Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 10 décembre 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez continuer.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellences. Je suis heureux de voir

 10   que vous êtes de retour parmi nous, Madame le Juge Lattanzi.

 11   LE TÉMOIN : KW12 [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   Interrogatoire principal par M. Karadzic : [Suite]

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Est-ce que vous

 15   m'entendez ? Est-ce que vous m'entendez, Monsieur ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, est-ce que vous m'entendez

 17   dans votre langue ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez également entendu

 20   la question de M. Karadzic ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Pourriez-vous nous dire quand votre colonne s'est divisée et en combien

 25   de colonnes ?

 26   R.  Dans le village de Bornica, nous nous sommes séparés en trois colonnes.

 27   Et nous sommes partis dans trois directions différentes.

 28   Q.  Merci. Quel jour cela a-t-il eu lieu ?


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   Mme PACK : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vois qu'il y a

  3   une pile de documents qui est ouverte sur le bureau du témoin et j'aimerais

  4   savoir ce qu'ils contiennent.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Monsieur, est-ce que vous pourriez

  6   nous dire quels documents vous êtes en train de consulter ? Ou, plutôt,

  7   quels documents vous avez sous les yeux ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai une pièce du terrain, mais ce n'est pas

  9   un problème, je peux retirer tous les documents du bureau et je me

 10   conformerai à vos desiderata. Voilà, il n'y a plus de papiers. Continuez.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais vous rafraîchir la mémoire.

 12   Si vous avez besoin de consulter l'un de ces documents, n'hésitez pas à

 13   nous le faire savoir. Cela ne devrait pas poser de problèmes. Continuons.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Si vous estimez que les Juges de la Chambre doivent regarder les

 17   documents, nous pouvons le demander. Donc, quand ces colonnes se sont-elles

 18   divisées, quel jour ?

 19   R.  C'était le soir du 11.

 20   Q.  Merci. J'aimerais à présent savoir si ces colonnes communiquaient entre

 21   elles, et si oui, comment ? 

 22   R.  Je suis désolé de demander cela aux Juges --

 23   Q.  Comment communiquiez-vous --

 24   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de la cabine anglaise : Le témoin et

 25   l'accusé parlent en même temps, et les interprètes ne peuvent pas

 26   interpréter.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez répéter votre question, s'il

 28   vous plaît, Monsieur Karadzic.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Toutes mes excuses. C'est de ma faute.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Vous avez répondu à une partie de ma question. La deuxième partie était

  4   la suivante : je voulais savoir si vous étiez en contact physique ? Si vous

  5   tiriez les uns sur les autres pendant cette première nuit, et si oui, dans

  6   quelle partie du territoire ?

  7   Mme PACK : [hors micro] 

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que le témoin ait

  9   répondu à la première partie de la question.

 10   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de la cabine anglaise : Les interprètes

 11   n'avaient pas fini d'interpréter, Monsieur le Président.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela n'a pas été consigné.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Repartons de zéro. Reposez votre

 14   question, s'il vous plaît.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Comment ces trois colonnes communiquaient-elles les unes avec les

 18   autres ? Comment s'informaient-elles de l'évolution de la situation ?

 19   R.  Nous avions des Motorola militaires.

 20   Q.  Est-ce que la VRS pouvait entendre les conversations ?

 21   R.  Je ne peux pas vous le dire. Je n'en sais rien. Je ne sais pas si la

 22   VRS nous écoutait. Nous avons rencontré la VRS à Kaldrmica.

 23   Q.  Merci. Vous en avez parlé hier. Est-ce que vous vous êtes rapprochés

 24   pendant cette première nuit lorsque les colonnes se sont déplacées, les

 25   trois colonnes ?

 26   R.  Nous avons passé la première ligne serbe à Kaldrmica, entre Konjevic

 27   Polje et Kasaba. Un groupe est passé et un autre groupe est allé dans la

 28   direction du mont Tumaci [phon]. L'autre groupe est allé dans la direction


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  1   de Cerska. De Kaldrmica vers l'école. Et le troisième groupe, le groupe de

  2   Zulfo, est arrivé du troisième côté de Nova Kasaba. Il a dû contourner une

  3   colline.

  4   Lorsque nous sommes arrivés, lorsqu'une partie de la colonne est arrivée

  5   là-bas, cette nuit-là, on nous a informés qu'il y avait des problèmes et

  6   que les Serbes étaient partis de Kaldrmica pour couper le chemin aux hommes

  7   et au groupe de Zulfo pour qu'ils ne puissent pas arriver jusqu'à nous.

  8   Ensuite, un groupe s'étant séparé d'environ 200 de nos hommes sont allés

  9   les aider pour protéger Zulfo et ses troupes. Nous nous sommes dirigés vers

 10   une partie de Cerska entre les deux sommets des collines, et lorsque nous

 11   sommes arrivés là-bas, nous avons formé une ligne. Nous étions environ 200.

 12   Nous avions formé une ligne, donc, et nous sommes entrés en contact avec

 13   Zulfo qui se trouvait de l'autre côté de la colline. Donc nous l'avons

 14   rencontré. Nous avons établi une liaison avec lui.

 15   Entre-temps, des Serbes arrivaient du bas de la colline et nous tiraient

 16   dessus. Zulfo, nous-mêmes ainsi que feu Ejub Golic nous sommes déployés.

 17   Nous avons rencontré ces personnes-là à 130, 150 mètres de nous. Ils

 18   tiraient; nous avons répliqué. Et ce n'est que le matin que nous avons

 19   constaté ce qu'il s'était passé. L'un d'entre nous a été tué. De l'autre

 20   côté, il y a aussi eu des pertes. Nous avons réussi à récupérer des armes

 21   et des munitions, et nous nous sommes juré de ne jamais répéter à personne

 22   qui nous avions tué et comment cela s'était passé.

 23   Q.  Combien de personnes sont mortes là-bas, d'après vous ?

 24   R.  D'après moi, beaucoup de gens sont morts. Je ne sais pas comment

 25   expliquer les choses. Peut-être 500, 600 personnes. C'est peut-être trop

 26   peu même. Mais disons entre 450 et 500 personnes pour le tout.

 27   Q.  Merci. Dites-nous, est-ce que vous saviez quoi que ce soit sur les

 28   événements de Srebrenica avant de partir ? Est-ce qu'il y a eu des pertes


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  1   là-bas suite à des bombardements ? Est-ce que vous avez observé cela ?

  2   R.  Je voudrais vous demander un éclaircissement. Est-ce que vous pouvez me

  3   dire si dans votre question vous voulez que je vous parle du moment où j'ai

  4   été trompé par le gardien de but ? Est-ce que vous parlez du meurtre des

  5   enfants suite aux bombardements ?

  6   Q.  Eh bien, parlez-nous-en, si vous le désirez.

  7   R.  Avant que tout cela n'arrive, quelques jours avant cela, une dépêche

  8   est arrivée au Bataillon de Montagne indépendant à Glogova, et dans cette

  9   dépêche, et c'est Mevludin Zukic qui l'a lue, on a pu savoir que cette

 10   dépêche venait de Sarajevo et que c'était Izetbegovic qui l'avait envoyée

 11   personnellement. Elle disait que nous devions nous protéger parce qu'il y

 12   aurait des tirs. Cela voulait dire que l'attaque allait être lancée sur

 13   Srebrenica et que nous devions agir urgemment afin de transporter la

 14   population, et l'OTAN était censée arriver à Srebrenica également pour nous

 15   aider, pour nous protéger et pour nous prêter main-forte. Et c'est comme

 16   cela que nous étions censés nous défendre. Ensuite, un match a eu lieu, un

 17   tournoi a été organisé sur le terrain de football, et des enfants jouaient.

 18   A ce moment-là, je n'étais pas de service. Je ne sais pas comment Mladjo a

 19   demandé de l'aide à Ejub Golic. Je suppose que les commandants savaient ce

 20   qu'il allait arriver, mais je me suis rendu là-bas avec un autre homme de

 21   Srebrenica. Je suis allé les aider, et dans la salle à Srebrenica, il y

 22   avait des sacs. Je ne savais pas ce que les sacs contenaient. Mais à mon

 23   arrivée, un mortier de 120 millimètres a été tiré, et je me suis dit qu'on

 24   allait ouvrir le tir sur Bratunac ou Ljubovija ou une autre ville en

 25   Serbie. Ensuite, Mladjo m'a dit que j'étais libre de partir. Donc j'étais

 26   presque arrivé au commandement du Bataillon de Montagne indépendant et

 27   l'obus a été tiré de là-bas. Quelques minutes plus tard, des gens ont

 28   commencé à courir, à s'enfuir du terrain de football, de l'école, vers le


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  1   centre de Srebrenica où se trouvait notre commandement. Tout le monde

  2   demandait ce qu'il était en train de se passer. Et quelqu'un a dit que des

  3   Chetniks avaient bombardé le terrain de football et que des enfants avaient

  4   été tués. Et soudain, tout le monde a commencé à dire que c'étaient des

  5   Chetniks qui avaient fait cela, que c'étaient des Serbes. On leur a imputé

  6   ces actions-là.

  7   Q.  Et à Srebrenica, qu'a-t-on dit de l'événement ?

  8   R.  A Srebrenica, rien, on n'a rien dit. On en a parlé pour la première

  9   fois deux jours après, lorsque moi j'étais sur la ligne de front. Je me

 10   suis rendu sur la ligne de front avec mes collègues et nous avons discuté

 11   de toute cette question. On avait entendu parler de cela à Srebrenica, et

 12   quelques jours plus tard, lorsque je suis revenu à Srebrenica -- j'habitais

 13   à Srebrenica à l'époque. Je ne sais pas si je peux dire l'endroit où

 14   j'habitais ?

 15   Q.  Vous ne devez pas le dire.

 16   R.  Bien. On est venu me voir et on m'a dit que je devais me rendre à un

 17   entretien. On m'a emmené à la déchetterie. Je ne savais pas où on

 18   m'emmenait, et j'ai vu un groupe de gardes du Bataillon indépendant de

 19   Glogova qui revenait et ils ont demandé : Où t'emmène-t-on ? On leur a

 20   répondu et ils ont commencé à me défendre. Je suppose qu'on devait me

 21   liquider dans cette déchetterie. Mais j'ai ensuite été détenu dans un grand

 22   magasin. J'y suis resté pendant deux jours, je crois. Et puis, feu Ejub

 23   Golic est arrivé, m'a emmené au commandement et m'a dit de ne répéter cela

 24   à personne parce que tout était fini et qu'il ne fallait pas le répéter.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quand cela a-t-il eu lieu ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, je crois

 28   que cela était en 1995, deux ou trois mois avant l'attaque sur Srebrenica,


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  1   dans ces environs-là. L'attaque sur Srebrenica a eu lieu très peu de temps

  2   après cela.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Etant donné que vous étiez proche d'Oric et d'autres, pourriez-vous

  7   nous expliquer l'objectif de l'ABiH ou, plutôt, celui de quelques

  8   commandants à Podrinje ? Quel était leur objectif stratégique ?

  9   R.  Comment vous expliquez cela, Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 10   les Juges, quel était l'objectif ? Nous savions que l'objectif de Naser

 11   Oric était le suivant -- en tout cas, celui de Naser Oric et les personnes

 12   à Srebrenica qui étaient proches de lui. Leur objectif était de défendre

 13   Srebrenica. Les gens étaient censés défendre Srebrenica et les autres

 14   étaient censés s'enrichir. 

 15   Pourquoi ? Eh bien, parce que lorsque l'aide humanitaire arrivait, cela a

 16   pris sept à 15 jours pour qu'elle arrive, mais juste avant cela, l'aide

 17   humanitaire a été revendue sur le marché par les gens de Naser, et nous,

 18   nous avons eu les restes.

 19   Q.  Et quelles étaient les intentions s'agissant des territoires serbes et

 20   des villages serbes ?

 21   R.  Alors, je dois vous dire de but en blanc que je n'avais pas  bien

 22   compris votre question. Je ne sais pas comment vous expliquer cela. Dès le

 23   début de la guerre, l'intention était que chaque Serbe vive sur sa propre

 24   terre, les Serbes ne voulaient pas partir, puis du jour au lendemain les

 25   choses ont changé. Comment ? Je ne sais pas. Désolé si mon discours est

 26   décousu. Nous qui nous connaissions, Serbes ou Musulmans, nous voulions

 27   cohabiter. Et puis, une opération a eu lieu et nous nous sommes retrouvés

 28   dans cette opération. Nous savions comment nous nous appelions les uns les


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  1   autres, mais Naser Oric ne voulait pas que nous nous mélangions. Il ne

  2   voulait pas que nous communiquions avec qui que ce soit. Et les gens qui

  3   voulaient parler les uns avec les autres étaient tués ou jetés en prison.

  4   Q.  Merci. D'après vous, j'aimerais savoir dans quelle mesure le lien ou

  5   l'influence de Sarajevo a pesé sur les évolutions là-bas, et dans quelle

  6   mesure Oric l'a fait ? Vous nous avez parlé du bombardement il y a quelques

  7   instants. Mais quelle était l'influence de Sarajevo ?

  8   R.  Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, déjà en 1993,

  9   depuis Sarajevo, je ne sais pas si cela venait d'Izetbegovic

 10   personnellement ou de quelqu'un d'autre, mais nous avons reçu quelque chose

 11   par écrit. Comment dire ? Et vous l'avez montré, c'est le document où Naser

 12   Oric parlait de ce centre pour jeunes à Srebrenica qui est devenu une

 13   discothèque, il parlait de cette conversation. En 1993, nous avions donc

 14   reçu une offre d'arrivée à un accord pour pouvoir quitter Srebrenica et

 15   aller à d'autres endroits près de Sarajevo, Ilidza, Vogosca, Blazuj. Et si

 16   ma mémoire est bonne, tout cela a commencé en 1993. La FORPRONU est arrivée

 17   par hélicoptère pour emmener les personnes blessées et les membres de

 18   l'armée. Des camions suédois ont fait sortir la population. Cela a continué

 19   pendant sept jours jusqu'à une embuscade de Zulfo Tursun sur le pont jaune,

 20   et à ce moment-là il est arrivé et a dit que les Chetniks avaient pris en

 21   embuscade la population. Mais les gens étaient déjà partis pendant sept

 22   nuits et sept jours, et les Serbes nous laissaient partir, ils sont allés à

 23   Tuzla en passant par Bratunac et Zvornik.

 24   Q.  Merci. Quel était l'objectif d'Oric, pourquoi voulait-il empêcher les

 25   gens de quitter la ville ?

 26   R.  Eh bien, nous nous sommes rendu compte en 1995 -- comment dire ?

 27   Comment vous expliquez les choses, Monsieur le Président ? En fait, il n'y

 28   avait pas une seule force de l'armée, aucune force n'aurait pu percer la


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  1   ligne qui était tenue en 1995. Il voulait se faire un maximum d'argent pour

  2   garder Srebrenica, pour recevoir des décorations pour que les gens disent

  3   que c'était Naser Oric qui avait fait ceci, qui avait fait cela. Que je

  4   sache, Naser Oric n'a pas été jugé pour le meurtre des Musulmans qui avait

  5   eu lieu déjà en 1993 et 1994.

  6   Q.  Merci. Vous avez parlé d'Izetbegovic et de ses instructions. Est-ce que

  7   vous avez personnellement eu affaire à Izetbegovic, le président, et à son

  8   fils ?

  9   R.  En 1997, oui, j'ai rencontré Alija Izetbegovic lorsqu'on m'a fait une

 10   offre. Votre collègue, une femme qui était au pouvoir, et la Croix-Rouge de

 11   Genève, vous et tout le monde, les Juges, ont ces documents, lorsque j'ai

 12   été libéré parce qu'on a prétendu que j'avais été mort, et j'ai été

 13   amnistié. Et d'après ce document, j'ai été échangé pour ce capitaine dont

 14   on a parlé un petit peu hier. Et ensuite, Alija Izetbegovic m'a donné ce

 15   carnet militaire, et il y a également un certificat qui reprend mon nom et

 16   mon nom de famille, disant combien j'ai touché, combien les membres de

 17   l'armée avaient reçu, et il m'a payé en liquide sur place ensuite, Efendi

 18   Ceric était présent, et j'ai reçu 50 000 marks allemands. On m'a emmené

 19   dans un autre bâtiment, d'autres personnes m'ont donné un passeport et ont

 20   payé des gens pour m'emmener dans le pays où j'habite aujourd'hui.

 21   Q.  Merci. Est-ce que vous avez découvert quoi que ce soit pendant cette

 22   réunion qui était intéressant pour nous ?

 23   R.  Comment dire ? Comme je l'ai dit à l'un des membres de votre équipe,

 24   cet enquêteur, à ce moment-là, en 1997, mon nom a été effacé de la liste

 25   des participants à la guerre. Vous connaissez ce genre de liste militaire ?

 26   Si vous n'êtes plus sur ces listes militaires, vous n'existez plus. Cela

 27   n'a pas été fait dans mon cas, mais dans le cas de personnes qui étaient

 28   beaucoup plus importantes que moi.


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  1   Q.  Merci. Au moment où on vous a donné le certificat, j'aimerais savoir si

  2   Efendi Ceric était présent ?

  3   R.  Oui, il était là. Il était là, il était assis, il a sorti une liasse

  4   d'argent qu'il avait récolté au sein d'un comité d'une mosquée, et je parle

  5   d'Alija Izetbegovic et d'Efendi Ceric. Et j'ai reçu 50 000 marks de ces

  6   deux personnes.

  7   Q.  Et à quoi devait servir cet argent ?

  8   R.  Comment dire ? Je ne devais plus exister en Bosnie. Je devais me rendre

  9   dans un autre pays, travailler là-bas. Vous ne savez pas tout, mais vous

 10   devez partir. Voilà.

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 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous pouvons expurger cette

 21   partie-là. Et pourquoi avez-vous besoin davantage de détails à ce sujet à

 22   huis clos partiel, Monsieur Karadzic ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais passer à huis clos partiel pour que

 24   le témoin nous explique d'où il est venu lorsqu'il s'est rendu à Sarajevo.

 25   Je crois que son voyage a été assez particulier. C'est la raison pour

 26   laquelle il faudrait passer à huis clos partiel.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Mais ce que je vous demande, c'est

 28   quelle est la pertinence de tout cela, cette réunion du témoin avec


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  1   Izetbegovic fils en 2010 ?

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] De par les circonstances et à cause des

  3   personnes qui ont participé et à cause de la façon dont le témoin a été

  4   traité.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons passer à huis

  6   clos partiel.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  8   Messieurs les Juges, Madame le Juge.

  9   [Audience à huis clos partiel]

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 10   [Audience publique]

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Comment avez-vous été traité à SIPA et qu'est-ce qu'on attendait de

 14   vous, si l'on attendait quelque chose de vous ?

 15   R.  J'en ai brièvement parlé hier. Lorsque je suis arrivé à SIPA, au

 16   deuxième étage, devant Bajro Kulovac et Damir Alagic, j'ai parlé de cela

 17   avec Kulovac, pourquoi il parlait de ces six personnes de Skelani, et il a

 18   dit que j'avais retrouvé des éléments de preuve, des preuves, des douilles,

 19   et cetera.. Mais je lui ai dit : C'est [inaudible], chez vous il n'y a pas

 20   eu de meurtre. Et il m'a dit : Moi, je connais mieux la situation que toi.

