Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 42429

  1   Le mardi 29 octobre 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. J'espère que

  6   nous avons tous eu un nouvel élan pour affronter les débats qui sont devant

  7   nous. Pour commencer aujourd'hui, plusieurs points que je souhaite aborder

  8   avant la comparution du témoin.

  9   Pour commencer, la Chambre rendra sa décision orale sur la requête aux fins

 10   de désignation de conseil de Tomislav Kovac aux fins de sa déposition en

 11   l'espèce déposée le 23 octobre 2013.

 12   La Chambre constate que l'Accusation a fait savoir par voie de courriel

 13   qu'elle ne souhaitait pas répondre à cette requête et que l'accusé a déposé

 14   ses arguments à l'appui le 28 octobre 2013. La Chambre a pris en

 15   considération l'article 5 de la directive sur la désignation de conseil,

 16   qui prévoit la désignation de conseil aux trois catégories de personnes :

 17   des suspects, des personnes accusées, ainsi que toute personne placée en

 18   détention entre les mains du Tribunal. Même si Kovac ne rentre dans aucune

 19   de ces trois catégories pour l'instant, compte tenu du fait qu'il a été

 20   auditionné par l'Accusation en tant que suspect à plusieurs reprises entre

 21   2003 et 2010 et qu'il s'est fait désigner un conseil pour sa déposition

 22   dans l'affaire Stanisic/Zupljanin en 2012, la Chambre ordonne au Greffe, à

 23   titre exceptionnel, de désigner un conseil à Kovac et autorise ce conseil

 24   d'être présent dans la salle d'audience pendant sa déposition.

 25   A présent, la Chambre aborde la requête de l'Accusation aux fins

 26   d'exclusion d'une partie de la déposition de Tomislav Kovac déposée le 21

 27   octobre 2013, ainsi que nous nous occuperons de la requête de l'Accusation

 28   demandant l'autorisation de répliquer à la réponse de l'accusé déposée le


Page 42430

  1   28 octobre 2013.

  2   L'Accusation demande que les paragraphes 7, 12 à 15, 19 et 20 de la

  3   déclaration préalable de Tomislav Kovac soient exclus puisqu'ils ne sont

  4   pas pertinents au vu des chefs de l'acte d'accusation. L'accusé, dans sa

  5   réponse déposée le 28 octobre 2013, s'oppose à cette requête en faisait

  6   valoir que l'Accusation avait l'autorisation de poser des questions sur des

  7   questions historiques. Egalement, le 28 octobre, l'accusé a communiqué une

  8   version revue et corrigée de la déclaration préalable de Kovac. Après avoir

  9   examiné ces arguments ainsi que la déclaration préalable, la Chambre estime

 10   que les paragraphes 7, 12, 14, 15, 19 et 20 devraient être exclus

 11   puisqu'ils portent sur des questions qui ne sont pas pertinentes au regard

 12   de l'acte d'accusation. Toutefois, la Chambre estime que le paragraphe 13,

 13   tel qu'il figure dans la version revue de la déclaration préalable, peut

 14   être maintenu parce qu'il a au moins quelque pertinence par rapport à la

 15   période couverte par l'acte d'accusation.

 16   La Chambre, par conséquent, fait droit à la requête partiellement et

 17   demande l'exclusion des paragraphes 7, 12, 14, 15, 19 et 20, donne

 18   l'autorisation à l'accusé de demander le versement du reste de la

 19   déclaration préalable de Kovac en application de l'article 92 ter et

 20   rejette la requête de l'Accusation demandant l'autorisation de répliquer.

 21   A présent, la Chambre rendra une décision orale suite à la requête de

 22   l'Accusation demandant la modification des pièces P4771 et P4772 déposée le

 23   25 septembre 2013.

 24   Dans cette requête, l'Accusation demande l'autorisation de modifier le

 25   rapport de l'expert Dusan Janc admis au dossier de l'espèce sous pli scellé

 26   en tant que pièce P4771, ainsi que la version expurgée, version publique,

 27   admise en tant que P4772, en remplaçant les tableaux qui font parti du

 28   rapport par des versions revues. L'Accusation fait valoir qu'elle a discuté


Page 42431

  1   de cette question avec la Défense le 18 septembre 2013 et que la Défense ne

  2   soulève pas d'objection quant à cette demande de remplacer les tableaux.

  3   La Chambre a revu les tableaux revus, et conformément à sa décision du 6

  4   mars 2012 portant sur le rapport d'expert du Témoin Dean Manning, la

  5   Chambre estime que les tableaux revus peuvent remplacer les versions

  6   anciennes et donne pour consigne à l'Accusation de les télécharger dans le

  7   système du prétoire électronique en tant que tels.

  8   A présent, s'agissant de la requête de l'accusé demandant le versement au

  9   dossier des documents ayant reçu des cotes provisoires, avant de rendre une

 10   décision sur cette requête, la Chambre souhaiterait savoir de la part de

 11   l'Accusation ce qu'il en est de ses arguments sur le document ayant reçu

 12   pour cote D2518.

 13   J'ai oublié de citer la date du dépôt de cette requête. Cette date est

 14   celle du 5 septembre 2013.

 15   La Chambre constate la réponse de l'Accusation à la requête de l'accusé du

 16   13 septembre 2013, où elle s'oppose à l'admission du document D2518 MFI sur

 17   la base des préoccupations relatives à l'authenticité compte tenu du fait

 18   que l'original du document en B/C/S n'est pas disponible. A ce stade, la

 19   Chambre souhaiterait que l'Accusation présente de nouveaux arguments sur

 20   les raisons pour lesquelles elle a des préoccupations quant à

 21   l'authenticité de ce document.

 22   Pour le reste des documents, je souhaiterais passer à huis clos partiel.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 24   [Audience à huis clos partiel]

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 42432

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21   [Audience publique]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il d'autres points à soulever ?

 23   Sinon, nous allons faire venir le témoin.

 24   Oui, bonjour, Maître Harvey.

 25   M. HARVEY : [interprétation] Avant de commencer, Mme Ellen Naughton est

 26   avec nous. Je voudrais la présenter. Elle fait partie de mon équipe depuis

 27   juin dernier. Elle est diplômée de l'Université Bond d'Australie, et elle a

 28   un diplôme de droit et de relations internationales. Je vous remercie.


Page 42433

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous invite à prononcer la

  6   déclaration solennelle.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN : JOHN ZAMETICA [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

 12   Installez-vous, mettez-vous à l'aise. Monsieur Zametica, avant de commencer

 13   avec votre déposition, je dois vous mettre en garde par rapport à un

 14   article de notre Règlement de procédure et de preuve que nous avons au

 15   Tribunal, il s'agit de l'article 90(E). Au titre de cet article, vous êtes

 16   en position de refuser de répondre à toute question posée par M. Karadzic,

 17   par l'Accusation, voire même par les Juges, si vous pensez que votre

 18   réponse risque de vous incriminer sur le plan pénal. Et ici, "incriminer"

 19   signifie dire quelque chose qui pourrait revenir à une reconnaissance de

 20   culpabilité au pénal ou dire quelque chose qui pourrait fournir des moyens

 21   de preuve ou des éléments permettant de voir que vous avez commis un crime.

 22   Toutefois, si vous pensiez que cette réponse risquait de vous

 23   incriminer et si, en conséquence, vous refusiez de répondre à cette

 24   question, je dois vous dire que le Tribunal a la possibilité de vous

 25   contraindre à y répondre. Mais dans cette situation-là, le cas échéant, le

 26   Tribunal ferait en sorte que votre déposition qui aurait été obtenue dans

 27   ce contexte, dans de telles circonstances, ne pourrait être utilisée en

 28   aucun cas contre vous, si ce n'est dans le cas de poursuite pour faux


Page 42434

  1   témoignage.

  2   M'avez-vous compris ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Karadzic,

  5   vous avez la parole.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellences. Bonjour à la partie

  7   adverse, avec tous mes respects. Je me félicite de voir que nous sommes

  8   tous en forme après cette pause.

  9   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Zametica.

 11   R.  Bonjour.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zametica, je sais que vous

 13   comprenez les deux langues, mais ici, tous les propos prononcés par M.

 14   Karadzic doivent être interprétés. Je vais donc vous demander de ménager

 15   une pause entre les questions et les réponses --

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais le faire.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- c'est vraiment indispensable ici.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, allez-y. Vous avez la parole.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Votre déposition se déroulera de vive voix, donc c'est de la manière la

 23   plus concise que je vais essayer de vous poser quelques questions

 24   pertinentes, et je pense que les réponses que vous apporteriez à ces

 25   questions-là devraient nous permettre de mieux comprendre la situation et

 26   tout ce que vous avez pu voir et connaître directement.

 27   Alors, présentez-vous, s'il vous plaît, brièvement; votre nom, prénom, nom

 28   du père, votre date et lieu de naissance, et d'autres renseignements


Page 42435

  1   personnels que vous considérez comme étant importants.

  2   R.  Je suis né à Banja Luka en Bosnie-Herzégovine en 1955. Muris est le nom

  3   de mon père. Il était Musulman. Ma mère, Olga, était d'origine mixte

  4   slovaque et allemande. Bien que né à Banja Luka, je n'y ai pas vécu pendant

  5   longtemps. Il y a eu un divorce entre ma mère et mon père pendant que

  6   j'étais encore bébé, et ma mère m'a emmené avec elle lorsqu'elle est

  7   revenue dans sa ville natale, en fait, un village slovaque au nord de

  8   Belgrade, dans ce qui était à l'époque la Province autonome de Vojvodine.

  9   J'ai eu pour prénom Omer, O-m-e-r, je l'épelle, donc c'est un prénom

 10   musulman. Tout comme François est un prénom français ou Helmut allemand, eh

 11   bien, Omer est un prénom qui sonne très musulman, et c'est le prénom qui

 12   m'a été donné à ma naissance. Mais j'ai grandi dans ce village slovaque de

 13   Padina, et ma langue maternelle, enfin, la langue de ma mère était le

 14   slovaque, et non pas le serbe ou le serbo-croate comme cela s'appelait.

 15   J'ai grandi dans un foyer où on parlait slovaque et allemand. Ma mère et ma

 16   grand-mère se parlaient uniquement en allemand. Et l'école primaire où

 17   j'étais inscrit était une école slovaque. Donc, en fait, j'ai grandi dans

 18   un environnement slovaque, une minorité ethnique en Yougoslavie à l'époque,

 19   avec beaucoup d'autres minorités ethniques à l'époque en Vojvodine.

 20   Par la suite, ma mère est partie travailler à Belgrade, et quant à moi,

 21   j'ai été inscrit à l'école à Belgrade, et donc j'ai fait l'école

 22   élémentaire à Belgrade par la suite, mais j'ai dû apprendre une nouvelle

 23   langue, le serbo-croate. Mais c'est uniquement pendant trois ans que nous

 24   sommes restés à Belgrade parce que, ensuite, ma mère est partie travailler

 25   à Ljubljana, la capitale de la République socialiste de Slovénie de

 26   l'époque, et c'est là que j'ai dû apprendre encore une nouvelle langue, à

 27   savoir le slovène, qui est considérablement différent du serbo-croate. Et

 28   c'est en Slovénie que j'ai continué l'école primaire et c'est là que j'ai


Page 42436

  1   commencé l'école secondaire.

  2   Et à l'âge de 18 ans, en 1973, j'ai déménagé avec ma mère en Angleterre

  3   pour des raisons familiales. Ma mère a décidé de se remarier et la personne

  4   de son choix, à ce moment-là, travaillait à Londres. Donc il m'a fallu

  5   apprendre encore une nouvelle langue, à savoir l'anglais. Et à l'époque où

  6   j'étais encore en ex-Yougoslavie, il m'est arrivé d'aller rendre visite à

  7   mon père à Sarajevo, c'est là qu'il vivait, et j'allais le voir plutôt

  8   fréquemment. Donc je voudrais dire par là que j'ai pu connaître l'ex-

  9   Yougoslavie plutôt bien, ou mieux qu'un Yougoslave moyen.

 10   Q.  Je vous remercie, Docteur Zametica. De manière concise, pourriez-vous

 11   nous dire quel a été votre parcours scolaire et académique ? Enumérez

 12   simplement les différentes étapes, s'il vous plaît, si cela est possible.

 13   R.  Pour ce qui est de l'université, je suis allé à plusieurs universités

 14   en Angleterre. J'ai un diplôme d'histoire moderne et de politique et un

 15   master d'histoire internationale du XXe siècle. J'ai également soutenu une

 16   thèse de troisième cycle. Je me suis spécialisé dans le domaine de la

 17   Guerre froide. Ce qui m'intéressait tout particulièrement, c'étaient les

 18   premiers stades de la Guerre froide, et c'est sur le planning stratégique

 19   militaire britannique que j'ai soutenu ma thèse pendant les premières

 20   étapes de la Guerre froide, 1945-46-47. Donc c'était sur cela que je me

 21   suis concentré principalement dans le cadre de mes recherches, et ma thèse

 22   n'avait rien à voir avec la Yougoslavie. C'était plutôt l'histoire

 23   britannique ou internationale.

 24   Entre mon master et ma thèse de troisième cycle, pendant quelque temps j'ai

 25   enseigné dans une école secondaire britannique, j'ai enseigné l'histoire

 26   moderne anglaise et européenne. Et par la suite, en 1980-81, j'ai fait mon

 27   service obligatoire dans la JNA, et c'était dans l'infanterie. C'était tout

 28   de suite après la mort de Tito. Mais après avoir fait mon service


Page 42437

  1   militaire, je suis revenu en Angleterre pour m'occuper de ma thèse, et

  2   c'est en 1986 que j'ai soutenu ma thèse de troisième cycle.

  3   Q.  J'espère que cette réponse comporte également tout ce que vous avez pu

  4   occuper comme postes dans le cadre de votre carrière. Est-ce que vous avez

  5   quoi que ce soit à ajouter ? Avant de vous occuper de notre crise, quels

  6   ont été les différents postes que vous avez occupés ? Vous avez été employé

  7   par différentes institutions, non, ou instituts ?

  8   R.  Oui, c'est exact. Mais avant de commencer à travailler à l'Institut

  9   d'études stratégiques de Londres, je pense que j'ai commencé à y travailler

 10   en 1990, j'avais occupé à temps partiel plusieurs postes. J'ai enseigné

 11   l'histoire internationale, l'histoire de la Guerre froide. J'ai enseigné

 12   pour l'"open university", j'avais un cours sur les armes nucléaires. J'ai

 13   enseigné l'histoire internationale dans un département de l'Université de

 14   Cambridge, et l'histoire internationale pendant quelque temps en tant

 15   qu'externe au collège Wadham. Mais je n'ai jamais été en poste.

 16   Cet institut que vous mentionnez, c'est l'Institut international d'études

 17   stratégiques, il m'a offert un poste en 1990, et c'est le moment où a

 18   commencé la décomposition de la Yougoslavie. Ils avaient besoin d'un expert

 19   sur les Balkans. Strictement parlant, je n'étais pas un expert sur les

 20   Balkans. J'étais un expert dans le domaine de la Guerre froide et j'avais

 21   publié des articles, des études sur la Guerre froide, mais j'ai publié

 22   également un article sur la Yougoslavie pour "The Times", et c'est ce qui a

 23   été remarqué. C'est à cause de cela qu'ils se sont dit qu'ils voulaient me

 24   rencontrer, parce qu'ils avaient besoin d'un expert sur les Balkans. Donc,

 25   tels ont été les quelques postes que j'ai occupés au Royaume-Uni. Donc on

 26   m'a offert ce travail et je l'ai pris.

 27   Après mon passage par l'Institut international d'études stratégiques,

 28   j'ai eu un poste de chercheur à la Polytechnique de Londres, qui allait


Page 42438

  1   devenir l'Université de Westminster. Vous le savez, ou peut-être vous ne le

  2   savez pas, que toutes les polytechniques du Royaume-Uni sont devenues du

  3   jour au lendemain des universités. Enfin, toujours est-il que c'était mon

  4   dernier poste au Royaume-Uni avant que je ne parte pour la Bosnie.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant d'aller plus loin, ligne 18, page

  6   précédente, il faudrait lire dans cette ligne "Institut international

  7   d'études stratégiques."

  8   Professeur Zametica, vous avez dit à un moment que vous êtes passé par la

  9   JNA. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus. Est-ce que c'était

 10   quelque chose d'obligatoire ? Et quelle était votre appartenance ethnique

 11   ou nationalité à l'époque ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] L'armée populaire yougoslave, la JNA de

 13   l'époque, eh bien, le système était tel en ex-Yougoslavie à ce moment-là

 14   que tous les hommes aptes âgés de 18 ans ou plus étaient obligés de faire

 15   leur service militaire. Il y avait une exception à cette règle, en fait, et

 16   cela s'appliquait à ceux qui résidaient à l'étranger. Donc, pour ce qui me

 17   concerne directement, je n'étais pas obligé de le faire parce que je

 18   résidais à l'étranger. Donc ce n'était pas obligatoire pour moi, je

 19   n'aurais pas enfreint la loi si je n'avais pas accepté de faire mon service

 20   militaire.

 21   Mais me concernant, cela a été une décision que j'ai prise moi-même,

 22   de mon propre chef. Je pensais que cela faisait partie du parcours naturel

 23   d'un homme et que ce parcours ne serait pas complet si on ne faisait pas

 24   son service militaire. Donc, même si nombre de personnes ont considéré que

 25   c'était étrange que je quitte le Royaume-Uni et que je me rende en

 26   Yougoslavie pour faire ce service militaire à un moment où il y a eu des

 27   rumeurs sur la possibilité d'une éventuelle attaque soviétique sur la

 28   Yougoslavie suite au décès de Tito, moi j'ai pensé, néanmoins, qu'il


Page 42439

  1   fallait le faire, et je n'ai pas de regrets là-dessus.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc je suppose qu'à ce moment-là

  3   vous étiez Yougoslave de par votre nationalité ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme vous le savez, en Yougoslavie, vous

  5   pouviez vous déclarer Serbe, Croate, Slovène ou autre, mais il y avait

  6   aussi une catégorie à part prévue pour ceux qui se considéraient comme

  7   Yougoslaves. Et dans les recensements qui ont été faits à l'époque où je

  8   vivais encore en Yougoslavie, je me déclarais toujours Yougoslave.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Je vous remercie, Monsieur Zametica. Veuillez nous dire en quelques

 12   mots, s'il vous plaît, ce que vous saviez et dans quelle mesure vous aviez

 13   des connaissances sur notre crise en Yougoslavie dans les années 1990,

 14   avant de venir en Bosnie et de rejoindre les dirigeants bosno-serbes ?

 15   R.  Alors, à l'Institut international des études stratégiques, j'avais pour

 16   responsabilité de rédiger ce qu'on appelait les papiers Adelphi, d'une

 17   centaine de pages, qui correspondent à un petit ouvrage que l'Institut

 18   publie sur différentes crises dans le monde ou des questions à caractère

 19   international qui doivent être abordées. Parce que la Yougoslavie, à la fin

 20   des années 1990 -- pardon, à la fin des années 1980, a commencé à se

 21   trouver dans une situation de crise, et on m'a demandé de préparer un

 22   article ou un papier sur la crise yougoslave.

 23   Au moment où j'ai commencé à travailler, il n'y avait pas de guerre encore,

 24   mais j'ai dû suivre la situation de très près. J'étais abonné à différents

 25   journaux de différentes régions de la Yougoslavie, et je me suis rendu moi-

 26   même dans différents endroits en Yougoslavie pour pouvoir faire les

 27   recherches nécessaires pour pouvoir rédiger ce papier. J'ai rencontré un

 28   certain nombre d'acteurs sur la scène yougoslave à l'époque, ainsi que des


Page 42440

  1   journalistes, des diplomates, des gens comme ça. Donc, oui, effectivement,

  2   j'ai dû suivre la situation de très près et j'ai dû faire des recherches

  3   très pointues, si vous voulez. C'est ce qu'on attendait de moi. Donc je

  4   suivais les événements au quotidien, oui.

  5   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Veuillez nous dire si nous nous

  6   connaissions vous et moi, si nous avions des relations personnelles ? En

  7   réalité, vous pourriez également nous dire quand nous nous sommes

  8   rencontrés pour la première fois et comment notre coopération avait évolué

  9   avant votre arrivée.

 10   R.  Nous ne nous connaissions certainement pas avant que la crise n'évolue.

 11   Il y avait une personne que je connaissais bien du côté bosno-serbe au

 12   début de la crise, et ça, c'était feu Nikola Koljevic. J'ai également

 13   rencontré Biljana Plavsic lors de l'une de mes visites en Yougoslavie, à

 14   Sarajevo. Mais je ne vous ai pas rencontré, me semble-t-il, avant l'année

 15   1992, et si je me souviens bien, nous nous sommes rencontrés pour la

 16   première fois à Villa Bosanka à Belgrade, après que la guerre avait déjà

 17   éclaté en Bosnie-Herzégovine. Mais nous avons eu des échanges par téléphone

 18   avant cette date-là. Donc nous nous connaissions par téléphone, et vous

 19   vous êtes sans doute renseigné sur moi par l'intermédiaire de M. le Pr

 20   Koljevic, peut-être par l'intermédiaire de Mme Plavsic également, mais nous

 21   ne nous connaissions certainement pas avant la crise. Je crois que j'ai

 22   répondu à votre question.

 23   Q.  Je vous remercie. Quand êtes-vous arrivé en Bosnie-Herzégovine, ou

 24   plutôt, en Republika Srpska, et quel poste occupiez-vous ? Quel était votre

 25   rôle au sein de la direction bosno-serbe ?

 26   R.  Je suis arrivé dans la Republika Srpska en octobre 1993, me semble-t-

 27   il. Lorsque je suis arrivé, je n'avais pas de poste en tant que tel, et on

 28   ne m'a pas confié de poste avant, me semble-t-il, le mois de février 1994,


Page 42441

  1   où vous m'avez nommé conseiller auprès de vous. Et mon rôle de conseiller,

  2   si vous voulez, portait sur la question des relations internationales, qui

  3   est mon domaine d'expertise. Autrement dit, il s'agissait de communiquer

  4   avec la communauté internationale. J'étais votre assistant concernant

  5   toutes ces questions liées aux organisations internationales, les efforts

  6   diplomatiques déployés par la Republika Srpska. Parce que dans toute cette

  7   histoire, ma connaissance de l'Occident et ma connaissance de la langue

  8   anglaise ont été déterminantes lorsque vous m'avez nommé à ce poste.

  9   Q.  Merci. Et, en règle générale, comment avez-vous été accueilli par moi,

 10   par les dirigeants bosno-serbes ?

 11   R.  Eh bien, le problème qui se posait à moi dans la Republika Srpska,

 12   c'étaient mes origines musulmanes. Quand je parle de "problème", moi je

 13   n'avais pas de problème avec cela, mais je crois qu'il y avait des

 14   personnes qui avaient un problème avec ça. Et le Pr Koljevic n'avait

 15   certainement pas de problème avec cela, vous non plus très certainement.

 16   Mais je crois que d'autres personnes avaient peut-être un problème avec

 17   cela, ce qui est compréhensible, je suppose. Car votre femme se méfiait de

 18   mes origines, et votre fille également, me semble-t-il. Elles ne

 19   m'appréciaient pas en raison de mes origines ethniques. Mais vous n'avez

 20   jamais manifesté quelque sentiment que ce soit qui laisserait entendre que

 21   vous aviez un problème avec ça. Bien au contraire, vous étiez très ouvert,

 22   et que même si vous connaissiez mes origines ethniques, eh bien, cela ne

 23   vous posait aucun problème. Je dois dire que si j'avais senti que vous ne

 24   m'appréciiez pas en raison de mon appartenance ethnique, je serais parti.

 25   Je n'aurais pas été à l'aise avec cela. Mais je ne me suis jamais senti mal

 26   à l'aise en votre présence en raison de cela. Je crois que certaines

 27   personnes dans l'armée ne m'appréciaient pas parce qu'elles voyaient en moi

 28   -- ils me soupçonnaient, mais je n'y ai pas prêté une très grande


Page 42442

  1   attention. Mais en votre présence et en travaillant avec vous, je me suis

  2   toujours senti à l'aise.  

