Page 47693
1 Le mardi 30 septembre 2014
2 [Réquisitoires]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.
7 Oui, Monsieur Tieger, vous avez un nouveau membre dans votre équipe
8 aujourd'hui. Est-ce que vous ne pourriez pas la présenter.
9 M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Comme nous l'avons
10 dit hier, Katrina Gustafson est venue aujourd'hui nous rejoindre.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
12 Vous pouvez poursuivre.
13 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'avais indiqué
14 hier que je fournirais des citations à huis clos. Ces citations ont déjà
15 été données à la Défense, mais nous devrions passer à huis clos partiel de
16 manière à ce que je puisse les donner à la Chambre.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous
18 plaît.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
20 [Audience à huis clos partiel]
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 47694
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 [Audience publique]
10 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense avoir
11 également signalé que je répondrais à une série des questions posées par la
12 Chambre dans son écriture de vendredi. Je vais le faire maintenant. En ce
13 qui concerne la question 5, à savoir la question de savoir quelle est
14 raison pourquoi l'appropriation ou la confiscation ne figure pas à la note
15 8, la réponse est non. En fait, simplement, nous ne prévalons pas de
16 responsabilité criminelle pour ce qui est du pillage et de la confiscation
17 dans les municipalités figurant dans cette note.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
19 M. TIEGER : [interprétation] En ce qui concerne la question 6, vous avez
20 demandé comment l'Accusation combine les contradictions qui existent entre
21 des faits jugés et les preuves en ce qui concerne le stade de football de
22 Bosanski Novi. Pour nous, il n'y a pas de contradiction. Il y avait 700
23 personnes qui ont été détenues dans ce stade, et nous avons un témoin qui a
24 dans son témoignage dit que :
25 "Nous n'avons pas été physiquement maltraités ni passés à tabac."
26 P687, page 24, alors qu'un autre a témoigné, en tout cas, qu'il avait
27 assisté à un passage à tabac.
28 Dans des circonstances où des centaines de détenus sont retenus dans un
Page 47695
1 endroit très grand dans plusieurs endroits sur le terrain, parfois en
2 dessous de la grande tribune, certains dans les vestiaires, pendant un mois
3 et demi, eh bien, l'expérience d'une personne ne vaut pas l'expérience de
4 toutes les personnes dans le stade, ce qui ne remet pas en cause la vérité
5 des faits jugés, à savoir qui ont constaté l'existence de passages à tabac
6 dans le stade. Et cela est corroboré par le fait qu'un des témoins a parlé
7 de l'existence de passage à tabac.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tant que nous parlons de cela, est-ce
9 que vous pourriez un petit peu développé. Imaginons que les preuves dans
10 notre cas sont les mêmes preuves utilisées par la Chambre qui a abouti aux
11 jugements dont il était question ou dont il est question, imaginons que ces
12 preuves ne soient pas cohérentes ou soient contradictoires entre elles. Que
13 diriez-vous dans un tel cas ?
14 M. TIEGER : [interprétation] Tout d'abord, il se trouve que je n'ai pas
15 envisagé le fait que les Juges de la Chambre évaluent ces faits jugés et
16 les regardent de près ce qui sous-tend de ces faits parce que cela dépend
17 de la manière dont nous présentons les arguments en l'espèce.
18 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
19 M. TIEGER : [interprétation] Mais il faudrait que j'analyse ceci dans son
20 contexte, Monsieur le Président, non pas dans ce contexte-ci, mais je ne
21 suis pas au courant de circonstances, en tout cas, en ce qui nous concerne
22 dans lesquelles ce scénario se présente. Vous avez identifié, par exemple,
23 un autre événement à la question 8 à Sokolac, où vous soulevez ce scénario
24 dans un contexte juridique -- et ce fait dans un contexte juridique. Et
25 j'allais y venir, mais je vais en parler maintenant parce que je me
26 concentre sur les questions qui sont liées aux faits jugés identifiés par
27 les Juges de la Chambre et à mon sens, en fait, l'analyse ou l'hypothèse
28 n'a pas été présentée ici, en tout cas, s'agissant de Sokolac.
Page 47696
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc l'Accusation est contre l'idée que
2 les Juges de la Chambre analysent les sources des conclusions précédentes
3 des autres Chambres s'agissant de faits jugés, je veux dire, ou en tout cas
4 de son incidence ?
5 M. TIEGER : [interprétation] Je ne suis pas en train de dire que je suis en
6 faveur ou contre, Monsieur le Président. La plupart des cas de ce genre
7 lorsqu'ils se sont présentés, cela est vraiment à l'avantage des faits
8 présentés. Dans le cas du stade de football, j'ai analysé cela pour essayer
9 de comprendre ce qui avait derrière, et on parle de certains individus et
10 de passages à tabac qui ont été passés à tabac dans le stade et une
11 personne qui a perdu un œil, mais je ne l'ai pas cité parce que je ne
12 pensais pas que les Juges de la Chambre allaient aborder cette question-là.
13 Et nous avons abordé les faits correspondant à une présomption, et nous
14 nous sommes à l'origine concentrés sur le fait de savoir si oui ou non il y
15 a des éléments de preuve crédibles au vu de l'ensemble des éléments de
16 preuve, mais concernant cette présomption, c'est quelque chose que nous
17 avons pas retrouvé dans les faits évoqués à la question 6 et non plus dans
18 la question liée au fait et au scénario de Sokolac à la question 8.
19 Mais, bon, moi, je suis disposé à analyser ceci davantage. Il y a une
20 question qui est soulevée et ce serait difficile pour les Juges de la
21 Chambre, semble-t-il, même si vous connaissez les faits de l'espèce et les
22 informations qui sont citées, je pense que la Chambre de première instance
23 s'est fondée sur l'ensemble des éléments de preuve également. Donc, s'il
24 s'agit d'apprécier la manière dont les différents éléments de preuve
25 individuellement ont été appréciés et soupesés, je pense que ça serait un
26 exercice assez difficile pour une autre Chambre.
27 Bon, la question 8, j'y ai fait allusion à plus de deux reprises, je
28 vais l'aborder maintenant rapidement. En fait, il s'agit des éléments de
Page 47697
1 preuve entendus à partir de l'article 92 bis et des faits énumérés dans les
2 annexes 14.2 en relation aux éléments de preuve 92 bis qui n'ont pas été
3 corroborés. Par rapport à l'événement de Sokolac qui est corroboré ici par
4 une série d'éléments de preuve que nous avons évoqués ici dans les faits
5 énumérés dans les annexes, cela se trouve dans notre tableau et comprend le
6 témoin à décharge Dragomir Obradovic qui est confirmé dans cet incident
7 D3175, paragraphe 21. Alors, pour ce qui est de l'emploi ou l'utilisation
8 des éléments de preuve non corroborés en vertu de l'article 92 bis, aux
9 fins des constatations factuelles, Mme Pack a l'intention de les aborder
10 lors de ses arguments.
11 Si cela vous convient, Monsieur le Président, je vais passer à la
12 question numéro 7.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, le fait énuméré dans les annexes
14 14.2, s'il vous plaît. Alors, il s'agit de quelle annexe ? Connaissez-vous
15 le numéro de l'annexe, s'il vous plaît ? C'est un C, je crois ?
16 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
17 M. TIEGER : [interprétation] Je suppose que c'est un A, mais je vais le
18 rechercher. Nous allons vérifier et revenir vers vous avant de conclure.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, c'est un A. C'est exact.
20 M. TIEGER : [interprétation] Oui, merci.
21 Madame et Messieurs les Juges, à la question 7, vous avez demandé à ce que
22 nous présentions nos arguments s'agissant des certificats de décès de
23 Brcko. Tout d'abord, nous reconnaissons qu'il n'existe aucun élément de
24 preuve établissant un lien entre la victime citée au P4411 et lié à
25 l'événement B5.1. La victime qui est nommé à la pièce P4412, M. Ahmetovic -
26 - Ahtovic [phon], pardonnez-moi, faisait partie des victimes qui ont été
27 enterrées dans une fosse commune à Brcko, qui figure sur la liste et le
28 rapport du 22 octobre d'Avlijas. Confer pièce P1607, page 14. Ristanic
Page 47698
1 était d'accord pour dire et il l'a dit dans sa déposition que les victimes
2 citées dans ce rapport étaient des civils non-serbes qui avaient été tuées
3 à Brcko, y compris au camp de Luka et dans des endroits analogues. Il a
4 également dit dans sa déposition qu'il a dit cela à Avlijas de façon "tout
5 à fait claire". Confer pièce P3023, paragraphes 220 à 223. Et cela
6 reviendra aux Juges de la Chambre de déterminer si le lien est suffisant à
7 cette fin, mais c'est, en tout cas -- voilà l'information que nous avons à
8 vous communiquer s'agissant de la victime qui est citée à la pièce P4412.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'entends pas la traduction
10 française.
11 L'INTERPRÈTE : Est-ce que vous m'entendez maintenant ? Est-ce que vous
12 m'entendez ? Oui. Je vous prie de m'excuser.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il semblerait que ce soit résolu
14 maintenant.
15 Veuillez poursuivre. Un instant, s'il vous plaît.
16 Alors, je souhaite savoir si la Défense a des observations à faire
17 concernant cette question 7, à savoir si vous êtes d'accord avec le lien
18 qui est établi ?
19 M. ROBINSON : [interprétation] Il faudrait que nous vérifions cela
20 concernant le deuxième témoin qui est cité, nous allons l'aborder lors de
21 la présentation de nos arguments.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
23 M. TIEGER : [interprétation] Et finalement, Monsieur le Président, les
24 Juges de la Chambre ont posé une question à la page 13 si l'Accusation a
25 des arguments à faire valoir concernant l'éventuel caractère atténuant de
26 l'accord Holbrooke concernant la fixation de la peine à l'égard de
27 l'accusé. Et je souhaite rappeler aux Juges de la Chambre quels ont été nos
28 arguments le 15 janvier 2014 portant sur l'accord Holbrooke dans lequel
Page 47699
1 l'Accusation a précisé qu'alors que l'accusé s'est volontairement écarté de
2 la vie publique et que cela pouvait constituer un élément atténuant,
3 néanmoins, la gravité des accusations en l'espèce sont importants. Le fait
4 que ceci aurait été conditionné au fait qu'il en aurait tiré un avantage
5 personnel, un avantage personnel, à savoir toute immunité contre des
6 poursuites minimise à mon sens tout facteur atténuant dans ce cadre-là.
7 Donc, j'en ai terminé eu égard à la présentation de mes arguments et des
8 questions des Juges posées par les Juges de la Chambre, et Mme Pack [comme
9 interprété] va aborder les questions des Juges de la Chambre en rapport
10 avec la campagne de terreur à Sarajevo.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
12 Bonjour, Madame Gustafson.
13 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Alors, dès le début de l'année 1992 et
14 jusqu'à la fin de l'année 1995, le monde a observé, alors que la population
15 civile de Sarajevo essuie des tirs tous les jours, terrorisée par une
16 campagne de pilonnages et de tirs embusqués lancée et poursuivie par
17 Karadzic et les forces qu'il commandait et contrôlait.
18 Les risques d'être touché par une balle ou un obus ont transformé les
19 décisions de chaque jour en décision de vie ou de mort, comme l'a dit l'un
20 des civils de Sarajevo, Sabina Sabanic :
21 "C'était un risque de se déplacer à pied, de prendre le tram, de
22 rester chez soi. Dans tous les cas, il fallait tous les jours prendre des
23 risques." La page P4492 [comme interprété], page 10.
24 Le 23 novembre 1994, elle a été touchée en prenant ce risque, à
25 savoir en prenant le tram pour rentrer chez elle pour rentrer du travail.
26 Les civils cherchant à se soustraire aux balles des tireurs sont
27 devenus l'image emblématique de Sarajevo. Vous pouvez voir ici des images
28 qui montrent les civils qui risquent leur vie, tout simplement à mettre
Page 47700
1 leur vie en jeu en tout simplement cherchant à traverser la rue.
2 [Diffusion de la cassette vidéo]
3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
4 "A Sarajevo, les carrefours peuvent être mortels, il faut les
5 emprunter rapidement, car ils offrent une ligne de feu aux tireurs
6 embusqués dans les collines aux alentours. Ce sont des cibles mouvantes et
7 des infirmes et les personnes âgées sont obligées de l'accepter…"
8 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
9 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Et même lorsqu'ils n'étaient pas dans la
10 ligne de feu des tireurs embusqués, les civils étaient exposés aux
11 pilonnages. Des obus pouvaient frapper à tout moment, à tout endroit, comme
12 on peut le voir ici au P2005, qui montre un obus qui tombe sur l'artère
13 commerciale la plus importante en juin 1992.
14 [Diffusion de la cassette vidéo]
15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
16 "Un obus est tombé. Malgré cela, les civils sont dans les rues et les
17 mortiers tuent aléatoirement autour d'eux…"
18 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
19 Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est une illustration parfaite de ce que
20 le KDZ185 décrit comme étant "des obus qui peuvent tomber n'importe où, le
21 but étant de maintenir un état de terreur". P6060, paragraphe 8.
22 Même chez eux, les gens n'étaient pas en sécurité. Ziba Subo décrit
23 l'attaque G10 à la bombe aérienne modifiée qui a détruit sa maison et tué
24 son cousin ou sa cousine.
25 "Tout à coup, mes fenêtres se sont obscurcies, comme si une éclipse était
26 tombée. J'ai levé la tête et des objets me tombaient dessus, des briques,
27 du plâtre. La maison s'écroulait. J'ai senti tout simplement la douleur de
28 l'impact des objets et j'étais enterré sous les décombres. Et j'ai entendu
Page 47701
1 les enfants qui m'appelaient et qui pleuraient. Je leur ai crié de s'enfuir
2 et de se mettre en sécurité." P488, pages 7 à 8.
3 Il s'agit de l'attaque qui a été présentée à Karadzic par l'état-major
4 principal comme étant une riposte adéquate à "des activités ennemies".
5 P5943, page 5.
6 Et l'image ici, P1526, montre l'hôpital d'Etat de Sarajevo qui est
7 dévastée, ce qui montre qu'il n'y avait aucun endroit sûr à Sarajevo. Asida
8 Fazlic a expliqué les blessures atroces qu'elle a subies lorsqu'un obus a
9 explosé au troisième étage de ce même hôpital où elle se trouvait, P470.
10 Cette attaque a eu lieu dans la nuit du 28 à 29 mai 1992 lors du
11 bombardement de la ville, commandé personnellement par Mladic et soutenu
12 par Karadzic. Pour les détails, veuillez vous reporter à notre mémoire en
13 clôture, paragraphe 727.
14 Ceux qui ont connu cette campagne ont expliqué que son message était clair
15 : Vous n'êtes jamais en sécurité à aucun moment, à aucun endroit. Par
16 exemple, KDZ079, P480, paragraphes 21, 22; Bell P1996, paragraphe 71; Mole
17 P1426, paragraphe 9. En d'autres termes, la terreur. Et tous les témoins,
18 les uns après les autres, des militaires des Nations Unies chevronnés et du
19 personnel civil ont observé la campagne jour après jour et ont pu expliquer
20 que son but était de répandre la terreur parmi la population civile de
21 Sarajevo. Et je me réfère ici aux paragraphes 608 et 784 de notre mémoire
22 en clôture.
23 Karadzic a supervisé cette campagne de terreur, et avec d'autres, tels que
24 Mladic, Galic et Dragomir Milosevic, a utilisé la terreur comme outil
25 stratégique pour influencer les négociations, riposter à des événements
26 jugés défavorables, intensifier, relâcher les pressions politiques, et
27 punir la population.
28 Comme Anthony Banbury l'a expliqué :
Page 47702
1 "Mladic et Karadzic avaient toute possibilité de moduler le niveau de
2 terreur. Ils pouvaient améliorer les conditions, par exemple, en ouvrant
3 l'aéroport, en autorisant l'approvisionnement d'articles commerciaux, en
4 fournissant du gaz, en mettant fin aux tirs embusqués, aux pilonnages, et
5 ils pouvaient également empirer la situation en faisant le contraire. Ces
6 hommes ont montré qu'ils détenaient ces pouvoirs en les utilisant pour
7 influencer les négociations". P2451, paragraphe 200.
8 Les témoins, les uns après les autres, ont également fait état de cette
9 observation, paragraphes 608, 609 de notre mémoire en clôture, et d'autres
10 détails relatifs à cette campagne sont également décrits dans notre mémoire
11 en clôture.
12 Dans ce contexte, je voulais à présent répondre à certains des arguments
13 avancés par la Défense dans son mémoire en clôture. Je voulais commencer
14 par répondre aux arguments de la Défense en ce qui concerne la
15 responsabilité de l'accusé vis-à-vis des crimes de la campagne. Ensuite, je
16 parlerai des arguments de la Défense au sujet de la nature de la campagne,
17 pour conclure en répondant à certains arguments de la Défense en ce qui
18 concerne les faits énumérés dans les annexes.
19 En tant que président de la RS et commandant suprême de ses forces armées,
20 Karadzic a mené une campagne de terreur pendant trois ans et demi, tout en
21 détournant le flux incessant des protestations. Son intention des crimes de
22 terreur, meurtres et attaques illégales, et sa responsabilité comme que
23 participant à l'entreprise criminelle commune relative à ces crimes découle
24 de son rôle central dans cette campagne. Et je renvoie à nos arguments à ce
25 sujet, par exemple, les paragraphes 614 à 652 et 797 de notre mémoire en
26 clôture. Aujourd'hui, comme je l'ai dit, je me concentrerai sur certains
27 des arguments avancés par la Défense en ce qui concerne le rôle de Karadzic
28 dans cette campagne et l'intention vis-à-vis des crimes.
Page 47703
1 La Défense, en dépit des preuves accablantes démontrant le contraire,
2 avance que Karadzic n'était pas au courant de cette campagne de pilonnage
3 et de tireurs embusqués qui se déroulait tout près de son QG à Pale. Nous
4 avons décrit les protestations internationales dans notre mémoire qui ont
5 été adressées à Karadzic, paragraphes 644 à 649 dans notre mémoire. Et aux
6 paragraphes 2 306 à 2 314 de son mémoire, la Défense semble dire que ces
7 protestions ont été si peu fiables, voire erronées, qu'elles n'informaient
8 pas Karadzic des crimes et que, de ce fait, il pouvait les ignorer.
9 Toutefois, les preuves invoquées par la Défense pour étayer cette
10 affirmation prouvent tout le contraire.
11 Par exemple, au paragraphe 2 307, la Défense dit que :
12 "Plusieurs incidents démontrent l'incapacité des forces internationales à
13 dresser des rapports adéquats de la situation telle qu'elle était à
14 l'époque."
15 La Défense invoque deux incidents. Notamment, elle dit que lors de son
16 témoignage sur le pilonnage de la télévision en avril 1992, Colm Doyle ne
17 savait pas où les unités militaires étaient déployées. Cela, selon la
18 Défense, "est une indication claire des défaillances des procédures
19 d'établissement des rapports."
20 Cela trahit le témoignage de Doyle, parce qu'à la page 2 721 du compte
21 rendu d'audience, à une question de savoir à quelle partie appartenait un
22 groupe paramilitaire donné, il a répondu que savoir cela ne faisait pas
23 partie de son rôle. Mais il n'a pas dit cela. Il n'a pas dit qu'il ne
24 savait pas où les unités militaires se trouvaient. Plus important, la
25 Défense fait abstraction du fait que Karadzic a admis devant Doyle que les
26 soldats avaient attaqué la télévision, et ensuite, il a dit qu'ils
27 l'avaient fait sans sa permission, P917, paragraphes 77 et 78. Et donc,
28 même s'il avait été vrai que Doyle ne savait pas où se trouvaient les
Page 47704
1 unités militaires, cela ne porte en rien atteinte à la crédibilité ou la
2 fiabilité des protestations adressées à Karadzic.
3 D'autres cas de rapport non fiable, c'est qu'en juillet [comme interprété]
4 Wilson n'a pas pu observer des positions à partir desquelles les tirs
5 étaient faits, un jour particulier en mai 1992. Mais il faut dire que cette
6 preuve ne fait état ou ne permet de faire apparaître aucun défaut
7 systémique dans les rapports internationaux. Il s'est rendu dans des zones
8 autour de Sarajevo, P1029, paragraphe 49. Wilson a décrit la procédure
9 détaillée suivie par les observateurs internationaux pour faire en sorte
10 que les informations étaient exactes.
11 Et c'était le cas avec Doyle, Wilson explique que lorsqu'il a parlé à
12 Karadzic du pilonnage aléatoire de Sarajevo par les forces serbes, que le
13 général Wilson avait observé lui-même, Karadzic n'a pas nié cela. Il a
14 simplement dit que c'était justifié. Il disait :
15 "Ils défendaient le territoire serbe."
16 Donc ces deux exemples de la Défense sont deux exemples où, si vous
17 voulez, dès le début du conflit Karadzic a répondu aux protestations
18 internationales en reconnaissant la responsabilité serbe. Cela est
19 suffisant pour rejeter tout l'argument de la Défense selon lequel Karadzic
20 n'était pas suffisamment informé des crimes par les observateurs
21 internationaux.
22 Comme le montrent les exemples aux paragraphes 628 à 635 de notre
23 mémoire, Karadzic répondait aux protestions régulières des observateurs
24 internationaux avec des reconnaissances, mais également de fausses
25 promesses, des justifications, ainsi que des démentis et des menaces, selon
26 les circonstances. La nature trompeuse de telles réponses est également
27 illustrée par sa réaction au général Morillon le 30 mai 1992, lorsque le
28 général Morillon lui demande de cesser le bombardement de Sarajevo.
Page 47705
1 Karadzic commence par justifier ce pilonnage par une réaction excessive de
2 forces insuffisamment préparées qui n'étaient pas sous le contrôle des
3 supérieurs.
4 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande à l'oratrice de ralentir le compte
5 rendu n'arrive pas à suivre.
6 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Dans notre effort pour réfuter le nombre
7 très important de preuves, de protestations adressées à Karadzic. Aux
8 paragraphes 2 308 à 2 313, Karadzic déclare que les observateurs déjà
9 étaient soit des victimes, soit étaient partis au conflit.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un moment. Vous avez entendu la demande
11 des interprètes. Examinez la page 13, ligne 9 du compte rendu d'audience :
12 "La nature mensongère de ces réponses est illustrée par sa réaction vis-à-
13 vis du général Morillon lorsque Morillon lui a fait part de l'appel du
14 secrétaire général pour mettre fin aux bombardements de Sarajevo. Ensuite,
15 il s'est contredit en…"
16 Et puis, il a quelque chose qui manque dans le compte rendu d'audience.
17 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ensuite, il s'est contredit en disant
18 qu'il était en mesure de faire cesser le bombardement et il a contacté
19 Mladic à cet effet.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous ne m'avez pas dit que ce
21 n'était pas une réaction professionnelle ou quelque chose comme ça ?
22 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Et les preuves selon lesquelles Karadzic
23 avait soutenu la proposition de Mladic de réaliser ce bombardement, que
24 Mladic l'avait commandé. Paragraphe 727 de note mémoire.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord. Je vous prie de continuer,
26 mais vous savez que vous devriez ralentir.
27 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci. Et la
28 dernière ligne : Cela confirme que l'affirmation au sujet de forces
Page 47706
1 inexpérimentées était tout à fait fausse.
2 Au paragraphe 2 308 [comme interprété], la Défense invoque les preuves du
3 général Rose pour dire que "la fausse image présentée par les Musulmans
4 étaient un facteur qui contribuait à un manque d'objectif de la FORPRONU."
5 Le généralement n'a pas dit cela. Il a seulement confirmé que c'était le
6 point de vue des Serbes de Bosnie, page 7 290. La Défense continue et
7 trahit grossièrement le témoignage du général Rose en disant qu'il soutient
8 l'affirmation selon laquelle "la FORPRONU a facilité, a participé à
9 l'acheminement clandestin d'armes ou d'équipement militaire des Musulmans
10 de Bosnie."
11 Comme vous pouvez le voir ici dans le témoignage invoqué, Rose a
12 catégoriquement nié cette thèse :
13 "Premièrement, je démens formellement que les Nations Unies aient facilité,
14 voire participé à l'acheminement clandestin d'armes ou d'équipement
15 militaire vers l'autre partie."
16 Et quelle était la position effective de Rose en ce qui concerne
17 l'objectivité des Nations Unies, ce que l'on ne trouve pas, d'ailleurs,
18 dans le mémoire de la Défense ?
19 "Nous avons agi de manière correcte et impartiale et dire autre chose
20 rendrait vain les sacrifices de ceux qui sont morts lors de la mission de
21 maintien de la paix des Nations Unies, et ce ne serait pas opportun."
22 Compte rendu d'audience de page 7 532.
23 Au paragraphe 2 312, la Défense invoque Fraser, Thomas, Mole et Wilson pour
24 défendre la thèse selon laquelle l'ABiH tirait depuis des zones civiles
25 afin de provoquer une riposte de la SRK que l'on pouvait ensuite reprocher
26 aux Serbes. Ces témoins ont clairement reconnu que cela s'est produit, et
27 ça a été condamné par les Nations Unies. Mais, toutefois, ces témoins ont
28 également décrit la riposte indiscriminée des Serbes à de tels tirs, qui
Page 47707
1 reflètent clairement une intention de cibler les civils et les objectifs
2 civils. Mole, par exemple, a décrit cette réponse comme étant "inutile et
3 dépassant de très loin ce qui eut été nécessaire pour détruire la cible
4 avec des tirs limités à la source des tirs et une durée telle qu'il
5 subsistait peu de chance que les unités ennemies soient toujours au même
6 endroit." Compte rendu d'audience page 5 892 à 5 893.
7 Le général Fraser a parlé d'un cas où les Serbes ont tiré plus de 20 obus
8 au hasard dans la ville en riposte à quelques tirs de l'ABiH sur la caserne
9 de Lukavica; page 8 006 à 8 007 du compte rendu d'audience. Et Wilson a
10 observé les Serbes riposter aux trois tirs de mortier de l'ABiH en tirant
11 200 obus sur une large zone urbaine, incendiant des appartements, une
12 riposte décrite par lui comme étant "entièrement disproportionnée", et
13 "typique de ce qui s'est passé à l'époque". Pages 4 132 à 4 133 du compte
14 rendu d'audience.
15 La Défense a passé sous silence ces preuves, ces preuves qui montrent que
16 les observateurs internationaux à Sarajevo n'étaient pas dupes, ni dupes
17 des tirs de l'ABiH visant à provoquer la riposte de la SRK pas plus qu'ils
18 n'étaient dupes de l'utilisation par la SRK de ces tirs comme prétexte pour
19 terroriser la population à l'aide de pilonnages au hasard et inutile.
20 Compte tenu de la masse de protestation adressée directement à Karadzic et
21 ses collaborateurs leurs de la campagne, paragraphes 644 à 649, Karadzic
22 affirme aux paragraphes 2 962 à 2 966, qu'il n'est pas informé de par le
23 biais de la chaîne hiérarchique de la SRK d'actes de terreur ou d'attaques
24 illégales. Donc, cette affirmation ne l'aide pas à soutenir la thèse selon
25 laquelle il n'était pas au courant de la nature de la campagne de terreur.
26 Au contraire, l'absence de rapports, compte tenu du fait que d'une part le
27 système de communication militaire fonctionnait bien et était complexe, et
28 compte tenu également des preuves accablantes selon lesquelles la SRK
Page 47708
1 pilonnait et tirait sur les civils tous les jours pendant quatre ans, eh
2 bien, donc, cette absence démontre que ces attaques étaient tout simplement
3 considérées comme routinières et acceptées à tous les niveaux de la chaîne
4 hiérarchique.
5 Les efforts et tentatives de la Défense, au paragraphe 2 962, 2 963
6 de faire valoir le fait que les communications de la SRK étaient
7 détériorées au point qu'on pouvait parler de "chaos" se fonde sur des
8 exagérations grossières et des exactitudes. Par exemple, au paragraphe 2
9 963, il est indiqué que des "problèmes au sein du système de commandement
10 et de contrôle ont subsisté jusqu'à la fin de la guerre." La Défense avait
11 deux preuves; premièrement D5841 [comme interprété], un avertissement du
12 commandant de la SRK au sujet de l'absence de rapports mensuels sur le
13 moral des troupes. En d'autres termes, elle se concentre sur une
14 défaillance mineure, ce qui indique que le système fonctionnait bien.
15 Deuxième preuve, le témoignage de Dragomir Milosevic au sujet de ce
16 document, et ce témoignage confirme la même chose. A la page 32 879, il a
17 déclaré :
18 "Je sais que le système était en place et pouvait garantir notre
19 fonctionnement normal, et tout type d'intervention de cette nature était
20 tout simplement une expression de la nécessité d'améliorer ou d'en éliminer
21 les défauts. Comme je sais où a abouti toute la situation, je sais que le
22 système, à la fin, fonctionnait parfaitement."
23 Voici un nouvel exemple où les preuves de la Défense contredisent la
24 thèse même qu'elles sont censées étayer. Et comme le montrent les preuves
25 aux paragraphes 676 à 697 de notre mémoire, la SRK bénéficiait de
26 communication, de contrôle, et commandement excellent pendant toute la
27 durée de la campagne.
28 Karadzic a utilisé ce système de commandement, de contrôle, et de
Page 47709
1 communications pour contrôler directement l'intensité de la campagne de
2 pilonnage et de tirs embusqués pour réaliser ses objectifs stratégiques.
3 Par exemple, le 7 février 1994, Karadzic a promulgué cet ordre, P3053,
4 destiné à l'état-major principal, au commandant de la SRK, et aux brigades
5 de SRK. Dans le préambule, Karadzic explique les circonstances sont telles
6 que l'existence même de l'Etat serbe est menacée. Point 2 du préambule. De
7 ce fait, il ordonne un contrôle strict des ripostes. Il ordonne de ne viser
8 que des cibles militaires et d'empêcher le pilonnage non-contrôlé. Karadzic
9 a donné cet ordre pour répondre à la menace de frappes aériennes de l'OTAN
10 à la suite du massacre de Markale I qui a généré une indignation
11 internationale.