 21   Voilà les documents, écris cela. Et le document disait que je ne m'étais

 22   jamais rendu à Srebrenica, que je n'étais jamais resté à Srebrenica entre

 23   1992 et 1995. Je ne voulais pas signer le document, et puis il m'a giflé,

 24   il m'a frappé --

 25   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : Les interprètes n'ont pas compris la

 26   dernière phrase.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez répéter votre réponse à partir

 28   du moment où vous avez dit que vous aviez reçu un document disant que vous


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  1   n'aviez jamais été à Srebrenica de 1992 à 1995. Je vous demanderais de

  2   répéter à partir de ce moment-là, Monsieur. Et veuillez parler très

  3   lentement, s'il vous plaît.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque je suis arrivé au SIPA avec Bajro

  5   Kulovac et Damir Alagic en venant de "OSA police", j'ai donc été emmené au

  6   SIPA dans un bureau. Lorsque je suis arrivé, il a d'abord été question de

  7   ceux qui ont été condamnés à 30 ou 40 ans de prison alors qu'ils n'avaient

  8   tué personne, les six hommes. Il m'a affirmé qu'il avait trouvé des

  9   preuves, des douilles de balle, des lambeaux de chair et des ossements, et

 10   qu'il avait retrouvé également des vêtements. Je lui ai dit : Bon, très

 11   bien, vous avez trouvé ça comme preuve, mais est-ce que vous avez retrouvé

 12   les empreintes de ces hommes sur ces douilles ? Et lui, il m'a dit : Non,

 13   toi, t'as pas le droit de mêler de ça. Toi, je te donne ce papier que tu

 14   dois signer. Et dans cette feuille de papier, sur une page et demie, il y

 15   avait mon nom, mon prénom et une espèce d'attestation comme quoi je ne

 16   m'étais jamais trouvé à Srebrenica entre 1992 et 1995.

 17   Et, Madame et Messieurs les Juges, je n'ai pas osé signer ceci. En présence

 18   de Damir Alagic, Kulovac m'a donné une baffe tellement puissante qu'il m'a

 19   fait tomber de la chaise et il m'a donné également un coup de pied à

 20   l'estomac, au ventre. Et Damir Alagic lui a alors dit de se calmer un peu

 21   parce que moi je venais de -- bon, et vous savez très bien d'où je venais.

 22   Il lui a dit que lui, il allait terminer tout ça. Et c'est alors qu'on m'a

 23   emmené, accompagné d'Alagic et Kulovac, dans le bureau du directeur général

 24   du SIPA. Là-bas, Damir Alagic, après être entré dans ce bureau, n'a pas

 25   voulu discuter avec ce directeur général. Il a exigé de parler avec des

 26   Musulmans de Bosnie. Il ne voulait pas parler avec cet homme parce que

 27   c'était un Serbe.

 28   A cette époque, cet homme-là -- en fait, il y en a un deuxième qui est


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  1   venu, qui était Musulman, et qui était l'adjoint de ce directeur, je ne me

  2   rappelle plus son nom. Il est arrivé et il m'a demandé si on m'avait forcé

  3   à faire une déclaration au bureau du procureur de Bijeljina, oui ou non.Et

  4   moi, j'ai à peine eu le temps de répondre que je n'avais pas été forcé, que

  5   c'était ma déclaration et que c'était recueilli sur une base juste. Damir

  6   Alagic a immédiatement mis son bras sur mon épaule gauche et il a dit que

  7   lui, il allait achever toute cette affaire. Si bien que moi je suis sorti

  8   du SIPA et j'ai passé deux jours et deux nuits dans la rue jusqu'au moment

  9   où j'ai été retrouvé par un avocat, et je ne veux pas maintenant donner son

 10   nom.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Merci. Est-ce que vous étiez le seul enregistré comme ayant été tué,

 13   comme étant décédé, ou bien est-ce que vous connaissez d'autres cas de

 14   personnes qu'on a considérées comme mortes, comme s'étant fait tuées, mais

 15   qui étaient en fait en vie ?

 16   R.  Monsieur le Président, il y a d'autres personnes encore, Madame et

 17   Messieurs les Juges, Madame le Procureur, mais certains d'entre eux sont à

 18   l'étranger et d'autres sont dans la Fédération. Et moi, j'ai essayé --

 19   alors, comment vous expliquer ça ? J'ai demandé à votre coordinateur - je

 20   crois que c'est comme ça que ça s'appelle - à pouvoir utiliser un

 21   ordinateur portable, pour que nous puissions nous asseoir ensemble pendant

 22   une journée, que je retrouve tous ces gens sur Facebook et qu'on puisse les

 23   retrouver pour aller prendre un café avec eux, mais on ne m'a pas donné la

 24   permission de le faire. On ne m'a pas donné la permission de passer la

 25   frontière de la Republika Srpska à la Fédération. Et je voulais qu'on le

 26   fasse pour que le Tribunal puisse voir que ces gens sont toujours en vie et

 27   que leurs parents reçoivent leurs touches de retraite.

 28   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : Les interprètes n'ont pas


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  1   entendu la question suivante de l'accusé.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez répéter votre question,

  3   Monsieur Karadzic.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que certains de ces hommes figurent sur l'une ou l'autre des

  6   listes pertinentes pour ce Tribunal ?

  7   R.  Cette liste existe. Elle a été faite encore à Bijeljina, il me semble.

  8   Damir Alagic et Bajro Kulovac m'ont menacé en me disant que je ne devais

  9   parler de ceci à personne. C'est pour ça que j'ai agi de cette façon. Mais

 10   je voudrais pouvoir consulter cette liste dans la salle d'audience, si

 11   c'est possible.

 12   Q.  Vous avez dit que c'était la raison pour laquelle vous avez eu le plus

 13   à souffrir, à cause de cette liste, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on montre maintenant au

 17   témoin la pièce 1D99586 de la liste 65 ter. Sans diffuser ce document à

 18   l'extérieur, s'il vous plaît.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais juste demander, s'il vous plaît,

 20   si ici, en Hollande, on n'a jamais le droit d'allumer une cigarette ?

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  C'est assez difficile.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas si la référence est bonne,

 24   1D99586 ? Sans diffusion à l'extérieur du prétoire.

 25    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter le numéro ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D99586.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne s'agit-il pas plutôt de 1D9586, et

 28   non pas 99000 ?


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être. Excusez-moi. Oui, c'est la bonne

  2   référence, en effet, 1D9586.

  3   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Sans diffusion, s'il vous plaît

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire ce que représente ce document ?

  7   R.  Comment dire ? C'est la première page de cette espèce de journal de

  8   guerre que j'ai tenu.

  9   Q.  Merci. Je voudrais que nous passions à la page numéro 7. S'il vous

 10   plaît, ne dites pas maintenant en audience publique ce qui est écrit.

 11   Alors, où vous trouviez-vous lorsque vous avez appris les informations qui

 12   figurent ici et de quelles personnes s'agit-il ? Dites-nous de quelle liste

 13   il s'agit ? Et nous passerons à huis clos partiel pour tout détail

 14   supplémentaire.

 15   R.  C'est la liste des personnes qui étaient en vie alors que leurs parents

 16   recevaient une retraite qui échoyaient à leur enfant enregistré comme mort.

 17   Q.  Est-ce que vous avez parlé de Potocari ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que vous avez rencontré certains d'entre eux ?

 20   R.  Il y a certains d'entre eux qui sont en Suisse, d'autres en Amérique,

 21   certains autres encore en France. Et il y a aussi Vascare [phon] qui est en

 22   Hollande, peut-être avec un autre nom. Mais je pense que j'ai simplement

 23   besoin d'un ordinateur et de Facebook pendant 20 minutes et puis vous

 24   pourrez voir vous-même.

 25   Q.  Les numéros qui sont entourés, ce sont ceux qui sont en vie, n'est-ce

 26   pas ? Donc, à l'exception des numéros 15 et 16. Et vous avez vérifié vous-

 27   même ?

 28   R.  Comment vous expliquer ? Tous ceux dont le numéro est entouré, ce sont


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  1   ceux avec qui j'ai été en contact.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce journal

  4   sous pli scellé.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Et à cause de cette liste, moi, on m'a brisé.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous ne pourriez pas poser un

  7   peu plus de questions sur ce journal, quand il l'a écrit, et cetera ? Je

  8   vais lui demander. Monsieur le Témoin, quand avez-vous rédigé ceci ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai écrit ceci lorsque je me suis trouvé --

 10   eh bien, vous savez exactement où j'ai passé trois ans et demi, et c'est

 11   grâce à ces écrits et à ces documents que j'ai fournis à votre Procureur du

 12   Tribunal international à La Haye qui m'a rendu visite.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, en tant que Juge, je

 14   ne sais rien à ce sujet. Je vous ai simplement demandé quand vous l'aviez

 15   écrit. Est-ce que vous pourriez nous venir en aide, quand avez-vous rédigé

 16   ceci ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci a été écrit pendant que je me trouvais --

 18   alors, je ne vais pas maintenant vous dire où je me trouvais.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut peut-être passer à huis clos

 20   partiel pendant quelques instants ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 23   Madame, Messieurs les Juges.

 24   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Qui détient l'original de ce

 20   document ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, j'espère que le témoin peut nous

 22   répondre.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] L'original de ce document est en ma

 24   possession, mais je ne l'ai pas sur moi en ce moment même. En fait, c'est

 25   le procureur de Bijeljina qui l'a. Je ne sais pas si ce document est

 26   disponible ici aussi pour que les Juges puissent le voir.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et vous demandez le versement du

 28   document, Monsieur Karadzic ?


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] De la page 1 et de la page 7.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Juge, mais puisqu'on parle de

  4   versement, moi j'aimerais qu'on puisse verser ce document pour qu'on sache

  5   ce que j'ai vécu. Parce que je me suis battu pendant 17 ans pour pouvoir

  6   venir m'asseoir, pour pouvoir déposer à la barre du témoin. On m'a

  7   poursuivi pendant 20 ans. Et moi, je souhaite qu'on m'autorise l'entrée sur

  8   le territoire de la Fédération, que les quatre personnes les plus haut

  9   placées de ce Tribunal donnent leur approbation.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, ceci est un procès

 11   au pénal intenté contre M. Karadzic. C'est à l'accusé qu'il revient de

 12   demander le versement de pièces à conviction et de documents ainsi que de

 13   décider lesquels il souhaite présenter pour versement.

 14   Oui, Madame Pack.

 15   Mme PACK : [interprétation] Selon nous, il s'agit d'une demande de

 16   versement d'une page extraite d'un document rédigé par le témoin après la

 17   guerre mais qui a une nature de déclaration, qui se présente sous forme de

 18   journal, c'est de cela qu'il s'agit en substance, et ce n'est pas conforme

 19   aux procédures prévues par le Règlement. La Défense s'est efforcée

 20   d'obtenir le versement de ces propos consignés par écrit par le témoin sous

 21   le régime de l'article 92 ter et il n'a pas été fait droit à cette demande.

 22   Le témoin a donc été cité viva voce. Et je pense qu'il n'est pas approprié

 23   de procéder maintenant au versement de ce document.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Mais pour des raisons pratiques, le

 25   témoin peut nous donner lecture des noms qui sont ici consignés et dire que

 26   d'après lui ils sont en vie, et donc cela ne fait pas de différence en

 27   substance.

 28   Mme PACK : [interprétation] Oui. De ce point de vue-là, oui.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc cela semble concerner

  2   simplement le poids à attribuer au document. Je vais consulter mes

  3   collègues.

  4   Mme PACK : [interprétation] Je vous remercie.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons donc verser sous

  7   cote provisoire ces deux pages en attendant la traduction.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document reçoit la cote provisoire

  9   D4183, sous pli scellé, Madame et Messieurs les Juges.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellences. A ce stade, je n'ai pas

 11   d'autres questions à poser à ce témoin.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux avoir de 

 13   l'eau ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, de l'eau. Je me demande si le témoin

 15   n'aurait peut-être pas besoin d'une pause. Je vous prie de bien vouloir le

 16   vérifier. Une brève pause.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux peut-être fumer ne serait-

 18   ce qu'une seule cigarette ?

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Si c'est impossible, est-ce que je peux au

 21   moins avoir une petite pause ? Parce que je n'en peux plus. Je me rappelle

 22   tout. Ce n'est pas facile pour moi. Quelle est la date d'aujourd'hui ? Moi,

 23   personne ne me demande ce que j'ai dû traverser en 1995, à la même époque.

 24   Rien que ces dates, m'en souvenir, ça me fait transpirer et j'en suis

 25   trempé. Tous les ans, peu importe que ce soit 2013, chaque date entre 1992

 26   et 1995, tous ces événements que j'ai dû traverser, eh bien, chaque fois

 27   pendant la semaine qui précède la date anniversaire, je me sens très mal,

 28   je pleure et j'ai des problèmes de santé. Je m'effondre. Et j'ai déjà


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  1   essayé de me suicider. Et votre Procureur, là, il n'a pas voulu que je

  2   vienne ici plus tôt pour que je puisse expliquer de quoi il s'agissait.

  3   Alors, je vous demande, s'il vous plaît, de me laisser fumer une cigarette,

  4   et si ce n'est pas possible, laissez-moi au moins prendre une petite pause.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous prévoyions de faire une pause à 10

  6   heures 30, mais nous allons peut-être faire une pause maintenant, une pause

  7   de 15 minutes, et nous reprendrons à 10 heures 10 dans ce cas.

  8   --- La pause est prise à 9 heures 56.

  9   --- La pause est terminée à 10 heures 13.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Pack, à 10 heures 30, nous allons

 11   prendre une autre pause de 20 minutes.

 12   Mme PACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Contre-interrogatoire par Mme Pack :

 14   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, vous êtes ici, vous êtes venu

 15   déposer enfin à La Haye. C'est quelque chose que vous avez voulu faire

 16   depuis de nombreuses années, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Parce que vous vous considérez comme un témoin important, n'est-ce pas,

 19   puisque vous avez témoigné de nombreux événements importants pendant la

 20   guerre ? Ai-je raison de le dire ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous avez été témoin de meurtres [comme interprété] qui s'entretuent,

 23   de l'ABiH qui tue les Musulmans, les enfants à Srebrenica, vous savez que

 24   les familles des Musulmans pour lesquelles leurs familles demandent à

 25   recevoir la pension à cause de leurs décès, que finalement ces gens ne sont

 26   pas morts, ils sont vivants, et vous avez été témoin, vous personnellement,

 27   de chaque théorie de complot que les autres lisent dans les médias ?

 28   R.  Oui. Et d'ailleurs, posez la question aux trois femmes, Mères de


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  1   Srebrenica, et posez aussi la question à Sulejman Backovic [comme

  2   interprété], le prof. Vous pouvez leur demander comment se fait-il qu'ils

  3   en savent davantage sur les événements de Srebrenica que nous qui avons été

  4   là-bas à l'époque.

  5   Q.  Et justement parce que vous savez autant de choses, on a voulu vous

  6   tuer, on vous a passé à tabac, on vous a aussi complètement ignorer; est-ce

  7   exact ?

  8   R.  Oui, c'est vrai, on m'a passé à tabac. On m'a aussi ignoré. Et puis,

  9   aussi, on a beaucoup parlé de moi dans les médias. Mais surtout, on a dit

 10   du mal de moi.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte rendu d'audience.

 12   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Lignes 19 à 20, le témoin a dit : Il faut poser

 14   la question aux trois premières femmes de Mères de Srebrenica, donc de

 15   l'association Mères de Srebrenica, et il faut poser la question à Sulejman

 16   Tihic, mais aussi au SDA.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous confirmez cela, Monsieur

 18   le Témoin ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Madame Pack.

 21   Mme PACK : [interprétation]

 22   Q.  Vous avez été arrêté à plusieurs reprises et on a vu des vidéos de

 23   vous. Vous avez dit qu'on vous voit sur la vidéo du général Morillon, qui a

 24   fait son discours à Srebrenica en 1993, puis vous avez eu un entretien avec

 25   le conseiller de la Défense, Goran Petronijevic. Donc c'est le premier

 26   entretien que vous avez eu, où vous avez dit que vous avez vu votre

 27   chaussure dans la vidéo du dépôt de Kravica. Est-ce que vous vous rappelez

 28   avoir dit cela ?


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  1   R.  Madame, la chaussure est l'empreinte de ma chaussure, et d'ailleurs,

  2   moi j'ai demandé comment prendre la chaussure pour avoir une preuve. Mais

  3   on n'a pas pu s'y rendre.

  4   Q.  Vous avez suivi avec beaucoup d'attention les procès de La Haye. Vous

  5   avez suivi cela en regardant la télévision, en consultant l'internet ?

  6   R.  Madame le Procureur, je vais te dire ce que j'en pense : je n'ai suivi

  7   que quelques procès. Parce qu'il fallait que je travaille pour survivre, je

  8   n'avais pas le temps de regarder ça. Quand j'avais du temps libre, j'ai

  9   suivi ce qui se passe. Et parfois, quand j'ai regardé les procès, j'ai vu

 10   des témoins parler de Srebrenica. Et c'étaient des moments très difficiles

 11   et qui m'ont coûté la santé, parce que, par exemple, ces témoins souvent ne

 12   disaient pas la vérité. Ils n'essayaient que tirer un profit de ces

 13   dépositions en disant que les Serbes les ont maltraités, alors que personne

 14   n'ose dire et personne ne dit qu'on a été tous maltraités à Srebrenica. Et

 15   c'est Naser et les hommes de Naser qui nous ont maltraités, nous, les

 16   habitants de Srebrenica. Et si vous voulez une véritable coopération, vous,

 17   Messieurs les Juges, et vous au bureau du Procureur, je peux vous faire

 18   venir 50 personnes ici qui vont vous dire exactement la même chose ici, la

 19   même chose que ce que je dis. Mais les gens en Bosnie n'osent pas le faire

 20   parce qu'on les provoque, on les maltraite, on les menace. Et les gens ont

 21   faim, les gens ont soif, ils sont obligés de subir tout cela, toutes ces

 22   menaces, et ils ne disent pas la vérité.

 23   Q.  Donc vous nous dites que vous pouvez faire venir 50 personnes qui vont

 24   déposer. Mais vous avez vous-même fait une enquête au sujet de ces cas ?

 25   Vous avez vous-même parlé avec des gens pour lesquels vous pensez que

 26   c'étaient des témoins, qui pourraient être des témoins comme vous; est-ce

 27   exact ?

 28   R.  Madame, vous ne pouvez pas me comprendre, mais essayez tout de même.


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  1   Voilà, écoutez-moi. Je ne vais pas être long. Moi, j'ai subi ce que j'ai

  2   subi depuis 2003, quand je vivais encore dans le pays où je vivais entre

  3   l'an 2000 et 2007. Il y a eu un avis de recherche me concernant à l'époque

  4   où Naser Oric était encore ici accusé. Et en 2003, 2004, il avait peur de

  5   moi. Il voulait me faire disparaître de la surface de la terre pour que je

  6   ne vienne pas témoigner pendant que lui, il était encore jugé ici --

  7   Q.  Monsieur le Témoin, je vais vous interrompre. Je vous interromps,

  8   excusez-moi. Je dois vous interrompre. Je vous ai posé une question.

  9   Veuillez, s'il vous plaît, répondre à la question. Donc vous avez fait

 10   vous-même des enquêtes à ces sujets ? Est-ce que vous pouvez répondre ?

 11   R.  Oui, j'ai pris cette tâche, car depuis 1997 je me bats pour venir

 12   déposer ici, mais je n'ai jamais réussi à venir à cause de ce que le SDA de

 13   Sarajevo m'a fait, et les gens savent très bien ce que j'ai vécu. Ils

 14   savent quelles sont les choses par lesquelles j'ai dû passer à cause de

 15   cela, et c'est pour cela qu'ils ne veulent pas venir ici pour dire la

 16   vérité.

 17   Q.  Vous avez été dans un endroit pendant ces quelques dernières années, et

 18   on en a parlé à huis clos partiel, et pendant ce temps-là, vous vouliez

 19   vous occuper de cela, à savoir faire une enquête par rapport à ces cas-là ?

