes de direction et qui ont rédigé des déclarations ou qui

 10   ont même rédigé des livres entiers au sujet des souffrances à Srebrenica du

 11   fait de leurs propres dirigeants à eux.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais que nous passions à la pièce

 13   65 ter 05907.

 14   Q.  Il s'agit d'une pièce associée que vous évoquez au paragraphe 94 de

 15   votre déclaration, Docteur Lukic. Dans cette déclaration vous dites que

 16   vous avez été membre de la délégation d'Etat qui s'est déplacée à Dayton,

 17   vous dites que dans ce document il est dit que la délégation s'en tiendrait

 18   aux objectifs stratégiques adoptés par l'assemblée de la Republika Srpska.

 19   Et maintenant je voudrais que nous passions à la page 2 de la version

 20   anglaise, on peut y voir que l'on y indique en effet que la délégation est

 21   tenue d'adhérer aux objectifs stratégiques de la Republika Srpska fixés en

 22   1992 par l'assemblée nationale de la Republika Srpska.

 23   Alors je tire comme conclusion de ce document et de votre témoignage, à

 24   savoir qu'en octobre 1995, vous saviez quels étaient les objectifs

 25   stratégiques de l'assemblée de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 26   R.  Tout d'abord, je vais vous dire que je n'ai pas été à cette assemblée

 27   et ce n'est que le lendemain que j'ai appris que j'étais désigné pour

 28   voyager à Dayton. Ça c'est d'un.


Page 38818

  1   De deux, quelqu'un qui va déplacer, qui va se déplacer pour représenter un

  2   peuple qui a tant fait la guerre que voulez-vous qui dise, si ce n'est cela

  3   ? En raison des choses qui se sont passées, je dirais que nous sommes allés

  4   à Dayton tous avec des exigences qui étaient plus grandes que la réalité ne

  5   le permettait. Alors, heureusement, chacun a perdu quelque chose nous

  6   sommes tous restés mécontents. Mais un document a été adopté qui a généré

  7   la paix, qui a débouché sur la paix. Les souhaits de chacun n'ont pas été

  8   exaucés. Chacun a dû renoncer à quelque chose, mais on n'a quand même vécu

  9   avec.

 10   Q.  Docteur Lukic, excusez-moi, je ne vous ai pas posé de question du tout

 11   au sujet des négociations à Dayton. Je vous ai demandé de nous confirmer,

 12   si en octobre 1995, lorsque vous êtes allé à Dayton vous étiez au courant

 13   des objectifs stratégiques tels que définis par l'assemblée nationale en

 14   1992.

 15   R.  Tout d'abord, je vous ai dit que non nous ne savions pas. Je n'ai

 16   appris que par la suite que j'irais à Dayton, et les autres ceux qui

 17   étaient venus, n'avaient pas en poche du tout des textes ou de principes ou

 18   documents auxquels il fallait se conformer. Nous voulions tous obtenir plus

 19   et on a obtenu ce qu'on a bien voulu nous faire obtenir. C'est un fait. Je

 20   vous affirme ici même que c'est une bonne chose que d'avoir laissé toutes

 21   les parties en présence quelque peu mécontentes.

 22   Q.  Docteur Lukic, lorsque vous êtes allé à Dayton en compagnie de cette

 23   collègue, est-ce que vous aviez connaissance des objectifs stratégiques de

 24   l'assemblée nationale de la Republika Srpska ou pas ?

 25   R.  Je ne les connaissais pas. Je n'en ai pas entendu parler. Personne n'en

 26   a débattu. Il en a été question lorsque nous nous sommes installés dans

 27   l'avion, c'est là qu'on a commencé à parler du comment et du pourquoi, vous

 28   pouvez imaginer tous de quoi ça l'air lorsque vous allez vers l'inconnu


Page 38819

  1   total.

  2   Q.  Est-ce que vous êtes en train de nous dire que quand vous êtes allé à

  3   Dayton vous n'avez jamais entendu parler auparavant des objectifs

  4   stratégiques tels que formulés par l'assemblée de la RS ?

  5   R.  Ces objectifs stratégiques ça été déterminé à Banja Luka, dit-on. Moi,

  6   je n'y ai pas participé. Je n'étais pas présent. Je les a lus pour une

  7   première fois vers la fin de 1993 ou début 1994, je dois vous dire aussi

  8   que personne n'en a parlé en long en large les événements en temps de

  9   guerre ne se conforment pas aux plannings que vous avez fixé à une réunion

 10   quelconque.

 11   Q.  Donc votre témoignage est-ce que vous êtes en train de nous dire

 12   maintenant que c'est la première fois que vous avez entendu des objectifs

 13   stratégiques du peuple serbe en fin 1993 ou début 1994 ? Ai-je bien compris

 14   votre réponse ?

 15   R.  C'est exact. C'est ce que j'ai déclaré en public à un autre endroit

 16   encore. Et je ne vais vous fatiguer avec.

 17   Q.  Bien. J'aimerais que nous passions maintenant à la pièce P1379, s'il

 18   vous plaît.

 19   R.  Quel paragraphe ?

 20   Q.  Non, non, il n'en est pas question dans votre déclaration, Docteur

 21   Lukic, C'est un document qu'on va vous montrer sur l'écran. Il s'agit d'un

 22   document qui nous a été montré à plusieurs reprises jusqu'à présent. Il est

 23   question d'un PV de la 34e Session de l'assemblée et vous étiez présent à

 24   cette occasion, vous avez même pris la parole, j'aimerais qu'on nous montre

 25   la page 14 en anglais et la page 13 en B/C/S. Ici le Dr Karadzic est en

 26   train de présenter un discours d'introduction. Et vers la moitié de la page

 27   dans les deux langues il dit :

 28   "Les objectifs stratégiques adoptés par cette assemblée se trouvent être en


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  1   grande partie réalisés ou le seront je vais rappeler à ceux qui ne le

  2   savent pas. Cette assemblée a adopté des objectifs stratégiques du peuple

  3   Serbe qui sont devenus, d'une certaine façon, nos obligations, nos missions

  4   pour ce qui est de leur réalisation … "

  5   Et ensuite il explique les différents objectifs un à un. Il parle du

  6   premier, du deuxième, troisième, quatrième, cinquième. Il explique la

  7   teneur de ces objectifs. Et en page suivante, il mentionne le sixième

  8   objectif, qui est celui d'avoir un débouché sur la mer. Ensuite on revient

  9   vers le cinquième, et sixième, et quatrième objectifs pour les expliquer

 10   plus en détail.

 11   Vous étiez présent à cette session, Docteur Lukic; est-ce que ceci

 12   vous rappelle le fait que ces objectifs stratégiques vous les connaissiez à

 13   l'époque, ce qui est plus ou moins cohérent avec ce que vous nous avez dit

 14   il y a quelques instants, fin 1993 ? Vous souvenez-vous de ce discours du

 15   Dr Karadzic lorsqu'il a évoqué les objectifs stratégiques ?

 16   R.  Je dois vous dire que j'ai une idée assez vague du fait qu'il en a été

 17   parlé. Moi, je me souviens de cette question de déboucher sur la mer. Nous

 18   avions négocié la chose à Dayton, nous avions proposé 48 kilomètres carrés

 19   de la municipalité de Trebinje pour avoir un débouché sur la mer vers le

 20   Monténégro, près de Prevlaka Molunat, dans la direction de Dubrovnik. Et il

 21   y a eu des extraits de présentés, mais je vous ai dit déjà que j'ai

 22   véritablement lu au journal officiel, me semble-t-il, ces quelques

 23   principes, mais c'est là, et seulement là que j'ai eu l'occasion d'en

 24   prendre lecture.

 25   Il est vrai que les gens ont parlé des différents objectifs, pas en tant

 26   qu'objectifs en tant que désirs ou souhaits enfin ce  qu'il fallait que

 27   nous réalisions en temps de guerre, et le souhait de tout pays est d'avoir

 28   un débouché sur la mer. Parce que pourquoi la Republika Srpska serait-elle


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  1   privée de cela parce que dans cet état commun qui était la Yougoslavie,

  2   nous avions eu un débouché sur la mer.

  3   Q.  Bien. J'aimerais maintenant que l'on nous montre le 65 ter 25107.

  4   Docteur Lukic, vous avez mentionné dans votre déclaration, bien que vous

  5   n'ayez pas parlé du contenu, mais vous avez dit que vous aviez eu

  6   l'occasion de témoigner dans la Cour internationale de la justice dans

  7   l'affaire Serbie contre Bosnie. Et ce document est le PV verbatim de votre

  8   témoignage en mars 2006. Ce n'est disponible qu'en anglais, s'agissant de

  9   nous. Je vais vous en donner lecture pour ce qui est des parties

 10   pertinentes. Et à cet effet, j'aimerais qu'on nous affiche la page 11.

 11   R.  J'ai témoigné pour ma part s'agissant d'une plainte de la Bosnie-

 12   Herzégovine contre la Serbie, et j'ai été témoin en faveur de la Serbie.

 13   Q.  Bon. Ici, au haut de la page, il est dit que le premier des témoins

 14   cités par la Serbie et le Monténégro serait M. Vladimir Lukic. Ensuite on

 15   vous a demandé de votre part une déclaration solennelle, et vous avez dit :

 16   "Je déclare solennellement sur mon honneur et ma conscience que je dirai la

 17   vérité, toute la vérité et rien que la vérité."

 18   J'aimerais que l'on nous affiche à présent la page 26. C'est là que vous

 19   êtes contre-interrogé par le conseil de la Bosnie-Herzégovine, Mme Korner,

 20   et elle vous pose des questions au sujet des objectifs stratégiques. Vers

 21   le milieu de la page, elle dit :

 22   "Oui, Karadzic a présenté, n'est-ce pas, six objectifs stratégiques du

 23   peuple serbe, à l'occasion de ces sessions de l'assemblée du 12 mai, et

 24   vous avez répondu, 'oui' ou 'non' mais vous -- vous pourriez répondre 'oui'

 25   ou 'non' et vous avez dit que vous n'étiez pas présent, vous ne savez pas

 26   qui a dit quoi, qui a proposé quoi, et qui a commenté quoi."

 27   Mme Korner a dit :

 28   "Mais M. Lukic, est-ce que vous voulez nous dire que vous n'avez pas été au


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  1   courant de l'existence de ces six objectifs stratégiques ?"

  2   Et vous avez répondu :

  3   "Madame la Présidente, Messieurs les Juges, ce n'est qu'il y a deux mois ou

  4   peut-être trois mois que j'ai pu lire le texte de ces objectifs

  5   stratégiques. Je ne sais vraiment pas comment on en est venu à ce type de

  6   formulation, mais je sais que j'en ai discuté à un moment donné avec le

  7   général Mladic. Et il m'a demandé, il a demandé au gouvernement d'avoir une

  8   idée de ces objectifs pour que l'armée sache à quoi se conformer, jusqu'où

  9   l'armée doit aller. Bien entendu, j'en ai immédiatement informé M.