12 Le jour même où Karadzic a donné cet ordre, Akashi lui avait dit avec
13 fermeté que s'il n'accepte pas un cessez-le-feu, les Nations Unies
14 cèderaient à la pression internationale et consentiraient à des frappes
15 aériennes de l'OTAN.
16 Milovanovic a immédiatement exécuté l'ordre Karadzic au P4493, qui a été
17 promulgué le jour même.
18 Deux jours plus tard, le 9 février, le jour où l'OTAN a exigé que les
19 Serbes de Bosnie retirent leurs armements lourds ou s'exposent à une
20 intervention militaire de l'OTAN, les Serbes de Bosnie ont consenti un
21 cessez-le-feu le lendemain, en soi compris un accord de retrait des
22 armements lourds. P826, pages 2 et 4. Comme Krajisnik l'a dit à l'époque :
23 "Nous allons faire n'importe quoi pour éviter les frappes aériennes, sauf
24 capituler." P827, page 6.
25 Et le cessez-le-feu a également été immédiatement mis en œuvre, comme le
26 montre cet ordre du SRK du 10 février, P1642.
27 Elle porte mise en œuvre explicite du cessez-le-feu et ordre à toutes les
28 unités de la SRK de cesser les tirs d'artillerie, de chars d'infanterie et
Page 47710
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 47711
1 de tireurs embusqués à 12 heures le 10 février 1994. Et l'efficacité de cet
2 ordre était tangible. Sept jours plus tard, la FORPRONU a indiqué dans un
3 rapport :
4 "Sarajevo est calme. Le cessez-le-feu est le plus efficace.
5 "Pour la première fois depuis le début de la guerre, Sarajevo est
6 calme, et elle l'a été depuis que l'OTAN a menacé d'utiliser les frappes
7 aériennes contre les armements lourds autour de la ville." P827, pages 1 à
8 2.
9 Comme tous ces documents le démontrent, lorsque Karadzic était le dos
10 au mur, lorsqu'une intervention militaire occidentale était imminente, il
11 ne disait plus qu'il ne pouvait plus contrôler ses artilleurs rebelles ou
12 se soustraire aux critiques avec de fausses promesses ou ni avancer des
13 justifications. Il n'était plus gêné par des routes en mauvais état, ou de
14 mauvaises lignes téléphoniques, ou des coupures de courant. Lui, le
15 commandant suprême, utilisait son autorité et son contrôle pour mettre fin
16 de manière provisoire à cette campagne de terreur.
17 Au paragraphe 2 982 de son mémoire, la Défense évoque l'ordre après
18 Markale de Karadzic visant à mettre fin ou faire cesser le pilonnage. Selon
19 la Défense, cet ordre montre que Karadzic ordonnait le respect du droit
20 international et la protection des civils. Mais, au contraire, cet ordre et
21 toutes les preuves y afférentes montre que Karadzic aurait pu mettre fin à
22 la campagne de terreur, il aurait pu mettre fin aux souffrances
23 quotidiennes de la population civile de Sarajevo. Mais ce qu'il a fait
24 plutôt, c'est relâcher de manière provisoire pour éviter les frappes
25 aériennes, facilitant sa poursuite. Il a continué à présider à cette
26 campagne de terreur pendant deux années supplémentaires quasiment, jusqu'à
27 ce qu'elle atteignent son paroxysme au moment du printemps et de l'été de
28 1995, lorsque les forces serbes ont intensifié le pilonnage et les tirs
Page 47712
1 embusqués et lancé une série de bombes aériennes modifiées sur la ville en
2 riposte à des offensives de l'ABiH et des frappes aériennes de l'OTAN.
3 D'autres exemples où Karadzic exerce un contrôle direct sur le
4 pilonnage et les tirs embusqués sont invoquées par la Défense et
5 correspondent avec le fait, qu'en réalité, il modulait la campagne. Par
6 exemple, au paragraphe 2 983, la Défense indique que c'est à la pièce
7 P4804, l'ordre d'août 1993 au colonel Prstojevic et au général Gvero de
8 Karadzic est que "aucun des miens ne doit aller vers la ville" mais cela
9 démontre également la tentative de Karadzic selon la Défense de respecter
10 la droit international et de protéger les civils. La Défense passe sous
11 silence le fait que la justification explicite de Karadzic de cet ordre
12 n'est pas la protection des civils de Sarajevo mais la protection des
13 Serbes de Bosnie. Pour reprendre ses termes, c'est ce qu'il a dit à Gvero
14 lorsqu'il émit cet ordre, si les obus tombaient sur Sarajevo "ce serait le
15 plus grand malheur qui puisse tomber sur nous en ce moment." P4804. La
16 Défense passe également sous silence P825, l'exécution par Galic qui date
17 du même jour, où il cite expressément la menace l'intervention aérienne de
18 l'OTAN et les négociations politiques en cours comme étant la justification
19 du fait qu'il faut cesser de pilonner Sarajevo. Comme nous l'avons dit dans
20 notre mémoire au paragraphe 624, il s'agit d'un autre exemple où Karadzic
21 exerce un contrôle opérationnel direct sur le pilonnage de Sarajevo afin
22 d'éviter les frappes aériennes.
23 De la même manière, l'ordre de Karadzic, D4510 cité au paragraphe 2
24 971 du mémoire de la Défense, est lié à une pression extérieure comme le
25 prouve D172.
26 Donc, une fois de plus, les preuves même invoquées par la Défense
27 pour prouver que Karadzic cherchait à protéger la population civile montre
28 tout le contraire. Cela confirme le nombre important d'autres preuves qui
Page 47713
1 démontrent que Karadzic et d'autres membres de l'équipe dirigeante des
2 Serbes de Bosnie modulaient le niveau de terreur, vers le haut et vers le
3 bas, pour influencer les négociations, sanctionner les Musulmans à la suite
4 d'actions militaires de l'ABiH ailleurs ou pour réaliser leurs objectifs
5 politiques d'autres manières. Et je renvoie au paragraphe aux paragraphes
6 609 ainsi que 620 et 627 de notre mémoire en clôture.
7 Aux paragraphes 2 997 à 3 000, la Défense affirme que Karadzic a pris
8 des mesures pour commanditer des enquêtes et sanctionner les crimes liés au
9 pilonnage et aux tirs embusqués. Les prétendues "exemples" de la Défense
10 d'enquêtes citées au paragraphe 2 997 ne révèlent pas, en réalité, de tels
11 cas. Aucun des quatre documents invoqués ne font mention de faits de tirs
12 sur des civils. Au même paragraphe, la Défense invoque la déclaration de
13 Milosevic selon laquelle il a soumis 70 rapports criminels, tout en
14 s'abstenant de relever que lui-même a dit ne pas être capable si l'un de
15 ces rapports portait sur des faits de tirs sur des civils à Sarajevo.
16 T33212.
17 Lors de son discours devant l'assemblée de novembre 1994, P1403, et invoqué
18 au paragraphe 3 000 du mémoire de la Défense, eh bien, Karadzic, au
19 contraire de ce que dit la Défense, ne dit pas en fait "qu'il démontrait
20 qu'il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher le pilonnage
21 illégal de la ville". En fait, plutôt que de prendre un passage tel qu'il
22 est cité par la Défense, si l'on s'attache à la totalité du discours, et ce
23 discours montre qu'il est clair que Karadzic savait que des soldats ivres
24 tiraient "sans aucune finalité" des obus sur Sarajevo. Et Karadzic se
25 plaignait de ce que cela l'avait mis dans l'embarras et constituait un
26 gaspillage de munition onéreuse. Une telle nonchalance par rapport à une
27 conduite d'une illégalité criante corrobore le fait qu'à ce stade Karadzic
28 avait autorisé ces comportements pendant presque deux ans et demi, de
Page 47714
1 manière continue, et allait continuer à les autoriser pendant une année
2 supplémentaire. Ici encore, les preuves évoquées ou invoquées par la
3 Défense réfutent la thèse qu'elles sont censées étayer. Les preuves
4 prétendues en réponse au sujet des enquêtes et des sanctions mettent au
5 jour le fait que Karadzic, Mladic et commandants de la SRK n'ont tout
6 simplement pas mené d'enquête ou sanctionné le pilonnage et les tirs contre
7 les civils et constituent une nouvelle illustration de leur intention de
8 mener de cette campagne criminelle.
9 Aux paragraphes 2 984 à 2 996, la Défense affirme que Karadzic n'a pas
10 restreint mais favorisé l'aide humanitaire et des services publics à
11 Sarajevo. Une grande partie de ces preuves démontre le fait Karadzic
12 pouvait contrôler l'aide humanitaire et services publics, et semble
13 indiquer qu'il pouvait le moduler pour contribuer à sa campagne de terreur.
14 Et si Karadzic déclare que "plusieurs témoins internationaux" confirmaient
15 son "esprit de coopération" dans ce contexte, les preuves invoquées ne
16 contiennent aucun fondement à la thèse selon laquelle Karadzic ait coopéré
17 avec quiconque pour permettre l'acheminement d'aide ou la fourniture de
18 services publics. Cela n'est pas surprenant à la lumière des observations
19 constantes des fonctionnaires internationaux sur lesquels Karadzic et les
20 Serbes de Bosnie contrôlaient le flux des services publics et d'aide
21 humanitaire, et cela leur permettait de garder la main sur ce que Harland a
22 appelé le "le robinet de la terreur". Harland, P820, paragraphe 39, voir
23 également paragraphes 622, et 777 à 782 de notre mémoire.
24 En résumé, les preuves invoquées par la Défense pour atténuer la
25 responsabilité criminelle de Karadzic soutiennent la conclusion inverse.
26 Non seulement Karadzic savait que ses subordonnés répandaient la terreur
27 chez les civils en tirant toutes sortes de projectiles; des balles, des
28 bombes aériennes, tout en les privant d'aliments, d'eau et de carburant, et
Page 47715
1 en fait, Karadzic contrôlait et modulait sa terreur en utilisant pour sûr
2 ses objectifs stratégiques. Pendant des mois, aussi atroces les uns que les
3 autres, pendant trois ans et demi, les civils de Sarajevo étaient à sa
4 merci, et il ne leur en a témoigné aucune.
5 Je vais à présent aborder les arguments de la Défense sur la nature de la
6 campagne. Premièrement, j'ai parlé des preuves au sujet du pilonnage
7 constant et de tirs embusqués contre les civils, qui, selon certains, selon
8 de nombreux observateurs avaient pour but de répondre la terreur auprès de
9 la population civile. La Défense nous présente une explication tout autre,
10 il ne s'agissait pas de 44 mois de terreur causée par le pilonnage constant
11 et le pilonnage des civils. Pendant 44 mois, selon la Défense, la SRK s'est
12 livrée à une campagne précise et légale visant des objectifs strictement
13 militaires. Cette version des événements se fonde sur l'affirmation des
14 officiers de la SRK qui sont accusés d'être les premiers responsables de
15 cette campagne de terreur, notamment des commandants de guerre qui ont été
16 condamnés pour cela. Mais indépendamment du fait qu'il s'agit d'un récit
17 qui tire ses propres intérêts, indépendamment du fait que cela est en
18 contradiction flagrante avec les récits de ceux qui ont vécu la campagne,
19 en ce compris des militaires chevronnés, et en plus, indépendamment du fait
20 que cela est contredit par tout ce que le monde entier a pu observer à la
21 télévision, le récit de la Défense s'effondre sur le poids de ses propres
22 contradictions. Et donc à lui seul, en outre, donc indépendamment de tout
23 cela, eh bien, il faut savoir qu'en soi ce récit est intenable.
24 Il est peut-être temps de faire une pause, Madame et Messieurs les Juges.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons avoir une pause de 20
26 minutes, et nous allons reprendre à 10 heures 17.
27 --- L'audience est suspendue à 9 heures 58.
28 L'audience est reprise à 10 heures 18.
Page 47716
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Madame
2 Gustafson.
3 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Comme je l'ai dit avant la pause, la version de la Défense d'une campagne
5 militaire censément légale est émaillée de contradictions au point tel
6 qu'elle en est intenable.
7 Par exemple, la Défense prétend que des ordres demandant le respect des
8 normes internationales ont été promulguées et transmis par la chaîne
9 hiérarchique, que les soldats et officiers étaient formés à cet effet et à
10 ce sujet et respectaient constamment ces nombres. Par exemple, aux
11 paragraphes 1 850, 1 852, 1 907, 1 911, 1 948, 1 951 du mémoire de la
12 Défense. Par ailleurs, la Défense déclare que les soldats et officiers de
13 la SRK étaient des habitants du lieu, sans formation, ni expérience, et que
14 ce manque d'expérience et de formation nuisait au commandement et au
15 contrôle et occasionnait des problèmes fréquents de discipline et de
16 désobéissance. Paragraphes 2 329 et 2 330. Donc, la Défense, d'une part,
17 parle d'une campagne militaire intégralement respectueuse du droit
18 international militaire, une théorie absolument réfutée par le poids des
19 preuves démontrant le contraire, et, d'autre part, elle avance son deuxième
20 argument secondaire incohérent qui semble avoir pour but d'expliquer ces
21 preuves. Cet argument secondaire succombe également face aux preuves
22 accablantes qui démontrent que la campagne était orchestrée au plus haut
23 niveau et mise en œuvre efficacement via une structure de contrôle et de
24 commandement impressionnante, voir notre mémoire aux paragraphes 612 à 642,
25 682 à 697.
26 Dans un autre exemple de ce type, la Défense prétend qu'il était impossible
27 de distinguer les civils des combattants par leurs vêtements et que, de ce
28 fait, "les forces de la SRK devraient présumer que toute personne
Page 47717
1 s'approchant du front et à porter des armes d'infanterie représentait une
2 menace et pouvait être une cible potentielle." Paragraphes 1 907 à 1 908.
3 Ailleurs, la Défense prétend que les membres de la SRK prenait toutes les
4 mesures de précaution nécessaires et s'abstenaient de tirer s'il existait
5 un risque de tirer sur des civils; paragraphes 1 911 et 1 925. Ici encore,
6 ces affirmations incohérentes semblent vouloir faire état d'une campagne
7 militaire légale tout en cherchant à expliquer la masse de preuves
8 démontrant le contraire. Et, tout en faisant ces allégations sur les
9 mesures de précaution prétendues qui ont été prises, la Défense balaie de
10 la main des éléments de preuve contradictoires de ses propres témoins, tels
11 que Slavko Gengo, qui a admis avoir répondu librement à des tirs en lançant
12 des obus dans des zones urbaines à plusieurs kilomètres de ces zones en ne
13 prenant aucune mesure de précaution; pages du compte rendu d'audience 2
14 9781 à 82. Et alors que la Défense cite Mile Sladoje, aux pages 29781 à 782
15 [comme interprété] pour avancer que les pertes civiles ne pouvaient
16 toujours pas être exclues, Sladoje reconnaît que les tirs sur les zones
17 urbaines comprenaient des pertes civiles fort probable. Mais comme Gengo,
18 il a affirmé que c'était le problème de l'autre camp, et pas le sien. Page
19 du compte rendu d'audience 30 573. Gengo et Sladoje, dans leur description
20 de réponse aux tirs de l'ABiH lorsqu'ils ont lancé des obus sur des zones
21 peuplées par les civils, en méprisant totalement les risques encourus pour
22 la population, illustrent un niveau de disproportionnalité [phon] qui
23 indique une intention de cibler les civils ou des objets civiles. Quoi
24 qu'il en soit, les éléments de preuve accablants montrent que la grande
25 majorité des bombardements du SRK à Sarajevo ne ciblent que des civils ou
26 des zones civiles et ne répondaient même pas à des tirs de l'ABiH. Je vous
27 renvoie à cet égard aux paragraphes 731 à 732 et 765 à 771 de notre
28 mémoire.
Page 47718
1 Dans le contexte des tirs isolés, aux paragraphes 2 171 à 73, la Défense
2 affirme que les tireurs isolés du SRK n'ont jamais eu pour mission de
3 tirer, d'ouvrir le feu sur des civils, et se fonde presque exclusivement
4 sur des affirmations improbables qui servent leurs propres intérêts de
5 Galic, de Milosevic, et d'autres officiers du SRK. Ceci inclut au
6 paragraphe 2 172 des affirmations étonnantes de Dragomir Milosevic, page du
7 compte rendu 32 821, disant que les tireurs isolés du SRK n'ont jamais
8 ouvert le feu sur des civils. Une allégation à laquelle la Défense ne croit
9 même pas, vu que juste avant ce paragraphe-là, la Défense reconnaît des
10 pertes civiles au moyen de tirs isolés, attribuant cela à des tireurs
11 isolés incontrôlés. Et quelle est la source de proposition contradictoire ?
12 C'est encore Dragomir Milosevic.
13 Ce genre de contradictions imprègne les arguments de la Défense. Dans un
14 autre exemple, au paragraphe 1 959, le mémoire de la Défense, nous dit "des
15 évaluations nécessaires ont été menées avant toute campagne de bombardement
16 afin d'évaluer la possibilité de dommages collatéraux". Là, on cite encore,
17 Milosevic, page du compte rendu 32 582. Mais Milosevic n'a pas affirmé
18 cela. En lieu de cela, il a apporté une autre affirmation totalement
19 incroyable, selon laquelle le SRK n'a jamais tiré sur des zones où des
20 civils étaient présents, mais il n'a rien dit sur les dommages collatéraux
21 et leur évaluation. Et au lieu de répéter fidèlement un tel mensonge, la
22 Défense l'adapte pour qu'elle corresponde à son paradigme de campagne
23 légitime tout en essayant d'expliquer des éléments preuve totalement
24 contradictoires.
25 De même, au paragraphe 1 952, la Défense cite les éléments de
26 Veljovic, disant que l'on avait interdit aux brigades de tirer sur des
27 cibles dans des zones telles que Hrasno, Bascarsija, et l'hôpital. Même si
28 Veljovic avait mentionné ces emplacements spécifiques dans le passage cité,
Page 47719
1 il a continué sa réponse en balayant du revers de la main ces affirmations
2 selon lesquelles on avait interdit de tirer sur des cibles "en profondeur,
3 dans la ville ou dans des quartiers urbains", et a attribué les tirs d'obus
4 qui avaient atterri "sur la ville" à des données incorrectes ou de la
5 poudre mouillée. Pages 29 282 à 283 du compte rendu d'audience.
6 C'est encore là un témoignage peu digne de foi que la Défense a
7 choisi pour en faire quelque chose de plus acceptable.
8 Au paragraphe 1 937, nous le voyons à l'écran, la Défense [inaudible]
9 un déni général du fait que les unités du SRK avaient tiré sur l'hôpital de
10 Kosevo, des écoles, des crèches ou des bâtiments commerciaux, à une
11 affirmation totalement non pertinente selon laquelle toute décision de
12 tirer sur ces bâtiments aurait été prise en compte s'il y avait eu des
13 civils et aurait évalué s'il s'agirait d'une cible militaire qui posait un
14 danger. Ces affirmations contradictoires sont fondées sur la déposition de
15 Milosevic, pages du compte rendu 33 136 à 138, où il nie catégoriquement
16 avoir tiré sur ces emplacements, mais après cela, il a admis avoir tiré sur
17 ces emplacements dans certaines circonstances.
18 Un autre effort vain d'expliquer le bombardement du SRK sur des zones
19 civiles, loin des lignes de confrontation, se retrouve au paragraphe 1 953.
20 La Défense affirme "que le SRK avait des informations de cibles militaires
21 au plus profond du territoire du 1er Corps de l'ABiH, notamment des QG, de
22 commandement". La Défense ne tient pas compte de la déposition de Milosevic
23 qui nous dit que le SRK n'avait jamais tiré sur des postes de commandement
24 de l'ABiH. Pages du compte rendu 33 127 à 33 129, un aveu qui correspond
25 aux observations d'observateurs internationaux. Konings, par exemple, a
26 expliqué qu'il avait mené l'enquête sur des bombardements près de postes de
27 commandement de l'ABiH, mais qu'ils étaient rares et que la plupart des
28 impacts d'obus étaient loin des cibles militaires. Paragraphe 30 de la
Page 47720
1 pièce P1953.
2 De même, Fraser a expliqué que pendant toute la durée de sa période à
3 Sarajevo, l'ABiH et le QG du 1er Corps n'a jamais été bombardé. Pages 8 006
4 à 8 007.
5 J'aimerais à présent passer des efforts de cette Défense à inscrire
6 les éléments enchevêtrés de ces témoins sur le SRK dans sa version des
7 événements, donc passer de cela aux efforts sporadiques d'inscrire les
8 documents dans sa version d'une campagne militaire supposément légitime, et
9 ces efforts s'enlisent dans les contradictions.
10 Par exemple, au paragraphe 1 944, l'on affirme que "les ordres
11 répétaient de ne pas cibler les civils". On cite là l'ordre de Milosevic,
12 pièce D2580. Cet ordre ne dit nulle part que les civils ne devraient pas
13 être ciblés. Cependant, il dit au paragraphe 4 :
14 "N'oubliez pas les représailles, les mesures de représailles ou toute
15 autre question qui doit devenir prioritaire en cas de combat."
16 Au paragraphe 2, l'ordre instruit également les brigades de ne pas
17 attendre des décisions de commandement de corps sur des "questions
18 mineures" telles que "devrions-nous bloquer la FORPRONU ?", ou "devrions-
19 nous saisir les armes qui sont sous le contrôle de la FORPRONU ?" Et ces
20 instructions, donc ces ordres de Milosevic, contredisent directement les
21 allégations de la Défense reprisent ailleurs, par exemple, au paragraphes 1
22 838 jusqu'au paragraphe 1 844, où la Défense décrit les efforts censés être
23 sincères des dirigeants pour placer l'artillerie du SRK sous le contrôle de
24 la FORPRONU et la fidélité presque totale au prescrit de l'accord. Mais, je
25 dois dire que ces allégations sont également totalement démolies par les
26 éléments de preuve sur lesquels on se fonde. La seule source de cette
27 intention sincère supposée des dirigeants serbes de Bosnie de respecter la
28 zone d'exclusion totale et son accord décrit au paragraphe 1 841 est
Page 47721
1 l'affirmation éhontée de Vladimir Lucic à cet effet. Qu'a dit Lucic
2 cependant lorsqu'on lui a montré des documents contradictoires ? Eh bien,
3 il disait ne rien savoir et répétait que son unité se trouvait à 70
4 kilomètres de Sarajevo à ce moment-là et qu'elle faisait face à l'autre
5 direction; je fais référence là aux pages du compte rendu d'audience 30 792
6 à 30 797. Là encore, cette partie de sa déposition ne se retrouve pas dans
7 le mémoire de la Défense.
8 Au paragraphe 1 932, la Défense cite la pièce D2810. Il s'agit des ordres
9 censés être stricts du général Galic pour limiter le comportement qui
10 n'était pas légitime au combat. Comme vous le voyez, cet ordre interdit
11 l'utilisation d'armes de gros calibre sans préavis. Mais cet ordre ne dit
12 rien sur la limitation d'un comportement illégitime, et l'exercice du
13 contrôle du commandant du corps sur les armes de gros calibre, "jusqu'à
14 nouvel ordre", est totalement cohérent avec les énormes éléments de preuve
15 qui montrent que la campagne de terreur était contrôlée au niveau central;
16 paragraphes 614 à 627 et 654 à 659 de notre mémoire.
17 Le mémoire de la Défense se fonde également sur l'ordre de Mladic qui se
18 retrouve dans la pièce P2419, et qui reflète la réaction de Mladic
19 lorsqu'il y a eu découverte du fait que les autorités locales et le
20 commandant du SRK planifiaient de retirer les armes contrôlées par la
21 FORPRONU et de les utiliser pour tirer sur des cibles civiles à Sarajevo.
22 Et la Défense cite cet ordre deux fois, il le décrit même à deux reprises
23 comme le montre ce transparent. Au paragraphe 1 934, le mémoire de la
24 Défense cite :
25 "Le général Mladic a interdit l'utilisation d'armes de plus gros calibre
26 sur des cibles civiles."
27 Alors qu'au paragraphe 1 949, le mémoire nous dit :
28 "Ratko Mladic a interdit de tirer à partir d'armes de gros calibre sur des
Page 47722
1 cibles à Sarajevo sans son approbation."
2 Alors, que nous dit cet ordre, en fait ? La pièce P2419 nous dit :
3 "J'interdis de tirer avec des armes de gros calibre sur des cibles civiles
4 à Sarajevo sans mon approbation."
5 Les termes de cet ordre montrent clairement que tirer sur des civils à
6 Sarajevo est un comportement accepté, tant que les conditions de Mladic
7 sont réunies, c'est-à-dire des armes de petit calibre ou l'approbation de
8 l'état-major principal. Confrontée à cela, la Défense contourne ces termes
9 pour faire valoir sa cause trompeuse.
10 La Défense ne tient pas non plus compte des raisons express de cet ordre.
11 Mladic déclare que le retrait planifié des armes contrôlées par la FORPRONU
12 pour tirer sur des civils à Sarajevo pourrait "avoir des effets négatifs de
13 grande envergure sur le peuple serbe." Il ne parle pas d'effets négatifs
14 que cela pourrait avoir sur les civils à Sarajevo sur qui l'on tire. Et la
15 pièce P2419 contient également un avertissement manuscrit disant :
16 "Les équipes des Nations Unies ont été invitées à identifier les actions de
17 combat visant nos positions de combat."
18 En d'autres mots, il s'agit encore là d'un exemple de modulation. Mladic
19 empêche les violations de l'accord de zone d'exclusion totale dans un
20 effort d'éviter une intervention internationale. Et cela montre davantage
21 le contrôle centralisé exercé sur cette campagne de terreur.
22 Là encore, il s'agit encore d'un effort inutile de la part de la
23 Défense pour inscrire ces éléments de preuve dans sa version de la
24 campagne.
25 Aux paragraphes 2 392 à 95, la Défense affirme que le SRK avait été
26 forcé par l'autre camp de faire la guerre à Sarajevo de la façon dont il
27 l'a fait. La pièce maîtresse de cet argument est l'affirmation selon
28 laquelle "des tirs venaient de partout, de toute la ville". Je cite là le
Page 47723
1 paragraphe 2 393. Et la Défense cite 101 rapports de combat du SRK entre
2 1992 et 1994. Lorsque l'on examine vraiment ces rapports, il est clair
3 qu'ils n'étayent pas les affirmations de la Défense. La grande majorité de
4 ces rapports font état de tirs de l'ABiH provenant de zones non peuplées où
5 il y a des positions de l'ABiH telles que le mont Igman, Zuc, Hum, des
6 positions sur la ligne de front, telles que Butmir, Mojmilo, et Hrasnica,
7 ou des zones dans le cercle extérieur à des kilomètres de Sarajevo. Seul 16
8 des 101 rapports de combat indiquent des tirs d'artillerie ou de mortier
9 provenant du centre-ville. Et malgré les affirmations répétées des témoins
10 de la Défense disant que l'hôpital de Kosevo et sa zone étaient une source
11 notoire de tirs de l'ABiH, seul un de ces 101 rapports indique des tirs
12 sortant venant de cette zone, c'est-à-dire la zone de l'hôpital de Kosevo.
13 Je cite là la pièce D3411.
14 Pour la plupart, la Défense n'a pas voulu répondre aux éléments de
15 preuve apportés par l'Accusation qui contredisent directement sa version de
16 la campagne. Et les quelques efforts qu'elle a tenté pour se faire
17 s'effondrent.
18 Par exemple, au paragraphe 1 962, la Défense affirme, et c'est inné
19 que "les observateurs des Nations Unies n'avaient jamais demandé aux Serbes
20 de Bosnie de cesser le feu, et qu'ils n'avaient jamais fait rapport d'une
21 utilisation illégale de tirs d'artillerie." Et là, on cite les éléments de
22 preuve de Dusan Skrba. La Défense a pris la déposition d'un témoin, dont
23 l'expérience était limitée dans le temps, d'un point de vue géographique et
24 d'un point de vue institutionnel, et on a fait une proposition tout en ne
25 tenant pas compte du tout des énormes éléments de preuve en l'espèce qui
26 montraient le contraire, entre autres des reconnaissances de la part de
27 Galic, Milosevic disant qu'ils avaient reçu des protestations; pages du
28 compte rendu 37 641 à 44 pour Galic, notamment. Le seul effort direct de la
Page 47724
1 part de la Défense pour répondre aux observations persistantes du personnel
2 des Nations Unies se retrouve au paragraphe 1 960, où la Défense affirme :
3 "Lorsque le SRK a tiré un petit nombre d'obus pour arrêter uniquement
4 les tirs ennemis, et donc a fait preuve de retenue, cela, quelque fois,
5 s'expliquait par des observateurs des Nations Unies comme des tirs de
6 harcèlement ou de terreur contre des civils, parce qu'ils n'étaient pas
7 concentrés."
8 Alors, cela décrit faussement les éléments de preuve des
9 professionnels de l'armée et des professionnels des Nations Unies qui ont
10 convenu que le SRK avait pour habitude de tirer un ou deux obus dans des
11 zones civiles, et ce, de façon aléatoire, sans aucun objectif militaire, et
12 que la seule explication était de cibler des civils.
13 Konings, par exemple, l'a expliqué, il nous dit que les tirs
14 concentrés seraient nécessaires pour détruire une cible militaire, alors
15 que ce qu'il avait observé à plusieurs reprises étaient que des obus
16 atterrissaient de n'importe quelle cible militaire "sans aucun schéma
17 purement militaire, on ne faisait que tirer dans la ville et on savait très
18 bien que l'on toucherait quelque chose." Je fais référence là à la pièce
19 1953, paragraphes 30, 35, 38 et 96.
20 Ou comme Brennskag l'a expliqué :
21 "De par mon expérience, des tirs uniques ne font pas partie d'une
22 offensive militaire normale. Il n'y a pas d'avantage militaire précis. Ceci
23 me montre ou me prouve que l'objectif de ces tirs n'était pas d'arriver à
24 toucher des cibles militaires mais de terroriser la population civile."
25 Pièce 1851, paragraphe 31.
26 Il a ajouté que cela était arrivé à plusieurs reprises en juin 1995, et
27 qu'il y a eu plusieurs pertes civile et purement civiles.
