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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N IT-95-5-R-61
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3 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE AFFAIRE N IT-95-18-R61
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5 Lundi 1 juillet 1996
6
7 Devant la chambre de première instance composée comme suit :
8 M. le juge Claude Jorda, Président
9 Mme le juge Elisabeth Odio Benito
10 M. le juge Fouad Riad
11 Assistée de :
12 M. Dominique Marro, Greffier-Adjoint
13 LE PROCUREUR
14 c/
15 Ratko MLADIC
16 et Radovan KARADZIC
17 Le bureau du Procureur :
18 M. Eric Ostberg, M. Mark Harmon, M. Terre Bowers
19
20 Lundi, 1 juillet 1996
21 (Matin)
22
23 L'audience est reprise à 10 heures 05.
24
25 M. le Président. - L'audience est reprise.
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1 Sans plus attendre, monsieur le Procureur, vous avez la parole
2 pour la suite du témoignage de M. Ralston.
3 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Merci, monsieur le
4 Président et bonjour.
5 Monsieur Ralston, nous nous sommes arrêtés vendredi sur les
6 conditions dans les camps de détention de l'armée bosniaque serbe.
7 Je voudrais vous demander dans quelle mesure les associés du
8 docteur Karadszic avaient l'occasion de se rendre dans ces camps.
9 M. Raslton (interprétation de l'anglais). - Je l'ai dit à un
10 moment donné. En effet, la situation dans ces camps suivait étroitement la
11 situation générale. Nous avons essayé, à plusieurs reprises, d'établir
12 l'implication des fonctionnaires du SDS dans l'administration des camps.
13 Ensuite, nous avons pu constater quelles étaient les lignes de
14 communication entre les différents éléments de l'armée et les civils.
15 Madame Plavsic, en 1992, a informé les observateurs militaires des Nations
16 Unies que des camps existaient du côté des Serbes, mais elle a dit que des
17 camps analogues existaient et étaient organisés par les forces croates.
18 Ceux qui ont essayer de visiter ces camps ont été refusés dans cet effort.
19 Il existe aussi des indications signalant que des membres des
20 forces des Nations Unies ont visité certains de ces camps au moment des
21 incidents, notamment lorsqu'il s'agissait des camps que j'ai mentionnés.
22 Il s'agit des camps de Foca, Rajko Djukic(?), Vlasenica et les autres.
23 Dans tous ces camps, il y avait donc des fonctionnaires du SDS.
24 En effet ces fonctionnaires étaient parfaitement conscients de
25 ce qui se passait dans les camps qui se trouvaient dans leur région.
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1 Ostojic était envoyé dans cette région. Certains se trouvaient à Foca.
2 Ensuite, il y avait des camps dans la région de Prijedor qui a visité les
3 camps d'Omarska au mois de juillet 1992 : Major Slobodan Kuruzovic qui, en
4 plus d'être fonctionnaire militaire, était également commandant du camp de
5 Trnopolje.
6 Simo Drjjaca, chef de la police de Prijedor à Omarska,
7 Trnopolje et dans les autres camps. Il a également joué un rôle important
8 dans les négociations avec les forces de police, notamment lorsqu’il
9 s'agissait de la reddition des Serbes après les attaques
10 Simo Miskovic, dans la région de Prijedor, a été remarqué par
11 un certain nombre de témoins dans cette région au cours du mois d’août
12 1992. D'autres ont été également vus dans ces camps d'Omarska.
13 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - A-t-on jamais posé
14 la question au docteur Radovan Karadzic en ce qui concerne ces camps et a-
15 t-il pu en rendre compte ?
16 M. Ralston (interprétation de l’anglais). - Oui, on lui a posé
17 des questions à plusieurs reprises. Il niait le fait qu'on faisait subir
18 aux gens des mauvais traitements dans ces camps. Dans une interview pour
19 Der Spiegel en 1992, Radovan Karadzic a fait ressortir que ces camps
20 étaient exclusivement destinés aux prisonniers de guerre. Et puis, en
21 juillet 1996, Radovan Karadzic a refusé le fait dans une interview que ces
22 forces organisaient des camps et que des prisonniers étaient torturés.
23 D’après ses mots, il s'agissait de la "propagande musulmane".
24 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Connaissez-vous le
25 rapport de la commission Thomson ? Pourriez-vous expliquer et situer la
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1 position de cette mission ?
2 Pièce n° 61 s'il vous plaît.
3 M. Ralston (interprétation de l’anglais). - La mission Thomson
4 a été établie sous les auspices de l'organisation pour la coopération et
5 la sécurité en Europe.
6 M. Le Président. - Quand vous parlez de la pièce 61, est-ce
7 une pièce à la disposition du Tribunal ou est-ce dans le questionnement du
8 témoin ?
9 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Cette pièce devrait
10 se trouver dans le dossier qui vous a été fourni.
11 M. Le Président. - C’est exact Monsieur le Procureur.
12 M. Ralston (interprétation de l’anglais). - La mission dont je
13 parle est une mission humanitaire qui a été dirigée par Sir John Thomson,
14 des Nations Unies. Sa tâche essentielle a été de surveiller la situation
15 des Droits de l'Homme en Bosnie-Herzégovine, notamment à travers la
16 situation dans les camps, et ceci dans l'ensemble du pays dans la mesure
17 où cela a pu être fait au cours d'une semaine.
18 Ils ont visité des camps où des milliers ont été détenus dans
19 des conditions horribles, exécrables.
20 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Quelle a été le
21 séjour la teneur du séjour de la mission Thomson en Bosnie-
22 Herzégovine depuis le 29 août jusqu’au 4 septembre. Pourriez-vous nous
23 donner lecture de quelques passages de ce rapport de la commission
24 Thomson ?
25 M. Ralston (interprétation de l’anglais) - Page 6 du rapport,
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1 le sous-titre est "manque de respect pour la population civile". La
2 mission a établi qu’un grand nombre d’individus, hommes et femmes, jeunes
3 et vieux, sont détenus à l'heure actuelle dans les différentes localités
4 et camps de détention en Bosnie-Herzégovine. Nous avons rencontré des
5 jeunes prisonniers de 17 ans et d’autres qui avaient plus ou moins 83 ans.
6 Ils sont détenus contre leur volonté dans des conditions qui rendent leur
7 départ de ces places impossible.
8 Juridiquement parlant, les gens qui se trouvent dans ces lieux
9 de détention pourraient, grosso modo, être répartis entre trois
10 catégories.
11 A) Les prisonniers de guerre. Ces prisonniers ont pris une
12 part active dans les hostilités et peuvent être détenus de droit comme des
13 combattants sujets à la 3ème convention de Genève de 1989. La mission a vu
14 très peu de gens de cette catégorie. Elle a eu l’impression qu’il
15 s’agissait d’un combat à vie ou à mort.
16 B) Ceux dont on présume qu'ils cachaient des armes dans leur
17 maison. Il s'agissait donc de civils au statut non-combattant qui devaient
18 être protégés contre la détention militaire, mais qui pourraient faire
19 l'objet de poursuites judiciaires. Il y a un nombre significatif de ces
20 cas.
21 C) Ceux qui ont été faits prisonniers parce qu'ils vivaient ou
22 travaillaient dans les zones de combat. Ces gens ne prenaient pas une part
23 active aux hostilités, mais sont considérés comme ennemis en raison de
24 leur origine ethnique. Leur statut de civils non-combattants devaient les
25 protéger contre cette détention. Cette catégorie est de loin la plus
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1 grande.
2 D'après notre expérience, un faible pourcentage de prisonniers
3 sont de véritables prisonniers de guerre. Les autres catégories n'auraient
4 jamais dû être emprisonnées. Nous ne sommes pas convaincus quand ils
5 prétendent avoir été incarcérés pour leur propre sécurité, et parce qu’ils
6 se trouvaient tout simplement dans la zone des combats.
7 En effet, on pourrait conclure que la plupart des prisonniers
8 étaient des gens innocents qui ont été pris comme otage pour faire
9 progresser le nettoyage ethnique. Ils sont des pions dans de mauvais jeux
10 qui sont animés par les hommes politiques nationalistes. Ces gens
11 innocents devraient être mis en liberté immédiatement.
12 Page 8 du même document, la responsabilité des chefs de file
13 et je cite :
14 "En dépit de l'existence de ces maîtres de la guerre, le gros
15 de l'évidence des preuves indique la responsabilité de ceux qui sont admis
16 comme leaders."
17 La mission estime que les leaders exercent un contrôle
18 efficace sur les structures militaires et civiles, contrairement ce qui
19 est d’habitude accepté. Les éléments dits incontrôlables sont marginaux,
20 mais leur importance a été exagérée par les différents leaders qui y
21 trouvent une bonne explication pour les nombreux actes de barbarie.
22 La mission a visité également des camps bien organisés avec un
23 personnel militaire et des agents de police qui font ce qu'ils doivent
24 faire ou ce que l'on ordonne.
25 Il n'y a pas de raison pour que la Communauté internationale
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1 accepte implicitement ou autrement les violations des accords signés à
2 Londres ou à Genève.
3 L’existence le 22 mai 1992 de cet accord démontre que toutes
4 les parties dans chaque étape ont été conscientes de leur obligation et de
5 la nécessité de les exercer. Notamment, il faut se référer également à
6 l'ordre du 19 août 1992 du Président Radovan Karadzic qui parle
7 d'obligation additionnelle.
8 En effet, il se faut se rappeler aussi qu'il y a eu beaucoup
9 de violations, d’infractions des conventions de Genève dans une grands
10 mesure. L'infraction la plus largement répandue est celle de la durée de
11 la détention qui dépasse trois mois et qui ne permet pas une
12 classification des prisonniers de guerre. Le plus grand nombre de ceux-ci
13 apparaît dans les camps des Serbes et cela est particulièrement important
14 dans le cas des Serbes.
15 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Merci. En ce qui
16 concerne certaines des personnes qui ont été accusées pour ces violations
17 sérieuses du droit humanitaire international, et notamment les différentes
18 personnalités telle que Nikolic, Mlakic et Jelicic(?) ces gens ont-ils été
19 arrêtés ou punis ?
20 M. Ralston (interprétation de l’anglais) - Non.
21 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Maintenant,
22 permettez moi de me diriger brièvement vers les questions de propriété.
23 Vendredi, vous avez effleuré ce sujet et en avez parlé très brièvement.
24 Pourriez-vous nous expliquer comment ces biens étaient appropriés ?
25 M. Ralston (interprétation de l’anglais) - L’une de ces
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1 modalités était la prise de propriétés des personnes qui ont été détenues
2 dans les camps.
3 Ensuite, tout ceci a été accompagné de harcèlement. Ces gens
4 étaient forcés de remettre leurs biens. Souvent, ils ont dû même payer de
5 grandes sommes d'argent pour qu'ils puissent se déplacer d'une région à
6 l'autre.
7 Ensuite, on leur demandait de signer un document comme quoi
8 ils remettaient volontairement, de leur propre gré, toutes leurs
9 propriétés aux fonctionnaires de la République Srpska.
10 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Avez-vous un
11 spécimen de ces documents ? Il s'agit de la pièce 62. Monsieur Ralston,
12 pourriez-vous nous donner lecture de la traduction anglaise de ce
13 document ?
14 M. Ralston (interprétation de l’anglais) - Le document est
15 intitulé "Republika Srpska Makonic grade référence 01 08 22 Mukonic Grac
16 octobre 1992".
17 "Moi, je soussigné, résident de Makonic Grad, au nom de ma
18 famille immédiate et de ma famille en général, déclare avoir décidé de
19 remettre notre propriété, meubles et immeubles, aux autorités municipales
20 de Makonic Grad. En exprimant ma volonté et celle de ma famille, je signe
21 personnellement cette déclaration".
22 Par la signature de ce document, la famille en question a pu
23 quitter la région de Makonic Grad contre la signature du fonctionnaire
24 responsable de la municipalité de Makonic Grad. Ce document a été mis sous
25 scellés et contresigné par l'assemblée municipale de la Republika Srpska
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1 de Maconic Grad.
2 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Monsieur Ralston,
3 vendredi, vous avez fait le résumé de ce qui se passait dans les
4 municipalités où la population serbe n’était pas majoritaire. Vous avez
5 parlé de transfert dans les camps de déportation, de meurtres,
6 d'appropriations, de pillages de biens et ainsi de suite.
7 Que s'est-il vraiment passé dans ces différentes
8 municipalités ?
9 M. Ralston (interprétation de l’anglais) - En parlant de ces
10 différentes municipalités, à Foca il y avait à peu près 20 000 non-Serbes
11 en 1991. Au mois d’août 1993, ils n’étaient que 9.
12 A Bosanski Samac il y avait à peu près 17 000 non-Serbes.
13 Autour de juillet 1995, 98 % étaient partis.
14 A Vlasenica, la majorité des non-Serbes a été expulsée.
15 A Brcko, 79 % sur environ 69 000 non-Serbes, l’énorme majorité
16 qui n’a pas été tuée ou détenue est restée sans moyens.
17 A Prijedor, environ 64 000 non-Serbes sont tombés vers le mois
18 de juin 1993 à 88 % et vers le mois de juillet la majorité des non-Serbes
19 a été expulsée.
20 A Kotor Varos 36 670 non-Serbes en 1991 très peu sont restés.
21 A Zvornik quelque 35 000 non-Serbes ont été expulsés.
22 A Bratunac, il y avait environ 20 000 serbes ou 90 % de non
23 Serbes qui ont dû s’exiler.
24 A Rogatica, sur à peu près 12.000 habitants non Serbes, 2 700
25 ont dû fuir vers Gorazde, 3 700 vers Sarajevo, 1 200 vers Senica(?) et
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1 quelque 2 700 vers Zepa avant d’avoir été expulsés de cette région.
2 Visegrad : sur les 13 500 non-Serbes, 64,3 %. C'est une région
3 qui a été nettoyée intégralement.
4 A Srebrenica et Zepa, beaucoup de non-Serbes qui étaient venus
5 d'autres régions ont été également expulsés.
6 Je dirige votre attention sur la pièce n° 63.
7 Dans mon témoignage de vendredi, j'ai indiqué que ces régions
8 occupées par les Serbes de Bosnie étaient des régions où la population
9 non-serbe était majoritaire. Selon le recensement de 1991, il résulte des
10 activités des Serbes que la population serbe a le statut dominant dans
11 cette région.
12 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - En effet,
13 M. Karadzic, les autres fonctionnaires et le général Mladic connaissaient-
14 ils ces faits et leurs obligations découlant de droit humanitaire
15 international ? Connaissaient-ils également leurs obligations en rapport
16 avec les conventions de Genève ?
17 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Nous pouvons dire
18 que la formation militaire de la JNA comprenait une formation sur le plan
19 de la convention de Genève et autres conventions se rapportant aux crimes
20 de guerre.
21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A-t-on posé la même
22 question au docteur Karadic ?
23 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui.
24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Dans ce contexte,
25 je dirige votre attention sur les pièces 64, 65 et 66. Pourriez-vous nous
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1 expliquer chacune de ces pièces.
2 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - La pièce n° 64 est
3 une déclaration qui a été signée au mois de novembre concernant les
4 principes du droit humanitaire :
5 "Nous, les soussignés, nous nous engageons à respecter et à
6 assurer le respect des principes du droit humanitaire international."
7 On énumère les principes fondamentaux, y compris les
8 dispositions indiquant que toutes les autorités compétentes doivent
9 assurer la protection des prisonniers et la protection de la population
10 civile. Cette déclaration a été établie et signée par les présidents des
11 six Républiques à l'époque réunis à La Haye.
12 La pièce n° 65 est un accord sur la libération et le transfert
13 des prisonniers. Je m'excuse, mais j'avais sous les yeux un document
14 différent.
15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - La pièce 66 ?
16 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - La pièce n° 66 est
17 signée du 27 août 1992. Il s'agit d'un accord signé par le docteur
18 Karadzic et M. Itzetbegovic, accord évoquant et rejetant le nettoyage et
19 les pratiques du nettoyage ethnique, notamment en ce qui concerne les
20 parties au conflit. Le document comprend un point 3.4* :
21 "toutes les pratiques concernant les transports forcés,
22 intimidation, confiscation, destruction de la propriété, et de tout ce qui
23 fait partie du nettoyage ethnique doivent être rejetées et doivent être
24 suspendues."
25 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Nous revenons à
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1 cette pièce 65. Monsieur le Président, datée du 22 mai 1992. Il s'agit
2 d'un document des représentants des partis du docteur Karadzic qui
3 accèdent à un accord du Comité international de la Croix Rouge qui insiste
4 et réitère le respect et l'assurance du respect des lois du droit
5 humanitaire international.
6 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Le docteur Karadic
7 et le général Mladic ont-ils été informés des violations du droit
8 humanitaire international ? Certains cas de violation se sont-ils produits
9 en Bosnie ?
10 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui.
11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Avez-vous des
12 informations concernant ce point directement ? Si oui, je dirige votre
13 attention sur la pièce n° 67.
14 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - La pièce 67 est un
15 document adressé au général Mladic le 2 mars 1993, document envoyé par le
16 Bureau principal de la Communauté européenne. Ce document soulève des
17 questions telles que par exemple la détérioration de la situation dans des
18 poches musulmanes en Bosnie orientale, le problème de 3 000 Musulmans de
19 Dobrinja, à savoir que ces personnes avaient été forcées de quitter leurs
20 habitations, 1 500 musulmans avaient également été expulsés de leur
21 habitation.
22 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Des résolutions
23 ont-elles été adoptées par les Nations Unies, autre organisation, en ce
24 qui concerne les violations de droit humanitaire qui se produisaient en
25 Bosnie Herzégovine ?
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1 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui.
2 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce que
3 MM. Karadzic et Mladic avaient connaissance de ces résolutions ?
4 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui.
5 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je voudrais
6 maintenant, monsieur Ralston, me tourner vers la troisième partie de
7 l'acte d'accusation concernant la prise d'otages de membres des forces de
8 maintien de la paix. Pourriez-vous nous dire s'il y a eu de telles prises
9 d'otages en Bosnie Herzégovine ?
10 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui. A plusieurs
11 reprises, des membres des forces du maintien de la paix ont été pris en
12 otage : le 13 avril 1994 pour la première fois, pour la deuxième fois le
13 21 novembre 1994, à nouveau le 26 mais 1995 et enfin, en juillet 1995, à
14 Srebrenica.
15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous
16 décrire brièvement ces incidents ?
17 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Certes. Le 13
18 avril 1994, après des attaques de l'OTAN sur des cibles militaires de
19 l'armée serbe bosniaque, suite au pilonnage de Gorazde, des zones tenues
20 par les Serbes bosniaques, des soldats observateurs militaires et des
21 soldats du bataillon canadien ont été appréhendés et soumis à des
22 restrictions dans leur liberté de mouvement. Cette action a été faite par
23 l'armée serbe bosniaque.
24 Le 21 novembre 1994, après des attaques aériennes de l'OTAN à
25 13 heures 05 contre l'aéroport de Bina*, et en réponse au pilonnage de la
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1 poche de Bihac par les forces serbes croates, des prises d'otages ont eu
2 lieu le 23 novembre également à Otoko et Dvor.
3 Suite à cela, on a bloqué complètement la liberté de mouvement
4 de tout le personnel de la FORPRONU, surtout autour de Sarajevo. Dans le
5 secteur sud-ouest, 55 membres du CanBat 2, du bataillon canadien 2, ont
6 été détenus par l'armée serbe bosniaque et également de la Brigade Ilijas,
7 et dans six sites autour de Visoko et Breza de telles prises d'otages ont
8 eu lieu.
9 Aux points de contrôle de l'armée serbes bosniaque, à tous ces
10 points de contrôle, au sein des zones qui étaient sous leur responsabilité
11 proches des zones où circulaient les véhicules des Nations Unies, l'armée
12 serbes a ordonné à tous les observateurs militaires de ne pas quitter leur
13 base.
14 Suite aux attaques aériennes de l'OTAN, les 25 et 26 mai 1995,
15 le personnel militaire serbe bosniaque a capturé ou détenu
16 284 observateurs militaires et membres des forces du maintien de la paix,
17 à Pale, Sarajevo, Gorazde et autres sites, et les a utilisés comme
18 boucliers humains.
19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Après Srebrenica,
20 que s'est-il passé en juillet 1995 ?
21 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Environ
22 55 Néerlandais des forces de maintien de la paix des Nations Unies ont été
23 pris en otage par l'armée serbe bosniaque.
24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - S'agissant de cette
25 prise d'otage des observateurs militaires et des membres des forces du
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1 maintien de la paix, en mai 1995, pourriez-vous expliquer à la cour ce qui
2 s'est produit à cette occasion ?
3 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Des équipes
4 d'observateurs militaires avaient été envoyées dans toute la zone de
5 Sarajevo qui dépendait de leur responsabilité et avaient pour missions de
6 vérifier que l'artillerie lourde utilisée par l'armée serbe bosniaque ne
7 serait plus utilisée par l'armée serbe. Après avoir saisi des observateurs
8 militaires dans la zone de Pale, le personnel militaire serbe bosniaque a
9 choisi un certain nombre de ces personnes comme otages pour les utiliser
10 comme boucliers humains.
11 Trente cinq observateurs militaires des Nations Unies ont été
12 détenus, ils provenaient de huit équipes. A dater du 26 mai 1995 jusqu'au
13 27 mai 1995, le personnel militaire serbe bosniaque a tenu prisonniers
14 physiquement ou d'une autre manière des observateurs militaires et les a
15 utilisés sur des sites d'impact probables pour les attaques aériennes de
16 l'OTAN, tels que des dépôts de munitions à Jahorinski Potok, au site du
17 radar Jahorina et sur des centres de communication qui se trouvaient dans
18 cette zone afin que l'OTAN ne les attaque pas.
19 Certains de ces observateurs militaires ont été ligotés,
20 d'autres se sont vu apposer des menottes et utiliser d'une manière ou
21 d'une autre comme boucliers humains contre des attaques aériennes
22 potentielles de l'OTAN. D'autres encore se sont vu imposer d'autres
23 restrictions.
24 Le personnel militaire serbe bosniaque a tenu sous contrainte,
25 pendant toute leur captivité, les membres des forces du maintien de la
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1 paix pris en otage. Dans certaines circonstances, ces otages ont même subi
2 certains sévices. Après de longues négociations avec les leaders serbes
3 bosniaques, les otages ont été libérés suivant quatre vagues se
4 répartissant entre les 3 et 18 juin 1995.
5 Suite aux attaques aériennes de l'OTAN, non seulement des
6 observateurs militaires, mais aussi beaucoup de soldats de la FORPRONU ont
7 été détenus par les forces serbes bosniaques Ces soldats ont été postés à
8 un certain nombre de points de contrôle autour de Gorazde et des banlieues
9 tenues par les Serbes de Sarajevo, fin mai 1995. Sept jours sur sept, ils
10 ont été maintenus à ces points de contrôle, qui avaient été pris par les
11 militaires serbes bosniaques, et contraints d'y rester.
12 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - La prise de ces
13 observateurs militaires et de membres des forces du maintien de la paix
14 semble répondre à une tactique systématique ?
15 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui.
16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je voudrais attirer
17 votre attention sur la pièce 69. Quand vous aurez vu cette pièce,
18 pourriez-vous avoir l'amabilité d'expliquer ce qui s'y trouve ?