 10   Karadzic, mais il ne m'a tout simplement rien dit à ce sujet, il n'a rien

 11   dit et il ne m'a pas informé de l'existence de telle chose. Donc je n'ai

 12   pas eu à connaître de ces objectifs jusqu'à il y a deux ou, deux mois de

 13   cela."

 14   Mme Korner :

 15   "Donc vous ne les avez jamais vus lorsque ça a été publié à la

 16   gazette officielle ?"

 17   Et votre réponse a été celle de dire :

 18   "Seulement il y a deux mois de cela."

 19   Alors, Monsieur Lukic, ce que vous avez dit à la Cour internationale

 20   de la justice en 2006, à savoir que vous n'aviez entendu parler de ces

 21   objectifs stratégiques deux mois avant cela, c'était un mensonge, parce que

 22   vous avez clairement dit aux Juges de cette Chambre-ci que vous aviez pris

 23   lecture de ces objectifs stratégiques en fin 1993 ou début 1994 ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me dois d'intervenir, s'il vous plaît.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel est le point que vous voulez

 26   mettre en exergue, Monsieur Karadzic ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, il n'a pas dit qu'il a une connaissance,

 28   il a dit qu'il les avait lus il y avait deux mois à peine. C'est là qu'on


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  1   cherche à mettre le témoin en difficulté.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Je crois que le témoin est tout à

  3   fait capable de répondre à la question.

  4   Monsieur Lukic, s'il vous plaît.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, je n'ai pas été présent lors de

  6   cette session de l'assemblée, je n'y ai pas participé, et je n'ai pas eu a

  7   connaître de ces objectifs. Je pense que ce qu'on peut entendre dire au

  8   sujet de ce qui est évoqué ici et là, c'est une chose, mais là, c'est une

  9   autre chose. J'ai interprété les choses, j'ai dit quand est-ce que j'avais

 10   eu l'occasion de lire le texte des principes en question. Et là vraiment,

 11   me donner, enfin vous dire la date ou le mois, je ne sais pas vous le dire,

 12   c'était il y a très longtemps.

 13   Le fait est que je n'étais pas présent à la session de cette assemblée. Je

 14   n'ai pas été présent lors des débats, par la suite, je n'ai pas pu lire

 15   tout cela quelque part. Je n'ai eu à connaître que ce qui a été évoqué dans

 16   une argumentation avancée par le président Karadzic, et j'ai aussi la

 17   question qui m'a été posée par le général Mladic, et c'est ce que je vous

 18   ai dit. Tout le reste, pour ce qui est de tout ce temps qui s'est passé

 19   depuis, je crois que je me perdrais en conjecture.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 21   Q.  Docteur Lukic --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, un instant. Laissez-moi

 23   intervenir.

 24   La question n'était pas celle de savoir si vous avez participé aux travaux

 25   de cette session où il a été présenté ces objectifs stratégiques. La

 26   question était celle de savoir, quand est-ce que vous avez eu l'occasion de

 27   prendre lecture de l'énoncé de ces objectifs stratégiques pour la première

 28   fois.


Page 38824

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je crois que ce que j'ai dit devant

  2   de Tribunal est bon, je l'avais lu quelques mois avant, cela est exact.

  3   Maintenant de là à vous dire quand est-ce que je les ai lus et quels sont

  4   ces objectifs ou quelle est l'interprétation à leur donner, je ne serai pas

  5   capable de vous les fournir.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais Docteur Lukic, il y a quelques

  7   instants, pendant que vous répondiez aux questions de Mme Gustafson, vous

  8   avez dit en page 33, ligne 1 :

  9   "Ce sont des objectifs stratégiques qui ont été adoptés à Banja Luka, je

 10   n'étais pas présent. J'ai pour la première fois eu l'occasion de les lire

 11   en fin 1993 ou début 1994, mais je me dois de vous dire que personne n'en a

 12   parlé de façon importante, et là vous dites que vous les avez lus en fin

 13   1993 et début 1994.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois avoir fait une erreur à cet endroit.

 15   C'est devant la Cour de La Haye que j'ai dit pour de vrai quand est-ce que

 16   je les ai lus. C'est là que je m'en suis souvenu de façon exacte. Et, je

 17   vous prie, de considérer ceci comme étant la bonne teneur de ma

 18   déclaration.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Je vous renvoie le témoin,

 20   Madame Gustafson.

 21   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 22   Q.  Bien. Dernière question sur ce sujet, Docteur Lukic. J'ai lu je pense

 23   vous avoir montré une longue intervention faite par le Dr Karadzic en 1993

 24   au sujet de ces objectifs stratégiques à l'occasion d'une session où vous

 25   avez été présent et vous avez dit que vous étiez au courant de la chose.

 26   Est-ce que vous êtes en train de changer votre témoignage sur ce point-là

 27   aussi et affirmer que ce discours du Dr Karadzic de 1993 n'est plus une

 28   chose connue par vous ?


Page 38825

  1   R.  Globalement parlant, oui, j'en ai connaissance, mais je n'ai pas

  2   connaissance des détails, parce que nos sessions étaient longues, il y

  3   avait beaucoup de points à l'ordre du jour, et il est certain qu'on ne

  4   pouvait pas tout garder en tête tout ce qui s'était dit à telle ou telle

  5   session.

  6   Q.  Merci.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour vous.

  8   Q.  Merci, C'est exact Lukic.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez des questions supplémentaires pour

 11   ce témoin ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je voudrais que nous tirions un certain

 13   nombre de points au clair ensuite on parlera de documents.

 14   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 15   Q.  [interprétation] Docteur Lukic, est-ce qu'on peut commencer par ce qui

 16   a de plus récent. Est-ce que vous pouvez nous dire quand est-ce que vous

 17   avez entendu parler des objectifs stratégiques et quand est-ce que vous

 18   avez eu l'occasion d'en prendre lecture ?

 19   R.  Eh bien, écoutez, j'ai beaucoup de mal à tout situer dans un cadre

 20   temporel. J'en ai entendu parler à un moment antérieur, à cette époque,

 21   quand je suis devenu premier ministre ou un peu plus tard. Ce dont je me

 22   souviens c'est qu'après l'entretien que j'ai eu avec le général Mladic

 23   comme on en a pris bonne note ici, c'est là que j'ai qu'il y avait des

 24   documents à cet effet. Alors, bien sûr, je me suis entretenu avec d'autres

 25   membres du gouvernement, ou du parlement. Mais ce que j'ai surtout appris

 26   et gardé en mémoire c'était votre discours, mais je n'ai pas gardé en

 27   mémoire les détails. Et s'agissant maintenant du moment où j'en ai pris

 28   lecture dans la Gazette officielle, c'est là que j'ai pu voir les choses


Page 38826

  1   telles consignées. Jusque-là, je dois dire que je n'avais pas possédé la

  2   totalité des détails commandant information.

  3   Q.  Merci. Qui était le chef de la délégation de la Republika Srpska à

  4   Dayton ?

  5   R.  Le chef -- le chef de la délégation complète où nous avions pris part

  6   c'était le président Milosevic. Pour ce qui est de la partie de la

  7   délégation yougoslave, il y avait une délégation de la Republika Srpska

  8   dont le chef était le président du parlement de l'assemblée nationale, M.

  9   Momcilo Krajisnik.

 10   Q.  Merci. Est-ce qu'en sus du fait d'avoir été premier ministre, est-ce

 11   que votre profession de géographe, avait la raison de votre nomination dans

 12   cette commission ?

 13   R.  J'étais topographe.

 14   Q.  Oui, topographe, excusez-moi.

 15   R.  Bien. J'ai été pendant 13 ans directeur de l'établissement de

 16   topographie de la république. Pendant sept années, j'ai été à la tête de

 17   l'institut. Pendant 20 ans, j'ai mesuré en long et en large la Bosnie-

 18   Herzégovine, je connaissais la Bosnie-Herzégovine de façon très bonne.

 19   D'autres parts, je connaissais aussi très bien les relations, des relations

 20   qui étaient d'une autre nature, je connaissais dans toute la république la

 21   structure de la population dans certaines municipalités, et dans bien des

 22   villages même. Ce qui fait que je puis vous dire que nos ex-adversaires

 23   m'ont souvent demandé des renseignements non seulement au sujet de ce qui

 24   nous était avantageux pour nous.

 25   Q.  Merci. Si ce 65 ter 05907 n'est pas versé au dossier, c'est-à-dire

 26   procuration destinée à la délégation, je demanderais son versement parce

 27   que ça a été mentionné dans sa déclaration.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ça n'a pas déjà été versé au


Page 38827

  1   dossier ?

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je crois que ça a été versé au dossier,

  3   Madame, Messieurs les Juges.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce D3607.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je m'excuse de l'interruption. Je voulais

  6   juste faire savoir que j'ai oublié de demander le versement des extraits du

  7   témoignage à la Cour internationale de justice, qui est la pièce 65 ter

  8   25107, page 1, 11, et 26.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, nous allons verser ces documents

 11   au dossier.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P6345.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, excusez-moi, mais il s'agit de

 14   trois pages. C'est bien cela.

 15   Je pense que les numérotations n'ont pas encore reçu une cote officielle au

 16   prétoire électronique. Et c'est la raison pour laquelle ça n'a pas été

 17   versé au dossier. Veuillez continuer, Monsieur Karadzic, s'il vous plaît.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je crois que ça figurait parmi les

 19   références qui sont tombées à l'eau lorsqu'on a élagué.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Docteur Lukic, on vous a demandé en page 30 quelque chose au sujet du

 22   4203, pièce de l'Accusation, quelque chose au sujet des propos du

 23   commandement Tucker pour ce qui est des difficultés subies par Srebrenica.

 24   Est-ce que vous pouvez vous souvenir du nombre d'épidémies et du type

 25   d'épidémies survenues à Srebrenica pendant la guerre ?

 26   R.  pendant la Deuxième Guerre mondiale j'ai survécu à une épidémie de

 27   fièvre typhoïde - et il n'y avait pas que moi mais bon nombre de membres de

 28   ma famille ont péri - j'avais une très grande peur de ces contagions


Page 38828

  1   pendant la guerre. C'est la raison pour laquelle je me suis efforcé de

  2   faire suivre les épidémies, pas seulement chez nous mais aussi chez nos

  3   adversaires. Et je dois vous dire que ce que j'ai ouï-dire et ce que j'ai

  4   appris suivant des filières variées, c'est qu'il n'y a pas eu de territoire

  5   du tout de quelques parties que ce soit au conflit, il n'y a eu d'épidémies

  6   de guerre telles qu'on les a connues au cours des guerres précédentes, et

  7   il n'y en a pas eu à Srebrenica non plus.

