Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 45004

  1   Le jeudi 12 décembre 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Bonjour,

  7   Monsieur McCloskey.

  8   Monsieur Karadzic, veuillez continuer.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour, Excellences. Bonjour à tout le

 10   monde. Bonjour, Monsieur McCloskey. Je suis ravi de vous voir parmi nous

 11   aujourd'hui.

 12   LE TÉMOIN : MILOS MILINCIC [Reprise]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur Milincic.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Il ne me reste que trois questions brèves à nous poser.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et je demande l'affichage du document 1D09746,

 19   s'il vous plaît. C'est votre déclaration. Et c'est le paragraphe 10 qui

 20   m'intéresse.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Je voudrais que vous vous concentriez sur les deux dernières lignes. Je

 23   crois que pour la version serbe, il faut passer à la page suivante. Est-ce

 24   que ce paragraphe vous parle ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Page suivante, s'il vous plaît. J'aimerais savoir, Professeur, s'il

 27   s'agit de votre déclaration ou, plutôt, est-ce que l'on vous a attribué ces

 28   mots, mais vous ne les avez pas prononcés ?


Page 45005

  1   R.  Non, on ne m'a rien fait dire. Je suis professeur de littérature. L'un

  2   de nos poètes monténégrins nous a parlé de dignité et d'héroïsme et

  3   d'honnêteté. C'était Marko Miljanov qui a dit cela. Et l'honnêteté veut

  4   dire qu'il faut garder certaines personnes pour soi. Ce qui est repris dans

  5   cette déclaration, ce sont bien mes mots. Personne ne m'a rien imposé quoi

  6   que ce soit. Je suis désolé d'avoir entendu dire hier que c'était une

  7   copie, que j'avais plagié quelqu'un. Il s'agit bien de ma déclaration

  8   originelle et c'est le fruit de ma réflexion, de ma philosophie.

  9   Q.  Paragraphe 16 de la même déclaration, s'il vous plaît. Veuillez nous

 10   lire ce paragraphe également. S'agit-il là encore de vos propos ou

 11   quelqu'un vous a-t-il suggéré de dire cela ?

 12   R.  Je parle de la situation à Srbac à un moment lorsque la situation était

 13   difficile et nous nous efforcions entre nous à Srbac, dans ma municipalité,

 14   d'améliorer les choses, ainsi que de l'autre côté de la Sava. Il y avait

 15   cette ville croate de Davor. Nous avons fait tout en notre pouvoir pour

 16   éviter le conflit, et il y a eu des tentatives des deux côtés d'entrer en

 17   conflit. Nous avons été bombardés à trois reprises du camp croate, mais pas

 18   de chez nos voisins, c'était un autre emplacement, et on s'attendait à ce

 19   que nous, nous répliquions contre cette ville innocente. Et

 20   personnellement, via un ancien étudiant à moi, le commandant de ma brigade,

 21   j'ai demandé de ne pas porter atteinte à cette ville innocente. Il m'a

 22   écouté et, en conséquence, Davor n'a jamais été touché.

 23   En Republika Srpska et en Bosnie-Herzégovine, on avait entendu dire que

 24   l'on nous avait bombardés. Les lignes de communication avaient été

 25   interrompues, mais parce que la nouvelle avait atteint l'extérieur, vous

 26   m'avez appelé le soir même et vous m'avez demandé ce qu'il s'était

 27   véritablement passé à Srbac; si nous avions été bombardés, s'il y avait eu

 28   des pertes, ce qu'il se passait. Et je vous ai répondu : Oui, nous avons


Page 45006

  1   subi quelques pertes, il y a eu des dommages, des personnes ont été

  2   blessées, parce qu'on nous a tiré dessus mais de façon non sélective.

  3   C'était toute la ville qui avait été bombardée. Il y a eu quelques

  4   problèmes, effectivement. Mais Srbac est difficile à atteindre lorsque l'on

  5   tire dessus parce qu'il y a une colline qui la protège, et les obus ont

  6   raté quelques cibles.

  7   Nous avons été bombardés trois fois. Le premier jour, ces obus sont tombés

  8   du côté croate. Et c'est la raison pour laquelle le village de Davor a

  9   réagi. Vous m'avez donc appelé ce soir-là chez moi, et je vous ai dit

 10   quelle était la situation. Et vous m'avez dit de faire attention à ceux qui

 11   essayaient de nous provoquer, parce que la situation ne ferait qu'empirer

 12   s'il y avait réplique. Vous m'avez dit m'avez dit de discuter avec le côté

 13   croate si possible et d'essayer d'établir un équilibre à Srbac, de

 14   maintenir de bonnes relations avec les voisins. Et, Dieu merci, nous avons

 15   réussi à maintenir ces bonnes relations pendant cinq ans. A chaque fois que

 16   vous m'avez parlé, vous m'avez mis en garde contre les provocateurs, et je

 17   dois vous dire qu'il y a eu des provocations du camp croate et du camp

 18   serbe parce qu'on voulait que nous fassions la guerre avec le côté croate.

 19   Q.  Professeur Milincic, hier vous avez parlé lors de votre déposition et

 20   vous nous avez dit que c'étaient vos propos. Est-ce que vous pouvez le

 21   confirmer ou est-ce que l'on vous a incité à dire quelque chose ?

 22   R.  Si je devais tout résumer, tout ce que j'ai dit hier, peut-être que je

 23   changerais le style, mais en l'essence ce serait la même chose. On ne peut

 24   rien m'imposer.

 25   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je pense qu'il n'y a pas de pauses

 26   entre les questions et les réponses, et que le débit est très, très rapide.

 27   Donc, je demanderais au Dr Karadzic et au témoin de ralentir.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je vais faire de mieux. Je vais essayer


Page 45007

  1   de ralentir. Comme je l'ai dit, s'il fallait résumer ce que j'ai dit hier,

  2   peut-être que je changerais le ton de mes propos, parce qu'on ne peut pas

  3   redire exactement la même chose à deux reprises. Mais le fond, les propos

  4   que j'ai tenus seraient les mêmes. Et je maintiens ce que j'ai dit.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Merci, Professeur Milincic.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier de

  8   deux paragraphes, le paragraphe 10 et le paragraphe 16.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je crois que vous connaissez mon point de vue

 11   à cet égard, Monsieur le Président. Les Juges de la Chambre ont déjà rendu

 12   leur décision à ce sujet, donc je ne vais pas répéter ce que j'ai dit --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre ont permis à

 14   l'accusé de passer la déclaration paragraphe par paragraphe mais ne se sont

 15   pas prononcés sur l'admission de ce paragraphe ou pas.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord. Alors, je vais répéter mon

 17   point de vue le plus rapidement possible. J'ai relu le compte rendu d'hier

 18   et j'ai remarqué que tout d'abord le Juge Baird avait relevé que si cette

 19   déclaration était versée en vertu de l'article 92 ter, les informations

 20   obtenues hier a fortiori suggéreraient que cette déclaration n'était pas

 21   admissible et devait avoir lieu dans le prétoire directement en posant des

 22   questions au témoin. J'ai également remarqué que lorsque cet exercice a été

 23   proposé par M. Karadzic, le président a indiqué que cet exercice ne

 24   semblait pas très utile d'un point de vue général et que cela n'aiderait

 25   pas les Juges de la Chambre à évaluer la crédibilité de la déclaration ou

 26   de la déposition du témoin. D'un point de vue général, je pense dès lors

 27   qu'il n'est pas approprié de suggérer que, lorsque l'on ne sait rien d'une

 28   déclaration, elle est inadmissible parce qu'elle n'est pas pertinente.


Page 45008

  1   Parce qu'une fois qu'elle a été écartée, elle devient admissible. C'est une

  2   proposition qui ne peut pas être utilisée comme argumentation

  3   d'admissibilité. Voilà ce que nous pensons.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, pour simplifier les choses, est-ce

  5   que vous êtes d'accord avec l'admission de ces deux paragraphes ou pas ?

  6   M. TIEGER : [interprétation] Je ne suis pas d'accord sur l'exercice en tant

  7   que tel.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous vous y opposez ?

  9   M. TIEGER : [interprétation] Je m'y oppose, mais si les Juges de la Chambre

 10   pensent répéter le même exercice pour d'autres questions -- donc, je ne

 11   parle pas de la déclaration en elle-même. Mais si les Juges de la Chambre

 12   estiment que cela pourrait les aider à avoir les termes repris dans les

 13   paragraphes sous les yeux, pas de problème. Je ne veux pas en faire un gros

 14   problème. Ce qui me posait problème, par contre, c'était l'admissibilité au

 15   sens plus large et le fond de l'admissibilité. Les Juges de la Chambre

 16   devront voir s'il est utile pour eux d'examiner les termes des paragraphes

 17   de la déclaration. C'est le principe qui me pose problème, plus que cette

 18   question-ci plus particulièrement.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. M. Tieger a

 21   ouvert cette porte-là hier. Il a posé des questions au témoin sur une

 22   partie du paragraphe 22 et a suggéré que, parce que les termes du témoin

 23   étaient semblables à une autre déclaration, cette déclaration-ci pour cette

 24   déposition avait été montée de toutes pièces ou qu'on lui avait suggéré de

 25   dire cela. Alors, nous avons aujourd'hui mis en lumière deux paragraphes

 26   qui portent directement sur le Dr Karadzic, et ce sont les plus pertinents

 27   pour nous. Nous voulons montrer que cette déposition donnée hier, ainsi que

 28   celle reprise dans la déclaration, était en fait les propres mots du témoin


Page 45009

  1   et pas ceux de notre enquêteur. Donc, le paragraphe 22 était admissible

  2   pour l'Accusation, et nous estimons que les paragraphes 10 et 16 devraient

  3   l'être pour nous.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, Monsieur Tieger, ce qui

  6   compte ici, ce n'est pas le contenu de la déclaration, mais plutôt savoir

  7   s'il s'agissait bien des termes utilisés par le témoin et pas une

  8   incitation à dire ces mots. Donc, en théorie, l'admission de la déclaration

  9   n'est pas nécessairement justifiée; mais dans le cas présent, l'accusé n'a

 10   pas donné lecture de la partie de la déclaration afin de comprendre le

 11   contexte dans lequel le témoin les a prononcés. Nous allons admettre ces

 12   deux parties -- ces deux paragraphes de la déclaration à cette fin

 13   uniquement.

 14   Quelle sera la cote ?

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce D4188, Madame,

 16   Messieurs les Juges.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 18   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'il avait conclu, Monsieur le

 19   Président.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'avais raté cette partie-là.

 21   Eh bien, Monsieur Milincic, ceci conclut votre déposition. Au nom des Juges

 22   de la Chambre, je tiens à vous remercier d'être venu déposer à La Haye.

 23   Vous êtes libre de vous en aller à présent.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 25   [Le témoin se retire]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que le témoin suivant est

 27   prêt ?

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.


Page 45010

  1   C'est le colonel Blagojevic.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En attendant que le témoin suivant

  3   nous rejoigne, j'aimerais faire le commentaire suivant un instant. A

  4   l'attention de M. Karadzic. Les Juges de la Chambre voudraient consigner au

  5   compte rendu qu'ils sont très préoccupés de la façon dont vous utilisez le

  6   reste des 325 heures qui vous ont été octroyées pour la présentation des

  7   moyens à décharge.

  8   A la fin du mois de novembre, vous aviez utilisé 260 heures environ

  9   et il vous restait 65 heures. Même s'il est à votre discrétion de décider

 10   comment utiliser au mieux votre temps, tant que vous vous en teniez aux

 11   questions de pertinence des éléments repris dans l'acte d'accusation, les

 12   Juges de la Chambre vous ont déjà dit la semaine dernière qu'ils ne vous

 13   octroieraient pas de temps supplémentaire. Tant que les choses sont

 14   claires, vous pouvez continuer.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je ne demande aucun

 16   privilège étant donné mon manque d'expérience en la matière, mais

 17   l'Accusation a déposé des déclarations en vertu de l'article 92 bis, et il

 18   y a 2 500 faits jugés, et je dois me pencher sur tous ces documents. Et je

 19   pense qu'en conséquence l'Accusation a un certain avantage.

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Blagojevic.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous invite à prononcer la

 24   déclaration solennelle.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 26   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 27   LE TÉMOIN : VIDOJE BLAGOJEVIC [Assermenté]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]


Page 45011

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez prendre place et mettez-

  2   vous à l'aise.

  3   Le conseil de M. Blagojevic pourrait-il se présenter pour le compte rendu ?

  4   M. DOMAZET : [interprétation] Bonjour. Vladimir Domazet, conseil pour M.

  5   Blagojevic. Merci.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Domazet.

  7   Comme vous le savez très bien, Monsieur Blagojevic, avant de commencer à

  8   déposer, j'aimerais attirer votre attention sur un article de notre

  9   Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international. Il s'agit de

 10   l'article 90 (E). Conformément à cet article, vous pouvez refuser de

 11   répondre à toute question posée par M. Karadzic, par l'Accusation ou même

 12   par les Juges de la Chambre si vous estimez que votre réponse pourrait vous

 13   incriminer. Dans ce contexte, "incriminer" veut dire de dire quelque chose

 14   qui pourrait revenir à admettre sa culpabilité pour un délit ou un crime ou

 15   dire quelque chose qui pourrait fournir des éléments de preuve montrant que

 16   vous avez commis ce délit.

 17   Cependant, dans le cas où vous refusez de répondre à une question

 18   parce que votre réponse pourrait vous incriminer, je dois vous faire savoir

 19   que le Tribunal a le pouvoir de vous enjoindre à répondre à cette question.

 20   Mais dans ce cas-là, le Tribunal s'assurera que la déposition, compilée

 21   dans ces circonstances, ne sera utilisée dans aucune affaire contre vous, à

 22   l'exception de poursuite dans le cadre de faux témoignage. Est-ce que vous

 23   comprenez cela, Monsieur Blagojevic ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez continuer, Monsieur

 26   Karadzic.

 27   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 28   Q.  [interprétation] Bonjour.


Page 45012

  1   R.  Bonjour, Monsieur le Président.

  2   Q.  Je vais vous demander de ménager une pause entre les questions et les

  3   réponses et de parler lentement pour que vos propos puissent être

  4   consignés.

  5   Est-ce que vous avez fourni une déclaration à mon équipe de la Défense ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D49036,

  9   s'il vous plaît.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Veuillez regarder l'écran. Est-ce que vous voyez votre déclaration à

 12   l'écran ?

 13   R.  Oui. Oui, oui, je la vois.

 14   Q.  Merci. Avez-vous lu cette déclaration et l'avez-vous 

 15   signée ?

 16   R.  Oui. Je l'ai lue et je l'ai signée.

 17   Q.  Merci.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche la dernière page à

 19   présent pour que le témoin puisse identifier sa signature.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Merci. Est-ce que cette déclaration reflète fidèlement ce que vous avez

 23   déclaré aux membres de l'équipe de ma Défense ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Merci. Si je devais vous poser les mêmes questions aujourd'hui, vos

 26   réponses seraient-elles les mêmes que celles reprises dans cette

 27   déclaration ?

 28   R.  Oui. Oui, ce serait les mêmes.


Page 45013

  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de cette déclaration en

  3   vertu de l'article 92 ter.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur McCloskey, est-ce que vous avez

  5   des objections ?

  6   M. McCLOSKEY : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons recevoir ce document.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce D4189, Madame,

  9   Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vais donner lecture en langue

 12   anglaise d'un bref résumé de la déclaration du colonel Vidoje Blagojevic.

 13   Vidoje Blagojevic était un officier de carrière, d'abord dans l'armée

 14   populaire yougoslave, la JNA, et ensuite dans l'armée de la Republika

 15   Srpska, la VRS. En juillet 1995, il avait le grade de colonel et il était

 16   commandant de la Brigade de Bratunac. Le colonel Blagojevic a reçu et donné

 17   des ordres en début juillet pour ce qui est de l'opération Srebrenica. Il

 18   n'a jamais reçu ou donné quelque ordre que ce soit s'agissant d'activités

 19   illégales et n'a pas eu à connaître de planning quelconque de perpétration

 20   de crimes au sujet de ces opérations de combat. Il n'a pas eu de contact

 21   avec le président Radovan Karadzic, et le président Karadzic n'a donné

 22   aucun ordre à lui ou à sa brigade. Le colonel Blagojevic n'a pas eu à

 23   connaître de quelque plan que ce soit pour ce qui est de l'exécution de

 24   prisonniers de Srebrenica. Il déclare que ce que Momir Nikolic a dit au

 25   sujet de la soirée du 12 juillet 1995, à savoir que Nikolic avait informé

 26   le colonel Blagojevic du planning d'exécution de prisonniers, est un

 27   mensonge. Le colonel Blagojevic n'a pas vu Momir Nikolic au soir du 12

 28   juillet. Pendant l'opération de Srebrenica, Momir Nikolic n'a pas rapporté


Page 45014

  1   au colonel Blagojevic ce qui se passait mais a agi sous l'autorité de

  2   l'instance chargée de sécurité de l'état-major principal.

  3   Ce serait là le résumé en question. En ce moment-ci, je n'ai pas d'autres

  4   questions à poser au colonel Blagojevic.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Merci.

  6   Monsieur Blagojevic, comme vous avez pu le remarquer, votre

  7   témoignage au principal dans cette affaire a été versé au dossier par

  8   écrit, c'est-à-dire il s'agit du versement de votre déclaration écrite, qui

  9   tient lieu de témoignage oral. Vous allez maintenant être contre-interrogé

 10   par un représentant du bureau du Procureur. Le comprenez-vous, cela ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur McCloskey, veuillez commencer,

 13   je vous prie.

 14   M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

 15   Madame, Messieurs les Juges. Bonjour, Monsieur Karadzic. Bonjour à tous.

 16   Contre-interrogatoire par M. McCloskey :

 17   Q.  [interprétation] Colonel, il s'est passé pas mal de temps depuis que

 18   nous nous sommes vus. Est-ce que vous acceptez le fait que vous avez été

 19   condamné devant ce Tribunal pour ce qui à l'époque avait été qualifié chef

 20   3, meurtre et crime contre l'humanité; chef 4, meurtre et violation des

 21   lois et coutumes de la guerre; chef 5, persécutions en tant que crime

 22   contre l'humanité; chef 6, actes inhumains, parmi lesquels il y a la

 23   définition relative au transfert forcé de personnes ? Est-ce que vous

 24   acceptez qu'il y a eu des condamnations à votre égard s'agissant des crimes

 25   susmentionnés ?

 26   R.  Hélas, j'ai été condamné dans ce procès, mais ce procès a été un procès

 27   injuste. La procédure était injuste pour les raisons suivantes : j'ai eu

 28   mon droit à la défense qui a été mis en péril. Dans ce procès, je n'ai pas


Page 45015

  1   eu de défense, en réalité. De même, dans ce procès, il y a eu violation de

  2   mes droits élémentaires à un procès équitable. Je vais vous donner un

  3   exemple seulement sur toute une série d'autres pour lesquels il faudrait

  4   qu'on dispose de connaissance juridique très particulière. Mais, en somme,

  5   on m'a empêché ou on a entravé mon droit au témoignage. D'après ce que j'ai

  6   cru comprendre, aux yeux du Tribunal, cela semble avoir été chose

  7   incompréhensible, mais c'est précisément ce qui s'est passé. Peut-être un

  8   peu plus tard, si l'occasion venait à se présenter, pourrais-je donner un

  9   aperçu assez bref de la façon dont cela s'est répercuté sur la peine que

 10   j'ai purgée en prison. C'est assez spécifique. Et si nous avons le temps,

 11   j'espère avoir l'opportunité de vous le faire entendre. Je --

 12   Q.  Excusez-moi, Colonel. Votre devoir dans ce procès, devant cette

 13   Chambre-ci, consiste à répondre à mes questions. Mais vous allez toujours

 14   pouvoir expliquer vos réponses. Et comme vous le savez, le Dr Karadzic aura

 15   l'opportunité de vous poser des questions complémentaires qui vont peut-

 16   être aborder certains des domaines qui font l'objet de vos préoccupations.

 17   Mais en ce moment-ci, il convient de répondre aux miennes, d'accord ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Et gardez à l'esprit le fait que

 19   c'est un procès très sérieux au pénal qui est diligenté contre M. Karadzic.