 20   R.  Non, non, non. Moi, j'avais tout simplement du temps libre, et donc je

 21   n'étais pas forcé de faire quoi que ce soit. Je me suis assis et j'ai écrit

 22   des lettres à mon sujet, au sujet de mon cas. J'ai écrit la lettre au

 23   président de la Republika Srpska, Rajko Kuzmanovic, à Mirko Dodik. J'ai

 24   voulu les faire venir à Srebrenica. J'ai voulu les faire venir jusqu'à une

 25   tombe où ils pourraient récupérer les corps des Serbes, et ils ne voulaient

 26   pas le faire. Alors qu'à la télé, on ne parle que des Musulmans, on parle

 27   de victimes musulmanes, victimes des Serbes. Et ils demandent ceci ou cela.

 28   Alors que je m'adresse au président, je suis prêt à lui livrer deux corps


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  1   de Serbes tués et ils le refusent. Ils ne veulent pas le faire. Alors,

  2   comment vous vous sentirez, vous, si on vous refusait une chose pareille ?

  3   Car ces gens, cette femme, elle a été tuée devant moi, sous mes yeux.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ligne 8, "faire sortir des tombes les corps de

  5   Serbes." Pas les "corps des Musulmans".

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exactement ce que j'ai dit. J'ai proposé

  7   de faire sortir des tombes les corps des Serbes.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et aussi, le nom de famille, ligne 9, c'est

  9   "Kuzmanovic" et pas "Dokmanovic".

 10   Mme PACK : [interprétation]

 11   Q.  Vous avez suivi de près, n'est-ce pas, le procès des membres de la

 12   Brigade spéciale de la Police mis en accusation pour le meurtre et la

 13   tuerie du dépôt de Kravica ?

 14   R.  Non, Madame. J'ai vu la photo dans les journaux, et dès que j'ai vu la

 15   photo et reconnu mon camarade de classe, j'ai réagi et j'ai voulu que le

 16   Procureur vienne me voir parce que j'étais tout à fait prêt à témoigner

 17   pour dire que ces gars n'avaient pas été présents sur place. Et Bajro

 18   Kulovac est venu me voir pour me menacer, pour me dire qu'il ne fallait pas

 19   que j'en parle. Et c'est la première fois que je l'ai rencontré.

 20   Q.  Je vois qu'on a mentionné la prison en audience publique. On parlait de

 21   la période que vous avez passée en prison et pendant laquelle période vous

 22   avez suivi les procès. Mais vous vouliez à tout prix, mais vraiment à tout

 23   prix, venir déposer ici ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 25   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Objection rejetée. Mais je vais demander

 27   que l'on passe à nouveau et brièvement à huis clos partiel.

 28   [Audience à huis clos partiel]


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 15   [Audience publique]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voilà, nous sommes en audience publique.

 17   Vous pouvez poursuivre, Madame Pack.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'avais une objection. Mme Pack, dans la ligne

 19   8, répète sa question, et on a l'impression que le témoin a confirmé avoir

 20   suivi les procès depuis la prison. Or, il ne l'a pas fait.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je n'ai pas suivi ces procès de la

 22   prison. Je ne l'ai pas confirmé.

 23   Mme PACK : [interprétation]

 24   Q.  Mais c'est quand que vous avez regardé les photos dans les journaux ou

 25   bien regardé les vidéos dont vous avez parlé concernant, donc, le procès à

 26   La Haye et la procédure aussi qui se déroule devant la cour de Bosnie-

 27   Herzégovine, la cour d'Etat ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de ne pas mentionner le nom ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais en prison, Madame. Mais en liberté

  2   aussi. En 2003, j'étais en liberté. J'ai voulu venir ici. Le Procureur de

  3   La Haye est venu me voir, il m'a rendu visite. Et il y avait un autre homme

  4   qui est venu déposer ici, mais j'en vais en parler à huis clos car vous

  5   connaissez très bien son nom. Le Procureur l'a fait venir de ce pays, et il

  6   est venu déposer et il a mentionné mon nom. Et lors de cette visite, quand

  7   on est venu me voir, lui, il a écouté cette conversation, et depuis j'ai eu

  8   des problèmes. Et à l'époque, Naser Oric était ici, il était jugé devant ce

  9   Tribunal.

 10   Mme PACK : [interprétation]

 11   Q.  Je voudrais vous montrer une partie de votre première interview avec le

 12   conseil de l'accusé, Goran Petronijevic, et Milomir Savcic, qui était

 13   enquêteur en chef, pendant que vous étiez en prison en février 2010.

 14   Mme PACK : [interprétation] Je me réfère au 65 ter 25759. Et j'aimerais que

 15   nous passions en version anglaise vers la page --

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas de rediffusion à l'extérieur, je

 17   suppose ?

 18   Mme PACK : [interprétation] Pas de rediffusion, en effet, Monsieur

 19   Karadzic. Alors, je disais : en anglais, page 198; en B/C/S, page 193.

 20   Q.  Ça se trouve vers la fin de votre interview. C'est à peu près vers la

 21   fin. Ligne 31 en version anglaise, je vais en donner lecture et vous allez

 22   retrouver l'équivalent en B/C/S. Vous dites : Il n'y a pas de problème, si

 23   vous le souhaitez, demain ou après-demain, dans cinq ou dix jours, on

 24   s'installera, on s'assoira ensemble, mais je demande seulement à être

 25   protégé.

 26   Vous voyez l'emplacement où je suis en train de lire ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] La page en serbe ne correspond pas.

 28   Mme PACK : [interprétation] Excusez-moi, ça doit être la page suivante en


Page 44826

  1   version B/C/S. Merci.

  2   Q.  Vous pouvez voir que c'est en paragraphe 2, à côté de vos initiales.

  3   Alors :

  4   "A partir d'aujourd'hui je ne fais que demander de la protection et

  5   que l'on ne sache rien à mon sujet jusqu'à ce que ce soit mon tour pour ce

  6   qui est d'un témoignage. Que ce soit la Défense Karadzic ou quelqu'un

  7   d'autre, mais je vais leur dire que les Serbes n'ont pas pris Srebrenica de

  8   façon héroïque. Srebrenica a été vendue pour de l'argent, personne n'a à me

  9   convaincre de la chose. Nous, en tant qu'armée, nous les avons abandonnés,

 10   on les a laissés entrer sur ce terrain.

 11   "Question : Alors, êtes-vous préoccupé par votre sécurité ?"

 12   Et vous avez répondu : "Oui, je suis préoccupé pour ma sécurité --"

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

 14   Mme PACK : [interprétation] Oui, excusez-moi, page suivante.

 15   Q.  Et le grand paragraphe qui suit dit : "Je suis inquiété par ma

 16   sécurité. Ce que je veux, c'est qu'on m'envoie voyager, et ce, de façon

 17   sûre. Une fois que j'aurai témoigné, au mois de mars je sors d'ici, je veux

 18   qu'une voiture m'attende pour me conduire vers le lieu où je témoignerai,"

 19   et cetera.

 20   Alors, comme les gens le disent, vous ne voulez pas voir l'ex-Yougoslavie,

 21   ça pourrait être la Hollande, La Haye, et vous l'affirmez. Vous avez dit

 22   oui. Est-ce que ça s'est passé, telle

 23   chose ? Oui. Quand est-ce que vous avez fait ça ? Et vous avez répondu : Je

 24   fuis. J'essaie de fuir Sarajevo parce que là-bas il n'y a que de la

 25   violence.

 26   "Question : Est-ce que vous êtes disposé à témoigner de tout ce que nous

 27   avons évoqué à La Haye ?

 28   "Réponse : On peut y aller tout de suite ?


Page 44827

  1   "Question : Mais on ne peut pas aller tout de suite. Il y a une façon de

  2   procéder."

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante en serbe.

  4   Mme PACK : [interprétation] Merci.

  5   Q.  Et vous avez dit : "Demain, après-demain, je suis ici, mais je veux

  6   qu'on s'en tienne à mes conditions. Je ne veux pas m'asseoir sur une

  7   chaise. Je ne veux pas de vidéoconférence. Je veux être en tête-à-tête. Que

  8   ce soit Seselj, Ratko Mladic ou Karadzic, peu importe. Page suivante. Que

  9   ce soit Naser Oric, Zulfo Tursun ou quelqu'un d'autre. En tête-à-tête. Ce

 10   que j'ai vu, je n'ai peur ni de Dieu ni de vous autres. Je n'ai peur

 11   d'aucun tribunal au monde."

 12   Alors, est-ce qu'on a bien consigné votre enthousiasme, Monsieur, pour ce

 13   qui est d'un témoignage ici à La Haye ? C'était donc une perspective assez

 14   excitante pour vous, non ?

 15   R.  Madame, ce qui est écrit ici, et ce que j'ai pu lire, je l'ai maintenu

 16   lorsque nous nous sommes entretenus. Je peux mentionner peut-être le nom de

 17   cette personne. Lorsque j'ai fait cette déclaration, j'ai maintenu tout

 18   ceci. Et une fois que je suis sorti, au bout de 22 jours de liberté, j'ai

 19   reçu des coups, j'ai été enlevé, on m'a tabassé, on m'a brisé, cassé, et

 20   j'ai eu du mal à garder la vie sauve. Je suis arrivé jusqu'à la police

 21   municipale, et quelqu'un m'a protégé dans ma ville natale.

 22   C'est là que j'ai passé, Madame, 22 jours. J'ai été sécurisé par la

 23   police civile. Et quand ceci a été fait comme déclaration et quand j'ai

 24   livré les noms de personnes que vous avez lus tout à l'heure, c'est depuis

 25   lors que j'ai eu des problèmes avec les miens dans ma ville natale. Dans

 26   toute la fédération, et partout au monde, j'aurais ce problème. Et je vais

 27   vous le dire en tête-à-tête, j'ai des problèmes dans mon pays d'origine. On

 28   se renseigne à mon sujet. Il y a des gens qui viennent, ils essaient à tout


Page 44828

  1   prix d'entrer en contact, apprendre l'adresse où je me trouve. Et au moment

  2   où ils me trouveraient, j'en aurai terminé pour de bon. Mais, de toute

  3   façon, moi j'ai dit adieu à la vie. J'ai réussi jusqu'à présent à me

  4   préserver, me sauvegarder tout seul. J'ai demandé à des gens qui ont des

  5   contacts avec ce Tribunal de m'emmener au plus vite ici devant vous, dès le

  6   moment où j'ai fait cette déclaration. Et quand je suis sorti de là-bas, le

  7   12 mars 2010, il y a, au dernier instant, deux jeeps qui sont venues avec

  8   des hommes à bord, puis ils voulaient m'emporter, m'enlever et m'emmener

  9   quelque part. On ne m'aurait pas retrouvé. Il y a eu des gens qui

 10   m'attendaient qui l'ont vu. Et il s'en ait fallu de dix secondes à peine,

 11   j'ai réussi à monter à bord d'une voiture. C'étaient des gens de la

 12   Fédération, de Sarajevo. Et on me l'a dit après.

 13   Q.  Monsieur le Témoin --

 14   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être le

 15   moment serait-il opportun pour faire une pause ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons faire une pause

 17   de 20 minutes. Et nous reprendrons à 11 heures.

 18   --- L'audience est suspendue à 10 heures 38.

 19   --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, Madame Pack.

 21   Mme PACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais que

 22   nous passions à huis clos partiel brièvement.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certes.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 25   Madame, Messieurs les Juges.

 26   [Audience à huis clos partiel]

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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 13  Pages 22829-44833 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  1   [Audience publique]

  2   Mme PACK : [interprétation]

  3   Q.  Je vais donner lecture de cette première page de ce que dit ce rapport

  4   à votre sujet. Et comme je l'ai dit, ce n'est pas très lisible, mais nous

  5   avons un deuxième paragraphe --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'allons pas diffuser ceci, n'est-

  7   ce pas ?

  8   Mme PACK : [interprétation] Non, non, ce n'est pas diffusé.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je vous demande un instant.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

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 22  (expurgé)

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Nous sommes en audience

 24   publique. Est-ce qu'il n'est pas préférable de retourner en audience à huis

 25   clos partiel pour parler de ce sujet ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais j'ai demandé un huis clos partiel pour

 27   aborder le sujet.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.


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  1   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 44836-44837 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 13   [Audience publique]

 14   Mme PACK : [interprétation]

 15   Q.  Je vais vous donner lecture, Monsieur le Témoin, d'une partie de choses

 16   écrites sur vous dans ce rapport --

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ce n'est toujours pas montré au

 18   public ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, en effet, nous ne sommes pas en

 20   train de montrer ce document, pas du tout. Ne vous inquiétez pas.

 21   Mme PACK : [interprétation]

 22   Q.  Je vais vous donner lecture d'un extrait de ce document, et vous

 23   n'allez pas être identifié avec cela. C'est la page 2 en B/C/S et en

 24   anglais -- est-il possible de voir la page 2 en B/C/S ? Merci. Je vais vous

 25   donner lecture d'un extrait de ce texte :

 26   "Les capacités intellectuelles de l'accusé sont limitées. Elles sont d'un

 27   niveau de bêtise physiologique. Il s'agit d'une personnalité névrosée et

 28   dépendante de façon passive, immature."


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  1   "Les capacités intellectuelles" en détail, on a cette catégorie de bêtise

  2   physiologique. Et ensuite, on dit :

  3   "Information demandée, tests de détail, il s'agit d'une personne qui n'est

  4   pas intégrée, qui est immature d'un point de vue émotionnel, qui a de

  5   graves problèmes en ce qui concerne la communication, un problème avec

  6   autorité et figures parentales, ainsi que des points de vue sur sa famille

  7   primaire et autres."

  8   Est-ce que vous vous souvenez que ce diagnostic a été fait et qu'il vous

  9   concernait ? Vous n'avez pas besoin de dire quand et où.

 10   R.  A vrai dire, c'est la première fois que je vois ce papier. Je ne

 11   dispose que du jugement de 1996. On ne m'a jamais dit cela. Je ne sais pas

 12   qui a écrit cela, car j'ai été jugé à nouveau en 2008-2009. Mais si c'est

 13   lui qui a dit cela, eh bien, il a dit la vérité. Mais s'il s'agit de cet

 14   homme de Banja Luka, lui, il a écrit pas mal de choses, mais tout ce qu'il

 15   a écrit c'était tout simplement pour me condamner, pour que je termine en

 16   prison. Et je sais qu'il y avait deux psychiatres en 1996 et en 1997, il y

 17   en avait un qui disait la vérité, et l'autre qui mentait. Mais on ne m'a

 18   jamais montré cela. Parce que, si vous êtes jugé, normalement il faudrait

 19   vous montrer ce qu'on écrit sur vous. On ne m'a jamais montré cela.

 20   Q.  [aucune interprétation]

 21   Mme PACK : [interprétation] Je vais demander que ce document soit versé au

 22   dossier, les trois pages de ce document. C'est peut-être mieux qu'une page.

 23   M. ROBINSON : [interprétation] Nous avons une objection, Monsieur le

 24   Président. Tout d'abord, le témoin n'a pas confirmé cela --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi aussi, j'ai une objection.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur

 27   Robinson.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Le témoin n'a confirmé rien au sujet de ce


Page 44840

  1   document. Je pense qu'il a une valeur probante très, très limitée. Peut-

  2   être qu'on peut aussi se poser la question de fiabilité. Mais, en tout cas,

  3   je pense que les capacités intellectuelles sont très peu liées avec la

  4   fiabilité du témoin et la crédibilité du témoin. Et puis, nous ne pensons

  5   pas que l'on ait étayé la base pour verser ce document. Et puis, même s'il

  6   y avait une base, nous pensons que le peu de valeur probante que l'on peut

  7   attribuer compte moins que le préjudice potentiel qu'un versement

  8   apporterait au témoin.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Pack, est-ce que vous souhaitez

 10   ajouter quelque chose ?

 11   Mme PACK : [interprétation] Peut-être que le témoin n'a pas été en mesure

 12   de confirmer l'authenticité de ce document, mais il a bel et bien dit qu'il

 13   a été examiné par des psychiatres pendant cette période. Et je ne voudrais

 14   pas entrer en détail. Peut-être qu'il ne se rappelle pas du contenu de ce

 15   document, mais je pense que ce qu'il nous a dit a fourni suffisamment de

 16   base pour que l'on puisse verser ce document. Et ensuite, va se poser la

 17   question du poids à attacher au document.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Robinson, est-ce que vous

 20   contestez la provenance de ce document, sans parler d'accepter ou non ce

 21   diagnostic ?

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, nous n'avons pas d'information à ce

 23   sujet. Tout ce que nous pouvons voir, c'est qu'en examinant ce document, on

 24   peut en arriver aux mêmes conclusions que vous. Donc on ne peut pas dire

 25   d'emblée qu'on conteste la provenance de ce document, même s'il y a des

 26   questions qui se posent quant à sa provenance. Mais on ne peut pas en être

 27   sûr, et donc on est finalement dans la même situation que vous.

 28   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Autre question : vous avez posé la


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  1   question de la valeur probante et vous avez dit que le préjudice éventuel

  2   serait plus important que la valeur probante. Est-ce vraiment un document

  3   qui porte préjudice au témoin ?

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, vous savez, vous dites que

  5   quelqu'un est stupide, qu'il n'est pas très intelligent, et je pense que

  6   ceci porte dans une certaine mesure préjudice au témoin.

  7   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Sans être simpliste, si, par

  8   exemple, à l'école un professeur traite un élève de stupide, peut-être

  9   qu'on ne l'aime pas. On peut l'aimer ou ne pas l'aimer, mais cela ne veut

 10   pas dire que cela porte préjudice à l'élève. Peut-être que ce n'est pas

 11   vraiment bien de le dire, mais c'est tout.

 12   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Madame Pack, est-ce que vous pouvez

 13   nous dire quel est votre point de vue, comment vous répondez à M. Robinson

 14   ?

 15   Mme PACK : [interprétation] Je peux dire que dans la première page de ce

 16   document, on voit clairement la provenance du rapport. Et cela se voit

 17   exactement sur la première page. On voit très bien que c'est un rapport, on

 18   voit la date de ce rapport sur la première page. On voit qu'il est transmis

 19   à la partie opposée. Donc je pense qu'il n'y a vraiment pas de question au

 20   sujet de la provenance.

 21   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Pourriez-vous aussi nous dire quel

 22   est le rapport, d'après vous, en ce qui concerne ce document entre la

 23   valeur probante du document et préjudice éventuel ?

 24   Mme PACK : [interprétation] Non, je ne pense pas que ceci porte préjudice.

 25   C'est un document qui a été utilisé, je pense, pour dire quel est le

 26   problème psychologique du témoin, tout simplement. Donc la question de

 27   valeur probante qui s'oppose à un éventuel préjudice, je pense que ceci,

 28   tout simplement, ne tient pas la route. Ce n'est pas vraiment un document


Page 44842

  1   qui porte préjudice au témoin, pas au point à le refuser. Et puis, sa

  2   valeur probante aussi, peut-être, n'est pas telle qu'il faudrait vraiment

  3   se poser cette question-là. Il s'agit d'un document qui, tout simplement,

  4   éclaire la psychologie du témoin. Ceci nous parle aussi de ses motifs, de

  5   la possibilité de manipuler ce témoin. Et c'est pour cela que nous pensons

  6   qu'il est important de verser ce document.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser ce document, et

  9   ensuite nous allons décider du poids à accorder. En tout cas, c'est un

 10   document qui va être versé sous pli scellé.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P6559, sous pli

 12   scellé.

 13   Mme PACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous allons

 14   poursuivre.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de dire quelque chose, moi

 16   aussi.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, pas à présent. Mme Pack va vous

 18   poser la question.