  8   Q.  Merci. En page 25 on vous a demandé quelque chose au sujet de la lettre

  9   du Juge Simic. Est-ce que c'est la seule lettre adressée par lui à cette

 10   commission ?

 11   R.  Mais, non, pas du tout. Ces lettres-là il y en a eu de toutes parts, de

 12   tous les côtés. Tout le monde écrivait, demandait quelque chose, proposait

 13   quelque chose. Et des fois on retrouve même maintenant et on débat de ces

 14   choses-là encore, mais toutes ces lettres, propositions, suggestions,

 15   plaintes, réalistes ou pas, ont circulé de tout tant. Et ça a fusé.

 16   Q.  Merci. Les 11 arrêtés de Prijedor, ils étaient de quel groupe ethnique

 17   ? Les auteurs ?

 18   R.  Je ne suis pas certain, mais il me semble, je ne sais pas, si quelqu'un

 19   me l'a dit ou si je l'ai lu. Ils n'étaient pas tous des Serbes, et puis

 20   parmi les victimes tuées, tous n'étaient pas des Musulmans parmi les

 21   pillés, tout ça.

 22   Q.  Merci. Page 18, Mme Gustafson laisse entendre que vous avez réagi parce

 23   qu'il y a eu des crimes commis à Grbavica mais uniquement à partir du

 24   moment où parmi les victimes, il y a eu des Serbes ?

 25   R.  Non, hélais, non, non, cela n'est pas exact. Pas du tout. Nous avons

 26   réagi lorsque l'aide humanitaire ne parvenait pas à tout le monde. Je dois

 27   vous dire que pour ce qui est de la distribution d'aide humanitaire et

 28   lorsqu'on a cherché des moyens de faire parvenir l'aide humanitaire au


Page 38829

  1   centre-ville et à Grbavica, je dois vous dire que j'ai collaboré avec la

  2   FORPRONU. J'ai pris la voiture avec eux. Et souvent nous avons réagi

  3   lorsque cette aide humanitaire n'était pas distribuée à tous.

  4   Vous vous souviendrez peut-être qu'il y a eu ce problème de pension de

  5   retraite qui n'était pas versée à tout le monde. Nous avons annulé

  6   certaines décisions prises par des municipalités. Il y a eu des

  7   proclamations d'état de guerre dans certaines municipalités, par exemple,

  8   annulation, il y a eu des cas d'annulation de décisions prises par un

  9   tribunal, à l'encontre d'un Serbe qui a commis un crime contre quelqu'un

 10   d'un autre groupe ethnique.

 11   Donc je dois vous dire qu'en tant que république nous étions en fait

 12   une confédération de municipalités en guerre, et ça, c'est un fait

 13   incontestable dans cette guerre. Et puis, en fin, je dois dire qu'il y a eu

 14   des municipalités qui étaient dans une situation meilleure que la

 15   république, ces municipalités ne nous laissaient pas toucher à leur budget.

 16   On pouvait aborder touts sortes d'autres sujets mais pas, pas celui-là.

 17   Q.  Merci. Au sujet de Prijedor -- page 14, lignes 14 à 18. J'en donne

 18   lecture en anglais pour que ce soit traduit pour vous. Page 14, lignes 14 à

 19   18.

 20   "Compte tenu de tout cela, n'étiez-vous pas d'accord sur le fait que, dans

 21   une localité telle que Prijedor, il serait juste de ramener les Serbes sur

 22   place pour qu'ils remplacent les Croates et les Musulmans qui étaient

 23   partis afin de corriger cette injustice historique et afin d'empêcher que

 24   ces crimes ne se reproduisent à l'avenir ?"

 25   Et l'on vous a montré une carte avec un polygone, il me semble que cette

 26   carte montre les Musulmans de Prijedor.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] P783, s'il vous plaît, est-ce qu'on peut

 28   l'afficher ?


Page 38830

  1   L'INTERPRÈTE : M. Karadzic s'exprime hors micro. Inaudible.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas de traduction. Est-ce qu'on peut

  3   agrandir l'angle supérieur gauche ? On n'est pas en train d'interpréter en

  4   anglais.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Je vous invite à jeter un coup d'œil sur ce qui est indiqué. 44 des

  7   Musulmans; 42 les Serbes; et six Yougoslaves. Alors, d'après vous, qui

  8   constitue la majorité à Prijedor ?

  9   R.  Pour autant que je sache et d'ailleurs on a pu le voir d'après le

 10   nombre de députés, à Prijedor et à Sanski Most juste avant la guerre, eh

 11   bien, la majorité de la population était serbe. Par ailleurs, je dois dire

 12   que les cartes ne doivent pas être coloriées comme ça. Ici on a colorié la

 13   carte en vert et puis on s'est servi de chiffres uniquement pour montrer

 14   les pourcentages. Vous savez, les couleurs devraient correspondre aux

 15   pourcentages pour que ce soit juste. Mais, je ne voudrais pas aborder d'une

 16   manière détaillée Sanski Most, Prijedor, ou ces autres localités qui nous

 17   prendraient énormément de temps, et ces histoires que j'aurais à vous

 18   relater seraient pas très belles à entendre.

 19   Q.  Je demande l'affichage sur le rétroprojecteur. Le statut de la

 20   municipalité de Prijedor. Avant le sélections de 1990 [comme interprété],

 21   donc de l'assemblée du régime, du temps du régime communiste. Le 1D9100,

 22   s'il vous plaît. Page 2, article 6.

 23   Professeur, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner lecture du

 24   préambule et la décision de modifier le statut puis nous prendrons la page

 25   2 de l'article 6 ?

 26   R.  Très bien.

 27   Q.  Est-ce que vous voyez le préambule ?

 28   R.  Oui.


Page 38831

  1   Q.  Donnez lecture de cela.

  2   R.  "En vertu de l'article 239 et de l'article 301 du statut de la

  3   municipalité de Prijedor, Gazette officielle de la municipalité de

  4   Prijedor. Numéro illisible, 7/84 et 985, l'assemblée municipale de Prijedor

  5   lors d'une séance commune de l'ensemble de ces comités, du 14 septembre

  6   1990 [comme interprété], a pris la décision comme suit : De modifier le

  7   statut de la municipalité de Prijedor."

  8   Q.  Lisez lentement, s'il vous plaît, article 6, page 2, maintenant.

  9   Doucement.

 10   R.  "Article 206 ou 8 jusqu'à 212 sera effacé dans le statut de la

 11   municipalité de Prijedor, et dans les dispositions, le mot 'delegate' sera

 12   remplacé par le terme 'député' et le terme 'delegation' 'délégation' sera

 13   effacé. L'article 6 --"

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   R.  "Le mot 'sastave et isbor vijeca' traduit comme 'composition et

 16   élection des comités qui précèdent l'article 223 seront effacés et

 17   l'article 229 [comme interprété] sera modifié et se lit comme suit" --

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   R.  "L'assemblée municipale de Prijedor comporte une chambre et 90 députés

 20   sur lesquels 41,59 % d'appartenance serbe et 38,70 [comme interprété]

 21   d'appartenance musulmane, 6,70 [comme interprété] d'appartenance croate.

 22   9,70 des Yougoslaves et 3,31 d'autres peuples et nationalités

 23   proportionnellement à la structure ethnique de la population de la

 24   municipalité de Prijedor."

 25   Q.  Très bien. Alors quelle est la majorité juste avant les élections ?

 26   R.  Il n'y a aucun doute là-dessus. Je savais déjà puisque j'avais eu accès

 27   à certaines informations, donc il n'y a absolument aucun doute Prijedor et

 28   Sanski Most avaient une majorité serbe et toute une série de municipalités


Page 38832

  1   le long de la Save avait une majorité serbe. Et lorsqu'on -- que dans la

  2   région de la Posavina, il n'y avait quasiment pas de Serbes soi-disant, eh

  3   bien, cela n'est absolument pas exact, parce qu'il y en a des municipalités

  4   qui étaient-- qui comptaient une population serbe importante, voire où les

  5   Serbes étaient majoritaires.

  6   Q.  D'accord. Et Bosanski Brod, qui figure comme croate. 34 % de Serbes, et

  7   12 % de Yougoslaves ou de Musulmans. 30 % de Yougoslaves ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous venez de parler des villes qui se situent le long de la Save, est-

 10   ce que ça illustre ces cas-là ?

 11   R.  Oui, tout à fait. Personne ne veut l'admettre, à peu près 60 à 80 % de

 12   la population de toutes les municipalités donc pour ce qui est des

 13   habitants qui se déclaraient yougoslaves, eh bien, 60 à 80 % d'entre eux

 14   étaient des Serbes.

 15   Q.  Très bien.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que l'on verse au dossier aux fins

 17   d'identification le document 1D9100, s'il vous plaît.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, très bien. On y attribue une cote

 19   provisoire.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document ou plutôt la pièce

 21   D3620 MFI.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Gustafson, s'agissant de la carte

 23   que nous avons sous les yeux, avez-vous une traduction de la légende. Nous

 24   en aurons probablement besoin. 

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation]  Nous allons nous en occuper.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je poursuivre ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.


Page 38833

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Professeur, étiez-vous au courant du fait qu'avant la guerre, et

  3   également pendant les premiers mois de la guerre, l'on a négocié des

  4   pourparlers, on a formulé une offre pour que chaque groupe ethnique

  5   constitue son municipalité, et que le long de ces lignes, à Prijedor, il se

  6   passait la même chose, on a proposé aux Musulmans de constituer leur

  7   municipalité ?

  8   R.  Oui, je suis au courant.

  9   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] 

 10   Mme GUSTAFSON : [interprétation] La question était tout à fait directrice.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais on ne peut pas faire autrement. Mais tout

 12   le monde est au courant de cela, y compris les Juges. Je n'aurais pas pu

 13   formuler cette question autrement.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que Prijedor fait partie de ces municipalités où il a été

 16   question de constituer deux municipalités.

 17   R.  Un très grand nombre de municipalités ont envisagé cela, à savoir de

 18   constituer deux municipalités là où il y avait un équilibre ethnique, donc

 19   de diviser la municipalité de manière proportionnelle en fonction donc de

 20   la taille du groupe ethnique et de son territoire. Et pour autant que je le

 21   sache, Prijedor a fait partie de ces municipalités là, mais je ne suis pas

 22   tout à fait sûr. Parce qu'il me semble que oui, mais je ne suis pas tout à

 23   fait certain.

 24   Q.  Alors que saviez-vous nous dire suite à ce qu'a soumis le Procureur, à

 25   savoir que le gouvernement souhaitait peupler Prijedor de Serbes, en les

 26   installant dans les villages musulmans, d'après le Procureur ?

