Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 30 octobre 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. Oui, Maître

  7   Harvey.

  8   M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  9   Messieurs les Juges. Mme Samie Blasingame, qui est de l'Université d'Etat

 10   de Californie, l'Université Long Beach, je dois la présenter, elle a un

 11   diplôme de relations internationales. Elle est avec nous.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Maître Harvey.

 13   Madame Edgerton.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, très brièvement, quelque chose par

 15   rapport à ce que nous avions dit hier. Le Dr Karadzic a soulevé un point au

 16   sujet de la pièce P4484, conversation enregistrée entre lui-même et le

 17   général Zivanovic. Il a posé une question en page du compte rendu

 18   d'audience 42 518 au sujet de la date, et je voulais informer toutes les

 19   personnes présentes des moyens de preuve concernant cette conversation.

 20   Alors, je voudrais renvoyer le Dr Karadzic aux pages du compte rendu

 21   d'audience 27 485 à 27 488, ainsi que la page 27 727, où le Dr Karadzic a

 22   admis lui-même cette date comme étant la date de la conversation, je veux

 23   dire la date du 8 juillet, et je pense qu'il a dû oublier ce détail. Donc

 24   je voulais simplement répondre à ce qu'il nous a demandé hier.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et il s'agit de la déposition de qui ?

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] M. Butler.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 28   LE TÉMOIN : JOHN ZAMETICA [Reprise]


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  1   [Le témoin répond par l'interprète]

  2   Contre-interrogatoire par Mme Edgerton : [Suite]

  3   Q.  [interprétation] Monsieur Zametica, très rapidement, un point par

  4   rapport à l'audience d'hier. Le document que nous étions en train

  5   d'examiner, vous ne l'aviez jamais vu avant que je ne vous le montre hier ?

  6   R.  Ecoutez, je ne me rappelle plus de quel document il s'agit. Rappelez-

  7   moi, s'il vous plaît.

  8   Q.  Alors, si vous vous ne souvenez plus du dernier document que nous avons

  9   examiné hier, je vais simplement poursuivre, parce que c'était quelque

 10   chose juste en passant très rapidement.

 11   Le 13 juillet 1995, Monsieur Zametica, vous saviez que les forces serbes de

 12   Bosnie à Srebrenica avaient des prisonniers; est-ce exact ?

 13   R.  Je ne suis pas sûr de la date, mais oui, puisque l'opération militaire

 14   a réussi. Les forces serbes étaient entrées dans la ville. Et on pourrait

 15   raisonnablement supposer, effectivement, qu'il y a eu des prisonniers.

 16   Q.  Très bien. Vous saviez qu'ils avaient des prisonniers à Potocari, en

 17   fait ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Vous saviez que ces prisonniers étaient des hommes ?

 20   R.  Je ne savais pas s'ils étaient à Potocari. A l'époque, je ne savais pas

 21   du tout ce qui était Potocari. Je ne connaissais pas la carte de cette

 22   zone, je ne m'y étais jamais rendu de ma vie. Quant à savoir si je savais

 23   que c'étaient des hommes, j'ai supposé que c'étaient des hommes.

 24   Q.  Vous l'avez supposé ?

 25   R.  Oui, tout à fait. Absolument.

 26   Q.  Parce qu'en fait, que vous avez dit le 13 juillet 1995 dans le cadre

 27   d'un entretien pour la BBC, c'était exactement cela. On vous a dit que les

 28   Serbes de Bosnie étaient en train d'arrêter tous les hommes musulmans de


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  1   Srebrenica parce qu'ils étaient à la recherche de criminels de guerre, et

  2   vous ne l'avez pas nié à ce moment-là. Vous avez dit : "Nous sommes en

  3   train de séparer les hommes des femmes, des enfants et des personnes

  4   âgées."

  5   R.  Qu'est-ce que je n'ai pas nié ? Je ne comprends pas très bien.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir une référence pour

  7   cela ?

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, tout à fait. Il s'agira de la pièce

  9   25328 de la liste 65. Il s'agit d'une transcription d'un entretien accordé

 10   à la radio BBC 4, 18 heures 29 du 13 juillet 1995. Et le sujet traité est

 11   Srebrenica. Je voudrais que l'on examine la page 3, s'il vous plaît.

 12   Q.  Monsieur Zametica, dans cet entretien, il est dit que ce ne sont pas

 13   les Nations Unies qui séparent les hommes de leurs familles, en les faisant

 14   embarquer à bord des autocars pour les sortir de leurs foyers. Et vous avez

 15   dit : Nous sommes en train de séparer les hommes des femmes et des enfants

 16   -- je vais terminer ma question, Monsieur Zametica. Vous avez dit : Nous

 17   sommes en train de les séparer pour une raison tout à fait valable, à

 18   savoir pour voir --

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donnez la possibilité au témoin de

 20   prendre connaissance du texte, et vous pouvez votre question une fois qu'il

 21   aura terminé.

 22   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Ce qui me préoccupe, c'est le temps qu'il

 24   me reste. Bien entendu.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je voudrais prendre connaissance

 26   de la totalité de la page. Pour l'instant, je n'ai vu que deux paragraphes.

 27   Oui, merci. Pour que je puisse bien voir le document. J'ai terminé la

 28   lecture de cette page. Je vous remercie.


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  1   Mme EDGERTON : [interprétation]

  2   Q.  Puisque vous avez lu la page, je vous invite à vous concentrer sur la

  3   dernière affirmation qui vient du journaliste qui vous a accordé

  4   l'entretien. Et c'est la raison pour laquelle tous les hommes âgés de 16

  5   ans et plus, y compris les hommes âgés, ont été séparés de leurs familles.

  6   R.  Ecoutez, excusez-moi, non, je ne vois pas où est-ce que cela est dit

  7   par la personne qui m'interroge. Où est-ce qu'il est question d'âgés de 16

  8   ans ? C'est ce que lui est en train de dire.

  9   Q.  Est-ce que je peux terminer ma question ? Voyons le haut de la page

 10   suivante, c'est quelque chose que vous n'avez pas réfuté. Prenons le début

 11   de la page suivante. Vous répondez : Nous souhaitons mener à bien une

 12   enquête approfondie.

 13   Donc, Monsieur Zametica, il s'agit plus que d'une supposition raisonnable,

 14   plus que d'une supposition que vous aviez des hommes entre vos mains. Vous

 15   saviez, le 13 juillet 1995, que les forces serbes de Bosnie avaient fait

 16   des prisonniers à Srebrenica ?

 17   R.  Mais absolument pas. Mais c'est tout à fait fantastique, ce que vous

 18   dites. Reprenons la page précédente, s'il vous plaît, où la personne qui

 19   m'interview dit : C'est la raison pour laquelle tous les hommes âgés de 16

 20   ans et plus, et il ajoute plusieurs phrases à ça. Et à ce moment-là, je

 21   réponds ou je réagis -- enfin, à la page suivante, mais cela ne s'ensuit

 22   pas du tout. Il n'y a absolument pas de logique ici. Peut-être que je ne

 23   l'ai pas entendu correctement. Vous savez, il m'a appelé de Londres,

 24   c'était par téléphone qu'on s'est parlé, et peut-être que je n'ai pas

 25   entendu ce chiffre 16. Mais vous ne pouvez pas extrapoler à partir de ça

 26   que je savais qu'il y avait des hommes âgés de 16 ans et plus. Mais ça,

 27   c'est quelque chose que j'aurais tout à fait réfuté. Cela n'est pas

 28   logique.


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  1   Q.  Vous saviez qu'il y avait des prisonniers ?

  2   R.  Je savais qu'il y avait des prisonniers --

  3   Q.  [aucune interprétation]

  4   R.  Je ne savais pas l'âge des prisonniers.

  5   Q.  Mais vous saviez qu'on était en train de séparer les hommes des femmes

  6   et des enfants --

  7   R.  Exact.

  8   Q.  -- c'est exact ?

  9   R.  Exact.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 11   document au dossier.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document sera admis au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P6475.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation]

 15   Q.  Maintenant, à partir du moment où vous saviez qu'il y avait des

 16   prisonniers qu'on était en train de séparer, vous saviez aussi qu'il

 17   fallait les enregistrer ?

 18   R.  "Enregistrer", vous voulez dire quoi par là ? Puis-je avoir une

 19   précision ?

 20   Q.  Enregistrés, donc, là où ils étaient placés en détention, enregistrés

 21   par le CICR. Vous le saviez, n'est-ce pas ?

 22   R.  Non, je ne connaissais pas la procédure. Je ne savais pas quel

 23   traitement il fallait réserver aux prisonniers de guerre. Vous savez, je

 24   n'avais jamais eu l'occasion de faire un prisonnier de guerre par la suite.

 25   Je n'avais pas de vécu direct là-dessus. J'étais un civil. Si vous me

 26   demandez maintenant : Monsieur Zametica, est-ce que vous étiez au courant

 27   de la procédure exacte, l'aspect papier, bureaucratie, comment il fallait

 28   prendre en charge un prisonnier de guerre, je vais vous répondre par la


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  1   négative. Je n'en avais pas la moindre idée. Je suppose que c'est l'armée

  2   qui le savait.

  3   Q.  Mais vous saviez qu'un échange massif devait se produire à un certain

  4   point ?

  5   R.  Vous avez dit "massif", échange massif ?

  6   Q.  Monsieur Zametica, est-ce que je dois répéter chacune de mes questions

  7   que je vous pose ? Je n'étais pas claire ?

  8   R.  Oui, oui, vous n'étiez pas claire. Vous avez dit "massif", donc vous

  9   laissez entendre par là que je connaissais le nombre de prisonniers. Mais

 10   je n'en avais pas la moindre idée. Donc, laisser entendre que je savais

 11   qu'il allait y avoir un échange massif de prisonniers, mais cela n'est pas

 12   juste puisque je n'avais pas la moindre idée du nombre de prisonniers. Je

 13   ne savais pas s'il y en avait un ou deux ou 2 000. Personne ne me l'a dit.

 14   Q.  Très bien, Monsieur Zametica. Mais il est clair, à en juger d'après cet

 15   entretien que nous venons de voir, que vous viviez dans l'anticipation

 16   d'une mise en liberté des prisonniers. Donc, Monsieur Zametica, vous saviez

 17   qu'un échange devait avoir lieu ?

 18   R.  Vous savez, c'était monnaie courante, les échanges de prisonniers

 19   pendant la guerre.

 20   Q.  Donc, où sont les registres avec les renseignements personnels

 21   concernant ces prisonniers, Monsieur Zametica ?

 22   R.  Je n'en ai pas la moindre idée.

 23   Q.  Mais, Monsieur Zametica, où sont alors les traces de leur placement en

 24   détention ?

 25   R.  Je n'en ai pas la moindre idée. Ce n'est pas à moi de m'occuper de ces

 26   registres ou d'assurer un suivi de ce genre de chose.

 27   Q.  Mais est-ce que vous savez où se trouvent les traces où est-ce qu'on a

 28   consigné ce qui a été recueilli lors de leur interrogatoire ?


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  1   R.  Mais c'est complètement hors de mon domaine de responsabilité. Je n'en

  2   ai pas la moindre idée.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Ecoutez, je voudrais que l'on voie cet

  4   entretien que nous venons d'examiner, il s'agit du document 25328 de la

  5   liste 65 ter. Est-ce qu'on peut l'afficher de nouveau, s'il vous plaît.

  6   Reprenons la page 5.

  7   Q.  Monsieur Zametica, donc c'est la suite de la transcription. Vous parlez

  8   d'enquêtes au pluriel. Vous dites que ces prisonniers allaient être

  9   interrogés et vous dites qu'il s'agit d'un exercice rapide. Et vous dites

 10   au monde entier que ces hommes allaient être pris en charge et relâchés en

 11   l'espace de quelques semaines. Et maintenant, vous nous dites que vous ne

 12   saviez pas du tout comment cela allait se produire ?

 13   R.  Non, non, non. Je veux dire, simplement parce qu'on ne connaît pas

 14   l'aspect bureaucratique des choses, cela ne veut pas dire qu'on n'en a pas

 15   la moindre idée. Du moins, c'est ce que vous venez de me souffler. Ce que

 16   cela aurait dû me laisser entendre, c'est qu'un échange de prisonniers

 17   allait avoir lieu. Mais c'était monnaie courante. C'était dans notre

 18   intérêt, dans l'intérêt de la partie musulmane également, de procéder à

 19   l'échange. C'est ce qu'on faisait tout le temps. Donc je m'attendais,

 20   effectivement, à ce que les échanges aient lieu.

 21   Q.  Alors, très bien. Où sont-ils ? Où sont les prisonniers ? Où a eu lieu

 22   l'échange ?

 23   R.  Mais on en a parlé hier. Je vous ai dit qu'il y a eu un massacre.

 24   Q.  O.K. Monsieur Zametica, parlons toujours de Potocari et parlons de ces

 25   séparations dont vous avez parlé dans cet entretien. Svetozar Kosoric, qui

 26   était à la tête du renseignement au sein du Corps de la Drina, est venu

 27   déposer ici en tant que témoin à décharge de M. Karadzic --

 28   R.  De qui parlez-vous ?


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  1   Q.  De Kosoric.

  2   R.  Ah, Kosoric.

  3   Q.  Et lui-même, il s'est trouvé à Potocari le 12 juillet et il a passé la

  4   nuit à Bratunac. Et pendant sa déposition, il a dit qu'il ne savait rien

  5   des séparations. Page 38 698 du compte rendu d'audience, 38 705 à -07

  6   également. Et Zvorko Bajagic, lui aussi, il faisait partie de la logistique

  7   du Corps de la Drina - et je vous renvoie au document 1D09611, c'est sa

  8   déclaration préalable de témoin - et lui aussi, il est venu déposer à

  9   décharge pour Dr Karadzic et il est passé par Potocari le 13 juillet,

 10   s'acheminant vers Srebrenica. Il a vu des autocars à Potocari. Il a vu des

 11   Musulmans qu'on était en train de faire embarquer à bord de ces autocars.

 12   Et il dit dans sa déclaration que je viens de vous citer qu'il n'a pas vu

 13   d'hommes en train d'être séparés de femmes et d'enfants. Donc, pour ce qui

 14   est des séparations, il semblerait que vous, qui étiez à Pale, étiez mieux

 15   informé de ce qui se passait sur le terrain que les militaires qui y

 16   étaient; exact ?

 17   R.  Non, non. Attendez. Quand on parle de cette séparation et lorsque

 18   Bajagic dit qu'il n'en sait rien, nous ne savons pas de quelle date il

 19   parle, de quelle heure, de quel endroit. Cette autre personne que vous avez

 20   mentionnée précédemment, Kosoric, je pense que la même chose vaut pour lui.

 21   Et vous me dites que les enfants et les femmes n'étaient pas séparés des

 22   hommes; c'est ça que vous me dites ?

 23   Q.  Monsieur Zametica, écoutez, arrêtez de me poser des questions, parce

 24   que ce n'est pas une conversation. Et si vous arrêtez de faire cela, on en

 25   aura terminé beaucoup plus rapidement.

 26   Maintenant, avançons dans le temps. Le 15 juillet 1995, vous saviez,

 27   Monsieur Zametica, que vous aviez même plus de prisonniers, même davantage

 28   de prisonniers à Srebrenica; exact ?


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  1   R.  J'attends votre question de suivi.

  2   Q.  Monsieur Zametica, c'est une question à laquelle vous pouvez répondre

  3   par un "oui" ou un "non". Le 15 juillet 1995, vous saviez que vous aviez

  4   même davantage de prisonniers; exact ?

  5   R.  Ce n'est pas une question à laquelle on peut répondre par un "oui" ou

  6   un "non". C'est une question qui m'est posée sur des événements qui se sont

  7   déroulés il y a quasiment 20 ans. C'est la raison pour laquelle je vous dis

  8   que j'attends votre question de suivi.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne comprends pas votre réponse,

 10   Monsieur Zemetica. Jusqu'à présent, nous avons parlé de la date du 13

 11   juillet.

 12   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et Mme Edgerton est passée à la journée

 14   du 15. Elle vous a demandé si vous saviez qu'il y avait encore davantage de

 15   prisonniers. Vous auriez pu répondre par un "oui" ou un "non", ou vous

 16   auriez pu dire que vous ne vous en souveniez pas ou que vous ne le saviez

 17   pas.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de m'avoir

 19   précisé cela. Dans ce cas-là, je vous réponds en disant que je ne m'en

 20   souviens pas.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation]

 22   Q.  Donc vous ne saviez pas que l'état-major principal de la VRS avait fait

 23   rapport au président le 15 juillet 1995, disant que l'effectif principal du

 24   Corps de la Drina participait à la défense, tandis que les Brigades de

 25   Milici ainsi que de Bratunac et ainsi que le Bataillon indépendant de

 26   Skelani étaient en train de sécuriser le terrain et de prendre en charge un

 27   grand nombre de combattants qui étaient en train de se rendre ? Vous ne le

 28   saviez pas ?


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  1   R.  Je ne m'en souviens pas. Véritablement, je ne m'en souviens pas.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] P4457, la référence à laquelle je vous

  3   renvoie pour cela.

  4   Q.  Alors, Professeur Zametica, Dr Karadzic vous a montré hier  le document

  5   D3931, il s'agit de votre déclaration accordée à la presse en date du 17

  6   juillet 1995, donc un de vos communiqués de presse. Il a été transmis par

  7   l'AFP. Et ici, vous avez dit :

  8   "Des allégations de torture, de meurtre, de viol et d'expulsion de

  9   civils musulmans sont réitérées sans que l'on ait procédé à une

 10   vérification indépendante. La vérité est que rien de tout cela ne s'est

 11   produit."

 12   Et vous avez dit aux Juges de la Chambre que vous pensiez que tout

 13   s'était produit conformément à l'ensemble des conventions. Je vous renvoie

 14   au compte rendu provisoire, page 57. Et cela, parce que vous avez dit que

 15   Koljevic vous avait dit que Mladic avait affirmé qu'il allait permettre à

 16   la Croix-Rouge d'accéder à Srebrenica à cause de l'accord. Et tout cela,

 17   d'après vous, avait forgé un tableau complet.

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Très bien. Donc le fait que Koljevic ait dit à Mladic qu'il allait

 20   permettre à la Croix-Rouge de rentrer dans Srebrenica, et vu qu'il y avait

 21   l'accord, c'était suffisant pour vous pour réfuter de manière crédible

 22   toute allégation de torture, meurtre, viol et expulsion ?

 23   R.  Non, ce n'est pas ce que je dis. Je ne dis pas que c'était suffisant.

 24   Mais quasiment 20 ans après les événements, ce sont deux éléments dont je

 25   me souviens ou que j'ai pu voir dans les documents. Il se peut qu'il y ait

 26   eu et il est probable qu'il y ait eu d'autres éléments, d'autres facteurs,

 27   d'autres éléments d'information qui m'auraient conforté dans ma conviction

 28   dans le fait que je pensais que tout s'était passé conformément aux


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  1   conventions.

  2   Q.  Très bien. Alors, parlons de ces deux facteurs. Parlons de l'accord.

  3   Cet accord, c'était de la pure propagande, Monsieur Zametica, n'est-ce pas

  4   ?

  5   R.  Ecoutez, la définition de la propagande est de diffuser, dans le cadre

  6   d'une propagande, diffuser des mensonges. Donc, est-ce que vous êtes en

  7   train de dire que l'accord qui a été signé, entre autres, par le

  8   représentant civil musulman de Srebrenica, ainsi que par le représentant

  9   des Nations Unies, qu'il a pris part uniquement à une opération de

 10   diffusion de mensonges ? C'est ce que vous êtes en train de dire ?

 11   Q.  Monsieur Zametica, je dis que cet accord était un faux accord qui a été

 12   fabriqué par vous et Dr Karadzic et d'autres personnes pour éviter que l'on

 13   ne vous reproche l'expulsion et le transfert forcé des civils de Srebrenica

 14   ?

 15   R.  Non, pas du tout.

 16   Q.  Monsieur Zametica, ce qui est vrai au sujet de la situation qui était

 17   celle des civils de Potocari, c'est qu'ils étaient des milliers rassemblés

 18   là, ils étaient sans abri, ils ne pouvaient pas se déplacer, ils n'avaient

 19   pas véritablement d'alternative sur partir ou laisser. N'est-ce pas vrai ?

 20   R.  Ecoutez, aujourd'hui, je me souviens d'un des facteurs qui m'ont incité

 21   à avoir cette conviction, donc, que tout était de se dérouler aux

 22   règlements et aux conventions. Je me souviens en fait que j'ai vu à la

 23   télévision un enregistrement qui a été fait de Srebrenica et où on pouvait

 24   voir le général Mladic sur place en ville devant une foule de civils

 25   musulmans, surtout des hommes âgés, des femmes, des enfants, et si je me

 26   souviens bien, il était en train de parler à ces gens-là. Et je pense que

 27   dans cet enregistrement on a vu également ces civils -- en fait, certains

 28   de ces civils monter à bord des autocars pour partir. Donc j'ai supposé que


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  1   la population civile était en train d'être évacuée, et par la suite

  2   j'allais apprendre qu'on les a évacués vers Tuzla. Donc c'est ça que j'ai

  3   gardé en mémoire de ces jours-là.

  4   Q.  Mais, Monsieur Zametica, je vous demande très précisément ce qu'il en

  5   est de la situation des civils à Potocari les 12 et 13, ainsi que le 14

  6   juillet 1995 [comme interprété] et pendant les journées qui ont suivi.

  7   C'étaient des milliers de gens, sans abri, incapables de circuler

  8   librement, pas de vivres, pas d'infrastructures, pas de moyens de survie.

  9   Oui ou non ?

 10   R.  Mais c'est précisément pour cette raison-là qu'on allait les évacuer

 11   ailleurs. Je ne m'en souviens pas, mais vaguement il me semble qu'on leur a

 12   demandé s'ils voulaient rester ou non, du moins on a posé cette question à

 13   certains de ces civils. Mais d'après ce que j'ai compris, beaucoup de

 14   Musulmans, et en particulier des hommes musulmans, avaient peur qu'il y ait

 15   des actes de vengeance localement s'ils restaient à Srebrenica, à partir du

 16   moment où les forces serbes de Bosnie avaient investi Srebrenica. Et donc,

 17   la majorité avait pris la décision de partir, justement, précisément parce

 18   qu'ils redoutaient cette vengeance de la part des Serbes du cru vu les

 19   événements qui s'étaient produits pendant la période qui a précédé la

 20   capture de Srebrenica par les forces serbes.

 21   Q.  Monsieur Zametica  --

 22   R.  C'est très important. Je continue. Et le secteur autour de Srebrenica -

 23   -

 24   Q.  Monsieur Zametica, je ne vous pose pas une question sur la période

 25   avant la capture de ces prisonniers. Je vous pose des questions sur la

 26   situation des civils à l'époque. Et votre réponse a été relativement

 27   longue, mais je suppose, j'en conclus que ce que je vous ai raconté sur les

 28   conditions de vie de ces civils est quelque chose que vous approuvez, avec


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  1   lequel vous êtes d'accord ?