19 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Tous les endroits
20 indiqués ici, là et là encore sur cette carte représentent les sites où
21 des observateurs militaires ou des membres des forces de maintien de la
22 paix ont été capturés et utilisés comme otages. Vous pouvez remarquer que
23 ces sites, ces localités recouvrent en fait toute la zone occupée par les
24 Serbes bosniaques à l'époque. Je vous ai indiqué la plupart de ces sites
25 tout à l'heure. Vous voyez ici les sites des prises d'otages autour de
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1 Sarajevo, où un grand nombre d'observateurs militaires et de membres des
2 forces du maintien de la paix ont été pris en otage..
3 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Karadzic et Mladic
4 ont-ils été informés que des membres des forces de maintien de la paix des
5 Nations Unies ont été pris en otage en violation du droit international
6 humanitaire ?
7 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui. Des
8 fonctionnaires de haut rang des Nations Unies ont protesté contre ces
9 actions. A la suite de la prise d'otage au mois de mai 1995, otages qui
10 ont été utilisés comme boucliers humains, le public et la Communauté
11 internationale d'une manière générale se sont élevés contre cette
12 pratique. De tout ceci, naturellement, Karadzic et Mladic en étaient
13 informés.
14 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Comment ont-ils
15 répondu ?
16 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - En fait, une
17 interview a été publiée le 29 août 1994 dans Der Spiegel qui montre bien
18 l'attitude de Karadzic.
19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Comment évaluez-
20 vous les propositions du président américain, M. Clinton, de lever
21 l'embargo des armes contre les Musulmans, et donc d'armer vos adversaires
22 militaires ?
23 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Karadzic a
24 répondu : "si l'embargo des armes est levé, nous ne respecterons aucune
25 résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. Nous allons prendre
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1 en otage beaucoup plus de casques bleu, et nous allons descendre autant
2 d'avions que possible et arrêter autant d'étrangers que possible sur notre
3 territoire. Nous ferons tout ce qui est en faveur de notre peuple, sans
4 tenir compte de qui que ce soit d'autres."
5 Dans une interview le 17 mai, avec Der Spiegel, Karadzic
6 aurait répondu : "si l'OTAN devait attaquer, nous prendrions des otages.
7 S'il attaque, il deviendront notre ennemi".
8 Le général Mladic, le 30 mai 1995, dans un article publié dans
9 l'"International Herald Tribune", est cité comme ayant dit : "le général
10 Ratko Mladic, le commandant des Serbes bosniaques, a arrêté d'enchaîner
11 des otages pour les utiliser comme boucliers humains contre les attaques
12 aériennes de l'OTAN". Cela a provoqué la protestation du monde entier.
13 Mais il a mis en garde, il a dit : "les soldats continueraient d'exposer à
14 ces sites, également à des dépôts de munitions et des bases de radar tant
15 que les Nations Unies n'auraient pas arrêté leurs actions."
16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je voudrais
17 maintenant me tourner vers ce qu'a fait le Bureau du procureur de ce
18 tribunal en ce qui concerne ses efforts pour arrêter Karadzic et le
19 général Mladic. Nous avons demandé également que le greffe transmette à la
20 République Srpska et à la Serbie Monténégro des informations pour que les
21 deux suspects soient informés de l'existence des actes d'accusation contre
22 eux et de leur teneur. Or, il n'y a pas eu de réponse en ce qui concerne
23 une information des deux accusés. Rien n'a été publié dans la République
24 fédérale yougoslave ni dans la République Srpska.
25 Depuis que Karadzic et Mladic ont été ainsi accusés, se sont-
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1 ils rendus à Belgrade ?
2 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Il a été fait
3 savoir que Karadzic et Mladic se sont rendus à plusieurs occasions à
4 Belgrade depuis la prise de ces actes d'accusation. Le général Mladic
5 aurait rencontré le président Milosevic, le chef des armées de l'armée
6 yougoslave, le général Momcilo Perici à Belgrade, le 3 août 1994. Le
7 docteur Karadzic aurait rencontré les responsables de la République
8 Fédérale yougoslave à Belgrade le 29 août 1995.
9 Monsieur Karadzic et le général Mladic se seraient rendus à
10 Belgrade pour des entretiens le 14 septembre 1995.
11 Le général Mladic aurait été hospitalisé plusieurs jours, le
12 19 décembre 1994.
13 Le docteur Karadzic serait arrivé à Belgrade le 25 septembre
14 1995 pour des consultations avant la réunion de New York entre Milan
15 Milutinovic, Muhamed Sacirbegovic et Mate Granic.
16 Le 19 octobre 1995, une délégation comprenant M. Karadzic
17 aurait rencontré une délégation de la République fédérale yougoslaves à
18 Dobanovici, près de Belgrade pour des entretiens.
19 Le 23 novembre 1995, des responsables de la République
20 fédérale yougoslave et de la République Srpska y inclus Karadzic se
21 seraient rencontrés à Belgrade.
22 Le 7 février 1996, M. Karadzic aurait eu des consultations à
23 Belgrade avec Milocevic pour discuter de la nouvelle situation due à
24 l'arrestation du général serbe Djorde Dukic. Le général Mladic a été
25 photographié à Belgrade, lors des funérailles du général Dukic le 21 mai
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1 1996.
2 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur le
3 Président, ceci termine le témoignage de M. Ralston. Nous demandons que
4 les pièces qui ont été montrées pendant ce témoignage soient versées comme
5 pièces à conviction au dossier.
6 M. le Président. - Monsieur le procureur, le Tribunal vous
7 donne acte du versement au dossier et les reçoit en tant que telles, ainsi
8 qu'il va être procédé par monsieur le greffier. En avez-vous terminé pour
9 les questions que vous désiriez poser au témoin M. Ralston, monsieur le
10 procureur ?
11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Oui. Nous avons
12 terminé notre présentation, monsieur le président.
13 M. le Président. - Je vous en remercie. Je me tourne vers mon
14 collègue, le juge Odio-Benito. Avez-vous une ou plusieurs questions à
15 poser au témoin ?
16 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Juste un
17 point de clarification, monsieur le président. En ce qui concerne la pièce
18 à conviction 29, je ne me souviens pas si nous avons vu la séquence n° 4.
19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Non, nous n'avons
20 pas présenté la séquence n° 4.
21 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Avez-vous
22 l'intention de projeter la séquence n° 4 ?
23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Non, nous n'avons
24 pas prévu de projeter cette séquence. Nous l'avons supprimée du
25 témoignage.
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1 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ralston,
2 vous avez dit -et je vous cite- : "que des officiels de haut rang du SDS
3 avaient rendu visite au camp et étaient tout à fait au courant des
4 conditions qui y régnaient". Vous avez dit que le président du CDS du
5 Prijedor et d'autres ont été vus dans le camp d'Omarska et dans d'autres
6 camps.
7 Pourriez-vous nous dire quelle est la relation entre le SDS,
8 l'état-major de crise Karadzic et Mladic.
9 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - L'état-major de
10 crise a été créé par les hauts fonctionnaires du SDS, les hauts membres du
11 SDS. Le personnel de cette équipe de crise était responsable pour la
12 coordination de tout ce qui se passait dans ces municipalités.
13 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Recevaient-ils des
14 ordres de Mladic ? Y a-t-il eu des signes d'une collaboration, d'une
15 coopération ?
16 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Etant donné qu'il
17 existait une coopération très étroite entre le militaire et la police, au
18 moment des prises de pouvoir, il me semble qu'on peut répondre : oui, il y
19 avait coopération, collaboration directe entre le personnel du centre de
20 crise et le SDS et les autres.
21 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Autrement dit, ils ne
22 pouvaient pas agir sans le consentement du général Mladic et du docteur
23 Karadzic ?
24 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui, c'est mon
25 opinion.
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1 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit
2 également que lorsqu'il fut interviewé, M. Karadzic a nié que les camps
3 d'internement aient été pour les civils. Il aurait dit qu'ils étaient
4 réservés aux prisonniers de guerre.
5 A-t-il nié également le fait que des atrocités y soient
6 exercées et que des conditions inhumaines régnaient dans les camps ?
7 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui, il a
8 également nié cela. Il a été interviewé à maintes reprises en ce qui
9 concerne les camps et par différents membres des médias. D'une manière
10 générale, il y a toujours nié que des atrocités soient commises dans ces
11 camps. En août 1992, il a été interviewé et il a nié ces atrocités. Il
12 avait été interviewé en ce qui concerne les camps de Prijedor. Il a dit
13 qu'il n'y avait pas d'atrocités commises. Il a continué en disant que si
14 de tels mauvais traitements avaient existé, il punirait les auteurs.
15 Personne n'a jamais été punis pour ces mauvais traitements.
16 M. le Président. - Monsieur Ralston, j'ai moi-même deux
17 questions à vous poser, peut-être trois. Vous avez décrit, à l'intention
18 du tribunal, le processus et les méthodes qui ont été utilisés dans le but
19 du changement ethnique supposé dans le programme du SDS et appliqué. Vous
20 avez décrit les similitudes, camp par camp, c'était donc vendredi,
21 similitudes que je décris : restitution des armes, allégeance, ultimatum,
22 reddition, moeurs, séparation hommes-femmes.
23 Ma question est celle-ci : a-t-on retrouvé des sources écrites
24 donnant des instructions pour la mise en place de ce processus qui est
25 similaire dans les méthodes et qui est contemporain dans le temps, c'est-
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1 à-dire la grande offensive du printemps 1992 ? A-t-on retrouvé, à votre
2 bureau, des sources écrites, des conférences d'état-major, des mémos
3 militaires, qui décriraient ce processus ?
4 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui, il existe un
5 grand nombre de rapports et de documents de ce genre. J'ai même entendu un
6 témoin me les décrire, mais personnellement je n'ai jamais vu un tel
7 document.
8 M. le Président. - Monsieur le procureur, en annexe à cette
9 réponse, il semble donc qu'il y ait des sources. Vous-même, monsieur
10 Ralston, puisque vous faites partie du bureau du procureur, avez-vous
11 recherché ces sources, êtes-vous en train de les rechercher ou les
12 documents périphériques que vous avez vous paraissent-ils suffisants ?
13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur le
14 président, notre enquête continue. Nous continuons d'enquêter sur toutes
15 les allégations et tous les chefs d'accusation.
16 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Je le dis à
17 l'intention du public qui nous occupe, il s'agit d'une procédure de
18 l'article 61, il s'agit de confirmer un acte d'accusation et bien entendu
19 je reçois donc comme tout à fait valable cette réponse et l'enquête
20 continue au-delà de l'acte d'accusation. Il convenait de le dire.
21 Deuxième question, monsieur Ralston, au sujet des missions du
22 CICR ou d'autres organisations humanitaires dont vous nous avez donné le
23 compte rendu à la fois écrit et même parfois visuel. Ces missions étaient-
24 elles préparées longtemps à l'avance et avez-vous des sources vous
25 indiquant comment elles étaient reçues ? Autrement dit, préparait-on les
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1 prisonniers à leur faire dire ce qu'ils devaient dire, les menaçaient-on
2 s'il ne disaient pas ce qu'il convenait de dire pour atténuer les
3 éventuelles souffrances qui leur étaient infligées ?
4 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui, nous avons
5 retrouvé des preuves de ce que vous indiquez. Par exemple, dans le camp de
6 Bakovic où la Croix-Rouge s'est rendue fréquemment, des témoins m'ont dit
7 qu'on faisait partir les jeunes et les personnes âgées avant que la
8 Croix-Rouge n'arrive, on les emmenait ailleurs et on les ramenait la nuit,
9 dans ce camp, une fois que la Croix-Rouge était repartie.
10 En ce qui concerne les visites au camp d'Omarska, je sais
11 qu'avant que la communauté internationale arrive au camp, à peu près
12 180 détenus, les plus émaciés, dans le plus mauvais état, avaient été
13 enlevés du camp pendant ces visites. On m'a dit qu'avant ces visites, on
14 mettait en garde les prisonniers en leur interdisant de parler aux
15 journalistes et que s'ils devaient parler aux journalistes, on leur disait
16 ce qu'ils devaient dire. Dans une des séquences que nous avons montrées
17 vendredi après-midi, où des journalistes essaient de parler avec des
18 détenus d'Omarska, on se rend compte que les prisonniers sont très
19 réticents à parler avec les visiteurs.
20 M. le Président. - Merci. Troisième question pour vous,
21 monsieur Ralston. Est-ce que vous avez de la documentation, des
22 témoignages éventuellement, des sources écrites ou verbales sur le rôle
23 des deux accusés, de Radovan Karadzic et de Ratko Mladic, après 1992,
24 c'est-à-dire entre 1992 et 1995 ?
25 J'entends bien que vous nous avez montré ce matin la part
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1 d'autorité qu'ils avaient dans les négociations internationales. Ceci est
2 une chose. Après tous ces offensives et ces conquêtes de territoires,
3 cette purification ethnique qui se met en place avec, au départ, une
4 certaine efficacité, je voudrais savoir quel est le rôle de ces deux
5 accusés. A-t-on des témoignages sur leur attitude, des discours où ils
6 félicitent les acteurs, par exemple, ou des comptes rendus de bulletins
7 militaires, des conférences de Conseil des ministres ? Est-ce que nous
8 avons cela ? On a l'impression qu'après 1992, on revoit ces deux
9 dirigeants dans des conférences internationales, mais on n'a pas, semble-
10 t-il, de traduction de leur rôle à partir de ce moment-là. Avez-vous des
11 sources et, éventuellement, les réservez-vous pour le procès, si un jour
12 il y a procès contradictoire ?
13 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui, je crois que
14 je peux apporter des éléments. Nous avons conduit un grand nombre
15 d'interviews, d'entretiens avec un grand nombre de personnes de très haut
16 niveau en ce qui concerne le rôle et de Karadzic et de Mladic et de leurs
17 relations. On pourrait résumer cela en deux ou trois points.
18 D'abord, le Dr Karadzic était le leader politique et le chef
19 suprême des armées, des militaires, et le Général Mladic était l'officier
20 militaire le plus haut dans la hiérarchie, responsable de l'armée serbe en
21 Bosnie et, par ailleurs, nous avons la preuve que M. Karadzic, après la
22 chute de Srebrenica, félicite les militaires serbes d'avoir provoqué cette
23 chute.
24 M. le Président. - Je voudrais juste compléter sur le plan de
25 votre réponse. Le Tribunal s'interroge. Il y a certainement eu des
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1 réunions du Parlement serbe entre 1992 et 1995. Il y a donc certainement
2 eu des communications faites par le ministre de la Défense, par
3 M. Karadzic lui-même. Avez-vous des comptes rendus de ces sessions ? Il y
4 avait un journal officiel. Je suppose que cela devait être l'ordre du jour
5 permanent.
6 Si M. Ralston n'est pas en mesure de répondre, cette question
7 s'adresse aussi bien à M. Mark Harmon. Monsieur Mark Harmon, cette
8 question s'adresse à votre bureau, bien entendu.
9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur le
10 président, à ce stade et comme vous l'avez dit, l'objectif de l'article 61
11 est tel que nous avons décidé de ne pas présenter tous les éléments de
12 preuve dont dispose le bureau du procureur et nous procédons de cette
13 manière pour des raisons qui nous semblent assez évidentes. Nous estimons
14 que la charge de la preuve, dans le cadre de l'audience en vertu de
15 l'article 61, consiste à présenter suffisamment d'éléments de preuve pour
16 qu'il y ait des raisons suffisantes pour confirmer que MM. Karadzic et
17 Mladic ont bien commis les chefs d'accusation et nous avons choisi de ne
18 pas présenter d'autres éléments de preuve pour des raisons de sécurité et
19 d'autres raisons de ce genre.
20 M. le Président. - Merci, monsieur le procureur, pour votre
21 réponse.
22 Dernière question pendant que vous avez la parole. A la fin de
23 votre intervention, je pense pour faire la preuve de la défaillance des
24 accusés et de ceux qui vraisemblablement les protégeraient, vous avez
25 parlé des contacts que vous avez eus. Est-il confidentiel ou secret de
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1 vous demander si votre bureau a eu lui-même des contacts à haut niveau à
2 Belgrade ou à Pale, au-delà des publications dans les journaux que nous
3 connaissons puisque c'est ce qui a déclenché la convocation à la présente
4 audience. Mais vous-mêmes, dans votre bureau, avez-vous eu des contacts à
5 haut niveau, depuis ces mandats d'arrêt et ces accusations, pour faire
6 prendre conscience que ces mandats d'arrêt devaient être exécutés ?
7 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Oui, Monsieur le
8 Président.
9 M. le Président. - Merci. Je suppose que ces contacts sont
10 couverts par un secret qui concerne la stratégie du bureau du Procureur,
11 mais il appartenait au Tribunal que vous puissiez dire que des contacts
12 ont eu lieu et ont traduit la détermination du Bureau du Procureur au plus
13 haut niveau pour que les accusés répondent à la justice internationale en
14 se présentant. Je vous en remercie.
15 Il n'y a pas donc pas d'autre question. Je crois, Monsieur le
16 Procureur, que nous pouvons remercier M. Ralston de son témoignage et le
17 renvoyer à la continuation de l'exercice de sa mission dans le cadre du
18 Bureau du Procureur. Merci, Monsieur le Procureur.
19 M. Raslton (interprétation de l'anglais). - Merci, Monsieur le
20 Président.
21 M. le Président. - Monsieur le Procureur.
22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous voulons
23 maintenant appeler notre témoin suivant, à moins que vous ne souhaitiez
24 faire une pause.
25 M. le Président. - Je pense qu'il serait peut-être logique que
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1 nous fassions la pause entre deux témoins, avant que ne commence
2 l'audition du témoin suivant.
3 L'audience est suspendue, elle reprendra à 11 heures 20.
4 La séance, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures
5 25.
6
7 M. Le Président. - Monsieur le Procureur, vous pouvez faire
8 entrer le témoin suivant.
9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous appelons M.
10 Jan Van Hecke.
11 M. Le Président. - Monsieur Van Hecke, m’entendez-vous bien ?
12 Je vous demande de lire votre déclaration.
13 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Je déclare
14 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité, rien que la
15 vérité.
16 M. Le Président. - Merci, monsieur Van Hecke. Vous pouvez
17 vous asseoir. Vous avez été cité devant le Tribunal pénal international
18 comme témoin par le bureau du procureur.
19 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci, monsieur
21 le Président.
22 Pourriez-vous donner votre nom, et même l'épeler.
23 M. Van Hecke (interprétation de l’anglais). - Je m’appelle Jan
24 Van Hecke. Je suis enquêteur auprès du bureau du procureur.
25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Madame et
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1 messieurs les juges, pour votre information nous parlerons dans cette
2 déposition du pilonnage et des tirs isolés sur Sarajevo, ainsi que des
3 attaques contre Tuzla.
4 Nous avons préparé un certain nombre de pièces à conviction
5 que nous allons vous montrer. Je demanderai que vous soient remis ces
6 trois classeurs qui contiennent les photographies et les autres éléments
7 que nous allons verser au dossier.
8 Ces documents contiennent également un certain nombre
9 d’éléments relatifs aux témoins ultérieurs qui s'ajoutent à ceux dont nous
10 allons traiter dans l'immédiat
11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Très bien,
12 monsieur Van Hecke. Vous avez déclaré être membre du bureau du procureur.
13 Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
14 M. Van Hecke (interprétation de l’anglais). - Depuis avril
15 1995.
16 M. Ostberg (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous parler
17 de vos postes précédents ?
18 M. Van Hecke (interprétation de l’anglais). - Je suis officier
19 de police belge et cela depuis 18 ans. J’ai actuellement le rang de
20 détective commissaire dans la police judiciaire belge. Depuis 1988, date à
21 laquelle j’ai rejoint le bureau du procureur, j'ai été chargé d’enquêtes
22 relatives à des homicides et à la drogue dans la région de Louvain, en
23 Belgique.
24 M. Ostberg (interprétation de l’anglais). - Dans quel type
25 d’enquêtes avez-vous été impliqué depuis que vous avez rejoint le bureau
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1 du procureur ?
2 M. Van Hecke (interprétation de l’anglais). - J’ai travaillé
3 sur les allégations de crimes de guerre contre les populations civiles de
4 Sarajevo et me suis concentré principalement sur des présomptions de tirs
5 isolés et de pilonnage contre des civils. Ces présomptions couvrent la
6 période qui s’étend d’avril-mai 1992, date du début des hostilités à
7 Sarajevo, jusqu’aux accords de Dayton de décembre 1995.
8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Combien d’affaires
9 cela implique-t-il ?
10 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Nous avons
11 établi, au départ, qu’il était impossible d’enquêter totalement sur toutes
12 les présomptions de tirs isolés et de pilonnages couvrant cette période.
13 Par conséquent, nous avons dû choisir un certain nombre de cas sur le
14 total. Nous avons enquêté sur environ 60 à 70 cas de tirs isolés et 38 cas
15 de pilonnages.
16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous nous
17 dire quelques mots des méthodes que vous avez utilisées dans ce genre
18 d’enquêtes.
19 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Notre méthode
20 fondamentale a consisté à obtenir les dossiers auprès des autorités de
21 Sarajevo qui ont enquêté sur un grand nombre d’incidents. Les fondements
22 de ces enquêtes n’étaient pas facilement disponibles en 1992, si l’on
23 compare aux éléments de preuve que nous avons pu obtenir par la suite des
24 autorités bosniaques.
25 Sur la base de ces dossiers, nous avons localisé et interviewé
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1 un certain nombre de victimes, des témoins oculaires, et nous avons
2 corroboré leurs dépositions et celles des enquêteurs, notamment en ce qui
3 concerne les enquêtes balistiques et les enquêtes de médecine légale.
4 Les méthodes et conclusions de ces experts ont été comparées
5 aux avis et confirmations provenant d’un certain nombre de conclusions de
6 médecine légale. Dans de nombreux cas, des documents médicaux certifiés
7 ont été produits et des certificats de décès ont été obtenus concernant
8 les blessés ou les victimes tuées.
9 Dans chacun des cas, nous avons établi que les incidents
10 impliquaient des témoins civils ou non combattants et qu’aucune activité
11 militaire n’avait eu lieu de la part des forces gouvernementales
12 bosniaques aux lieux et époques impliqués.
13 Nous avons également obtenu des éléments de preuve concernant
14 la disposition des forces autour de la ville, ainsi que la filière de
15 commandement des forces serbes bosniaques ou de l’armée de la Republika
16 Srpska pendant ce que l’on a appelé le siège de Sarajevo.
17 Pour l’essentiel, ce corps serbe bosniaque a toujours été
18 celui qui était responsable du siège. Il s’agissait du corps de Romanija
19 de Sarajevo. Ce corps au début, basé déjà à cet endroit avant le début des
20 hostilités, dépendait du 2ème district militaire, 4ème corps de l’armée
21 nationale yougoslave JNA.
22 Les autres troupes de ce corps constituaient la base du corps
23 de Romanija et de Sarajevo et ont pris les armes laissées par l’ancienne
24 JNA, à savoir des chars de l’artillerie déjà placés autour de Sarajevo au
25 début du conflit.