 27   R.  Ecoutez, Monsieur le Président, je ne suis absolument pas quelqu'un qui

 28   estimerait qu'un crime pourrait en effacer un autre. Je défends la vérité,


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  1   et je souhaiterais que la vérité n'entraîne jamais de crime. Chasser

  2   quelqu'un pour installer quelqu'un d'autre à sa place, tuer quelqu'un pour

  3   le remplacer par quelqu'un d'autre, eh bien, je ne crois pas en ces

  4   options. Et en fin de compte, c'est ce qu'ont prôné ceux qui d'emblée, au

  5   tout début de la guerre se sont livrés à des massacres, les mêmes qu'ils

  6   avaient commis pendant la dernière guerre.

  7   Q.  Très bien. On vous a interrogé au sujet du document 1D5756. On vous a

  8   interrogé au sujet de l'attitude qui a été prise vis-à-vis des minorités,

  9   et installation des minorités, d'autres communautés, et cetera. Je demande

 10   que l'on nous affiche le document 1D7856, s'il vous plaît.

 11   R.  Quelle page ?

 12   Q.  Paragraphe 27. Il s'agit d'une réunion du gouvernement. C'est une pièce

 13   à conviction.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous en parlez dans votre déclaration,

 15   au paragraphe 27.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois que ce document a été versé au dossier

 17   par la suite.

 18   Pendant la pause, ces documents ont été affichés comme ayant été versés au

 19   dossier alors.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Alors Professeur, vous avez dit qu'il y a eu des prises de position

 22   extrême lors des sessions de l'assemblée, lors des réunions du

 23   gouvernement. Alors est-ce qu'il y a un document qui aurait été rédigé, et

 24   fondé sur la base de, fondé sur ces prises de position extrémiste de la

 25   part de certains députés ?

 26   R.  Véritablement, je ne suis pas au courant du fait qu'on ait admis et

 27   accepté une quelconque de ces positions extrémistes, que ce soit au niveau

 28   du gouvernement, de l'assemblée où que ce soit ailleurs. Et par ailleurs,


Page 38835

  1   je dois dire que dans une telle guerre, cette guerre que j'ai qualifiée de

  2   civile et religieuse, ce sont des extrêmes qui se nourrissent mutuellement.

  3   Et lorsqu'on refuse d'adopter ce point de vue, celui qui défend une telle

  4   position vous dira, mais vous n'êtes-vous pas au courant du fait que les

  5   autres font pareil ? Et donc ce qu'il faut faire c'est ne pas en tenir en

  6   compte, ne pas approuver, et dans une situation de guerre, c'est une

  7   attitude utile à prendre, à adopter.

  8   Q.  Merci. On vous a beaucoup interrogé pendant le contre-interrogatoire au

  9   sujet de l'attitude que nous avons eue vis-à-vis des Musulmans. 65 ter

 10   05985, s'il vous plaît, le document qui fait l'objet de votre paragraphe

 11   41. C'est la 68e Réunion du gouvernement. Je voudrais la page 5, s'il vous

 12   plaît. Les dates sont celles du 22 au 26 avril, la réunion se tenait à

 13   Bijeljina. Au paragraphe 4, en anglais également, est-ce que vous voulez

 14   l'afficher ? Il y a eu proposition d'un texte de projet de loi. Est-ce que

 15   vous pouvez tourner la page en serbe, point 4, s'il vous plaît, et en

 16   anglais. Au moins, il faudrait tourner la page en anglais. Je demande, s'il

 17   vous plaît, le point 4 dans les deux langues, en serbe et en anglais, donc

 18   il faudra tourner la page en serbe, et en anglais également.

 19   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] M. LE JUGE

 20   KWON : [interprétation] Parce qu'il semble que n'avons que deux pages en

 21   anglais donc c'est une traduction partielle.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande la page suivante en serbe.

 23   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation] 

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Professeur Lukic, est-ce que vous avez coopéré avec l'Herceg-Bosna,

 26   leurs dignitaires ? Pouvaient-ils se rendre en Republika Srpska, et

 27   pouvaient-ils vérifier sur place les conditions de vie des Croates ?

 28   R.  Je pense que c'était en avril 1993, peut-être qu'il y a une erreur sur


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  1   quelques mois, vous vous étiez mis d'accord avec le président de l'Herceg-

  2   Bosna, et moi, je m'étais mis d'accord avec le chef du gouvernement

  3   d'Herceg-Bosna, quelqu'un que j'avais connu avant la guerre, et je le

  4   connaissais bien d'ailleurs. Nous avons prévu plusieurs réunions, et nous

  5   nous sommes mis d'accord pour mettre fin à la guerre. Nous avons fait un

  6   échange de prisonniers global, et nous avons fait en sorte qu'ils puissent

  7   se rendre chez nous, sur notre territoire pour voir quelles étaient les

  8   conditions de vie de Croates.

  9   Et, d'après moi, ce qui était particulièrement positif, lorsque la

 10   partie croate s'est trouvée menacée de perdre plusieurs milliers de Croates

 11   dû à l'intensité de leur conflit avec les Musulmans, vous vous souviendrez

 12   que nous avons laissé des unités entières, et un nombre énorme de personnes

 13   du centre de Bosnie, de Vares, d'Olovo, qu'ils passent jusqu'à la partie

 14   est de la Republika Srpska. Et je suis profondément convaincu que nous

 15   avons sauvé la vie à plusieurs milliers de personnes, à ce moment-là, on

 16   leur a épargné le massacre. M. Prlic et moi-même avons fait en sorte que la

 17   partie musulmane aussi accepte cette trêve, qu'on mette fin à la guerre et

 18   que, dans le cadre de négociations, on essaie de trouver une solution.

 19   Hélas, les Musulmans n'ont pas accepté cela, ils ne voulaient pas en

 20   entendre parler. Et je regrette encore aujourd'hui que cela n'ait pas pu

 21   avoir lieu. Mais ce que nous avons fait vis-à-vis des Croates, vous vous

 22   souviendrez aussi que nous avons reçu énormément de blessés croates dans

 23   nos hôpitaux, et bon nombre d'entre eux, nous leur avons donné la

 24   possibilité de passer par notre territoire afin de leur fournir toute aide

 25   et assistance possible dans une situation de guerre. Et, bien entendu, ils

 26   nous ont rendu service à d'autres occasions.

 27   Ce qui est exact c'est que si la partie musulmane avait accepté cela

 28   en ce moment-là, mais non, ils voulaient qu'un accord soit passé à


Page 38837

  1   Washington pour que les Musulmans et les Croates rétablissent leur union

  2   contre les Serbes, et pour que le temps les aide à faire la guerre, et

  3   cetera, refaire la guerre.

  4   Q.  Très bien.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document

  6   1D2941.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de passer à autre chose, je

  8   voudrais savoir quel est le statut de cette pièce. Je parle de la pièce

  9   5985, qui faisait partie des pièces connexes mentionnées au paragraphe 41,

 10   il est question des points 2 et 27, au paragraphe 41. Mais la traduction ne

 11   comporte que le point 2, le 27 en est absent. Devrions-nous peut-être

 12   verser ce document sous une cote MFI en attendant la traduction du point

 13   27.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez continuer.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Justement le point 2 aussi a été versé au

 17   dossier.

 18   Je demande à présent l'affichage du document 1D2941. Excusez-moi, je ne

 19   pensais pas qu'on allait contester le traitement que nous avons réservé aux

 20   minorités.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Alors prenez connaissance des deux premières phrases, s'il vous plaît.

 23   Est-ce que vous reconnaissez ces photographies ? Vous rappelez-vous cela,

 24   est-ce que c'est une visite qui a eu lieu le 4 octobre ?

 25   R.  Oui.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Montrez-nous le haut de la page.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Donnez lecture des deux premières phrases, s'il vous plaît.


Page 38838

  1   R.  "Mon souhait est de me rendre à Banja Luka, et de voir sur place

  2   quelles sont les conditions de vie du peuple croate, s'est réalisé

  3   aujourd'hui. Les conditions politiques s'étant réunies. Les Serbes et les

  4   Croates de ces contrées ne se sont pas opposés en se faisant la guerre. Les

  5   Croates sont restés pour la plupart à Banja Luka, ce qui constitue le

  6   résultat d'une attitude positive de la politique de la Republika Srpska.

  7   C'est la raison pour laquelle il faut empêcher le départ des Croates de ces

  8   régions, il faut empêcher leur départ de leurs appartements, ce qui doit

  9   être régi par la loi."

 10   Telle a été la déclaration de Jadranko Prlic, lors d'une brève rencontre

 11   avec les journalistes, et Jadranko Prlic, chef du gouvernement d'Herceg-

 12   Bosna.

 13   Q.  Merci. Et sa visite, le fait qu'il se soit entretenu avec les médias et

 14   la presse serbe, quelle a été la réaction des Croates à ce moment-là ?

 15   R.  Eh bien, évidemment elle a été très positive. Evidemment, il y a eu des

 16   commentaires négatifs par ci par là, comprenons-nous bien, tout le monde

 17   n'avait pas le même avis. Mais les responsables politiques, les

 18   responsables de l'armée, et la majorité de citoyens ont bien compris que

 19   c'était une visite, une action qui pouvait nous rendre un peu de force pour

 20   agir dans ce sens.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier aux fins

 23   d'identification ? Ah, non, non, la traduction existe.

 24   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] 

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui est du

 26   document que j'ai entre les mains, il semble qu'il s'agit que c'est un

 27   article de presse, d'une coupure de presse qui semble avoir été découpée

 28   dans un journal et recopiée sur cette feuille de papier. Nous aimerions


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  1   avoir la possibilité d'examiner l'ensemble de l'article, l'article intégral

  2   et d'en évaluer le contexte pour en apprécier l'importance et voir s'il y a

  3   d'autres extraits de cet article qui devrait figurer dans cette pièce à

  4   conviction. Sur le principe, je n'ai aucun problème par rapport au

  5   versement au dossier de cet extrait-ci compte tenu des réponses apportées

  6   par le témoin mais nous aimerions pouvoir voir l'article intégral.

  7   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je proposerais que

  8   cet article soit versé au dossier si l'Accusation souhaite verser au

  9   dossier d'autres parties de texte, nous n'aurons aucun problème à

 10   l'accepter.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons admettre ce document-ci pour

 12   le moment et nous reviendrons sur la question si de nouveaux extraits

 13   s'ajoutent plus tard.

 14   Peut-on avoir le numéro de pièce à conviction ?

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D3621.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, la Chambre voudrait

 18   faire une pause un peu plus longue, jusqu'à 12 heures 30 si cela convient à

 19   chacun. Oui, eh bien, nous suspendons pour le moment.