 19   Mme PACK : [interprétation]

 20   Q.  Nous allons passer à un autre sujet. Vous avez écrit au bureau du

 21   procureur, nous avons vu cela, au bureau du procureur à Sarajevo, et vous

 22   avez demandé au procureur de Sarajevo de vous prendre au sérieux en tant

 23   que témoin puisque vous avez été le témoin et la victime d'un génocide,

 24   n'est-ce pas ? Vous avez écrit cette lettre, parce que nous avons vu cette

 25   lettre que vous leur avez envoyée, nous l'avons vue hier ?

 26   R.  Oui, oui, c'est vrai, je leur ai écrit.

 27   Q.  On va parler de cette lettre que nous avons vue hier et qui a été

 28   versée au dossier comme le document D04182.


Page 44843

  1   Mme PACK : [interprétation] Il ne faudrait pas le montrer au public.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'avais voulu vous poser la question,

  3   Madame Pack, mais je suppose que vous n'allez pas avoir besoin de davantage

  4   de temps que M. Karadzic ?

  5   Mme PACK : [interprétation] Bien sûr que non, Monsieur le Président. Non,

  6   je suis très loin du temps de M. Karadzic. Nous attendons que le document

  7   s'affiche.

  8   Q.  Je vais donner lecture du premier paragraphe. Cela a eu lieu pendant

  9   que vous étiez emprisonné en 2008. Et vous dites, je cite : "Je demande au

 10   procureur estimé de Sarajevo une invitation pour déposer sur la question

 11   des événements horribles," vous continuez, "événements horribles,

 12   principalement des crimes de guerre, pour lesquels je pourrais prouver être

 13   un témoin-clé. Il s'agit d'événements très extrêmes, et je ne tiens pas à

 14   entrer dans les détails de ces événements dans la présente demande."

 15   Ensuite, vous demandez au procureur de vous inviter de toute urgence à

 16   Sarajevo pour pouvoir citer les informations exactes qui sont d'importance

 17   pour l'Etat ainsi que pour le bureau du Procureur à La Haye. Vous dites

 18   ensuite : "Je suis témoin et victime de génocide et de destruction en masse

 19   de la population qui est morte lors d'événements horribles pendant la

 20   période couvrant 1993 à 1995.

 21   "Messieurs, je connais les dates exactes et les auteurs de ces crimes

 22   graves commis contre la population civile innocente." Et puis, la lettre

 23   continue et nous arrivons au passage que le Dr Karadzic a lu hier.

 24   Est-il exact, Monsieur, que vous vouliez absolument obtenir un entretien

 25   avec le parquet ?

 26   R.  Oui, je le voulais, et je l'ai dit dans ma déclaration également. C'est

 27   ce que je voulais. Et là, vous avez la lettre que j'ai rédigée lorsque

 28   Bajro Kulovac est venu me rendre visite pour la première fois, lorsque j'ai


Page 44844

  1   été menacé et lorsque j'ai commencé à parler de ce qu'il s'était passé et

  2   de ce que Naser avait fait. Ensuite, il m'a emmené dans la salle de bain et

  3   m'a dit que je ne devais pas parler ni de Naser, ni de Zulfo Tursun. Et

  4   c'est à ce moment-là que mes problèmes ont empiré. C'était ma première

  5   rencontre avec Bajro Kulovac. Et puis, la deuxième fois que je l'ai

  6   rencontré, c'était en 2010.

  7   Q.  Alors, je voudrais éclaircir quelque chose. Je suis un petit peu

  8   perdue. Vous dites que lorsque Bajro Kulovac vous a rendu visite pour la

  9   première fois, c'est pendant que vous étiez en prison et que vous avez été

 10   menacé, et qu'il vous a emmené dans la salle de bain ?

 11   R.  Oui. Oui. Et le policier de garde le savait. Ensuite, la prison où je

 12   me trouvais, la Republika Srpska, et vous pouvez voir l'adresse de cette

 13   dernière, toute la prison s'est mobilisée pour me défendre parce que les

 14   gens savaient ce qui m'était arrivé. Je ne voulais pas obéir à ce Bajro

 15   Kulovac. Je voulais passer à la télévision et dire publiquement ce que

 16   faisait Bajro Kulovac et le parquet de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

 17   Et à cette époque-là, on m'a empêché de dire ce que Naser Oric et les

 18   autres commandants avaient fait. Et depuis lors, ma vie est menacée. Je ne

 19   sais pas si vous me permettez de donner le nom de la personne qui a été

 20   condamnée pour crimes de guerre et condamnée à 16 ans de prison. L'autre

 21   personne a été condamnée à 30 ans. Aucun d'entre eux n'était là, et on

 22   allait me liquider à cause de ces documents. Toute l'administration de la

 23   prison savait qui était prêt à me tuer, et si on ne m'avait pas défendu, on

 24   m'aurait tué et je ne serais pas en mesure de déposer ici aujourd'hui. Je

 25   peux vous donner le nom de ces personnes qui m'ont sauvé. Cela ne me pose

 26   pas de problème. Mais voilà le message que --

 27   Q.  Alors, l'histoire que vous êtes en train de nous raconter maintenant, à

 28   savoir que vous avez été harcelé, semble-t-il, pendant un entretien qui a


Page 44845

  1   été mené en prison - c'est bien cela ? - c'est bien cela que vous êtes en

  2   train de nous raconter aujourd'hui, oui ?

  3   R.  Madame, lorsque les représentants du bureau du procureur sont arrivés

  4   pour me parler, lorsque j'ai commencé à raconter mon histoire, à dire ce

  5   qu'il s'était passé, Bajro Kulovac, le procureur qui travaillait pour le

  6   parquet de Bosnie-Herzégovine, m'a emmené dans le couloir, je lui ai

  7   demandé d'aller aux toilettes et un policier qui était de garde à la prison

  8   se trouvait derrière nous et il m'a dit : Ne me racontez rien sur Naser,

  9   Zulfo et les autres. Et depuis lors, Madame, j'ai eu des problèmes. Lorsque

 10   nous avons terminé cette conversation, il s'est rendu à Sarajevo. Un

 11   message a été envoyé à la prison où je me trouvais disant que je ne devais

 12   pas sortir de cette prison vivant parce que des Musulmans là-bas avaient

 13   été condamnés à 20 ans, dix ans de prison. Je ne sais pas si on leur avait

 14   versé des pots-de-vin pour faire quoi que ce soit, mais de l'extérieur on

 15   avait transmis à la prison qu'il fallait me tuer.

 16   L'un des prisonniers a entendu cela, a informé l'administration de la

 17   prison de ce qu'il allait m'arriver lorsqu'on m'a emmené déjeuner et la

 18   police nous attendait pour le déjeuner. L'un des prisonniers était face à

 19   moi, (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé) J'étais censé aller

 28   au bureau du procureur à Sarajevo et j'étais censé déposer sur les


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  1   personnes de Skelani, mais personne n'a voulu m'inviter en tant que témoin.

  2   Ils pensaient que j'allais mentir. Et il leur a raconté l'histoire de ma

  3   vie et pas de sa vie. Il a menti.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez interrompu les interprètes,

  5   Monsieur Karadzic. Que voulez-vous ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ligne 5, ou du moins à la fin de la ligne 5, il

  7   faudrait expurger cette partie-là.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons étudier cela.

  9   Mme PACK : [interprétation]

 10   Q.  Personne n'a voulu vous inviter à déposer ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Alors, est-ce que vous pourriez éclaircir cela, cette rencontre ? En

 13   fait, vous avez fait une très longue déclaration aux enquêteurs du SIPA qui

 14   étaient venus vous voir en prison en mai 2008. Est-ce que vous vous en

 15   souvenez ?

 16   R.  Oui. Si vous parlez de l'arrivée de Bajro Kulovac, oui, je m'en

 17   souviens.

 18   Q.  Oui. Et vous avez signé -- mais peut-être que vous ne vous en souvenez

 19   pas. Nous pouvons afficher le document. Vous avez signé chaque page de

 20   cette déclaration et vous l'avez également signée en fin de document. Vous

 21   vous souvenez de cela ?

 22   R.  Oui, je m'en souviens. Mais, Madame, on ne m'a jamais invité à déposer.

 23   Pourquoi ? Eh bien, parce qu'on ne voulait pas que je me rende à Sarajevo.

 24   Il était beaucoup plus facile de condamner quelqu'un sur la base de preuves

 25   falsifiées. Après avoir fait ma déclaration, lorsque Bajro Kulovac est

 26   retourné à Sarajevo et lorsque Naser et tous les autres ont appris ce qui

 27   allait arriver, depuis lors, ma vie est en danger. Je n'ai pas peur de

 28   cette déclaration. Je n'ai pas peur de vous la montrer ou de la montrer à


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  1   Dieu. Vous pouvez la montrer à qui vous voulez. Vous pouvez la montrer au

  2   monde entier. Je pense qu'il y a trois ou quatre CD qui reprennent cette

  3   déclaration.

  4   Q.  Oui, mais je voudrais que l'on éclaircisse les choses. Cette

  5   déclaration que vous avez donnée, les pages que vous avez signées, je parle

  6   de cette déclaration-là, est-ce que cette déclaration a été faite avant ou

  7   après que Bajro Kulovac vous emmène aux toilettes, comme vous l'avez décrit

  8   il y a quelques instants ? Je voudrais juste éclaircir ce point-là.

  9   R.  Avant, avant.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Montrez le document au témoin pour qu'il n'y

 11   ait pas de confusion, s'il vous plaît.

 12   Mme PACK : [interprétation] J'y viens.

 13   Q.  Avant de regarder votre déclaration, je voudrais vous poser une

 14   question et revenir sur quelque chose que vous avez mentionné ce matin ou

 15   hier. Et je vais prendre des pincettes, car je sais que vous êtes très

 16   émotif à ce sujet. Il s'agit de l'année 1992 à Bratunac. Hier, à la page du

 17   compte rendu T-44745, vous nous avez dit que votre mère et que votre fils

 18   sont restés lorsque vous êtes parti, lorsque l'on vous a emmené pour vous

 19   détenir à l'endroit que vous avez décrit à Bratunac lorsqu'on vous a emmené

 20   au stade. Est-il exact qu'après que l'on vous ait emmené au stade, vous

 21   n'avez plus jamais revu votre fils ni votre mère, après ce moment-là en

 22   1992 ?

 23   R.  Madame, je peux répondre ? Je vais répondre. Lorsque l'on m'a fait

 24   sortir de la cave de ma maison avec quatre ou cinq autres personnes, ma

 25   mère et mon fils sont restés dans la maison au premier étage. Nous, on nous

 26   a fait sortir de la cave et on nous a emmenés au portail. Est-ce que vous

 27   voulez les noms de ces personnes ?

 28   Q.  Non, nous n'avons pas besoin des noms.


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  1   R.  On nous a emmenés vers le portail. C'est à ce moment-là que ma mère est

  2   sortie de la maison, et elle portait dans ses bras mon premier fils.

  3   J'étais le dernier dans la colonne. On nous a emmenés au terrain de

  4   football. Je n'ai pas pu voir qui a ouvert le feu, je n'ai pas eu le temps

  5   de me retourner, mais il y avait deux hommes. Je n'ai pas pu voir qui les a

  6   tués. Lorsque je me suis retourné, je les ai seulement vus tomber.

  7   S'agissant de ma mère et de mon fils, un autre parquet enquêtera à ce

  8   sujet, parce que je constate que vous ne voulez pas entendre le nom de ces

  9   personnes. On les a retrouvés l'an dernier, on les a exhumés et ensuite

 10   réenterrés. Vous pouvez aller à Bratunac pour voir cela de vos yeux. Et ne

 11   me posez pas de questions sur ma famille, sur mes parents. Vous avez les

 12   documents. Pourquoi n'êtes-vous pas venu me chercher avant ? Pourquoi ne

 13   m'avez-vous pas demandé qui était cet homme ? Où est-il ? Pourquoi n'êtes-

 14   vous pas venus me chercher, vous et les gens de ce Tribunal ? Lorsque vous

 15   avez retrouvé ces documents à Sarajevo, pourquoi ne m'avez-vous pas dit :

 16   Nous avons besoin de parler à cet homme ? Voyons où il est. Ensuite, on m'a

 17   accusé de certaines choses, j'ai été condamné pour le meurtre d'un

 18   Musulman; mais tout ça, c'était politique. Bosko Djukic et Naser ont fait

 19   cela pour s'assurer que je ne sorte pas de prison vivant. Emmenez-les ici.

 20   Je veux les voir les yeux dans les yeux. Je veux voir tous les documents.

 21   Je veux dire aux Juges présents ici que tous les documents que vous allez

 22   me montrer aujourd'hui sont là, je veux les commenter, moi, aucun problème.

 23   Je peux rester ici toute la journée si vous voulez, même tout le mois, le

 24   mois entier. Montrez-moi ces documents. Je veux voir les personnes qui ont

 25   rédigé ces documents dans les yeux. Je veux qu'ils viennent ici comme vous

 26   qui êtes assis dans ce prétoire aujourd'hui. Je veux les regarder dans les

 27   yeux.

 28   Mme PACK : [interprétation] Revenons au document 25520 de la liste 65 ter,


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  1   s'il vous plaît.

  2   Q.  Il s'agit du dossier d'entretien du témoin, la consignation de votre

  3   entretien avec le SIPA.

  4   Mme PACK : [interprétation] Je demande que ce document ne soit pas diffusé,

  5   s'il vous plaît.

  6   Q.  Je vais vous donner lecture du contenu de la première page en attendant

  7   qu'il s'affiche. Le titre nous dit : Dossier d'entretien avec un témoin,

  8   daté du 16 mai 2008. Vous avez été interrogé par deux enquêteurs du SIPA -

  9   vous voyez à présent le document à l'écran - Bajro Kulovac et Zarko Kalem.

 10   Les noms sont repris sur la première page. Est-ce que vous voyez cela,

 11   Monsieur ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Avançons de quelques pages à présent pour voir de quoi ce document

 14   parle -- mais avant de passer aux autres pages, j'aimerais que vous nous

 15   confirmiez que c'est bien votre signature sur cette page-ci, la première

 16   page ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et vous vous souvenez avoir signé toutes les pages de ce document et

 19   que l'on vous ait mis en garde --

 20   R.  Je viens de vous dire que j'ai signé tout cela, oui. S'agissant de

 21   Zarko Kalem, l'enquêteur du SIPA, je voudrais savoir s'il est gros. Si

 22   c'est un homme gros, alors il faut lui demander de venir ici, quand vous

 23   voulez, je serai là et je l'écouterai vous raconter ce qu'il nous est

 24   arrivé. J'invite personnellement cet homme, Zarko Kalem, à venir ici et à

 25   vous raconter ce qu'il s'est passé et comment j'ai fait en sorte d'échapper

 26   au destin qui m'attendait. Déjà, dans ces toilettes, j'ai réussi à sauver

 27   ma peau. Et il peut vous raconter cela.

 28   Q.  Donc c'est ce Zarko Kalem qui était dans les toilettes avec vous, pour


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  1   revenir à l'histoire que vous nous avez racontée tout à l'heure ? Alors, je

  2   parle du mois de mai 2008 lorsqu'il vous a interrogé. C'est bien lui ?

  3   R.  Madame, Bajro Kulovac était avec moi dans les toilettes. Et si cet

  4   homme, Zarko Kalem, est gros, il est au courant du fait que lorsque je suis

  5   revenu des toilettes, j'ai commencé à crier, à hurler, et il sait ce que

  6   l'officier de police lui a dit lorsque je suis sorti des toilettes. Et

  7   j'invite cet homme à venir vous raconter cela. S'agissant du policier qui

  8   m'a escorté, il est reparti. Et lorsque j'ai dit à ce type, Zarko, et au

  9   procureur qui était là et au commis qui était en train d'enregistrer sur un

 10   CD-ROM tous mes propos, que je ne voulais plus leur parler de ma vie, eh

 11   bien, le gros, Zarko Kalem, l'enquêteur, a dit qu'il allait rédiger une

 12   plainte sur le comportement de son collègue vis-à-vis de moi. Donc,

 13   invitez-le, je l'invite également, et je demande également que l'on invite

 14   l'officier de police, le sergent, pour témoigner. Et je ne veux pas

 15   discuter de ce document du tout. Ce document aurait dû être traité à

 16   Sarajevo. J'aurais dû être invité en qualité de témoin au lieu d'être

 17   menacé de meurtre, au lieu de traîner un innocent devant un tribunal. Et en

 18   2010, à cause de tout cela, j'ai été roué de coups. Je ne voulais pas me

 19   taire. J'ai donné une déclaration à cet effet.

 20   Q.  Reconcentrons-nous, parlons de ce moment-là. Vous avez donné cette

 21   longue déclaration, vous la signez à un moment -- ou, en tout cas, vous

 22   donnez la déclaration, il y a un long entretien, vous allez (expurgé)

 23   (expurgé)

 24   R.  Oui, oui, à la prison, en présence du sergent de police. Et lorsque

 25   j'étais censé témoigner, personne ne m'a appelé parce qu'on s'est rendu

 26   compte que je donnerais tous les détails. Et si vous pensez que je suis un

 27   psychopathe ou si je suis dérangé mentalement, je vous invite à me

 28   soumettre à un détecteur de mensonges et à me montrer des documents parce


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  1   que cela fait trois ans que je passe par tout cela, et avant --

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   R.  Ne me faites pas passer pour un imbécile. Je suis en train de vous dire

  4   que tout cela a été monté de toutes pièces. C'est Kulovac, Alagic et les

  5   autres. L'autre, c'est quoi son nom déjà ? Izetbegovic, oui. Bakir. Ma vie

  6   est en jeu, Madame. J'ai été menacé parce que j'avais parlé de toutes ces

  7   histoires-là du journal. J'ai été menacé d'être liquidé. On m'a menacé et

  8   on m'a dit que je ne sortirais jamais vivant de prison. Des gens sont venus

  9   me voir du SIPA, on est venu me chercher pour que je ne vienne pas déposer

 10   ici. On m'a appelé au téléphone et on m'a menacé, c'est Damir qui l'a fait.

 11   Il m'a dit que l'on me recherchait pour aller à La Haye et -- je ne veux

 12   pas en parler. J'en parlerai seulement lorsque je verrai Bajro Kulovac et

 13   les autres. J'ai dû signer ce papier, c'est ce que je veux vous dire, le

 14   papier dont je vous ai parlé, parce qu'on m'a forcé à le signer au SIPA. Ce

 15   papier disait que je n'étais jamais à Srebrenica. Je ne veux pas parler de

 16   cela. Lorsque je verrai ces gens ici, à ce moment-là, face à face, les yeux

 17   dans les yeux, je parlerai. Je ne veux pas discuter de ces documents avant

 18   d'avoir vu ces personnes ici devant ce Tribunal international, le Tribunal

 19   le plus connu dans le monde pour la quête de la vérité. Tout ce qu'ils

 20   veulent, c'est se faire de l'argent. C'est tout ce qui les  intéresse. Ils

 21   se battent pour avoir des voix. Et mon peuple meurt de faim et a crié

 22   famine pendant la guerre. Mon peuple a encore plus peur. Les Musulmans, les

 23   Croates et les Serbes ont encore plus peur aujourd'hui que pendant la

 24   guerre. Et moi, je parle au nom de tout le monde. Je veux que cette Chambre

 25   de première instance convoque toutes ces personnes, Damir Alagic, Kulovac.