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1 M. Otsberg (interprétation de l’anglais). - J’aimerais
2 maintenant que vous décriviez la géographie de la zone. Monsieur le
3 Président, je voudrais présenter la pièce à conviction 71 qui est une
4 photographie aérienne tirée du National géographic qui montre la ville de
5 Sarajevo. On peut même constater sous quel angle la ville est observée.
6 Je demanderai à M. Van Hecke de nous décrire cette pièce.
7 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Comme vous le
8 savez sans doute, Sarajevo est la capitale de la République de Bosnie-
9 Herzégovine ainsi que le siège du gouvernement national.
10 Historiquement, la ville remonte à l'époque romaine et au
11 cours des âges, elle a toujours été un centre culturel et commercial
12 important de la région. Le recensement de 1991 indique une population
13 approchant 526 000 habitants, dont la composition ethnique se divise en
14 49,35 % de Musulmans, 29,9 % de Serbes, 6,6 % de Croates et 10,7 % de
15 Yougoslaves, avec 3,5 % de personnes se décrivant comme appartenant à
16 d'autres groupes.
17 Peut-on montrer la pièce sur les écrans ?
18 Comme vous le voyez la ville occupe une vallée longue et
19 étroite le long de la rivière Miljacka et elle est dominée par des
20 montagnes qui regardent vers la Ville.
21 Sarajevo s’étend de l’Est à l’Ouest le long de cette rivière,
22 les pentes de la montagne étant occupées par des zones résidentielles et
23 commerciales, ainsi que par la vieille ville qui se situe à l’Est. A
24 l’Ouest, on trouve des quartiers résidentiels et commerciaux ainsi qu’un
25 certain nombre de nouvelles municipalités qui vont jusqu’à l’extrémité
Page 279
1 occidentale de la vallée.
2 Vous constaterez à l’oeil nu que la ville se trouve dans une
3 cuvette et qu’elle peut être vue en détail depuis toutes les collines.
4 Nous avons deux photographies qui montrent Sarajevo depuis les
5 collines. Il s’agit des pièces à conviction 72 et 73. Peut-être pourrions-
6 nous voir ces photographies avant la vidéo ?
7 Voici une vue très claire de la ville.
8 La pièce suivante n’est pas très différente de la précédente.
9 Maintenant je pense que nous pouvons voir la vidéo qui sera la pièce à
10 conviction 70.
11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourrez-vous nous
12 commenter cette séquence vidéo lorsque la projection commencera ?
13 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Lorsque les
14 hostilités ont commencé en avril 1992, les forces qui devaient
15 ultérieurement devenir l'armée de la Republika Srpska ont occupé les
16 collines avoisinantes et les lignes de confrontation se sont établies
17 rapidement.
18 Ces lignes sont restées pratiquement les mêmes pendant toute
19 la durée du conflit. A partir de ses positions, l’armée de la Republika
20 Srpska avait une vue non obstruée sur la ville et sa population. Ses
21 forces possédaient de grandes quantités d’armement léger et d’artillerie,
22 ainsi que des munitions. A partir de mai 1992 environ, Sarajevo a subi un
23 siège et des pilonnages ainsi que des tirs isolés.
24 Voici une vue d’un quartier de Sarajevo.
25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous pouvons
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1 maintenant passer à la pièce à conviction 74 qui est une carte qui montre
2 les lignes de confrontation. Pouvez-vous nous commenter cette carte ?
3 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Je puis montrer
4 les lignes de confrontation à partir de cette carte préparée par des
5 sources des Nations Unies qui montre clairement la façon dont la ville et
6 la population civile, dans sa totalité, s’est trouvée prise au piège dans
7 cette cuvette que constitue Sarajevo.
8 L’armée de la Republika Srpska a lancé des attaquants contre
9 cette population sans aucune justification, sans aucun objectif militaire,
10 sans que cette action militaire soit légitime. Les lignes de confrontation
11 sont restées les mêmes pendant toute la période.
12 M. Ostberg (interprétation de l'anglais).- Vous nous avez dit
13 au départ que vous aviez mené des enquêtes sur des incidents relatifs à
14 des pilonnages et à des tirs isolés. Pouvez-vous nous parler des tirs
15 isolés ?
16 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Là encore je ne
17 peux que vous donner une idée générale de ces tirs isolés. La campagne de
18 tirs isolés s'est prolongée pendant toute la durée du siège et au nombre
19 de victimes civiles on a compté des personnes âgées et des enfants des
20 deux sexes.
21 La campagne a affecté un grand nombre de quartiers de la ville
22 et les dommages ont été d'importance diverse. Personne pour l'essentiel ne
23 pouvait se sentir sûr, où que ce soit dans la ville, même à l’intérieur
24 des maisons.
25 Des habitations civiles, des immeubles ont été pris pour cible
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1 à de nombreuses reprises et des gens se sont trouvés blessés, même
2 lorsqu’ils étaient assis sur leur canapé, ou lorsqu’ils dormaient ou
3 réalisaient des tâches ménagères. Les attaques par tirs isolés ont
4 impliqué l’utilisation d'armes à feu, ce qui signifie que la cible était
5 sélectionnée et délibérément choisie.
6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous pouvons
7 maintenant montrer la pièce à conviction 75 qui se compose d’un certain
8 nombre de photographies. Je vous demanderai d’expliquer à la Cour de quoi
9 il s’agit.
10 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Vous voyez ici
11 trois exemples d'armes utilisées par les tireurs isolés.
12 On trouve donc des fusils, des armes légères automatiques, et
13 en général il y a un viseur. Dans le cadre de la campagne contre Sarajevo,
14 ces armes ont également compris des mitraillettes légères, celles que vous
15 voyez en bas.
16 M. Ostberg interprétation de l'anglais). - Celles du bas ?
17 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais).- Oui. M84 ou NSV.
18 C’est une arme qui a une portée de 2 000 mètres, équipée d’un élément de
19 visée, donc permettant de viser plus précisément, que l'on a appelée dans
20 la population " l’arme de mort". C'est une arme très puissante, qui tire
21 par rafale.
22 La connaissance que la population locale avait des attaquants
23 et du fait qu'ils étaient dans une position très favorable au-dessus de la
24 ville dans les collines, ainsi que dans des immeubles élevés, a permis aux
25 tireurs isolés de sélectionner et de viser leur cible très précisément.
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1 Dans de nombreux endroits, les lignes de confrontations plaçaient les
2 tireurs isolés près des zones civiles, par exemple, à Grbavica où les
3 tireurs isolés ont pris pour cible la route principale qui traverse la
4 ville à partir des immeubles qui se trouvent du côté serbe bosniaque.
5 C’est ce que l’on a appelé la "snipper alley", terme devenu très célèbre.
6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous nous
7 dire quelle forme a revêtu cette campagne de tirs isolés ?
8 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - De nombreuses
9 zones dans la ville étaient constamment en danger. J'ai personnellement vu
10 un certain nombre de barricades improvisées dressées pour offrir quelque
11 abri, quelque protection dans la ville et dans ses environs. Je l’ai vu
12 par exemple à Dobrinja, à l’Ouest de la ville où les gens étaient très
13 exposés dans des zones très vastes séparant des immeubles d’habitation et
14 même à l’intérieur des appartements ainsi qu’aux carrefours et dans les
15 villes particulièrement dangereuses du centre-ville.
16 Nous voyons par exemple sur la pièce à conviction 76 des
17 autocars et d'autres véhicules qui ont été endommagés. Vous voyez ici des
18 voitures qui sont utilisées pour dresser des barricades, ce qui permet aux
19 gens de courir derrière ce que l’on peut appeler ce "mur de véhicules"
20 pour échapper aux tirs isolés de l’autre côté.
21 Un autre exemple, pièce à conviction 77, où vous voyez des
22 autocars qui sont placés à cet endroit pour protéger des tirs isolés.
23 Pièce 78, encore une fois des autocars destinés à protéger la
24 population.
25 Pièce à conviction 80 : nous voyons ici une position anti-tirs
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1 isolés des Nations Unies. Les forces des Nations Unies se plaçaient
2 fréquemment aux endroits où les tirs isolés étaient les plus nombreux pour
3 bloquer les rues. Un grand nombre d'endroits ont pris le nom de "nids de
4 snipper", des rues étant appelées "allées de snipper", c’était les
5 endroits où les victimes civiles étaient les plus nombreuses.
6 Mais l’un des problèmes les plus importants résidait dans le
7 fait que souvent les civils étaient contraints de prendre des risques en
8 s’exposant aux tirs isolés en exécutant des tâches aussi communes qu'aller
9 chercher de l’eau, par exemple.
10 Nous avons enquêté sur des cas où les gens ont été tués à
11 l'intérieur de leurs habitations. Et bien entendu le nombre des victimes
12 civiles a été important. C'était inévitable.
13 M. Otsberg (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous nous
14 décrire une modalité typique de ces tirs isolés ?
15 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Dans certains
16 lieux il s’agissait de quelque chose de très fréquent : les tirs étaient
17 intensifs et s'étendaient sur des périodes prolongées. Dans d'autres cas,
18 ils étaient plus aléatoires. Quelquefois, les tirs se faisaient par
19 rafale. Les gens sortent de chez eux dans l'espoir qu’il y ait quelque
20 sécurité pendant quelque temps et c’est à ce moment-là que les tirs isolés
21 éclatent et qu’ils sont touchés, souvent pendant des cessez-le-feu, en
22 rupture des accords et avec ciblage des civils.
23 Cela s'est produit quand par exemple des gens voulaient porter
24 secours à une victime qu'ils ne pouvaient atteindre sans risquer eux-mêmes
25 le feu des tireurs isolés. A ce moment là, ils étaient victimes également.
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1 Il y a eu des victimes qui auraient pu survivre si elles
2 avaient eu de l'aide.
3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous donner
4 des exemples de tels cas ?
5 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Nous avons
6 enquêté sur un certain nombre de cas qui sont cités dans les actes
7 d'accusation. Ils comprenaient des enfants, des femmes, des personnes
8 âgées. Il apparaît donc à l'évidence que le tueur isolé cible délibérément
9 sa victime et n'hésite pas à tirer, y compris sur des femmes, des
10 personnes âgées ou des enfants.
11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Le tireur isolé
12 devait-il toujours utiliser sa lunette pour agrandir la cible ?
13 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Non, il tirait
14 quelquefois d'assez près. Par exemple, à Grbavica, il y avait cinq
15 immeubles du côté serbe bosniaque et ils avaient une vue tout à fait
16 dégagée, à partir de ces immeubles, sur les gens qui circulaient dans la
17 rue. Bien entendu, à l'aide de la lunette ciblée, viser la victime ne
18 présentait aucune difficulté, ils voyaient très clairement de qui il
19 s'agissait.
20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais) .- Madame, Messieurs
21 les juges, vous avez lu les actes d'accusation et vous en avez entendu
22 lecture en début de cette audience. Vous savez donc qu'une liste de
23 personnes a été citée, dont une liste de quinze enfants au total, avec un
24 petit garçon de 2 ans ; puis une liste de femmes, la plus jeune étant âgée
25 de 20 ans, la plus âgée d'une cinquantaine d'années ; enfin une liste de
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1 vingt personnes âgées (des femmes âgées de 60 à 70 ans) ; puis une autre
2 liste d'hommes et de femmes mélangés.
3 A votre avis, lorsque vous avez mené cette enquête, les
4 personnes, dont les noms figurent dans l'acte d'accusation, ont-elles été
5 ciblées individuellement par les tireurs isolés ?
6 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, il
7 s'agissait, à l'évidence, de civils qui ont été pris pour cible par les
8 tireurs isolés qui voyaient très clairement quelle était l'identité de ces
9 personnes.
10 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous donner
11 à la Cour un nombre estimé des personnes tuées par les tireurs isolés ?
12 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - C'est très
13 difficile à dire mais, au cours de notre enquête, nous avons constaté
14 37 décès. C'est, bien entendu, une proportion très restreinte du total des
15 tués.
16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous ne pouvez pas
17 vous approcher d'un nombre plus proche de la réalité ?
18 M. Van Hecke(interprétation de l'anglais). - Selon notre
19 estimation, il y en a au moins une centaine -au moins. Mais je n'ai pas
20 les statistiques précises à ma disposition pour pouvoir vous donner une
21 estimation plus précise.
22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci beaucoup.
23 Si vous le voulez bien, nous passons maintenant au pilonnage.
24 Je vous demanderai de commencer par nous dire quels types d'armes ont été
25 utilisés dans ces pilonnages.
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1 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Trois types
2 d'armes ont été utilisés : des fusils, des mortiers, et des Houwitzer.
3 Je demanderai que l'on montre la pièce à conviction 81.
4 Avant de poursuivre avec cette pièce 81, une vidéo a été
5 préparée. Peut-être pourrait-on d'abord voir la vidéo qui porte sur le
6 pilonnage. C'est la pièce à conviction 70.
7 (Projection de la vidéo)
8 Vous voyez comment ces victimes tentent de trouver un abri et
9 de s'enfuir.
10 Vous voyez ici que les gens doivent parfois traverser la rue
11 entre des barricades, dans des endroits particulièrement exposés aux tirs
12 isolés.
13 Comme vous pouvez le constater, ces gens sont tous des civils.
14 Vous voyez ici une femme qui a été touchée par la balle d'un tireur isolé.
15 Comme je l'ai dit précédemment, les gens étaient bien forcés
16 de sortir pour répondre à leurs besoins fondamentaux.
17 Vous avez ici un exemple de tir isolé frappant un tramway.
18 Comme vous le voyez, il s'agit d'une séquence vidéo de
19 quelques minutes à peine, mais tout cela a eu lieu quarante huit mois,
20 sans discontinuer, à Sarajevo, pendant le siège.
21 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Les pilonnages et
22 les tirs isolés se produisaient-ils simultanément ?
23 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, pendant
24 toute la période du siège de Sarajevo de quarante huit mois.
25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et, pendant qu'il
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1 y avait des pilonnage, il y avait donc également des tirs de tireurs
2 isolés ?
3 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, bien
4 entendu.
5 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous nous
6 dire quelques mots des armes utilisées pour les pilonnages ?
7 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui. Revenons à
8 la pièce à conviction n° 81.
9 Vous voyez ici les mortiers utilisés dans les alentours de
10 Sarajevo. Il y avait des mortiers de 60 millimètres, de 82 millimètres
11 et de 120 millimètres.
12 La pièce à conviction 82 montre d'autres armes qui étaient
13 utilisées : des Houwitzer, un type d'obus particulier, le fusil de
14 montagne 76 millimètres, le Houwitzer 105 millimètres et le Houwitzer
15 152 millimètres, appelé également M84. Toutes ces armes ont été utilisées
16 dans les alentours de Sarajevo pour cibler Sarajevo
17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous
18 également nous dire quelques mots des endroits où ces armes étaient
19 placées ?
20 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - J'aimerais que
21 l'on revienne à la pièce à conviction 83 qui est, pour l'essentiel, la
22 même carte que celle que nous avons vue précédemment mais, cette fois-ci,
23 nous voyons la localisation des armes déployées autour de Sarajevo. En
24 haut à gauche, des indications vous permettent d'interpréter cette carte
25 montrant le déploiement des armes autour de Sarajevo. Ce qui figure en
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1 vert indique les batteries de pièces d'artillerie. Il y a également les
2 pièces de mortier, les armes de défense antiaérienne.
3 Tout cela était situé autour de Sarajevo.
4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous avons la
5 légende en haut à gauche, n'est-ce pas ?
6 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Effectivement.
7 Comme vous pouvez le constater, les pièces d'artillerie
8 étaient nombreuses autour de Sarajevo. L'artillerie lourde a été retirée
9 en 1994, conformément à l'accord sur la zone d'exclusion, mais des
10 batteries de mortier ont été maintenues autour de la ville. Ces mortiers
11 ont continué à être utilisés de façon très générale, certains tirant à
12 partir de coordonnées topographiques préétablies en des lieux précis, ce
13 qui donnait une zone de ciblage cohérente, toutes ces localisations de tir
14 visant les civils de la ville.
15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quand cela s'est-
16 il passé ?
17 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - En février 1994,
18 l'artillerie lourde a dû être retirée de Sarajevo et placée à 20
19 kilomètres autour de la ville à la suite d'un accord.
20 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui,
21 effectivement.
22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous nous avez
23 déjà parlé des armes utilisées. Maintenant nous voyons où ces armes
24 étaient déployées. Pouvez-vous décrire ces armes ?
25 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, je peux
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1 vous donner davantage de détails au sujet de ces armes. Là nous rentrons
2 dans la technique.
3 Pour l'essentiel, il y avait donc trois types d'armes : les
4 fusils, les Houwitzer, les obus. Les obus étaient des obus à grande
5 vitesse, d'une grande précision et d'une grande portée. Les fusils avaient
6 une trajectoire plate pour tir direct. Les mortiers avaient une
7 trajectoire élevée et servaient aux bombardements aériens grâce à des tirs
8 indirects.
9 On tire donc à partir d'un bâtiment ou d'une colline sur une
10 cible. Le Houwitzer et le mortier fonctionnent de façon très similaire,
11 toujours en trajectoire indirecte et, dans le cas des obus de 120
12 millimètres, l'obus peut voler à 6 kilomètres et demi d'altitude et peut
13 prendre 45 secondes avant d'atteindre sa cible.
14 Ces hommes ont également été utilisés pour combattre les zones
15 de sécurité.
16 Des obus explosent avec une surface de fragmentation très
17 importante, l'enveloppe de l'obus se désintégrant en centaine de morceaux
18 de métal dont le potentiel de morts est très important. Un obus de mortier
19 de 120 millimètres peut avoir un rayon de mort de 54 mètres sur une zone
20 dangereuse d'une surface totale de 500 mètres. Il est donc très efficace.
21 Les mortiers sont principalement destinés à cibler des troupes
22 en mouvement sur terrain ouvert.
23 Dans les zones confinées des rues d'une ville, avec les
24 bâtiments qui se trouvent dans ces rues, ces armes ont un effet
25 dévastateur et peuvent faire de très nombreuses victimes.
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1 La précision du mortier est affectée par un certain nombre de
2 facteurs, notamment les conditions météorologiques, la hauteur de la
3 trajectoire, la vitesse du vent, l'orientation et également l'effet de
4 l'incrustation de la base de l'arme au moment du tir.
5 L'armée de la Républica Srpska avait un grand nombre de
6 mortiers dont les coordonnées de localisation étaient fixes pour pré-
7 cibler la ville, ce qui permettait un meilleur degré de précision que les
8 mortiers normaux parce que la base de l'arme est plus stable lorsque la
9 pièce est enfoncée dans la terre.
10 L'armée des Serbes de Bosnie a utilisé les mortiers autour de
11 Sarajevo de façon très particulière. Dans une guerre normale, le mortier
12 est une arme de précision qui sert à des tirs indirects, on ne voit pas la
13 cible. Mais à Sarajevo, les positions où étaient placés les mortiers
14 étaient telles que l'on pouvait avoir une vue dégagée sur la ville.
15 Nous pouvons maintenant passer à un certain nombre de pièces à
16 conviction en commençant par la pièce 84.
17 Ici l'hôpital de la ville. Vous voyez que même les hôpitaux
18 ont été l'objet de pilonnages.
19 Pièce suivante : ici l'hôpital de Kosevo où vous voyez
20 l'impact d'un obus.
21 Pièce 86 : une autre image de l'hôpital de Kosevo.
22 On voit donc que les hôpitaux ont été fréquemment la cible de
23 pilonnages.
24 Pièce 87 : dans cette rue, sur la gauche, le 28 août 1995, a
25 eu lieu un pilonnage. Il s'agit du marché fermé de Sarajevo. Je reviendrai
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1 ultérieurement sur cet incident particulier.
2 Pièce suivante : au milieu de la photo, vous voyez ici le
3 cratère dû à un obus de mortier de 120 millimètres qui a atterri à cet
4 endroit. Vous voyez également le sang tout autour du cratère.
5 Pièce suivante : vous voyez ici le même endroit sous un autre
6 angle.
7 Pièce suivante : on voit aussi du sang.
8 Vous voyez ici les ravages du pilonnage : 43 personnes ont été
9 tuées à cet endroit. Vous voyez le pied détaché du corps d'une victime .
10 Pièce suivante : vous voyez la partie d'une main.
11 Lorsque les enquêteurs arrivaient sur le terrain, ils trouvait
12 souvent les restes de corps humains, les victimes ayant déjà été emportées
13 à la morgue de l'hôpital.
14 Là aussi, des victimes que l'on voit à la morgue. Vous
15 constaterez qu'il y a des femmes parmi ces victimes.
16 Pièce suivante. Ici, c'est une queue de gens allant chercher
17 de l'eau qui a subi un pilonnage, à Dobrinja. Vous voyez les bidons d'eau
18 sur la gauche.
19 Ici, vous voyez un autre choc de mortier. Là, c'est
20 Vase Miskina, dans la ville de Sarajevo. Un pilonnement au commencement de
21 la guerre, en mai 1992.
22 L'une des victimes de ce pilonnage est un enfant.
23 Ici, une autre victime de ce même pilonnage, lequel s'est
24 produit en janvier 1994. Les enfants faisaient de la luge dans cette
25 partie résidentielle de la partie occidentale de Sarajevo lorsque trois
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1 obus ont atterri à proximité immédiate du lieu où les enfants se
2 trouvaient.
3 Des pas dans la neige et des fragments autour.
4 Les luges des enfants qui sont tombés, victimes au cours de
5 cette attaque, de ce pilonnage.
6 Un autre site, dans le quartier de Dobrinja, où des gens
7 faisaient la queue pour l'aide humanitaire et vous voyez l'impact des
8 obus.
9 Nous verrons certaines des victimes de ce pilonnage, si vous
10 voulez bien passer les photos l'une après l'autre. Une autre victime
11 habillée en civil.
12 Une jeune femme tuée dans la même opération, dans le même
13 pilonnage.
14 Une autre femme tuée.
15 Un homme tué, lui aussi durant le même pilonnage.
16 Un autre homme.
17 Une autre femme tuée.
18 Comme vous avez pu le voir au cours de la présentation des
19 photos qui ont précédé, parmi les victimes de ce pilonnage, il y a des
20 gens de tous âges. Ils étaient tous en route pour faire la queue pour
21 s'approvisionner en eau et vous pouvez vous faire une idée de la façon
22 dont les gens formaient ces queues. Il s'agissait de véritables
23 rassemblements de gens lorsqu'ils devaient aller chercher de l'eau et
24 c'est les moments choisis par l'armée des Serbes bosniaques pour pilonner,
25 pour attaquer la ville.
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1 L'école primaire Simon Bolivar. Vous voyez que la pompe à eau
2 était placée tout près et c'est là que les gens venaient pour
3 s'approvisionner. L'accident s'est produit en juin 1995.
4 Si vous voulez bien, pour situer cela, nous pouvons revenir à
5 la pièce 74. Vous pouvez voir où se trouve le quartier de Dobrinja, au
6 sud-ouest de Sarajevo. Il s'agissait d'une poche pratiquement au coeur de
7 la zone assiégée, cette poche qu'attaquaient les forces serbes bosniaques.
8 Revenons en arrière. Vous voyez sur la photo du haut les
9 impact d'obus sur un mur haut de 4 mètres et, sur la photo du bas, le
10 stabilisateur de cet obus qui est passé de l'autre côté du mur. Vous
11 pouvez voir l'emplacement exact où l'obus a atterri.
12 Photos suivantes. Vous pouvez voir sur ces photos tous ces
13 récipients d'eau qui se trouvaient de l'autre côté de la pompe, là où les
14 gens s'approvisionnaient, et qui étaient passés de l'autre côté. En bas,
15 vous voyez une victime, une personne âgée. Ensuite, vous verrez une série
16 de victimes de ce même genre de pilonnage. Ces photos vous démontreront
17 comment ces obus explosaient à une hauteur de quelques mètres au-dessus du
18 sol. Tous les gens ainsi étaient blessés à la tête.