 20    --- L'audience est suspendue à 11 heures 52.

 21   --- L'audience est reprise à 12 heures 32.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Professeur Lukic, Jadranko Prlic et vous-même, avez-vous tout de même

 26   réussi à convaincre un certain nombre de dirigeants musulmans en vue d'une

 27   coopération pacifique ?

 28   R.  Oui, nous avons convaincu M. Fikret Abdic et une partie de la


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  1   population de la Bosnie occidentale sur le territoire de Kladusa. Nous

  2   avons eu un certain nombre de réunions avec M. Fikret Abdic, et je dois

  3   dire qu'il était un partisan très ferme de la fin de la guerre, et c'est

  4   lui qui aurait dû être élu président de la Bosnie-Herzégovine.

  5   Malheureusement, il a renoncé de lui-même à cette fonction. Et en ce qui

  6   concerne les conclusions que nous avons tirées ensemble avec M. Abdic

  7   pendant la guerre, eh bien, me permettent de dire qu'il était véritablement

  8   opposé à la guerre. Et d'ailleurs, comme chacun le savait déjà depuis la

  9   période antérieure, il était favorable à la paix et de la tolérance entre

 10   toutes les nations.

 11   Q.  Pouvez-vous nous dire brièvement ce qui a eu une incidence pour qu'avec

 12   un représentant musulman il soit possible de collaborer alors qu'avec

 13   d'autres c'était impossible ?

 14   R.  Eh bien, ce qui était en cause c'était surtout l'orientation de M.

 15   Alija Izetbegovic qui défendait une option proprement musulmane, ou,

 16   plutôt, une option d'Etat islamique. Il n'a pas pu renoncer à cette

 17   position pendant toute la guerre. Et je crois que la meilleure preuve de

 18   cela c'est le fait qu'il n'ait pas accepté le plan Cutileiro, puisqu'il a

 19   fini par retirer sa signature. Qu'est-ce qui l'a convaincu de le faire, ça

 20   ce n'est pas le plus important. Mais en tout cas, y compris pendant la

 21   guerre, au moment où nous nous efforcions d'établir difficilement certains

 22   contacts minimums, eh bien, avec lui cela n'a pas fonctionné, car il était

 23   très clairement favorable à l'option islamiste en Bosnie-Herzégovine, même

 24   si comme il l'a dit un jour, dans ces conditions, la Bosnie-Herzégovine

 25   risquait de ne pas être plus grande qu'une tasse de café.

 26   Mais quoi qu'il en soit, M. Abdic était quelqu'un qui avait des vues très

 27   ouvertes, et il nous a fait des propositions. Il pensait que M. Karadzic,

 28   M. Boban et les autres dirigeants qui coopéraient avec lui pourraient faire


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  1   quelque chose pour que cette ligne islamique dure devienne un peu plus

  2   souple, qu'avec le temps nous réussissions à parvenir à la paix, et, ce qui

  3   était pour lui le plus important, qu'il soit mis fin à la guerre.

  4   Q.  Je demande l'affichage d'un document que je vous demanderais

  5   d'identifier assez rapidement.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'aide de Monsieur l'Huissier.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Pourriez-vous vous dire aux Juges de la Chambre, après avoir pris

  9   connaissance du préambule et du titre, pourriez-vous nous dire quelle est

 10   la nature de ce document ?

 11   R.  Eh bien, le président du gouvernement, donc le premier ministre de la

 12   République croate d'Herceg-Bosna, le Pr Jadranko Prlic; le premier ministre

 13   de la Republika Srpska, le Pr Vladimir Lukic; et le premier ministre de la

 14   Province autonome de Bosnie occidentale, Jusic, rédige cette déclaration

 15   conjointe signée à Zagreb le 21 octobre 1993, en présence du président de

 16   la Province autonome de Bosnie occidentale, M. Fikret Abdic; et du

 17   président de la République croate d'Herceg-Bosna, Mate Boban; ainsi que la

 18   déclaration commune signée à Belgrade le 22 octobre 1993, signée par le

 19   président de la Province autonome de Bosnie occidentale, M. Fikret Abdic;

 20   et par le président de la Republika Srpska, le Dr Radovan Karadzic, en tant

 21   qu'expression d'une véritable volonté en faveur de l'instauration d'une

 22   paix durable sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.

 23   Eh bien, oui, je me rappelle tout à fait bien ce document et je pense que

 24   c'était effectivement un document de très grande qualité qui aurait dû

 25   conduire à la fin de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Il représente une

 26   occasion qui aurait pu se réaliser si la Croatie avait été prête de se

 27   diriger vers la paix, elle aussi, mais je dois dire qu'en dépit de tous les

 28   pourparlers que nous avons menés, et de la signature de ce document,


Page 38842

  1   malheureusement, voyez-vous, la guerre s'est poursuivie et nous savons

  2   jusqu'à quel moment, et cetera.

  3   Q.  Je vous demanderais de vous rendre en dernière page de ce document où

  4   vous pouvez identifier les participants.

  5   R.  Oui. Jadranko Prlic, Vladimir Lukic et Zlatko Jusic sont les

  6   signataires, Zlatko Jusic étant le représentant de la Bosnie occidentale.

  7   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien sûr, on a aussi la signature au bas du

  9   document du président Fikret Abdic.

 10   L'INTERPRÈTE : La question de M. Karadzic n'a pas été interprétée car le

 11   micro n'était pas allumé.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, pourriez-vous répéter

 13   ce que vous venez de dire.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier aux fins

 15   d'identification de ce document, car je ne suis pas sûr que nous disposions

 16   déjà de la traduction ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est un extrait de livre ?

 18   Pouvons-nous voir les numéros de page ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est tiré d'un livre, mais je ne sais pas

 20   duquel exactement mais, en tout cas, la déclaration est authentique.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais que nous voyons le bas de la

 22   page.

 23   Madame Gustafson.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est un document issu de ma collection de

 25   pièces, et je devrais vérifier la source. Je ne peux pas répondre

 26   immédiatement.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons enregistrer ce document aux

 28   fins d'identification.


Page 38843

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document devient la pièce D3622,

  2   enregistrée aux fins d'identification.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  On vous a interrogé au sujet du butin de guerre. Pourriez-vous dire aux

  5   Juges de la Chambre dans quelles conditions et selon quelles modalités le

  6   butin de guerre a été établi ?

  7   R.  Eh bien, le butin de guerre, c'est une question qui était traitée par

  8   des organes déterminés. Nous disposions également d'une législation

  9   spécifique à ce sujet, à savoir que la loi réglementait les bénéficiaires

 10   du butin de guerre ainsi que les modalités d'utilisation de ce butin de

 11   guerre en fonction de la définition et de l'objectif assignés à ce butin de

 12   guerre, objectif qui pouvait être divers.

 13   Q.  Merci. Est-ce que le butin de guerre pouvait inclure des biens

 14   immobiliers appartenant à des particuliers acquis dans des conditions

 15   légales et dont le propriétaire était connu ?

 16   R.  Non. Les biens appartenant à des particuliers ne pouvaient jamais

 17   officiellement et publiquement être inclus dans le butin de guerre par le

 18   biais d'organismes légaux.

 19   Q.  Je vous remercie. Pouvez-vous nous parler de la contrebande de produits

 20   divers ou d'objets saisis, comme par exemple des voitures d'origine

 21   inconnue, ou bien le trafic de nourriture, de boisson, et cetera ? Est-ce

 22   que l'Etat pouvait utiliser des biens de cette nature légalement ?

 23   R.  Eh bien, non. Il y avait toujours des vérifications de l'origine et des

 24   conditions d'acquisition de ces produits. Dans ce domaine aussi, une

 25   réglementation existait qui établissait les modalités d'utilisation de

 26   produits de ce genre. En temps de guerre, la contrebande est une source de

 27   profit efficace. Je crois que chacun ici sait bien que cette contrebande

 28   était en fait du trafic.


Page 38844

  1   Q.  Je vous remercie. On vous a interrogé aussi au sujet de Mico "Joje" et

  2   de Mandic, on vous a parlé de voitures de modèle Golf, et quelque part il a

  3   été indiqué que Radovan Karadzic était au courant de tout cela. Est-ce que

  4   ces hommes ont vendu leurs voitures en leur nom propre, ou est-ce que

  5   l'Etat ou le gouvernement a affecté des automobiles au service de certaines

  6   personnes, comme des policiers ?

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est une question particulièrement

  9   directrice. Vous êtes autorisé à demander au témoin selon quelle méthode,

 10   sur quelle base ces ventes se sont effectuées.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, il a été suggéré que ces hommes ont

 13   vendu des voitures de modèle Golf, mais il n'a pas été dit qu'ils l'avaient

 14   fait à des fins personnelles. Donc c'était une précision que je voulais

 15   obtenir.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous mettez les mots dans la bouche

 17   du témoin.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je dire quelque chose, Monsieur le

 19   Président ?

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, l'autre jour je n'ai peut-être pas

 22   été assez clair quand j'ai parlé de ces articles. Il y a eu des trafics de

 23   toutes sortes. Mais s'agissant de voitures et en particulier de ces

 24   voitures de modèle Golf et autres, c'étaient des véhicules qui étaient

 25   donnés, ou bien, par exemple, telle ou telle municipalité pouvait avoir un

 26   certain nombre de véhicules à sa disposition et permettait à des ministres

 27   ou à d'autres personnalités ou organes de les utiliser.

 28   Quant aux personnes dont les noms ont été liés à la vente de ces véhicules,


Page 38845

  1   il est exact qu'ils ont exportés des voitures. Ces voitures ont

  2   effectivement été vendues, c'est la vérité, mais l'argent qui en a été tiré

  3   a été utilisé pour des objectifs différents que ceux dont on a parlé. Par

  4   exemple, voyez-vous, nous avions des blessés qui étaient très éloignés de

  5   l'endroit où nous nous trouvions, parce qu'en Republika Srpska nous

  6   manquions d'hôpitaux. Donc, il nous fallait beaucoup de véhicules qui

  7   étaient mis à la disposition des ministres, en particulier, pour leur

  8   utilisation dans ce cadre. Autrement dit, ces objets avaient été assignés à

  9   une utilisation bien particulière et étaient utilisés à des fins servant le

 10   public.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Merci. On vous a interrogé ou, plutôt, il vous a été suggéré qu'il

 13   aurait existé une entité serbe et que, dans ce cadre, il était nécessaire

 14   de disposer d'un corridor. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre

 15   pourquoi les Serbes des régions occidentales n'ont pas utilisé la Route de

 16   l'unité et de la fraternité dans cette période ?

 17   R.  Monsieur le Président --

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.

 19   Madame Gustafson.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais que la période soit spécifiée à

 21   l'aide d'une date. Je pense que ce serait utile.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.