  3   Je devrais peut-être ajouter qu'au sein de votre propre famille, votre

  4   femme et votre fille, comme j'ai appris par la suite de vous, avaient

  5   attiré votre attention sur le fait que j'avais des origines musulmanes et

  6   que je n'étais peut-être pas la personne qui devait être nommée à ce poste-

  7   là, mais je crois que vous avez combattu cela, et cela est tout à fait à

  8   votre crédit.

  9   Q.  Merci. Vous avez parlé de l'armée et des gens qui étaient proches de

 10   moi. Alors, outre vos origines ethniques, y avait-il d'autres raisons de

 11   vous soupçonner, peut-être vos origines britanniques ?

 12   R.  C'est possible. Mais je ne souhaite pas me livrer à des conjectures sur

 13   ce thème. Je ne sais pas vraiment ce que l'on disait de moi dans mon dos.

 14   Q.  Merci. Mais hormis cela, de façon générale, avez-vous réussi à

 15   comprendre ce qui se passait ? Avez-vous participé à ces réunions de remue-

 16   méninges, de prise de décision, surtout lorsqu'il s'agissait de prendre

 17   contact avec les organisations d'aide humanitaire et les étrangers ?

 18   R.  Compte tenu du poste que j'occupais au sein de la présidence, j'étais

 19   dans le secret de beaucoup de choses, énormément d'information, et tout ce

 20   qui était important. Et vous partagiez toujours des informations avec moi

 21   qui concernaient la scène internationale, la scène nationale et des

 22   informations portant sur vos relations avec Milosevic, vos relations avec

 23   l'armée de la Republika Srpska. Donc, tout ce qui était important et dont

 24   vous étiez au courant est quelque chose que, en principe, je savais aussi.

 25   Il est vrai que j'étais dans le secret de beaucoup de choses.

 26   Je ne lisais pas les rapports du renseignement. Cela, c'est vrai. Il

 27   y a deux types de rapports du renseignement qui parvenaient à la présidence

 28   au quotidien, il y avait tout d'abord le renseignement militaire et les


Page 42443

  1   affaires de Sûreté de l'Etat. Mais vous aviez votre conseiller particulier

  2   pour ces deux domaines. Je crois que c'était le général Subotic concernant

  3   les questions militaires et Gordan Milinic pour ce qui est des questions

  4   relatives à la Sûreté de l'Etat. C'étaient ceux qui lisaient ces rapports-

  5   là.

  6   Mais je dois dire qu'il n'y a pas grand-chose qui m'a échappé, je dois

  7   dire, parce que quelquefois vous partagiez avec moi ou parfois vous me

  8   montriez des rapports de renseignement. Je me souviens d'une occasion, je

  9   crois que c'était en 1994, où vous m'avez demandé de venir dans votre

 10   bureau, vous m'avez demandé de m'asseoir et vous m'avez remis un rapport.

 11   Vous m'avez demandé de le dire, et vous m'avez dit : "Je souhaite savoir ce

 12   que vous en pensez." Et donc, j'ai commencé à parcourir ce rapport, c'était

 13   un rapport du renseignement militaire signé par le général Tolimir, qui

 14   était à la tête du service de renseignement bosno-serbe, et c'était un

 15   rapport qui était assez long. Lorsque j'avais terminé la lecture de ce

 16   rapport, vous m'avez demandé ce que j'en pensais, et j'ai répondu :

 17   "Monsieur le Président, je n'ai jamais lu autant de balivernes de ma vie."

 18   Vous êtes parti d'un éclat de rire, et vous avez dit : "Précisément. C'est

 19   ce qu'ils font. Ils m'envoient des mensonges." Et vous m'avez dit : "Vous

 20   savez ce que je crois que fait M. Tolimir tous les matins ? Il se lève, il

 21   lit [comme interprété] son café, il lit les journaux, il prend ses ciseaux,

 22   il commence à découper des articles de journaux, fait des collages avec ces

 23   derniers, et ensuite prépare son rapport militaire qu'il m'envoie." Et si

 24   je me souviens bien, vous m'avez dit : "Plus jamais je ne lirais de telles

 25   balivernes." Donc l'histoire s'est arrêtée là.

 26   J'en parle parce que ceci permet d'illustrer le fait que ce que vous

 27   receviez de vos propres hommes, fin de citation, ne correspondait pas

 28   véritablement à du bon renseignement.


Page 42444

  1   Q.  Merci, Monsieur Zametica. Monsieur le Professeur, on vous a demandé de

  2   faire des allocutions publiques de temps en temps pour présenter les points

  3   de vue des dirigeants concernant certaines questions. Y a-t-il jamais eu

  4   des malentendus ? Avons-nous jamais dû présenter un déni ou nier ce que

  5   vous avez dit ? Ou est-ce que tout ce que vous avez dit était exact ?

  6   R.  Je ne me souviens pas d'une seule occasion où vous ou quelqu'un d'autre

  7   faisant partie de l'équipe dirigeante, des dirigeants civils ou des

  8   dirigeants militaires de la Republika Srpska, je ne me souviens jamais que

  9   vous ayez démenti ce que j'ai dit. Il n'y a jamais eu de démenti par

 10   rapport à ce que j'ai dit.

 11   Q.  Merci. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre si vous étiez au

 12   courant de mes opinions sur la guerre et la paix ? Et d'après ce que vous

 13   savez, quelles étaient ces opinions qui étaient les miennes ?

 14   R.  Eh bien, c'est une question assez grande que vous me posez. Je me

 15   souviens d'une occasion où nous étions en train de parler avec M. Yasushi

 16   Akashi, et vous lui avez dit -- je ne me souviens pas des dates exactes,

 17   mais je me souviens du fait que vous lui avez dit : "Monsieur Akashi, les

 18   cessez-le-feu ne m'intéressent pas. Ce qui m'intéresse, c'est un accord de

 19   paix permanent." Et je cite ces propos qui sont les vôtres pour illustrer

 20   votre attitude générale à l'égard de la guerre et de la paix.

 21   Bien évidemment, avant d'évoquer la question des cessez-le-feu ou des

 22   accords de paix permanents, il y a eu une période au cours de laquelle vous

 23   avez dû -- où vous étiez en train de négocier avec les Musulmans de Bosnie

 24   et les Croates de Bosnie au sujet d'un règlement politique lorsqu'il y

 25   avait encore la paix, donc avant que les hostilités n'éclatent en 1991 --

 26   en 1992, pardonnez-moi, en Bosnie. Et, bien évidemment, je suivais tout

 27   ceci depuis Londres, à l'Institut international des études stratégiques, et

 28   il y avait deux moments phare de cette époque. Alors, le premier moment


Page 42445

  1   était le moment où il s'agissait de trouver un accord politique pour régler

  2   le problème en Bosnie et qui est lié au nom de Adil Zulfikarpasic. Et

  3   l'autre moment est le plan de paix Cutileiro.

  4   D'après ce que je sais, vous avez fait de votre mieux pour parvenir à un

  5   accord avec M. Adil Zulfikarpasic, qui était le co-fondateur de Stranka

  6   Demokratska Akcija, le SDA, la partie musulmane, pour dire simple, la

  7   partie musulmane en Bosnie-Herzégovine. L'autre fondateur était, bien

  8   évidemment, M. Alija Izetbegovic. Mais M. Zulfikarpasic, que je connaissais

  9   personnellement avant la guerre, eh bien, M. Zulfikarpasic a quitté le SDA

 10   par la suite, qu'il avait fondé, et a fondé son propre parti, le

 11   Muslimanska Bosnjacka Demokratska [comme interprété], MBO. Mais on se

 12   souviendra de lui dans les livres d'histoire comme étant quelqu'un qui a

 13   déployé beaucoup d'efforts pour garantir la paix en Bosnie-Herzégovine

 14   avant ce qu'il craignait, c'est-à-dire la guerre qui a éclaté. Pour ce

 15   faire, il est allé rencontrer M. Izetbegovic et lui demander : Comment

 16   savez-vous ce qui se passe ? En été de l'année 1991, savez-vous, lui a-t-il

 17   demandé, ce que nous sommes sur le point de faire ? Nous allons commencer à

 18   nous battre les uns contre les autres, les Serbes et les Croates, et

 19   cetera. Et d'après le récit de Zulfikarpasic, M. Izetbegovic l'a autorisé

 20   et lui a permis d'aller négocier avec les Serbes un éventuel accord, une

 21   éventuelle transaction avec les Serbes, pour avoir quelque chose qui

 22   ressemblait à la Yougoslavie. Même si les hostilités avaient éclaté déjà

 23   avec la Slovénie et la Croatie le 25 juin 1991, pays susmentionnés qui

 24   avaient déclaré l'indépendance, et il y avait également le Serbie, le

 25   Monténégro et la Bosnie-Herzégovine.

 26   Et donc, M. Zulfikarpasic pensait qu'il avait le soutien de M. Izetbegovic,

 27   donc il vous a contacté, vous, ainsi que vos collègues au sein de la

 28   direction bosno-serbe, M. Koljevic, Mme Plavsic, M. Krajisnik, et d'après


Page 42446

  1   son récit, il y a eu un accord avec vous. Et par la suite, il s'est rendu à

  2   Belgrade pour rencontrer M. Milosevic, qui était également d'accord avec

  3   ces propositions qui correspondaient à quelque chose comme une Yougoslavie

  4   tronquée, qui comprenait la Bosnie-Herzégovine et éventuellement la

  5   Croatie. Mais la Croatie souhaitait faire sécession.

  6   Ce qui est important à cet égard, pour ce qui est de cette initiative de

  7   paix [inaudible] c'était que c'était la seule qui ne proposait pas une

  8   division territoriale de la Bosnie, et vous étiez d'accord avec cela,

  9   d'après M. Zulfikarpasic.

 10   Alors, tout ceci, évidemment, n'a eu aucun effet parce que par la suite, M.

 11   Izetbegovic, d'après M. Zulfikarpasic, a complètement changé de position et

 12   n'avait plus rien à voir avec l'accord avec lequel il était d'accord au

 13   début, et donc, tout ceci s'est effondré. Et c'était une tentative de paix,

 14   pas seulement en Bosnie-Herzégovine mais également dans le reste de la

 15   Yougoslavie, moins éventuellement la Slovénie et la Croatie. Donc les

 16   choses se sont mal passées. Et c'est la raison pour laquelle je parle de

 17   cette initiative de Zulfikarpasic, parce qu'on a oublié, me semble-t-il, le

 18   rôle que vous avez joué dans tout ceci. Et même si cela aurait été sans

 19   doute difficile de le mettre en œuvre et de mettre en œuvre l'ensemble des

 20   mesures, c'eut été difficile, mais c'eut été préférable à la guerre. Et

 21   comme je l'ai dit, rien de tout ceci n'a abouti.

 22   Et l'autre moment phare lors de ce processus de paix, concernant ces

 23   différentes initiatives qui visaient à trouver un accord de paix, eh bien,

 24   il y avait parmi ces mesures le plan Cutileiro, que vous avez soutenu

 25   également. Et au début, M. Izetbegovic était d'accord avec ce plan. Je ne

 26   me souviens plus exactement des dates, je ne sais plus si c'était en

 27   février ou en mars 1992. En tout cas, c'est la période qui nous intéresse

 28   aujourd'hui.


Page 42447

  1   Q.  Monsieur le Professeur, puis-je essayer de gagner du 

  2   temps ? Alors, par rapport à ce que vous savez concernant Zulfikarpasic,

  3   lui avez-vous parlé de cela ? Avez-vous appris certaines choses de lui dans

  4   les contacts personnels que vous avez eus ?

  5   R.  M. Zulfikarpasic et moi, nous parlions surtout de livres anciens; nous

  6   partageons la même passion pour les livres de collection sur les Balkans,

  7   que ces livres soient français, anglais ou allemands, et nous étions rivaux

  8   en quelque sorte jusqu'à un certain point en tant que collectionneurs. Mais

  9   il avait beaucoup plus d'argent, de fonds, que moi. Et nous avons également

 10   parlé de politique. Mais non, pour ce qui est de cette question-ci en

 11   particulier, nous n'avons pas abordé cette question ensemble. Je l'ai

 12   rencontré plusieurs fois, mais avant cette initiative-ci, je crois que cela

 13   date du mois juillet ou du mois d'août 1991. 1991, oui.

 14   Q.  Merci. Merci. Etant donné que M. l'Ambassadeur Cutileiro est venu

 15   témoigner ici, puis-je vous demander de résumer pour nous les différents

 16   points que je soutenais moi-même, ce que vous avez pu constater vous-même,

 17   et je veux parler des efforts de paix, des plans de paix, pour lesquels la

 18   communauté internationale a servi de médiateur ? Vous avez participé à

 19   certaines prises de décision dont j'ai parlé et vous avez présenté ces

 20   points de vue au grand public.

 21   R.  Après ces deux plans de paix, entre guillemets -- il semblerait que je

 22   n'ai pas assez de temps pour parler du plan Cutileiro, mais si vous dites

 23   que M. l'Ambassadeur Cutileiro est déjà venu témoigner, je pense que ce

 24   sujet a déjà été couvert, surtout depuis l'existence ce Tribunal. D'autant

 25   que moi-même je n'ai pas été impliqué personnellement.

 26   Mais pour ce qui est de votre question, celle que vous venez de poser

 27   maintenant, pour ce qui est des autres plans de paix, je crois qu'il y

 28   avait quatre autres plans pendant la guerre, à commencer par le plan Vance-


Page 42448

  1   Owen, qui a été suivi par le "Owen-Stoltenberg Plan", qui a été suivi par

  2   le plan du Groupe de contact et qui, pour finir, a été suivi par le plan de

  3   Dayton, qui était la conférence qui a permis de mettre un terme à la guerre

  4   en Bosnie-Herzégovine. Alors, si on regarde ces quatre plans, je crois que

  5   d'après ma propre expérience, étant donné que j'ai participé à la plupart

  6   de la négociation de ces plans, votre attitude consistait toujours à

  7   parvenir à un accord politique en Bosnie-Herzégovine qui agréerait à la

  8   partie serbe, ce qui est tout à fait compréhensible. Mais je crois qu'il

  9   n'y a pas un seul de ces plans auquel vous vous êtes particulièrement

 10   opposé, je ne pense pas. Et, pour l'essentiel, vous les avez tous acceptés.

 11   Vous avez même accepté le plan Vance-Owen. Cela, je le sais, car même si

 12   les Bosno-Serbes en tant que tels l'ont rejeté, vous-même personnellement,

 13   vous ne l'avez pas rejeté. Mais pas vous. Vous l'avez accepté. Vous avez

 14   informé les membres de l'assemblée de la Republika Srpska lors d'une séance

 15   à Bijeljina, me semble-t-il, avant le rejet définitif du plan Vance-Owen.

 16   Mais vous souhaitiez, en réalité, l'accepter. C'est ce que j'ai entendu

 17   dire de la part de quelqu'un qui a assisté à cela. Et vous avez, en

 18   réalité, signé le plan Vance-Owen à Athènes, me semble-t-il. Moi, je n'ai

 19   pas participé à cet événement-là, mais d'après ce que j'ai compris, c'était

 20   le cas.

 21   Et vous avez certainement accepté le plan Owen-Stoltenberg. Et vous avez,

 22   pour l'essentiel, également accepté le plan du Groupe de contact, qui

 23   finalement a été rejeté par les Bosno-Serbes. Mais le plan du Groupe de

 24   contact posait problème au niveau de sa sémantique plutôt qu'au niveau du

 25   fond de ce plan. Je sais que vous étiez personnellement en faveur de ce

 26   plan, mais vous ne pouviez pas le faire accepter par l'opposition -- je

 27   dirais, ceux qui y avaient un intérêt du côté bosno-serbe, certains membres

 28   de l'assemblée qui n'appréciaient pas les aspects territoriaux de ce plan.


Page 42449

  1   Je ne pense pas que la constitution de cela posait problème.

  2   Mais, bien sûr, vous avez également accepté le plan de paix de Dayton. Cela

  3   peut sembler être une évidence, mais vous avez envoyé une délégation à

  4   Dayton, et moi j'étais membre de cette délégation. C'était une délégation

  5   comprenant huit membres. Et, à Dayton, vous avez rejeté le plan de paix

  6   définitif. C'est peut-être quelque chose qui est connu ou non. Je ne pense

  7   pas que cela soit de notoriété publique dans la Republika Srpska ou en

  8   Serbie ou en Bosnie-Herzégovine.

  9   Alors, ce qui s'est passé le dernier jour à Dayton, le 21 novembre 1995,

 10   c'est que M. Milosevic, qui nous avait écartés, et nous avions donc à peine

 11   pris part aux travaux de la conférence de Dayton, et M. Holbrooke, qui

 12   était le principal acteur -- et qui intervenait pour le compte de la

 13   communauté internationale, si vous voulez, ou pour le compte des Etats-Unis

 14   - eh bien, je dois ajouter que cela ne veut pas dire la même chose, même si

 15   cela semble être le cas - cela ne gênait pas M. Holbrooke de nous ignorer.

 16   Donc la délégation de la Republika Srpska ne savait pas jusqu'au dernier

 17   jour ce qui avait fait l'objet de l'accord. Et le dernier jour, M.

 18   Milosevic est venu, accompagné de M. Bulatovic du Monténégro et de Milan

 19   Milutinovic, qui était le ministre serbe des Affaires étrangères, et il

 20   nous a montré cette carte. Et au moment où M. Krajisnik, le dirigeant de

 21   notre délégation à Dayton -- il est devenu tout rouge et il a dit à M.

 22   Milosevic que le peuple serbe et l'histoire ne lui pardonneront jamais

 23   cela. Et les membres de la délégation de la Republika Srpska, par la suite,

 24   ont eu une petite réunion au cours de laquelle chacun d'entre nous a dû

 25   afficher sa position à l'égard du plan de paix de Dayton, et nous avons

 26   tous dit que nous étions contre pour telle et telle raison.

 27   Et donc, nous avons quitté Dayton sans signer les accords de Dayton.

 28   Milosevic a fait signer l'accord par M. Milutinovic pour notre compte, mais


Page 42450

  1   les Bosno-Serbes n'ont pas accepté l'accord de Dayton.

  2   Et lorsque nous sommes arrivés à Belgrade, et nous avons voyagé dans

  3   le même avion avec M. Milosevic et sa délégation, eh bien, on nous a dit

  4   qu'il y aurait une conférence importante le lendemain à Belgrade et que

  5   nous devions rester à Belgrade, mais ce soir-là nous avons tous été arrêtés

  6   à différents endroits. Lorsque je dis "arrêtés", je veux dire que la police

  7   nous a tous interpellés et envoyés et conduits à une des prisons les plus

  8   luxueuses du monde, à Dobanovci, qui était l'ancienne villa du président

  9   Tito, à l'extérieur de Belgrade. Donc nous nous trouvions dans ce centre de

 10   détention luxueux; mais vous savez, les lignes téléphoniques étaient

 11   interrompues, nous ne pouvions contacter personne par téléphone. Et, bien

 12   sûr, nous nous sommes contentés de nous regarder mutuellement. Il était

 13   superflu de dire quoi que ce soit. Nous savions que nous venions d'être

 14   arrêtés. Et je ne savais pas si nous devions nous soucier pour nos vies,

 15   nous ne savions pas ce qui se passait.

 16   Alors, j'ai personnellement fait beaucoup de bruit en demandant qu'on

 17   me mette en contact avec M. Jovica Stanisic, qui se trouvait à la tête de

 18   la Sûreté de l'Etat serbe, que je connaissais plus ou moins. D'abord, on

 19   avait refusé ma demande, alors j'ai insisté et j'ai même commencé à crier

 20   en m'adressant aux hommes qui se trouvaient dans la villa. Et finalement,

 21   ils m'ont assuré un contact téléphonique avec lui. J'ai dit à M. Stanisic

 22   que je souhaitais qu'on me laisse partir puisque je n'avais pas vu ma femme

 23   depuis trois semaines et je souhaitais la rejoindre. Et ensuite, il a ri en

 24   me disant : Ecoute, je te laisserai partir, mais il faut que tu me

 25   promettes que le lendemain tu retourneras à la villa, parce que cette

 26   grande réunion se prépare et nous souhaitons que tout le monde soit

 27   présent. Et c'est ce que j'ai fait. Dès que je suis sorti, j'ai trouvé un

 28   poste téléphonique et je vous ai téléphoné en vous expliquant ce qui venait


Page 42451

  1   de se passer. Et corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois vous avoir dit

  2   que votre vie était peut-être menacée parce que je ne savais vraiment pas

  3   ce qui se passait en ce moment.

  4   Et à en juger par le ton de votre de voix -- parce que nous avions

  5   une sorte de langage entre nous, un langage presque codé. Et donc, à en

  6   juger par le ton de votre voix, j'ai compris que vous aviez décidé

  7   d'accepter le plan de Dayton, le plan de paix, et le lendemain, en effet,

  8   vous vous êtes présenté à cette réunion qui était organisée pour tous les

  9   Serbes. Seul le patriarche était absent, mais tous les autres étaient

 10   venus. Le président du Monténégro était présent lui aussi et tous les

 11   ministres de Milosevic. Heureusement, son épouse n'était pas là. Mais mis à

 12   part son absence et celle du patriarche, tout le monde était présent. Et je

 13   me souviens que M. Milosevic vous a poussé dans une petite pièce à un

 14   moment donné en vous donnant un stylo pour que vous signiez un document.

 15   Corrigez-moi si j'ai tort.

 16   Mais en tout cas, pour raccourcir mon récit, vous avez accepté le

 17   plan de paix de Dayton dans une situation où pas un seul membre de votre

 18   délégation ne l'avait accepté. Nous avions tous rejeté ce plan. Je ne sais

 19   pas si notre point de vue était intelligent ou non. J'ai des sentiments

 20   ambigus à cet égard. Mais en tout cas, nous avions rejeté ce plan, alors

 21   que vous, vous l'avez accepté.

 22   Q.  Merci, Monsieur le Professeur Zametica. Tous ces détails sont

 23   passionnants, mais il faut que j'accélère un petit peu mon interrogatoire.

 24   Vous avez évoqué l'opposition, vous avez évoqué les députés, et tous les

 25   efforts que j'ai dû investir pour arriver à des résultats concrets. Mais

 26   nous avons entendu la déposition d'un témoin expert, il s'agit du Dr Donia

 27   - et je signale aux parties au procès que je me réfère à son rapport

 28   d'expert - et dans son rapport, il a indiqué que l'assemblée de la


Page 42452

  1   Republika Srpska menait des débats très ouverts au cours desquels on

  2   pouvait entendre des critiques dirigées sur le compte de Mladic, de

  3   Karadzic, et cetera. Et là, je cite : "Malgré cela, l'assemblée adoptait

  4   unanimement, ou avec quelques voies contre, toutes les mesures importantes

  5   qui étaient proposées par l'équipe dirigeante. On ne menait que des débats

  6   très brefs au sujet de toutes ces mesures proposées."

  7   Alors, quel est votre point de vue sur cette déclaration ? Est-ce qu'il

  8   était facile pour moi de communiquer avec cette assemblée qui comprenait 83

  9   députés ? Est-ce que c'était quelque chose de très simple pour moi ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais que M. Karadzic nous donne la

 12   cote 65 ter de ce document et qu'il nous cite aussi la page pertinente.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Malheureusement, je suis incapable de me servir

 14   de mon ordinateur en ce moment et c'est pourquoi je suis incapable de vous

 15   donner les références. Mais il s'agit du rapport rédigé par Robert Donia,

 16   le chapitre qui est consacré aux différentes institutions, et la première

 17   institution étudiée est : "L'assemblée de la Republika Srpska." Cela figure

 18   dans la première partie de son rapport, tout au début.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sans doute pourriez-vous fournir la

 20   référence nécessaire à l'Accusation pendant la pause. Entre-temps, veuillez

 21   continuer.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur le Professeur, est-il nécessaire de répéter ma question ?