  2   R.  Eh bien, la vie de ces civils n'était pas une situation idéale. Je suis

  3   tout à fait d'accord avec vous. Mais je ne suis pas en train de dire que la

  4   population civile qui avait été prise entre deux feux pendant le conflit

  5   avait la vie facile. C'est pour cela, justement, que l'évacuation a été

  6   organisée. Et, que je sache, cette évacuation a eu lieu.

  7   Q.  Très bien. S'agissant de cette affirmation que je vous ai faite et sur

  8   laquelle vous êtes d'accord, j'aimerais attirer votre attention -- ou,

  9   plutôt, revenir à quelqu'un dont M. Karadzic vous a parlé hier, et c'est M.

 10   Deronjic. Vous avez déclaré hier, lorsque le Dr Karadzic vous a posé une

 11   question, que vous connaissiez M. Deronjic.

 12   Maintenant, Monsieur Zametica, M. Deronjic a donné une déclaration écrite

 13   au bureau du Procureur disant que cet accord dont nous parlons était son

 14   idée parce que les meurtres à Srebrenica avaient déjà fait l'objet de

 15   rapport, et le Dr Karadzic avait approuvé la rédaction du document. Et

 16   vous, hier, vous avez déclaré que vous ne l'aviez pas rencontré

 17   personnellement. Même si vous ne l'aviez pas rencontré personnellement, il

 18   avait ajouté que vous aviez rejoint les débats qui avaient eu lieu sur ce

 19   document parce que vous pourriez l'utiliser pour montrer au monde entier

 20   que l'évacuation avait eu lieu correctement. Donc, c'est en fait de cette

 21   façon-là que ce document a été créé, n'est-ce pas ?

 22   R.  Je ne me souviens pas de quoi que ce soit de ce genre. Pourrais-je voir

 23   le document en question que M. Deronjic a signé ?

 24   Q.  Oui, bien sûr.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est le document 22299 de la liste 65 ter.

 26   Passons au paragraphe 224, qui se trouve à la page 67, si je ne m'abuse, en

 27   anglais, et 66 dans la version B/C/S.

 28   Q.  Et là, vous voyez la signature de M. Deronjic sur la page de couverture


Page 42540

  1   de la version en B/C/S de cette déclaration. Et, au fait, la référence aux

  2   éléments de preuve dont je viens de parler est également reprise au

  3   paragraphe 221, qui ne se trouve pas à l'écran pour le moment.

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   Q.  Mais regardons d'abord le paragraphe 224, s'il vous plaît, c'est le

  6   troisième paragraphe plein à droite de l'écran, et vous y voyez que M.

  7   Deronjic a faxé le document au Dr Karadzic et qu'il a parlé longuement de

  8   ce document, et que vous, Monsieur Zametica, avez également participé à la

  9   conversation.

 10   R.  Madame le Procureur, c'est un point technique. Si vous parlez

 11   constamment, je ne peux pas lire en même temps. Soit je peux vous écouter,

 12   soit je peux lire et me concentrer sur la lecture. Alors, si vous me le

 13   permettez, j'aimerais lire le document. Mais avant de commencer à lire le

 14   document, j'aimerais savoir à quelle date cette réunion avec M. Deronjic

 15   aurait eu lieu. Est-ce que nous avons une date ?

 16   Q.  Monsieur Zametica, comme je vous l'ai dit, il ne s'agit pas d'une

 17   conversation. Veuillez lire les paragraphes auxquels je vous ai renvoyé et

 18   je vous poserai la question ensuite.

 19   R.  Ça ne m'intéresse pas d'avoir une conversation avec vous, Madame. Ce

 20   qui m'intéresse, c'est de connaître la date de cette réunion.

 21   Q.  Mais pourquoi, Monsieur Zametica ? Vous venez de me dire que vous ne

 22   vous en souveniez pas.

 23   R.  Non, non. Mais apparemment, il y a eu une réunion. Je ne m'en souviens

 24   pas. Mais si cette réunion a eu lieu, j'aimerais connaître la date de cette

 25   réunion.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que nous perdons du temps.

 27   Peut-être que nous pourrions montrer au témoin les paragraphes précédents

 28   où il a commencé à parler de ce sujet.


Page 42541

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Bien sûr. Les références commencent au

  2   paragraphe 221.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Laissons tomber la version en B/C/S à

  4   l'écran pour l'instant.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. J'ai lu la page. Je suis prêt à

  6   consulter la page suivante. J'ai lu le document.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation]

  8   Q.  Si vous l'avez lu, Monsieur Zametica, vous avez également constaté

  9   qu'au paragraphe 226, M. Deronjic déclare également :

 10   "J'aimerais dire que Karadzic et Zametica ainsi que moi-même et d'autres

 11   personnes savions que des meurtres et des liquidations avaient lieu, ce

 12   qui, bien sûr, n'est pas abordé dans ce document."

 13   Donc, Monsieur Zametica, non seulement cet accord dont nous sommes en train

 14   de parler est un document reprenant une propagande internationale dont

 15   l'objectif est de susciter une réaction internationale et d'éviter le

 16   transfert forcé des civils de Srebrenica, non seulement cela, mais aussi,

 17   vous saviez que ces meurtres et ces liquidations avaient lieu, n'est-ce pas

 18   ?

 19   R.  Non, c'est tout à fait faux. Voici ce que j'ai à vous dire sur ce

 20   sujet. Je suis sûr à 99 % que je n'ai jamais, jamais rencontré quelqu'un

 21   qui s'appelle M. Deronjic de ma vie. Certainement pas pendant la guerre,

 22   peut-être après la guerre, mais il n'y a pas de visage qui me vient à

 23   l'esprit quand on me dit ce nom-là, et j'ai une très, très bonne mémoire.

 24   Donc je suis presque certain que je n'ai jamais rencontré de ma vie ni vu

 25   cet homme, ni encore moins parlé avec cet homme.

 26   Passons maintenant à cette déclaration. J'ai d'abord eu l'impression, à la

 27   lecture de ce document, que l'incrédulité m'envahissait. Et lorsque j'ai

 28   commencé à réfléchir au contenu de cette déclaration, en particulier


Page 42542

  1   réfléchir au paragraphe 226, où il nous dit : "J'aimerais dire que

  2   Karadzic, Zametica et moi-même ainsi que d'autres personnes savions," et je

  3   répète, "savions qu'il y avait des meurtres et des liquidations et que,

  4   bien sûr, ce document n'aborde pas ces éléments-là," eh bien, je vous

  5   affirme que cet homme avait un problème avec le Tribunal de La Haye, qu'il

  6   avait passé un accord avec ce Tribunal ou les enquêteurs et qu'il avait

  7   accepté de signer un faux, un document reprenant des mensonges. Et je vous

  8   dis catégoriquement que ce document est monté de toutes pièces.

  9   Q.  Monsieur Zametica, dans ce même paragraphe que vous venez de nous lire

 10   partiellement, M. Deronjic, lorsqu'il parle de l'accord, dit que cet accord

 11   dont nous avons discuté ne reprend pas la réalité des événements qui ont eu

 12   lieu en juillet 1995. Les conditions de l'évacuation de Potocari, la

 13   situation à Potocari, et la situation dans le secteur plus largement

 14   étaient telles qu'elles n'étaient pas favorables à la population, que cela

 15   ne permettait pas à la population d'y rester. Est-ce exact ?

 16   R.  Non. Pourquoi, dès lors, le représentant des Nations Unies aurait-il

 17   signé cet accord ?

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais verser au dossier ces deux

 19   pages, Madame, Messieurs les Juges.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Tout

 21   d'abord, M. Deronjic a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'élément de preuve.

 22   Les commentaires de M. Zametica sont les éléments de preuve. Et vous avez

 23   déjà rejeté l'admission des déclarations de M. Deronjic lorsque

 24   l'Accusation avait essayé de les faire admettre au titre de l'article 92

 25   quater du Règlement. Donc je ne pense pas que l'on puisse faire passer par

 26   la petite porte ce que vous avez déjà rejeté lorsque cela a été

 27   officiellement demandé.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous maintiendriez votre objection


Page 42543

  1   à l'admission de ce document si les Juges de la Chambre sont prêts à

  2   l'admettre aux fins d'étayer le contexte des propos de ce témoin ? Parce

  3   qu'il n'y avait pas eu lecture à voix haute du document au témoin.

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, je maintiendrais mon objection. Les

  5   parties du document sur lesquelles le témoin a apporté des commentaires lui

  6   ont été lues et il a donné sa déposition. Je ne pense pas que cette partie

  7   de la déclaration devrait être admise. Mais si Mme Edgerton pense qu'il y a

  8   quelque chose dans la déclaration qu'elle aimerait obtenir, eh bien,

  9   qu'elle pose la question au témoin et il fera ses commentaires.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez quelque chose à

 11   ajouter, Madame Edgerton ?

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, en fait, je

 13   demandais le versement de ce dossier et j'ai limité cette demande de

 14   versement à ces pages pour que les Juges de la Chambre et les parties

 15   puissent bien comprendre le point de vue de M. Zametica sur les éléments de

 16   preuve et rien d'autre.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, pas pour la véracité du contenu

 18   des passages ?

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Non.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A cette fin-la, nous allons admettre ces

 22   deux pages-là.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce P6476, Madame,

 24   Messieurs les Juges.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Quelques instants, s'il vous plaît, je dois

 26   retrouver quelque chose dans le compte rendu. Merci.

 27   Q.  Monsieur Zametica, lorsque je vous ai demandé ce que M. Deronjic avait

 28   déclaré sur les conditions de l'évacuation à Potocari, vous avez répondu,


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  1   et je cite : "Pourquoi le représentant des Nations Unies, dès lors, aurait-

  2   il signé l'accord ?" M. Deronjic, le lieutenant-colonel Franken, le

  3   représentant des Nations Unies dont le nom se retrouve dans cet accord, a

  4   en fait confirmé que l'accord avait été mis en œuvre sous la contrainte,

  5   qu'il s'agissait d'un faux. Il a déposé à plusieurs reprises devant

  6   plusieurs Chambres de ce Tribunal et a déclaré que ce document, et plus

  7   particulièrement la partie de l'accord qui dit que la population peut

  8   rester dans l'enclave ou partir, est illogique parce que la population

  9   n'avait pas vraiment le choix de rester ou de se déplacer dans quelque

 10   direction que ce soit. La population n'avait pas le choix. Rester dans un

 11   espace restreint sans aucun moyen de survie, contrôlés par les Serbes, en

 12   ayant peur et en laissant les choses en l'état, n'était pas avoir un choix.

 13   Et un ordre avait été donné pour que cette population se rende dans le

 14   secteur de Kladanj. Il s'agissait d'une décision prise par le représentant

 15   -- pardon, ce n'était pas une décision par les représentants, mais un ordre

 16   de Mladic, donc cet ordre de se rendre dans le secteur de Kladanj.

 17   Et cela se retrouve à la pièce P4175, paragraphe 105. Il a également ajouté

 18   au paragraphe 106 :

 19   "Je n'avais aucun contrôle sur les événements."

 20   Donc, Monsieur Zametica, le représentant des Nations Unies qui a signé

 21   l'accord a en fait corroboré ce que M. Deronjic a dit, corroboré ce que je

 22   vous ai avancé, à savoir que cet accord est un faux et qu'il a été créé

 23   pour manipuler et susciter une réaction internationale. Est-ce bien le cas

 24   ?

 25   R.  Non, ce n'est pas le cas. A la lecture de certains passages de la

 26   déclaration de M. Deronjic, je suis tellement outré que je crois que cela

 27   se passe de tout autre commentaire; cet homme n'est tout simplement pas

 28   crédible. Ce qu'il avance ici n'a pas eu lieu. Je n'ai pas dit que j'étais


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  1   au courant des meurtres et des liquidations. Il s'agit là d'un montage

  2   total, qui a été fait sous la contrainte, je l'imagine. Et donc, toute

  3   question que vous me poseriez sur cette déclaration de M. Deronjic me

  4   semble très suspecte. Parce que ce document en soit n'est pas suspect --

  5   j'ai utilisé le mot "suspect", mais ce document est faux. Et je suis

  6   totalement outré.

  7   Q.  Je vous ai posé une question sur la déposition du lieutenant-colonel

  8   Franken, le représentant des Nations Unies qui a signé l'accord.

  9   R.  Je ne sais rien de ce lieutenant-colonel ou quel que soit son rang.

 10   J'aimerais le voir, mais je suppose que nous n'avons pas le temps et je

 11   garde un œil sur l'heure. Je n'ai aucune idée de ce qu'il a pu déclarer

 12   après l'événement. Tout ce que je sais, c'est que le Bataillon néerlandais

 13   à Srebrenica n'a pas fortement brillé lorsqu'il a dû mener sa mission au

 14   sein des Nations Unies. Maintenant, peut-être que cet officier qui a signé

 15   la déclaration avait honte ou voulait changer l'histoire à sa façon, je

 16   n'en sais rien. Je ne peux pas me prêter à des conjectures. Mais tout ce

 17   qui est lié à cette déclaration en particulier, cette déclaration de M.

 18   Deronjic, est d'après moi scandaleux.

 19   Q.  Monsieur Zametica, en 1995, vous avez utilisé et vous avez utilisé à

 20   outrance le fait que le nom du lieutenant-colonel Franken se retrouvait sur

 21   l'accord. Vous avez fait des déclarations pour que la FORPRONU vous

 22   soutienne s'agissant de l'évacuation, et je vais vous lire l'une de ces

 23   déclarations. C'est la pièce P6410. C'est une déclaration que vous avez

 24   faite le 17 juillet 1995 à la télévision Srpska de Banja Luka. Vous avez

 25   déclaré :

 26   "Ces derniers jours, les médias internationaux, aidés par les autorités

 27   musulmanes, se sont prêtés à une propagande violente et ont rapporté des

 28   événements irréalistes s'agissant des événements de Srebrenica. Des


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  1   accusations portant sur la torture, des meurtres, des viols, des expulsions

  2   alléguées de civils musulmans, répétées sans vérification indépendante. En

  3   fait, aucune de ces accusations n'a de fondement. La FORPRONU était sur le

  4   terrain à Srebrenica tout le temps et peut confirmer que la population

  5   civile musulmane a bien été traitée par les Serbes."

  6   Monsieur Zametica, cela n'est pas vrai ?

  7   R.  Eh bien, c'est vrai, en tout cas par rapport aux éléments dont je

  8   disposais à l'époque. Alors, j'aimerais apporter un commentaire sur votre

  9   affirmation au début de ce petit discours auquel vous venez de vous prêter.

 10   Vous avez dit, et je cite, que "j'ai utilisé et utilisé à outrance la

 11   déclaration qui avait été faite par" -- et j'ai oublié le nom de ce

 12   Néerlandais. Alors, je n'ai pas utilisé et utilisé à outrance la

 13   déclaration qu'il a signée. Il a signé cette déclaration. Je pense que vous

 14   en conviendrez. Mais ce que vous réfutez, c'est qu'il l'ait fait

 15   volontairement. Vous dites et vous affirmez qu'il l'a fait sous la

 16   contrainte. Alors, est-ce que vous pourriez m'expliquer dans quelles

 17   circonstances il se trouvait lorsqu'il a signé cette déclaration ? Est-ce

 18   qu'il avait un pistolet à bout portant sur la tempe ? Est-ce qu'on l'a

 19   forcé d'une arme ?

 20   Q.  Monsieur Zametica, ce n'est pas à vous de me poser des questions, avec

 21   tout le respect que je vous dois. Je vous ai posé une question sur cette

 22   affirmation selon laquelle la FORPRONU peut confirmer le fait que la

 23   population civile musulmane a bien été traitée par les Serbes.

 24   R.  C'est exact, et ça a été confirmé.

 25   Q.  Eh bien, ce n'est pas vrai.

 26   R.  Non, mais la population était bien traitée. Vous venez juste de

 27   convenir que ce document a été signé par cet homme. Je ne le savais pas --

 28   alors, théoriquement, oui, peut-être qu'il l'a fait sous la contrainte.


Page 42547

  1   Admettons, théoriquement, que c'est possible. Mais comment étais-je censé

  2   le savoir ? Si cette signature a eu lieu sous la contrainte, comment

  3   aurais-je pu le savoir ? Est-ce que vous êtes en train de me dire que de

  4   Pale, j'étais censé savoir ce qu'il était en train de se passer dans une

  5   tente ou une maison à Srebrenica lors d'une réunion à propos des civils

  6   musulmans de Srebrenica, réunion entre les forces serbes et les

  7   représentants des Nations Unies ? Je n'en avais aucune idée.

  8   Q.  Mais lorsque vous avez dit que la FORPRONU a confirmé le fait que la

  9   population civile musulmane avait bien été traitée par les Serbes, vous

 10   n'en aviez aucune idée. Donc c'est un mensonge ?

 11   R.  Non, non, non. Je suis assez admiratif de votre persévérance, mais je

 12   pense que nous n'avançons pas beaucoup ici. Je pense que j'ai déjà expliqué

 13   mon point de vue très clairement, et je pense que vous le comprenez mais

 14   que vous continuez à me titiller.

 15   Q.  Très bien, alors, Monsieur Zametica --

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander à l'Accusation de nous dire

 17   quand pour la première fois Franken a déclaré que cela avait eu lieu sous

 18   la contrainte ? Est-ce que c'était immédiatement après son retour ? Quand ?

 19   Quand cela a-t-il eu lieu ?

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que cette intervention ne vient

 21   pas à point nommé pour le moment. Vous pourrez soulever la question lors de

 22   vos questions supplémentaires. Continuons.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Vous avez expliqué votre travail, ce que vous deviez faire, et vos

 25   obligations vis-à-vis du Dr Karadzic en long et en large. Et, entre autres,

 26   l'un des aspects de votre travail consistait à vous occuper des affaires

 27   étrangères et d'être en première ligne vis-à-vis des contacts avec les

 28   médias internationaux; est-ce exact ?


Page 42548

  1   R.  Oui. C'est exact, oui.

  2   Q.  Donc il serait normal dans le cadre de votre travail, et probablement

  3   en qualité d'ex-résident du Royaume-Uni, que vous ayez suivi les nouvelles

  4   dans la presse britannique ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Donc, le 17 juillet 1995, vous auriez vu ou vous auriez été mis au

  7   courant par le journal "The Independent" de l'article qui a fait la

  8   première page et qui avait le titre suivant : "Les corps s'accumulent dans

  9   l'horreur à Srebrenica" ? Car c'était votre travail.

 10   R.  Non, pas nécessairement. A cette époque, nous n'avions pas l'internet.

 11   Donc la presse, les informations n'étaient pas immédiatement disponibles,

 12   contrairement à aujourd'hui. Donc je ne me souviens pas particulièrement de

 13   cet article dont vous venez de parler.

 14   Q.  Eh bien, cet article se fondait, Monsieur Zametica, sur cinq ou six

 15   heures de tournage que l'auteur de l'article et un de ses collègues avaient

 16   visionnées dans les bureaux du Studio B à Belgrade, et des parties de ce

 17   film ont été utilisées dans un documentaire qui a été réalisé par le Studio

 18   B le 15 juillet. Et, en fait, vous avez déjà fait référence au fait que

 19   vous aviez vu certaines parties de ce film dans votre déposition il y a

 20   quelques minutes. Alors, ces images ont été tournées dans la région de

 21   Srebrenica le 13 et le 14 juillet 1995 et ont été filmées par un

 22   journaliste serbe qui s'appelle Zoran Petrovic-Pirocanac. Et, entre autres,

 23   on y voit des tas de corps contre un mur qui est criblé d'impacts de

 24   balles, et l'endroit semble être l'endroit d'une exécution sommaire. Cela a

 25   eu lieu le 17 juillet.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Les références sont P4397 et 4392. Nous

 27   pourrions peut-être regarder l'article. La pièce P4397, je vous prie.

 28   Agrandissons l'image, s'il vous plaît.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation]

  3   Q.  Regardez l'article, et ensuite je vous poserai une question, Monsieur

  4   Zametica.

  5   R.  Très bien. Je l'ai lu.

  6   Q.  Donc, Monsieur Zametica, ces rapports de sources serbes  qui font

  7   partie de ce que vous avez décrit dans un autre communiqué de presse du 17

  8   juillet -- de ce que vous avez décrit comme étant une orgie de rapports non

  9   critiques qui ont été rédigés avec l'aide des autorités musulmanes, vous

 10   maintenez cela ?

 11   R.  Oui, et l'article le confirme. Et je vais m'expliquer. Tout d'abord,

 12   pour répondre à votre première question qui me demandait si j'avais vu le

 13   17 juillet cet article dans le journal "The Independent", eh bien, je peux

 14   vous répondre, non. Je l'ai lu pour la première fois il y a quelques

 15   instants.

 16   Q.  Très bien. Alors, si vous nous dites que c'est la première fois que

 17   vous voyez cet article, nous allons passer à autre chose. Je n'ai plus de

 18   questions à vous poser.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le

 20   témoin devrait avoir l'occasion de terminer sa réponse.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, je vais relire la question

 22   de Mme Edgerton. Oui, Monsieur Zametica, veuillez continuer votre réponse.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Alors, l'article

 24   que je viens de voir pour la première fois de ma vie, nous l'avons sous les

 25   yeux, en fait, il confirme ce que j'ai dit lors de cette déclaration faite

 26   par moi le 17 juillet au sujet de ce qui était non vérifié et tendancieux

 27   dans les comptes rendus des médias occidentaux relatifs aux événements de

 28   Srebrenica. Alors, vous insistez très lourdement sur le fait que ceci


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  1   provient de sources serbes. Il s'agit effectivement d'une source serbe, en

  2   l'espèce, B92  -- non, le Studio B, qui, de façon générale, était une

  3   station ou une chaîne qui était hostile aux Serbes de Bosnie. C'était sa

  4   politique. Mais peu importe. Mais même ce Studio B qui avait un biais

  5   contre les Serbes de Bosnie dit ou suggère que ces soldats musulmans ont

  6   été "tués au combat".

  7   Alors, le journaliste Robert Block, dont je n'ai jamais entendu parler

  8   auparavant, bien que j'aie suivi les travaux de ces journalistes, dit, je

  9   cite :

 10   "La scène, les lieux ressemblaient," et je répète, "ressemblaient plus à

 11   l'endroit d'une exécution sommaire qu'à un théâtre de combat."

 12   Alors, il donne son impression personnelle sur cette scène particulièrement

 13   horrible, mais lui-même n'est pas sûr de la question de savoir s'il y a eu

 14   des exécutions ou si ces soldats musulmans ont été tués en plein combat. Il

 15   le dit lui-même, il dit que les lieux "ressemblaient" plus à une chose qu'à

 16   l'autre. Donc, quelle preuve avons-nous ici que ces personnes ont été

 17   exécutées ? Il met simplement en avant sa propre opinion, subjective, quant

 18   à l'apparence de ces lieux. Il ne peut pas utiliser des termes plus

 19   catégoriques parce que, en réalité, il n'est pas sûr lui-même et il ne peut

 20   pas le démontrer. Et c'est en fait, ici, un bon exemple de la façon dont,

 21   en jouant sur les mots, on peut finir par déformer les faits historiques.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zametica, vous nous confirmez,

 23   n'est-ce pas, que ce qui était spéculation de sa part à l'époque était

 24   exact ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Mais dans ce cas particulier, Madame

 26   et Messieurs les Juges, je ne peux pas être sûr si c'était le cas ou non.

