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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-5-R61
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE AFFAIRE N° IT-95-18-R61
3
4 Mercredi 3 juillet 1996
5
6 Devant la chambre de première instance composée comme suit :
7 M. le juge Claude Jorda, Président
8 Mme le juge Elizabeth Odio Benito
9 M. le juge Fouad Riad
10 Assistée de :
11 M. Dominique Marro, Greffier-Adjoint
12 LE PROCUREUR
13 c/
14 Ratko MLADIC
15 et Radovan KARADZIC
16 (Srebrenica)
17 Le bureau du Procureur :
18 M. Eric Ostberg, M. Mark Harmon, M. Terre Bowers
19
20 Mercredi 3 juillet 1996
21 (Matin)
22 L'audience est reprise à 10 heures 03.
23
24 M. le Président. - La séance est reprise. Veuillez vous
25 asseoir.
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1 Nous pouvons peut-être procéder à la suite de la déposition
2 interrompue hier. Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
3 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Nous voudrions
4 demander à M. Rechner de reprendre place.
5 M. le Président. - Capitaine, vous m'entendez bien ?
6 M. Rechner. - Oui, sans problème, monsieur.
7 M. le Président. - Monsieur le Procureur.
8 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Merci, monsieur le
9 Président.
10 Capitaine Rechner, quand nous nous sommes séparés hier soir,
11 vous étiez en train de nous parler d'une rencontre que vous aviez eue avec
12 Koljevic, le 29 mai. Est-ce exact ?
13 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - Non, le 29 mai,
14 c'est la date à laquelle nous avons essayé d'organiser cette réunion avec
15 sa secrétaire. Ce n'est que le 15 juin que cette rencontre a eu lieu.
16 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Et le 15 juin, il a
17 comparé la prise d'otage à l'utilisation du choc électrique ?
18 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - Oui, c'était
19 exact, il a fait une comparaison avec ce type de thérapie électrique.
20 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - De quoi avez-vous
21 discuté durant cette rencontre ?
22 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - Mon souci
23 principal était d'évoquer les problèmes que nous avions rencontrés par
24 rapport à la manière dont on nous avait traiter. Par ailleurs, je voulais
25 évoquer avec lui la manière dont nous allions travailler ensemble à
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1 l'avenir, entre les observateurs militaires et les Nations Unies.
2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Avez-vous souligné,
3 à l'intention de M. Koljevic, que vous aviez été choisi comme bouclier
4 humain pour parer les raids aériens ?
5 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - Parmi toutes les
6 questions que nous avons abordées, nous avons évoqué, d'une part, la
7 manière dont pourraient fonctionner les observateurs militaires sur des
8 territoires tenus par les Serbes bosniaques à l'avenir et, d'autre part,
9 que c'était moi-même et le capitaine Zidlic(?) qui avaient été choisis
10 pour être accusés d'avoir guidé et orienté les raids aériens. J'avais
11 demandé que l'on récuse cette accusation publiquement parce que ceci était
12 intenable par rapport au territoire où nous nous trouvions car la plupart
13 des Serbes croiraient cette propagande et, à un moment ou à un autre, se
14 vengeraient sur nous.
15 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quelle a été la
16 réponse de Koljevic à vos propos ?
17 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - Il n'a pas
18 répondu directement à cette préoccupation, mais il a dit que compte tenu
19 de l'ampleur de la crise entre les autorités serbes et les Nations Unies,
20 suite aux raids aériens de l'OTAN, des relations de travail tout à fait
21 nouvelles devraient être établies entre les Nations Unies et les autorités
22 serbes bosniaques. Je lui ai demandé également si nous serions libérés et
23 si nous pourrions rester dans nos bureaux à Pale ou si nous serions
24 évacués vers Belgrade. Il a dit que tout le monde serait évacué vers
25 Belgrade.
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1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - A-t-il dit comment
2 il interprétait ces raids aériens et pourquoi il avait considéré comme
3 nécessaire de prendre des otages ?
4 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - Il a dit que
5 cette crise était très grave. Il a parlé d'autres raides aérien, en
6 particulier de celui du premier jour, le 25 mai. Il a dit que par le
7 passé, ces raids aériens n'étaient pas un problème, c'était une réponse
8 symbolique de l'OTAN et en général, les Serbes seraient prévenus à
9 l'avance ou alors l'OTAN ne ciblerait que des cibles beaucoup moins
10 importantes et provoquerait peu de dommages.
11 Les Serbes, par le passé, savaient que ces raids aériens
12 n'avaient pas une grande gravité. Par contre, il a dit que le bombardement
13 du 26 mai n'avait rien à voir avec ceux qui avaient eu lieu précédemment,
14 qu'il s'agissait là d'un raid très grave qui remettait en question et en
15 danger les relations entre les Serbes bosniaques et les Nations Unies.
16 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Comment s'est
17 terminée cette rencontre avec M. Koljevic ?
18 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - Assez
19 amicalement. Il a dit que nous aurions dû être libérés plus tôt, qu'il y
20 avait eu des difficultés techniques et demandait quelques jours de
21 patience avant que nous soyons complètement libérés. Il m'a demandé si
22 nous avions besoin de nourriture. Je lui ai dit que l'alimentation que
23 nous recevions n'était pas très bonne, mais que c'était militaire et que
24 nous comprenions le problème.
25 Je lui ai demandé que tous les observateurs qui étaient avec
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1 moi devraient avoir l'autorisation de téléphoner à leur famille, c'est-à-
2 dire de prendre contact avec leurs proches.
3 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quel était à
4 l'époque le poste de Koljevic dans la Republika Srpska ?
5 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - Le professeur
6 Koljevic était le vice-président de la Republika Srpska et le président de
7 la Commission d'Etat pour la coopération avec les Nations Unies et les
8 autres organisations humanitaires.
9 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Que s'est-il passé
10 après cette réunion avec Koljevic, le 15 juin ?
11 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - Cette réunion
12 s'est tenue à l'état-major de la police militaire à Pale. Après la
13 rencontre, on m'a ramené à la caserne où j'ai rejoint les autres
14 observateurs.
15 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand avez-vous
16 finalement été libérés ?
17 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - C'est dans
18 l'après-midi du 18 juin. Libéré, enfin c'est-à-dire que l'on nous a fait
19 monter dans des autocars à Pale et on nous a amenés à Novi Sad, qui est à
20 Voïvodina, c'est-à-dire une partie de la région de Serbie.
21 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - En ce qui concerne
22 les équipements que vous aviez dans votre bureau, avez-vous tout
23 récupéré ?
24 M. Rechner (interprétation de l'anglais). - On nous a permis
25 de rentrer dans nos quartiers personnels, le 18 juin, pour chercher nos
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1 effets personnels.