 25   R.  Non, cela est superflu. Est-ce que vous aviez des rapports faciles avec

 26   les députés de l'assemblée nationale qui étaient au nombre de 83, eh bien,

 27   non. La réponse la plus succincte serait de dire non. En fait, l'impression

 28   que j'ai eue au sujet de ce petit univers qui était la Republika Srpska


Page 42453

  1   était comme suit : bien que vous ayez le titre officiel du président, vous

  2   étiez un président impuissant, impuissant dans le sens où vos compétences

  3   n'étaient pas très larges, n'allaient pas très loin. L'impression que j'ai

  4   formée, et c'est un point de vue que je défends même au jour d'aujourd'hui,

  5   est que vous n'aviez que très peu de pouvoirs que vous pouviez exercer en

  6   Republika Srpska. A mon avis, d'autres acteurs avaient plus de pouvoirs que

  7   vous-même.

  8   Par exemple, mon sentiment était que l'armée de la Republika Srpska était

  9   une puissance en soi qui menait ses propres politiques à l'intérieur du

 10   pays comme à l'extérieur. L'armée affichait de l'insubordination à votre

 11   égard régulièrement. J'avais le sentiment que vous étiez incapable de

 12   contrôler la police ou les députés de l'assemblée, même en ce qui concerne

 13   les députés qui venaient des rangs de votre parti politique. J'avais

 14   l'impression que vous ne pouviez même pas contrôler votre chauffeur

 15   personnel ou votre épouse. Et j'avais certainement le sentiment que vous

 16   n'aviez aucun contrôle sur votre propre fille. Non pas que je veuille dire

 17   que votre épouse et votre fille étaient des acteurs politiques, mais votre

 18   fille avait un rôle à jouer sur le plan des médias internationaux. Donc

 19   vous étiez un président impuissant de ce point de vue. Vous n'exerciez

 20   qu'un contrôle très limité sur ce qui se passait dans cette situation très

 21   chaotique qui était celle qui régnait sur le territoire de la Republika

 22   Srpska entre 1992 et 1995.

 23   J'avais également le sentiment que vous n'aviez pas vos hommes au sein du

 24   gouvernement de la Republika Srpska. En revanche, vous bénéficiiez d'une

 25   certaine autonomie dans le domaine des affaires étrangères, et c'est en

 26   travaillant dans ce domaine avec vous que je me sentais à l'aise, parce que

 27   dans ce domaine vous aviez une influence à exercer et vous étiez un

 28   décideur. Et l'idée générale que je poursuivais était d'arriver à une


Page 42454

  1   solution politique qui serait favorable et juste, et vous avez beaucoup

  2   contribué à cet effet. Mais votre contribution dans les autres domaines a

  3   été insignifiante.

  4   Donc, pour revenir à la question que vous n'avez posée, non, vous n'aviez

  5   pas des relations faciles avec les 83 députés de l'assemblée, parce qu'ils

  6   affichaient tous des attitudes indépendantistes. Ils avaient tous leurs

  7   intérêts locaux à défendre. Ils se comportaient souvent d'une façon très

  8   arrogante. C'étaient des purs et durs, pour m'exprimer ainsi. Je ne sais

  9   pas où le Dr Donia a recueilli ses éléments d'information, mais

 10   manifestement il a tort dans ce qu'il affirme.

 11   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Un autre témoin expert, M. Treanor, a

 12   indiqué dans son résumé, paragraphe E15 :

 13   "Dans des situations extraordinaires, sur le plan formel, le président

 14   avait des compétences assez larges et il pouvait exercer un contrôle

 15   important sur l'armée et la police, ainsi que sur les autorités locales et

 16   régionales, et cela, par le biais des présidences de Guerre et des

 17   Commissions de guerre. Grâce à la grande majorité des députés du rang du

 18   SDS dans l'assemblée, la présidence exerçait un contrôle effectif sur les

 19   membres du gouvernement et, par le biais du SDS, sur les autorités locales

 20   et régionales."

 21   Vous avez évoqué tout à l'heure les autorités locales. Quelle était votre

 22   façon de voir mes rapports avec les autorités locales ? Pensiez-vous qu'il

 23   existait un pouvoir centralisé fort au sein du SDS ? Est-ce que le parti

 24   était unanime ? Etait-il très unifié ? Quel usage faisais-je de mes

 25   compétences constitutionnelles ? Ces compétences étaient-elles,

 26   effectivement, très larges ? Et quel était le rapport entre le pouvoir

 27   central et les autorités locales ?

 28   R.  Vous avez parlé d'un certain M. Treanor. Est-ce que vous vous référez à


Page 42455

  1   Ian Traynor, le journaliste du journal "The Guardian" ?

  2   Q.  Non. Il s'agit de Patrick Treanor. C'est un expert de l'Accusation pour

  3   des questions politiques.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le nom Treanor doit être épelé

  5   T-r-e-a-n-o-r.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Les acteurs locaux dans la Republika

  7   Srpska, ça, c'est une histoire à part, et c'est une longue histoire. A mon

  8   avis, et je parle en partie sur la base de mon expérience personnelle et en

  9   partie sur la base de ce que j'ai entendu dire -- donc, en partie je

 10   m'exprime en tant que témoin oculaire et en partie je vous rapporte ce que

 11   j'ai appris de la part des autorités locales. Les pouvoirs locaux dans la

 12   Republika Srpska étaient les seuls qui fonctionnaient dans le vrai sens de

 13   ce mot. Lorsque la Bosnie-Herzégovine s'est désintégrée et lorsque la

 14   Republika Srpska a été créée, le seul élément qui fonctionnait

 15   véritablement c'était les anciennes autorités locales et les hommes qui

 16   travaillaient au sein de ces autorités du côté des Bosno-Serbes. Et ces

 17   hommes étaient très puissants, d'après ce que j'ai pu dire. C'étaient des

 18   barons locaux. Ils maîtrisaient la vie et la mort dans leur province.

 19   C'étaient les hommes qui dirigeaient leurs municipalités et qui ne posaient

 20   pas beaucoup de questions à vous-même ou à M. Krajisnik ou à d'autres

 21   dirigeants. C'étaient des hommes très puissants qui prenaient pratiquement

 22   toutes les décisions qui concernaient le territoire de leurs municipalités.

 23   Ils avaient le sentiment que c'étaient eux les personnes les plus

 24   importantes, et ils avaient le sentiment que si leurs municipalités

 25   devaient tomber entre les mains des Musulmans, alors cela aurait été la fin

 26   de tout le peuple serbe dans sa totalité.

 27   Je pense que vous n'aviez que très peu d'influence sur ces personnes,

 28   surtout au début de la guerre, où il était difficile d'établir des


Page 42456

  1   communications et la situation qui prévalait était chaotique. Je dirais que

  2   les puissances ou les forces locales de la Republika Srpska essayaient même

  3   parfois de miner votre autorité et vos intérêts de temps en temps, parce

  4   qu'ils n'avaient pas une vision large de l'Etat dans sa totalité. L'Etat

  5   était seulement sur le point d'être créé. Et il faut donc envisager toute

  6   la situation dans son contexte particulier.

  7   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Et saviez-vous quelles avaient été les

  8   compétences des municipalités dans le système socialiste précédent ? Quel

  9   était le degré de l'autonomie dont ils bénéficiaient, notamment dans le

 10   domaine de la défense ? Savez-vous si les restes du système socialiste ont

 11   continué à fonctionner pendant la guerre en Bosnie ?

 12   R.  Non. Je ne peux pas dire que je suis un expert dans le domaine des

 13   responsabilités et des compétences dont bénéficiaient les municipalités

 14   avant la guerre, mais mon sentiment était que leurs compétences étaient

 15   assez larges, notamment pour ce qui est de la défense sur le plan local.

 16   Dans le système de l'ex-Yougoslavie, il existait un élément appelé la

 17   Défense territoriale, et j'imagine que cet élément a continué à fonctionner

 18   une fois la guerre éclatée.

 19   Q.  Merci. Vous avez évoqué l'armée tout à l'heure. Savez-vous si j'ai

 20   participé au commandement de l'armée sur le plan tactique et opérationnel,

 21   et si oui, dans quelle mesure ?

 22   R.  Je ne pense pas que vous ayez participé du tout au niveau tactique et

 23   opérationnel. Je pense que vous avez laissé ces niveaux de commandement à

 24   l'armée elle-même. Vos responsabilités se limitaient à un niveau

 25   stratégique, mais quant aux décisions opérationnelles et tactiques prises

 26   au quotidien, je ne pense pas que vous ayez participé à la prise de

 27   décision.

 28   D'après mon expérience, les débats que nous avons menés concernaient


Page 42457

  1   surtout la situation internationale, les plans de paix qui étaient en

  2   gestation. Pendant 90 % de notre temps, nous discutions de ce type de

  3   sujets. Je ne me souviens pas d'un discours que vous auriez tenu quant aux

  4   choses qui étaient censées être faites par l'armée. En tout cas, vous ne

  5   m'en parliez pas. Dans mes souvenirs, vous n'étiez pas quelqu'un qui se

  6   préoccupait au quotidien par les opérations militaires. Vous savez, c'était

  7   une guerre de basse intensité. Pendant de nombreux jours, il n'y avait pas

  8   de combats intenses. Bien sûr, des tireurs d'élite étaient toujours actifs,

  9   il y avait toujours des pilonnages, des bombardements, quelques combats

 10   par-ci et par-là, mais les opérations à grande échelle étaient rares et

 11   séparées par de grandes pauses.

 12   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire quelle était mon attitude vis-à-

 13   vis des combats et des pauses dans les combats, vis-à-vis des activités de

 14   tireurs d'élite, vis-à-vis des bombardements ? Qu'est-ce que vous avez pu

 15   observer quant à l'attitude que j'affichais vis-à-vis de la guerre qui

 16   était en cours et vis-à-vis de tous les développements sur le terrain ?

 17   R.  Comme je l'ai déjà indiqué, ce n'est pas un sujet dont nous

 18   débattions souvent. Je me souviens que vous avez dit une fois que les

 19   activités des tireurs d'élite bosno-serbes étaient quelque chose d'idiot,

 20   que ces activités ne permettaient pas d'obtenir un véritable avantage

 21   militaire et qu'elles, en fait, étaient contre vos intérêts et que vous

 22   vous y opposiez. Parfois, vous pensiez que certains bombardements étaient

 23   irresponsables. Il y a eu des bombardements que vous n'aviez pas approuvés

 24   ou que vous avez jugés superflus ou absurdes. Mais nous ne parlions pas

 25   vraiment très souvent de choses militaires. Je pense que vous étiez surtout

 26   préoccupé par la question d'arriver à un accord politique. C'était là le

 27   sujet dont nous débattions le plus souvent. Nous n'étions pas tellement

 28   concernés par ce qui se passait sur les champs de bataille. Ce n'était pas


Page 42458

  1   un sujet prioritaire à nos yeux.

  2   Q.  Merci. Est-ce que vous avez pu vous faire une idée de l'attitude

  3   adoptée par moi et par les dirigeants bosno-serbes vis-à-vis de la

  4   situation humanitaire des civils de l'autre partie ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Nous

  6   allons revenir à cette question après la pause. Monsieur Zametica, vous

  7   venez de dire que M. Karadzic s'opposait aux activités des tireurs d'élite

  8   sur le terrain, qu'il s'opposait à des bombardements, qu'il pensait que

  9   cela ne servait pas les intérêts de la partie bosno-serbe. Alors, compte

 10   tenu de cette déclaration que vous venez de faire, de quels bombardements

 11   et de quelles activités de tireurs élites parliez-vous exactement ? A quels

 12   bombardements et à quelles activités de tireurs d'élite faisiez-vous

 13   référence en particulier ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne parlais pas d'un incident particulier.

 15   J'en parlais en général. Le Dr Karadzic ne l'approuvait tout simplement

 16   pas. En fait, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question. Vous

 17   me demandez à quels bombardements et à quelles activités de tireurs d'élite

 18   j'ai fait référence ? Est-ce que vous avez compris que j'avais fait

 19   référence à un incident particulier ? Ou est-ce que vous me demandez de

 20   préciser l'attitude générale affichée par M. Karadzic vis-à-vis de ce sujet

 21   ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai tout simplement cité ce que vous

 23   avez dit à la ligne 13 du compte rendu d'audience, en répondant à la

 24   question posée par M. Karadzic : 

 25   "Je me souviens vous avoir entendu dire que les activités de tireurs

 26   d'élite bosno-serbes étaient quelque chose de stupide, puisque cela

 27   n'assurait aucun avantage militaire…"

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien ce que j'ai dit. Je me


Page 42459

  1   souviens que M. Karadzic l'avait dit --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais moi, je vous ai posé la

  3   question de savoir si vous saviez à l'époque à quelles activités de tireurs

  4   d'élite le Dr Karadzic se référait à l'époque. Et vous avez évoqué dans la

  5   suite de votre réponse :

  6   "Des bombardements irresponsables ou absurdes ou des cas où il y a eu des

  7   bombardements de ce type…"

  8   Alors, de quels bombardements irresponsables parliez-vous ? Est-ce que vous

  9   pourriez être un peu plus explicite et élaborer un petit peu ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne me peux pas élaborer parce que j'ai

 11   évoqué tout simplement une conversation où ce sujet a été évoqué de façon

 12   très générale. Il n'était pas question d'instance de bombardement

 13   particulier ou d'incident ou d'événement particulier impliquant des tireurs

 14   d'élite ou des bombardements.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais dans votre réponse, vous avez parlé

 16   de bombardements irresponsables, donc j'imagine que le Dr Karadzic a dû

 17   évoquer un cas de bombardement irresponsable ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais plus si c'est quelque chose qu'il

 19   savait concrètement, mais je me souviens qu'il m'avait dit qu'il y a eu des

 20   officiers idiots qui se comportaient d'une façon irresponsable. Je ne peux

 21   plus vous citer de noms, je ne m'en souviens pas. Je ne peux pas citer non

 22   plus un événement en particulier. Mais de façon générale, il affichait une

 23   attitude très critique vis-à-vis de l'armée. J'avais l'habitude de

 24   l'entendre dire que ce général-ci ou ce colonel-là se comportait d'une

 25   façon irresponsable, des choses de ce genre, très générales. Mais je ne

 26   peux pas vous citer un événement concret ou un nom concret parce que je ne

 27   m'en souviens plus.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Je vois quelle heure il est.


Page 42460

  1   Nous allons poursuivre nos travaux après la pause et nous allons les

  2   reprendre à 11 heures.

  3   --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

  4   --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Tieger.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

  7   Madame et Messieurs les Juges. Très brièvement, une question d'intendance

  8   liée à la décision en suspens relative au sauf-conduit ou à l'injonction à

  9   comparaître concernant M. Kijac. Je voulais simplement relever

 10   qu'indépendamment du résultat de la décision qui sera prise, les parties

 11   ont convenu de la date de comparution pour M. Kijac, il s'agira de la

 12   première semaine de décembre, et non pas de la date qui a été indiquée

 13   précédemment.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 15   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Docteur Zametica, je crois qu'avant la pause une question a été posée

 18   quant à ce que vous aviez pu observer au sujet de mes positions relatives à

 19   l'aide humanitaire, aux besoins d'aide humanitaire qui étaient ceux des

 20   civils se trouvant sur notre territoire. Est-ce que vous avez eu la

 21   possibilité d'observer la position qui a été la mienne à l'égard de leurs

 22   besoins 

 23   humanitaires ?

 24   R.  Je crois que vous avez été très coopératif pour ce qui concerne les

 25   besoins humanitaires, le passage des convois d'aide humanitaire, bien que

 26   vous vous soyez fréquemment plaint de l'attitude de l'armée, en des termes

 27   qui étaient parfois mêmes vulgaires pour décrire ce comportement. Je crois

 28   qu'en réalité, vous étiez régulièrement frustré de voir que l'armée, peut-


Page 42461

  1   être, ne se montrait pas si coopérative que cela pour ce qui était de

  2   laisser passer les convois humanitaires, en tout cas pas aussi coopérative

  3   que vous auriez souhaité la voir.

  4   Alors, je devrais peut-être dire dans ce contexte qu'il s'agit de la VRS,

  5   de l'armée de la Republika Srpska, et que celle-ci désolait souvent des

  6   activités illégales dans le contexte des convois humanitaires, par exemple,

  7   la contrebande d'armes. Donc c'était peut-être la raison qu'avait la VRS de

  8   s'opposer au passage de tels convois, si elle avait des raisons de

  9   suspecter ou si elle avait effectivement découvert que des convois

 10   humanitaires livraient des marchandises autres que celles destinées à

 11   couvrir les besoins humanitaires. Je parle d'armes ici.

 12   Mais dans l'ensemble, je dirais que vous aviez une attitude coopérative en

 13   la matière. Et je crois que le meilleur exemple de cela remonte peut-être

 14   au mois de juin 1992 lorsque vous avez donné votre accord à la remise aux

 15   Nations Unies, au passage sous contrôle des Nations Unies de l'aéroport de

 16   Sarajevo, et ceci, pour des motifs d'ordre humanitaire. Ce faisant, vous

 17   avez renoncé à un avantage militaire et stratégique que les forces de la

 18   VRS avaient obtenu en prenant le contrôle de l'aéroport. Cela, peut-être,

 19   vous a coûté en fait la victoire et la guerre. Enfin, c'est ce que j'aurais

 20   à dire en général sur ce point.

 21   Q.  Merci, Docteur Zametica. Y a-t-il eu des exemples ou des incidents

 22   suite auxquels on a procédé à la fermeture de certains axes ou corridors,

 23   leur fermeture au passage de véhicules civils ou à fins commerciales ?

 24   Quelle était notre attitude par rapport aux convois humanitaires par

 25   opposition à celle que nous avions à l'égard de la circulation des

 26   véhicules civils ou commerciaux ?

 27   R.  Je me rappelle d'une occasion en 1995, avril ou mai 1995, où vous avez

 28   en fait ordonné la fermeture des routes bleues. Cela était lié à l'activité


Page 42462

  1   de tireurs isolés bosno-musulmans qui avaient tué des jeunes filles serbes.

  2   Il y avait eu un tollé suite à ces événements, et je me rappelle cela parce

  3   que j'ai vu les cadavres de ces deux jeunes filles à la télévision, et les

  4   gens étaient très choqués par cet événement. Vous avez réagi à cette

  5   occasion particulière, je crois, et vous avez ordonné la fermeture de ces

  6   routes.

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que nous affichions à l'écran le

  9   document 1D25093.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Veuillez examiner le haut de la page. Est-ce que vous vous rappelez ces

 12   événements ? Est-ce que ceci cadre avec le souvenir que vous avez des

 13   événements à l'époque ? En haut de la page, vous voyez les détails.

 14   R.  Oui. Je n'ai aucun commentaire particulier à faire, rien à ajouter.

 15   Cette déclaration cadre avec la situation de l'époque. Je ne vois pas la

 16   mention d'une date précise. S'agit-il de juin 1994 ?

 17   Q.  Juillet.

 18   R.  Donc, juillet 1994.

 19   Q.  Et est-ce que vous voyez ce qui a été relaté par "Borba" par rapport

 20   aux propos que vous avez tenus ? Est-ce que ceci cadre avec la connaissance

 21   que vous avez de la fermeture des routes, à savoir qu'elle concernait la

 22   circulation des véhicules civils et non pas le passage des convois

 23   humanitaires ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde, essayons

 25   de préciser de quoi il s'agit exactement. Monsieur Zametica, est-ce que

 26   vous lisez bien comme nous la première phrase de ce document : "Vecernje

 27   Novosti," le 28 juillet 1994 ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois ceci en haut de page.


Page 42463

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous dire de quoi il

  2   s'agit ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une déclaration que j'ai faite

  4   concernant des allégations proférées par la partie musulmane d'après

  5   lesquelles la partie serbe bloquait le passage des convois humanitaires.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] "Vecernje Novosti", de quoi s'agissait-

  7   il exactement ?

  8     LE TÉMOIN : [interprétation] "Vecernje Novosti" est un journal à très

  9   grande diffusion, un journal de Belgrade.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc je suppose que nous avons ici, en

 11   fait, un extrait de ce journal "Vecernje Novosti" sous la plume de ce M.

 12   Markovic ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document, s'il vous plaît ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous allez utiliser également

 17   la page suivante ? Ou bien, ne faut-il verser que cette page-ci ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, uniquement cette page-ci. Parce que ce qui

 19   nous intéresse, c'est uniquement la partie qui va jusqu'à l'intertitre

 20   suivant, à la même page. Donc, les propos tenus par M. Zametica et ce qu'en

 21   a rapporté "Borba".

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections, Madame Edgerton ?

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Non.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D3928, Madame

 25   et Messieurs les Juges.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Zametica, il y a quelques instants, vous avez parlé de ces


Page 42464

  1   accusations -- de ces fausses accusations consistant à attribuer aux Serbes

  2   des actes qu'ils n'avaient pas commis. Qu'est-ce que vous pourriez nous

  3   dire, de quelle façon nous étions présentés dans les médias ? Quel était le

  4   tableau que les médias dressaient dans nous et comment se présentait cette

  5   façon de procéder dans son ensemble, ces ruses consistant à dresser ce

  6   tableau de nous dans les médias tel qu'il existait ? Est-ce que ceci

  7   cadrait avec ce que vous pouviez observer dans la réalité de notre

  8   comportement ?

  9   R.  Alors, c'est la deuxième question assez complexe que vous me posez

 10   concernant les médias. J'aurais tendance à dire que les médias

 11   internationaux, dans leur ensemble et en général, rendaient compte de la

 12   guerre en Bosnie de façon très partiale. C'était tout en noir ou tout en

 13   blanc. Et ils avaient tendance à soutenir la partie musulmane, qui était

 14   présentée comme étant la victime, tout en décrivant la partie serbe comme

 15   étant l'agresseur. C'est ce que je dirais en termes généraux.

 16   Peu de journalistes occidentaux sont venus à Pale, tout comme il y en a peu

 17   qui sont allés à Grbavica, quartier de Sarajevo tenu par les Serbes pendant

 18   toute la durée de la guerre, ou à Ilidza et aux autres faubourgs de

 19   Sarajevo qui étaient tenus par les forces bosno-serbes. Alors, pourquoi en

 20   a-t-il été ainsi, cela demeure en partie un mystère. Pourquoi les médias

 21   occidentaux ont-ils rendu compte de ces événements de la façon dont ils en

 22   ont rendu compte sans s'efforcer de donner de tous ces événements une

 23   présentation plus objective fondée sur des recherches plus approfondies, je

 24   ne sais pas.

 25   Il y avait, bien sûr, des exceptions, mais je crois que dans l'ensemble,

 26   les journalistes occidentaux cherchaient avant tout de quelle façon ils

 27   pourraient présenter ce conflit particulièrement complexe, et dont les

 28   origines étaient, elles aussi, complexes, tout comme les événements qui se


Page 42465

  1   déroulaient, de façon simplifiée. Je rappelle qu'il y avait pas une seule

  2   guerre en cours en Bosnie-Herzégovine. Il y avait deux, parfois trois,

  3   sinon quatre guerres se déroulant en parallèle. La guerre entre les Bosno-

  4   Serbes et les Bosno-Musulmans, celle entre les Bosno-Serbes et les Bosno-

  5   Croates, puis la guerre entre les Musulmans de Bosnie et les Croates de

  6   Bosnie, la guerre entre les Musulmans de Bosnie et les Musulmans de la

  7   pointe ouest de la Bosnie-Herzégovine. Donc mon impression était plutôt que

  8   les journalistes occidentaux cherchaient à simplifier la situation. Et ce

  9   faisant, ils recherchaient également -- ils s'efforçaient d'identifier ceux

 10   qui étaient les bons et ceux qui étaient les méchants dans toute cette

 11   histoire. Les Serbes, en la matière, étaient une cible assez facile, parce

 12   que souvent c'étaient les forces bosno-serbes ou leurs forces armées qui

 13   détenaient un avantage militaire, alors que les Musulmans de Bosnie étaient

 14   souvent perçus comme étant la partie perdante dans le rapport de forces.