 24   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic --

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je pourrais --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. M. Karadzic va reformuler sa

  2   question.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  En page 53 du compte rendu, on vous interroge ou, plutôt, on vous donne

  5   à penser une façon d'évoquer l'entité serbe, et dans ce contexte, il a été

  6   dit que vous étiez favorable à l'ouverture d'un corridor au nord de la

  7   Save, entre Zagreb et Belgrade, là où se trouve la grande route que l'on

  8   appelle la Route de l'unité et de la fraternité. Pourquoi est-ce que la

  9   partie serbe n'a pas utilisé cette grande route ? Pourquoi est-ce qu'elle

 10   avait besoin d'un corridor au sud de la Save ?

 11   R.  [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Je n'ai pas trouvé cette

 13   référence, mais Mme Gustafson souhaitait que vous précisiez une date ou une

 14   période.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ah, c'était la veille, excusez-moi, ou, plutôt,

 16   la semaine dernière, page 53.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Au moment où le corridor a été créé, eh bien, c'était le début de la

 19   guerre, en juin 1992, et vous avez expliqué qu'il a été ouvert parce que

 20   des bébés étaient en train de mourir, et cetera. Donc maintenant, je vous

 21   demande si ce corridor était indispensable et pourquoi les Serbes ne se

 22   sont pas servis de la grande route ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.

 24   Madame Gustafson.

 25   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Maintenant la période a été précisée, j'ai

 27   un objection à soulever car les questions concernaient les propositions du

 28   témoin au Dr Karadzic au sujet du corridor à l'automne 1991, alors qu'à


Page 38847

  1   présent, la question porte sur la raison pour laquelle le corridor aurait

  2   été ouvert en juin 1992, et donc nous assistons à une tentative d'établir

  3   un lien entre la période évoquée dans la question actuelle et ce qui a été

  4   dit dans les réponses antérieures du témoin pour une période différente. Je

  5   pense que cela crée la confusion. Les questions que j'ai posées au sujet de

  6   la création du corridor et des objectifs assignés à ce corridor en 1991

  7   étaient liées à l'idée de créer une entité serbe distincte. Donc à présent,

  8   la confusion règne si nous parlons de la situation de guerre en 1992 et de

  9   l'ouverture du corridor à ce moment-là.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson ?

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je vois ici un point

 12   qui n'est pas directement lié à cette partie de l'interrogatoire principal,

 13   donc le Dr Karadzic pourrait peut-être lier cette question à un autre

 14   point.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais un corridor peut servir le même

 16   objectif dans des périodes de temps différentes. Madame Gustafson ?

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 18   les Juges, en 1991, le conflit n'avait pas encore éclaté en Bosnie, et en

 19   1992 il avait éclaté. Donc, étant donné que certaines parties du territoire

 20   étaient, à mon avis, sous contrôle en 1992, il s'agit d'une question de

 21   nature tout à fait différente par rapport à la question de la création d'un

 22   corridor en 1991, avant le début du conflit armé, mes questions portaient

 23   sur la période précédant la guerre.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux reformuler --

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre est d'accord avec la remarque

 28   faite par Mme Gustafson. Veuillez passer à un autre sujet.


Page 38848

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais passer à un autre sujet.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Mais je voulais juste demande si en 1991, il s'était passé quelque

  4   chose en Croatie, en octobre 1991 notamment, et est-ce la raison pour

  5   laquelle nous n'avons pas pu utiliser l'autoroute ?

  6   R.  [aucune interprétation]

  7   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Dernière question pour vous, Professeur : il semblerait que le Parti

 10   démocratique serbe s'était battu pour exercer une influence à l'égard du

 11   gouvernement. Vous qui n'avez pas été membre du SDS, y avait-il eu un

 12   membre du gouvernement qui n'était pas membre du SDS, ou y avait-il

 13   d'autres ministres qui n'étaient pas membres du Parti du SDS ou qui étaient

 14   dans un autre parti ?

 15   R.  Ecoutez, ne me prenez pas au mot. Mais je crois qu'il y en avait trois

 16   ou quatre, des ministres, qui n'étaient pas dans le parti du SDS ou dans

 17   des partis autres.

 18   Mais je voulais compléter quelque chose, une chose que vous n'avez

 19   peut-être pas eu à connaître, et ça m'a semblé être inexact. Alors, si vous

 20   le permettez, j'aimerais le dire. Pour ce qui est des déplacements en

 21   Bosnie-Herzégovine.

 22   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] Allez-y.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Fin juin ou mi-juin, au mont Igman, en 1991,

 24   il y a eu une réunion consultative yougoslave, et on a fini une demi-

 25   journée avant afin que les gens puissent rentrer chez eux. Et les gens de

 26   Serbie, on leur a suggéré de ne pas descendre jusqu'à la Save ou de ne pas

 27   aller emprunter l'autoroute. Nous leur avons dit de passer par la Romanija,

 28   et cetera, je ne veux vous fatiguer outre mesure. Mais ce que je voulais


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  1   dire, par conséquent, c'est que la liberté de déplacement à compter du mois

  2   de mai 1991 était déjà périlleuse, c'était risqué. Je vais vous dire qu'il

  3   y en a qui ont pris l'autobus mais qui ne sont jamais arrivés à la maison,

  4   ceux qui ont emprunté l'autoroute --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Lukic --

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- je ne vous ai pas suivi. Vous avez

  8   dit que vous vouliez corriger quelque chose au niveau de votre déclaration.

  9   Ou était-ce une erreur ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas ma déclaration. Pour ce qui est

 11   de la liberté de se déplacer en 1991 de façon libre en Bosnie-Herzégovine

 12   et en Croatie. C'est ce que je voulais ajouter. Je voulais compléter pour

 13   dire que ce n'était pas ainsi que les choses se produisaient.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] "Could not" il fallait entendre, ligne 18.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Le Dr Dragan Djokanovic était-il le ministre chargé des anciens

 19   combattants ? Et si oui, à quel parti appartenait-il ?

 20   R.  Dragan Djokanovic était ministre chargé des anciens combattants.

 21   Il venait d'un parti dont le nom m'échappe actuellement, croyez-moi bien.

 22   Mais il avait un parti à lui.

 23   Q.  Est-ce que M. Kalinic à l'époque était membre du SDS ou est-ce

 24   qu'il était dans un autre parti ?

 25   R.  Non, il faisait encore partie du parti à Markovic. Vous devez

 26   forcément mieux le savoir, le nom de ce parti.

 27   Q.  Merci. Dernière question : est-ce qu'il est possible qu'un parti

 28   au pouvoir autorise qu'un adversaire de taille soit nommé à des fonctions


Page 38850

  1   d'importance ?

  2   R.  Ça n'a pas été possible, ni avant la guerre, ni pendant la

  3   guerre, ni aujourd'hui. Du moins, pas sur nos territoires à nous. Dans

  4   notre région, je veux dire.

  5   Q.  En page 27, la semaine passée, ligne 6, on a demandé ce qui du

  6   fait de la double négation dans notre langue et de l'impossibilité de faire

  7   ce type de négation en anglais n'était pas clair, vous avez répondu "oui".

  8   Mais on a affirmé que votre travail ne consistait pas à procéder à des

  9   prospections, à des recherches, et vous avez dit "oui". Alors, est-ce que

 10   vous aviez pour travail les recherches au sujet de ce qui se passait ?

 11   R.  Mais quelles recherches ? Je ne sais pas de quelles recherches

 12   maintenant vous êtes en train de parler.

 13   Q.  Pendant que vous étiez aux Nations Unies.

 14   R.  Oui. Je n'étais pas, moi, chargé de faire des recherches. Mais

 15   les événements au fur et à mesure qu'ils se déroulaient, moi je les

 16   consignais.

 17   Q.  Merci, Professeur. Je ne vais plus vous fatiguer davantage. Je

 18   vous remercie d'être venu ici et de votre coopération.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Ceci met un terme à votre

 20   témoignage, Monsieur Lukic. Au nom des Juges de la Chambre, je tiens à vous

 21   remercier d'être venu à La Haye pour le fournir.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux prendre la parole ? Est-ce

 23   que c'est habituel, coutumier, ou pas ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Lukic, ce n'est pas le

 25   cas.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. 

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voulais vous souhaiter un bon voyage

 28   de retour chez vous.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais juste vous remercier, sans

  2   plus.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

  4   [Le témoin se retire]

  5   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  6   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais que le témoin donne lecture

  8   de la déclaration solennelle, s'il vous plaît.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   LE TÉMOIN : MILE POPARIC [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Poparic. Je vous

 14   prie de vous asseoir et de vous mettre à l'aise.

 15   Oui, Monsieur Karadzic, veuillez commencer.

 16   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Poparic.

 18   R.  Bonjour. Je demanderais avant que de commencer, j'ai deux petits

 19   rectificatifs à faire.

 20   Q.  On y viendra, on y viendra. Mais nous pouvons déjà conclure d'une chose

 21   : nous parlons vite tous les deux et nous ne faisons pas de pause entre

 22   l'un et l'autre. Donc je vous demande entre vos répliques et les miennes,

 23   ou mes questions et vos réponses, il faut que nous fassions des pauses. Et

 24   il faut que nos phrases, nous les formulions de façon assez lente afin que

 25   tout puisse être consigné.

 26   Et avant tout rectificatif, je voudrais vous demander de présenter aux

 27   Juges de la Chambre, bien que cela fasse partie intégrante de votre

 28   rapport, votre CV. Alors, est-ce que brièvement vous pouvez dire à


Page 38852

  1   l'attention des Juges de la Chambre qui vous êtes, quelle est votre

  2   formation et quel a été votre cursus professionnel.

  3   R.  De par ma profession, je suis ingénieur en mécanique. Ma spécialité,

  4   c'est la balistique. J'ai fait des études à la faculté de mécanique à

  5   Belgrade, au département de la balistique. C'est la seule école qu'il y

  6   avait eu en ex-Yougoslavie pour étudier la balistique. Par la suite, ça a

  7   été étudié à l'académie militaire de Zagreb, et je crois que maintenant

  8   c'est aussi le cas à la Belgrade. Mais pour ce qui est de la formation

  9   principale, les cadres en matière de balistique ont tous fait cette école à

 10   Belgrade.

 11   Q.  Je vous demande de parler plus lentement.

 12   R.  A l'époque où j'ai fait mes études, on faisait des études dans tous les

 13   domaines de l'armement - l'armement à propulsion par roquette, par fusée,

 14   les armes classiques, munitions, et cetera. Alors il y a eu un département

 15   général.