 20   Veuillez continuer, Monsieur McCloskey.

 21   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 22   Q.  [aucune interprétation]

 23   R.  Permettez-moi de terminer ma réponse, je vous prie, parce que vous

 24   m'avez posé une question.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que vous avez déjà répondu à la

 26   question, mais si vous voulez ajouter quelque chose, je vous demanderais

 27   d'être bref, Monsieur Blagojevic.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais être bref, mais je veux que la réponse


Page 45016

  1   soit complète s'agissant de la question qui m'a été posée. Je voulais juste

  2   dire qu'il s'agissait d'une espèce d'entreprise conjointe déployée entre le

  3   Procureur et la prétendue défense que j'ai eue, et c'est la raison pour

  4   laquelle j'ai été condamné. C'est la fin de ma réponse.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  6   Veuillez continuer, je vous prie, Monsieur McCloskey.

  7   M. McCLOSKEY : [interprétation]

  8   Q.  Donc, vous avez été victime ici, Colonel ?

  9   R.  Hélas, oui.

 10   Q.  Au paragraphe 6 de votre déclaration, vous avez, en fait, dit que M.

 11   Butler, dans son rapport, a piétiné votre droit le plus élémentaire, et les

 12   Juges de la Chambre de première instance, comme vous le dites, et je cite :

 13   "Malheureusement, cette pratique de torture et de revanchisme s'est

 14   poursuivie pendant que j'ai purgé ma peine."

 15   Je voulais juste rajouter que ceci complète votre réponse à la

 16   question que je vous ai posée, j'imagine ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on peut télécharger la

 18   déclaration ? Je ne suis pas sûr d'avoir la version la plus récente.

 19   S'agit-il du paragraphe 6, Monsieur McCloskey ?

 20   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je suis désolé. Je sais qu'il y a des

 21   versions qui ont circulé. C'est sous la section de "j'aimerais rajouter".

 22   C'est la seule que j'ai, d'ailleurs.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois pas de paragraphe de ce genre

 24   dans la déclaration. Est-ce que vous pouvez le télécharger.

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Je crois que M. McCloskey est peut-être

 26   intervenu partant d'une version différente. La déclaration finale a été

 27   redistribuée et les parties, après le récolement, ont vu qu'un paragraphe

 28   avait été supprimé. Donc, c'est justement ce qui figure au paragraphe 6.


Page 45017

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais c'est là la difficulté que M.

  2   Tieger a eu à affronter tous les jours.

  3   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je vois cela. Je le consigne au compte

  4   rendu.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez.

  6   M. McCLOSKEY : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur, vous avez dit que des crimes ont été commis à Srebrenica,

  8   mais que ça a été l'œuvre d'individus et de groupes qui ont échappé à tout

  9   contrôle ?

 10   R.  A ce sujet, je peux vous dire la chose suivante : lorsqu'il s'agit de

 11   crimes, en particulier de meurtres, je condamne tous les crimes, et en

 12   particulier tous les meurtres, tout particulièrement encore lorsqu'il

 13   s'agit de victimes innocentes, prisonniers, femmes, enfants, mais toute

 14   autre personne aussi qui ne constitue pas de péril véritable. Je suis donc

 15   favorable au fait de voir que les personnes qui ont commis cela, et c'est

 16   une violation des lois, soient poursuivies et punies. Pour ce qui est de

 17   Srebrenica, ce qui s'est passé en réalité, je ne peux pas vous en parler.

 18   Ce que je puis dire, c'est dans la mesure où cela se rapporte à l'unité que

 19   j'ai commandée moi-même et que j'ai assumée pleinement. Et c'est là que

 20   j'ai assumé des responsabilités à part entière, tout pour ce qui est de mes

 21   agissements en ma qualité de commandant. Mais tout le reste, tout ce qui

 22   excédait mon autorité, je ne peux pas en parler. Je ne peux donc pas vous

 23   dire s'il y a eu des crimes de commis, dans quelle mesure, qui est-ce qui

 24   les a commis, où et comment. Je ne sais pas vous le dire. On en saura peut-

 25   être plus lorsque ce Tribunal-ci finira de compléter l'image de ces

 26   événements. C'est ce que je vous répondrais.

 27   Q.  Est-ce que vous pensez que les crimes de Srebrenica ont été commis par

 28   des individus et des groupes incontrôlés ? Est-ce que vous maintenez ce


Page 45018

  1   type de propos ?

  2   R.  Cela peut être, en effet, l'une des possibilités. C'est d'ailleurs très

  3   probable. Parce que, à cette époque-là, il a été possible de voir

  4   intervenir ce type d'individus et ce type de groupes d'individus.

  5   Q.  Fort bien, Colonel. Vous pensez vraiment qu'il est possible que plus de

  6   7 000 hommes et garçons finissent par être encerclés, mis en détention,

  7   transférés, exécutés sommairement et enterrés en l'espace de quatre jours,

  8   les 13, 14, 15 et 16 juillet ? Est-ce que ceci a vraiment pu être l'œuvre

  9   d'individus et de groupes non contrôlés ? Vous êtes un militaire. Dites-

 10   nous donc la vérité.

 11   R.  Oui, je suis un officier. Ce que je peux vous dire, c'est que vu que je

 12   n'en ai pas eu à connaître à l'extérieur des missions confiées à ma brigade

 13   que je me suis efforcé d'exécuter de la meilleure des façons possibles

 14   conformément à la réglementation en vigueur et qui m'a été inculquée dans

 15   mon enseignement, chose qui était fort importante pour l'armée. Mais

 16   s'agissant de savoir ce qui s'est passé au-delà, je ne peux pas, moi, le

 17   savoir. Je ne peux pas juger du fait de savoir si c'est possible ou pas

 18   possible. J'ai certaines expériences. J'ai pensé que des choses étaient

 19   impossibles et elles se sont avérées possibles. Mais quand on raisonne

 20   normalement, quand on agit en pleine conscience, je ne pense pas que l'on

 21   puisse juger des choses de façon efficace en se fondant sur des hypothèses.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Intervention au compte rendu, je vous prie.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] En ligne 6, 5 et 6, le témoin a 

 25   dit : Ce que je pensais être impossible s'est avéré quand même possible. Il

 26   n'a pas dit que l'on avait prouvé que la chose était possible.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que c'est reflété dans le

 28   compte rendu de façon juste.


Page 45019

  1   Veuillez continuer, Monsieur McCloskey.

  2   M. McCLOSKEY : [interprétation]

  3   Q.  Colonel, en gros, combien d'hommes musulmans et de jeunes hommes

  4   musulmans ont été détenus à Bratunac et autour aux dates des 12 et 13

  5   juillet ?

  6   R.  Que voulez-vous dire par là ? Vous parlez du chiffre ?

  7   Q.  Oui.

  8   R.  Et c'est à moi que vous posez cette question ?

  9   Q.  Oui, cette Chambre sait que votre QG se trouvait à Bratunac, en ville,

 10   qu'il y avait des écoles où on avait mis des prisonniers. Ils savent

 11   beaucoup de choses à ce sujet. Vous, vous étiez là-bas. Vous étiez au

 12   bureau le plus haut placé. Combien étaient-ils ?

 13   R.  Je ne le savais pas et je n'avais pas un aperçu de cette situation-là.

 14   Et je voudrais compléter ce que j'ai dit tout à l'heure. Pour mieux savoir

 15   ceci, vous le sauriez mieux, on le saurait mieux si on avait eu un expert

 16   militaire pour ce qui est de la position et du rôle joué par ma brigade. Et

 17   dès qu'on a omis de présenter cet élément, cela a laissé place à des

 18   hypothèses et des suppositions. Et je ne vais encore moins parler de la

 19   prétendue défense dont j'ai disposé.

 20   Q.  Colonel, continuons. Parlons de ce que vous avez pu savoir au sujet des

 21   périodes de temps pertinentes relatives à l'acte d'accusation -- aux

 22   périodes de l'acte d'accusation qui sont liées à Srebrenica, et c'est les

 23   éléments culminants de ces événements. Alors, vous nous avez dit que votre

 24   carrière a commencé au début de la guerre dans la VRS, donc c'était en

 25   printemps 1992, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et en printemps 1992, à quel endroit et dans quelle unité vous êtes-

 28   vous trouvé ? Avril, mai, juin ?


Page 45020

  1   R.  Non, pas avril, mai. Il faut compter à compter du 15 mai 1992. Je me

  2   suis présenté au commandement du Corps de la Bosnie de l'Est.

  3   Q.  Quelle ville ?

  4   R.  Je crois que c'était Ugljevik. C'était là que se trouvait le lieu du

  5   commandement du corps.

  6   Q.  Et quel est le travail qu'on vous a confié ?

  7   R.  A l'époque, je n'avais pas de mission concrète, disons, mais j'ai fait

  8   partie de l'élément opérationnel du commandement. C'est ainsi que les

  9   choses pourraient être formulées.

 10   Q.  Et est-ce que vous êtes devenu commandant de la Brigade de Zvornik du

 11   Corps de la Bosnie de l'Est ?

 12   R.  C'est le commandement du corps qui m'a demandé d'essayer de créer une

 13   Brigade de Zvornik et d'en faire une unité organisée. J'y ai passé peut-

 14   être moins de deux mois. C'est fin mai, donc. Je ne sais pas trop quelle

 15   date au mois de juillet, ou peut-être était-ce fin juin. Je ne sais pas

 16   vous préciser de date.

 17   Q.  Donc, si vous vous trouviez dans les opérations du Corps de la Bosnie

 18   de l'Est au début mai à Ugljevik, qui n'est pas loin de Zvornik, et que

 19   vous avez essayé d'organiser cette Brigade de Zvornik, vous avez été très

 20   présent sur le terrain lorsque Arkan et les autres sont arrivés dans le

 21   secteur, n'est-ce pas ?

 22   R.  Ce n'est pas exact.

 23   Q.  Vous nous avez dit que vous aviez commencé avec le Corps de la Drina

 24   lorsque celui-ci a été créé. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que ça a

 25   été créé le 1er novembre 1992 ?

 26   R.  Peut-être. Je n'ai pas de renseignement précis. Mais si j'avais le

 27   document, je pourrais peut-être me rafraîchir la mémoire. Comme ça, de

 28   tête, je ne sais pas vous le dire.


Page 45021

  1   M. McCLOSKEY : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous afficher le 25558 de

  2   la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  3   Q.  Vous pouvez voir au paragraphe 1 de cet ordre-ci émanant de l'état-

  4   major principal, et en page d'après on voit le nom de Ratko Mladic, qu'il

  5   est question de la création du Corps de la Drina à partir de parties du

  6   Corps de la Bosnie de l'Est, du Corps de Sarajevo-Romanija, novembre 1992.

  7   Est-ce que ceci rafraîchit votre mémoire ?

  8   R.  Oui, je le vois au premier point. Je vois ce qui est écrit. Mais ça ne

  9   me concerne pas en particulier.

 10   Q.  Alors, est-ce que ceci rafraîchit votre mémoire pour ce qui est du

 11   début de l'existence du Corps de la Drina ?

 12   R.  Oui, c'est ce que je vois sur l'écran. Mais pour moi, c'est juste un

 13   renseignement. Je ne sais pas quoi vous dire de plus.

 14   Q.  Donc, si vous avez commencé à intervenir au Corps de la Drina lorsque

 15   celui-ci a commencé à exister, donc ça devait être novembre 1992, non ?

 16   R.  Non. En novembre 1992, je n'étais pas dans le Corps de la Drina.

 17   Q.  Mais quand êtes-vous allé au Corps de la Drina ? Vous avez dit dans

 18   votre déclaration que vous en avez été membre dès que ça a commencé

 19   d'exister, alors…

 20   R.  Il se peut que c'était en février ou début mars que je l'ai rejoint de

 21   l'année d'après. C'est donc en 1993. Février, fin février, ou tout début

 22   mars, je ne sais pas vous dire de date exacte.

 23   Q.  Bien.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je vais demander de faire un versement au

 25   dossier de ce document.

 26   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document se voit attribuer la cote

 28   P6566, Madame, Messieurs les Juges.


Page 45022

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur McCloskey, la Chambre va

  2   interrompre cette audience pour quelques minutes.

  3   --- La pause est prise à 9 heures 55.

  4   --- La pause est terminée à 9 heures 56.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour le reste de cette audience et celle

  6   d'après, nous allons siéger en application de l'article 15 bis.

  7   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je le dis pour la

  8   première fois depuis ce procès en entier, je crois que c'est la première

  9   fois que le Juge Baird n'est pas présent. Je ne me souviens pas qu'il y ait

 10   eu un moment d'absence de sa part. Et nous apprécions grandement les

 11   efforts qu'il investit.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Grand merci.

 13   M. McCLOSKEY : [interprétation] J'aimerais que l'on se penche sur la pièce

 14   à conviction 65 ter 25789, s'il vous plaît.

 15   Q.  Colonel, ceci est un document émanant des archives du Corps de la

 16   Drina, et c'est un document que vous devez forcément connaître. Il s'agit

 17   de la liste des officiers de permanence du Corps de la Drina datant du mois

 18   de mars 1993. Vous avez une version en serbe. Et à mi-page vers le bas, on

 19   voit un endroit où on parle du commandant Nedjo Blagojevic. Et vous allez

 20   voir qu'il y a V. Blagojevic, lieutenant-colonel. Est-ce que ceci vous aide

 21   à vous rappeler le fait que vous avez, en réalité, été au Corps de la

 22   Drina, et vous étiez officier de permanence en mars 1993 ?

 23   R.  Mais c'est ce que j'ai dit dans ma réponse. Je suis d'accord. Je vous

 24   avais dit fin février, début mars. C'est bien ce que je pense avoir dit.

 25   C'est ce que je vous ai répondu.

 26   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je voudrais demander un versement au

 27   dossier de ce document.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.


Page 45023

  1   M. McCLOSKEY : [interprétation]

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera la pièce P6567.

  4   M. McCLOSKEY : [interprétation]

  5   Q.  Et qu'a été donc votre travail ? On voit "referent" aux opérations.

  6   C'était référendaire chargé des opérations. Est-ce que c'est la position

  7   qui était la vôtre ? Et vous étiez lieutenant-colonel. En mars 1993, quelle

  8   était votre mission, quelles étaient vos fonctions au sein du Corps de la

  9   Drina ?

 10   R.  J'étais agent opérationnel dans une instance chargée des opérations au

 11   sein du commandement du Corps de la Drina, chargé de certaines missions au

 12   sein du commandement.

 13   Q.  Mais pour quel type de tâches ?

 14   R.  Ecoutez, je pourrais en énumérer quelques-unes maintenant; par exemple,

 15   il s'agissait de préparer certains documents, de préparer des rapports, de

 16   tenir et consigner certains dossiers, d'assurer un service de permanence,

 17   de participer à l'élaboration des cartes de travail, et si cela était

 18   demandé, de participer à l'exécution de certaines tâches, et ce, en

 19   fonction du plan qui était transmis par le commandement.

 20   Alors, je ne peux pas vous le dire précisément. Cela dépendait de la

 21   situation qui prévalait sur le terrain et de la situation au sein du

 22   commandement. Mais mes activités s'inscrivaient essentiellement dans le

 23   cadre que je viens de décrire.

 24   Q.  Et lorsque vous receviez des ordres de votre commandant et que ces

 25   ordres indiquaient qu'il fallait que vous alliez, par exemple, à la

 26   brigade, est-ce que vous avez parfois aidé à la mise au point de ce type

 27   d'ordres, est-ce que vous les avez rédigés pour qu'ils puissent être

 28   transmis à la brigade suivant un format précis ?


Page 45024

  1   R.  Oui, oui, j'ai participé à ce type d'activité. En règle générale, je

  2   dirais que j'étais l'un des officiers qui -- il y avait un certain nombre

  3   d'officiers dans les bureaux qui aidaient le chef des opérations, tout

  4   dépendait du rôle qu'il m'attribuait. Cela dépendait en fait de sa

  5   décision. Moi, je n'ai jamais eu de rôle précis.

  6   Q.  Mais qui était le chef des opérations et de la formation au mois de

  7   mars 1993 ? En d'autres termes, qui était votre supérieur hiérarchique

  8   direct, votre chef ?

  9   R.  Oui, oui, il va falloir que je m'en souvienne maintenant. Parce qu'il y

 10   a eu au moins deux ou trois changements, mais je ne pense pas commettre

 11   d'erreur si je vous dis qu'au début, lorsque j'ai commencé, il était

 12   colonel, à l'époque, puis ensuite il a été commandant adjoint du Corps de

 13   Sarajevo. Il s'agissait de M. Milosevic. Il était colonel à l'époque, je

 14   pense --

 15   Q.  Est-ce que vous parlez de Dragomir Milosevic, qui ensuite a commandé le

 16   Corps de Sarajevo-Romanija ?

 17   R.  Oui, oui, je pense que c'était Dragomir. Oui, oui, c'est exact. C'est

 18   cela, c'est cela. C'était à lui que je faisais référence. Mais ensuite,

 19   Lazic est arrivé. Comment s'appelait-il ? Quel était son prénom ? Milan, me

 20   semble-t-il. Est-ce qu'il était colonel ? Je ne peux pas vous le dire

 21   exactement. En fait, peut-être qu'il s'appelait Milenko. Oui, c'est cela

 22   peut-être.

 23   Q.  En 1993, et je pense aux premiers mois où vous vous êtes trouvé là-bas,

 24   au mois de mars, au mois d'avril, au mois de mai, combien de personnes et

 25   combien d'officiers faisaient partie de l'unité chargée des opérations du

 26   Corps de la Drina ? Nous savions que vous aviez un commandant, et vous nous

 27   dites que vous étiez officier qui travaillait dans les bureaux ou que vous

 28   étiez, en fait, un officier chargé de l'administration. Qui étaient les


Page 45025

  1   autres officiers qui faisaient partie de l'unité chargée des opérations ?

  2   R.  Ecoutez, je ne peux pas vous le dire précisément maintenant. Il

  3   faudrait que ce soit un expert militaire qui réponde à cette question, et

  4   ainsi vous pourriez comprendre parfaitement la situation. Vous savez,

  5   maintenant j'essaie de vous donner des bribes de souvenirs à propos de ce

  6   qui s'est passé. J'aurais eu besoin d'une période de temps plus longue pour

  7   préparer cela. Mais il y avait plusieurs officiers, ceci étant dit, qui

  8   faisaient partie de cet organe chargé des opérations. Comment pourrais-je

  9   m'exprimer ? Il y a toujours eu un organe au sein du commandement, mais le

 10   personnel changeait. Parce qu'il y avait d'autres tâches qui étaient

 11   assignées, il y avait ces officiers qui étaient assignés à ces tâches, à ce

 12   commandement, et cetera. L'intention était qu'aussi peu d'officiers que

 13   possible restent au sein du commandement. Mais ils étaient plusieurs, une

 14   dizaine environ. Je ne m'en souviens pas.

 15   Q.  Est-ce que Jocic était l'un de ces officiers ?

 16   R.  Jocic ? Ecoutez, je ne me souviens même pas de ce nom de famille.

 17   Q.  Vous n'êtes pas en mesure de nous donner le nom ne serait-ce que d'une

 18   personne, ne serait-ce que d'un officier qui aurait partagé ces bureaux à

 19   ce moment-là ?

 20   R.  Non, non, excusez-moi. Non, non. Vous avez dit "Jocic", mais moi je

 21   pense qu'il s'agit de "Jocic", c'est le colonel Jocic, et non pas "Jocic"

 22   comme vous l'avez dit.

 23   Q.  Donc, à part lui, quels sont les autres officiers dont vous pouvez nous

 24   donner le nom ?

 25   R.  Vous parlez du commandant du Corps de la Drina ?

 26   Q.  Non, non, non. Moi, je vous parle de l'organe chargé des opérations.

 27   Mais passons à autre chose, si vous n'êtes pas en mesure.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi. Il y a une question à


Page 45026

  1   la ligne 20, au sein du commandement, est-ce que vous entendez au sein du

  2   commandement du Corps de la Drina ?

  3   M. McCLOSKEY : [interprétation] 

  4   Q.  A moins que vous ne soyez en mesure de nous donner les noms d'autres

  5   officiers du secteur chargé des opérations, outre M. Jocic, vous n'êtes pas

  6   en mesure de nous donner d'autres de vos collègues, en fait, de vos

  7   collègues au sein des opérations en temps de guerre ? Colonel, tous nos

  8   dossiers indiquent que vous n'aviez pas suffisamment de personnel et que

  9   vous étiez très, très peu nombreux; est-ce bien exact ?