 27   Je peux ni dire oui ni dire non parce que s'il s'était agi de prisonniers

 28   qui ont été exécutés -- oui, je ne peux pas exclure la possibilité qu'ils


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  1   aient été exécutés. Mais sur la base uniquement de cet article particulier,

  2   on ne peut pas avoir de certitude. C'est tout ce que j'essaie de dire.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame le

  4   Procureur.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

  6   Q.  En tant que conseiller et porte-parole de la plume de M. Karadzic et

  7   membre de son cabinet, vous étiez au courant, n'est-ce pas, des lettres

  8   officielles émanant des autorités parties prenantes de la communauté

  9   internationale qui s'adressaient à M. Karadzic, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, en général, dans la mesure où il avait décidé de me les présenter.

 11   Et s'il s'agissait de lettres importantes, il me les présentait.

 12   Q.  Très bien. Dans ce cas-là, M. Karadzic vous aura présenté la lettre

 13   officielle reçue par lui de la part du Rapporteur spécial de la Commission

 14   pour les droits de l'homme, M. Mazowiecki, rédigée par celui-ci le 24

 15   juillet, dans laquelle il protestait contre le déplacement forcé de 40 000

 16   personnes hors de Srebrenica et relevait que plusieurs milliers d'habitants

 17   supplémentaires étaient portés disparus et que leur sort était inconnu.

 18   Dans cette lettre, il demandait également que soit permis l'accès aux

 19   personnes détenues. Parce que c'était une lettre assez importante, n'est-ce

 20   pas ?

 21   R.  Excusez-moi -- mais ce n'est pas une question. N'est-ce pas, est-ce que

 22   je vous ai bien entendu parler du 24 juillet ?

 23   Q.  Oui.

 24   R.  Merci. Le 24 juillet, j'étais au Monténégro, donc il n'a pas pu me

 25   montrer cette lettre parce qu'il n'aurait pas eu la possibilité de le

 26   faire.

 27   Q.  Mais M. Karadzic vous aura certainement montré la lettre de M. Akashi

 28   datée du 12 août 1995, dans laquelle ce dernier exprimait sa grande


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  1   préoccupation de voir que le sort de très nombreux habitants de Srebrenica

  2   était toujours inconnu et relevait les comptes rendus faisant état de

  3   charniers qui avaient été identifiés par le gouvernement américain. Cette

  4   même lettre du 12 août vous demande de donner l'autorisation à la FORPRONU

  5   d'enquêter sur ces allégations et demande l'accès pour les membres de la

  6   FORPRONU, du HCR, du CICR et d'autres organisations internationales aux

  7   personnes déplacées hors de Srebrenica, ainsi que hors de Zepa à ce stade,

  8   et qui étaient détenues dans des secteurs contrôlés par vous. Il vous

  9   l'aurait montrée, n'est-ce pas ?

 10   R.  C'est possible. Mais je dois vous dire que je m'en souviens pas. A la

 11   date que vous évoquez, celle du 12 août, je ne m'en souviens pas, il y

 12   avait beaucoup de choses qui se produisaient. Nous venions juste d'avoir

 13   une tentative de coup d'Etat --

 14   Q.  Je ne vous ai pas posé de question au sujet d'un coup d'Etat; je vous

 15   ai posé une question au sujet d'une lettre.

 16   R.  Excusez-moi --

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Juste une remarque.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci a été dit dans le contexte de ce

 19   qu'a dit le témoin pour expliquer pourquoi il ne pouvait pas se souvenir de

 20   cette lettre. Laissez-le poursuivre, Madame Edgerton.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Très bien.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] L'autre sujet très important, mis à part le

 23   coup d'Etat qui nous préoccupait à l'époque, c'était la situation militaire

 24   très préoccupante dans les parties occidentales du pays. Donc ma réponse

 25   sera la suivante : M. Karadzic peut m'avoir présenté cette lettre, mais il

 26   est certain que je ne m'en souviens pas. Bien que je doive ajouter encore

 27   une chose : si je l'avais vue et si je l'avais lue, je serais peut-être en

 28   état de m'en souvenir, de me souvenir avoir lu quelque chose de cette veine


Page 42553

  1   il y a longtemps, mais à ce stade, aujourd'hui, je ne m'en souviens pas.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Zametica, vous n'avez mené aucune enquête, n'est-ce pas, pour

  4   essayer de déterminer où se trouvaient les personnes au sujet desquelles M.

  5   Akashi a relevé que leur sort était totalement inconnu ? Vous n'avez

  6   procédé à aucune enquête, que ce soit au mois de juillet, au mois d'août,

  7   ni à aucun moment postérieur à ces deux mois ?

  8   R.  Laissez-moi vous répéter que je ne suis pas au courant de cette lettre

  9   envoyée par Yasushi Akashi, et je ne peux absolument rien ajouter à cela.

 10   Q.  Ma question est la suivante : vous n'avez mené aucune enquête au sujet

 11   de l'endroit où se trouveraient les personnes dont M. Akashi, apparemment,

 12   savait qu'elles étaient portées disparues ? C'est le même groupe de

 13   personnes dont M. Mazowiecki fait savoir qu'elles sont portées disparues et

 14   le même groupe de personnes également au sujet duquel la communauté

 15   internationale avait réagi de façon véhémente en mettant en avant que leur

 16   sort était inconnu. Donc vous n'avez mené aucune enquête à l'époque, au

 17   mois de juillet, ni au mois d'août, ni à aucun moment plus tard, n'est-ce

 18   pas ?

 19   R.  Compte tenu du contexte de tout ce qui se passait à l'époque dans les

 20   parties occidentales de la Republika Srpska, j'étais très certainement,

 21   pour ma part, préoccupé par ces événements ailleurs dans le pays -- alors,

 22   je ne sais pas ce qu'il en est de M. Karadzic et de ce qu'il a peut-être

 23   fait, ni de la façon dont il a répondu à cette lettre dont vous dites que

 24   M. Akashi l'a écrite à son attention. Vous feriez peut-être mieux de poser

 25   la question à M. Karadzic à ce sujet.

 26   Q.  Je vous ai demandé si, oui ou non, à cette époque, vous avez mené une

 27   enquête quant à l'endroit où se trouvaient les habitants de Srebrenica qui

 28   avaient été portés disparus. Oui ou non ?


Page 42554

  1   R.  Je ne m'en souviens pas.

  2   Q.  En fait, Monsieur Zametica, est-ce que vous continuez de répéter qu'au

  3   mois de juillet 1995, en fait, le 31 juillet, vous persistez à répéter

  4   qu'il n'y avait pas eu de nettoyage ethnique, qu'il n'y avait pas

  5   d'atrocités, vous dites que tout cela, c'étaient des mensonges et des

  6   inventions ? Vous avez dit cela, Monsieur Zametica, au journal "USA Today"

  7   en réaction aux récits faits par les survivants qui s'étaient frayés un

  8   chemin jusqu'au territoire tenu par les Musulmans de Bosnie, n'est-ce pas ?

  9   R.  Je voudrais pouvoir consulter cet article.

 10   Q.  Tout à fait.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est la pièce 25323 de la liste 65 ter.

 12   Q.  Les propos que je viens de citer figurent à la cinquième phrase à

 13   partir du bas.

 14   R.  Oui. Oui, oui, nous avons, là encore, une confirmation de ce que je ne

 15   cessais de répéter, à savoir qu'à l'époque nous ignorions entièrement

 16   l'existence de quelque atrocité que ce soit qui aurait été commise. C'est

 17   ce que j'ai dit le 17 juillet, et je vois qu'ici nous avons la confirmation

 18   que je l'ai également déclaré le 31 juillet, en effet.

 19   Q.  Quand êtes-vous revenu du Monténégro, Monsieur Zametica ?

 20   R.  Vers la fin du mois de juillet.

 21   Q.  Très bien. Monsieur Zametica, ceci n'est pas vrai, n'est-ce pas ?

 22   R.  Qu'est-ce qui n'est pas vrai ?

 23   Q.  Votre déclaration d'après laquelle il n'y avait pas de nettoyage

 24   ethnique, il n'y avait pas d'atrocités, que ceci n'était que mensonge ? En

 25   fait, cela est en soi-même un mensonge, n'est-ce pas ?

 26   R.  Je suis vraiment surpris de voir que nous perdons autant de temps sur

 27   quelque chose au sujet de quoi j'ai déjà très clairement expliqué ma

 28   position. Mais je vais répéter. A l'époque, je n'étais au courant d'aucune


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  1   atrocité. Ce n'est qu'ultérieurement que j'ai appris qu'il y avait eu des

  2   atrocités, et je suis d'accord quant au fait qu'il y a eu un massacre à

  3   Srebrenica. Je l'ai déjà dit hier. Pourquoi ne cessons-nous de revenir

  4   encore et toujours sur ce point en particulier, alors que j'ai reconnu

  5   clairement qu'il y avait bien eu un massacre commis à Srebrenica ? Je ne

  6   comprends pas.

  7   Q.  Merci.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Puis-je demander le versement de cette

  9   pièce, Madame, Messieurs les Juges ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P6477.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Zametica, ces propos, ces déclarations, ne sont rien d'autre

 14   que des tentatives de dissimulation, tout comme l'accord est une tentative

 15   de dissimulation de ce qui a véritablement eu lieu à Srebrenica, n'est-ce

 16   pas ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Monsieur Zametica, je vais vous donner lecture de quelque chose que

 19   vous avez dit en 1997 pendant un entretien avec le journaliste Jovan

 20   Janjic, entretien publié dans le journal "Nin", dans une article intitulé :

 21   "Karadzic n'ira pas à La Haye." Vous avez déclaré :

 22   "La raison d'être du Tribunal est précisément de condamner Karadzic et

 23   Mladic. C'est-à-dire, la nation serbe. Les gens devraient comprendre que la

 24   mise en place de ce Tribunal ad hoc à La Haye est une farce judiciaire sans

 25   précédent dans l'histoire des Nations Unies."

 26   Est-ce que vous maintenez ces propos, Monsieur Zametica ?

 27   R.  Est-ce que je pourrais consulter l'article, s'il vous 

 28   plaît ?


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  1   Q.  C'est une question qui appelle une réponse par "oui" ou "non". Est-ce

  2   que vous maintenez ceci, oui ou non ?

  3   M. ROBINSON : [aucune interprétation] 

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je voudrais pouvoir consulter l'original

  5   en serbe.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois pas de problème avec le fait

  7   de vous présenter le document.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Moi non plus, Madame, Messieurs les Juges.

  9   C'est le document numéro 25243 de la liste 65 ter.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais en serbe, s'il vous plaît.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Et je vous laisse un peu de temps, si vous

 12   voulez. Alors, pouvons-nous passer à la page suivante en serbe. Au passage,

 13   je signale qu'en anglais la référence qui nous intéresse figure en pages 6

 14   et 7. Je pense que je me référais peut-être à une autre version en anglais.

 15   Alors, pour le texte anglais, revenons, s'il vous plaît, à la page

 16   précédente. Excusez-moi. Je vais vérifier mon exemplaire papier pour

 17   retrouver le passage précis -- ou, plutôt, le numéro de page précis en

 18   anglais.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Je crois que c'est en haut de la page 4, il

 20   me semble, peut-être également la fin de la page 3.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Maître.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai beaucoup de mal à lire les petits

 23   caractères dans la version serbe. Et je voudrais vraiment retrouver le

 24   passage exact, si on en a la possibilité.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pouvons renoncer à la version

 26   anglaise pour quelques instants.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Merci.

 28   Alors, oui, j'ai lu la traduction. Pour en vérifier l'exactitude, je n'ai


Page 42557

  1   pas d'objection majeure concernant la traduction. Donc, pour vous répondre,

  2   non, je ne maintiens pas ceci. J'ai changé d'avis.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation]

  4   Q.  Et comment en êtes-vous venu à changer d'avis ?

  5   R.  Eh bien, je vais vous répondre, Madame Edgerton. Récemment, ce même

  6   Tribunal a acquitté l'ancien chef de la Sûreté de l'Etat de la République

  7   de Serbie, M. Stanisic, et au vu de cet acquittement, j'ai réfléchi de

  8   nouveau et je me suis reposé la question de ce qu'était ce Tribunal pour

  9   finir par constater qu'il s'agissait d'une institution qui agissait de

 10   façon équitable.

 11   Q.  Quelques instants, s'il vous plaît. Je voudrais pouvoir vérifier un

 12   point. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, pourrions-nous, concernant ce

 14   document numéro 25243 de la liste 65 ter, procéder à son versement parmi

 15   les pièces de l'Accusation, s'il vous plaît ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P6478, Madame et

 18   Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose, Monsieur Karadzic, que vous

 20   aurez des questions supplémentaires. Alors, est-il préférable de faire la

 21   pause maintenant ou souhaitez-vous démarrer dès à présent ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, nous pouvons également faire une

 23   pause, Madame et Messieurs les Juges, si vous le souhaitez.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, je m'en remets à vous.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ce cas-là, prenons peut-être la pause

 26   maintenant et nous commencerons après.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons donc faire une demi-heure de

 28   pause et reprendrons nos débats à 11 heures moins dix.


Page 42558

  1   --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.

  2   --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

  3    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellences. Bonjour à tous.

  5   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

  6   Q.  [interprétation] Docteur Zametica, bonjour. On vous a demandé

  7   aujourd'hui si vous aviez mené des enquêtes sur le fondement d'allégations

  8   selon lesquelles certaines personnes étaient portées disparues, et on vous

  9   a également interrogé au sujet d'échanges de prisonniers. Par conséquent,

 10   je souhaiterais vous demander si, à la lumière de votre expérience

 11   personnelle, c'était là la première fois que nous avions fait des

 12   prisonniers ? Ou, plutôt, si pendant toutes les trois années et demie qu'a

 13   durées la guerre nous n'avons jamais été en présence d'événements au cours

 14   desquels des prisonniers de guerre auraient été liquidés et exécutés ?

 15   R.  Je suis tout à fait au courant du fait que nous avons eu des

 16   prisonniers pendant la guerre, tout comme l'autre partie ou les autres

 17   parties avaient certains de nos hommes capturés et faits prisonniers.

 18   C'était une pratique courante de procéder à des échanges de ces

 19   prisonniers. Et je ne suis, en revanche, certainement pas au courant que

 20   nous n'ayons jamais liquidé le moindre prisonnier.

 21   Q.  Merci. On vous a présenté le journal de feu le Pr Koljevic. Il a écrit,

 22   entre autres, sur la capture du personnel des Nations Unies lors des

 23   frappes aériennes, tout comme au sujet de Srebrenica. Je souhaiterais vous

 24   présenter un extrait.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande donc l'affichage du document

 26   1D09847. Page 1. Pourrions-nous écarter la page de couverture. Voilà.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Je voudrais attirer votre attention sur le troisième paragraphe. Je


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  1   vais en donner lecture :

  2   "Entre-temps, entre la seconde et la troisième frappes, Tuzla a été

  3   bombardé et un événement s'est produit au sujet duquel il serait

  4   extrêmement difficile de déterminer exactement ce qui s'est passé. Très

  5   probablement, un massacre de civils avait été mis en scène dans un

  6   restaurant à Tuzla, semblable à ce qui s'était passé rue Vase Miskina et au

  7   marché de Markale. Il est très improbable que qui que ce soit parmi nos

  8   hommes aurait pris de sa propre initiative la décision de faire quoi que ce

  9   soit de cette nature, et certainement pas sur la base d'un ordre reçu à cet

 10   effet, parce que cela aurait été pure folie à cette époque-là, à ce moment-

 11   là."

 12   Alors, comment ceci cadre-t-il avec votre expérience ?

 13   R.  Je crois que dans ma déclaration on trouve une mention d'un incident de

 14   ce type-là, celui de Markale, au mois de février 1994, je crois. Et je

 15   crois également avoir dit dans ma déclaration que tout cela se présentait

 16   comme s'il s'était agi d'un massacre mis en scène. Cependant, jusqu'à

 17   aujourd'hui, je dois dire que j'ignore ce qu'est la vérité vraie en la

 18   matière. Je crois avoir déjà dit que les faits n'ont pas été établis avec

 19   une certitude totale. Mais un événement de cette sorte jouait en faveur des

 20   Musulmans pour des raisons de propagande tout à fait évidentes, et ils ne

 21   sont pas privés d'en faire usage à des fins de propagande. Parce que cela

 22   apportait aux Musulmans la sympathie du monde entier.

 23   Donc je ne serais pas surpris, à la lumière de ceci, que cet

 24   événement de Tuzla que vous venez de porter à mon intention et dont il est

 25   question dans le journal du Pr Koljevic, je ne serais donc pas surpris que

 26   cet événement, lui aussi, appartienne à cette même catégorie. Cependant, je

 27   dois souligner que je n'ai aucune connaissance, aucun élément d'information

 28   qui me permettrait de dire quoi que ce soit avec la moindre certitude en la


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  1   matière. Et je crois devoir ajouter également que, tout comme le Pr

  2   Koljevic le dit ici, il aurait sans le moindre doute été tout à fait

  3   contraire aux intérêts serbes d'agir de la sorte.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser au dossier cette page du journal

  6   du Pr Koljevic, bien que, à vrai dire, il serait préférable de verser au

  7   dossier les deux volumes de cet ouvrage dans leur intégralité.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. Zametica a dit n'avoir aucune

  9   connaissance de ceci et toutes les réponses qui ont une importance ont été

 10   consignées. Donc, est-ce que nous devons malgré tout verser ceci au dossier

 11   ? Maître.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, je crois que puisque nous avons

 13   également eu la déclaration de Deronjic, et vous avez décidé de la verser

 14   au dossier --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Mais dans ce cas précis, les

 16   passages importants ont été lus à haute voix et consignés au compte rendu.

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Bien. Dans ce cas-là, je crois que cela

 18   devrait suffire.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Poursuivez, s'il vous

 20   plaît.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. En fait, pour être tout à fait

 22   clair, je souhaitais simplement demander au Dr Zametica si ce schéma était

 23   connu de lui et dans quelle mesure il pouvait considérer que c'était bien

 24   de cela qu'il s'agissait avec un certain degré de certitude.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Alors, Docteur Zametica, vous avez également entendu les questions qui

 27   vous ont été posées au sujet de la connaissance que vous aviez des

 28   événements survenus à Srebrenica. Je voudrais vous présenter un autre


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  1   extrait du journal du Pr Koljevic, donc, pièce 1D9748. Pendant que nous en

  2   attendons l'affichage, est-ce que nous avions un seul ou plusieurs

  3   commissaires civils pour Srebrenica, si vous le savez ?

  4   R.  Je n'arrive pas à m'en souvenir.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez répéter votre

  6   réponse ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me rappelle pas combien de commissaires

  8   civils nous avions pour Srebrenica.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Peut-on afficher la page 3. Peut-on

 10   faire défiler la page vers le bas.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  J'attire votre attention sur le dernier paragraphe :

 13   "Pour l'essentiel, nous subissons de nouveau d'énormes pressions de la part

 14   des médias. On parle du plus grand nettoyage ethnique, bien que les

 15   Musulmans aient quitté Srebrenica de leur plein gré en présence de la

 16   FORPRONU. J'ai discuté de ceci avec notre commissaire nouvellement nommé à

 17   Srebrenica, qui a étudié il y a une dizaine d'années à la faculté de

 18   philosophie de Sarajevo, et c'est de lui, de sa bouche, que j'ai entendu

 19   qu'il n'y avait véritablement eu aucun meurtre de civils et que les

 20   Musulmans ne souhaitaient pas rester à Srebrenica, que ce soit par peur

 21   compte tenu du fait qu'ils savaient ce que leurs combattants avaient fait

 22   aux Serbes dans les secteurs environnants ou à cause de menaces venant de

 23   Sarajevo. Ils ont reçu l'ordre de partir, ils l'ont reçu directement de

 24   Sarajevo."

 25   Alors, comment ceci cadre-t-il avec votre expérience et votre connaissance

 26   ? Il s'agit du 21 juillet 1995 et de sa rencontre avec notre commissaire

 27   civil.

 28   R.  Vous vous souviendrez que j'étais déjà parti de Pale, j'étais parti au


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  1   Monténégro ce jour-là, donc je n'ai pas pu en parler avec le Pr Koljevic,

  2   même si je le rencontrais quotidiennement, presque aussi fréquemment que je

  3   réunissais avec vous. Je peux, toutefois, tout à fait considérer que ce

  4   qu'écrit ici le Pr Koljevic est entièrement juste.

  5   Je souhaite ajouter que de mon point de vue, donc subjectivement,

  6   mais de mon point de vue, le journal du Pr Koljevic constitue une source

  7   très importante quant aux événements survenus pendant la guerre en Bosnie-

  8   Herzégovine. C'est une source de la plus grande authenticité. Il avait

  9   l'habitude d'enregistrer sur un dictaphone les événements de la journée

 10   tard le soir avant d'aller se coucher, et je crois que le lendemain son

 11   secrétaire dactylographiait ceci. Donc c'est une source d'une très grande

 12   authenticité quant à tous les événements qui se sont produits. Et je

 13   souhaite ajouter que le Pr Koljevic était un homme d'une très grande

 14   intégrité, que l'on ne peut absolument pas soupçonner d'avoir inventé quoi

 15   que ce soit dans son journal. C'est simplement ce que je souhaitais ajouter

 16   à cet égard.

 17   Q.  Merci, Docteur Zametica. Est-ce que le fait que déjà depuis la mi-

 18   janvier 1997 le Dr Koljevic n'était plus parmi nous, est-ce un fait qui a

 19   une importance d'après vous ? Puisqu'il n'avait plus la possibilité

 20   d'apporter quoi que ce soit dans son journal.

 21   R.  Je n'ai pas très bien compris votre question. Pourriez-vous la poser

 22   autrement ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être que vos propos se chevauchent,

 24   surtout en ce qui concerne la traduction. Pourriez-vous répéter la réponse

 25   ? Et puis, je vais vous demander à l'avenir de marquer un temps de pause

 26   entre la question et la réponse.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  J'ai voulu vous demander quel est votre point de vue là-dessus, à


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  1   savoir tout d'abord quand est décédé le Dr Koljevic, d'après ce que vous

  2   savez.

  3   R.  Eh bien, c'est très connu. Il s'est suicidé, je pense, au mois de

  4   janvier 1997.