28 Notre mémoire reprend également cet exemple aux paragraphes 731 à 732. Les
Page 47725
1 bombardements référencés illustrent ce modèle de tirs ou un petit nombre de
2 coups dans des zones civiles. Par exemple, l'élément G5 nous dit que plus
3 de dix personnes qui faisaient la queue pour puiser de l'eau ont été tuées
4 par un tir de mortier unique qui a explosé. Ou l'élément G6 qui nous dit
5 que des tirs de mortier sur Alipasino Polje ont tué six enfants qui
6 jouaient dans la neige. Ou l'élément G8, un tir de mortier explose au
7 marché de Markale et fait plus de 60 victimes et en blesse plus de 140.
8 Il n'y a aucune retenue lorsque des obus mortels ont été lancés dans les
9 zones peuplées par des civils, sans aucune fin militaire. Ceci visait
10 visiblement le fait de répandre la terreur parmi la population civile.
11 Lorsque ces affirmations ont été faites sur une soi-disant retenue de la
12 SRK, la Défense fait fi simplement des éléments de preuve, à savoir des
13 bombardements indiscriminés de la SRK sur la ville, bombardements qui ont
14 eu lieu pendant toute la durée de la campagne, bombardements au cours
15 desquels "les tirs pleuvaient sur tout Sarajevo." Van Lynden qui le décrit
16 à G2 pièce P926, paragraphe 55. Ou les bombardements coordonnés de façon
17 très précise à la fois le 24 décembre 1992 et le 7 janvier 1993,
18 bombardements au cours desquels à minuit précise chaque fusil bosno-serbe,
19 mortier, et chars ont été déployés dans un tir de barrage massif "sur toute
20 la longueur et largeur de la ville," même si "il n'y avait que très peu de
21 cibles militaires à Sarajevo qui pouvaient être visées par des armes
22 lourdes pendant l'obscurité." Tucker, P4203, paragraphes 109 à 114.
23 D'autres exemples dans notre mémoire en clôture aux paragraphes 727 et 736.
24 La Défense fait valoir qu'il y a eu une campagne précise, prudente, et
25 légitime qui ne peut même pas correspondre à un début d'explication pour
26 ces bombardements massifs et indiscriminés de la SRK. La Défense raconte sa
27 version de cette campagne comme s'il s'agissait d'événements qui ne
28 s'étaient tout simplement pas produits.
Page 47726
1 La version de la Défense au sujet de la campagne ne permet pas d'expliquer
2 les incidents de pilonnage et de tirs isolés, et événements qui illustrent
3 le caractère systématique de ces tirs contre des civils qui, visiblement,
4 n'exerçaient que des activités civiles : des enfants qui jouaient, des
5 femmes qui ramassaient de l'eau, des civils qui allaient faire leurs
6 courses ou rechercher l'aide humanitaire, très éloignées d'une quelconque
7 cible militaire ou action militaire. Confrontée à ces éléments de preuve,
8 la Défense a fait venir deux témoins expert : Mile Poparic et Zorica
9 Subotic, qui ont élaboré des théories compliquées pour établir que la SRK
10 n'est pas responsable d'un quelconque tir de tireurs embusqués, mortiers,
11 ou tirs d'artillerie, et à l'égard des bombes aériennes modifiées, qu'il
12 s'agissait d'armes précises qui pouvaient être lancées seulement contre des
13 cibles militaires. A l'annexe C de notre mémoire, nous avons expliqué
14 comment ces théories relèvent de la conjecture, et sont peu fondées. Nous
15 avons dans certains cas estimé que ces exemples étaient tout simplement
16 absurdes. Confer paragraphes 7, 12, 43 à 47. Et nous avons abordé leurs
17 théories concernant les faits répertoriés, certains faits, nous avons fait
18 un échantillonnage des faits répertoriés de la Défense que nous avons
19 analysés, paragraphes 9, 11 et 45.
20 Aujourd'hui, je vais parler de la façon dont ces méthodologies viciées sont
21 omniprésentes dans les analyses concernant les faits cités dans les annexes
22 au sujet des pilonnages et tirs embusqués et d'autres exemples cités par la
23 Défense et faits répertoriés par la Défense dans son mémoire en clôture.
24 Un des arguments soulevés par la Défense à différents moments de son
25 mémoire en clôture comprennent ces faits répertoriés, le fait que les
26 autorités de Bosnie étaient responsables des attaques contre leur propre
27 peuple dans l'idée de provoquer une intervention militaire. Aux paragraphes
28 1 968 à 1 979, 2 181 et 2 311.
Page 47727
1 La Défense fait valoir que "plusieurs incidents de ce genre se sont
2 produits", paragraphe 1 976, cet argument constitue rarement une analyse
3 véritable d'événements réels. Dans la plupart des cas, les éléments
4 présentés par la Défense sont fondés sur des rumeurs et ne constituent que
5 de vagues allégations qui vont au-delà du domaine des connaissances des
6 témoins individuels, confer les témoins qui n'ont que peu de crédibilité.
7 Notamment les affirmations vagues de Milosevic, de Galic, de Sarenac cités
8 au paragraphe 1 976, et de Milorad Sehovac dans sa déclaration qui dit
9 avoir entendu "des rumeurs" à cet effet mais n'avait "pas d'information
10 directe." D2633, paragraphe 38, cité au paragraphe 2 181.
11 La Défense déforme et dénature également les éléments de preuve. Par
12 exemple, pour étayer son allégation au paragraphe 1 976 que l'ABiH a
13 pilonné des installations civiles dans le but de faire porter la faute à
14 tort à la SRK, la Défense cite trois rapports de combat de la SRK, aucun de
15 ces rapports nous dit quoi que ce soit au sujet du fait que l'ABiH tirait
16 sur sa propre population, D3411, D3424, et D3442.
17 La Défense dénature également toute une série d'éléments de preuve à
18 charge, notamment les éléments présentés par Harland, Thomas, Mole, et
19 Fraser. Dans un exemple typique, la Défense affirme au paragraphe 1 972 que
20 Fraser "se souvient même du fait que des soldats français ont rencontré une
21 équipe de télévision musulmane qui ont filmé une attaque mise en scène en
22 présence d'enfants, pour que ceci soit utilisé à la télévision contre les
23 Serbes."
24 Dans la réalité des choses, Fraser ne se "souvenait" pas de cela. Il a dit
25 dans sa déposition qu'il avait entendu des récits à cet effet, mais qu'il
26 n'avait jamais vu un film de ce genre. Page du compte rendu d'audience 8
27 051.
28 La Défense poursuit en affirmant que "l'appréciation de Fraser était que
Page 47728
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 47729
1 les autorités musulmanes étaient coupables d'avoir pris pour cible des
2 civils," en laissant entendre manifestement qu'il faisait référence au fait
3 qu'elles avaient pris pour cible leur propre population. Cependant, Fraser
4 a dit dans le paragraphe cité de façon très claire que ceci n'était pas le
5 cas. Il a dit ne jamais se souvenir qu'il y avait une quelconque politique
6 de l'ABiH visant à prendre pour cible leurs propres civils. Page du compte
7 rendu d'audience 8 054.
8 Comme l'a expliqué Jeremy Bowen et comme le veut la logique, il eut été
9 impossible de garder secret une théorie du complot comme celle-ci et
10 certainement une partie importante de cette campagne si elle avait été mise
11 en œuvre par l'ABiH, le monde entier aurait été au courant maintenant.
12 Confer la déposition de Jeremy Bowen, P2068, paragraphe 39. Et la Défense a
13 fait ses allégations au sujet du fait que l'ABiH avait pris pour cible ses
14 propres civils à Sarajevo, qui constitue la pièce maîtresse de sa thèse,
15 une poignée d'affirmations vagues et en définitive font surface et étayent
16 les éléments de preuve présentés par l'Accusation, à savoir que la SRK
17 était responsable de la majorité écrasante des attaques contre les civils
18 de Sarajevo avec quelques exceptions peut être négligeables; mémoire en
19 clôture de l'Accusation au paragraphe 795.
20 Au vu de preuve et réfutable sur la campagne de tirs embusqués de pilonnage
21 de la SRK, l'argument de la Défense défie toute logique. Il y avait cette
22 campagne de la SRK, tout effort déployé par les autorités de Bosnie pour
23 prendre pour cible leur propre peuple pour qu'ils puissent à tort leur
24 faire porter la faute eut été une stratégie fort risquée, qui n'aurait
25 porté aucun avantage politique. La seule façon concevable dans laquelle les
26 autorités de Bosnie auraient pu imaginer provoquer une intervention
27 militaire de l'Occident de cette manière eut été à ce moment-là de mettre
28 en scène un massacre à grande échelle. Mais lorsque de telles théories du
Page 47730
1 complot sont écartées du domaine de la conjecture et appliquées aux faits
2 réels, tel qu'a tenté de le faire Subotic concernant G9 [comme interprété],
3 eh bien, les explications qui en résultent sont complètement déconnectées
4 de la réalité. Et je vais parler de ces théories déconnectées dans quelque
5 temps.
6 Pour ce qui est de certains faits répertoriés, la Défense présente des
7 arguments analogues pour dire que l'Accusation n'a pas prouvé que la balle
8 ou l'obus provenait du territoire de la SRK. Cependant, ces arguments se
9 concentrent de façon inadéquate sur l'analyse balistique de l'événement en
10 question. Même si la Chambre devait constater que les éléments de
11 balistique présentés à eux seuls correspondant à un ou plusieurs faits
12 répertoriés ne permettent pas d'établir de manière concluante qu'il
13 s'agissait effectivement de l'origine du tir qui provenait du territoire de
14 la SRK, ceci n'équivaut pas à un manque de preuves. Même si chaque
15 événement de tirs isolés et de pilonnages, par exemple, si on en tient
16 compte, les éléments de preuve balistiques indiquent clairement et non pas
17 de façon concluante que l'origine du tir provenait du territoire détenu par
18 la SRK. Cet élément de preuve cadre avec un ensemble de preuves plus
19 important, preuves corroborantes que nous avons mis en exergue à l'annexe C
20 de notre mémoire en appel. Par exemple, de nombreux incidents, d'analyses
21 balistiques indiquent qu'il y avait des sources notoirement connues pour
22 indiquer que la SRK prenait pour cible les civils. Les endroits indiqués au
23 niveau des attaques de tireurs embusqués et de pilonnages ne cadrent pas
24 avec le cadre plus général des régions dans laquelle la SRK prenait
25 régulièrement pour cible les civils. Un nombre important d'attaques et de
26 pilonnages impliquait des tirs de mortier et d'artilleries multiples. De
27 même, des nombreux événements de tirs isolés impliquaient des feux répétés
28 au même endroit, soit avant ou après que la victime ait été touchée. Et un
Page 47731
1 tel comportement ne cadre tout simplement pas avec la théorie précisant que
2 les auteurs tentaient à tort de faire porter la faute à la SRK, et pour ce
3 qui est des tirs et des multiples tirs de balle, ceci augmenterait
4 grandement le risque de détection et ne serait pas vraiment avantageux pour
5 eux. Au niveau de chaque événement répertorié, que ce soit par la nature ou
6 leur effet, ceci cadre avec les éléments de preuve irréfutables pour
7 indiquer qu'une campagne de la SRK pendant trois ans et demi de pilonnages
8 et tirs embusqués a été menée contre la population civile.
9 En outre, les incidents répertoriés ont fait l'objet d'enquêtes, et ce, de
10 façon professionnelle et compétente par des professionnels locaux, et ces
11 résultats, dans de nombreux cas, ont été corroborés par des enquêteurs
12 indépendants des Nations Unies et les experts indépendants. Pour ce qui est
13 d'un des incidents isolés, il n'y a pas d'éléments de preuve crédibles pour
14 laisser entendre que ces enquêtes ont été manipulées d'une manière ou d'une
15 autre. Il n'y a pas non plus d'éléments de preuve indiquant que cela
16 relevait de la responsabilité de la Bosnie. Et comme je l'ai déjà indiqué,
17 les éléments de preuve montrent que les autorités de Bosnie n'auraient pas
18 pu prendre pour cible leur propre population civile avec quelle que
19 régularité que ce soit, et pour ce qui est de la majorité des faits
20 répertoriés, ils n'auraient pas eu un mobile concevable pour le faire. En
21 résumé, l'affirmation qui consiste à dire que les autorités de Bosnie
22 auraient pu être responsables de certains de ces faits répertoriés en se
23 fondant sur une analyse individuelle et peu concluante des analyses
24 balistiques est pour le moins une notion qui relève de la conjecture, et
25 ceci ne donne pas lieu à un quelconque doute raisonnable.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, quelle est votre position, Madame
27 Gustafson, concernant les éléments de preuve qui font allusion au fait que
28 les tirs de la part de l'ABiH et visant la FORPRONU pour provoquer des
Page 47732
1 représailles et pour qu'il y ait une intervention de la part des
2 internationaux ?
3 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges, Monsieur le
4 Président. Il existe des éléments de preuve à cet effet. Encore une fois,
5 ceux-ci se fondent sur des rumeurs et sont des allégations vagues. Et il y
6 a eu des confessions qui ont été obtenues après que les personnes en
7 question ont été torturées pour un événement allégué.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous disposons d'éléments de preuve de
9 la part des internationaux également.
10 Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est exact. Alors, il existe des éléments
11 de preuve à cet effet. Mais la différence, Monsieur le Président, c'est
12 qu'il s'agirait à ce moment-là de tirs qui visaient les Nations Unies. Ce
13 serait -- bon, je ne sais pas quel est l'avantage que l'on peut tirer de
14 cela, peut-être pour provoquer une intervention de la FORPRONU, par
15 opposition au fait de tirer simplement sur d'autres civils. Il y a un
16 caractère systématique que nous avons analysé au niveau d'une centaine
17 d'événements qui pourrait, en fait, présenter un avantage, mais dont le but
18 serait de provoquer une intervention internationale. Donc, je crois que le
19 mobile derrière ces deux types d'attaques serait tout à fait différent.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, nous avons donc passé outre cette
21 question-là, mais s'agissant de la difficulté qui consiste à faire la
22 guerre dans un cadre ou dans une zone urbaine, l'accusé a cité un exemple
23 d'un mortier mobile. Estimez-vous qu'il existait des mortiers mobiles du
24 côté de l'ABiH ? Et, si oui, à quel type de réaction vous attendez-vous du
25 côté des Bosno-Serbes et comment riposteraient-ils dans le cas de telles
26 attaques ?
27 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, il existe des éléments de preuve tout
28 à fait manifestes que l'ABiH disposait de quelques mortiers mobiles, de
Page 47733
1 Wilson et Dzambasovic, par exemple, parlent qu'ils disposaient d'une
2 poignée d'armes de ce type. Et pour ce qui est de la riposte de la SRK, à
3 ce moment-là, l'exemple qui a été fait plus tôt, où Wilson a remarqué qu'il
4 y avait quelques tirs sortants et qui provenaient du côté de l'ABiH, et il
5 y a une riposte correspondant à 200 tirs éparpillés dans une zone urbaine
6 très importante. Il a estimé que la riposte était tout à fait
7 disproportionnée, et là, c'était le cas d'un mortier mobile. Et la riposte
8 illustre une intention qui n'est pas une intention de riposter, mais de
9 prendre pour cible des civils. Dans ce même exemple, dans ce même passage,
10 j'ai parlé de Richard Mole, de sa déposition et d'une des observations
11 qu'il a faites, à savoir que la disposition du terrain, lorsqu'il y a eu
12 riposte, eh bien, cela semblait indiquer que l'unité -- enfin, il y avait
13 une forte probabilité pour que l'unité ne soit plus au même endroit, ce qui
14 signifie dans ce cas qu'il y avait des tirs de mortier mobile et que le
15 mortier peut être tiré, et ensuite on peut rapidement déplacer l'endroit où
16 se trouve le mortier. Donc, une riposte même à retardement, à ce moment-là,
17 serait l'illustration d'une intention qui consisterait à prendre pour cible
18 des zones civiles.
19 Il y a différentes méthodes qui consistent à cibler une équipe de
20 mortiers mobiles. On peut leur tirer dessus s'ils sont dans la ligne de
21 mire des tireurs embusqués de la SRK, ce qui, bien sûr, est beaucoup moins
22 bien précis, mais peut être efficace s'il s'agit de riposter à une attaque
23 d'un mortier mobile.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre.
25 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Alors, je souhaite parler maintenant de
26 l'argument de la Défense aux paragraphes 2 163 à 2 167 de l'Accusation, et
27 que l'expert en matière de tirs embusqués de l'Accusation ne pouvait pas
28 conclure s'agissant des faits répertoriés qu'on pouvait déterminer
Page 47734
1 l'emplacement exact d'où la balle avait été tirée. Par conséquent,
2 l'Accusation fait valoir que ceci doit être rejeté dans son intégralité.
3 Paragraphe 2 167. La Chambre a précisément demandé à l'Accusation de
4 répondre à cet argument.
5 Tout d'abord, la Défense a déformé les conclusions de van der Weijden pour
6 un certain nombre de faits répertoriés, notamment F1, F3, F6, F9 et F12,
7 van der Weijden a soit conclu que l'on ne pouvait conclure qu'il y avait
8 qu'une seule provenance de tirs possible ou conclure que cela excluait
9 toute possibilité raisonnable que les tirs provenaient du territoire détenu
10 par l'ABiH; aux paragraphes 19, 27, 29, 36, 38, et dans chacun, ces
11 conclusions concordent avec le fait que les tirs provenaient des positions
12 de mortier de la SRK bien connues.
13 Quoi qu'il en soit, les arguments de la Défense constituent ici l'exemple
14 de type d'erreur et des erreurs commises dans les analyses auxquelles je
15 viens de faire référence. La Défense tente de façon inconvenante à tirer
16 des conclusions en se fondant simplement sur un des aspects des éléments de
17 preuve. La Défense ignore les conclusions de van der Weijden et ne tient
18 pas compte de l'ensemble des éléments de preuve concernant chaque fait
19 répertorié à l'annexe C de notre mémoire en appel, et de ne tient pas
20 compte des autres facteurs qui penchent fortement en faveur de la
21 responsabilité de la SRK que je viens d'évoquer.
22 Donc, si les Juges de la Chambre sont satisfaits de la réponse que
23 j'ai donnée, je souhaite maintenant parler des arguments de la Défense sur
24 les événements répertoriés en tant que tels. Etant donné que je ne dispose
25 que très peu de temps, je souhaite simplement vous présenter un échantillon
26 et être claire, parce que des allégations non fiables et conclusions non
27 fiables sont omni présentes dans les arguments de la Défense sur ce point.
28 Comme je l'ai dit à F1, 13 décembre 1992, l'attaque contre une petite fille
Page 47735
1 de 3 ans, Anisa Pita, qui s'est déchaussée devant sa maison. Comme je l'ai
2 précisé, van der Weijden a conclu à Baba Stijena que le seul endroit
3 possible de l'origine du feu était indiqué à la pièce P1521, page 16,
4 T6995, et 6996. La Défense conteste ce fait, car elle affirme qu'il n'y
5 avait pas les lignes de mire depuis Baba Stijena à l'endroit où la petite
6 fille a été touchée, en se reposant sur l'analyse de la ligne de mire de
7 Poparic. Il s'agit là de paragraphes 2 184, 2 185; D4884, paragraphes 26,
8 28. Cependant, Poparic s'est fondé dans son analyse de la ligne de mire sur
9 une visite sur les lieux en 2010. La Défense ignore, ne tient pas compte de
10 ce qu'il dit à l'époque, la maison a été rénovée, il n'était plus possible
11 de se mettre debout, ni de s'accroupir à l'endroit exact où se trouvait la
12 victime; T39267.
13 Donc, son analyse sur la ligne de mire est par conséquent
14 complètement viciée.
15 La Défense fait valoir au paragraphe 2 186 qu'il s'agissait là "de la
16 déduction la plus raisonnable", et qu'Anisa Pita a été blessée dans un
17 échange de coup de feu et que cela se fonde en fait sur une conjecture
18 totale de la part de Poparic, parce qu'à un moment donné, les parents de la
19 victime ont dit avoir entendu plusieurs tirs. Anisa Pita a sans doute été
20 touchée par une balle qui a ricoché lors de l'échange de tir; D4884,
21 paragraphe 31.
22 Au paragraphe 2 187, la Défense se fonde sur la déposition de Milos
23 Skrba, qui affirme que la brigade, la 1ère Brigade de Sarajevo n'avait pas
24 de tireurs embusqués pendant toute la durée de la guerre; D2344, paragraphe
25 11. Skrba affirme que non seulement cela est peu crédible, mais que cela
26 est contredit par Miletic, un autre témoin à décharge du bataillon Skrba,
27 qui a expliqué que le bataillon n'avait qu'une escouade de tireurs
28 embusqués subordonnés au commandant; D2519, paragraphe 31. Quoi qu'il en
Page 47736
1 soit, Skrba étaient d'accord avec tous les faits sous-jacents qui
2 précisaient que la SRK pouvait tirer sur l'enfant. A savoir, Baba Stijena
3 était une position fortifiée de la SRK, tenue par les forces de la SRK, qui
4 possédaient des fusils, des fusils automatiques et semi-automatiques; 29
5 184 à 29 194.
6 En quelques mots, cette petite fille de 3 ans qui était bien
7 évidemment une civile, a été prise pour cible depuis une position qui se
8 trouvait dans la ligne de mire, qu'ont considéré les témoins à décharge,
9 était tenue par les forces armées de la SRK, armées avec les armes
10 nécessaires pour tirer sur cet enfant.
11 Je souhaite maintenant passer à l'incident F4 du 3 septembre 1993, le
12 fait d'avoir le tir de Nafa Taric et de sa petite fille de 8 ans.
13 La Défense fait valoir au paragraphe 2 200, qu'il y avait une ligne
14 de mire depuis la rue Ozrenska à l'endroit du fait répertorié, et qui se
15 fonde sur le rapport de Poparic. Cependant, Poparic se repose sur des
16 photos qui de ses propres vœux ont été prises depuis l'autre côté de la rue
17 par rapport à l'endroit où a eu lieu l'événement en question. D4884,
18 paragraphe 56, images 44 et 45. Ainsi, Poparic a élaboré son analyse de la
19 ligne de mire aux paragraphes 56, 59 en se fondant simplement sur ces
20 photos, et ceci n'est pas pertinent du tout. Quoi qu'il en soit, la Défense
21 reconnaît au paragraphe 2 204, qu'Ivana Krndlja, que cette rue où les
22 victimes ont été touchées est clairement visible depuis les soi-disant
23 positions de tir, citant ainsi des éléments de preuve qui comprennent la
24 photographie D2431. La Défense fait valoir au paragraphe 2 204 que cet
25 endroit n'était pas visible depuis les positions de la 4e Compagnie. Ceci
26 n'est pas pertinent. Les témoins à décharge et un membre de la 4e
27 Compagnie, Slobodan Tuseveljak, a dit dans sa déposition que cette
28 photographie a été prise depuis les positions tenues par la 2e Compagnie,
Page 47737
1 le bataillon de la 2e Compagnie, et de la 1ère Brigade mécanisée de
2 Sarajevo, étaient positionnés un peu plus bas dans la rue Ozrenska depuis
3 cette position; pages du compte rendu d'audience 29 956, 29 957; D2431, 65
4 ter 23967.
5 A titre de comparaison, D2431 et D666, une photographie prise par van
6 der Weijden qui a précisé à quel endroit se trouvait le fait en question,
7 démontrent à quel endroit se trouvait le lieu exact de l'attaque était
8 clairement visible depuis la position de cette 2e Compagnie.
9 Mais finalement, la Défense a fait valoir au paragraphe 2 202 que van
10 der Weijden n'a conclu que ce qui s'était passé à la rue Ozrenska se
11 trouvait à 1 104 mètres de l'événement en question, et que ceci déforme la
12 déposition de van der Weijden car, en fait, la distance de la rue Ozrenska
13 au fait en question était de 825 mètres. T7130 et 7131.
14 Je vais maintenant passer à F5, les tirs du 2 novembre 1993 sur
15 Ramiza Kundo, qui portait de l'eau. La Défense fait valoir que ce lieu
16 d'incident était visible depuis les positions de l'ABiH au paragraphe 2
17 210, et qui se fonde sur les affirmations de Poparic dans son rapport.
18 Cependant, lors du contre-interrogatoire, Poparic était d'accord qu'on
19 pouvait voir les obstacles à gauche et à droite de l'endroit où avait été
20 trouvé la victime, et ceci est dépeint dans son rapport à l'image 50. Vous
21 voyez un mur de béton à gauche, et le mur, plus une tour radio qui
22 constituait un tunnel naturel. Poparic convient en disant que "tout champ
23 de tir serait limité par ce tunnel, ce tunnel naturel". Page 39 233.
24 Quoi qu'il en soit, dans son rapport Poparic a tracé un champ de tir
25 au-dessus de ces obstacles, ce que l'on peut voir à l'image 53 de son
26 rapport que vous voyez maintenant. Comme vous le voyez, Poparic a décrit un
27 large champ de tir couvrant quasiment 60 degrés, un champ de tir qui ne
28 tient aucun compte de l'existence de ce tunnel naturel étroit qu'il avait
Page 47738
1 lui-même reconnu comme limitant la ligne de mire. Cette omission a permis à
2 Poparic d'élargir ce champ de tir suffisamment plus au sud, comme vous le
3 voyez, pour bien inclure également du territoire détenu par l'ABiH. Lorsque
4 on l'a mis devant cette contradiction entre l'existence d'un tunnel naturel
5 et le large espace qu'il a représenté ici, Poparic a reconnu en disant :
6 "Oui, bien sûr, tout ceci doit être considéré comme n'étant pas
7 totalement exact, mais il ne peut pas y avoir un grand écart, si vous
8 voulez". Pages 39 233 à 39 234.
9 L'argument de la Défense est donc fondé sur une analyse peu fiable, comme
10 ils le reconnaissent, et il n'y a aucune raison de remettre en cause le
11 champ de tir calculé par van der Weijden, et cette pièce est la pièce
12 P6364, qui indique le champ de tir calculé par van der Weijden pour ce
13 fait, il s'agit de ce triangle vert qui a été superposé sur le champ de tir
14 tracé par Poparic. Les pages du rapport de van der Weijden figurent à
15 l'image juste en dessous. Comme vous le voyez donc, il n'existe en fait
16 aucune ligne de mire depuis le territoire détenu par l'ABiH au sud tel
17 qu'avancé par la Défense.
18 Et van der Weijden a également exclu le territoire proche juste au sud-
19 ouest du lieu des événements étant donné que la pente dans la route
20 bloquait la vue des positions qui étaient placées plus loin; pièce 1621,
21 paragraphe 37.
22 Enfin, au paragraphe 2 210 la Défense dit qu'il n'existait pas de ligne de
23 mire depuis les positions de la SRK, ils se fondent sur le paragraphe 72 du
24 rapport de Poparic, et ceci est contredit d'ailleurs par Poparic lui-même
25 qui a reconnu l'existence d'une ligne de mire depuis le territoire détenue
26 par la SRK.
27 Aux pages du compte rendu d'audience 38 955 à 38 956.
28 Alors, je vais maintenant passer au fait F6, le tir qui a atteint Sanija
Page 47739
1 Dzevlan alors qu'elle se rendait chez elle à Dobrinja à vélo juste après
2 être sortie ou s'étant écarté d'une barrière de protection au niveau du
3 pont. C'est un autre exemple des conclusions de van der Wiejden, et il a
4 conclu que la seule possibilité raisonnable pour l'origine de la ligne de
5 mire -- pardonnez-moi, l'origine du tir était une position de la SRK. Il a
6 conclu qu'il n'y avait qu'un autre bâtiment à partir duquel on pouvait
7 avoir cette ligne de mire, c'était l'église orthodoxe, un appartement qui
8 était entre les mains de l'ABiH et qui se trouvait à 350 de l'endroit où il
9 y a eu l'attaque. Cependant, il a exclu ceci comme étant l'origine du tir
10 parce qu'il était peu probable que les troupes de l'ABiH --
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi. Le bouton ne
12 s'enclenche pas. Nous avons vraiment des problèmes techniques. C'est la
13 deuxième fois.
14 Toutes mes excuses, Madame. Nous n'arrêterons pas de travailler et nous
15 regrettons que vous nous entendions pas. Vraiment désolé. Toutes nos
16 excuses.
17 Mme GUSTAFSON : [interprétation] van der Weijden a exclu le bâtiment détenu
18 par l'ABiH à 355 mètres de là comme source de tir étant donné qu'il était
19 fort peu probable que les troupes de l'ABiH qui étaient placées se seraient
20 intéressées au pont et sachant que des troupes de la SRK étaient
21 stationnées dans le bâtiment juste de l'autre côté de la route à l'est;
22 P1621, page 50. Il a également éliminé les espaces ouverts environnants car
23 le tireur aurait été exposé à des tireurs de chaque côté. Page 7 133.
24 Les affirmations de la Défense au paragraphe 2 217 que la balle dans ce cas
25 aurait dû être tirée 0,99 secondes juste avant que la victime n'apparaisse
26 au-delà de la barrière se fondent uniquement sur les supputations peu
27 fiables de Poparic. Par exemple, sur cette photo, image 59 de son rapport,
28 Poparic a calculé la longueur approximative de ce qu'il croit être le
Page 47740
1 modèle de voiture présentée dans un article "Wikipedia" pour calculer la
2 distance approximative parcourue par Mlle Dzevlan après avoir passé la
3 barrière et juste avant d'être tuée par balle. Il estime ensuite le temps
4 qu'il a fallu à Mme Dzevlan pour pédaler sur cette distance alléguée en se
5 fondant sur la prétendue vitesse moyenne atteinte à bicyclette par une
6 femme de 35 ans selon des études médico-légales d'accident de la route sans
7 présenter aucune référence; D4884, paragraphes 79 et 88.
8 La Défense avance encore au paragraphe 2 218 que van der Weijden convient
9 qu'il y a d'autres possibilités que le ciblage intentionnel de civils en
10 l'espèce. Mais ceci fait fi des explications de van der Weijden sur
11 lesquels ce n'est pas la conclusion qu'il tire parce que Mlle Dzevlan
12 aurait pu être visible juste avant d'arriver sur le pont, ce qui aurait
13 permis au tireur de prévoir sa réapparition. Pages 7 137 à 7 138. Et ce
14 fait bat en brèche les calculs de Popovic [comme interprété] déjà peu
15 défendables du moment du coup de feu par rapport à l'apparition de la
16 victime alors qu'elle sortait du pont, et tout ça est vidé de son sens, un
17 point que la Défense n'a pas du tout pris en compte.
