Page 38785
1 Le mardi 28 mai 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.
7 En entrant dans le prétoire le Greffier m'a fait savoir qu'aujourd'hui nous
8 allons avoir une 400ième journée de procès dans cette affaire.
9 Madame Gustafson, veuillez continuer.
10 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.
11 LE TÉMOIN : VLADIMIR LUKIC [Reprise]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 Contre-interrogatoire par Mme Gustafson : [Suite]
14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
15 R. Bonjour.
16 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais qu'on nous afficher la pièce
17 P3129, s'il vous plaît.
18 Q. Docteur Lukic, dans votre déclaration, vous avez évoqué la question des
19 réfugiés et le retour des réfugiés, et au paragraphe 33, vous dites que le
20 gouvernement s'est efforcé d'aider tant les réfugiés serbes que musulmans
21 et qu'il n'y a pas eu de discrimination à cet égard. Au paragraphe 46, vous
22 évoquez le fait que le gouvernement a souhaité un retour des réfugiés
23 indépendamment de leur appartenance ethnique.
24 Alors, j'aimerais qu'on nous montre la page 8 en anglais, et la page 12 en
25 version en B/C/S. Il s'agit d'un PV d'une session du gouvernement qui s'est
26 tenue le 20 mars 1993. En haut de la page, au -- à D 22, en B/C/S et se
27 trouve vers le milieu de la page en anglais, l'avant-dernier paragraphe dit
28 que :
Page 38786
1 "Le gouvernement a souligné la nécessité d'organiser des activités
2 synchronisées pour peupler les zones libres sur le territoire de la
3 Republika Srpska. Et à cette fin, il fallait créer des préalables pour
4 faciliter le retour des réfugiés … "
5 Et c'est précisément au sujet de ce PV de la session du gouvernement que
6 vous avez affirmé que le gouvernement avait essayé d'aider les réfugiés
7 serbes et musulmans. Alors bien que le document n'évoque en rien les
8 appartenances ethniques, votre témoignage dit qu'il s'agissait d'une
9 politique non discriminatoire. Mais, Monsieur le Docteur, Docteur Lukic, le
10 gouvernement s'est efforcé de peupler stratégiquement le territoire de la
11 Republika Srpska avec des réfugiés serbes pour créer une nouvelle réalité
12 démographique au sein de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?
13 R. Ce n'est pas la conclusion que je tirerais de cette session, et pas
14 seulement de celle-là mais des sessions précédentes, en premier lieu en
15 raison de ce qui se passait sur le terrain. Il est vrai de dire que nous
16 avons eu des réfugiés venant de toute la Bosnie-Herzégovine. Et je dirais
17 même d'une bonne partie de la Croatie, de la moitié de la Croatie peut-
18 être.
19 Et ce que je me dois de vous dire c'est que : A un moment donné à Banja
20 Luka, j'ai senti qu'il y avait plus de réfugiés que d'habitants originaires
21 de Banja Luka. Et vers la fin de la guerre lorsque je suis revenu de la
22 faculté, ma femme m'a dit qu'un soldat armé était venu et avec une femme et
23 ils ont voulu la sortir de son appartement. Alors il me semble avoir déjà
24 dit --
25 Q. Docteur Lukic, excusez-moi, de vous interrompre, mais vous êtes en
26 train de vous éloigner de la teneur de ma question, vous êtes en train de
27 parler de chiffres, de problèmes. Mais ma question ne se rapportait qu'à
28 l'appartenance ethnique de ces réfugiés.
Page 38787
1 A cet effet, j'aimerais qu'on nous montre le P1379, il s'agit d'une
2 transcription de la 34e Session de l'assemblée de la Republika Srpska.
3 C'est un document que nous avons déjà vu. Et on a vu la teneur d'un
4 discours que vous avez fait à cette session, et je voudrais à présent que
5 nous nous penchions sur un autre fragment de ce PV. Et j'aimerais à cet
6 effet qu'on nous affiche la page 212 en anglais et la page 230 en B/C/S. Il
7 s'agit de la partie de cette session de l'assemblée où les ministres du
8 gouvernement présentent leurs rapports relatifs aux activités déployées par
9 leurs ministères respectifs. Et ici c'est M. Velibor Ostojic qui parle, et
10 lui, à l'époque, était ministre sans portefeuille au sein de votre
11 gouvernement.
12 Vers la moitié de la page en B/C/S et au bas de la page en anglais, trois
13 lignes plus bas, il dit :
14 " … j'ai été chargé de cette commission en ma qualité de ministre sans
15 portefeuille. Nous avons essayé d'aboutir à l'objectif qui est le nôtre, à
16 savoir une continuité ethnique et géographique de la population serbe, tout
17 en abritant les réfugiés, pour édifier une nouvelle politique démographique
18 de la Republika Srpska," et cetera.
19 Et un peu plus bas dans la version anglaise, il dit cette continuité
20 géographique a été réalisée dans plusieurs secteurs, qui ont été incorporés
21 dans les priorités, c'est-à-dire la vieille Stara Herzegovina, Birac, et
22 Posavina.
23 Alors, comme M. Ostojic nous le dit ouvertement, Docteur Lukic, l'objectif
24 de votre gouvernement s'agissant des réfugiés était lié à la réalisation de
25 cette continuité ethnique et géographique de la population serbe dans la
26 Republika Srpska, n'est-ce pas ?
27 R. Madame le Procureur, tout d'abord, je dois vous dire que vous m'avez
28 interrompu. D'autre part, le problème entier, le problème énorme des
Page 38788
1 réfugiés vous l'avez simplifié à l'extrême. Et maintenant vous essayez
2 d'arracher du contexte de certaines interventions des éléments qui ne sont
3 pas forcément exacts. Moi, j'essaie de vous convaincre de mon mieux que
4 nous avons dû héberger des milliers et des milliers de gens. Et nous avons
5 dû restreindre l'espace occupé par certaines familles nous l'avons fait,
6 non seulement pas seulement pour les groupes ethniques autres mais les
7 nôtres aussi pour héberger les gens.
8 C'est un fait notoirement connu que de dire, et là, vous avez parlé de
9 certains secteurs, où il y avait des Croates qui sont partis en Croatie
10 occupés des maisons serbes. Ils ont habité -- peuplé des régions entières -
11 - occupées dans la Croatie par des Serbes, Slavonie, Lika, Kordun. Et que
12 voulez-vous que nous fassions ? Il fallait bien que nos réfugiés ont les
13 mettre dans leurs maisons à eux.
14 Je ne doute pas du fait qu'il y ait eu d'autres thèses de développés par
15 les gouvernements ou membres -- membres du gouvernement ou ministres; mais
16 ce que je peux vous dire ce que le gouvernement a appuyé, ce que j'ai
17 appuyé moi-même, et nous avions en plus le soutien de M. Karadzic.
18 S'agissant du fait d'essayer d'héberger tous les réfugiés, de les protéger.
19 Et une fois la paix revenue forcément, on allait restituer les biens de
20 tout un chacun. Ce qui est chose logique. Et la Republika Srpska a été la
21 première à le faire à la fin de la guerre.
22 Q. Ici vous dites que les choses sont sorties de leur contexte. Voyons un
23 peu ce que M. Ostojic a dit six mois plus tard à une autre session de
24 l'assemblée. Six mois plus tard, disais-je. P1388. Il s'agit du mois de
25 mars 1994, et il est encore ministre au sein de votre gouvernement. Et à
26 cet effet, j'aimerais que nous passions à la page 168 en anglais, et ça
27 correspond à la page 135 en B/C/S. Alors, ici, une fois de plus, Monsieur
28 Lukic, vous avez été présent à cette session, et vous le mentionnez au
Page 38789
1 paragraphe 80 de votre déclaration. Vous mentionnez le fait d'y avoir
2 assisté.
3 Et c'est une fois de plus Velibor Ostojic qui parle, et il commence
4 son discours en parlant de réfugiés. Vers le bas de la page en B/C/S, et je
5 crois qu'on peut zoomer quelque peu, et en anglais c'est juste avant le
6 numéro 33, en anglais, où il est dit :
7 "La première partie du travail a été effectué. Un document a été
8 établi qui s'appelle Projection de la politique démographique de la
9 Republika Srpska. Nous devons nous pencher sur le problème pour établir une
10 continuité géographique de la population serbe sur le territoire de la
11 Republika Srpska."
12 Or, si on tourne la page de la version en B/C/S, on voit qu'il
13 continue par dire :
14 "Il y a quatre secteurs extrêmement sensibles où il convient de
15 travailler. D'abord, Stara Herzégovina, la vieille Herzégovine, Srbinje,
16 Visegrad, Rogatica. Ensuite, Birac, Vlasenica, Bratunac, Zvornik. Et
17 ensuite, troisième secteur, Posavina, dans deux axes, le long de la Sava,
18 de la Save, la rivière, et les environs de Trebova et Vlasic. Ensuite, il y
19 a Sana et Una, la rivière de Sana et Una, et Vrbas. Alors c'est ce secteur
20 Sana-Una et jusqu'à Krupa, Novi Prijedor, Kljuc, Sanski Most, et cetera."
21 Puis un peu plus tard, il dit :
22 "Nous n'avons pas cette population … "
23 Alors Docteur Lukic, vous dites que la république entière a été
24 submergée de réfugiés, mais ici, M. Ostojic nous dit une fois de plus que
25 la priorité des priorités est celle de mettre en place une continuité
26 géographique de la population serbe dans les secteurs qui revêtent une
27 importance stratégique, et là où la population est insuffisante. Donc une
28 fois de plus, ici, il est question de peuplement des secteurs de la
Page 38790
1 Republika Srpska qui ont été vidés de leurs Musulmans et Croates locaux
2 pour y placer ou y installer des Serbes, n'est-ce pas ?
3 R. Non. Non pour une raison qui est celle-ci, vous ne voyez pas qu'à
4 Sarajevo, nous avions eu 155 000 Serbes, et lorsque fin 1992 je suis sorti
5 de là-bas, il en est resté 20 à 25 000. A Bihac, nous avions eu plus de 40
6 % de Serbes, et à Bihac, il n'est resté pratiquement pas un seul Serbe. A
7 Mostar, on a chassé jusqu'aux derniers des Serbes, ceux qui n'ont pas été
8 chassés, expulsés, ont été abattus. Je ne vais pas aller parler de Zenica,
9 Rogatica, localités que vous venez de mentionner, vous aussi, et ces gens-
10 là, il fallait forcément les héberger quelque part.
11 Ecoutez, s'il vous plaît, Monsieur Ostojic, était le dernier à être à
12 même d'interpréter les intentions du gouvernement. Ce n'est pas une bonne
13 chose que de dire du mal des morts, et je pense que M. Karadzic va être
14 d'accord avec moi. Ce n'était pas une personnalité d'envergure. Il y avait
15 quatre professeurs d'université, et il y avait deux médecins, il y avait
16 deux professeurs, et cetera.
17 Donc c'était et je vous l'affirme, une fois de plus, c'était un
18 gouvernement tout à fait compétent qui ne pouvait pas, enfin ne pouvait pas
19 passer sous silence certains débats, mais il y avait des choses que ce
20 gouvernement ne voulait pas réaliser. Donc c'est un fait au final. Dites-
21 nous quel est le secteur où nous avons réalisé ce type de chose. Non, au
22 contraire, nous avons demandé à ce que les gens retournent chez eux, et
23 qu'on leur restitue leurs biens. Ça a été certainement l'exigence
24 principale.
25 Et, bien sûr, il y a eu des individus qui ont fait ce qu'ils ont
26 fait, vous le savez parfaitement bien. Nous n'avons pas à élaborer outre
27 mesure parce que ce sont des choses qui sont notoirement connues.
28 Q. Docteur Lukic, dans votre réponse, vous nous avez dit que "M. Ostojic
Page 38791
1 n'est pas une personnalité de format à pouvoir interpréter les décisions du
2 gouvernement."
3 Mais quelques mois avant qu'il n'ait dit ce qu'il a dit dans son discours à
4 l'assemblée, il a été chargé par votre gouvernement avec M. Brdjanin à ses
5 côtés pour préparer un programme d'hébergement des réfugiés dans la
6 Republika Srpska, n'est-ce pas ?
7 R. Oui, un programme d'hébergement des réfugiés mais pas sur ces bases-là.
8 Ecoutez, il y a beaucoup de gens, même des responsables de niveau du
9 gouvernement qui étaient des sous locataires quelque part parce qu'il
10 fallait forcément qu'ils viennent habiter quelque part. Et partant du
11 fondement que vous voulez imposer comme étant le bon, pour indiquer que ça
12 avait été la politique d'Ostojic et du gouvernement de la Republika Srpska,
13 pour tirer une conclusion qui serait celle de dire que c'était la politique
14 de la Republika Srpska consistant en un nettoyage ethnique. Mais au final,
15 regardez combien de gens il est rentré à quel ou tel ou tel autre endroit,
16 et vous allez voir qu'il n'en est rien. Je vais vous dire combien de gens
17 nous avons réfugiés en sus de la totalité des problèmes auxquels nous avons
18 effectivement dû faire face.
19 Q. Donc vous êtes d'accord pour dire que M. Ostojic avait été chargé par
20 le gouvernement de préparer un programme d'accueil de réfugiés. Il y a deux
21 sessions de l'assemblée où M. Ostojic dit clairement que la politique de
22 cette police c'était une continuité ethnique et géographique de la
23 population serbe. Vous avez été présent à l'occasion de ces deux sessions-
24 là. Vous avez été premier ministre. Mais vous n'avez jamais pris la parole
25 pour dire que : Non, non, M. Ostojic n'a pas saisi les chose comme il
26 fallait, ce n'est pas la politique de mon gouvernement, n'est-ce pas ?
27 R. Vous négligez le fait qu'il y avait une guerre qui faisait rage, une
28 guerre civile. Il s'agissait d'une guerre où il était difficile de se
Page 38792
1 débrouiller dans ces différentes situations et cas de figure, et en aucun
2 cas, bon nombre de gens que je connais très bien ni au gouvernement ni à
3 l'assemblée n'acceptaient que les gens soient expulsés de chez eux, pour
4 ramener des Serbes, et ne peupler que des Serbes là. Nous avions à résoudre
5 des problèmes liés aux Serbes mais aussi liés aux Musulmans et aux Croates.
6 Et je suis au courant de bon nombre d'exemples où des Croates et Musulmans,
7 ont été hébergés dans d'autres logements en attendant que leur logement,
8 leur appartement soit libéré. Et il n'était pas facile de le faire, parce
9 que tout le monde avait une arme ou plusieurs armes chez lui.
10 Q. Dans votre réponse, Docteur Lukic, vous continuez à insister sur le
11 fait que leur direction avait demandé leur retour des réfugiés musulmans et
12 croates dans la Republika Srpska, mais en réalité, la direction de la
13 Republika Srpska en sus du fait d'avoir essayé de peupler les secteurs
14 vides avec des Serbes avait œuvré en faveur d'obstacle au retour des
15 Musulmans et Croates, n'est-ce pas ?
16 R. Tout d'abord, il n'y en a Bosnie-Herzégovine nulle part de secteur
17 ethniquement pur où il n'y avait eu que des Musulmans d'expulsés ou il n'y
18 avait eu que des Serbes qui ont été expulsés ou des Croates qui ont été
19 expulsés. Pour l'essentiel, c'était très mélangé. Il y avait les uns, les
20 autres et les tiers. Et quand vous parlez de certains secteurs, j'ai vu
21 tout de suite qu'il y a eu un nombre considérable de Croates et de Serbes
22 qui ont été expulsés, et qui ont été abattus.
23 Alors, je vous prie de prendre en considération le fait qu'il y a eu des
24 Serbes, dès le début de la guerre, qui ont été abattus à Kupres, Brod,
25 Sijekovac, Samac, Duvno. Alors comment voulez-vous qu'on peuple ces
26 secteurs ? Avec des Serbes qui ont déjà été tués ? Vous ne mentionnez nulle
27 part cela, et vous mentionnez le fait que des Croates ou des Musulmans ont
28 été dépossédés de leurs appartements qu'ils ont occupés parce qu'ils ont
Page 38793
1 chassé d'autres personnes. Mais on leur a demandé de quitter les biens
2 appartenant à d'autres personnes.
3 Je vous répète et j'en ai un peu assez de le répéter pour dire que le
4 plupart des Serbes avaient été expulsés des villes et même là où les Serbes
5 avaient été représentés par des pourcentages considérables, et ils ont dû
6 aller ailleurs en Republika Srpska ou en Serbie et bon nombre d'entre eux
7 avaient trouvé refuge dans d'autres pays. Alors je vous répète une fois de
8 plus, j'affirme, et je vous demande de prendre une moyenne. Les Serbes dans
9 la Republika Srpska ont restitué plus de biens musulmans et croates que
10 cela n'a été fait dans la Fédération de la Bosnie-Herzégovine. C'est un
11 fait. Je n'invente rien. Ce sont des données.
12 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais qu'on nous affiche maintenant
13 la pièce P1385, je vous prie.
14 Q. Il s'agit d'une transcription de la 37e Session de l'assemblée la date
15 est celle du 10 janvier 1994, on y dit que vous étiez présent. Vous avez
16 pris la parole à cette session et ce PV c'est le P1384 qui nous montre bien
17 que vous aviez été présent. Alors j'aimerais qu'on nous montre la page 126
18 en anglais et la page 94 et B/C/S.
19 Le contexte de ce débat est le suivant à présent l'assemblée, on est en
20 train de se pencher sur les rapports relatifs aux conférences de Genève et
21 de Bruxelles pour définir une plateforme de pourparlers à l'avenir, et
22 c'est donc un débat relatif aux négociations les plus récentes. Vers le
23 milieu de la page en B/C/S et vers le bas de la page en version anglaise.
24 Il y a M. Vojislav Maksimovic qui intervient et il dit :
25 "Ce que je voudrais véritablement qu'il soit pris comme attitude c'est que
26 les Musulmans et Croates ne soient pas autorisés à revenir vers les
27 secteurs sous notre autorité. Et il en va de même pour ce qui nous concerne
28 ne pas retourner dans des secteurs qui seront sous l'autorité croate. Ça
Page 38794
1 doit être une position très claire. Parce qu'on va avoir les gens de
2 Sandzak qui vont occuper Srbinje et les environs parce qu'ils sont trop
3 nombreux dans le secteur. Et je voudrais que cette position soit prise de
4 façon ferme pour dire que nous n'allons pas autoriser leur retour sur les
5 territoires que nous avons obtenu par le biais de ces combinaisons
6 internationales."