 10   R.  Oui, oui, c'est exact. Il n'y avait pas suffisamment de personnes de

 11   toute façon.

 12   Q.  Très bien. Je voudrais vous montrer maintenant une carte. C'est un

 13   document de la liste 65 ter, le document 03205. C'est un document qui a été

 14   mis au point par le bureau du Procureur lors de votre procès. Vous vous en

 15   souviendrez peut-être.

 16   R.  [aucune interprétation]

 17   L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent qu'ils n'ont pas entendu la

 18   réponse du témoin.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez répéter votre

 20   réponse, Monsieur Blagojevic.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez parler de ce que je viens juste de

 22   dire maintenant, de ma dernière réponse ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les interprètes n'ont pas entendu votre

 24   réponse.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que lorsque vous parlez de mon

 26   procès, vous voulez parler de mon procès injuste ?

 27   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 28   Q.  Colonel, il s'agit d'une carte dont le but est de nous montrer la zone


Page 45027

  1   de responsabilité du Corps de la Drina, qui est en jaune. Ce n'est pas la

  2   peine de lire la légende en anglais. Puis ensuite, nous voyons les enclaves

  3   de Srebrenica, de Zepa et de Gorazde. Et cela correspond à l'année 1995.

  4   Est-ce que cela correspond à ce dont vous vous souvenez à propos des zones

  5   tenues par les Musulmans, et là je parle des zones de l'enclave où se

  6   trouvait le Corps de la Drina en 1995 ?

  7   R.  1995, dites-vous ?

  8   Q.  Oui.

  9   R.  Eh bien, peut-être que là je dirais que la situation qui prévalait sur

 10   le terrain était que, d'une certaine façon, ces enclaves de Srebrenica et

 11   de Zepa, il y avait eu une jonction entre les deux. Sinon, oui, cela

 12   correspond à la situation.

 13   M. McCLOSKEY : [interprétation] Alors, je souhaiterais que cela soit retenu

 14   comme élément de preuve et versé au dossier.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P6568, Madame,

 17   Messieurs les Juges.

 18   M. McCLOSKEY : [interprétation] Ah, excusez-moi. J'avais omis, en fait, de

 19   constater que cela était déjà une pièce en l'espèce, la pièce 4941, page 6

 20   dans le prétoire électronique.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 22   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 23   Q.  Colonel, voilà pour ce qui est du Corps de la Drina -- c'était pour

 24   nous mémoriser cela, mais j'aimerais revenir à l'année 1993. Car, en 1993,

 25   vous saurez certainement qu'il y avait des zones beaucoup plus vastes qui

 26   correspondaient au territoire tenu par les Musulmans dans la zone du Corps

 27   de la Drina, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui. Oui, oui, la zone était plus large.


Page 45028

  1   Q.  Alors, nous allons maintenant nous intéresser à une carte de la VRS.

  2   C'est un document de la liste 65 ter, le document 25786. Il s'agit d'une

  3   carte que nous avons obtenue du Corps de la Drina. Donc, il s'agit d'une

  4   carte de la VRS. J'espère que nous serons à même de constater que la forme

  5   que l'on voit sur cette carte correspond à la carte que nous venons de voir

  6   précédemment. Et vous verrez, ce n'est pas très clair, mais dans le coin

  7   gauche, nous voyons qu'il y a des dates, 1er janvier 1993, 28 février 1993.

  8   Est-ce que vous pourriez nous lire ce qui est écrit en cyrillique dans le

  9   coin supérieur gauche pour que nous puissions savoir ce qui y est écrit ?

 10   R.  Dans le coin supérieur gauche ?

 11   Q.  Oui, oui. Je vous en prie.

 12   R.  "Carte de travail de l'état-major." Il s'agit de la "carte de travail

 13   de l'état-major, commandement du Corps de la Drina." Donc, nous avons : "1er

 14   janvier 1993 et 28 février 1993."

 15   Q.  Est-ce que nous pourrions maintenant avoir l'ensemble de la carte pour

 16   pouvoir voir ces zones qui sont indiquées en bleu. Alors, vous avez dit que

 17   vous, vous avez participé à l'élaboration de ces cartes de travail. Donc,

 18   c'est juste la période qui se termine avant que vous n'arriviez là-bas.

 19   Est-ce que vous pourriez nous dire : à propos de ces zones indiquées en

 20   bleu, est-ce que ces zones correspondent aux zones qui étaient encore

 21   tenues par les forces musulmanes en 1993 ?

 22   R.  Oui, c'est possible. Oui, je pense que cela correspond à la situation

 23   qui prévalait sur le terrain, la situation factuelle. Ecoutez, je ne peux

 24   pas vous le dire de façon catégorique, oui, maintenant. Mais je pense que

 25   cela correspond à la situation qui prévalait sur le terrain à ce moment-là.

 26   Q.  Et il y avait également des milliers de civils musulmans qui vivaient

 27   dans des villes ou dans des villages qui se trouvaient dans ces zones

 28   indiquées en bleu, n'est-ce pas ?


Page 45029

  1   R.  Ecoutez, il y avait des civils qui vivaient là-bas, mais moi je ne peux

  2   pas vous donner de chiffres au sujet du nombre de ces civils. Mais il y

  3   avait également des formations armées --

  4   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la fin de la phrase.

  5   M. McCLOSKEY : [interprétation]

  6   Q.  Les interprètes n'ont pas entendu la fin de votre phrase. Est-ce que

  7   vous pourriez la répéter ?

  8   R.  Ce que je dis, c'est qu'il y avait également des formations armées et

  9   qu'on peut établir un lien entre ces formations armées et la population.

 10   Q.  Oui, oui. Mais pour ce qui était du Corps de la Drina, je pense qu'il

 11   leur incombait et qu'il incombait surtout à l'unité chargée des opérations

 12   d'avoir tous ces renseignements pour pouvoir établir leurs cartes, pour

 13   pouvoir rédiger leurs rapports, pour pouvoir relayer des ordres. Il leur

 14   revenait d'avoir des renseignements sur ces formations armées, n'est-ce pas

 15   ?

 16   R.  Oui. Il faut savoir que cela est partiellement exact, mais pas

 17   entièrement exact. Parce que ce n'est pas seulement l'organe chargé des

 18   opérations qui participe au travail du commandement. Il y a d'autres

 19   organes qui le font également, et finalement toutes les informations sont

 20   obtenues. Lorsqu'elles sont complètes, nous obtenons un document final qui

 21   est le document définitif.

 22   Q.  Oui, oui, c'est exact. Mais pour ce qui est des formations armées, est-

 23   ce qu'il était important que le commandement soit informé de la présence de

 24   civils, de leur nombre ou des lieux où ils se trouvaient.

 25   R.  Oui, probablement que cela était le cas pour certaines structures du

 26   commandement. Mais je ne peux pas vous répondre de façon précise à la

 27   question que vous venez de me poser.

 28   Q.  Mais pour vous qui faisiez partie des opérations, est-ce qu'il était


Page 45030

  1   important de savoir où se trouvaient ces civils ? Est-ce qu'il était

  2   important d'en connaître le nombre approximatif, étant donné, d'ailleurs,

  3   que vous venez de nous dire qu'ils avaient des liens avec les groupes armés

  4   ?

  5   R.  Vous savez, pour moi, en tant qu'officier chargé des opérations, il

  6   était important de savoir où se trouvaient les objectifs de l'ennemi, à

  7   savoir où se trouvaient les unités de l'ennemi et où se trouvaient leurs

  8   ressources, leurs effectifs de combat. Ça, c'était le danger pour l'armée à

  9   laquelle j'appartenais, essentiellement. Et cela était au cœur de mon

 10   travail.

 11   Q.  [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander une

 13   précision au témoin ?

 14   Est-ce qu'il s'agissait de cartes qui étaient destinées à être des cartes

 15   stratégiques ou des cartes tactiques ? Ou les deux ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, oui, oui. Vous savez, le corps

 17   correspond à un niveau opérationnel de commandement, donc c'était à ce

 18   niveau que ces cartes étaient dressées. Elles pouvaient être des cartes

 19   tactiques opérationnelles également. Toutefois, il ne s'agissait pas de

 20   cartes tactiques; mais à un niveau opérationnel, elles l'étaient.

 21   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 22   Q.  Colonel, je vous ai posé une question à propos de la présence de ces

 23   civils, et vous m'avez dit en fait que pour vous, ce qui était important --

 24   enfin, la principale menace, pour vous, est venue des forces armées. Donc,

 25   comment est-ce que les lieux où se trouvaient les civils et le nombre de

 26   ces civils s'inscrivaient dans votre travail ?

 27   R.  Ecoutez, je dois répéter une partie de ma réponse. Pour moi, en tant

 28   qu'officier au sein de l'unité à laquelle j'appartenais, le danger venait


Page 45031

  1   des forces armées, et non pas des civils. C'est ce que je vous ai dit. Il y

  2   avait les unités armées, leurs ressources, leurs effectifs, leur matériel.

  3   Si j'avais ces renseignements, cela me suffisait.

  4   Q.  Donc, une fois que vous disposiez de ces renseignements et une fois que

  5   vous connaissiez cette menace, vous pouviez recommander aux commandants de

  6   supprimer ladite menace, et cela faisait partie de votre travail, n'est-ce

  7   pas ?

  8   R.  Oui, je pouvais présenter une recommandation au chef de l'organe chargé

  9   des opérations.

 10   Q.  Alors, peut-être que c'est un peu naïf de ma part, mais est-ce que vous

 11   n'auriez pas dû savoir où se trouvaient les civils avant d'attaquer ce que

 12   vous croyez être des forces armées ?

 13   R.  Je peux vous dire qu'il est important d'avoir des renseignements à

 14   propos de civils, mais ces civils avaient procédé à des évaluations

 15   personnelles, je pense, par rapport à leur sécurité, par exemple, et ils se

 16   trouvaient à une certaine distance de ces unités armées, et ce, pour des

 17   raisons différentes. Donc, je suppose que l'autre camp s'occupait de cela

 18   également. Toutefois, moi, ma tâche essentielle consistait à savoir où

 19   étaient déployées les formations armées de l'ennemi. Et personnellement, en

 20   tant qu'officier, je ne pouvais pas supposer là où les forces armées

 21   étaient présentes ou, par exemple, s'il y avait un concentration d'ennemi

 22   qui avait été observée, s'il y avait un nid d'ennemi avec opération de

 23   mitrailleuse, par exemple, ou s'il y avait une autre pièce d'artillerie

 24   beaucoup plus lourde -- si les ennemis venaient à faire venir un certain

 25   nombre de civils pour les laisser dans les environs, non, c'était

 26   impossible, ce n'était pas logique. C'était quelque chose qui allait à

 27   l'encontre de ce qui était naturel. Les civils devaient se trouver à une

 28   certaine distance. Moi, en tant que personne qui faisait partie de l'autre


Page 45032

  1   camp, je pouvais viser ces cibles ennemies. C'est ce que j'ai appris à

  2   l'école militaire. Je ne peux pas maintenant vous présenter d'autres

  3   théories.

  4   Q.  Fort bien, Colonel. Mais je pense que vous conviendrez avec moi que

  5   nous avons vu les zones marquées en bleu sur la carte et qu'il y avait des

  6   opérations organisées de la part de la VRS, et je pense à la période au

  7   cours de laquelle vous vous trouviez au Corps de la Drina et à la période

  8   qui a précédé un peu cette période-là ? Il y a eu des combats avec ces

  9   forces musulmanes, vous les avez vaincues sur certaines positions, là où

 10   les enclaves ont été créées, et ensuite les Musulmans ont été confinés à ce

 11   secteur de la carte que nous avons vue, et je vous parle de la carte de

 12   1995. Est-ce que vous pouvez en convenir avec moi ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et je pense que vous conviendrez également qu'il n'y avait plus de

 15   civils qui restaient dans ces autres zones ? Tous les civils se trouvaient

 16   soit dans les enclaves, soit dans le reste du territoire de Bosnie-

 17   Herzégovine, je parle des civils musulmans; est-ce exact ?

 18   R.  Oui, c'est possible. Mais je ne peux pas vous dire avec exactitude où

 19   ils sont allés, ou je ne peux pas vous dire si d'aucuns sont restés ou ne

 20   sont pas restés. Je ne peux pas vous le dire avec certitude, mais

 21   essentiellement, je pense qu'ils sont nombreux à être partis. Je pense que

 22   c'est ce qui s'est passé.

 23   Q.  Colonel, mais il n'y avait pas de civils qui sont restés dans cette

 24   zone de la Bosnie orientale de la Republika Srpska à part dans ces

 25   enclaves; vous savez cela ?

 26   R.  Ecoutez, maintenant que vous me le dites, je pense que c'est exact.

 27   Q.  Je vais vous montrer une partie d'un rapport. Il s'agit d'un rapport

 28   des Nations Unies, le rapporteur étant M. Mazowiecki, et il décrit la fuite


Page 45033

  1   des civils pendant ce combat dont nous avons parlé.

  2   M. McCLOSKEY : [interprétation] Il s'agit du document 1219A de la liste 65

  3   ter.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que vous vouliez verser au

  5   dossier ce document ?

  6   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, oui, excusez-moi.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons lui donner une

  8   cote provisoire en attendant la traduction anglaise ?

  9   M. McCLOSKEY : [interprétation] Ecoutez, j'ai la traduction pour le titre.

 10   Je pense que ce serait plus utile.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 25786 de la liste 65 ter

 13   devient le document à cote provisoire P6568, Monsieur le Président.

 14   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 15   Q.  Colonel, regardez cette première page. Je ne vais pas demander le

 16   versement au dossier de ce document. Je pense que vous avez une version

 17   abrégée assez semblable. Mais je vais vous poser quelques questions à

 18   propos des conclusions qui sont tirées. Alors, nous voyons donc que cela

 19   émane de M. Mazowiecki. Nous voyons que le premier chapitre de ce document

 20   est intitulé : "Nettoyage ethnique des enclaves de l'est." Et là, nous

 21   voyons en fait Cerska, Konjevic Polje, Gorazde, Zepa, Srebrenica, et je

 22   pense que vous conviendrez qu'il s'agissait des zones qui correspondaient

 23   aux zones bleues de la carte précédente que nous avons vue. Alors, est-ce

 24   que nous pourrions afficher la page des conclusions. Il s'agit de la page

 25   18 pour la version anglaise et page 19 de la version B/C/S. C'est le

 26   paragraphe 87 qui m'intéresse. Voilà ce qui est écrit :

 27   "Des violations importantes et répétées des conventions de Genève de 1949

 28   ont été commises lors des combats récents dans la région est de la Bosnie-


Page 45034

  1   Herzégovine. Elles ont été commises par les forces serbes à Cerska,

  2   Konjevic Polje et Srebrenica, qui ont attaqué et tendu des embuscades de

  3   civils qui essayaient de fuir ce siège, ils ont attaqué des villages, ont

  4   refusé l'arrivée de l'aide humanitaire, ils ont refusé d'autoriser

  5   l'évacuation des blessés et ont essayé d'établir un lien entre les

  6   questions mentionnées ci-dessus et la question indépendante de la liberté

  7   de mouvement pour les Serbes à Tuzla."

  8   Voilà pour ce qui est de ce paragraphe. Le document porte la date du mois

  9   de mai 1993. Et si vous regardez le paragraphe suivant, il est question de

 10   violations des conventions de Genève de la part de l'autre camp qui a

 11   essayé d'utiliser ces mêmes civils comme boucliers humains. Donc, ce

 12   rapport nous donne la situation dans les deux camps.

 13   Alors, vous nous avez dit que vous étiez, à partir du mois de mars, dans

 14   l'unité chargée des opérations du Corps de la Drina. Est-ce que vous pouvez

 15   confirmer que vous avez reçu ces renseignements relatifs aux violations des

 16   conventions de Genève, violations qui allaient à l'encontre des populations

 17   civiles dans ces zones ?

 18   R.  Non, non. Non, pas particulièrement. Je ne m'en souviens pas.

 19   Q.  Vous ne vous en souvenez pas ? Donc, il est possible que cela se soit

 20   passé et que vous l'ayez oublié ?

 21   R.  Non, non, non. Non, non. Non, non, tout simplement, je ne m'en souviens

 22   pas. Si je ne me souviens pas de quelque chose, cela signifie que cette

 23   information, elle n'existait pas, pour autant que je me souvienne.

 24   Q.  Mais est-ce que vous saviez que la RS ou la VRS avait une politique qui

 25   consistait à chasser les populations musulmanes de ces zones ?

 26   R.  Vous savez, moi, je n'étais pas informé de cette politique.

 27   Q.  Mais est-ce que cela ne faisait pas partie des ordres du Corps de la

 28   Drina, à savoir forcer la population musulmane -- forcer les Musulmans à


Page 45035

  1   quitter ces zones, les expulser ?

  2   R.  Ecoutez, montrez-le-moi, cela, je vous prie.

  3   Q.  Vous avez déjà eu l'occasion de le voir, Colonel.

  4   R.  Oui, mais c'est une chose importante. C'est important de savoir comment

  5   on formule les choses, dans quel contexte est-ce qu'on en parle.

  6   Q.  Avant que je ne vous montre cela, dites-nous de quoi vous vous souvenez

  7   s'agissant de la politique de votre armée. Laissons de côté les documents

  8   pour l'instant. De quoi avez-vous gardé souvenir ? De quoi vous rappelez-

  9   vous ? Est-ce que vous vous rappelez cet ordre qui est très illégal visant

 10   à forcer la population musulmane vers l'extérieur de cette zone-là ?

 11   R.  De quel ordre parlez-vous ?

 12   Q.  Je parle de votre mémoire. Est-ce que vous vous souvenez qu'il y ait eu

 13   un tel ordre ?

 14   R.  Illégal ? Contraire à la loi ?

 15   Q.  Oui.

 16   R.  Non, il n'y a plus eu aucun.

 17   Q.  Alors, très bien. Prenons le document P02085. Vous verrez, le document

 18   s'affichera. Il vient du commandement du Corps de la Drina, il porte la

 19   date du 24 novembre 1992, c'est juste avant votre arrivée, et il

 20   s'applique, bien entendu, à la période où vous êtes là. Il vous faudra la

 21   page 3 en B/C/S. C'est au nom de votre commandant, Milenko Zivanovic.

 22   L'Accusation affirme que cela est directement lié à la directive 4,

 23   directive au nom de Ratko Mladic, pièce P00976. Nous n'allons pas prendre

 24   le temps nécessaire pour afficher ce document. Vous vous rappellerez peut-

 25   être ce document. Et j'attire votre attention sur ce document qui vient de

 26   votre commandement, document strictement confidentiel, il porte le numéro

 27   2-126. Vous vous rappelez peut-être que 2 est le numéro qui correspond au

 28   service des opérations; exact ?


Page 45036

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Première page.

  2   M. McCLOSKEY : [interprétation]

  3   Q.  Première page.

  4   R.  Oui, c'est la page 2.

  5   Q.  Oui, excusez-moi. Donc, la première page, mention de strictement

  6   confidentiel, numéro 2-126. Et 2 correspond, n'est-ce pas, au service des

  7   opérations; exact ?

  8   R.  C'est possible. Je ne peux pas me rappeler exactement les catégories de

  9   ces numéros, mais c'est possible. C'est possible que c'est le document qui

 10   vient du service d'opérations.

 11   Q.  Et nous voyons au paragraphe 1, le général Zivanovic s'adresse à la

 12   Brigade de Zvornik et personnellement au commandant ou chef d'état-major :

 13   Utiliser les forces principales et utiliser les moyens actifs afin

 14   d'infliger à l'ennemi les pertes les plus importantes possibles,

 15   l'exténuer, le briser ou le forcer à se rendre. Là, il n'y a, n'est-ce pas,

 16   rien de mauvais, aucun mal ? C'est ce qu'on fait dans une situation de

 17   guerre parfois, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, à peu près, c'est ainsi que cela pourrait être. Je ne peux pas

 19   vous dire, parce que je ne connais pas ce document, mais juste pour dire

 20   quelque chose.