18 La Défense dit au paragraphe 2 218 que van der Weijden reconnaît que
19 l'absence de preuve concernant la balle et le calibre jetait le doute sur
20 l'origine du coup de feu, et ceci est une totale déformation des propos de
21 van der Weijden. Van der Weijden n'a reconnu que le fait qu'il avait dû
22 estimer le calibre de la balle mais il ne reconnaît pas que ceci représente
23 une spéculation concernant l'origine du feu. Transcript 7 138 à 7 139.
24 Je poursuis, Monsieur le Président ?
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si ça vous convient, nous prendrons la
26 pause.
27 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous prendrons la pause d'une vingtaine
Page 47741
1 de minutes, et nous reprendrons l'audience à 11 heures 38.
2 --- L'audience est suspendue à 11 heures 18.
3 --- L'audience est reprise à 11 heures 40.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
5 Je vois que nous avons un nouveau membre de votre équipe, Monsieur Tieger ?
6 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Comme je vous l'ai indiqué précédemment,
7 Mme Pack est avec nous, et elle vous reparlera concernant Srebrenica dans
8 peu de temps.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
10 Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.
11 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.
12 Et je voudrais revenir aux tirs isolés. F11 et F14, F15 et F16 [comme
13 interprété]. Toutes ces attaques se sont produites le long de la route
14 principale près du virage en S des rails de tram dans une portion de la
15 route que l'on avait appelée "Sniper Alley". Comme nous l'avons dit dans
16 notre exposé au paragraphe 1 322 [comme interprété], les éléments de preuve
17 démontrent qu'il y a eu des attaques délibérées de la SRK sur les civils.
18 Les tirs isolés de Grbavica vers Zmaj od Bosne était de notoriété publique.
19 Les enquêtes confirment que la Défense a essayé de minimiser ces éléments
20 qui sont visés sur des supputations qui sont spéculatives et fondées sur
21 des méthodes non scientifiques.
22 Je reviens sur F11, c'est aussi en lien avec l'une des questions posées par
23 la Chambre. L'attentat F11 est le deuxième de trois attaques à la
24 mitrailleuse qui ont eu lieu dans la même zone en quelques minutes
25 seulement le 8 octobre 1994. Un autre tram a essuyé des tirs de
26 mitrailleuse juste avant l'attentat F11, et quelques minutes après un
27 groupe de piétons a été pris pour cible.
28 La Chambre a interrogé l'Accusation de clarifier une contradiction entre
Page 47742
1 les faits déjà jugés 2932, qui dit que "les tirs provenaient de la
2 direction du bâtiment Metaljka", et P2421, rapport de l'ONU disant que les
3 tirs provenaient d'un groupe de maisons proche du cimetière juif.
4 J'aimerais revenir sur la question plus théorique de la Chambre quant à
5 savoir ce que doit faire la Chambre lorsque les preuves à charge
6 contredisent un fait déjà tranché. A cet égard, la jurisprudence est claire
7 : des faits déjà examinés ayant pour objet un constat judiciaire sont des
8 présomptions et il est laissé en fin de compte à la Chambre d'en apprécier
9 la pertinence et la valeur à la lumière de l'ensemble des éléments de
10 preuve. Je vous renvoie à la décision de la Chambre d'appel Karemera du 16
11 juin 2006, paragraphe 42; également la décision de la Chambre de première
12 instance dans l'affaire Popovic du 26 septembre 2006, paragraphe 21; et la
13 décision de la Chambre de première instance dans l'affaire Krajisnik du 24
14 mars 2005, paragraphe 17.
15 Toutefois, en l'instance, la position de l'Accusation présentée dans
16 notre mémoire, appendice 16, paragraphe 18, est que le tram sur lequel on a
17 tiré dans l'attentat F11 a été ciblé à partir d'un tireur embusqué de la
18 SRK au sud de la rivière Miljacka. Ceci est appuyé par tous les éléments de
19 preuve crédibles, y compris AF2932 et le rapport de l'ONU P2421.
20 Je vous renvoie maintenant à cette photographie, P6018. C'est une photo qui
21 a été prise à partir du sud, orientée donc vers le nord du site de cet
22 événement. Nous avons maintenant la même photo sur laquelle nous avons
23 indiqué un certain nombre d'endroits pour aider la Chambre de première
24 instance. Cet événement a eu lieu sur Zmaj od Bosne, soit au croisement
25 avec la rue Franje Rackog, qui est l'endroit numéro 2 sur cette
26 illustration, ou au croisement avec la rue Djure Danicic, qui est l'endroit
27 numéro 1. Ces numéros ont été placés pour votre facilité, ils correspondent
28 aux cartes de la FORPRONU dans le rapport de la FORPRONU sur cet événement
Page 47743
1 et indiquent certaines des positions occupées par les observateurs de l'ONU
2 au moment de l'attentat; P2421, et la carte est aux pages 4 et 5 de
3 l'original en français.
4 L'élément de preuve KDZ090, à savoir P481, pages 6 à 9; P436 et P437; ainsi
5 que le rapport des enquêteurs locaux, P1907, page 2; ainsi que les faits
6 déjà jugés AF2924 et 2932, définissent l'endroit de cet attentat F11 comme
7 étant l'endroit numéro 2 avec le bâtiment Metaljka qui figure ici comme
8 constituant la source du tir. C'est une conclusion qui a été entérinée par
9 van der Weijden; P1629, pages 89 à 91.
10 P2421, il s'agit là du rapport de l'époque de la FORPRONU ainsi que
11 l'identification de ces différents endroits par Barry Hogan, P1028, aux
12 fins du tracé des différentes positions sur la carte; P2191 précise
13 l'endroit de l'événement comme étant l'endroit numéro 1. Il y a une
14 certaine incertitude quant au lieu précis de l'attentat dans ce cas,
15 incertitude compréhensible sachant que le tram se déplaçait de l'est à
16 l'ouest quand il a essuyé les coups de feu. Je vous renvoie à van der
17 Weijden à 7 175 à 7 176.
18 La conclusion de la FORPRONU que c'est l'endroit numéro 1 qui fut le lieu
19 de l'attentat est étayée par les observations faites par le personnel de la
20 FORPRONU sur place; P2421, pages 2 à 6, et l'analyse balistique. Plus
21 particulièrement, la FORPRONU avait également analysé des sillons frais
22 dans le sol à l'endroit numéro 1, P2421, pages 3 à 7. Ces différents
23 sillons sont tous dirigés vers la maison numéro 14 proche du cimetière
24 juif, P2421, pages 3 à 8, et nous en ferons l'endroit à peu près, l'endroit
25 de cette maison figure également sur l'illustration que vous avez sous les
26 yeux. L'angle d'entrée des balles dans le tram qui ont été analysées par la
27 FORPRONU, lorsqu'on les superpose avec cet endroit 1, indique toujours la
28 même origine du tir; P2421, page 3.
Page 47744
1 van der Weijden n'a pas exclu ce scénario, à savoir que ce tram a été
2 attaqué au lieu numéro 1, auquel cas le tir aurait provenu des positions de
3 la SRK dans la zone à l'ouest du cimetière juif, mais il a plutôt penché en
4 faveur de l'endroit numéro 2, étant donné le temps de l'exposition au feu
5 et le retard des témoins sachant que ceux-ci essuyaient également des coups
6 de feu. P1621.
7 Alors, s'il existe en effet une certaine incertitude quant à l'endroit
8 précis de l'origine des coups de feu, incertitude également de l'endroit
9 précis de l'attentat, la Chambre n'a pas à trancher l'endroit précis car,
10 indépendamment de savoir si l'attentat a eu lieu à l'endroit numéro 2 ou 1,
11 en tout cas, il est certain que le tir provenait de positions de la SRK au
12 sud de la rivière Miljacka, ceci car tout d'abord, ces deux endroits
13 étaient exposés à des positions occupées par des tireurs embusqués de la
14 SRK qui étaient bien connus depuis l'endroit numéro 2, bâtiment Metaljka;
15 et l'endroit numéro 1, les maisons détenues par la SRK près du cimetière
16 juif. Ensuite à titre alternatif, le fait que ce tir provenait de cette
17 petite bande de territoire détenue par la Bosnie entre les rails de tram et
18 la rivière n'est pas une alternative raisonnable, car il aurait fallu que
19 le tireur ait mitraillé ce tram à partir d'une position qui se trouvait
20 juste de l'autre côté de la rue par rapport au tram, donc au su et au vu
21 des passagers et de nombreux membres du personnel de l'ONU qui étaient là
22 pour suivre les activités des tirs embusqués à l'époque. Il s'agit là d'une
23 théorie fort implausible [phon] et illogique et qui n'est étayée par aucune
24 preuve crédible, et qui a été d'ailleurs rejetée de façon explicite par M.
25 van der Weijden. Il a expliqué que si le tram avait essuyé des coups de feu
26 à partir du territoire de l'ABiH au sud, le tireur aurait dû être à 25
27 mètres, ce qui est un scénario "totalement illogique", c'est les termes
28 qu'il a utilisés, sachant qu'il y avait la présence bien connue de la
Page 47745
1 presse internationale à l'Holiday Inn, vous voyez le bâtiment jaune sur
2 l'image. Page 7 175.
3 Quoi qu'il en soit, il s'agit vraiment de la théorie qui a été défendue par
4 l'expert de la Défense Poparic, qui dit que les coups de feu dans ces trois
5 attentats de cette journée provenaient du bâtiment du Conseil exécutif qui
6 figure à l'image; transcript page 39 252.
7 La théorie de Poparic est éminemment biaisée pour un nombre de raisons.
8 Tout d'abord, selon cette théorie de Poparic, deux trams et puis ensuite un
9 groupe de piétons ont essuyé des tirs de mitrailleuse de façon répétée à
10 partir d'une position se trouvant juste en face dans la rue par rapport aux
11 trams, au su et au vu de tout le monde, et personne ne l'aurait vu. Ces
12 tirs de mitrailleuse répétés n'auraient pas été vus non plus par le
13 personnel de lutte contre les tirs embusqués de l'ONU qui s'est positionné
14 juste devant le bâtiment du Conseil exécutif et parmi d'autres endroits et
15 qui, justement, surveillaient ce type d'activités dans la zone. P2421.
16 Il y a également des risques de détection certains pour ce tireur, il
17 aurait dû se trouver au rez-de-chaussée ou un étage très bas du bâtiment,
18 étant donné l'angle très fermé, 9 degrés par rapport à l'horizontal de
19 l'angle de trajectoire de la balle vers le tram. Ceci a été conclu par la
20 FORPRONU suite à des examens des impacts de balle dans le tram; P2421.
21 La définition de la trajectoire de la balle de la FORPRONU contredit
22 donc la théorie de Poparic, car il parlait d'un angle très ouvert de
23 descente des balles, il parlait de 45 à 60 degrés, analyse fondue sur la
24 taille et la forme d'un nuage de poussière qu'il avait vu sur une vidéo,
25 pages 39 252 à 53. Lorsqu'on l'a confronté à sa propre contradiction,
26 Poparic a changé sa théorie à l'instant en disant que "l'angle pourrait
27 être entre 2 et 80 degrés." Pages 39 261 à 39 263. Et la théorie de Poparic
28 n'offre aucune explication des impacts ou des sillons de balles récents
Page 47746
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 47747
1 constatés par les enquêtes des Nations Unies au point 1, après les tirs sur
2 ces civils qui incriminaient la position du SRK, la maison 14. Poparic n'a
3 pas tenu compte de cela et a plutôt tiré des conclusions [phon] basées sur
4 la forme des nuages de poussière et son interprétation hasardeuse du geste
5 d'un soldat de la FORPRONU sur une vidéo dont il n'a pas écouté la bande-
6 son. C'est notre mémoire en clôture, annexe C, paragraphe 11.
7 La théorie de la Défense n'est qu'un nouvel avatar à peine modifié de
8 la théorie du complot original que Mladic avançait aux fonctionnaires des
9 Nations Unies à la suite de protestations immédiatement après les faits.
10 L'affirmation de Mladic selon laquelle le tir provenait du Holiday Inn, que
11 vous voyez ici, qui se trouvaient en face du tram, une position de tir tout
12 à fait impossible, a été réfutée immédiatement par les Nations Unies, et
13 vous pouvez trouver cela au P867, page 2.
14 Après avoir eu 20 ans pour réfléchir, la Défense n'a rien trouvé de
15 mieux que la théorie du siège du Conseil exécutif. Et la seule conclusion
16 raisonnable est que les tirs visant le tram lors de l'incident F11 venaient
17 d'un territoire sous le contrôle du SRK au sud de la Miljacka. Relevons
18 également que pour les autres attaques de tram dans la zone, la Défense a
19 avancé d'autres théories toutes aussi invraisemblables selon lesquelles les
20 tirs provenaient de bâtiments situés dans un pourtour immédiat.
21 Par exemple, pour le F8, elle prétend que l'on a tiré sur le tram
22 depuis précisément le siège du Conseil exécutif; D4884, paragraphes 123,
23 124. Pour F15, elle prétend que le tram a été mitraillé depuis le toit du
24 Musée de la Révolution. De l'autre côté de la rue, à gauche de l'Holiday
25 Inn ou d'autres bâtiments non nommés proches. Page 39 281, 39 282. Et F16,
26 elle prétend que de multiples balles ont été tirées depuis le Conseil
27 exécutif ou le musée; page 38 931.
28 Donc, selon la Défense, les membres de l'ABiH tiraient de manière
Page 47748
1 répétée sur leurs propres civils devant leurs yeux, devant la presse
2 internationale et les Nations Unies. Et comme l'indique notre analyse de
3 ces événements dans notre mémoire, ces théories sont totalement contredites
4 par des preuves contenant des analyses d'experts et des récits de témoins
5 oculaires. Ces théories implausibles [phon] de la Défense ne font que
6 donner plus de crédit aux preuves attribuant au SRK la responsabilité de
7 ces attaques.
8 Je voulais à présent parler des incidents de pilonnage énumérés en
9 annexe. J'ai parlé du fait que la version de la Défense au sujet de la
10 campagne ne parvient pas à expliquer les bombardements massifs
11 indiscriminés de la ville par le SRK. Pour les deux bombardements décrits
12 dans les annexes G1, G2, cette incapacité se traduit par des arguments
13 futiles portant sur la procédure. Pour le G1, la Défense, de manière
14 incroyable, continue à insister pour dire que cet incident n'est pas le
15 pilonnage massif de Sarajevo approximativement à partir du 28 mai, mais un
16 seul tir de mortier sur la rue Vase Miskin le 27 mai 1992. Cette
17 affirmation est directement contredite par le libellé de l'acte
18 d'accusation et a fait l'objet de notifications nombreuses de l'Accusation
19 et de la Chambre selon lesquels l'événement de la rue Vase Miskin n'est pas
20 G1, sans parler du fait que l'accusé lui-même a explicitement reconnu que
21 l'événement de la rue Vase Miskin n'est pas couvert par l'acte
22 d'accusation. Pages 6 394 et 28 867 du compte rendu d'audience.
23 L'authentique G1 qualifié par Slobodan Milosevic de bombardements sanglants
24 et criminels consiste en un pilonnage indiscriminé et intense de la ville
25 commandé personnellement par Mladic avec l'aide de Karadzic, le soutien de
26 Karadzic. Nous en parlons au paragraphe 727 de notre mémoire de clôture.
27 La Défense invoque également le fait que Mladic ait nié à l'époque
28 l'authenticité de conversations interceptées dans lesquelles il ordonne à
Page 47749
1 ses subordonnés de tirer sur les zones civiles de Sarajevo les 28 et 29 mai
2 1992; D207, invoqué, oui, aux paragraphes 1 995 et 96.
3 Il est évident que Mladic trahit sciemment la vérité lorsqu'il dit
4 que ces conversations interceptées ont été fabriquées par des acteurs qui
5 pouvaient imiter "votre voix, ma voix, celle de n'importe qui", car il
6 savait que les conversations étaient sous écoute. Ces trois conversations
7 interceptées ont été authentifiées de manière fiable. Il s'agit de la pièce
8 confidentielle P1154, pages 69 à 73.
9 Pour G2 --
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de poursuivre, j'ai une question
11 au sujet de G1, mais avant de la reposer, je voulais demander si vous
12 pouviez nous re-projeter votre photo.
13 Une question à l'intention de la Défense. Dans votre mémoire final, vous
14 parlez du bâtiment MIS. Est-ce que c'est le bâtiment, la façade rouge dont
15 on a parlé ? Je pose la question parce que nous n'avions jamais entendu
16 parler de bâtiment MIS.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] F ou G ? Je ne comprends plus très bien. Il
18 faudrait que je consulte. Il s'agit de l'événement F, n'est-ce pas ?
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, les tirs embusqués, le bâtiment
20 MIS. Vous pouvez nous répondre plus tard.
21 Pour en revenir avec l'événement F11, Madame Gustafson. Est-ce que l'on
22 peut dire que pour l'Accusation on ne pouvait pas identifier la source des
23 tirs dans ce cas-ci ?
24 Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Nous
25 ne pouvons pas identifier la source précise des tirs compte tenu des
26 preuves contradictoires au sujet de l'endroit exact de l'attaque. Mais,
27 comme je l'ai dit, cela n'entache nullement nos moyens de preuve.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et le rapport des Nations Unies, P2421,
Page 47750
1 je me souviens qu'à l'époque les Nations Unies disaient que les tirs
2 venaient de très proche dans la mesure où le bruit était intense. Est-ce
3 que pourriez peut-être répondre à cela également.
4 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je ne sais pas
5 ce qu'ils entendent par "très proche", mais selon moi, c'est leur
6 conclusion, c'est que la source des tirs était située à 600 mètres, donc je
7 ne pense pas que l'on puisse vraiment parler de source de tirs extrêmement
8 proches dans ce contexte.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
10 Pour ma question au sujet du G1, je vous propose de passe brièvement à huis
11 clos partiel.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
13 [Audience à huis clos partiel]
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 47751
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 [Audience publique]
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous pouvons poursuivre.
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais à présent aborder G2. Lors de la
21 toute dernière phase de ce procès de cinq ans, l'accusé prétend pour la
22 première fois dans son mémoire que l'incident G2 est également suffisamment
23 précis pour qu'il puisse y répondre correctement. Cette contestation de
24 l'acte d'accusation dépasse le délai de plusieurs années, et la Défense
25 n'offre aucune explication au fait qu'elle n'a pas été soulevée
26 précédemment et montre pas que cela a nui effectivement à ses intérêts. Et
27 nous avons donc notre réponse du 11 septembre 2014 donné une réponse
28 similaire à celle que nous avions donnée pour d'autres contestations de
Page 47752
1 l'acte d'accusation.
2 Au paragraphe 1 998, la Défense prétend que l'acte d'accusation ne contient
3 qu'une référence --
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que cette décision
5 au sujet d'un défaut de l'acte d'accusation a été déposée ?
6 M. ROBINSON : [interprétation] Nous l'avons reçue au début de cette
7 session.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
9 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Donc l'accusé au paragraphe 1 998 déclare
10 que l'acte d'accusation ne contient pas de référence chronologique ou
11 géographique précise, et cet argument est spécieux car autant la date que
12 le lieu sont précisés.
13 Dans aucune des nombreuses requêtes contestant l'acte d'accusation, dont
14 une remonte à seulement il y a quelques semaines, l'accusé n'a soulevé la
15 question, ce qui indique qu'il a jamais considéré que ce manque de clarté
16 existait. Et son propre mémoire indique qu'il comprend effectivement
17 l'Accusation car il propose une ligne de défense à son sujet. Notamment, il
18 prétend que les opérations de combat du 6 juin avaient pour but de
19 repousser les attaques de l'ABiH; paragraphe 2 001.
20 Toutefois, même si l'on accepte l'existence de certains combats dans la
21 zone de Sarajevo le 6 juin, cela ne peut pas expliquer les tirs
22 d'artillerie sauvages, éparpillés, qui ont frappé toute la ville, le
23 pilonnage nocturne massif de la ville au moment où peu de cibles militaires
24 étaient visibles et le fait que le pilonnage ait surtout touché des parties
25 de la ville dépourvues de cibles militaires apparentes faisant de
26 nombreuses victimes civiles. Et tout cela peut être lu dans le détail dans
27 notre mémoire aux paragraphes 728 et 729.
28 Je vais à présent aborder l'événement G4, l'attaque au mortier du 1er juin
Page 47753
1 1993, qui a touché un groupe de 200 personnes assistant à un match de
2 football à Dobrinja. Aux paragraphes 2 002 à 2 008, la Défense se fonde
3 entièrement sur la déposition de Subotic pour dire que seul un obus, plutôt
4 que deux, ont été tirés à l'occasion de cet événement et ils ont été tirés
5 depuis le côté bosnien de l'ABiH de la ligne de front. Subotic a reconnu
6 que si un obus avait été tiré par l'ABiH dans ce cas, il aurait dû être
7 tiré depuis une distance maximum de 200 mètres, devant un bloc
8 d'appartement dans un quartier résidentiel. Ce qui n'est absolument pas une
9 hypothèse plausible.
10 D'abord, il est inconcevable que l'ABiH ait pu tirer deux obus de mortier
11 sur sa propre population à partir d'une distance de 200 mètres au maximum
12 dans une zone densément peuplée lors d'une journée ensoleillée, à un moment
13 où un groupe important de civils s'était rassemblé pour assister à un match
14 de football sans avoir été vus ni entendus. Qui plus est, si l'on tire de
15 si près, eh bien cela signifie qu'on a le risque que l'obus retombe sur
16 soi. Hammill explique que la zone de danger pour un obus de mortier de 81
17 millimètres est de 250 mètres.
18 Qui plus est, la Défense explique au paragraphe 2 007 que l'obus n'aurait
19 pas pu être tiré depuis des positions de la VRS. Et cela se fonde sur
20 l'analyse de Subotic qui est clairement non fiable. Par exemple, elle
21 estime sur la base de son examen d'un cratère datant d'il y a 17 ans, sans
22 aucun stabilisateur, "qu'il ne fait aucun doute que l'angle de descente
23 était supérieur à 65 degrés." D3542, paragraphe 44.
24 Cette affirmation est contredite par la propre déposition de Subotic car
25 dans un autre contexte, elle a expliqué que si le "cratère est un bon
26 cratère" et je cite, elle n'était que de déterminer "très
27 approximativement" l'angle de chute. Je cite là la page compte rendu 38
28 360. Même si un rapport des Nations Unies a enregistré clairement deux
Page 47754
1 cratères sur les lieux, pièce P1053, page 9, la Défense insiste sur le fait
2 que ce n'est pas le cas et se fonde sur l'affirmation bizarre de Subotic
3 disant que plus de deux ans et demi après cette attaque quelqu'un a creusé
4 de façon inexplicable un deuxième cratère dans l'asphalte à la main;
5 paragraphe 2005 et pièce D3542, paragraphe 38.
6 En résumé, la théorie de la Défense se fonde sur une analyse, et cela est
7 patent, qui n'est pas fiable et se fonde aussi sur l'idée qu'une équipe de
8 mortier de l'ABiH a commencé une mission suicide afin de tirer sur sa
9 propre population d'un poste adjacent sans avoir été détecté.
10 Passons à l'événement G7, 4 février 1994, trois obus de mortier ont atterri
11 parmi un groupe de civils qui faisaient la queue pour obtenir de l'aide
12 humanitaire à Dobrinja.
13 Dans ce cas-là, les experts balistiques ont analysé les cratères et ont
14 utilisé des méthodologies bien établies et ont déterminé que les obus
15 venaient du territoire du SRK à l'est.
16 La Défense avance, sur la base de l'analyse de Subotic, que cette
17 évaluation est très fausse, et qui vient d'une erreur de 90 degrés environ,
18 et que les obus ont été tirés du territoire de l'ABiH au nord; pièce D3542,
19 paragraphes 86 et 87.
20 Lorsque Subotic a mené son analyse, il n'y avait plus de restes de quel que
21 cratère que ce soit, et seules des photos de piète qualité et des séquences
22 vidéo étaient à disposition. A la lumière de cela, elle a simplement
23 [inaudible] les méthodologies bien acceptées, et a commencé à passer en
24 revue les éléments de preuve.
25 Par exemple, elle a présumé en se fondant sur cette photo, qui est la pièce
26 1710, page 23, reproduite dans la pièce D3542 du rapport, que la tache
27 noire sur l'aire de jeu que l'on voit, en bas à gauche de l'écran, était en
28 fait une parcelle de terre. Ensuite, elle a déclaré sur la base des mêmes
Page 47755
1 photos que cette terre a été jetée sur l'aire de jeu par un impact d'obus.
2 Elle a ajouté à ces suppositions que la terre avait été entassée, tassée,
3 et qu'un obus précédent a dû atterrir tout près pour modeler le sol, et
4 qu'ensuite c'est le deuxième obus qui a laissé cette trace-là. Elle a
5 ensuite affirmé qu'elle pouvait déterminer le sens des tirs d'un obus qui
6 ont provoqué ces traces de terre en examinant l'orientation de la terre sur
7 la photo. Alors, sur la base de cette analyse de la terre, elle a conclu
8 que l'obus venait du territoire de l'ABiH, et qu'en conséquence les
9 enquêteurs ont masqué l'existence de l'un de ces deux obus. Pièce D3542,
10 paragraphes 80 et 81.
11 Pour l'obus qui a atterri de l'autre côté de l'aire de jeu, nos enquêteurs
12 sur les lieux ont observé que l'empennage avait été fiché dans une
13 direction est-ouest, ce qui corrobore le sens des tirs déterminés par
14 l'analyse des cratères; pièce P1710, page 9. Cet empennage est repris ici,
15 nous l'avons entouré, image 78 de la pièce D3542, et, d'après la Défense,
16 au paragraphe 2 044, en se fondant sur la théorie de Subotic, même si
17 l'empennage était fiché dans un sens est-ouest, l'obus est venu du nord.
18 Subotic pensait "l'empennage avait déjà touché la surface, a fait ricochet,
19 et s'est retrouvé à cet endroit-là". Page 38 276 du compte rendu.
20 En d'autres mots, elle a affirmé, et cela est tout à fait impossible, que
21 l'obus venait de l'est, a fait ricochet, et ensuite a réussi à se
22 réorienter vers cet endroit-là et se ficher fermement dans l'asphalte et a
23 fait face à l'ouest -- désolée, elle a dit, et cela a été impossible, que
24 l'obus venait du nord, et pas de l'est, comme je l'ai dit.
25 Pour couronner le tout, Subotic a déclaré que cette image d'un autre
26 empennage révèle l'existence d'une lettre N, aux polices romaines, de
27 l'empennage. On lui a montré un élément comparatif de cette image arrêtée
28 avec une photographie de meilleure qualité, pièce P6324, et elle a convenu
Page 47756
1 qu'il n'y avait pas de lettre N qui était visible sur la photographie, mais
2 elle a refusé d'admettre que cette photographie était une image plus claire
3 et a refusé de revenir sur sa théorie de la lettre N, une théorie que la
4 Défense continue à avancer au paragraphe 2 045 de son mémoire.
5 Pour cet événement, la Défense a remplacé des méthodologies
6 scientifiques bien éprouvées par une théorie du maquillage, un empennage
7 qui a été propulsé par magie, et une image qui vient de nulle part.
8 Passons à l'événement G8, 5 février 1994, massacre de Markale. Des
9 enquêteurs locaux des Nations Unies ont déterminé que l'obus avait été tiré
10 avec un azimut d'environ 18 plus ou moins 5 degrés. L'équipe d'experts en
11 balistique de Zecevic a mesuré un angle de 60 degrés plus ou moins 5 pour
12 l'angle de chute.
13 Sur la base de la profondeur de l'empennage qui est fiché, là,
14 Zecevic a exclu la possibilité d'une des trois charges et a conclu en
15 conséquence que la portée était de 4 500 à 6 500 mètres, bien au-delà de la
16 ligne de confrontation qui se trouvait à 2 600 mètres. Cette conclusion est
17 confirmée par d'autres éléments de preuve qui sont repris au paragraphe 59
18 de l'annexe C de notre mémoire.
19 La Défense remet en question deux éléments principaux à ces
20 conclusions. Tout d'abord, la distance de l'emplacement de tir n'a pas dû
21 être établie parce que le cratère qui a été changé ne permettait pas de
22 mesurer un angle de chute précis. Et, deuxièmement, la Défense affirme que
23 l'on ne peut déterminer d'où le mortier a été tiré à partir de la position
24 de l'empennage dans le cratère; paragraphe 2 096. Alors, dans un effort de
25 mettre à mal le calcul de l'angle de chute de Zecevic au paragraphe 2 096,
26 la Défense se fonde sur les éléments de preuve d'Allsop, disant que l'angle
27 de l'empennage fiché ne peut pas être nécessairement le même que l'angle de
28 la trajectoire au moment de l'impact. La Défense ne tient pas compte,
Page 47757
1 cependant, qu'Allsop a confirmé la fiabilité du calcul de l'angle de chute
2 de Zecevic. A la page 29 508 du compte rendu, après avoir convenu que
3 l'angle de chute a dû être de 35 à 50 ou 85 degrés, on lui a demandé lors
4 de sa déposition qu'il a donnée à cette Chambre de première instance qu'il
5 incluait une marge d'erreur de 10 degrés, alors que lui, avait identifié
6 une marge d'erreur de 35 degrés. Sa réponse était oui. La question :
7 "Il s'agit là d'une marge d'erreur assez généreuse; êtes-vous
8 d'accord ?
9 La réponse :
10 "Oui.
11 "Q. Même si l'on devait accepter le point que vous avez abordé dans
12 votre rapport, ce que j'avance c'est que l'impact possible sur la
13 trajectoire du projectile provoqué par l'un de ces points pendant les 50
14 centimètres où il y a eu déplacement à grande vitesse avant de s'enficher
15 dans le sol a été bien largement pris en compte dans cette marge d'erreur
16 de plus de 33 %?
17 "R. Oui."