  5   Q.  Merci. Est-ce que vous avez eu des contacts proches avec le Dr Koljevic

  6   pendant que vous participiez à la délégation de Dayton ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Au cours de notre contre-interrogatoire,

  9   nous avons pas du tout mentionné le Dr Koljevic. Donc je considère que ces

 10   questions ne cadrent pas avec le contre-interrogatoire.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On a parlé de son journal dans

 12   l'interrogatoire principal.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Nous avons discuté d'une page de son

 14   journal. Mais nous n'avons pas parlé du rapport du témoin avec le Dr

 15   Koljevic, de sa présence à Dayton éventuelle, et cetera. Donc toutes les

 16   questions qu'on est en train de poser au témoin, eh bien, elles ne

 17   découlent pas du contre-interrogatoire.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'il serait utile que M. Karadzic

 20   montre au témoin le document suivant qui est peut-être pertinent.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais ajouter que le Dr Zametica a dit

 22   qu'il s'agissait là d'un document très fiable et très important, et c'est

 23   pour cela que j'ai voulu établir jusqu'à quelle date M. Koljevic était en

 24   mesure de tenir son journal.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Et puis, maintenant, cette question au sujet de Dayton. Est-ce que vous

 27   étiez ensemble dans la délégation à Dayton ? Est-ce qu'il était aussi bien

 28   que vous le membre de cette délégation ?


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  1   R.  Oui. Le Pr Koljevic était membre de la délégation de la Republika

  2   Srpska au cours des négociations de paix à Dayton, et donc, effectivement,

  3   nous étions en contact au jour le jour. Donc la réponse est oui.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on montre dans le

  5   système de prétoire électronique le document 1D09751. La page 3, s'il vous

  6   plaît. Donc, là, nous avons une entrée pour le 19 novembre 1995.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Et puis, je vais vous demander d'examiner le premier paragraphe, donc

  9   ce qui est écrit ici. Si vous le souhaitez, je peux vous donner lecture de

 10   cela.

 11   "Cependant, la campagne anti-Serbe de La Haye a continué sans merci

 12   jusqu'au bout. Vendredi, le 17 novembre, le 'New York Times', à nouveau, a

 13   tiré son artillerie verbale contre Karadzic et Mladic avec des détails

 14   frais et terrifiants des faits allégués de Srebrenica, en décrivant comment

 15   les enfants musulmans ont été tués devant leurs mères, devant un grand-père

 16   que l'on a forcé à manger le foie de son petit-fils. Si tout cela était

 17   vrai, ces soldats serbes ne seraient pas traduits devant le Tribunal de La

 18   Haye mais devant un tribunal militaire serbe qui les punirait de la façon

 19   la plus drastique possible. Heureusement, mais aussi on peut dire qu'on le

 20   regrette, ces histoires ressemblent beaucoup trop au 'témoignage'

 21   imaginaire de nos ex-voisins, et il est parfaitement impossible de croire

 22   ces histoires."

 23   Comment vous pouvez faire un lien entre ce que nous venons de lire et

 24   ce que vous avez vu dans les médias concernant les Serbes ? Est-ce qu'on

 25   pouvait vraiment croire ces médias ? Et est-ce que vous étiez de la même

 26   opinion que le Pr Koljevic à ce sujet ?

 27   R.  Eh bien, le Pr Koljevic dans son journal a écrit des informations qui

 28   datent de la période de Dayton, donc il est clair qu'il était en train de


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  1   lire les médias américains. Et c'est quelque chose dont nous étions

  2   conscients à l'époque. Mais je dois dire aussi qu'à l'époque, on était bien

  3   plus préoccupés, pas par la propagande contre les Serbes de Bosnie, mais

  4   plutôt nous étions préoccupés par le cours que prenait la conférence à

  5   Dayton. Et donc, nous n'en avons pas beaucoup parlé.

  6   Mais je voudrais ajouter quelque chose, parce que tout ceci se

  7   déroule au moment, justement, de la conférence de Dayton. Je dois dire que

  8   pendant la conférence de Dayton, même si nous, en tant que délégation et en

  9   tant qu'individus faisant partie de la délégation de la Republika Srpska,

 10   même si nous étions fréquemment en contact avec les représentants des

 11   organisations internationales qui étaient présentes sur place, et tout le

 12   monde était présent d'ailleurs, l'Union européenne, le Groupe de contact --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. Attendez, Monsieur Zametica,

 14   parce que je me demande dans quelle direction nous nous dirigeons en ce

 15   moment. Parce que je ne suis vraiment pas sûr que c'est une question qui

 16   découle du contre-interrogatoire.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'ai demandé au témoin s'il partageait la

 18   même opinion que le Pr Koljevic, et le Dr Zametica voulait justement

 19   décrire les informations qui leur parvenaient pendant qu'ils étaient à

 20   Dayton. Donc, vers la fin du mois de novembre. Concernant justement les

 21   informations, les informations auxquelles on avait accès à l'époque. Donc

 22   la question porte sur les informations qui nous arrivaient à l'époque.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que le Dr Zametica a répondu à

 24   votre question. Et si vous avez besoin d'autres éléments, eh bien, veuillez

 25   lui poser la question.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Pendant la conférence à Dayton, est-ce que vous avez reçu davantage


Page 42566

  1   d'information oralement que les informations qui vous parvenaient dans les

  2   médias écrits ? Est-ce que l'on a abordé les crimes de Srebrenica lors de

  3   la conférence ?

  4   R.  Oui, justement, j'ai voulu en parler, mais le Président m'a interrompu,

  5   donc je vais poursuivre. Même si tout le monde était présent à Dayton, donc

  6   les représentants de la communauté internationale, j'ai commencé à les

  7   énumérer, l'Union européenne, le Groupe de contact, et cetera, et, bien

  8   sûr, les Etats-Unis [comme interprété], la conférence s'est déroulée sur

  9   trois semaines. Elle a duré trois semaines, donc une période assez longue.

 10   Mais personne, personne de la communauté internationale n'a jamais, que je

 11   sache, soulevé la question de Srebrenica, ne nous a parlé de la question de

 12   Srebrenica.

 13   Q.  Merci. Et puis, la dernière question, et là, il s'agit plutôt de

 14   l'interprétation. Quand vous avez dit que j'étais un président faible, est-

 15   ce que vous vouliez dire que j'étais un mauvais président ? Parce que c'est

 16   ce que l'on a pu trouver dans les médias --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas que Mme Edgerton ait

 18   posé cette question ou des questions à ce sujet.

 19   Mme EDGERTON : [aucune interprétation]

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais il s'agit d'un problème de traduction.

 21   Parce que là, vous avez une phrase en anglais qui doit être traduite

 22   différemment en serbe. Il s'agit d'une demi-phrase, pas plus, alors je vous

 23   demande de me permettre de poser cette question.

 24   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pourrais poser la question autrement.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette question ne découle pas du contre-

 28   interrogatoire, mais il semblerait qu'il s'agisse d'un problème de


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  1   traduction, donc, de la signification de certains termes, donc on vous

  2   permet de poser la question, effectivement.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Docteur Zametica, au cours du contre-interrogatoire, l'on a contesté

  6   votre point de vue à savoir que je ne contrôlais pas tous mes éléments.

  7   Sans doute que vous vous êtes référé au statut constitutionnel de la

  8   fonction du président. Que vouliez-vous dire par là ? Est-ce que vous

  9   vouliez dire que j'étais un mauvais président ou bien un président qui ne

 10   contrôlait pas ses institutions mais qui les laissait travailler ?

 11   R.  Je pense que vous avez posé une question légitime parce que là il

 12   s'agit bel et bien d'un problème de traduction. Le terme anglais "faible",

 13   quand on le traduit vers la langue serbe, on en arrive à la traduction

 14   "slab", donc "faible" en serbe. Mais dans la langue serbe, c'est un terme

 15   qui a une double signification. Cela peut vouloir dire faible, mais aussi

 16   mauvais, donc pas bon. Eh bien, je voudrais bien dire cela : quand j'ai dit

 17   que vous étiez un président faible, je n'ai voulu pas dire que vous étiez

 18   un mauvais président. Je voulais dire que vous étiez un président faible

 19   dans le sens anglais du terme.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Je suis en train de regarder le compte

 21   rendu d'audience de ces derniers jours et je n'ai jamais vu ce mot, le mot

 22   "faible" en anglais, dans le compte rendu d'audience, donc peut-être qu'il

 23   y a un problème d'interprétation ici.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est pendant l'interrogatoire principal

 25   que l'on en a parlé.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Mais au cours du contre-interrogatoire, on

 27   a justement contesté cela, c'est-à-dire que l'on a contesté la position du

 28   Dr Zametica. Et on voulait faire valoir, au contraire, que j'avais un


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  1   contrôle fort des institutions.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On ne va pas aller plus loin sur ce

  3   terme.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Merci, Docteur Zametica. Je n'ai pas d'autres questions.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, avec ceci se termine votre

  8   déposition, Monsieur Zametica. Au nom des Juges de la Chambre et au nom du

  9   Tribunal, je souhaite vous remercier d'être venu à La Haye pour déposer. A

 10   présent, vous pouvez disposer.

 11   [Le témoin se retire]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin suivant est prêt à témoigner ?

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.

 14   C'est le général Milenko Zivanovic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, devons-nous verser au

 16   dossier ces pages, ou bien vous pensez qu'il est suffisant de les avoir

 17   lues pour le compte rendu d'audience ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que vous les avez lues et cela

 19   nous suffit.

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, je vais vous demander de

 22   prononcer la déclaration solennelle.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 24   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 25   LE TÉMOIN : MILENKO ZIVANOVIC [Assermenté]

 26   [Le témoin répond par l'interprète]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Général Zivanovic. Vous pouvez

 28   vous asseoir et vous pouvez vous mettre à l'aise.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de commencer votre déposition, je

  3   dois attirer votre attention sur certaines règles qui prévalent ici devant

  4   ce Tribunal. C'est l'article 90(E) du Règlement de procédure et de preuve.

  5   D'après cet article, vous pouvez refuser de répondre aux questions posées

  6   par M. Karadzic, le Procureur ou même les Juges si vous pensez que vous

  7   pourriez vous incriminer en répondant à ces questions. Et dans ce contexte,

  8   quand je dis "vous incriminer", je veux dire qu'il s'agirait des éléments

  9   qui pourraient correspondre à un aveu de culpabilité pour un crime ou que

 10   vous pourriez dire quelque chose qui indiquerait que vous avez commis un

 11   crime. Mais je dois vous dire que, donc, vous pouvez refuser de répondre à

 12   cette question; cela étant dit, les Juges de ce Tribunal ont la possibilité

 13   de vous forcer à répondre tout de même à la question. Mais dans ce cas, la

 14   réponse obtenue de la sorte ne pourrait en aucun cas être utilisée contre

 15   vous pour des crimes autres que le crime de faux témoignage.

 16   Est-ce que vous m'avez compris ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous ai compris.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Général Zivanovic.

 19   Monsieur Karadzic, vous pouvez continuer.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 21   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 22   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Général.

 23   R.  Bonjour, Docteur Radovan Karadzic.

 24   Q.  Eh bien, je vais vous demander d'observer un temps de pause entre mes

 25   questions et vos réponses pour gagner du temps parce que, dans le cas

 26   contraire, il faudra apporter des corrections à nos propos parce qu'il faut

 27   du temps aux interprètes pour nous interpréter.

 28   R.  Oui, je vais faire un effort pour parler clairement pour que tout le


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  1   monde puisse comprendre.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais là, vous avez répondu trop

  3   rapidement. Il faut attendre que l'interprétation soit terminée. Donc,

  4   respectez un temps de pause, s'il vous plaît.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Général, est-ce que vous avez fait une déclaration pour mon équipe de

  7   Défense ?

  8   R.  Oui, je l'ai faite, et je l'ai signée aussi.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on présente dans le

 11   système de prétoire électronique le document 1D09060.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Quel est ce document ?

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  C'est votre déclaration, vous allez la voir. Et je vais vous demander

 15   de me confirmer si c'est bien la déclaration que vous avez faite. Est-ce

 16   bien la déclaration que l'on voit sur l'écran à présent ?

 17   R.  Un instant, s'il vous plaît. Oui, c'est bien cela.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on montre la dernière

 19   page au témoin pour qu'il puisse reconnaître sa signature.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Général, est-ce que vous avez bien lu cette déclaration et est-ce que

 22   vous l'avez signée ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Merci. Est-ce que cette déclaration traduit fidèlement vos propos, ce

 25   que vous avez dit à l'équipe de la Défense ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Attendez un petit instant. Parce que j'ai l'impression que la version

 28   que l'on a sur l'écran, c'est la version non définitive de la déclaration.


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  1   Entre la première déclaration et pendant la session de récolement, est-ce

  2   que vous avez voulu apporter quelques corrections à la déclaration ?

  3   R.  Oui, j'ai voulu compléter. J'ai ajouté quelques éléments d'information,

  4   et je l'ai signée.

  5   Q.  Et donc, c'est quelque chose qui a été fait plus tard, n'est-ce pas, au

  6   mois d'octobre ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Bien. On va voir aussi sur l'écran cette version-là de la déclaration.

  9   Mais dites-moi, si aujourd'hui, si je vous posais les mêmes questions que

 10   les questions que l'on vous a posées à l'époque, est-ce que vous répondriez

 11   de la même façon, donc, de la façon dont vous avez répondu dans la version

 12   définitive de la déclaration ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Merci.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez téléchargé ces

 16   éléments supplémentaires avec un numéro à part ?

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, effectivement. C'est le numéro 1D9753.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, excusez-moi, parce que j'ai cité la

 19   mauvaise cote. C'est la bonne cote, et je vais demander qu'on montre donc

 20   ce document dans le système de prétoire électronique. Surtout sa dernière

 21   page.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Le 27 octobre, est-ce bien le jour où vous avez signé cette déclaration

 24   mise à jour ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et je vais demander que cette déclaration soit

 28   versée au dossier en vertu de l'article 92 ter.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons parler des pièces connexes

  2   plus tard. Madame Pack, est-ce que vous avez une objection quant au

  3   versement de la déclaration et de son addendum ?

  4   Mme PACK : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai une question tout de même au sujet

  6   du paragraphe 40 et 41, où il dit qu'il n'a pas participé à cette

  7   conversation interceptée alléguée. Quelle est la pertinence ? Parce que

  8   j'ai du mal à comprendre pourquoi on veut verser cela. Est-ce que vous

  9   voulez faire cela pour empêcher le Procureur de verser cette conversation

 10   interceptée ?

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense que c'est cela l'idée. Mais si vous

 12   ne souhaitez pas verser cela, nous n'allons pas insister.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout d'abord, je vais poser la question

 14   à Mme Pack : est-ce que vous vouliez présenter ces deux conversations

 15   interceptées ? Sinon, nous allons demander à la Défense de biffer ces deux

 16   paragraphes.

 17   Mme PACK : [interprétation] Non, moi, je n'ai pas eu l'intention de traiter

 18   de ces deux conversations interceptées. Mais de toute façon, ces documents

 19   ont été versés au dossier par le biais d'un autre témoin en tant que pièce

 20   P05294. C'est la version expurgée et sous pli scellé en tant que pièce

 21   P0293 [comme interprété] --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel est ce document ?

 23   Mme PACK : [interprétation] Eh bien, c'est le document qui est identifié en

 24   tant que document 1D09010.

 25    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas-là, il faudrait garder le

 26   paragraphe, parce qu'il parle justement de --

 27   Mme PACK : [interprétation] Eh bien, il appartient à l'accusé de voir. En

 28   ce qui nous concerne, les choses sont claires. C'est une conversation


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  1   interceptée qui a été versée par le biais d'un autre témoin. Et en ce qui

  2   concerne le paragraphe suivant, là, on est dans le même cas de figure.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons verser ces

  4   documents tels quels, sans rien changer, aussi bien la déclaration que

  5   l'addendum. Je vais demander que l'on attribue des cotes à ces documents.

  6   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que dans l'addendum nous avons

  8   aussi la déclaration ?

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Dans ce cas-là, nous allons le

 11   verser.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter 1753 [comme

 13   interprété] va devenir la pièce à conviction D3932.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mis à part ces deux conversations

 15   interceptées, est-ce que vous avez d'autres objections quant aux pièces

 16   connexes, Madame Pack ?

 17   Mme PACK : [interprétation] Oui, effectivement, j'ai quelques objections

 18   par rapport à ces pièces connexes. En ce qui concerne le document 1D09017,

 19   c'est un petit point d'observation, mais je dois qu'on n'a pas étayé la

 20   base pour verser au dossier les photos qui se trouvent sur les pages 1 et 3

 21   du document. On a téléchargé uniquement la page 2. En ce qui concerne le

 22   document 1D09025, là, c'est un article -- à savoir, une interview, une

 23   interview du témoin, mais c'est ce qui se trouve uniquement sur les pages 1

 24   et 2 du document qui est versé au dossier. Et dans la troisième page, on

 25   trouve un autre article, et je m'oppose à ce que l'on verse la troisième

 26   page.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dont les deux derniers chiffres sont 25

 28   ?


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  1   Mme PACK : [interprétation] Oui, c'est bien cela.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce document, l'interview, qui

  3   comporte justement ce numéro 65 ter, se termine à la page 27.

  4   Mme PACK : [interprétation] Ah, merci, Monsieur le Président. Oui, vous

  5   avez tout à fait raison. Donc c'est le document auquel j'ai fait référence.

  6   C'est le document avec l'interview.

  7   Ensuite, en ce qui concerne le document P04553, il s'agit d'un ordre

  8   du président du 14 juillet, on n'a pas étayé la base pour le paragraphe 36

  9   pour, donc, verser au dossier cette pièce à conviction.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce document a peut-être déjà été

 11   versé au dossier.

 12   Mme PACK : [interprétation] Oui, peut-être -- peut-être que dans la

 13   déclaration on fait référence à une pièce qui n'est pas la bonne. Mais je

 14   vous -- la décision vous appartient.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Moi, je ne pense pas que la Défense

 16   souhaite verser ce document.

 17   Mme PACK : [interprétation] Une autre pièce également, la pièce P5219. Je

 18   voudrais, simplement à titre d'avertissement, préciser que cette pièce a

 19   déjà été admise sous pli scellé, et cela devrait rester le cas.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour ces deux conversations, donc l'une

 21   a déjà été admise, comme Mme Pack vient de le faire observer, donc cela ne

 22   pose aucun problème. Mais pour ce qui est du reste, 1D9018, il n'y a pas de

 23   fondement pour l'admission. Donc nous n'allons pas admettre ce document au

 24   dossier. Et les Juges de la Chambre estiment que le document suivant ne

 25   constitue pas partie inséparable ou indispensable de la déclaration

 26   préalable ou que le témoin n'a pas suffisamment parlé de ce document. Les

 27   documents concernés sont : le 1D9003 qui fait l'objet du paragraphe 17; le

 28   1D9016, paragraphe 47; et -- c'est tout. Donc n'allons pas admettre ces


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  1   documents-là.

  2   Et enfin, le 1D9021 constitue une déclaration distincte, pour ainsi dire.

  3   Je ne suis pas certain si ce type de document peut être versé au dossier en

  4   tant que pièce connexe ou afférente. Si la Défense a l'intention de le

  5   verser au dossier, à ce moment-là je demanderais à l'accusé de poser des

  6   questions à ce sujet au témoin directement pour qu'on ait un témoignage de

  7   vive voix.

  8   Je pense que notre décision est suffisamment claire.

  9   Et enfin, je suppose que cela ne posera aucun problème à la Défense si

 10   seule page 2 est admise au dossier, comme Mme Pack l'a annoncé.

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président. Et

 12   pour ce qui est du document 9027, nous n'allons admettre que les pages 1 et

 13   2.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela m'a échappé. Les Juges de la

 15   Chambre estiment que cela ne constitue pas partie inséparable et

 16   indispensable, donc nous n'allons pas le verser au dossier. Si la Défense

 17   estime que cela est important, il faudra poser des questions dans le

 18   prétoire pour avoir une déposition de vive voix. Et avec cette réserve

 19   près, le reste du document peut être admis au dossier. Le Greffe attribuera

 20   les cotes en temps voulu.

 21   Monsieur Karadzic.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je me propose de donner

 23   lecture d'une brève déclaration du général Zivanovic à présent en anglais.

 24   Le général Milenko Zivanovic a occupé le poste de commandant du Corps de la

 25   Drina de l'armée serbe de Bosnie, de la VRS, à partir du mois de novembre

 26   1992 jusqu'au mois de juillet 1995. Le Corps de la Drina avait pour mission

 27   principale de défendre la population serbe de la zone de la vallée de la

 28   Drina en Bosnie orientale. Les forces musulmanes dans les enclaves de


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  1   Srebrenica, Zepa et Gorazde n'arrêtaient pas de lancer des attaques contre

  2   des civils serbes. Ils ont incendié des maisons serbes et tué femmes,

  3   enfants et personnes âgées. Le Corps de la Drina prônait une véritable

  4   démilitarisation de cette zone, mais cela n'a jamais eu lieu.

  5   En dépit de l'échec de la démilitarisation des enclaves, le général

  6   Zivanovic a facilité l'approvisionnement en aide humanitaire de la

  7   population de ces zones, et ce, par les Nations Unies et par les

  8   organisations humanitaires internationales.

  9   A partir du moment où les Musulmans de Bosnie avaient élargi le

 10   secteur de l'enclave de Srebrenica pour qu'elle touche et soit liée à celle

 11   de Zepa, et lorsqu'ils se sont servi de ce passage afin de passer en

 12   contrebande des armes vers l'enclave de Srebrenica en juillet 1995, le

 13   Corps de la Drina a déployé des efforts pour séparer les enclaves. Après le

 14   début de cet effort, le général Zivanovic a eu une conversation par

 15   téléphone avec le président Karadzic, et cette conversation a été

 16   enregistrée. Au cours de la conversation, le président Karadzic a souligné

 17   que le personnel des Nations Unies déployé à Srebrenica devait être traité

 18   correctement. Il n'y a jamais eu de plan afin de déloger ou tuer des

 19   Musulmans de Bosnie de Srebrenica, et il n'a jamais parlé avec le président

 20   Karadzic d'un tel plan.

 21   Le général Zivanovic a eu une autre conversation par téléphone avec

 22   le président Karadzic la nuit après que l'armée serbe de Bosnie soit entrée

 23   dans Srebrenica. Le président Karadzic a demandé ce qu'il en était du

 24   nombre de victimes et s'est montré satisfait lorsqu'on lui a dit qu'il n'y

 25   avait pas eu de victimes. Il n'y a jamais eu de conversation entre le

 26   général Zivanovic et le président Karadzic sur une exécution de

 27   prisonniers. Le général Zivanovic, d'après son expérience et ses contacts

 28   avec le président Karadzic, est tout à fait convaincu que le président


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  1   Karadzic n'aurait jamais été favorable ou n'aurait jamais approuvé une

  2   telle exécution de prisonniers. Le général Zivanovic n'était pas au courant

  3   de l'existence d'un plan visant à exécuter les prisonniers de Srebrenica et

  4   n'avait pas la moindre idée que qui que ce soit ferait une telle chose.

  5   Le général Zivanovic n'a jamais informé le président Karadzic du fait

  6   que les prisonniers de Srebrenica seraient, étaient ou avaient été

  7   exécutés. Le général Zivanovic n'a jamais vu un rapport écrit, un document

  8   dans lequel on aurait mentionné l'exécution de prisonniers de Srebrenica.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Avant que je ne cède ma place au Procureur pour qu'il vous contre-

 11   interroge, j'aimerais savoir s'il est vrai que vous avez remis une carte,

 12   Général, à la Défense ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D9755 dans

 16   le prétoire électronique. Est-ce qu'on peut agrandir 

 17   cela ?