 21   Q.  Ce procès est un procès sérieux, une affaire sérieuse. Ne dites pas des

 22   choses juste pour dire quelque chose. C'est Dr Karadzic qui vous a cité en

 23   tant que témoin, précisément sur cette question. Puis, la suite : Forcer la

 24   population musulmane du cru à abandonner la zone de Cerska, de Zepa, de

 25   Srebrenica et de Gorazde. C'est criminel, d'après ce que l'on voit ici,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Monsieur le Procureur, vous avez eu le général Zivanovic ici. Pourquoi

 28   vous n'avez pas précisé ça avec lui ? Pourquoi est-ce que vous me posez des


Page 45037

  1   questions ici ? Je ne peux pas savoir ce qu'il avait dans sa tête, est-ce

  2   qu'il avait des intentions criminelles ou pas.

  3   Q.  Mais, Colonel, s'il vous plaît, assumez un petit peu de responsabilité.

  4   Répondez à ma question. C'était vous le commandant de la Brigade de

  5   Bratunac. Vous savez de quelle responsabilité il s'agit. Répondez à la

  6   question : est-ce que cela est criminel ?

  7   R.  Ecoutez, ne me criez pas dessus, s'il vous plaît. Ne haussez pas la

  8   voix. Je vous parle d'homme à homme, de la manière la plus franche et

  9   ouverte qui soit. Ne me criez pas dessus. Vous allez me percer les

 10   oreilles. Vous aviez ici cet homme. Vous auriez pu en parler avec lui de

 11   ces situations. Il aurait pu vous dire ce qui s'est passé. Ne me posez pas

 12   cette question à moi. Moi, j'étais dans une situation complètement

 13   différente.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Blagojevic, M. McCloskey ne

 15   vous demande pas ce que M. Zivanovic avait à l'esprit. Lorsque vous lisez

 16   cela, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que d'après ce que l'on voit,

 17   de la manière dont on lit cette phrase, est-ce qu'elle est illégale, est-ce

 18   qu'elle est criminelle ? C'est ça la question que vous pose M. McCloskey.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, cela pourrait se comprendre

 20   ainsi, mais je ne sais pas quelles étaient les intentions du commandant. Je

 21   sais quelle était la mission qui était la mienne. Ensuite, en tant que

 22   commandant, j'y réfléchissais et je l'appliquais, je prenais des décisions.

 23   Ça dépend un petit peu de l'enchaînement des événements, de ce qui a suivi.

 24   Mais d'après ce que je vois dans le texte, je ne peux pas vous dire

 25   catégoriquement si c'est criminel ou ce n'est pas criminel. Ça, ce serait

 26   irresponsable de ma part.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur McCloskey.

 28   M. McCLOSKEY : [interprétation]


Page 45038

  1   Q.  Le Corps de la Drina, est-ce qu'il avait l'habitude dans le cadre de

  2   cette opération de forcer la population civile musulmane à abandonner la

  3   zone de Cerska, de Zepa, de Srebrenica et de Gorazde, conformément aux

  4   ordres du général Zivanovic ?

  5   R.  Si j'y réfléchis un petit peu, vous établissez ici un lien entre

  6   Cerska, Zepa et Srebrenica, alors que cela s'est passé à des moments

  7   différents. Cela ne correspond pas à un même événement qui se serait passé

  8   à peu près en même temps.

  9   Q.  Colonel, est-ce que vous pourriez répondre à ma question, s'il vous

 10   plaît. S'il vous plaît, répondez à ma question. La Brigade de Zvornik, la

 11   Brigade du Corps de la Drina, est-ce qu'elle a suivi l'ordre donné par le

 12   général Zivanovic sur ce point ?

 13   R.  En tant que partie de ces forces, il s'ensuivrait que oui, en tant que

 14   partie de ce corps d'armée.

 15   Q.  Je suis d'accord. Voyons maintenant l'année 1995. Je voudrais vous

 16   montrer un document qui devrait nous aider à comprendre ce qui se passe

 17   dans votre service en 1995. Vous êtes toujours dans ce service d'opérations

 18   et d'instruction du Corps de la Drina en 1995; exact ?

 19   R.  Oui.

 20   M. McCLOSKEY : [interprétation] 65 ter 04243, s'il vous plaît.

 21   M. ROBINSON : [interprétation] En attendant, est-ce que nous

 22   pourrions peut-être faire une pause ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si cela vous convient.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, bien entendu. Excusez-moi, je me perds

 25   un petit peu dans les horaires.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons reprendre à 11 heures 10.

 27   --- L'audience est suspendue à 10 heures 40.

 28   --- L'audience est reprise à 11 heures 11.


Page 45039

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie, continuez,  Monsieur

  2   McCloskey.

  3   M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Q.  Colonel, en vérifiant l'esquisse des questions que j'allais vous poser,

  5   je me suis rendu compte qu'il fallait que je reparle de vos déclarations de

  6   culpabilité, qu'il fallait que je précise quelque chose. Et vous serez

  7   d'accord avec moi, j'en suis sûr, que les déclarations de culpabilité que

  8   j'ai mentionnées pour meurtre et persécution portaient très précisément aux

  9   meurtres de l'école Vuk Karadzic et dans les parages, et vous avez

 10   bénéficié d'un acquittement quant aux chefs plus généraux de l'opération de

 11   meurtre et d'entreprise criminelle commune; exact ?

 12   R.  Au fond, d'après le jugement qui a été prononcé, oui, c'est la

 13   conclusion que l'on pourrait tirer. Mais s'agissant des événements eux-

 14   mêmes, cela n'est pas vrai.

 15   Q.  Je vois. Alors, très bien. Nous allons parler de l'année 1995

 16   maintenant, et je voudrais vous montrer le document 04243 de la liste 65

 17   ter pour que l'on se replace dans le contexte. En mars 1995, vous êtes

 18   toujours officier chargé des opérations au service des opérations du Corps

 19   de la Drina; exact ?

 20   R.  Oui, en mars 1995, je suis toujours au service des opérations du

 21   commandement du Corps de la Drina.

 22   Q.  Et nous voyons ce document qui émane du service de la sécurité du

 23   commandement du Corps de la Drina au nom de Milenko Lazic, qui est à la

 24   tête du ONO, opération et instruction, n'est-ce pas, c'est de ce service-là

 25   qu'il s'agit ?

 26   R.  Oui. De mémoire, c'était ça les fonctions qu'il avait à ce moment-là.

 27   Q.  Je pense que vous avez déjà mentionné le fait qu'il avait été l'un de

 28   vos chefs, et à ce moment, donc, c'était Milenko Lazic qui était votre


Page 45040

  1   chef. Et nous voyons que la seule autre personne en plus de Lazic et de

  2   vous-même de l'unité chargée des opérations dont le nom figure ici sur ce

  3   document, c'est le colonel Predrag Jocic. On en a parlé.

  4   R.  Oui. J'ai entendu qu'on ait dit "Jocic", c'est ça qui m'a un petit peu

  5   troublé. Mais, effectivement, j'ai compris que ça devait être Jocic. Je

  6   m'en souviens maintenant, le colonel Jocic.

  7   Q.  Et les Juges de cette Chambre ont déjà entendu parler de cette

  8   opération Spreca, ce document se suffit. Vous avez pris part manifestement

  9   -- les documents qui portent sur cette opération existent, et je ne vais

 10   pas examiner ça plus en détail. Est-ce que c'est votre signature qui figure

 11   ici ?

 12   R.  Mais justement, c'est à cause de cela. D'aucune manière cela ne

 13   pourrait correspondre à ma signature. Je ne sais pas ce que c'est.

 14   Regardez, pas de V, pas de B, rien qui pourrait correspondre ne serait-ce

 15   qu'à ma manière de parapher. Rien. Donc, en aucun cas de figure, ça ne peut

 16   être ma signature. C'est exclu. Vous avez un P, là, au début. Et puis, au

 17   milieu, on dirait qu'il y a un M, si c'est l'alphabet latin. Mais si c'est

 18   en cyrillique, "ch" au milieu. Ecoutez, non, ce n'est pas ma signature.

 19   Q.  Mais vous étiez au courant de ces documents qui portaient sur

 20   l'opération Spreca ? Je ne vais pas examiner cela plus en détail, comme je

 21   viens de le dire.

 22   R.  Donnez-moi au moins un document de base pour me rafraîchir un peu la

 23   mémoire. Parce que ce nom de code "Spreca", c'est quelque chose qui nous

 24   permet de nous y retrouver dans ces documents, documents qui portent sur

 25   cela. Mais il faudrait que je voie un document qui me permette un peu de me

 26   rappeler de quoi il s'agissait. Ce document-là, il ne me rappelle rien de

 27   concret.

 28   Q.  Est-ce que cela vous rappelle au moins que votre chef, Milenko Lazic,


Page 45041

  1   était bien votre chef en mars 1995, comme on le voit ici d'après la

  2   signature ?

  3   R.  C'est possible, oui. Ça, je ne le conteste pas. Parce que c'est ce qui

  4   est écrit, chef de l'organe chargé des opérations et de l'instruction.

  5   Q.  Très bien.

  6   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je demande que ce document soit versé au

  7   dossier.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Rappelez-moi, s'il vous plaît, ce que

  9   signifie "Spreca" en B/C/S ?

 10   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je ne m'en souviens pas.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les interprètes devraient pouvoir nous

 12   le dire.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le nom d'une rivière qui passe par

 16   Doboj ou vers Doboj.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez confirmer ça,

 18   Monsieur Blagojevic ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Moi aussi, ça me fait penser à la rivière

 20   Spreca, dont le cours se situe à peu près dans cette région-là.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser ce document au

 22   dossier.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P6569.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 25   Q.  Donc, au début de l'année 1995, janvier, février, mars, l'attitude du

 26   Corps de la Drina, son positionnement et ses actions vis-à-vis de l'ennemi

 27   qui était dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina, à savoir la

 28   28e Division à l'intérieur de Srebrenica et la Division Zepa à l'intérieur


Page 45042

  1   de Zepa et les forces musulmanes de Gorazde, d'après ce que vous en saviez

  2   puisque vous étiez au sein de l'organe chargé des opérations, est-ce que

  3   votre commandement avait la même attitude vis-à-vis des civils qui se

  4   trouvaient dans ces enclaves que vis-à-vis des civils qui se trouvaient

  5   dans ces zones bleues que nous avons vues sur la carte de 1993 ? Est-ce

  6   qu'il y a eu un changement par rapport à la directive 4 et le document que

  7   nous avons lu ?

  8   R.  L'attitude de l'armée ou du Corps de la Drina, si je puis parler au nom

  9   du Corps de la Drina dans sa totalité, à l'égard de ces enclaves-là, de

 10   Srebrenica, de Zepa et de Gorazde, dépendait des activités militaires

 11   venant de ces enclaves ou par rapport au reste de la ligne de front. Donc,

 12   ça pouvait être lié à ce qui se passait dans les enclaves. Personnellement,

 13   en tant qu'officier, ce que je pense, c'est que pendant cette période-là,

 14   vis-à-vis des civils dans les enclaves, du moins pour ce qui est de mon

 15   attitude à moi, il n'y avait pas de traitement spécial qui aurait été

 16   réservé, simplement le fait de les laisser vivre en paix, tranquilles, dans

 17   toute la mesure où la situation le permettait. Parce qu'il faut savoir que

 18   c'était quand même une situation de guerre. Et je répète encore une fois,

 19   en tant qu'officier au sein de ce service d'opérations, la manière dont je

 20   voyais les choses, c'était que notre attitude était conditionnée par des

 21   activités militaires uniquement, les activités lancées depuis ces enclaves,

 22   ou pouvait être liée à la situation sur le champ de bataille au sens plus

 23   large du terme.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte rendu d'audience.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ligne 2, page 37, il y a toute une phrase qui

 27   manque, une digression du colonel Blagojevic lorsqu'il parle de l'attitude

 28   réservée aux civils compte tenu de la situation qui prévalait. A savoir, il


Page 45043

  1   s'agissait de les laisser vivre tranquilles. De les laisser tranquilles.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous confirmer cela, Monsieur

  3   Blagojevic ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai dit au sujet des civils, c'est

  5   qu'il fallait les laisser en paix, les laisser tranquilles, conformément

  6   aux conditions -- enfin, pas les conditions que je dictais, moi, les

  7   conditions qui étaient sur place et conformément aux règles

  8   internationales. Il ne fallait pas toucher aux civils.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Monsieur Blagojevic, est-ce que vous pourriez vous rapprocher du

 11   microphone, s'il vous plaît, pour que les interprètes puissent vous

 12   entendre mieux.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ce n'est pas un problème. Bien sûr, je

 14   peux faire ça.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez, Monsieur

 16   McCloskey.

 17   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 18   Q.  Il m'a semblé que vous avez évoqué le fait que les civils seraient liés

 19   à l'armée musulmane. Je voudrais que vous me précisiez cela. Je vais vous

 20   poser une question. En mars, avril, mai, juin, voire même en juillet, la

 21   28e Division de l'armée bosnienne a lancé des attaques depuis l'enclave et

 22   c'était contraire à l'accord démilitarisation, donc il est arrivé qu'elle

 23   tue des soldats serbes, qu'ils attaquent des villages serbes, et cela

 24   faisait partie de cette politique visant à engager les forces serbes pour

 25   qu'elles ne puissent pas être actives sur le front de Sarajevo.

 26   Maintenant, compte tenu de cette situation et le fait que cela se poursuive

 27   jusqu'au mois de juillet, compte tenu de ce contexte-là, vous étiez un

 28   officier d'opérations, est-ce que vous aviez peut-être le sentiment que


Page 45044

  1   votre armée serait justifiée si elle attaquait cette armée qui sortait de

  2   manière illégale de l'enclave ? Et est-ce que ce serait bien de chasser la

  3   population civile ? Dans ce contexte, est-ce que vous trouveriez cela

  4   justifié de déplacer la population civile qui était liée à la 28e Division

  5   ?

  6   R.  Si j'ai bien compris votre question, si je vous ai bien compris, il

  7   s'agit donc de déplacer les civils, la population.

  8   Q.  Oui.

  9   R.  Non, non. Je ne pense pas que ce soit correct, que pour cette raison-là

 10   mon unité devait faire cela. Donc, je vous parle de mon organe, de mon

 11   service. Je ne pense pas qu'ils auraient dû jouer un rôle à cela. Mais je

 12   comprends que, du fait que la 28e Division lançait des activités depuis les

 13   enclaves contre des localités peuplées, contre des zones habitées, en

 14   profondeur derrière cette ligne de front, là je pense qu'il est justifié

 15   que l'armée serbe ait agi.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne suis pas sûr que M. McCloskey et le

 17   témoin se comprennent. Je ne pense pas qu'ils se comprennent complètement

 18   parce qu'il y a des questions d'interprétation et de traduction qui se

 19   posent.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je ne vous suis pas.

 21   C'est la traduction qui vous pose problème ?

 22   M. McCLOSKEY : [interprétation] Il me semble que nous sommes exactement sur

 23   la même longueur d'onde, que nous nous comprenons et que nous sommes

 24   d'accord.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons. Si vous le jugez

 26   nécessaire, vous pouvez poser des questions là-dessus dans le cadre de vos

 27   questions supplémentaires. Poursuivons, Monsieur McCloskey.

 28   M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci.


Page 45045

  1   Q.  Donc, Colonel, en dépit du contexte que je viens de décrire, est-ce que

  2   je suis en droit de penser que vous êtes d'accord sur le fait que

  3   militairement, cela ne serait toujours pas justifié et ne serait pas

  4   correct de déplacer les civils ? Alors, prenons la pièce P03040 du Corps de

  5   la Drina. Voyons un petit peu les ordres et la politique suivis par le

  6   Corps de la Drina, où vous étiez en poste en mars. Donc, c'est le 20 mars

  7   1995. Ce document porte la date du 20 mars 1995 et vient du commandement du

  8   Corps de la Drina, à l'ensemble des brigades et des unités du Corps de la

  9   Drina, et il s'intitule : "Numéro opérationnel 7."

 10   M. McCLOSKEY : [interprétation] Et nous n'allons pas rentrer dans le

 11   détail, mais l'Accusation affirme que ce document est lié à la directive

 12   numéro 7, que nous connaissons bien et qui a été donnée au nom du Dr

 13   Karadzic. Prenons la dernière page, 21 en anglais, 10 en B/C/S, juste pour

 14   voir qui en serait l'auteur ou le signataire. Normalement, 20.

 15   Q.  Vous voyez que c'est au nom du commandant Milenko Zivanovic et que ça

 16   aurait été rédigé par le colonel Milenko Lazic. Nous savons qu'il était à

 17   la tête du service d'opérations à ce moment-là. Et donc, vous, Lazic et

 18   Jocic, vous êtes ensemble. Donc, ce document a été rédigé pendant que vous

 19   partagiez le bureau avec ces hommes-là; exact ?

 20   R.  Je ne me souviens pas de ce cas-là en particulier, non.

 21   Q.  Très bien. Passons à la page 6 en anglais, s'il vous plaît -- non,

 22   désolé. Ça devrait se trouver au titre : Missions du Corps de la Drina, en

 23   B/C/S. Je crois que je n'ai pas donné la bonne référence pour la version en

 24   B/C/S. Le point 2, missions du Corps de la Drina. Et un petit peu plus bas

 25   dans ce paragraphe 2, on reconnaît qu'après avoir délivré les ordres

 26   portant sur plusieurs forces, Zivanovic dit, et c'est rédigé par Lazic :

 27   S'agissant des enclaves de Srebrenica et de Zepa, il faudrait mener une

 28   séparation physique totale de Srebrenica par rapport à Zepa le plus tôt


Page 45046

  1   possible et empêcher même la communication entre les personnes qui se

  2   trouvent dans les deux enclaves. Grâce à nos opérations de combat bien

  3   planifiées et bien réfléchies, nous devons créer une situation

  4   insupportable d'insécurité totale sans espoir de survie ni de vie pour les

  5   habitants de Srebrenica et Zepa. Et cela s'adresse donc directement aux

  6   habitants de Srebrenica et Zepa; vous pouvez le confirmer ?

  7   R.  Vous pouvez conclure cela de ce texte. Je ne vois pas ce que l'on

  8   pourrait en conclure d'autre.

  9   Q.  Et je suppose que vous vous souvenez de cette phrase reprise dans la

 10   directive numéro 7 du Dr Karadzic. Est-ce que vous pourriez nous dire

 11   quelle était cette phrase et qui avait pris la décision de la relayer à

 12   Milenko Zivanovic sous la forme d'un ordre ?

 13   R.  Je crois que vous allez encore vous fâcher lorsque je vous dirai cela,

 14   mais je crois que vous devriez le demander au général Zivanovic.

 15   Q.  Ne vous inquiétez pas, Colonel, je ne me fâche pas. Nous ne nous

 16   fâchons pas. Répondez à ma question, s'il vous plaît.

 17   R.  Ma réponse est : vous devriez poser cette question au général

 18   Zivanovic. Moi, je ne sais pas.

 19   Q.  Est-ce que le général Zivanovic avait une certaine marge de manœuvre

 20   lorsqu'il a reçu un ordre contraignant du président Karadzic, lorsque cet

 21   ordre a été transmis à ses commandants subordonnés ?

 22   R.  Le général Zivanovic a signé ces documents, si j'ai bien compris.

 23   Q.  Veuillez répondre à la question, s'il vous plaît.

 24   R.  Je vous réponds. Et je suis en train de vous dire cela parce que c'est

 25   le général Zivanovic qui a signé ce document. C'est peut-être une question

 26   importante et ce serait à lui de donner une réponse importante à cette

 27   question.

 28   Q.  Continuons. Vous êtes devenu le commandant de la Brigade de Bratunac le


Page 45047

  1   25 mai 1995; c'est exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Passons à un document qui parle de cela, c'est le document 02082 de la

  4   liste 65 ter. Nous voyons là qu'il s'agit d'un rapport de combat régulier

  5   daté du 25 mai. Je pense qu'il a été envoyé à 16 heures 30 et quelques le

  6   25. Et puis, on voit votre nom. Ce document, ce rapport de combat, a été

  7   envoyé en votre nom. Est-ce que c'était vous le responsable ?

  8   R.  Oui. C'est un rapport de combat délivré par la brigade qui a été

  9   approuvé ou signé par le commandant de la brigade ou quelqu'un qui a signé

 10   en son nom ou sa présence, mais je ne vois pas de signature ici et je ne

 11   vous pas d'autre nom non plus. Quoi qu'il en soit, je dirais que les choses

 12   étaient un peu plus compliquées. Mais oui, pour répondre à votre question,

 13   c'est mon document, oui. Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire

 14   d'autre. Mais quelquefois, on peut passer à côté de quelque chose.