 26   On m'a parlé en 2010 au téléphone. On m'a dit me taire --

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   R.  Je vous dis que je ne veux pas être menacé. Ma vie est en danger; ce


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  1   n'est pas la vôtre.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, Mme Pack n'a jamais voulu vous

  3   menacer de quoi que ce soit. Veuillez écouter la question, s'il vous plaît.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit qu'elle m'avait menacé. J'ai

  5   dit que j'étais menacé à cause des documents qu'elle m'a montrés.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. Le compte rendu comporte une erreur. Le

  7   témoin n'a pas dit que le Procureur était en train de le menacer. Il a dit

  8   qu'il avait été menacé à cause de ces documents.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à cause de ces documents, ma vie est en

 10   jeu aujourd'hui, elle est en danger, et vous me montrez ces documents qui

 11   datent de 2008-2009. Pourquoi ne m'avez-vous pas demandé de venir lorsque

 12   ces documents ont été rédigés ? Pourquoi n'avez-vous pas recherché ces

 13   personnes qui ont pris cette déclaration ? Pourquoi ne m'avez-vous pas

 14   demandé de venir ici ? Je voulais vous regarder en face à l'époque et vous

 15   dire tout ce que je suis en train de vous dire aujourd'hui.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous arrête, Monsieur le Témoin. Je

 17   dois vous arrêter.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne veux plus vous parler. Je voudrais de

 19   l'eau, s'il vous plaît.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Pack, continuez, s'il vous plaît.

 21   Mme PACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Monsieur, je pense qu'il est difficile d'être pris la main dans le sac,

 23   n'est-ce pas ? C'est difficile, dans ce cas-là, de ne pas perdre son sang-

 24   froid.

 25   R.  Personne ne m'a pris la main dans le sac ici, Madame. Je n'ai pas

 26   menti, je n'ai pas peur de vous et je n'ai pas peur de ce Tribunal, et je

 27   dis la vérité. Je crois que c'est difficile pour vous, parce que vous ne

 28   pouvez pas faire venir Kulovac et les gens de Zarko devant ce Tribunal pour


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  1   vous dire ce qui s'est vraiment passé. Et je peux vous faire amener ici

  2   toute l'administration actuelle et le sergent de police qui était de garde

  3   à ce moment-là et deux personnes supplémentaires pour déposer et dire ce

  4   que l'on m'a dit lorsque j'étais en prison et attester des menaces que j'ai

  5   reçues. J'ai cinq témoins à vous présenter qui vont vous confirmer ce que

  6   l'on m'a fait. Je ne suis pas venu ici, Madame, pour mentir. Ça, c'est une

  7   première chose. Je n'ai pas peur de cela. Je vous dis la vérité. Lorsque

  8   j'ai été interrogé et lorsque je me suis rendu sur le terrain, j'ai tout

  9   réussi, j'ai réussi le détecteur de mensonges et j'ai réussi tout ce que

 10   l'on m'a demandé de faire, et j'ai commenté tous les documents qui ont été

 11   présentés.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   R.  Tout ce que Sarajevo écrit, ça ne m'intéresse pas. Je veux voir ces

 14   gens de Sarajevo ici même. Ce que Bajro Kulovac, ce que Damir Alagic ont

 15   écrit, ce que Bakir Izetbegovic a dit, eh bien, ce n'est que lorsque je les

 16   verrai ici dans ce prétoire que je pourrai déposer et vous dire ce qu'ils

 17   ont fait de ma vie. Et jusqu'à ce moment-là, je ne parlerai pas de cela.

 18   Q.  Alors, je pense que nous pourrions avancer plus rapidement si vos

 19   réponses étaient plus brèves. Je voudrais vous poser à présent la question

 20   suivante : ce que vous avez décrit dans les toilettes de la prison, juste

 21   après votre entretien et juste après avoir signé cette déclaration, pour

 22   vous, que s'est-il passé à ce moment-là ? Dites-nous ce qu'il s'est passé ?

 23   Et ne nous parlez pas d'autre chose, s'il vous plaît.

 24   R.  Madame, ce qu'il s'est passé, c'est que je ne devais pas parler de

 25   Kravica ni de Srebrenica du tout par crainte de Bajro Kulovac. C'est Bajro

 26   Kulovac qui me l'a dit en présence du sergent de police, et lorsque je suis

 27   retourné dans la pièce avec le sergent de police, ce Zarko Kalem, son nom

 28   est écrit là, à ce moment-là, je criais, je hurlais, je disais : Pourquoi


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  1   est-ce que vous me menacez, et cetera. Et à ce moment-là, je suis parti du

  2   bureau. Ensuite, cet incident a atteint le ministre adjoint de Republika

  3   Srpska, qui a été attaqué parce que Bajro Kulovac et Damir Alagic lui ont

  4   dit que j'étais fou. Ils lui ont montré un programme de 60 minutes à la

  5   télévision BHTV. Damir Alagic apparaissait dans ce programme télévisé et il

  6   disait que j'étais fou, que je ne savais pas ce dont je parlais, et cetera.

  7   Voilà pourquoi je ne veux pas parler de documents de Sarajevo jusqu'à ce

  8   que je sois en mesure de confronter ces personnes.

  9   Q.  Lorsque vous avez été roué de coups par l'enquêteur, est-ce que vous

 10   étiez dans les toilettes ?

 11   R.  Non. Dans les toilettes, on ne m'a dit que cela. Et c'était en 2010 que

 12   cet homme m'a roué de coups.

 13   Q.  Vous êtes en train de nous raconter des histoires, Monsieur, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  Eh bien, si ce sont des histoires, faites venir tous ces gens et puis

 16   nous verrons ce qu'il en est. Confrontez-moi à eux.

 17   Q.  Voyons ce que vous avez dit aux enquêteurs lorsque vous avez été

 18   interrogé en détail. Paragraphe 5 de la déclaration, qu'il ne faut pas

 19   diffuser. Nous allons passer à la page 2 de l'anglais, page 4 en B/C/S.

 20   Dans ces paragraphes, vous décrivez la mort tragique de votre fils. Mais

 21   cela diffère de ce que vous avez déclaré aux Juges aujourd'hui, n'est-ce

 22   pas ?

 23   M. ROBINSON : [interprétation] C'est la page 5 en anglais.

 24   Mme PACK : [interprétation] En fait, c'est la pagination dans le prétoire

 25   électronique. C'est donc la page numéro 5 dans le prétoire électronique. En

 26   B/C/S, c'est la page 4, comme je l'ai déjà annoncé.

 27   Q.  Bon, je ne vais pas donner lecture des noms. Je cite : "Ma mère est

 28   sortie de la maison, elle portait mon fils de mon premier mariage. Alors


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  1   qu'elle descendait l'escalier, elle était sur la deuxième marche, le tenant

  2   dans ses bras, j'ai vu," et je ne vais pas donner le nom de cette personne,

  3   "en train de s'approcher de ma mère et placer le canon d'un fusil contre la

  4   tête de mon fils. Il a tiré, si bien qu'il a tué aussi bien ma mère que mon

  5   fils d'une seule balle. L'enfant est tombé de ses bras à cause de l'impact

  6   de la balle, et cette balle a touché ma mère la poitrine, ce qui l'a fait

  7   dégringoler les marches de l'escalier. A part moi, mon père et quelqu'un

  8   d'autre, ainsi qu'une femme, étaient en train d'observer la même chose."

  9   Alors, vous décrivez cet événement en détail et vous dites que votre père

 10   était également témoin de la façon dont votre fils a été tué. Alors, est-ce

 11   que vous avez dit la vérité à cette occasion ?

 12   R.  Madame, mon père n'a pas été témoin de ceci. Premièrement, il ne

 13   pouvait pas voir ceci. Deuxièmement, il ne pouvait pas voir ça.

 14   Troisièmement, je t'ai dit déjà tout à l'heure qu'on ne pouvait pas voir

 15   quelle arme c'était. Et là, ce que vous dites -- enfin, vous n'avez pas

 16   donné son nom, mais vous l'avez dans ma déposition d'hier et d'aujourd'hui.

 17   Il était présent sur place et c'est lui qui connaît le mieux le cas du

 18   meurtre de ma mère. Et après tant d'années, ce qui s'est passé, c'est qu'il

 19   y a eu un accord avec cet homme parce qu'il a sauvé ma vie une fois, et moi

 20   je lui ai sauvé la sienne, et donc, nous étions quittes. Parce que c'est ce

 21   qui se passe lorsque quelqu'un vous sauve la vie.

 22   Et vous avez ici le prénom et le nom de quelqu'un qui vit en

 23   Hollande. Faites-le venir en même temps que moi. Si vous voulez dire son

 24   nom, c'est un homme qui vit en Hollande depuis je ne sais pas combien

 25   d'années. Il est venu avec moi de Visoko, donc faites-le venir et puis

 26   prenez sa déclaration. Muhamed Ahmetovic.

 27   Q.  Donc vous dites maintenant que votre père n'a pas été témoin de ces

 28   événements. Mais à ce détail près, ceci est donc votre récit de la mort


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  1   tragique de votre fils, n'est-ce pas ?

  2   R.  Madame, pour mon père, je ne sais pas s'il s'est jamais trouvé présent

  3   là-bas. Mais moi, je sais que j'étais chez lui pendant un mois et demi,

  4   deux mois ou trois mois. Je sais qu'il m'a raconté que quelqu'un venait

  5   chez lui, dans sa maison, et que moi je ne devais absolument pas parler de

  6   tout ça. Et après, il y a eu un problème encore plus grand qui est apparu,

  7   parce que moi je n'étais pas content qu'il ne veuille pas que je parle de

  8   tout ça. Il racontait que nous n'étions pas très liés. Par rapport à la

  9   mort de ma mère, il disait qu'il ne savait pas exactement ce qui s'était

 10   passé. Il ne voulait pas dire la vérité, il ne voulait pas parler des

 11   choses comme elles s'étaient passées. Il disait : Je ne sais pas ce qui

 12   s'est passé. Mais comme témoin, j'ai une femme qui était assise là, et j'en

 13   ai parlé avec lui. Alors, je ne sais pas quel type d'accord il avait passé

 14   avec Bajro Kulovac, mais j'ai d'autres témoins. Mais vous pensez qu'il se

 15   soucie de savoir si je suis en vie ou pas. Il est venu à Sarajevo, il a

 16   ramassé toutes ses affaires. Il m'a dit : Tu ne peux pas rester ici,

 17   débrouille-toi. Il avait fait passer la propriété de tous ses biens, de

 18   toutes ses terres à son nom.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une remarque pour le compte rendu.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame, est-ce que vous pourriez reposer

 21   votre question, s'il vous plaît.

 22   Mme PACK : [interprétation]

 23   Q.  Votre père --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne parlez pas du père. Monsieur le

 25   Témoin, le Procureur vous a posé une question au sujet de la mort de votre

 26   fils. Est-ce que ce que l'on peut lire dans votre déclaration est exact ?

 27   C'était la question du Procureur.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, écoutez-moi bien maintenant,


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  1   écoutez ce que je vais vous dire. Dans la déposition que j'ai faite hier,

  2   vous pouvez trouver -- alors, je ne sais pas si je peux dire le prénom et

  3   le nom de ce gars ? Lorsqu'il m'a appelé et il m'a dit que j'allais rester

  4   en vie, qu'on allait se voir et qu'on allait boire un verre, c'était son

  5   frère. Voilà, son frère cadet. Mais ici, il s'agit du plus âgé des deux

  6   frères. Et nous, on avait un accord, donc, c'était que j'allais rester en

  7   vie, et que moi je n'allais rien faire pour que cet homme soit arrêté, et

  8   je ne veux pas qu'on cherche à l'arrêter. Alors, si moi je peux lui

  9   pardonner après tout ce que j'ai traversé, moi je ne veux pas qu'on discute

 10   de ça et de ma mère et de mon fils, mais je veux que tu appelles, que tu

 11   fasses venir ce Muhamed Ahmetovic, qui vit en Hollande, ici.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a un problème avec le compte rendu.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez dit quelque

 14   chose ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a un problème avec le compte rendu. Il y a

 16   toute une phrase qui manque. Page 61, lignes 15 et 16, le témoin a dit que

 17   son père ne voulait pas dire la vérité. Ce n'est pas consigné.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les interprètes nous font remarquer que

 20   c'est consigné quelques lignes plus haut, ligne 16. En effet.

 21   Madame Pack, veuillez poursuivre.

 22   Mme PACK : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur le Témoin, je ne comprends pas très bien. Enfin, je ne suis

 24   pas sûre que vous ayez répondu à ma question. Le récit que vous avez fait

 25   dans votre déclaration, un récit très détaillé des circonstances de la mort

 26   de votre fils que vous avez vue de vos propres yeux, est-ce que vous nous

 27   dites que ce récit est véridique ?

 28   R.  Madame, vous avez vraiment décidé de me faire passer pour un imbécile.


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  1   Q.  Monsieur le Témoin, je vous demande simplement de répondre à la

  2   question, c'est tout.

  3   R.  Je ne veux pas discuter de ceci. J'ai laissé cet homme en liberté. Il

  4   m'a laissé vivre et je l'ai laissé vivre, et c'est la fin de l'histoire. Je

  5   ne veux plus parler de ça. Et ne me force pas à ça et ne me fais pas passer

  6   pour un idiot. J'ai dit : Tous ces papiers pour cette déclaration, qui est

  7   votre déclaration, très bien, mais moi je ne veux pas juger cet homme. Moi,

  8   quand j'ai dit la vérité, vous deviez venir sur place et vous deviez me

  9   faire venir. Moi, quand j'ai raconté la vérité, on m'a menacé, mais tout

 10   ça, vous vous en fichez. Vous n'avez jamais reçu ce document. Mais pourquoi

 11   vous ne me l'avez pas demandé, Madame ?

 12   Q.  Monsieur le Témoin, Monsieur le Témoin --

 13   R.  Mais je ne peux pas t'écouter. Tu essaies de me faire passer pour un je

 14   ne sais pas qui. Qu'on fasse installer un détecteur de mensonges ou qu'on

 15   me donne une pause pour que je puisse fumer une cigarette, mais je ne peux

 16   pas continuer comme ça. Partout ailleurs au monde, on a le droit de se

 17   reposer pendant quelques instants. Ici, vous ne vous arrêtez pas de

 18   revenir, de vous acharner sur moi.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, vous ne répondez pas la question parce que vous

 20   avez menti sur les circonstances de votre propre fils.

 21   R.  J'ai répondu à ta question hier aussi. Je n'ai pas menti, Madame, sur

 22   la mort de mon fils. Simplement, je n'ai pas voulu mentionner le nom de cet

 23   homme. C'est le problème et rien d'autre. Je te l'ai dit tout à l'heure que

 24   je ne voulais pas donner le nom de cet homme. Et je demande une pause parce

 25   que je veux fumer une cigarette. Je ne suis pas venu ici pour faire la

 26   grève du tabac, j'ai assez fait de grève de la faim dans ma vie. Et moi, je

 27   t'ai demandé de refaire afficher la liste à l'ordinateur, et j'ai répondu.

 28   Je suis parti, j'ai entendu un tir, mais je n'ai pas vu le "man" qui a


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  1   tiré. Je ne veux pas donner le nom de cet homme, je ne veux pas le donner.

  2   Ici, il est écrit que je l'ai vu, mais je ne veux pas, je ne voulais pas

  3   donner le nom de cet homme qui a tiré. Je demande une pause, Messieurs les

  4   Juges, si vous êtes d'accord, mais si vous ne voulez pas, eh bien, je vais

  5   me lever tout seul et je vais faire une pause parce que je n'en peux plus.

  6   J'appelle ce Muhamed Ahmetovic comme témoin parce qu'il était là, et --

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous arrête, Monsieur le Témoin. Si

  8   vous avez d'autres questions, Madame Pack, nous allons peut-être faire une

  9   pause.

 10   Mme PACK : [interprétation] J'en ai encore quelques-unes. Je n'aurais pas

 11   besoin de beaucoup de temps.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Combien de temps ?

 13   Mme PACK : [interprétation] Peut-être 15 à 20 minutes.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons donc faire une pause et nous

 15   reprendrons à 12 heures 45 [comme interprété].

 16   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 29.

 17   --- L'audience est reprise à 13 heures 18.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons.

 19   Mme PACK : [interpréta] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Après votre sortie de prison, vous vous êtes rendu dans les bureaux de

 21   l'Agence d'Etat chargée des enquêtes et de la protection, le SIPA. Vous y

 22   êtes allé le 16 mars 2010, n'est-ce pas ?

 23   R.  Madame le Procureur, tu dois de me demander comment je suis arrivé

 24   jusqu'au SIPA en 2010. Je n'y suis pas allé de mon plein gré en 2010.

 25   Mme PACK : [interprétation] Je voudrais afficher à l'écran un procès-verbal

 26   officiel, le numéro 25500 de la liste 65 ter. Il convient de ne pas le

 27   diffuser à l'extérieur.

 28   Q.  C'est donc un procès-verbal officiel d'entretien conduit avec vous le


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  1   16 mars 2010, il s'agit d'un procès-verbal officiel du SIPA. Et je vais en

  2   donner lecture en faisant attention à ne pas vous identifier, si c'est ce

  3   qui préoccupe Me Robinson. C'est pourquoi j'annonce ceci. J'indique que le

  4   premier paragraphe nous dit que vous êtes venu volontairement auprès du

  5   SIPA, l'adresse est fournie, à la date du 16 mars 2010. Je cite : "Il était

  6   accompagné d'Alagic Damir, avocat dont les bureaux se trouvent," et cetera.

  7   Alors, Damir Alagic est ou, plutôt, était votre avocat, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, et il a détruit ma vie.

  9   Q.  C'est ce que vous avez affirmé aujourd'hui et dans votre déclaration

 10   déjà. Vous avez dit qu'il vous avait frappé et qu'il vous avait battu en

 11   compagnie de l'enquêteur qui vous avait interrogé en 2008. Nous l'avons

 12   déjà entendu. Mais poursuivons. Je cite : "Le témoin a dit que la raison

 13   pour laquelle il voulait parler avec des membres du SIPA avait trait au

 14   fait qu'il avait été recruté par Goran Petronijevic en tant que témoin à

 15   décharge pour déposer pour le compte de l'accusé Radovan Karadzic devant le

 16   Tribunal de La Haye, juste après sa libération de la maison correctionnelle

 17   de Foca le 12 mars 2010. Le témoin s'est vu donner pour instruction ce

 18   qu'il fallait qu'il déclare dans sa déposition et comment faire cette

 19   déclaration sous forme écrite." Alors, c'est ce que vous avez affirmé au

 20   SIPA le 16 mars 2010, n'est-ce pas ?

 21   R.  Non, Madame.

 22   Q.  Alors, voyons comment cela se développe. Nous allons sauter le

 23   paragraphe suivant et nous allons passer au dernier paragraphe apparaissant

 24   sur cette page en anglais, même page en B/C/S, sauf que le paragraphe y

 25   figure dans son intégralité. Il est question d'une discussion qui a eu lieu

 26   dans le bureau du directeur. Un officier vous a dit que certaines personnes

 27   qui étaient arrivées souhaitaient parler avec vous. Elle a dit au témoin

 28   qu'elle avait une autorisation écrite qui permettait à ces personnes de


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  1   parler avec lui et --

  2   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande une référence à l'emplacement

  3   dans le texte en B/C/S de ce que Mme Pack est en train de lire à haute

  4   voix.

  5   Mme PACK : [interprétation] Mes excusez aux interprètes. C'est le quatrième

  6   paragraphe de la page affichée à l'écran. J'ai juste un peu paraphrasé,

  7   mais je vais maintenant donner une lecture verbatim.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quatrième paragraphe ?

  9   Mme PACK : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le quatrième paragraphe parle de la date

 11   du 12 mars 2010, et je ne vois pas une telle date dans le quatrième

 12   paragraphe en anglais.