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous pourriez nous donner lecture du titre de cette carte ?

 20   Qu'est-ce qui est mentionné sur cette carte et pourquoi est-ce important ?

 21   R.  Cette carte constitue un document qui s'est trouvé dans mon bureau à

 22   partir du moment où il a été réalisé, en février 1993, jusqu'à -- et nous

 23   voyons qu'il a survécu jusqu'à aujourd'hui.

 24   Q.  Mais qu'est-ce qui rend ce document important ? Quelle est sa

 25   signification ?

 26   R.  Le titre nous dit :

 27   "Aperçu de la destruction des villages serbes sur le territoire des

 28   municipalités de Srebrenica et de Bratunac à partir du mois de mai 1992


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  1   jusqu'en janvier 1993."

  2   Autrement dit, ici, il n'est pas encore question d'enclaves. C'est le tout

  3   début du conflit et de la guerre dans ces contrées.

  4   Q.  Je vous remercie. Et qui est l'auteur de cette carte ?

  5   R.  Ce sont mes spécialistes supervisés par moi directement qui ont produit

  6   cette carte. Pourquoi ? Parce que c'est un document qui a une importance

  7   cruciale sur le plan de la vérité, parce qu'il nous montre que le peuple

  8   serbe a été pratiquement anéanti dans cette région-là.

  9   Q.  Je vous remercie. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre, s'il vous

 10   plaît, ce qui s'est produit à partir du mois de janvier 1993 et pourquoi ?

 11   Ou, surtout, dites-nous pourquoi c'est uniquement en janvier ou en février

 12   1993 que vous avez mis fin ou interrompu cet état des choses ?

 13   R.  Si on prend en considération cette carte dans sa totalité, ce que l'on

 14   peut voir, c'est que pratiquement plus de 90 % du territoire des

 15   municipalités de Srebrenica et de Bratunac a été physiquement détruit. Ce

 16   que l'on voit sur cette carte, ce sont des frappes lancées par les forces

 17   armées musulmanes de Srebrenica, et ce, au fil des mois. Et nous pouvons

 18   voir cela dans la légende. Est-ce qu'on peut nous afficher la légende, s'il

 19   vous plaît ? Voilà, c'est bien.

 20   Q.  A quel moment est-ce qu'on a créé le Corps de la Drina et pour quelle

 21   raison ?

 22   R.  Le Corps de la Drina a été constitué le 1er novembre 1992. L'objectif

 23   principal de sa création était d'empêcher que la population serbe ne soit

 24   totalement anéantie dans cette zone de Zvornik à Visegrad, y compris Han

 25   Pijesak, Sokolac et Rogatica, ces trois municipalités.

 26   Q.  Est-ce que vous pouvez maintenant nous expliquer un petit peu la

 27   légende et les couleurs ? Ou plutôt, les formes tout d'abord, les cercles

 28   et les rectangles ?


Page 42580

  1   R.  Oui, c'est bien. Ces symboles - dans le jargon militaire, ce sont des

  2   symboles topographiques - nous indiquent, et ce, par moi, quel a été l'axe

  3   de mouvement des forces ennemies, des forces musulmanes, et leurs actons

  4   contre les forces serbes. Alors, les cercles que nous voyons nous montrent

  5   les conséquences des activités de l'armée musulmane au mois de mai 1992, et

  6   c'est ce que nous pouvons retrouver dans la légende. Chacun de ces cercles

  7   correspond à une localité serbe.

  8   Q.  [aucune interprétation]

  9   R.  Attendez. Si vous me permettez. Cela veut dire que là où il y a eu un

 10   cercle, le village a été détruit. Tous ceux qu'on a pu tuer -- donc, pour

 11   ce qui est de la population, elle a été soit tuée, soit blessée, et ceux

 12   qui ont eu un peu de chance ont pu prendre la fuite.

 13   Si l'on se penche sur ces résultats des activités du mois de mai dans cette

 14   légende, et si l'on voit les activités du mois de juin. Eh bien, en juin on

 15   verra les carrés. Justement, là, nous sommes en train de montrer mon

 16   village natal. Le 21 juin, ce village a été complètement détruit, et non

 17   seulement le village mais tous les hameaux qui en dépendaient. Et si vous

 18   pouviez, s'il vous plaît, attendre un instant, attendez, avec les

 19   explications de cette carte.

 20   Mme PACK : [interprétation] Objection.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Pack.

 22   Mme PACK : [interprétation] Cela semble s'annoncer comme constituant un

 23   examen approfondi des crimes allégués commis contre la population civile

 24   serbe. A partir du moment où cela devait être le cas, je m'y opposerais, je

 25   soulèverais une objection. La Chambre a déjà fait savoir qu'elle

 26   n'accepterait pas des éléments de preuve tu quoque. Donc je pense que juste

 27   quelques questions de ce genre peuvent être acceptées.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.


Page 42581

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce sont les raisons qui ont présidé à la

  2   création du Corps de la Drina que je souhaite obtenir de la part de ce

  3   témoin, les raisons et les objectifs des forces armées musulmanes qui ont

  4   conditionné le comportement du Corps de la Drina. Donc il s'agit pas du tu

  5   quoque. Je ne cherche pas de justification; je cherche à comprendre pour

  6   quelle raison on a cherché à créer le Corps de la Drina.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, les Juges de la Chambre vont vous

  8   permettre de continuer puisque cela pourrait peut-être nous permettre de

  9   comprendre le contexte et les raisons de la création du Corps de la Drina.

 10   Mais il faut savoir que ce n'est pas très utile si vous examinez cela avec

 11   trop de détails.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Mon Général, puisque, à l'évidence, nous n'avons pas suffisamment de

 15   temps, est-ce que vous pouvez résumer, s'il vous plaît ? Donc les cercles

 16   nous montrent les villages qui ont été incendiés en mai, les carrés

 17   correspondent aux villages détruits en juin. Est-ce que vous pouvez nous

 18   dire quels ont été les objectifs de ces actions de l'ABiH qui ont entraîné

 19   par la suite vos actions ?

 20   R.  Comme je l'ai déjà dit, la légende nous montre ces différents symboles

 21   géométriques et ils sont répartis d'après les localités qui ont été

 22   détruites au fil des mois et cela se termine au 17 janvier 1993. Et nous

 23   avons le chiffre au final 157, 157 localités indépendantes qui ont été

 24   détruites.

 25   Q.  Très bien. Alors, quel a été l'objectif de ces actions menées par des

 26   groupes armés dans nos arrières ? Ou plutôt, où était situé le front vis-à-

 27   vis de l'ABiH à ce moment-là ?

 28   R.  Hélas, ces villages n'étaient pas défendus, n'étaient pas protégés. Il


Page 42582

  1   n'y avait pas de front là. Jusqu'au 42, jusqu'au 19 mai 1992, c'était la

  2   JNA qui avait compétence sur ces régions-là, l'armée populaire yougoslave.

  3   Et il faudra leur demander à eux quels sont les rapports qu'ils ont reçus

  4   sur la destruction de ces villages et sur l'extinction de toute vie là-

  5   dedans.

  6   Q.  Est-ce que l'ABiH avait des raisons particulières pour continuer à

  7   combattre dans cette zone pour que la guerre ne se termine pas là ?

  8   R.  Ecoutez, il ne faut pas être particulièrement sensé pour comprendre que

  9   c'est un nettoyage ethnique classique mené contre la population non

 10   musulmane. Je ne sais pas comment vous dire cela, en quels termes, mais il

 11   n'y a pas une seule maison qui aurait été épargnée, pas une seule famille

 12   serbe à qui on aurait donné la possibilité de se maintenir là, de continuer

 13   d'y vivre. Si cela avait continué, eh bien, ces massacres auraient été sans

 14   fin. Donc on a eu pour seule option de créer un corps d'armée qui pourrait

 15   couvrir l'ensemble de ces zones et empêcher l'anéantissement total de la

 16   population serbe dans ces contrées.

 17   Q.  Je vous remercie. Et les raisons militaires, pourriez-vous nous les

 18   expliquer, les raisons stratégiques, pour quelle raison est-ce qu'on a

 19   voulu empêcher ces activités et ces contacts ?

 20   R.  Mais cela se comprend, toute communication s'arrête - toute

 21   communication pacifique, disons - dans ces régions à partir du moment où,

 22   le long de la Drina, on ne peut plus communiquer, circuler. Et puisqu'il

 23   existe des preuves incontestables qu'on voulait détruire aussi la centrale

 24   électrique de Bajina Basta, cela aurait eu l'effet d'un tsunami sans

 25   précédent. Puis, cette zone importante sur le plan économique. Toute

 26   activité s'est arrêtée.

 27   Q.  Et où étaient ces gens-là, l'effectif du Corps de la 

 28   Drina ? Etaient-ce des militaires d'active ? Enfin, est-ce que vous pouvez


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  1   nous dire qui étaient ces soldats que vous avez commandés ?

  2   R.  Alors, pour l'essentiel, pour ce qui est de l'effectif du Corps de la

  3   Drina, c'étaient les hommes aptes du cru, donc des municipalités qui vont

  4   de Zvornik à Visegrad, Sokolac, Rogatica et l'ensemble de cette zone vers

  5   la Drina. Nous étions aussi quelques-uns qui étions des officiers d'active

  6   de la JNA mais qui étions aussi originaires de cette zone, et nous avons eu

  7   pour charge de créer ce corps d'armée, d'organiser ses différentes unités

  8   et de prendre en charge cette zone et sa population.

  9   Q.  Et vous avez dit que ceux qui ont eu un peu de chance ont pu s'enfuir

 10   de ces villages qu'on détruisait. Est-ce que vous avez eu des militaires

 11   qui étaient originaires de ces villages détruits ?

 12   R.  La majorité des soldats du Corps de la Drina étaient effectivement

 13   originaires de ces villages détruits, et du jour au lendemain ce sont des

 14   gens qui se sont retrouvés sans abri. Quand j'ai vérifié leurs dossiers,

 15   leurs renseignements personnels, eh bien, pour la majorité, je me suis

 16   rendu compte qu'ils étaient originaires de ces zones. Les Brigades de

 17   Milici, de Sekovici, et cetera, vous voyez, lorsque vous consultez leurs

 18   noms, vous vous rendez compte que toutes ces unités subordonnées étaient de

 19   cette région-là, portaient le nom de ces localités de là-bas.

 20   Q.  Et est-ce que c'était difficile pour vous d'établir un contrôle sur ces

 21   hommes qui avaient tout perdu, leurs foyers, leurs familles, et cetera ?

 22   R.  Je dois dire très franchement que du côté du commandement, on a dû

 23   déployer des efforts considérables pour qu'il n'y ait pas de vengeance,

 24   qu'on ne réponde pas au mal par le mal; que tout simplement, à partir du

 25   moment où les conditions allaient être réunies de nouveau, qu'on rétablisse

 26   la vie normale, mais que l'on ne se livre pas aux actes de vengeance.

 27   Q.  Je vous remercie.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que cette carte soit versée au


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  1   dossier.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Pack.

  3   Mme PACK : [interprétation] Le texte n'a pas été traduit. Je demanderais

  4   que cela soit fait. A partir du moment où cela aura été traduit, je ne

  5   m'opposerais pas à son admission.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous allons attribuer une

  7   cote provisoire ?

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le document

  9   1D9755 de la liste 65 ter devient le document D3954 MFI.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour l'instant, je n'ai pas d'autres questions

 11   à poser au général Zivanovic. Je vous remercie.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comme vous l'avez constaté, votre

 13   déposition dans le cadre de l'interrogatoire principal en l'espèce a été

 14   admise par écrit pour la plus grande part de cette déclaration, et cela

 15   remplace votre déposition orale. Maintenant, c'est Mme Pack qui va vous

 16   contre-interroger au nom du bureau du Procureur.

 17   Madame Pack.

 18   Mme PACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 19   Contre-interrogatoire par Mme Pack :

 20   Q.  [interprétation] Général, vous avez eu des contacts avec les enquêteurs

 21   de l'accusé le 20 mars 2013. Est-ce que vous avez parlé à M. Milomir Savcic

 22   ?

 23   R.  Oui, oui.

 24   Q.  Et vous lui avez dit que vous avez reçu des menaces de mort par un

 25   groupe d'extrémistes musulmans à Vienne, que votre tête avait été mise à

 26   prix, et que celui qui apporterait votre tête sur un plateau serait

 27   récompensé en or, et vous avez dit que vous ne seriez pas prêt à déposer

 28   quel qu'en soit le prix. Est-ce que vous vous rappelez cela ?


Page 42585

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et, en fait, Milomir Savcic n'a pas prêté foi à ce que vous avez dit.

  3   Il a dit qu'il pensait que les raisons que vous avez données n'étaient pas

  4   vraies et n'étaient pas justifiées, et qu'en fait on vous a donné pour

  5   consigne de ne pas déposer. Est-ce exact ? Vous n'avez pas dit la vérité à

  6   l'enquêteur de l'accusé ?

  7   R.  Ecoutez, je vis uniquement aux côtés de la vérité, et je ne baigne que

  8   dans la vérité depuis que je suis né. Jusqu'à ce moment, toute ma vie, je

  9   n'ai jamais vécu autrement. Et ce que vous venez de dire, qu'en fait on m'a

 10   donné pour consigne de ne pas déposer, ça, je ne sais pas qui a dit ça.

 11   Qu'est-ce que c'est que ça ?

 12   Mme PACK : [interprétation] Je voudrais que l'on consulte le document 25455

 13   de la liste 65 ter. Il s'agit d'une note officielle de Milomir Savcic qui

 14   porte la trace de cette conversation avec ce témoin.

 15   Q.  Donc c'est en anglais. Je vais donner lecture de ce dernier paragraphe

 16   à votre attention : 

 17   "Je pense que les raisons qui ont été citées par M. Zivanovic ne sont pas

 18   justifiées parce qu'elles ne sont pas véridiques. Je pense qu'il y a eu

 19   pour consigne de refuser de déposer," et le texte se poursuit.

 20   Alors, est-ce que vous avez inventé ces menaces de mort pour éviter

 21   de déposer ?

 22   R.  Non, rien de tout cela ne tient. D'abord, je ne sais pas d'où vient

 23   cette conclusion de M. Savcic, car je connais ce monsieur depuis la guerre.

 24   En fait, il ne s'est pas présenté comme un responsable officiel. Il est

 25   simplement venu avec un journaliste, comme quoi on était des camarades de

 26   guerre et on allait se rencontrer, se parler de manière informelle de ce

 27   que nous avons vécu pendant la guerre et d'avant la guerre. Et que j'aurais

 28   menti en disant que je n'allais pas venir déposer --


Page 42586

  1   Ecoutez, moi, je suis un invalide, mutilé de guerre, et j'ai eu beaucoup de

  2   mal à venir. Mes deux poumons ont été transpercés. J'ai encore un éclat

  3   d'obus dans mon corps. Je suis hypertendu. Je souffre de diabète. Mais

  4   justement pour le bien de la justice et de la vérité, et compte tenu que

  5   j'ai traversé ces temps difficiles, j'ai pu trouver la force de me déplacer

  6   et d'être présent ici aujourd'hui, et c'est un honneur pour moi de pouvoir

  7   être ici en votre compagnie, avec mes respects les plus profonds.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela n'a pas été consigné au compte rendu

 10   d'audience, je veux parler du fait qu'il avait encore des éclats d'obus à

 11   l'intérieur du corps.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'ai parlé de balles. Permettez-moi, s'il

 13   vous plaît --

 14   Mme PACK : [interprétation]

 15   Q.  Alors, le Corps de la Drina a été créé le 1er novembre 1992, et vous

 16   avez été nommé à la tête de ce corps en qualité de commandant ?

 17   R.  Oui, c'est exact.

 18   Q.  Le 8 novembre, peu de temps après la création du corps, vous avez

 19   assisté à une réunion en présence de l'accusé, du général Mladic, du

 20   ministre de la Défense, Subotic, Krajisnik, ainsi que d'autres commandants

 21   de corps. Vous en souvenez-vous de cette réunion qui s'est tenue le 8,

 22   réunion qui a duré toute la journée ?

 23   R.  Alors. écoutez, il faut que vous compreniez qu'il y a eu plusieurs

 24   réunions. Alors, pour ce qui est du jour exact, après 20 ans, eh bien, la

 25   teneur de ces réunions et la teneur de tous les détails, écoutez, il

 26   faudrait que je l'analyse en profondeur avant de pouvoir me souvenir de

 27   tout. Il y a eu plusieurs réunions, mais je dois vous dire qu'aucune de ces

 28   réunions, en tout cas d'après mes souvenirs, aucune de ces réunions n'a


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  1   porté sur des méfaits ou des mauvaises actions. Aucune de ces réunions ne

  2   pouvait donner lieu à des violations des lois et coutumes de la guerre.

  3   Voici ma réponse.

  4   Mme PACK : [interprétation] Alors, nous allons afficher maintenant le

  5   P01481.

  6   Q.  Qui va vous permettre de vous rafraîchir la mémoire. Il s'agit en fait

  7   d'un extrait du carnet manuscrit de Mladic. La date qui nous intéresse est

  8   celle du 8 novembre 1992.

  9   Mme PACK : [interprétation] Page 141 du prétoire électronique dans la

 10   version anglaise. Et en B/C/S, il s'agit de la page 141. Est-ce que nous

 11   pouvons avoir la transcription en B/C/S plutôt que la version manuscrite,

 12   s'il vous plaît. Merci.

 13   Q.  Il s'agit des notes de Mladic concernant une réunion à laquelle vous

 14   avez assisté le 8 novembre 1992. Et vous pouvez constater qu'à cette

 15   réunion, c'est une réunion des commandants de corps. L'intitulé qui se

 16   trouve en haut, la date qui se trouve en haut, ainsi que l'heure.

 17   R.  Oui. Merci.

 18   Q.  Alors, cela vous permet de vous rafraîchir la mémoire ? Autrement dit,

 19   vous avez assisté à cette réunion en présence de Karadzic et d'autres

 20   personnes, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui. Ecoutez, je n'ai jamais dit que je n'ai pas assisté à la réunion.

 22   Bien sûr que j'y ai assisté. Tous les documents l'attestent.

 23   Mme PACK : [interprétation] Est-ce que nous pourrions regarder la page 143,

 24   s'il vous plaît. Dans les deux langues, s'il vous plaît.

 25   Q.  Vous constatez qu'au point 5, ici, votre nom est cité. Et vous dites

 26   que le corps a maintenant huit jours d'existence. Vous vous souvenez

 27   maintenant que vous étiez là ?

 28   R.  Oui.


Page 42588

  1   Mme PACK : [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à la page 146,

  2   s'il vous plaît -- 145, pardonnez-moi.

  3   Q.  Et ici, au milieu de la page, l'intitulé -- le président Karadzic, ce

  4   qu'il dit, ce sont les propos de Karadzic à cette réunion, propos qu'il a

  5   tenus à cette réunion, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, je le vois, je le vois.

  7   Q.  Merci.

  8   Mme PACK : [interprétation] Alors, est-ce que nous pourrions maintenant

  9   passer à la page suivante, s'il vous plaît, 146.

 10   Q.  Et nous pouvons constater que le président Karadzic conclut la réunion

 11   à la fin de l'entrée où ses propos sont relatés : Peut-être qu'il serait

 12   bien de régler le problème de la Drina.

 13   Si vous regardez la partie qui se trouve à gauche, c'est là que vous

 14   trouvez le texte en B/C/S. Vous l'avez trouvé ?

 15   R.  Oui, oui.

 16   Q.  Et Karadzic parle ici. Nous avons Krajisnik. Voyez-vous cela ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et le texte commence comme suit : "J'admire les succès militaires,"

 19   vous pouvez suivre en B/C/S pendant que je vous lis le texte en anglais.

 20   "Il est très dangereux de s'emparer de leurs territoires, la Drina et la

 21   Neretva. Nous avons un engagement disproportionné de l'armée par rapport

 22   aux objectifs stratégiques."

 23   Mme PACK : [interprétation] Donc il faut tourner la page, page 147, s'il

 24   vous plaît.

 25   Q.  Le texte se poursuit :

 26   "Nous n'avons pas pu atteindre la Neretva, la mer et le secteur de

 27   Podrinje. Nous avons réussi à prendre le corridor et à effectuer la

 28   séparation des Musulmans."


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  1   Et ensuite, il poursuit en disant :

  2   "Il faut que la guerre se termine. L'élément le plus important est le

  3   ratissage d'Orasje et ensuite de résoudre le problème du secteur de

  4   Podrinje et de la vallée de la Neretva et de cette région dès que possible.

  5   Les Musulmans ne doivent pas rester parmi nous et il ne faut leur accorder

  6   aucune forme d'autonomie. L'objectif le plus important est la tâche qui a

  7   été assignée à Zivanovic, le ratissage de la Drina. La tâche la plus

  8   importante est la séparation des Musulmans."

  9   R.  Ecoutez, si vous regardez le fait que l'on mentionne le ratissage de la

 10   Drina, il n'y a rien de mal à cela. Cela correspond aux villages que nous

 11   avons vus il y a quelques instants, ces zones serbes dévastées. Si

 12   seulement je pouvais vous montrer les cartes de Sekovici, Han Pijesak et

 13   Zvornik, à ce moment-là il serait plus aisé de comprendre sa déclaration.

 14   Mais un peu plus bas, on parle de la "séparation des Musulmans"; on ne dit

 15   pas qu'il faut "tuer les Musulmans". On parle de "séparation des

 16   Musulmans".

 17   Si quelqu'un, et Dieu m'en préserve, m'avait dit --

 18   Q.  Pardon.

 19   R.  Pardon, pardon, nous allons parler plus lentement.

 20   Q.  Alors, procédons par étapes.

 21   R.  Permettez-moi.

 22   Q.  Vous êtes d'accord que ce qui est consigné ici, que cela correspond à

 23   ce qu'il a dit, n'est-ce pas, à cette réunion ?

 24   R.  Oui, cela, il l'a dit. Cela n'est pas contesté. Je ne sais pas ce dont

 25   nous parlons ici. Je ne sais pas si je suis d'accord avec ce que quelqu'un

 26   aurait dit à la réunion. Mais s'agissant de cet ennemi, alors, ça, c'est

 27   leur façon de parler, ils sont libres de le faire. Nulle partie n'est-il

 28   précisé qu'il faut tuer les Musulmans ? On parle uniquement de séparation.


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  1   Si on avait parlé du meurtre de Musulmans, à ce moment-là ils ne m'auraient

  2   plus jamais revu.

  3   Q.  Mais si on parle de nettoyage ethnique, cela n'est pas un problème ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous indiquer à quel endroit

  5   le ratissage correspond à un nettoyage ethnique ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, quel nettoyage ethnique ? Si vous

  7   regardez la carte que nous venons de voir, cela ressemble à une peau de

  8   léopard. Sur tout le territoire, il y avait 157 villages dans lesquels

  9   toutes les personnes ont été tuées. Un Serbe ne pouvait pas entrer dans ce

 10   village, et il ne pouvait même pas accueillir une prune sur le prunier. Et

 11   toute personne qui entrait dans ce village était considérée comme morte.