7 Alors maintenant vers le bas de la page en anglais et le bas de la page en
8 B/C/S aussi. Quelques lignes plus bas il dit :
9 "Je ne veux pas savoir où les Musulmans vont résider, où est-ce qu'ils vont
10 vivre, est-ce qu'ils vont avoir un pays. Ce qui m'intéresse c'est mon
11 peuple. Et le territoire occupé par mon peuple. Par conséquent, il n'y a
12 pas lieu de se dire que nous allons avoir 500 Musulmans qui vont faire
13 partie de notre futur pays … "
14 Et vers le bas de la page en anglais, page suivante en version B/C/S, c'est
15 le Dr Karadzic qui répond et qui dit :
16 "Ce que M. Maksimovic -- est vrai. Mais je dois attirer votre attention sur
17 plusieurs éléments."
18 Et il parle du monde entier qui est contre eux. Et vers le bas de la page
19 en B/C/S et page suivante en version anglaise, c'est-à-dire vers le milieu
20 de la page en version anglaise, il dit :
21 "Ce que dit Vojo est vrai. Nos arrières grands-parents sont en train de se
22 retourner dans leurs tombes. Parce que nos grands-parents se sont battus
23 contre les Turcs, exception faite du grand-père Stevan qui lui s'est battu
24 contre les Allemands."
25 Puis vers la fin de la page en B/C/S, il dit :
26 "Comme Vojo nous l'a dit, nous nous efforçons de rassembler des bouts de
27 territoire. Nous ne pouvons pas divorcer de ces gens, de cette population.
28 Notre objectif stratégique doit être de nous séparer d'eux. Et le monde là
Page 38795
1 nous a autorisé à le faire … "
2 Alors ensuite il fait référence à un discours de Maksimovic page 132 en
3 anglais et page 98 en version en B/C/S, vers le milieu de la page en
4 anglais et vers le bas de la page en B/C/S, il dit :
5 "S'agissant du retour des réfugiés, j'ai oublié de répondre à ce que Vojo a
6 dit. En vertu de la loi internationale, nous n'avons pas le droit
7 d'interdire le retour des réfugiés. En principe, tous les réfugiés peuvent
8 revenir chez eux, mais j'ai ajouté une phrase et j'ai dit que : 'Cela
9 devrait être un processus à deux sens.' Les Musulmans et les Croates ont
10 accepté ce processus à deux sens. Ensuite Owen m'a demandé : 'Pourquoi vous
11 avez insisté sur la nécessité d'un processus à deux directions, à deux sens
12 ?' J'ai dit que quand les Serbes de Zvornik retourneront à Zenica, les
13 Musulmans de Prijedor vont revenir à Prijedor; donc il faut que le
14 processus se fasse dans les deux sens. Parce qu'on ne peut pas
15 déclarativement [comme interprété] dire qu'on interdit le retour des
16 réfugiés puisqu'il y a une loi internationale qui l'interdit."
17 Alors, Docteur Lukic, ce que le Dr Karadzic a indiqué ici dans sa réponse à
18 M. Maksimovic c'est le fait qu'il n'était pas admissible en vertu de la
19 loin internationale d'interdire le retour des Musulmans et Croates, il
20 avait insisté sur un processus à deux sens, et il a donc posé des
21 conditions pour ce qui est du retour des Musulmans et Croates dans la
22 Republika Srpska en conditionnant cela par un retour des Serbes dans les
23 secteurs de la Fédération. Et c'est ce que le Dr Karadzic a utilisé comme
24 ruse pour limiter le retour des Musulmans et Croates dans la Republika
25 Srpska, n'est-ce pas ?
26 R. Chère Madame le Procureur, si vous saviez ce que les Serbes ont
27 souffert pendant la Première Guerre mondiale, et maintenant je ne vais
28 parler que des Musulmans, de la part des Musulmans, ce qu'on leur a fait
Page 38796
1 pendant la Deuxième Guerre mondiale, et si vous me croyez bien, je n'avais
2 que 8 ans et quatre mois lorsque j'ai vu tuer 5 500 Serbes et 50 Juifs. Je
3 n'avais que 8 ans et quatre mois quand je l'ai vu. Ce que j'ai vécu ensuite
4 pendant la guerre ça nous mènerait très loin et je crois que vous auriez du
5 mal à tout entendre.
6 Donc compte tenu de ce qui s'est fait pendant les guerres précédentes ça a
7 créé des antagonismes de tous les côtés et de la haine. Et ce que le Dr
8 Karadzic a fait c'est qu'il a eu la sagesse de mettre en place un principe
9 de réciprocité. Mais qui a-t-il de mal à cela que de la dire : Mais, Madame
10 et Messieurs, laissez donc les Serbes revenir vers les territoires qu'ils
11 avaient occupés et on laissera rentrer les autres ? Mais personne ne l'a
12 respecté cela. Personne ne s'y est tenu. Alors comment à Mostar, la ville
13 de Mostar où il y a eu un partage des Musulmans et des Croates, les Serbes
14 n'existent pratiquement plus là-bas, et vous allez tout comprendre en
15 prenant ceci comme exemple pour vous illustrer le retour des gens en
16 Bosnie-Herzégovine et vous illustrez des relations. Il n'y a pas que le
17 retour, il y a les relations en place.
18 D'autre part, je ne pense pas que vous croyez vraiment que nous avons
19 toujours été tous d'accord aux sessions de l'assemblée, il y a eu beaucoup
20 de discorde. Nous avons laissé certaines personnes parler, et puis on
21 mettait en œuvre les choses de façon tout à fait autre par la suite. Donc
22 ce que je vous maintiens encore, et ce que je vous affirme vraiment, il n'y
23 a pas que le gouvernement mais la présidence aussi avec Radovan Karadzic à
24 sa tête, le parlement également n'a jamais pris de décisions qui ont
25 conduit à des crimes, indépendamment du fait qu'il y ait eu des individus
26 qui avaient là aussi été plutôt radicaux.
27 Et vraiment, je vous prierais de ne pas perdre de vue les événements
28 qui ont précédé à notre guerre sanglante, et de mon avis, le mal essentiel
Page 38797
1 réside ailleurs. C'est que les Serbes dans la guerre précédente n'ont pas
2 survécu pour être présents à la Deuxième Guerre mondiale. Moi, je suis
3 président de l'association Jasenovac/Donja Gradina. Je m'excuse des deux ou
4 trois phrases que je vais prononcer, mais Jasenovac c'est le troisième des
5 sites de camp d'extermination en Europe. De par sa monstruosité, c'est le
6 numéro un, et il a été créé pour exterminer les Serbes, les Juifs et les
7 Romes. 700 000 Serbes, 25 000 Juifs et 80 000 Romes ont trouvé là, la mort.
8 Est-ce que vous pensez vraiment que cela n'est pas une chose possible et
9 que cela ne peut pas exercer une influence, mais pas une influence petite,
10 une influence énorme.
11 Je vous ai dit que mon père a libéré Prijedor à deux reprises, et il
12 sait ce qu'il y a trouvé. Vous devez forcément croire que ce qui s'est
13 passé à Kozarac pendant la Deuxième Guerre mondiale, et ce qui a fait
14 démarrer la guerre ici, ça a dû se solder par quelque chose.
15 Excusez-moi d'avoir fait cette digression, mais je vois l'image bien
16 plus grande pour ce qui est de la façon dont les choses se sont passées
17 chez nous.
18 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
19 Q. Docteur Lukic, vous avez plusieurs fois soulevé la question des crimes
20 commis à Prijedor pendant la Seconde Guerre mondiale. Et la semaine
21 dernière, lorsque je vous ai posé la question qui était de savoir si vous
22 pouviez confirmer qu'en 1991 les Musulmans représentaient le groupe
23 ethnique le plus important de Prijedor, de nouveau, vous avez reparlé de
24 crimes atroces commis pendant la Seconde Guerre mondiale, commis contre les
25 Serbes de Prijedor. Et vous avez dit que c'est ce qui a causé un
26 déséquilibre, déséquilibre au niveau de la composition ethnique de
27 Prijedor. Page 38 783 du compte rendu d'audience. --
28 R. Je n'entends pas l'interprétation.
Page 38798
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons des problèmes tant avec
2 l'interprétation qu'avec le transcript.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends pas bien.
4 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et je voudrais aussi apporter quelques
6 corrections au compte rendu d'audience, s'il vous plaît, nous n'avons pas
7 le transcript qui s'affiche en temps réel.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il faudra relancer le logiciel.
9 Une petite pause, peut-être, cinq minutes.
10 -- La pause est prise à 9 heures 34.
11 -- La pause est terminée à 9 heures 44.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite apporter quelques corrections au
13 compte rendu d'audience avant que Mme Gustafson ne reprenne.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous en prie.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 12, lignes 15 et 16, le témoin a dit :
16 "Serbes, des Juifs, des Romes," et pas des "Communistes." Et ensuite, il a
17 donné les chiffres, 700 000 Serbes, 25 000 Juifs et 80 000 Romes tués au
18 camp de Jasenovac. Est-ce que l'on peut vérifier cela, s'il vous plaît,
19 avec le témoin.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Docteur Lukic, est-ce que vous
21 pourriez confirmer que c'est bien ce que vous avez dit ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
24 C'est à vous, Madame Gustafson.
25 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.
26 Q. Docteur Lukic, plusieurs fois dans le cadre de votre déposition, vous
27 avez parlé de crimes commis contre les Serbes de Prijedor pendant la
28 Seconde Guerre mondiale. Et la semaine dernière, vous avez dit que ces
Page 38799
1 crimes étaient à l'origine d'un déséquilibre ethnique qui s'est créé dans
2 la municipalité. Vous avez évoqué le fait que pendant ces guerres
3 précédentes on a vu naître la haine entre les différents groupes ethniques.
4 Et vous avez parlé aussi de la peur qu'ont éprouvé les Serbes, la peur que
5 ces crimes du passé ne se répètent.
6 Alors, dans ce contexte-là, ne seriez-vous pas d'accord pour dire que
7 dans une localité telle Prijedor, il serait justifié d'amener des Serbes
8 afin de remplacer les Croates et les Musulmans qui étaient partis, afin de
9 réparer ces injustices historiques, et empêcher que ces crimes ne se
10 répètent à l'avenir ?
11 R. Avant tout, une telle chose n'est pas possible. Vous devriez me
12 croire quand même, je dois savoir qu'aucun peuple ne se laisse anéantir, et
13 simplement raser, évincer d'un territoire. D'autre part, j'ai déjà trop
14 parlé de la Seconde Guerre mondiale, au mont Kozarac mais seulement nous
15 avons tenu une table ronde sur les 59 000 victimes de la région de Kozara.
16 Parmi eux, des victimes de Kozarac. S'il y en a qui pensent que les
17 conséquences d'autres guerres, en particulier la Seconde Guerre mondiale
18 n'a pas causé la peur, eh bien, ceux-là se fermeraient les yeux devant la
19 réalité.
20 Pourquoi suis-je parti faire la guerre, et pourquoi 20 et quelque
21 proches, de mes proches sont-ils allés faire la guerre ? Eh bien, ce n'est
22 pas parce qu'ils voulaient s'amuser, c'est parce qu'ils étaient prêts à
23 donner leur vie pour la liberté de leurs proches, et la leur. Donc ça me
24 prendrait beaucoup de temps de raconter toutes les victimes de Sarajevo, et
25 tout ce qui est arrivé à certains, des choses qui n'auraient jamais dû se
26 produire, et c'était à cause de la haine.
27 Récemment vous avez parlé de notre assemblée, d'une séance de notre
28 assemblée. Je dois vous dire que nous avons entendu des tas de choses dans
Page 38800
1 le cadre des débats devant l'assemblée, et si nous avions tenu compte de
2 tout cela, il y avait des Croates, et des Musulmans, qui prenaient la
3 parole, et il y a eu du tac au tac. Vous avez vu ces échanges pour certains
4 d'entre eux. Et je dois dire qu'on ne manquait pas de personnes cultivées
5 et formées, elles n'acceptaient pas cela, elles ne tenaient pas compte de
6 ce type de discours, et beaucoup de ces choses-là n'ont jamais vu le jour,
7 et ne pouvaient pas être traduites dans les faits.
8 Q. Je demande l'affichage du document 1D07862, s'il vous plaît. Monsieur,
9 il est question de ce document au paragraphe 36 de votre déclaration, et de
10 manière générale, au paragraphe 26, vous affirmez que le Dr Karadzic et
11 vous-même avez souligné qu'il fallait engager des poursuites pour tout
12 crime indépendamment de l'appartenance ethnique de son auteur.
13 La date de ce document est le 6 avril 1993, vous en êtes l'auteur, il l'a
14 envoyé à l'état-major de l'armée, au commandement du SRK, et vous affirmez
15 que le gouvernement a reçu pour information qu'il y a eu des cas de
16 pillage, de meurtre, d'incendie de bâtiments, de viol dans la municipalité
17 de Novo Sarajevo, et en particulier dans le quartier de Grbavica, et que
18 c'étaient des membres de la VRS qui avaient commis essentiellement ces
19 crimes.
20 Et au paragraphe 36 de votre déclaration, vous affirmez que :
21 "Le gouvernement a demandé que l'on empêche la commission de crimes par la
22 VRS, à Sarajevo, et que vous bénéficiez d'un soutien total, inconditionnel
23 du général Mladic, et du général Galic."
24 Donc je suppose que Dr Karadzic, le général Mladic, et le général Galic
25 étaient au courant de ces cas de pillage, de meurtre, d'incident de
26 bâtiments et de viol dans le quartier de Grbavica.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout d'abord j'aimerais savoir si le témoin a
28 sous les yeux sa déclaration; et sinon, je vais demander qu'on la lui
Page 38801
1 remette.
2 En outre, Mme Gustafson laisse entendre qu'il s'agissait de crimes de la
3 VRS.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas exact.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Elle présente comme implicite dans ses
6 questions que nous admettions qu'il s'agissait de crimes commis par la VRS.
7 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Mais, excusez-moi, je suis en train de
8 donner lecture d'un document qui fait état de crimes commis par la VRS.
9 C'est le document qui a été versé au dossier par le truchement de ce témoin
10 et c'est un document de la Défense.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons.
12 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
13 Q. Docteur Lukic, vous avez dit que vous bénéficiez du soutien du Dr
14 Galic, des généraux Galic, et Mladic, dans ces efforts. Je suppose que ces
15 trois hommes étaient au courant du fait que ces crimes étaient en train
16 d'être commis par des militaires de la VRS à Grbavica; exact ?
17 R. Avant tout, il faut dire qu'il y a eu des crimes, et ça, on ne le
18 conteste pas. Il est difficile d'établir que c'était véritablement fait par
19 l'armée. Il y a eu des militaires mais il y a eu aussi des vauriens qui se
20 lançaient dans -- enfin qui volaient, qui maltraitaient les femmes.
21 Et je dois vous dire qu'il y a eu un exemple - quelqu'un dont je ne
22 voudrais pas donner le nom - il traitait mal les femmes indépendamment de
23 leur origine ou de leur statut, et son supérieur la mettait chez nous sur
24 notre territoire, mais il n'y avait pas une seule femme d'un autre groupe
25 ethnique et il s'est remis à faire la même chose nos soldats l'ont tuée. Et
26 je dois vous dire que j'ai entendu parler de cela de la part de ceux qui
27 avaient été ses camarades initialement avant qu'il ne soit muté ils
28 pensaient qu'ils auraient dû faire la même chose.
Page 38802
1 Il y a eu des procès, mais je dois vous dire une chose qui est vraie, qui
2 est exacte, qu'il y a eu beaucoup de rumeurs comme quoi des choses se
3 seraient produites qui ne sont pas produites --
4 Q. [aucune interprétation]
5 R. -- bien sûr, parfois on a des connaissances parmi -- il y a parmi des
6 connaissances des gens qui ont péri ainsi --
7 Q. Reprenons ce document, Docteur Lukic. Ce document vous l'adressez au
8 commandant de l'état-major et au commandant du Corps de Sarajevo-Romanija
9 vous parlez de choses très, très graves, de crimes terribles qui sont
10 commis par des membres des unités de la VRS. Alors, je voudrais simplement
11 vous dire que vous n'auriez pas décidé d'agir de la manière aussi sérieuse
12 si vous n'aviez pas d'information fiable, --
13 R. En guerre, tous les soupçons doivent être vérifiés. J'ai appris de
14 certains côtés que certains de nos organes étaient en train de gérer des
15 camps. Après j'ai cherché à vérifier cela, et j'ai pu constater que ce
16 n'était pas exact, qu'il n'y avait pas de camp, pas une seule personne
17 détenue, donc cette information n'était pas exacte. Donc en situation de
18 guerre on envoie toutes sortes d'information et personne ne le prend mal,
19 parce que ces informations on les envoie simplement pour qu'elles soient
20 vérifiées.
21 Et puisque vous me posez la question, est-ce que dans le quartier de
22 Grbavica il y a eu de telles choses, il y en a eu surtout à Sarajevo. Et en
23 toute responsabilité, je peux vous dire qu'il y a plus de femmes serbes qui
24 ont été maltraitées dans Sarajevo que de toutes les autres femmes
25 confondues, que toutes les autres femmes confondues. Et je dois dire que
26 j'ai pu effectivement recevoir beaucoup d'éléments d'information contenus
27 du poste que j'occupais.
28 Q. Docteur Lukic, à ce stade, vous étiez préoccupé par ces crimes commis à
Page 38803
1 Grbavica par rapport au fait que même la population serbe en devait
2 victime. Autrement dit, ce n'était pas uniquement les Musulmans et les
3 Croates qui en étaient victimes. Même les Serbes le devenaient et c'était à
4 cause de cela que vous étiez préoccupé; exact ?