 15   Q.  Nous voyons dans ce document qu'il est repris que vous avez pris vos

 16   fonctions à 10 heures. Mais je voudrais me concentrer sur la première

 17   partie, qui explique que vos forces n'ont pas ouvert le feu sur la zone

 18   démilitarisée. J'aimerais savoir si vous avez été informé du moment où vos

 19   forces ont bombardé la zone démilitarisée à l'aide de mortier ou de tirs

 20   d'artillerie, comme le document le dit.

 21   R.  Oui, et puis j'ajouterais à cela que c'est au commandant de délivrer ce

 22   genre d'ordres. C'est vraiment quelque chose de grave. Quelqu'un du

 23   commandement supérieur, en tout cas, devrait délivrer ce genre d'ordres.

 24   Q.  Absolument.

 25   M. McCLOSKEY : [interprétation] Et j'aimerais demander le versement de ce

 26   document, s'il vous plaît.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons l'admettre.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce P6570, Madame,


Page 45048

  1   Messieurs les Juges.

  2   M. McCLOSKEY : [interprétation]

  3   Q.  Colonel, je pense que vous vous souvenez du rapport de communication

  4   que le commandant de la Brigade de Bratunac en juillet 1995, M. Ognjenovic,

  5   a communiqué à ses troupes. Et je vais vous rafraîchir la mémoire. Je

  6   voudrais consulter la pièce P04075, datée du 4 juillet 1994. C'est un

  7   document délivré par le commandant de la Brigade de Bratunac, qui

  8   s'appelait M. Ognjenovic. Page 3 de la version anglaise, page 2 de la

  9   version en B/C/S. Et il nous dit : "Nous devons continuer à armer, former

 10   et discipliner, ainsi que préparer l'armée de Republika Srpska pour

 11   l'exécution de cette mission cruciale, l'expulsion des Musulmans de

 12   l'enclave de Srebrenica. Il n'y aura pas de retrait s'agissait de l'enclave

 13   de Srebrenica. Nous devons avancer. La vie de l'ennemi doit être rendue

 14   insupportable et leur séjour temporaire dans l'enclave doit être rendu

 15   impossible pour qu'ils quittent l'enclave en masse dès que possible et se

 16   rendent compte qu'ils ne peuvent pas survivre là-bas."

 17   Ognjenovic a envoyé cela juste après une réunion avec le général

 18   Mladic. J'aimerais savoir si vous avez entendu parler de cette

 19   communication, de ce rapport qui a été fait aux troupes de la Brigade de

 20   Bratunac, lorsque vous avez repris le commandement ?

 21   R.  Ce document ne me concernait pas du tout. Je ne l'avais pas. Je ne sais

 22   pas quoi vous dire à ce sujet. Cela a eu lieu un an avant environ.

 23   Q.  Colonel, ce document a été retrouvé dans les archives de la VRS. De la

 24   Brigade de Bratunac. Nous avançons qu'il s'agit d'un ordre illégal. Est-ce

 25   que vous êtes en train de dire que des ordres illégaux disant d'expulser

 26   les Musulmans de Srebrenica, que ces ordres ayant été donnés par un ancien

 27   commandant ne vous concernaient pas ?

 28   R.  Désolé. Vous êtes en train de dire que moi-même j'ai affirmé que cet


Page 45049

  1   ordre était illégal ?

  2   Q.  Non, l'Accusation avance que cet un ordre illégal.

  3   R.  Oui, alors, soyez précis, Monsieur le Procureur. Moi, je ne suis pas

  4   historien. Je suis commandant. Je suis officier. Je suis arrivé là-bas, on

  5   m'a informé de la situation au sein de la brigade, et moi j'ai continué à

  6   travailler en qualité de commandant. L'histoire ne m'intéressait pas. Ce

  7   qui s'était passé un an ou deux ans auparavant ne m'intéressait pas. Je

  8   n'avais pas le temps de m'intéresser à cela. Maintenant, évidemment, la

  9   situation est plus calme, nous pouvons nous repencher sur l'histoire. Ce

 10   qui s'est passé à l'époque fait partie de l'histoire, et nous pouvons

 11   l'étudier aujourd'hui.

 12   Q.  Je demande l'affichage du document 04274 de la liste 65 ter. Nous

 13   sommes là encore à votre première journée à la Brigade de Bratunac, le 25

 14   mai. Ce document émane du commandement du Corps de la Drina, de Zivanovic,

 15   comme vous allez le constater, et a été envoyé à toutes les brigades du

 16   Corps de la Drina ainsi que ses unités. Le moment exact de son envoi n'est

 17   pas très clair, mais si nous regardons d'autres documents, nous pouvons

 18   nous en faire une idée. Mais nous voyons ici que l'on informe toutes ces

 19   unités que l'OTAN avait mené une attaque, et cette attaque a été lancée à

 20   Jahorinski Potok. Des dépôts d'armement étaient là-bas, comme vous le

 21   savez, c'était près de Pale.

 22   Et le document précise que toutes les brigades, à ce sujet, et afin de

 23   prendre des mesures urgentes pour la préparation au combat du système PVO

 24   au plus haut niveau -- il est demandé à toutes les brigades de préparer une

 25   protection antiaérienne, de protéger les hommes - et je suis en train de

 26   lire le paragraphe 1 - de mettre sur pied toutes les unités au plus haut

 27   niveau de préparation au combat, de pouvoir ouvrir le feu, et que les tirs

 28   seront réglementés par le Corps de la Drina grâce au tableau de Grabovica.


Page 45050

  1   Donc, ma question est la suivante : c'est votre premier jour au

  2   commandement, est-ce que vous avez reçu cet ordre vous informant que le

  3   bombardement de l'OTAN ce jour-là allait avoir lieu contre votre armée et

  4   de vous préparer à ouvrir le feu ?

  5   R.  A en juger de la date, j'aurais dû le recevoir, et cela aurait été

  6   normal parce que ce document était adressé à la Brigade de Bratunac.

  7   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  8   document.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce P6571, Madame,

 11   Messieurs les Juges.

 12   M. McCLOSKEY : [interprétation] J'aimerais à présent demander l'affichage

 13   de la pièce P04076.

 14   Q.  Colonel, vous allez voir ce document dans un instant. Il s'agit d'un

 15   rapport de combat intérimaire signé de votre main. Il a été envoyé à 21

 16   heures 10 le 25 mai, envoyé au commandant du Corps de la Drina. Je vais

 17   passer au paragraphe 3 très rapidement. En effet, vous dites là, je cite :

 18   "Nous avons pris des mesures conformément à votre ordre strictement

 19   confidentiel portant le numéro 08/8-60 du 25 mai 1995."

 20   M. McCLOSKEY : [interprétation] Pour que cela soit consigné au compte

 21   rendu, c'était l'ordre précédent que nous avons vu du Corps de la Drina.

 22   Q.  Donc, à 21 heures 10, vous avez confirmé la réception de cet ordre et

 23   vous avez pris des mesures conformément à ce dernier. Vous dites également,

 24   et je cite, "conformément à un ordre verbal du colonel Lazic," et

 25   j'aimerais savoir si c'est le même colonel Lazic que celui qui était votre

 26   ancien supérieur, chef des opérations et de l'instruction au Corps de la

 27   Drina ?

 28   R.  Oui. Je pense que c'était lui, oui.


Page 45051

  1   Q.  Je continue ma lecture : "Nous avons tiré deux obus d'obusier de 105

  2   millimètres, au total quatre obus, sur la ville de Srebrenica à 19 heures

  3   07. Les observateurs de l'artillerie à Pribicevac ont rapporté que deux

  4   obus étaient tombés près de Domavija." C'est-à-dire, un hôtel au centre de

  5   Srebrenica ?

  6   R.  C'est possible. Si ma mémoire est bonne, l'hôtel Domavija se trouve au

  7   centre de la ville. Mais Srebrenica n'est pas très grande.

  8   Q.  Et les deux autres obus, ils ne savent pas où ils ont atterri, ils

  9   n'ont pas eu d'observation à ce sujet ?

 10   R.  Je ne sais pas. Je ne le vois pas ici, non.

 11   Q.  Regardez le premier paragraphe.

 12   R.  Ah, le premier. Oui. Oui, oui, je le vois maintenant. Oui, je lis tout

 13   comme vous venez de me le dire.

 14   Q.  Donc, est-ce que vous assumez votre responsabilité pour avoir tiré avec

 15   ces obusiers des obus sur l'enclave de Srebrenica ?

 16   R.  Partiellement, oui.

 17   Q.  Qu'est-ce que vous voulez dire par "partiellement" ?

 18   R.  A cause de l'ordre verbal que j'avais reçu du colonel Lazic. Il était

 19   là. Cela se trouve dans le rapport. Vous l'avez lu. Et lui, il représentait

 20   le commandement supérieur.

 21   Q.  Oui. Il partage cette responsabilité, tout comme quiconque aurait

 22   délivré des ordres émanant de l'état-major principal, tout comme quiconque

 23   de la présidence également, n'est-ce pas ?

 24   R.  Non, je ne parlerais pas de partage. Moi, je parlerais d'assumer ses

 25   responsabilités. Et lui, il a assumé ses responsabilités parce qu'il était

 26   là et il a délivré cet ordre à moi.

 27   Q.  Très bien.

 28   R.  Ce n'était pas ma décision. Moi, j'exécutais un ordre immédiat. Il ne


Page 45052

  1   faut pas tourner autour du pot. Je pense que c'est très clair, en tout cas

  2   d'un point de vue militaire.

  3   Q.  D'accord. Passons maintenant au document 25799 de la liste 65 ter, s'il

  4   vous plaît. Est-ce que vous avez autorisé des obus de mortier sur l'enclave

  5   ce jour-là ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  [aucune interprétation]

  8   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne m'en souviens pas. Je ne m'en souviens

  9   pas. Je ne pense pas. En fait, je suis convaincu que non.

 10   Q.  D'accord. C'est non. Est-ce que quelqu'un d'autre a tiré des obus de

 11   mortier sur l'enclave de Srebrenica ce jour-là en dehors de votre

 12   commandement ?

 13   R.  Il y avait plusieurs unités autour de Srebrenica. Au moins deux. Il y

 14   avait au moins deux autres unités sur des positions permanentes là-bas. Je

 15   ne sais pas s'il y en avait d'autres. Je ne sais pas.

 16   Q.  Regardons ce document. Ce document émane de la 28e Division et nous dit

 17   qu'il a été envoyé à 19 heures, et dans quelques instants nous allons voir

 18   que c'est le même moment où vous, vous avez tiré des obus. L'armée

 19   musulmane pense que deux obus de 82 millimètres ont atterri près de l'école

 20   primaire et ont blessé un enfant et en ont tué un autre. Vous vous souvenez

 21   peut-être de la fillette de dix ans qui est morte ce jour-là ? Je crois que

 22   vous le savez mieux que quiconque. Est-ce qu'un obus de 82 millimètres --

 23   R.  … c'est quelque chose.

 24   Q.  Est-ce que l'on peut confondre un mortier de 82 millimètres avec un

 25   obus de 105 millimètres lorsqu'il atterrit ?

 26   R.  Monsieur le Procureur, je voudrais éclaircir quelque chose. Ce n'est

 27   pas clair. Je vais vous demander de répéter votre question sur les obus de

 28   82 millimètres. Où se trouvent-ils ? Prenez une chose à la fois, s'il vous


Page 45053

  1   plaît.

  2   Q.  Alors, je crois que ce document est très simple, Colonel.

  3   M. LE JUGE MORRISON : [aucune interprétation]

  4   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] L'Accusation est en train de vous

  6   demander si quelqu'un sur le terrain peut confondre l'impact que laisse un

  7   obus de mortier de 82 millimètres avec l'impact d'un mortier de 105

  8   millimètres, pour pouvoir identifier exactement quelle était l'arme qui a

  9   provoqué l'explosion. Voilà la question que l'on vous a posée. Est-ce qu'il

 10   serait possible de confondre ces deux calibres ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je vais essayer de répondre

 12   à votre question, mais j'étais en train de me concentrer sur le document.

 13   Je ne crois pas qu'on parle là de Srebrenica mais plutôt d'une communauté

 14   locale de Suceska, et ce sont deux endroits totalement différents, qui sont

 15   à 20 ou 30 kilomètres de distance l'un de l'autre. Peut-être qu'il y a eu

 16   des tirs de mortier là-bas, mais cela n'avait rien à voir avec les tirs qui

 17   ont été lancés à partir d'un mortier de 105 millimètres. Ce n'est même pas

 18   le même secteur. Ce sont deux endroits différents, je le répète, à une

 19   vingtaine de kilomètres de distance l'un de l'autre.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez lu ce rapport,

 21   Monsieur Blagojevic ? Donnez-nous-en lecture, s'il vous plaît, et puis nous

 22   reviendrons sur la question.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'avais jamais vu auparavant.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dites-nous quand vous aurez terminé de

 25   lire le document.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai terminé. Le médecin était à Srebrenica et

 27   les enfants se trouvaient dans la communauté locale de Cerska [phon], si

 28   j'ai bien compris.


Page 45054

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, ce document fait référence à deux

  2   endroits qui ont été bombardés, Srebrenica et Suceska ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  4   M. McCLOSKEY : [interprétation]

  5   Q.  Nous savons que ces deux endroits sont l'un à côté de l'autre. Revenons

  6   à la question que M. le Juge a posée : est-ce que l'on peut confondre

  7   l'impact d'un mortier avec l'impact que laisserait un autre type de mortier

  8   ?

  9   R.  C'est possible, mais ceux qui s'y connaissent dans le domaine ne

 10   confondraient pas. Mais la confusion est possible.

 11   Q.  Si vous vous en souvenez, votre unité a perdu la trace de deux de vos

 12   obus. Ils en ont vu deux atterrir dans le centre-ville de Srebrenica et ont

 13   perdu la trace de deux autres plus ou moins à la même heure. Donc, il est

 14   très probable, si pas certain, que ces deux obus aient atterri sur Jasna

 15   Gabeljic, n'est-ce pas ?

 16   R.  Non, ce n'est pas probable du tout. Ce n'est qu'une conjecture. Je ne

 17   voudrais pas m'aventurer dans des conjectures. L'artillerie, c'est plus

 18   sophistiqué que cela.

 19   Q.  Très bien. Peut-être que quelqu'un d'autre a tiré au même moment.

 20   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons l'admettre.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce P6572, Madame,

 23   Messieurs les Juges.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation] J'aimerais à présent passer au document de

 25   la liste 65 ter 25746, s'il vous plaît.

 26   Q.  Colonel, saviez-vous que peu après 19 heures le même jour, après ces

 27   tirs sur cette enclave habitée à l'aide d'obusier, quelqu'un avait tiré sur

 28   le centre de Tuzla et tué plus de 66 jeunes qui s'étaient rassemblés sur


Page 45055

  1   une place ? Vous vous en souvenez ?

  2   R.  Non. Je n'ai pas eu d'information à ce sujet à l'époque.

  3   Q.  Nous voyons ce document, c'est un rapport de la FORPRONU. Passons à la

  4   page suivante, s'il vous plaît, pour la version anglaise. En B/C/S, cela

  5   devrait se trouver à la page 1.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je vais soulever une

  7   objection sur toute question portant sur ce bombardement. Si vous vous en

  8   souvenez, pendant la présentation des moyens à décharge, notre expert avait

  9   préparé un rapport portant sur ce bombardement et vous avez exclu ce

 10   rapport. En conséquence, nous n'avons pas pu produire quelque élément de

 11   preuve que ce soit à ce sujet. Et je ne pense pas qu'il serait juste que

 12   l'Accusation puisse poursuivre et poser des questions sur les obus qui sont

 13   tombés à Tuzla.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire par ce

 15   bombardement sur Tuzla ?

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Le 25 mai 1995, un événement, un

 17   bombardement a eu lieu et avait visé Tuzla. Ce n'est pas un chef

 18   d'accusation repris dans l'acte d'accusation, mais cela avait fait l'objet

 19   d'une analyse détaillée de la part d'un expert en balistique de la Défense.

 20   Et à la lecture de ce rapport, vous avez exclu et expurgé cette analyse, et

 21   nous n'avons pas pu présenter des éléments de prendre pour pouvoir établir

 22   qui aurait pu tirer cet obus et les circonstances dans lesquelles ces obus

 23   avaient été tirés. Donc, nous estimons que, comme cela avait été écarté,

 24   l'Accusation ne devrait pas poser de questions à cet égard.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre aimeraient

 26   entendre l'Accusation.

 27   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. La Défense a

 28   choisi de citer à comparaître le colonel Blagojevic, qui, de l'avis de


Page 45056

  1   l'Accusation, en sa première journée, a été de ceux qui ont participé aux

  2   efforts coordonnés avec les autres, c'est-à-dire de nombreuses autres

  3   unités de la VRS, pour ce qui est du pilonnage des zones protégées,

  4   exception faite de Zepa. Ceci parle de son implication dans ces événements

  5   et de la connaissance qu'il a eue desdits événements. Et ceci a été une

  6   entrée en matière pour l'attaque de Srebrenica. Vous avez vu que le

  7   document dit qu'il fallait rendre la vie insoutenable, et ça fait partie du

  8   contexte historique de ce cas de figure. Parce que quand on fait venir ce

  9   type d'homme pour défendre un président, on ouvre la porte à des questions

 10   liées à son comportement, qui sont pertinentes pour ce qui est des crimes

 11   qui lui sont reprochés, conduite ou comportement conjoint, et on verra dans

 12   d'autres documents qu'il y a des choses similaires qui se passent à un

 13   niveau plus élevé.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Maître Robinson, n'y a-t-il pas une

 16   distinction à faire entre les aspects techniques du pilonnage en question

 17   et ce que ce témoin peut ou peut ne pas avoir su à leur sujet ? Je parle du

 18   fait du pilonnage.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, je suis d'accord. J'ai essayé de faire

 20   moi-même la distinction, mais ici le document tombe sous la catégorie

 21   précédente, et c'est ce que je voulais éviter.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons autoriser la question.

 23   Continuez, Monsieur McCloskey.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page

 25   suivante en anglais et à la page suivante en B/C/S aussi.

 26   Q.  Une fois de plus, nous pouvons voir une conclusion qui demande à ce que

 27   suite aux frappes aériennes de l'OTAN contre les entrepôts de munitions à

 28   Pale - et notre position, c'est d'affirmer que c'est ce qui est mentionné


Page 45057

  1   dans le document VRS qu'on vient de voir - l'armée des Serbes de Bosnie a

  2   réagi à ces pilonnages en procédant à des représailles contre Tuzla, en

  3   ville, et on a considéré que c'était cibler délibérément des membres des

  4   Nations Unies et une zone protégée à Tuzla. Ce pilonnage a commencé à 19

  5   heures 10. En même temps, on a pilonné la zone protégée de Tuzla. Il y a 31

  6   obus qui sont enregistrés avant 21 heures. Il y a eu 13 obus qui sont

  7   tombés dans les environs et vers Zivinice [phon], et un obus est tombé dans

  8   la vieille ville de Tuzla, là où il y a des jeunes qui s'étaient

  9   rassemblés. Il y a eu 66 personnes à périr, et 170 ont été blessées, 31

 10   grièvement.

 11   Alors, vous savez qu'au centre de Tuzla il y a un obus qui est tombé

 12   qui a tué plus de 66 personnes en même temps que vous ayez procédé, vous

 13   aussi, à des tirs, n'est-ce pas ?

 14   R.  Je ne suis pas au courant. Je ne sais pas où tel obus est tombé, dans

 15   ce secteur ou un autre. Ce que je voudrais ajouter par rapport à ce que

 16   vous avez dit, c'est la nécessité d'être précis. L'ordre en question,

 17   l'ordre verbal donné en présence du colonel Lazic, a précédé au tir de

 18   l'obusier de 105 millimètres. Il convient de garder ce fait-là à l'esprit.

 19   Q.  Bon. Mais vous êtes d'accord quand même pour dire qu'au moins 66 jeunes

 20   personnes ont été tuées par cet obus le soir en question ? C'est un fait

 21   historique en Bosnie ?