 15   Et le fait que les forces serbes de Bosnie étaient perçues comme un

 16   prolongement du pouvoir de Belgrade en Serbie et comme le prolongement de

 17   la main même de M. Milosevic ne faisait qu'ajouter à ce tableau. Vous-même

 18   étiez décrit, et d'ailleurs vous êtes décrit jusqu'à aujourd'hui, par de

 19   nombreuses personnes comme un agent de M. Milosevic, ce que je trouve

 20   complètement absurde dans le contexte de la guerre de Bosnie-Herzégovine.

 21   Je ne peux pas imaginer de plus grand ennemi des Serbes de Bosnie que M.

 22   Milosevic lui-même, avec son épouse.

 23   Donc les journalistes occidentaux, lorsqu'ils se sont efforcés de décrire

 24   la guerre de Bosnie comme une sorte d'agression par les Serbes dont vous

 25   auriez convenu avec M. Milosevic, dont vous auriez été l'agent selon ces

 26   nombreux récits, ont mis le doigt sur un bon filon, en fait. Ceci a bien

 27   fonctionné pour de nombreuses personnes en Occident. Il y avait, bien sûr,

 28   également ceux qui demeuraient curieux ou qui faisaient preuve d'esprit


Page 42466

  1   critique, mais dans l'ensemble, le public en Occident s'est appuyé sur ce

  2   que les médias de plus grande diffusion lui servaient comme version, et

  3   jour après jour, tout ceci se doublait de récits au sujet d'événements

  4   particulièrement horribles.

  5   Je me rappelle qu'à de nombreuses occasions, les Musulmans affirmaient que

  6   les forces bosno-serbes bombardaient l'aéroport de Sarajevo, et que c'était

  7   la raison pour laquelle les convois humanitaires ne pouvaient pas passer,

  8   parce que l'aéroport était la cible des tirs des Serbes; alors qu'en fait

  9   les convois humanitaires étaient également l'occasion pour la partie

 10   musulmane de faire de très bonnes affaires. Nous avons la déposition de

 11   Phillip Corwin, qui était employé à Sarajevo par les Nations Unies, donc,

 12   dans la branche civile, et qui a consigné dans son journal les

 13   bombardements fréquemment commis par les forces musulmanes. Il décrit des

 14   bombardements délibérés de l'aéroport de Sarajevo par les forces musulmanes

 15   afin d'empêcher l'atterrissage des avions sur cet aéroport afin de

 16   s'assurer que les prix des marchandises qu'ils écoulaient puissent grimper.

 17   Et si je me rappelle bien, on faisait porter très fréquemment la

 18   responsabilité de ces bombardements aux Serbes. Les médias serbes [comme

 19   interprété], en tout cas, leur attribuaient la responsabilité de ces actes,

 20   alors qu'en fait c'étaient les Musulmans qui en tiraient financièrement

 21   profit.

 22   C'est juste une illustration de la façon dont les médias occidentaux

 23   rendaient compte de ces événements sans faire preuve de sens critique. En

 24   l'espèce, le bombardement de l'aéroport de Sarajevo, ils faisaient porter

 25   la responsabilité de ces actes aux Serbes, alors que, en réalité, ils

 26   auraient pu apprendre de Phillip Corwin une version un peu différente. Donc

 27   il aurait été préférable d'avoir à sa disposition quelqu'un de neutre qui

 28   aurait pu dire que c'étaient en fait les Musulmans qui étaient responsables


Page 42467

  1   de ces actes.

  2   Q.  Merci. Juste pour le compte rendu, est-ce que vous parlez de Phillip

  3   Corwin ?

  4   R.  Oui. C-o-r-w-i-n.

  5   Q.  Merci.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comment pouvez-vous savoir que ce que M.

  7   Corwin a consigné dans son journal ou dans son livre est exact ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, j'ai lu son ouvrage.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous lui avez parlé ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai rencontré, il me semble en 1995, à

 11   plusieurs reprises à Pale. Et j'étais présent aux réunions auxquelles lui-

 12   même était présent. Alors, bien entendu, il a écrit son ouvrage plus tard,

 13   et son ouvrage repose en partie sur son propre journal et sur la réflexion

 14   qu'il a pu lui-même tenir rétrospectivement au sujet de ces événements.

 15   Mais l'essentiel de ses sources qu'il a utilisées sont ce que les

 16   historiens décrivent, je crois, comme des sources primaires, et je parle de

 17   son journal notamment.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Veuillez poursuivre.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Zametica, vous avez parlé du rapport entre Karadzic et

 22   Milosevic. De votre point de vue, est-ce qu'il y a le moindre accord ou la

 23   moindre entreprise commune entre ces deux axes politiques et ces deux

 24   tendances politiques, avant tout entre moi-même et le président Milosevic,

 25   indépendamment de tout le respect que je lui dois et que je lui porte ?

 26   R.  Je dois dire que je ne comprends pas très bien pourquoi vous ajoutez

 27   cette réserve, indépendamment de tout le respect que vous avez pour lui. Je

 28   crois que vous devriez vous estimer heureux d'être encore en vie, parce


Page 42468

  1   qu'il en avait après vous. Je crois qu'au moins à partir du moment où le

  2   plan Vance-Owen a été présenté, au moins à partir de ce moment-là, M.

  3   Milosevic a cherché des solutions pour se débarrasser de vous, que ce soit

  4   politiquement ou même physiquement. Conjointement avec son épouse, qui vous

  5   portait la plus grande détestation, ils complotaient pour vous remplacer

  6   par quelqu'un qui serait plus facile à manipuler, qui serait plus

  7   obéissant.

  8   Milosevic a souvent été décrit comme la personne qui avait planifié la

  9   création de cette entité connue sous le nom de Grande-Serbie. Mais rien ne

 10   pouvait être plus éloigné de la vérité. Parce qu'il était un Communiste pur

 11   et dur, et la seule chose qui l'intéressait véritablement était de rester

 12   au pouvoir et de consolider son pouvoir. Les Serbes en tant que tels ne

 13   l'intéressaient pas. Les Serbes qui se trouvaient en dehors du territoire

 14   de la Serbie l'intéressaient même encore moins. Je dirais qu'en la personne

 15   de Milosevic vous aviez un ennemi formidable, parce qu'il était à la tête

 16   d'un Etat qui, malgré les sanctions prononcées en son encontre, bénéficiait

 17   toujours d'un potentiel économique et militaire considérable et d'une marge

 18   de manœuvre considérable également.

 19   Comme vous le savez, suite à l'échec du Groupe de contact, c'est

 20   Milosevic lui-même qui a imposé des sanctions à la Republika Srpska. Donc

 21   un Etat qui lui-même était la cible de sanctions, la Serbie, se retrouve à

 22   imposer des sanctions à la Republika Srpska. Et à cause de cela, nous avons

 23   été coupés du reste du monde. Je crois que la seule chose qui préoccupait

 24   réellement Milosevic était de se débarrasser aussi rapidement que possible

 25   du problème des Serbes présents hors de la Serbie afin d'obtenir la levée

 26   des sanctions qui touchaient la Serbie et de pouvoir dire à son propre

 27   peuple : "Voilà, malgré toutes les difficultés, j'ai réussi cela. Vous

 28   pouvez me faire confiance. Nous allons construire ensemble un avenir


Page 42469

  1   radieux." Il n'était certainement pas intéressé par la création de quelque

  2   chose qui se serait appelé la Grande-Serbie. Et vous n'étiez certainement

  3   pas son instrument. Et je ne vois absolument pas pourquoi vous devriez vous

  4   sentir obligé de dire que vous avez toujours autant de respect pour lui.

  5   Q.  Merci. Si nous laissons Milosevic de côté, est-ce que vous avez

  6   constaté qu'il y avait peut-être une entreprise criminelle commune de ma

  7   part, en tout cas, c'est-à-dire à laquelle j'aurais participé et ainsi que

  8   mes collaborateurs ?

  9   R.  Je crois que cela découle de façon implicite de ma réponse à votre

 10   réponse précédente.

 11   Q.  Merci.

 12   R.  Donc l'idée même d'une forme quelconque d'entreprise criminelle commune

 13   qui aurait réuni vous-même et M. Milosevic est tout à fait absurde.

 14   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire si, oui ou non, vous avez

 15   déterminé ou vous avez remarqué que du côté de la direction de la Republika

 16   Srpska, et chez moi également, il y avait la moindre animosité ou

 17   disposition inamicale, voire une position qui aurait manqué d'humanité ou

 18   aurait été tout simplement inhumaine à l'encontre des Musulmans et des

 19   Croates de Bosnie-Herzégovine, non pas certains d'entre eux en particulier,

 20   mais les Musulmans et les Croates de Bosnie en tant que tels ?

 21   R.  Encore une fois, je crois qu'au moins une partie de la réponse à cette

 22   question que vous posez découle implicitement de mes réponses précédentes

 23   lorsqu'il a été question de votre rapport par rapport à moi, par rapport à

 24   une personne d'origine musulmane. Je ne crois pas que vous soyez un homme

 25   motivé par la haine ethnique. Je ne crois pas que vous étiez un homme

 26   motivé par quelque dogme que ce soit. Cela ne cadre tout simplement pas

 27   avec la personne que vous êtes. Alors, les personnes qui ne vous

 28   connaissent pas ou qui se sont forgé une opinion à votre sujet sur la base


Page 42470

  1   d'articles de journaux ou de récits ayant cours à votre endroit ont

  2   probablement un point de vue différent, mais je vous connaissais très bien,

  3   j'ai coopéré très étroitement avec vous, et je ne crois pas qu'il y ait eu

  4   en vous quoi que ce soit qu'on aurait pu qualifier, même de très loin, de

  5   haine ethnique ou d'un sentiment de supériorité à l'égard des Musulmans ou

  6   des Croates sur le plan ethnique. La seule chose qui vous préoccupait,

  7   c'était de parvenir à un accord politique juste et durable sur le plan

  8   territorial en Bosnie-Herzégovine.

  9   Q.  Merci. L'acte d'accusation dressé à mon encontre se fonde avant tout

 10   sur l'affirmation suivante, sans laquelle il ne pourrait guère exister, à

 11   savoir que j'aurais voulu me débarrasser des Musulmans et des Croates sur

 12   les territoires que nous aurions revendiqués. La revendication de ces

 13   territoires, elle-même, ne m'est pas reprochée. Est-ce que vous avez

 14   remarqué que moi-même personnellement ou que les personnes qui étaient

 15   responsables au sein de la direction avaient l'intention de se débarrasser

 16   des Musulmans ou des Croates dans nos régions, de les expulser, de les

 17   chasser, voire d'aller jusqu'au génocide ? Et si oui, est-ce que c'est

 18   quelque chose pour quoi vous auriez fermé les yeux si vous l'aviez remarqué

 19   ?

 20   R.  Non. Je suis tout à fait certain que vous n'aviez absolument aucune

 21   intention ni plan d'aller dans cette direction. Je crois que vous auriez

 22   toujours été heureux de voir les Musulmans et les Croates rester sur le

 23   territoire de la Republika Srpska. Et vous avez même nommé, pour autant que

 24   je le sache, des fonctionnaires du système judiciaire de la Republika

 25   Srpska au sein des institutions correspondantes, des fonctionnaires qui

 26   étaient d'origine musulmane ou croate. Vous m'avez nommé moi en tant que

 27   votre conseiller principal en matière d'affaires étrangères, et j'étais

 28   d'origine musulmane. Et je ne veux pas parler de cette personne en audience


Page 42471

  1   publique, mais il y avait quelqu'un également qui occupait un poste très

  2   haut placé dans la Republika Srpska qui était également d'origine

  3   musulmane. Il y avait quelqu'un d'autre aussi, je crois, qui était un de

  4   vos proches et qui était d'origine croate. Donc c'est absurde de vous

  5   décrire comme quelqu'un qui aurait été motivé par la haine ethnique, en

  6   tout cas, au vu de ce que je sais de vous, de ce  que j'ai pu faire comme

  7   expérience à vos côtés et de ce que vous me disiez. Au vu de tout cela,

  8   vous considériez que les Musulmans avaient été par le passé des Serbes qui

  9   avaient choisi de devenir Musulmans, et c'est quelque chose que vous

 10   respectiez. Cela ne posait pas problème de votre point de vue.

 11   Ce que les Occidentaux souvent laissaient de côté et se montraient

 12   incapables de prendre en considération était le fait que nous menions une

 13   guerre défensive. Et c'étaient les Musulmans conjointement avec les

 14   Croates, mais c'étaient avant tout les Musulmans qui avaient démarré la

 15   guerre en Bosnie-Herzégovine. Et c'est par toute une série d'actes illégaux

 16   à la fin de 1991 et au début de 1992 que ceci s'est déclenché. Il s'est agi

 17   d'actes qui ont entraîné la destruction du consensus politique en Bosnie-

 18   Herzégovine, ou je devrais plutôt dire d'ailleurs les vestiges du consensus

 19   politique en Bosnie-Herzégovine. Le point culminant de cette série d'actes

 20   illégaux a été la décision illégale de tenir un référendum relatif à

 21   l'indépendance, référendum qui s'est tenu à la fin février, ou plutôt,

 22   début mars de 1992.

 23   En plus de tout cela, je dois ajouter que la tendance politique qui menait

 24   les Musulmans à l'époque n'était pas constituée de nationalistes musulmans,

 25   mais plutôt de ce que je décrirais comme des internationalistes musulmans,

 26   sous la direction d'Alija Izetbegovic et de sa clique. Parce que son

 27   idéologie, c'était l'Islam; sa politique, c'était le panislamisme. Et je ne

 28   fais que paraphraser ce qu'il a lui-même écrit dans son ouvrage intitulé


Page 42472

  1   "La Déclaration islamique", dans lequel il a également déclaré qu'il ne

  2   pouvait y avoir aucune forme de paix ou de coexistence entre d'un côté

  3   l'Islam, et d'un autre côté des entités ou des sociétés non islamiques. Il

  4   a également déclaré qu'à partir du moment où les Musulmans, sur le plan

  5   moral et numérique, se sentaient suffisamment puissants et suffisamment

  6   forts, ils devaient renverser le système existant et mettre en place un

  7   système islamique.

  8   Lors des réunions, je me rappelle les réunions préélectorales d'octobre

  9   1990, avant les premières élections libres tenues en Bosnie-Herzégovine,

 10   ses partisans, lors des rassemblements politiques du SDA, avaient des

 11   banderoles où on pouvait lire : "Vive Saddam Hussein."

 12   Donc j'essaye simplement de dire que c'était là la politique même de M.

 13   Izetbegovic. Il était le représentant légalement et légitimement élu des

 14   Musulmans, élu par une très large majorité de la population musulmane, et

 15   ses plans et sa politique étaient perçus par la partie musulmane comme

 16   représentant une menace, comme étant un danger. Vous avez, comme nous

 17   l'avons déjà vu, donné votre accord au plan Zulfikarpasic, au plan

 18   Cutileiro, et cetera. Et je crois qu'en Occident, les gens se sont tout

 19   simplement montrés incapables de prendre en considération la menace que cet

 20   homme et ses alliés et ainsi que leur idéologie et leur but proclamé

 21   représentaient, et ne prenaient pas en compte non plus la façon dont nous

 22   les percevions et le fait que nous menions une guerre défensive. Je crois

 23   que nous avons mené une guerre juste et je ne crois pas qu'il y ait quoi

 24   que ce soit dont nous devrions avoir honte. A l'exception d'un épisode - et

 25   je suis sûr que nous y viendrons - il s'agit de Srebrenica.

 26   Q.  Merci. Très brièvement, pourriez-vous nous dire une chose. Vous étiez

 27   au courant de tous les documents politiques de la direction, mais

 28   j'aimerais savoir si vous avez eu des contacts également avec des hommes


Page 42473

  1   qui travaillaient dans l'entourage de M. Izetbegovic ? En plus de M.

  2   Zulfikarpasic, qui s'est éloigné de lui.

  3   R.  Je connaissais le Pr Muhamed Filipovic. Il a dû travailler de concert

  4   avec Zulfikarpasic et Izetbegovic au sein du SDA. Mais mis à part ces deux

  5   hommes, je n'ai pas connu d'autres personnalités musulmanes en vue. J'ai

  6   connu Izetbegovic en personne.

  7   Q.  Merci. J'aimerais aborder un autre sujet à présent. Vous souvenez-vous

  8   du mandat de la FORPRONU, savez-vous quelle a été l'attitude que nous avons

  9   réservée vis-à-vis de la FORPRONU et vis-à-vis de l'OTAN, et ce, à partir

 10   du moment où l'OTAN a agi de concert avec la FORPRONU et où les frappes

 11   aériennes ont été engagées ? Savez-vous quelle a été notre attitude vis-à-

 12   vis de ce mandat ? Que devait faire la FORPRONU et que ne devait-elle pas

 13   faire, d'après nous ?

 14   R.  En réponse à cette question, je souhaiterais citer ou paraphraser,

 15   puisse que je ne me souviens pas verbatim de ce que Cedric Thornberry a dit

 16   - Cedric, C-e-d-r-i-c, Thornberry - a déclaré lors d'une conférence qu'il a

 17   tenue en 1995 à la Faculté d'économie de Londres, "London School of

 18   Economics".

 19   Cedric Thornberry a travaillé pour les Nations Unies à Sarajevo en 1992, il

 20   était dans le département des affaires civiles, et il a été quelqu'un de

 21   très respecté. Et plusieurs années plus tard, il a tenu cette conférence,

 22   en 1995, où il a déclaré, si mes souvenirs sont bons, que l'une des leçons

 23   principales à tirer de cette expérience de maintien de la paix par les

 24   forces internationales était qu'il était tout à fait clair qu'il fallait

 25   concevoir cela dans le cadre du maintien de la paix lorsqu'il s'agit d'une

 26   mission de maintien de la paix, et l'imposition de la paix est une autre

 27   chose, et qu'aucun mandat hybride, et je pense qu'il a parlé d'hybride

 28   monstrueux, ne devrait avoir lieu. Et je pense que c'est ce qui s'est passé


Page 42474

  1   en mai 1995. C'est à ce moment-là que les Nations Unies ont agi par le

  2   biais de l'OTAN, et à ce moment-là les Nations Unies ont cessé de jouer le

  3   rôle de force de maintien de la paix. C'est à ce moment-là qu'ils ont pris

  4   part en tant que partie belligérante dans la guerre.

  5   L'essentiel d'une force de maintien de la paix internationale est de rester

  6   neutre dans un conflit, d'essayer de maintenir la paix, de garantir le

  7   passage des convois humanitaires, et cetera. Or, ce qui s'est passé en mai

  8   1995, c'est qu'on a simplement abandonné ce mandat et on a bombardé les

  9   Serbes. Donc on a franchi une ligne à ne pas franchir, ligne entre le

 10   maintien de la paix d'un côté et l'imposition de la paix d'autre part.

 11   Et notre attitude pour notre part a été sans aucune ambiguïté. Nous avons

 12   accepté la présence des forces onusiennes sur le terrain. D'ailleurs, nous

 13   nous sommes félicités de ce déploiement. Et à partir du moment où il est

 14   devenu clair que cette menace existait, qu'il y avait le risque que les

 15   Nations Unies commencent à jouer un autre rôle, à savoir qu'ils deviennent

 16   un facteur d'imposition de la paix, je me souviens très bien qu'à plusieurs

 17   occasions nous avons informé des représentants des Nations Unies par des

 18   voies militaires et civiles que si cela devait se produire, à partir de ce

 19   moment-là notre attitude vis-à-vis des Nations Unies serait une attitude

 20   réservée à quelqu'un qui était notre ennemi. Et je pense que cette position

 21   était très claire.

 22   Q.  Je vous remercie. A présent, que pourriez-vous nous dire au sujet de

 23   l'action dans le cadre de laquelle nous avons fait prisonniers des membres

 24   du personnel des Nations Unies après le début des bombardements ? Quelle a

 25   été l'information qui leur a été donnée à eux ? Quel a été le traitement

 26   qui leur a été réservé ?

 27   R.  On a fait prisonnier ou otage du personnel des Nations Unies, et c'est

 28   quelque chose qui avait été annoncé par avance, mais personnellement, je


Page 42475

  1   n'étais pas d'accord avec cela. A mon sens, la Republika Srpska, en 1995,

  2   était isolée sur le plan international. Cet isolement était déjà

  3   suffisamment fort pour qu'on n'ait pas besoin de l'aggraver. Et tout ce qui

  4   risquait d'entraîner une interruption de nos relations avec la communauté

  5   internationale, ou plutôt, avec les Nations Unies, dans ce cas précis, ne

  6   pouvait qu'aggraver notre situation. Donc c'était pour cette raison-là que

  7   j'étais opposé à cette action.

  8   Cependant, cela étant dit, lorsque les bombardements ont été engagés, les

  9   sentiments étaient très, très forts au sein de la population, la population

 10   était très fortement touchée par cela, l'homme de la rue, et donc c'est

 11   peut-être compréhensible qu'on ait cherché à faire prisonniers les hommes

 12   des Nations Unies. Mais mon sentiment était que cette position était

 13   intenable, et je me souviens d'avoir rédigé un mémo ou une note très, très

 14   rapidement après cet événement, et c'est quelque chose qui m'arrivait

 15   rarement. Donc c'était à un moment donné après le 25 mai 1995 où j'ai

 16   demandé que l'on relâche immédiatement ce personnel des Nations Unies. Et

 17   je pense que vous étiez d'accord avec moi à ce moment-là. J'enfonçais là

 18   des portes ouvertes. Parce que, en effet, très rapidement, tous les

 19   prisonniers allaient être relâchés, et on ne leur a fait aucun mal.

 20   J'espère avoir répondu à votre question. Je ne me souviens plus exactement

 21   comment vous l'aviez formulée initialement.

 22   Q.  A nos yeux, étaient-ce des otages ? Ou avaient-ils un autre statut ? Et

 23   à cet égard, que leur a-t-on dit sur leur position ou sur leur statut ?

 24   Etaient-ce des otages ou des prisonniers de guerre ?

 25   R.  Non, ils ont été traités en tant que prisonniers de guerre. Mais je

 26   pense que c'est ce qu'on leur a dit, que c'était une situation très

 27   provisoire et qu'ils allaient être remis en liberté très rapidement. Je

 28   pense que l'intention n'a jamais été de les garder en tant que prisonniers.


Page 42476

  1   Q.  Merci. Est-ce que vous avez eu l'occasion de constater -- à partir du

  2   moment où on nous a demandé de laisser une circulation libre vers Gorazde

  3   ou vers d'autres enclaves, est-ce que vous savez quelle était

  4   l'appartenance de ces militaires ? Est-ce qu'il nous est arrivé qu'on nous

  5   trompe ? En fait, que ce ne soit pas de simples observateurs qu'on

  6   envoyait, mais que ces gens avaient un autre statut ? Il me semble que vous

  7   avez pu constater cela quelque part. Vous avez dit cela dans une

  8   déclaration --

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Cette question est plutôt orientée, me

 11   semble-t-il.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, je reformule.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Etiez-vous au courant du fait qu'on autorisait les entrées, les

 16   passages, et était-ce conforme à ce qui avait été proclamé vis-à-vis des

 17   observateurs militaires ? Est-ce que notre attitude cadrait avec ce à quoi

 18   on s'était engagé ?

 19   R.  Ecoutez, je me souviens d'un épisode en 1994, et cela se passe dans les

 20   environs de Gorazde, et à ce moment-là, parmi ces observateurs militaires,

 21   il s'est avéré, en fait, qu'il y avait des contrôleurs aériens, à savoir

 22   ils faisaient partie du contrôle aérien avancé. Ce sont des hommes qui

 23   guident des aéronefs vers leurs cibles au sol. Et je me souviens

 24   qu'effectivement, j'ai fait une déclaration à ce sujet, mais je ne me

 25   souviens plus les détails de cette déclaration.