2 Les autres observateurs avaient pu se rendre dans leurs
3 quartiers ou dans nos quartiers et nous nous sommes tous rendu compte tous
4 que l'armée serbe bosniaque avait pris certains de nos effets personnels
5 et de notre équipement. Naturellement ceci nous préoccupait,
6 principalement en ce qui concerne l’équipement des bureaux. Nous nous
7 étions dits qu'on nous empêcherait de tout prendre. De toute manière nous
8 avions trop de choses. C'est pourquoi nous avons décidé de ne prendre que
9 l'essentiel, de sorte que l'équipement restant ne pourrait pas
10 fonctionner.
11 Nous avons pris le combiné et l’équipement Immersat(?), ainsi
12 que la petite boîte bleue qui est le récepteur de capsat(?), autre moyen
13 de communication par satellite. Voilà ce que nous avons emporté.
14 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Que s'est-il passé
15 quand vous êtes revenus à vos bureaux pour prendre cet équipement ?
16 Capitaine Rechner (interprétation de l’anglais). - J'avais
17 fait en sorte de prendre cela subrepticement, c’est-à-dire sans que l’on
18 me voie. J’avais pris le téléphone massat (?) et Madame Mira Savic, la
19 propriétaire, est montée et a remarqué que l'antenne Immersat(?) avait
20 disparu. Elle en a conclu que nous avions emporté cet équipement. Celui
21 qui nous surveillait était furieux. Il lui a dit que nous étions des
22 ennemis du peuple serbe et il a fait savoir aux gardes que nous avions
23 emporté une partie de l'équipement.
24 On a trouvé l'antenne et le récepteur capsat(?) dans les
25 bagages d'un de mes collègues, et le capitaine Zidlic(?), quand on lui a
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1 demandé ce que c'était, parce que le garde n'a pas reconnu ce que c’était,
2 a dit que c’était des effets personnels. Le garde a alors accepté.
3 Malheureusement Svetla Navanovic(?), une de nos interprètes,
4 s'est tournée vers le garde et a dit "non, non, non, cela fait partie de
5 leur équipement de transmission capsat(?) qu'ils essaient de prendre avec
6 eux". Elle a dit également que le combiné pour le téléphone Immersat(?)
7 manquait et que très nettement c'était moi qui l'avait emporté puisque ce
8 n'était pas dans les bagages de mon collègue.
9 Nous avons donc été obligés de rendre tout cela.
10 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous
11 avez essayé de récupérer cet équipement après qu'on vous l’ait enlevé ?
12 Capitaine Rechner (interprétation de l’anglais). - Non, on ne
13 pouvait rien faire. J'ai été obligé de revenir à nos quartiers pour rendre
14 le combiné et M. Savic, le propriétaire, était présent. Il a été très
15 fâché. Nous nous sommes disputés et M. Savic a dit qu’il allait tout de
16 suite appeler M. Krajisnik qui était le président de l'Assemblée serbe
17 bosniaque, qu'il lui ferait savoir que nous avions essayé d'emporter notre
18 équipement de communication, et que ceci serait transmis aux autorités
19 serbes bosniaques.
20 Je suis ensuite retourné aux casernes où nous avions été
21 détenus pendant 24 jours. Après 20 minutes, j'ai reçu un coup de téléphone
22 du professeur Koljevic qui s'est excusé pour l'incident avec les gardes et
23 notre propriétaire en ce qui concerne l'équipement de communication. Il a
24 dit : "vous devez comprendre pourquoi cela s'est passé", que M. Krajisnik
25 l'avait informé et il m'a dit : "vous pouvez comprendre qu'il est
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1 important pour nous de conserver l'équipement dans les bureaux et de faire
2 en sorte qu'il fonctionne parce que nous avons besoin de communiquer avec
3 les Nations Unies et c'est le seul moyen de communiquer".
4 Ils ont dit également qu'ils continueraient d'utiliser nos
5 interprètes, qui étaient des civils serbes bosniaques, pour faire
6 fonctionner l'équipement afin de maintenir leur communication avec les
7 Nations Unies.
8 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Avez vous jamais
9 récupéré cet équipement ?
10 Capitaine Rechner (interprétation de l’anglais). - Non. Par la
11 suite, dans les mois qui ont suivi, et par des amis collègues, j'ai appris
12 que les équipements restaient dans les bureaux et que les interprètes les
13 utilisaient.
14 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Lorsque vous avez
15 été amenés aux autocars pour être évacués de Pale, est-ce que quelqu’un
16 s’est adressé aux otages ?
17 M. Rechner (interprétation de l’anglais). - . Oui, juste avant
18 d’être libérés, en début d’après-midi le 18 juin, le professeur Koljevic
19 s’est adressé à tous les Canadiens, c'est-à-dire à moi-même et à douze
20 soldats du bataillon canadien et quatorze autres observateurs militaires.
21 Dans les deux cas, il s'est excusé que nous ayons été détenus.
22 Il a ajouté que lorsqu'il avait fait son service militaire, il
23 avait passé un certain temps dans les prisons militaires yougoslaves. Il
24 comprenait donc que nous ayons souffert. Il a également mentionné ce dont
25 nous avions parlé le 15 juin ensemble. Il a dit qu’il s'agissait d'une
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1 crise très grave entre les autorités serbes bosniaques et les Nations
2 Unies, que les autorités serbes bosniaques avait eu besoin d'envoyer un
3 message très fort aux Nations Unies, que c'était un peu la thérapie
4 électrique, c'est-à-dire que le malade peut mourir, mais aussi guérir
5 grâce à ce traitement de choc et qu'il fallait riposter à ce qui s'était
6 passé dans les raids aériens.
7 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Après avoir quitté
8 Pale, où vous a-t-on emmenés, vous et les autres otages ?
9 Capitaine Rechner (interprétation de l’anglais). - A
10 Voïvodina, à Novi Sad, toujours en Serbie.
11 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Finalement, vous
12 êtes arrivés à Belgrade ?
13 Capitaine Rechner (interprétation de l’anglais). - Oui. Nous
14 avons passé la nuit à Novi Sad dans un hôtel. Le lendemain matin, le 19
15 juin, on nous a amenés à l'aéroport de Belgrade et on nous a mis dans un
16 avion des Nations Unies et ramenés à Belgrade.
17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Etes-vous retournés
18 à Pale ?
19 Capitaine Rechner (interprétation de l’anglais). - Non.
20 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Nous avions une
21 petite séquence vidéo à vous montrer. Serait-il possible de baisser
22 l'intensité lumineuse pour la projection ?
23 (Projection d'un film commenté en anglais).
24 Merci. C'est très bref, je l'avais dit. Pourriez-vous nous
25 dire ce que représentent ces deux séquences ?