 13   Mme PACK : [interprétation] C'est le cinquième en anglais.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 15   Mme PACK : [interprétation] Oui. J'ai paraphrasé un peu. Et je voudrais

 16   qu'on passe à la page suivante, la page 2 en anglais, en gardant

 17   l'affichage de la même page en B/C/S. C'est le quatrième paragraphe en

 18   B/C/S sur la première page. Je poursuis la citation : "C'est alors que

 19   Goran Petronijevic est venu lui rendre visite, accompagné d'une autre

 20   personne que le témoin ne connaissait pas. A cette occasion, Goran est

 21   censé avoir dit au témoin que celui-ci allait être libéré et qu'il

 22   s'assurerait que le témoin serait protégé des menaces en provenance des

 23   Bosniaques, que Goran changerait le nom du témoin et qu'il lui donnerait

 24   des papiers à un autre nom et qu'il partirait d'abord en Serbie et puis

 25   qu'après sa déposition, il retournerait dans un pays tiers," et je n'en

 26   donnerai pas le nom, "d'où il avait été extradé et où sa femme et sa fille

 27   vivaient. Ils lui ont parlé" --

 28   R.  Je n'ai pas de fille, Madame.


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  1   Q.  Est-ce là le seul point sur lequel vous êtes en désaccord ? Le reste

  2   est exact ?

  3   R.  Non, ce n'est pas exact.

  4   Q.  Poursuivons, dans ce cas.

  5   R.  Mais continuez. Allez-y, dites-moi quelle est la suite.

  6   Q.  Je cite : "Ils se sont entretenus avec lui de 11 heures du matin à 19

  7   heures 30. L'entretien est censé avoir été enregistré sur bande audio. Ils

  8   ont déclaré qu'il avait été présent à Srebrenica pendant toute la période

  9   et qu'il devrait parler des événements de Srebrenica, notamment des

 10   événements qui ont suivi la chute de Srebrenica. Ils lui ont dit qu'ils

 11   avaient besoin de sa pleine et entière coopération." Paragraphe suivant :

 12   "Le témoin a été libéré de prison le 12 mars 2010 et a été accueilli par

 13   trois personnes sur le parking en face de la grille d'entrée. Ces personnes

 14   étaient l'avocat Goran Petronijevic et deux autres personnes qu'il ne

 15   connaissait pas. Ils lui ont dit de monter à bord du véhicule en leur

 16   compagnie. Le véhicule était une Volkswagen Golf de couleur rouge, Golf 2.

 17   Il ne se rappelait pas le numéro de la plaque d'immatriculation. Et ils

 18   sont partis tous les quatre vers Bijeljina. Dès qu'ils sont arrivés à

 19   Bijeljina, les deux personnes qui accompagnaient Petronijevic l'ont emmené

 20   au poste de police où le témoin a été enregistré par la police, où le

 21   témoin se présentait régulièrement. Il était obligé de faire cela à cause

 22   de sa mise en liberté provisoire."

 23   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : Le débit est trop rapide pour

 24   l'interprétation.

 25   Mme PACK : [interprétation]

 26   Q.  "Le témoin a déclaré que tous les officiers de police connaissaient les

 27   deux personnes qui l'accompagnaient et que tous les ont salués. Après

 28   qu'ils aient quitté le poste de police, le témoin est censé avoir été


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  1   emmené au motel Peric, où il a été placé dans la salle 33 qui se trouvait

  2   au second étage. Il a passé la nuit seule dans cette pièce. Dans la

  3   matinée, la même personne qui conduisait la Golf 2 est allée le chercher,

  4   celle qui conduisait la Golf 2 de Foca à Bijeljina." Et je vais interrompre

  5   la lecture ici.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je crois que vous allez un peu trop

  7   vite pour l'interprétation en français.

  8   Mme PACK : [interprétation] Mes excuses.

  9   Q.  "Le témoin a passé la nuit dans cet appartement. Dans la matinée

 10   suivante, Petronijevic et ces deux autres personnes sont venues à

 11   l'appartement. Goran a apporté un certain nombre de feuilles de papier A4

 12   imprimées. Goran a dit au témoin de lire ces pages, de les examiner et de

 13   mémoriser ce qui était écrit parce qu'il en aurait besoin pour déposer par

 14   rapport à ce qui était dit dans le texte. Goran a également dit au témoin

 15   qu'il serait emmené à Belgrade mercredi où il déposerait, il ferait une

 16   déclaration au bureau du procureur. Avant de partir, le témoin a demandé un

 17   poste de télé ou une radio."

 18   Je vais laisser le paragraphe suivant pour passer à la suite. Je cite : "Le

 19   lendemain, c'est-à-dire le 15 mars 2010, Goran Petronijevic et ces deux

 20   autres personnes sont revenus à l'appartement. Petronijevic a apporté un

 21   enregistreur audio et a posé des questions au témoin. Petronijevic lui

 22   indiquait alors quelle partie du texte imprimé il devait lire. Le témoin

 23   est censé avoir lu les extraits de texte que lui désignait Petronijevic. Le

 24   témoin a déclaré qu'il se souvenait de son nom et d'informations générales

 25   dont il a donné lecture et qui se trouvaient au début du texte. Le reste du

 26   texte et les questions concernaient la colonne qui avait pris la direction

 27   de Tuzla après la chute de Srebrenica. Les questions concernaient le

 28   meurtre ou non de Musulmans par d'autres Musulmans, la question de savoir


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  1   s'ils avaient ouvert le feu sur des Serbes. Il a répondu à ces questions en

  2   lisant le texte qu'on lui avait fourni sous forme imprimée d'après lequel

  3   les Musulmans s'étaient effectivement entretués. Ensuite, on lui a posé des

  4   questions au sujet de Naser Oric, Tursunovic et d'autres, et il a lu les

  5   réponses qui étaient toutes prêtes. L'entretien a duré près de deux

  6   heures."

  7   Cela se poursuit. Page suivante, s'il vous plaît, en anglais. "Après la fin

  8   de l'entretien, Petronijevic et ces deux autres personnes ont quitté

  9   l'appartement, disant au témoin qu'il pouvait sortir mais qu'il devrait

 10   être très prudent pour n'être reconnu par personne. Et apparemment, avant

 11   qu'il ne quitte l'appartement, il a caché un certain nombre des pages qui

 12   lui avaient été remises par Goran sous le compartiment inférieur du four de

 13   l'appartement, alors que le reste des pages étaient restées sur et sous la

 14   table. Lorsqu'il est venu ensuite, il a demandé à pouvoir utiliser un

 15   téléphone dans une phase ultérieure." Et dans le dernier paragraphe, il est

 16   dit, je cite : "A la fin, le témoin a déclaré que l'information figurant

 17   dans sa déclaration qui avait été fournie au représentant du SIPA n'était

 18   pas exacte, mais qu'il avait fait cette déclaration en raison de

 19   l'entretien qui avait été mené dans les bureaux du KP Dom de," et je ne

 20   donnerais pas l'endroit, "dans la prison où il ne se sentait pas en

 21   sécurité."

 22   Donc toutes ces allégations que vous avez faites au sujet de Goran

 23   Petronijevic devant les représentants du SIPA lorsque vous êtes sorti de

 24   prison, vous les avez faites parce que vous pensiez que ces allégations

 25   vous permettraient peut-être enfin d'attirer l'attention des autorités de

 26   Bosnie-Herzégovine et du SIPA, n'est-ce pas ?

 27   R.  Non, Madame. Moi, je souhaite simplement que vous me répondiez. Qui est

 28   l'individu qui a écrit ceci ? (expurgé)


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 22   (expurgé) Je serai intéressé à pouvoir le voir

 23   pour qu'il puisse nous dire à tous devant vous quand est-ce que je suis

 24   censé avoir fait cette déclaration.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Est-ce que nous pourrions

 26   revenir à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 27   [Audience à huis clos partiel]

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  4   [Audience publique]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre.

  6    LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, la personne qui a signé

  7   et rédigé ce procès-verbal, je ne l'ai jamais rencontrée dans ma vie, et je

  8   n'ai jamais eu la moindre conversation avec. Ce qui est affirmé ici, (expurgé)

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 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Pack.

 14   Mme PACK : [interprétation]

 15   Q.  Vous nous mentez maintenant en disant que vous n'avez pas déclaré ce

 16   qui est consigné ici. Vous essayez de couvrir vos arrières avec cette

 17   histoire selon laquelle vous auriez été battu par les enquêteurs du SIPA et

 18   par votre propre avocat pour essayer de couvrir ce qui était un premier

 19   mensonge.

 20   R.  Madame, je n'ai jamais dit que Damir Alagic m'avait battu. Ce que j'ai

 21   dit, c'est que c'est Bajro Kulovac qui m'a frappé, qui m'a battu en sa

 22   présence à lui.

 23   Q.  Eh bien, ceci figure au compte rendu d'audience. Vous avez dit

 24   précédemment aujourd'hui qu'il vous avait battu.

 25   Mme PACK : [interprétation] Alors, je souhaiterais pouvoir demander le

 26   versement de ce document.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Bajro Kulovac.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître.

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons verser le

  4   document sous pli scellé.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il reçoit la cote P6560, sous pli

  6   scellé.

  7   Mme PACK : [interprétation]

  8   Q.  Vous avez ensuite poursuivi en racontant votre histoire à la presse,

  9   n'est-ce pas ?

 10   Mme PACK : [interprétation] Alors, je voudrais qu'on affiche le document

 11   25435 de la liste 65 ter.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il ne faut pas le diffuser.

 13   Mme PACK : [interprétation] Non, il ne faut pas le diffuser, manifestement.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose ?

 15   Mme PACK : [interprétation]

 16   Q.  Attendez que je vous pose la question. Donc vous n'étiez pas content,

 17   vous êtes allé voir les médias avec votre avocat et vous avez raconté

 18   l'histoire au sujet de Goran Petronijevic, et c'est à cause de cela que

 19   vous êtes devenu connu et vous vouliez que l'on parle de vous ?

 20   R.  Voilà, je vais te répondre. Est-ce que tu vois cette 

 21   photo ? Est-ce que ce tu vois ce Damir Alagic qui est assis là ? Est-ce que

 22   vous savez où cette photo a été prise et comment ? Et le fait est que Damir

 23   Alagic voulait me dépeindre dans les médias de sorte à dissimuler le fait

 24   que j'aie disparu de Bijeljina. En ce qui concerne ce qui s'est passé à

 25   SIPA, que je sache, vous à La Haye, vous étiez au courant de cela, alors

 26   qu'à l'époque ma vie était en danger.

 27   Q.  On va regarder ce qui est écrit ici. Donc on voit le 

 28   titre : Comment les avocats de Karadzic recrutent les témoins. Et là, vous


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  1   avez dit : Ils ont changé mon nom pour que je puisse déposer à La Haye. Et

  2   ensuite, vous faites part des allégations que vous avez faites quand vous

  3   vous êtes porté volontaire pour vous rendre dans les bureaux de SIPA. Et

  4   donc, on le répète.

  5   Et dans le deuxième paragraphe, on peut lire : Le témoin qui a été

  6   condamné à cinq années d'emprisonnement pour avoir tué les Bosniens de

  7   Srebrenica en 1995. Et ensuite, votre avocat dit : Donc nous allons

  8   probablement déposer à La Haye avec une nouvelle identité. Nous allons dire

  9   que de nombreux hommes de Srebrenica prétendument tués sont en réalité en

 10   vie et que les Musulmans eux-mêmes ont tué les leurs. Et ensuite, on décrit

 11   ce que nous avons vu ici et ce que vous avez déjà dit à SIPA, où on peut

 12   lire : J'ai été obligé d'apprendre par cœur la liste des 36 Musulmans pour

 13   lesquels on dit qu'ils ont été tués à Srebrenica. Et moi, je vais déposer à

 14   Belgrade et à La Haye qu'ils étaient en vie ou bien que ce sont les

 15   Musulmans qui les ont tués. Cependant, même s'ils m'ont cassé un doigt et

 16   même s'ils ont dessiné des signes de croix sur mon corps, ils ont réussi à

 17   me forcer à faire une confession pour quelque chose que je n'ai jamais fait

 18   et je ne le ferai jamais. Ils prétendaient que ces avocats, les avocats du

 19   Dr Karadzic, ont inscrit les signes de croix sur vous, sur votre corps.

 20   Donc ça, c'est bien ce que vous avez raconté à la presse ?

 21   R.  Non, ce n'est pas vrai. Damir Alagic, quand il a pris une photo de moi,

 22   il est allé voir les médias et ils ont fait l'interview. Ça, c'est d'une.

 23   Ensuite, la Défense, les avocats de Karadzic, ils ne m'ont jamais passé à

 24   tabac. Ils ne m'ont pas demandé de faire quoi que ce soit par la force.

 25   C'est à Bratunac, dans le camp, le 10 mai 1992, qu'on m'a infligé ces

 26   blessures, qu'on m'a lacéré. Ils ne voulaient pas que je parle, plus

 27   jamais. Et ensuite, Damir Alagic, il a planté cela pour se laver les mains.

 28   Quand j'ai été emmené de la police de Sarajevo, c'est Bajro Kulovac et


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  1   Damir Alagic -- eh bien, ils ont trouvé prétendument une carte de téléphone

  2   dans ma poche, quelques cigarettes, un téléphone et un briquet, mais

  3   j'avais des problèmes avec ce téléphone. Comment le dire ? Le coordinateur

  4   principal de la Défense de Karadzic est au courant de cela. Et vous étiez

  5   au courant à La Haye de ce qui m'est arrivé. Même si Damir Alagic a essayé

  6   de m'anéantir, et Damir Alagic m'a appelé au téléphone, il m'a dit qu'on me

  7   cherchait à La Haye. Il a dit : Ne les contacte pas avant d'arriver là-bas,

  8   et moi, je vais m'occuper de tout.

  9   Tout ce que je vous ai dit, cela se trouve dans ma déclaration. Tout

 10   ce que j'ai dit dans ma déclaration.

 11   Quand on m'a fait venir à SIPA, chez le directeur, et j'ai bien dit

 12   que le directeur principal de SIPA m'a posé la question si j'ai fait une

 13   déclaration par la force ou bien de mon plein gré. Donc il m'a demandé si

 14   j'ai fait une déclaration par la force ou bien de mon plein gré. Là, je

 15   parle du procureur Nebojsa Jovanovic. Et quand j'ai essayé de lui expliquer

 16   que je n'ai rien fait par la force, à ce moment-là Damir Alagic a mis la

 17   main sur l'épaule gauche et m'a dit : T'inquiète pas, je vais finir tout

 18   cela, je vais terminer tout cela. Et ensuite, j'étais à l'extérieur où j'ai

 19   passé deux jour, jusqu'au moment où j'ai été trouvé par un homme qui me

 20   connaissait, originaire de Konjevic Polje.

 21   Q.  Mais on vous a pris en photo pour les médias. Là, on voit une photo,

 22   une photo de vous qui a été prise, donc, pour être publiée dans le journal

 23   le 16, le 17 mars, n'est-ce pas ?

 24   R.  Madame, oui, c'est vrai qu'on a pris la photo. Mais demandez-moi

 25   pourquoi Damir Alagic est à côté de moi. Parce que vous pouvez bien voir

 26   qu'il s'agit de deux photos-là. On a monté cela. Et tout cela pour servir

 27   les intérêts de Damir Alagic pour que je ne vienne pas déposer. Vous avez

 28   besoin de cela, vous, en tant que Procureur. Et je sais que le coordinateur


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  1   est bien au courant de cela, parce qu'à l'époque, lui aussi, il avait des

  2   problèmes parce qu'on écrivait des choses à son sujet. Moi, je ne l'ai pas

  3   vu de mes propres yeux, mais on a fouillé, on a trouvé sa carte de visite,

  4   et Damir Alagic a écrit tout cela sur la base de cette carte de visite. Et

  5   moi, je ne serais pas entré en contact avec cet homme. Justement pour que

  6   je n'entre pas en contact avec cet homme, on m'a pris la carte de visite et

  7   on m'a dit : Je vais finir ce travail, je vais m'en occuper jusqu'au bout.

  8   On m'a battu, on m'a enfermé, on a détruit ma vie à Sarajevo, dans la

  9   Fédération. Et moi, j'ai tout fait pour trouver quelqu'un pour échapper à

 10   mon sort, parce qu'on m'a menacé. Au bout de huit ou neuf mois, j'ai appris

 11   --

 12   Q.  Attendez. Vous mentez, Monsieur le Témoin.

 13   R.  D'accord. Tu dis que je mens, mais amène-moi Damir Alagic ici et tu vas

 14   voir qui ment.

 15   Q.  [hors micro]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Microphone.

 17   Mme PACK : [interprétation]

 18   Q.  Quand vous vous êtes rendu dans le bureau de SIPA au mois de mars 2010,

 19   vous essayiez encore à l'époque de voir si vous pouviez obtenir quoi que ce

 20   soit de lui, si vous pouviez les utiliser pour aller déposer devant le

 21   Tribunal, et ensuite vous avez compris qu'ils ne vous ont pas fait

 22   confiance, qu'ils ont fait une enquête à votre sujet et ils ne vous ont pas

 23   cru.

 24   R.  Mais est-ce qu'ils ont trouvé quoi que ce soit à côté de cette

 25   cuisinière dans un appartement où soi-disant je me trouvais ? Est-ce qu'ils

 26   vont trouver des documents là-bas ? Est-ce qu'ils l'ont fait ? Est-ce

 27   qu'ils ont trouvé, vu que vous dites qu'ils ont fait une enquête ?

 28   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez fait cette déclaration pour que l'équipe


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  1   du Dr Karadzic vous fasse venir ici ? Et vous êtes venu ici pour mentir,

  2   continuer à mentir, continuer à mentir aux Juges; est-ce exact ?

  3   R.  Non, ce n'est pas exact. Vous avez dans ma déclaration depuis le début

  4   ma version des événements, ce que je vous ai dit, et je maintiens ce que

  5   j'ai dit. Je maintiens aussi ce que j'ai dit dans le pays d'où je suis

  6   venu. En revanche, les informations que l'on m'a prêtées au sujet de ma

  7   mère et de mon fils, je l'ai déjà dit sur papier, cela. Et j'ai demandé à

  8   cet homme de ne rien faire à ces gens, de ne pas les toucher. Parce que

  9   moi, j'ai mentionné déjà tout cela à l'époque. J'ai parlé du meurtre de ma

 10   mère et de mon fils, mais je ne voulais pas que cette personne se fasse

 11   arrêter. En revanche, ce que Damir Alagic a fait, et Ejub Zukic, ce sont

 12   leurs fabrications, leurs mensonges, ce qu'ils ont fait au niveau de la

 13   Fédération, parce qu'ils voulaient coûte que coûte cacher ces informations.

 14   Ils voulaient se laver de ces informations, et donc ils voulaient jeter le

 15   blâme sur la Défense de Karadzic. Donc, c'en est d'une. Ensuite, je vais te

 16   dire : moi, je me suis battu pendant 17 années pour échapper à ces

 17   malfaiteurs, parce que j'ai voulu que vous me posiez des questions

 18   justement au sujet de ces gens-là pour voir qui dit la vérité. J'ai voulu

 19   que vous me posiez ces questions-là, vous en tant que Procureur.

 20   Mme PACK : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, mais je

 21   voudrais demander que ce rapport soit versé au dossier.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous ne demandez pas que cette

 23   déclaration ou que cet article soit versé au dossier ?

 24   Mme PACK : [interprétation] Oui. Justement, je voudrais demander le

 25   versement de ces deux documents, 65 ter 25500 --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et 25520, qu'en est-il de ce document-là

 27   ? 2008.

 28   Mme PACK : [interprétation] Juste la page. C'est une page unique. Je vous


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  1   ai dit que j'ai fini un peu à la va-vite, parce qu'effectivement il fallait

  2   encore que je m'occupe de cela.

  3   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  4   Mme PACK : [interprétation] Donc je vais demander aussi que la page que

  5   j'ai lue du document 65 ter 25520, c'est la page 5 en anglais et la page 4

  6   en B/C/S, eh bien, je voudrais qu'elle soit versée au dossier.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections ?