18 L'expert de la Défense a confirmé la fiabilité du calcul de l'angle
19 de chute de 55 à 65 degrés de Zecevic, la Défense n'a pu que contester le
20 calcul de la vitesse de Zecevic basé sur la profondeur de l'empennage qui
21 était fiché dans le sol. La Défense se fonde encore une fois sur le rapport
22 d'Allsop et ignore le fait qu'Allsop avait convenu que plusieurs de ces
23 objections théoriques ne pouvaient pas s'appliquer en l'espèce. Je vous
24 réfère à l'annexe C, paragraphe 60 de notre mémoire. Mais quoi qu'il en
25 soit, l'expert de la Défense Subotic pensait qu'un empennage fiché dans le
26 sol veut dire que l'obus doit avoir été tiré avec au moins une charge
27 trois; page du compte rendu 38 456. Zecevic a également expliqué qu'avec
28 une charge trois, un empennage pouvait ou ne pouvait pas, peut-être que
Page 47758
1 oui, peut-être que non, être enfiché, mais que si un empennage était
2 enfiché cela impliquait un minimum de trois charges; pages 12 174 à 12 175
3 du compte rendu.
4 Tenant compte des éléments de preuve qui seraient les plus favorables
5 envers la Défense, en se fondant sur des aveux de leurs propres témoins, à
6 savoir à supposer un lancement éventuel avec des charges de trois, quatre
7 charges à un angle maximum de 65 degrés, ce qui se traduit par une distance
8 de tir possible la plus proche de cela, la distance correspondante
9 correspondrait environ à 3 600 mètres; P2317, page 6, et ceci se situe
10 encore tout à fait l'intérieur du territoire de la SRK.
11 Dans son mémoire en clôture, aux paragraphes 2 091 à 2 091, la Défense se
12 plait à analyser le manquement de l'Accusation à indiquer une quelconque
13 neutralité ou qualification de la part d'Allsop. La Défense n'a absolument
14 pas compris l'argument en question, à savoir qu'Allsop a confirmé la
15 fiabilité de la conclusion-clé de Zecevic à l'angle de descente.
16 La seule possibilité offerte à la Défense en l'espèce concerne une théorie
17 du complot qui implique un obus de mortier placé à un angle prédéterminé
18 sur une place de marché où il a beaucoup de monde, une explosion statique,
19 un événement qui aurait été mis en scène, et ils auraient placé des corps,
20 des cadavres, et l'empennage, et ils auraient fiché manuellement
21 l'empennage dans le goudron avec une pelle. Nous avons abordé cette théorie
22 avec David Harland, décrit comme particulièrement bizarre, au paragraphe 45
23 de l'annexe C de notre mémoire. Maintenant, G9, 22 décembre 1994, deux obus
24 d'artillerie de 76 millimètres qui ont touché le marché aux puces de
25 Bascarsija.
26 La thèse de la Défense essentielle, aux paragraphes 2 119 à 2 121, avance
27 que cette attaque a été entièrement mise en œuvre. Cette thèse exige que
28 les Juges de la Chambre admettent que les autorités de Bosnie aient réussi
Page 47759
1 à placer un obus d'artillerie et une pile de TNT au milieu de cette place
2 du marché très encombrée et qu'ils auraient réussi à faire exploser à
3 distance sans que cela ne puisse être décelé par quiconque. Ensuite,
4 pendant deux heures et 40 minutes, alors que les enquêteurs étaient sur les
5 lieux, D554, page 2, ils ont réussi à mettre en scène une dissimulation
6 élaborée, y compris l'excavation du cratère dans le goudron; paragraphe 2
7 120.
8 Ce qui est censé avoir été être fait sous les yeux de représentants
9 officiels des Nations Unies qui ont assisté à l'enquête, D554, page 2; 2126
10 [comme interprété], paragraphe 47, qui apparemment n'ont rien remarqué.
11 La Défense a également avancé quelque chose de contradictoire et a estimé
12 qu'il n'avait pas été établi que l'origine du tir provenait de la partie
13 bosno-serbe plutôt que la partie bosno-musulmane, paragraphe 2 122, et ils
14 se reposent ici sur des conclusions dans d'autres affaires.
15 Les éléments en l'espèce montrent néanmoins que ces obus ont été tirés
16 depuis un fusil ou à partir d'un fusil B-1, 76 millimètres, de la région de
17 Trebevic/Vidikovac sur le territoire de la SRK. Telle a été la conclusion à
18 laquelle sont parvenus les enquêteurs à l'époque, se fondant non seulement
19 sur une analyse balistique, mais également sur le fait que plusieurs
20 personnes avaient entendu les obus qui était tirés depuis ce secteur, D554,
21 de Trebevic.
22 En outre, la VRS tenait des positions de tir à Vidikovac pendant toute la
23 durée de la guerre. A l'annexe C, paragraphe 61 du mémoire en clôture de
24 l'Accusation. La SRK possédait au moins 14 fusils de 76 millimètres B-1
25 dans le secteur de Sarajevo, P5056, y compris un dans le secteur de
26 Hresa/Vidikovac et plusieurs près de Lukavica; P1021. Entre-temps, D779, un
27 ordre de mars 1995 de la SRK précise que le 1er Corps de l'ABiH ne
28 possédait qu'un seul fusil B-1 de 76 millimètres qui se trouvait dans le
Page 47760
1 secteur de Bijela Ljeska. Et cette carte de la SRK, P1021, identifie
2 l'emplacement dudit fusil. A gauche, vous trouverez la partie agrandie de
3 la carte où l'emplacement est identifié. Et ici, le T signifie "le haut" ou
4 "fusil" en B/C/S et clairement fait référence à un fusil de 76 millimètres.
5 Et à droite de l'image, il est clair que ce fusil se trouvait au sud-ouest
6 de Sarajevo et en dehors de la ville encerclée, et donc inaccessible aux
7 forces de l'ABiH.
8 Ceci est confirmé de surcroît par la pièce P5968. Au mois de janvier 1994,
9 un ordre d'attaque de la SRK qui identifie les pièces d'artillerie connues
10 de l'ABiH à Sarajevo, et n'énumère pas un seul fusil B-1 de 76 millimètres.
11 Il n'y a pas un seul élément de preuve crédible indiquant que la
12 responsabilité de l'ABiH serait engagée en l'espèce. Tous les éléments de
13 preuve pertinents concernant cette attaque, outre les éléments de preuve,
14 montrent qu'il y a eu un modèle récurrent d'attaques menées par la SRK et
15 pointent vers la responsabilité de la SRK.
16 Ce qui m'amène à parler de G19, le 28 août 1995, le massacre de Markale.
17 Concernant cette attaque et contrairement aux affirmations de la Défense,
18 les éléments de preuve excluent manifestement la possibilité que l'obus ait
19 pu être tiré du côté de l'ABiH, de la ligne de confrontation. Les
20 observateurs militaires qui se trouvaient à des postes d'observation à
21 proximité n'ont vu ni entendu aucune activité de tir provenant du
22 territoire de l'ABiH. Si cela avait été tiré depuis les lignes bosniennes,
23 cela aurait certainement été entendu par des personnes qui se trouvaient à
24 OP1; Konings P1953, paragraphes 23, 90, 91, et T9308, 9310. Pour Konings,
25 Smith, Turkusic et Higgs, le poste d'observation OP1 signifiait que
26 l'origine du tir se trouvait sur le territoire de la SRK. Paragraphe 65 de
27 l'annexe C du mémoire en clôture de l'Accusation.
28 Le propre expert de la Défense, Subotic, était d'accord pour dire que le
Page 47761
1 fait que les UNMO n'ont pas entendu le mortier sortant "écartait" la
2 possibilité que l'obus ait pu être tiré depuis le territoire de l'ABiH;
3 D3551, paragraphe 111 et 114(e).
4 En outre, même si la Défense au paragraphe 2 148 se fonde sur l'affirmation
5 de Demurenko pour avoir personnellement exploré "des milliers de mètres
6 carrés sur l'ensemble de la pente" du mont Trebevic et n'a pu constater
7 aucun éventuelle position de mortiers de la SRK, même Demurenko ne pensait
8 pas qu'il s'agissait là d'une affirmation plausible. Page du compte rendu
9 d'audience 29 928.
10 L'autre théorie de la Défense est encore une explosion mise en scène et une
11 explosion statique telle qu'élaborée par Subotic est typiquement sans
12 fondement. Par exemple, la Défense fait valoir aux paragraphes 2 140 à 2
13 141 qu'il y avait des empennages multiples qui ont été retrouvés sur les
14 lieux et que cela se fonde essentiellement sur la comparaison de Subotic
15 des différentes images montrant différentes orientations de l'amorce de
16 l'empennage à partir duquel elle a conclu que ceci était très semblable,
17 mais qu'il s'agit en réalité d'empennages différents; D3551, paragraphe
18 103. Et cette image, la figure 108 du rapport, montre ses comparaisons et
19 l'orientation des amorces.
20 Cependant, lorsqu'on a remis l'empennage dans le prétoire à Subotic, elle
21 était d'accord pour dire qu'elle pouvait déplacer l'amorce librement avec
22 ses propres doigts; pages du compte rendu d'audience 38 574 et 38 579. A-t-
23 elle concédé à ce moment-là qu'il y avait une théorie d'empennages
24 multiples et quasi-authentiques qui ont été retrouvés sur les lieux et que
25 ceci était sans fondement ? Non. Elle a, encore une fois alors qu'elle
26 était là, élaboré la théorie du complot en insistant qu'il est "certain"
27 qu'après les faits, "quelqu'un avait délibérément vissé et dévissé
28 l'anneau." Pages du compte rendu d'audience 38 592 à 38 593.
Page 47762
1 Au paragraphe 2 127, la Défense fait sienne les conclusions de
2 Subotic qui sort clairement son champ de compétences déclarées disant qu'il
3 n'y avait pas suffisamment de sang sous le corps de la victime qui
4 correspondrait à la taille de sa blessure; D3551. Mais ni la Défense ni
5 Subotic n'appuie son rapport qui expliquait sa théorie. Et Karadzic, dans
6 le contre-interrogatoire de M. Turkusic concernant ces mêmes images, a
7 expliqué sa position. Karadzic disait que l'essentiel de ces corps était en
8 fait de vieux cadavres qui avaient été jetés sur la scène, "mis en place
9 aux fins de mise en scène de cette explosion." Pages 9 093 à 9 096.
10 Ainsi, la Défense nous dit très clairement qu'à la suite de cette
11 explosion, les autorités de Bosnie avaient réussi à transporter des
12 cadavres stockés, ramassés auparavant avec des blessures qui
13 correspondaient grossièrement aux blessures suites à l'explosion d'un
14 mortier sur la scène de l'explosion et les avait mis en place au milieu du
15 carnage, et ceci aussi au su et au vu de dizaines, douzaines de témoins,
16 sans avoir été vu. Comme M. Turkusic l'a dit lorsque cette théorie lui a
17 été présentée, il a dit ce type de "spéculation", c'est le terme qu'il a
18 utilisé, "est la seule chose qui pourrait être encore plus monstrueuse que
19 la scène elle-même". Page 9 096.
20 Je passe maintenant aux bombes aériennes modifiées. Comme nous l'avons dit
21 dans notre mémoire vers la fin de cette campagne de terreur, le SRK a
22 commencé à lancer des bombes aériennes modifiées sur la ville. Ce sont là
23 des armes très destructives et hautement imprécises qui ont été utilisées
24 pour terroriser la population civile. Paragraphes 772 à 776.
25 La Défense prétend au paragraphe 2 389 que l'Accusation n'aurait
26 jamais contre-interrogé Subotic sur ces incidents, ces bombes aériennes
27 répertoriées et se serait livrée plutôt à des "théories théoriques
28 futiles", mais ceci est non seulement faux, mais est hors champ.
Page 47763
1 L'Accusation a dit à Subotic que pour chaque incident répertorié, elle a
2 dit que son analyse "des cibles les plus probables" consiste à voir où
3 était tombé le projectile et ensuite essayer de trouver un objet militaire
4 proche. Subotic a confirmé cela. Elle a expliqué, car on ne lui avait pas
5 donné des documents de la VRS à l'appui de son analyse de la cible la plus
6 probable, analyse, "qui n'avait rien à voir avec une doctrine militaire ou
7 quoi que ce soit de ce type". Elle a également défini ses prétendues
8 cibles, "car chacune se trouvait soit sur la trajectoire ou proche de la
9 trajectoire du projectile". Page 38 533 à 38 535.
10 L'interrogatoire révèle donc qu'il n'y a pas eu de base factuelle
11 indépendante sous-tendant cette thèse des cibles les plus probables. Et
12 ceci, d'ailleurs, démontre que l'analyse de Subotic sur la précision des
13 bombes aériennes était tout à fait circulaire, car elle se fonde sur une
14 analyse fondée sur la distance entre le point d'impact et la cible la plus
15 probable; D3540, paragraphe 151. En d'autres termes, Subotic a identifié
16 les objets les plus proches du point d'impact de la bombe aérienne dont
17 elle pouvait éventuellement dire qu'il avait une quelconque utilité
18 militaire, et ensuite elle affirme qu'il s'agissait de la cible visée par
19 la bombe aérienne. Et elle conclut que les bombes aériennes étaient précise
20 puisqu'elles atterrissaient tellement proche de ces objets, objets qu'elle
21 identifie parce qu'ils étaient proche de l'impact. Dans son mémoire, la
22 Défense s'accroche à cette méthodologie circulaire, exemple au paragraphe 2
23 382, tout en n'expliquant pas comment deux armes imprécises, des fusées non
24 guidées et des bombes aériennes, seraient rendues plus précises en les
25 tirant ensemble, et ceci de manière totalement improvisée.
26 Et la Défense fait fi également des différentes raisons pour
27 lesquelles les bombes aériennes étaient encore moins précises que les armes
28 qu'ils transportent, raisons que nous avons expliquées dans notre mémoire
Page 47764
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 47765
1 au paragraphe 708. La Défense fait l'impasse également sur le fait que ses
2 propres témoins l'aient reconnu, tel que Veljovic, qui a reconnu que les
3 bombes aériennes modifiées pouvaient manquer leurs cibles de loin et donc
4 ne pouvaient être utilisées dans des zones urbaines. On ne pouvait les
5 utiliser car il y avait "un risque de pouvoir abattre nos propres hommes ou
6 des civils." Pages 29 269 à 29 270. Ou Demurenko qui a dit dans une
7 interview que ces bombes aériennes modifiées étaient des armes constituées
8 d'éléments liés qui atterrissaient "où Dieu le voulait". P5925, page 3.
9 Et la Défense fait l'impasse également sur des confirmations de
10 l'époque de l'imprécision de ces armes présentées par le SRK, P1310, et
11 rapport du SRK expliquant que lorsqu'un lancement de bombes aériennes
12 modifiées avait été avorté suite aux risques de tomber sur des soldats du
13 SRK qui étaient à un demi kilomètre de la cible.
14 Les arguments de la Défense concernant les tests et la vérification
15 des éléments constitutifs des BAM, aux paragraphes 2 349, 2 354 et 2 385
16 sont sans pertinence. La question est que ces BAM constituaient une
17 combinaison fort imprécise d'éléments tout aussi imprécis, improvisés.
18 Et la thèse selon laquelle ces BAM auraient fait l'objet de --
19 paragraphes 2 550, est fondé uniquement sur un témoignage vague et pro domo
20 de Milosevic qui, en tous les cas, n'a donné aucune indication de la nature
21 de ces prétendus tests. P32771 à 32773.
22 Et même si ces éléments de preuve de test étaient pris au premier
23 degré, c'est loin d'équivaloir à ce que l'expert de la Défense Andjelkovic-
24 Lukic a dit concernant des essais qui auraient dû durer 7 à 8 ans pour de
25 nouveaux systèmes d'armes. T31494.
26 La Défense avance des arguments non étayés par les preuves disant que
27 l'ABiH avait utilisé des BAM, ceci est fondé sur des thèses non étayées par
28 les preuves vagues par des officiers du SRK, qui défendent leurs propres
Page 47766
1 intérêts et ceci n'a aucun lien, même lointain, avec les événements
2 répertoriés ou non.
3 La Défense fait donc l'impasse aussi sur les preuves à charge disant
4 que l'ABiH n'avait pas utilisé et ne disposait pas de BAM à Sarajevo, page
5 705 de notre mémoire, et la Défense a reconnu dans son mémoire que le SRK
6 avait tiré des BAM au cours de G10, G11 et G12.
7 La Défense a dit que le recours à ces BAM "n'était pas l'intention du
8 SRK ni du commandant du corps de terroriser les civils", paragraphe 2 356,
9 c'est une manœuvre de diversion. L'acte d'accusation dit que Karadzic et
10 d'autres membres accusés d'avoir fait de l'ECC étaient animés de
11 l'intention précise de répandre la terreur.
12 Et donc, le seul but du déploiement de ces bombes aériennes modifiées
13 à Sarajevo était de terroriser la population civile, tel qu'indiqué dans
14 une analyse de l'époque de la FORPRONU indiquant qu'il s'agissait d'armes
15 de terreur "hautement destructives, imprécises et tuant à l'aveuglette."
16 P896.
17 Sans questions de votre part, Mesdames, Messieurs les Juges, voilà
18 qui termine mon intervention.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons prendre
20 une pause d'une heure, et nous reprendrons à 1 heure 40.
21 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 41.
22 --- L'audience est reprise à 13 heures 45.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, on m'a dit que
24 l'Accusation avait passé sept heures et 35 minutes jusqu'à présent à
25 présenter ses conclusions, le temps qu'il vous reste est de deux heures et
26 25 minutes. Pensez-vous pouvoir terminer vos plaidoiries de clôture dans ce
27 délai ?
28 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Je pense que nous pouvons terminer dans
Page 47767
1 les deux heures 25 qui nous restent.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que nous siégerons une heure 15
3 pour chacun pour la suite, donc nous étendons les séances d'une demi-heure.
4 Bien, je donne la parole à Mme Pack.
5 Mme PACK : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
6 Monsieur les Juges. Je vais vous parler de l'entreprise criminelle commune
7 aux fins d'éliminer la population musulmane bosnienne à Srebrenica.
8 Karadzic est responsable pénalement des assassinats de plus de 7 000 hommes
9 et jeunes garçons musulmans de Bosnie et des atteintes graves subies par
10 des milliers d'hommes, de femmes, et d'enfants musulmans de Bosnie.
11 Karadzic est responsable pénalement de génocide.
12 A partir de la nuit du 11 juillet 1995, lui-même et Mladic mettaient en
13 place les structures et les moyens d'exécution de leur objectif d'éliminer
14 et de détruire la population musulmane bosniaque à Srebrenica. Plus de 7
15 000 hommes et jeunes garçons de Musulmans ont été exécutés sommairement en
16 quatre jours, et le reste de la population, des femmes, de jeunes enfants,
17 et des hommes plus âgés, ont été expulsés par la force de l'enclave de
18 Srebrenica en deux jours. Il s'agissait d'opérations délibérées, calculées,
19 et bien organisées.
20 Madame, Messieurs les Juges, au cours de cette plaidoirie au cours de son
21 procès, Karadzic a essayé de minimiser le pouvoir et l'influence qu'il
22 exerçait en juillet 1995. Mais la vérité est qu'il était président et
23 commandant suprême des forces armées. Il supervisait les opérations à
24 Srebrenica. Il a dirigé les opérations à Srebrenica. Il a autorisé et
25 approuvé chaque étape importante tout au long. Il avait le pouvoir et le
26 contrôle sur chaque institution de l'Etat qui a participé aux meurtres et
27 aux expulsions par la force de toute autre personne. Il avait le pouvoir et
28 le contrôle sur l'armée, la police, et les autorités civiles locales. Ils
Page 47768
1 lui ont constamment rendu compte des opérations à Srebrenica. Il a été tenu
2 au courant constamment du déroulement des événements et des opérations à
3 Srebrenica. Et son pouvoir garantissait qu'ils coopèrent et qu'ils
4 coordonnent leurs actions. Son pouvoir garantissait que personne n'ait
5 jamais ouvert d'enquête sur les meurtres au cours de son règne au pouvoir,
6 et que les crimes ont ensuite été couverts, que les corps ont été enterrés
7 à nouveau, et que la communauté internationale ait été tenue à l'écart
8 jusqu'à ce qu'il soit trop tard.
9 La Défense de Karadzic a dit qu'il n'était pas au courant et que dès lors
10 il ne pouvait être animé de la moindre intention. Que son intention de tuer
11 n'a vu le jour que le 13 juillet après les meurtres à l'entrepôt de
12 Kravica. Il accuse ensuite Beara, Mladic, et l'état-major principal de la
13 VRS. Madame, Messieurs les Juges, Beara et Mladic sont coupables, leur
14 culpabilité n'exculpe en rien Karadzic.
15 Tout d'abord, je vais vous parler des prétentions de Karadzic selon
16 lesquelles il dit ne pas avoir été au courant et n'avoir pas eu la moindre
17 intention. J'aurai l'occasion de développer des arguments concernant sa
18 participation à la JCE aux fins d'éliminer. C'est de là que l'on pourra
19 déduire son intention criminelle. Je vous renvoie au mémoire de
20 l'Accusation, paragraphes 876 à 1 069, où nous présentons toutes les
21 contributions importantes à cette entreprise criminelle commune d'éliminer
22 tous les Musulmans bosniaques musulmans, paragraphes 1 096 à 1 100, où nous
23 parlons de son intention criminel. Je parlerai également des arguments
24 incroyables développés par la Défense, disant que la conduite de Karadzic
25 était exemplaire, qu'il n'était pas au courant de ce qui s'était produit de
26 ces exécutions massives, qu'il n'en ait été au courant qu'après la guerre,
27 que son plan de tuer les hommes et les garçons musulmans après les meurtres
28 de Kravica. Et je parlerai également des arguments concernant la JCE
Page 47769
1 globale et la JCE tendant à éliminer. Enfin, je vais parler des arguments
2 de Karadzic sur le chef d'accusation de transfert forcé à Srebrenica. Et,
3 enfin, je reviendrai au chef de génocide concernant Srebrenica.
4 Permettez-moi, tout d'abord, de remonter à avant 1995. Il avait longtemps
5 souhaité l'expulsion de la population musulmane bosniaque de Srebrenica. Je
6 vous renvoie à la directive 4 et aux paragraphes du mémoire de l'Accusation
7 paragraphes 414 à 419 et l'appendice A, et le résumé de Podrinje,
8 paragraphes 2 et 3.
9 Par cette directive 7, Karadzic avait donné l'ordre d'une attaque soutenue
10 contre la population civile dans l'enclave de Srebrenica par la privation
11 et le règne de la peur et la capacité de leurs protecteurs de l'ONU.
12 Le 28 mai 1995, Karadzic avait donné l'ordre à Mladic de se préparer à
13 saisir l'enclave de Srebrenica, ensuite il a approuvé une attaque de grande
14 ampleur. Et le 8 juillet, il a donné l'ordre à Krstic d'aller "en avant
15 toute". Pièce 4484. Le 9 juillet, il a ordonné l'attaque et la prise de la
16 ville de Srebrenica. P2276.
17 Karadzic avait donc l'intention de forcer la population musulmane à quitter
18 l'enclave de Srebrenica. L'après-midi du 11 juillet, alors que l'armée
19 entrait à Srebrenica, Gvero, un officier de l'état-major principal, a
20 appelé Karadzic deux fois pour lui faire rapport. Tout d'abord en disant
21 que :
22 "Tout se passait selon le plan, qu'il ne devait pas s'inquiéter.
23 P4629.
24 Et 20 minutes plus tard :
25 "Monsieur le Président, l'argent serbe, l'église serbe et le drapeau
26 serbe." P4630.
27 Gvero donc indiquait que le drapeau serbe était ici à Srebrenica. Donc,
28 Karadzic savait précisément quand Srebrenica est tombée. Mémoire 887 à 889
Page 47770
1 [comme interprété]. Cette nuit-là, lui et Mladic ont mis au point les
2 structures et les moyens pour mettre en place un nouveau plan commun par
3 rapport à Srebrenica. Il s'agissait de l'entreprise criminelle commune
4 tendant à éliminer les Musulmans de Bosnie à Srebrenica en tuant tous les
5 hommes et les garçons et en expulsant par la force la population qui
6 restait.
7 Animé de cette intention, Karadzic avait donc bien le plan d'expulser la
8 population musulmane et son plan a un peu évolué. Les hommes musulmans
9 devaient être identifiés, séparés de leurs familles, et exécutés. Karadzic
10 avait donc bien l'intention de les tuer. Karadzic avait l'intention de
11 détruire la population musulmane bosniaque de Srebrenica. Cette intention,
12 cette intention génocidaire peut être déduite de ses actions, de ses
13 paroles, de son pouvoir, de son contrôle sur tout un chacun qui a participé
14 à l'opération de Srebrenica, son approbation et l'autorisation des actes
15 perpétrés par ses subordonnés à chaque moment crucial, ses contributions
16 importantes apportées à l'entreprise criminelle commune tendant à éliminer
17 la population musulmane bosniaque à Srebrenica.
18 Karadzic a donc dirigé les opérations de Srebrenica, et le 13 juillet il a
19 donné l'ordre que les hommes musulmans soient déplacés de Bratunac à
20 Zvornik, où ils ont été assassinés en cachette. Mémoire de l'Accusation,
21 paragraphes 959 à 966.
22 Le 12 juillet à Potocari, l'horrible séparation des hommes et des garçons
23 musulmans de leurs familles a été entamée. Ces séparations ont fait partie
24 intrinsèque des opérations de meurtre et d'expulsion par la force. J'y
25 reviendrai.
26 Le 13 juillet, Mladic a parlé à Karadzic au téléphone entre 5 heures et 6
27 heures 40 du soir, s'il y avait des témoins et des photos ont été prises.
28 Mladic était sur le terrain. Il a dit - il était sur le terrain - que
Page 47771
1 Srebrenica était finie. Il fit rapport à Karadzic en disant que l'expulsion
2 par la force était terminée. En effet, le rapport était précis. Ils ont
3 parlé de promouvoir Krstic, et Krstic fut en effet promu juste avant 8
4 heures ce même soir commandant du Corps de la Drina. Karadzic a pris un
5 décret le lendemain. Mémoire de l'Accusation, paragraphes 949 à 954.
6 Un peu plus tôt dans l'après-midi, à 3 heures 50, Karadzic avait rencontré
7 Tomislav Kovac, le ministre de l'Intérieur faisant fonction ou adjoint et
8 commandant des forces de la police. Je vous renvoie au mémoire de
9 l'Accusation, paragraphes 441 [comme interprété] à 448 [comme interprété].
10 Cette réunion a duré 20 minutes. Kovac est parti à 4 heures 10. Ensuite, il
11 s'est rendu directement sur le terrain. Il a rencontré Mladic à Vlasenica,
12 à moins de 100 kilomètres de Pale. Vous le verrez sur la carte P4941, page
13 5.
14 Les subordonnés de Karadzic, le chef de la police et le chef de l'armée, se
15 sont réunis le 13 juillet à Vlasenica après que Kovac ait rencontré
16 Karadzic à Pale. Madame, Messieurs les Juges, cette réunion ne peut être le
17 fruit du hasard. Et au moment où Kovac et Mladic se sont réunis dans la fin
18 de l'après-midi du 13 juillet, il y avait plus de 7 000 hommes musulmans
19 détenus par les Serbes de Bosnie, y compris 6 000 hommes appartenant à la
20 colonne des hommes qui était partie de Srebrenica la nuit du 11 juillet.
21 P4945, page 1.
22 Plus de 1 100 [comme interprété] hommes ont été déplacés vers l'entrepôt de
23 Kravica où ils ont été assassinés. Et Karadzic a bien sûr dû être informé
24 des meurtres dans l'entrepôt de Kravica pratiquement tout comme il a été
25 informé de toute étape importante au courus des opérations de Srebrenica.
26 Je vous renvoie à l'argument de la Défense, paragraphes 3 031 à 3 038.
27 La nuit du 13 juillet, Kovac a logé à l'hôtel Vidikovac à Zvornik. C'est à
28 ce moment-là que le convoi des hommes musulmans s'est arrêté le lendemain
Page 47772
1 matin, le 14 juillet, en route vers des sites de détention et d'exécution à
2 Zvornik. La sécurité de ce convoi était autorisée par la police civile, les
3 subordonnés de Kovac; paragraphe 982 du mémoire de l'Accusation.
4 Madame, Messieurs les Juges, de quoi Mladic et Kovac ont-ils pu bien
5 discuter lorsqu'ils se sont réunis fin de l'après-midi du 13 juillet à
6 Vlasenica ? De l'opération de meurtre. C'est la seule déduction possible à
7 l'examen des éléments de preuve car cela s'est produit dans l'heure ou dans
8 les deux heures après leur réunion, dans l'heure ou les deux heures après
9 la conversation téléphonique de Karadzic et Mladic, tant Karadzic et Mladic
10 avaient donné l'ordre de déplacer les hommes et les jeunes gens musulmans
11 de Bratunac à Zvornik, où ils allaient être tués du 14 au 16 juillet. C'est
12 la seule déduction possible que vous tirerez, à savoir que Karadzic a
13 envoyé Kovac sur le terrain pour rencontrer Mladic, pour collaborer dans
14 cette opération de meurtre et ensuite pour faire rapport, ce qu'il a fait
15 le 14 juillet.
16 Vous avez donc des preuves directes de l'ordre donné par Karadzic à
17 Deronjic pour veiller au déplacement de prisonniers à Zvornik, un appel
18 téléphonique a été intercepté à 8 heures 10 de l'après-midi le 13 juillet.
19 Deronjic a dit à Karadzic qu'il y avait à peu près 2 000 hommes détenus à
20 Bratunac, et qu'il y en aurait encore plus au cours de la nuit. Et Karadzic
21 a donné des instructions par le biais d'un intermédiaire en code. Vous
22 pouvez le voir sur la diapositive.
23 "Toutes les marchandises doivent être placées à l'intérieur de l'entrepôt
24 avant midi demain.
25 "Pas dans les entrepôts là-bas mais ailleurs."
26 Il s'agit de la pièce P6692, page 11 [comme interprété], mémoire en clôture
27 de l'Accusation, 955 [comme interprété] à 956 [comme interprété].