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1 Capitaine Rechner (interprétation de l’anglais). - Il y a
2 d’abord Barczek, le major polonais, observateur militaire, dont j'ai parlé
3 hier qui était attaché au bunker du dépôt de munitions, à 300 mètres de
4 nous, le jour où l’on nous a emmenés avec les yeux bandés au site de radar
5 à Jahorina. L'autre séquence est l'interview qui a été menée par des
6 journalistes alors qu'il était menotté et attaché au radar.
7 L'autre est une vidéo de moi-même lorsque j'étais attaché au
8 paratonnerre à Ski Potok(?) le 26 mai.
9 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Voilà, monsieur le
10 Président, nous en avons terminé avec cette déposition et nous demandons
11 que ces pièces soient versées au dossier comme pièces à conviction ainsi
12 que la vidéo.
13 M. le Président. - Je vous remercie monsieur le Procureur.
14 Je me tourne à présent vers mes collègues. Madame le juge,
15 vous avez une question, allez-y.
16 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Capitaine
17 Rechner, pourriez-vous dire à la Cour quel était le rôle spécifique joué
18 par les observateurs militaires à Pale en 1995 ?
19 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Voulez-vous dire en
20 général ou juste mon équipe ?
21 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Non, en
22 général.
23 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Eh bien, en
24 général, à Pale, les observateur que j'ai appelés de Siera Eco 1, c'est-à-
25 dire l'équipe normale, devaient contrôler ce qu'il en était des armes
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1 maintenues à certaines positions, sur les lignes de front et, en
2 particulier, des positions serbes bosniaques pour suivre les activités
3 dans le domaine militaire et faire rapport à l'état-major du Conseil de
4 Sécurité pour vérifier qu'il n'y ait pas de violation de la cessation des
5 activités qui avait fait l'objet d'un accord le 31 décembre 1994
6 En ce qui concerne mon équipe de liaison, son rôle était
7 plutôt politique ; nous étions le lien de communication entre le militaire
8 serbe bosniaque, les autorités politiques et l'état-major des Nations
9 Unies et, dans certaines circonstances, certaines organisations d'aide
10 humanitaire nous ont utilisés. Ce qui veut dire que mon équipe à Pale
11 était responsable de la communication, soit par téléphone, soit par fax,
12 transmission, de la correspondance aux autorités serbes et renvoi de leurs
13 lettres ou correspondances par téléphone ou par fax à l'état-major des
14 observateurs militaires à Sarajevo.
15 Dans un cas, nous avons une rencontre pour discuter des
16 problèmes qui se posaient au début du mois de mai lorsque nous essayions
17 d'avoir une liberté militaire pour les observateurs militaires qui se
18 trouvaient dans une enclave de la Bosnie orientale.
19 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Vous n'aviez
20 pas toute liberté de mouvement ?
21 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Non. Au début,
22 c'est-à-dire à la fin du mois de décembre jusqu'à la moitié du mois
23 d'avril, nous pouvions nous déplacer dans Pale et aller à Sarajevo sans
24 problème. Puis les autorités serbes nous ont imposé des contraintes. Il
25 fallait demander des autorisations quarante huit heures avant pour quitter
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1 Pale et pour aller, par exemple, à Sarajevo. Et en fin de la période, nous
2 étions en fait confinés dans la maison dans laquelle nous habitions ; nous
3 n'avions pas la possibilité de sortir.
4 En ce qui concerne Gorazde, Srebrenica et Zepa, les
5 observateurs militaires ne pouvaient pas sortir de ces zones. Chaque fois
6 qu'ils voulaient sortir de ces enclaves, ils devaient nous envoyer un
7 message pour que nous essayions d'obtenir l'autorisation des autorités
8 militaires serbes qu'ils puissent se déplacer.
9 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais).- Merci.
10 M. Riad (interprétation de l'anglais).- Capitaine Rechner,
11 combien de temps êtes-vous resté menotté ?
12 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Environ six
13 heures ; 5 heures et demie à peu près.
14 M. Riad (interprétation de l'anglais).- Etiez-vous attachés ?
15 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Oui, à ce pylône.
16 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais).- Etiez-vous en
17 danger ?
18 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Oui certainement.
19 D'abord, du point de vue de notre sécurité, nous avions peur que des
20 civils nous attaquent.
21 Je vous ai dit hier que, lorsque nous avons été arrêtés à
22 l'entrée du complexe des bunkers parce qu'il n'y avait pas la clé, un
23 individu (un civil) m'a attaqué. E nous avions très peur, si on nous
24 laissait seuls, attachés au paratonnerre ou au bunker, que des civils
25 arrivent jusqu'à nous et nous tirent dessus.
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1 L'autre problème étaient naturellement celui des raids aériens
2 potentiels de l'OTAN. Nous nous trouvions attachés à des cibles qui
3 n'avaient pas encore été touchées et c'étaient des dépôts de munitions.
4 D'ailleurs, à un moment donné, on a même mis une caisse d'obus
5 de mortier pour que le major Zidlic(?) puisse s'asseoir dessus pour être
6 plus à l'aise. Je ne sais pas s'il s'est senti plus à l'aise sur ces obus
7 de mortier mais, naturellement, n'importe quel bombardement aurait pu nous
8 tuer.
9 Autre problème : l'un des lieutenants-colonels qui nous
10 filmait, et dont j'ai parlé hier, nous a dit que si nous n'étions pas tués
11 par les raids aériens, ils viendraient pour le faire. Et nous étions très
12 inquiets parce que nous nous sommes dits que si les raids aériens de
13 l'OTAN avaient lieu ailleurs, ils viendraient quand même nous exécuter
14 puisque c'est ce dont ils nous avaient menacés dans nos bureaux,
15 lorsqu'ils avaient dit que nous devions faire en sorte que ces raids
16 arrêtent.
17 M. Riad (interprétation de l'anglais).- Des mesures ont-elles
18 été prises par les autorités de Pale pour assurer votre sécurité ?
19 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Non. Deux
20 délégations nous ont rendu visite, dont même M. Amitsa(?) faisait partie,
21 et elles n'ont rien fait pour nous mettre en sécurité ; ils nous ont
22 simplement regardés et M. Amitsa(?) a eu l'air tout à fait satisfait de
23 la réponse donnée par les militaires, et il a ajouté qu'il était très
24 curieux de savoir ce que le général Smith allait faire maintenant que nous
25 étions placés comme otages à des cibles militaires d'importance
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1 stratégique.
2 M. Riad (interprétation de l'anglais).- A-t-il utilisé le
3 terme de "bouclier humain" ?
4 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Non, je ne crois
5 pas qu'il ait utilisé l'expression de bouclier humain, mais je me suis
6 senti comme un bouclier humain puisqu'on nous avait mis là pour empêcher
7 justement que ne se produisent les raids aériens de l'OTAN.