 22   R.  Je ne suis pas au courant. Enfin, je n'étais pas au courant de cet

 23   événement-là à l'époque.

 24   Q.  Mais ce n'est pas ma question du tout. Vous l'avez su peu de temps

 25   après ou maintenant, mais cela est vrai ?

 26   R.  Je l'apprends de votre bouche, mais à l'époque je n'étais pas informé,

 27   je n'étais même pas informé de tirs quelconques, et j'ai encore moins

 28   connaissance de victimes qui auraient péri à tel ou tel autre endroit.


Page 45058

  1   M. McCLOSKEY : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander

  2   le versement au dossier des deux premières pages de ce document pour

  3   montrer à quel moment le rapport a été généré et le moment de l'incident.

  4   Je ne pense pas que quiconque vienne à contester l'incident en tant que

  5   tel. Et la question de savoir qui l'a fait se trouve être secondaire par

  6   rapport à la question que j'ai posée.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

  8   M. ROBINSON : [interprétation] Ça a été lu, Monsieur le Président. Je ne

  9   pense pas qu'il y ait besoin de verser le document au dossier.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes portés à être d'accord avec

 11   vous.

 12   M. McCLOSKEY : [interprétation] Monsieur le Président, ces 66 personnes

 13   méritent plus qu'une lecture. C'est peut-être la seule consignation que

 14   l'on en a faite.

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président --

 16   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais c'est au compte rendu, Monsieur

 17   McCloskey. C'est au procès-verbal du procès, avec le timing et les

 18   observations que vous avez faites.

 19   M. McCLOSKEY : [interprétation] Eh bien, si vous êtes satisfaits de ma

 20   lecture pour ce qui est de la teneur du document et que cela a la même

 21   valeur que le document, je n'ai aucun problème.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Nous n'allons pas verser ceci au

 23   dossier.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 25   Q.  Fort bien. Colonel, passons maintenant au 65 ter 19281. Il s'agit d'un

 26   autre document daté du 25 mai émanant de M. Akashi à l'intention de Kofi

 27   Annan. Au premier paragraphe, il est dit que suite aux frappes aériennes du

 28   25 mai 1995, toutes les zones protégées, exception faite de Zepa, ont été


Page 45059

  1   pilonnées et les Serbes de Bosnie ont tiré des projectiles d'armes lourdes

  2   à partir de cinq points de rassemblement d'armes lourdes autour de

  3   Sarajevo. Je ne vais pas donner lecture du reste. Alors, vous avez su ces

  4   jours-là ou les mois qui ont suivi qu'il y a eu des tirs d'artillerie le

  5   jour même où vous avez tiré en direction de Srebrenica, c'est-à-dire que le

  6   même jour on a tiré des projectiles en direction des autres zones protégées

  7   ?

  8   R.  Non, je ne l'ai pas su, cela.

  9   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je voudrais demander un versement au

 10   dossier de ce document.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons le verser au dossier.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document recevra la cote P6573,

 13   Madame, Messieurs les Juges.

 14   M. McCLOSKEY : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que mon

 15   temps imparti a pris fin. Je pense avoir quelque 30 minutes de plus. Je

 16   n'ai pas l'intention de parcourir à nouveau les événements de Srebrenica,

 17   mais je souhaiterais en terminer avec un secteur concret de mon

 18   interrogatoire portant sur certains des événements liés à Srebrenica, si

 19   vous le permettez.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'habitude, nous ne limitons pas le

 21   temps imparti -- nous sommes d'habitude assez souples. Mais aujourd'hui

 22   nous sommes pressés par le temps, parce que le général Tolimir est censé

 23   comparaître devant la Chambre, et c'est une décision qui a été prise par

 24   les Juges de la Chambre. Et je ne suis pas du tout sûr du temps nécessaire

 25   à M. Karadzic pour ses questions supplémentaires.

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, le général

 27   Tolimir est ici, ainsi que son conseiller juridique. Donc, je suggèrerais

 28   de suspendre à présent le contre-interrogatoire du colonel Blagojevic et de


Page 45060

  1   citer à comparaître le général Tolimir. On pourrait en terminer d'ici à

  2   midi 30 et il nous restera plus de temps pour le reste de la journée.

  3   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je crois que c'est une bonne idée.

  4   J'apprécie grandement.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Blagojevic, est-ce que vous

  6   nous avez suivis ? Est-ce que vous avez bien compris ce dont nous venons de

  7   parler ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est clair.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De combien de temps nous aurions besoin

 10   pour ce qui est de préparer la salle d'audience ?

 11   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lever l'audience pour trois

 13   ou cinq minutes.

 14   --- La pause est prise à 12 heures 10.

 15   [Le témoin quitte la barre]

 16   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 17   --- La pause est terminée à 12 heures 18.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu

 19   d'audience, je tiens à préciser que nous siégeons à Chambre complète.

 20   Bonjour, Général Tolimir.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Merci.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez donner lecture du texte de la

 23   déclaration solennelle, s'il vous plaît.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 25   vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Merci.

 26   LE TÉMOIN : ZDRAVKO TOLIMIR [Assermenté]

 27   [Le témoin répond par l'interprète]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Général. Veuillez vous asseoir et


Page 45061

  1   vous mettre à l'aise.

  2   Le conseil qui est ici pour aider le général Tolimir peut-il se présenter,

  3   pour les besoins du compte rendu d'audience.

  4   M. GAJIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

  5   Aleksandar Gajic, je suis conseiller juridique de M. Zdravko Tolimir.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Professeur Gajic.

  7   Monsieur Tolimir, comme vous devez certainement savoir, avant que de

  8   commencer à témoigner, je me dois d'attirer votre attention sur certaines

  9   règles que nous avons ici au Tribunal international. Il s'agit de l'article

 10   90(E). D'après cet article du Règlement, vous pouvez faire objection à

 11   l'apport de réponse aux questions du Dr Karadzic, de l'Accusation ou des

 12   Juges si vous estimez que cela risque de vous incriminer en termes de délit

 13   au pénal. Et dans ce contexte, "incriminer", cela signifie que vous

 14   pourriez dire quelque chose qui constituerait une reconnaissance de

 15   culpabilité pour un délit au pénal ou dire quelque chose qui fournirait des

 16   preuves montrant que vous auriez commis un délit au pénal. Toutefois, quand

 17   bien même vous estimeriez qu'une réponse risquerait de vous incriminer et

 18   si vous veniez à vouloir refuser de répondre, je tiens à vous dire que ce

 19   Tribunal a l'autorité de vous contraindre à répondre à cette question ou

 20   ces questions. Mais dans ce type de situation, le Tribunal s'assurera du

 21   fait qu'un témoignage fourni dans ces circonstances ne puisse pas être

 22   utilisé dans une procédure diligentée contre vous pour quelque délit que ce

 23   soit, exception faite du délit de faux témoignage.

 24   M'avez-vous bien compris ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je le sais.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 27   Monsieur Karadzic, à vous.

 28   Interrogatoire principal par M. Karadzic :


Page 45062

  1   Q.  [interprétation] Bonjour, Général Tolimir.

  2   R.  Dieu vous aide, Monsieur le Président.

  3   Q.  Dieu vous aide aussi. Je vous prie, et je me le rappelle à moi aussi,

  4   de la nécessité de faire des pauses un peu plus longues entre vos phrases

  5   et les miennes pour éviter les confusions qui pourraient découler d'une

  6   interprétation triple, parce que mes notes sont en anglais. Avec votre

  7   autorisation, et je vous en présente mes excuses, je vous poserai mes

  8   questions en anglais et j'espère que l'interprétation sera précise et

  9   exacte.

 10   Pouvez-vous nous dire quelles sont les positions que vous avez eues et

 11   occupées pendant votre carrière militaire ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répéter ? Parce

 13   que la première partie de votre question a été chevauchée par

 14   l'interprétation.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Pouvez-vous nous dire quelles sont les fonctions que vous avez

 17   effectuées au courant de votre carrière militaire ?

 18   R.  Merci, Monsieur le Président. Ma carrière militaire, je l'ai commencée

 19   en 1971, une fois que j'ai terminé mes études à l'académie militaire. J'ai

 20   d'abord été chef d'un peloton en Slovénie à l'occasion d'exercices

 21   militaires qu'on avait coutume de tenir dans l'ex-armée. Après, j'ai été

 22   transféré vers Skoplje. De Skoplje, je suis allé à Titov Veles. J'ai été

 23   affecté là-bas. Je suis resté là-bas jusqu'en 1975. J'ai été commandant

 24   d'un peloton, d'une compagnie, j'ai été sergent, et cetera, des unités

 25   subalternes.

 26   Par la suite, j'ai été envoyé dans un centre de formation de la JNA à

 27   Pancevo pour suivre un stage et devenir un officier de l'instance chargée

 28   de la sécurité. Après ce stage d'une année, on m'a renvoyé à Titov Veles,


Page 45063

  1   et là, ce que j'ai appris, j'ai accompli ces fonctions d'officier chargé de

  2   la sécurité dans le régiment, le 212e Régiment de Titov Veles. Par la

  3   suite, j'ai été affecté à des fonctions d'instance chargée de sécurité pour

  4   ce qui est d'une formation professionnelle dans la région militaire

  5   maritime et j'ai été référendaire dans les instances chargées de la

  6   sécurité jusqu'en 1980 à peu près, 1986, me semble-t-il. Et là, j'ai été

  7   nommé adjoint du chef du service du contre-renseignement. C'était un groupe

  8   qui était chargé des activités du contre-renseignement par rapport, donc,

  9   aux puissances étrangères et armées étrangères vis-à-vis de la JNA. Plus

 10   tard, j'ai été envoyé à des études de deux ans à l'école militaire

 11   politique, je pense que c'était en 1982. Ça a duré deux ans. Et après cela,

 12   j'ai été renvoyé vers l'unité où j'avais été dans cette région maritime

 13   militaire. Puis, on m'a envoyé à un stage en 1996 pour apprendre une langue

 14   étrangère. J'ai étudié le russe à titre officiel. Accessoirement et à titre

 15   facultatif, j'ai appris l'anglais. Après ce stage et une fois que j'ai

 16   réussi l'épreuve de fin d'études, j'ai été envoyé vers Split, vers cette

 17   région militaire maritime. Ensuite, j'ai été chargé des fonctions de chef

 18   adjoint chargé de la sécurité de la région militaire maritime. Merci

 19   d'avoir suivi.

 20   Ensuite, j'ai été réaffecté vers la garnison de Knin et j'y ai été

 21   nommé chef du service de sécurité. Ensuite, j'ai été envoyé dans une école

 22   de guerre en 1991. C'était à l'époque où il y a eu la guerre en Croatie.

 23   Puis, nous avons été plusieurs à être renvoyés de cette école pour aller

 24   rejoindre les rangs de notre unité puisque la guerre avait commencé. J'ai

 25   ensuite été envoyé au ministère de l'Intérieur de la République de la

 26   Krajina serbe. J'y suis resté jusqu'en mars 1992, à peu près. Après mars

 27   1992, j'ai été affecté à des fonctions similaires au sein de l'instance qui

 28   avait été mise en place pour une période de transition pour l'armée et la


Page 45064

  1   police dans la République de la Krajina serbe. Ensuite, vers le 12 ou le 20

  2   mai 1992, on m'a affecté au 9e District militaire. C'était le district de

  3   Sarajevo. Et par la suite, lorsqu'on a posé la question de savoir si on

  4   irait en Yougoslavie ou si on resterait en Republika Srpska, je suis resté

  5   en Republika Srpska, parce que moi je suis né en Bosnie-Herzégovine, j'ai

  6   fait mes études primaires et secondaires là-bas, j'ai terminé mes classes à

  7   Glamoc. C'est à peu près ce dont je me souviens. Si j'ai oublié quelque

  8   chose, posez-moi la question.

  9   Q.  Merci, Général. Est-ce que vous pouvez nous dire quelles ont été vos

 10   fonctions au sein de la VRS en juillet 1995 ?

 11   R.  Merci, Monsieur le Président. Mes fonctions en 1995, au mois de

 12   juillet, étaient celles d'adjoint du commandant chargé du renseignement et

 13   de la sécurité. Merci.

 14   Q.  Est-ce que vous avez à quelque moment que ce soit informé ma personne,

 15   sous forme orale ou sous forme écrite, qu'il y aurait des prisonniers de

 16   Srebrenica qui étaient prévus pour des exécutions ou qui ont été exécutés ?

 17   R.  Monsieur le Président, pour ce qui est de Srebrenica, je ne me suis

 18   entretenu avec vous qu'à la date du 9. Je crois que c'était le 9 juillet

 19   1995. Et c'est là que je vous ai présenté une information communiquée à

 20   l'état-major principal, à savoir que l'armée de la Republika Srpska se

 21   trouvait devant Srebrenica. A ce moment-là, il n'y avait pas encore de

 22   prisonniers. Et vous avez dit à ce moment-là : S'ils peuvent s'emparer de

 23   Srebrenica, qu'ils s'en emparent. J'ai rédigé un document écrit à cet effet

 24   et je l'ai envoyé aux unités et à l'état-major principal afin qu'ils en

 25   prennent connaissance, à savoir que votre ordre était de tenir compte des

 26   civils de la FORPRONU et des prisonniers de guerre. Mais à ce moment-là, il

 27   n'y avait pas encore eu de prisonniers de guerre. Et c'était le dernier des

 28   contacts que j'ai eus avec vous, le dernier entretien que j'ai eu avec vous


Page 45065

  1   au sujet de Srebrenica.

  2   Par la suite, j'ai été affecté aux fonctions de commandant adjoint de

  3   Zepa. Ça se trouve à 20 kilomètres de Srebrenica. Et il n'y avait pas de

  4   moyens de transmission, donc il n'y avait pas moyen de communiquer. Et

  5   donc, je n'ai pas pu communiquer avec vous. Je ne pouvais rien savoir au

  6   sujet des événements, je ne peux donc pas parler des événements qui ont

  7   suivi, parce qu'au moment où vous et moi nous sommes entretenus, il n'y

  8   avait pas eu de prisonniers. Je ne pouvais donc pas vous informer d'une

  9   chose que je ne savais pas et que je n'avais pas vue. Merci.

 10   Q.  Merci. La pièce P2989 est le registre du centre de transmission de la

 11   république à Pale pour le mois de juillet 1995. Cette pièce --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être que nous pourrions en demander

 13   l'affichage.

 14   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, une seconde. Une seconde.

 16   Une seconde, Monsieur Karadzic.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Je pense que nous sommes intéressés par les dates suivantes, les 14, 15

 19   et 16 juillet.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et sur quelle page est-ce que cela

 21   figure ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne suis pas en mesure de vous le dire pour

 23   le moment.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Nous sommes en train de le chercher. En

 25   fait, nous pensons que -- ce que nous voulions, c'était une référence pour

 26   les parties, mais nous pouvons regarder le document si vous m'accordez une

 27   minute. Je pense que la page 5 sera la première page.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si M. Tolimir pourrait


Page 45066

  1   véritablement suivre sans consulter ce document.

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président. Alors, je

  3   pense que nous pouvons attirer l'attention du général Tolimir sur la page

  4   numéro 5. Et à partir du bas, vous voyez qu'il y a 1, 2, 3, 4, 5, et là

  5   vous avez ce qui nous intéresse, le 5 à partir du bas et puis les deux

  6   données au-dessous.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général Tolimir, est-ce que vous

  8   comprenez ce à quoi correspond ce document ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Président. Je vois qu'il

 10   est dit état-major principal.

 11   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au témoin de se rapprocher du

 12   microphone.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tolimir, pourriez-vous, je vous

 14   prie, vous rapprocher du microphone, si vous le pouvez.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Au numéro 5, je vois qu'il est écrit : état-

 16   major principal de l'armée de la Republika Srpska, et puis, entre

 17   parenthèses, vous avez OB, qui sont des initiales qui correspondent à

 18   l'organe pour la sécurité. C'est un document qui est envoyé au président,

 19   et cela correspond à des renseignements secrets. A ce moment-là, l'organe

 20   pour lequel je travaillais -- donc, ce n'est pas moi-même qui ai envoyé

 21   cela, mais cela a été envoyé par cet organe à 20 destinataires. Et vous

 22   trouverez ces destinataires dans le document. Et sur ce type de document,

 23   vous avez toutes les catégories de renseignements secrets qui portaient sur

 24   ce qui se passait dans le monde et sur ce qui concernait la Republika

 25   Srpska. Merci.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Alors, je poursuis en anglais. Ce document montre que des rapports ont


Page 45067

  1   été reçus de la part de l'organe de la VRS chargé de la sécurité et du

  2   renseignement secret. Il a été transmis au président, au ministère de la

  3   Défense, ainsi qu'aux services de la Sûreté d'Etat du ministère de

  4   l'Intérieur aux dates suivantes : 14, 15, 16 et 17 juillet. Ces rapports ne

  5   peuvent pas être trouvés maintenant. Est-ce que l'un de ces rapports

  6   présentait des informations relatives à l'exécution des prisonniers qui se

  7   trouvaient à Srebrenica ?

  8   R.  Merci, Monsieur le Président. Je vous dirais dans un premier temps que

  9   je ne sais pas ce qui figurait dans ces rapports, car ces rapports étaient

 10   rédigés par l'organe chargé de la sécurité qui se trouvait au poste du

 11   commandement à ce moment-là. Or, moi, je me trouvais à Zepa, donc je n'en

 12   sais rien. Si on me présentait les documents originaux, je pourrais voir

 13   qui les a signés, à qui ils ont été destinés, à quelle heure ils ont été

 14   envoyés et par qui. Vous avez ces 20 destinataires ou 20 adresses que j'ai

 15   mentionnés, et c'était à ces adresses que ces documents étaient, de façon

 16   routinière, envoyés. Cela incluait, par exemple, le ministre des Affaires

 17   étrangères, qui participait aux négociations internationales. Mais je ne

 18   sais ce qui figurait dans ces documents parce que ce n'est pas moi qui

 19   rédigeais ces documents. Je vous ai déjà dit que je me trouvais à Zepa. Si

 20   la présidence ne dispose pas de ce document, alors vous devriez peut-être

 21   vous référer à l'un des 20 destinataires auxquels le document a été envoyé,

 22   le 1er Corps, le 2e Corps, le 3e Corps, et cetera, et cetera. Il se peut que

 23   le Procureur ait trouvé ce document auprès de l'un ou l'autre de ces

 24   destinataires. Mais nous-mêmes, nous n'avons pas pu le retrouver. Voilà

 25   tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

 26   Q.  Je vous remercie, Général.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus de questions à vous poser.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.


Page 45068

  1   Et merci, Madame, Messieurs les Juges.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous demande une petite minute de

  3   patience, je vous prie.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Karadzic.

  6   Monsieur Tolimir, vous allez répondre aux questions du contre-

  7   interrogatoire du bureau du Procureur. Mais entre-temps, nous avons un

  8   petit problème de calendrier, parce que nous n'avons pas terminé le contre-

  9   interrogatoire de M. Blagojevic. Donc --

 10   M. McCLOSKEY : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi.

 11   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 12   M. McCLOSKEY : [interprétation] Excusez-moi. M. Tieger et moi-même avons eu

 13   la possibilité de parler de ceci justement. On nous a donné des

 14   informations qui sont vraiment des informations de base et nous ne

 15   ressentons pas véritablement le besoin de procéder à un contre-

 16   interrogatoire à ce sujet au vu du contexte, à moins que vous ne souhaitiez

 17   que nous le fassions, bien entendu. Mais au vu des informations qui

 18   viennent d'être présentées, M. Tieger et moi-même indiquons que nous

 19   disposons de suffisamment d'information.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien, Monsieur McCloskey. Et merci

 22   à vous, Monsieur Tieger. Donc, Général Tolimir, vous êtes arrivé au terme

 23   de votre déposition. Donc, j'aimerais vous remercier au nom des Juges de la

 24   Chambre. Vous pouvez maintenant quitter le prétoire.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Et j'aimerais

 26   remercier toutes les personnes présentes, ainsi que M. McCloskey,

 27   j'aimerais remercier le président Karadzic, tout le personnel, tous les

 28   interprètes. Et je souhaite que ce procès se termine selon la volonté de


Page 45069

  1   Dieu, et non pas suivant ma volonté. Et que la paix de Dieu soit avec vous.

  2   Merci.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et je vous remercie, Monsieur Tolimir

  4   [comme interprété].