28 Karadzic a concédé que ceci s'est déroulé dans son mémoire en clôture, il
Page 47773
1 parle des prisonniers. Je veux parler du mémoire en clôture de la Défense,
2 paragraphes 3 025 à 80.
3 Pourquoi a-t-il utilisé cet euphémisme ? Pourquoi parler à Deronjic en
4 langage codé ?
5 Madame, Messieurs les Juges, cette conversation interceptée ne
6 constitue pas une preuve pour dire que Karadzic a donné des ordres pour que
7 les prisonniers musulmans soient emmenés au camp de Batkovic. Je vous
8 renvoie à son allégation au paragraphe 3 280 du mémoire en clôture de la
9 Défense.
10 La seule déduction possible est que Karadzic a donné des ordres à Deronjic
11 pour s'assurer que les prisonniers soient dissimulés à l'intérieur du
12 centre de détention de Zvornik, ce qui concorde avec l'ordre précédent de
13 Mladic à cet effet; paragraphe 995 du mémoire en clôture de l'Accusation,
14 et avec ce qui s'est passé. Le premier convoi de prisonniers est parti en
15 direction de Zvornik cette nuit-là, et le reste le lendemain matin. Cette
16 nuit-là, Deronjic a rencontré les subordonnés de Karadzic de l'armée et la
17 police, Beara, qui était le subordonné direct de Mladic, et Vasic, qui
18 était le subordonné direct de Kovac. Deronjic a dit à Beara au sujet des
19 instructions de Karadzic que les prisonniers devaient être emmenés à
20 Zvornik. Madame, Messieurs les Juges, la Défense déforme la déposition de
21 Nikolic au sujet de sa réunion, au paragraphe 3 039 du mémoire en clôture
22 de la Défense. Il ne s'agit pas de dire que Beara a informé Deronjic de son
23 plan qui visait à tuer des prisonniers. Note en bas de page 6 398 du
24 mémoire en clôture de la Défense.
25 Le sort des prisonniers à ce moment-là était scellé. Discussion entre
26 Beara et Deronjic, nous intéresse ici. Il s'agit de savoir, non pas où mais
27 s'ils allaient être tués. Je renvoie à N. Nikolic, page du compte rendu
28 d'audience 24 678, 24 878.
Page 47774
1 Madame et Messieurs les Juges, le CICR a pu accéder aux prisonniers
2 du camp de Batkovic le 26 juillet. Ils ont été immatriculés, il n'y avait
3 164 Musulmans de Bosnie et de Srebrenica. Ceci est référencé au mémoire en
4 clôture de l'Accusation, paragraphe 1 046.
5 Le 14 juillet dans la matinée, le convoi de prisonniers musulmans a été
6 arrêté à l'hôtel de Vidikovac de Zvornik, où Kovac a passé la nuit la
7 veille. Mémoire en clôture de l'Accusation, paragraphes 980 à 983.
8 Kovac s'est rendu à Bratunac et Srebrenica. Il a rencontré Borovcanin
9 dont les subordonnés avaient tué les prisonniers à l'entrepôt de Kravica,
10 la veille, et Dragomir Vasic, chef du poste de sécurité publique de
11 Zvornik. Confer au paragraphe 942 du mémoire en clôture.
12 A Pale, Karadzic a rendu une décision déclarant qu'il y avait un état de
13 guerre à Srebrenica, dans la municipalité de Skelani; P4553, paragraphes
14 988 à 991 du mémoire en clôture de l'Accusation. Le but était de faciliter
15 l'emploi du personnel civil et du matériel de l'armée à Bratunac et à
16 Zvornik pour tuer et enterrer les personnes en question. A 12 heures 40,
17 Karadzic a rencontré Deronjic, qui avait été nommé commissaire civil de
18 Srebrenica le 11 juillet. Je vous renvoie au journal de Karadzic P2242,
19 page 91.
20 Et Karadzic a certainement dû informer Deronjic, a certainement dû
21 l'informer de la mise en oeuvre de l'ordre de Karadzic qui lui avait été
22 transmis, à savoir que les prisonniers musulmans devaient être transportés
23 à Zvornik avant midi ce jour-là. Et en fin d'après-midi, en fin de journée,
24 Karadzic a reçu un appel téléphonique du commandant qui se trouvait sur le
25 terrain. Il a été informé de la colonne d'hommes musulmans. Cet appel a été
26 entendu par le témoin à charge, Robert Djurdjevic. Paragraphe 1 000 du
27 mémoire en clôture de l'Accusation.
28 Ensuite Kovac est retourné à Pale. Il a rencontré Karadzic à 10 heures 45.
Page 47775
1 Madame, Messieurs les Juges, la seule déduction raisonnable possible est
2 que Kovac a informé Karadzic des événements importants qui se déroulaient
3 alors dans les secteurs de Zvornik et de Bratunac. Il a parlé des
4 opérations meurtrières et de l'exécution de l'ordre de Karadzic, à savoir
5 de déplacer les hommes musulmans et les garçons de Bratunac à Zvornik, de
6 façon à ce qu'ils puissent être tués. Il s'agit du mémoire en clôture de
7 l'Accusation, paragraphes 943 à 948.
8 Ce jour-là, les meurtres organisés à Zvornik ont commencé. Environ 1
9 000 hommes à Bratunac [comme interprété] ont été tués, environ 1 000 hommes
10 à Petkovci ont été tués.
11 Madame, Messieurs les Juges, les subordonnés de Karadzic, notamment Mladic,
12 la police, le MUP et Deronjic, faisaient en sorte que Karadzic était
13 informé de chaque étape importante du progrès ou de l'avancement des
14 opérations de Srebrenica, pendant l'attaque, le jour de la chute de
15 Srebrenica, lorsque la population était déplacée, lorsque des milliers de
16 prisonniers musulmans ont été détenus, lorsque les prisonniers ont été
17 transportés à Zvornik et pour y être tués, et cela ne s'est pas arrêté là.
18 Le lendemain, le 15 juillet, à 10 heures du matin, Beara a été entendu lors
19 d'une conversation interceptée s'adressant à Krstic. Il a dit, P5074, page
20 1 :
21 "Je ne sais pas quoi faire, je suis sérieux. Il y a encore 3 500 colis que
22 je dois distribuer…"
23 "Des colis" était un autre euphémisme pour désigner les prisonniers. Beara
24 expliquait qu'il avait encore 3 500 prisonniers qu'il devait tuer.
25 Le 16 juillet, lorsque les meurtres de plus de 1 000 hommes à la ferme de
26 Branjevo se déroulaient, Milenko Karisik, chef du service de la sécurité
27 publique de la police, s'est rendu à Zvornik. De là, il a informé Karadzic
28 que le commandant de la Brigade de Zvornik, à savoir Pandurevic avait
Page 47776
1 négocié un cessez-le-feu avec l'armée musulmane et qu'un couloir provisoire
2 pour permettre aux hommes musulmans de passer en territoire détenu par les
3 Musulmans en sécurité. Karadzic a appelé l'état-major, il était inquiet,
4 car ceci semblait s'écarter du plan, le plan qui visait à tuer les hommes.
5 L'état-major devait recueillir sa permission, son approbation. D2002, et
6 P5076. Mémoire en clôture de l'Accusation, paragraphes 1 002 à 1 011.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voulez parler de quel type de
8 permission ? Il fallait recueillir la permission du président pour faire
9 quoi ?
10 Mme PACK : [interprétation] Alors pour changer le cours des choses. Il y
11 avait une opération meurtrière qui se déroulait, le fait d'ouvrir le
12 corridor signifie que certains hommes et garçons musulmans pouvaient
13 s'échapper par ce corridor.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'y reviendrai peut-être. Veuillez
15 poursuivre.
16 Mme PACK : [interprétation] Karadzic avait le pouvoir de vie et de mort sur
17 les hommes musulmans de Bosnie et de Srebrenica. Mais il n'a pas exercé ce
18 pouvoir le 16 juillet pour arrêter les meurtres. Il a appelé ses
19 subordonnés pour découvrir pourquoi certains hommes musulmans avaient pu
20 s'échapper.
21 Vous vous souviendrez certainement que le 6 août, lorsque le monde
22 entier était au courant de ces exécutions en masse, Karadzic a simplement
23 exprimé un regret par rapport à Srebrenica, en disant que 9 000 hommes
24 avaient pu s'échapper. Et il a dit :
25 "9 000 Turcs armés dans les montagnes, dans les bois, c'est une
26 division aéroportée, 9 000 personnes, c'était une attaque aéroportée. Et
27 pour finir 7 000 combattants ont réussi à passer à travers les mailles du
28 filet. Nous n'avons pas pu encercler l'ennemi et le détruire, car nous nous
Page 47777
1 sommes précipités à Zepa". P1412, page 17.
2 Cette déclaration est la preuve de son intention génocidaire.
3 Madame, Messieurs les Juges, Karadzic contrôlait l'accès à Zvornik et
4 à Bratunac et aux sites de crime, mais il tenait la communauté
5 internationale à l'écart de façon à ce que les meurtres puissent être menés
6 à bien sans être contrôlés. Mémoire en clôture de l'Accusation, paragraphes
7 1 022 à 1 026, et 1 034 à 1 039.
8 Le 17 juillet, il a gracié un petit groupe d'hommes musulmans qui
9 était resté à Potocari. Après que les dernières femmes et enfants avaient
10 quitté l'enclave, après que les hommes et les garçons avaient été tués
11 entre le 13 et 16 juillet, pas pour une quelconque raison humanitaire, mais
12 simplement pour détourner l'attention de la communauté internationale de
13 l'enclave. Madame, Messieurs les Juges, il s'agit là d'un de ces ordres
14 "exemplaires" que cite Karadzic au paragraphe 3 127 de son mémoire en
15 clôture, il cite la pièce P4390.
16 Le 17 juillet, lorsque plus de sept [comme interprété] hommes
17 musulmans avaient été tués et avaient été enterrés, Karadzic a été entendu
18 à CNN. David Frost, qui l'a interviewé, a posé une question au sujet des
19 hommes musulmans. Nous pouvons voir cette séquence vidéo.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
22 "Alors qu'en est-il des chiffres que nous avons pu entendre dans les
23 médias sur les 15 000 personnes, hommes portés disparus, qui n'ont pas été
24 retrouvés de Srebrenica et que vous les avez quelque part, vous en disposez
25 quelque part ?
26 Eh bien, aujourd'hui et hier, nous avons ouvert nos lignes et de
27 nombreux hommes ont pu entrer en territoire musulman, nombreux d'entre eux
28 sont des combattants, et notre commandant local leur a permis de passer de
Page 47778
1 l'autre côté, ils passent même ce soir. Nombre d'entre eux sont dans les
2 bois, ils tentent d'atteindre le territoire contrôlé par les Musulmans.
3 Nous n'intervenons pas. Nous ne souhaitons pas nous battre avec eux parce
4 qu'ils n'ont pas l'intention de prendre notre territoire. Ils souhaitent
5 partir."
6 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
7 Mme PACK : [interprétation] Il s'agit de la pièce P5235, pages 2 et 3.
8 Vous avez entendu Karadzic dire que les hommes musulmans portés
9 disparus : Eh bien, que nombre d'entre eux se trouvaient dans les bois et
10 qu'ils tentaient d'atteindre le territoire contrôlé par les musulmans. Il
11 mentait, bien sûr. Mais il n'a pas dit à David Frost que : Les hommes
12 musulmans sont dans le camp de Batkovic, comme je l'ai ordonné le 13
13 juillet, lorsque j'ai parlé à mon subordonné Deronjic en langage codé.
14 Pourquoi pas, Madame, Messieurs les Juges ? Parce que telle est sa
15 thèse. Je vous renvoie au mémoire en clôture de la Défense, paragraphe 3
16 280. Eh bien, la réponse est simple : parce qu'il savait que ces hommes
17 étaient morts - il avait approuvé et autorisé leurs meurtres.
18 Aujourd'hui, il nous dit qu'il ne connaissait pas ou n'était pas au
19 courant des inquiétudes qu'exprimait la communauté internationale ou, en
20 tout cas, qu'il ne croyait pas ces allégations. Je vous renvoie au mémoire
21 en clôture de la Défense, paragraphes 3 129 à 3 142.
22 Madame, Messieurs les Juges, l'Accusation a abordé la mesure dans
23 laquelle Karadzic a communiqué avec la presse internationale dans le
24 mémoire en clôture de l'Accusation aux paragraphes 1 026, 1 037 à 1 039, 1
25 081 à 1 083.
26 Karadzic était au courant des allégations et des inquiétudes des
27 allégations faites par la communauté internationale et de leurs
28 inquiétudes. Ce que nous avons pu constater dans l'interview avec David
Page 47779
1 Frost le 17 juillet. Je vous renvoie également au mémoire en clôture de
2 l'Accusation aux paragraphes 1 025, 1 043 à 1 046, 1 071 à 1 074, 1 080 à 1
3 083.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je marque une pause parce que j'estime
5 qu'il s'agit d'un passage très important. Eu égard à cette transcription
6 d'une séance de l'assemblée, page 17, de la pièce 1412, lors de ces
7 déclarations liminaires, M. Tieger a dit que M. Karadzic était en colère
8 parce qu'une partie de la colonne avait réussi à s'échapper, et maintenant
9 vous dites que c'était le seul regret qu'il avait, mais ce n'est pas
10 quelque chose ou l'expression n'a pas été utilisée dans votre mémoire en
11 clôture. Veuillez développer cela. D'où vient cet avis que M. Karadzic
12 était en colère ou qu'il regrettait le fait que certains membres de la
13 colonne avaient réussi à s'échapper ? Sur quoi vous fondez-vous ?
14 Mme PACK : [interprétation] D'après le libellé. Eh bien, pour dire que la
15 seule déclaration qui est fait concernant les milliers d'hommes musulmans
16 de Srebrenica, eh bien, que cela c'était une division aéroportée. Alors que
17 9 000 ont réussi à passer et qu'ils sont revenus au sein d'une division --
18 ils n'ont pas réussi à encercler l'ennemi et les détruire. C'est la même
19 chose le regret et la colère. Lorsque je parle de "regret" ce que je veux
20 dire c'est que c'était après les événements de Srebrenica, sa seule
21 expression d'un quelconque sentiment. La colère, et le regret que certains
22 hommes musulmans avaient réussi à s'échapper dans le corridor et que
23 Pandurevic dans son allocution en a parlé devant l'assemblée.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et dans cette allocution devant
25 l'assemblée il a dit : "Nous n'avons pas réussi à encercler et à détruire
26 l'ennemi."
27 En tant que tel ceci n'équivaut pas à un génocide.
28 Mme PACK : [interprétation] Il ne va pas dire devant l'assemblée, Nous
Page 47780
1 n'avons pas réussi, comme nous avons fait avec les 7 000 autres, et de les
2 exécuter sommairement et de les enterrer dans les fosses communes. Donc, il
3 s'agit là de la preuve de son intention génocidaire, car il était en colère
4 que certaines personnes avaient réussi à s'échapper. Donc, il savait que
5 tous les autres avaient été tués, et donc il s'agit là d'une preuve car ce
6 qu'il dit il parle de sa colère et de son regret, car chaque homme et
7 garçon musulman n'a pas été tué. Et son intention était d'éliminer toute la
8 population bosno-musulmane en tuant les hommes et les garçons. Et donc
9 certains ont pu s'échapper, et c'est cela qui le mettait en colère.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous demande de bien vouloir
11 télécharger la pièce P5076, conversation téléphonique entre l'état-major et
12 Palma que vous avez citée.
13 Alors, en attendant l'affichage dudit document, vous avez également évoqué
14 la pièce D2002 [comme interprété] où Karadzic aurait appelé l'état-major et
15 où il est dit que :
16 "Le président a appelé il y a quelques instants et a dit qu'il avait été
17 informé par Karisik que Pandurevic avait organisé le passage des Musulmans
18 en ce territoire-là."
19 Au vu de cela, j'ai quelques difficultés à interpréter une ou deux phrases
20 qui se trouvent au début de cette conversation interceptée. Ici, les gens
21 de l'état-major -- dit : Je dois obtenir la permission du patron principal
22 et du chef d'Etat. Vous avez évoqué cela, et moi je vous ai dit que j'y
23 reviendrais. En sachant que la colonne était déjà passée en territoire
24 musulman, alors quel type de permission avaient-ils besoin, je veux parler
25 de quel type de permission de l'état-major ?
26 Mme PACK : [interprétation] Alors, nous constatons que dans la chronologie
27 des événements au niveau des conversations interceptées, que l'état-major
28 envoie Popovic pour qu'il aille parler à Pandurevic, et Karisik est dans la
Page 47781
1 région. Il découvre ce qui s'est passé avant. Semble-t-il que l'état-major
2 est au courant. L'information parvient à Karadzic. Il répond. Il contacte
3 l'état-major. Et manifestement, il faut comprendre ce qui se passe dans le
4 secteur de Zvornik pour pouvoir s'assurer qu'il y a approbation parce qu'il
5 y a un changement -- il y a le 9 juillet, il y a Tolimir qui avait --
6 l'état-major avait proposé à Karadzic d'attaquer la ville si les conditions
7 étaient réunies et Karadzic a donné son approbation. Il s'agissait là d'un
8 changement au niveau de l'opération militaire concernant l'ordre de
9 l'attaque de Krivaja 95, il s'agissait : De prendre le contrôle de la
10 ville. Et son approbation était nécessaire, comme elle l'était le 9
11 juillet, et comme elle l'était à tout moment ou à chaque fois qu'il y avait
12 une décision importante qui devait être prise lors des opérations de
13 Srebrenica.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, cette permission avait-elle un
15 quelconque lien avec la colonne ?
16 Mme PACK : [interprétation] Oui, tout à fait. Ceci devait permettre le
17 passage de la colonne. Et l'état-major téléphone et souhaite savoir ce qui
18 se passe parce qu'il a été informé quasiment en temps réel et assez
19 rapidement par Karisik parce que Karisik est avec Pandurevic. Ils étaient
20 ensemble à Zvornik; chose que nous avons entendu. Et il a une information
21 de première main qu'il communique à Karadzic. Nous savons que cette
22 information est exacte car nous avons vu que Vasic l'en informe quasiment
23 en même temps, qu'il avait la capacité d'en informer Karadzic, et que cet
24 appel a eu lieu, que Karadzic a reçu l'information, que l'information lui
25 provenait de ses différentes sources, il avait différents canaux de
26 communication. Et lorsqu'il a reçu cette information-là, avant même que
27 l'état-major était tout à fait au courant de ce qui se passait, il a
28 répondu à ce moment-là à cette information qu'on lui avait communiquée, il
Page 47782
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 47783
1 est rentré directement en contact avec l'état-major.
2 C'est ainsi, en tout cas, nous le décrivons dans le mémoire en clôture de
3 l'Accusation aux paragraphes 1 002 à 1 011. Ces actions étaient censées
4 s'écarter de façon superficielle du plan qui consistait à mener à bien ces
5 meurtres. Pandurevic n'avait pas recueilli l'approbation de Karadzic et/ou
6 de l'état-major de la VRS, donc il fallait contacter Pandurevic puisqu'il
7 fallait l'approbation de Karadzic.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je m'en tiens là. Merci, Madame Pack.
9 Mme PACK : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vais regarder
10 le compte rendu pour savoir où j'en étais.
11 Alors, j'allais parler des ordres exemplaires. Mesdames, Messieurs les
12 Juges, je vais parler des trois allégations précises faites que j'ai
13 évoquées au début de ma présentation : les ordres de Karadzic étaient
14 exemplaires. C'est ce qui est allégué au paragraphe 3 127 du mémoire en
15 clôture de la Défense. Il note sept décisions et ordres au paragraphe 3
16 127. Il n'y a rien d'exemplaires dans ces ordres. Les cinq premiers ordres
17 sont abordés dans le mémoire en clôture de l'Accusation. L'ordre du 9
18 juillet, P2276, est traité aux paragraphes 876 à 879. Il s'agit de l'ordre
19 d'attaquer la ville de Srebrenica. La décision du 11 juillet, D2055 et
20 P2994, se trouve aux paragraphes 900 à 908. Il s'agit de décisions visant à
21 mettre en place les structures civiles de Srebrenica.
22 Karadzic avait nommé son subordonné, Miroslav Deronjic, pour s'occuper des
23 civils musulmans. Il s'agissait de quelqu'un qui avait déjà procédé à des
24 nettoyages ethniques et qui était un vétéran. Karadzic n'avait pas
25 l'intention lorsque ses ordres étaient assortis d'instructions d'adhérer au
26 droit international humanitaire. Et le droit humanitaire n'a en réalité pas
27 été respecté par ses subordonnés, et pas du tout. Il s'agissait d'une
28 adhésion feinte au respect du droit international. Il s'agit ici de ce
Page 47784
1 qu'il dit au mémoire de l'Accusation, aux paragraphes 879, 902. Il en va de
2 même pour la décision du 14 juillet, P4553. C'est la déclaration de l'état
3 de guerre. J'en ai parlé. Nous traitons de cela au paragraphe 988 jusqu'à
4 991 dans notre mémoire.
5 L'amnistie accordée aux fonctionnaires musulmans locaux de Potocari,
6 la Défense invoque P4390, est traitée aux paragraphes 1 030 à 1 033 du
7 mémoire de l'Accusation.
8 Karadzic invoque deux ordres supplémentaires. Le premier, P4967, daté
9 du 22 juillet. A la note de bas de page 6510 du mémoire de la Défense. Le
10 22 juillet, c'est-à-dire après le déplacement forcé de la population
11 musulmane de Bosnie. Il faut la lire dans le contexte de la pièce de
12 l'Accusation P4966. A ce moment-là, vous vous rendrez compte que cela
13 traite du vol de victuailles et d'équipement de la base des Nations Unies à
14 Potocari après le départ des Nations Unies. Deronjic a dit qu'il
15 obtiendrait un ordre de Karadzic pour s'occuper du problème, et il l'a fait
16 presque immédiatement. C'est ce que montre la lecture conjointe de la pièce
17 P4967 et P4966.
18 Ensuite, le deuxième ordre est la pièce à conviction P4968, note de
19 bas de page 6511 du mémoire de la Défense, daté du 25 juillet 1995. Ici,
20 encore, il date d'après le déplacement forcé de la population musulmane de
21 Srebrenica. Il porte sur le passage de convois humanitaires vers les
22 Musulmans à Gorazde, pas Srebrenica, et ne comporte aucune justification
23 humanitaire. Il s'agit simplement d'assurer le passage des convois d'aide
24 humanitaire vers les Serbes installés dans d'autres zones et d'empêcher les
25 forces de l'OTAN de bombarder les positions de la VRS. Ce document montre
26 que Karadzic était en contact téléphonique direct avec Krstic et que
27 lorsqu'un ordre venait de Karadzic, l'armée était censée obéir.
28 Sous menace de poursuite, c'est ce que dit le document :
Page 47785
1 "Nous allons prendre des mesures disciplinaires contre…" et suite de
2 la citation, "et intenter des poursuites contre ceux qui s'opposent à
3 l'accomplissement ou la réalisation des obligations du Corps de la Drina."
4 Deuxième allégation spécifique que je vais aborder, Monsieur le
5 Président, est la suivante : Karadzic dit qu'il ne savait rien car les
6 rapports écrits qui lui parvenaient ne faisaient aucune référence à
7 l'exécution de prisonniers de Srebrenica. Mémoire final de la Défense,
8 paragraphe 3 083 à 3 085 et 3 091 à 3 107. Il a convoqué des témoins pour
9 confirmer qu'il ignorait totalement tout cela, des témoins tels que Kovac,
10 Tolimir et Gordan Milinic, qui sont des menteurs, des génocidaires et
11 d'infâmes suppôts. Nous avons décrit les lignes du compte rendu,
12 officielles et officieuses, qui mènent à Karadzic, aux paragraphes 843
13 [comme interprété] à 854 du mémoire. Je vais réitérer la position du
14 Procureur : Karadzic était tenu informé lors des opérations de Srebrenica
15 par téléphone et contact personnel avec ses subordonnés dans l'armée, dans
16 la police, et au sein des autorités civiles locales, et ces contacts
17 téléphoniques et personnels étaient complétés par des rapports écrits.
18 L'état-major principal soumettait des rapports écrits à Karadzic au sujet
19 des prisonniers. Je renvoie au mémoire de l'Accusation, au paragraphe 852.
20 Le 12 juillet, Karadzic a été informé que la VRS et le MUP, leurs
21 unités plus exactement "avaient organisé des embuscades pour détruire les
22 extrémistes musulmans qui ne s'étaient pas rendus." P3054, pages 3 et 4.
23 Le 13 juillet, Karadzic a été informé que des hommes musulmans
24 s'étaient rendus "en très grand nombre". P4464, page 3. Le 14 juillet,
25 Karadzic a été informé que les unités du Corps de la Drina "nettoyaient le
26 terrain" et faisaient prisonniers des "nombres importants de fugitifs
27 musulmans". P4457, page 3.
28 Sur la seule base de ces rapports écrits, Karadzic était au courant
Page 47786
1 de l'existence de grand nombre de prisonniers. Où pensaient-ils donc qu'ils
2 avaient été emmenés ? Au camp de Batkovic ? Karadzic déclare qu'il n'avait
3 aucune raison de savoir, à la mi-août, qu'un nombre important d'hommes et
4 de garçons musulmans avaient été exécutés. Je renvoie au mémoire de clôture
5 de la Défense, paragraphe 3 111. Mais il a reçu un rapport de la commission
6 d'échange des prisonniers de guerre daté du 12 août 1995, qui disait qu'il
7 ne se trouvait pas plus que quelques centaines d'hommes musulmans de
8 Srebrenica au camp de Srebrenica [comme interprété]. P4975, pages 2 et 3,
9 et je renvoie au mémoire de l'Accusation, paragraphe 1 047, note de bas de
10 page 3782.
11 Et, de fait, entre août et la fin décembre 1995, seuls 170 Musulmans
12 du camp de Batkovic ont été échangés. P5440.
13 S'il ignorait véritablement les crimes de Srebrenica, pourquoi
14 Karadzic n'a-t-il pas donné l'alarme en août 1995 ? Où se trouvaient les
15 hommes et garçons de Srebrenica ? Pourquoi Karadzic n'a-t-il pas alors
16 ordonné une enquête ?
17 A présent, je vais aborder ce que dit la Défense sur le moment où le
18 projet de meurtre est apparu. Je renvoie au mémoire de la Défense,
19 paragraphes 2 449 à 2 518. Karadzic cherche à esquiver toute responsabilité
20 des meurtres de l'entrepôt de Kravica et même des meurtres à Zvornik pour
21 les faire endosser aux prisonniers musulmans qui ont cherché à fomenter une
22 "mutinerie", dit-il, à l'entrepôt de Kravica, ce qui a déclenché le
23 massacre de plus de 1 000 hommes. Je renvoie au mémoire de la Défense,
24 paragraphes 2 450, 2 451 et 2 518.
25 Des meurtres organisés ont été commis le 13 juillet sur la rivière
26 Jadar, à l'entrepôt de Kravica, dans le pré de Sandici et à l'école de Luke
27 près de Tisca. Ces meurtres organisés sont décrits dans la description des
28 événements de Srebrenica, paragraphes 49 à 79. Nous avons expliqué pourquoi
Page 47787
1 ils ont été commis aux fins de la réalisation de l'entreprise criminelle
2 commune visant à éliminer. Nous avons expliqué pourquoi les meurtres de
3 l'entrepôt de Kravica ont été prémédités, organisés et commis dans
4 l'accomplissement de ce plan. Je ne vais pas répéter cet argumentaire qui
5 figure dans notre mémoire.
6 Toutes les preuves indiquent l'existence d'un plan visant à tuer les
7 hommes et garçons musulmans de Srebrenica, qui a été exécuté à Potocari,
8 dès le moment où les hommes et garçons ont été séparés de leurs familles le
9 12 juillet. Nous abordons cela dans la description de Srebrenica,
10 paragraphes 14, 19, et 23, et 25 à 27. C'est ce qui avait été annoncé à
11 Momir Nikolic lors de ses conversations avec Popovic, Kosoric et Jankovic,
12 le matin du 12 juillet. Ces conversations sont décrites dans le mémoire de
13 l'Accusation, aux paragraphes 916 à 919. Je ne vais pas entrer dans les
14 détails. Et, Madame, et Messieurs les Juges, c'est ce qui s'est
15 effectivement produit, le mémoire de la Défense n'a fait naître aucun doute
16 raisonnable à ce sujet.
17 Je vais à présent aborder quatre sujets. Premièrement, les meurtres sur la
18 rivière Jadar; deuxièmement, les communications interceptées invoquées par
19 la Défense; troisièmement et quatrièmement, la séparation des Musulmans,
20 des hommes et garçons musulmans.
21 Premièrement, les meurtres sur la rivière Jadar. La Défense prétend qu'ils
22 n'ont pas condamné ni effectué une constatation de fait sur la base de la
23 déposition de KDZ065 sur l'exécution sur la Jadar le 13 juillet. Voir
24 mémoire de la Défense, paragraphe 2 494 à 2 495. Nous avons abordé les
25 meurtres de la rivière Jadar et les aspects du témoignage de KDZ065, ils
26 sont corroborés dans la description des événements de Srebrenica;
27 paragraphes 49 à 53. Je vous renvoie également aux paragraphes 39, 40 de
28 cette même description des événements de Srebrenica.
Page 47788
1 En tout état de cause, nous affirmons que les preuves de la Défense ne
2 remettent pas en cause, n'annulent pas les faits jugés autour de cet
3 événement au motif d'absence de crédibilité, de fiabilité. La Défense ne
4 peut remettre en cause un fait jugé que lorsqu'on introduit des "preuves
5 contraires qui sont fiables et crédibles". Je vous renvoie au paragraphe 42
6 de la décision de la Chambre d'appel, le 16 juin 2006, sur l'appel
7 interlocuteur de l'Accusation sur la décision de constat judiciaire dans
8 l'affaire Karemera.
9 Et nous avons traité des preuves de la Défense dans la description de
10 Srebrenica et dans le tableau de crédibilité des témoins, annexe F, pages
11 184 et 194, 195.