19 Vous voyez, vous pouvez noter ces fragments et quels en sont
20 les effets une fois en contact avec le corps humain.
21 Une femme qui a été tuée au cours du même pilonnage.
22 Une des victimes. Tous portent des blessures à la tête.
23 Je vous présente des photos terrifiantes, mais ce n'est qu'une
24 petite partie de ce qui s'est passé à Sarajevo pendant les trois, quatre
25 années écoulées.
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1 Encore un pilonnage d'une autre queue de gens
2 s'approvisionnant en eau, photo prise sous un autre angle. Un certain
3 nombre de corps se trouvent encore à même le sol.
4 Même situation, même incident. Les effets de l'explosion. Les
5 éclats tombés sur les voitures qui se trouvaient aux alentours.
6 Je pense que nous terminons avec cette série de pièces,
7 d'éléments de preuve.
8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous venez de nous
9 présenter les effets de ces pilonnages et les armes utilisées. Ma question
10 est la suivante : d'autres armes spécifiques ont-elles été utilisées ?
11 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, on a
12 utilisé des bombes aériennes modifiées, au cours de 1995. Il s'agissait de
13 bombes dirigées sur le bâtiment de la télévision à Sarajevo. Ceci est
14 significatif parce qu'il s'agit d'obus qui ont touché des appartements
15 résidentiels, donc autres que les bâtiments militaires, c'est-à-dire des
16 bâtiments civils et ce ne sont pas des armes qu'on utilise pour une haute
17 précision.
18 De nouveau, la pièce 84. Voilà les premières bombes aériennes
19 qui ont été lancées à partir de cette région. C'est la ligne du tir.
20 J'essaierai d'être le plus exact possible pour vous indiquer la ligne du
21 tir. Il s'agissait de bombes qui survolaient le territoire détenu par les
22 forces gouvernementales bosniaques. Une bombe est venue de ce côté-ci, a
23 été tirée dans cette direction-là et a survolé le territoire détenu par le
24 gouvernement bosniaque, en allant vers le côté ouest de Sarajevo, dans
25 cette direction-ci.
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1 Par conséquent, ces bombes n'avaient pas une exactitude de tir
2 précise, raison pour laquelle elles ont été tirées dans les directions
3 dans lesquelles elles ont été tirées.
4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous des
5 photos qui pourraient illustrer cela pour le Tribunal ?
6 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, j'ai un
7 certain nombre de pièces photographiques montrant les effets de
8 l'explosion d'une bombe aérienne.
9 La pièce n° 135 représente le dessin d'une bombe aérienne
10 improvisée. C'est la bombe telle qu'elle se présente, telle qu'elle a été
11 conçue pour être utilisée. Il s'agit d'une bombe de 250 kilogrammes, qui
12 devait être larguée d'un avion. Il s'agissait de moteurs de 120 ou
13 140 millimètres.
14 Des moteurs d'accélération ont été rajoutés aux missiles. Ces
15 moteurs pouvaient s'allumer à des temps différents. Evidemment, ce sont
16 des armes imprévisibles pour le ciblage et qui ne sont pas utilisables
17 pour des ciblages précis, mais elles peuvent être utilisées pour des
18 ciblages et pour des dommages accidentels. Nous vous présenterons cela sur
19 les pièces suivantes.
20 Ici, vous voyez des éléments qui ont été trouvés sur un des
21 sites d'explosion.
22 Un autre site d'explosion. Vous voyez les dommages que ce
23 genre de bombe peut produire, quels sont les dommages de ces explosions.
24 La photo d'une femme qui a été tuée au cours d'un raid, d'une
25 attaque par cette bombe aérienne.
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1 Un site autour d'un quartier résidentiel où une bombe aérienne
2 a atterri. Dans le quartier du Alipasino Poljé. Vous vous souvenez des
3 enfants qui ont péri dans cet même région, presque sur le même site. Vous
4 pouvez voir que ces bombes ont explosé dans un bâtiment résidentiel.
5 Une des victimes de cette explosion aérienne.
6 Photo suivante : une autre victime de cette bombe aérienne.
7 Des gens qui sont gravement mutilés, blessés suite à
8 l'explosion de ces bombes.
9 Un autre garçon tué par les éclats de ces bombes. Il s'agit
10 d'une bombe de gravitation, dans le secteur de Ilijas, de nouveau à
11 Sarajevo.
12 Toute une série de fusées et d'obus de ce type.
13 Une vue encore plus nette de cette arme.
14 Une photo des moteurs de fusée. Vous voyez cette plaque, cette
15 plate-forme, en bas. C'est par cette plaque la bombe était rattachée au
16 moteur de l'engin, du missile.
17 Une vue par derrière. La boîte métallique qui était placée
18 avec les moteurs de 122 à 128 millimètres, moteur d'accélération.
19 C'est tout pour le moment.
20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci bien. Est-ce
21 que les enquêteurs ont été en mesure de déterminer les types des armes
22 utilisées à différents moments ?
23 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Les tests
24 balistiques de base sont ceux de l'analyse des cratères mais au départ,
25 d'après les éclats sur les cibles, le degré de pénétration, les fragments
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1 de ces éclats, les enquêteurs ont pu déterminer la nature et le calibre
2 des armes et des obus.
3 Chaque type d'obus a ses détails caractéristiques. Vous pouvez
4 les comparer avec un pneu de voiture. D'autres caractéristiques physiques
5 permettent une analyse de ces cratères et, par ailleurs, il y a eu
6 également les témoignages des témoins sur place, grâce auxquels nous avons
7 complété l'image.
8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous fait une
9 analyse de cratère dans chaque cas ?
10 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, dans la
11 plupart des cas nous avons eu les résultats des experts balistiques
12 bosniaques et parfois ceux des équipes de l'ONU qui ont également fait des
13 analyses des cratères. Certains experts ont pu vérifier certaines méthodes
14 et résultats et moi-même, j'ai visité certains sites et j'ai fait
15 certaines évaluations.
16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez donc pu
17 visiter ceux-ci ?
18 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, les experts
19 auxquels j'ai parlé en réalité avait relevé des différences de 1 à
20 2 degrés. Leurs rapports faisaient état d'une marge d'erreur de plus ou
21 moins 5 degrés, afin d'être sûr.
22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - A-t-on fait des
23 statistiques sur le nombre de bombes aériennes qui ont été larguées ?
24 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, et nous
25 avons établi qu'il y en avait eu seize.
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1 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quelle était la
2 portée de ces obus et depuis où ces bombes ont-elles été tirées ?
3 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Revenons à
4 l'analyse des cratères. Vous devez déterminer où l'obus a été utilisé,
5 quel est l'angle de descente, quels sont les sept niveaux de charge de
6 propulsion et la quantité de la charge utilisée.
7 Un obus de mortier est fourni avec six charges additionnelles
8 de 4 à 60 millimètres. Rien sur le sol ou parmi les éclats ne peut
9 indiquer quel est la puissance de la charge qui a été utilisée.
10 Evidemment, si des témoins avaient entendu l'atterrissage et l'éclatement
11 de l'obus, on pouvait alors établir la portée et la distance à partir de
12 laquelle l'obus avait été tiré. En effet, les témoins sont très
13 importants, comme nous pouvons le constater, à la fois les civils et les
14 témoins militaires des Nations Unies, ce qui nous a permis d'établir le
15 point de départ du tir.
16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous
17 décrire ces procédures d'analyse des cratères et nous indiquer des lieux
18 où vous avez fait ce genre d'analyse ?
19 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Pour m'étendre
20 plus en détail sur ces analyses de cratères, je dois dire que j'ai visité
21 des sites à Sarajevo. Nous avons fait des analyses sur le terrain. Je
22 pourrai vous présenter quelques exemples de ces effets, puis passer à
23 l'aspect technique.
24 Il s'agit de quelques-unes des principales méthodes d'analyse
25 de cratères. Nous nous sommes basés essentiellement sur la méthode de
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1 l'axe principal, c'est celle que nous avons utilisée le plus fréquemment à
2 Sarajevo.
3 Pièces 122 et 123, méthode du sillon du détonateur. Vous voyez
4 un cratère, un impact d'obus. On peut voir la longueur du cratère. Ici, un
5 jalon, la méthode du tunnel de détonateur. Je vous l'expliquerai tout à
6 l'heure dans l'explication technique, mais permettez-moi de vous expliquer
7 les méthodes principales que nous avons utilisées.
8 Nous passons à la pièce 124 : il s'agit de la méthode de l'axe
9 principal. C'est une analyse de cratères menée peu après le test effectué
10 par les Canadiens.
11 Vous pouvez voir que les techniciens de la police ont essayé
12 d'abord de nettoyer le cratère. Ils balaient littéralement le site pour le
13 rendre plus net.
14 Après avoir tout déblayé en quelque sorte, ils ont placé une
15 camionnette de la police, des photos sont prises et ces photos seront
16 analysées en détail.
17 Etape, suivante, démarcation de toutes les traces sur le
18 cratère à l'aide d'une craie, et ici, vous pouvez voir ce que nous
19 obtenons par la suite après ces marques posées à l'aide de la craie. Les
20 traces se trouvent de ce côté-ci, les plus grandes, et les plus petites se
21 trouve du côté opposé du cratère. Dans le centre, on met deux bâtons. Ce
22 sont les grandes marques, les principaux jalons. On construit un angle, et
23 au milieu -c'est pour cette raison qu'on appelle méthode de l'axe
24 principal- on place un bâton. Une fois le point central de cet angle
25 déterminé, on met un compas sur le cratère lui-même et vous pouvez voir
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1 sur une boussole les degrés à l'aide de ce compas, un ou deux degrés de
2 ce côté-ci et l'accès principal de cette ligne est la ligne du feu, la
3 ligne du tir.
4 Là, c'est un gros plan, mais en fait, c'est la même image.
5 Ici, sur cette photographie, vous voyez l'indication du point
6 cardinal nord.
7 Sur la pièce suivante, vous voyez qu'une carte de Sarajevo et
8 des alentours est placée dans la direction du tir, et avec la boussole on
9 peut déterminer la provenance du pilonnage, du tir.
10 Photographie suivante : vous voyez que l'on nettoie.
11 Voilà, j'en ai terminé avec cette série. Je vais peut-être
12 maintenant vous donner quelques explications techniques complémentaires.
13 Cette analyse du cratère s'insère dans le cadre de l'analyse globale et
14 est complétée par d'autres éléments visuels, par exemple la lumière de
15 l'explosion. On observe cela de manière à savoir de quel type de tir il
16 s'agit.
17 On regarde également ce qu'il en est du tunnel de détonateur,
18 la distance de parcours entre le tunnel de détonateur et le cratère, et à
19 partir du centre du cratère, on peut mesurer en plaçant un jalon au milieu
20 du cratère et deux à chaque extrémité de la gouttière. Il doit y avoir
21 équidistance à partir du centre. Au point d'intersection avec le tunnel de
22 détonateur, on place un jalon. De cette manière, on peut voir quelle est
23 la direction.
24 Le mortier qui provoque le cratère typique peut être
25 déterminé. Lorsque le détonateur détone, il y a explosion et des stries
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1 sont provoquées par les fragments de l'obus. Selon le dessin de ces
2 stries, il est possible de savoir ce dont il s'agit. En général, ces
3 stries sont perpendiculaires à la ligne de déplacement de l'obus.
4 Je vous ai montré tout à l'heure comment on procède avec la
5 méthode de gouttière. On utilise deux jalons, un dans la direction
6 principale et l'autre dans la direction perpendiculaire. L'instrument de
7 mesure est mis en parallèle avec la gouttière et on mesure.
8 Cette méthode utilise un jalon placé dans cette gouttière et
9 l'instrument de mesure est placé en parallèle avec l'impact du mortier.
10 Tout cela permet, grâce à la boussole, de déterminer la direction et le
11 degré de tir. C'est un peu ce qui est fait dans le domaine militaire. Ceci
12 permet quand même un degré de précision assez grand.
13 En examinant tous les fragments trouvés sur le site, on peut
14 déterminer l'arme utilisée, le type d'obus, après avoir déterminé d'où
15 est venu cet obus.
16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Ceci veut dire que
17 vous savez clairement d'où vient le tir, quelle est la distance à
18 laquelle le tire a été effectuée ?
19 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui. La distance
20 est un problème, parce que pour la connaître, il faut avoir des témoins
21 qui ont entendu ce qui s'est passé. Mais le soleil, lui aussi, est
22 important pour avoir une bonne idée de la direction.
23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous combiné
24 ces différentes méthodes et toutes ces analyses ?
25 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui. Nous ne
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1 nous fondons pas seulement sur des données techniques dans le cadre de ces
2 enquêtes complètes, nous avons interviewé des victimes, des témoins et
3 nous avons, en fait, utilisé tout ce que nous avions à notre disposition
4 pour essayer de savoir exactement ce dont il s'agissait.
5 Nous avons eu des exemples de pilonnages sur lesquels les
6 enquêtes été faites entre 1992 et 1995.
7 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez vous
8 passer ces exemples en revue en nous disant ce qui s'est passé dans ces
9 différents cas de pilonnage.
10 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Pour différents
11 cas, je reviendrai sur des pièces à conviction déjà examinées. La première
12 enquête concernait le pilonnage du 27 mai 1992.
13 Il faudrait montrer la pièce à conviction n°93.
14 Un obus de mortier tombe dans une rue où beaucoup de personnes
15 font la queue pour avoir du pain. C'est dans la rue Vase Miskina, et cet
16 obus de mortier a tué un grand nombre de personnes. Cette rue se situe au
17 centre de Sarajevo où dix-sept civils ont été tués et cent onze personnes
18 blessées. L'origine du feu était une position située sur une des collines
19 de Trebevic. Les lignes de confrontation se trouvaient à environ un
20 kilomètre de cet impact.
21 Sur la pièce suivante, vous voyez que c'est un pilonnage sans
22 aucune discrimination. Cet enfant a été tué lors de ce pilonnage, personne
23 n'était à l'abri de cet obus. Ici, une femme qui fut tuée pendant le même
24 cas de pilonnage.
25 Vous allez voir maintenant quelques victimes. Je vous ai dit
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1 que lors de ce pilonnage, dix-sept personnes étaient tués et cent
2 onze blessés.
3 Autres cas de pilonnage sur lequel nous avons enquêté, qui a
4 eu lieu le 3 juillet 1992. Il s'agit de l'utilisation d'un char serbe qui
5 a tiré sur des personnes qui se trouvaient autour d'un cerisier, à
6 Grahoviste. Le char voyait très bien sa cible et un grand nombre de
7 personnes, en particulier des enfants qui se trouvaient dans l'arbre ont
8 été tués, d’autres blessés.
9 Autre cas de pilonnage : le 1er juin 1993, pendant les
10 vacances musulmanes de Bajram, un concours de football a été organisé dans
11 le quartier résidentiel de Dobrinja. Deux cents spectateurs se trouvaient
12 là au début et après deux heures du début de ces matches de football, des
13 obus de mortier de 82 millimètres on été tirés : douze personnes tuées,
14 cent blessés.
15 Vous vous souviendrez de ce que je vous ai montré tout à
16 l'heure au sujet de l'analyse de cratère. Ce cratère a été l'un de ceux
17 analysés à partir de cet incident.
18 Le 26 juin 1993, un obus d'artillerie de 120 millimètres a
19 touché un groupe de jeunes personnes qui se trouvaient dans une allée
20 entre Hendina 6 et Dragice Pravice 5, dans le quartier Bistrik Sarajevo.
21 Cela se trouve au sud de la ville. 7 morts et 28 blessés. Ils avaient tous
22 moins de 21 ans.
23 Pendant les funérailles des personnes qui avaient été tués à
24 ce moment-là, un pilonnage a également eu lieu.
25 Le 12 juillet 1993, un obus a touché des personnes qui
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1 attendaient pour la distribution d'eau à Dobrinja : douze tués, seize
2 blessés. Vous avez déjà vu cette photo, vous voyez tous les bidons
3 abandonnés des gens qui attendaient pour la distribution d'eau et qui ont
4 été tués à côté de cette maison.
5 Pièce 120. A droite, cet homme se trouvait à l'entrée de là où
6 se trouvait la pompe. Les gens attendaient leur tour dans la rue et vous
7 voyez des corps de personnes tuées recouverts avec des sacs de plastique.
8 Je vous ai déjà expliqué ce que représente cette pièce.
9 Le pilonnage suivant dont je vais vous parler a eu lieu le
10 28 novembre 1993. C'est un obus de mortier de 120 millimètres qui touche
11 des personnes qui se trouvent dans la rue de Dobrovoljacka : cinq morts et
12 six blessés, tous des civils.
13 Le 6 décembre 1993, un obus d'artillerie 122 millimètres est
14 tiré sur le quartier de Ciglane, il passe au dessus d'un passage dans la
15 rue Djure Dakovica, et explose sur des civils qui se trouvaient dans un
16 petit marché en plein air qui était une zone fréquemment pilonnée : six
17 morts, quatorze blessés.
18 Le 22 janvier 1994, vers 13 heures 15, trois obus de mortier
19 sont tirés sur un groupe d'enfants âgés de 5 à 12 ans qui faisaient de la
20 luge ou qui jouaient dans la neige. Cela se trouve dans un quartier
21 résidentiel, Alispasino Polje : six morts, cinq blessés.
22 Le 4 février 1994, trois obus de mortier de 120 millimètres
23 tombent sur le quartier résidentiel de Dobrinja, tuant neuf personnes et
24 en blessant vingt-trois. Ces personnes attendaient à un point de
25 distribution d'aide humanitaire. Vous voyez l'endroit où ces gens
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1 attendaient pour recevoir de l'aide humanitaire. Je vous montrerai les
2 victimes de ce pilonnage tout à l'heure : neuf morts, vingt-trois blessés.
3 Le jour suivant, le 5 février 1994, un obus de mortier de
4 120 millimètres touche le marché de Markale sur la place Stari Grad, dans
5 la vieille de Sarajevo. Le marché était très plein : soixante personnes
6 ont été tuées, deux cents ont été blessées. L'obus de mortier a été tiré
7 de l'arrière de Spicasta Stijena, territoire relevant du commandement
8 militaire des Serbes bosniaques, et explose dans le centre. Il n'y avait
9 naturellement aucune cible militaire, comme c'était d'ailleurs le cas dans
10 les autres sites pilonnés qui n'avaient rien de militaires.
11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). Pourrait-on revoir
12 la pièce 74 ?
13 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Il s'agit du
14 pilonnage qui a eu lieu le 30 octobre 1994, date à laquelle un obus de
15 mortier de 120 millimètres a été tiré sur Vojkovici sur un groupe de
16 civils qui essayaient de gagner un peu d'argent en aidant les gens qui
17 sortaient des autobus avec leurs bagages : un mort, quinze blessés.
18 Un autre pilonnage à 3 heures et demi le 8 novembre 1994 avec
19 deux obus de mortier 82 millimètres qui sont tombés sur la rue Livanjska
20 entre 5 heures 25 et 5 heures 30 : un mort, sept blessés.
21 Le 17 novembre 1994, un obus de mortier 120 millimètres
22 explose à Ulilce Partizanska, à Hrasnica, avec une explosion très
23 violente. Deux enfants sont tués et deux femmes adultes blessées, ainsi
24 qu'un autre enfant.
25 Le 12 décembre 1994, un obus de mortier 90 millimètres explose
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1 dans la cour d'une habitation civile, dans la rue Donja Kartal 6. Un homme
2 assez âgé qui était en train de chercher du bois est tué, sa femme
3 blessée.
4 Le 22 décembre 1994, deux obus d'artillerie de 76 millimètres
5 touchent le marché aux puces de la vieille ville venant des positions
6 serbes bosniaques se trouvant à Trebevic : deux morts, sept blessés.
7 Le 12 mars 1995, un obus de 120 millimètres arrive dans la
8 cour de l'école secondaire musulmane, dans la vieille ville de Sarajevo,
9 tuant un civil. Ce bâtiment se trouve sans aucun doute, c'est très clair,
10 dans un quartier où il n'y a que des magasins, des bureaux et quelques
11 édifices culturels, autrement dit loin des lignes de confrontations.
12 Le 7 avril 1995, une de ces bombes modifiées est tirée à
13 partir de Ilidza, tenu par les Serbes bosniaques, à 9 heures. L'impact de
14 cette bombe a été considérable sur les bâtiments de Hrasnica et sur des
15 appartements civils : un mort et trois blessés. C'est la pièce 138.
16 Puis-je avoir la pièce 74 à nouveau, s'il vous plaît ?
17 Vous voyez où est tombée cette bombe, à Hrasnica, loin d'où
18 elle avait été tirée.
19 Le 12 avril 1995, à 11 heures 55, un obus de 60 millimètres
20 explose tout près de la gare de Sarajevo qui d'ailleurs ne fonctionnait
21 plus depuis le début des hostilités : sept civils sont blessés.
22 Le 18 juin 1995, à 11 heures 40, un obus de mortier 120
23 millimètres touche un groupe de civils qui attendent la distribution d'eau
24 Pourrions-nous revenir à la pièce 110 ? Il s'agit de l’école
25 Simon Bolivar où se trouvait ce point de distribution d'eau, ceci pour
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1 vous montrer là où est tombé cet obus. Vous voyez où il a explosé et s’est
2 stabilisé. Sept personnes ont été tuées, douze blessées. Le groupe de
3 personnes comportait environ douze individus.
4 La pièce suivante s'il vous plaît. Vous voyez de nouveau cette
5 personne assez âgée, victime de ce pilonnage.
6 Pièce suivante, je vous montre à nouveau ces images pour vous
7 montrer une fois encore que ces tirs étaient effectués sans aucune
8 discrimination.
9 Le 28 juin 1995, une bombe aérienne modifiée est tirée à 9
10 heures 20 sur le bâtiment de la télévision, tirée à l'ouest de Sarajevo :
11 un mort, vingt blessés.
12 Pièce 74 à nouveau : elle est tirée sur ce site.
13 Le 19 juillet 1995, un obus de mortier de 120 millimètres
14 tombe près d'une maison et un éclat tue un garçon de 12 ans qui se
15 trouvait dans la salle de bain de sa maison.
16 Le 22 août 1995, un poste d'observation du bataillon égyptien
17 est pilonné le 22 août, à 10 h 00. Six Egyptiens sont blessés, dont deux
18 gravement. Le premier obus est tombé à côté du poste d'observation et les
19 quatre suivants à l'intérieur, le tir ayant été délibérément ajusté. Le
20 deuxième obus a provoqué beaucoup de blessures.
21 Le 28 août 1995, entre 11 h 00 et 11 h 10, cinq obus de
22 mortier de 120 millimètres sont tirés sur la vieille ville. Un de ces obus
23 explose dans la rue Mula-Mustafe Baseskije Street, à l'entrée du marché au
24 centre de la vieille ville. Il y avait énormément de personnes au marché
25 ce jour-là. Quarante trois personnes sont tuées, soixante quinze sont
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1 blessées. Et un autre obus a tué huit personnes de plus.
2 A la pièce suivante, vous voyez la configuration de ce cratère
3 et l'impact de l'obus de mortier. Vous voyez tout le sang autour de
4 l'impact.