  8   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

  9   Mme PACK : [interprétation] Et puis, 25500, je voudrais que le document

 10   tout en entier soit versé au dossier parce que nous avons lu pas mal

 11   d'extraits de ce document, et ainsi que le rapport, 25435.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et vous avez répondu par rapport à tous

 13   ces documents ?

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On va tous les verser au dossier.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 65 ter 25520 va recevoir la cote P6561,

 17   sous pli scellé. 65 ter 25435 va recevoir la cote P6562, sous pli scellé.

 18   Et 65 ter 25500, qui a déjà été versé au dossier en tant que pièce P6560,

 19   sous pli scellé.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 21   Oui, Monsieur Karadzic. Est-ce que vous avez des questions

 22   supplémentaires ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je voudrais que l'on tire au clair

 24   quelques points soulevés lors du contre-interrogatoire.

 25   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 26   Q.  [interprétation] Aujourd'hui, Monsieur le Témoin, le Procureur a

 27   affirmé que vous aviez décidé de dire la vérité uniquement après avoir

 28   contacté mon équipe de la Défense. Pourriez-vous nous dire à quel moment


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  1   vous avez décidé de dire la vérité et de faire la lumière sur tout ce que

  2   vous savez ?

  3   Mme PACK : [interprétation] A aucun moment n'ai-je dit que le témoin a

  4   jamais dit la vérité, peut-être qu'il l'a dit il y a très, très longtemps,

  5   vraiment il y a très longtemps. Et ceci -- cette question n'a rien à voir

  6   avec le contre-interrogatoire.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Les questions qu'a posées le Procureur, le

  9   Procureur pose des questions comme cela tous les jours. Dans leurs

 10   questions, on trouve beaucoup d'affirmations, et vous ne me permettez pas

 11   de poser des questions là-dessus, de les contester.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Posez la question clairement.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez décidé de témoigner - on ne va pas

 15   parler de la vérité - après avoir contacté l'équipe de la Défense ?

 16   Mme PACK : [interprétation] Là, on ne fait rien d'autre que faire dire au

 17   témoin quelque chose qu'on souhaite le faire dire. C'est parfaitement

 18   inacceptable.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le Procureur qui a suggéré justement --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, posez la question à M.

 21   Robinson, et il va vous aider à mettre la question dans la forme adéquate.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je fais suite à l'affirmation du Procureur qui

 23   dit que le témoin a utilisé mon équipe de la Défense pour venir déposer, et

 24   je lui demande si c'est vrai. Et si ce n'est pas le cas, je lui demande de

 25   me dire à quel moment il a décidé de déposer, de comparaître en tant que

 26   témoin.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, depuis 1996, quand j'ai

 28   été enfermé dans ce bureau, depuis ce moment-là, j'ai voulu venir ici pour


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  1   dire tout ce que je dis aujourd'hui. Cependant, certaines personnes de la

  2   prétendue Fédération m'ont empêché de venir. Je ne suis pas venu seulement

  3   à cause de vous, Monsieur Karadzic. Je ne suis pas venu ici pour être vu

  4   par quelqu'un ou par les Juges. Je suis venu ici de mon plein gré et j'ai

  5   réussi à venir. Et je suis un homme heureux. Moi, j'ai voulu venir déposer

  6   à l'époque où Naser était encore ici, mais ils ont fait un avis de

  7   recherche me concernant justement pour m'empêcher de venir.

  8   Depuis 2003-2004, je souffre. Et pourquoi ? Pour que je ne dites jamais à

  9   personne ce qui est arrivé vraiment, et c'est cela qui figure dans ma

 10   déclaration préalable. J'ai dit qu'il y avait des gens qui étaient prêts à

 11   venir pour confirmer mon histoire. Mais ces gens savent ce qui m'est

 12   arrivé, ce que Damir Alagic m'a fait, et Bajro Mulagic [phon], et ce que

 13   font les dirigeants du SDA et les Mères de Srebrenica. Et maintenant, tous

 14   ces gens, tous ces témoins potentiels, ils me regardent parce qu'ils se

 15   disent que vous allez réagir comme cela s'ils venaient déposer eux aussi.

 16   Moi, je voudrais que ces gens puissent venir ici pour qu'ils puissent vous

 17   raconter leur histoire. Et je voudrais que ces gens aussi viennent, les

 18   autres, pour qu'ils me disent les yeux dans les yeux quand est-ce qu'ils

 19   ont écrit tout cela, quand est-ce qu'ils ont pris ces déclarations.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais demander que le document 4181 soit

 21   montré sur les écrans. Sans être montré au public.

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Il s'agit de la pièce D4181.

 23   Mme PACK : [interprétation] Il a déjà parlé de cette image.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, ça doit être 4182. Et je voudrais

 25   également que ce ne soit pas diffusé vers l'extérieur.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Quand avez-vous rencontré ou fait la connaissance de mon conseiller

 28   juridique ?


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  1   R.  En 2010.

  2   Q.  Merci.

  3   R.  Je ne me souviens pas du mois exact, mais c'était janvier ou février.

  4   Q.  [hors micro]

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je voudrais qu'on nous montre le D4182,

  6   sans pour autant qu'il y ait diffusion vers l'extérieur.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Pouvez-vous nous dire quand est-ce que vous avez rédigé cette lettre à

  9   l'intention du bureau du Procureur ?

 10   Mme PACK : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous avons parlé

 11   de ceci à l'interrogatoire principal, au contre-interrogatoire, et je ne

 12   vois pas de quelle façon on risque de dire quoi que ce soit de nouveau ici.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] N'est-il pas trop tôt pour faire

 14   objection ? Vous avez contre-interrogé le témoin au sujet de ce document.

 15   Et au tout début, il avait demandé d'indiquer la date du document. Donc,

 16   voyons d'abord où cela nous mène.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, vous voyez bien qu'il est

 18   dit ici 11 avril 2008.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Merci. Est-ce que vous connaissiez quelqu'un parmi les membres de ma

 21   Défense à ce moment-là ?

 22   R.  Non, jamais.

 23   Q.  Hier, page 101, ligne 22, je le précise pour les autres participants,

 24   dit que : Damir Alagic, l'avocat de Sarajevo, m'a emmené à SIPA. On a dit

 25   dans les questions posées et dans le document de SIPA que vous avez été à

 26   SIPA de votre plein gré.

 27   R.  Non, Monsieur le Président. Je maintiens la déclaration que j'ai faite

 28   ici et celle que j'ai faite à votre coordinateur. Si vous voulez, je peux


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  1   donner son nom et prénom. J'ai été pris par la force à Bijeljina pour être

  2   emmené au village de Sandici. De là, je suis allé à Kladanj, à la police,

  3   et une voiture m'a emmené chez Damir Alagic. Damir Alagic m'a ensuite

  4   emmené dans la police OSA, la police d'Etat. Il y avait Bakir Izetbegovic

  5   et Naser Oric de présents, et j'ai dit que Naser Oric -- je n'ai pas dit

  6   qu'il m'a battu, il m'a provoqué, il m'a traité de traître, et tout ceci.

  7   Et quand tout ceci s'est terminé, Bajro Kulovac est venu à la police d'Etat

  8   OSA et j'ai été emmené dans la SIPA. Ils m'ont fouillé et ils ont trouvé

  9   une carte de visite de votre coordinateur. On a trouvé cette carte de

 10   visite dans ma poche, et Damir Alagic s'en est emparé et il m'a dit qu'il

 11   terminerait le boulot. Pourquoi ? Parce que j'ai fait des déclarations en

 12   2010, je ne me souviens pas exactement du mois, si c'était janvier ou

 13   février, j'ai fait une déclaration auprès de votre Défense.

 14   Et si vous voulez, je peux même donner le nom de la personne en

 15   question.

 16   Q.  Non, ce n'est peut-être pas indispensable.

 17   R.  Bon. Alors, quand j'ai fait cette déclaration, à Sarajevo, les gens de

 18   la Fédération ont appris la chose. Les Bosniens ont appris que j'avais

 19   contacté votre Défense, et c'est là qu'on a voulu me liquider. C'est ce que

 20   j'ai dit dans ma déclaration. Et ce que le bureau du Procureur m'a montré,

 21   ça a été un coup monté par Damir Alagic dans la Fédération qui a mis cela

 22   dans les journaux. Parce qu'il avait eu un grand branle-bas de combat, que

 23   va-t-il se passer, et depuis lors, je n'ai vu aucun papier de la part du

 24   procureur de l'hôpital Kosevo, là où Alagic m'a emmené. Et les médecins ont

 25   voulu dire que j'étais fou, que j'avais un comportement imprévisible. Et

 26   lorsque je suis revenu de l'hôpital et que le docteur qui m'a examiné a

 27   constaté que j'étais conscient et que je savais ce que je faisais, ils ne

 28   voulaient pas m'hospitaliser, et j'ai un papier émanant de cet hôpital.


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  1   Depuis lors, j'ai été dans la rue jusqu'à ce que cet homme ne me retrouve,

  2   l'homme que je vous ai nommé dans ma déclaration.

  3   Q.  Merci. Avec la permission des Juges de la Chambre, je vais vous

  4   demander une copie de ce document qui a constitué une tentative

  5   d'hospitalisation dans un hôpital psychiatrique.

  6   Est-ce que maintenant vous pouvez nous dire, parce qu'on l'a affirmé

  7   aujourd'hui, que vous étiez parti de votre plein gré voir des journaux ?

  8   Est-ce que vous êtes allé voir une rédaction de quelque journal que ce soit

  9   ?

 10   R.  Monsieur le Président, s'agissant des rédactions des journaux, tout ce

 11   qu'on dit à ce sujet, il faut faire venir Damir Alagic et dire devant tout

 12   le monde comment ils ont monté les choses de toutes pièces.

 13   Q.  Merci. Après ceci, Damir Alagic vous aurait contacté pour vous dire que

 14   le Tribunal de La Haye vous recherchait. Est-ce qu'il vous a dit pourquoi

 15   vous étiez cherché par le Tribunal de La Haye ?

 16   R.  Il ne m'a pas dit pourquoi. Il m'a donné un téléphone et il m'a dit :

 17   La Haye demande après toi. S'ils te retrouvent, ne raconte rien avant que

 18   je ne vienne. Je vais m'occuper du récit. Ça a été un coup de fil, et après

 19   cela, trois jours après peut-être, l'autre - comment s'appelait-il ? - j'ai

 20   reçu une information de Tuzla. Mon père à Tuzla m'a dit que j'étais menacé

 21   par des hommes à Naser, que je ne pouvais pas rester à la maison, il

 22   fallait que je disparaisse. Je suis retourné dans ma ville natale où la

 23   police civile m'a surtout aidé, qui connaissait tout le récit. Et je vous

 24   dis de citer à comparaître le chef de la police. Si vous voulez, je peux

 25   vous donner son nom.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire quel est le service ou le

 27   département du Tribunal qui s'était intéressé à vous, qui demandait après

 28   vous ?


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  1   R.  Je ne sais pas vous dire. Ça se rapporte à Damir Alagic, ça. Il m'a dit

  2   au téléphone : La Haye demande après toi. S'ils te trouvent, les gens de La

  3   Haye, ne t'entretiens pas avec eux jusqu'à ce que je ne vienne. Je ne sais

  4   pas qui a demandé après moi. Et, Monsieur le Président, ils savent qu'on

  5   m'avait demandé après.

  6   Q.  Merci. On demandera au Greffier de nous informer sur ce point-là.

  7   Pouvez-vous nous dire autre chose. L'interview que vous avez accordée au

  8   sujet de la prison, la toute première qu'on nous a montrée, est-ce que ça a

  9   été enregistré ? Et est-ce que c'est littéralement ainsi que les choses ont

 10   été dites ou est-ce qu'on a rédigé devant vous, à la machine ou à la main,

 11   le texte des propos ? Est-ce que c'est vous qui avez fourni ce type de

 12   formulation ou c'est quelqu'un dictait pour vous ou pour le compte de

 13   quelqu'un d'autre ?

 14   R.  Expliquez-moi un peu ? Vous parlez de cette lettre à moi quand ils sont

 15   venus de Sarajevo ou est-ce qu'on est en train de parler de votre Défense ?

 16   Q.  Non. Kulovac, quand il est venu vous voir ?

 17   R.  Ça a été enregistré tant à l'ordinateur que sur DVD.

 18   Q.  Et quand est-ce qu'on a transcrit cela pour coucher les choses sur

 19   papier ? Quand est-ce que vous avez signé ?

 20   R.  Je crois que c'était le jour où je suis allé dans ces vécés, et ça a

 21   été signé. Le policier m'a protégé. Et le reste.

 22   Q.  Merci. Mais est-ce que vous n'avez dit que ce qui est consigné là-bas

 23   ou est-ce que c'est quelqu'un d'autre qui a formulé les choses ainsi ?

 24   R.  Ce que le Procureur a montré sur papier avec ma signature, c'était

 25   censé se terminer chez le procureur de Sarajevo pour la défense des gens de

 26   Skelani. On n'a pas mis ce papier devant les juges, et ces gars-là ont eu

 27   30 et quelques années de prison.

 28   Q.  Merci. En page 6 de ce jour, on a parlé de votre mère et de votre


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  1   enfant qui ont péri. Il y a eu une petite confusion à ce titre. Alors,

  2   j'aimerais que sur le rétroprojecteur l'on mette un document sans qu'il y

  3   ait diffusion vers l'extérieur. Ce qui nous intéresse, c'est la toute

  4   première et la toute dernière des pages du document. Abstenez-vous de dire

  5   le nom de votre père. Ici, on laisse entendre que votre père a vu la mort

  6   de sa femme et la mort de votre fils. Première page, d'abord. Ne dites pas

  7   le nom. Dites-nous juste qui est cet homme et est-ce que dans cette partie-

  8   là de ses propos il a dit la vérité ? Sans qu'il y ait diffusion.

  9   Mme PACK : [interprétation] Moi, je crois l'avoir en anglais. Peut-être

 10   pourrions-nous tous le voir.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Désolé.

 12   Mme PACK : [interprétation] Le document qui est en train d'être affiché sur

 13   le rétroprojecteur, je l'ai en anglais et en B/C/S. Ce serait peut-être

 14   plus utile que de l'utiliser ainsi.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous l'avez en anglais ?

 16   Mme PACK : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, et c'est téléchargé. Je

 17   peux vous donner la référence 65 ter, si vous me donnez un instant.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 19   Mme PACK : [interprétation] Il s'agit du 65 ter numéro 25506. Et, bien

 20   entendu, il ne faut pas le diffuser.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Ne nous donnez pas le nom. Est-ce que vous savez qui est cet homme ? Et

 23   dites-nous aussi quel est le lien qui vous unit à lui. On le voit ici dans

 24   la ligne où on dit "témoin".

 25   R.  Oui, je sais de qui il s'agit. Et je vais vous dire maintenant en

 26   public, et je l'ai indiqué dans ma déclaration, quand le Procureur a posé

 27   la question, j'ai dit que cet homme m'a fait savoir qu'il a reçu la visite

 28   de certains procureurs et on lui a demandé comment on a tué ma mère et mon


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  1   enfant, et il n'a pas voulu faire de déclaration. Il a dit ne pas vouloir

  2   s'en mêler, de tout cela. Depuis qu'il a fait cette déclaration, ceux d'en

  3   haut n'attendaient que cela pour faire un démenti de ma première

  4   déclaration partant de ce que lui a dit. Mais je dis à l'intention de tout

  5   un chacun : Ce que le Procureur a montré, je me souviens bien de l'avoir

  6   raconté. Il faut retrouver cet enregistrement, et là je m'adresse au

  7   coordinateur principal. Lorsqu'on a fait connaissance, j'ai dit que je ne

  8   voulais pas que cet homme soit condamné pour ces faits. Je ne le veux pas,

  9   parce que son jeune frère m'a sauvé dans cette école appelée Vuk Karadzic.

 10   Q.  Merci.

 11   R.  Et j'ai dit dès le début à votre coordinateur ce qui s'est passé. Je ne

 12   voulais pas que cet homme aille faire de la prison parce que son frère m'a

 13   sauvé.

 14   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut nous montrer la dernière page, ou, plutôt, je

 15   crois que c'est la page 6 au prétoire électronique. Paragraphe 11. On se

 16   débrouillera plus aisément. Est-ce que vous pouvez voir ? Il vous aurait

 17   demandé où est-ce qu'elle se trouve, et puis vous avez dit qu'elle est

 18   montée à l'étage avec votre enfant dans les bras. Puis, en bas, on dit que

 19   cette femme et l'autre sont considérés comme étant disparus. Les Pasan

 20   [phon] sont retrouvés; les autres, non. Ici, on est en train de parler de

 21   2009 ? Est-ce que c'est ainsi que les choses se sont passées ? Alors, il

 22   dit : Pour ce qui est du sort de ma femme et de mon petit-fils, je n'ai pas

 23   vu ce qui leur est arrivé.

 24   R.  J'ai dit aussi qu'il ne pouvait pas voir cela.

 25   Q.  Merci. Alors, de ce côté-là, c'est exact, ce qu'il a déclaré ?

 26   R.  Quand il dit ne pas avoir vu le meurtre de sa femme et son petit-fils,

 27   c'est vrai. C'est ce que j'ai déclaré. Il n'a pas pu voir cela.

 28   Deuxièmement, le procès qui a cours sur le territoire de la Fédération et


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  1   celui de la Republika Srpska, c'est un document que vous pouvez vous

  2   procurer, il y a deux témoins qui l'ont accompagné au tribunal. Et ces deux

  3   témoins, lorsqu'ils ont déposé devant le tribunal, ils ont fait des

  4   déclarations pour sa défense et ils ont dit qu'eux ont vu des Chetniks

  5   jeter des grenades par la fenêtre et qu'ils ont tué ma mère et mon fils. Et

  6   partant de ses déclarations au Tribunal, et il y a des documents à cet

  7   effet chez l'homme qui a fait cette déclaration, partant de là, tous les

  8   biens leur appartenant ont été transférés vers cet homme. Et moi, j'étais

  9   considéré comme étant mort.

 10   Q.  Et ce Ejub Zukic a également signé la déclaration ?

 11   R.  Ejub Zukic. Ça se peut. Moi, cet homme, je ne le connais pas. Celui qui

 12   était en sa compagnie n'a qu'à faire une déclaration à cet effet.

 13   Q.  J'aimerais que nous déterminions ceci --

 14   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 16   Mme PACK : [interprétation] Dans le cas où le Dr Karadzic voudrait aller

 17   plus loin avec ce document, il serait tout à fait équitable de donner

 18   lecture du paragraphe 12 dans son intégralité, parce que c'est résumé en

 19   partie. Il y en a plus à lire, et il serait peut-être bon d'en donner

 20   lecture au compte rendu d'audience si on vient à demander un versement au

 21   dossier. Je crois donc qu'il serait préférable de donner lecture des

 22   paragraphes 11 et 12, mais 12 certainement.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sans donner lecture des vrais noms ?

 24   Mme PACK : [interprétation] Oui, bien sûr.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous voulez le faire ?

 26   Mme PACK : [interprétation] "Pour ce qui est du sort de ma femme et de mon

 27   petit-fils, je n'ai pas exactement vu ce qui leur est arrivé. Je les ai vus

 28   pour la dernière fois avant que de quitter la cave pour allumer une


Page 44886

  1   cigarette. Elle se trouvait à l'intérieur. Lorsque je suis revenu, le

  2   témoin m'a dit qu'elle était partie à l'étage en portant mon petit-fils

  3   dans ses bras. Je sais que dans le village, une fois que nous avons été

  4   emmenés au stade, les femmes sont restées dans le village." Là, il décrit

  5   ces femmes. Ensuite, il dit : "Ma femme et mon petit-fils sont déclarés

  6   disparus." Et au paragraphe 12, il dit : "Après être parti à Visoko, et par

  7   la suite à Zivinice, je n'ai pas cessé de chercher ma femme. Dès que

  8   j'apprenais qu'il y avait des réfugiés arrivant de Bratunac, j'allais voir

  9   si ma femme et mon petit fils y étaient. Je demandais après eux. Mon fils,

 10   ce témoin, a également été s'enquérir au sujet du sort de ma femme et de

 11   mon petit-fils, et il n'a jamais mentionné le fait que ma femme a été tuée.