5 R. [aucune interprétation]
6 Q. Avez-vous entendu ma question ?
7 R. En partie.
8 Q. Ma question était la suivante : A ce moment-là, si vous vous
9 préoccupiez à cause de ces crimes de Grbavica c'était que non seulement les
10 Croates et les Musulmans étaient les victimes de ces crimes, mais qu'aussi
11 la population serbe de Grbavica devenait victime; exact ?
12 R. Peut-être bien lorsqu'on analyse les choses maintenant à distance, mais
13 lorsqu'on est pris dans le tourbillon de la guerre, les choses se
14 présentent autrement. Dans une telle guerre on ne peut pas avoir qui sont
15 les victimes et qui risquent de le devenir demain. Donc, Madame le
16 Procureur, j'habitais dans un bâtiment qui est tout à fait calme mais je ne
17 savais pas que pendant des mois à 50 mètres, il y avait des soldats
18 musulmans armés en civil qui n'étaient pas en uniforme militaire. Dans un
19 foyer pour étudiant. Donc il y a eu plein de choses, toutes sortes de
20 choses. Je sais qu'il y a eu beaucoup de victimes parmi mes amis --
21 Q. [aucune interprétation]
22 R. -- des Musulmans, des Croates mais aussi des Serbes et tout ça --
23 seulement -- seulement ce qui est certain c'est que je ne peux pas savoir
24 exactement tout ce qui se passait dans un quartier qui comptait 10, 12
25 [comme interprété], peut-être même plus d'habitants.
26 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande l'affichage du document P1474.
27 Q. Et encore une fois, je vais vous demander, Docteur Lukic, de bien
28 vouloir vous concentrer sur la question que je vous pose.
Page 38804
1 R. J'ai du mal à entendre. Est-ce qu'on peut parler plus fort, s'il vous
2 plaît ?
3 Q. Est-ce que c'est mieux, Docteur Lukic ?
4 R. Oui, oui, c'est mieux.
5 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande la page 157 en anglais et page
6 159 en B/C/S.
7 Q. Il s'agit d'un carnet militaire, ce carnet vient du général Mladic et
8 la note que je vais vous montrer se situe à peu près deux semaines avant
9 que vous n'ayez rédigé le document que nous venons d'examiner. La date est
10 celle du 25 mars 1993, et vous voyez le titre : "Rencontre aux réunions
11 avec le premier ministre Lukic." Deuxième ligne vers le bas de la page :
12 "Problèmes :
13 "Vol, profiteur, pillage, désir d'enrichissement personnel."
14 Et page suivante au milieu de la page :
15 "Quelques soldats ont violé même des femmes serbes (de Grbavica). (Lukic) a
16 sorti de Sarajevo quelqu'un qui a fait cela il l'a fait personnellement, il
17 ne voulait pas donner son nom)."
18 Alors, Docteur Lukic, cela reflète la préoccupation qui était la vôtre,
19 qu'il ne s'agissait pas seulement de Musulmans et de Croates qui devenaient
20 utiles de ces soldats de Grbavica, que même des Serbes étaient touchés,
21 n'est-ce pas ?
22 R. Ecoutez, ne cherchez pas à faire des constructions. C'est de Grbavica
23 en passant par Vraca que j'ai fait passer des dizaines de fillettes à la
24 gare routière pour partir vers Belgrade, des dizaines de filles et de
25 différents groupes ethniques. J'ai demandé à nos soldats de ne pas toucher
26 aux Musulmans ou, plutôt, de les protéger chez eux parce qu'on ne savait
27 pas où les placer pour les mettre en sécurité. Comment dirais-je, on
28 pouvait faire jouer ses contacts, et je l'ai fait pour faire passer à
Page 38805
1 Belgrade des Musulmans de Petrovac. Donc, Madame, je ne suis pas la
2 personne à laquelle il faudrait poser cette question.
3 Je connais pas mal de gens qui ont fait des choses comparables à celles-là,
4 qui se sont comportés comme moi. Donc cette question-là, je vous prie,
5 c'est presque une insulte. Et je pourrais d'ailleurs ajouter autre chose :
6 qu'est-ce que vous feriez si la maman d'une gamine d'une dizaine d'années
7 vient vous voir, et vous dire : Je vous prie, sauvez ma fille ? Et moi,
8 j'en ai vu plusieurs des cas de ce genre. J'ajouterais aussi qu'en temps de
9 guerre, personne n'est à l'abri, personne, et les choses dépendent de
10 l'endroit où l'on se trouve. La situation est une à Sarajevo, et elle est
11 autre dans une autre ville. Et puis il y a toujours des représailles,
12 c'est-à-dire que quelqu'un qui s'est fait tirer dessus va tirer en
13 représailles.
14 Q. J'aimerais --
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que le témoin ait
16 compris votre question. Monsieur, de quelle façon avez-vous compris la
17 question que Mme Gustafson vous a posée ? Est-ce que vous admettez avoir
18 rencontré M. Mladic, ce jour-là, et avoir discuté --
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, écoutez, je vois qu'il est écrit que
20 je l'ai fait, maintenant, je n'ai aucune raison de mettre en doute ce que
21 M. Mladic a écrit. Mais, pour ma part, je fréquentais un certain nombre de
22 dirigeants de plusieurs municipalités, j'en connaissais beaucoup, et donc
23 vraiment, je suis incapable de me rappeler tout dans le détail. Mais il est
24 clair que j'ai eu une discussion avec lui.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que vous voyez dans ces
26 notes que vous êtes censé avoir fait référence à des soldats qui auraient
27 violé y compris des femmes serbes, à Grbavica ? Est-ce que vous vous
28 rappelez avoir dit cela à M. Mladic ?
Page 38806
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est possible que je lui aie parlé du cas
2 dont je vous ai parlé ici aussi, parce que ce cas m'a frappé. Mais le mot
3 "même" qui figure ici, je ne l'utilise pratiquement jamais.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
5 Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.
6 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je demande
7 l'affichage du document 65 ter 1D07894.
8 Q. Monsieur Lukic, dans ce document, au paragraphe -- vous parlez de ce
9 document au paragraphe 91 de votre déclaration.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Lukic, est-ce que vous avez le
11 texte de votre déclaration sous les yeux ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. Je pense qu'il serait bon
14 que le témoin ait ce document, cela pour l'aider.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous disposons d'un exemple
16 papier ? En arrivant l'arrivée du document, nous pourrions poursuivre.
17 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.
18 Q. Ce document est une lettre du 28 juin 1994, une lettre qui vient du
19 comité de la République fédérale yougoslave, chargé de recueillir des
20 renseignements au sujet des crimes contre l'humanité, et au sujet du droit
21 international pour les transmettre au juge d'instruction du tribunal
22 élémentaire de Prijedor. Vous discutez de cette lettre dans votre
23 déclaration en disant, je cite, "elle constitue une demande pour que les
24 Serbes qui auraient commis des crimes à Prijedor soient interrogés afin que
25 leur responsabilité soit déterminée." Vous avez ajouté que le gouvernement
26 convoquait toute personne ayant commis des crimes à répondre à des
27 questions quelle que soit son appartenance ethnique.
28 Et dans cette lettre, nous ne voyons aucune mention des crimes en question
Page 38807
1 qui auraient été commis par des Serbes. Donc je vous pose la question
2 suivante : Quel est l'élément sur lequel vous vous fondez pour affirmer que
3 cette lettre concernait des crimes commis par les Serbes ?
4 R. A Prijedor, il y avait un groupe de délinquants, de pilleurs, avant
5 tout des gens qui pillaient chaque fois qu'ils en avaient l'occasion. Et
6 puis, ces hommes avaient aussi l'habitude de violer les femmes sur
7 lesquelles ils pouvaient tomber, et plus tard, ils se sont mis à commettre
8 des meurtres. Et finalement après un certain nombre de meurtres, d'ailleurs
9 je dirais même de nombreux meurtres, notre service a fini par les
10 découvrir, il a découvert 11 auteurs de ces faits. Ces hommes ont été
11 interrogés, mis en examen, transférés devant les services judiciaires par
12 nos services à nous, et ce qui s'est passé ensuite, je ne sais pas, je ne
13 suis pas au courant.
14 Q. Dans ce document, il est indiqué qu'une lettre est jointe dans laquelle
15 sont indiqués les noms des personnes qui seront auditionnées et dans
16 quelles circonstances elles le seront, bien qu'il n'y ait pas d'autre
17 détail.
18 J'aimerais donc maintenant que l'on affiche le document 65 ter numéro
19 25003. Cette lettre porte une date qui se situe quelques jours après la
20 lettre précédente, elle vient également de la République fédérale
21 yougoslave, du même comité chargé de recueillir des éléments de preuve
22 relatifs aux crimes contre l'humanité et au droit international, et elle
23 est adressée au comité de la Republika Srpska chargé de recueillir des
24 renseignements au sujet des crimes contre l'humanité et le droit
25 international. L'auteur de cette lettre est le même que pour la lettre
26 précédente, il s'agit de M. Ilija Simic, et nous lisons dans celle-ci, je
27 cite :
28 "Comme convenu avec votre commission, nous proposons que le tribunal
Page 38808
1 élémentaire de Prijedor auditionne les témoins dont les noms suivent ainsi
2 que leurs proches …"
3 Et ensuite, on voit une liste. La première personne devait être auditionné
4 au sujet de l'arrestation des Serbes de Kupres; la deuxième personne devait
5 être interrogée au sujet de sa capture à Bihac; la troisième personne au
6 sujet de la purge de Serbes de Livno. Et on passe à la page suivante en
7 anglais, le quatrième témoin devait être interrogé au sujet de
8 l'arrestation d'un Serbe à Livno; le cinquième témoin devait être interrogé
9 au sujet d'une arrestation à Slavonski Samac --
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.
11 Oui, Monsieur Karadzic ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais comment est-ce que ce témoin peut répondre
13 à des questions relatives à ce document qui provient d'un juge
14 d'instruction de Belgrade ? Quel est le rapport ?
15 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Le rapport est lié au fait que cette
16 lettre a une relation avec la lettre précédente qui est une pièce à
17 conviction versée au dossier par l'intermédiaire de ce témoin.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Vos questions ont été assez
19 longues, et le témoin n'a pas le texte de sa déclaration sous les yeux,
20 donc je ne suis pas sûr qu'il ait vraiment pu comprendre complètement la
21 question précédente que vous lui avez posée, et je ne suis pas sûr que les
22 documents dont il est fait référence au paragraphe 91 de la déclaration du
23 témoin soit complètement ou même ne serait-ce que partiellement liés aux
24 crimes commis par les Serbes. Donc je n'ai pas entendu la réponse du témoin
25 à votre question. Pourriez-vous la reposer, Madame Gustafson ?
26 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Bien sûr.
27 Q. Docteur Lukic, le document précédent --
28 R. Je vous en prie, écoutez, je fais de très nombreux efforts, je
Page 38809
1 m'efforce au maximum, mais je ne me rappelle pas. Je ne me rappelle pas ce
2 document.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Un instant. Est-ce que vous
4 avez votre déclaration sous les yeux ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, veuillez vous pencher sur le
7 paragraphe 91.
8 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
9 Q. Et puis --
10 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
11 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait lui montrer le
12 document précédent aussi ?
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Document précédent, 1D7894.
14 Ici vous dites, je cite : "Ce document constitue une demande pour que les
15 Serbes ayant commis des crimes à Prijedor soient interrogés." Est-ce que
16 vous vous rappelez avoir dit cela dans votre déclaration préalable ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et maintenant si vous vous penchez sur
19 le document qui est devant vous -- vous êtes invité à répondre à la
20 question suivante : Sur quoi vous appuyez-vous pour aboutir à la conclusion
21 que tout ceci concernait des auteurs de crimes d'appartenance ethnique
22 serbe ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'il y a des informations ? Toutes les
24 informations ne nous parvenaient pas sous forme écrite. Elles nous
25 parvenaient sous d'autres formes très souvent.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vous suis plus là. Dans votre
27 déclaration préalable, là où vous expliquez ce document, vous dites, je
28 cite : "Ce document constitue une demande pour que les Serbes ayant commis
Page 38810
1 des crimes soient interrogés." Et la question qui vous est posée maintenant
2 c'est sur quoi vous vous appuyez pour conclure cela ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, il est fort probable qu'un
4 représentant des organes, un agent officiel ou je ne sais qui d'autre nous
5 a dit qu'il s'agissait des Serbes.
6 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Encore une fois, c'est l'interprète qui est
8 responsable de ce malentendu. A la ligne 13, le témoin a répondu : "Eh
9 bien, on avait des renseignements." Il n'a pas demandé si des
10 renseignements leur parvenaient. Il a dit qu'il recevait des
11 renseignements.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
13 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
14 Q. Bien. Je crois maintenant nous pourrions nous pencher sur le document
15 65 ter numéro 25003.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A des fins d'organisation de notre temps
17 de travail, Madame Gustafson, et puisque nous siégeons en audience
18 courante, j'indique que nous ferons une première pause à 10 heures 20
19 pendant 20 minutes et une demande à midi pendant une demi-heure.
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
21 Q. Alors, Monsieur Lukic, ce document-ci date de quelques jours avant le
22 document précédent, l'auteur de ce document est le même que celui du
23 document précédent, et ce document provient du même organe et il est
24 adressé comme le précédent à la commission de la Republika Srpska chargée
25 de recueillir des renseignements relatifs aux crimes contre l'humanité et
26 au droit international, il a pour objectif d'obtenir que le tribunal
27 élémentaire de Prijedor interroge un certain nombre de témoins résidant de
28 Prijedor. Et nous avions commencé à examiner la liste.
Page 38811
1 J'aimerais donc que nous passions à la page suivante en version anglaise.
2 Entrée numéro 6, c'est une personne qui doit être auditionnée au sujet de
3 crimes commis contre les Serbes de Livno. La personne numéro 7, auditionnée
4 au sujet de crimes commis contre les Serbes de Bugojno. Et puis nous
5 pourrions passer à la page suivante en B/C/S maintenant. Personne numéro 8,
6 elle devra être auditionnée au sujet de la purge des Serbes dans les
7 environs de Zenica; numéro 9, même chose; numéro 10, également en rapport
8 avec des crimes commis à Zenica; numéro 11, des crimes contre des Serbes de
9 Zagreb, et cetera, et cetera.
10 Et puis nous pouvons peut-être passer à la dernière page dans les deux
11 langues simplement pour que nous voyons quelques-unes des dernières
12 entrées, et dans l'ensemble, nous constatons que chacune des personnes dont
13 les noms figurent sur cette liste doit être auditionnée, selon ce qui est
14 écrit dans ce document, par le tribunal d'instance de Prijedor parce
15 qu'elles auraient été témoins de crimes commis contre des Serbes en
16 d'autres lieux que Prijedor. Donc les détails que l'on trouve dans cette
17 lettre montre très clairement que la lettre à laquelle vous faites
18 référence dans votre déclaration n'a rien à voir avec des crimes commis par
19 les Serbes de Prijedor, n'est-ce pas ?
20 R. Je dois vous avouer que je n'ai rien compris à votre conclusion. Quand
21 nous parlions des Serbes de Prijedor, c'est parce que nous avions bien sûr
22 reçu des renseignements particuliers à leur sujet, indiquant qu'ils
23 auraient commis des crimes. Le service les ont recherché, les ont trouvés,
24 et se sont effectivement convaincus que ces hommes avaient commis des
25 sévices, avaient pillé, et avaient commis un certain nombre de crimes
26 contre des personnes, et c'est la raison pour laquelle ces personnes ont
27 été mises en examen.
28 Alors qu'ici il est question de la recherche d'un certain nombre de témoins
Page 38812
1 : Qu'est-ce que cela veut dire ? Eh bien, cela veut dire que les personnes
2 dont les noms figurent sur cette liste sont soupçonnées d'avoir commis un
3 certain nombre de délits et de crimes dans les localités dont les noms
4 figurent dans la liste. Ce n'est pas quelque chose d'inconnu. Il est bien
5 connu que des personnes ont commis des crimes et qu'ensuite elles ont fui
6 vers des lieux différents. Bien entendu, elles ont été recherchées et
7 certaines d'entre elles ont comparu en justice, d'autres pas, c'est de
8 cette façon que les choses se passent en temps de guerre.
9 Q. Monsieur Lukic, je vais essayer encore une fois. Je vais vous
10 interroger au sujet du document dont vous parlez dans votre déclaration
11 préalable document émanant du comité de la République fédérale yougoslave
12 chargé -- est destinée au juge d'instruction de Prijedor, dans lequel il
13 est indiqué qu'un certain nombre de témoins de Prijedor doivent être
14 auditionnés au sujet de certains crimes. Vous avez dit que ce document
15 concernait des crimes commis par les Serbes. Et maintenant je vous montre
16 un document qui date de quelques jours avant qui émane du même comité dans
17 lequel nous lisons, je cite : "Ceci est une proposition visant à ce que des
18 témoins soient auditionnés par le tribunal d'instance de Prijedor et toutes
19 ces personnes ont un rapport avec des crimes commis contre les Serbes dans
20 d'autres lieux que Prijedor." Donc je vous dis suite à l'examen de ces deux
21 documents que le document dont vous parlez dans votre déclaration préalable
22 n'a rien à voir avec des crimes commis par les Serbes, n'est-ce pas ?
23 R. Cette constatation est inexacte. Car si nous, nous avons appris, si
24 nous avons reçu des renseignements qui nous indiquaient qu'un groupe de
25 Serbes avait commis des délits, et des crimes divers, parce qu'ils le
26 faisaient de façon assez peu sélective, de temps en temps ils pillaient,
27 ils volaient quelqu'un, de temps en temps ils tuaient, de temps en temps
28 ils malmenaient une femme, et cetera, et si ces hommes sont poursuivis et
Page 38813
1 mis en accusation c'est une chose. Mais ce document qui provient de
2 Belgrade et dont vous parlez, c'est quelque chose de tout à fait différent.
3 Il s'agit de personnes qui ont commis des crimes et des pillages en dehors
4 de Prijedor. Donc ces personnes n'ont rien à voir avec Prijedor, peut-être
5 que si elles se sont trouvées à Prijedor c'était l'effet du hasard. Voilà
6 ce que je dis.