8 M. Riad (interprétation de l'anglais).- On vous a donc
9 utilisés comme bouclier humain ; c'est une chose. Mais avez-vous été
10 maltraités, avez-vous subi des mauvais traitements de la part des
11 autorités ?
12 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Directement non.
13 Mais cela dépend de la définition que vous donnez d'un mauvais traitement.
14 Je n'ai pas été maltraité physiquement mais nous n'avons pas été autorisés
15 à contacter nos proches. Nous avions immédiatement demandé la possibilité
16 de rencontrer des représentants de la Croix Rouge qui avaient des bureaux
17 à Pale, et cette rencontre avec la Croix Rouge n'a pas eu lieu avant le 11
18 juin. Nous avions également demandé à voir un médecin parce qu'un certain
19 nombre d'entre nous souffraient naturellement des tensions de la
20 situation, et les autorités médicales ne sont venues nous voir que neuf
21 jours après avoir été pris en otage, environ le 5 juin
22 M. Riad (interprétation de l'anglais).- Merci, capitaine.
23 M. le Président.- Capitaine Rechner, je voudrais vous poser
24 une question sur les sentiments que vous avez éprouvés au moment où vous
25 avez été pris en otage.
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1 Je ne reviendrai pas sur tout ce que vous avez expliqué -vous
2 l'avez fort bien expliqué. Je dirais simplement que c'est le sentiment de
3 l'honneur qui caractérise la fonction militaire. Vous êtes-vous senti
4 humilié dans cette situation, à un moment donné, en tant que militaire, en
5 tant qu'officier ?
6 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Oui, certainement,
7 très humilié ; c'est ce sentiment d'humiliation et de trahison qui m'est
8 resté de toute cette expérience.
9 Dans notre cas, cette humiliation, ce sentiment de trahison, a
10 été particulièrement grave du fait de la nature de notre travail. Nous
11 étions l'équipe de liaison entre les autorités politiques serbes et les
12 Nations Unies, ce qui veut dire, en fait, que nous étions les plus proches
13 d'eux du point de vue représentation de la communauté internationale.
14 Jusque là, nos relations avaient été très bonnes. Et, du fait que j'avais
15 rencontré M. Radovan Karadzic et le général Ratko Mladic le 9 janvier,
16 lors d'une réception, et que nous ayons aidé, dans le cadre des fonctions
17 sociales, le personnel hospitalier en lui fournissant des médicaments dont
18 il avait besoin dans certains cas, nous avions l'impression que nous
19 avions des bonnes relations avec le gouvernement et la collectivité
20 locale. Notre travail, du point de vue humanitaire, avait quand même une
21 valeur. Alors, le fait qu'ils nous aient choisis, nous, comme otages et,
22 non seulement qu'ils nous aient choisis comme otages, mais qu'ils aient
23 commencé immédiatement par nous menacer de nous tuer ou de nous faire tuer
24 comme bouclier humain, est une expérience très douloureuse.
25 Nous avions des préoccupations pour notre propre sécurité,
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1 c'était réel, et je ne veux pas le sous-estimer. Et je dois dire que j'ai
2 eu l'impression, à plusieurs reprises (à cinq reprises), le premier jour,
3 que j'allais perdre la vie, mais c'est surtout ce sentiment de trahison et
4 d'humiliation qui nous est resté.
5 M. le Président.- Iriez-vous jusqu'à dire que vous estimiez,
6 au fond, avoir un rôle similaire à celui des ministres plénipotentiaires
7 qui, avec un drapeau blanc, vont discuter d'un armistice et ont évidemment
8 un statut qui les empêche d'être faits prisonniers ou pris en otage ?
9 Iriez-vous jusqu'à assimiler votre situation, à Pale, à celle-ci ?
10 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Dans mon cas
11 certainement. Les observateurs militaires des Nations Unies travaillaient
12 du côté serbe avec l'approbation des autorités. Nous vivions dans la
13 collectivité locale et nous étions là simplement pour faire connaître les
14 violations de l'autre partie, c'est-à-dire des musulmans, dans la région
15 de Sarajevo. Et, dans le cas de notre équipe de liaison, notre présence
16 avait été demandée, et c'est à la demande des Serbes que nous avons été
17 établis à Pale. Et, quelque temps après ma libération, j'ai su que les
18 autorités serbes avaient demandé à l'état-major des Nations Unies
19 d'envoyer des observateurs militaires à Pale parce qu'ils considéraient
20 très important d'avoir une équipe sur place avec qui ils pouvaient traiter
21 M. le Président.- Je vais poser une question qui est
22 périphérique à ce que vous avez fait mais qui concerne votre séjour à
23 Pale : quelle impression avez-vous retiré de ce gouvernement, de cette
24 administration de Pale ? On écrit beaucoup de choses, on lit beaucoup de
25 choses ; vous avez été un témoin actif de ce gouvernement, de cette
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1 administration, dans ce coin, sur une colline au-dessus de Sarajevo, qui
2 se veut ou qui est une entité auto-proclamée, les avez-vous fréquentés,
3 vus, rencontrés ? Qu'elle est l'impression générale que vous avez gardée ?
4 M. Rechner (interprétation de l'anglais).- Je garde, comme
5 première impression, qu'ils étaient très suspicieux à notre égard et vis-
6 à-vis de tout ce que nous représentions. Et pour cette raison, nous
7 n'avons, malheureusement, pas eu un accès direct facile avec les leaders,
8 les responsables de haut rang, ce qu'on aurait pu espérer et attendre. Par
9 exemple, dans notre travail quotidien, nous avions des contacts avec la
10 secrétaire de M. Karadzic et avec M. Amitsa(?). Mais concernant M.
11 Koljevic, celui-ci est devenu un peu plus ouvert à la fin et j'ai pu
12 discuter directement avec lui de certains des problèmes. Mais, en général,
13 j'avais affaire à Sesa, sa secrétaire.
14 Du côté militaire, et étant donné que leur état-major était à
15 60 km, nous ne discutions que par téléphone ou nous ne communiquions que
16 par fax principalement avec le Colonel Mniomcic(?) qui était l'officier de
17 liaison avec les Nations Unies et qui dirigeait le service de coopération
18 de l'armée serbe bosniaque avec les organisation humanitaires et les
19 Nations Unies.
20 Il est difficile pour moi de vous dire quoique ce soit sur le
21 fonctionnement du gouvernement étant donné qu'ils avaient mis une sorte de
22 barrage entre eux et nous en désignant certaines personnalités qui étaient
23 chargés des contacts.