 12   C'était ça, le problème.

 13   Mme PACK : [interprétation]

 14   Q.  Vous saviez, n'est-ce pas, Général, que votre tâche était la tâche la

 15   plus importante de la VRS, et cette tâche consistait à procéder au

 16   nettoyage ethnique de Podrinje, n'est-ce pas ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Objection rejetée. Veuillez poursuivre,

 19   Madame Pack.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.

 21   Mme PACK : [interprétation]

 22   Q.  Et vous-même, vous pensiez qu'il n'y avait pas de place pour les

 23   Musulmans et que vous ne pouviez pas coexister avec eux, n'est-ce pas ?

 24   R.  Si seulement vous pouviez comprendre combien de temps j'ai passé à

 25   vivre aux côtés des Musulmans avant la guerre et pendant la guerre, vous ne

 26   me poseriez jamais cette question. Moi, j'ai offert mon sang aux blessés

 27   musulmans. J'ai sauvé des Musulmans. Les Musulmans m'ont invité et m'ont

 28   demandé de remplir le rôle de commandant. Ils souhaitaient que je devienne


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  1   leur commandant. Pouvez-vous imaginer ce que cela représente, les efforts

  2   que nous avons déployés pour aider ces gens-là ? Vous essayez de me

  3   dépeindre comme un bourreau. Vous ne devriez pas me poser cette question.

  4   Vous devriez poser la question à mes amis proches, amis musulmans proches,

  5   qui ont été mes témoins de mariage. Demandez-leur ce qu'ils en pensent.

  6   Q.  Alors, en qualité de commandant du Corps de la Drina, vous n'auriez

  7   jamais dit quelque chose comme cela, n'est-ce pas ? Comme : Il n'y a pas de

  8   place pour une coexistence. Ce n'est pas le genre de chose que vous diriez

  9   dans ce cas-là, n'est-ce pas ?

 10   R.  Ecoutez, attendez un instant. De quelle coexistence s'agit-il si vous

 11   avez une ligne de front entre deux parties belligérantes ? Et lorsque la

 12   guerre est terminée, lorsque la ligne de front n'existe plus, dans ce cas

 13   nous n'avions pas d'autre choix, nous devions vivre ensemble. C'est comme

 14   l'alpha et l'oméga dans notre région. Il nous faut vivre ensemble, alors

 15   que des auteurs individuels doivent être traduits en justice, doivent être

 16   tenus responsables. Et l'objectif vague de nous tous, y compris ce très

 17   respecté Tribunal, consiste à pouvoir créer des meilleurs conditions de vie

 18   dans notre région.

 19   Mme PACK : [interprétation] Je souhaite maintenant afficher le 1D090097

 20   [comme interprété] s'il vous plaît.

 21   Q.  Il s'agit ici d'un extrait d'un entretien que vous avez donné le 22

 22   juillet 1993.

 23   Mme PACK : [interprétation] Je souhaite passer à la page 3, s'il vous

 24   plaît, de l'anglais.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça, c'est ma maison. Où vous êtes-vous procuré

 26   ce document ? Ça, c'est ma maison.

 27   Mme PACK : [interprétation]

 28   Q.  Alors, je vais vous demander de regarder une partie de ce document, la


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  1   deuxième colonne, je vous prie. Deuxième colonne qui se trouve sur la

  2   deuxième page du texte en B/C/S. Voilà, ça y est. Merci. Le deuxième

  3   paragraphe dans cette deuxième colonne, je vais maintenant vous donner

  4   lecture de ce passage. Et vous pourriez peut-être me dire si vous êtes au

  5   bon endroit. Vous dites -- alors, ici nous parlons des enclaves qui ont été

  6   créées :

  7   "Même si notre armée respecte les accords de manière disciplinée, ils se

  8   soustraient à" --

  9   R.  J'arrive à suivre.

 10   Q.  Je vais d'abord le lire en anglais, et ensuite vous pourrez suivre en

 11   B/C/S : 

 12   "… ils se sont soustraits à cela parce qu'ils pensaient que ce statut-là

 13   leur donnera plus temps. Mais comme le commandant du corps a résolu la

 14   partie militaire du problème Podrinje, mon message à eux consiste à dire :

 15   Ne prêtez pas le flanc à la critique. Il ne faut pas qu'ils succombent à

 16   l'hystérie collective. Encore une fois, nous leur proposons un épilogue

 17   honorable. Et dans ce cas, je dois être sincère. Il n'y a pas de place pour

 18   la coexistence. Cela signifie simplement que mon Ratkovici et Ducici ne

 19   craindront plus jamais la mort aux mains d'un étranger qui a un couteau

 20   dans le dos.

 21   "Je connais les normes de la communauté internationale, chacun doit revenir

 22   dans son foyer. Mais ici, il n'y a plus de foyers. Il n'y a plus que des

 23   cendres."

 24   Et ensuite, le texte se poursuit.

 25   R.  Oui. Il n'y a plus que les foyers brûlés de nos maisons. Regardez la

 26   date, regardez la date que vous m'avez montrée vous-même lorsque le

 27   journaliste a écrit ce reportage.

 28   Q.  Général --


Page 42593

  1   R.  Alors, puis-je vous poser la question : savez-vous que sans que

  2   Karadzic ni Mladic ne soient au courant, même si je sais que Karadzic

  3   aurait été d'accord à 100 %, c'est la raison pour laquelle j'ai agi ainsi ?

  4   J'ai moi-même mis en place une ligne téléphonique d'urgence entre mes

  5   forces et les forces musulmanes. Ça, c'était au mois de février 1993. Et

  6   j'ai proposé plus d'une fois que chacun devait rester dans ses foyers, dans

  7   ses maisons qui n'étaient pas détruites.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez, Général,

  9   je souhaite que vous répondiez tout d'abord à la question. Mme Pack vous a

 10   demandé si vous aviez tenu ces propos.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette formulation est celle du journaliste.

 12   Vous voyez la photographie qui représente ma maison qui a été incendiée,

 13   vous voyez le pas de la porte de ma maison. Et sur une autre photographie,

 14   vous voyez le cimetière qui a été dévasté et là où ont été enterrés mes

 15   parents. Dans ces conditions-là, est-ce que l'on peut parler de coexistence

 16   ? Oui, la coexistence est possible, mais seulement dans le cas où ceux qui

 17   sont responsables de ces crimes sont traduits en justice.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] La traduction n'est pas bonne. Cette

 19   photographie correspond à la maison où le témoin est né, et dans la

 20   traduction anglaise nous n'avons pas entendu cela.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, ça a été un jour très difficile de ma

 22   vie lorsque j'ai vu ce qui restait de ma maison, les débris, le cimetière

 23   où mes parents avaient été enterrés. Tout cela était détruit. Qui aurait pu

 24   avoir quelque chose contre mes parents ? Ma mère avait nourri plus

 25   d'enfants musulmans que les siens.

 26   Mme PACK : [interprétation]

 27   Q.  Alors, restons sur ce document. Vous ne niez pas, donc, avoir tenu ces

 28   propos-là ?


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  1   R.  A ce moment-là, avec ces sentiments-là, j'aurais pu tenir des propos

  2   encore plus durs, mais je ne l'ai pas fait. Je n'ai pas signé ce document,

  3   cela étant dit. Il s'agit d'un article écrit par un journaliste qui est le

  4   reflet de certaines de ses pensées. Mais si on parle de co-existence ce

  5   jour-là, jour où je suis venu dans la maison où je suis né et où j'ai vu ce

  6   que j'ai vu, je dois vous poser et je dois me poser la question à moi-même

  7   et poser la question à tout un chacun : Qui a défendu mon village, quelle

  8   armée a défendu mon village ? Quelle armée a défendu mon village ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pardonnez-moi, mais je crois que vous ne

 10   répondez toujours pas à la question. Je vous demande de bien vouloir

 11   répondre à la question, s'il vous plaît. Ou alors, moi, je vais demander à

 12   Mme Pack de reposer la question.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je simplement vous avertir du fait que le

 14   compte rendu d'audience n'est pas tout à fait exact. Peut-être que cela

 15   donne une impression fausse. Le général Zivanovic a dit : "Je ne nie pas

 16   les pensées qui sont exprimées dans cet entretien, mais c'est le

 17   journaliste qui en est l'auteur." Et le fait que le général Zivanovic ait

 18   dit "Je ne nie pas les pensées qui sont exprimées dans l'entretien" ne soit

 19   pas consigné au compte rendu d'audience.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je m'en remets à vous, Madame Pack.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et, encore une fois, ceci n'a pas été consigné.

 22   Le témoin a dit : "Et ça, c'est la réponse."

 23   Mme PACK : [interprétation]

 24   Q.  Vous ne niez pas votre point de vue ni votre tâche, à savoir qu'il

 25   fallait vivre à Podrinje débarrassé des Musulmans, n'est-ce pas ?

 26   R.  Non, non. Non, non. Non, nous devions séparer.

 27   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite simplement

 28   demander le versement au dossier de cette page du document et cette page


Page 42595

  1   seulement.

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Nous demandons à ce que ce document soit

  3   versé dans son intégralité. C'est une pièce connexe. On y voit, par

  4   exemple, la photographie de sa maison qu'il cite dans sa déclaration. Il

  5   n'a pas été dit pourquoi ceci ne fait partie de sa déclaration plus

  6   exhaustive, mais il a fourni une explication concernant la photographie et

  7   concernant le texte également. Je pense que l'intégralité devrait être

  8   versée.

  9   Mme PACK : [interprétation] Je ne m'oppose pas au versement au dossier de

 10   l'intégralité du document.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais rapidement regarder le

 12   paragraphe 16. Un instant, s'il vous plaît. Fort bien. Nous allons

 13   l'admettre.

 14   En tant que pièce de l'Accusation ou pièce de la Défense ?

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Ecoutez, nous apprécierions le fait que ce

 16   soit versé en tant que pièce à charge de la Défense, mais ça n'est pas si

 17   important que cela.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Pack.

 19   Mme PACK : [interprétation] Pas d'objection.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser ce document en tant

 21   que pièce de la Défense.

 22   M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous allons avoir une pause ?

 24   Si cela vous agrée.

 25   Mme PACK : [interprétation] Oui, tout à fait. Je vous remercie, Monsieur le

 26   Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons avoir une pause de 45

 28   minutes, et nous reprendrons à 13 heures 15.


Page 42596

  1   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

  2   --- L'audience est reprise à 13 heures 22.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Pack.

  4   Mme PACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Q.  Alors, la directive 4, nous allons parler de la directive 4, qui est la

  6   première à régir les activités du Corps de la Drina, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, c'est exact.

  8   Mme PACK : [interprétation] Le P009176, s'il vous plaît. Je vais demander à

  9   ce que la page 5 de l'anglais soit affichée et la page 11 de la version en

 10   B/C/S, s'il vous plaît.

 11   Q.  Alors, je vais vous demander de regarder un paragraphe, je pense que

 12   vous le connaissez bien, sous l'intitulé : "Tâches de l'unité." Il s'agit

 13   des tâches confiées au Corps de la Drina, au point D. Et on constate qu'il

 14   s'agit ici du deuxième paragraphe en B/C/S -- pardon, est-ce la page 11 de

 15   la version en B/C/S que vous avez sous les yeux ? Oui. Vous pouvez lire ce

 16   que dit le texte. Je vais le lire à voix haute :

 17   Depuis ses positions actuelles, ses forces principales doivent défendre

 18   avec la plus grande persistance Visegrad, le barrage, Zvornik et le

 19   corridor, alors que le reste de ses forces dans le secteur de Podrinje au

 20   sens large doivent épuiser l'ennemi, infliger les pertes les plus lourdes

 21   possibles et ensuite les contraindre à quitter Bihac, Zepa et Gorazde en

 22   même temps que la population musulmane. Vous connaissez bien cet ordre,

 23   cette directive, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Alors, nous allons regarder maintenant le P0285, qui est votre document

 26   du Corps de la Drina qui vient après la directive 4.

 27   Mme PACK : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher, s'il vous

 28   plaît, la première page de ce document dans les deux langues.


Page 42597

  1   Q.  Alors, nous constatons que cet ordre est dérivé de la directive 4 et

  2   qu'il a été rédigé conformément à l'article 4, n'est-ce pas ? Oui ?

  3   R.  Oui, oui, c'est exact.

  4   Q.  Je souhaite que vous regardiez maintenant, s'il vous plaît, le premier

  5   paragraphe, le paragraphe 1. Vous avez ordonné ceci : Lancer une attaque

  6   avec l'essentiel des troupes et l'essentiel du matériel pour infliger à

  7   l'ennemi les pertes les plus importantes possibles, les épuiser, les faire

  8   reculer et les contraindre à se rendre, et contraindre la population locale

  9   musulmane à abandonner le secteur de Cerska, Zepa, Srebrenica et Gorazde.

 10   R.  Oui, je l'ai lu.

 11   Q.  Et telle était votre mission qui vous a été confiée en vertu de la

 12   directive 4, y compris le fait de forcer la population musulmane à partir,

 13   contraindre à partir, donc pour qu'elle abandonne le secteur, n'est-ce pas

 14   ?

 15   R.  Oui. Mais cette population musulmane habitait dans des villages serbes

 16   et s'était emparée de biens serbes également. Pourquoi ? Parce que toutes

 17   les fois qu'ils prenaient le contrôle d'un territoire, ils ne permettaient

 18   aux citoyens serbes d'y avoir accès. Je ne parle pas de soldats serbes. Je

 19   parle de propriétaires, de civils. Lorsque des gens qui étaient Serbes

 20   essayaient d'entrer dans leur propre village, ils étaient tués. Ça, c'est

 21   la situation factuelle. A savoir, la population qui se trouvait dans nos

 22   secteurs était censée quitter ces secteurs, et à mon sens, cela est

 23   compréhensible. Si mon frère revient dans son village et dans sa propre

 24   maison, ou les restes calcinés de sa maison, il y a ce Musulman qui

 25   l'attend chez lui, dans sa maison, dans son champ. Moi, je ne vais pas

 26   envoyer mon frère dans un village musulman, je vais envoyer mon frère dans

 27   son propre village. Tel est l'essentiel de ma réponse à ce paragraphe

 28   numéro 1. Vous devez le comprendre. Et je répète qu'aucun Serbe ne pouvait


Page 42598

  1   accéder à un seul mètre carré de territoire dont les Musulmans avaient pris

  2   le contrôle, jamais.

  3   Q.  Alors, vous devez m'aider à comprendre votre déclaration, Général. Vous

  4   dites que les zones répertoriées ou mentionnées dans votre ordre, les

  5   régions ou les secteurs de Cerska, Zepa, Srebrenica et Gorazde, vous dites

  6   qu'il s'agit en fait de secteurs serbes où se trouvent les maisons des

  7   Serbes qui ont été incendiées, et vous souhaitiez remplacer la population

  8   musulmane avec des Serbes ? Je ne comprends pas très bien où vous voulez en

  9   venir.

 10   R.  Lorsque vous parlez de "Srebrenica", regardez la centrale

 11   hydroélectrique qui était à Bajina Basta, remontez ensuite jusqu'à

 12   Drinjaca, ça, c'était Srebrenica à mon sens. Lorsque je parle de "Cerska",

 13   je veux parler de tous les villages qui se trouvaient à l'est de Vlasenica

 14   et jusqu'à à Kamenica, le long de la Drina. Donc il s'agit simplement d'une

 15   version abrégée. Donc, il s'agit de secteurs serbes dont les Musulmans

 16   avaient pris le contrôle, et il fallait remettre ceux-là à leurs

 17   propriétaires légitimes.

 18   Je n'ai pas énuméré une cinquantaine de villages de la Drina jusqu'à

 19   Srebrenica et jusqu'à Drinjaca. Cela correspond à 80 kilomètres. J'ai

 20   simplement indiqué quelle était la région centrale. Et je vous prie de bien

 21   vouloir noter qu'on parle de la route et que la route devait être réparée.

 22   Milici, Konjevic Polje, Zvornik, s'il vous plaît, où cela se trouve-t-il ?

 23   Et cette route est une voie de communication essentielle, vitale, et menait

 24   à l'usine d'Alumina, depuis les mines de bauxite jusqu'à l'usine d'Alumina,

 25   donc la route devait rester ouverte. Et de part et d'autre de cette route,

 26   il y a des secteurs musulmans, des secteurs serbes, et en particulier

 27   lorsqu'on sait, comme c'est le cas, que les conducteurs qui conduisaient le

 28   minerai ont été tués à Konjevic Polje, non pas en tant que soldats mais en


Page 42599

  1   tant que conducteurs.

  2   Q.  Est-ce que vous dites, en somme, que le fait de faire partir la

  3   population musulmane de ce secteur était justifié parce que vous souhaitiez

  4   les remplacer par des Serbes ?

  5   R.  Je souhaitais simplement les protéger pour qu'ils ne puissent pas

  6   perdre la vie. Telle est ma réponse. Je voulais les protéger pour qu'ils ne

  7   perdent pas la vie. Et vous pourrez les sauver s'ils sont à une grande

  8   distance des lignes de front, car même les innocents sont tués au front.

  9    Q.  Et avez-vous dû incendier les maisons dans les villages que vous avez

 10   attaqués ?

 11   R.  De quelles maisons voulez-vous parlez ?

 12   Q.  Vous incendiez des maisons, n'est-ce pas ?

 13   R.  Alors, je vous en prie, il s'agit ici de mots très durs, de mots trop

 14   durs. Il ne s'agit pas de maisons. Il s'agit de points de résistance de

 15   l'ennemi, armé depuis chaque fenêtre. Et je répète, depuis chaque fenêtre

 16   il y avait des mitrailleuses qui tiraient. Il y avait des observateurs

 17   également qui guidaient les tirs. Donc il s'agit de bastions et de bastions

 18   de combat. Pourquoi n'ai-je pas brûlé Srebrenica ? Ou, par exemple,

 19   pourquoi n'avons-nous pas incendié cette localité à Jadar qui a été

 20   utilisée par les Musulmans et qui a été mise en place par les Nations Unies

 21   ? Alors, j'ai dit que s'il n'y avait pas de résistance, il n'y aurait pas

 22   d'incendie. Et c'est la raison pour laquelle Srebrenica a conservé ses

 23   maisons.

 24   Q.  Nous ne parlons pas encore de Srebrenica.

 25   Mme PACK : [interprétation] Je souhaite maintenant que nous regardions la

 26   pièce P03162, s'il vous plaît.

 27   Q.  Alors, vous dites que le Corps de la Drina devait -- cela faisait

 28   partie de ses droits et de ses obligations de garantir la restitution des


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  1   maisons et du terrain des civils serbes. C'est ce que vous dites dans votre

  2   déclaration, n'est-ce pas ? Si nous regardons l'ordre --

  3   R.  Qui d'autre ?

  4   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de la cabine anglaise : Nous n'avons

  5   pas pu entendre la fin de la phrase.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander si le témoin dispose d'un

  7   exemplaire de sa propre déclaration ?

  8   Mme PACK : [interprétation] Je ne sais pas. Je lui montre un document à

  9   l'écran, le D -- le P03162.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous pouvons lui remettre un exemplaire papier,

 11   si vous me le permettez.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   Mme PACK : [interprétation]

 14   Q.  Alors, j'essaie de comprendre votre déposition au paragraphe 15.

 15   Veuillez le regarder, s'il vous plaît. Alors, veuillez regarder la dernière

 16   phrase, celle que je viens de lire. Ça y est ? Dernière phrase, s'il vous

 17   plaît. Je viens de la lire et je souhaite que vous regardiez ensuite le

 18   document qui se trouve à l'écran.

 19   R.  Pardon, qu'est-ce que vous avez lu ?

 20   Q.  La dernière phrase du paragraphe 15.

 21   R.  Vous voulez dire, la cible de l'attaque n'a jamais été des civils

 22   musulmans, mais il n'y avait que les forces musulmanes qui massacraient les

 23   civils serbes. Et donc, le Corps de la Drina avait le droit et l'obligation

 24   de garantir la restitution des maisons et du terrain qui appartenaient aux

 25   civils serbes. Qu'est-ce que vous me demandez ? Qu'est-ce qui n'est pas

 26   clair ?

 27   Q.  Regardez, s'il vous plaît, ce document et ce rapport que vous avez à

 28   l'écran. Alors, ici, vous pouvez constater qu'il s'agit d'un rapport qui


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  1   émane d'Andric, lieutenant-colonel Andric à ce moment-là. La date est celle

  2   du 2 mars. Un rapport envoyé au commandement du Corps de la Drina le 2 mars

  3   1993, n'est-ce pas ? Je souhaite que vous regardiez le deuxième paragraphe,

  4   s'il vous plaît, la dernière phrase. Alors, ce qu'il dit, et je vais le

  5   lire :

  6   "Le village de Gobelji a été incendié, et demain il est prévu de s'occuper

  7   de Paljevine."

  8   Est-ce que vous voyez cela ?

  9   R.  Je le vois.

 10   Q.  Et vos unités brûlaient des villages, n'est-ce pas ?

 11   R.  Un instant, s'il vous plaît. Un instant, s'il vous plaît. Je vais vous

 12   poser une question. Alors, pourquoi ne pas lire le premier paragraphe de ce

 13   même document ? Nous ne devrions pas regarder simplement certains passages

 14   des documents. Il faut regarder l'intégralité des documents et les

 15   analyser. Regardez le premier paragraphe et regardez ce que dit ce premier

 16   paragraphe.

 17   Q.  Moi, je vous pose une question à propos de cette dernière phrase ainsi

 18   que de ce village-là.

 19   R.  Non, non, non, non. Je ne peux pas répondre avant que vous ne lisiez le

 20   paragraphe 1 officiellement. Veuillez lire le premier paragraphe, et

 21   ensuite nous allons voir comment, effectivement, les forces d'Andric se

 22   trouvent dans les secteurs mentionnés. Nous devons tenir compte du

 23   paragraphe 1. C'est le premier paragraphe qui porte sur l'évolution de la

 24   situation. Veuillez lire le premier paragraphe, comme vous avez demandé à

 25   ce que soit lu l'autre paragraphe.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne comprends pas votre réponse. Ce

 27   document a déjà été versé au dossier. Vous pouvez lire le premier

 28   paragraphe, mais si vous le souhaitez, vous pouvez vous reporter au


Page 42602

  1   paragraphe 1. Veuillez répondre à la question, je vous prie.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci porte sur une contre-attaque d'une unité

  3   de la Brigade de Birac et commandée par Svetozar Andric. Bien évidemment,

  4   ces deux villages qui ont été cités étaient des poches de résistance de

  5   l'ennemi lors d'opérations de combat. On aurait pu omettre cela, si vous

  6   regardez la nature du terrain et les forces impliquées, et si vous regardez

  7   la mission elle-même. Moi, je ne justifie pas l'incendie de villages, ni de

  8   ces villages, mais si un village devient une poche de résistance à partir

  9   de laquelle l'ennemi commence à ouvrir le feu, dans ce cas,

 10   malheureusement, ce village-là fera l'objet de sévices de la part de la

 11   même partie qui aura transformé ce village en poche de résistance ennemie.