7 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande le versement au dossier du
8 document.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est admis au dossier.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce à conviction P6344.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si cela convient à chacun, je propose
12 que nous fassions la pause, Madame Gustafson.
13 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pause de 20 minutes.
15 --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.
16 --- L'audience est reprise à 10 heures 42.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.
18 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Q. Monsieur Lukic, au paragraphe 33 de votre déclaration préalable, vous
20 parlez de prisonniers civils et de leur échange. Et vous développez votre
21 position selon laquelle les prisonniers civils constituaient une catégorie
22 de personnes qu'il était raisonnable de soupçonner d'avoir commis des
23 crimes, et vous ajoutez que ces prisonniers étaient échangés indépendamment
24 de la gravité du crime qu'ils auraient commis. "Parce que" - dites-vous -
25 "nous voulions sauver les civils serbes qui avaient été emprisonnés et qui
26 subissaient la terreur dans les prisons tenues par la partie musulmane."
27 Alors j'aimerais que l'on affiche le document P2684, je vais vous montrer
28 un passage de ce texte, et vous posez ensuite une question. Ce document est
Page 38814
1 un ordre émanant du service du Renseignement de l'état-major principal de
2 la VRS, qui date du 3
3 Octobre 1994, il y est question d'échanges des prisonniers. Et au troisième
4 paragraphe à partir du bas, en B/C/S, qui correspond à l'avant-dernier
5 paragraphe de la version anglaise, Tolimir dit ce qui suit, je cite :
6 "Il convient de ne pas perdre de vue que dans le cadre des échanges, nous
7 recevions les prisonniers capturés de la Republika Srpska, et pour ce qui
8 nous concerne, nous leur remettions surtout des civils."
9 Alors, vous, vous avez dit que vous échangiez des civils dans le but de
10 sauver les civils serbes qui se trouvaient en d'autres lieux. Mais dans ce
11 document que je vous soumets, le général Tolimir déclare que les civils
12 étaient échangés contre des soldats serbes, n'est-ce pas ?
13 R. En temps de guerre, il est fréquent de ne pas avoir le choix, on fait
14 ce qu'on est obligé de faire. Prenons l'exemple de Croates, après la trêve
15 de cessez-le-feu qui a été conclu avec eux en 1993, nous avons accepté des
16 échanges de tous contre tous. Nous savions souvent que nous leur remettions
17 des criminels mais notre principal objectif était de sauver des personnes.
18 Et je dois dire que parmi les Musulmans, et cetera, si nous n'avions pas
19 une preuve très ferme, très flagrante de la culpabilité de tel ou tel
20 homme, nous acceptions l'échange, autrement dit, nous libérions la
21 personne. Donc les circonstances ne nous permettaient pas de réfléchir trop
22 à la gravité de ce qu'avait fait untel ou untel. Le plus souvent, nous
23 acceptions d'échanger tous contre tous ou bien un groupe contre un autre
24 groupe, et cetera.
25 Q. D'accord. J'aimerais maintenant vous interroger sur un autre point que
26 l'on trouve dans votre déclaration au préalable. Au paragraphe 56, vous
27 dites dans ce paragraphe que les Musulmans de Sarajevo voulaient se
28 présenter au monde comme étant des victimes. Et vous ajoutez, je cite :
Page 38815
1 "Comme cela a été le cas avec Cerska et Srebrenica, même si les Musulmans
2 avaient de quoi manger et des réserves, ils ne cessaient de se présenter
3 sous un jour déformé comme étant des civils qui n'avaient rien à manger, et
4 rien à boire … " et cetera.
5 J'aimerais vous interroger au sujet de Srebrenica alors que vous étiez
6 premier ministre. Vous avez été premier ministre en 1993 et 1994, n'est-ce
7 pas, et vous n'êtes pas allé dans l'enclave de Srebrenica pour vérifier les
8 conditions d'existence de vos yeux, n'est-ce pas ?
9 R. Je connaissais Srebrenica avant la guerre, parce que j'avais un certain
10 nombre de choses à y faire, comme par exemple, surveiller la construction
11 d'un tunnel, et cetera. Et puis, en ce qui concerne l'étendue de
12 territoire, je dirais que j'ai parcouru au moins 70 % du territoire de
13 l'enclave avec tous les villages qui s'y trouvent. Pendant la guerre, j'ai
14 parcouru Srebrenica dans tous les sens de Milici à Konjevic Polje, en
15 passant Kravica, et puis quand un crime a été commis là-bas par des gens de
16 Srebrenica, et puis je suis allé à Bakovici, à Ljubovija, et bien sûr, à
17 Skelani. Pendant la Seconde Guerre mondiale, comme pendant cette dernière
18 guerre --
19 Q. Je vous interromps parce que vous n'êtes pas en train de répondre à ma
20 question. Lorsque vous étiez première ministre, vous n'êtes pas allé dans
21 l'enclave pour vérifier de vos yeux les conditions d'existence des
22 Musulmans de Srebrenica, n'est-ce pas ?
23 R. Je n'avais même pas la possibilité d'y aller, vu les circonstances, et
24 je m'arrêterais là car, sinon, mon commentaire serait long.
25 Q. Bon. Un témoin dans cette affaire, le commandant Tucker est allé dans
26 l'enclave pendant que vous avez été premier ministre, en mars 1993, et ce
27 sont ses observations que l'on pourra lire à la pièce P4203, paragraphe
28 178. Je cite :
Page 38816
1 "Les réfugiés dans les rues n'avaient pratiquement pas de vraies
2 nourritures depuis qu'ils ont fui Kamenica, Cerska et les autres villages
3 au sud de Srebrenica. Le peu de vivres qu'ils avaient c'était une espèce de
4 pain avec de la farine jaune, qu'il y avait pas mal dans les forêts autour
5 de Srebrenica. L'eau venait des rivières, de la rivière qui passait par
6 Srebrenica, polluée avec des excréments d'urine, avec de l'eau de lessive,
7 des matières grasses. Donc ce que j'ai retenu à compter du début de mon
8 séjour à Srebrenica, c'était la mauvaise odeur, les gens mal lavés, les
9 débris, et des gens qui s'étaient entassés dans des circonstances
10 extraordinaires."
11 Alors vous avez dit, dans ce témoignage-ci, que les Musulmans de Srebrenica
12 avaient constamment présenté une fausse image du fait que les civils
13 n'avaient rien à manger, et qu'ils n'avaient pas d'eau à boire. Alors est-
14 ce que vous êtes d'avis que cette farine qu'on s'est procurée dans la
15 forêt, et les eaux contaminées qui passaient par Srebrenica, c'étaient des
16 conditions adéquates pour ce qui est des habitants de Srebrenica ?
17 R. Vous êtes en train de remplacer les thèses et des inverser. Moi, j'ai
18 parlé de Cerska et d'autres localités où nous avons vérifié et où on a même
19 saisi du bétail, du bétail qui avait été confisqué sur des territoires à
20 nous auparavant.
21 Alors, pour ce qui est de Srebrenica, vous devriez garder à l'esprit : Le
22 fait que Srebrenica était un territoire protégé; en outre, Srebrenica avait
23 sans cesse généré la guerre autour de son territoire. Ils avaient de
24 grandes quantités d'hommes armés et l'armée n'était pas mal nourrie
25 indépendamment du reste, moi, je veux bien croire ce que ce monsieur a
26 écrit. Ce que je sais, cependant, c'est qu'eux ont été approvisionnés de
27 façon illégale. Et les Serbes savent très bien comment, la FORPRONU le sait
28 aussi.
Page 38817
1 D'autre part, au moment le plus décisif ils ont envoyé 5 000 soldats vers
2 d'autres théâtres de combat hors de Srebrenica, s'ils avaient accepté le
3 cessez-le-feu et s'ils avaient restitué leurs armes, les gens de Srebrenica
4 auraient accueilli la fin de la guerre mieux que les autres où qu'ils se
5 soient trouvés, du côté serbe ou du côté musulmans. En terme simple, à
6 cause de leur direction, ils ne voulaient pas accepter. Et certains ont
7 perdu la vie de ce fait-là.
8 Je ne vais pas parler de certains Musulmans de Srebrenica qui avaient
9 occupé les postes de direction et qui ont rédigé des déclarations ou qui
10 ont même rédigé des livres entiers au sujet des souffrances à Srebrenica du
11 fait de leurs propres dirigeants à eux.
12 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais que nous passions à la pièce
13 65 ter 05907.
14 Q. Il s'agit d'une pièce associée que vous évoquez au paragraphe 94 de
15 votre déclaration, Docteur Lukic. Dans cette déclaration vous dites que
16 vous avez été membre de la délégation d'Etat qui s'est déplacée à Dayton,
17 vous dites que dans ce document il est dit que la délégation s'en tiendrait
18 aux objectifs stratégiques adoptés par l'assemblée de la Republika Srpska.
19 Et maintenant je voudrais que nous passions à la page 2 de la version
20 anglaise, on peut y voir que l'on y indique en effet que la délégation est
21 tenue d'adhérer aux objectifs stratégiques de la Republika Srpska fixés en
22 1992 par l'assemblée nationale de la Republika Srpska.
23 Alors je tire comme conclusion de ce document et de votre témoignage, à
24 savoir qu'en octobre 1995, vous saviez quels étaient les objectifs
25 stratégiques de l'assemblée de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?
26 R. Tout d'abord, je vais vous dire que je n'ai pas été à cette assemblée
27 et ce n'est que le lendemain que j'ai appris que j'étais désigné pour
28 voyager à Dayton. Ça c'est d'un.
Page 38818
1 De deux, quelqu'un qui va déplacer, qui va se déplacer pour représenter un
2 peuple qui a tant fait la guerre que voulez-vous qui dise, si ce n'est cela
3 ? En raison des choses qui se sont passées, je dirais que nous sommes allés
4 à Dayton tous avec des exigences qui étaient plus grandes que la réalité ne
5 le permettait. Alors, heureusement, chacun a perdu quelque chose nous
6 sommes tous restés mécontents. Mais un document a été adopté qui a généré
7 la paix, qui a débouché sur la paix. Les souhaits de chacun n'ont pas été
8 exaucés. Chacun a dû renoncer à quelque chose, mais on n'a quand même vécu
9 avec.
10 Q. Docteur Lukic, excusez-moi, je ne vous ai pas posé de question du tout
11 au sujet des négociations à Dayton. Je vous ai demandé de nous confirmer,
12 si en octobre 1995, lorsque vous êtes allé à Dayton vous étiez au courant
13 des objectifs stratégiques tels que définis par l'assemblée nationale en
14 1992.
15 R. Tout d'abord, je vous ai dit que non nous ne savions pas. Je n'ai
16 appris que par la suite que j'irais à Dayton, et les autres ceux qui
17 étaient venus, n'avaient pas en poche du tout des textes ou de principes ou
18 documents auxquels il fallait se conformer. Nous voulions tous obtenir plus
19 et on a obtenu ce qu'on a bien voulu nous faire obtenir. C'est un fait. Je
20 vous affirme ici même que c'est une bonne chose que d'avoir laissé toutes
21 les parties en présence quelque peu mécontentes.
22 Q. Docteur Lukic, lorsque vous êtes allé à Dayton en compagnie de cette
23 collègue, est-ce que vous aviez connaissance des objectifs stratégiques de
24 l'assemblée nationale de la Republika Srpska ou pas ?
25 R. Je ne les connaissais pas. Je n'en ai pas entendu parler. Personne n'en
26 a débattu. Il en a été question lorsque nous nous sommes installés dans
27 l'avion, c'est là qu'on a commencé à parler du comment et du pourquoi, vous
28 pouvez imaginer tous de quoi ça l'air lorsque vous allez vers l'inconnu
Page 38819
1 total.
2 Q. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que quand vous êtes allé à
3 Dayton vous n'avez jamais entendu parler auparavant des objectifs
4 stratégiques tels que formulés par l'assemblée de la RS ?
5 R. Ces objectifs stratégiques ça été déterminé à Banja Luka, dit-on. Moi,
6 je n'y ai pas participé. Je n'étais pas présent. Je les a lus pour une
7 première fois vers la fin de 1993 ou début 1994, je dois vous dire aussi
8 que personne n'en a parlé en long en large les événements en temps de
9 guerre ne se conforment pas aux plannings que vous avez fixé à une réunion
10 quelconque.
11 Q. Donc votre témoignage est-ce que vous êtes en train de nous dire
12 maintenant que c'est la première fois que vous avez entendu des objectifs
13 stratégiques du peuple serbe en fin 1993 ou début 1994 ? Ai-je bien compris
14 votre réponse ?
15 R. C'est exact. C'est ce que j'ai déclaré en public à un autre endroit
16 encore. Et je ne vais vous fatiguer avec.
17 Q. Bien. J'aimerais que nous passions maintenant à la pièce P1379, s'il
18 vous plaît.
19 R. Quel paragraphe ?
20 Q. Non, non, il n'en est pas question dans votre déclaration, Docteur
21 Lukic, C'est un document qu'on va vous montrer sur l'écran. Il s'agit d'un
22 document qui nous a été montré à plusieurs reprises jusqu'à présent. Il est
23 question d'un PV de la 34e Session de l'assemblée et vous étiez présent à
24 cette occasion, vous avez même pris la parole, j'aimerais qu'on nous montre
25 la page 14 en anglais et la page 13 en B/C/S. Ici le Dr Karadzic est en
26 train de présenter un discours d'introduction. Et vers la moitié de la page
27 dans les deux langues il dit :
28 "Les objectifs stratégiques adoptés par cette assemblée se trouvent être en
Page 38820
1 grande partie réalisés ou le seront je vais rappeler à ceux qui ne le
2 savent pas. Cette assemblée a adopté des objectifs stratégiques du peuple
3 Serbe qui sont devenus, d'une certaine façon, nos obligations, nos missions
4 pour ce qui est de leur réalisation … "
5 Et ensuite il explique les différents objectifs un à un. Il parle du
6 premier, du deuxième, troisième, quatrième, cinquième. Il explique la
7 teneur de ces objectifs. Et en page suivante, il mentionne le sixième
8 objectif, qui est celui d'avoir un débouché sur la mer. Ensuite on revient
9 vers le cinquième, et sixième, et quatrième objectifs pour les expliquer
10 plus en détail.
11 Vous étiez présent à cette session, Docteur Lukic; est-ce que ceci
12 vous rappelle le fait que ces objectifs stratégiques vous les connaissiez à
13 l'époque, ce qui est plus ou moins cohérent avec ce que vous nous avez dit
14 il y a quelques instants, fin 1993 ? Vous souvenez-vous de ce discours du
15 Dr Karadzic lorsqu'il a évoqué les objectifs stratégiques ?
16 R. Je dois vous dire que j'ai une idée assez vague du fait qu'il en a été
17 parlé. Moi, je me souviens de cette question de déboucher sur la mer. Nous
18 avions négocié la chose à Dayton, nous avions proposé 48 kilomètres carrés
19 de la municipalité de Trebinje pour avoir un débouché sur la mer vers le
20 Monténégro, près de Prevlaka Molunat, dans la direction de Dubrovnik. Et il
21 y a eu des extraits de présentés, mais je vous ai dit déjà que j'ai
22 véritablement lu au journal officiel, me semble-t-il, ces quelques
23 principes, mais c'est là, et seulement là que j'ai eu l'occasion d'en
24 prendre lecture.
25 Il est vrai que les gens ont parlé des différents objectifs, pas en tant
26 qu'objectifs en tant que désirs ou souhaits enfin ce qu'il fallait que
27 nous réalisions en temps de guerre, et le souhait de tout pays est d'avoir
28 un débouché sur la mer. Parce que pourquoi la Republika Srpska serait-elle
Page 38821
1 privée de cela parce que dans cet état commun qui était la Yougoslavie,
2 nous avions eu un débouché sur la mer.
3 Q. Bien. J'aimerais maintenant que l'on nous montre le 65 ter 25107.
4 Docteur Lukic, vous avez mentionné dans votre déclaration, bien que vous
5 n'ayez pas parlé du contenu, mais vous avez dit que vous aviez eu
6 l'occasion de témoigner dans la Cour internationale de la justice dans
7 l'affaire Serbie contre Bosnie. Et ce document est le PV verbatim de votre
8 témoignage en mars 2006. Ce n'est disponible qu'en anglais, s'agissant de
9 nous. Je vais vous en donner lecture pour ce qui est des parties
10 pertinentes. Et à cet effet, j'aimerais qu'on nous affiche la page 11.
11 R. J'ai témoigné pour ma part s'agissant d'une plainte de la Bosnie-
12 Herzégovine contre la Serbie, et j'ai été témoin en faveur de la Serbie.
13 Q. Bon. Ici, au haut de la page, il est dit que le premier des témoins
14 cités par la Serbie et le Monténégro serait M. Vladimir Lukic. Ensuite on
15 vous a demandé de votre part une déclaration solennelle, et vous avez dit :
16 "Je déclare solennellement sur mon honneur et ma conscience que je dirai la
17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité."
18 J'aimerais que l'on nous affiche à présent la page 26. C'est là que vous
19 êtes contre-interrogé par le conseil de la Bosnie-Herzégovine, Mme Korner,
20 et elle vous pose des questions au sujet des objectifs stratégiques. Vers
21 le milieu de la page, elle dit :
22 "Oui, Karadzic a présenté, n'est-ce pas, six objectifs stratégiques du
23 peuple serbe, à l'occasion de ces sessions de l'assemblée du 12 mai, et
24 vous avez répondu, 'oui' ou 'non' mais vous -- vous pourriez répondre 'oui'
25 ou 'non' et vous avez dit que vous n'étiez pas présent, vous ne savez pas
26 qui a dit quoi, qui a proposé quoi, et qui a commenté quoi."
27 Mme Korner a dit :
28 "Mais M. Lukic, est-ce que vous voulez nous dire que vous n'avez pas été au
Page 38822
1 courant de l'existence de ces six objectifs stratégiques ?"
2 Et vous avez répondu :
3 "Madame la Présidente, Messieurs les Juges, ce n'est qu'il y a deux mois ou
4 peut-être trois mois que j'ai pu lire le texte de ces objectifs
5 stratégiques. Je ne sais vraiment pas comment on en est venu à ce type de
6 formulation, mais je sais que j'en ai discuté à un moment donné avec le
7 général Mladic. Et il m'a demandé, il a demandé au gouvernement d'avoir une
8 idée de ces objectifs pour que l'armée sache à quoi se conformer, jusqu'où
9 l'armée doit aller. Bien entendu, j'en ai immédiatement informé M.