24 En ce qui concerne le caractère démocratique, tout était très
25 contrôlé par le gouvernement (pas de liberté de la presse par exemple) ;
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1 mais nous connaissions pas mal de gens de la collectivité locale, et les
2 habitants avaient fondamentalement confiance en leurs leaders ; ils
3 avaient peut-être quelques doutes sur leur politique, mais ils
4 soutenaient, dans l'ensemble, les responsables, militaires en particulier.
5 Et lorsqu'on leur posait des questions sur le fait qu'il n'y
6 avait pas de liberté de la presse et pas de démocratie les gens
7 répondaient : "c'est normal, nous sommes en guerre et, en temps de guerre,
8 vous avez besoin d'un gouvernement autoritaire en place".
9 M. le Président.- Je n'ai pas d'autre question, Monsieur le
10 Procureur. Le Tribunal remercie le capitaine Rechner d'avoir répondu à la
11 citation à comparaître que lui avait délivrée le procureur. Il convient
12 maintenant que l'on vous raccompagne après vous avoir, une fois encore,
13 remercié pour la clarté de votre témoignage.
14 Monsieur le Procureur, avant que nous passions à l'autre volet
15 que vous allez nous expliquer, le Tribunal souhaiterait avoir une
16 traduction de la conversation que M. Karadzic entretient sur les collines,
17 au-dessus de Sarajevo, au moment des tirs de mortier et du sniping sur
18 Sarajevo.
19 Il s'agit de cette vidéo que vous nous avez montrée, avec
20 l'écrivain ou le poète russe. Il y a un discours assez long de M.
21 Karadzic, qui est en anglais si j'ai bien compris, mais qui est d'un débit
22 très rapide. Et j'aimerais que soit versée au dossier la traduction
23 française de ce discours, ainsi que l'interprétation anglaise, bien
24 entendu. Merci.
25 Vous avez la parole.
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1 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Nous nous
2 préoccuperons de cette demande.
3 Ceci conclut notre présentation d'éléments d'évidence sur
4 l'acte d'accusation, selon l'article 61. Et nous passons maintenant à une
5 présentation qui s'inscrit dans le cadre du deuxième acte d'accusation.
6 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Bonjour madame et
7 monsieur le Président.
8 Nous aurons un témoin qui présentera les événements qui se
9 rapportent à l'acte d'accusation. Nous avons présenté, pour madame et
10 messieurs les juges, une copie de ces documents qui vous seront présentés
11 ici.
12 M. le Président. - Monsieur le Procureur, est-ce que nous
13 aurons à revenir sur des documents qui figurent dans ces dossiers qui sont
14 à la disposition du Tribunal ? C'est uniquement une question pratique.
15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Oui, monsieur le
16 Président.
17 M. le Président. - Nous les gardons. Merci.
18 (Le témoin est escorté dans la salle.)
19 M. le Président. - Bonjour, monsieur. Vous allez d'abord lire
20 la déclaration. Est-ce que vous m'entendez ?
21 M. Ruez. - Je vous entends. Je déclare solennellement que je
22 dirai la vérité toute la vérité et rien que la vérité.
23 M. le Président. - Vous pouvez-vous asseoir. Votre
24 présentation sera faite par M. le procureur, je suppose.
25 M. Harmon : Merci Monsieur
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1 Ruez, voulez-vous dire votre nom et l'épeler pour la Cour.
2 M. Ruez. - Mon nom est Jean-René Ruez.
3 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Etes-vous employé
4 par le Bureau du procureur ?
5 M. Ruez. - Oui.
6 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Avant de travailler
7 dans le Bureau du procureur, voulez-vous nous dire ce que vous faisiez ?
8 M. Ruez. - J'étais commissaire de police à la Direction de la
9 police judiciaire en France. J'ai dix ans d'ancienneté professionnelle.
10 J'ai travaillé à Paris, à Marseille. Mon dernier poste était chef de
11 groupe de répression du banditisme à Nice.
12 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Depuis combien de
13 temps travaillez-vous pour le Bureau du Procureur ?
14 M. Ruez. - Je travaille pour le Bureau du Procureur depuis le
15 mois d'avril 1995.
16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - En cette qualité,
17 avez-vous fait des enquêtes sur la prise de Srebenica en juillet 1995 ?
18 M. Ruez. - Oui.
19 M. Harmon. - Excusez-moi, j'ai des problèmes d'interprétation.
20 M. le Président. - Vous avez des problèmes d'interprétation ?
21 M. le Président. - Est-ce que vous m'entendez ? Est-ce que
22 vous entendez le Président ?
23 Il conviendrait que vous entendiez votre propre témoin,
24 Monsieur le Procureur. Monsieur Ruez, vous entendez ?
25 M. Ruez. - Oui.
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1 M. le Président. - S'est-on assuré que l'on entend dans la
2 cabine du public ? Oui.
3 Monsieur le Procureur, vous pouvez poursuivre.
4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez,
5 quand avez-vous commencé votre enquête sur les événements survenus à
6 Srebenica ?
7 M. Ruez. - L'enquête a commencé sur place, à Tuzla, le
8 21 juillet 1995. La première opportunité qui nous fut offerte d'enquêter
9 sur les lieux en Republika Srpska s'est présentée le 21 janvier 1996.
10 Depuis cette date, plusieurs missions ont été accomplies sur les lieux
11 concernés par l'enquête.
12 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - J'aimerais bien
13 vous poser quelques questions concernant l'historique de la région de
14 Srebenica, avant que celle-ci soit devenue la zone de sécurité des Nations
15 Unies. Pourriez-vous nous le décrire sur la carte située derrière vous ?
16 M. Ruez. - Je serai bref sur cet aspect dans la mesure où
17 l'enquête sur les faits démarre à partir de l'offensive sur l'enclave. De
18 façon assez générale, il peut être dit que depuis 1991-1992, la région
19 faisait l'objet de très fortes tensions entre la communauté musulmane et
20 la communauté serbe. De nombreuses agressions étaient lancées par les uns
21 et par les autres.
22 Finalement, aux alentours de mi-1992, les populations des
23 villes environnantes, essentiellement Zvornik et Vlasenica étaient
24 obligées, devant l'agression menée contre elles, de fuir et de se réfugier
25 aux alentours de l'enclave.
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1 Fin 1992, début 1993, l'armée Serbes bosniaque a lancé une
2 offensive sur ces réfugiés, dans l'enclave. La condition humanitaire était
3 assez désastreuse à l'intérieur de l'enclave. Des parachutages aériens ont
4 été menés pour ravitailler la population.
5 Quand l'offensive allait battre son plein, le général Morillon
6 est intervenu sur place. L'offensive a provisoirement cessé, jusqu'en
7 avril 1993 où la Résolution 819 a été adoptée par le Conseil de sécurité.