 12   Donc ma réponse est oui, et --

 13   Q.  [aucune interprétation]

 14   R.  Je ne sais vraiment pas pourquoi vous m'interrompez au milieu de phrase

 15   ou au milieu d'un mot. J'ai dit que les villages mentionnés n'étaient pas,

 16   a priori, censés être incendiés. C'était l'ennemi qui était censé être

 17   chassé de ces villages. L'ennemi. Je répète, l'ennemi. Il ne s'agit pas des

 18   gens qui constituaient les ennemis, et les gens ne constitueront jamais

 19   l'ennemi, c'est ce qui est dit ici.

 20   Q.  Mais ce que vous avez déclaré ici, c'est que ce village a été incendié,

 21   n'est-ce pas ?

 22   R.  Il a été incendié, oui, parce que ce village a été utilisé par la

 23   partie adverse pour ces opérations de combat. Parce qu'elle a choisi cette

 24   zone du village. Alors, pourquoi n'a-t-elle pas choisi une autre zone, en

 25   montagne, par exemple, et pourquoi ne s'est-elle pas mise à l'écart en

 26   prenant des positions dans les montagnes où quelqu'un --

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   R.  -- nous ne serions même pas arrivés en contact. Avec ce village-là, il


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  1   y a eu contact entre des unités et des armées. Ce n'est pas ici l'attaque

  2   d'une armée dirigée contre un village innocent qui a eu lieu. Pour que les

  3   choses soient bien claires, ce sont des unités qui se sont retrouvées au

  4   contact dans les combats. Et ce contact s'est fait dans ce village. Donc il

  5   ne faut pas ici avoir à l'esprit le village en tant que village. Mais

  6   malheureusement, cela a été le cas de nombreux villages qui ont été

  7   utilisés de cette façon et qui ont eu à subir des dégâts considérables.

  8   Personne ne conteste cela. En tout cas, si l'on procédait de cette manière,

  9   beaucoup de villages auraient à souffrir.

 10   Mme PACK : [interprétation] Pouvons-nous maintenant passer à la pièce

 11   P03161, s'il vous plaît. En B/C/S, je souhaiterais que nous passions à la

 12   page 2.

 13   Q.  Donc c'est le deuxième paragraphe de la page 2 qui m'intéresse. Je vais

 14   vous donner lecture de l'anglais :

 15   "Pendant la journée, des unités spéciales de la 1ère Brigade d'infanterie

 16   légère de Birac ont pris et détruit le village de Gobelji, libérant ainsi

 17   le flanc gauche du gros des effectifs engagés dans l'attaque sur la Cerska.

 18   A l'entrée du village, nos soldats ont trouvé des armes ainsi que du

 19   matériel militaire, des vivres et du bétail que l'ennemi avait laissés

 20   derrière lui dans sa fuite devant nos forces."

 21   L'ennemi était donc parti. Il avait fui, et ensuite le village a été

 22   incendié; ai-je raison ? Tout le village a été incendié alors qu'il était

 23   vide ?

 24   R.  Que voulez-vous dire par chassé ou expulsé, si on a retrouvé des

 25   vivres, des armes, du bétail ? Ils se sont probablement extraits d'une

 26   façon ou d'une autre. Mais être chassé, c'est une autre notion dans la

 27   terminologie militaire. On a retrouvé sur place ceux qui avaient transformé

 28   ce village en une position de combat, puisqu'on a retrouvé aussi bien des


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  1   hommes que des armes, du matériel, et cetera. Et comme vous pouvez le voir,

  2   il n'y a plus personne de la population du village. La population du

  3   village en a été extraite. Donc nous n'avons pas chassé cette population.

  4   Ce sont deux notions différentes.

  5   Q.  Mais ils n'avaient pas besoin d'incendier ce village, n'est-ce pas ?

  6   R.  Qu'est-ce qui était nécessaire et qu'est-ce qui ne l'était pas, c'est

  7   quelque chose qui peut déjà largement davantage être débattu. Parce que

  8   tant qu'il y a une résistance qui est opposée dans un secteur, vous ne

  9   pouvez pas traverser ce secteur pendant que l'ennemi est toujours en train

 10   de vous prendre pour cible. C'est là ce qui est au cœur du sujet. Le but,

 11   ce n'est pas de détruire la maison de qui que ce soit. Ce qui est

 12   important, c'est que personne ne puisse vous tuer à partir des maisons en

 13   question.

 14   Q.  Mais c'est vous, Général, vous-même, qui avez donné l'ordre d'incendier

 15   et de détruire ce village, n'est-ce pas ?

 16   R.  Non --

 17   Q.  [aucune interprétation]

 18   R.  -- il s'agissait d'une riposte à leur attaque, dont il est question

 19   dans le point 1 du document dont nous venons de parler. Il s'agit des mêmes

 20   combats qui sont décrits ensuite.

 21   Mme PACK : [interprétation] Pouvons-nous voir la pièce P5261, s'il vous

 22   plaît.

 23   Q.  C'est une conversation interceptée datée du 8 février 1993,

 24   interception d'une conversation qui s'est tenue entre vous et le lieutenant

 25   en second Slobodan Gaborovic, appartenant à --

 26   L'INTERPRÈTE : Nom d'unité inaudible pour l'interprète.

 27   Mme PACK : [interprétation]

 28   Q.  -- vous vous en souvenez, n'est-ce pas ?


Page 42605

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Alors, vous dites avoir parlé à un certain capitaine Jevdjevic. Il

  3   s'agit de Milenko Jevdjevic, n'est-ce pas, le commandant du 5e Bataillon

  4   des Transmissions ?

  5   R.  Oui, oui, bien entendu. Tout à fait.

  6   Q.  Il s'agit d'un échange que vous avez eu avec Gaborovic à la date du 8

  7   février 1993, n'est-ce pas ?

  8   R.  Je ne sais pas de quoi j'ai pu parler avec untel ou untel. Comment

  9   voulez-vous que je sache ? Il faut que je puisse voir. Et franchement, si

 10   ceci cadre avec mon souvenir, je vous répondrais que ça a bien été le cas;

 11   mais si cela ne cadre pas, eh bien, je vous répondrais non. Mais pour cela,

 12   il faut que je puisse lire le texte avant.

 13   Q.  J'ai simplement besoin que vous lisiez les cinq lignes du bas pour vous

 14   rappeler ce que vous avez dit.

 15   R.  Très bien.

 16   Q.  Vous pouvez le lire en B/C/S. Vous dites :

 17   "Rattrapez-les et foutez-les en l'air maintenant" --

 18   R.  Non, non, non, non, non.

 19   Q.  Laissez-moi finir de lire.

 20   Gaborovic dit : "Compris."

 21   Ensuite, vous dites :

 22   "Tenez les positions très fermement. Est-ce que les maisons des Turcs

 23   brûlent ?"

 24   Gaborovic : "Oui, elles brûlent. Elles brûlent."

 25   Vous-même : "Très bien. Que ce soit autant que possible."

 26   Alors, c'est vous, n'est-ce pas ? C'est vous qui donnez pour instruction à

 27   vos unités d'incendier autant de maisons de Musulmans que possible, n'est-

 28   ce pas ?


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  1   R.  Chère Madame, excusez-moi, mais des propos aussi vulgaires n'ont jamais

  2   pu sortir de ma bouche, que ce soit dans un bar et encore à plus forte

  3   raison dans une conversation officielle. Je n'aurais jamais pu prononcer de

  4   tels termes, pour commencer.

  5   Deuxièmement, que j'aie incité mes unités à accomplir la tâche qui leur

  6   avait été confiée, bien entendu que je l'ai fait. C'est le travail même

  7   d'un commandant. Non pas de commettre des crimes, mais il s'agit

  8   d'accomplir une mission qui a été confiée. C'est de cela qu'il s'agit, et

  9   c'est ma réponse.

 10   De plus, il s'agit ici d'officiers des transmissions. Je ne suis pas

 11   en train d'avoir une conversation avec le commandant, que ce soit le

 12   commandant subordonné ou le commandant supérieur. Je ne vois pas comment

 13   ceci pourrait être cohérent avec ce type de langage vulgaire et familier,

 14   comment ça pourrait cadrer avec ce que vous présentez. En revanche, dire à

 15   ses soldats et à ses unités d'aller jusqu'aux lignes et de faire leur

 16   travail, la mission qui leur a été confiée, évidemment, tout commandant

 17   partout dans le monde fera cela. Parce que vous n'allez quand même pas

 18   laisser vos hommes vous faire tuer.

 19   Q.  Mais vous dites "autant que possible", n'est-ce pas ? C'est bien cet

 20   que vous avez dit ?

 21   R.  Mais qu'est-ce que vous auriez voulu de que je dise ? Que je leur dise

 22   aussi peu que possible, et que des nôtres il en meure davantage, il en

 23   meure plus ? Mais je le leur demande simplement d'être aussi efficaces que

 24   possible dans les combats. Mais à aucun moment je ne dis de tuer le moindre

 25   civil. Et vous ne trouverez pas de tels propos dans ma bouche, parce que je

 26   n'en ai jamais tenus. Le fait est que j'étais commandant --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, Mme Pack ne vous a

 28   pas demandé si vous aviez ordonné de tuer qui que ce soit. Elle vous


Page 42607

  1   demande si vous avez ordonné d'incendier les maisons. Est-ce que vous voyez

  2   cette phrase où on vous répond : "Elles brûlent, elles brûlent" ? Juste

  3   avant, vous posez la question : "Est-ce que les maisons des Turcs brûlent

  4   ?" Est-ce que vous voyez cela ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le vois. Merci.

  6   Madame, Messieurs les Juges, est-ce que je dois répéter 100 fois que ces

  7   maisons sont des cibles, parce que ce sont des constructions utilisées par

  8   l'ennemi pour nous tirer dessus ? Et ce ne sont même plus des maisons.

  9   Elles ont été transformées en bunkers à plusieurs étages par l'ennemi.

 10   C'est complètement différent de la situation dans laquelle quelqu'un lance

 11   une attaque sur une maison qui est habitée par ses propres habitants, par

 12   des civils. Ça, c'est une situation que je ne pourrais jamais justifier. En

 13   revanche, si quelqu'un a quitté la maison dans laquelle il vivait et que

 14   des hommes se sont installés à l'intérieur et ont mis en place un nid de

 15   mitrailleuses dans cette maison, en le protégeant au moyen de sacs de

 16   sable, alors cette maison devient une cible, une installation de l'ennemi.

 17   Ce n'est plus une maison de civil. Malheureusement, ça s'est produit à une

 18   échelle très importante.

 19   Mme PACK : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la pièce P04253,

 20   s'il vous plaît.

 21   Q.  Les conséquences de tous ces incendies, Général, étaient que vous

 22   n'aviez plus de maisons dans lesquelles vous auriez pu installer la

 23   population serbe une fois que la population musulmane avait quitté le

 24   secteur, n'est-ce pas ? Voyons cet ordre. Excusez-moi, c'est un rapport. Je

 25   vais répéter ma question une fois que vous aurez consulté le document.

 26   C'est un rapport émanant du commandant Vinko Pandurevic et portant la date

 27   du 10 mars 1993. En bas du texte en anglais ainsi qu'en B/C/S, la dernière

 28   phrase, il est recommandé ce qui suit :


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  1   "Nous proposons que les maisons ne soient pas incendiées lorsque Konjevic

  2   Polje sera conquis et lorsque l'on en prendra le contrôle, mais plutôt, que

  3   ces maisons soient habitées par les habitants de Tuzla et d'autres

  4   secteurs."

  5   Vous voyez ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Alors, ici, il suggère, n'est-ce pas, que la brigade cesse d'incendier

  8   les maisons afin qu'elles puissent être habitées par des Serbes ?

  9   R.  Dans ce secteur qui est celui de Konjevic Polje, qui est dans une

 10   cuvette, dans une vallée, il n'y a pas de combat, il n'y a pas de

 11   résistance opposée. C'est là l'essentiel, parce que Konjevic Polje n'était

 12   défendue par aucune force. Ce n'était pas une position de défense. Et donc,

 13   il était logique que le commandement des forces ennemies avait considéré

 14   que c'était un endroit où il aurait été suicidaire de se poster. Et, par

 15   conséquent, ils se sont postés à au moins 4 ou 5 kilomètres de distance de

 16   Konjevic Polje pour éviter des pertes superflues à Konjevic Polje. Et donc,

 17   c'était la même chose qu'à Srebrenica. A partir du moment où les maisons

 18   n'ont pas été transformées en bunkers et qu'il n'y avait pas de tirs

 19   ennemis provenant de ces maisons, les maisons en question n'ont pas été

 20   incendiées. Alors, il est exact qu'il y avait des personnes qui se sont

 21   retrouvées sans domicile au même moment, et tout d'un coup vous vous

 22   retrouviez avec 15 ou 20 maisons intactes qui ne se sont jamais trouvées

 23   dans une zone de combat. Et je le répète, les maisons n'ont jamais été

 24   incendiées parce que les forces musulmanes ne s'étaient pas organisées sur

 25   place dans ces maisons pour les utiliser à des fins militaires.

 26   Q.  Mais ce n'est pas le cas, n'est-ce pas, Général ? Parce que vous

 27   demandez si les maisons des Turcs brûlent ? Vos unités incendiaient

 28   délibérément les villages, n'est-ce pas, et ceci, en exécution de vos


Page 42609

  1   ordres ?

  2   R.  Je le répète pour la énième fois : aucun ordre n'a été donné

  3   d'incendier les maisons. Mais comme vous avez pu le constater vous-même, il

  4   y avait dans ces maisons des soldats ennemis avec des armes et des moyens

  5   défensifs de l'ennemi. Et si vous pouvez essayer de vous souvenir de ma

  6   maison qu'on a vue à l'écran il y a peu de temps. Là, il y a eu destruction

  7   de maisons et des dégâts infligés à des gens innocents. Alors, je le répète

  8   pour la énième fois : pourquoi Srebrenica n'a-t-elle pas été incendiée ?

  9   Pourquoi les localités où il n'y a pas eu organisation sur place aux fins

 10   d'utiliser les installations dans le cadre des combats n'ont-elles pas été

 11   incendiées ? Parce qu'elles ne l'ont pas été.

 12   Q.  Je voudrais examiner les différents moyens auxquels vous avez recouru

 13   pour essayer de chasser la population civile de Podrinje. Il ne s'agissait

 14   pas uniquement de lancer des attaques contre leurs villages et de les

 15   incendier, n'est-ce pas ? Vous avez également restreint la liberté de

 16   circulation et le passage de l'aide humanitaire.

 17   R.  Je m'attendais à ce que vous me lisiez que ces personnes qui

 18   s'occupaient d'acheminer l'aide humanitaire m'avaient en fait cité en

 19   exemple, cité pour que je sois remercié et décoré, parce que je ne

 20   m'attendais certainement pas à ce que vous me disiez maintenant qu'on me

 21   reproche d'avoir restreint le passage de l'aide humanitaire. Parce que

 22   c'est complètement inexact. L'accusé en l'espèce, M. Karadzic, a insisté

 23   sans cesse pour que l'aide humanitaire soit transportée à Srebrenica, même

 24   si cela se faisait à un coût très élevé pour nous. Au mois de novembre

 25   1992, Karadzic m'a ordonné à moi de faire passer un convoi d'aide

 26   humanitaire par Bratunac en assurant son escorte, et ceci, je l'ai fait au

 27   prix d'efforts considérables qui m'ont permis de convaincre aussi bien les

 28   autorités que la population de Bratunac que ce convoi devait passer pour


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  1   atteindre la population musulmane de Srebrenica.

  2   Et je me suis trouvé dans des difficultés considérables. J'aurais pu

  3   y laisser ma peau dans cette situation parce que j'étais sous la menace de

  4   toutes sortes d'hommes des forces armées mais également qui n'étaient pas

  5   des militaires.

  6   Mme PACK : [interprétation] Je voudrais demander l'affichage du document

  7   01201 de la liste 65 ter. Il faudrait que nous le versions au dossier sous

  8   pli scellé -- enfin, en tout cas, je crois qu'il ne doit pas être diffusé

  9   hors de la salle d'audience. Et nous allons peut-être devoir passer à huis

 10   clos partiel pour pouvoir l'examiner.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 12   Mme PACK : [interprétation] Merci.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Madame

 14   et Messieurs les Juges.

 15   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 42611-42613 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 13   [Audience publique]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez répéter le numéro.

 15   Mme PACK : [interprétation] Oui, 09194 dans la liste 65 ter. Alors, nous

 16   avons ici un bulletin du HCR, le Haut-commissariat aux Réfugiés.

 17   Q.  Encore une fois, Général, il s'agit d'un texte anglais. Je vais vous

 18   lire les trois paragraphes du bas :

 19   "Malgré les efforts quotidiens du HCR afin d'atteindre les enclaves

 20   orientales, aucun convoi ne s'est vu autoriser à livrer l'aide à la ville

 21   de Gorazde" --

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  3   Mme PACK : [interprétation] Je vais juste donner lecture des trois derniers

  4   paragraphes :

  5   "Malgré les tentatives quotidiennes du HCR d'atteindre les enclaves

  6   orientales, aucun convoi ne s'est vu autoriser à livrer son aide à la ville

  7   de Gorazde depuis le 19 janvier. Zepa n'a reçu aucuns vivres depuis le 17

  8   janvier, et tous les convois à destination de Srebrenica ont été bloqués et

  9   interdits depuis le 10 décembre 1992. Le HCR s'est vu refuser tout accès au

 10   secteur de Cerska/Kamenica, bien que les forces serbes aient ouvert à titre

 11   temporaire un convoi humanitaire à sens unique permettant aux personnes de

 12   quitter le secteur mais ne permettant à aucune aide d'entrer dans ce

 13   secteur.

 14   "Près de 5 000 personnes ont déjà été contraintes de fuir vers Tuzla, la

 15   plupart dans des conditions extrêmement difficiles, certaines perdant des

 16   doigts et des orteils à cause d'engelures. Le HCR a reçu des rapports non

 17   confirmés faisant état de 5 000 personnes supplémentaires à Srebrenica

 18   attendant de pouvoir en sortir."

 19   Q.  Ici, vous avez une condamnation internationale, et vous étiez conscient

 20   de cela ? On condamne le blocus de l'aide humanitaire que l'on apporte dans

 21   la zone.

 22   R.  Le document émanant d'un tel niveau n'est jamais arrivé jusqu'à mon

 23   niveau de commandement. Je répète, nous n'avons jamais essayé d'obstruer

 24   les ordres venus de notre commandement supérieur.

 25   Q.  Vous avez créé le corridor à voie unique dans la zone de Cerska et

 26   Kamenica ? 

 27   R.  Non, non, non. Moi, j'avais un commandement supérieur. N'essayez pas de

 28   me décrire comme un commandant qui ne recevait pas d'ordres, qui ne


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  1   recevait pas d'instructions, de directives, des ordres. J'avais un

  2   commandement, moi aussi. Et la "subordination" existait bel et bien, c'est

  3   un fil rouge omniprésent dans l'armée et surtout en temps de guerre. Donc

  4   je vous demande de ne jamais m'accuser d'avoir empêché quoi que ce soit

  5   alors que, au prix de risquer ma vie, j'ai tout fait pour faire entrer les

  6   convois à Srebrenica. Demandez justement aux responsables de ces convois

  7   avec qui ils ont eu la meilleure qualité de coopération. J'ai été blessé au

  8   mois de novembre 1992, n'empêche je les ai laissés entrer. J'ai créé les

  9   conditions pour qu'ils puissent passer. Et j'ai toujours été celui qui

 10   voulait aider la population, aider la population. Et ne dites pas, s'il

 11   vous plaît, j'ai été coupable de ne pas avoir laissé les convois passer.

 12   Q.  Je vous ai posé une question précise au sujet de ce convoi précis. Donc

 13   il parle d'un corridor humanitaire qui fonctionne uniquement dans un sens,

 14   dans Cerska/Kamenica.

 15   Mme PACK : [interprétation] Mais avant d'aborder la question suivante, je

 16   vais demander que ce document soit versé au dossier.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P6480.

 19   Mme PACK : [interprétation] Merci. Avant d'aborder un autre thème, je vais

 20   vous demander d'examiner le document 65 ter 09379.

 21   Q.  C'est vous qui aviez le contrôle de l'accès à ces zones, les zones qui

 22   faisaient l'objet de vos attaques ?

 23   R.  Oui, c'étaient les ordres que j'ai reçus, mais je n'ai rien fait de mon

 24   propre chef, avec un rapport clair envoyé suite à la mission accomplie.

 25   Donc j'ai agi en fonction des ordres reçus. Il ne fallait jamais voler quoi

 26   que ce soit de ces convois. Il ne fallait pas rendre la tâche des

 27   travailleurs humanitaires plus difficile. En revanche, il s'agissait bel et

 28   bien de contrôler le contenu de ces convois. J'avais toujours cela à


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  1   l'esprit. Vous devez comprendre cela. Et d'ailleurs, la personne qui

  2   m'était subordonnée était consciente de cela aussi. Mais c'est vrai qu'on a

  3   fourni de gros efforts pour que ces convois atteignent, effectivement, la

  4   population musulmane.

  5   Q.  Oui. Donc vous avez agit en fonction des ordres reçus. C'est ce que

  6   vous dites, non ? Donc, quand il s'agit de faire le blocus de l'aide

  7   humanitaire ?

  8   R.  Oui, mais il ne s'agissait pas d'empêcher les convois d'entrer dans le

  9   territoire. Il s'agissait avant tout de contrôler le contenu de ces

 10   convois. Vous devez examiner tous les ordres le long de la chaîne de

 11   commandement. Il n'a jamais été question d'arrêter les gens qui se

 12   trouvaient à bord de ce convoi ou bien d'aliéner les denrées qui étaient

 13   dans les convois. Non.

 14   Q.  Eh bien, on va regarder justement le cas de ce corridor, ce corridor

 15   qui fonctionnait dans un sens et qui est décrit dans ce document, et c'est

 16   un de vos rapports de combat du 1er février 1993. Et nous allons regarder le

 17   troisième paragraphe où on décrit la situation sur le territoire de l'AOR,

 18   où on dit que :

 19   "Les leaders des Oustacha ont eu l'impression que leurs habitants

 20   allaient quitter la zone de Cerska/Srebrenica et cesser d'être leurs

 21   otages. J'ai décidé de permettre aux habitants de partir…"

 22   Et ensuite, vous dites que :

 23   "Il serait possible pour tous les gens de quitter le territoire sans

 24   exception, mais avec ma permission," comme vous dites dans ce document.

 25   Donc ce document vient de vous, n'est-ce pas, vous êtes le commandant

 26   du Corps de la Drina, vous l'avez signé ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et là, il s'agit d'un corridor que vous contrôlez, et par le biais de


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  1   ce corridor vous empêchez l'accès à l'aide humanitaire ?

  2   R.  Non, ce n'est pas exact. Nous protégeons le convoi. Pourquoi ? Parce

  3   que la route était menacée. Parce qu'il y a eu des éléments introduits.