  5   [Le témoin se retire]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire entrer

  7   dans le prétoire M. Blagojevic.

  8   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je suis un peu trop enthousiaste.

 10   Nous allons, effectivement, faire une pause de 45 minutes et nous

 11   reprendrons à 13 heures 25.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 13   J'aimerais vous rappeler qu'il faut terminer la déposition de M. Blagojevic

 14   aujourd'hui parce que son conseil ne sera plus disponible après. Je pense

 15   que nous avons amplement le temps de le faire, mais ne nous laissons quand

 16   même pas trop emporter par notre enthousiasme.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] N'oublions pas que nous avons une

 18   cérémonie de prestation de serment aujourd'hui dans ce même prétoire, donc

 19   il faudra que nous finissions au plus tard à 15 heures.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense que cela nous donnera amplement le

 21   temps.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Merci.

 23   --- L'audience est suspendue à 12 heures 41.

 24   [Le témoin vient à la barre]

 25   --- L'audience est reprise à 13 heures 30.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur McCloskey, je vous en prie.

 27   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 28   Est-ce que le document de la liste 65 ter 25792 pourra être affiché, je


Page 45070

  1   vous prie.

  2   LE TÉMOIN : VIDOJE BLAGOJEVIC [Reprise]

  3   [Le témoin répond par l'interprète]

  4   Contre-interrogatoire par M. McCloskey : [Suite]

  5   Q.  [interprétation] Colonel, il s'agit d'une carte -- et nous allons

  6   bientôt en finir. Il s'agit d'une carte, alors je sais que vous êtes

  7   originaire de Bosnie et que vous connaissez cette zone comme toutes les

  8   personnes originaires de Bosnie, est-ce que vous pouvez confirmer que les

  9   étoiles rouges correspondent aux endroits qui étaient considérés comme des

 10   zones protégées des Nations Unies, à savoir Bihac, Tuzla, Sarajevo, Gorazde

 11   et Srebrenica ?

 12   R.  Oui, oui, tout à fait.

 13   Q.  Merci. Il y a un document qui a déjà été versé au dossier en l'espèce,

 14   que je vais vous montrer dans un petit moment, et où il est question

 15   d'aller de Banja Luka à Pale. Alors, à cette période, à cette époque,

 16   lorsque vous conduisiez une voiture, si un officier ou le président allait

 17   de Banja Luka à Pale, ils ne passaient pas par la fédération. Donc, est-ce

 18   que vous pourriez nous dire combien de temps est-ce qu'il fallait compter

 19   approximativement pour conduire une voiture de Banja Luka à Pale, à cette

 20   époque-là, donc, pendant les mois de mai, juin 1995 ?

 21   R.  Ecoutez, je peux vous donner une estimation très approximative. Je ne

 22   peux pas vous le dire avec certitude, car il faut savoir qu'il y a

 23   Bijeljina qui est à peu près à mi-chemin. Alors, pour aller jusqu'à

 24   Bijeljina, cela prenait cinq heures, six heures, peut-être un peu plus. Et

 25   puis, depuis Bijeljina, qui se trouve au milieu, jusqu'à Pale, là, vous

 26   deviez encore conduire pendant cinq ou six heures, mais ça, c'était si vous

 27   conduisez sans vous arrêter. Tout dépendait de l'état des routes, de ce que

 28   vous deviez faire. Donc, vous savez, cela prend beaucoup de temps, plus


Page 45071

  1   d'une demi-journée.

  2   Q. Fort bien.

  3   M. McCLOSKEY : [interprétation] Est-ce que cela pourrait être versé au

  4   dossier.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, tout à fait.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le document P6574, Madame,

  7   Messieurs les Juges.

  8   M. McCLOSKEY : [interprétation] Est-ce que le document P2781 pourrait être

  9   affiché.

 10   Q.  Colonel, il s'agit du document que j'ai mentionné qui émane du CJB de

 11   Banja Luka. Alors, il est question des déplacements de M. Karadzic et du

 12   président Krajisnik qui se rendent de Banja Luka à Pale. Et là, nous

 13   pouvons voir que le 25, ils sont partis après 13 heures. Et puis, ensuite,

 14   nous voyons qu'il est écrit à la main dans le coin supérieur droit qu'ils

 15   sont arrivés sains et saufs à 22 heures 20 à Pale. Donc, si je peux faire

 16   ce calcul, ça me donne neuf heures, neuf heures et 20 minutes environ.

 17   Donc, est-ce que cela vous semble logique, puisqu'il s'agit du président ?

 18   R.  Ecoutez, moi, je ne peux pas me mettre à leur place, donc je ne peux

 19   pas répondre à cette question. Vous savez, ce serait de ma part une façon

 20   de se livrer à des conjectures, donc je ne peux pas vous donner une réponse

 21   rationnelle.

 22   Q.  Oui. Mais, Colonel, cela correspond plus ou moins à ce que vous nous

 23   avez dit. Vous nous avez dit dix heures. Là, nous avons  neuf heures et 20

 24   minutes.

 25   R.  J'avais dit plus d'une demi-journée, si je me souviens de mes propos.

 26   Q.  Fort bien. Un tout dernier document à ce sujet. Est-ce que nous

 27   pourrions avoir le document de la liste 65 ter 16502. Là, vous verrez qu'il

 28   s'agit d'un document qui émane de l'état-major principal de l'armée de la


Page 45072

  1   Republika Srpska. C'est le général Milovanovic qui envoie le document. Le

  2   document porte la date du 25 mai 1995. Il est difficile, d'ailleurs, de

  3   voir l'heure exacte, mais regardez la première page. Regardez le bas de

  4   cette page, nous voyons qu'il s'agit d'un rapport qui émane de M.

  5   Milovanovic et qui est destiné au président de la Republika Srpska et aux

  6   commandants des différents corps. Et la Chambre de première instance a déjà

  7   obtenu des informations au sujet de ces rapports.

  8   Et nous voyons qu'au bas de la page, et je pense que cela doit

  9   figurer également sur votre version en B/C/S, nous voyons que le président

 10   est informé qu'il y a des survols d'avions de l'OTAN, qu'il y a des bombes

 11   aériennes qui ont été utilisées pour frapper la zone de Jahorinski Potok,

 12   au-dessus d'un entrepôt, et il y est question des dégâts. Puis, ensuite, à

 13   la deuxième page de la version anglaise, je pense que pour la version en

 14   B/C/S cela figure toujours sur la première page, il est question :

 15   Situation au sein du corps, toutes les unités du corps doivent être en état

 16   de combat, premier niveau, pour tirer sur les objectifs dans l'espace

 17   aérien. L'artillerie a été utilisée contre les cibles choisies, les postes

 18   de contrôle des Nations Unies, à l'exception du Russe. Est-ce que, à votre

 19   avis, cela vous posait problème ? Est-ce que le fait que la VRS ciblait des

 20   postes de contrôle des Nations Unies, cela vous posait un problème, après

 21   que l'OTAN ait ciblé le dépôt de munitions de la VRS ?

 22   R.  Ecoutez, cela dépend de la personne. Enfin, c'est une décision

 23   qui a été prise par la personne qui a pris la décision, qui avait le droit,

 24   surtout, de prendre la décision. Qu'est-ce que je peux vous dire à ce sujet

 25   ? Au vu de la situation, la personne qui a pris la décision disposait de

 26   plus amples renseignements, avait un aperçu général de la situation et

 27   avait beaucoup plus d'éléments et de facteurs à sa disposition pour prendre

 28   la décision. Je ne sais pas, en fait, par quoi il a été guidé pour prendre


Page 45073

  1   sa décision.

  2   Q.  Mais qui entendez-vous ? M. Mladic ou M. Karadzic ?

  3   R.  Ecoutez, la personne qui a pris la décision. Moi, je ne sais pas.

  4   Je ne vois pas, ce n'est pas écrit de qui il s'agissait.

  5   Q.  Oui, mais c'est quelqu'un qui se trouvait tout en haut des

  6   échelons du gouvernement, n'est-ce pas, ou de l'armée, ou du gouvernement ?

  7   R.  Ecoutez, je ne le vois pas ici. Je n'ai peut-être pas suivi très

  8   bien ce que vous avez lu, mais je ne vois pas ici qui a donné l'ordre.

  9   Q.  Fort bien. Alors, nous allons nous intéresser à la partie qui

 10   correspond au Corps de la Drina dans ce rapport. Page 4 de la version

 11   anglaise et page 3 de la version B/C/S. Et là, au petit (B), vous voyez

 12   qu'il est toujours question de la situation au sein du corps, et nous

 13   voyons que l'artillerie a été utilisée contre les enclaves de Srebrenica,

 14   de Gorazde, ainsi que contre l'aéroport de Tuzla. Donc, dans ce cas précis,

 15   on informe le président que vous avez bombardé Srebrenica, n'est-ce pas ?

 16   Est-ce bien exact ?

 17   R.  Oui. Oui, oui, on peut, effectivement, établir un lien avec ce dont

 18   nous venons de parler, à savoir l'ordre que j'avais reçu du commandement

 19   supérieur. Cela a été exécuté en présence des représentants du commandement

 20   supérieur. Oui, effectivement, les deux peuvent être liés.

 21   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 22   dossier du document.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout à fait. Très bien.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document devient le document P6575.

 25   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 26   Q.  Et, Colonel, une dernière série de questions à propos de ce document

 27   avant de passer à une autre série de questions.

 28   Document P5074, je vous prie. Et, Colonel, vous vous souviendrez


Page 45074

  1   probablement de cela, il s'agit d'une conversation interceptée du 15

  2   juillet 1995, et l'Accusation a avancé lors de la présentation de ses

  3   moyens à charge qu'il s'agit d'une conversation entre le colonel Ljubo

  4   Beara, donc le chef de la sécurité de l'état-major principal, et le général

  5   Krstic, qui à l'époque était commandant du Corps de la Drina et participait

  6   aux opérations de Zepa.

  7   Alors, nous voyons là que Beara dit à Krstic : Général, Furtula n'a pas

  8   exécuté l'ordre du chef. Ce à quoi Krstic répond : Ecoute, il lui a donné

  9   l'ordre de diriger un char, non pas un train. Beara : Oui, mais moi, j'ai

 10   besoin de 30 hommes, comme la commande a été donnée. Et Krstic dit : Eh

 11   bien, prenez-les à Nastic ou à Blagojevic. Moi, je ne peux pas les obtenir

 12   ici pour toi. Puis ensuite -- bon, je saute quelques interventions. Il dit

 13   : Ecoutez, je vais voir ce que je peux faire, mais en fait, ça va quand

 14   même faire des vagues. Et puis ensuite, un peu plus bas, il dit : Moi, je

 15   n'ai pas d'hommes. Si j'en avais, je ne continuerais pas à en demander pour

 16   le troisième jour. Krstic : Ecoute, vérifie auprès de Blagojevic et prend

 17   ses Bérets rouges.

 18   Dans un premier temps, alors, il y a une référence à votre égard, n'est-ce

 19   pas ?

 20   R.  Je ne sais pas.

 21   Q.  Mais vous vous souvenez, le commandant de la Brigade de Visegrad, il

 22   faisait partie de l'opération de Srebrenica, me semble-t-il ?

 23   R.  Ecoutez, il faudrait mettre un grade à côté de son nom. Ainsi -- bon,

 24   vous savez, Radomir Furtula, ça pourrait être n'importe qui. S'il y avait

 25   le grade à côté de son nom, peut-être que je me souviendrais de qui il

 26   s'agit. Ça, je pense que c'est un peu trop arbitraire. Je ne peux pas me

 27   livrer à des conjectures. Parce que tout ce que nous voyons ici, c'est

 28   Furtula, me semble-t-il.


Page 45075

  1   Q.  Oui, mais c'est Furtula qui était le commandant de la Brigade de

  2   Visegrad lorsque vous, vous étiez commandant de la Brigade de Bratunac, qui

  3   se trouvait tout près ?

  4   R.  Ce n'est pas aussi près que cela, Monsieur le Procureur. Il y a au

  5   moins une distance de quelque 80 kilomètres entre les deux. Et

  6   deuxièmement, si vous me donnez son prénom, son nom de famille et son

  7   grade, je pourrais vous donner une réponse. Mais si vous nous dites juste

  8   Furtula, moi je ne sais pas à quel M. Furtula vous faites référence.

  9   Q.  Mais qu'en est-il, par exemple, du colonel Radomir Furtula ou du

 10   lieutenant-colonel Radomir Furtula ? Vous avez entendu parler d'une telle

 11   personne ?

 12   R.  Ecoutez, à l'époque, il y avait un lieutenant-colonel Furtula, c'était

 13   un commandant de brigade. Je ne sais pas, moi, s'il y avait un colonel qui

 14   avait ce nom. Mais, certes, il y avait un lieutenant-colonel qui s'appelait

 15   Radomir Furtula, qui était l'un des commandants. Je ne sais pas de quoi,

 16   parce qu'ils étaient trois ou quatre là-bas.

 17   Q.  Bon. Au moins, nous avons pu établir cela. Est-ce que vous vous

 18   souvenez du nom du commandant de la Brigade de Milici, et là c'était tout

 19   près de vous ?

 20   R.  Oui, oui. C'étaient mes voisins qui se trouvaient à ma gauche. Ils

 21   avaient une position de défense et ils étaient face à l'enclave de

 22   Srebrenica. Et je pense que c'était un certain Lazic à l'époque. Bon, je

 23   n'en suis pas absolument sûr parce qu'il y avait quand même un roulement à

 24   ce moment-là, pendant cette période, ou peut-être que c'était une autre

 25   personne. Peut-être qu'il faudrait que vous me donniez d'autres

 26   renseignements.

 27   Q.  Et qu'en est-il de Nastic, par exemple ?

 28   R.  Oui, c'est cela, Nastic. Merci, merci.


Page 45076

  1   Q.  Son prénom ? Je ne m'en souviens plus.

  2   R.  Est-ce Milan ? Je ne me souviens plus.

  3   Q.  Mais quel était son grade ? Quel était son grade ?

  4   R.  Peut-être commandant. Je ne sais pas.

  5   Q.  Et est-ce que vous aviez une unité qui était connue sous le nom des

  6   Bérets rouges à cette époque-là, en juillet 1995 ?

  7   R.  L'unité des Bérets rouges n'existait pas au sein de la brigade en temps

  8   de guerre. C'est un nom qui avait été donné plus tôt, avant que je ne

  9   rallie la brigade, mais les hommes de cette unité qui ont continué à être

 10   appelés les Bérets rouges avaient été affectés au 3e Bataillon de ma

 11   brigade.

 12   Q.  Je pense que Rade Petrovic était leur chef, n'est-ce pas ?

 13   R.  Rade Petrovic, oui, tout à fait. C'était le fils de Sreten Petrovic,

 14   oui. Il s'est en quelque sorte imposé comme leur commandant, certes.

 15   Q.  Et est-ce que vous vous souvenez du membre des Bérets rouges qui a été

 16   blessé après 17 heures 30 à Kravica, le 13 ?

 17   R.  Non, moi, je n'ai pas eu de rapports à ce sujet à ce moment-là. Ce

 18   n'est que par la suite, ultérieurement, lorsque j'étais déjà au quartier

 19   pénitentiaire ici, alors que je consultais des documents, que j'ai lu cela

 20   dans un document, justement, mais c'est un élément d'information qui ne m'a

 21   absolument pas été utile. Je l'ai lu tout simplement dans ce document.

 22   D'ailleurs, je ne sais même plus sur quoi portait le document.

 23   Q.  Fort bien. Donc, nous revenons à cette conversation interceptée.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que c'est à vous, Monsieur Blagojevic, que le général Krstic

 26   envoie le colonel Beara ? Et voilà ce que j'aimerais vous dire -- voilà,

 27   vous avez la possibilité de nous dire quelque chose d'important : est-ce

 28   que le colonel Beara est venu vous trouver le 12, ou le 13, ou le 14, ou le


Page 45077

  1   15, ou le 16 juillet ? A un moment donné pendant cette période, est-ce

  2   qu'il est venu vous trouver pour vous demander de l'aide pour le travail

  3   qu'il effectuait ?

  4   R.  Non. Non, il n'est pas venu me trouver.

  5   Q.  Mais il se trouvait dans votre brigade, n'est-ce pas ? Il était présent

  6   auprès de votre brigade pendant ces jours-là -- ou certains de ces jours-là

  7   ?

  8   R.  Non, non. Non, non.

  9   Q.  Vous l'avez vu ?

 10   R.  Non, non, je n'ai pas vu.

 11   Q.  Mais vous l'aviez déjà vu auparavant. Il était grand, 1 mètre 90 à 95,

 12   une crinière de cheveux blonds ? Non, vous ne l'avez jamais vu ?

 13   M. ROBINSON : [interprétation] J'allais juste dire que puisque la taille a

 14   été donnée en pieds et en pouces, et en livres, le poids, je ne sais pas ce

 15   que cela représente véritablement pour le général [comme interprété].

 16   M. McCLOSKEY : [interprétation] Ecoutez, je ne sais pas comment cela a été

 17   traduit. Je ne sais pas mesurer en centimètres. Excusez-moi.

 18   M. LE JUGE MORRISON : [hors micro]

 19   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 20   Q.  Donc, 2 mètres. Deux mètres, et puis, le poids, 120 -- 110 kilos ?

 21   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, moi, je me souviens juste, en

 22   fait, des équivalences depuis la dernière fois que je suis dans la salle de

 23   gym.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 25   Q.  Mais dites-nous juste oui ou non. Oui, vous avez vu Beara ? Non, vous

 26   ne l'avez pas vu ? Réfléchissez-y, Colonel, c'est la dernière question.

 27   R.  Ecoutez, moi, je n'ai jamais mesuré sa taille et je ne l'ai jamais

 28   pesé. Voilà, premièrement. Et puis, deuxièmement, je ne l'ai jamais vu et


Page 45078

  1   il n'a jamais été dans ma brigade, et il ne m'a jamais contacté, il ne

  2   s'est jamais adressé à moi. Jamais à ce moment-là. Alors, ne l'oubliez pas.

  3   Q.  Je vous remercie, Colonel. Je n'ai pu de questions à vous poser.

  4   R.  Merci.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez des questions

  6   supplémentaires, Monsieur Karadzic ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'en ai pas beaucoup. J'en ai quelques-unes.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y, je vous en prie.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 11   Q.  [interprétation] Mon Colonel, page 53 -- ou peut-être un peu plus tard,

 12   on vous a interrogé au sujet d'une décision, à savoir la décision de tirer,

 13   et vous avez dit : Mais cela relève de celui qui était en place pour

 14   prendre la décision. Alors, qui doit prendre la décision de riposter

 15   lorsqu'on a été attaqué, et est-ce que l'unité qui se fait attaquer attend

 16   que le président de la république lui donne l'autorisation de riposter ?

 17   R.  Ecoutez, dans ce cas de figure, de la manière dont je me l'imagine, je

 18   peux vous dire qu'à partir du moment où une unité a été attaquée, il faut

 19   qu'elle réponde directement. Elle répond par tous les moyens pour sauver

 20   son effectif et ses moyens. Donc, c'est une décision qui est prise sur-le-

 21   champ dans une telle situation et c'est le commandant de l'unité attaquée

 22   qui prend la décision.

 23   Q.  Je vous remercie. En page 53, on a fait une suggestion. On a donné

 24   lecture d'un télégramme des Nations Unies, et donc il est suggéré que les

 25   Serbes ont bombardé les enclaves musulmanes après les frappes aériennes de

 26   l'OTAN. Donc, ce jour-là, le 25 mai, et plus tard, le 25 juin, est-ce qu'il

 27   y a eu des actions qui ont été lancées depuis les enclaves contre les

 28   territoires serbes ?