10 Karadzic, mais il ne m'a tout simplement rien dit à ce sujet, il n'a rien
11 dit et il ne m'a pas informé de l'existence de telle chose. Donc je n'ai
12 pas eu à connaître de ces objectifs jusqu'à il y a deux ou, deux mois de
13 cela."
14 Mme Korner :
15 "Donc vous ne les avez jamais vus lorsque ça a été publié à la
16 gazette officielle ?"
17 Et votre réponse a été celle de dire :
18 "Seulement il y a deux mois de cela."
19 Alors, Monsieur Lukic, ce que vous avez dit à la Cour internationale
20 de la justice en 2006, à savoir que vous n'aviez entendu parler de ces
21 objectifs stratégiques deux mois avant cela, c'était un mensonge, parce que
22 vous avez clairement dit aux Juges de cette Chambre-ci que vous aviez pris
23 lecture de ces objectifs stratégiques en fin 1993 ou début 1994 ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me dois d'intervenir, s'il vous plaît.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel est le point que vous voulez
26 mettre en exergue, Monsieur Karadzic ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, il n'a pas dit qu'il a une connaissance,
28 il a dit qu'il les avait lus il y avait deux mois à peine. C'est là qu'on
Page 38823
1 cherche à mettre le témoin en difficulté.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Je crois que le témoin est tout à
3 fait capable de répondre à la question.
4 Monsieur Lukic, s'il vous plaît.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, je n'ai pas été présent lors de
6 cette session de l'assemblée, je n'y ai pas participé, et je n'ai pas eu a
7 connaître de ces objectifs. Je pense que ce qu'on peut entendre dire au
8 sujet de ce qui est évoqué ici et là, c'est une chose, mais là, c'est une
9 autre chose. J'ai interprété les choses, j'ai dit quand est-ce que j'avais
10 eu l'occasion de lire le texte des principes en question. Et là vraiment,
11 me donner, enfin vous dire la date ou le mois, je ne sais pas vous le dire,
12 c'était il y a très longtemps.
13 Le fait est que je n'étais pas présent à la session de cette assemblée. Je
14 n'ai pas été présent lors des débats, par la suite, je n'ai pas pu lire
15 tout cela quelque part. Je n'ai eu à connaître que ce qui a été évoqué dans
16 une argumentation avancée par le président Karadzic, et j'ai aussi la
17 question qui m'a été posée par le général Mladic, et c'est ce que je vous
18 ai dit. Tout le reste, pour ce qui est de tout ce temps qui s'est passé
19 depuis, je crois que je me perdrais en conjecture.
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
21 Q. Docteur Lukic --
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, un instant. Laissez-moi
23 intervenir.
24 La question n'était pas celle de savoir si vous avez participé aux travaux
25 de cette session où il a été présenté ces objectifs stratégiques. La
26 question était celle de savoir, quand est-ce que vous avez eu l'occasion de
27 prendre lecture de l'énoncé de ces objectifs stratégiques pour la première
28 fois.
Page 38824
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je crois que ce que j'ai dit devant
2 de Tribunal est bon, je l'avais lu quelques mois avant, cela est exact.
3 Maintenant de là à vous dire quand est-ce que je les ai lus et quels sont
4 ces objectifs ou quelle est l'interprétation à leur donner, je ne serai pas
5 capable de vous les fournir.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais Docteur Lukic, il y a quelques
7 instants, pendant que vous répondiez aux questions de Mme Gustafson, vous
8 avez dit en page 33, ligne 1 :
9 "Ce sont des objectifs stratégiques qui ont été adoptés à Banja Luka, je
10 n'étais pas présent. J'ai pour la première fois eu l'occasion de les lire
11 en fin 1993 ou début 1994, mais je me dois de vous dire que personne n'en a
12 parlé de façon importante, et là vous dites que vous les avez lus en fin
13 1993 et début 1994.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois avoir fait une erreur à cet endroit.
15 C'est devant la Cour de La Haye que j'ai dit pour de vrai quand est-ce que
16 je les ai lus. C'est là que je m'en suis souvenu de façon exacte. Et, je
17 vous prie, de considérer ceci comme étant la bonne teneur de ma
18 déclaration.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Je vous renvoie le témoin,
20 Madame Gustafson.
21 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
22 Q. Bien. Dernière question sur ce sujet, Docteur Lukic. J'ai lu je pense
23 vous avoir montré une longue intervention faite par le Dr Karadzic en 1993
24 au sujet de ces objectifs stratégiques à l'occasion d'une session où vous
25 avez été présent et vous avez dit que vous étiez au courant de la chose.
26 Est-ce que vous êtes en train de changer votre témoignage sur ce point-là
27 aussi et affirmer que ce discours du Dr Karadzic de 1993 n'est plus une
28 chose connue par vous ?
Page 38825
1 R. Globalement parlant, oui, j'en ai connaissance, mais je n'ai pas
2 connaissance des détails, parce que nos sessions étaient longues, il y
3 avait beaucoup de points à l'ordre du jour, et il est certain qu'on ne
4 pouvait pas tout garder en tête tout ce qui s'était dit à telle ou telle
5 session.
6 Q. Merci.
7 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour vous.
8 Q. Merci, C'est exact Lukic.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
10 Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez des questions supplémentaires pour
11 ce témoin ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je voudrais que nous tirions un certain
13 nombre de points au clair ensuite on parlera de documents.
14 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :
15 Q. [interprétation] Docteur Lukic, est-ce qu'on peut commencer par ce qui
16 a de plus récent. Est-ce que vous pouvez nous dire quand est-ce que vous
17 avez entendu parler des objectifs stratégiques et quand est-ce que vous
18 avez eu l'occasion d'en prendre lecture ?
19 R. Eh bien, écoutez, j'ai beaucoup de mal à tout situer dans un cadre
20 temporel. J'en ai entendu parler à un moment antérieur, à cette époque,
21 quand je suis devenu premier ministre ou un peu plus tard. Ce dont je me
22 souviens c'est qu'après l'entretien que j'ai eu avec le général Mladic
23 comme on en a pris bonne note ici, c'est là que j'ai qu'il y avait des
24 documents à cet effet. Alors, bien sûr, je me suis entretenu avec d'autres
25 membres du gouvernement, ou du parlement. Mais ce que j'ai surtout appris
26 et gardé en mémoire c'était votre discours, mais je n'ai pas gardé en
27 mémoire les détails. Et s'agissant maintenant du moment où j'en ai pris
28 lecture dans la Gazette officielle, c'est là que j'ai pu voir les choses
Page 38826
1 telles consignées. Jusque-là, je dois dire que je n'avais pas possédé la
2 totalité des détails commandant information.
3 Q. Merci. Qui était le chef de la délégation de la Republika Srpska à
4 Dayton ?
5 R. Le chef -- le chef de la délégation complète où nous avions pris part
6 c'était le président Milosevic. Pour ce qui est de la partie de la
7 délégation yougoslave, il y avait une délégation de la Republika Srpska
8 dont le chef était le président du parlement de l'assemblée nationale, M.
9 Momcilo Krajisnik.
10 Q. Merci. Est-ce qu'en sus du fait d'avoir été premier ministre, est-ce
11 que votre profession de géographe, avait la raison de votre nomination dans
12 cette commission ?
13 R. J'étais topographe.
14 Q. Oui, topographe, excusez-moi.
15 R. Bien. J'ai été pendant 13 ans directeur de l'établissement de
16 topographie de la république. Pendant sept années, j'ai été à la tête de
17 l'institut. Pendant 20 ans, j'ai mesuré en long et en large la Bosnie-
18 Herzégovine, je connaissais la Bosnie-Herzégovine de façon très bonne.
19 D'autres parts, je connaissais aussi très bien les relations, des relations
20 qui étaient d'une autre nature, je connaissais dans toute la république la
21 structure de la population dans certaines municipalités, et dans bien des
22 villages même. Ce qui fait que je puis vous dire que nos ex-adversaires
23 m'ont souvent demandé des renseignements non seulement au sujet de ce qui
24 nous était avantageux pour nous.
25 Q. Merci. Si ce 65 ter 05907 n'est pas versé au dossier, c'est-à-dire
26 procuration destinée à la délégation, je demanderais son versement parce
27 que ça a été mentionné dans sa déclaration.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ça n'a pas déjà été versé au
Page 38827
1 dossier ?
2 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je crois que ça a été versé au dossier,
3 Madame, Messieurs les Juges.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce D3607.
5 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je m'excuse de l'interruption. Je voulais
6 juste faire savoir que j'ai oublié de demander le versement des extraits du
7 témoignage à la Cour internationale de justice, qui est la pièce 65 ter
8 25107, page 1, 11, et 26.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, nous allons verser ces documents
11 au dossier.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P6345.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, excusez-moi, mais il s'agit de
14 trois pages. C'est bien cela.
15 Je pense que les numérotations n'ont pas encore reçu une cote officielle au
16 prétoire électronique. Et c'est la raison pour laquelle ça n'a pas été
17 versé au dossier. Veuillez continuer, Monsieur Karadzic, s'il vous plaît.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je crois que ça figurait parmi les
19 références qui sont tombées à l'eau lorsqu'on a élagué.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Docteur Lukic, on vous a demandé en page 30 quelque chose au sujet du
22 4203, pièce de l'Accusation, quelque chose au sujet des propos du
23 commandement Tucker pour ce qui est des difficultés subies par Srebrenica.
24 Est-ce que vous pouvez vous souvenir du nombre d'épidémies et du type
25 d'épidémies survenues à Srebrenica pendant la guerre ?
26 R. pendant la Deuxième Guerre mondiale j'ai survécu à une épidémie de
27 fièvre typhoïde - et il n'y avait pas que moi mais bon nombre de membres de
28 ma famille ont péri - j'avais une très grande peur de ces contagions
Page 38828
1 pendant la guerre. C'est la raison pour laquelle je me suis efforcé de
2 faire suivre les épidémies, pas seulement chez nous mais aussi chez nos
3 adversaires. Et je dois vous dire que ce que j'ai ouï-dire et ce que j'ai
4 appris suivant des filières variées, c'est qu'il n'y a pas eu de territoire
5 du tout de quelques parties que ce soit au conflit, il n'y a eu d'épidémies
6 de guerre telles qu'on les a connues au cours des guerres précédentes, et
7 il n'y en a pas eu à Srebrenica non plus.
8 Q. Merci. En page 25 on vous a demandé quelque chose au sujet de la lettre
9 du Juge Simic. Est-ce que c'est la seule lettre adressée par lui à cette
10 commission ?
11 R. Mais, non, pas du tout. Ces lettres-là il y en a eu de toutes parts, de
12 tous les côtés. Tout le monde écrivait, demandait quelque chose, proposait
13 quelque chose. Et des fois on retrouve même maintenant et on débat de ces
14 choses-là encore, mais toutes ces lettres, propositions, suggestions,
15 plaintes, réalistes ou pas, ont circulé de tout tant. Et ça a fusé.
16 Q. Merci. Les 11 arrêtés de Prijedor, ils étaient de quel groupe ethnique
17 ? Les auteurs ?
18 R. Je ne suis pas certain, mais il me semble, je ne sais pas, si quelqu'un
19 me l'a dit ou si je l'ai lu. Ils n'étaient pas tous des Serbes, et puis
20 parmi les victimes tuées, tous n'étaient pas des Musulmans parmi les
21 pillés, tout ça.
22 Q. Merci. Page 18, Mme Gustafson laisse entendre que vous avez réagi parce
23 qu'il y a eu des crimes commis à Grbavica mais uniquement à partir du
24 moment où parmi les victimes, il y a eu des Serbes ?
25 R. Non, hélais, non, non, cela n'est pas exact. Pas du tout. Nous avons
26 réagi lorsque l'aide humanitaire ne parvenait pas à tout le monde. Je dois
27 vous dire que pour ce qui est de la distribution d'aide humanitaire et
28 lorsqu'on a cherché des moyens de faire parvenir l'aide humanitaire au
Page 38829
1 centre-ville et à Grbavica, je dois vous dire que j'ai collaboré avec la
2 FORPRONU. J'ai pris la voiture avec eux. Et souvent nous avons réagi
3 lorsque cette aide humanitaire n'était pas distribuée à tous.
4 Vous vous souviendrez peut-être qu'il y a eu ce problème de pension de
5 retraite qui n'était pas versée à tout le monde. Nous avons annulé
6 certaines décisions prises par des municipalités. Il y a eu des
7 proclamations d'état de guerre dans certaines municipalités, par exemple,
8 annulation, il y a eu des cas d'annulation de décisions prises par un
9 tribunal, à l'encontre d'un Serbe qui a commis un crime contre quelqu'un
10 d'un autre groupe ethnique.
11 Donc je dois vous dire qu'en tant que république nous étions en fait
12 une confédération de municipalités en guerre, et ça, c'est un fait
13 incontestable dans cette guerre. Et puis, en fin, je dois dire qu'il y a eu
14 des municipalités qui étaient dans une situation meilleure que la
15 république, ces municipalités ne nous laissaient pas toucher à leur budget.
16 On pouvait aborder touts sortes d'autres sujets mais pas, pas celui-là.
17 Q. Merci. Au sujet de Prijedor -- page 14, lignes 14 à 18. J'en donne
18 lecture en anglais pour que ce soit traduit pour vous. Page 14, lignes 14 à
19 18.
20 "Compte tenu de tout cela, n'étiez-vous pas d'accord sur le fait que, dans
21 une localité telle que Prijedor, il serait juste de ramener les Serbes sur
22 place pour qu'ils remplacent les Croates et les Musulmans qui étaient
23 partis afin de corriger cette injustice historique et afin d'empêcher que
24 ces crimes ne se reproduisent à l'avenir ?"
25 Et l'on vous a montré une carte avec un polygone, il me semble que cette
26 carte montre les Musulmans de Prijedor.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] P783, s'il vous plaît, est-ce qu'on peut
28 l'afficher ?
Page 38830
1 L'INTERPRÈTE : M. Karadzic s'exprime hors micro. Inaudible.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas de traduction. Est-ce qu'on peut
3 agrandir l'angle supérieur gauche ? On n'est pas en train d'interpréter en
4 anglais.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Je vous invite à jeter un coup d'œil sur ce qui est indiqué. 44 des
7 Musulmans; 42 les Serbes; et six Yougoslaves. Alors, d'après vous, qui
8 constitue la majorité à Prijedor ?
9 R. Pour autant que je sache et d'ailleurs on a pu le voir d'après le
10 nombre de députés, à Prijedor et à Sanski Most juste avant la guerre, eh
11 bien, la majorité de la population était serbe. Par ailleurs, je dois dire
12 que les cartes ne doivent pas être coloriées comme ça. Ici on a colorié la
13 carte en vert et puis on s'est servi de chiffres uniquement pour montrer
14 les pourcentages. Vous savez, les couleurs devraient correspondre aux
15 pourcentages pour que ce soit juste. Mais, je ne voudrais pas aborder d'une
16 manière détaillée Sanski Most, Prijedor, ou ces autres localités qui nous
17 prendraient énormément de temps, et ces histoires que j'aurais à vous
18 relater seraient pas très belles à entendre.
19 Q. Je demande l'affichage sur le rétroprojecteur. Le statut de la
20 municipalité de Prijedor. Avant le sélections de 1990 [comme interprété],
21 donc de l'assemblée du régime, du temps du régime communiste. Le 1D9100,
22 s'il vous plaît. Page 2, article 6.
23 Professeur, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner lecture du
24 préambule et la décision de modifier le statut puis nous prendrons la page
25 2 de l'article 6 ?
26 R. Très bien.
27 Q. Est-ce que vous voyez le préambule ?
28 R. Oui.
Page 38831
1 Q. Donnez lecture de cela.
2 R. "En vertu de l'article 239 et de l'article 301 du statut de la
3 municipalité de Prijedor, Gazette officielle de la municipalité de
4 Prijedor. Numéro illisible, 7/84 et 985, l'assemblée municipale de Prijedor
5 lors d'une séance commune de l'ensemble de ces comités, du 14 septembre
6 1990 [comme interprété], a pris la décision comme suit : De modifier le
7 statut de la municipalité de Prijedor."
8 Q. Lisez lentement, s'il vous plaît, article 6, page 2, maintenant.
9 Doucement.
10 R. "Article 206 ou 8 jusqu'à 212 sera effacé dans le statut de la
11 municipalité de Prijedor, et dans les dispositions, le mot 'delegate' sera
12 remplacé par le terme 'député' et le terme 'delegation' 'délégation' sera
13 effacé. L'article 6 --"
14 Q. [aucune interprétation]
15 R. "Le mot 'sastave et isbor vijeca' traduit comme 'composition et
16 élection des comités qui précèdent l'article 223 seront effacés et
17 l'article 229 [comme interprété] sera modifié et se lit comme suit" --
18 Q. [aucune interprétation]
19 R. "L'assemblée municipale de Prijedor comporte une chambre et 90 députés
20 sur lesquels 41,59 % d'appartenance serbe et 38,70 [comme interprété]
21 d'appartenance musulmane, 6,70 [comme interprété] d'appartenance croate.
22 9,70 des Yougoslaves et 3,31 d'autres peuples et nationalités
23 proportionnellement à la structure ethnique de la population de la
24 municipalité de Prijedor."
25 Q. Très bien. Alors quelle est la majorité juste avant les élections ?
26 R. Il n'y a aucun doute là-dessus. Je savais déjà puisque j'avais eu accès
27 à certaines informations, donc il n'y a absolument aucun doute Prijedor et
28 Sanski Most avaient une majorité serbe et toute une série de municipalités
Page 38832
1 le long de la Save avait une majorité serbe. Et lorsqu'on -- que dans la
2 région de la Posavina, il n'y avait quasiment pas de Serbes soi-disant, eh
3 bien, cela n'est absolument pas exact, parce qu'il y en a des municipalités
4 qui étaient-- qui comptaient une population serbe importante, voire où les
5 Serbes étaient majoritaires.
6 Q. D'accord. Et Bosanski Brod, qui figure comme croate. 34 % de Serbes, et
7 12 % de Yougoslaves ou de Musulmans. 30 % de Yougoslaves ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous venez de parler des villes qui se situent le long de la Save, est-
10 ce que ça illustre ces cas-là ?