  4   Parce que les temps étaient tels qu'une structure paramilitaire musulmane

  5   ou serbe quelconque pouvait, par exemple, arrêter un camion, arrêter le

  6   chauffeur et amener le camion dans une direction inconnue. Et c'était moi

  7   qui étais responsable de cela. Et moi, je ne pouvais pas, par exemple,

  8   permettre le passage d'un convoi alors que ce même convoi pouvait être

  9   détruit le chemin faisant. Ceci aurait été irresponsable de ma part. Un

 10   commandement à la légère, à court terme. Et moi, j'avais des

 11   responsabilités par rapport à mes supérieurs hiérarchiques, par rapport à

 12   la FORPRONU, par rapport aux commandements civils. Et donc, il fallait

 13   assurer la sécurité des convois.

 14   Vous ne pouvez pas laisser passer un convoi au milieu de la nuit

 15   alors qu'il y a les menaces partout. Parce que là, je me rappelle la

 16   situation, et vous devez me permettre de vous expliquer quelle était la

 17   situation. On ne pouvait pas à un instant ou comme on le voulait laisser

 18   entrer ou ne pas entrer les convois. Avant tout, nous étions préoccupés par

 19   la sécurité des gens. Même s'il fallait que les convois prennent du retard,

 20   il fallait absolument les contrôler, vérifier le contenu des convois,

 21   assurer la sécurité, créer les conditions pour que les convois puissent

 22   avancer en toute sécurité. C'était là notre première préoccupation. Parce

 23   qu'après ce moment-là la nuit tombe, et là vous vous trouvez dans un

 24   environnement fort hostile.

 25   Mme PACK : [interprétation] Je voudrais demander le versement au dossier de

 26   ce document.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P6481.


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  1   Mme PACK : [interprétation]

  2   Q.  Je voudrais voir quelle était exactement votre mission en fonction de

  3   la directive 4, la mission que vous étiez en train de mener, à savoir de

  4   créer les conditions pour forcer la population musulmane à quitter la zone

  5   de Podrinje. 1994.

  6   Mme PACK : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, examiner la pièce

  7   P04075.

  8   Q.  Sur l'écran, vous voyez que là nous avons un rapport qui émane de

  9   Slavko Ognjenovic, qui à l'époque était le commandant de la Brigade de

 10   Bratunac. Donc, 4 juillet 1994. Et je vais vous demander d'examiner le

 11   premier paragraphe. Donc il écrit ce rapport, comme vous pouvez le voir,

 12   pour sa brigade suivant une réunion au Corps de la Drina, au commandement

 13   du Corps de la Drina à Vlasenica. Et donc, il s'agissait d'une réunion à

 14   laquelle a participé le général Mladic.

 15   Vous, Général, vous, Ognjenovic et les autres commandants du Corps de la

 16   Drina, vous étiez tous présents au moment de la réunion du 1er juillet 1994

 17   ?

 18   R.  Si c'est ce qui est écrit dans le document, c'est sans doute exact.

 19   Q.  Donc vous êtes d'accord d'avoir participé à la réunion. On va voir ce

 20   que dit Ognjenovic.

 21   Mme PACK : [interprétation] Donc, page 2 en anglais, s'il vous plaît, et 2

 22   en B/C/S. En anglais, on va assez vite tourner sur la page 3.

 23   Q.  Donc, là, nous avons un rapport qui a été écrit suite à la réunion en

 24   question, où l'on peut lire :

 25   "Nous avons gagné la guerre à Podrinje, mais nous n'avons pas battu les

 26   Musulmans complètement, et c'est quelque chose que nous devons accomplir

 27   dans la période à venir. Nous devons atteindre notre objectif final :

 28   obtenir Podrinje entière serbe. Les enclaves de Srebrenica, Zepa et Gorazde


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  1   doivent être défaites du point de vue militaire. Nous devons continuer à

  2   armer, entraîner, discipliner et préparer l'armée de la Republika Srpska

  3   pour mener à bien cette mission cruciale : expulser les Musulmans de

  4   l'enclave de Srebrenica. Et il n'y aura pas de retrait quand il s'agi de

  5   l'enclave de Srebrenica. Nous devons avancer. La vie de l'ennemi doit être

  6   rendue insoutenable et leur séjour temporaire dans l'enclave impossible, de

  7   sorte qu'ils quittent l'enclave en masse le plus rapidement possible,

  8   qu'ils comprennent qu'ils ne peuvent pas survivre dedans."

  9   Donc, là, Ognjenovic ne fait que répéter un ordre donné par Mladic lors de

 10   la réunion à laquelle vous avez participé à Vlasenica le 1er juillet,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, oui. Mais les propos n'étaient pas vraiment les mêmes que ceux que

 13   l'on voit dans le document. Parce que, à un moment donné, il dit qu'ils

 14   doivent subir une défaite militaire. Car nous, nous nous trouvons de deux

 15   côtés opposés. Parce que c'est avec Dayton que la guerre s'est arrêtée,

 16   mais ce Dayton, il aurait dû intervenir bien plus tôt déjà en 1992.

 17   Quelqu'un devait arrêter tout cela bien plutôt que cela. Mais ici, on parle

 18   bien d'une défaite militaire.

 19   Et Ognjenovic -- eh bien, ne méprenez pas, mais vous savez, il a eu une

 20   expérience politique, il a fait des études au niveau de la politique, alors

 21   il s'est permis pas mal de choses, et je pense que c'est sans doute pour

 22   cela qu'il a été démis de ses fonctions à un moment donné. Il n'est pas

 23   besoin que je vous parle d'Ognjenovic à présent. Mais il est tout à fait

 24   logique quand vous êtes dans une guerre, tant qu'on vous tire dessus ou

 25   bien qu'on vous menace de tir, eh bien, qu'est-ce que vous allez essayer de

 26   faire, vous allez essayer d'empêcher cela.

 27   Et vous savez très bien qu'à l'époque, cette enclave soi-disant protégée

 28   devenait une unité de la taille d'une division, et une division, vous


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  1   savez, c'est une unité importante au sein d'une armée. Et cette division a

  2   vu le jour dans une enclave protégée. Il fallait lire ce que les Musulmans

  3   demandaient en ce qui concerne les munitions quand ils se sont adressés à

  4   Tuzla, parce qu'il vous serait plus facile d'interpréter ce document. Parce

  5   qu'ils voulaient tellement d'armes qu'ils pouvaient tuer tous ceux qui

  6   vivaient de là à Belgrade.

  7   Parce qu'il y avait là un danger latent que l'on soit rayés de la

  8   surface de la terre à partir du moment où la 28e Division lance son

  9   attaque, on allait tous s'écraser dans l'enclave, à Tuzla, Sarajevo.

 10   Qu'est-ce qu'il fallait que je fasse ? Que je les laisse nous écraser, nous

 11   tuer tous, nous anéantir, laissés là comme des brebis ?

 12   Q.  La vie de l'ennemi doit être rendue impossible et leur séjour

 13   temporaire dans l'enclave rendu impossible de sorte qu'ils quittent

 14   l'enclave en masse le plus rapidement possible, en comprenant qu'ils ne

 15   peuvent pas survivre dans la région. Je vais vous poser la question.

 16   Donc, là, il s'agissait d'un ordre, d'un ordre donné par Mladic le 1er

 17   juillet, lors de la réunion de Vlasenica, n'est-ce pas ?

 18   R.  Non, non. Là, ce n'est pas un ordre. Permettez-moi de vous le dire,

 19   ceci n'est pas un ordre. Un ordre commence par : J'ai décidé que. Tout le

 20   reste ne sont que des conversations, les préparatifs, des paroles, des

 21   mots. Vous savez, un ordre a une forme claire et nette où on dit clairement

 22   qui doit faire quoi. C'est cela, la définition d'un ordre.

 23   Q.  Votre objectif était de créer des conditions pour que les enclaves

 24   disparaissent, n'est-ce pas ? C'était cela, votre objectif.

 25   R.  Et de l'autre côté, vous aviez l'objectif qui visait à ce que tout ce

 26   qui est serbe disparaisse de Podrinje. Est-ce que notre ennemi ne voulait

 27   pas que toute la population serbe de Podrinje disparaisse ? Ou bien, est-ce

 28   qu'ils avaient un autre objectif ? Soyons honnêtes. L'objectif de l'ennemi


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  1   était de faire disparaître la population serbe de Podrinje. Notre objectif

  2   était de survivre, et nous avons survécu. D'ailleurs, eux aussi, ils ont

  3   survécu.

  4   Q.  Votre objectif était de rendre la vie impossible, insoutenable pour

  5   eux, de sorte qu'ils ne puissent pas survivre, n'est-ce pas ? C'était cela,

  6   vous vouliez qu'ils partent ?

  7   R.  Ils avaient détruit ma vie. Moi, j'avais préservé leurs vies. Vous

  8   devez comprendre qu'on aurait pu les anéantir. On avait suffisamment

  9   d'armes pour les anéantir, comme ils nous ont anéantis. Est-ce qu'ils ont

 10   laissé qui que ce soit en vie derrière leur 

 11   passage ?

 12   Q.  Vous, en tant que commandant, vous avez tenu un journal en tant que

 13   commandant du Corps de la Drina, et ce journal a été confisqué dans votre

 14   maison au mois d'octobre 2009 et se trouve aujourd'hui en possession du

 15   bureau du Procureur de ce Tribunal. Est-ce que vous vous souvenez de cela,

 16   au mois d'octobre 2009 ?

 17   R.  Oui, oui, je me souviens de cet incident fort désagréable. C'était le

 18   16 juillet 2010, pas en 2009.

 19   Q.  Eh bien, c'est le MUP qui avait confisqué ce journal. Et donc,

 20   maintenant, je vais demander que l'on examine ce document, ce journal,

 21   surtout l'année 1994. Il s'agit du document 65 ter 21899A. Et donc, nous

 22   allons examiner quelques extraits de ce journal, de ce cahier. C'est un

 23   extrait de votre journal concernant la réunion du 1er juillet 1994 avec

 24   Mladic et Ognjenovic.

 25   R.  Oui. Oui.

 26   Q.  Vous le reconnaissez ?

 27   R.  Oui. Mais vous ne m'avez pas permis de vous dire de quelle façon ce

 28   cahier personnel, ce document personnel, est arrivé jusqu'à vous. Parce que


Page 42623

  1   vous auriez dû me permettre de vous donner quelques explications à ce

  2   sujet.

  3   Q.  Je vais vous poser quelques questions au sujet de ce qui est écrit ici

  4   pour la date du 1er juillet 1994. Donc je vais vous demander d'examiner

  5   cela. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ce sont vos notes que

  6   vous avez faites suite à la réunion au Corps de la Drina à Vlasenica ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Donc, à l'époque, vous avez pris des notes ?

  9   R.  Oui, tous les officiers prennent des notes. Et donc, moi aussi, je les

 10   ai prises.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander que l'on permette au témoin de

 12   lire à voix haute ce qui est écrit ici parce que la traduction n'est pas

 13   bonne. Ce n'est pas peut-être très, très important, mais la traduction

 14   n'est pas bonne.

 15   Mme PACK : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 16   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 17   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons parcourir

 18   pas mal d'extraits.

 19   Q.  Mais pour l'instant, je voudrais tout simplement demander au général si

 20   c'est bien lui qui a noté cela et qui a noté les propos du général Mladic.

 21   C'est bien de cela qu'il s'agit ?

 22   R.  Oui, oui.

 23   Q.  Allez-y, lisez-nous ce qu'il a dit là.

 24   R.  Ouvrir les six yeux, qu'est-ce que cela veut dire ?

 25   Q.  [aucune interprétation]

 26   R.  Vous avez quatre yeux, mais il faut vraiment être très, très prudent,

 27   bien observer, parce que le danger est énorme.

 28   Q.  Faites une pause là. Nous ne voulons pas entendre vos interprétations


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  1   de ce qui est écrit ici. Je vais le lire en anglais tout simplement peut-

  2   être.

  3   Mme PACK : [interprétation] Donc, là, on va passer à la page 2, la page

  4   suivante, et je vais le lire en anglais. Parce que --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous tenir compte de ce que

  6   vous dit le sténotypiste ? La question va venir.

  7   Mme PACK : [interprétation] Je vais lire, donc :

  8   "Les propos les plus importants et les instructions pour le

  9   reporting. Faire des rapports de façon ouverte. Raconter les choses telles

 10   qu'elles sont. Je n'en vais pas vous faire de louanges. Vous avez fait

 11   beaucoup. Nous sommes sur le bon chemin pour nettoyer les enclaves."

 12   Q.  Donc, là, vous avez noté les propos de Mladic lors de la réunion à

 13   Vlasenica le 1er juillet, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Ensuite, la page suivante. Et donc, je vais continuer à lire ce que

 16   Mladic a dit. Donc, en bas de la page, le général Mladic dit :

 17   "Ne pas laisser, pour l'instant, passer les convois en direction de Tuzla."

 18   Donc, là encore, vous avez noté ce que Mladic a dit, non ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  La page suivante --

 21   R.  Est-ce que vous me permettez de vos donner quelques explications ?

 22   Q.  On va le faire à la fin. Pour l'instant, je veux juste lire ce qui est

 23   écrit dans le cahier.

 24   R.  [aucune interprétation]

 25   Q.  Donc, page 4. Donc, dans l'ordre s'expriment Mladic, Krstic, Mladic. Et

 26   là, à la page suivante, Mladic dit :

 27   "Contrôler en détail les convois. Se battre même avec la FORPRONU" --

 28   R.  [aucune interprétation]


Page 42625

  1   Q.  C'est en bas de la page. Je pense que c'est sous la ligne que vous avez

  2   dessinée.

  3   R.  [aucune interprétation]

  4   Q.  Et là, on peut lire :

  5   "Passer, couper le secteur autour de la route."

  6   Et ensuite, on peut lire :

  7   "Les enclaves --"

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est absolument inacceptable qu'on déforme

  9   comme cela les mots. La traduction n'est pas bonne. Il y a une erreur dans

 10   la traduction.

 11   Mme PACK : [aucune interprétation]

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je demande que l'on permette au témoin de

 13   répondre à chaque phrase, alors que là on fait une salade russe de tout ce

 14   qui est écrit.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Justement, Mme Pack en est arrivée au

 16   bout où il est écrit : "L'enclave ne doit pas survivre, mais elle doit

 17   disparaître." Et je pense que c'est ce qui l'intéresse avant tout.

 18   Mme PACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ensuite, je vais

 19   lire encore un extrait et je ne vais plus parler de cette réunion.

 20   Q.  Vous pouvez voir Ognjenovic, c'est souligné, donc peut-être qu'il a dit

 21   quelque chose, mais ensuite nous avons à nouveau Mladic qui parle :

 22   "Les enclaves peuvent servir de terrains d'atterrissage. La guerre

 23   n'a même pas commencé et elle n'est surtout pas terminée. Réduire

 24   l'enclave." Donc on va s'arrêter là.

 25   Donc on va regarder le terme utilisé par Mladic, parce que vous

 26   l'avez nommé :

 27   "Nous sommes sur la bonne voie pour nettoyer l'enclave. L'enclave ne

 28   doit pas survivre, elle doit disparaître."


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  1   Voici la question que j'ai à vous poser, Mon Général : c'était cela votre

  2   tâche dans le Corps de la Drina, créer des conditions telles que la

  3   population civile quitte les enclaves, n'est-ce pas ?

  4   R.  Et il vaudrait mieux que la population civile parte là où il n'y avait

  5   pas de combat que de rester dans la région où il n'y avait pas des

  6   conditions de vie. Srebrenica était pleine à craquer après notre offensive

  7   qui a eu lieu en 1993, au printemps. Parce qu'ils ont refusé, d'ailleurs,

  8   la solution pacifique que je leur avais proposée. Et vous devez bien

  9   comprendre qu'ici on dit que ces enclaves protégées deviennent des terrains

 10   d'atterrissage, de descente. Et vous devez bien comprendre de quoi il

 11   s'agit, parce qu'en sachant que sur ce même terrain on était en train de

 12   créer une unité militaire très puissante, que voulez-vous que l'on dise ?

 13   Evidemment qu'on était en train de créer les conditions pour des descentes

 14   aériennes. Et la population serbe s'était échappée. Tous ceux qui pouvaient

 15   s'enfuir se sont enfuis, ils sont tous partis.

 16   Et donc, on pensait que leur population pouvait tout simplement

 17   quitter ce terrain qui n'était vraiment pas propice à la vie où à la

 18   survie, parce que vous n'aviez pas un hectare de terre arable. Aucune usine

 19   ne fonctionnait. Moi personnellement, j'ai fait des efforts, j'ai fourni

 20   des efforts pour que l'on achemine l'eau. Moi personnellement, parce que --

 21   pourquoi vous ne lisez pas cela ? Cela se trouve là dans le texte. Parce

 22   que moi, je savais très bien à quel point c'était important. Parce que se

 23   cacher derrière le peuple et en même temps créer ou essayer de créer une

 24   division, j'avais du mal à accepter cela.

 25   Parce qu'il faut protéger la population avant tout. Protéger, cacher

 26   la population civile, l'abriter des activités de guerre. Bien sûr qu'on ne

 27   voulait pas les mettre à l'écart pour les tuer, mais bien sûr que non. Bien

 28   sûr que non, il fallait les mettre en sécurité.


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  1   Q.  Donc c'est ce que vous dites, vous dites que ce est indiqué ici, le

  2   sens de ceci est que "la population devrait tout simplement quitter un

  3   secteur qui était très peu favorable pour qu'on puisse y vivre." Mais,

  4   Général, c'était un endroit très peu favorable pour pouvoir y vivre

  5   justement à cause des conditions que vous y aviez créées, n'est-ce pas ?

  6   R.  Comment ça ? Vous avez oublié la carte présentée au début de ma

  7   déposition ? Comment pouvez-vous dire ceci ? Où sont donc les 157 villages

  8   serbes incendiés ? Je vous en prie. Vous êtes trop intelligente quand même

  9   pour avoir oublié si rapidement cela. Vous pouvez monter dans un

 10   hélicoptère et puis faire le tour aujourd'hui encore de ces ruines de

 11   villages incendiés qui n'ont toujours pas été reconstruits aujourd'hui

 12   encore.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-on poursuivre demain ?

 14   Mme PACK : [aucune interprétation]

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, s'il vous plaît, je dois encore

 16   ajouter une phrase. On ne dit jamais ici que la formation armée de la 28e

 17   Division des Musulmans utilisait sa propre population pour s'abriter

 18   derrière elle et que sais-je encore. Et j'ai réussi à obtenir ce que j'ai

 19   obtenu, et 20 ans plus tard, on nous présente les choses de cette façon.

 20   Cela semblait être un problème pour tout le monde sauf pour les formations

 21   de l'armée des Musulmans.

 22   Et c'est comme ça que ça s'est passé. Vous savez ce qu'ils m'ont

 23   écrit à moi personnellement en plein milieu de la guerre alors qu'ils m'ont

 24   assiégé et sont venus dans mon commandement pour me sauver ? Pourquoi ne

 25   lisez-vous pas cette lettre ? Vous l'avez. Voilà, j'ai fini.

 26   Mme PACK : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zivanovic, vous avez dit qu'il

 28   y avait une carte dans votre bureau. Donc elle était accrochée au mur de


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  1   votre bureau ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, sur le mur.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et pourquoi, quel était l'intérêt de

  4   faire cela ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] A cause des figures géométriques - des

  6   cercles, des trapèzes, des rectangles - qui étaient tracées sur cette

  7   carte. Ceci indiquait la façon dont l'ennemi organisait ses activités, et

  8   nous les suivions de cette façon. Les axes d'attaque; les intentions du

  9   commandement de l'ennemi; la prise des installations d'importance vitale,

 10   qu'elles soient économiques ou autres; les points topographiques. Parce

 11   qu'il y avait toujours également la menace de cette usine d'électricité à

 12   Bajina Basta et de sa destruction -- ce barrage hydroélectrique, en fait,

 13   dont la destruction aurait engendré un déversement d'une grande quantité

 14   d'eau empoisonnée par le zinc et par les mines de plomb, et cela aurait

 15   entraîné la mort de beaucoup d'organismes. Et il y avait toutes ces

 16   installations que nous devions donc sauvegarder.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Pack, à moins que vous ayez

 18   d'autres questions urgentes, est-ce que nous pourrions nous interrompre

 19   maintenant ?

 20   Mme PACK : [interprétation] Oui, si vous le préférez. Monsieur le

 21   Président, si vous préférez vous pencher sur la question du versement

 22   demain, c'est la seule chose qui me reste.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. S'il n'y a pas d'objection.

 24   Mme PACK : [interprétation] Merci.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P6482.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de lever l'audience, la Chambre va

 27   rendre une décision orale relative à la requête de l'Accusation aux fins

 28   d'exclure en partie la déposition du Témoin Miroslav Toholj déposée le 22


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  1   octobre 2013, ainsi qu'à la requête de l'Accusation aux fins de se voir

  2   autoriser à répliquer à la réponse de Karadzic déposée le 29 octobre 2013.

  3   L'Accusation demande que toute une série de paragraphes soient exclus de la

  4   déclaration de Miroslav Toholj qui est présentée pour versement sous le

  5   régime de l'article 92 ter sur le fondement que ces paragraphes sont sans

  6   pertinence au regard des charges de l'acte d'accusation. L'accusé a déposé

  7   sa réponse le 28 octobre, s'opposant à la requête en question.

  8   La Chambre a examiné les arguments mis en avant par les parties et

  9   s'est penchée sur la déclaration. Elle considère que les paragraphes numéro

 10   5, 6, 7, 8, 13, 14, 15, 18, 21, les deux premières phrases du paragraphe

 11   27, les paragraphes 32, 35, 46, 47, les deux dernières phrases du

 12   paragraphe 56, les paragraphes 57, 58, 59 dans son intégralité, 68, 69 et

 13   70 doivent être exclus dans la mesure où ils traitent en détail de sujets

 14   qui ne sont pas pertinents au regard des chefs d'accusation. La Chambre

 15   considère, cependant, que les paragraphes numéro 11, 12, 19 et 20 peuvent

 16   subsister dans le cadre de cette déclaration dans la mesure où ils

 17   présentent une certaine pertinence.

 18   La Chambre fait donc partiellement droit à la requête et ordonne

 19   l'exclusion des paragraphes identifiés précédemment, y compris l'exclusion

 20   proprio motu du paragraphe numéro 59 dans son intégralité. La Chambre

 21   autorise l'accusé à présenter pour versement le reste de la déclaration du

 22   Témoin Toholj sous le régime de l'article 92 ter et rejette la requête de

 23   l'Accusation aux fins de se voir autorisée à répliquer.

 24   Monsieur Zivanovic, nous allons lever l'audience d'aujourd'hui. Nous

 25   reprendrons nos débats demain à 9 heures du matin. Je souhaite vous donner

 26   pour instruction de ne discuter avec personne du contenu de votre

 27   déposition ici devant ce Tribunal pendant que vous êtes cité comme témoin.

 28   L'audience est levée.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Merci beaucoup pour vos conseils. 

  2   --- L'audience est levée à 14 heures 49 et reprendra le jeudi 31 octobre

  3   2013, à 9 heures 00.

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