5 Et si nous remontons à la pièce précédente 87, comme je vous
6 l'ai déjà dit tout à l'heure, cet obus de 120 millimètre a un rayon
7 mortel de 50 mètres et a un rayon de dommages de 500 mètres. Vous pouvez
8 donc vous imaginer les dégâts que provoquent de tels obus lorsqu'ils
9 tombent dans une rue ou sur un marché où il y a énormément de personnes.
10 Vous voyez la quantité de sang là où est tombé l'obus, dans la
11 zone d'impact. Là les corps, les cadavres ont déjà été retirés et amenés
12 soit à la morgue, soit à l'hôpital.
13 M. le Président. - Monsieur le Procureur, ces documents ont
14 déjà été vus par le Tribunal. Ils parlent d'eux-mêmes. Je crois que le
15 témoin voulait effectivement nous montrer, et montrer au tribunal, la
16 technique de repérage, la distance, la méthode.
17 Si c'est possible et si cela ne gêne pas la démonstration que
18 vous voulez nous faire, peut-être pourrait-on passer à un autre aspect
19 puisqu'on a déjà fait le recensement de toutes les atrocités.
20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Oui, monsieur le
21 président. D'ailleurs nous venons de terminer la liste des exemples de
22 manière à dresser le décor de tout cela.
23 Je voudrais poser quelques questions au témoin pour conclure
24 ce pilonnage et les tirs isolés sur Sarajevo. Dans la description que vous
25 nous avez donnée de ces incidents, vous nous avez parlé d'obus de 120
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1 millimètres, de 76 millimètres, etc. Avez-vous eu des problèmes pour
2 déterminer le type exact des munitions utilisées ?
3 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Autour de la
4 zone de stabilisation de l'obus, vous trouvez en général des fragments et
5 vous pouvez déterminer le type de munitions à partir de ces fragments. Il
6 y a des experts en la matière qui peuvent savoir, non seulement de quel
7 type d'obus il s'agit, mais également des armes utilisées pour les tirer.
8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quel a été le
9 premier jour de pilonnage et quel a été le dernier jour de pilonnage ?
10 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Le premier
11 pilonnage a eu lieu au mois de mai 1992, et le pilonnage s'est terminé
12 avec la conclusion de l'accord de Dayton, en novembre-décembre 1995.
13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Il ne me reste
14 plus qu'un sujet à traiter, monsieur le président, à savoir le pilonnage
15 de civils à Tuzla le 25 mai 1995. Pourriez-vous nous dire quelques mots
16 sur ce pilonnage ?
17 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, le 25 mai
18 1992, toutes les zones de sécurité de Bosnie ont été pilonnées par les
19 Serbes pour se venger très probablement des attaques aériennes de l'OTAN.
20 L'explosion sur laquelle j'ai enquêté est une explosion avec un obus de
21 canon de 130 millimètres qui a explosé à 20 h 55 sur la place de Kapija au
22 centre de Tuzla. Beaucoup de jeunes se trouvaient sur cette place et aux
23 terrasses : soixante douze personnes ont été tuées, cent ont été blessées.
24 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Est-ce le seul
25 pilonnage qui ait eu lieu de Tuzla ?
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1 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Non, il y a eu
2 beaucoup d'autres incidents de pilonnage.
3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Je crois que l'on
4 pourrait terminer ce témoignage en montrant quelques séquences de vidéo.
5 (Projection d'une vidéo)
6 "A l'intérieur d'un hôpital."
7 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Vous voyez à
8 nouveau les bidons d'eau.
9 Cet enfant racontait que sa mère et sa soeur sont tombées.
10 C'est l'incident où les enfants ont été touchés.
11 Voici également la vue que l'on avait des positions qui
12 dominaient la ville de Sarajevo.
13 Ici, c'est la vue que l'on a sur la ville.
14 Holliday Inn dans la "Snipper Alley" qui se trouve à gauche.
15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci. C'est la
16 conclusion de mon interrogatoire. Je vous remercie, monsieur Van Hecke.
17 M. le Président. - Monsieur le procureur, merci. Il est
18 13 heures 30. Nous ne reprendrons donc pas cet après-midi avec le témoin,
19 M. Van Hecke. Je ne sais pas s'il y a des questions.
20 Madame le juge, vous voulez poser une question. Allez y.
21 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Je vous
22 remercie. Monsieur Van Hecke, est-ce que vous diriez que l'armée serbe de
23 Bosnie est l'organisation responsable de la campagne de pilonnage et de
24 tirs isolés contre la population de Sarajevo.
25 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui.
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1 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Les armes
2 utilisées à ces fins de pilonnage et de tirs isolés sont-elles normalement
3 utilisées par l'armée régulière ?
4 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, bien
5 entendu ces armes sont utilisées normalement dans les guerres
6 traditionnelles contre les troupes ennemies. Mais dans les cas dont il a
7 été question, elles ont été manifestement utilisées contre la population
8 civile de Sarajevo.
9 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Ces armes
10 peuvent-elles également être utilisées par des organisations
11 paramilitaires.
12 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Toute personne
13 possédant ce type d'armes peut les utiliser, bien entendu. Donc hormis
14 pour les bombes aériennes modifiées de façon improvisée, il s'agit d'armes
15 normales utilisables par une armée normale.
16 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Est-ce que
17 des monuments historiques ou religieux ont été gravement endommagés au
18 cours du siège de Sarajevo ?
19 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Plusieurs
20 monuments culturels, tels la Bibliothèque nationale de Sarajevo, ainsi que
21 des mosquées et des églises. Ce type de bâtiments ont été effectivement
22 endommagés.
23 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Enfin, à
24 votre avis, comment est-ce que les gens ont réussi à survivre à tout
25 cela ?
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1 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Très
2 difficilement, mais je crois que les gens ont pris l'habitude
3 d'improviser. La plupart d'entre eux ont passé la totalité du siège dans
4 leur cave, en tentant de se protéger contre les tirs isolés et les
5 pilonnages. Mais comme je l'ai dit précédemment, il leur fallait bien
6 sortir de temps en temps pour répondre à des besoins fondamentaux comme
7 l'alimentation en eau et autres besoins de même nature.
8 Il leur fallait donc chercher abri dans leur cave et dans tout
9 autre lieux renforcé.
10 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Pour autant
11 que j'ai cru comprendre, ils étaient totalement isolés.
12 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, ils étaient
13 totalement isolés du reste du monde.
14 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Je n'ai pas
15 d'autres questions.
16 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Monsieur Van Hecke,
17 au cours de cette enquête très approfondie que vous avez menée, avez-vous
18 trouvé la moindre indication du fait que certains des sites pilonnés, tels
19 l'école secondaire ou l'hôpital, cachaient des armes ou des munitions, ou
20 qu'il se soit agit de lieux propices à une quelconque résistance.
21 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Non. C'était
22 précisément l'objet de notre enquête. Nous avons mené une enquête
23 approfondie et constaté qu'il n'y avait aucun mouvement de troupe
24 bosniaque, aucune cible militaire, y compris aux abord des endroits
25 frappés par les obus.
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1 M. Riad (interprétation de l'anglais). - A Sarajevo, il n'y
2 en avait pas ailleurs pendant le pilonnage ?
3 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Il y a eu des
4 tirs sur les lignes de confrontation, mais la majorité des lieux sur
5 lesquels nous avons mené notre enquête étaient éloignés des lignes de
6 confrontation, les distances étant définissables.
7 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Enfin, pourriez-vous
8 nous parler des images que nous avons vues du docteur Karadzic. Est-ce
9 qu'il se trouvait sur ce que vous avez appelé "la ligne snipper" ? Où se
10 trouvait-il ?
11 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Regarder la
12 ville. Vous avez pu le constater, il regardait la ville. Vous avez vu ce
13 bâtiment de couleur jaunâtre, en bas, qui était le Holliday Inn qui se
14 trouve sur la "Snipper Alley". Ce que nous voyons, c'est tiré de l'Est à
15 l'Ouest. C'est que l'on a appelé la "Snipper Alley".
16 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Et les tireurs isolés
17 se trouvaient encore dans en activité ?
18 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, nous avons
19 mené des enquêtes sur des tirs isolés provenant de cette zone.
20 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Je vous remercie.
21 M. le Président. - Une seule question sur la source de ces
22 photos. Je ne parle pas de la vidéo, mais des photos. S'agit-il des
23 enquêtes des policiers de Sarajevo ? Ce sont vos propres photos et vos
24 propres sources ?
25 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - La majeure
Page 314
1 partie de ces photos ont pour source les enquêtes de la police bosniaque.
2 Certaines ont été prises par moi-même ou par mes collègues durant notre
3 séjour à Sarajevo, telles par exemple les pièces à conviction 76 à 78, où
4 l'on voit des barricades. Ce sont des photos qui ont été prises par nous,
5 au cours de notre enquête à Sarajevo.
6 La plupart des photos relatives au pilonnage sont bien entendu
7 des photos prises par les enquêteurs de la police bosniaque.
8 Ai-je répondu à votre question, monsieur ?
9 M. le Président. - Tout à fait. Monsieur le Procureur, je
10 crois que nous en avons terminé avec M. Van Hecke. Monsieur Van Hecke, le
11 Tribunal vous remercie pour avoir apporté votre témoignage. Il est
12 13 heures 15. L'audience reprendra à 14 heures 45.
13 L'audience est levée.
14
15 L'audience est suspendue à 13 heures 15.
16
17 (après-midi)
18 L'audience est reprise à 14 heures 53.
19
20 M. le Président. - L'audience est reprise.
21 Monsieur le Procureur, vous pouvez nous présenter le témoin
22 suivant et l'introduire.
23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Merci, Monsieur le
24 Président. L'accusation appelle Tarik Kupusovic à la barre, je vous prie.
25 M. le Président. - Bonjour, Monsieur. M'entendez-vous ?
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1 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui.
2 M. le Président. - On va d'abord vous faire lire une
3 déclaration.
4 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je déclare
5 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité, rien que la
6 vérité.
7 M. le Président. - Monsieur, vous allez vous présenter, je
8 pense, en fonction des questions que posera M. le Procureur. Avant de
9 donner la parole au procureur, quelques mots. Je vous rappelle que vous
10 êtes un témoin cité par l'accusation dans les affaires concernant
11 MM. Radovan Karadzic et Ratko Mladic. Le Tribunal vous remercie de votre
12 venue à la demande du Procureur. Vous êtes ici devant une instance
13 internationale, devant un Tribunal pénal international et vous pouvez et
14 devez parler sans crainte, le plus librement possible.
15 Monsieur le Procureur, vous avez la parole pour la
16 présentation du témoin.
17 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Merci, Monsieur
18 Kupusovic, pouvez-vous, je vous prie, citer votre nom et l'épeler pour le
19 dossier ?
20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je
21 m'appelle Tarik Kupusovic. (le témoin épelle son nom)
22 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Où êtes-vous né ?
23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je suis né à
24 Sarajevo.
25 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Votre famille
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1 vient-elle de cette région ?
2 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, ma
3 famille est de Sarajevo depuis plus de 400 ans.
4 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Que faisiez-vous
5 avant le début des combats à Sarajevo, en 1992 ?
6 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je suis
7 ingénieur du bâtiment, spécialiste scientifique et j'ai travaillé à la
8 Faculté. J'étais également directeur de l'Institut d'hydrotechnique.
9 M. le Président. - Monsieur le Procureur, il semble qu'il n'y
10 ait pas de son dans la galerie du public. L'audience est publique, il n'y
11 a pas eu de mesure de protection particulière demandée par le témoin, que
12 vous ayez souhaitée ou que le Tribunal ait ordonnée. Je souhaiterais que
13 nous arrêtions la déposition du témoin, que nous regardions ce qui se
14 passe du côté de la technique. Je m'en excuse, Monsieur le maire, car nous
15 vous demanderons de répéter.
16 Il n'y a pas de transcript sur les écrans non plus.
17 Monsieur le Procureur, vous allez reprendre la parole et,
18 comme je vois le public d'ici, je verrai si la galerie du public reçoit.
19 Allez-y, Monsieur le Procureur. On va vous faire recommencer
20 depuis le début.
21 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
22 Merci, Monsieur le Président.
23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Monsieur Kupusovic,
24 où êtes-vous né ?
25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je suis né à
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1 Sarajevo.
2 M. le Président. - Le Tribunal va lever l'audience les
3 quelques minutes qui permettront de régler le problème. Il convient que le
4 public puisse entendre tout à fait normalement dès lors que cette audience
5 est publique.
6 La séance, suspendue à 15 heures, est reprise à 15 heures 03
7 M. le Président. - Vous nous avez dit que cela fonctionne,
8 mais pas totalement parfaitement. Il faudrait que vous expliquiez à
9 l'intention de la galerie du public.
10 M. le Greffier (interprétation de l'anglais). - Dans la
11 galerie publique, les haut-parleurs ne fonctionnent pas, mais les casques
12 d'interprétation, eux, fonctionnent.Vous pouvez donc suivre les
13 délibérations à l'aide de ces casques.
14 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Monsieur Kupusovic,
15 voulez-vous bien dire au Tribunal où vous êtes né ?
16 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je suis né à
17 Sarajevo.
18 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Votre famille
19 est-elle de Sarajevo ?
20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, elle
21 vit à Sarajevo depuis 400 ans.
22 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Que faisiez-vous
23 avant le commencement des hostilités, du combat ?
24 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je suis
25 ingénieur du bâtiment, docteur es Sciences techniques. J'étais professeur
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1 à la Faculté de construction de bâtiments et je faisais partie de
2 l'institut pour l'hydrotechnique auprès de l'université de Sarajevo.
3 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Où habitiez-vous au
4 moment de l'éclatement du conflit ?
5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je vivais à
6 Dobrinja.
7 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Où se trouve
8 Dobrinja ?
9 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Dobrinja est
10 un nouveau quartier de la ville de Sarajevo, près de l'aéroport construit
11 comme village olympique destiné aux journalistes qui suivaient les Jeux
12 olympiques de 1984.
13 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous
14 décrire, à l'intention du Tribunal, les différentes municipalités qui
15 constituaient Sarajevo avant l'éclatement du conflit ?
16 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Sarajevo
17 comptait quatre municipalités, quatre communes et six communes des
18 banlieues Pale, Vogosca, Hadzici, Trnovo, Ilijas, et les communes
19 urbanisées Stari Grad, Tatar, Novi Grad, soit 2 500 km². La partie
20 urbanisée comprenant une surface de 13 km par 4.
21 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Etiez-vous impliqué
22 dans la politique d'une manière ou d'une autre ?
23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. J'ai
24 participé aux élections de 1990 en tant que promoteur de la liste au nom
25 du SDA pour la circonscription électorale de Stari Grad. J'étais membre
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1 actif du parti SDA jusqu'à mon élection à la présidence de la municipalité
2 de Sarajevo.
3 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avant votre
4 élection au poste de maire, quelles ont été vos responsabilités ?
5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - J'étais au
6 Conseil municipal où nous tenions régulièrement tous les mois des
7 réunions, des conférences et des concertation entre les présidents des
8 clubs des partis politiques. J'avais donc beaucoup d'activités exercées en
9 tant qu'amateur plutôt que professionnel sur le plan politique.
10 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avant le
11 commencement de la guerre, combien de partis politiques y avait-il à
12 Sarajevo ?
13 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Huit partis
14 ont obtenu les suffrages nécessaires pour l'assemblée de la municipalité
15 de Sarajevo.
16 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avant le
17 commencement de la guerre, ces partis politiques coopéraient-ils les uns
18 avec les autres dans le cadre des activités du service de la municipalité
19 de Sarajevo.
20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. Ils
21 coopéraient en tant que partis, et les conseillers municipaux étaient en
22 communication permanente pour les préparations des réunions des sessions
23 de l'Assemblée municipale de Sarajevo.
24 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Nous aimerions vous
25 saisir de la pièce 1.7.6.
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1 Il s'agit d'un article de journal, une déclaration parue et
2 nous vous en fournissons la traduction. Nous allons vous faire circuler
3 cette pièce n°1.7.6.
4 Par ailleurs, nous aimerions présenter l'article lui-même dans
5 sa version cyrillique sur le projecteur.
6 Reconnaissez-vous la pièce 1.7.6 ?
7 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui.
8 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous dire au
9 Tribunal de quoi il s'agit, puis, en donner lecture pour le procès-verbal.
10 Les interprètes donneront lecture de la traduction.
11 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il s'agit
12 d'une déclaration des représentants des clubs parlementaires devant
13 l'Assemblée municipale en date du 19 avril 1992, au moment où des tirs
14 retentissaient déjà dans la ville et où l'on espérait encore que l'on
15 pourrait aménager une ambiance démocratique qui permettrait de régler la
16 situation.
17 Je vous donne lecture de ce texte :
18 "A l'occasion d'une réunion de l'Assemblée municipale de
19 Sarajevo qui s'est déroulée le 19 avril 1992, à laquelle assistaient des
20 représentants de tous les partis parlementaires, dont les délégués
21 constituent ladite assemblée, et qui était présidée par le Président de
22 l'Assemblée municipale, Muhamed Kresevlajakovic, le communiqué conjoint
23 ci-après a été adopté et signé : ?Aucune personne représentant la Ville,
24 la République ou l'Europe, n'a le droit de négocier la division de
25 Sarajevo au nom de ses habitants.?
Page 321
1 La ville de Sarajevo, avec plus de cinq siècles d'histoire
2 marquée par la coexistence d'une communauté pluriculturelle,
3 pluriconfessionnelle et plurinationale, est indivisible.
4 Un concept de la vie moderne des populations civiles en Europe
5 est défendu à Sarajevo. Sarajevo est la capitale de la République de
6 Bosnie-Herzégovine où tous les Droits de l'Homme et toutes les libertés
7 sont respectés et, de ce fait, nous affirmons que personne n'a le droit de
8 mettre en danger, la vie, la paix, les biens des résidants ou son héritage
9 culturel ou historique ainsi que ses ressources naturelles.
10 Signé par Miodrag Jankovic, au nom du Parti de la Réforme,
11 Vogidar Popara, Parti démocratique, Président du club de ce parti, pour la
12 ville de Sarajevo,
13 Tarik Kupusovic, au nom du Parti d'Action démocratique, SDA,
14 Anto Zelic, croate,
15 Slobodan Primorac, Parti du Changement démocratique,
16 Esad Afgan, Organisation des Musulmans de Bosnie,
17 Nijaz Nurkovic au nom du Parti libéral Saphim, au nom de
18 l'Alliance socialiste démocratique et,
19 Muhamed Kresevljakovic, maire de Sarajevo".
20 C'est un texte paru en cyrillique dans la mesure où le
21 quotidien de Sarajevo "Oslobodjenje" paraissait avant la guerre soit en
22 cyrillique et en caractères latins, c'est-à-dire une page en cyrillique et
23 une page en caractères latins, soit des articles individuels étaient
24 imprimés en cyrillique et d'autres en caractères latins, cela afin
25 d'éviter l'uniformité de quelque écriture que ce soit.
Page 322
1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - La date mentionnée
2 est celle du 19 avril 1992. Est-ce correct ?
3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, vous
4 avez raison, c’est correct.
5 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Le leader du SDS a-
6 t-il été signataire de cette déclaration, de ce communiqué ?
7 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui il l'a
8 signée, mais lorsque le document a été publié, il a été révoqué par
9 Radovan Karadzic.
10 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand a-t-il été
11 relevé de ses fonctions ?
12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Au moment où
13 la déclaration a été rendue publique. En effet il n'a pas demandé
14 l’autorisation de Karadzic pour signer cette déclaration et une fois
15 signée, cela ne s'inscrivait pas dans le cadre de la politique pratiquée
16 par le chef du parti SDS.
17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Après le
18 commencement de la guerre à Sarajevo, avez-vous tenu des fonctions
19 publiques ?
20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Cette
21 réunion a été organisée justement parce que l’on ne pouvait pas convoquer
22 l'assemblée de la municipalité. Les cent vingt-cinq conseillers élus, donc
23 seulement les représentants de ces partis-là, ont pu y participer, en
24 présence de quatre-vingt personnes.
25 Au terme de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine et des
Page 323
1 lois reprises de l'ancienne Yougoslavie, on avait prévu qu'au cas où
2 l'assemblée ne pourrait pas se réunir, on formerait une présidence de
3 l'Assemblée municipale avec les présidents des clubs des partis
4 participants, donc élus et représentés dans cette Assemblée, y compris le
5 maire de la ville, le chef de la section civile et le chef des services de
6 la police de la ville.
7 Ainsi cette présidence a été formée et c'est à son activité
8 que j'ai participé jusqu'à la présidence de l'Assemblée municipale de
9 Sarajevo. Elle a été chargée de toutes les fonctions de l'Assemblée et
10 avait donc les compétences analogues.
11 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous décrire
12 au Tribunal l'exercice de vos fonctions dans la présidence ?
13 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il y avait
14 deux Croates, deux Musulmans, trois ou quatre Serbes. Les gens étaient
15 différents en fonction du changement des présidents des clubs.
16 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Lorsque vous êtes
17 devenu maire de Sarajevo, avez-vous travaillé dans le cadre d'un bureau de
18 guerre ?
19 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - J’avais un
20 service de protocole auquel participaient trois ou quatre Serbes sur une
21 vingtaine de personnes qui faisaient partie de mon cabinet plus étroit.
22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand avez-vous été
23 élu maire de Sarajevo effectivement ?
24 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Après le
25 premier ultimatum de l'OTAN, en février 1994. La situation est redevenue
Page 324
1 calme. Le maire sortant était devenu diplomate. L'Assemblée municipale de
2 Sarajevo m'a donc appelé et élu président de la ville.
3 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand avez-vous
4 terminé vos fonctions ?
5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Après deux
6 ans, jusqu’en mars 1996.
7 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quelles étaient les
8 municipalités sous votre contrôle pendant que vous étiez maire ? Pourriez-
9 vous faire une comparaison entre la situation avant et au cours de la
10 guerre ?
11 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). -
12 Officiellement, j'avais le contrôle des dix municipalités, mais il
13 s'agissait surtout des quatre municipalités urbaines de la ville. Les
14 fonctions de maire en temps de paix prévoient qu'il représente la ville,
15 qu'il prépare et préside les réunions et soit responsable de la
16 coopération internationale de la ville. Cette préparation des réunions de
17 la municipalité de Sarajevo se déroulait en coopération avec le
18 fonctionnement des services urbains.
19 Une bonne partie de mon temps et de mes efforts était
20 consacrée à la nécessité de trouver des solutions de rechange pour tout ce
21 qui est choses communes, choses courantes dans toutes les grandes villes
22 partout dans le monde : l’eau, l’énergie, le courant, tout ce qui comprend
23 les premières nécessités de la vie d'une ville.
24 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pourriez-vous
25 consacrer quelques moments à décrire la vie à Sarajevo avant l’éclatement
Page 325
1 des conflits ?
2 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Avant le
3 commencement du conflit, avant le siège de Sarajevo, Sarajevo était une
4 ville européenne moderne dotée d'une infrastructure moderne.
5 La première ville qui a obtenu un crédit du FMI pour
6 développer son infrastructure, il y a 30 ans, était Sarajevo. Le Président
7 du FMI à l’époque était Mac Namara. Dans les années 80 et dans le cadre
8 des préparatifs pour les Jeux Olympiques de 1984, Sarajevo s'est dotée
9 d'un système ultra-moderne d'approvisionnement en courant électrique,
10 approvisionnement en eau, canalisations, égoûts, transports en commun.
11 Toutes les autres fonctions de cette ville étaient comparables à celles
12 des autres villes d'Europe.