11 R. Oui, tout à fait. Personne ne veut l'admettre, à peu près 60 à 80 % de
12 la population de toutes les municipalités donc pour ce qui est des
13 habitants qui se déclaraient yougoslaves, eh bien, 60 à 80 % d'entre eux
14 étaient des Serbes.
15 Q. Très bien.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que l'on verse au dossier aux fins
17 d'identification le document 1D9100, s'il vous plaît.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, très bien. On y attribue une cote
19 provisoire.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document ou plutôt la pièce
21 D3620 MFI.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Gustafson, s'agissant de la carte
23 que nous avons sous les yeux, avez-vous une traduction de la légende. Nous
24 en aurons probablement besoin.
25 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Nous allons nous en occuper.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je poursuivre ?
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
Page 38833
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Professeur, étiez-vous au courant du fait qu'avant la guerre, et
3 également pendant les premiers mois de la guerre, l'on a négocié des
4 pourparlers, on a formulé une offre pour que chaque groupe ethnique
5 constitue son municipalité, et que le long de ces lignes, à Prijedor, il se
6 passait la même chose, on a proposé aux Musulmans de constituer leur
7 municipalité ?
8 R. Oui, je suis au courant.
9 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
10 Mme GUSTAFSON : [interprétation] La question était tout à fait directrice.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais on ne peut pas faire autrement. Mais tout
12 le monde est au courant de cela, y compris les Juges. Je n'aurais pas pu
13 formuler cette question autrement.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Est-ce que Prijedor fait partie de ces municipalités où il a été
16 question de constituer deux municipalités.
17 R. Un très grand nombre de municipalités ont envisagé cela, à savoir de
18 constituer deux municipalités là où il y avait un équilibre ethnique, donc
19 de diviser la municipalité de manière proportionnelle en fonction donc de
20 la taille du groupe ethnique et de son territoire. Et pour autant que je le
21 sache, Prijedor a fait partie de ces municipalités là, mais je ne suis pas
22 tout à fait sûr. Parce qu'il me semble que oui, mais je ne suis pas tout à
23 fait certain.
24 Q. Alors que saviez-vous nous dire suite à ce qu'a soumis le Procureur, à
25 savoir que le gouvernement souhaitait peupler Prijedor de Serbes, en les
26 installant dans les villages musulmans, d'après le Procureur ?
27 R. Ecoutez, Monsieur le Président, je ne suis absolument pas quelqu'un qui
28 estimerait qu'un crime pourrait en effacer un autre. Je défends la vérité,
Page 38834
1 et je souhaiterais que la vérité n'entraîne jamais de crime. Chasser
2 quelqu'un pour installer quelqu'un d'autre à sa place, tuer quelqu'un pour
3 le remplacer par quelqu'un d'autre, eh bien, je ne crois pas en ces
4 options. Et en fin de compte, c'est ce qu'ont prôné ceux qui d'emblée, au
5 tout début de la guerre se sont livrés à des massacres, les mêmes qu'ils
6 avaient commis pendant la dernière guerre.
7 Q. Très bien. On vous a interrogé au sujet du document 1D5756. On vous a
8 interrogé au sujet de l'attitude qui a été prise vis-à-vis des minorités,
9 et installation des minorités, d'autres communautés, et cetera. Je demande
10 que l'on nous affiche le document 1D7856, s'il vous plaît.
11 R. Quelle page ?
12 Q. Paragraphe 27. Il s'agit d'une réunion du gouvernement. C'est une pièce
13 à conviction.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous en parlez dans votre déclaration,
15 au paragraphe 27.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois que ce document a été versé au dossier
17 par la suite.
18 Pendant la pause, ces documents ont été affichés comme ayant été versés au
19 dossier alors.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Alors Professeur, vous avez dit qu'il y a eu des prises de position
22 extrême lors des sessions de l'assemblée, lors des réunions du
23 gouvernement. Alors est-ce qu'il y a un document qui aurait été rédigé, et
24 fondé sur la base de, fondé sur ces prises de position extrémiste de la
25 part de certains députés ?
26 R. Véritablement, je ne suis pas au courant du fait qu'on ait admis et
27 accepté une quelconque de ces positions extrémistes, que ce soit au niveau
28 du gouvernement, de l'assemblée où que ce soit ailleurs. Et par ailleurs,
Page 38835
1 je dois dire que dans une telle guerre, cette guerre que j'ai qualifiée de
2 civile et religieuse, ce sont des extrêmes qui se nourrissent mutuellement.
3 Et lorsqu'on refuse d'adopter ce point de vue, celui qui défend une telle
4 position vous dira, mais vous n'êtes-vous pas au courant du fait que les
5 autres font pareil ? Et donc ce qu'il faut faire c'est ne pas en tenir en
6 compte, ne pas approuver, et dans une situation de guerre, c'est une
7 attitude utile à prendre, à adopter.
8 Q. Merci. On vous a beaucoup interrogé pendant le contre-interrogatoire au
9 sujet de l'attitude que nous avons eue vis-à-vis des Musulmans. 65 ter
10 05985, s'il vous plaît, le document qui fait l'objet de votre paragraphe
11 41. C'est la 68e Réunion du gouvernement. Je voudrais la page 5, s'il vous
12 plaît. Les dates sont celles du 22 au 26 avril, la réunion se tenait à
13 Bijeljina. Au paragraphe 4, en anglais également, est-ce que vous voulez
14 l'afficher ? Il y a eu proposition d'un texte de projet de loi. Est-ce que
15 vous pouvez tourner la page en serbe, point 4, s'il vous plaît, et en
16 anglais. Au moins, il faudrait tourner la page en anglais. Je demande, s'il
17 vous plaît, le point 4 dans les deux langues, en serbe et en anglais, donc
18 il faudra tourner la page en serbe, et en anglais également.
19 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] M. LE JUGE
20 KWON : [interprétation] Parce qu'il semble que n'avons que deux pages en
21 anglais donc c'est une traduction partielle.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande la page suivante en serbe.
23 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Professeur Lukic, est-ce que vous avez coopéré avec l'Herceg-Bosna,
26 leurs dignitaires ? Pouvaient-ils se rendre en Republika Srpska, et
27 pouvaient-ils vérifier sur place les conditions de vie des Croates ?
28 R. Je pense que c'était en avril 1993, peut-être qu'il y a une erreur sur
Page 38836
1 quelques mois, vous vous étiez mis d'accord avec le président de l'Herceg-
2 Bosna, et moi, je m'étais mis d'accord avec le chef du gouvernement
3 d'Herceg-Bosna, quelqu'un que j'avais connu avant la guerre, et je le
4 connaissais bien d'ailleurs. Nous avons prévu plusieurs réunions, et nous
5 nous sommes mis d'accord pour mettre fin à la guerre. Nous avons fait un
6 échange de prisonniers global, et nous avons fait en sorte qu'ils puissent
7 se rendre chez nous, sur notre territoire pour voir quelles étaient les
8 conditions de vie de Croates.
9 Et, d'après moi, ce qui était particulièrement positif, lorsque la
10 partie croate s'est trouvée menacée de perdre plusieurs milliers de Croates
11 dû à l'intensité de leur conflit avec les Musulmans, vous vous souviendrez
12 que nous avons laissé des unités entières, et un nombre énorme de personnes
13 du centre de Bosnie, de Vares, d'Olovo, qu'ils passent jusqu'à la partie
14 est de la Republika Srpska. Et je suis profondément convaincu que nous
15 avons sauvé la vie à plusieurs milliers de personnes, à ce moment-là, on
16 leur a épargné le massacre. M. Prlic et moi-même avons fait en sorte que la
17 partie musulmane aussi accepte cette trêve, qu'on mette fin à la guerre et
18 que, dans le cadre de négociations, on essaie de trouver une solution.
19 Hélas, les Musulmans n'ont pas accepté cela, ils ne voulaient pas en
20 entendre parler. Et je regrette encore aujourd'hui que cela n'ait pas pu
21 avoir lieu. Mais ce que nous avons fait vis-à-vis des Croates, vous vous
22 souviendrez aussi que nous avons reçu énormément de blessés croates dans
23 nos hôpitaux, et bon nombre d'entre eux, nous leur avons donné la
24 possibilité de passer par notre territoire afin de leur fournir toute aide
25 et assistance possible dans une situation de guerre. Et, bien entendu, ils
26 nous ont rendu service à d'autres occasions.
27 Ce qui est exact c'est que si la partie musulmane avait accepté cela
28 en ce moment-là, mais non, ils voulaient qu'un accord soit passé à
Page 38837
1 Washington pour que les Musulmans et les Croates rétablissent leur union
2 contre les Serbes, et pour que le temps les aide à faire la guerre, et
3 cetera, refaire la guerre.
4 Q. Très bien.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document
6 1D2941.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de passer à autre chose, je
8 voudrais savoir quel est le statut de cette pièce. Je parle de la pièce
9 5985, qui faisait partie des pièces connexes mentionnées au paragraphe 41,
10 il est question des points 2 et 27, au paragraphe 41. Mais la traduction ne
11 comporte que le point 2, le 27 en est absent. Devrions-nous peut-être
12 verser ce document sous une cote MFI en attendant la traduction du point
13 27.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez continuer.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Justement le point 2 aussi a été versé au
17 dossier.
18 Je demande à présent l'affichage du document 1D2941. Excusez-moi, je ne
19 pensais pas qu'on allait contester le traitement que nous avons réservé aux
20 minorités.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Alors prenez connaissance des deux premières phrases, s'il vous plaît.
23 Est-ce que vous reconnaissez ces photographies ? Vous rappelez-vous cela,
24 est-ce que c'est une visite qui a eu lieu le 4 octobre ?
25 R. Oui.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Montrez-nous le haut de la page.
27 M. KARADZIC : [interprétation]
28 Q. Donnez lecture des deux premières phrases, s'il vous plaît.
Page 38838
1 R. "Mon souhait est de me rendre à Banja Luka, et de voir sur place
2 quelles sont les conditions de vie du peuple croate, s'est réalisé
3 aujourd'hui. Les conditions politiques s'étant réunies. Les Serbes et les
4 Croates de ces contrées ne se sont pas opposés en se faisant la guerre. Les
5 Croates sont restés pour la plupart à Banja Luka, ce qui constitue le
6 résultat d'une attitude positive de la politique de la Republika Srpska.
7 C'est la raison pour laquelle il faut empêcher le départ des Croates de ces
8 régions, il faut empêcher leur départ de leurs appartements, ce qui doit
9 être régi par la loi."
10 Telle a été la déclaration de Jadranko Prlic, lors d'une brève rencontre
11 avec les journalistes, et Jadranko Prlic, chef du gouvernement d'Herceg-
12 Bosna.
13 Q. Merci. Et sa visite, le fait qu'il se soit entretenu avec les médias et
14 la presse serbe, quelle a été la réaction des Croates à ce moment-là ?
15 R. Eh bien, évidemment elle a été très positive. Evidemment, il y a eu des
16 commentaires négatifs par ci par là, comprenons-nous bien, tout le monde
17 n'avait pas le même avis. Mais les responsables politiques, les
18 responsables de l'armée, et la majorité de citoyens ont bien compris que
19 c'était une visite, une action qui pouvait nous rendre un peu de force pour
20 agir dans ce sens.
21 Q. Merci.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier aux fins
23 d'identification ? Ah, non, non, la traduction existe.
24 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
25 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui est du
26 document que j'ai entre les mains, il semble qu'il s'agit que c'est un
27 article de presse, d'une coupure de presse qui semble avoir été découpée
28 dans un journal et recopiée sur cette feuille de papier. Nous aimerions
Page 38839
1 avoir la possibilité d'examiner l'ensemble de l'article, l'article intégral
2 et d'en évaluer le contexte pour en apprécier l'importance et voir s'il y a
3 d'autres extraits de cet article qui devrait figurer dans cette pièce à
4 conviction. Sur le principe, je n'ai aucun problème par rapport au
5 versement au dossier de cet extrait-ci compte tenu des réponses apportées
6 par le témoin mais nous aimerions pouvoir voir l'article intégral.
7 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je proposerais que
8 cet article soit versé au dossier si l'Accusation souhaite verser au
9 dossier d'autres parties de texte, nous n'aurons aucun problème à
10 l'accepter.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons admettre ce document-ci pour
12 le moment et nous reviendrons sur la question si de nouveaux extraits
13 s'ajoutent plus tard.
14 Peut-on avoir le numéro de pièce à conviction ?
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D3621.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, la Chambre voudrait
18 faire une pause un peu plus longue, jusqu'à 12 heures 30 si cela convient à
19 chacun. Oui, eh bien, nous suspendons pour le moment.
20 --- L'audience est suspendue à 11 heures 52.
21 --- L'audience est reprise à 12 heures 32.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Professeur Lukic, Jadranko Prlic et vous-même, avez-vous tout de même
26 réussi à convaincre un certain nombre de dirigeants musulmans en vue d'une
27 coopération pacifique ?
28 R. Oui, nous avons convaincu M. Fikret Abdic et une partie de la
Page 38840
1 population de la Bosnie occidentale sur le territoire de Kladusa. Nous
2 avons eu un certain nombre de réunions avec M. Fikret Abdic, et je dois
3 dire qu'il était un partisan très ferme de la fin de la guerre, et c'est
4 lui qui aurait dû être élu président de la Bosnie-Herzégovine.
5 Malheureusement, il a renoncé de lui-même à cette fonction. Et en ce qui
6 concerne les conclusions que nous avons tirées ensemble avec M. Abdic
7 pendant la guerre, eh bien, me permettent de dire qu'il était véritablement
8 opposé à la guerre. Et d'ailleurs, comme chacun le savait déjà depuis la
9 période antérieure, il était favorable à la paix et de la tolérance entre
10 toutes les nations.
11 Q. Pouvez-vous nous dire brièvement ce qui a eu une incidence pour qu'avec
12 un représentant musulman il soit possible de collaborer alors qu'avec
13 d'autres c'était impossible ?
14 R. Eh bien, ce qui était en cause c'était surtout l'orientation de M.
15 Alija Izetbegovic qui défendait une option proprement musulmane, ou,
16 plutôt, une option d'Etat islamique. Il n'a pas pu renoncer à cette
17 position pendant toute la guerre. Et je crois que la meilleure preuve de
18 cela c'est le fait qu'il n'ait pas accepté le plan Cutileiro, puisqu'il a
19 fini par retirer sa signature. Qu'est-ce qui l'a convaincu de le faire, ça
20 ce n'est pas le plus important. Mais en tout cas, y compris pendant la
21 guerre, au moment où nous nous efforcions d'établir difficilement certains
22 contacts minimums, eh bien, avec lui cela n'a pas fonctionné, car il était
23 très clairement favorable à l'option islamiste en Bosnie-Herzégovine, même
24 si comme il l'a dit un jour, dans ces conditions, la Bosnie-Herzégovine
25 risquait de ne pas être plus grande qu'une tasse de café.
26 Mais quoi qu'il en soit, M. Abdic était quelqu'un qui avait des vues très
27 ouvertes, et il nous a fait des propositions. Il pensait que M. Karadzic,
28 M. Boban et les autres dirigeants qui coopéraient avec lui pourraient faire
Page 38841
1 quelque chose pour que cette ligne islamique dure devienne un peu plus
2 souple, qu'avec le temps nous réussissions à parvenir à la paix, et, ce qui
3 était pour lui le plus important, qu'il soit mis fin à la guerre.
4 Q. Je demande l'affichage d'un document que je vous demanderais
5 d'identifier assez rapidement.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'aide de Monsieur l'Huissier.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Pourriez-vous vous dire aux Juges de la Chambre, après avoir pris
9 connaissance du préambule et du titre, pourriez-vous nous dire quelle est
10 la nature de ce document ?
11 R. Eh bien, le président du gouvernement, donc le premier ministre de la
12 République croate d'Herceg-Bosna, le Pr Jadranko Prlic; le premier ministre
13 de la Republika Srpska, le Pr Vladimir Lukic; et le premier ministre de la
14 Province autonome de Bosnie occidentale, Jusic, rédige cette déclaration
15 conjointe signée à Zagreb le 21 octobre 1993, en présence du président de
16 la Province autonome de Bosnie occidentale, M. Fikret Abdic; et du
17 président de la République croate d'Herceg-Bosna, Mate Boban; ainsi que la
18 déclaration commune signée à Belgrade le 22 octobre 1993, signée par le
19 président de la Province autonome de Bosnie occidentale, M. Fikret Abdic;
20 et par le président de la Republika Srpska, le Dr Radovan Karadzic, en tant
21 qu'expression d'une véritable volonté en faveur de l'instauration d'une
22 paix durable sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.
23 Eh bien, oui, je me rappelle tout à fait bien ce document et je pense que
24 c'était effectivement un document de très grande qualité qui aurait dû
25 conduire à la fin de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Il représente une
26 occasion qui aurait pu se réaliser si la Croatie avait été prête de se
27 diriger vers la paix, elle aussi, mais je dois dire qu'en dépit de tous les
28 pourparlers que nous avons menés, et de la signature de ce document,
Page 38842
1 malheureusement, voyez-vous, la guerre s'est poursuivie et nous savons
2 jusqu'à quel moment, et cetera.
3 Q. Je vous demanderais de vous rendre en dernière page de ce document où
4 vous pouvez identifier les participants.
5 R. Oui. Jadranko Prlic, Vladimir Lukic et Zlatko Jusic sont les
6 signataires, Zlatko Jusic étant le représentant de la Bosnie occidentale.
7 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien sûr, on a aussi la signature au bas du
9 document du président Fikret Abdic.
10 L'INTERPRÈTE : La question de M. Karadzic n'a pas été interprétée car le
11 micro n'était pas allumé.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, pourriez-vous répéter
13 ce que vous venez de dire.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier aux fins
15 d'identification de ce document, car je ne suis pas sûr que nous disposions
16 déjà de la traduction ?
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est un extrait de livre ?