 16   Mais à la fin des études de mécanique à cette faculté, j'ai fait une école

 17   des officiers de réserve à Zagreb où j'ai eu ma formation militaire. C'est

 18   là que j'ai eu à connaître la totalité des armes disponibles dans cette ex-

 19   Yougoslavie, tant armes d'infanterie qu'armes d'artillerie. Et suite à

 20   cette école, à la fin de ces études, je suis entré au service de la JNA en

 21   tant que professionnel et on m'a affecté à l'usine Pretis, où j'ai

 22   travaillé sur les constructions, d'abord, des propulsions par fusée et des

 23   projectiles d'artillerie.

 24   En 1991, j'ai été transféré suite à ordre, puisque j'étais officier, vers

 25   un centre technique d'essai où j'ai travaillé jusqu'à la fin de ma carrière

 26   professionnelle, et ma carrière professionnelle a pris fin en 2007.

 27   Q.  Mais ce centre, on l'appelle TOC chez nous, c'est un centre de test

 28   technique ?


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  1   R.  Oui, c'est un centre de test technique qui vérifiait, qui contrôlait la

  2   totalité des dispositifs qui devaient faire partie de l'armement de la JNA

  3   ou, plus tard, de l'armée de Yougoslavie.

  4   Q.  Merci. Est-ce que vous aviez eu un grade ?

  5   R.  J'ai été mis à la retraite avec un grade de lieutenant-colonel.

  6   Q.  Merci. Est-ce que ce centre d'essai technique avait eu une coopération

  7   avec Pretis; et si oui, jusqu'à quand ?

  8   R.  Ce TOC avait une coopération de mise en place avec Pretis depuis

  9   toujours. Cette coopération n'a jamais été interrompue, pas même en temps

 10   de guerre et pas non plus après la guerre. J'ai travaillé pour le compte de

 11   collègues de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, qui continuent à

 12   travaillent dans cet établissement. Ils sont encore en train de se servir

 13   des services de Pretis. Et j'ai coopéré avec pendant que j'étais actif.

 14   Alors, ce TOC a toujours coopéré avec Pretis, pendant la guerre et même

 15   après la guerre, Pretis faisant partie du territoire de la Fédération.

 16   Q.  Merci. Est-ce qu'après votre passage vers ce TOC et lorsque vous êtes

 17   parti à Belgrade, est-ce que votre institution a vaqué à des activités

 18   d'expertise et est-ce que vous avez participé à des tests qui ont par la

 19   suite été utilisés à des fins officielles ?

 20   R.  Oui, nous avons fait des expertises dans le cadre de l'armée. Tous les

 21   incidents survenus au niveau des armes ou des munitions, eh bien, il

 22   fallait forcément que quelqu'un du TOC participe aux enquêtes ou aux

 23   investigations. J'y ai participé, si mes souvenirs son bons, à plusieurs

 24   reprises, à commencer par l'explosion de l'entrepôt d'armes à Vranje ou des

 25   incidents au niveau de la troupe. Mais j'ai travaillé aussi pour le compte

 26   du tribunal militaire de Podgorica, il y avait eu une expertise à effectuer

 27   par les soins du TOC. Parce qu'officiellement ce TOC était chargé d'une

 28   mission, et c'est là que je suis intervenu. Je ne l'ai pas mis dans mon CV


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  1   parce que je n'ai pas considéré cela comme étant si important.

  2   Q.  Quel est le relationnel qu'il y avait entre le TOC et le polygone de

  3   Nikinci ?

  4   R.  Ce polygone de Nikinci fait partie intégrante du TOC. Ce TOC, il faut

  5   que je le dise, dans cette République socialiste fédérative de Yougoslavie,

  6   avait disposé de plusieurs polygones. C'était le polygone de Prevlaka, puis

  7   celui de Nikinca et celui de Kalinovik. De temps à autre, on pouvait

  8   utiliser Kalinovik qui appartenait à l'armée, si besoin était. Mais

  9   Kalinovik, c'était un polygone de réserve pour des situations de guerre.

 10   Le TOC avait une affectation en temps de guerre qui se trouvait à

 11   Nevesinje, c'est là que se trouvaient les réserves de guerre du TOC. C'est

 12   là que nous avons eu des plaques blindées, et pendant la guerre, ça s'est

 13   avéré utile. Et ça été transféré en République fédérative, fédérale de

 14   Yougoslavie. On a utilisé cela à Nevesinje, parce que c'était là que se

 15   trouvait l'affectation en temps de guerre du TOC, Nevesinje. Le polygone,

 16   lui, a été transféré à Kalinovik.

 17   Q.  Merci. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre où se situaient et se

 18   situent aujourd'hui Nevesinje et Kalinovik ?

 19   R.  En Republika Srpska. Et pendant toute la guerre, c'était sur le

 20   territoire de la Republika Srpska également.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D28759 à présent, s'il vous plaît. Je ne pense

 23   pas que cela ait été versé au dossier. Donc 1D28759. Peut-être que ce

 24   document n'a pas encore été versé au dossier.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez vérifier votre

 26   numéro encore une fois, s'il vous plaît ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça a été bien consigné.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Pendant que vous travailliez à Pretis et au centre d'essai technique,

  2   vous étiez spécialisé dans les projectiles, mais est-ce qu'en plus vous

  3   avez eu l'occasion de vous familiariser avec la majorité ou avec toutes les

  4   armes et armements dont se servait la JNA ?

  5   R.  Oui, absolument, que ce soit à travers mon expérience professionnelle,

  6   mes études, ou l'école d'officiers de réserve, j'ai eu cette occasion-là.

  7   Q.  Dans votre rapport, il est question de manuels régissant l'emploi des

  8   fusils à tirs embusqués ou de mortiers, et cetera. Alors est-ce que vous

  9   pouvez nous dire quels sont ces manuels et ces règles qui régissent

 10   l'emploi de ces armes ? 1D07902, s'il vous plaît.

 11   R.  Donc ce règlement que je cite, c'est un document de base dont il est

 12   fait usage dans l'armée pour chacune des armes qui fait partie de

 13   l'armement de l'armée. Donc, par exemple, prenons un fusil, tout ce qu'il

 14   convient de savoir lorsqu'on est appelé à utiliser cette arme fait partie

 15   de cette règle. Donc, la construction de l'arme, plus concrètement

 16   lorsqu'il s'agit de cette arme, comment on s'en sert, comment on se sert de

 17   la lunette, comment on l'ajuste, comment on choisit les tireurs, quels sont

 18   les tests pour sélectionner les soldats qui vont utiliser les fusils à tirs

 19   embusqués.

 20   Donc vous avez ces règles pour chaque arme et il y a une certaine

 21   divergence. Bien entendu, pour le mortier de 82 millimètres, vous n'aurez

 22   pas exactement les mêmes instructions ou les consignes que pour un fusil;

 23   donc construction, emploi, bien entendu, les mêmes chapitres, mais en plus

 24   on va donner des consignes pour le déploiement du mortier, des tables, les

 25   éléments pour le calcul des tirs, ainsi que les calculs d'emploi ou

 26   d'utilisation d'une munition en fonction des cibles. Donc, est-ce que ce

 27   sont des tirs d'avertissement, est-ce que ce sont des tirs qui visent à

 28   anéantir la cible ou autre. Et on précise également dans ces règlements qui


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  1   est l'instance compétente pour donner l'ordre d'emploi d'un mortier.

  2   Par exemple, si le commandant apprécie qu'il convient de détruire une cible

  3   compte tenu du danger qu'il constitue pour son unité, ce commandant peut

  4   décider de donner l'ordre de détruire cette cible. Et, par exemple, prenons

  5   un des cibles qui se situeraient à l'abri, 216 obus de 82 millimètres

  6   seraient nécessaires pour une cible qui couvrirait 100 à 200 mètres sur une

  7   certaine profondeur, sur 50 mètres de profondeur. Donc, le commandant de

  8   cette unité serait compétent de donner cet ordre. Cela ferait partie de son

  9   pouvoir discrétionnaire, et il n'aurait pas besoin de faire appel à un

 10   échelon supérieur. Si on devait détruire trois ou plusieurs cibles de ce

 11   type-là, il nous faudrait 600 obus, par exemple, donc une quantité de

 12   munitions très considérable.

 13   Et vous avez ces mêmes règles qui concernent différentes autres armes.

 14   Enfin, toutes les armes sont décrites de cette manière précise.

 15   Q.  Dans l'acte d'accusation qui a été dressé contre moi, on fait état

 16   souvent du recours disproportionné à la force. Alors prenons ces 216 obus

 17   de 82 millimètres, ligne 15, comment est-ce qu'on établit ce nombre-là ? A

 18   partir de quel moment est-ce qu'on parle de tirs disproportionnés, si 216

 19   obus sont nécessaires pour ce type de cible ?

 20   R.  Il est difficile de l'évaluer. Je vous ai dit pour ce qui est des

 21   règles qui régissent l'emploi des mortiers, le commandant a droit

 22   d'apprécier que son unité se trouve menacée et qu'il convient de détruire

 23   l'ennemi. Alors détruire l'ennemi, cela veut dire que 50 % du potentiel

 24   ennemi sera détruit, donc c'est à partir de cela qu'on considère que

 25   l'ennemi a été détruit. Mais tout dépendra de la situation. Donc c'est le

 26   pouvoir discrétionnaire du commandant d'en décider, puis tout le reste

 27   dépend des circonstances précises. Je ne pourrais pas aborder maintenant

 28   cette question en détail puisque cela évolue en fonction de la situation.


Page 38857

  1   Mais il faut utiliser beaucoup d'obus, et un nombre très important d'obus

  2   peut être prévu pour détruire telle ou telle cible sans que cela

  3   corresponde à l'utilisation disproportionnée. Et je suppose que la JNA

  4   n'est pas la seule armée qui avait des règles qui régissaient cet emploi.

  5   D'autres armées en ont également.

  6   Q.  J'attends que la transcription se termine et je vous invite à faire de

  7   même.

  8   R.  Malheureusement, je ne vois pas la transcription.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait aider le témoin à suivre

 10   à l'écran ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Très brièvement, je demande l'affichage du document D3560 dans le

 14   système du prétoire électronique. C'est un document qui a été versé au

 15   dossier par le truchement du témoin expert Subotic. Pourriez-vous nous

 16   dire, s'il vous plaît, si ce document est quelque chose qui vous semble

 17   connu, et est-ce que vous pouvez également nous dire ce qu'il représente ?

 18   R.  Oui. Ça, c'est une demande type de procéder à la vérification des armes

 19   ou des munitions au polygone de Nikinci. Donc, il s'agit de l'obus de 120

 20   millimètres et on demande que l'on vérifie si l'obus correspond aux

 21   spécifications, donc à ses fonctionnalités. Puis nous avons une liste des

 22   éléments - chemise, détonateur, charge primaire - puis les différentes

 23   séries sont énoncées. Ça, c'est typiquement comment l'on demande que des

 24   essais soient effectués sur des munitions à Nikinci et cela nous montre que

 25   c'est en se basant sur les normes prévues pour les différents produits

 26   qu'on a procédé à des essais, donc on a des spécifications qui précisent

 27   quelles sont les conditions qui doivent être remplies pour qu'un produit

 28   corresponde à la norme.