 26   Q.  Je vous remercie. Au sujet de cette capture fin mai 1995, pourriez-vous

 27   nous dire s'il a été prévu ou s'il a été planifié que ces prisonniers de

 28   guerre fassent l'objet de menaces, donc, de blessures, voire de mort ? Est-


Page 42477

  1   ce que vous savez ce qui a été prévu et comment on les a traités ?

  2   R.  Non, non, pas du tout. Jamais cela ne leur a été dit, pour autant que

  3   je le sache. Aucune menace n'a été proférée. Je pense que ceux d'entre eux

  4   qui par la suite ont été interviewés par les médias occidentaux, eh bien,

  5   je pense qu'ils ont tous dit qu'on les avait bien traités.

  6   Q.  Merci. Vous venez de mentionner Gorazde et, précédemment, vous aviez

  7   parlé d'exagérations, de fausses présentations de conséquences et de

  8   victimes.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à cet effet que l'on nous affiche le

 10   document 1D25089 dans le système du prétoire électronique. Pouvez-vous

 11   l'agrandir, s'il vous plaît. Et c'est la page 2 qu'il nous faudrait. C'est

 12   le mois d'avril 1994.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Vous souvenez-vous de cette déclaration qui vient de vous sur des

 15   exagérations, des représentations erronées ou fausses --

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous pouvez agrandir la partie

 17   inférieure, s'il vous plaît, puis le haut ?

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Aujourd'hui aussi vous avez dit qu'il y a eu des récits faux, en

 20   particulier sur Gorazde.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que M. Karadzic pourrait tout

 23   simplement veiller un peu mieux à la manière d'articuler ses questions ?

 24   Aujourd'hui ce témoin n'a jamais parlé d'"exagérations" ni de mauvaises ou

 25   fausses présentations de conséquences. Cette question est tendancieuse,

 26   induit en erreur. Il faudrait que M. Karadzic se contente de montrer le

 27   document.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Poursuivons.


Page 42478

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi si ma question était orientée.

  2   J'aurais tout d'abord besoin de la partie inférieure de la page, s'il vous

  3   plaît.

  4   Q.  Dites-nous, s'il vous plaît, si vous vous souvenez de cette déclaration

  5   que vous avez donnée ? Que concerne-t-elle et comment cadre-t-elle avec

  6   l'ensemble de votre expérience ?

  7   R.  Je me souviens vaguement de cette déclaration que j'ai donnée. Mais

  8   vous n'avez pas besoin de vous fier à ce que je dis, moi; vous pourriez

  9   plutôt lire les mémoires du général Michael Rose, qui dit, au fond, la même

 10   chose que moi. Et lui, il était le commandant militaire des forces

 11   onusiennes à ce moment-là.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous montrer la partie

 13   supérieure, s'il vous plaît ?

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Professeur Zametica, pourriez-vous nous dire si nous sommes, là, en

 16   présence d'une exception ? Quelle était la fréquence de ces situations ? Ou

 17   c'était un tableau faux et erroné qui était servi au public ?

 18   R.  Je pense que cela a été éclairci ici devant ce Tribunal à de nombreuses

 19   reprises déjà. Il suffit de se rappeler les déclarations de celui qui était

 20   à l'époque ministre des Affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine, M. Haris

 21   Silajdzic. Au début du conflit, à l'époque où j'étais encore à Londres,

 22   mais je suivais de très près les événements. Au début du conflit, il a

 23   prétendu qu'il y a eu 200 000 morts du côté musulman. C'était après deux

 24   mois de conflit. Et à la fin, le nombre total de victimes de part et

 25   d'autre correspond à peu près à 100 000. Donc ces exagérations du côté des

 26   Musulmans, sur le nombre de morts ou de blessés de leur côté, eh bien,

 27   c'était monnaie courante.

 28   Q.  Je vous remercie.


Page 42479

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser ce document au dossier

  2   ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons admettre au dossier les

  4   pages 1 et 2.

  5   Une objection de la part de l'Accusation ?

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Les pages 1 et 2.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 3929.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Docteur Zametica, que pouvez-vous nous dire au sujet de ces

 11   exagérations, quelle incidence est-ce que cela a eu sur ce que nous

 12   pensions de ces rapports ou de ces récits, la foi qu'on leur 

 13   prêtait ?

 14   R.  Je ne suis pas sûr de comprendre votre question. Il vous faudra la

 15   reformuler. Je ne sais pas ce que vous essayez de me demander.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire si cela a eu une incidence sur la confiance

 17   qu'on portait à ces sources, à ces médias et à ces affirmations ? Est-ce

 18   qu'on pouvait continuer de croire aveuglement ce que les médias diffusaient

 19   ou disaient ?

 20   R.  Bien sûr que non. Cela étant dit, vous étiez en politique. Moi, j'étais

 21   votre conseiller. Bien sûr qu'on ne peut jamais croire aveuglement à tout

 22   ce que disent les médias, en particulier pas dans le cas qui nous concerne.

 23   Je veux dire, ces exagérations, si c'est cela que vous voulez entendre,

 24   n'ont rien fait pour que l'on fasse plus confiance aux médias, à leur

 25   objectivité.

 26   Q.  Après mon départ, lorsque j'ai vécu en clandestinité, est-ce que nous

 27   avons eu un échange de correspondance ? Est-ce que vous pouviez

 28   éventuellement me contacter par voie de message ou de lettre, et l'inverse


Page 42480

  1   ? Surtout avant que ne soit adoptée la Loi sur l'échange avec le Tribunal,

  2   à savoir jusqu'au moment où il n'y a eu aucun obstacle formel ?

  3   R.  Oui. Nous avons eu une correspondance pendant que vous étiez un

  4   fugitif. Si mes souvenirs sont bons, un bon nombre de ces messages

  5   portaient sur des affaires tout à fait personnelles, ma famille ou des

  6   choses comparables. Il y a eu quelques points politiques qui ont été

  7   abordés, en particulier concernant la position de la Republika Srpska ou la

  8   situation dans les Balkans, mais rien qui serait digne d'une attention

  9   particulière au sujet de cet échange de messages, cette correspondance. Du

 10   moins, pour autant que je m'en souvienne.

 11   Q.  Très bien.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, pouvons-nous, s'il vous plaît, afficher

 13   à présent le document 21578 de la liste 65 ter dans le prétoire

 14   électronique ?

 15   Je demande l'affichage de la page 2 en serbe, page 3 en anglais.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  J'appelle votre attention sur le deuxième paragraphe, qui commence en

 18   anglais par : "Vous le savez très bien, vous savez ce que vous avez dû

 19   traverser." Dans ce paragraphe, dans la suite, après cette ligne, il est

 20   question justement de ce que vous venez de dire à l'instant, les

 21   allégations dans les médias.

 22   Est-ce que vous vous souvenez de cette partie-là de la lettre où je vous

 23   invite à réfléchir sur ce qui s'était produit à 

 24   Srebrenica ? Donc c'est en 2001. Est-ce qu'en 1995, nous en savions quelque

 25   chose ? Ou à quel moment est-ce que nous en savions plus ? Quelle est la

 26   réflexion qu'on a menée et quelles ont été nos informations à ce moment-là

 27   ?

 28   R.  Est-ce que vous me demandez ce que nous savions de Srebrenica en 1995 ?


Page 42481

  1   Q.  Non. J'aimerais surtout savoir ce que nous savions de cela en 2001.

  2   C'est le moment où je vous envoie cette lettre. Est-ce que vous en saviez

  3   plus que moi ? Est-ce que moi je savais ce que l'on voit dans cette lettre,

  4   et est-ce que cette lettre reflète mes pensées à ce moment-là ?

  5   R.  Vous m'avez toujours traité avec respect. Vous ne m'avez jamais menti.

  6   Je n'ai jamais eu le sentiment que vous me cachiez telle ou telle partie de

  7   la vérité sur quelque point que ce soit. Et nous nous vouions mutuellement

  8   une confiance totale. Dans ce type d'échange personnel, vous étiez tout

  9   aussi sincère à mon égard que vous l'étiez dans le cadre de nos échanges

 10   habituels -- dans une situation habituelle ou normale. Donc, en 2001, si

 11   cela se situe en 2001, vous avez écrit cela au sujet de Srebrenica, et je

 12   n'ai aucune raison de penser que ce que vous dites ici n'est pas sincère.

 13   En 2001, nous n'en savions guère plus sur Srebrenica qu'en 1995.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis peut-être le seul à ne pas

 15   suivre totalement, mais je ne vois pas très bien quel est le lien entre ce

 16   paragraphe et Srebrenica. Est-ce que vous pourriez nous préciser cela,

 17   Monsieur Karadzic ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, j'écris ici une lettre à M.

 19   Zametica et je fais part de mes conjectures et j'échafaude ici une théorie

 20   sur ce qui a pu se passer. J'essaye de comprendre ce qui s'est passé en

 21   1995. Donc toute cette lettre porte sur Srebrenica en 1995, mais elle est

 22   rédigée en 2001. Donc c'est comme un échange oral entre nous deux sur qui a

 23   pu orchestrer tout cela.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, plus précisément, la

 25   deuxième phrase de ce paragraphe --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Que nous dit cette phrase ?

 27   M. ROBINSON : [interprétation] "Lorsque vous mettez tous ces éléments

 28   d'information ensemble sur l'arrestation du groupe Araignée et le rôle joué


Page 42482

  1   par le renseignement français aux événements de Srebrenica, alors il

  2   devient clair comme de l'eau de roche que nous n'avions rien à voir avec

  3   tout cela."

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Poursuivons.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de

  6   l'intégralité de la lettre.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de deux lettres de votre part;

  8   c'est bien cela ? Ou, avant cela, est-ce que vous souhaitez réagir ou

  9   soulever une objection, Madame Edgerton ?

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Même si je me suis pas d'accord avec Dr

 11   Karadzic sur la manière dont il représente le contenu de cette lettre, je

 12   ne soulève pas d'objection quant au versement de l'ensemble des 17 pages,

 13   donc de ces deux lettres, au dossier.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous demandez que l'ensemble soit

 15   versé au dossier, Monsieur Karadzic ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai les pages 1 à 5. Mais l'ensemble pourrait

 17   effectivement faire l'objet du versement, les 17 pages.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Compte tenu de la position adoptée par

 19   l'Accusation, nous allons admettre au dossier ce document dans son

 20   intégralité.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D3930.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  A présent, compte tenu du journal tenu par mes secrétaires, je vois que

 25   nous nous sommes vus entre le 14 et le 19 juillet dans mon cabinet à

 26   plusieurs reprises, M. Trifkovic était présent lui aussi, et cetera. Est-ce

 27   que vous vous souvenez de cela, vous vous souvenez que jusqu'à cette date à

 28   peu près de juillet 1995, vous avez occupé votre poste au cabinet et que


Page 42483

  1   nous nous sommes vus à plusieurs reprises ?

  2   R.  Mais voyons, nous nous voyions à tous les jours à plusieurs reprises.

  3   J'ai quitté Pale, je pense, le 19 juillet car il a fallu que je sois

  4   présent lors de mon propre mariage. Mais jusqu'à cette date-là, nous avions

  5   des contacts fréquents au quotidien, réguliers. Je m'en souviens, bien

  6   entendu.

  7   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que nous savions à ce

  8   moment-là des événements qui concernent Srebrenica, et en particulier à

  9   partir du moment où Srebrenica a été investie ? Quelles sont les

 10   informations que nous avions en main ?

 11   R.  Nous savions qu'une opération militaire avait été menée avec succès et

 12   que cette opération militaire consistait à neutraliser Srebrenica en tant

 13   que bastion militaire des forces musulmanes d'où des attaques étaient

 14   lancées fréquemment par les Musulmans. Non seulement contre nos forces mais

 15   également contre nos civils. Donc c'est ce que nous savions. Mais si vous

 16   me demandez si nous savions quoi que ce soit au sujet du massacre qui a eu

 17   lieu à Srebrenica à peu près à cette période, eh bien, je vous réponds que

 18   nous n'en savions rien. Et lorsque je dis "nous", je pense au personnel

 19   civil. Je veux dire vous, moi-même, vos proches collaborateurs au sein de

 20   la présidence. Nous n'en savions rien.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire une pause ici ?

 22   Donc, reprenons le document précédent, s'il vous plaît, le document D3930.

 23   Madame Edgerton, est-ce que vous allez vous servir d'une partie de cette

 24   lettre ?

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Je dois vous dire très honnêtement que je

 26   n'ai pas encore décidé de ce que j'allais en faire.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela étant dit, nous allons admettre au

 28   dossier uniquement la page qui a été montrée au témoin.


Page 42484

  1   Maître Robinson, aussi, est-ce que vous pourriez nous rappeler si nous

  2   avons jamais entendu une déposition ou des éléments de preuve sur le groupe

  3   Araignée ou Pauk ?

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Je ne sais pas si ce terme a été utilisé, je

  5   n'en suis pas certain. Il est possible que cela ait été le cas, mais je

  6   n'en suis pas tout à fait sûr. Je pense que c'était comme ça qu'on a appelé

  7   le 10e Détachement de Sabotage, mais je ne sais pas si un témoin a déposé

  8   au sujet de cela ou si c'est contenu dans un document.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Avec tous mes respects, je pense que cela

 11   n'est pas exact. Mais je ne suis pas en mesure de vous en dire plus à ce

 12   stade.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas-là, je poserai la question

 14   au Pr Zametica. Est-ce qu'il se souvient de quoi que ce soit qui serait lié

 15   à l'arrestation du groupe Pauk ou Araignée. Est-ce que vous pourriez nous

 16   en dire quelque chose, Professeur 

 17   Zametica ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens avoir lu des récits là-dessus

 19   dans la presse, dans les médias. Ça a été un grand sujet. Mais je ne l'ai

 20   pas suivi de très près, donc je ne pourrais pas vous être véritablement

 21   très utile. Mais je me souviens qu'effectivement, c'était un sujet

 22   important à un moment donné. Peut-être que M. Karadzic pourrait en dire

 23   plus, mais je n'ai pas les détails.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors, voyons voir. Passons à

 25   autre chose. Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas si cela peut vous être utile,

 27   mais je peux vous dire que nous avons des preuves comme quoi on a envoyé

 28   des membres du 10e Détachement de Sabotage par des Français en Afrique pour


Page 42485

  1   y combattre, et que plus tard ils ont pris part à des tentatives

  2   d'assassiner Milosevic. Mais que le lien, donc, est que c'étaient des

  3   membres du 10e Détachement de Sabotage. Et que par la suite, donc, ils ont

  4   été emmenés en Afrique pour y combattre, et ils réapparaissent à un moment

  5   ultérieur en tant que groupe Araignée, arrêté par le service du

  6   renseignement serbe, et pris lorsqu'ils ont essayé d'assassiner Milosevic.

  7   Il y a eu de l'or impliqué dans cette histoire et une partie tierce, en

  8   fait, un service de renseignement étranger.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons. Nous n'allons pas élaborer

 10   là-dessus pour l'instant.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Zametica, Monsieur le Professeur, par opposition à ce que nous

 14   savions, comment tout ceci a-t-il été décrit dans la presse ? Avions-nous

 15   des raisons de faire confiance aux reportages dans les médias ? Est-ce que

 16   nous procédions à nos propres vérifications ? Qu'avons-nous pu établir à

 17   cette période concernant les rumeurs au sujet de Srebrenica ? Ces rumeurs

 18   étaient-elles exactes ou non ?

 19   Je veux dire, avant votre départ lorsque vous êtes parti pour aller vous

 20   marier, alors que nous étions là, avons-nous vérifié ce qui était allégué

 21   dans les médias et qu'avons-nous conclu ? Avons-nous parlé à l'époque,

 22   parlait-on d'exécutions de prisonniers, ou tout cela concernait-il des

 23   civils ?

 24   R.  Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la dernière partie de votre

 25   question. On ne parlait certainement pas d'exécutions de prisonniers ou de

 26   toute autre personne. Ça, je peux le dire, en tout cas. Mais je ne sais pas

 27   exactement sur quoi porte votre question.

 28   Q.  A ce moment-là, avez-vous fait une déclaration publique ou y a-t-il eu


Page 42486

  1   un communiqué de presse qui a été publié concernant ces allégations ?

  2   R.  Oui. Alors, j'ai fait une déclaration, je crois que c'était le 17

  3   juillet 1995, qui portait sur les allégations véhiculées dans les médias

  4   qui précisaient qu'il y avait eu des mauvais traitements et que des

  5   prisonniers avaient été maltraités. Donc, cela -- j'ai opposé un démenti à

  6   cela, et j'ai dit cela en me fondant sur les connaissances que j'avais, et

  7   que vous aviez aussi, du reste, à l'époque. Et je me suis fondé également

  8   sur une déclaration qui avait été signée par le représentant des autorités

  9   civiles musulmanes de Srebrenica - je ne me souviens pas de son nom, je

 10   crois qu'il s'appelait Nesim Mandic ou Mandzic, quelque chose comme ça -

 11   qui, ce même jour, le 17 juillet, si je me souviens bien, a signé une

 12   déclaration qui précisait que les civils musulmans du secteur de Srebrenica

 13   avaient été bien traités et avaient été évacués. Je crois que c'est ce

 14   qu'il a dit, sous le contrôle des forces des Nations Unies. Il n'y a pas eu

 15   de mauvais traitements de ces gens-là, tout avait été fait conformément à

 16   un accord ou -- oui, c'était un accord, je crois que c'était un accord du

 17   12 juillet, accord signé par les autorités de Srebrenica et les

 18   représentants des forces bosno-serbes.

 19   Q.  Je vous remercie.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher, s'il vous

 21   plaît, le numéro 65 ter 25314, s'il vous plaît, au prétoire électronique ?

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Il s'agit d'un reportage ou d'un article de l'AFP qui porte sur votre

 24   communiqué. Veuillez le regarder, s'il vous plaît. Des allégations de

 25   torture, de meurtre, de viol et d'expulsion de civils musulmans sont

 26   effectuées de façon répétée, sans vérification indépendante, et ensuite

 27   vous parlez de ce document qui a été signé le 17 par les Musulmans et la

 28   FORPRONU. Est-ce bien ce dont vous venez de parler ? Et comment les


Page 42487

  1   éléments réfutés ici, après une vérification, cadrent-ils avec les rumeurs

  2   portant sur le fait de transmettre des éléments d'information erronés ?

  3   R.  Alors, écoutez, c'est la déclaration que j'ai faite. Je m'en souviens.

  4   Je ne peux que dire que c'est moi, effectivement, qui suis à l'origine de

  5   cette déclaration, et je m'étais fondé sur des informations que nous avions

  6   à l'époque. Je n'ai rien d'autre à ajouter.

  7   Q.  Alors, veuillez répondre à la deuxième partie de ma question, s'il vous

  8   plaît. Comment cette exagération qui a été vérifiée, confirmée, au sujet de

  9   l'expulsion de civils ? Comment ceci cadre-t-il avec ce que vous venez de

 10   dire ? Dans quelle mesure fallait-il croire ce que disaient les médias ?

 11   R.  Oui. C'est ce que j'ai vécu, et c'est quelque chose dont nous avons

 12   déjà parlé, la partie musulmane avait tendance à exagérer les faits ou le

 13   nombre de leurs victimes.

 14   Je me souviens que déjà, au début de l'opération militaire Srebrenica, les

 15   médias musulmans, Hajla [comme interprété] Silajdzic, je me souviens

 16   d'avoir écouté la radio musulmane en particulier, eh bien, clamaient qu'il

 17   y avait eu des meurtres, qu'il y a eu des viols, et l'opération était

 18   toujours en cours. Et cette personne n'aurait pas pu être au courant de ce

 19   qui se passait. Et de façon tout à fait typique, il avait déjà décidé qu'il

 20   y avait eu des choses épouvantables qui s'étaient produites à ce moment-là.

 21   Donc, oui, pour répondre à votre question, c'est ce que j'ai vécu, et

 22   c'était une question de politique générale, ils avaient tendance à exagérer

 23   les choses.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, revenons à la question de

 25   M. Karadzic. Vous avez dit : "Revérifié et reconfirmé les exagérations au

 26   sujet des expulsions."

 27   Etes-vous d'accord pour dire que les Bosno-Serbes, à l'époque, ont

 28   vérifié à nouveau ou confirmé à nouveau les arguments présentés ou les


Page 42488

  1   déclarations faites par les Musulmans à l'époque ? Et si tel est le cas, de

  2   quelle façon ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, je crois, Monsieur le Président, que le

  4   Dr Karadzic me demandait si je vivais cela au quotidien et que j'entendais

  5   la partie musulmane exagérer le nombre des victimes, et ce, au quotidien.

  6   Je crois que c'est cela qu'il voulait dire. Alors, je crois que la manière

  7   dont le Dr Karadzic m'a posé la question -- eh bien, je crois que la

  8   manière dont ça a été formulé n'est pas tout à fait claire, à mes yeux en

  9   tout cas. Donc il faudrait -- ou, en tout cas, je devrais à ce moment-là

 10   demander au Dr Karadzic de reformuler sa question.

 11   Cela ne faisait pas l'ombre d'un doute que nous pensions qu'il y avait des

 12   choses épouvantables qui se produisaient. Nous pensions que tout était fait

 13   conformément aux conventions. Je me souviens du feu Pr Koljevic qui m'a dit

 14   à un moment donné lorsque l'opération Srebrenica était en cours que le

 15   général Mladic lui avait dit qu'il avait laissé entrer la Croix-Rouge dans

 16   le secteur de Srebrenica. Et je me souviens particulièrement de cet

 17   événement parce qu'à l'époque, le Pr Koljevic était très en colère avec le

 18   général Mladic parce qu'il pensait que le général Mladic lui avait soufflé

 19   son rôle. Et le Pr Koljevic était responsable de la Croix-Rouge

 20   internationale et de telles organisations. C'est pour ça que je m'en

 21   souviens particulièrement bien. Ceci illustre bien ce point-là. Et si je

 22   savais et si le Dr Karadzic savait que le général Mladic avait 

 23   laissé entrer la Croix-Rouge internationale dans le secteur de Srebrenica,

 24   et si nous ajoutons à cela la déclaration de - comment s'appelait-il ? - le

 25   représentant des civils musulmans à Srebrenica, tout ceci pris ensemble

 26   nous donnait l'impression que tout --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, nous allons nous en tenir à

 28   cela. Je souhaite savoir s'il y a eu reconfirmation ou revérification de ce


Page 42489

  1   qui s'est passé à Srebrenica. Remettons-nous-en au Dr Karadzic, et

  2   poursuivons.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Zametica.

  5   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Vous souvenez-vous, Monsieur le Professeur, qui nous a envoyé ce

  8   document et à la demande de qui ? Comment l'avons-nous reçu ? Comment

  9   avons-nous reçu ce document qui confirmait que tout ceci était normal ?

 10   R.  Non, je ne peux pas dire que je m'en souvienne. Je ne me souviens pas

 11   des circonstances exactes de la réception de ce document. C'est vous qui

 12   devez me le rappeler.

 13   Q.  Vous souvenez-vous du nom de Deronjic et du poste qu'occupait cet homme

 14   ? Etait-ce à ma demande que cette réponse a été fournie, ou pensez-vous que

 15   les autorités musulmanes l'auraient envoyée même si je n'en avais pas fait

 16   la demande ? Peut-être que vous ne vous souvenez pas des détails, mais vous

 17   vous souvenez peut-être qu'il y avait la signature des Bosno-Serbes, la

 18   signature de la FORPRONU et la signature des Musulmans aussi ?