 12   Je sais que mon fils, le témoin, est allé à Srebrenica," et cetera. Donc je

 13   voulais que soit consignée au compte rendu la totalité de ce qui est dit

 14   dans ce document.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de voir ce qui est écrit ici et je

 17   veux démentir les propos de cet homme. Cette femme et cet enfant ne se

 18   trouvaient pas à la cave. J'interpelle Ahmetovic Muhamed, qui est un témoin

 19   résidant ici, aux Pays-Bas. Ils se trouvaient, non pas à la cave, mais à

 20   l'étage.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Merci. Il y avait plusieurs personnes dans la cave. Pourquoi ces

 23   personnes se sont-elles trouvées dans la cave ?

 24   R.  Comment dire ? Ce 10 mai 1992, lorsqu'il y a eu des tirs depuis ces

 25   collines de Bratunac, Kik et autres localités, nous, on s'était mis à

 26   l'abri dans la cave parce qu'ils nous pleuvait des balles sur les toits et

 27   il y avait des trous qui s'étaient faits, et ma mère et mon fils sont

 28   restés à l'étage. Ma mère et mon fils n'étaient pas dans la cave.


Page 44887

  1   Q.  Merci. Je vais maintenant vous demander de tirer ceci au clair. Combien

  2   d'experts avez-vous vus ? Un ou deux ? Au niveau des expertises demandées

  3   par le juge d'instruction, ce premier, les neuropsychiatres ou

  4   psychologues, combien ont-ils été à s'entretenir avec vous ?

  5   R.  Monsieur le Président, comment dire ? Vous parlez de quels experts ici

  6   ? Parce que vous savez qu'il y a deux procès ou trois procès de diligentés

  7   contre moi.

  8   Q.  Oui, vous avez raison de me l'indiquer. En 1996, lorsque le juge

  9   d'instruction a demandé à ce que vous soyez examiné par un expert - et on a

 10   vu le document, il est peu lisible - combien y a-t-il eu de personnes ?

 11   R.  C'était un seul homme qui était venu de Serbie, un expert, que sais-je

 12   de quel type. Et je lui ai raconté ce qu'on avait fait de moi à Zvornik et

 13   comment je me suis retrouvé là. Le procureur, Nebojsa Jovanovic, a démenti

 14   que j'aie été battu à Zvornik et que j'aie été malmené par la police, et

 15   Nebojsa Jovanovic a demandé une deuxième expertise. C'est là qu'on m'a

 16   emmené à Banja Luka chez un deuxième expert. Et comme ce deuxième expert de

 17   Banja Luka n'était pas d'accord avec son collègue, celui de 1996 qui

 18   m'avait reçu et qui était venu pour le procès de 2008-2009, cet homme qui

 19   m'a vu en 1996 et l'autre n'étaient pas d'accord. Et donc, ils ont eu

 20   recours à une troisième personne, une femme qui est venue au tribunal pour

 21   dire que j'étais untel, que je souhaitais sortir de la prison pour telle et

 22   telle raison. Et c'est ainsi que j'ai été condamné sans qu'il n'y ait eu

 23   d'élément de preuve véritable de présenté.

 24   Q.  Faut-il comprendre qu'il y a trois constats d'expert dans ce procès

 25   diligenté contre vous depuis 1996 et au-delà ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Bon. Dans le premier des cas de figure, lorsque cet homme a été seul à

 28   venir, est-ce qu'on vous a demandé combien de temps cela a duré et de quoi


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  1   ça avait l'air ?

  2   R.  Je ne raconte pas d'histoires. Cet homme est venu dans un bureau, il

  3   s'est assis, il m'a demandé mon nom et mon prénom, il m'a posé plusieurs

  4   questions et il a pris mon jugement, il a pris lecture de cela, et je suis

  5   venu au tribunal, et on m'a dit : Tu es coupable de telle chose et telle

  6   chose.

  7   Q.  Dans le constat, on dit qu'il y avait un psychiatre et un psychologue

  8   et qu'ils ont utilisé cette méthode MMPI, il s'agit de la méthode Minnesota 

  9   --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Sur l'analyse de l'expert, on peut lire qu'il y a eu deux spécialistes

 13   qui ont utilisé quatre tests. Il y en a un que je connais très bien, c'est

 14   le test dit MMPI. Mais ils ne vous ont pas passé un test d'intelligence

 15   alors qu'ils se sont prononcés à ce sujet, votre niveau d'intelligence.

 16   Est-ce que vous avez jamais fait des tests ?

 17   R.  Non, jamais. Nulle part où je me trouvais au moment où j'ai vu ces

 18   experts, celui qui venait de la Serbie en 1996, celui à Banja Luka et cette

 19   femme qui était assise au moment de mon procès, jamais, nous ne nous sommes

 20   pas vus yeux dans les yeux pour faire des tests, et cetera. Tout

 21   simplement, ils ont lu le jugement me concernant et ils m'ont observé, et

 22   ensuite ils ont fait leur rapport.

 23   Q.  Est-ce que vous avez fait votre déclaration à une institution

 24   judiciaire à Belgrade ? Est-ce que vous avez été interrogé par ces

 25   institutions ?

 26   R.  Par rapport à quoi ?

 27   Q.  Par rapport à ces événements. Est-ce que vous avez donné des

 28   déclarations à Belgrade ?


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  1   R.  Oui. Il s'agissait d'un procès monté de toutes pièces, ainsi que la

  2   condamnation, c'est pour cela que j'ai demandé aux procureurs, aux avocats,

  3   de trouver un avocat qui allait de toute urgence entamer cette procédure,

  4   car je ne cesserais de regretter d'avoir purgé une peine importante, et

  5   ceci, pour rien.

  6   Q.  Est-ce que dans cet entretien vous avez parlé des événements à Sarajevo

  7   ? Est-ce que vous avez dit la vérité ?

  8   R.  A 100 %. Et je jure avoir dit la vérité. Seulement, les gens qui

  9   étaient là-bas dans ce tribunal, ils ne pouvaient pas me comprendre pendant

 10   très longtemps, jusqu'au moment où on s'est rendu sur le terrain. On y est

 11   allé. On est allé en Republika Srpska. Je leur ai dessiné tout cela sur

 12   papier, j'ai fait des schémas, des cartes pour montrer exactement où se

 13   trouve le site. Il nous est arrivé de rester toute la journée et toute la

 14   nuit à dessiner des cartes avec les juges et les procureurs. Au bout d'un

 15   an et demi, on a réussi à aller sur le terrain, et ils n'arrivaient pas à

 16   croire leurs yeux, car chaque pierre, chaque arbre se trouvaient

 17   précisément à l'endroit que j'ai indiqué sur les cartes.

 18   Q.  Est-ce que vous avez aussi proposé aux autorités serbes, au président

 19   serbe, de les aider à retrouver des sites d'enterrement des Serbes ? Est-ce

 20   qu'il y en a d'autres, des sites d'enterrement, aussi bien concernant les

 21   Serbes que les Musulmans ?

 22   R.  C'est exactement ce que j'ai dit hier. J'ai demandé au Tribunal

 23   international de me permettre de me rendre sur la localité, sur les lieux

 24   du crime, et celle de Hajvazi m'intéresse le plus parce que je suis sûr

 25   qu'il y a des tombes là-bas, parce que quand on a voulu y aller, on ne nous

 26   a pas laissés passer. Ils ne voulaient pas garantir notre sécurité.

 27   Q.  Merci. Je n'ai plus d'autres questions pour vous, Monsieur le Témoin.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, avec ceci se termine votre


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  1   déposition, Monsieur le Témoin. Au nom de la Chambre, je souhaite vous

  2   remercier d'être venu déposer à La Haye. A présent, vous pouvez disposer.

  3   Mais restez assis. Et nous allons lever la séance pour cinq minutes tous

  4   ensemble.

  5   M. ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'on peut continuer à travailler

  6   jusqu'à 3 heures aujourd'hui ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On va en parler au moment où nous

  8   reprenons nos travaux.

  9   [Le témoin se retire]

 10   --- La pause est prise à 14 heures 29.

 11   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 12   --- La pause est terminée à 14 heures 36.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de continuer, pourriez-vous nous

 14   dire comment se présente votre liste de témoins cette semaine ?

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons beaucoup

 16   de témoins ici et nous avons demandé aux témoins qui n'ont pas de

 17   contraintes de temps de témoigner en dernier, et nous allons faire déposer

 18   les témoins qui doivent rentrer plus tôt. Donc, tout d'abord, vous allez

 19   entendre M. Matovic qui va déposer aujourd'hui et demain, ensuite M.

 20   Milicic, et ensuite M. Kovacevic. Demain, nous allons commencer la

 21   déposition de M. Radovinovic [phon]. Mais ensuite, jeudi, nous allons à

 22   nouveau écouter M. Blagojevic, et ensuite le général Tolimir. De sorte que

 23   M. Miskovic, qui devait déposer au début de cette semaine, va déposer

 24   uniquement la semaine prochaine. Et M. Radovinovic va continuer sa

 25   déposition la semaine prochaine même s'il commence demain.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on doit changer l'injonction à

 27   comparaître pour le général Tolimir ?

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Je ne pense pas. Normalement, sa déposition


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  1   devait avoir lieu le 12, et vu que son avocat est ici, il peut poursuivre,

  2   de sorte qu'il n'est pas nécessaire de faire quoi que ce soit de plus.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Nous avons une plénière

  4   aujourd'hui, donc nous serons obligés de lever la séance à 14 heures 50 ou

  5   55, 50 de préférence.

  6   Est-ce que le témoin peut prononcer la déclaration solennelle ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN : VLADIMIR MATOVIC [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Matovic. Vous pouvez

 12   vous asseoir et vous mettre à l'aise. Monsieur Robinson, je reviens sur le

 13   calendrier. Nous n'avons pas besoin de siéger vendredi ?

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Exact, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Karadzic.

 16   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Matovic.

 18   R.  Bonjour, Monsieur Karadzic.

 19   Q.  Est-ce que je peux vous demander de faire un temps de pause entre mes

 20   questions et vos réponses.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Matovic, vous êtes le 200e

 22   témoin de la Défense en l'espèce. Je ne sais pas si ça a une importance ou

 23   non, mais je viens de me rendre compte de cela.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Avec M. Matovic, nous avons toujours des jubilés à fêter. Donc,

 26   Monsieur Matovic, est-il exact que vous avez donné une déclaration à

 27   l'équipe de la Défense ?

 28   R.  Oui.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que le document 1D09095 soit

  2   montré aux parties.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce que vous voyez sur l'écran cette déclaration ?

  5   R.  Oui. Je ne vois pas cela très clairement, mais je sais de quoi il

  6   s'agit à peu près.

  7   Q.  Bien. Est-ce que vous l'avez lue et est-ce que vous l'avez signée ?

  8   R.  Oui.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on montre au témoin la

 10   dernière page de cette déclaration en serbe.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce bien votre signature ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Merci. Est-ce que dans cette déclaration on voit ce que vous vouliez

 15   dire et est-ce que c'est fidèlement transmis ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Si aujourd'hui, si je vous posais les mêmes questions, est-ce que vous

 18   répondriez de la même façon ?

 19   R.  On en a parlé hier déjà. Oui, oui.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que cette déclaration soit versée au

 22   dossier en vertu de l'article 92 ter -- 92 bis.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections à ce que

 24   cette déclaration soit versée en vertu de l'article 92 ter ?

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Non.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette déclaration va recevoir la cote

 28   D4184.


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  1   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais lire le résumé de M. Matovic, et

  3   ensuite je vais poser une ou deux questions.

  4   M. Vladimir Matovic était un journaliste de longue date du magazine "Borba"

  5   de Belgrade. Il était aussi conseiller de l'ex-président de la République

  6   fédérative de Yougoslavie, Dobrica Cosic.

  7   Au mois de juillet 1995, l'ex-président Cosic ainsi que d'autres personnes

  8   en Serbie ont été préoccupées par la possibilité que la communauté

  9   internationale utilise l'action militaire des Serbes de Bosnie à Srebrenica

 10   comme excuse pour une action militaire contre les Serbes.

 11   A la demande de l'ex-président Cosic, M. Matovic s'est rendu à

 12   Srebrenica en juillet 1995, et c'est là qu'il a été le témoin d'un grand

 13   nombre de Musulmans de Bosnie rassemblés à Potocari. Il a poursuivi sa

 14   route vers Pale où il a rencontré le président Karadzic.

 15   M. Matovic a dit qu'il a été clair, sur la base de la conversation

 16   qu'il a eue avec le président Karadzic à cette occasion-là, que le

 17   président Karadzic n'était pas très bien informé des événements à

 18   Srebrenica. M. Matovic a eu l'impression que le président Karadzic était

 19   informé des événements à Srebrenica par la chaîne CNN.

 20   M. Matovic est retourné à Pale quelques jours plus tard pour livrer des

 21   lettres écrites par le président Cosic et par le patriarche Pavle. D'après

 22   son meilleur souvenir, il n'a pas vu le président Karadzic à cette

 23   occasion-là, mais il a laissé la lettre au secrétaire qui devait la

 24   transmettre au président.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur Matovic, j'aimerais vous demander si vous étiez suffisamment

 27   proche du président Cosic lorsqu'il était président et plus tard, jusqu'à

 28   la fin de notre guerre ?


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  1   R.  Il m'a invité à rejoindre son équipe. J'ai quitté mon emploi de

  2   journaliste et j'ai rejoint son bureau. J'ai été chargé de presse, et ce,

  3   pendant 90 jours. Je le connaissais déjà depuis longtemps. J'étais toujours

  4   de son côté vis-à-vis du public, il n'avait pas toujours été populaire,

  5   parce que le président Cosic était un auteur reconnu, il avait rédigé un

  6   grand nombre de livres et d'ouvrages diffusés largement et traduits dans

  7   plusieurs langues. C'était donc un écrivain qui parlait des tragédies

  8   nationales des Serbes qui sont passés par plusieurs guerres. Heureusement,

  9   c'était un auteur connu, et l'un de ses ouvrages est intitulé : "La

 10   question serbe - question démocratique."

 11   Q.  Etiez-vous au courant de son attitude vis-à-vis des Croates et des

 12   Musulmans ?

 13   R.  Bien sûr. En particulier quand j'ai commencé à travailler avec lui, et

 14   même avant cela, lorsque j'étais journaliste, j'ai dû traiter de cette

 15   question et j'ai dû me tenir au courant, et je connaissais son point de

 16   vue, son opinion à ce sujet. Et après avoir discuté avec Alija Izetbegovic,

 17   j'ai résumé à Cosic l'essentiel de la conversation, et Alija Izetbegovic

 18   avait été en prison à Sarajevo -- j'essaie de résumer les choses au

 19   maximum. Quoi qu'il en soit, j'ai dit à Cosic que c'était une question

 20   importante parce que le parti au pouvoir à Sarajevo et le journal de

 21   Sarajevo "Oslobodjenje" ont voulu publier un entretien --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous demande de ne pas parler en même

 23   temps. Vous parlez la même langue. N'oubliez pas qu'il faut ménager une

 24   pause entre les questions et les réponses, s'il vous plaît. Mais avant de

 25   vous redonner la parole, Monsieur le Témoin. Madame Edgerton, vous vouliez

 26   dire quelque chose ?

 27    Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, j'attendais de voir où nous allions,

 28   Monsieur le Président, et je suis quelque peu inquiète car il me semble que


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  1   nous sommes en train d'entendre une espèce d'attestation au nom du

  2   président Cosic. En fait, rien de tout cela ne se retrouve dans la

  3   déclaration signée par le témoin. Et si nous allons plus loin, je crois

  4   qu'il y aurait un problème de notification.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas l'intention de demander de répéter

  6   quoi que ce soit de la déclaration. J'ai juste demandé au témoin s'il était

  7   au courant du point de vue de M. --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, la question était plutôt la

  9   notification faite à l'Accusation du sujet abordé pendant la déposition du

 10   témoin. Maître Robinson, est-ce que vous pouvez nous aider à ce sujet ?

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, pas vraiment, Monsieur le

 12   Président. J'étais présent lors du récolement, mais je n'ai pas vu cela

 13   venir. Je ne vois pas exactement où M. Karadzic veut en venir, au fait.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De combien de temps aurez-vous encore

 15   besoin pour terminer votre interrogatoire principal ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une minute. Cela dépend de la réponse, en fait.

 17   Tout ce que je voudrais savoir, c'est ce que le témoin savait sur le

 18   président Cosic et son attitude vis-à-vis des Musulmans et mon point de

 19   vue.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois qu'il a répondu à la première

 21   question. Passons à la deuxième question, alors.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Deuxième question : est-ce que vous savez ce que le président Cosic

 24   pensait de mon point de vue sur les Musulmans ? Comment me voyait-il ?

 25   R.  Eh bien, c'est une question difficile. Je ne sais pas si les liens

 26   qu'il avait noués avec vous étaient des liens amicaux, harmonieux, mais

 27   dans cette configuration serbe après la création du conseil à Belgrade,

 28   c'est-à-dire l'opposition au gouvernement de l'époque, un forum a été créé


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  1   pour protéger la liberté de parole. Et vu qu'il avait entendu dire que M.

  2   Izetbegovic avait été arrêté et qu'il était sur le point d'être jugé vu ses

  3   déclarations publiques et son point de vue sur les questions religieuses,

  4   il a présenté à l'association de Belgrade son point de vue qui était très

  5   courageux à l'époque.

  6   Q.  Mais répondez à ma question, s'il vous plaît. J'aimerais savoir comment

  7   le président Cosic considérait mon attitude vis-à-vis des Musulmans ?

  8   R.  Il avait toujours des mots très gentils à votre encontre. Il disait

  9   toujours que vous étiez un poète de renom, un intellectuel, un psychiatre,

 10   et cetera, et cetera. Et sur la plupart des questions politiques, notamment

 11   celle-ci, il parlait de vous en de très bons termes. Il disait que vous

 12   étiez l'une des personnes à Sarajevo et dans l'ensemble de la Bosnie-

 13   Herzégovine qui étaient considérées comme dirigeant des Serbes. Et, pour

 14   lui, vous partagiez son point de vue à savoir que personne ne devait être

 15   arrêté pour ses propos en public. Et la femme d'Izetbegovic est venue,

 16   accompagnée d'une délégation des familles de toutes les personnes qui

 17   avaient été arrêtées parce que cette déclaration islamique avait été faite,

 18   elle avait amené beaucoup d'argent --

 19   Q.  Je pense que cela suffit pour l'instant. Cela ne se retrouve pas dans

 20   la déclaration. Je voulais consigner cela. Merci beaucoup. Je n'ai plus de

 21   questions à vous poser.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Matovic, nous allons lever

 23   l'audience pour aujourd'hui et nous reprendrons demain matin à 9 heures. Le

 24   représentant du bureau du Procureur vous contre-interrogera demain. Mais

 25   pendant votre déposition, dans l'intervalle, je tenais à vous rappeler que

 26   vous n'avez le droit de discuter avec quiconque du contenu de cette

 27   déposition.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Merci.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'audience est levée.

  2   --- L'audience est levée à 14 heures 54 et reprendra le mercredi, 11

  3   décembre 2013, à 9 heures 00.

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