13 Les habitants de Sarajevo en étaient particulièrement fiers
14 car ce système d'eau, d’égoûts et de canalisations, le système des
15 transports en commun, le système énergétique dataient du siècle passé,
16 Sarajevo faisant partie d'un polygone expérimental de l'ancien empire
17 austro-hongrois, donc installé à la fin du siècle passé.
18 Par rapport à la situation dans l'ancienne Yougoslavie, dans
19 les années 90, je dois signaler une reprivatisation des firmes, des
20 entreprises. Beaucoup de sociétés, de compagnies travaillaient bien, dont
21 les employés gagnaient bien leur vie et menaient une vie aisée.
22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Les habitants et de
23 Sarajevo et les citoyens de l'ancienne Yougoslavie nourrissaient-ils des
24 sentiments spéciaux à l'égard de Sarajevo ?
25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. Sarajevo
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1 est la capitale de la Bosnie-Herzégovine, d'une des six Républiques de
2 l'ancienne Yougoslavie, une ville qui abrita pendant plus de cinq siècles
3 des Musulmans, des Serbes, des Croates, des Juifs et d'autres citoyens. Il
4 s'agissait de gens qui vivaient en harmonie, qui étaient heureux dans
5 cette cohabitation. Il s'agissait d'un lieu peut-être unique au monde où,
6 dans un périmètre de 400 mètres, on trouvait une église catholique
7 orthodoxe, une synagogue, une mosquée ce qui reflète cette harmonie entre
8 les différentes religions au moment où, provenant de tous ces lieux de
9 culte, l’on entendait leurs prières spécifiques.
10 On se sentait comme des citoyens du monde, comme des citoyens
11 de l'Europe. On faisait déjà partie de l'avenir de l’Europe et du monde.
12 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Nous pourrions
13 peut-être passer à la pièce 1.4.9., 3.0.80.
14 Pourriez-vous nous décrire cette vue ?
15 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il s'agit
16 d'une vue sur Sarajevo depuis Trebevic, une petite montagne surplombant
17 Sarajevo, lieu d'excursion préféré des habitants de Sarajevo que l’on
18 atteignait en voiture ou par téléphérique.
19 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Comment se
20 présentait cette montagne avant la guerre ?
21 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Trebevic
22 était recouvert de forêts, de bancs, de lieux pour le repos, pour la
23 récréation, avec plusieurs petits café-restaurants. Donc des lieux de
24 repos et de récréation pour les habitants de Sarajevo et les invités venus
25 d'ailleurs.
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1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Y avait-il un
2 téléphérique qui reliait Sarajevo à Trebevic ?
3 M. Kuposovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. Je pense
4 qu'on voit ici un pilon surplombé de ce funiculaire qui desservait la
5 ligne entre Sarajevo et Trebevic. Les anciennes et les nouvelles parties
6 qui sont tout près de l'aéroport sont peu visibles sur cette photo.
7 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Que s'est-il passé
8 avec Trebevic, après l'éclatement du conflit ?
9 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - On avait été
10 surpris de constater que Trebevic était peuplé de chars, d'armes lourdes,
11 attaquant ou tirant sur la ville. Il ne s'agissait pas seulement de
12 Trebevic, mais également de tous les autres monts qui entourent Sarajevo.
13 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - A titre de
14 référence, Monsieur le Président, nous aimerions indiquer que la vidéo que
15 nous avons vue ce matin avec l'accusé Radovan Karadzic, nous montrant les
16 tireurs isolés, a été prise d’un point du Mont Trebevic.
17 Est-ce que la JNA, avant l’éclatement des conflits effectifs,
18 avait entrepris des actions qui ont entraîné sa participation à
19 l'éclatement des conflits ?
20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Toutes ces
21 armes ont été installées sur place par l'armée populaire yougoslave
22 -l'ancienne JNA- et les réponses fournies aux questions posées
23 explicitaient qu'il s'agissait d'exercices militaires. A part le Mont
24 Trebevic, dans certaines localités reculées la même chose s'était passée.
25 Tout était couvert par le secret à cause de la population. Au mois de mars
Page 328
1 1992, on avait interdit l'accès au Mont de Trebevic.
2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Avant l'éclatement
3 du conflit, la JNA a-t-elle entrepris des actions en ce qui concerne
4 l'aéroport de Sarajevo ?
5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Dès le mois
6 de mars 1992, l'ancienne JNA a occupé l'aéroport de Sarajevo. Cet aéroport
7 n’était plus militaire et la présence des armes, des chars, des effectifs
8 militaires étaient donc les seuls à côté des appareils militaires.
9 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Avez vous noté des
10 activités en ce qui concerne les familles des officiers, des
11 fonctionnaires de la JNA, avant le commencement du conflit ?
12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - J'habitais à
13 Dobrinja, comme je l’ai dit, et c’est de là que je pouvais observer les
14 activités sur l’aire de l’aéroport. Je conduisais tous les jours sur
15 l’autoroute. A côté de l'aéroport, j'ai remarqué que beaucoup de ceux qui
16 se dirigeaient vers l'aéroport, soit à pied, soit dans des autocars
17 militaires, étaient des officiers de JNA originaires de Serbie qui
18 évacuaient leur famille.
19 Beaucoup d'officiers de la JNA, des Serbes bosniaques, eux
20 aussi probablement dirai-je, ont fini par évacuer leur famille en
21 direction de Belgrade.
22 Tout cela se passait avant la guerre. C'était une sorte
23 d'atmosphère euphorique. En effet, les gens se livraient même à une
24 compétition, à savoir qui allait quitter plus tôt la ville. Mais par
25 rapport à la totalité de la population de la ville, seul un tout petit
Page 329
1 nombre de gens l'avait quittée effectivement.
2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous
3 consacrer quelques instants à ce qui se passait avant l'éclatement du
4 conflit ? Que se passait-il à Sarajevo ? Quel était l'état d'esprit des
5 gens ?
6 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate) - Dans un
7 certain sens, on croyait tous qu'une fois la paix signée en Croatie, au
8 mois de janvier 1992, entre Tudjman, Milosevic et la communauté
9 internationale, nous à Sarajevo nous allions éviter une guerre analogue en
10 Bosnie-Herzégovine. A Sarajevo, des mouvements pacifiques pour la paix se
11 faisaient entendre un peu partout. On était presque convaincus qu’en
12 Bosnie-Herzégovine, il n’y avait pas de raison pour qu’une nouvelle guerre
13 éclate, que tous les problèmes allaient pouvoir être résolus par des
14 moyens pacifiques.
15 Toujours est-il que dans la ville on s’était agité à un moment
16 donné, en raison des départs des familles des officiers de l'ex-JNA, mais
17 on regrettait plutôt le fait de leur départ. On les prenait pour des
18 victimes d'une politique qui les contraignait à quitter cette ville dans
19 laquelle ils avaient passé auparavant une dizaine ou une vingtaine
20 d'années.
21 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Des renseignements
22 avaient-ils été pris auprès du SDS en ce qui concerne les positions
23 d'artillerie autour de Sarajevo ? Savez-vous si des contacts avaient été
24 pris ?
25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je sais que
Page 330
1 le Président de la municipalité de Stari Grad avait essayé de s'informer
2 et les réponses reçues étaient qu'il y avait des manoeuvres, des
3 exercices, que l'armée du peuple yougoslave était neutre et qu'elle allait
4 protéger Sarajevo de tout conflit, de toute guerre. Quant à savoir s’ils
5 croyaient ce qui leur était dit ou non, je ne sais pas.
6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Des barricades ont-
7 elles été érigées dans la ville ?
8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, les
9 premières barricades dans la ville sont apparues le 2 mars. Après le
10 référendum pour l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine, elles ont été
11 érigées par le SDS.
12 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Qu'est-ce-que les
13 officiels du SDS ont dit au moment où ces barricades ont été construites ?
14 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Ils ont dit
15 qu'il s'agissait là d’une protestation de leur parti contre le référendum
16 et qu’ils souhaitaient ainsi indiquer qu’ils ne reconnaissaient pas les
17 résultats du référendum.
18 Je rappelle que deux-tiers de la majorité s'étaient exprimés
19 en faveur d'une Bosnie-Herzégovine indépendante et souveraine, et c’est
20 sur la base de ce référendum que la Bosnie-Herzégovine a été reconnue par
21 la Communauté européenne. Mais déjà à ce moment-là, des tirs ont été
22 échangés au moment de l’érection de ces premières barricades et toute une
23 foule de civils, des enfants et des habitants de Sarajevo ont porté des
24 bannières disant « nous voulons la paix, nous ne voulons pas de
25 barricade ».
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1 Ils ont même forcé ces barricades l'après-midi du jour où
2 elles ont été érigées et en fait pour Sarajevo ces barricades ont été
3 considérées comme un échec pour montrer le pouvoir du SDS.
4 Ce n’est que plus tard que nous avons appris ce que ces
5 barricades et ces tirs signifiaient exactement.
6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand a-t-on
7 commencé à se battre exactement ?
8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Tout au cours
9 du mois de mars, des négociations ont eu lieu entre les différents
10 responsables des différents partis et l'armée yougoslave. La situation
11 était très tendue, mais on peut dire qu'à Sarajevo on vivait encore une
12 vie normale.
13 Dans la nuit du 5 au 6 avril, des barricades sont apparues à
14 nouveau et il y a eu un grand mouvement pour la paix qui représentait
15 toute la Bosnie-Herzégovine du fait que les gens sont venus d'un peu
16 partout à Sarajevo pour manifester leur désir de maintien de la Bosnie-
17 Herzégovine accueillant tous ces citoyens comme la patrie de tous ces
18 citoyens.
19 Puis, du siège du parti démocratique serbe qui se trouvait
20 dans le Holliday Inn, des tirs sont partis et ceci a été en fait le début
21 du pilonnage et des tirs isolés sur la ville.
22 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Lorsque les
23 combats, les hostilités ont commencé, est-ce que la population de Sarajevo
24 a pensé que le conflit durerait ?
25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Non. Nous
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1 avons tous pensé que dès le lendemain, on pourrait résoudre le conflit,
2 que donc cela se ferait très vite. Nous pensions qu'il suffirait d'une ou
3 deux rencontres pour résoudre les problèmes et que, au plus, il faudrait à
4 peu près deux mois comme cela avait été le cas pour Dubrovnic, mais que
5 les choses se calmeraient très vite. En fait, c'était ce que nous
6 supposions encore au mois de mai, nous n'avions pas envisagé que le
7 conflit se poursuive au-delà de l'automne. Il est fort probable que nous
8 étions fort naïfs parce qu'en fait, on ne pouvait pas s'imaginer que l'on
9 puisse attaquer les citoyens d'une ville alors qu'il n'y avait aucune
10 cible militaire dans cette ville. Nous considérions cela purement et
11 simplement comme de la folie.
12 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avez-vous préparé
13 un peu l'éventualité d'un conflit et pris des mesures au cas où il y
14 aurait un siège ?
15 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Non. En fait,
16 personne ne pensait ou n'imaginait qu'il pourrait y avoir une attaque
17 contre la ville ou qu'elle serait assiégée, donc l'atmosphère ne s'y
18 prêtait pas du tout. Puis, dans les préparatifs au niveau des structures
19 militaires et des structures civiles qui travaillaient pour le militaire,
20 la possibilité d'une attaque extérieure n'avait envisagée et les plans qui
21 avaient été élaborés ne servaient à rien en fait compte tenu de la
22 situation réelle dans la ville.
23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous parlez de
24 l'inutilité de ces plans civils et militaires qui avaient été adoptés en
25 cas d'attaque extérieure. C'est un peu ironique, mais qu'avait-on prévu en
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1 ce qui concerne l'hôtel de ville ? Où avait-on prévu que l'hôtel de ville
2 se retirerait en cas d'attaque ?
3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il avait été
4 prévu que le conseil municipal se déplacerait et irait à Pale pour
5 fonctionner. En fait, c'est Karadzic qui s'est installé à Pale, donc cela
6 a perdu sa pertinence.
7 En fait, c'est Debelo Brdo qui a été retenu pour installer le
8 maire de Sarajevo et les autorités de la ville. C'est un endroit qui se
9 trouve sur les pentes du mont Trebevic, donc tout près de Sarajevo et qui
10 était contrôlé par l'Armée populaire yougoslave à l'époque. En fait, il
11 n'y avait pas véritablement d'accès, aussi l'hôtel de ville et toutes les
12 autorités municipales sont restés tout simplement en ville, là où ils se
13 trouvaient en temps de paix.
14 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Après le début des
15 hostilités, parmi les Serbes qui vivaient à Sarajevo, est-ce que beaucoup
16 ont décidé de ne pas se rallier à Karadzic et à son parti ?
17 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Au début et,
18 en fait, même tout au long du siège, 40 000 à 50 000 Serbes citoyens de
19 Sarajevo, vivant à Sarajevo, ont décidé de ne pas se rallier à Karadzic et
20 parmi les 80 000 Serbes qui avaient quitté la ville, on estime qu'environ
21 la moitié se sont ralliés à Karadzic, alors que l'autre moitié a constitué
22 le gros des réfugiés qui se sont disséminés un peu partout dans le monde.
23 C'est-à-dire que sur les 120 000 Serbes qui vivaient à Sarajevo avant la
24 guerre, un tiers s'est rallié à Karadzic, un tiers est resté dans la ville
25 et un tiers a quitté la ville avec un grand nombre de Musulmans
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1 bosniaques, de Croates et autres qui sont partis et qui ont voulu échapper
2 à un siège de quatre ans.
3 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Quel type de
4 propagande a été diffusée à la radio et à la télévision pendant le siège
5 de Sarajevo à l'intention des Serbes qui avait choisi de rester dans cette
6 ville multi-ethnique ?
7 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Ils ont été
8 traités de traîtres envers les Serbes, d'esclaves du régime musulman et on
9 les a qualifiés d'autres épithètes de ce genre, ce qui, en fait, les a mis
10 dans une situation encore plus dure que celle dans laquelle se trouvaient
11 les autres habitants de Sarajevo qui n'étaient pas serbes. Puis n'oublions
12 pas qu'il y avait 30 % de mariages mixtes à Sarajevo avant la guerre et
13 les enfants nés de ces mariages mixtes se considéraient plutôt comme
14 yougoslaves ou bosniaques, sans véritablement considérer qu'ils
15 appartenaient à un groupe ethnique distinct.
16 Dans le cadre de la propagande de Karadzic, à partir du moment
17 où l'un des parents était serbe, ces enfants étaient également des
18 traîtres du fait qu'un des parents n'était pas serbe.
19 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Je voudrais passer
20 maintenant à un thème différent : le pilonnage de Sarajevo. A quel moment
21 a commencé le pilonnage ? Pourriez-vous indiquer cela à la Cour ?
22 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Le pilonnage
23 de Sarajevo a commencé au mois d'avril, mais en fait, au début, ce ne
24 furent que quelques incidents, c'est comme cela que l'on a considéré les
25 choses. Ce n'était pas tous les jours que la ville était pilonnée. Il y a
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1 eu quelques incidents de pilonnage à Starigrad, il y a eu quelques
2 pilonnages sur les parties neuves de la ville. Nous avons considéré cela
3 comme des incidents provoqués par des extrémistes. L'Armée populaire
4 yougoslave, qui prétendait être neutre, et les forces des Nations Unies
5 ont également considéré cela comme des incidents.
6 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Les forces serbes
7 on détruit le dépôt de tramways à un moment donné, n'est-ce pas ?
8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, une
9 nuit, le garage lieu de dépôt des tramways a été touché et, le lendemain,
10 les tramways n'ont pas pu fonctionner et tout le système de transports
11 publics a été immobilisé.
12 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Qu'a fait le
13 directeur des transports publics de Sarajevo après cet incident ?
14 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Le directeur
15 des transports urbains était un ami de Momcilo Krajisnik avant la guerre
16 et, comme le téléphone fonctionnait encore, il lui a téléphoné et lui a
17 dit : "Mais pourquoi avez-vous détruit nos tramway ?" et la réponse de
18 Krajisnik a été : "Ce sont des fous qui ont fait cela et je vais veiller à
19 ce que cela ne se reproduise pas". Après que Krajisnik ait dit cela, les
20 tramways ont pu fonctionner à nouveau et ce, jusqu'au 2 mai.
21 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Où vous trouviez-
22 vous le 2 mai, lorsque les pilonnages plus violents ont commencé ?
23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Avec mon
24 épouse et mes enfants, j'étais en visite chez les parents de mon épouse, à
25 Marin Dvor, qui est dans le centre de Sarajevo.
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1 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Qu'avez-vous fait
2 lorsque le pilonnage a commencé ?
3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Nous étions
4 justement en train de nous préparer pour rentrer à la maison lorsque le
5 pilonnage a commencé. Lorsque le tram a été incendié et que le pilonnage a
6 commencé, je suis retourné immédiatement à l'appartement de mes beaux-
7 parents. En fait, nous avons passé deux mois et demi là parce qu'il n'y
8 avait plus de transports et Dobrinja, où j'habitais, subissait en fait un
9 double blocus, celui de Sarajevo et celui de ce quartier. Le téléphone
10 fonctionnait encore, mais la poste avait été incendiée. C'est ainsi que
11 nous avons appris que la moitié des appartements de la ville avaient été
12 détruits, incendiés, suite à une attaque provenant de l'aéroport, tenu par
13 l'Armée populaire yougoslave, et d'autres armes situées de l'autre côté.
14 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Et votre maison et
15 vos biens, que sont-ils devenus ?
16 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Ils ont été
17 pillés et détruits.
18 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Comment la
19 population de Sarajevo a-t-elle réagi à ce premier pilonnage violent ?
20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Ce fut un
21 choc terrible. Les gens ne comprenaient tout simplement pas ce qui se
22 passait, c'était inconcevable et on ne voyait pas du tout quelle était la
23 justification de tout cela. En fait, nous ne pouvions pas croire que la
24 guerre avait véritablement commencé et nous avons passé la plupart du
25 temps dans les caves ou des endroits qui semblaient plus sûrs.
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1 Il était impossible de communiquer puisque qu'il n'y avait
2 plus de transports, que le réseau téléphonique ne fonctionnait plus et
3 qu'il était impossible de se déplacer à pied dans les rues parce que,
4 entre les pilonnages, les gens étaient tellement sous le choc qu'ils
5 étaient pétrifiés par la peur.
6 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Quelles furent les
7 premières cibles de ce pilonnage ?
8 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - La gare. Enfin,
9 tout était pris pour cible. Il est difficile de dire ce qui était cible et
10 ce qui ne l'était pas. Starigrad, la vieille ville, le centre, puis les
11 parties nouvelles de la ville étaient pilonnés à tour de rôle. Puis un
12 édifice isolé. Il n'y a pas une seule partie de la ville qui n'ait été
13 touchée, qui n'ait reçu un ou deux obus ou qui n'ait été incendiée.
14 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pensez-vous que les
15 premières cibles choisies revêtaient une importance et une signification
16 symboliques pour la ville et qu'elles ont été choisies pour cela ?
17 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, bien
18 sûr. Lorsque la Bibliothèque nationale a été incendiée, ce fut également
19 un choc terrible, et lorsque tout ce qui avait été mis en place pour les
20 Jeux olympiques, les installations intérieures aussi bien qu'extérieures,
21 a été détruit, cela avait une valeur symbolique pour ce quartier très
22 important. Puis le centre d'affaires, le centre administratif a été
23 pilonné et c'est lorsque l'Institut pour les études orientales, à côté de
24 la Bibliothèque nationale, a été détruit et que d'autres monuments
25 importants pour leur valeur historique ont été brûlés que l'on a inventé
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1 le mot "mémocide", destruction des monuments.
2 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Est-ce que le
3 Général Mladic a jamais dit pourquoi, à son avis, il avait été jugé
4 nécessaire de pilonner le stade olympique ?
5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. Lorsque
6 Zetra a été pilonnée, il a dit que les autorités de Sarajevo y avaient
7 détenu des Serbes. La réponse a été qu'il n'allait pas pilonner des
8 Serbes. Alors il a répondu : "Non, non, c'était un dépôt de munitions".
9 Il y avait là un magasin qui vendait quelques fusils de
10 chasse, mais les quatre ou cinq fusils qui s'y trouvaient étaient dans la
11 vitrine et n'étaient pas utilisés.
12 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - J'aimerais que l'on
13 baisse l'éclairage pour montrer certaines photographies et d'abord la
14 pièce n° 150/3-07-0 dont vous avez un exemplaire dans votre dossier.
15 M. le Président. - Le dossier qui a servi ce matin, monsieur
16 le procureur ?
17 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Oui, monsieur le
18 président. Les photographies en couleur sont dans le dossier, en tant que
19 pièces à conviction.
20 M. le Président. - Quels numéros ?
21 M. BOWERS. - Pièce à conviction n° 150, monsieur le président.
22 M. le Président. - Merci.
23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous
24 regarder, s'il vous plaît, cette pièce et nous dire ce que représente
25 cette photographie ?
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1 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Cette
2 photographie montre la mosquée maghrébine qui se trouvait, sous l'Empire
3 ottoman, juste là où la ville se terminait. C'est devenu ensuite un lieu
4 de culte très important du point de vue artistique, au centre de la ville.
5 Vous voyez que le toit et le minaret ont été totalement détruits.
6 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avez-vous vu cette
7 mosquée, ce lieu de culte tout de suite après sa destruction ?
8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. C'était
9 au mois de mai 1992, j'habitais chez mes beaux-parents et ceci s'est
10 produit dans la nuit du 17 au 18 mai.
11 A partir d'une artillerie, d'un mortier, toute la ville a été
12 pilonnée un peu partout, tant la vieille ville que la nouvelle ville, et
13 nous sommes restés dans la cave jusqu’à 4 h 00 du matin. Lorsque le
14 pilonnage s'est interrompu, après m'être reposé quelque instants, je suis
15 allé chercher du pain avec mon fils. Il y avait un endroit, à côté de la
16 mosquée, où on distribuait du pain. En route, nous avons pu voir les
17 destructions dues au pilonnage, et j'ai eu un grand choc lorsque j'ai vu
18 la mosquée, comme vous pouvez la voir sur cette photographie, parce que
19 cette mosquée était un des édifices les plus beaux du point de vue
20 architectural à Sarajevo. Des bonnes volontés l'ont heureusement
21 reconstruite en partie mais ils n'ont pas pu reconstruire le minaret qui
22 demande plus de temps.
23 M.Bowers (interprétation de l'anglais).- Qu'avez-vous pensé
24 quand vous avez vu cette mosquée détruite ? Quels ont été vos réflexions
25 et vos sentiments ?
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1 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Pour moi,
2 c'était la fin du monde, la fin de Sarajevo. Mais ces pensées ne m'ont
3 occupé que pendant très peu de temps -quelques heures peut-être- parce que
4 je me suis ensuite rendu compte que la ville ne vit que par ses habitants,
5 et je savais que ses habitants reconstruiraient la ville après la fin de
6 cette folie.
7 M.Bowers (interprétation de l'anglais).- Pièce 151, n° 000 71
8 : que voyez-vous sur cette photographie ?
9 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- On y voit
10 également une mosquée mais tout à fait détruite. C'est une mosquée plus
11 récente qui a été construite, il y a 20 à 30 ans, dans la vieille partie
12 de la ville. Et elle a très nettement servi de cible pour les barbares -
13 les barbares qui détruisent systématiquement ce qui fait d'une ville une
14 ville.