Page 45079

  1   R.  Il y a eu des activités ces jours-là qui ont véritablement constitué un

  2   danger. La situation a été difficile à cause de cela. En particulier,

  3   c'était contre des localités, contre des villages, et il y avait en

  4   particulier justement des embuscades le long des voies de communication. Au

  5   moins deux ou trois exemples me viennent à 

  6   l'esprit : un village dans le secteur de la Brigade de Milici, qui était à

  7   côté de nous; et puis, une autre embuscade où il y a eu plusieurs victimes,

  8   plusieurs morts, c'était à la jonction entre l'aile gauche de ma brigade et

  9   mon voisin de gauche, à savoir le Bataillon de Skelani. Là, il y a eu une

 10   camionnette à qui on a tendu une embuscade et plusieurs personnes sont

 11   mortes. Il y a eu dans ma zone plusieurs actions de commando, de sabotage,

 12   et je voudrais souligner en particulier qu'on a vu surgir -- ou, plutôt, il

 13   y a eu surtout ces mines qu'on posait, qu'on plantait et qu'on pouvait

 14   déplacer, et puis lorsqu'on tombait dessus, on déclenchait la mine en se

 15   prenant dans les fils. C'étaient des explosions filoguidées. Et j'ai eu

 16   beaucoup de cas de ce type-là.

 17   Q.  Ces hommes qui ont lancé des sabotages, ils venaient d'où, ces

 18   terroristes ?

 19   R.  Ecoutez, on a pu les identifier juste à côté de l'enclave de

 20   Srebrenica. C'est là qu'on en a repérés. Donc, moi, j'en ai conclu que

 21   c'était de l'enclave de Srebrenica qu'ils étaient venus.

 22   Q.  Je vous remercie. Page 45, on a posé une question qui a comporté une

 23   suggestion, vous auriez tiré quatre obus sur ordre de Lazic sur la ville

 24   même de Srebrenica. Les avez-vous véritablement tirés sur la ville de

 25   Srebrenica ? Et j'aimerais savoir s'il y avait des cibles légitimes

 26   militaires dans la ville de Srebrenica ?

 27   R.  J'ai répondu très récemment là-dessus. Alors, il y avait dans cette

 28   activité, dans cette action, un officier du commandement du corps d'armée


Page 45080

  1   qui était en contact avec ceux qui observaient le terrain au nom de

  2   l'artillerie. Et justement, ceux qui observent, on les place à côté pour

  3   qu'ils puissent observer une cible militaire qui pourrait constituer un

  4   danger pour nos forces et pour demander que l'on vise cette cible-là. Et

  5   donc, on pouvait, effectivement, déclencher une action contre de telles

  6   cibles, et il a été demandé à un moment donné que l'on le fasse,

  7   effectivement.

  8   Q.  Je ne sais pas si les interprètes ont compris, vous avez parlé de

  9   "Domavija". Qu'est-ce que c'est ?

 10   R.  Je pense que c'était un hôtel avant la guerre.

 11   Q.  Je vous remercie. Dans le document 6570, il est dit que l'objectif

 12   était de chasser les Musulmans. Est-ce qu'on entend par là les civils ou

 13   est-ce qu'on entend des formations militaires, armées, musulmanes ?

 14   R.  Je suis profondément convaincu, en tant qu'officier et en tant que

 15   participant à ces conflits, que l'objectif était de l'emporter sur les

 16   forces armées de l'ennemi. Et c'est comme ça, en pensant cela, que j'ai

 17   pris part à ces événements. J'ai agi conformément à toutes lois et les

 18   règlements vis-à-vis des civils, en évitant tout recours à la violence.

 19   Alors, maintenant, je ne peux pas commenter. Je ne peux parler des

 20   décisions prises par la partie adverse concernant leur population civile,

 21   est-ce qu'ils les déplacent avec eux ou non. Je ne voudrais pas me lancer

 22   dans des conjectures. Mais moi, je peux vous dire que par rapport à

 23   l'attitude réservée par l'armée, c'était d'agir uniquement face à des

 24   unités armées.

 25   Q.  Merci. Par rapport au droit de la guerre international, est-ce qu'il

 26   est inadmissible de rendre la vie difficile à l'ennemi ?

 27   R.  L'ennemi -- à l'égard de l'ennemi, là encore, je vous dis, c'est par

 28   rapport uniquement à une puissance armée. Bien entendu, cela est tout à


Page 45081

  1   fait autorisé. Mais s'agissant de la partie innocente de la population qui

  2   ne constitue pas un danger direct, cela est totalement exclu. Donc, c'était

  3   ça mon attitude à l'époque et c'est comme ça que j'ai commandé mon unité.

  4   Donc, c'est la raison pour laquelle j'ai dit au départ que je pensais que

  5   les Juges allaient m'autoriser à en parler et qu'ils allaient m'autoriser à

  6   ajouter quelque chose là-dessus.

  7   Q.  C'est sur mon temps à moi, et je vous en prie, allez-y.

  8   R.  Est-ce que je peux continuer ? Donc, je vais essayer d'être très bref

  9   et concis. Je ne veux pas répéter tout ce que j'ai déjà dit. Alors, qu'est-

 10   ce qui a posé problème ? Je dois dire une chose : je n'avais pas de

 11   défense. J'ai souffert pendant une année entière, tout seul. Je n'en avais

 12   pas le droit de rien dire. Je n'ai rien osé dire. En fait, j'ai dit une ou

 13   deux choses, mais je n'ai pas pu dire plus. Donc, j'allais sortir de ma

 14   peau et j'avais la sensation que tout allait me tomber dessus, et c'est

 15   effectivement ce qui m'est tombé. Mais j'ai la conscience tranquille, cela

 16   s'est passé contre ma volonté. Ça a été une entreprise criminelle commune

 17   entre le Procureur et le prétendu défenseur qui était là pour soi-disant me

 18   défendre. Voilà. Et puis, j'avais envie de dire encore une chose, mais je

 19   dois dire que je suis un peu ému, je suis un peu perturbé par tout ça. Mais

 20   ce n'était pas tout; ça s'est continué pendant que j'étais en prison.

 21   J'étais à Trondheim, en Norvège. Alors, là, j'ai eu des décisions contre

 22   moi qui sont contraires à la loi, contraires au Code pénal national. J'ai

 23   essayé de m'ériger contre cela, mais jusqu'à présent je n'ai rien pu

 24   obtenir. Mais cela ne m'a pas arrêté. Un soir, il y a eu une situation --

 25   ils savent que de mon œil droit que je ne peux pas bien voir, je ne peux

 26   pas lire, donc. Le soir, ils ont essayé de me donner un comprimé tout

 27   petit, quelques millimètres, noir. Heureusement, je l'ai vu, je l'ai aperçu

 28   -- oui, je vous en prie.


Page 45082

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela va au-delà du champ des questions

  2   supplémentaires.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vais donc m'en tenir au champ

  4   approprié. Je ne m'attendais pas à cela. Je ne savais pas que le colonel

  5   allait être ému à ce point. Je vais continuer avec mes questions.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Donc, page 39, il est question d'écarter ou de "déplacer", pour les

  8   replacer plus loin, les civils. Alors, qu'est-ce que vous entendez par ce

  9   terme "ukloniti" des civils ?

 10   R.  Eh bien, l'aide à déménager ou l'aide à se déplacer. Alors, on pourrait

 11   aussi se demander comment est-ce que cela aurait pu être provoqué. Je ne

 12   suis pas sûr là-dessus. Je pense que la partie adverse peut y jouer un rôle

 13   important. Donc, qu'est-ce qui a présidé à cela, il faudrait l'examiner au

 14   cas par cas.

 15   Q.  Et comment la partie adverse peut-elle avoir une influence là-dessus ?

 16   R.  Comment elle peut avoir un impact ? Eh bien, sur une vision, un

 17   concept, une politique. Ecoutez, de nouveau, il s'agit là de politique. Ça

 18   n'a rien à voir avec des questions militaires, des décisions qui sont

 19   prises par des officiers. Ça, c'est d'autres gens qui se chargent de cela.

 20   Cela ne relève pas de mon ressort.

 21   Q.  Et comment notre législation régit les obligations des militaires vis-

 22   à-vis des civils dans une zone de combat ? Une puissance militaire, qu'est-

 23   elle tenue de faire lorsque, dans son champ d'action, elle tombe sur des

 24   civils ?

 25   R.  Mon attitude est la suivante, et elle découle, bien entendu, de ce que

 26   j'ai pu apprendre sous forme de lois et règlements que j'étais tenu de

 27   connaître. A savoir, mon attitude était qu'il fallait protéger ces civils.

 28   Q.  Mais de quelle manière ?


Page 45083

  1   R.  Comment ? Eh bien, en fonction des possibilités d'une situation donnée.

  2   Si on n'a pas d'autres moyens pour les protéger, si on n'a pas de vivres,

  3   de médicaments, et cetera, alors, à ce moment-là, au moins il faut les

  4   mettre à l'abri et il faut les éloigner de ce théâtre d'opérations

  5   militaires.

  6   Q.  Je vous remercie.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Monsieur

  8   Karadzic, un instant. Je veux juste vérifier s'il y a un problème de

  9   traduction. Monsieur Blagojevic, il y a un instant - je vais retrouver

 10   l'endroit - il a été question d'éloigner la population. Vous avez dit :

 11   Aider la population à se déplacer ou être réinstallée ailleurs. Est-ce que

 12   vous vous souvenez d'avoir dit cela dans votre réponse ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je voulais dire -- enfin, je pensais,

 14   quand j'ai dit ça, à placer la population à l'abri, là où elle ne risque

 15   pas d'être un dégât collatéral, où il n'y a pas de risque pour cette

 16   population. Si c'est dans mon domaine de compétence, donc, qu'on me pose la

 17   question. C'est ça ma réponse sur mon attitude à avoir dans ce cas de

 18   figure.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 74, ligne 20, Monsieur Karadzic,

 20   lorsque vous avez demandé à M. Blagojevic ce qu'il en est de déplacer les

 21   civils, quel est le verbe que vous avez utilisé en B/C/S pour "enlever" ou

 22   "écarter" les civils d'un endroit ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, comme dans le

 24   contre-interrogatoire, on a traduit le verbe "remove" par "ukloniti" en

 25   B/C/S. Et c'est un terme qui a des connotations multiples chez nous.

 26   Lorsqu'un ennemi est "ukloniti", ça veut dire éliminé, tué. Donc, j'ai

 27   utilisé ce terme-là.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ce terme est identique à


Page 45084

  1   celui qui a été utilisé dans le document du Corps de la Drina, à savoir la

  2   pièce à conviction P3040 ? L'ordre numéro opérationnel 7, l'ordre du Corps

  3   de la Drina. L'une ou l'autre des parties pourrait me répondre à cette

  4   question.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, non. "Ukloniti" n'est pas le verbe

  6   qui a été utilisé dans ce document. C'était "sortir" ou "réinstaller", mais

  7   pas réinstaller de manière permanente, ce qui correspondrait à "resettle"

  8   en anglais.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors, nous allons nous en

 10   tenir à cela. Continuez, Monsieur Karadzic, je vous en prie.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  En page 33, on vous a demandé si le Corps de la Drina a exécuté la

 13   directive numéro 4. Est-ce que vous avez été informé des intentions de

 14   l'état-major principal sur l'exécution ou non de la directive ? Si vous

 15   n'en saviez rien, ce n'est pas grave. Mais est-ce que vous saviez quelle

 16   était l'attitude de l'état-major principal sur le fait si -- est-ce qu'ils

 17   pensaient que la directive 4 a été exécutée ou pas ?

 18   R.  Ecoutez, je ne peux pas vous répondre de manière concrète à cette

 19   question.

 20   Q.  Je vous remercie.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Document 65 ter 09219, s'il vous plaît, est-ce

 22   qu'on pourrait le montrer au témoin.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur McCloskey.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation] Monsieur le Président, juste pour répondre

 25   à votre question sur le document du Corps de la Drina, le document P3040,

 26   "Ordre opérationnel 7". Vous vous souvenez, c'est là qu'il est question de

 27   ces opérations de combat planifiées et bien conçues qui ont pour objectif

 28   de créer une situation insupportable et ne laissant aucun espoir de survie


Page 45085

  1   à l'habitation. Donc, il n'est pas question ici précisément de déplacer la

  2   population. Ce serait plutôt la directive 4 qui en parle plus.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que vous voyez ce document ? Le voyez-vous ?

  6   R.  Oui. Ordre de combat, numéro opérationnel 5.

  7   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez nous donner lecture de la

  8   première phrase ou, plutôt, du premier paragraphe.

  9   R.  "Puisque les forces du Corps de la Drina n'ont pas exécuté leur mission

 10   émanant de la directive numéro 4, l'ennemi a lancé une contre-offensive

 11   dans la partie est de la zone de responsabilité du Corps de la Drina et a

 12   réussi à infliger des pertes colossales aux unités du Corps de la Drina au

 13   mont Glogova, dans le secteur au sens large de Bratunac, Skelani et Rudo.

 14   Et l'attaque sur Visegrad est en cours."

 15   Q.  Est-ce que vous pouvez nous donner lecture du dernier paragraphe.

 16   R.  "La population civile ne doit pas être détruite mais doit se faire

 17   donner la possibilité de se déplacer vers d'autres régions ou, si elle

 18   accepte les autorités de la Republika Srpska, la désarmer et mettre sur

 19   pied des autorités civiles serbes."

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et en serbe également.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Le point 4, généralement, concerne la décision. Donc, après Skelani et

 24   Srebrenica, est-ce que vous pouvez nous donner lecture, "De concert avec

 25   les forces…"

 26   R.  "En agissant de concert avec les forces du Corps de la Drina, briser et

 27   détruire les forces de l'ennemi dans le secteur au sens large de

 28   Srebrenica. Libérer les mines de Sase et de Kunjaci et couper la


Page 45086

  1   transversale verte dans le secteur large de Srebrenica. Ensuite, en

  2   agissant de concert avec les forces du Corps de la Drina, procéder à une

  3   destruction progressive de l'ennemi dans le secteur au sens large de Cerska

  4   et de Zepa."

  5   Q.  Est-ce que cela signifie que les civils musulmans doivent être anéantis

  6   ? Est-ce qu'il y a ne serait-ce qu'un seul officier de l'armée serbe qui

  7   verrait ici un ordre de détruire des civils musulmans ?

  8   R.  Non, je n'y vois pas du tout comme objectif de détruire des civils

  9   musulmans. Il s'agit de combat, il s'agit d'essayer de l'emporter sur les

 10   forces armées de l'ennemi.

 11   Q.  Je vous remercie.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en demande le versement.

 13   M. McCLOSKEY : [interprétation] Pas d'objection.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document sera versé au dossier.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D4190, Monsieur le

 16   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai pas le temps de poser

 18   des questions sur le document mentionné par M. McCloskey, à savoir le

 19   document 03040. Mais il a été versé au dossier, donc on pourra l'aborder à

 20   la fin, dans le document final.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Page 15 et page 16, on vous a demandé si vous étiez informé des

 23   événements dans la ville même de Srebrenica. Où est-ce que vous avez passé

 24   le temps du 12 dans l'après-midi jusqu'au 13 dans la matinée ?

 25   R.  Le 12 dans l'après-midi jusqu'au 13 dans la matinée, donc c'est pour le

 26   premier jour après mon retour au commandement de la brigade. Donc, après la

 27   journée de travail, je me suis rendu à l'hôtel Fontana. Tout simplement,

 28   j'allais me rafraîchir, me reposer un peu, pour retrouver mes forces pour


Page 45087

  1   pouvoir retourner au travail.

  2   Q.  Est-ce que quelqu'un vous a informé de l'évolution de la situation dans

  3   la ville ? Est-ce que vous avez circulé en ville cette nuit-là ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Je vous remercie. Etiez-vous bien informé de ce qui se passait sur la

  6   ligne où était déployée votre brigade, la ligne de front ? Et je ne demande

  7   pas ce qui en est de votre brigade mais des brigades voisines. Donc, étiez-

  8   vous informé de la situation sur le théâtre d'opérations ?

  9   R.  Ecoutez, pour l'essentiel, j'avais des informations, un minimum me

 10   permettant de commander mon unité de la manière dont je pensais que c'était

 11   optimal compte tenu de la situation.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 02105 de la

 13   liste 65 ter. L'on voit en page suivante également quelque chose qui

 14   comporte une écriture manuscrite.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Est-ce que vous avez dicté quelque chose ou pris sous la dictée ? Est-

 17   ce que c'est votre écriture ?

 18   R.  Attendez, je vais voir ça.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Montrez-nous de nouveau en serbe la première

 20   page pour que le témoin puisse voir ce qui a été envoyé par télex et ce qui

 21   est dactylographié.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est possible que quelqu'un ait tapé cela à

 23   l'organe opérationnel. Je n'en suis pas tout à fait sûr parce que je dois

 24   dire que cette signature n'est pas lisible. Je ne suis pas sûr. Je ne sais

 25   pas si je l'interprète bien. Est-ce que vous pouvez juste changer de

 26   nouveau pour montrer la partie manuscrite ?

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   R.  Oui, c'est ça. Est-ce qu'il y a une signature ? Oui, il y là a une


Page 45088

  1   signature. Ça me gêne un petit peu. Je ne vois pas qu'il s'agisse là de ma

  2   signature.

  3   Q.  Merci. Alors, de quoi parle ce document ? Je ne sais pas si c'est un

  4   collaborateur ou pas. Pourquoi est-il important de savoir ce qu'il en est

  5   des forces sur votre aile gauche ?

  6   R.  C'est important parce qu'il y a une jonction. Il faut qu'il y ait un

  7   bon contact avec les forces voisines pour pouvoir contrôler cette zone de

  8   contact entre les deux.

  9   Q.  Je vous remercie. M. McCloskey vous a demandé si vous acceptiez, si

 10   vous étiez d'accord sur le fait que 7 000 hommes et garçons ont été

 11   exécutés à Srebrenica. Par rapport à ce que vous avez appris par la suite,

 12   par rapport à ce que vous en savez aujourd'hui, dans Srebrenica même ou sur

 13   le territoire de la municipalité de Srebrenica, est-ce qu'il y a eu des

 14   exécutions ? Donc, d'après ce que vous avez appris par la suite. Où est-ce

 15   que cela s'est passé, si cela a eu lieu ?

 16   R.  Ecoutez, que ce soit à l'époque ou maintenant, je n'en sais rien. Cela

 17   peut vous permettre invraisemblable, mais vous m'avez interrogé sur le

 18   territoire de Srebrenica.

 19   Q.  Oui, la ville et la municipalité de Srebrenica.

 20   R.  Je n'en sais rien. Véritablement rien.

 21   Q.  Je vous remercie, Mon Colonel. Je n'ai plus de questions.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et je demande que ce document soit versé au

 23   dossier.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation] Pas d'objection.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document sera admis au dossier.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le document D4191.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ainsi se termine votre déposition,

 28   Monsieur Blagojevic. Au nom des Juges de la Chambre de première instance,


Page 45089

  1   je tiens à vous remercier d'être venu à La Haye pour témoigner. Vous pouvez

  2   disposer. Nous tenons aussi à remercier M. Domazet.

  3   M. ROBINSON : [interprétation] Je tiens également à remercier M. Domazet

  4   personnellement. Il est intervenu ici pro bono au profit du colonel

  5   Blagojevic, et je le remercie d'avoir fait cela. C'est un comportement

  6   exemplaire au niveau de notre profession.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous allons entendre la

  8   déposition du témoin suivant ?

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, tout à fait. C'est Sveto Kovacevic.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur McCloskey.

 11   M. McCLOSKEY : [interprétation] C'est moi qui vous remercie. Ça a été un

 12   plaisir, comme toujours.

 13   [Le témoin se retire]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que

 15   Veselinovic interviendra en intercalé lundi ?

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense que nous allons pouvoir terminer sa

 17   déposition lundi et que nous allons pouvoir entendre M. Veselinovic par la

 18   suite.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je pense que c'est bien consigné.

 20   Veselinovic.

 21   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il doit y avoir un malentendu quelconque

 23   pour ce qui est de la compréhension du fait que la Défense aurait informé

 24   le Service des Témoins et des Victimes qu'il était censé témoigner la

 25   semaine prochaine, pas aujourd'hui. Toujours est-il que ce témoin n'est pas

 26   disponible.

 27   M. ROBINSON : [interprétation] Je m'en excuse, Monsieur le Président. Je

 28   vais me pencher sur la façon dont cela a pu se produire. Nous allons


Page 45090

  1   commencer entre-temps avec M. Veselinovic lundi, et ensuite nous allons

  2   entendre M. Kovacevic après.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. A moins qu'il n'y ait d'autres

  4   questions à évoquer, l'audience se voit levée.

  5   --- L'audience est levée à 14 heures 26 et reprendra le lundi, 16 décembre

  6   2013, à 9 heures 00.

  7  

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28