 19   R.  Ah, oui. Le document qui est daté du 17 -- le document de Srebrenica

 20   qui est daté du 17 juillet a été signé par les trois parties en présence :

 21   la partie musulmane, la partie serbe et les Nations Unies. Et le nom de

 22   Deronjic, je ne pense pas avoir jamais rencontré cet homme, mais je me

 23   souviens de lui. C'est lui l'homme que vous avez nommé à un moment donné au

 24   cours de l'opération militaire Srebrenica, peut-être vers la fin, et vous

 25   l'avez nommé en tant que représentant des civils serbes à cet endroit.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier de

 28   ce document, s'il vous plaît. Alors, Excellences, là où je voulais en


Page 42490

  1   venir, c'est qu'il s'agissait d'une réponse à nos demandes de vérification,

  2   et M. Zametica n'était pas censé savoir que nous avions posé des questions

  3   à Deronjic à propos des reportages dans les médias et à savoir si ceci

  4   correspondait à la vérité ou pas.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons le verser au dossier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce --

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Je vous remercie beaucoup, Monsieur Zametica. Je vous remercie d'être

  9   venu témoigner, même si vous êtes un homme très occupé, et je vous remercie

 10   de cette longue coopération que nous avons pu avoir au fil des ans.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le numéro 65 ter 21578 recevra la cote

 12   D3931.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons maintenant

 14   avoir une pause de 45 minutes, après quoi vous allez être contre-interrogé

 15   par le Procureur.

 16   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

 17   --- L'audience est reprise à 13 heures 19.

 18    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 19   Avant que nous ne poursuivions, veuillez garder à l'esprit, Monsieur

 20   Zametica, même si vous allez parler la même langue que Mme Edgerton, je

 21   vous demande de bien vouloir marquer une pause entre les question et les

 22   réponses, et ce, à l'attention de M. Karadzic qui va écouter en serbo-

 23   croate.

 24   Il y a une question.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience, le

 26   numéro 65 ter exact pour la pièce D3931 est le 25314. Merci.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.

 28   Contre-interrogatoire par Mme Edgerton :


Page 42491

  1   Q.  [interprétation] Monsieur Zametica, je souhaite commencer votre contre-

  2   interrogatoire aujourd'hui en vous montrant le numéro 65 ter 25545, la

  3   première page. Monsieur Zametica, il s'agit ici d'une photocopie du

  4   courriel que vous avez envoyé à M. Robinson le 28 juin de cette année. Ce

  5   courriel était une annexe à la requête publique que le Dr Karadzic a

  6   déposée le 2 juillet aux fins de vous enjoindre à comparaître pour sa

  7   défense. Je souhaite attirer votre attention sur le paragraphe 2 de ce

  8   courriel. Au paragraphe 2, vous dites qu'un peu plus tôt ce jour-là, vous

  9   avez énuméré la liste des documents qu'un stagiaire vous avait apportés

 10   après que vous ayez signé votre déclaration. Et vous dites que ces

 11   documents contredisent catégoriquement une affirmation qui est essentielle

 12   dans votre déclaration, quelque chose que vous estimiez être tout à fait

 13   vrai lorsque vous avez rédigé votre déclaration, et que l'Accusation

 14   n'aurait aucun problème pour ce qui est de réfuter complètement cette

 15   affirmation.

 16   Donc, Monsieur Zametica, veuillez me dire quelle est cette

 17   affirmation qui est essentielle et qui est cruciale s'agissant de votre

 18   déclaration signée ? Maintenant, vous dites que cela est contredit de façon

 19   catégorique par le document. Et si vous le souhaitez, nous pouvons regarder

 20   -- ou, plutôt, vous pouvez regarder les notes, et nous pouvons regarder

 21   votre déclaration signée dans le prétoire électronique.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] 1D09616. Et vous pouvez enlever le courriel

 23   de façon à ce que M. Zametica puisse voir en version agrandie la

 24   déclaration.

 25   Q.  Alors, nous pouvons parcourir ce document et vous pouvez retrouver

 26   cette affirmation cruciale qui a été contredite par le document. Est-ce que

 27   nous pouvons faire cela ? Pourriez-vous nous dire où cela se trouve ?

 28   R.  Tout à fait. Alors, si nous parlons des relations avec les Nations


Page 42492

  1   Unies, je crois que c'est sous cet intitulé-là --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons ce document ?

  3   C'est un document de 17 pages. Est-ce que nous allons l'imprimer ? Ah, vous

  4   l'avez. Très bien. Alors, à moins que la Défense n'ait des difficultés à

  5   cela, nous allons remettre cette version au témoin.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation]  Merci. Alors, si nous passons à la page 13 de

  7   ma déclaration, au paragraphe 27 --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. LE TÉMOIN :

  9   [interprétation] En bas --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que vous avez une version

 11   différente. Le paragraphe 27 --

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Le paragraphe 27, la cinquième ligne à partir

 13   du bas, on peut lire la phrase suivante : "Mais il n'y avait pas eu de

 14   décision de politique générale à cet effet." C'est ce que j'ai écris. "Il

 15   n'y avait eu aucune décision de politique générale à cet effet." Cela

 16   signifie -- ou, en tout cas, j'avais l'intention de dire, et c'est tout à

 17   fait clair d'après le contexte si vous lisez l'intégralité du paragraphe,

 18   c'est que les dirigeants de la Republika Srpska n'avaient pris aucune

 19   décision visant à capturer du personnel des Nations Unies. N'est-ce pas ?

 20   Donc, lorsque je suis revenu -- vous savez que j'étais déjà ici au

 21   mois de juin, il y a eu une déposition d'un autre témoin qui a duré

 22   beaucoup plus longtemps que prévu et je n'ai donc jamais témoigné au mois

 23   de juin. Et dans l'intervalle, on m'a remis une liasse de documents qui a

 24   été mise à la disposition de la Défense par l'Accusation. Et à la maison,

 25   chez moi, après être rentré de La Haye, j'ai regardé ces documents de plus

 26   près. Et un de ces documents, que je n'ai pas sous la main ou avec moi

 27   aujourd'hui, mais vous, vous l'avez parce que vous l'avez mis à la

 28   disposition de la Défense, un de ces documents porte sur une conversation


Page 42493

  1   téléphonique interceptée, qui est datée, je crois, du 30 -- de la nuit du

  2   30 au 31 mai 1995. Il est clair d'après cette conversation qui impliquait

  3   différentes personnes -- c'est Todor Dutina, le représentant de la

  4   Republika Srpska à Moscou, qui a passé cet appel téléphonique à l'intention

  5   de M. Krajisnik ou du Dr Karadzic, je ne suis pas tout à fait au clair sur

  6   ce point, et cela n'est pas manifeste d'après la conversation. Mais dans ce

  7   document, M. Krajisnik, à un moment donné, dit en réponse à l'affirmation

  8   de M. Dutina à savoir que la communauté internationale surveille tous les

  9   agissements des dirigeants de la Republika Srpska, ils sont au courant de

 10   chaque fait et geste des dirigeants de la Republika Srpska, faits et gestes

 11   qu'ils font ou qu'ils sont sur le point de faire, et d'après cette

 12   affirmation de M. Dutina, en se fondant là-dessus, M. Krajisnik réplique :

 13   "Alors, pourquoi ne savaient-ils pas que nous allions faire cela ?" Et

 14   d'après le contexte, comment se fait-il qu'ils ne savaient pas que nous

 15   allions faire cela, comment se fait-il à ce moment-là, que nous allions

 16   capturer des membres des Nations Unies ?

 17   Et tout procureur digne de ce nom pourrait conclure qu'il s'agissait

 18   d'une décision de politique générale qui visait à capturer du personnel des

 19   Nations Unies dans le cas d'attaques aériennes. Moi, je n'étais pas au

 20   courant de cette conversation téléphonique, mais dans le document qui est

 21   une écoute, le Dr Karadzic me mentionne à deux reprises, parce que lui

 22   aussi -- bon, ces écoutes étaient relayées à un haut parleur de façon à ce

 23   qu'ils puissent entendre. On disait que "M. Zametica parlait en mon nom" ou

 24   "pour mon compte" ou des termes de ce genre.

 25   Donc, qu'est-ce que cela signifie ? Alors, tout procureur digne de ce nom

 26   est en mesure de comprendre que soit M. Zametica est en train de mentir,

 27   soit c'est un idiot, et ce sont les dirigeants de la Republika Srpska qui

 28   le font passer pour un idiot. Et moi, je ressors très mal de tout ceci, et


Page 42494

  1   c'est la raison pour laquelle je m'y suis opposé. C'est du ressort de

  2   l'équipe de la Défense de m'avertir de tels éléments de preuve dont je

  3   n'étais pas au courant lorsque j'ai rédigé cette déclaration. J'ai écrit

  4   cette déclaration en toute sincérité. Je pensais qu'il n'y avait pas eu de

  5   décision de politique générale aux fins de capturer des membres des Nations

  6   Unies. Donc je me suis opposé, j'ai protesté, parce que j'ai pensé,

  7   écoutez, que ce genre de chose devait être débattu dans un tribunal, et la

  8   Défense aurait du me faire savoir, après avoir lu ma déclaration, qu'ils

  9   n'ont pas écrit cela en mon nom, mais c'est moi qui l'ai écrit. S'ils

 10   avaient lu cela attentivement, ils seraient tombés sur cette phrase-là,

 11   "mais il n'y avait pas de décision de politique générale à cet effet," et

 12   ils m'ont dit : Ecoutez, ceci est erroné, il y a eu une décision de

 13   politique générale qui a été prise à cet effet.

 14   Donc j'ai pensé par la suite, lorsque j'ai rédigé ce paragraphe, que ce

 15   groupe de volontaires russes, qui combattait à nos côtés et qui était

 16   cantonné à Pale, avait pris cette initiative. C'est la raison pour laquelle

 17   j'ai écrit cela.

 18   Q.  Alors, pour ce qui est de cette phrase, qui ne dit pas "Je pensais

 19   qu'il n'y avait pas eu de décision de politique générale à cet effet," mais

 20   où on peut lire, "Il n'y avait pas eu de décision de politique générale à

 21   cet effet," cela n'est pas vrai ?

 22   R.  Alors, où se trouve la vérité ? Je ne pense pas que le Dr Karadzic

 23   m'ait délibérément induit en erreur. Il était tout simplement absent. Il

 24   faisait nuit. J'étais hébergé dans un hôtel à 10 kilomètres. Et d'après M.

 25   Krajisnik, quelque chose comme une décision avait été prise à cet effet. Je

 26   n'en avais pas été averti. C'était une situation qui changeait très

 27   rapidement. Et normalement j'aurais été averti de telles choses, mais je

 28   n'étais absolument pas au courant d'une décision particulière. Alors, à


Page 42495

  1   savoir si c'était tout de suite après que soient tombées les premières

  2   bombes ou par la suite, je ne sais pas, je n'étais pas simplement dans le

  3   secret de cette décision. Je ne le savais pas.

  4   Q.  La phrase suivante -- vous dites que vous n'y étiez pas, vous n'étiez

  5   pas au courant, mais votre phrase suivante :

  6   "Karadzic n'avait donné aucun ordre sur le fait de capturer du personnel

  7   des Nations Unies."

  8   Cela n'est pas vrai non plus ?

  9   R.  D'après ce que je savais de la situation, oui, c'est vrai. Moi, je

 10   pensais que Karadzic n'avait pas donné de tels ordres.

 11   Q.  Mais encore une fois, Monsieur Zametica, vous avez écrit ceci en des

 12   termes absolus. Vous dites que : "Karadzic n'avait donné aucun ordre."

 13   Et maintenant, vous nuancez ce que vous avez dit dans votre déclaration

 14   signée, n'est-ce pas ?

 15   R.  Non, je ne suis pas en train de nuancer quoi que ce soit. Je suis en

 16   train simplement de vous donnez une -- et je donne à ce Tribunal une très

 17   longue explication. Je vous explique quel était le contexte dans lequel

 18   j'ai écrit ce que j'ai écrit dans cette déclaration. Et je répète : à

 19   l'époque, il n'y avait eu aucune décision de politique générale à cet

 20   effet.

 21   Bon, cela étant dit, et je crois que j'en parle, à l'époque sur laquelle M.

 22   Karadzic m'a interrogé aujourd'hui, il y avait eu des avertissements. Cela

 23   n'était pas une surprise pour moi. Les Nations Unies avaient été averties :

 24   Si vous bombardez, il y aura des conséquences, vous serez traités en tant

 25   qu'ennemi. Et capturer des membres des Nations Unies eut été une

 26   conséquence de cela.

 27   Q.  Alors, qu'en est-il de la phrase suivant où vous dites que d'après ce

 28   que vous avez compris, un groupe de volontaires russes, qui combattait à


Page 42496

  1   vos côtés, avait pris l'initiative de commencer à prendre des otages ? Et

  2   donc, est-ce que d'après vous quatre corps militaires, le Corps de

  3   Sarajevo-Romanija, le 1er Corps de Krajina, le Corps de la Drina et le

  4   Corps de la Bosnie orientale et - cinq, en fait - le 2e Corps de la

  5   Krajina, tous ces corps ont été incités à prendre pour otages des membres

  6   des Nations Unies, à les placer sur des cibles militaires dans des

  7   installations militaires de la VRS sur l'ensemble des zones de

  8   responsabilité des cinq corps simplement sur la base de ce que leur avaient

  9   dit quelques volontaires russes ?

 10   R.  C'est ainsi que j'ai compris les choses. Moi, cette information sur ce

 11   groupe de volontaires russes m'est parvenue par le truchement du ministre

 12   de l'Information d'alors, M. Miroslav. Et d'après ce que j'ai compris,

 13   lorsque ces volontaires russes ont commencé à prendre ou à capturer ces

 14   personnels des Nations Unies, ceci a commencé à Pale, et ceci a eu un effet

 15   en rafale. C'est ainsi que j'ai compris les choses.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Alors, regardons le D2149, s'il vous plaît.

 17   Pièce de la Défense, pas encore en tout cas, pièce de la Défense D2149,

 18   versée par le Dr Karadzic et présentée par le truchement du général

 19   Milovanovic, et ceci concerne ses réunions avec le Dr Karadzic entre mai

 20   1992 et décembre 1995. Je souhaite que nous passions à la page 56 de

 21   l'anglais, page 38 du B/C/S dans l'original.

 22   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 23   Mme EDGERTON [aucune interprétation] 

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Zametica.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite, s'il vous plaît, que vous

 26   agrandissiez la version anglaise car j'ai du mal à le lire.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] 

 28   Q.  Alors, si on enlève le texte en B/C/S, cela ne vous gêne pas ?


Page 42497

  1   R.  Non, cela ne me gêne pas, mais je n'arrive pas à lire les caractères

  2   qui sont tous petits.

  3   Q.  Si à un moment donné vous souhaitez voir le document en cyrillique, pas

  4   de problème.

  5   Donc, ici, à l'entrée de ce journal qui correspond au 25 mai 1995, la

  6   toute dernière ligne, le général Milovanovic dit :

  7   "Après avoir informé le Dr Karadzic du début du bombardement," et si

  8   nous passons à la page suivante, "il m'a ordonné de réactiver une décision

  9   de l'année dernière de la VK [comme interprété] concernant l'arrestation

 10   par la VRS de tout étranger sur le territoire de la Republika Srpska."

 11   Alors, non seulement il y avait une décision politique générale qui avait

 12   été prise par les dirigeants de la Republika Srpska, mais la manière dont

 13   vous avez compris le rôle du Dr Karadzic dans cette opération est inexacte,

 14   car c'est le Dr Karadzic qui en a donné l'ordre, n'est-ce pas ?

 15   R.  C'est possible, oui. Je ne peux pas le confirmer ni l'infirmer. C'est

 16   possible.

 17   Q.  Et qu'en est-il - un instant, s'il vous plaît - alors, le P2137, qui

 18   correspond à un ordre de l'état-major de la VRS aux commandants des 1er et

 19   2e Corps de Krajina, la défense antiaérienne, le Corps de Sarajevo-

 20   Romanija, le Corps de Bosnie orientale, tous les corps, en fait, ainsi qu'à

 21   l'armée de l'air, et ceci est signé par le général Milovanovic.

 22   Alors, veuillez regarder ce document, s'il vous plaît, Monsieur

 23   Zametica. On peut lire aux paragraphes 1 et 2 que les commandements des

 24   corps et la défense antiaérienne et l'armée de l'air, en accord avec les

 25   commandants des bases logistiques, placeront le personnel fait prisonnier

 26   de la FORPRONU ainsi que le personnel d'autres organisations d'aide

 27   humanitaire et d'organisations internationales dans leurs zones de

 28   responsabilité, dans leurs postes de commandement, leurs postes de tir et


Page 42498

  1   d'éventuelles autres cibles qui pourraient être la cible de frappes

  2   aériennes.

  3   Et ensuite, si vous passez à la traduction anglaise à la page 2, au

  4   paragraphe 8, et l'avant-dernier paragraphe de l'original en B/C/S, vous

  5   constatez, n'est-ce pas, Monsieur Zametica, que cet ordre de l'état-major

  6   de la VRS au sujet du déploiement de la FORPRONU a fait l'objet d'une

  7   approbation par le président de la Republika Srpska ?

  8   Monsieur Zametica, non seulement c'est possible, mais c'est ce que

  9   montrent les éléments de preuve, n'est-ce pas ?

 10   R.  C'est ce que dit le général Milovanovic, oui.

 11   Q.  C'est ce que nous montre cet ordre, n'est-ce pas ?

 12   R.  Non. Je ne suis pas en train d'essayer de dire que c'est impossible.

 13   Tout ce que je dis, c'est que c'est ce que dit le général Milovanovic. Il

 14   n'y a pas de lien direct entre son document et le fait que le Dr Karadzic

 15   dise que ces hommes doivent être attachés à des poteaux et je ne sais quoi,

 16   et des choses de ce genre. C'est possible. Moi, je n'ai pas de

 17   connaissances de cela et je ne peux pas apporter de commentaires. Tout ce

 18   que je dis, c'est que vous ne prouvez pas qu'il y a un lien direct. C'est

 19   ce que dit Milovanovic.

 20   Q.  Donc des preuves qui précisent que l'ordre précis qui vise à déployer

 21   un personnel de la FORPRONU à des installations militaires qui pouvaient

 22   faire l'objet de frappes aériennes de l'OTAN a, en fait, l'approbation par

 23   le président de la Republika Srpska, ceci n'est-il pas un lien manifeste ?

 24   R.  Non, parce que l'armée, très souvent, faisait des choses seule,

 25   indépendamment des desiderata ou ordres du Dr Karadzic ou instructions du

 26   Dr Karadzic. Et comme je l'ai dit un peu plus tôt, l'armée mettait en œuvre

 27   sa propre politique de façon indépendante. Tout ce que je dis, c'est que

 28   cela ne prouve rien.


Page 42499

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Pouvons-nous nous pencher sur un autre

  2   document, s'il vous plaît, qui porte la cote D1055.

  3   Q.  Une fois le document affiché à l'écran, il nous faut la page 5, qui

  4   contient une déclaration faite par vous le 26 mai 1995, à minuit, en fait,

  5   le 26 mai 1995. C'est une réaction aux frappes aériennes. Et vous y dites,

  6   Monsieur Zametica :

  7   "Je crois que nous avons fait preuve" -- et vous pouvez retrouver ce

  8   passage vers le milieu de la page. "Nous avons fait preuve de détermination

  9   et de fortitude dans notre réaction d'aujourd'hui," et vous dites que cette

 10   réaction a été très sobre et qu'elle sera comprise par la communauté

 11   internationale.

 12   Mais vous dites dans la suite du texte :

 13   "Si ce geste de notre part n'est pas compris, nous allons aller encore plus

 14   loin. Si la communauté internationale commence à recourir à la force, nous

 15   allons réagir de la même façon. Nous allons nous défendre dans les

 16   territoires qui nous appartiennent traditionnellement et nous allons

 17   fournir une réaction adéquate pour répondre à la force utilisée contre

 18   nous."

 19   Et pour remettre ces choses dans leur contexte, les premières frappes

 20   aériennes ont eu lieu à 4 heures 20 le 25 mai 1995. Toutes les zones de

 21   sécurité ont fait l'objet de frappes aériennes, mis à part Zepa, et je me

 22   réfère à la pièce P6265 [comme interprété] pour le citer --

 23   R.  Non, non, mais --

 24   Q.  -- et ici, vous vous servez des formulations qui insistent sur le

 25   caractère unanime des décisions et des actions qui ont été prises et

 26   entreprises, Monsieur Zametica. Alors, comment est-ce qu'on peut en déduire

 27   que l'armée faisait des choses à sa propre 

 28   initiative ?


Page 42500

  1   R.  Si vous lisez la suite de ce document, et il s'agit bien d'une

  2   déclaration que j'ai faite le 26 mai, vous verrez qu'en fait je suis en

  3   train d'envoyer un signal à la communauté internationale. Et ce signal, je

  4   vais vous en donner la lecture.

  5   Q.  Mais nous pouvons le voir dans le document --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Laissez le témoin poursuivre.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Toutes mes excuses.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dis que :

  9   "Jusqu'à présent, la communauté internationale a montré qu'elle ne

 10   comprenait pas notre position." Et puis, un peu plus loin, je 

 11   dis : "Nous sommes prêts à entamer des négociations dès aujourd'hui, dès

 12   demain, mais seulement sur les bases qui nous assureraient un traitement

 13   sur un pied d'égalité qui serait appliqué à toutes les parties au conflit."

 14   Donc le message que j'envoie ici, et moi je ne retire pas ce que j'ai pu

 15   déclarer ici, c'était une déclaration qui faisait preuve de fortitude, et

 16   il faut comprendre le contexte dans lequel elle a été faite. Toutes les

 17   émotions étaient très fortes à ce moment-là. Mais ce qui compte vraiment

 18   dans ce document, sa partie essentielle est justement ce passage où

 19   j'envoie un signal à la communauté internationale en disant que : Voilà,

 20   nous sommes prêts à entamer des négociations.

 21   Q.  Mais ma question portait sur les formulations auxquelles vous

 22   recouriez. Vous dites -- vous décrivez votre réaction comme une réaction

 23   sobre, et vous n'arrêtez pas d'utiliser le terme "nous". "Nous allons faire

 24   ceci, nous allons faire cela." Comment, alors, pouvez-vous dire que c'est

 25   l'armée qui est en train de faire quelque chose à sa propre initiative ?

 26   R.  Mais je ne le dis pas. Tout ce que je dis, c'est que vous ne pouvez pas

 27   déduire de ce document que nous étions unanimes dans nos objectifs. Il n'y

 28   avait pas d'unanimité au niveau de nos objectifs. Peut-être que nous avions


Page 42501

  1   parfois des objectifs similaires, mais il n'y a jamais eu une uniformité,

  2   une unité totale, quant à nos objectifs, comme vous venez de le définir.

  3   Une telle unité n'a jamais existé.

  4   Q.  Alors, êtes-vous en train de nous dire qu'il s'agit ici d'une simple

  5   coïncidence, que c'est par coïncidence que toutes les zones de sécurité ont

  6   été bombardées quelques heures après les premières frappes aériennes ?

  7   C'est une simple coïncidence alors ?

  8   R.  Mais votre question ne s'enchaîne pas par rapport à ma réponse. Je ne

  9   vois pas quel est le lien logique entre les deux.

 10   Q.  Mais répondez, s'il vous plaît, à ma question si vous le pouvez. Etes-

 11   vous en train de nous dire que c'est par coïncidence que toutes les zones

 12   de sécurité de l'OTAN -- ou, plutôt, que toutes les zones de sécurité, tout

 13   court, ont été bombardées quelques heures après les premières frappes

 14   aériennes de l'OTAN ?

 15   R.  Mais ce n'est pas la question de coïncidence qui se pose ici. Je ne

 16   comprends pas la logique que vous suivez.

 17   Q.  Est-ce que l'armée faisait quelque chose à sa propre initiative ?

 18   R.  L'armée l'a fait très souvent. Je ne sais pas ce que l'armée a fait

 19   dans ce cas de figure particulier.

 20   Q.  Mais alors pourquoi est-ce que vous utilisez le pronom "nous" tout au

 21   long de ce texte dans la réponse que vous fournissiez et qui a été entendue

 22   par le monde entier ?