Page 38858

  1   Et au polygone de Nikinci, on procédait suite à des demandes de ce

  2   type-là aux essais prévus. Et si le produit correspondait aux normes, il

  3   délivrait une attestation précisant que ce type de munition était conforme

  4   et pouvait être produit et envoyé dans les différents entrepôts. Alors,

  5   nous avons ici un document du 3 janvier 1994, signé par le directeur chargé

  6   des contrôles à l'entreprise Pretis; Jokic, Miloje. Donc, ce qui montre que

  7   même pendant la guerre, les procédures de vérification de contrôle de

  8   qualité étaient entièrement respectées à Pretis.

  9   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire ce que signifie vérifier la série ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 11   Madame Edgerton.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je me

 13   demande si on ne devrait pas demander si ce document a été mentionné dans

 14   les différents rapports du témoin, et s'il a été cité où, puisque j'ai un

 15   petit peu du mal à suivre.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 17   Monsieur Poparic ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, Monsieur Karadzic, je pourrais vous

 19   répondre. Alors, concrètement, ce document-ci n'est pas mentionné dans mes

 20   rapports. Cependant, comme j'ai collaboré avec Mme Subotic sur d'autres

 21   rapports également, d'après moi, ce document permet de démontrer que le

 22   contrôle qualité était assuré chez Pretis pour les différents produits,

 23   parce que ça a été contesté justement pour les bombes aériennes, ça a été

 24   contesté. Il a été affirmé que Pretis ne suivait pas les documents

 25   techniques prévus, et ne cherchait pas à assurer la conformité, mais

 26   d'après ce que je vois ici cela montre exactement le contraire, qu'il

 27   respectait les vérifications nécessaires pour les munitions.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, merci. Vous pourrez continuer.


Page 38859

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Vous nous avez dit que vous connaissiez l'armement de la JNA. Alors je

  4   demande l'affichage du document 1D07465 dans le prétoire électronique. Il

  5   s'agit d'un enregistrement vidéo de l'ABiH, qui a été publié sur "YouTube".

  6   Il s'agit de la 4e Brigade motorisée, du 1er Corps d'armée. De 00 : 02.35 à

  7   00 : 2.55, s'il vous plaît.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit là d'un autre document

 10   qui n'est pas mentionné dans le rapport du témoin ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Poparic ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça n'a un rapport avec nos rapports.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi ? Ça à voir avec vos

 16   rapports mais il n'est pas mentionné dedans.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'est pas mentionné directement mais nous

 18   avons des documents qui sont en relation précisément avec cet

 19   enregistrement vidéo.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Commençons, s'il vous plaît, à 00 : 2.35 et

 22   visionnons jusqu'à 00 : 2.55.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  J'attire votre attention sur les armes que nous allons voir.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Je ne suis pas sûr que nous ayons tout vu.

 28   R.  Oui, j'ai remarqué deux armes. Premièrement le lance-roquettes


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  1   multiple, à 12 tubes. Il est de fabrication chinoise. Le calibre est celui

  2   de 107-millimètres. C'est un des lance-roquettes multiples très connus,

  3   fabriqué par l'Iran et la Corée du nord, également. Il fait partie de

  4   l'armement d'un grand nombre de pays. Ce lance-roquettes multiple ne

  5   faisait jamais partie, il n'a jamais fait partie de l'armement de la JNA.

  6   Il avait plutôt un autre lance-roquettes multiples de 128-millimètres de 32

  7   tubes, fabriqué en 1963. Alors la portée de ce système appelé Plamen --

  8   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Flamme.

  9   -- était de 27 kilomètres, 90 [phon] mètres --

 10   Correction de l'interprète : Ou, plutôt, c'était une autre pièce, de 130-

 11   millimètres de calibre.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons besoin que vous répétiez,

 13   Monsieur. Les interprètes ne peuvent pas suivre. Donc reprenez à partir du

 14   moment où vous avez dit que le système était appelé Plamen.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc la JNA n'a jamais eu de lance-roquettes

 16   multiple de 107-millimètres [comme interprété] dans son armement. Nous

 17   avions ou, plutôt, ce lance-roquettes multiple est intéressant pour nous,

 18   parce que dans le document que nous avons eu à examiner en l'espèce, nous

 19   avons vu un document de KDZ du MUP de Bosnie-Herzégovine. Il y a une

 20   expertise des traces après une explosion, rue de Grabocac[comme interprété]

 21   qui s'appelait de Palmero Tojati, précédemment, où un appartement privé a

 22   été touché par un obus de ce calibre-là. Et leur conclusion était qu'il

 23   était arrivé d'Ilidza, et ils ont précisé que ce mortier faisait partie de

 24   l'armement de la JNA, ce qui était inexact.

 25   Et je précise que le mortier que nous avons vu aussi au mont Igman n'aurait

 26   pas pu atteindre la rue de Palmero Tojati, parce que sa portée était de 8

 27   500 mètres. Et que la distance entre Igman et cette rue-là était un peu

 28   plus grande. Donc si les enquêteurs sont arrivés à la conclusion que la


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  1   provenance du tir était Ilidza, ça n'aurait pu provenir en fait que

  2   d'Alipasino Polje, de la zone industrielle. Puisque comme je viens de le

  3   dire, la JNA n'avait pas ces mortiers-là, et je ne suppose pas la VRS non

  4   plus, du moins je n'ai pas, jamais pu constater que la VRS en ait eu.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Ligne 25, page précédente, il ne s'agit pas de 127-millimètres mais

  7   107-millimètres.

  8   R.  Oui, 107.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut verser cet extrait au

 11   dossier ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Je suis en train de me demander quelle est

 14   la finalité de ces questions. Nous avons là un deuxième document qui ne

 15   figure pas dans les notes de bas de page des rapports dont le témoin est

 16   l'auteur, et qu'il s'agisse d'un témoin expert ou non, cela n'empêche pas à

 17   la Défense de notifier l'Accusation des documents qu'elle a l'intention

 18   d'utiliser, au contraire, en particulier lorsqu'il s'agit de documents qui

 19   n'ont pas été mentionnés dans les rapports. Il me semble bien en plus que

 20   nous abordons des points qui n'ont absolument aucune pertinence, et qui se

 21   situent à l'extérieur du cadre du rapport du témoin.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, justement j'étais en train de me

 23   demander quelle était la finalité de ces questions.

 24    Maître Robinson.

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. S'agissant de la

 26   pertinence, je pense qu'on essaie d'établir un lien ici avec les obus qui

 27   sont tombés à Alipasino Polje, le janvier 1994, et que la provenance de ces

 28   tirs n'était pas le côté serbe de Bosnie. Et s'agissant de la notification,


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  1   je pense que c'est une erreur, même s'il s'agit d'un témoin viva voce, nous

  2   aurions dû avertir l'Accusation du fait que nous allions utiliser ces

  3   documents donc je vous présente mes excuses.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Compte tenu du statut de M. Poparic,

  5   c'est un témoin expert. Je m'attendais à ce que M. Karadzic cherche tout

  6   d'abord à lui poser des questions lui permettant de verser au dossier ses

  7   rapports, donc j'étais en train de me demander exactement où -- enfin

  8   quelles étaient les intentions de M. Karadzic par ces questions-là. Et

  9   aussi je ne sais pas d'où provient ce film. M. Poparic pourrait nous en

 10   dire quelque chose.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce film est posté sur "YouTube". Nous voyons

 12   qu'il est écrit : "Vidéo de Ligue patriotique," ici, donc c'est toute une

 13   série de vidéo qui ont été postées par --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez vous-même participé

 15   à la réalisation de cette page internet ? Est-ce que vous avez participé à

 16   l'enregistrement de ce -- est-ce que vous savez quand ça été filmé ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été diffusé par la télévision de

 18   Bosnie-Herzégovine en 1993. Ça fait partie d'un programme diffusé à ce

 19   moment-là, et l'ensemble de l'émission est accessible sur "YOuTube". Il

 20   s'agit d'une vidéo qui porte sur la 4e Brigade motorisée, et ces

 21   commandants s'expriment, et cetera.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, vu que nous n'avons pas beaucoup

 23   de temps je ne voulais pas aborder la question des incidents. Je voulais

 24   d'abord en terminer avec les questions générales pour aborder les incidents

 25   demain, les incidents qui font l'objet du rapport.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous acceptons de verser au dossier les

 28   extraits qui ont été diffusés. Un numéro de pièce à conviction, je vous


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  1   prie.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D3619, Monsieur le

  3   Président, Madame, Messieurs les Juges.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   J'aimerais maintenant que l'on se penche sur le document 65 ter numéro

  6   24216.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Je vous rappelle qu'il y a un instant vous parliez du rôle de certaines

  9   pièces et du nombre de munition utilisée, donc j'aimerais que nous nous

 10   penchions sur ce tableau pour que vous nous l'explicitiez ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Le document qui est affiché actuellement à

 13   l'écran, le document 65 ter numéro 24216, n'est pas mentionné dans les

 14   notes en bas de page du rapport rédigé par le témoin, si je ne me trompe,

 15   or le témoin est le principal co-auteur et le principal signataire de ce

 16   rapport, nous n'avons pas reçu notification de son intention d'utiliser ce

 17   document. Comme je l'ai déjà dit, il faudrait que nous soyons informés à

 18   l'avance.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je disais au Dr

 21   Karadzic qu'à ce stade il devrait remettre à l'Accusation tous les numéros

 22   des documents qu'il a l'intention d'utiliser pendant l'interrogatoire qu'il

 23   conduit. Donc je ne sais pas si vous souhaitez que ce document vous soit

 24   résumé oralement ou si vous préférez que nous suspendions l'audience un peu

 25   plus tôt aujourd'hui pour qu'un temps suffisant soit disponible pour la

 26   notification qui pourrait être faite cet après-midi de façon à ce que les

 27   choses soient en place pour demain matin.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, le témoin ne peut parler de son


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  1   rapport dix minutes et il devrait continuer demain.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est possible, mais il faudra que nous

  3   parlions de deux incidents et je ne voudrais pas interrompre la séance à ce

  4   moment-là. Je suis à votre disposition.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, étant donné que la Chambre a

  6   une autre audience cet après-midi, nous suspendrons plus tôt aujourd'hui.

  7   --- L'audience est levée à 13 heures 37 et reprendra le mercredi 29 mai

  8   2013, à 9 heures 00.

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