8 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez, un
9 instant s'il vous plaît. La pièce n° 1, qui se trouve dans vos dossiers
10 est le texte de la Résolution pertinente des Nations Unies sur ce sujet.
11 Monsieur Ruez, quel a été le résultat de cette Résolution des
12 Nations Unies 7.8.1.
13 M. le Président. - Excusez-moi, monsieur Ruez et monsieur le
14 Procureur d'intervenir. Il y a une carte. Je crois voir à peu près où se
15 trouve Srebenica, de par une connaissance personnelle, mais je pense qu'il
16 serait bon de situer la zone. Monsieur Ruez a cité deux villes, deux cités
17 dans son propos. Peut-il rapidement nous les indiquer si possible ?
18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - C'était ma question
19 suivante.
20 M. le Président. - Pardon, monsieur le Procureur, je vous
21 laisse poser cette question. Excusez-moi.
22 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez,
23 pourriez-vous prendre la pièce n° 59, pièce n° 2 et nous montrer où se
24 trouve cette zone de sécurité et dans quelle mesure elle était sûre.
25 M. Ruez. - Sur la carte, la zone de sécurité de Srebenica se
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1 trouve ici, à proximité de la frontière serbe, au Nord-Est de Sarajevo,
2 juste au nord de l'enclave de Zepa.
3 Sur cette carte ici, qui est un agrandi de la région que je
4 viens d'indiquer sur la carte, la zone de sécurité se trouve en bleu.
5 Cette ligne rouge marque la ligne qui était la ligne de confrontation
6 entre l'armée serbe bosniaque et l'armée de Bosnie-Herzégovine. La
7 frontière avec la Serbie est représentée sur la carte par la rivière Drina
8 qui fait tout le bord de la frontière, à l'Est de cette zone.
9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez,
10 comment la Résolution 899(819?) a-t-elle été mise en oeuvre ?
11 M. Ruez. - Un accord de démilitarisation a été signé le
12 8 mai 1993 entre les parties qui s'opposaient dans cette région. Un
13 bataillon des Nations Unies a été affecté à la protection de l'enclave.
14 L'accord de démilitarisation n'a jamais été respecté par aucune des deux
15 parties et a fait l'objet de plaintes constantes de NPROFOR tant vis-à-vis
16 des Serbes bosniaques que vis-à-vis des Musulmans.
17 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je dirige votre
18 attention sur le stationnement du bataillon des Casques bleus dans
19 l'enclave elle-même. Quand le bataillon hollandais s'est-il rendu, est
20 entré dans cette enclave ? C'était en février 1994 ?
21 M. Ruez. - Oui, en février 1994, un bataillon hollandais a
22 remplacé le bataillon canadien qui était stationné l'intérieur de
23 l'enclave.
24 La situation n'a pas évolué : l'accord de démilitarisation
25 n'était pas respecté. Des offensives étaient lancées contre l'enclave par
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1 l'armée serbe bosniaque qui bombardait régulièrement l'enclave. Des raids
2 également étaient lancés de l'intérieur à l'extérieur de l'enclave par
3 l'armée bosniaque qui se trouvait à l'intérieur de l'enclave.
4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Avant l'invasion
5 même de l'enclave, y a-t-il eu un blocus, un blocage par les Serbes, par
6 l'armée bosniaque serbe ?
7 M. Ruez. - Oui, l'offensive a commencé par un blocage de
8 l'enclave. Les convois n'étaient plus autorisés à pénétrer à l'intérieur
9 de l'enclave, ce qui posait d'importants problèmes pour l'assistance
10 humanitaire délivrée à l'intérieur de l'enclave. A titre d'exemple, un
11 kilo de café coûtait alors 80 DM.
12 Le blocage a également eu des effets importants sur la
13 rotation du personnel du bataillon hollandais, ce qui leur posait des
14 problèmes spécifiques sur lesquels le témoin hollandais s'expliquera plus
15 en longueur.
16 Ont été également notés, à cette époque, des renforcements de
17 l'armée serbe bosniaque autour de l'enclave qui laissaient supposer qu'un
18 assaut se préparait éventuellement contre la zone de sécurité.
19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce que vous
20 voudriez bien nous dire quand l'invasion a commencé et nous donner
21 quelques explications plus détaillées ?
22 M. Ruez. - L'offensive en tant que telle commence
23 effectivement le 5 juillet 1995. Dans la nuit du 5 au 6, des éléments de
24 l'armée serbe bosniaque pénètrent par le Sud de l'enclave. La pression
25 s'accentue constamment sur cette enclave. Les postes d'observations,
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1 installés par le bataillon hollandais, sont pris sous le feu. De nombreux
2 postes tombent les uns après les autres. Le personnel est pris entre deux
3 feux. L'armée bosniaque utilise également les points d'observation afin
4 d'attirer les tirs de l'armée serbe bosniaque.
5 Les otages hollandais sont emmenés dans des points de
6 regroupement. Leur équipement leur est dérobé. Globalement, d'après les
7 informations que nous avons, le personnel a été relativement bien traité.
8 Une équipe de cameramen a fréquemment filmé ces gens pendant leur séjour
9 en détention aux mains des troupes du général Mladic.
10 Les villages aux alentours sont bombardés de plus en plus
11 régulièrement et de plus en plus intensément. Les populations de ces
12 villages sont obligées de fuir et se regroupent dans la ville même de
13 Srebenica où elles se rassemblent en attendant une intervention des
14 troupes de l'OTAN.
15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez, est-
16 ce que vous voudriez bien expliquer à la chambre l'importance des
17 événements qui se sont passés dans l'enclave, le 10 juillet 1994 ?
18 M. Ruez. - La veille du 10 juillet, le 9, les Nations Unies
19 ont envoyé un ultimatum aux troupes serbes bosniaque imposant le retrait
20 de leurs forces de cette enclave avant le lendemain à 6 heures sous peine
21 de subir des frappes aériennes.
22 Le 10, l'attaque continue. La ville est bombardée. Les
23 populations qui restaient aux alentours de Srebenica se réfugient toutes à
24 l'intérieur de la ville.
25 La question pour eux se posent de savoir quelle attitude avoir
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1 par rapport aux événements et dès ce jour, le 10, une partie de la
2 population masculine prend la décision de fuir par les bois en direction
3 de Tuzla.
4 Le bataillon hollandais qui se trouve tant à Srebenica, sa
5 base principale étant à Potocari, se prépare à recevoir un afflux massif
6 de réfugiés et prépare le campement à Potocari, en vue de la réception
7 d'une masse de réfugiés estimée à 25 000 personnes et qui est probablement
8 sur le point de se réfugier à Potocari.
9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quelle a été la
10 réaction du général Mladic ?