15 M.Bowers (interprétation de l'anglais).- Pièce 152 n° 000 72 :
16 pourriez-vous regarder cette photographie et nous dire ce qu'elle
17 représente ?
18 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- C'est une
19 grande église catholique située à Stupe qui était un quartier de la ville
20 de Sarajevo où vivaient quelques milliers de catholiques. Et cette église
21 a été pratiquement détruite au mois de mai par incendie. Ne restent
22 uniquement que quelques murs qui indiquent qu'il y avait une église.
23 M.Bowers (interprétation de l'anglais). - Pourrait-on voir la
24 pièce 153, n° 3073 ? Pourriez-vous nous décrire cette photographie ?
25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- C'est là où se
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1 trouvait la bibliothèque universitaire de Sarajevo. Des roquettes ont mis
2 le feu au centre de documentation de la bibliothèque. Il y avait des
3 documents très importants pour l'histoire de la Bosnie, qui avaient plus
4 de 800 ans, ainsi que des documents plus récents. Tout a été détruit, et
5 seuls des fragments ou certains documents, qui ne se trouvaient pas dans
6 cette bibliothèque, ont été sauvés. Il reste quelques ruines de ce
7 bâtiment.
8 M.Bowers (interprétation de l'anglais)- Nous pourrions voir
9 la pièce 154, n° 3074. Est-ce ce qui reste de l'intérieur de la
10 bibliothèque ? Est-ce ce que nous voyons sur cette photographie ?
11 M. Kupusovicku (interprétation du serbo-croate)- Oui, ce sont
12 les ruines de cette très belle architecture, de ces très belles colonnes
13 qui soutenaient la bibliothèque. Et j'ajouterai qu'au début du siècle, cet
14 édifice abritait le parlement de la Bosnie Herzégovine en tant qu'unité
15 autonome à l'intérieur de l'empire ostro-hongrois. Ce bâtiment a été
16 construit, à l'origine, pour servir d'hôtel de ville à la ville (les
17 bureaux du maire s'y trouvaient), et pour les fêtes et les cérémonies.
18 Tout cela se déroulait, il y a une trentaine d'années, dans ce bâtiment,
19 et la bibliothèque y a ensuite été installée lorsque l'hôtel de ville a
20 déménagé.
21 M.Bowers (interprétation de l'anglais). - Au fur et à mesure
22 que les pilonnages continuaient, jour après jour, mois après mois, année
23 après année, une certaine routine s'est-elle mise en place pendant la
24 journée ?
25 M. Kupusovicku (interprétation du serbo-croate).- Oui, bien
Page 342
1 sûr. Il nous a fallu un certain temps pour nous habituer et nous organiser
2 un peu sous ce pilonnage. Il y avait très souvent pilonnage très tôt le
3 matin, puis vers 11 h 00. Alors les gens quittaient vite les rues et
4 essayaient de se réfugier.
5 M. le Président. - Nous allons suspendre plus tôt que je ne
6 l'aurais voulu en raison d'un incident technique de son.
7
8 La séance, suspendue à 16 h 00, est reprise à 16 h 30.
9 M. Bowers (interprétation de l'anglais).-Monsieur Kupusovic,
10 au moment de la pause, vous étiez en train de décrire ce que vous avez
11 appelé les règles de pilonnage que les habitants de Sarajevo ont fini par
12 apprendre.
13 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Après quelques
14 semaines, dès le début du pilonnage, nous avons constaté quelques règles -
15 règles qui ont été maintenues jusqu'à la fin du siège de la ville-, à
16 savoir que le calme régnait en général tôt le matin et jusqu'aux environ
17 de 11 h 00/12 h 00 ; et, en général, que trois ou quatre obus explosaient
18 entre 11 h 00 et midi. Bien entendu, les gens fuyaient les rues pour
19 s'abriter dans les abris. Et l'après-midi, au moment où les gens
20 ressortaient pour aller chercher de l'eau ou pour vaquer à telle ou telle
21 occupation, de nouveaux obus tombaient. Et durant les deux premières
22 années, ces obus tuaient presque à chaque fois une dizaine de personnes en
23 ville et en blessaient une dizaine d'autres.
24 L'objectif était donc de faire sortir les gens de leur abri
25 grâce à de prétendues accalmies.
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1 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- A votre avis, les
2 Serbes semblaient-ils cibler les rassemblements civils à Sarajevo ?
3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, les
4 pilonnages avaient pour cible toutes formes de rassemblements humains, que
5 ce soit devant des magasins, devant les endroits où était distribuée
6 l'aide humanitaire ou devant tout autre endroit où les gens avaient
7 l'habitude de se regrouper. En fait, ils voyaient tout depuis les
8 collines, et pouvaient prendre pour cible l'objet de leur choix.
9 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Quelles incidences
10 ont eu ces pilonnages sur les habitants de Sarajevo, notamment le
11 pilonnage des rassemblements humains ?
12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Ces pilonnages
13 ont eu un effet très démoralisant parce qu'ils sont parvenus, en fait, à
14 contraindre les habitants à passer un maximum de temps dans les abris. Et
15 les gens étaient dépourvus de toute possibilité de communiquer les uns
16 avec les autres, étant constamment soumis à la pression du danger de mort
17 pesant sur eux.
18 On commençait à perdre le moral.
19 Quant aux nécessités les plus élémentaires comme, par exemple,
20 se procurer de l'eau, aller chercher du pain, ou simplement rencontrer des
21 membres de sa famille ou des amis, aller quelque part en visite, elles
22 étaient largement réduites.
23 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Chaque fois que
24 l'armée de Bosnie Herzégovine engageait des actions sur la ligne de front,
25 comment l'armée serbe bosniaque réagissait-elle en général ?
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1 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Les Serbes de
2 Karadzic pilonnaient, à ce moments-là, massivement la ville. C'était tout
3 simplement l'enfer en ville dans ces moments-là. Indépendamment du fait
4 qu'il s'agissait d'une action à Bihac, à Gorazde, aux abords mêmes de la
5 ville ou n'importe où ailleurs, il semblait que cela donnait lieu
6 régulièrement à des pilonnages massifs. Il semblait, en fait, que c'était
7 une vengeance sur les civils chaque fois que l'armée bosniaque remportait
8 une victoire.
9 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Pour que les choses
10 soient claires, l'armée serbe bosniaque ne se contentait pas de pilonner
11 les quartiers de la ville lors d'actions sur le front de Sarajevo, mais
12 elle pilonnait également la ville lorsqu'il y avait des actions sur les
13 fronts extérieurs à Sarajevo, dans les autres parties de la Bosnie
14 Herzégovine ?
15 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, c'est
16 exactement cela.
17 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- A ce stade, nous
18 aimerions passer au sujet suivant, à savoir les tirs isolés contre la
19 ville. Monsieur, quand les tirs isolés ont-ils commencé à Sarajevo ?
20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Il y a eu
21 quelques tirs, les 1er et 2 mars, au moment des premières barricades ; ils
22 n'ont pas fait de victimes car personne n'est mort, personne n'a été
23 blessé. Mais les tirs isolés ont vraiment commencé le 6 avril. Et la
24 première victime a été une étudiante en médecine, Suja Memerovic, qui
25 habitait habituellement à Dubrovnic et qui faisait ses études à Sarajevo.
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1 Elle est tombée sur le pont, entre Grbavica et Marijin Dvor, dans un
2 endroit d'où elle était partie pour se diriger vers le ministère de
3 l'Intérieur, à un moment d'accalmie. Mais c'est là que se trouvait une
4 concentration de militants de Karadzic - ou plutôt du parti démocratique
5 serbe. Elle voulait éviter l'attaque contre la ville.
6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Les tirs isolés se
7 sont-ils poursuivis pendant toute la durée du siège de Sarajevo ?
8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, il ne se
9 passait pas un jour sans que plusieurs tireurs isolés n'agissent. Tous les
10 jours, il y avait plusieurs blessés et de nombreux quartiers de la ville
11 étaient en permanence exposés au feu des tireurs isolés.
12 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Les habitants de
13 Sarajevo ont-ils fini par trouver un mode de vie face à ces tirs isolés ?
14 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate.- En fait, il n'y
15 avait pas de règles particulières en ce qui concerne le moment où tiraient
16 ces tireurs isolés. Ils tiraient en permanence en de nombreux endroits.
17 Des endroits étaient plus spécialement dangereux, comme tous ceux en
18 direction de Trebevic ou en direction d'autres lieux de tir de tireurs
19 isolés.
20 La situation la plus favorable était celle des jours de brume
21 autour de Sarajevo ; les lieux de tir étaient, à ce moment-là, plongés
22 dans la brume. Avant la guerre, la présence de brume indiquait que l'air
23 était pollué, et c'était également un signe de mauvais temps ; mais, au
24 cours de la guerre, la présence de brume et de brouillard est devenue
25 synonyme de sécurité en ville.
Page 346
1 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- A votre avis, quel
2 était l'objectif des tireurs isolés ?
3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Le premier
4 objectif consistait bien entendu à tuer des êtres humains. Mais il est
5 permis de dire que les tireurs isolés auraient pu tuer davantage
6 d'habitants de Sarajevo que cela n'a été le cas. Et il faut ajouter à cela
7 le pilonnage. La ville était maintenue dans une situation où tout était
8 sous le contrôle des Serbes de Karadzic. Eux-mêmes étaient les maîtres de
9 la guerre et de la paix, de la vie et de la mort, de toute une ville et de
10 la totalité de ses habitants.
11 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- Qui étaient les
12 victimes de ces incidents dus aux tireurs isolés ?
13 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Tous les
14 habitants de Sarajevo, de toutes origines, de toutes nationalités. Ils
15 étaient tous, à égalité, victimes des tireurs isolés et des obus.
16 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Pouvez-vous estimer
17 le nombre d'enfants qui ont été tués ou blessés par des tireurs isolés ?
18 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Au total,
19 douze mille habitants de Sarajevo ont trouvé la mort en raison des
20 pilonnages et des tireurs isolés, dont mille six cent enfants.
21 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Les femmes civiles
22 étaient-elles particulièrement exposées aux dangers des tireurs isolés et
23 du pilonnage ?
24 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, les
25 femmes étaient dans l'obligation de prendre davantage de responsabilités
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1 dans la vie publique en ville, dans tous les services publics, et elles
2 devaient également s'occuper davantage des enfants. Les femmes avaient
3 davantage besoin de circuler dans la ville, et elles sont fréquemment
4 tombées, victimes des tireurs isolés.
5 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Quels effets
6 psychologiques ont eu ces tirs isolés, à votre avis, sur les habitants de
7 Sarajevo ?
8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Ils ont eu des
9 effets très pénibles. Au début, tout le monde avait peur de sortir,
10 d'aller dans la rue, et surtout de permettre aux enfants de jouer dehors,
11 y compris dans les cours situées à l'intérieur des bâtiments parce que, si
12 l'enfant ne tombait pas sous les coups des tireurs isolés, il risquait
13 d'être frappé par un obus. Mais, au bout d'un certain temps, il nous a
14 tout de même fallu nous adapter, et la vie a continué avec les tireurs
15 isolés, en présence de ce danger permanent d'être blessé ou de trouver la
16 mort.
17 Psychiquement, ce qui a sans doute été le plus difficile, ce
18 sont les moments où une mère, un père, un enfant, reste un peu trop
19 longtemps dehors ; on est sans nouvelle ; on a entendu des tireurs isolés
20 ; on ne sait pas si la personne absente est vivante ou morte, si elle est
21 blessée ou non, jusqu'au moment de son retour, car les téléphones n'ont
22 pas fonctionné pendant longtemps, si bien que, chaque fois que quelqu'un
23 s'attardait un peu dans ses fonctions au travail, ou même en visite chez
24 des amis ou chez des parents, ceux qui l'attendaient craignaient qu'un
25 malheur soit arrivé.
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1 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Avez-vous dû, un
2 jour, travailler plus tard que d'habitude sans en avoir été prévenu à
3 l'avance ? Qu'avez-vous dû faire pour pouvoir faire ces heures
4 supplémentaires sans alarmer votre famille ?
5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Au bout d'un
6 certain temps, j'ai pris l'habitude de dire à mon épouse et à mes enfants
7 "je rentre quand je rentre", c'est-à-dire qu'il n'était plus question
8 d'une heure coutumière, il n'était plus question de parler de 19 h 30 ou
9 de 22 h 00 - au moment où il était encore possible de sortir après 20 h
10 00.
11 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Monsieur, y a-t-il
12 eu des cessez-le-feu occasionnels, des moments où les tirs isolés
13 s'arrêtaient ?
14 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Il y en a eu
15 de temps en temps ; il y a eu des jours tranquilles, des cessez-le-feu qui
16 étaient la conséquence de négociations, ou de telle ou telle résolution du
17 Conseil de Sécurité mais, après quelques jours ou quelques mois au cours
18 de l'année 1994, les choses reprenaient, en général, leur cours normal.
19 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Quel effet la
20 violation de ces cessez-le-feu a-t-elle eu sur les habitants ?
21 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Les habitants
22 de Sarajevo n'ont jamais perdu espoir. Chaque cessez-le-feu, chaque
23 amélioration de la situation faisait naître chez eux l'espoir d'une paix
24 finalement arrivée. Mais, chaque retour des tireurs isolés, chaque
25 renforcement de l'encerclement de la ville, chaque arrêt des services de
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1 l'eau et des autres services, avaient un effet très négatif car il est
2 encore pire, à partir d'une situation négative, de passer à une meilleure
3 situation et de retomber ensuite dans une situation négative. C'était de
4 toute évidence une tactique intentionnelle de la part des assiégeants de
5 la ville.
6 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Nous avons deux
7 photographies à montrer qui sont les pièces à conviction 155 et 156,
8 documents 3075 et 3076.
9 (Projection de photographies)
10 Ces photographies montrent des enfants qui ont été victimes
11 des pilonnages et des tireurs isolés.
12 La ville disposait-elle de services de santé suffisants pour
13 traiter les victimes des pilonnage et des tireurs isolés ?
14 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Sarajevo
15 disposait de deux grands hôpitaux qui ont fonctionné pendant toute la
16 durée de la guerre mais ces hôpitaux ont atteint le maximum de leurs
17 possibilités, dès le début, car, dès que l'eau a commencé à manquer, dès
18 que les communications ont été interrompues, il est devenu difficile pour
19 les deux mille infirmières d'aller au travail tous les jours et de rentrer
20 chez elles tous les jours. Cela a posé des problèmes. Et l'équipement de
21 l'hôpital a également commencé très rapidement à ne plus fonctionner, soit
22 en raison du manque d'électricité, soit en raison du fait que seuls
23 fonctionnaient des générateurs au gaz ou à essence, ce qui a très vite
24 abouti à des problèmes techniques. Mais le personnel de l'hôpital ne
25 travaillait que pour la ville elle-même, alors qu'elle était, par le
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1 passé, au service de la totalité de la région.
2 Nous pouvons donc dire que nous avons eu une certaine chance
3 de disposer de ces médecins et de ce personnel médical, en raison,
4 notamment, du fait que les capacités, en termes de soins, étaient
5 supérieures à celles qui eussent été nécessaires à la ville seule. Les
6 membres du personnel médical n'étaient évidemment pas des spécialistes des
7 soins de guerre, mais les médecins se sont très vite entraînés aux
8 premiers soins nécessaires dans des situations de ce genre, et ont sauvé
9 la vie de nombreux habitants.
10 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Les habitants de
11 Sarajevo ont-ils rencontré des difficultés particulières à tenter de
12 sauver les victimes des pilonnages ?
13 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Bien entendu,
14 il ne se passait d'intervention pour sauver une victime sans que des
15 tireurs isolés ne commencent à tirer immédiatement. Apporter de l'aide aux
16 blessés, les placer à bord d'une voiture et les transporter jusqu'à
17 l'hôpital pour des soins d'urgence était donc très difficile. Cela
18 entraînait un nouveau rassemblement de personnes qui était immédiatement
19 identifié comme une nouvelle cible pour les obus et les tireurs isolés.
20 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Est-il arrivé que
21 les personnes tentant d'apporter de l'aide soient elles-mêmes blessées ou
22 tuées ?
23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, il y a eu
24 de nombreux cas de ce genre, ce qui avait un effet très démoralisant sur
25 la population. Mais personne ne pouvait passer quelque temps dans la rue
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1 sans faire ce qu'il fallait dans des cas de ce genre, c'est-à-dire
2 participer au rassemblement de gens qui aidaient la victime, la mettaient
3 à bord d'un véhicule et l'amenaient à l'hôpital.
4 Nous avons ensuite mis en place un centre d'urgences où l'aide
5 aux blessés était plus facile d'accès, plus rapide, si bien que les
6 blessés saignaient moins ; car les ambulances, au cours des premiers
7 jours, ont fini par être très endommagées et les transports se faisaient
8 donc à bord de tout véhicule disponible.
9 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- La ville a-t-elle
10 érigé quelque forme de barricade que ce soit pour protéger les gens les
11 plus exposés aux tirs des tireurs isolés ?
12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, les tirs
13 isolés étaient constants à plusieurs carrefours, dès le début du mois de
14 mai. La nuit, avec l'aide des forces des Nations Unies et de leurs
15 organisations, nous avons organisé la pose de containers anciennement
16 utilisés pour transporter divers articles. C'était donc quelque chose qui
17 ressemblait à des wagons. Nous les avons disposés là pour servir de
18 protection contre les tireurs isolés et contre les obus de calibre
19 inférieur qui ne parvenaient pas à traverser les parois de ces containers.
20 C'est ainsi qu'une défense passive anti-snippers a été
21 installée à ces carrefours. Lorsque tous les conteneurs ont été utilisés,
22 nous en sommes venus à utiliser des toiles qui créaient une séparation
23 visuelle. Les gens se rendant compte que l'endroit était dangereux
24 pouvaient alors courir le plus vite possible à l'abri derrière ces toiles.
25 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Je voudrais que
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1 vous montriez les pièces à conviction 157 et 158 (documents 3-0-77
2 et 3-0-78). Pourrait-on maintenant montrer les photographies suivantes, je
3 vous prie ? Que représentent ces photographies, monsieur ?
4 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Là, nous
5 voyons les barricades qui ont été construites à l'aide d'autocars et de
6 trolleybus qui n'étaient plus en état de fonctionnement, renforcées par
7 des plaques de béton car la tôle des autobus ne permettait pas de protéger
8 contre les tireurs isolés.
9 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Ces barricades ont-
10 elles efficacement protégé les gens ou y a-t-il eu encore des blessés y
11 compris là où il y avait des barricades ?
12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il y a eu
13 encore des blessés, mais beaucoup moins. Ces barricades ont eu un certain
14 effet. Ultérieurement, nous les avons construites hautes de 5 à 6 mètres,
15 en mettant plusieurs conteneurs les uns sur les autres, si bien que les
16 gens pouvaient tout de même passer derrière ces barricades avec une
17 certaine sécurité, mais il n'a pas été possible de protéger la totalité de
18 la ville avec des barricades de ce type, si bien qu'il y avait toujours
19 des endroits où les tireurs isolés pouvaient tirer.
20 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - A ce stade, nous
21 voudrions passer à un autre sujet : l'hiver 1992. C'est le premier hiver
22 que les habitants de Sarajevo ont passé en état de siège, n'est-ce pas ?
23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui,
24 effectivement.
25 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Voudriez-vous
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1 consacrer quelques instants à décrire et à expliquer à la Cour ce qu'a été
2 ce premier hiver de siège, je vous prie ?
3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je pense
4 qu'une grande majorité des habitants ne croyaient pas, à l'automne 1992,
5 qu'ils pourraient survivre à l'hiver en l'absence d'électricité et dans
6 cette situation d'encerclement complet, le plus gros problème étant la
7 pénurie alimentaire et l'absence de chauffage.
8 15 % seulement des appartements de la ville disposaient du gaz
9 naturel qui servait à se chauffer et, vers la fin du mois de
10 novembre 1992, lorsque l'électricité a totalement fait défaut dans la
11 ville, il était très difficile d'imaginer comment une ville de cette
12 taille pourrait survivre sans électricité.
13 A ce moment-là, ont commencé la coupe -organisées et non- des
14 arbres qui se trouvaient autour de la ville. Le ramassage des papiers pour
15 servir de combustible a été organisé et les familles ont commencé à se
16 rassembler dans les appartements alimentés en gaz naturel, si bien que les
17 familles ont pris l'habitude de vivre à plusieurs dans une pièce disposant
18 du gaz pour la simple raison qu'il était possible de se chauffer et de
19 faire la cuisine.
20 En ce qui concerne les autorités municipales, outre
21 l'organisation de ce type d'activités, nous avons déployé des efforts
22 particuliers pour éviter la disparition du pain des boulangeries. C'est
23 ainsi que, alors qu'il n'y avait pas d'électricité, grâce à des dons, des
24 générateurs fonctionnant au gaz ont été obtenus, qui fournissaient de
25 l'électricité, ce qui a permis aux boulangeries de fonctionner. Ainsi,
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1 pendant tout cet hiver, les habitants de Sarajevo ont reçu le tiers d'une
2 miche de pain de 750 grammes, soit 250 grammes. C'est un hiver où il était
3 très difficile de sortir et, finalement, nous avons tout de même réussi à
4 distribuer un peu de nourriture.
5 Cet automne et cet hiver-là, j'ai perdu personnellement
6 28 kilos et, en moyenne, les habitants de Sarajevo ont perdu environ
7 25 kilos, en raison de la pénurie alimentaire, de la sous-alimentation et
8 d'un état psychique caractérisé par l'incertitude quant à ce que pourrait
9 être l'issue de cet hiver.
10 La réparation des lignes électriques a été un souci permanent
11 pour les experts des organisations internationales. Le représentant de la
12 FORPRONU à Sarajevo a promis que l'électricité serait rétablie d'ici Noël.
13 Lorsque le Noël catholique est arrivé, nous avons pensé qu'il avait peut-
14 être pensé au Noël orthodoxe qui est en janvier, or l'électricité n'a été
15 rétablie qu'en mars 1993. On a pu fournir à nouveau 12 à 15 mégawatts, ce
16 qui représentait moins de 10 % des seuls besoins domestiques de l'ensemble
17 de la ville, et il y avait tous les autres besoins. Mais cela a suffi tout
18 de même pour permettre un fonctionnement plus sûr des boulangeries,
19 l'alimentation en eau et aux utilisateurs individuels de disposer de
20 quelques heures d'électricité par jour pour satisfaire les besoins les
21 plus élémentaires, c'est-à-dire faire cuire quelque chose, regarder un peu
22 la télévision ou permettre aux enfants d'utiliser un jouet fonctionnant à
23 l'électricité, jeu informatique ou autre.
24 Le marché ne fonctionnait pas puisqu'aucun approvisionnement
25 n'était organisé en dehors de la distribution de l'aide humanitaire, mais
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1 tout de même sur le marché noir, le prix des articles les plus
2 indispensables a augmenté de plus de (10 % ?) par rapport à ce qu'il était
3 avant la guerre. Le café coûtait désormais 120 marks le kilo. Les
4 allumettes, c'était un problème parce qu'il n'y avait pas d'allumettes
5 pour allumer le feu alors qu'on utilisait du bois comme combustible, on
6 transportait donc le feu d'un foyer à un autre pour faire des feux avec ce
7 bois pendant une heure ou deux, faire une petite soupe et, en fait,
8 oublier quelques instants le froid qui envahissait la totalité de
9 l'appartement. Bien entendu, le Conseil municipal ne fonctionnait plus.