12 Toutefois, si vous estimez que les faits jugés relatifs à la rivière
13 Jadar doivent être annulés et que vous estimez que la déposition de KDZ065
14 n'est pas corroborée, comme nous le disons, à ce moment-là nous abordons
15 votre question 8, comme l'a prévu M. Tieger. Je vais vous donner lecture de
16 la question.
17 "Quelle est la position de l'Accusation en ce qui concerne l'utilisation de
18 preuve au titre de l'article 92 non corroborée aux fins de constatations
19 factuelles ou constatations de faits ?"
20 Pour répondre à cette question, je renvoie au mémoire de la Défense, au
21 paragraphe 2 494, au sujet de la rivière Jadar. Il est exact de dire que la
22 Chambre de première instance dans l'affaire Blagojevic a refusé d'effectuer
23 une constatation de fait sur la base de preuve 92 bis non corroborée, et
24 cela portait sur les meurtres en annexe et énumérés sur la rivière Jadar.
25 Toutefois, il existe une jurisprudence du TPIY pour justifier l'idée selon
26 laquelle la Chambre peut invoquer une systématicité dans des événements
27 similaires ou corollaires pour corroborer, pour trouver une force
28 corroborative suffisante pour justifier une condamnation. Et, je parle
Page 47789
1 spécifiquement ici des meurtres sur la Jadar, notamment annexe EA1 de
2 l'acte d'accusation, en particulier, je vous renvoie au jugement en appel
3 Kupreskic, aux paragraphes 329 à 332. La Chambre d'appel a estimé qu'une
4 preuve basée sur une systématicité peut offrir la corroboration nécessaire
5 aux autres formes de preuves présentées lors du procès.
6 Cette approche concorde avec l'approbation d'une condamnation de la
7 Chambre d'appel de Stakic au chef du meurtre de 77 Croates à Brisevo, des
8 circonstances qui étaient les seules preuves soutenant la constatation
9 admise au titre de l'article 92 bis. Ici, comme pour l'événement de Stakic,
10 l'un des nombreux meurtres justifiant les condamnations pour les chefs
11 d'extermination, et persécution constituait précisément dans cet événement.
12 Je vous renvoie au paragraphe 200 de ce jugement.
13 Et vous pouvez, vous devriez faire un même constat de fait en ce qui
14 concerne l'incident ou l'événement de la Jadar. Les exécutions sur la Jadar
15 le 13 juillet étaient analogues aux autres meurtres organisés du même jour
16 à l'entrepôt de Kravica, au pré de Sandici, et à l'école de Luke. Les
17 meurtres organisés contenaient tous les mêmes éléments communs. Les auteurs
18 étaient des forces serbes de Bosnie, les victimes étaient des Musulmans de
19 Bosnie, les meurtres appelaient une coordination entre des forces de la VRS
20 et du MUP, des bus ont été utilisés pour transporter les victimes vers les
21 sites d'exécution, et les meurtres ont eu lieu dans le contexte d'une
22 opération ou de l'opération de meurtre. Les similarités et la suite des
23 événements dans ces meurtres et la preuve qu'ils sont tous liés permettent
24 de corroborer le récit de KDZ065. C'est ce que nous voulions dire au sujet
25 de cette question qui porte sur la rivière Jadar.
26 Deuxièmement, en ce qui concerne le projet de meurtre, la Défense invoqué
27 une conversation interceptée, D2197, au paragraphe 2 468, du mémoire en
28 clôture de la Défense. Cette conversation interceptée relève que Beara a
Page 47790
1 dit à 11 heures 25 le 13 juillet, que les prisonniers seraient envoyés à
2 Batkovic. Cela ne correspond pas aux véritables intentions de Beara. Les
3 prisonniers n'ont pas été envoyés à Batkovic. Beara était à l'époque un
4 participant actif de l'entreprise criminelle commune visant à éliminer.
5 Dans une conversation interceptée une heure avant, à 10 heures 09, il a
6 donné des instructions au sujet de la détention d'hommes musulmans à
7 Konjevic Polje et a déclaré que les Musulmans se tuent eux-mêmes. On lui a
8 dit cela, il a répondu :
9 "Excellent, qu'ils continuent, merde." Voilà, c'est D2204, page 2,
10 et P5354, page 3.
11 Je vais aborder les deux derniers sujets ensemble. Le mémoire de la
12 Défense indique premièrement qu'il existait des efforts visant à trier et à
13 enregistrer des prisonniers, ce qui montre que l'existence d'un plan de
14 meurtre à partir du 12 juillet n'est pas la seule conclusion raisonnable à
15 tirer de ces preuves. Deuxièmement, il n'existe aucune preuve de
16 confiscation systématique de documents d'identité. Je renvoie aux
17 paragraphes 2 470 jusqu'à 2 479, et 2 511 du mémoire de clôture de la
18 Défense.
19 Il n'existait en fait aucun processus de tri digne de ce nom. Je renvoie à
20 la description de Srebrenica, paragraphe 22. Les jeunes hommes, les enfants
21 étaient séparés de leurs familles à Potocari. C'est le témoignage de
22 Rutten, il a dit que des enfants, de 2 ans parfois, étaient séparés. P3948,
23 paragraphe 49; et compte rendu d'audience T22040 et 22046. Et il y a
24 également le témoignage de Kingori, P4140, paragraphes 170 et 171. Et je
25 vous renvoie également à la déposition de Sera Ibisevic, P401, page 8; et
26 de Samina Salcinovic [phon], P404, page 13. Aucun effort n'a été consenti,
27 sauf à Nova Kasaba, et j'y reviendrai, pour consigner les identités des
28 prisonniers musulmans qui avaient été mis en détention. Il existe des
Page 47791
1 preuves de la confiscation systématique de documents d'identité et ces
2 documents ont été détruits. Le 12 juillet, Boering a vu des cartes
3 d'identité, passeports, éparpillés dans un coin à la maison blanche à
4 Potocari. P3969, pages 122 à 123 et page 183. Le 13 juillet, Rutten a vu
5 des tas de cartes d'identité, de passeports à même le sol, à l'extérieur de
6 la maison blanche. P3948, paragraphes 55, 63 et 89. Il a déclaré que des
7 enfants, parfois aussi jeunes que 12 ans, ont été forcés sous la menace des
8 armes à rendre leurs cartes d'identité. Compte rendu d'audience 22 040. Il
9 a observé que l'on brûlait les documents d'identité des garçons et hommes
10 musulmans le soir du 13 juillet. P3948, paragraphe 66, et compte rendu
11 d'audience 22 041, 22 042 et P3961. Le 12 juillet, Kingori a vu que les
12 hommes étaient obligés de remettre leurs cartes d'identité. P4140, aux
13 paragraphes 173, 174 et compte rendu d'audience page 22 813. Il a dit que
14 ça signifiait beaucoup :
15 "Cela indiquait que quelque chose de grave allait se produire…",
16 P4140, paragraphe 175.
17 Il existe des preuves de confiscation systématique ou d'élimination
18 systématique des cartes d'identité à l'extérieur de Potocari, à Bratunac.
19 Je renvoie à la déposition KDZ039; P3940, page 28. A Konjevic Polje, le 13
20 juillet, je renvoie au témoignage de KDZ065, P336, pages 12 et 13; et
21 KDZ045, compte rendu d'audience page 22 679 jusqu'à 22 680 et 22685.
22 Karadzic invoque la déposition de deux survivants; paragraphe 2 511
23 du mémoire de la Défense. Premièrement, KDZ039 qui s'est fait retirer sa
24 carte d'identité à Bratunac. J'ai déjà parlé de sa déposition. L'autre,
25 KDZ167, il ne s'est pas vu retirer ses documents d'identité à Potocari et à
26 Bratunac. C'est vrai. Il avait aussi laissé sa carte d'identité chez lui.
27 Référence P354, pages 73 et 74.
28 Madame, Monsieur les Juges, j'ai parlé tout à l'heure de Nova Kasaba.
Page 47792
1 Mladic a dit à des prisonniers de Nova Kasaba le 13 juillet qu'ils seraient
2 échangés, que ce n'étaient pas des criminels, qu'ils iraient déjeuner à
3 Bratunac, qu'il organiserait des groupes pour récupérer les blessés dans
4 les bois, et que les personnes décédées seront enterrées là où leurs
5 familles le voudraient. Et dans ce contexte, il a ordonné à ses soldats
6 d'établir une liste de prisonniers. Une caméra a filmé cela pendant qu'il
7 le disait. Ensuite, ses soldats ont roué de coups, ont frappé, ont donné
8 des coups de pied à un prisonnier avec des crosses de fusil. L'un l'a
9 abattu d'un pistolet. Mladic n'a pas réagi. Karadzic se fonde sur ces
10 éléments de preuve n'est un mensonge éhonté de Mladic pour prouver qu'il
11 n'y avait pas de plan pour tuer les hommes. Non. Je fais référence au
12 mémoire de la Défense, paragraphe 2 474; et le descriptif de Srebrenica,
13 paragraphe 43, le fait jugé 1623; le témoignage de KDZ333, la pièce P4342,
14 pages 10 et 11.
15 Deux derniers points sur la question des séparations. Premièrement,
16 Karadzic se fonde sur une liste de 387 criminels de guerre supposés, daté
17 du 12 juillet, comme élément de preuve pour montrer qu'il y avait un
18 véritable processus de tri, et qu'il n'y avait pas de plan de tuer les
19 hommes. Je fais référence au mémoire de la Défense, paragraphe 2 473 et
20 pièce D1957. Vous ne pouvez pas déduire cela sur la base de cette liste.
21 S'il y avait eu un processus de tri véritable, pourquoi tous les hommes et
22 les garçons qui ont été séparés à Potocari ont-ils été emmenés à Bratunac;
23 je vous renvoie à la page du compte rendu 22 181. Deuxièmement, Karadzic se
24 fonde sur les éléments de preuve montrant que Resid Sinanovic a été
25 interrogé en qualité de suspect de crimes de guerre, mémoire de la Défense,
26 paragraphe 2 476, et sur le fait que Beara ait dit à Zlatan Simanovic
27 [phon] [comme interprété] le 12 juillet de voir s'il n'y avait pas de
28 criminels de guerre qui étaient sous leur garde. Je fais référence là
Page 47793
1 encore au mémoire de la Défense, paragraphe 2 477.
2 Madame, Monsieur les Juges, Sinanovic se trouvait sur la liste à laquelle
3 la Défense fait référence. D1957. Il apparaît à la ligne 121. Le 13
4 juillet, il a été interrogé par Zlatan Celanovic, le juriste de la Brigade
5 de Bratunac. Celanovic s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de fondement
6 pour le garder prisonnier ou pour le poursuivre. Je fais référence là à la
7 pièce P377, pages 10 et 12, déposition de Cilanovic, et pages du compte
8 rendu 24 658 et 59 de la déposition de M. Nikolic.
9 Mais Sinanovic n'a pas été libéré comme à quoi on pourrait s'attendre
10 lors d'un processus de tri véritable. Il a été détenu à Bratunac. Il a
11 ensuite été envoyé à Zvornik. Il s'est échappé. Il a échappé aux exécutions
12 de Kozluk. Il s'est échappé dans le fleuve Drina. Il a été réarrêté,
13 renvoyé à Zvornik, et puis, il a été assassiné à l'exploitation agricole de
14 Branjevo ou au centre culturel de Pilica le 16 juillet. Nous reprenons son
15 histoire dans le descriptif de Srebrenica, aux paragraphes 85 à 88. A part
16 un groupe de cinq à sept prisonniers qui ont été emmenés parallèlement à
17 Sinanovic, Celanovic n'a interrogé personne d'autre à Bratunac; pièce P377,
18 pages 8 et 9, 13, 20, 21 et 76.
19 S'il y a un doute dans votre esprit quant à l'objectif de la
20 séparation des hommes et garçons musulmans à Potocari, j'aimerais vous
21 rappeler le témoignage d'une mère de Srebrenica connue dans cette affaire
22 sous le pseudonyme KDZ265. Le Témoin KDZ265 a perdu son mari et deux de ses
23 fils. Elle a décrit le moment où son garçon de 14 ans lui a été enlevé à
24 Potocari. Elle a déclaré qu'elle a dû passer par une sorte de haie
25 d'honneur. Et ensuite, à mi-chemin, quelqu'un a dit :
26 "Popovic, regardez celui-là." Il parlait de son fils. Elle a dit à
27 son fils :
28 "Ne t'inquiètes pas, mon garçon, continue."
Page 47794
1 L'un des soldats est sortie de la haie d'honneur et a dit à son fils
2 de se rendre à gauche. Son fils lui a dit :
3 "Pourquoi moi ? Je suis né en 1981."
4 Ensuite, elle a déclaré à propos de son fils :
5 "Il avait une sorte en main et le soldat lui a dit de jeter le sac
6 vers la droite et de se rendre à gauche, mais je l'ai pris par la main, et
7 il ne cessait de me répéter 'Je suis né en 1981. Qu'est-ce que vous allez
8 faire de moi ? Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ?' Et puis, je les ai
9 implorés, je les ai suppliés. Je leur ai dit : 'Pourquoi vous le prenez ?
10 Il est né en 1981.' Mais il a répété son ordre. Et je l'ai tenu si fort,
11 mais il me l'a pris.
12 "Et ensuite, mon fils a jeté ce sac et le soldat l'a ramassé, l'a
13 jeté sur une pile à droite, a pris mon fils par la main et l'a tiré vers la
14 gauche. Il s'est retourné et il a dit : Maman, s'il te plaît, tu peux
15 prendre mon sac ? Prends mon sac."
16 Elle a déclaré lors de sa déposition : "C'est la dernière fois que
17 j'ai entendu sa voix." Pièce P367, pages 13 à 15. Madame, Monsieur les
18 Juges, les éléments de preuve sur la séparation des enfants suffisent à
19 établir qu'il n'y avait pas de véritable tri à Potocari.
20 A présent, Madame, Monsieur les Juges, j'aimerais répondre sur les
21 chiffres qui ont été avancés. Je vais passer à l'argument de M. Karadzic
22 s'agissant du nombre d'hommes musulmans de Bosnie qui ont été exécutés.
23 Paragraphes 2 519 à 2 702 du mémoire de la Défense.
24 Madame, Monsieur les Juges, la Défense ne tient pas compte de
25 l'intégralité des éléments de preuve. L'Accusation, dans sa thèse sur le
26 nombre d'hommes qui ont été assassinés se fonde sur les éléments de
27 témoins, de conversations interceptées, de documents qui ont été corroborés
28 par des éléments médico-légaux et démographiques. Je vous renvoie au
Page 47795
1 mémoire de l'Accusation, paragraphe 916 à 1 066 et au descriptif de
2 Srebrenica, paragraphes 14 à 173. Ces éléments de preuve doivent être pris
3 en compte dans leur intégralité, et non morceau par morceau.
4 La Défense, dans sa thèse, est confuse, se prête à des conjectures,
5 n'étaye rien en l'espèce, et étudie les éléments médico-légaux et
6 démographiques séparément. M. Karadzic avance certaines choses sur
7 l'incertitude quant au nombre total de victimes de Srebrenica, alors qu'il
8 n'y a pas d'incertitude. Les arguments principaux de Karadzic sont,
9 premièrement, que les corps et les victimes de combat sont "mélangées" dans
10 les forces qui sont liées à Srebrenica et, deuxièmement, que le nombre de
11 victimes de Srebrenica ne peut pas être déterminé, et que cela ne se
12 rapproche en aucun cas de 7 000 victimes. Je cite là le paragraphe 2 700,
13 ainsi que le paragraphe 2 698 à 2 702 du mémoire de la Défense.
14 Je vais aborder le premier point, le ménage de ces dépouilles. Le
15 témoignage de témoins, des documents, des conversations interceptées, des
16 éléments de preuve médico-légaux pris ensemble montrent au-delà de tout
17 doute raisonnable que toutes les fosses primaires et secondaires de
18 Srebrenica contiennent exclusivement les dépouilles de victimes
19 d'exécutions liées à Srebrenica, à l'exception de trois sites à Glogova,
20 Bljeceva et Liplje 8. Les contenus mélangés de Glogova et Bljeceva ont été
21 expliqués par Dusan Janc. Je vous renvoie là à la déposition de Janc, pages
22 du compte rendu 27 016 et 17, ainsi qu'aux pages 27 040 à 27 046, et enfin
23 à la page 27 060 du compte rendu. Janc n'a pas inclus les dépouilles à
24 Liplje 8 dans les chiffres de son rapport. Je vous renvoie là à la pièce
25 P4771 et 4772. Nous avons expliqué pourquoi aucune perte au combat n'a été
26 enterrée dans les fosses et dans les descriptifs de Srebrenica aux
27 paragraphes 164 à 168. Comme nous l'avons expliqué, la conclusion
28 expliquant pourquoi les fosses contenant des victimes d'exécution est
Page 47796
1 cohérente avec les éléments médico-légaux parce que, tout d'abord, les
2 experts médico-légaux de l'Accusation n'ont pas trouvé d'éléments de preuve
3 étayant que les dépouilles qui ont exhumées des fosses liées à Srebrenica
4 avaient été des personnes mortes au combat. Deuxièmement, les archéologues
5 de l'Accusation n'ont pas trouvé d'éléments de preuve montrant que les
6 fosses liées à Srebrenica avaient été créées sur des sites déjà existants
7 ou avaient été par la suite rouverts. Troisièmement, la cause au moment du
8 décès des dépouilles de chacun des sites des fosses primaires et
9 secondaires viennent soutenir les propos des témoins des exécutions sur
10 chacun des sites. Quatrièmement, il y a eu des bandeaux, des ligatures dans
11 les fosses associées à Orahovac, Petkovci, Kozluk et Branjevo. Je vous
12 renvoie au descriptif de Srebrenica, note de bas de page 699 et au mémoire
13 de la Défense paragraphes 2 585, 2 639, 2 685 et 2 687. Cinquièmement,
14 certaines fosses contenaient des objets reliant leurs contenus au site
15 particulier où les prisonniers ont été tués. Par exemple, le descriptif de
16 Srebrenica paragraphes 63 et 104 sur l'entrepôt de Kravica et Orahovac.
17 Sixièmement, il n'y a pas d'éléments de preuve crédibles montrant que les
18 fosses secondaires contenaient des dépouilles qui auraient été d'autres
19 dépouilles que celles des victimes des fosses primaires. Je vous renvoie là
20 aux allégations de la Défense dans son mémoire, au paragraphe 2 605 à 608.
21 Karadzic passe outre le lien qui existe entre les fosses primaires et
22 secondaires, à part le lien ADN. Ces éléments de preuve incluent le sol, le
23 pollen, d'autres objets, ainsi que les éléments de preuve apportés par des
24 témoins et des documents sur l'opération de "ré-enterrement" elle-même. Je
25 vous renvoie au descriptif de Srebrenica, paragraphes 63, 103 à 104, 112,
26 123 et 142 et au mémoire de l'Accusation, paragraphes 1 057 à 1 066.
27 Madame, Monsieur les Juges, je voudrais passer à un autre sujet. Peut-être
28 qu'il est temps de faire la pause ?
Page 47797
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Quand nous reviendrons, j'aimerais
2 entendre votre réponse aussi à l'affirmation de la Défense dans son mémoire
3 en clôture aux paragraphes 249 à 256, pages 674 et 675.
4 Oui, Monsieur Tieger.
5 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je utiliser
6 l'occasion qui m'est donnée d'apporter deux brefs correctifs, maintenant
7 que nous avons reçu le compte rendu d'hier. A la page 47 670, j'ai fait
8 référence à la page 87 du mémoire de la Défense, et j'aurais dû parler du
9 paragraphe 787. Et puis, à la page 47 687, j'ai parlé de la pièce D105, et
10 j'aurais dû parler de la pièce D1055. Merci.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous reprendrons à 3 heures 20.
12 --- L'audience est suspendue à 14 heures 59.
13 --- L'audience est reprise à 15 heures 22.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer.
15 Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais commencer par
16 répondre à votre question. Je ne pense pas que nous devions passer à huis
17 clos partiel. Je fais référence au numéro de paragraphe. Paragraphe 2 549,
18 et votre question portait sur les personnes qui sont identifiées dans ce
19 paragraphe.
20 Alors, ce que je puis vous dire, c'est que R1, et j'y reviendrai dans un
21 instant, qu'aucune de ces personnes identifiées ne sont reprises dans les
22 chiffres que Dusan Janc donne dans son rapport. Tableau 5977, à partir de
23 son analyse ADN combinée à la liste ICPM. Donc, aucune de ces personnes
24 n'apparaît dans la liste. Attendez que je retrouve mes références. Veuillez
25 prendre la référence qui s'y trouve sur les éléments de preuve. On y voit
26 que le témoin KDZ04t nous dit la chose suivante, il a entendu que cette
27 personne a été tuée dans les bois, mais ne l'a pas vue de ses yeux. Donc,
28 ça, c'est sur cette personne-là.
Page 47798
1 Ensuite, si nous reprenons la liste du haut vers le bas. Dans la
2 liste ICPM, qui est la pièce P5913, on ne le retrouve pas dans le chiffre
3 de Janc.
4 Ça, c'est pour -- petit B. La personne B n'est pas identifiée et dans
5 le code de la liste ICPM, vous voyez que cette personne ne se retrouve pas
6 dans les fosses reprises par Dusan Janc. Donc, voilà pour B.
7 Ensuite, il y a une deuxième personne B qui ne correspond pas
8 totalement à un nom dans la liste ICPM. Il n'y a pas de nom du père, en
9 fait. Donc, il n'y a pas eu d'identification claire dans la liste ICPM pour
10 cette personne-là.
11 Et puis, la personne suivante, la personne C, je pense que j'ai déjà
12 abordé cette personne-là.
13 Passons à D. La personne D -- eh bien, pour la personne D, il n'y pas
14 de correspondance exacte par rapport au [inaudible] de la liste ICPM.
15 Et puis, la personne E et la personne F, c'est deux personnes,
16 lorsque l'on regarde la liste ICPM, ne se retrouvent pas non plus dans
17 l'une des forces reprises dans le rapport de Dusan Janc.
18 Voilà. Je pense que cela répond à votre question. Je l'espère en tout
19 cas.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci beaucoup.
21 Mme PACK : [interprétation] Revenons aux arguments de M. Karadzic, au
22 deuxième argument de M. Karadzic.
23 L'Accusation avance que plus de 7 000 hommes et garçons musulmans ont été
24 exécutés. Et cette thèse est étayée par l'intégralité des éléments de
25 preuve. Nous nous fondons sur quatre grandes catégories d'éléments de
26 preuve, à savoir d'abord les éléments ADN; deuxièmement, les éléments de
27 preuve directes sur le nombre de prisonniers qui ont été tués; ensuite, les
28 éléments de preuve sur le nombre de prisonniers qui ont été capturés; et
Page 47799
1 puis, les éléments de preuve démographiques sur le nombre de personnes
2 portées disparues suite à la chute de Srebrenica.
3 Passons à la première catégorie, les éléments de preuve ADN, nous avons
4 discuté de cela dans le descriptif de Srebrenica, paragraphes 169 à 171.
5 Pour les raisons qui y sont expliquées, le nombre de victimes d'exécutions
6 identifiées par les profils ADN dans les fosses liées à Srebrenica s'élève
7 au moins à 5 850. Ce chiffre n'inclut pas les restes humains qui se
8 trouvaient en surface ni les victimes qui ne découlent pas des non-
9 exécutions dans les trois fosses conjointes. Ce chiffre fait référence
10 exclusivement aux chiffres des exécutions connues et des victimes y
11 afférent dans les fosses. Mais ce chiffre n'est pas un chiffre final pour
12 les victimes des exécutions de Srebrenica. Au fur et à mesure que plus de
13 fosses et de dépouilles sont identifiées, et cela va encore avoir lieu dans
14 les prochaines années, ce chiffre continuera de grossir.
15 Passons maintenant aux éléments de preuve directs, les éléments de
16 preuve de personnes qui étaient présentes sur les sites de détention,
17 d'exécution et d'enterrement étayent directement la thèse de l'Accusation
18 selon laquelle plus de 7 000 prisonniers ont été exécutés. Et je vous
19 renvoie là au descriptif de Srebrenica, paragraphes 54, 64, 97, 107, 114,
20 125, 126, 135 à 138.
21 Des éléments documentaires et découlant des conversations
22 interceptées étayent également cette thèse de l'Accusation. L'un des
23 éléments de preuve les plus évident sur le nombre de prisonniers tués est
24 la conversation interceptée entre Beara et Krstic à laquelle j'ai fait
25 référence. Beara a expliqué que le 15 juillet, il avait encore 3 500
26 prisonniers, qu'il appelait "des paquets", à tuer. Pièce P5074. Cela a eu
27 lieu après les assassinats de plus de 3 000 hommes et garçons musulmans
28 lors d'exécutions à Bratunac, Potocari, à l'entrepôt de Kravica, Orahovac,
Page 47800
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 47801
1 et au barrage de Petkovci; mais plus important encore, avant les exécutions
2 à Kozluk, à l'exploitation agricole de Branjevo, au centre culturel de
3 Pilica. Je vous renvoie au descriptif de Srebrenica, paragraphes 34, 35, 49
4 à 79, et 89 à 144. Cela a eu lieu le 15 juillet, à mi-chemin.
5 Passons maintenant au nombre de Musulmans qui ont été capturés, des
6 éléments de preuve documentaires, des dépositions, des conversations
7 interceptées montrent que plus de 7 000 prisonniers ont été capturés après
8 la chute de Srebrenica. Tous ont été assassinés. Tout d'abord, plus de 1
9 000 hommes et garçons ont été détenus à Potocari le 12 et le 13 juillet. Je
10 vous renvoie au mémoire en clôture de l'Accusation, paragraphe 895 et la
11 déposition de Janjic à P1194, pages 31, 32; et P372, pages 20 à 23.
12 Deuxièmement, quelque 6 000 hommes musulmans de la colonne se sont rendus,
13 ont été capturés le 13 juillet. La référence est une conversation
14 téléphonique interceptée le 13 juillet à 5 heures 30 de l'après-midi, la
15 P4945, qui dit ceci. Il y a deux correspondants, X et Y.
16 "Y : Il y en a à peu près 6 000 maintenant.
17 "X : En âge de porter les armes ?
18 "Y : "Tais-toi et ne répète pas."
19 Troisièmement, je vous renvoie à un télex envoyé le 16 juillet par
20 Christine Schmitz, l'infirmière de Médecins Sans Frontières à Potocari.
21 Elle disait : Selon Franken, la VRS, "semble avoir plus de 7 000
22 prisonniers de guerre à Bratunac." Il s'agit de la pièce P4757, page 2.
23 Je vous renvoie également à la déposition de Franken. La référence
24 est le paragraphe 1 024 du mémoire en clôture de l'Accusation.
25 Madame, Monsieur les Juges, je vous renvoie également à toutes les
26 références qui figurent dans le mémoire en clôture de l'Accusation dans la
27 note en bas de page 3099.
28 Enfin, outre les personnes qui avaient été capturées le 13 juillet,
Page 47802
1 il y en a des centaines qui ont en plus été capturées et exécutées dans
2 l'opération de ratissage des jours suivants, y compris à Cerska. Je vous
3 renvoie au descriptif de Srebrenica, aux paragraphes 145 à 163.
4 Et enfin, j'en viens aux éléments de preuve démographiques. Les
5 preuves démographiques de l'Accusation démontrent qu'à partir d'avril 2012,
6 7 905 personnes ont été portées manquantes à Srebrenica. Je répète : 7 905.
7 Parmi ces 7 905 personnes qui figurent dans le descriptif de Srebrenica au
8 paragraphe 172, au moins 5 850 ont été reconnues victimes des exécutions
9 grâce au profil ADN, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer. Parmi les
10 personnes qui restent, bien d'autres encore sont sans doute victimes
11 d'exécution. Cela comprend des hommes dont les restes humains ont été
12 trouvés à la surface et des hommes dont on n'a pas encore pu découvrir les
13 dépouilles. Et ceci est vraisemblable étant donné la ténacité avec laquelle
14 les subordonnés de Karadzic ont cherché à tuer jusqu'au dernier jour les
15 Musulmans de Bosnie et de Srebrenica qu'ils ont pu capturer, y compris même
16 après la fin des exécutions massives. Je vous renvoie au descriptif de
17 Srebrenica, paragraphes 85 à 88, 139 à 140, 151, 163; et la P4965; et les
18 mémoires de l'Accusation, paragraphes 1 040 à 1 042.
19 Madame, Monsieur les Juges, les arguments démographiques de Karadzic
20 aux paragraphes 2 522 à 2 532, ces mémoires sont vagues et conjecturaux et
21 se fonde sur des estimations larges et imprécises de personnes qui se
22 trouvaient dans l'enclave, de combien de personnes sont parties pour
23 Potocari, et combien ont été mis dans des bus pour Kladanj. Karadzic
24 manipule ensuite ces chiffres de façon trompeuse à l'appui de son argument.
25 Dernière remarque sur les chiffres. Karadzic ne fournit aucun fondement au
26 paragraphe 2 568 de son mémoire permettant d'exclure les meurtres
27 opportunistes de la portée de l'entreprise criminelle commune aux fins
28 d'éliminer. Ces prisonniers étaient tous destinés à la mort. Le fait que
Page 47803
1 quelques soldats de la VRS ou du MUP aient pu profiter de ce climat
2 d'impunité et auraient tué des dizaines de victimes plus tôt qu'ils ne
3 l'auraient fait sans cela, ne place pas ces crimes hors du champ de l'ECC
4 aux fins d'élimination.
5 La suggestion de Karadzic au paragraphe 2 567, selon laquelle les victimes
6 de l'entrepôt de Kravica devraient être exclues du nombre total des
7 victimes d'exécution est dénuée de fondement. Même si l'incident des mains
8 brûlées, selon lui a déclenché le début de meurtres à Kravica, ceci ne
9 saurait justifier le massacre de sang-froid efficace et méthodologique de
10 plus de 1 000 personnes.