11 M. Ruez. - La réaction du général Mladic à cet ultimatum fut
12 un autre ultimatum de sa part imposant à l'armée bosniaque, qui se trouve
13 dans l'enclave, de se rendre sous vingt-quatre heures. Un ultimatum est
14 également donné au bataillon hollandais de ne pas accepter de réfugiés à
15 l'intérieur des campements des Nations Unies.
16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Que s'est-il passé
17 avec les réfugiés qui se trouvaient dans l'enclave, et plus précisément
18 dans la localité de Srebenica, notamment lorsqu'il s'agissait du bataillon
19 hollandais qui a été utilisé comme piège ?
20 M. Ruez. - Le 11 juillet, suite à l'ultimatum donné par
21 Mladic, la foule se réfugie à Srebenica au campement hollandais qu'on
22 appelle "Bikoj". La foule est rassemblée à cet endroit dès le matin,
23 attendant les raids aériens. La nouvelle a été annoncée que ces raids
24 auraient lieu ce jour.
25 Environ 15 000 personnes se trouvent à Srebenica, à ce moment-
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1 là, rassemblées devant le campement. La foule essaie de pénétrer à
2 l'intérieur du campement, y parvient et à ce moment-là, l'ultimatum qui
3 avait été donné la veille rentre en application et trois obus tombent sur
4 le campement, à l'intérieur du campement, au milieu de la foule.
5 Le nombre des blessés et des tués n'est pas connu dans la
6 mesure où cette situation génère un mouvement de panique au sein de la
7 foule qui commence à prendre la fuite en masse en direction de Potocari.
8 L'évacuation de l'hôpital se fait aux alentours de 11 heures,
9 le matin. La population fuit sous les bombardements. La route est
10 bombardée tout le long de la route qui va de Srebenica à Potocari, sur une
11 distance d'environ 4 kilomètres.
12 Arrivée à Potocari, le foule se réfugie aux alentours du
13 campement hollandais. Les gens sont acceptés à l'intérieur du campement,
14 mais très rapidement la situation devient intenable. Le campement est
15 complètement envahi par la foule. Il n'y a pas suffisamment de place pour
16 recevoir tout le monde. Les personnes sont orientées vers d'autres usines
17 qui se trouvent aux alentours, Potocari étant une zone industrielle.
18 Les tirs continuent. Plusieurs obus tombent autour du
19 campement, forçant les gens à prendre abris à l'intérieur des usines.
20 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - J'aimerais que l'on
21 revienne au bombardement du campement de Bikoj. Qui fut celui qui a tiré
22 les obus sur le campement de Bikoj ?
23 M. Ruez. - L'armée serbe bosniaque a tiré les obus sur le
24 campement de Bikoj.
25 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu des
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1 raids, des attaques aériennes le même jour ?
2 M. Ruez. - Oui, des attaques aériennes ont eu lieu en fin de
3 matinée. Pendant que la population prenait la fuite en direction de
4 Potocari, un raid aérien a été effectué. Les soldats musulmans qui se
5 trouvaient sur leur ligne ont pu observer le résultat des tirs. Voyant que
6 les frappes n'étaient pas à la hauteur de ce qu'ils espéraient et
7 n'avaient pas le résultat escompté pour forcer l'armée serbe bosniaque à
8 se retirer, la décision a été prise par les responsables militaires de
9 procéder à l'évacuation de l'armée de l'enclave de Srebenica.
10 Donc la population en fait a pris deux différentes directions.
11 La population féminine, les enfants et les personnes âgées ont fuit en
12 direction de Potocari. Les hommes valides, qui craignaient de tomber
13 vivants entre les mains de l'armée serbe bosniaque, ont pris la direction
14 des bois. Ils se sont rassemblés dans un village à proximité de Potocari
15 qui s'appelle Suschenzari. De là, ils se sont tous rassemblés et ont
16 commencé à réceptionner tous les autres hommes qui arrivaient pour prendre
17 la fuite avec eux.
18 Un très grand nombre de civils ont suivi les militaires et ils
19 se sont donc stationnés à cet endroit là en attendant la nuit pour
20 démarrer leur fuite de l'enclave.
21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Après ces raids
22 aériens, quelle a été la réaction du général Mladic ?
23 M. Ruez. - La réaction immédiate du général Mladic a été de
24 menacer le bataillon hollandais d'effacer la base de Potocari. Il avait
25 les moyens militaires de le faire. Plusieurs armes lourdes étaient
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1 positionnées aux alentours, ainsi que des lance-roquettes multiples, des
2 chars, des mortiers. La menace était également de tuer les otages. Le
3 nombre d'otages était alors inconnu, mais au total le bataillon hollandais
4 a eu 55 otages. La menace leur a été traduite par des interprètes sur leur
5 lieu de détention.
6 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Savez-vous ce qui
7 s'est passé avec la localité de Srebenica, une fois celle-ci désertée par
8 la population ?
9 M. Ruez- Oui, nous savons ce qui s'est passé à Srebrenica par
10 la confession de Drazen Erdemovic qui est un soldat serbe bosniaque
11 actuellement détenu par le Tribunal.
12 Ce jour-là, lorsque la population a quitté la ville, les
13 premières forces serbes bosniaques ont pénétré à l'intérieur de
14 Srebrenica. L'intégralité de la population n'était pas partie, il restait
15 encore un certain nombre de civils en ville. Tous ces civils ont été
16 rassemblés sur le stade de football de Srebrenica. Drazen Erdemovic ne
17 sait pas ce qui s'est passé sur ce terrain de football. Le sort de la
18 population à cet endroit n'est pas connu, sa trace a été perdue. On peut
19 simplement dire qu'une personne au minimum a été tuée de sang-froid à
20 cette occasion puisque Drazen Erdemovic rapporte un meurtre commis sur les
21 ordres de son officier en charge, meurtre commis contre un civil musulman
22 qui se trouvait à Srebrenica à ce moment-là.
23 M. Harmon (interprétation de l'anglais)- Le 11 juillet, le
24 général Mladic s'est-il entretenu avec le commandant du bataillon
25 hollandais et les Casques bleus ?
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1 M. Ruez.- Oui. Une réunion a eu lieu à Bratunac, à l'hôtel
2 Fontana. Le Général Mladic et le général Zivanovic ont rencontré le
3 colonel Karremans. Ils se sont rencontré deux fois ce jour-là. Le sort des
4 otages et de la population a été discuté, mais dans la mesure où le
5 colonel Karremans viendra apporter son témoignage à la Cour, je
6 n'insisterai pas sur ce point.
7 M. Harmon.- Monsieur Ruez, j'aimerais maintenant attirer votre
8 attention sur le 12 juillet 1995. Pouvez-vous décrire à la Cour ce qui
9 s'est produit dans cette colonne d'hommes qui se sont enfuis par les
10 bois ?