18 Pouvons-nous voir les numéros de page ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est tiré d'un livre, mais je ne sais pas
20 duquel exactement mais, en tout cas, la déclaration est authentique.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais que nous voyons le bas de la
22 page.
23 Madame Gustafson.
24 Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est un document issu de ma collection de
25 pièces, et je devrais vérifier la source. Je ne peux pas répondre
26 immédiatement.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons enregistrer ce document aux
28 fins d'identification.
Page 38843
1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document devient la pièce D3622,
2 enregistrée aux fins d'identification.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. On vous a interrogé au sujet du butin de guerre. Pourriez-vous dire aux
5 Juges de la Chambre dans quelles conditions et selon quelles modalités le
6 butin de guerre a été établi ?
7 R. Eh bien, le butin de guerre, c'est une question qui était traitée par
8 des organes déterminés. Nous disposions également d'une législation
9 spécifique à ce sujet, à savoir que la loi réglementait les bénéficiaires
10 du butin de guerre ainsi que les modalités d'utilisation de ce butin de
11 guerre en fonction de la définition et de l'objectif assignés à ce butin de
12 guerre, objectif qui pouvait être divers.
13 Q. Merci. Est-ce que le butin de guerre pouvait inclure des biens
14 immobiliers appartenant à des particuliers acquis dans des conditions
15 légales et dont le propriétaire était connu ?
16 R. Non. Les biens appartenant à des particuliers ne pouvaient jamais
17 officiellement et publiquement être inclus dans le butin de guerre par le
18 biais d'organismes légaux.
19 Q. Je vous remercie. Pouvez-vous nous parler de la contrebande de produits
20 divers ou d'objets saisis, comme par exemple des voitures d'origine
21 inconnue, ou bien le trafic de nourriture, de boisson, et cetera ? Est-ce
22 que l'Etat pouvait utiliser des biens de cette nature légalement ?
23 R. Eh bien, non. Il y avait toujours des vérifications de l'origine et des
24 conditions d'acquisition de ces produits. Dans ce domaine aussi, une
25 réglementation existait qui établissait les modalités d'utilisation de
26 produits de ce genre. En temps de guerre, la contrebande est une source de
27 profit efficace. Je crois que chacun ici sait bien que cette contrebande
28 était en fait du trafic.
Page 38844
1 Q. Je vous remercie. On vous a interrogé aussi au sujet de Mico "Joje" et
2 de Mandic, on vous a parlé de voitures de modèle Golf, et quelque part il a
3 été indiqué que Radovan Karadzic était au courant de tout cela. Est-ce que
4 ces hommes ont vendu leurs voitures en leur nom propre, ou est-ce que
5 l'Etat ou le gouvernement a affecté des automobiles au service de certaines
6 personnes, comme des policiers ?
7 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président --
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est une question particulièrement
9 directrice. Vous êtes autorisé à demander au témoin selon quelle méthode,
10 sur quelle base ces ventes se sont effectuées.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, il a été suggéré que ces hommes ont
13 vendu des voitures de modèle Golf, mais il n'a pas été dit qu'ils l'avaient
14 fait à des fins personnelles. Donc c'était une précision que je voulais
15 obtenir.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous mettez les mots dans la bouche
17 du témoin.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je dire quelque chose, Monsieur le
19 Président ?
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, l'autre jour je n'ai peut-être pas
22 été assez clair quand j'ai parlé de ces articles. Il y a eu des trafics de
23 toutes sortes. Mais s'agissant de voitures et en particulier de ces
24 voitures de modèle Golf et autres, c'étaient des véhicules qui étaient
25 donnés, ou bien, par exemple, telle ou telle municipalité pouvait avoir un
26 certain nombre de véhicules à sa disposition et permettait à des ministres
27 ou à d'autres personnalités ou organes de les utiliser.
28 Quant aux personnes dont les noms ont été liés à la vente de ces véhicules,
Page 38845
1 il est exact qu'ils ont exportés des voitures. Ces voitures ont
2 effectivement été vendues, c'est la vérité, mais l'argent qui en a été tiré
3 a été utilisé pour des objectifs différents que ceux dont on a parlé. Par
4 exemple, voyez-vous, nous avions des blessés qui étaient très éloignés de
5 l'endroit où nous nous trouvions, parce qu'en Republika Srpska nous
6 manquions d'hôpitaux. Donc, il nous fallait beaucoup de véhicules qui
7 étaient mis à la disposition des ministres, en particulier, pour leur
8 utilisation dans ce cadre. Autrement dit, ces objets avaient été assignés à
9 une utilisation bien particulière et étaient utilisés à des fins servant le
10 public.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Merci. On vous a interrogé ou, plutôt, il vous a été suggéré qu'il
13 aurait existé une entité serbe et que, dans ce cadre, il était nécessaire
14 de disposer d'un corridor. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre
15 pourquoi les Serbes des régions occidentales n'ont pas utilisé la Route de
16 l'unité et de la fraternité dans cette période ?
17 R. Monsieur le Président --
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.
19 Madame Gustafson.
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais que la période soit spécifiée à
21 l'aide d'une date. Je pense que ce serait utile.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien --
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.
24 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic --
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je pourrais --
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.
Page 38846
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. M. Karadzic va reformuler sa
2 question.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. En page 53 du compte rendu, on vous interroge ou, plutôt, on vous donne
5 à penser une façon d'évoquer l'entité serbe, et dans ce contexte, il a été
6 dit que vous étiez favorable à l'ouverture d'un corridor au nord de la
7 Save, entre Zagreb et Belgrade, là où se trouve la grande route que l'on
8 appelle la Route de l'unité et de la fraternité. Pourquoi est-ce que la
9 partie serbe n'a pas utilisé cette grande route ? Pourquoi est-ce qu'elle
10 avait besoin d'un corridor au sud de la Save ?
11 R. [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Je n'ai pas trouvé cette
13 référence, mais Mme Gustafson souhaitait que vous précisiez une date ou une
14 période.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ah, c'était la veille, excusez-moi, ou, plutôt,
16 la semaine dernière, page 53.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Au moment où le corridor a été créé, eh bien, c'était le début de la
19 guerre, en juin 1992, et vous avez expliqué qu'il a été ouvert parce que
20 des bébés étaient en train de mourir, et cetera. Donc maintenant, je vous
21 demande si ce corridor était indispensable et pourquoi les Serbes ne se
22 sont pas servis de la grande route ?
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.
24 Madame Gustafson.
25 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
26 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Maintenant la période a été précisée, j'ai
27 un objection à soulever car les questions concernaient les propositions du
28 témoin au Dr Karadzic au sujet du corridor à l'automne 1991, alors qu'à
Page 38847
1 présent, la question porte sur la raison pour laquelle le corridor aurait
2 été ouvert en juin 1992, et donc nous assistons à une tentative d'établir
3 un lien entre la période évoquée dans la question actuelle et ce qui a été
4 dit dans les réponses antérieures du témoin pour une période différente. Je
5 pense que cela crée la confusion. Les questions que j'ai posées au sujet de
6 la création du corridor et des objectifs assignés à ce corridor en 1991
7 étaient liées à l'idée de créer une entité serbe distincte. Donc à présent,
8 la confusion règne si nous parlons de la situation de guerre en 1992 et de
9 l'ouverture du corridor à ce moment-là.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson ?
11 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je vois ici un point
12 qui n'est pas directement lié à cette partie de l'interrogatoire principal,
13 donc le Dr Karadzic pourrait peut-être lier cette question à un autre
14 point.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais un corridor peut servir le même
16 objectif dans des périodes de temps différentes. Madame Gustafson ?
17 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs
18 les Juges, en 1991, le conflit n'avait pas encore éclaté en Bosnie, et en
19 1992 il avait éclaté. Donc, étant donné que certaines parties du territoire
20 étaient, à mon avis, sous contrôle en 1992, il s'agit d'une question de
21 nature tout à fait différente par rapport à la question de la création d'un
22 corridor en 1991, avant le début du conflit armé, mes questions portaient
23 sur la période précédant la guerre.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux reformuler --
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre est d'accord avec la remarque
28 faite par Mme Gustafson. Veuillez passer à un autre sujet.
Page 38848
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais passer à un autre sujet.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Mais je voulais juste demande si en 1991, il s'était passé quelque
4 chose en Croatie, en octobre 1991 notamment, et est-ce la raison pour
5 laquelle nous n'avons pas pu utiliser l'autoroute ?
6 R. [aucune interprétation]
7 L'INTERPRÈTE : Inaudible.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Dernière question pour vous, Professeur : il semblerait que le Parti
10 démocratique serbe s'était battu pour exercer une influence à l'égard du
11 gouvernement. Vous qui n'avez pas été membre du SDS, y avait-il eu un
12 membre du gouvernement qui n'était pas membre du SDS, ou y avait-il
13 d'autres ministres qui n'étaient pas membres du Parti du SDS ou qui étaient
14 dans un autre parti ?
15 R. Ecoutez, ne me prenez pas au mot. Mais je crois qu'il y en avait trois
16 ou quatre, des ministres, qui n'étaient pas dans le parti du SDS ou dans
17 des partis autres.
18 Mais je voulais compléter quelque chose, une chose que vous n'avez
19 peut-être pas eu à connaître, et ça m'a semblé être inexact. Alors, si vous
20 le permettez, j'aimerais le dire. Pour ce qui est des déplacements en
21 Bosnie-Herzégovine.
22 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] Allez-y.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Fin juin ou mi-juin, au mont Igman, en 1991,
24 il y a eu une réunion consultative yougoslave, et on a fini une demi-
25 journée avant afin que les gens puissent rentrer chez eux. Et les gens de
26 Serbie, on leur a suggéré de ne pas descendre jusqu'à la Save ou de ne pas
27 aller emprunter l'autoroute. Nous leur avons dit de passer par la Romanija,
28 et cetera, je ne veux vous fatiguer outre mesure. Mais ce que je voulais
Page 38849
1 dire, par conséquent, c'est que la liberté de déplacement à compter du mois
2 de mai 1991 était déjà périlleuse, c'était risqué. Je vais vous dire qu'il
3 y en a qui ont pris l'autobus mais qui ne sont jamais arrivés à la maison,
4 ceux qui ont emprunté l'autoroute --
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Lukic --
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- je ne vous ai pas suivi. Vous avez
8 dit que vous vouliez corriger quelque chose au niveau de votre déclaration.
9 Ou était-ce une erreur ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas ma déclaration. Pour ce qui est
11 de la liberté de se déplacer en 1991 de façon libre en Bosnie-Herzégovine
12 et en Croatie. C'est ce que je voulais ajouter. Je voulais compléter pour
13 dire que ce n'était pas ainsi que les choses se produisaient.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] "Could not" il fallait entendre, ligne 18.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Le Dr Dragan Djokanovic était-il le ministre chargé des anciens
19 combattants ? Et si oui, à quel parti appartenait-il ?
20 R. Dragan Djokanovic était ministre chargé des anciens combattants.
21 Il venait d'un parti dont le nom m'échappe actuellement, croyez-moi bien.
22 Mais il avait un parti à lui.
23 Q. Est-ce que M. Kalinic à l'époque était membre du SDS ou est-ce
24 qu'il était dans un autre parti ?
25 R. Non, il faisait encore partie du parti à Markovic. Vous devez
26 forcément mieux le savoir, le nom de ce parti.
27 Q. Merci. Dernière question : est-ce qu'il est possible qu'un parti
28 au pouvoir autorise qu'un adversaire de taille soit nommé à des fonctions
Page 38850
1 d'importance ?
2 R. Ça n'a pas été possible, ni avant la guerre, ni pendant la
3 guerre, ni aujourd'hui. Du moins, pas sur nos territoires à nous. Dans
4 notre région, je veux dire.
5 Q. En page 27, la semaine passée, ligne 6, on a demandé ce qui du
6 fait de la double négation dans notre langue et de l'impossibilité de faire
7 ce type de négation en anglais n'était pas clair, vous avez répondu "oui".
8 Mais on a affirmé que votre travail ne consistait pas à procéder à des
9 prospections, à des recherches, et vous avez dit "oui". Alors, est-ce que
10 vous aviez pour travail les recherches au sujet de ce qui se passait ?
11 R. Mais quelles recherches ? Je ne sais pas de quelles recherches
12 maintenant vous êtes en train de parler.
13 Q. Pendant que vous étiez aux Nations Unies.
14 R. Oui. Je n'étais pas, moi, chargé de faire des recherches. Mais
15 les événements au fur et à mesure qu'ils se déroulaient, moi je les
16 consignais.
17 Q. Merci, Professeur. Je ne vais plus vous fatiguer davantage. Je
18 vous remercie d'être venu ici et de votre coopération.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Ceci met un terme à votre
20 témoignage, Monsieur Lukic. Au nom des Juges de la Chambre, je tiens à vous
21 remercier d'être venu à La Haye pour le fournir.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux prendre la parole ? Est-ce
23 que c'est habituel, coutumier, ou pas ?
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Lukic, ce n'est pas le
25 cas.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voulais vous souhaiter un bon voyage
28 de retour chez vous.
Page 38851
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais juste vous remercier, sans
2 plus.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
4 [Le témoin se retire]
5 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais que le témoin donne lecture
8 de la déclaration solennelle, s'il vous plaît.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
11 LE TÉMOIN : MILE POPARIC [Assermenté]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Poparic. Je vous
14 prie de vous asseoir et de vous mettre à l'aise.
15 Oui, Monsieur Karadzic, veuillez commencer.
16 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Poparic.
18 R. Bonjour. Je demanderais avant que de commencer, j'ai deux petits
19 rectificatifs à faire.
20 Q. On y viendra, on y viendra. Mais nous pouvons déjà conclure d'une chose
21 : nous parlons vite tous les deux et nous ne faisons pas de pause entre
22 l'un et l'autre. Donc je vous demande entre vos répliques et les miennes,
23 ou mes questions et vos réponses, il faut que nous fassions des pauses. Et
24 il faut que nos phrases, nous les formulions de façon assez lente afin que
25 tout puisse être consigné.
26 Et avant tout rectificatif, je voudrais vous demander de présenter aux
27 Juges de la Chambre, bien que cela fasse partie intégrante de votre
28 rapport, votre CV. Alors, est-ce que brièvement vous pouvez dire à
Page 38852
1 l'attention des Juges de la Chambre qui vous êtes, quelle est votre
2 formation et quel a été votre cursus professionnel.
3 R. De par ma profession, je suis ingénieur en mécanique. Ma spécialité,
4 c'est la balistique. J'ai fait des études à la faculté de mécanique à
5 Belgrade, au département de la balistique. C'est la seule école qu'il y
6 avait eu en ex-Yougoslavie pour étudier la balistique. Par la suite, ça a
7 été étudié à l'académie militaire de Zagreb, et je crois que maintenant
8 c'est aussi le cas à la Belgrade. Mais pour ce qui est de la formation
9 principale, les cadres en matière de balistique ont tous fait cette école à
10 Belgrade.
11 Q. Je vous demande de parler plus lentement.
12 R. A l'époque où j'ai fait mes études, on faisait des études dans tous les
13 domaines de l'armement - l'armement à propulsion par roquette, par fusée,
14 les armes classiques, munitions, et cetera. Alors il y a eu un département
15 général.
16 Mais à la fin des études de mécanique à cette faculté, j'ai fait une école
17 des officiers de réserve à Zagreb où j'ai eu ma formation militaire. C'est
18 là que j'ai eu à connaître la totalité des armes disponibles dans cette ex-
19 Yougoslavie, tant armes d'infanterie qu'armes d'artillerie. Et suite à
20 cette école, à la fin de ces études, je suis entré au service de la JNA en
21 tant que professionnel et on m'a affecté à l'usine Pretis, où j'ai
22 travaillé sur les constructions, d'abord, des propulsions par fusée et des
23 projectiles d'artillerie.
24 En 1991, j'ai été transféré suite à ordre, puisque j'étais officier, vers
25 un centre technique d'essai où j'ai travaillé jusqu'à la fin de ma carrière
26 professionnelle, et ma carrière professionnelle a pris fin en 2007.
27 Q. Mais ce centre, on l'appelle TOC chez nous, c'est un centre de test
28 technique ?
Page 38853
1 R. Oui, c'est un centre de test technique qui vérifiait, qui contrôlait la
2 totalité des dispositifs qui devaient faire partie de l'armement de la JNA
3 ou, plus tard, de l'armée de Yougoslavie.
4 Q. Merci. Est-ce que vous aviez eu un grade ?
5 R. J'ai été mis à la retraite avec un grade de lieutenant-colonel.
6 Q. Merci. Est-ce que ce centre d'essai technique avait eu une coopération
7 avec Pretis; et si oui, jusqu'à quand ?
8 R. Ce TOC avait une coopération de mise en place avec Pretis depuis
9 toujours. Cette coopération n'a jamais été interrompue, pas même en temps
10 de guerre et pas non plus après la guerre. J'ai travaillé pour le compte de
11 collègues de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, qui continuent à
12 travaillent dans cet établissement. Ils sont encore en train de se servir
13 des services de Pretis. Et j'ai coopéré avec pendant que j'étais actif.
14 Alors, ce TOC a toujours coopéré avec Pretis, pendant la guerre et même
15 après la guerre, Pretis faisant partie du territoire de la Fédération.
16 Q. Merci. Est-ce qu'après votre passage vers ce TOC et lorsque vous êtes
17 parti à Belgrade, est-ce que votre institution a vaqué à des activités
18 d'expertise et est-ce que vous avez participé à des tests qui ont par la
19 suite été utilisés à des fins officielles ?
20 R. Oui, nous avons fait des expertises dans le cadre de l'armée. Tous les
21 incidents survenus au niveau des armes ou des munitions, eh bien, il
22 fallait forcément que quelqu'un du TOC participe aux enquêtes ou aux
23 investigations. J'y ai participé, si mes souvenirs son bons, à plusieurs
24 reprises, à commencer par l'explosion de l'entrepôt d'armes à Vranje ou des
25 incidents au niveau de la troupe. Mais j'ai travaillé aussi pour le compte
26 du tribunal militaire de Podgorica, il y avait eu une expertise à effectuer
27 par les soins du TOC. Parce qu'officiellement ce TOC était chargé d'une
28 mission, et c'est là que je suis intervenu. Je ne l'ai pas mis dans mon CV
Page 38854
1 parce que je n'ai pas considéré cela comme étant si important.