10 Il y a quelque chose qui me reste en mémoire, une image
11 particulière. Je me souviens de ces gens qui allaient chercher de l'eau et
12 qui utilisaient leur chien un peu comme des chiens d'attelage chez les
13 Esquimaux pour tirer le bois qu'ils étaient allés chercher. Enfin, nous
14 avons survécu !
15 Le plus grand motif d'espoir, c'était qu'après l'hiver vient
16 toujours le printemps.
17 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous en avez dit
18 quelques mots, mais pourriez-vous expliquer plus en détail pour le
19 Tribunal ce qui a été fait pour alimenter la ville en eau au cours de cet
20 hiver 1992 ?
21 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - La principale
22 source d'approvisionnement en eau de Sarajevo était sous le contrôle de
23 Karadzic. A ce moment-là, il n'y avait pas d'électricité, il n'y avait
24 donc pas d'eau dans le système de distribution, tous les robinets étaient
25 à sec. Les seules sources d'eau alternatives étaient les vieux puits de la
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1 vieille ville. En tant que représentant des autorités municipales, nous
2 avons donc fait en sorte qu'à partir de cette source d'eau en ville, des
3 canalisations soient tirées pour alimenter un certain nombre de quartiers.
4 C'est ce qui a été fait avec l'aide des représentants des Nations Unies
5 et, en 1993, de tous les quartiers, les gens se rendaient vers cette
6 source d'eau pour remplir des bidons de 20 à 30 litres. C'était devenu une
7 image courante.
8 C'est à la brasserie de la ville que les gens s'alimentaient.
9 C'est là que les problèmes ont commencé car tout le monde ne pouvait pas
10 transporter facilement d'importantes quantités d'eau. Bon nombre de gens
11 vivaient sur les versants des collines et devaient donc porter cette eau
12 en montant des pentes raides. Mais chacun savait que porter ces 25 litres
13 d'eau environ était synonyme de bonheur pour la famille. Quand, après une
14 ou deux heures de marche dans un sens, puis avoir passé un certain temps
15 dans la file d'attente, on rentre avec l'eau potable et que, arrivé à la
16 maison, on voit les enfants qui vous attendent avec le sourire, "Papa,
17 maintenant nous avons de l'eau, nous avons même de l'eau pour demain",
18 c'est important.
19 Bien entendu, il y avait des tireurs isolés, il y avait des
20 pilonnages. Avec l'aide de la FORPRONU, nous sommes parvenus à protéger un
21 certain nombre de ces sources d'eau contre les tireurs isolés, pour qu'au
22 moins pendant que les gens faisaient la queue, ils soient protégés au
23 maximum contre les obus. Malheureusement, quelques lieux de rassemblement
24 où les gens faisaient la queue pour l'eau ont été frappés.
25 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Puisque le siège
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1 s'est poursuivi, pouvez-vous nous dire si l'hiver 1993 a été un peu moins
2 difficile que l'hiver 1992 ?
3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). -
4 Psychologiquement, l'hiver 1993 a été pire parce qu'au cours de
5 l'hiver 92-93, les gens pensaient que le printemps et l'été allaient
6 arriver et qu'il n'y avait pas la moindre possibilité que l'hiver suivant
7 se passe encore sous le siège.
8 Cet hiver-là et davantage encore au cours de l'été, le réseau
9 de gaz a été étendu en ville, car on avait constaté que le gaz avait sauvé
10 la ville au cours de l'hiver 92, mais, d'une part, cela a accru les
11 risques d'explosions dues au gaz et, d'autre part, cela a entraîné
12 l'augmentation des pertes, donc chaque particulier a reçu moins de gaz.
13 La Fédération russe, qui fournissait ce gaz, n'était pas
14 disposée à augmenter les quantités fournies puisque personne ne payait. Il
15 n'y avait pratiquement plus d'arbres à l'intérieur même de la ville.
16 L'hiver 1993 a donc été plus doux sur le plan climatique. Objectivement,
17 cela a sans doute été un hiver moins difficile, mais psychologiquement il
18 a semblé plus difficile car il venait après le premier hiver de siège.
19 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Merci bien. Nous
20 allons passer maintenant à la description des conditions de vie générales
21 pendant toute la durée du siège et aborderons un certain nombre des
22 aspects les plus critiques.
23 Qui avait le contrôle de l'électricité pendant toute la durée
24 du siège ?
25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - La ville de
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1 Sarajevo était dotée d'un système très sûr et lorsque je dis très sûr, je
2 pense surtout aux conditions de paix. Quelques postes de transformation
3 électrique entouraient la ville, une sorte de triple sécurité pour la
4 consommation d'électricité qui avait été à son maximum pendant les Jeux
5 olympiques de 1984. Tous ces postes de transformation électriques étaient
6 contrôlés par la JNA, puis ont été contrôlés par les forces armées des
7 Serbes bosniaques.
8 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Est-ce que la JNA a
9 assuré la protection de ces sites de distribution du courant avant même
10 que la guerre n'éclate ?
11 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, tout
12 simplement les JNA ont occupé ces postes de transformation électrique et
13 la JNA est devenue l'armée des Serbes bosniaques. L'armée était donc la
14 force qui contrôlait tous ces postes de transformation électrique autour
15 de la ville.
16 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous
17 décrire à la Cour comment on vivait dans une ville sans courant, sans
18 électricité ?
19 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - A un moment
20 donné, en ma qualité de maire, je suis allé à Vienne et il y a eu une
21 coupure d'électricité de quelques instants. Il y avait une solution de
22 rechange, mais pas de climatisation. Je parle de Vienne. Vous pouvez
23 imaginer ce que cela donne dans un système qui dépend d'une alimentation
24 en électricité qui tombe en panne. L'eau pompée ne dépasse pas le
25 5ème étage. Ensuite, il y a l'approvisionnement qui vient des parties
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1 élevées de la ville. Il y a arrêt des transports en commun. Les piles
2 permettent d'écouter la radio pendant un certain temps, mais quand elles
3 sont épuisées, vous ne pouvez plus les recharger.
4 Par conséquent, à l'automne 1992, au moment où nous avons
5 affronté une pénurie permanente d'électricité, il nous était difficile
6 d'organiser, d'imaginer la vie sans courant.
7 Il n'y a pas eu de coups de téléphone spéciaux, qu'il s'agisse
8 du maire de la ville ou de qui que ce soit d'autre.
9 Après ce premier choc, on a constaté qu'on allait devoir
10 s'organiser même dans ces conditions-là et on a réussi à survivre. On a
11 trouvé des générateurs comme solution de rechange, des plus grands aux
12 plus petits, les accumulateurs transportables pour alimenter les piles,
13 pour alimenter les principaux consommateurs prioritaires.
14 On a fait quelques efforts vains, mais on a réussi tout de
15 même à obtenir un certain nombre de ces générateurs par l'intermédiaire de
16 la FORPRONU et de la Croix-Rouge internationale. Nous avons utilisé les
17 grandes installations de la boulangerie centrale et les puits de la
18 brasserie de la ville. Enfin, on a réussi tout de même à constituer un
19 réseau d'urgence.
20 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Est-ce que les
21 Serbes de Karadzic vous donnaient parfois l'eau et électricité, c'est-à-
22 dire approvisionnaient la ville en eau et électricité ?
23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - En paroles,
24 oui, ils étaient catégoriques, indiquant qu'ils n'abuseraient plus des
25 moyens de première nécessité pour la vie, donc qu'ils ne les emploieraient
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1 pas à des fins militaires, qu'il n'y aurait plus de coupures d'électricité
2 et de gaz et de coupure des vannes pour le transport des eaux.
3 Et puis il y a parfois eu des jours et des jours, un mois ou
4 deux, où la situation s’était sensiblement améliorée. Par exemple, de jour
5 en jour, pendant 6 heures, on avait suffisamment de courant et de l’eau
6 pendant 1 ou 2 heures.
7 Evidemment, on pensait toujours que c'était un signe de
8 normalisation, de reprise des activités. Puis, au bout de ces 2 mois
9 passés, un prétexte quelconque provoquait un effet psychique sur la
10 population, un blocage, une suspension de ceci ou de cela. Il y a eu tout
11 le temps cette oscillation entre zéro, minimum, maximum possible dans ces
12 conditions.
13 C'était une stratégie qui devait provoquer chez les gens un
14 sentiment de désespoir de la vie au sein d'une telle ville.
15 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous avez mentionné
16 le fait que Sarajevo était fier de son système de transports en commun. Au
17 moment où le siège a commencé, que s’est-il passé avec ce système de
18 transport, ferroviaire et autre ?
19 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Les tramways
20 étaient vraiment la fierté de la ville de Sarajevo. C’était la première
21 ville en Europe centrale à avoir un tramway, et ceci depuis 130 ans,
22 d'abord avec attelage à chevaux, puis des tramways électriques.
23 Donc Sarajevo avait très bien résolu son système de transport
24 le long de l'axe principal de la ville, une trentaine de kilomètres pour
25 la ligne principale. Mais le tramway à un moment donné s’était
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1 complètement arrêté. Et puis, après une accalmie en 1994, on a rétabli le
2 transport par tramway, mais suspendu ici et là en raison des tirs isolés
3 car les tramways étaient des cibles de choix.
4 Pour certaines personnes, dans certains quartiers, les
5 sonnettes des tramway étaient le signe de la paix qui pouvait régner ce
6 jour-là. Si les tramways marchaient, on pouvait plus facilement se rendre
7 à son poste de travail. En effet, les obus et la bonne marche des tramways
8 n’allaient pas ensemble.
9 Pour les habitants de Sarajevo et pour ceux qui attaquaient la
10 ville, ces tramways étaient une sorte de symbole, très fréquemment la
11 cible des attaques des tireurs isolés ou de ceux qui tiraient des obus
12 plus gros.
13 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous avez parlé des
14 enfants qui vivaient dans la ville. Comment la municipalité s'occupait-
15 elle de la scolarisation de ces enfants ?
16 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Au début
17 c'était très difficile. Au bout de quelques jours passés dans les sous-
18 sols souterrains, dans les appartements, tous les enfants voulaient sortir
19 au grand air. Les parents ne pouvaient pas les autoriser à le faire,
20 c’était dangereux.
21 C’est à ce moment-là que l’on a organisé des écoles dites
22 d’appartement, de foyer. Dans un bloc il y avait peut-être quelques
23 institutrices ou une mère qui était douée pour s'occuper des enfants, pour
24 leur organiser une forme d'éducation, d'enseignement, de cours, de jeux.
25 Avec le temps, on a remis en marche le réseau scolaire. Vers le printemps
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1 1993 tous les enfants étaient en quelque sorte couverts par cet
2 enseignement dispensé, non pas dans les bâtiments scolaires, mais dans les
3 caves, dans les différents appartements résidentiels, là où ils pouvaient
4 être protégés contre les obus des tireurs isolés.
5 Cette forme d’enseignement n’avait pas de continuité. Il
6 s’agissait d’un enseignement dispensé en plusieurs relèves. Les cours ne
7 duraient pas longtemps, les enfants recevaient leurs devoirs à faire chez
8 eux et on s'efforçait de couvrir le programme scolaire normal.
9 Petit à petit, cette forme d'organisation d’école s’est
10 améliorée. Il y a même eu les premiers manuels scolaires publiés en
11 Slovénie et transportés en Bosnie-Herzégovine. On a trouvé des fonds
12 nécessaires pour le faire et je dois dire que les enfants, pendant ces 4
13 années scolaires, ont appris quelque chose. Ce n'était pas des années
14 scolaires perdues, ils ont réussi tout de même à apprendre quelque chose
15 et les leçons les plus dures qu'ils en ont tiré étaient celles de la vie
16 quotidienne dans leur entourage immédiat.
17 Le moment est venu de combler ces vides créés dans
18 l'enseignement de ces enfants, dans le cadre d'une génération qui pendant
19 4 ans a été privée d'une scolarisation normale, mais qui reste néanmoins
20 heureuse d'avoir survécue et d'avoir la possibilité de songer à une
21 scolarité plus normale.
22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous avez des
23 enfants qui sont restés avec vous pendant le siège. Quel âge avaient-ils
24 au début du siège ?
25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Mon fils
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1 avait 11 ans, ma fille 8 ans, au moment du commencement du siège de
2 Sarajevo. Ils ont passé tout le siège avec moi à Sarajevo. Ce fut
3 également le cas de quelque 50 000 autres enfants de Sarajevo, soit 50 %
4 du nombre total de la population scolaire de la ville de Sarajevo à
5 l'époque.
6 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Comment ce siège a-
7 t-il affecté la vie familiale quotidienne des familles de Sarajevo ?
8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - La vie a
9 changé de fond en comble. Les enfants ne pouvaient pas sortir, ne
10 pouvaient pas aller à l'école. On devait s’efforcer en permanence de les
11 occuper car on sait qu’ils sont très sensibles quand ils ont trop de temps
12 de loisirs, quand ils ne savent pas ce qu'ils vont faire. Etant donné
13 qu'on manquait d'électricité, on jouait aux différents jeux : jeux de
14 carte par exemple en échecs, autres jeux pour lesquels on n'avait pas besoin
15 de courant.
16 Le soir venu, on ne pouvait pas toujours travailler à côté de
17 la lumière d'un cierge -les bougies ne durent pas longtemps-, on devait se
18 débrouiller sans lumière. Les nuits sont longues quand on doit se coucher
19 vers 7 heures, 8 heures, 1 ou 2 heures après la nuit totale. Et si c'est
20 une nuit calme on est à moitié endormis et on se heurte sans cesse à des
21 problèmes d'ordre psychologique.
22 Et puis le lendemain matin on est heureux si le temps est
23 brumeux, parce que la journée reste sombre et vous permet de vous rendre
24 chez des amis, chez des parents, de songer à organiser quelque chose pour
25 la journée suivante, pour se préparer à toutes les éventualités qui
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1 pourraient s'interposer à une circulation normale à travers la ville.
2 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Dans quelle mesure
3 et comment le siège a-t-il affecté la vie quotidienne des femmes qui sont
4 restées piégées dans la ville ?
5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Les femmes
6 qui sont restées travailler dans la ville (différentes entreprises,
7 services publics) devaient se déplacer quotidiennement de leur appartement
8 jusqu’à leur poste de travail. Elles avaient une obligation de plus. Elles
9 devaient veiller à leur tenue, être propres, avec les restes de leur
10 maquillage. Elles devaient veiller à rester femmes, à leur dignité de
11 femme et devaient partager leur vie avec des parents, avec des personnes
12 âgées, ce qui leur imposait des obligations complémentaires. Elles
13 travaillaient plus que d'habitude parce que les femmes étaient en quelque
14 sorte clouées à cette famille dans laquelle se développait toute leur vie.
15 Il était très dur de s'occuper de soi-même, de la nourriture,
16 de toute la famille, craindre de ne pas rentrer chez soi. Mais je pense
17 que les femmes de Sarajevo étaient à la hauteur de leur courage notoire et
18 elles ont considéré cette vie comme un apport crucial à cet effort de
19 survie caractéristique pour tous.
20 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Y avait-il des
21 problèmes particuliers en ce qui concerne les soins particuliers à
22 apporter aux personnes âgées ?
23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, nous
24 avons eu beaucoup de problèmes. Beaucoup de personnes âgées sont restées
25 seules et même pour les besoins de première nécessité, on a dû organiser
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1 des unités de protection territoriale, des unités de jeunes qui,
2 lorsqu’ils étaient libres, devaient apporter de l'eau, de la nourriture,
3 veillaient à apporter les soins médicaux élémentaires à ces personnes
4 âgées, réagir à toutes les plaintes possibles de ces gens, parce que les
5 personnes âgées dans des circonstances qui furent celles de Sarajevo ne
6 pouvaient pas facilement se déplacer, surtout lorsqu’ils s'agissait par
7 exemple de traverser une rue exposée aux tirs de tireurs isolés. Et s'il y
8 a une très grande distance à couvrir, cela posait également des
9 difficultés. Il y a bien des personnes âgées qui ne sont pas sortis
10 pendant des mois.
11 On a organisé un réseau de centres médicaux, paramédicaux, de
12 centres avec des infirmiers et infirmières qui devaient faire des prises
13 de sang, mesurer la tension de ces personnes sur place, assurer toutes les
14 mesures préventives, ne pas occuper seulement du troisième âge de ces
15 personnes mais veiller à ce qu’elles reçoivent les traitements
16 indispensables, même dans les situations précaires et d'austérité dans
17 lesquelles elles se trouvaient.
18 Beaucoup de personnes âgées sont mortes, non pas suite aux
19 obus et aux tirs isolés, mais en raison de la dégradation de la qualité de
20 leur vie, des conditions de vie. Bien des morts ont été prématurées. A
21 part ces milliers de victimes de tireurs isolés, il y a eu quelque 4 500
22 décès « naturels ».
23 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce-que les
24 citoyens de Sarajevo avaient des difficultés en ce qui concerne
25 l'inhumation de leurs morts ?
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1 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je dirai que
2 c'est un des volets les plus sombres, les plus tragiques de cette vie.
3 Tout rassemblement lors des funérailles était une cible potentielle pour
4 les tireurs. Bien des gens ont été blessés à ces occasions-là et ont
5 reculé les funérailles dans les heures tardives de la journée, juste pour
6 veiller à la protection et à la sécurité des gens qui participaient à ce
7 genre de cérémonies, lorsqu’il s’agissait d'enterrer les victimes des tirs
8 et les morts.
9 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - 30-81 s'il vous
10 plaît, pièce 159.
11 Reconnaissez vous cette photo ?
12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il s'agit
13 d'un petit cimetière près d'un garage construit en béton. Vous voyez une
14 partie de la palissade de ce garage atteint par un certain nombre d'obus.
15 A droite il y a un parc exposé droit au tir des tireurs isolés, un parc
16 qui servait à un moment donné pour faire des petits jardins privés autour
17 des maisons.
18 Un tout-petit cimetière avec une trentaine ou une quarantaine
19 de tombeaux de gens qui ont été inhumés soit très tôt le matin, soit très
20 tôt le soir ou même durant la nuit et à une quarantaine de mètres de là,
21 on avait ces petits jardins potagers où l’on cultivait de l'oignon, des
22 pommes de terre, ainsi de suite. Tout ceci se passait dans le quartier de
23 Dobrinja.
24 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Etes-vous conscient
25 de ce qui se passait lorsque l’on organisait des funérailles dans ce petit
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1 cimetière qui figure sur la photo ?
2 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais).- Oui, on a
3 organisé une fois une cérémonie funéraire à 10 heures du soir. Au moment
4 même du rassemblement, des Serbes de Karadzic se sont mis à tirer à une
5 distance d'une centaine de mètres de là. Tous les gens se sont dispersés.
6 On a laissé la dépouille mortelle du défunt sur place et on est revenu aux
7 alentours de 2 heures du matin pour terminer cette cérémonie funéraire.
8 Donc aux environs de 2 heures du matin, 2 heures après minuit, une heure
9 des plus étranges mais le moment le plus sûr pour assurer la sécurité
10 nécessaire de ce petit rassemblement de gens qui étaient venus accompagner
11 leur bien-aimé.
12 Des tombes d'orthodoxes, de catholiques et de musulmans se
13 trouvaient les unes à côté des autres, sans distinction.
14 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- Quand les réfugiés
15 ont-ils commencé à se rendre pour la première fois à Sarajevo ?
16 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais).- Les premiers
17 réfugiés sont arrivés au mois d'avril 1992, en provenance des villages et
18 des localités de banlieue de Sarajevo où ils étaient devenus victimes de
19 la purification ethnique perpétrée par les Serbes. Ils venaient
20 s'installer dans le centre de la ville ou se dirigeaient vers les régions
21 de la partie centrale de la Bosnie.
22 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- Cet afflux de
23 réfugiés provoquait-il des problèmes supplémentaires, additionnels, pour
24 la population sur place de Sarajevo ?
25 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais).- Très
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1 certainement. Les gens s'étaient rendus à Sarajevo pour s'y réfugier, mais
2 les conditions de vie à Sarajevo étaient déjà telles que même ses
3 habitants ne s'y sentaient pas bien. Que dire de ces gens qui venaient
4 d'autres régions et d'autres localités soit avec des blessés, soit avec
5 des membres malades de leur famille ? C'était évidemment un moyen pour
6 survivre.
7 La plupart de ces réfugiés venaient de la partie Est, de Foca,
8 de Rogatitcha, de Visegrad -le long de la frontière Serbe-, mais aussi des
9 régions de Herzégovina, celles qui sont devenues ethniquement pures suite
10 aux action et aux campagnes des Serbes.
11 Le siège a cessé au mois de mars de cette année, au moment de
12 la réintégration de Ilidja et de l'ouverture de la route en direction de
13 Sarajevo et de Tuzla, c'est-à-dire vers ce que nous appelons le monde
14 extérieur.
15 M. Bowers(interprétation de l'anglais)- Quelle a été la durée
16 totale du siège de Sarajevo ?
17 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais)- Certains prennent
18 comme début du siège, le 5 avril 1992, le moment de l'éclatement des
19 conflits. Mais ce siège n'était pas encore total, il n'était pas encore
20 complet. On pourrait parler d'un siège complet à partir du mois de mai
21 1992 étant donné que le dernier train et le dernier autocar avaient quitté
22 leur gare respective, ceci depuis mai 1992 jusqu'au mois de mars 1996,
23 soit près de quatre ans.
24 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- A votre avis, les
25 leader politiques et militaires, Karadzic et Mladic, savaient-ils ce qui
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1 se passait à Sarajevo, suite au siège imposé à la ville ?
2 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais). - Oui très
3 certainement.
4 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Sur quoi fondez-vous
5 votre opinion, votre point de vue ?
6 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais). - Leur tactique
7 d'assiègement de Sarajevo était adaptée à la situation internationale et
8 aux pressions qu'ils subissaient de la Communauté internationale. Puis, il
9 y a eu cette tentative d'étouffer, d'étrangler la ville, un étranglement
10 dosé en quelque sorte. Pendant ces quatre ans, on peut démontrer que la
11 ville se trouvait sous le contrôle entier, à la merci pour ainsi dire des
12 soldats serbes de Karadzic.
13 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- Monsieur le
14 président, il serait impossible, voire présomptueux au procureur de
15 relater exactement comment se passait la vie de Sarajevo au jour le jour.
16 Mais nous avons essayé, à titre d'illustration, de faire un collage de
17 séquences vidéo, et nous aimerions vous présenter ce montage vidéo de la
18 vie quotidienne, telle qu'elle évoluait Sarajevo, sous le siège.
19 M. le Président..- Je voudrais intervenir sur le déroulement
20 de nos travaux. Je ne sais pas si vous aviez prévu que le maire de
21 Sarajevo puisse rester jusqu'à demain matin. Il est 17 h 30. Vous allez
22 donc nous montrer ce montage, mais je pense que mes collègues et moi-même
23 aimerions ensuite poser un certain nombre de questions au témoin. Le
24 témoin peut-il rester, sans trop de problèmes ni de difficultés pour lui,
25 à La Haye, ce soir ?
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1 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- Certainement,
2 monsieur le Président, nous l'avons prévu. Il sera possible de poser des
3 questions au témoin si la Chambre le souhaite.
4 M. le Président..- Dans ces conditions, je crois que nous
5 allons lever l'audience de ce jour, et nous la reprendrons demain matin à
6 10 h 00.
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8 La séance est levée à 17 h 30.
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