11 Madame, Messieurs les Juges, à l'examen de la totalité des preuves, l'on
12 peut dire quelque 7 000 hommes et garçons musulmans ont été exécutés à
13 Srebrenica. Je vous renvoie aux paragraphes 173 du descriptif de
14 Srebrenica.
15 Je vais maintenant parler de l'une des questions soulevées vendredi, la
16 question 1, à partir de, je la lis :
17 "L'Accusation peut-elle préciser sa position en termes simples quant aux
18 relations entre l'ECC global et l'ECC de Srebrenica, ainsi que la portée de
19 chacune par rapport aux chefs d'accusation en cause ?"
20 Le passage des événements que j'ai décrits au début, décrit la
21 relation entre l'ECC globale et l'ECC aux fins d'éliminer. La directive 7
22 prouve l'existence d'un plan à partir de mars 1995, dans le cadre de l'ECC
23 globale, et particulièrement en ce qui concerne l'enclave de Srebrenica.
24 Ceci prouve l'intention de Karadzic d'expulser par la force la population
25 civile musulmane de Bosnie de l'enclave de Srebrenica. La relation entre
26 les deux ECC est évidente, à la lumière des chefs d'accusation 7 et 8, à
27 savoir déportation et transfert forcé de populations.
28 Je vous renvoie au paragraphe 75 de l'acte d'accusation. Suite à la
Page 47804
1 participation de Karadzic à l'ECC aux fins d'éliminer, il est responsable
2 du transfert par la force et la déportation des Musulmans de Bosnie, des
3 femmes, des enfants, et des personnes âgées de l'enclave de Srebrenica.
4 Dans le cadre de l'ECC aux fins d'élimination, nous ne vous demandons pas
5 de déclarer que Karadzic est responsable de l'expulsion par la force de la
6 partie civile de la colonne des hommes et des jeunes garçons musulmans qui
7 ont fui Srebrenica la nuit du 11 juin. Parce qu'à partir du moment où il a
8 partagé l'objectif criminel d'éliminer les Musulmans de Bosnie de
9 Srebrenica, son intention concernant les hommes n'était plus de les
10 expulser, mais de les tuer. Et sa responsabilité pénale doit être classée à
11 cet effet.
12 Si vous dites qu'il n'y a pas eu d'ECC aux fins d'élimination, que
13 Karadzic n'en faisait pas partie, il reste néanmoins responsable de
14 l'expulsion par la force de la population musulmane de Bosnie, ce qui
15 inclut les femmes, et les enfants, et les hommes dans le cadre de l'ECC
16 globale.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr de vous suivre,
18 Madame Pack.
19 Au paragraphe précédent, vous dites que dans le cadre de l'ECC aux fins
20 d'élimination, nous ne vous demandons pas de déclarer que Karadzic est
21 responsable de l'expulsion forcée de la partie civile de -- ah, vous parlez
22 de la colonne, d'accord.
23 Mme PACK : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, excusez-moi, je n'ai pas bien lu.
25 Mme PACK : [interprétation] Oui, tout à fait.
26 Je dis qu'à l'époque l'intention était de tuer les hommes. Une fois qu'on
27 est dans le cadre de l'ECC aux fins d'éliminer.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, très bien, vous parlez de la
Page 47805
1 colonne, je vous suis maintenant.
2 Veuillez poursuivre.
3 Mme PACK : [interprétation] J'allais maintenant parler des autres chefs
4 d'accusation en cause. Dans votre question, je voulais passer en revue en
5 ce qui concerne les crimes perpétrés à Srebrenica.
6 Pour les chefs d'accusation 4, 5 --
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, encore une fois --
8 Mme PACK : [interprétation] Je n'ai pas compris.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- en ce qui concerne la relation entre
10 les deux ECC, c'est là où je ne vous suis pas tout à fait, c'est que
11 l'Accusation inclut la section de Podrinje dans le descriptif de
12 Srebrenica, mais dans l'acte d'accusation, Srebrenica ne figurait pas dans
13 les municipalités.
14 Mme PACK : [interprétation] Non, -- bon c'est plus une question de
15 structure, c'est la façon de présenter les arguments. Je crois que M.
16 Tieger vous a parlé de la directive 4, la directive 7, et le résumé de
17 Podrinje.
18 Mais je dirais qu'en ce qui concerne l'ECC aux fins d'élimination,
19 tout cela manifeste donc l'existence de l'intention qu'il nourrissait
20 depuis longtemps d'expulser par la force, ce qui est devenu une intention
21 d'éliminer, de détruire la population musulmane de Bosnie en tuant les
22 hommes et en déplaçant tous les autres.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demanderais à M. Tieger de bien
24 vouloir expliquer la connotation du fait qu'il est écrit Podrinje dans le
25 descriptif des municipalités.
26 Monsieur Tieger, vous me suivez ?
27 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je regardais justement l'acte
28 d'accusation. Pour moi, je vais régler cela assez rapidement, si vous le
Page 47806
1 voulez bien.
2 Nous venons de dire que Srebrenica n'était pas dans la liste des
3 municipalités, mais la structure de l'acte d'accusation est telle que les
4 municipalités sont définies dans le paragraphe qui parle des persécutions.
5 Ensuite, Srebrenica figure également, et la même structure s'applique pour
6 ce qui concerne le transfert forcé. Et, dans le paragraphe que je vous ai
7 cité hier, l'acte d'accusation dit de façon limpide que Srebrenica fait
8 partie de l'agi de l'ECC globale avec toutes les municipalités, et les
9 chefs d'accusation couvrent les persécutions et le transfert par la force
10 ainsi que les expulsions. Ça figure dans les paragraphes qui traitent du
11 fait que les municipalités ont été nettoyées sur le plan ethnique à la fin
12 de 1992 mais pas Srebrenica, qu'il fallait encore conclure, terminer cette
13 épuration de la Drina, ce que l'on voit dans les attaques sur Cerska et
14 Konjevic Polje, il y a des paragraphes qui en parlent. Et puis ensuite, on
15 dit qu'en mars 1995 dans le cadre de l'ECC globale, il y avait un plan, la
16 directive 7, de prendre Srebrenica.
17 Donc je dis jusqu'au moment où l'ECC aux fins d'élimination commence,
18 l'acte d'accusation dit que Srebrenica, comme les municipalités est
19 couverte par l'ECC globale, et ceci relève de chef d'accusation 3,
20 déportation et transfert par la force.
21 J'espère être plus clair. Mais je pourrais, le cas échéant, vous
22 renvoyer au texte précis, je vous dirais qu'au chef d'accusation numéro 3 :
23 "Radovan Karadzic est accusé de persécution dans les municipalités
24 suivantes…", il y a toute une énumération.
25 Et puis entre parenthèses : "(municipalités), on fait des références
26 suivantes, ainsi que la persécution des Musulmans de Bosnie à Srebrenica."
27 Vous trouvez la même chose pour le chef d'accusation numéro 7, au
28 premier paragraphe qui dit :
Page 47807
1 "Radovan Karadzic a commis de concert avec d'autres, déportation par
2 la force des Musulmans de Bosnie et des Croates de Bosnie des municipalités
3 et de Srebrenica."
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Madame Pack.
5 Mme PACK : [interprétation] Madame, et Messieurs les Juges, dans les
6 différents événements, je crois que ça correspond tout à fait à ce que dit
7 M. Tieger. Si vous regardez les événements au paragraphe concernant
8 l'expulsion par la force, aux paragraphes 73 et 74 et 75. Il parlait du
9 paragraphe 63 [comme interprété], des événements qui ont abouti au
10 déplacement par la force dans le cadre de l'ECC globale concernant les
11 Musulmans de Bosnie dans l'enclave de Srebrenica. Et au paragraphe 74, on
12 parle du plan de mars 1995 manifesté par la directive 7 concernant la prise
13 de l'enclave et la déportation par la force de la population musulmane dans
14 le cadre de l'ECC globale. Et au paragraphe 75, on décrit la formation de
15 l'ECC aux fins d'élimination.
16 C'est là qu'on voit le lien. Et en ce qui concerne les chefs
17 d'accusation, j'ai parlé en ce qui concerne l'expulsion par le transfert
18 forcé. Je vous ai parlé des conclusions que nous vous demandons de tirer --
19 enfin, je pourrais éliminer les chefs d'accusation l'un après l'autre -- le
20 4, 5 et 6. Karadzic est responsable de ces chefs d'extermination et de
21 meurtre; paragraphe 66 de l'acte d'accusation. Il est responsable du fait
22 d'avoir appartenu à l'ECC aux fins d'éliminations, des meurtres visés à
23 l'annexe E pour le chef 3, persécution. Il est responsable des meurtres
24 visés au paragraphe 60(a) et le transfert par la force et l'expulsion des
25 femmes, des jeunes enfants et de certains hommes âgés, paragraphe 58 de
26 l'acte d'accusation. Et il est responsable dans le cadre de l'ECC aux fins
27 d'élimination, je vous renvoie au paragraphe 58 de l'acte d'accusation.
28 Alors, soyons clairs. Si vous dites que Karadzic a participé à l'ECC aux
Page 47808
1 fins d'éliminer, nous vous demandons de déclarer qu'il est responsable des
2 meurtres au titre de persécution dans le cadre de l'ECC aux fins
3 d'élimination, en ce qui concerne l'ECC spécifique Srebrenica. Si vous
4 dites qu'il n'a pas participé à l'ECC aux fins d'élimination, nous dirons à
5 ce moment-là qu'il serait à titre subsidiaire qu'il est responsable dans le
6 cadre de l'ECC globale pour les meurtres et le transfert forcé des hommes
7 et des femmes de ces enclaves. Je vous renvoie aux paragraphes 52, 53 et 57
8 de l'acte d'accusation.
9 L'INTERPRÈTE : Est-ce que Mme Pack pourrait ralentir un petit peu ? Merci.
10 Mme PACK : [interprétation] En ce qui concerne les sévices corporels subis
11 par les hommes avant leur exécution, au paragraphe 60 de l'acte
12 d'accusation, Karadzic est responsable du fait de l'ECC aux fins
13 d'élimination, en ce qui concerne le fait d'avoir terrorisé, infligé des
14 sévices à Potocari. Egalement au paragraphe 60(e), Karadzic est responsable
15 dans le cadre de l'ECC aux fins d'élimination.
16 J'allais maintenant passer au point suivant sauf si je peux encore
17 clarifier certaines choses.
18 Très bien. Je vais passer maintenant aux autres arguments présentés par
19 Karadzic en ce qui concerne les chefs d'accusation 7 et 8, transfert par la
20 force et déportation. Je traiterai d'abord des deux premiers arguments de
21 façon brève, et puis je consacrerai un peu plus de temps au dernier.
22 Tout d'abord, Karadzic nous dit qu'il n'avait pas l'intention d'expulser
23 par la force les Musulmans de Bosnie de l'enclave, qu'il n'existait pas de
24 plan d'expulsion. Ceci figure dans le mémoire de clôture de la Défense au
25 paragraphe 3 308 et 3 315. Karadzic dit qu'il a pris des mesures afin de
26 veiller à ce que les civils puissent rester à Srebrenica et y soient en
27 sécurité. Mémoire en clôture de la Défense, paragraphes 3 320 et 3 321.
28 Madame, Monsieur les Juges, ces arguments sont faux. Karadzic avait
Page 47809
1 l'intention et le but depuis longtemps, depuis 1992, d'expulser par la
2 force la population musulmane de Bosnie de l'enclave de Srebrenica, comme
3 le prouvent les éléments de preuve. Et ces actions manifestent son
4 intention d'expulser par la force la population. Il a pris la directive 7,
5 il l'a signée. Il a établi un comité chargé de contrôler la procédure
6 d'approbation des convois. Je vous renvoie à la pièce D3279 et P4543, et le
7 mémoire en clôture de la Défense au paragraphe 3 343, note en bas de page
8 6726, et le résumé de Podrinje, paragraphe 31.
9 A partir de mars jusqu'à juillet 1995, le plan de Karadzic tendant à
10 expulser par la force la population civile de Srebrenica a été mise en
11 œuvre par une série de mesures coercitives. Ces mesures sont décrites dans
12 le résumé de Podrinje et dans le descriptif de Srebrenica. Il s'agissait
13 d'actes qui mettaient en œuvre la directive 7. Il s'agissait de limiter les
14 convois de la FORPRONU et de l'aide humanitaire, au résumé de Podrinje,
15 paragraphes 33 à 37. Pilonnages et tirs embusqués, résumé de Podrinje,
16 paragraphes 38, 41. Et l'attaque militaire sur l'enclave, narrative de
17 Srebrenica, paragraphes 5 à 10.
18 Ces actes étaient animés par le but et avaient pour effet de rendre la vie
19 insupportable pour la population musulmane civile comme le prévoyait la
20 directive 7. Karadzic a approuvé l'attaque menée sur l'enclave. Il a
21 ordonné la prise de la ville. Il a mis en place les structures civiles le
22 11 juillet. D2055 et P2994. Et, sans les ordres données le 9 juillet
23 concernant la protection de la population civile et le 11 juillet
24 concernant le fait de veiller à ce que la population civile puisse choisir
25 librement là où elle souhaitait aller, n'était manifestement pas sincère.
26 Je vous renvoie à l'argument figurant dans le mémoire de la Défense aux
27 paragraphes 2 403, 2 405 et 3 319.
28 Karadzic invoque également la déclaration signée à Potocari le 17 juillet
Page 47810
1 par Franken et le représentant civil des Musulmans de Bosnie, Mandzic. Il
2 dit ceci n'indique pas qu'il n'était pas au courant du fait que l'expulsion
3 de la population musulmane de Potocari s'était faite par la force. Je vous
4 renvoie au mémoire de la Défense, paragraphes 3 330, 3 337, 3 340 et la
5 note 6714.
6 Ces déclarations du 17 juillet ne reflètent pas la réalité de la situation.
7 Il s'agit d'un subterfuge produit plus tard. Je vous renvoie à notre
8 mémoire, paragraphes 1 034 et 1 037. Je ne répète pas les arguments qui y
9 sont développés.
10 Deuxièmement, Karadzic dit que son ordre de lancer l'attaque et de prendre
11 la ville de Srebrenica était licite. Mémoire en clôture de la Défense,
12 paragraphes 2 397 à 99.
13 L'Accusation a toujours dit que l'enclave Srebrenica n'a jamais été
14 correctement démilitarisée. L'ABiH y a bien effectué des opérations
15 militaires à partir de cette enclave. Je vous renvoie au mémoire en clôture
16 de la Défense, paragraphe 2 397 et aux faits déjà tranchés sur la question
17 numéros 2 393 et 1 393 et 1 394. Mais tout objectif militaire prétendument
18 légitime poursuivi par cet ordre d'attaque sur l'enclave est dénué de
19 pertinence. Il y avait un objectif criminel dans cet ordre d'attaque sur
20 l'enclave et l'attaque visait à expulser par la force la population civile.
21 Je vous renvoie à notre mémoire en clôture, paragraphe 863.
22 La manière indiscriminée et disproportionnée dans l'attaque visait à
23 terroriser les habitants civils de Srebrenica et de faire naître la peur
24 pour qu'ils prennent la fuite, et ce fut le cas. Je vous renvoie au
25 descriptif de Srebrenica, paragraphes 5 à 8.
26 Troisièmement, et enfin, Karadzic dit que le déplacement de la population
27 musulmane de Bosnie et de Potocari ne s'est pas fait par la force ou que ce
28 n'avait pas été l'intention. Et Karadzic dit encore aujourd'hui qu'il croit
Page 47811
1 qu'il n'y a pas eu d'expulsion forcée des Musulmans de Srebrenica. Je vous
2 renvoie au mémoire en clôture de la Défense, paragraphe 3 349.
3 Et je veux arriver maintenant à certains arguments plus précis de Karadzic.
4 Tout d'abord, il dit que les Nations Unies et les dirigeants bosno-
5 musulmans avaient demandé à ce que la population soit transportée à
6 l'extérieur. Ceci est la preuve à la fois du fait que les Bosno-Serbes
7 n'ont jamais eu l'intention de contraindre la population musulmane à partir
8 et que la population musulmane n'est pas partie dans des circonstances
9 coercitives.
10 Madame, Monsieur les Juges, tout d'abord l'argument de la Défense, à savoir
11 sur l'intention de déplacer par la force fait fi du contexte. A partir du
12 mois de mars 1995, et notamment suite à l'attaque de l'enclave, la
13 population musulmane de Bosnie et de Srebrenica a fait l'objet d'une série
14 de moyens coercitifs. Ces actes ont été mis en œuvre par l'ordre de
15 Karadzic numéro 7, directive numéro 7. Karadzic s'adresse à d'autres
16 membres de l'entreprise criminelle commune aux fins d'éliminer, Mladic
17 était au courant.
18 L'exode massif de la population bosno-musulmane à Potocari ne fait pas
19 suite à une demande volontaire de la part de la population. Les femmes, les
20 enfants et les personnes âgées n'ont pas quitté Potocari parce qu'ils
21 avaient véritablement le choix. La Défense s'appuie sur les enregistrements
22 vidéo de trois réunions à l'hôtel Fontana à Bratunac et les propos de
23 Mladic à ces réunions. Mémoire en clôture de la Défense, paragraphes 2 409
24 à 2 414, 2 420 à 2 422, 2 426.
25 Madame, Monsieur les Juges, toutes les déclarations de Mladic à ces
26 réunions ont été faites dans le contexte des menaces qu'il proférait. Le
27 déplacement des Musulmans de Bosnie, des femmes et des enfants de Potocari
28 avait été planifié et organisé, comme le rapport de l'état-major à Karadzic
Page 47812
1 le 13 juillet :
2 "Il y a un transfert organisé et planifié de la population de
3 Srebrenica en direction du territoire contrôlé par les Musulmans."
4 Pièce P4464, page 3.
5 Avant la troisième réunion à l'hôtel Fontana, celle à laquelle les
6 représentants musulmans de Bosnie ont soi-disant exprimé clairement leur
7 désir de partir, mémoire en clôture de la Défense, paragraphe 2 425, le
8 Corps de la Drina avait organisé le déplacement de la population musulmane
9 de Bosnie de Potocari à bord d'autocars en vertu des ordres de Mladic. Je
10 vous renvoie au mémoire en clôture de l'Accusation, paragraphe 899 et cite
11 le P4680, P4533 et le D1971.
12 Je vous rappelle les propos de Mladic lors d'une conversation
13 interceptée à midi 50 le 12 juillet :
14 "Et ils ont tous capitulé, ils se sont tous rendus et nous allons
15 tous les évacuer. Ceux qui le souhaite et ceux qui ne le souhaitent pas."
16 Ça, c'est la vérité. Il n'y a pas eu de choix véritable. Il s'agit du
17 P6694 s'agissant de la version publique. Et la version confidentielle porte
18 la cote P4254.
19 La Défense, dans son mémoire en clôture, dit pour la première fois
20 qu'il ne s'agit pas ici d'une transcription exacte. Mémoire en clôture de
21 la Défense, paragraphe 2 431. Karadzic a eu l'occasion de poser cette
22 question au Témoin KDZ357 lors du contre-interrogatoire, mais il ne l'a pas
23 fait. Madame, Monsieur les Juges, je vous renvoie à la déposition de KDZ357
24 et sa conversation qui a été enregistrée, qui a été réentendue et
25 transcrite. P4628, pages 30 à 34. Et cela ne fait pas l'ombre d'un doute
26 qu'il s'agit de la transcription exacte de la conversation de Karadzic
27 [comme interprété].
28 Une autre conversation interceptée avec deux autres interlocuteurs,
Page 47813
1 au paragraphe 2 428 du mémoire en clôture. Madame, Monsieur les Juges, un
2 des interlocuteurs ne peut être Mladic. L'intention de Mladic est révélée
3 par la pièce P6694, la conversation interceptée qui l'identifie comme étant
4 l'interlocuteur.
5 Madame, Monsieur les Juges, je vous renvoie au principe juridique sur
6 ce thème, bien sûr, que vous connaissez, il s'agit de l'accord conclu entre
7 les commandants militaires et d'autres représentants des parties lors d'un
8 conflit en tant que tel, ne peut pas considérer que le déplacement est
9 licite. En outre, l'aide apportée par les agences d'aide humanitaire comme
10 les Nations Unies, qui facilite les déplacements, en soi, ne rend pas
11 licite un transfert illicite. Je crois que la Défense est d'accord avec
12 cela, mais ce n'est pas tout à fait clair sur ce point dans son mémoire en
13 clôture.
14 Karadzic dit que dans le cas où la population civile se serait
15 réfugiée dans la maison ou dans le cas où les Nations Unies ou la
16 population avaient demandé à pouvoir rester à Srebrenica, il n'y a aucune
17 preuve précisant que les Bosno-Serbes les auraient néanmoins transportés à
18 l'extérieur. Je vous renvoie au mémoire en clôture de la Défense,
19 paragraphe 2 438. La question est fausse, et tout à fait sans fondement. Je
20 vais vous donner un exemple. Le 13 juillet, les personnes âgées et les
21 personnes infirmes qui étaient restées à l'hôpital de Srebrenica ont été
22 contraintes à partir, menacés de mort. Je vous renvoie à un descriptif de
23 Srebrenica, au paragraphe 30, et la déposition de Kingori, P4140,
24 paragraphes 185 à 186.
25 Le 17 juillet, comme l'a rapporté un commandant du Corps de la Drina,
26 deux femmes sont rentrées de Kladanj et ont été abattues, parce que "elles
27 refusaient de se rendre et qu'elles avaient pris la fuite." Il s'agit de la
28 pièce 3994, page 2.
Page 47814
1 Ensuite, Karadzic dit : Les Bosno-Serbes n'ont pas contraint les
2 personnes de Potocari à monter à bord des autocars. Mémoire en clôture de
3 la Défense, paragraphe 2 432.
4 Madame, Monsieur les Juges, l'ensemble de l'évacuation par autocars a
5 été menée en présence et sous la surveillance des forces bosno-serbes qui
6 avaient pris le contrôle de l'enclave et qui avaient encerclé Potocari. Je
7 vous renvoie au descriptif de Srebrenica, paragraphes 11 à 27.
8 La population civile était sans cesse menacée et intimidée.
9 L'utilisation de chiens ne faisait que renforcer un climat d'oppression. Je
10 vous renvoie à la déposition de Momir Nikolic, D2081, page 2; Mirsada
11 Malagic, P356, page 25; P4934, qui est l'ordre de Kovac concernant les
12 chiens; et Kingori, P4140, paragraphe 158. En outre, KDZ167, P354, page 6;
13 et Sera Ibisevic, P401, page 2.
14 La situation à Potocari n'a fait qu'empirer, parce que la population
15 bosno-musulmane était tout à fait impuissante, vulnérable, et comme le
16 Bataillon néerlandais, la force des Nations Unies qui devait les protéger
17 était inopérante. Je vous renvoie au descriptif de Srebrenica, paragraphe
18 33.
19 L'évacuation par autocars, l'acte final, a confirmé que la population
20 bosno-musulmane n'avait pas d'autre alternative que de partir. Les femmes
21 et les enfants ont également été contraints à monter à bord des autocars.
22 Je vous renvoie au descriptif de Srebrenica, paragraphe 15. Et des éléments
23 de preuve décrits au dans ce paragraphe-là, je souhaite ajouter les
24 références suivantes : Patelski, P4173, paragraphe 25; Kingori au P4140,
25 paragraphe 172; et Malagic, pages du compte rendu d'audience 23 488 à 23
26 489.
27 Madame, Monsieur les Juges, fait marquant : les femmes, les enfants
28 et les personnes âgées ont été séparés par la force de leurs hommes et de
Page 47815
1 leurs garçons. Ces séparations faisaient partie du processus. Je souhaite
2 vous rappeler la déposition de KDZ265, la mère dont on a enlevé l'enfant de
3 14 ans alors qu'ils devaient monter à bord des autocars. Rien au sujet de
4 ce processus ne permettait de dire qu'il y avait un quelconque libre choix.
5 Madame, Monsieur les Juges, il existe suffisamment d'éléments de
6 preuve à propos desquels vous devez déclarer Karadzic coupable au titre des
7 chefs 7 à 8 concernant Srebrenica.
8 Et pour finir, Madame, Monsieur les Juges, je vais revenir au chef 2,
9 le génocide. Karadzic avait désigné la population musulmane pour qu'elle
10 soit anéantie. Ses subordonnés ont retiré les effets personnels des garçons
11 et des hommes et leurs cartes d'identité. Ceci a été fait de façon
12 délibérée et de façon méthodique. Ils ont été tués simplement sur la simple
13 base de leur identité. Ces forces ont provoqué des atteintes graves à
14 l'intégrité physique et mentale des hommes qui ont survécu par miracle et
15 aux femmes et aux enfants de Srebrenica, les femmes et les enfants qui ont
16 été séparés de leurs fils et de leurs pères, de leurs maris et de leurs
17 frères, qui ont été emmenés de chez elles et leurs vies ont été détruites.
18 Dans le mémoire en clôture de l'Accusation, nous avons parlé des actes
19 génocidaires, des meurtres et des atteintes graves à l'intégrité physique
20 et mentale subies par les hommes, ceux qui ont survécu, les femmes et les
21 enfants qui supporté les séparations et les meurtres de leurs hommes et de
22 leurs garçons et que l'on a déplacés de l'enclave de Srebrenica en masse.
23 Les hommes qui ont survécu et qui ont subi des traumatismes et des
24 blessures, leur peur, leur angoisse alors qu'ils attendaient de mourir est
25 inimaginable. KDZ069 a survécu. Il a dit, M. Tieger l'a déjà évoqué. Il a
26 dit alors que d'autres étaient tués.
27 "Je priais qu'on me tue aussi parce que j'éprouvais une très grande
28 douleur, mais je n'osais pas les appeler. J'ai simplement pensé que ma mère
Page 47816
1 ne serait jamais où j'étais, et je pensais que je souhaitais mourir". P339,
2 page 41.
3 La souffrance collective de personnes qui ont survécu, de tant
4 d'hommes et de ces corps portés manquant pendant tellement d'années a été
5 décrite comme étant le syndrome de Srebrenica. La déposition Ibrahim
6 Efendic, P4646. Le Témoin Malagic qui a expliqué que lors de la chute de
7 Srebrenica, ou plutôt "lorsque la ville a été prise par les soldats,
8 lorsqu'ils ont pris le contrôle, cette soi-disant zone protégée par les
9 Nations Unies, ont été balayées de la surface de la terre, trois
10 générations d'hommes de la manière la plus cruelle possible." P356, page
11 44.
12 Souvenez-vous de la déposition de KDZ265. J'ai déjà parlé de sa
13 déposition, dans l'affaire Krstic, lorsqu'elle a déposé, la question lui a
14 été posée :
15 "Que pensez-vous qu'il est advenu à votre mari et à vos deux fils ?"
16 La référence est le P367, page 20.
17 Donc elle a imaginé son fils, un garçon de 14 ans, elle pensait à lui
18 avec ses petites mains, qui cueillait des fraises, qui lisait des livres,
19 qui allait à l'école, et qui allait en excursion. Elle a dit : Tous les
20 matins, je me réveille, et je me cache les yeux pour ne pas regarder les
21 autres enfants qui vont à l'école, et les maris qui vont travailler, qui se
22 tiennent par les mains.
23 Madame, Messieurs les Juges, les éléments de preuve condamnent M.
24 Karadzic. Il porte la responsabilité de la douleur et de la souffrance de
25 ces femmes. Des meurtres, de la douleur, et de la souffrance des hommes et
26 des femmes, et des enfants à Srebrenica. Il porte la responsabilité de leur
27 souffrance qui est durable et dévastatrice. Madame, Messieurs les Juges, il
28 est responsable, il est responsable de génocide.
Page 47817
1 Et maintenant, je donne la parole à M. Tieger. Merci.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame Pack.
3 Allez-y, Monsieur Tieger.
4 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Au cours de ce procès, vous avez pu entendre une description de ce
6 que le président de la Croix-Rouge a qualifié à juste titre de triste
7 tableau. Dans les municipalités, des communautés détruites, les meurtres
8 des civils par milliers, les tournants et abus subis dans l'abominable
9 réseau des camps par des milliers d'autres civils, des centaines de
10 milliers de personnes expulsées par la force, réduits à la condition de
11 réfugiés sans toit. Sarajevo, la terreur infligée pendant des années à
12 toute une capitale européenne par les bombardements meurtriers, les
13 pilonnages indiscriminés, les hommes, les femmes, et les enfants ciblés un
14 par un. Les otages, l'utilisation des vies humaines comme monnaie d'échange
15 sous les yeux du monde entier. Et Srebrenica, dont vous venez d'entendre
16 parler, la cruauté des exécutions en masse d'hommes et de garçons, combiné
17 à l'efficacité éprouvée des expulsions en masse du reste de la population.
18 Les cruautés infligées à d'innombrables victimes l'une après l'autre. Des
19 tragédies individuelles dont l'ampleur collective dépasse l'entendement. Et
20 ce qu'ont en commun tous ces crimes, c'est Radovan Karadzic qui, jadis,
21 s'était fièrement arrogé les mérites de ce que son armée, sa police, ses
22 autorités civiles avaient fait en exécution de sa politique, mais qui
23 cherche à présent à s'en dissocier. Le temps est venu pour Karadzic de
24 rendre compte de ses actes. L'hypocrisie des regrets qu'il a exprimés et de
25 la "responsabilité morale", je reprends ces termes, qu'il assume pour les
26 souffrances infligées à ces victimes est dévoilée par la ligne de défense
27 révisionniste qu'il a orchestrée de longue date. Des affirmations
28 mensongères qui remuent le couteau dans la plaie de chacune des victimes
Page 47818
1 qui vive encore, dont bon nombre souffrent encore aujourd'hui de l'absence
2 de leurs êtres chers, et de leur physique et morale, et qui tentent encore
3 aujourd'hui, vaille que vaille au quotidien, d'exorciser ce cauchemar du
4 passé.
5 Madame, et Messieurs les Juges, la justice pour toutes ces victimes
6 n'appelle rien de moins qu'une condamnation à perpétuité.
7 Ceci met un terme à notre réquisitoire. Merci, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
9 Nous allons lever l'audience pour aujourd'hui, et demain, nous reprendrons
10 à 9 heures.
11 --- L'audience est levée à 16 heures 09 et reprendra le mercredi, 1er
12 octobre 2014, à 9 heures 00.
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28