 23   R.  Parce qu'il est logique que nous disions "nous" à ce moment précis.

 24   Quel autre terme étais-je censé utiliser dans la langue anglaise ?

 25   Q.  Je vais passer à un autre sujet. Le lendemain, une fois toutes les

 26   zones de sécurité bombardées, vous avez adressé la menace suivante, vous

 27   avez dit : "Nous allons aller encore plus loin." Et le 26 mai, une heure

 28   après le deuxième intervalle de frappes aériennes, vous étiez déjà en train


Page 42502

  1   de bombarder Sarajevo avec des bombes aériennes de 250 kilos. Vous avez

  2   bloqué toutes les routes qui menaient à Sarajevo, vous avez coupé

  3   l'approvisionnement en eau et en électricité, vous avez réagi en vous

  4   servant des boucliers humains. L'ordre donné par le Dr Karadzic au général

  5   Milovanovic a été mis en œuvre, et cela, sur le territoire du pays dans sa

  6   totalité. C'est bien ce qui s'est passé, n'est-ce pas, Monsieur Zametica ?

  7   R.  C'est ce que vous dites. Je n'en suis pas aussi sûr.

  8   Q.  Bien, vous étiez sur place. Dites-nous ce qui s'est passé.

  9   R.  Eh bien, combien de personnes ont-elles été prises et utilisées comme

 10   boucliers humains dans ce cas de figure particulier des 300 prisonniers qui

 11   ont été capturés ? Parce que -- désolé, permettez-moi de continuer. Ce que

 12   vous venez de dire donne l'impression que tous les prisonniers ont été

 13   utilisés comme des boucliers humains. Mais, en fait, un très petit

 14   pourcentage de prisonniers a été utilisé à cet effet. Par ailleurs, je n'ai

 15   jamais approuvé d'un tel geste. Je me suis opposé à toute cette idée. Je

 16   l'ai déjà expliqué très clairement tout à l'heure. Mais je me demande

 17   pourquoi vous utilisez des expressions qui suggèrent que tous les

 18   prisonniers, tous les prisonniers des rangs de l'ONU, ont été utilisés

 19   comme des boucliers humains, ce qui manifestement n'a pas été le cas.

 20   Q.  Monsieur Zametica, je vous ai décrit tout le contexte et je vous ai

 21   décrit la suite chronologique des événements, et vous m'avez répondu que

 22   vous n'étiez pas sûr que les choses se sont passées de la manière dont je

 23   les ai décrites. Alors, si j'ai tort, j'aimerais que vous nous disiez ce

 24   qui s'est passé en réalité. Puisque vous étiez sur place.

 25   R.  Le fait que je me trouvais sur place ne signifie pas que je savais tout

 26   ce qui se passait. Quoi qu'il en soit, j'ai communiqué mes connaissances

 27   sur le sujet dans ma déclaration. Je n'ai rien à ajouter.

 28   Q.  Eh bien, Monsieur Zametica, penchons-nous sur une autre déclaration que


Page 42503

  1   vous avez faite le 26 mai 1995.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] Passons maintenant au document qui porte la

  3   cote 25339 de la liste 65 ter.

  4   Q.  C'est votre communiqué de presse qui a été repris et publié par

  5   Reuters.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Si possible, j'aimerais que l'on agrandisse

  7   un petit peu le document.

  8   Q.  J'aimerais que vous vous concentriez sur l'avant-dernière phrase, où il

  9   est indiqué :

 10   "Zametica a dit que les Serbes ont placé les effectifs de l'ONU et des

 11   observateurs militaires non armés autour des cibles potentiels contre

 12   lesquels l'OTAN pourrait ouvrir le feu."

 13   Alors, Monsieur Zametica, sur la base de ce que vous nous avez dit, non

 14   seulement vous vous trouviez sur place, non seulement vous saviez que ces

 15   observateurs militaires avaient été privés de leurs armes, privés de leur

 16   équipement de protection, qu'ils ont été éparpillés sur la totalité du

 17   territoire contrôlé par les Serbes, et tout ceci a été fait pour forcer les

 18   forces de l'OTAN à mettre fin aux frappes aériennes. Et si vous regardez ce

 19   qui est indiqué au deuxième paragraphe sur la même page, vous allez voir

 20   qu'on peut y lire :

 21   "Si la communauté internationale souhaite poursuivre avec cette ligne de

 22   conduite, elle devra le payer très, très cher."

 23   Et puis, un peu plus loin, vous dites :

 24   "Les choses ne vont pas s'arrêter là. Les Serbes sont déterminés à le

 25   montrer au monde entier."

 26   Et puis, tout au bout de la page, vous dites :

 27   "Si l'OTAN souhaite poursuivre les frappes aériennes, alors elle sera

 28   obligée de tuer les effectifs de l'ONU ici sur le terrain."


Page 42504

  1   Vous vous trouviez sur place, Monsieur Zametica, vous saviez exactement ce

  2   qui se passait, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non, ce n'est pas vrai. Je pense que je vous ai présenté déjà d'une

  4   façon très explicite mon point de vue sur le sujet. Personnellement, je me

  5   suis engagé contre la politique qui consistait à capturer les effectifs de

  6   l'ONU. Le rapport de Reuters que vous m'avez présenté me fait penser à une

  7   invention de toutes pièces. Cela me fait penser à une -- peut-être une

  8   conférence de presse que j'ai pu avoir avec les journalistes ou une réunion

  9   que j'ai pu avoir avec des journalistes, mais d'une façon tout à fait

 10   informelle. Je n'aurais jamais utilisé des termes comparables à ceux qui

 11   sont cités ici. Par exemple : "Ils vont devoir tuer les effectifs de l'ONU

 12   ici sur le terrain."

 13   Moi, cela me semble d'être monté de toutes pièces. J'étais parfaitement

 14   conscient de l'importance de nos communications avec les médias

 15   occidentaux, avec le monde occidental. Je choisissais les termes dont je me

 16   servais très soigneusement, et je n'aurais jamais utilisé des mots de ce

 17   type, des mots qui sont consignés ici. Oui, c'est vrai, je me trouvais sur

 18   place, je ne le nie pas, mais je n'étais pas au courant de tout ce qui se

 19   passait à l'époque.

 20   La situation changeait d'un moment à l'autre. Tout le monde était

 21   très ému. La guerre, voyez-vous, n'est pas une série d'actions et de

 22   contre-actions purement rationnelles. Les émotions ont un rôle à jouer. La

 23   peur, elle aussi, a un rôle à jouer, et cetera. Et nous avions là une

 24   situation de ce type-là. Mais malgré la déclaration que j'ai faite et que

 25   nous avons pu voir tout à l'heure, et dont je ne nie pas d'avoir été

 26   l'auteur, cette déclaration-ci me semble être tirée d'une réunion

 27   informelle, et il me semble aussi que le récit est truffé de choses qui ont

 28   été ajoutées par la suite et dont je n'ai pas été l'auteur. Je n'aurais


Page 42505

  1   jamais utilisé les termes de ce type. Je n'aurais jamais dit qu'"il va

  2   falloir tuer les effectifs de l'ONU sur le terrain." Cela aurait envoyé un

  3   message complètement erroné à la communauté internationale.

  4   J'ai attiré votre attention tout à l'heure à la partie la plus

  5   importante de la déclaration que j'ai faite le 26 mai, me semble-t-il, où

  6   j'ai dit que la Republika Srpska était prête à ouvrir les négociations.

  7   Pensez-vous que j'étais inconscient de la situation très sérieuse dans

  8   laquelle nous nous trouvions ? Notre seul espoir était justement dans les

  9   négociations. Compte tenu de toutes les forces qui s'étaient réunies contre

 10   nous et qui avaient des effectifs très importants, et qui comprenaient à la

 11   fois la communauté internationale et les médias occidentaux, qui

 12   comprenaient M. Milosevic et son épouse à Belgrade, je savais pertinemment

 13   que notre seul espoir était dans les négociations. En plus, nous avions une

 14   armée qui refusait de se subordonner, et notre seul espoir est d'arriver à

 15   un accord de paix dès que possible. Donc la déclaration que vous avez

 16   présentée -- ou, plutôt, ce reportage ou ce rapport publié par l'agence de

 17   presse Reuters va à l'encontre de ma façon de penser à l'époque.

 18   Q.  Vous avez encore une fois décrit l'armée comme un organe qui n'était

 19   pas subordonné, mais, Monsieur Zametica, nous venons de voir toute une

 20   série de documents, y compris des documents militaires, qui nous montrent

 21   exactement le contraire, qui nous montrent que l'armée mettait en œuvre des

 22   directives, des ordres émanant du Dr Karadzic. Quel est cet élément qui

 23   vous fait parler de l'insubordinance [phon] de l'armée dans le cadre de

 24   cette opération particulière ?

 25   R.  Mais est-ce que vous pouvez me montrer cet ordre qui émanerait du Dr

 26   Karadzic ? Je ne parle pas du document rédigé par Milovanovic, je parle

 27   d'un document qui émanerait du Dr Karadzic lui-même. Un tel document

 28   existe-t-il ?


Page 42506

  1   Q.  Mais nous avons vu un élément de preuve qui a été tiré du journal du

  2   général Milovanovic. Je peux vous le montrer encore une fois si vous le

  3   souhaitez.

  4   R.  Non. J'ai déjà vu le document. Je vous ai demandé de me montrer à moi

  5   et de montrer aux Juges de ce Tribunal un ordre qui émanerait du Dr

  6   Karadzic lui-même. Où est cet ordre ?

  7   Q.  Monsieur Zametica, je viens de vous le dire, que vous avez déjà vu

  8   l'élément de preuve pertinent. Alors, veuillez répondre maintenant à ma

  9   question. Sur la base de quoi est-ce que vous dites que l'armée a fait

 10   preuve d'insubordination dans le cadre de cette opération particulière ?

 11   R.  Mais l'armée n'arrêtait pas de faire preuve d'insubordination. Elle

 12   était en train de préparer un coup d'Etat militaire au mois d'août 1995. Je

 13   ne peux pas vous raconter tous les détails. Mais en tout cas, l'armée

 14   préparait un coup d'Etat.

 15   Q.  Mais je ne vous pose pas de questions qui touchent au mois d'août. Je

 16   vous pose des questions qui se réfèrent très concrètement à cette

 17   opération-là.

 18   R.  Eh bien, qu'est-ce qui vous fait penser que l'armée a soudainement, au

 19   cours de cette opération particulière, décidé de devenir un instrument au

 20   service de l'équipe dirigeante politique de la Republika Srpska et de

 21   laisser tomber son indépendance qu'elle avait manifestée auparavant ?

 22   Q.  Monsieur Zametica, vous ne répondez pas à ma question.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Permettez-moi de poser la question

 24   suivante. Est-ce que vous dites, Monsieur Zametica : numéro 1, que le Dr

 25   Karadzic n'a jamais donné l'ordre de capturer les soldats de l'ONU; et

 26   deuxièmement, que vous n'étiez pas au courant du fait s'il a émis un tel

 27   ordre ou s'il ne l'a pas fait ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ma réponse


Page 42507

  1   correspondrait à ce que vous dites à la question numéro 2.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, vous pouvez poursuivre.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. Un instant de patience, s'il vous

  4   plaît, et je vais passer à un autre sujet.

  5   M. ROBINSON : [interprétation] Peut-être serait-il bon d'admettre au

  6   dossier ce document, Monsieur le Président.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui. Cela permettrait de comprendre mieux

  8   les réponses fournies par M. Zametica. Ceci peut être une pièce de

  9   l'Accusation, s'il vous plaît.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P6474, Messieurs les

 12   Juges.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation]

 14   Q.  Vous l'avez mentionné à plusieurs reprises aujourd'hui, Monsieur le

 15   Professeur, vous l'avez dit au Dr Karadzic et vous l'avez répété dans les

 16   réponses que vous m'avez fournies, en parlant du mémorandum que vous avez

 17   rédigé, et vous vous engagiez en faveur de la mise en liberté des otages.

 18   Vous avez indiqué, donc, que vous avez défendu ce point de vue parce que

 19   vous pensiez qu'il y avait un risque d'une isolation internationale encore

 20   plus poussée, n'est-ce pas ?

 21   R.  En effet, mais cela ne résume pas toute ma réponse. J'avais le

 22   sentiment qu'il y avait aussi un problème à un niveau moral dans la prise

 23   des effectifs de l'ONU comme prisonniers.

 24   Q.  Un instant de patience, s'il vous plaît.

 25   Alors, vous avez également évoqué le Dr Karadzic dans votre déclaration

 26   préalable et signée, vous avez écrit au sujet d'un mémorandum qui est

 27   repris dans son journal, donc j'en déduis que vous avez lu son journal. Ai-

 28   je raison ?


Page 42508

  1   R.  J'ai lu des extraits de son journal. C'est un journal qui a été publié,

  2   et il comprend deux volumes très exhaustifs. Alors, je ne peux pas affirmer

  3   avoir tout lu de la page de couverture jusqu'à la fin. Mais j'ai lu

  4   quelques extraits, en effet.

  5   Q.  Très bien. Et alors, vous savez ce que le Dr Koljevic a écrit au sujet

  6   de votre mémorandum dans ce journal, n'est-ce pas ?

  7   R.  Je ne m'en souviens plus, mais cela est fort possible, en effet.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document

  9   25569 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 10   Q.  C'est un extrait de son journal où il est question justement du

 11   mémorandum que vous avez rédigé. Dans la version B/C/S originale, les pages

 12   qui nous intéressent sont les pages 152 et 153.

 13   Veuillez nous dire, Monsieur Zametica, quelle version vous préférez avoir

 14   affichée à l'écran, la version anglaise ou la version B/C/S. J'aimerais que

 15   vous vous penchiez sur le paragraphe qui commence par les mots "Ce même

 16   jour, le 29 mai," parce que c'est là le paragraphe qui concerne le

 17   mémorandum que vous avez rédigé. Et puis, une fois que vous aurez lu ce

 18   passage, j'aimerais que nous passions à la page suivante, et alors je vous

 19   poserai ma question.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Faut-il éliminer la page en B/C/S ?

 21   Mme EDGERTON : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que cela vous va, Monsieur Zametica ? Est-ce que nous pouvons

 23   laisser tomber la version B/C/S ?

 24   R.  Oui, allez-y.

 25   Q.  Veuillez nous dire à quel moment nous pouvons passer à la page

 26   suivante, Monsieur Zametica.

 27   R.  Allez-y.

 28   Q.  Et une partie de la page qui suit nous intéresse aussi, donc signalez-


Page 42509

  1   nous lorsque vous aurez lu la page qui est présentée en ce moment.

  2   R.  Oui, s'il vous plaît, la page suivante.

  3   Q.  Lorsque vous évoquiez la question de votre mémorandum --

  4   R.  Excusez-moi, je n'ai pas terminé la lecture.

  5   Q.  Permettez-moi de vous poser la question d'abord et vous pouvez

  6   reprendre votre lecture par la suite. Lorsque vous parliez de votre

  7   mémorandum, Monsieur Zametica, vous n'évoquiez pas la suite qui continue

  8   dans le journal du Dr Koljevic et qui concerne une proposition que vous

  9   avez avancée concernant les enclaves orientales. Vous pouvez reprendre

 10   votre lecture maintenant.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Monsieur Zametica, ce que vous avez omis de signaler est que vous avez

 13   également suggéré qu'une attaque immédiate et violente devait être lancée

 14   contre l'enclave orientale, vous avez suggéré que les membres de la

 15   FORPRONU ne devaient être relâchés que sélectivement, et vous avez insisté

 16   que ce serait le seul geste capable de ramener tout le monde à la table des

 17   négociations. Vous parliez d'une victoire complète en Bosnie orientale.

 18   Alors, dans votre déclaration préalable signée, vous avez cité à plusieurs

 19   reprises le journal du Dr Koljevic. Est-ce que nous pouvons faire confiance

 20   au journal du Dr Koljevic sur ce point aussi, en ce qui concerne cette

 21   proposition que vous avez avancée à l'équipe dirigeante des Serbes de

 22   Bosnie ?

 23   R.  Dans une grande mesure, oui.

 24   Q.  Très bien. Alors, j'aimerais vous posez quelques questions au sujet

 25   d'une offensive violente qui devait être lancée contre les enclaves

 26   orientales et que vous recommandez à la fin du mois de mai 1995. J'aimerais

 27   savoir, Monsieur Zametica, et, en fait, ma question concerne quelque chose

 28   que vous avez dit tout à l'heure au cours de la journée. Vous avez dit à M.


Page 42510

  1   Karadzic lors de son interrogatoire principal que vous ne lisiez pas les

  2   rapports du renseignement parce qu'il avait des conseillers qui avaient la

  3   tâche de le faire, et vous avez indiqué leurs noms. Alors, est-ce que vous

  4   êtes d'accord avec le conseiller chargé de la sécurité qui lisait ces

  5   rapports pour dire que tous les meurtres à Srebrenica ne sont qu'un mythe ?

  6   En fait, lui, pour décrire ce qui s'est passé à Srebrenica, a utilisé les

  7   termes "une grande farce". Est-ce que vous partagez ce point de vue ?

  8   R.  Mais avant de vous dire quel est mon point de vue, j'aimerais avoir

  9   quelques éléments supplémentaires. J'aimerais que vous précisiez de quoi ou

 10   de qui vous parlez et qui vous êtes en train de citer. Qui a déclaré que

 11   tout ceci n'était qu'un mythe ?

 12   R.  Il s'agit de l'ambassadeur Milinic, c'était l'un des deux conseillers

 13   du Dr Karadzic, et c'est bien ce qu'il a déclaré lorsqu'il est venu déposer

 14   pour la Défense du Dr Karadzic devant ce Tribunal, pages du compte rendu

 15   d'audience 39 769 à 70, et 39 793.

 16   R.  Mais je ne peux pas être tenu responsable pour ce qu'a pu dire Gordan

 17   Milinic, et je ne comprends pas trop la question que vous me posez. Est-ce

 18   que vous me demandez de faire des commentaires au sujet de ce que M.

 19   Milinic a dit pour le compte rendu d'audience dans sa déposition ? Est-ce

 20   là la substance de votre question ?

 21   R.  Vous avez indiqué n'avoir jamais lu des rapports du renseignement. Vous

 22   avez indiqué que le Dr Karadzic avait des conseillers qui le faisaient.

 23   L'un de ses conseillers qui lisaient ces rapports-là a déclaré que les

 24   assassinats perpétrés à Srebrenica n'étaient qu'un simple mythe, n'étaient

 25   qu'une simple farce. Est-ce que vous partagez son point de vue ?

 26   R.  Non, je ne le partage pas.

 27   Q.  Eh bien, si tel est le cas, Monsieur Zametica, lorsque vous parlez des

 28   crimes commis à Srebrenica, et vous en avez parlé avec le Dr Karadzic,


Page 42511

  1   lorsque vous parlez d'exécutions en masse de milliers d'hommes et de

  2   garçons bosniaques par les forces armées de la Republika Srpska, c'est bien

  3   de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas ?

  4   R.  Veuillez, s'il vous plaît, reprendre votre question. Je ne suis pas ce

  5   que vous êtes en train de dire.

  6   Q.  Très bien. Puisque vous ne partagez pas le point de vue que nous avons

  7   vu tout à l'heure, j'aimerais savoir si vous êtes bien d'accord sur ce

  8   point de vue-ci. Lorsque vous parlez des crimes commis à Srebrenica, comme

  9   vous l'avez fait lors de l'interrogatoire principal et comme vous l'avez

 10   fait dans votre déclaration écrite préalable, vous parlez en fait des

 11   exécutions en masse  de milliers d'hommes et de garçons de Bosnie par les

 12   forces armées de la Republika Srpska.

 13   R.  Désolé, Monsieur le Juge, il me faut un peu plus de temps pour examiner

 14   la partie de la déclaration qui concerne Srebrenica et pour voir de plus

 15   près ce que j'y ai indiqué. Alors, voici ce que j'ai écrit, page 16,

 16   paragraphe 35 : "À ce jour, je ne sais toujours pas qui a commis ou ordonné

 17   les crimes de Srebrenica, mais il est certain que de qui qu'il se soit agi,

 18   il a rendu le pire service possible à la Republika Srpska". C'est ce que

 19   j'ai dit.

 20   Q.  Mais lorsque vous parlez des crimes de Srebrenica, nous pouvons nous

 21   mettre d'accord, n'est-ce pas, sur le fait que vous vous référez,là à

 22   l'exécution en masse de milliers d'hommes et de jeunes garçons musulmans

 23   par les forces de la Republika Srpska, n'est-ce 

 24   pas ?

 25   R.  Non. Premièrement --

 26   Q.  Très bien. Dans ce cas-là, dites-nous de quoi vous parlez.

 27   R.  Je parle d'un massacre qui s'est produit à Srebrenica pendant cette

 28   période. C'est ce dont je parle. Et je ne peux pas me référer à quoi que ce


Page 42512

  1   soit d'autre de plus que cela parce ce que je n'étais pas sur place.

  2   Q.  Monsieur Zametica, c'est quelque chose que vous n'êtes pas sans savoir

  3   puisse que vous avez suivi de près les travaux de ce Tribunal. Il y a déjà

  4   eu plusieurs procès comprenant des allégations relatives à Srebrenica, il y

  5   a eu un certain nombre de conclusions relatives à ces exécutions, et ces

  6   conclusions portent précisément sur ce que je viens d'avancer. Elles

  7   concernent près de 7 000 hommes et garçons musulmans qui ont exécutés par

  8   les forces armées de la Republika Srpska, la VRS, et le MUP. Est-ce que ce

  9   que vous nous dites aujourd'hui à la barre est que vous n'acceptez pas ceci

 10   comme étant la vérité ?

 11   R.  Non, ce n'est pas ce que je dis. En fait, je me demande sur quelle base

 12   vous affirmez que j'ai suivi de près les procès en question -- le procès en

 13   l'espèce. Je ne crois pas que ceci résulte de quoi que ce soit que j'aie pu

 14   déclaré. Mais concernant le massacre qui s'est produit à Srebrenica pendant

 15   cette période et dont nous sommes en train de parler, je ne peux rien faire

 16   d'autre que répéter ce que j'ai déjà dit dans ma déclaration au paragraphe

 17   numéro 35, et je vais vous le relire parce que vous ne semblez pas avoir

 18   compris ce que j'essaye de dire. Donc, si vous souhaitez obtenir des

 19   informations supplémentaires, je serais heureux de vous les fournir. Mais

 20   voilà, je répète la première phrase du paragraphe 35 : "A ce jour," et je

 21   suppose que cela daté du mois de juin, "j'ignore toujours qui," et je

 22   répète, "qui a commis ou ordonné les crimes de Srebrenica, mais il est

 23   absolument certain que de qui qu'il se soit agi, il a rendu le pire service

 24   à la Republika Srpska." Et je n'ai rien à ajouter à ceci.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, pouvons-nous conclure de ce que vous dites que vous

 26   n'êtes pas disposé à accepter le fait que près de

 27   7 000 hommes et garçons musulmans de Bosnie ont été exécutés par les forces

 28   armées de la Republika Srpska ?


Page 42513

  1   R.  Une nouvelle fois, je vais répéter, parce que je ne sais plus dans

  2   quelle langue je dois maintenant m'exprimer. Alors, il me semble que soit

  3   c'est vous-même qui avez choisi délibérément de ne pas comprendre mon

  4   anglais ou de passer outre ce que je dis, ou alors peut-être que je

  5   pourrais fournir des explications supplémentaires, mais en tout cas, la

  6   formulation de cette phrase, ou plutôt, de ce paragraphe, est claire comme

  7   de l'eau de roche en anglais. Tout ce que je puis dire, c'est que je

  8   n'étais pas présent à Srebrenica à cette époque. Ce que je savais à

  9   l'époque était qu'aucun crime n'avait été commis à Srebrenica. Et

 10   aujourd'hui encore, je crois que le Dr Karadzic disposait des mêmes

 11   informations. Aujourd'hui encore, et je le répète, j'ignore qui a commis ou

 12   a ordonné les crimes commis à Srebrenica. Alors, je suis sûr que le présent

 13   Tribunal s'est penché de très près et avec beaucoup d'attention sur cette

 14   question, et je suis sûr que ce Tribunal établira la vérité et les faits.