2 Q. Quel est le relationnel qu'il y avait entre le TOC et le polygone de
3 Nikinci ?
4 R. Ce polygone de Nikinci fait partie intégrante du TOC. Ce TOC, il faut
5 que je le dise, dans cette République socialiste fédérative de Yougoslavie,
6 avait disposé de plusieurs polygones. C'était le polygone de Prevlaka, puis
7 celui de Nikinca et celui de Kalinovik. De temps à autre, on pouvait
8 utiliser Kalinovik qui appartenait à l'armée, si besoin était. Mais
9 Kalinovik, c'était un polygone de réserve pour des situations de guerre.
10 Le TOC avait une affectation en temps de guerre qui se trouvait à
11 Nevesinje, c'est là que se trouvaient les réserves de guerre du TOC. C'est
12 là que nous avons eu des plaques blindées, et pendant la guerre, ça s'est
13 avéré utile. Et ça été transféré en République fédérative, fédérale de
14 Yougoslavie. On a utilisé cela à Nevesinje, parce que c'était là que se
15 trouvait l'affectation en temps de guerre du TOC, Nevesinje. Le polygone,
16 lui, a été transféré à Kalinovik.
17 Q. Merci. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre où se situaient et se
18 situent aujourd'hui Nevesinje et Kalinovik ?
19 R. En Republika Srpska. Et pendant toute la guerre, c'était sur le
20 territoire de la Republika Srpska également.
21 Q. Merci.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D28759 à présent, s'il vous plaît. Je ne pense
23 pas que cela ait été versé au dossier. Donc 1D28759. Peut-être que ce
24 document n'a pas encore été versé au dossier.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez vérifier votre
26 numéro encore une fois, s'il vous plaît ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça a été bien consigné.
28 M. KARADZIC : [interprétation]
Page 38855
1 Q. Pendant que vous travailliez à Pretis et au centre d'essai technique,
2 vous étiez spécialisé dans les projectiles, mais est-ce qu'en plus vous
3 avez eu l'occasion de vous familiariser avec la majorité ou avec toutes les
4 armes et armements dont se servait la JNA ?
5 R. Oui, absolument, que ce soit à travers mon expérience professionnelle,
6 mes études, ou l'école d'officiers de réserve, j'ai eu cette occasion-là.
7 Q. Dans votre rapport, il est question de manuels régissant l'emploi des
8 fusils à tirs embusqués ou de mortiers, et cetera. Alors est-ce que vous
9 pouvez nous dire quels sont ces manuels et ces règles qui régissent
10 l'emploi de ces armes ? 1D07902, s'il vous plaît.
11 R. Donc ce règlement que je cite, c'est un document de base dont il est
12 fait usage dans l'armée pour chacune des armes qui fait partie de
13 l'armement de l'armée. Donc, par exemple, prenons un fusil, tout ce qu'il
14 convient de savoir lorsqu'on est appelé à utiliser cette arme fait partie
15 de cette règle. Donc, la construction de l'arme, plus concrètement
16 lorsqu'il s'agit de cette arme, comment on s'en sert, comment on se sert de
17 la lunette, comment on l'ajuste, comment on choisit les tireurs, quels sont
18 les tests pour sélectionner les soldats qui vont utiliser les fusils à tirs
19 embusqués.
20 Donc vous avez ces règles pour chaque arme et il y a une certaine
21 divergence. Bien entendu, pour le mortier de 82 millimètres, vous n'aurez
22 pas exactement les mêmes instructions ou les consignes que pour un fusil;
23 donc construction, emploi, bien entendu, les mêmes chapitres, mais en plus
24 on va donner des consignes pour le déploiement du mortier, des tables, les
25 éléments pour le calcul des tirs, ainsi que les calculs d'emploi ou
26 d'utilisation d'une munition en fonction des cibles. Donc, est-ce que ce
27 sont des tirs d'avertissement, est-ce que ce sont des tirs qui visent à
28 anéantir la cible ou autre. Et on précise également dans ces règlements qui
Page 38856
1 est l'instance compétente pour donner l'ordre d'emploi d'un mortier.
2 Par exemple, si le commandant apprécie qu'il convient de détruire une cible
3 compte tenu du danger qu'il constitue pour son unité, ce commandant peut
4 décider de donner l'ordre de détruire cette cible. Et, par exemple, prenons
5 un des cibles qui se situeraient à l'abri, 216 obus de 82 millimètres
6 seraient nécessaires pour une cible qui couvrirait 100 à 200 mètres sur une
7 certaine profondeur, sur 50 mètres de profondeur. Donc, le commandant de
8 cette unité serait compétent de donner cet ordre. Cela ferait partie de son
9 pouvoir discrétionnaire, et il n'aurait pas besoin de faire appel à un
10 échelon supérieur. Si on devait détruire trois ou plusieurs cibles de ce
11 type-là, il nous faudrait 600 obus, par exemple, donc une quantité de
12 munitions très considérable.
13 Et vous avez ces mêmes règles qui concernent différentes autres armes.
14 Enfin, toutes les armes sont décrites de cette manière précise.
15 Q. Dans l'acte d'accusation qui a été dressé contre moi, on fait état
16 souvent du recours disproportionné à la force. Alors prenons ces 216 obus
17 de 82 millimètres, ligne 15, comment est-ce qu'on établit ce nombre-là ? A
18 partir de quel moment est-ce qu'on parle de tirs disproportionnés, si 216
19 obus sont nécessaires pour ce type de cible ?
20 R. Il est difficile de l'évaluer. Je vous ai dit pour ce qui est des
21 règles qui régissent l'emploi des mortiers, le commandant a droit
22 d'apprécier que son unité se trouve menacée et qu'il convient de détruire
23 l'ennemi. Alors détruire l'ennemi, cela veut dire que 50 % du potentiel
24 ennemi sera détruit, donc c'est à partir de cela qu'on considère que
25 l'ennemi a été détruit. Mais tout dépendra de la situation. Donc c'est le
26 pouvoir discrétionnaire du commandant d'en décider, puis tout le reste
27 dépend des circonstances précises. Je ne pourrais pas aborder maintenant
28 cette question en détail puisque cela évolue en fonction de la situation.
Page 38857
1 Mais il faut utiliser beaucoup d'obus, et un nombre très important d'obus
2 peut être prévu pour détruire telle ou telle cible sans que cela
3 corresponde à l'utilisation disproportionnée. Et je suppose que la JNA
4 n'est pas la seule armée qui avait des règles qui régissaient cet emploi.
5 D'autres armées en ont également.
6 Q. J'attends que la transcription se termine et je vous invite à faire de
7 même.
8 R. Malheureusement, je ne vois pas la transcription.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait aider le témoin à suivre
10 à l'écran ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Très brièvement, je demande l'affichage du document D3560 dans le
14 système du prétoire électronique. C'est un document qui a été versé au
15 dossier par le truchement du témoin expert Subotic. Pourriez-vous nous
16 dire, s'il vous plaît, si ce document est quelque chose qui vous semble
17 connu, et est-ce que vous pouvez également nous dire ce qu'il représente ?
18 R. Oui. Ça, c'est une demande type de procéder à la vérification des armes
19 ou des munitions au polygone de Nikinci. Donc, il s'agit de l'obus de 120
20 millimètres et on demande que l'on vérifie si l'obus correspond aux
21 spécifications, donc à ses fonctionnalités. Puis nous avons une liste des
22 éléments - chemise, détonateur, charge primaire - puis les différentes
23 séries sont énoncées. Ça, c'est typiquement comment l'on demande que des
24 essais soient effectués sur des munitions à Nikinci et cela nous montre que
25 c'est en se basant sur les normes prévues pour les différents produits
26 qu'on a procédé à des essais, donc on a des spécifications qui précisent
27 quelles sont les conditions qui doivent être remplies pour qu'un produit
28 corresponde à la norme.
Page 38858
1 Et au polygone de Nikinci, on procédait suite à des demandes de ce
2 type-là aux essais prévus. Et si le produit correspondait aux normes, il
3 délivrait une attestation précisant que ce type de munition était conforme
4 et pouvait être produit et envoyé dans les différents entrepôts. Alors,
5 nous avons ici un document du 3 janvier 1994, signé par le directeur chargé
6 des contrôles à l'entreprise Pretis; Jokic, Miloje. Donc, ce qui montre que
7 même pendant la guerre, les procédures de vérification de contrôle de
8 qualité étaient entièrement respectées à Pretis.
9 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que signifie vérifier la série ?
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
11 Madame Edgerton.
12 Mme EDGERTON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je me
13 demande si on ne devrait pas demander si ce document a été mentionné dans
14 les différents rapports du témoin, et s'il a été cité où, puisque j'ai un
15 petit peu du mal à suivre.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
17 Monsieur Poparic ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, Monsieur Karadzic, je pourrais vous
19 répondre. Alors, concrètement, ce document-ci n'est pas mentionné dans mes
20 rapports. Cependant, comme j'ai collaboré avec Mme Subotic sur d'autres
21 rapports également, d'après moi, ce document permet de démontrer que le
22 contrôle qualité était assuré chez Pretis pour les différents produits,
23 parce que ça a été contesté justement pour les bombes aériennes, ça a été
24 contesté. Il a été affirmé que Pretis ne suivait pas les documents
25 techniques prévus, et ne cherchait pas à assurer la conformité, mais
26 d'après ce que je vois ici cela montre exactement le contraire, qu'il
27 respectait les vérifications nécessaires pour les munitions.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, merci. Vous pourrez continuer.
Page 38859
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Vous nous avez dit que vous connaissiez l'armement de la JNA. Alors je
4 demande l'affichage du document 1D07465 dans le prétoire électronique. Il
5 s'agit d'un enregistrement vidéo de l'ABiH, qui a été publié sur "YouTube".
6 Il s'agit de la 4e Brigade motorisée, du 1er Corps d'armée. De 00 : 02.35 à
7 00 : 2.55, s'il vous plaît.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.
9 Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit là d'un autre document
10 qui n'est pas mentionné dans le rapport du témoin ?
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Poparic ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça n'a un rapport avec nos rapports.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi ? Ça à voir avec vos
16 rapports mais il n'est pas mentionné dedans.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'est pas mentionné directement mais nous
18 avons des documents qui sont en relation précisément avec cet
19 enregistrement vidéo.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Commençons, s'il vous plaît, à 00 : 2.35 et
22 visionnons jusqu'à 00 : 2.55.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. J'attire votre attention sur les armes que nous allons voir.
25 [Diffusion de la cassette vidéo]
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Je ne suis pas sûr que nous ayons tout vu.
28 R. Oui, j'ai remarqué deux armes. Premièrement le lance-roquettes
Page 38860
1 multiple, à 12 tubes. Il est de fabrication chinoise. Le calibre est celui
2 de 107-millimètres. C'est un des lance-roquettes multiples très connus,
3 fabriqué par l'Iran et la Corée du nord, également. Il fait partie de
4 l'armement d'un grand nombre de pays. Ce lance-roquettes multiple ne
5 faisait jamais partie, il n'a jamais fait partie de l'armement de la JNA.
6 Il avait plutôt un autre lance-roquettes multiples de 128-millimètres de 32
7 tubes, fabriqué en 1963. Alors la portée de ce système appelé Plamen --
8 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Flamme.
9 -- était de 27 kilomètres, 90 [phon] mètres --
10 Correction de l'interprète : Ou, plutôt, c'était une autre pièce, de 130-
11 millimètres de calibre.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons besoin que vous répétiez,
13 Monsieur. Les interprètes ne peuvent pas suivre. Donc reprenez à partir du
14 moment où vous avez dit que le système était appelé Plamen.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc la JNA n'a jamais eu de lance-roquettes
16 multiple de 107-millimètres [comme interprété] dans son armement. Nous
17 avions ou, plutôt, ce lance-roquettes multiple est intéressant pour nous,
18 parce que dans le document que nous avons eu à examiner en l'espèce, nous
19 avons vu un document de KDZ du MUP de Bosnie-Herzégovine. Il y a une
20 expertise des traces après une explosion, rue de Grabocac[comme interprété]
21 qui s'appelait de Palmero Tojati, précédemment, où un appartement privé a
22 été touché par un obus de ce calibre-là. Et leur conclusion était qu'il
23 était arrivé d'Ilidza, et ils ont précisé que ce mortier faisait partie de
24 l'armement de la JNA, ce qui était inexact.
25 Et je précise que le mortier que nous avons vu aussi au mont Igman n'aurait
26 pas pu atteindre la rue de Palmero Tojati, parce que sa portée était de 8
27 500 mètres. Et que la distance entre Igman et cette rue-là était un peu
28 plus grande. Donc si les enquêteurs sont arrivés à la conclusion que la
Page 38861
1 provenance du tir était Ilidza, ça n'aurait pu provenir en fait que
2 d'Alipasino Polje, de la zone industrielle. Puisque comme je viens de le
3 dire, la JNA n'avait pas ces mortiers-là, et je ne suppose pas la VRS non
4 plus, du moins je n'ai pas, jamais pu constater que la VRS en ait eu.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Ligne 25, page précédente, il ne s'agit pas de 127-millimètres mais
7 107-millimètres.
8 R. Oui, 107.
9 Q. Merci.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut verser cet extrait au
11 dossier ?
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.
13 Mme EDGERTON : [interprétation] Je suis en train de me demander quelle est
14 la finalité de ces questions. Nous avons là un deuxième document qui ne
15 figure pas dans les notes de bas de page des rapports dont le témoin est
16 l'auteur, et qu'il s'agisse d'un témoin expert ou non, cela n'empêche pas à
17 la Défense de notifier l'Accusation des documents qu'elle a l'intention
18 d'utiliser, au contraire, en particulier lorsqu'il s'agit de documents qui
19 n'ont pas été mentionnés dans les rapports. Il me semble bien en plus que
20 nous abordons des points qui n'ont absolument aucune pertinence, et qui se
21 situent à l'extérieur du cadre du rapport du témoin.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, justement j'étais en train de me
23 demander quelle était la finalité de ces questions.
24 Maître Robinson.
25 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. S'agissant de la
26 pertinence, je pense qu'on essaie d'établir un lien ici avec les obus qui
27 sont tombés à Alipasino Polje, le janvier 1994, et que la provenance de ces
28 tirs n'était pas le côté serbe de Bosnie. Et s'agissant de la notification,
Page 38862
1 je pense que c'est une erreur, même s'il s'agit d'un témoin viva voce, nous
2 aurions dû avertir l'Accusation du fait que nous allions utiliser ces
3 documents donc je vous présente mes excuses.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Compte tenu du statut de M. Poparic,
5 c'est un témoin expert. Je m'attendais à ce que M. Karadzic cherche tout
6 d'abord à lui poser des questions lui permettant de verser au dossier ses
7 rapports, donc j'étais en train de me demander exactement où -- enfin
8 quelles étaient les intentions de M. Karadzic par ces questions-là. Et
9 aussi je ne sais pas d'où provient ce film. M. Poparic pourrait nous en
10 dire quelque chose.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce film est posté sur "YouTube". Nous voyons
12 qu'il est écrit : "Vidéo de Ligue patriotique," ici, donc c'est toute une
13 série de vidéo qui ont été postées par --
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez vous-même participé
15 à la réalisation de cette page internet ? Est-ce que vous avez participé à
16 l'enregistrement de ce -- est-ce que vous savez quand ça été filmé ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été diffusé par la télévision de
18 Bosnie-Herzégovine en 1993. Ça fait partie d'un programme diffusé à ce
19 moment-là, et l'ensemble de l'émission est accessible sur "YOuTube". Il
20 s'agit d'une vidéo qui porte sur la 4e Brigade motorisée, et ces
21 commandants s'expriment, et cetera.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, vu que nous n'avons pas beaucoup
23 de temps je ne voulais pas aborder la question des incidents. Je voulais
24 d'abord en terminer avec les questions générales pour aborder les incidents
25 demain, les incidents qui font l'objet du rapport.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous acceptons de verser au dossier les
28 extraits qui ont été diffusés. Un numéro de pièce à conviction, je vous
Page 38863
1 prie.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D3619, Monsieur le
3 Président, Madame, Messieurs les Juges.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
5 J'aimerais maintenant que l'on se penche sur le document 65 ter numéro
6 24216.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Je vous rappelle qu'il y a un instant vous parliez du rôle de certaines
9 pièces et du nombre de munition utilisée, donc j'aimerais que nous nous
10 penchions sur ce tableau pour que vous nous l'explicitiez ?
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.
12 Mme EDGERTON : [interprétation] Le document qui est affiché actuellement à
13 l'écran, le document 65 ter numéro 24216, n'est pas mentionné dans les
14 notes en bas de page du rapport rédigé par le témoin, si je ne me trompe,
15 or le témoin est le principal co-auteur et le principal signataire de ce
16 rapport, nous n'avons pas reçu notification de son intention d'utiliser ce
17 document. Comme je l'ai déjà dit, il faudrait que nous soyons informés à
18 l'avance.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
20 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je disais au Dr
21 Karadzic qu'à ce stade il devrait remettre à l'Accusation tous les numéros
22 des documents qu'il a l'intention d'utiliser pendant l'interrogatoire qu'il
23 conduit. Donc je ne sais pas si vous souhaitez que ce document vous soit
24 résumé oralement ou si vous préférez que nous suspendions l'audience un peu
25 plus tôt aujourd'hui pour qu'un temps suffisant soit disponible pour la
26 notification qui pourrait être faite cet après-midi de façon à ce que les
27 choses soient en place pour demain matin.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, le témoin ne peut parler de son
Page 38864
1 rapport dix minutes et il devrait continuer demain.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est possible, mais il faudra que nous
3 parlions de deux incidents et je ne voudrais pas interrompre la séance à ce
4 moment-là. Je suis à votre disposition.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, étant donné que la Chambre a
6 une autre audience cet après-midi, nous suspendrons plus tôt aujourd'hui.
7 --- L'audience est levée à 13 heures 37 et reprendra le mercredi 29 mai
8 2013, à 9 heures 00.
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28