 15   Q.  Vous ne répondez pas à ma question, et je vais donc vous poser une

 16   autre question sous un angle un peu différent, après quoi nous passerons à

 17   autre chose.

 18   Vous venez de faire plusieurs références à la même chose. Vous ne

 19   cessez de vous référer, comme dans votre déclaration, à un massacre commis

 20   à Srebrenica. Alors, à votre connaissance, combien y a-t-il eu de victimes

 21   dues à ce massacre, à ces exécutions ?

 22   R.  Je n'ai aucun élément d'information à ce sujet, aucune connaissance. Et

 23   je voudrais juste ajouter quelque chose, parce que je crois comprendre où

 24   vous voulez en venir. Je vous répète une nouvelle fois que je n'étais pas

 25   présent sur place et je n'ai absolument aucune idée de ce qui s'est passé

 26   là-bas. Sauf que, comme il est manifeste aujourd'hui, quelque chose

 27   d'horrible s'est produit là-bas. Alors, je ne sais pas qui a commis ceci,

 28   je ne sais pas combien de personnes ont été exécutées. Je ne suis pas en


Page 42514

  1   train d'essayer de contourner le sujet. J'essaye tout simplement d'être

  2   aussi clair que je peux l'être en anglais lorsque je vous dis que je n'ai

  3   aucune connaissance précise de ce qui s'est passé là-bas. Je ne sais pas

  4   combien de personnes ont été exécutées. Mais même si une seule personne

  5   avait été exécutée, cela serait indéfendable.

  6   Q.  Merci. Donc vous avez également déclaré aujourd'hui concernant le

  7   massacre de Srebrenica, et vous l'avez dit à la page 50 du compte rendu

  8   d'audience, qu'en 2001, vous ne saviez rien de plus, vous et le Dr

  9   Karadzic, dans le cadre de vos échanges de correspondance privés alors

 10   qu'il était encore en fuite, qu'à l'époque -- qu'en 1995.

 11   Monsieur Zametica, je vous signale que Radislav Krstic, le commandant

 12   adjoint du Corps de la Drina, a été condamné ici même au TPIY après le

 13   terme d'un procès en première instance au mois d'août 2001 pour aide et

 14   encouragement au génocide, au meurtre et aux persécutions dans le cadre du

 15   meurtre de milliers d'hommes et de garçons musulmans de Bosnie, fait qui

 16   lui a été reproché. Donc, comment pouvez-vous dire que vous n'en saviez

 17   guère davantage en 2001 qu'en 1995 ?

 18   R.  Si le Tribunal a condamné le général Krstic - c'est bien ce que vous

 19   dites, je crois ? - il l'a certainement fait sur la base d'une enquête très

 20   minutieuse. Je ne peux pas commenter sur ce point. Je crois que ce à quoi

 21   vous vous référez est une lettre que le Dr Karadzic m'a envoyée à titre

 22   privé en 2001. Et vous n'êtes pas sans savoir, Madame le Procureur, que le

 23   sujet de Srebrenica donne toujours lieu, aujourd'hui encore, à une

 24   controverse d'assez grande ampleur. Donc je crois que ce que le Dr Karadzic

 25   essayait de dire dans sa lettre, c'est qu'en 2001 nous n'en savions pas

 26   fondamentalement plus que ce que nous savions en 1995. Je présume que

 27   c'était son intention, mais je ne peux pas vous proposer le moindre

 28   commentaire supplémentaire.


Page 42515

  1   Q.  Merci. Je vous demande juste quelques instants.

  2   Alors, en répondant à une question posée plus tôt aujourd'hui par M.

  3   Karadzic, vous avez dit, je cite :

  4   "Quant aux informations dont nous disposions," et lorsque vous dites

  5   "nous", je suppose que vous parlez de vous-même et d'autres personnes,

  6   "nous savions que l'opération militaire avait été couronnée de succès et

  7   que l'opération militaire consistant à neutraliser Srebrenica en tant que

  8   bastion militaire s'était terminée avec succès."

  9   Alors, Monsieur Zametica, cette opération avait été ordonnée par M.

 10   Karadzic, n'est-ce pas ?

 11   R.  Je crois que cela a bien été le cas, oui. J'ai, cependant, quelque

 12   chose à ajouter. Je crois que lorsque nous parlons de Srebrenica, il

 13   importe de bien avoir à l'esprit qu'il y a deux aspects distincts dans

 14   cette affaire, et la plupart des gens semblent être incapables de les

 15   différencier. Le premier de ces deux aspects concerne l'opération militaire

 16   de Srebrenica. Le fait de neutraliser un bastion militaire, de se

 17   confronter aux hommes armés qui ne cessaient d'agir à partir de Srebrenica,

 18   et c'est quelque chose qui a fait l'objet de commentaires de la part du

 19   Secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, c'était

 20   quelque chose qui était fait en infraction aux accords de démilitarisation

 21   à Srebrenica. Donc le fait d'éliminer cette menace militaire que

 22   représentait Srebrenica était le premier aspect en présence duquel nous

 23   nous trouvions.

 24   Le second aspect, c'était le massacre de Srebrenica. Et ce sont là

 25   deux choses tout à fait distinctes. Quelle que soit l'identité de celui ou

 26   ceux qui ont commis ce crime, c'est quelque chose qui a été commis

 27   localement, sur place, et non pas le résultat d'une quelconque entreprise

 28   criminelle commune. Si, comme vous l'affirmez, c'était l'armée de la


Page 42516

  1   Republika Srpska qui avait commis ceci, cela n'aurait pu être que hors le

  2   contrôle du Dr Karadzic. Une armée qui se serait trouvée en dehors de son

  3   contrôle. Et je suis sûr que le Dr Karadzic aurait donné son aval au

  4   premier aspect de Srebrenica, tel que j'ai expliqué, l'opération militaire;

  5   tout comme je suis absolument convaincu qu'il n'aurait jamais avalisé les

  6   crimes qui, dans cette hypothèse, se seraient produits ensuite à Srebrenica

  7   ou dans les environs.

  8   Q.  Alors, je voudrais que nous abordions maintenant un autre document.

  9   Vous avez dit, lorsque je vous ai posé une question à ce sujet, qu'à votre

 10   avis, l'opération militaire consistant à neutraliser Srebrenica avait été

 11   ordonnée par M. Karadzic. Je voudrais donc que vous examiniez le document

 12   P4484. Nous allons procéder par étapes. Il s'agit d'un extrait de

 13   transcription enregistrée sur un dictaphone, l'enregistrement comporte

 14   plusieurs conversations. Je voudrais que vous vous penchiez sur celle qui a

 15   comme participants le Dr Karadzic et le commandant du Corps de la Drina,

 16   Zivanovic. Alors, c'est daté du mois de juillet 1995 --

 17   R.  Est-ce que vous pourriez répéter la date ?

 18   Q.  Le 8 juillet 1995 ou autour de cette date. Examinons cette

 19   conversation. A peu près un tiers à partir du haut de la page, M. Karadzic

 20   demande :

 21   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Que demande-t-il, excusez-moi ?

 23   Mme EDGERTON : [interprétation]

 24   Q.  Dans la transcription anglaise, il est indiqué : "Est-ce que les

 25   mamelons sont à nous ? Est-ce que nous les avons pris ?" Et Krstic [comme

 26   interprété] répond :

 27   "Oui."

 28   R.  Est-ce que vous pourriez me donner la référence précise ?


Page 42517

  1   Q.  Ligne 15.

  2   R.  Vous pouvez me donner un peu de temps pour lire l'intégralité, s'il

  3   vous plaît ?

  4   Q.  Tout à fait.

  5   R.  Je vous remercie.

  6   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine anglaise : Pouvons-nous disposer de

  7   l'affichage de la bonne page en B/C/S, s'il vous plaît.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci à mon collègue du Greffe.

  9   Q.  Juste en me reportant à la traduction anglaise, donc le terme "tits" ou

 10   "seins" ou "mamelons" en anglais - et excusez-moi pour ma traduction ou ma

 11   prononciation - en fait, il s'agit des montagnes Sise.

 12   R.  Excusez-moi --

 13   Q.  Si j'ai bien prononcé, en tout cas.

 14   R.  Je crois que nous avons peut-être besoin de la traduction ou de

 15   l'interprétation parce que je n'ai pas très bien compris votre

 16   prononciation en serbe. Donc j'aimerais bien en avoir l'interprétation.

 17   J'ai lu.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante en

 19   anglais, s'il vous plaît.

 20   Q.  Monsieur Zametica, M. Karadzic, lors de cette conversation avec son

 21   commandant militaire, le général Zivanovic, recueille toute une série

 22   d'information. C'est une discussion de nature tactique. Ils parlent de

 23   cotes qu'ils ont atteintes, de prisonniers qui ont été capturés, et le Dr

 24   Karadzic donne un ordre d'attaque. Et à la deuxième page, deux tiers à

 25   partir du haut, vous avez certainement lu que le Dr Karadzic dit au général

 26   Zivanovic :

 27   "Eh bien, Général, avancez à pleine vapeur. Dites à Krstic d'avancer à

 28   pleine vapeur."


Page 42518

  1   Donc vous avez déjà dit plus tôt aujourd'hui que, pour autant que vous le

  2   sachiez, M. Karadzic ne participait pas au commandement tactique et

  3   opérationnel de l'armée. Ceci que nous avons sous les yeux contredit vos

  4   propos, n'est-ce pas ? Je l'ai appelé une interception, mais en fait c'est

  5   une conversation enregistrée sur dictaphone.

  6   R.  Non, il n'y a pas de contradiction. Et je n'ai pas dit cela. Ne

  7   m'attribuez pas des propos que je n'ai pas tenus, s'il vous plaît. J'ai

  8   simplement entendu de façon générale des affirmations de cette nature, mais

  9   il ne s'intéressait pas particulièrement aux sujets d'ordre opérationnel ou

 10   tactique. C'est ce que j'ai dit. Je crois que je l'ai dit très clairement,

 11   et on peut certainement le vérifier au compte rendu.

 12   Q.  Eh bien, ce que vous avez dit est :

 13   "Du point de vue de niveaux tactiques et opérationnels du commandement de

 14   l'armée, je crois que c'est quelque chose qui était laissé à l'armée elle-

 15   même."

 16   R.  Oui, je crois avoir dit cela.

 17   Q.  "Et je crois que vous aviez des responsabilités concernant les

 18   décisions stratégiques, mais concernant les niveaux stratégiques et

 19   opérationnels et les décisions quotidiennes, je ne crois pas que vous y

 20   participiez particulièrement."

 21   R.  Oui, tout à fait. Il ne participait pas particulièrement à ce

 22   processus-là. Donc, ce que vous avez dit il y a quelques instants, à savoir

 23   que le document que nous avons sous les yeux contredirait mes propos

 24   antérieurs, ce n'est pas vrai.

 25   Q.  Et, d'après vous, cela cadre avec ce que vous avez affirmé précédemment

 26   ?

 27   R.  Peut-être que la contradiction existe pour vous dans votre

 28   compréhension, mais en tout cas, ce que vous affirmez ne cadre pas avec ma


Page 42519

  1   déclaration.

  2   Q.  Nous allons passer à un autre document, D2090. Nous avons ici un

  3   document daté du -- excusez-moi.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous entendons l'interprétation en B/C/S

  5   sur le canal anglais. Mais je crois que ceci a maintenant été corrigé.

  6   Veuillez poursuivre.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Et je me suis trompée de numéro 65 ter, il

  8   s'agit du numéro 2080 dont nous avons besoin.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que la question qui était en

 10   suspens concernant Sise a trouvé une réponse ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas. Je crois qu'on a simplement

 12   ignoré cela.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, on se réfère simplement dans

 14   cet extrait à trois sommets de collines dans les environs de Srebrenica.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, peut-être que "Sise" signifiait

 17   également "seins" ou "mamelons" en B/C/S.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est sans doute ma mauvaise prononciation

 20   entre les sons "s" et "sh".

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation]

 23   Q.  Donc, Monsieur Zametica, ce document est daté du jour suivant, le 9

 24   juillet 1995, adressé à la VRS --

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, mais est-ce que nous pouvons

 26   d'abord établir avec certitude la date du premier document que nous venons

 27   de voir. Etait-ce bien la date du 8 ou non ? Si l'intention est de

 28   continuer à affirmer que ce que nous avons sous les yeux correspond au jour


Page 42520

  1   suivant ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Eh bien, j'ai dit le 8 ou autour de cette

  4   date.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas de date sur le

  6   document.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Pas sur ce document, non, mais demain

  8   matin, je pourrais fournir à M. Karadzic les éléments nécessaires

  9   concernant la date de cette conversation.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Pouvons-nous, dans ce cas,

 11   poursuivre ?

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Q.  Donc ceci est un document adressé par le général Krstic à l'état-major

 14   principal de la VRS comprenant une évaluation de la situation à Srebrenica

 15   à la date du 9 juillet --

 16   R.  Vous voulez dire le 9 -- mais je vois deux dates différentes. Excusez-

 17   moi de vous interrompre, mais je vois le 9 juillet et le 9 mai.

 18   Q.  En effet.

 19   R.  Donc je ne m'y retrouve pas tout à fait.

 20   Q.  Aucun problème par rapport à la date, Monsieur le Témoin, parce que la

 21   date du document figure dans le coin supérieur gauche comme celle du 9

 22   juillet 1995. Alors que, par ailleurs, dans le second paragraphe, nous

 23   voyons que le général Krstic parle de l'attaque particulièrement déterminée

 24   lancée par ses forces sur les axes Zeleni Jadar-Srebrenica-Pribojevci-

 25   Podrinje [comme interprété], et cetera, et il indique que, ainsi, ils ont

 26   créé les conditions permettant d'élargir l'ampleur de l'attaque visant

 27   Srebrenica. Puis, au paragraphe numéro 3 --

 28   R.  Excusez-moi, Madame le Procureur.


Page 42521

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. Zametica se référait à la date

  2   manuscrite qui figure en haut à droite.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, laissons ceci peut-être de côté

  5   pour le moment, et Mme le Procureur reviendra --

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, très bien. Merci, Monsieur le Président,

  7   mais je voulais simplement également apporter un commentaire au sujet de la

  8   traduction au paragraphe 2. Juste pour montrer que parfois certains

  9   éléments peuvent disparaître dans le processus de traduction. Au paragraphe

 10   2, il n'est pas question d'une attaque particulièrement déterminée ou

 11   violente. Il est question de "snazni nalete [phon]", c'est-à-dire qu'il est

 12   question d'une "poussée" ou d'une "percée puissante". Donc ce n'est pas la

 13   même chose. Et je crois que dans le cadre de ce Tribunal, il convient

 14   d'être exactement prudent quant aux formulations retenues. C'est par

 15   accident que je me suis rendu compte en lisant la version en serbe du

 16   document qu'il y avait cette différence. Mais poursuivons, si vous voulez.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation]

 18   Q.  Donc, au paragraphe 3, nous voyons qu'il expose sa décision pour la

 19   suite des opérations, où il écrit :

 20   "Prenant avantage des succès obtenus, regroupez les effectifs et menez une

 21   attaque décisive et puissante visant Srebrenica."

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Et si nous faisons défiler vers le bas de

 23   la page, dans les deux langues, s'il vous plaît. Alors, vous allez devoir

 24   passer à la page 2, peut-être.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, mais je n'ai toujours pas fini

 26   d'assimiler la première page et vous voulez déjà que je passe à la seconde.

 27   Je crois que ça n'est pas tout à fait correct.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation]


Page 42522

  1   Q.  Très bien, Monsieur Zametica. Est-ce que nous pouvons faire afficher de

  2   nouveau la première page dans ce cas-là.

  3   R.  Merci beaucoup. Alors, juste quelques commentaires sur le paragraphe

  4   numéro 1, il parle des tirs auxquels procède l'ennemi en utilisant toutes

  5   les armes dont il dispose.

  6   Q.  Monsieur Zametica, je vous donnerai l'occasion de nous proposer vos

  7   commentaires. Je voudrais juste vous inviter à finir de lire le document,

  8   comme vous avez demandé pour le faire, avant de répondre à ma question.

  9   R.  Très bien. Oui ?

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Alors, reprenant le cachet qui comporte la

 11   date en anglais, nous voyons que la réception a eu lieu le 9 juillet à 23

 12   heures 20 [comme interprété]. Et je voudrais que l'on nous affiche de

 13   nouveau la première page en anglais, s'il vous plaît.

 14   Q.  Monsieur Zametica, le général Krstic envoie ce rapport de combat

 15   intérimaire exactement comme il est en devoir de le faire, à savoir le long

 16   de la voie hiérarchique, il l'envoie à l'état-major principal de la VRS.

 17   Donc j'aimerais avoir un autre document --

 18   R.  Excusez-moi, lorsque vous dites que le général Krstic envoie ce rapport

 19   là où il devrait l'envoyer, à savoir l'état-major principal de la VRS, et

 20   le Corps de la Drina, qu'est-ce que vous entendez exactement par là ?

 21   Q.  Je suis en train d'introduire ma question suivante --

 22   R.  Ah oui, je vois. Merci.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Et le document suivant sera le document

 24   P2276, s'il vous plaît.

 25   Q.  Exactement le même soir où vous en parlez dans votre déclaration

 26   écrite, vous avez une conversation avec le Dr Karadzic, et c'est au même

 27   moment que le général Tolimir émet un ordre qui est envoyé également pour

 28   information au Dr Karadzic, et il est remis au poste de commandement du


Page 42523

  1   Corps de la Drina, aux généraux Gvero et Krstic en personne.

  2   Et il porte sur les opérations de combat qui sont en train d'être menées

  3   autour de Srebrenica. Il y est dit au paragraphe 1, paragraphe 2,

  4   paragraphe 3 et paragraphe 4 : le président de la république a été informé

  5   des opérations de combat; le président de la république est satisfait des

  6   résultats des opérations de combat; et il a reçu pour ordre de mener à bien

  7   des opérations de combat de suivie; et conformément à l'ordre du président

  8   --

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous pouvez être un peu plus précise

 10   ? Où est-ce que l'on voit que j'ai donné l'ordre et non pas une

 11   autorisation ? Ou consentement ? Si le sens du document est important,

 12   alors voyons exactement quel est ce sens.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons le document. Donc, montrez-

 14   nous de quoi il s'agit.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, la traduction que j'ai reçue n'est pas

 16   exactement la même que le texte de ce document que je lis.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne tenez pas compte de la question

 18   précédente. Je pense que M. Zametica a maintenant lu le document. Quelle

 19   est votre question, Madame Edgerton ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il est clair --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, quelle est votre

 22   question ?

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Monsieur Zametica, encore une fois, je voudrais que l'on reprenne votre

 25   affirmation comme quoi Dr Karadzic n'a pas participé au commandement

 26   opérationnel ou tactique de l'armée --

 27   R.  Ecoutez, faisons -- interrompons-nous ici. C'est la deuxième fois que

 28   je vous répète que je n'ai jamais dit cela. Vous dites que j'ai affirmé que


Page 42524

  1   Dr Karadzic n'a jamais pris part au commandement opérationnel et tactique

  2   de la guerre. Et je n'ai jamais dit quoi que ce soit de ce genre. Je vous

  3   le réitère, et maintenant il faudra que ce soit consigné au compte rendu

  4   d'audience. Il ne s'y intéressait pas véritablement. Donc je n'ai jamais

  5   affirmé qu'il n'avait jamais participé sur le plan opérationnel ou

  6   tactique. Je n'ai jamais rien dit pouvant signifier cela.

  7   Q.  Je vous remercie. Monsieur Zametica, vous avez dit que l'armée a fait

  8   preuve d'insubordination. Et ça, c'est un exemple où nous voyons le général

  9   Karadzic [comme interprété] envoyer un rapport exactement là où il est

 10   censé aller, à savoir l'état-major principal de la VRS. Alors, si vous

 11   examinez ce document, il est clair que le rapport que nous venons de voir,

 12   le document D2080, est allé à Karadzic. Quarante-cinq minutes plus tard, et

 13   vous avez vu le cachet à cet effet sur le document, vous voyez donc la

 14   réponse est arrivée du Dr Karadzic.

 15   Donc, à titre d'exemple, Monsieur Zametica, nous voyons ici que la filière

 16   hiérarchique fonctionne sans entrave et que cela contredit ce que vous avez

 17   affirmé à savoir que l'armée échappait au contrôle.

 18   R.  Non, non. Je pense que c'est un excellent exemple de comment un

 19   brillant juriste que vous êtes est capable d'additionner deux et deux pour

 20   faire un dix. Et là, je vais vous développer ce que je pense. Dans ce

 21   document qui s'affiche à l'écran, vous avez que Karadzic a ordonné ceci et

 22   cela. Aux paragraphes 1 à 3, et cetera. Mais, en fait, si on lit le

 23   document, on verra qu'il ne donne aucun ordre au paragraphe 1. Il donne une

 24   information. Et je vous en donne lecture :

 25   "Le président de la Republika Srpska a été informé des opérations de combat

 26   réussies," blabla, et suite.

 27   Deuxième paragraphe :

 28   "Le président de la République est satisfait ou se félicite…"


Page 42525

  1   Donc le fait qu'il se félicite ne veut pas dire qu'il donne un ordre. Etre

  2   informé ne signifie pas qu'il ordonne quoi que ce soit.

  3   La seule chose qu'il ordonne se trouve au paragraphe 3, et je vous en

  4   donne lecture :

  5   "Le président de la Republika Srpska a ordonné," je répète, ordonné, "que

  6   dans le cadre des opérations de combat de suivi on garantisse la protection

  7   pleine et entière," je souligne, protection pleine et entière, "aux membres

  8   de la FORPRONU et à la population civile musulmane également, et qu'on leur

  9   garantisse la sécurité si jamais ils traversaient sur le territoire de la

 10   Republika Srpska."

 11   C'est la seule chose qu'il ordonne.

 12   Q.  Donc vous êtes d'accord avec moi pour dire que la voie hiérarchique

 13   fonctionne parfaitement ?

 14   R.  Non, non. J'espère que cela aurait été vrai, mais malheureusement, ce

 15   n'est pas le cas. Aujourd'hui, j'ai essayé de vous dire que l'armée de la

 16   Republika Srpska a été, au fond, autonome. Je ne sais pas comment je

 17   pourrais mieux vous décrire la situation qui a prévalu à l'époque. La voie

 18   hiérarchique dont vous parlez n'a pas véritablement existé. Elle a existé

 19   uniquement lorsque l'armée de la Republika Srpska, quand cela lui convenait

 20   de se conformer à un autre ou à une consigne du Dr Karadzic, le faisait.

 21   Alors, à ce moment-là, effectivement, ça a fonctionné, mais uniquement

 22   quand cela leur convenait. Autrement, ils faisaient ce qu'ils voulaient.

 23   Ils se sont comportés de manière autonome, indépendante. Donc, ce que vous

 24   essayez de démontrer ici, à savoir qu'il y a eu une filière ou une voie

 25   hiérarchique qui aurait fonctionné, eh bien, cela n'a pas existé.

 26   Uniquement deux ou trois semaines après ces dates, la date du 9 juillet,

 27   l'armée allait lancer un coup d'Etat. Donc, de quelle voie hiérarchique

 28   parlons-nous ?


Page 42526

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons nous en tenir à

  2   cela pour aujourd'hui ?

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui. Justement, j'allais le proposer.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zametica, est-ce que vous avez

  5   déjà eu l'occasion de déposer devant un tribunal ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais c'était devant un tribunal pour une

  7   histoire de loyer à Cambridge, il y a longtemps.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais vous dire que vous ne

  9   devriez parler avec personne de votre déposition.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai compris.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On reprend demain matin à 9 heures.

 12   L'audience est levée.

 13   --- L'audience est levée à 14 heures 48 et reprendra le mercredi 30 octobre

 14   2013, à 9 heures 00.

 15  

 16  

 17  

 18  

 19   

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28