11 M. Ruez.- Environ 15 000 hommes étaient rassemblés à
12 Suschenzari le 11 au soir. La colonne a commencé à prendre la fuite en
13 direction de Tuzla en suivant une ligne, que je marque sur la carte. Pour
14 ce faire, ils ont été obligés de traverser les champs de mines installés
15 tout autour de l'enclave. La colonne est partie aux alentours de 23 h 00,
16 le 11 juillet. Le processus était très lent dans la mesure où les gens
17 devaient circuler en colonne par un. Le chemin faisait une largeur d'un
18 mètre entre les champs de mines. La progression était très difficile.
19 Durant la nuit, la colonne n'a pas véritablement subi
20 d'attaque, la nuit était relativement calme, mais, dès le matin, alors que
21 la colonne faisait déjà environ 15 km de long, les premiers bombardements
22 ont commencé ; la colonne a été prise en embuscade à de nombreux endroits.
23 Les gens qui fuyaient dans cette direction ont subi plusieurs
24 bombardements.
25 L'armée était en tête. Les plus grosses forces militaires
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1 étaient à l'avant de la colonne ; les civils se trouvaient au milieu et à
2 l'arrière de la colonne, mélangés à quelques soldats qui étaient là pour
3 assurer leur protection sur les flancs.
4 Toutes sortes d'armes ont été utilisées pour tirer sur cette
5 colonne, du canon antiaérien qui était positionné le long de la route qui
6 va de Bratunac à Nova Kasaba, au mortier. Les troupes serbes bosniaques,
7 qui étaient essentiellement positionnées le long de cette route qui
8 devient stratégique, bloquent totalement la possibilité de fuite en
9 direction de Tuzla sur cette route.
10 De nombreux témoins font état de garanties de sécurité données
11 par les forces serbes bosniaques qui sont sur la route. Des Casques bleus
12 sont également vus sur la route, ainsi que des véhicules des Nations
13 Unies, qui s'avéreront effectivement être du matériel volé.
14 Des promesses sont faites, en cas de reddition, que les gens
15 seront bien traités et que leur sécurité sera garantie.
16 M. Harmon (interprétation de l'anglais) - Monsieur Ruez, vous
17 avez dit qu'il y avait une présence militaire des Serbes bosniaques sur
18 cette route. Pourriez-vous montrer à la Cour où se trouvait cette présence
19 militaire ?
20 M. Ruez.- La présence militaire la plus forte se trouve sur la
21 route qui est surlignée de rouge sur cette carte, qui bloque le chemin de
22 fuite qui prend cette direction. L'embuscade principale a eu lieu au
23 dessus de Kamenica. Lorsque la colonne de réfugiés s'est trouvée
24 massivement concentrée à cet endroit, une sévère embuscade a eu lieu qui
25 est décrite par de nombreux témoins. Les gens ont été encerclés. Ceux qui
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1 tentaient de prendre la fuite étaient tirés comme des lapins à cet
2 endroit. Beaucoup ont été tués.
3 Les corps se trouvent toujours à cet endroit. De nombreux
4 journalistes s'étant rendus sur le site ont pu constater qu'un grand
5 nombre de cadavres jonchaient toujours le périmètre. Parmi eux se
6 trouvaient des militaires, ainsi qu'un grand nombre de civils.
7 Aux alentours de 18 h 00 sur cette route, l'armée a réussi à
8 franchir à hauteur de Nova Kasaba qui se trouve sur la carte ici.
9 Juste après leur passage, une deuxième embuscade a lieu et la
10 population civile, qui tente de passer à cet endroit-là, ne peut pas
11 franchir. Tout le monde est bloqué derrière et les groupes commencent à se
12 disperser en fonction de leurs possibilités, de façon totalement
13 désordonnée et désorganisée, par groupes parfois de trente, de cinq cents,
14 de mille, cherchant à trouver une possibilité de sortie de cette zone.
15 Des groupes sont capturés. Un témoin rapporte l'arrestation
16 d'un groupe d'environ soixante-cinq personnes. La moitié d'entre elles
17 sont immédiatement fusillées et les autres sont emmenées dans une
18 direction inconnue.
19 De nombreuses scènes sont décrites pendant la nuit. Un
20 prisonnier, qui se cachait dans les bois, a observé la capture d'un autre
21 qui a été immédiatement sauvagement torturé : ils lui ont coupé le nez,
22 les oreilles et les lèvres avant de lui trancher la gorge
23 De nombreux témoins décrivent également l'infiltration de la
24 colonne par des soldats serbes bosniaques qui profitent de la nuit pour se
25 mélanger à la foule, donner de fausses indications de direction, en
Page 535
1 essayant d'attirer les gens sur des zones où une embuscade est préparée
2 pour les recevoir, ou pour les diriger vers la route Bratunac Nova Kasaba
3 où l'armée les attend et les prend en compte au moment où ils arrivent sur
4 cette route.
5 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Monsieur Ruez,
6 pouvez-vous nous dire s'il y a eu une réunion à Bratunac, le matin du 12
7 juillet, entre le général Mladic et des représentants de l'unité militaire
8 néerlandaise ?
9 M. Ruez- Oui, une réunion a eu lieu le matin à Bratunac. Le
10 général Mladic avait demandé, la veille, au colonel hollandais, de venir
11 avec des représentants de la population musulmane. L'intégralité des
12 représentants avait pris la fuite.
13 La première partie de la colonne qui a réussi à franchir
14 était, comme je le disais, constituée de militaires, mais aussi des
15 autorités civiles de la ville ainsi que des épouses d'un certain nombre de
16 membres de la municipalité.
17 Plusieurs représentants ont été sollicités. Ce n'étaient pas
18 des représentants professionnels, si je puis dire, c'étaient des gens qui
19 avaient accepté de tenir lieu de représentants. Une femme figurait parmi
20 eux, ainsi qu'un homme Ibron Nianovic.
21 Au cours de cette réunion (sur laquelle le colonel Karremans
22 fournira également plusieurs développements), Ibron Nianovic rapporta à
23 son fils, à son retour, que le général Mladic a demandé que les hommes de
24 17 à 65 ans soient interrogés pour vérifier s'ils ont commis des crimes de
25 guerre durant la période précédente. Et il témoignera sur ce point.
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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - J'aimerais
2 maintenant vous demander de vous concentrer sur Potocari, la base des
3 Nations Unies, en particulier sur le 12 juillet. Pouvez-vous dire à la
4 Cour ce qui s'est passé à cet endroit ce jour-là ?
5 M. Ruez- Le 12 juillet, l'armée serbe bosniaque arrive dans
6 Potocari. La nuit a été calme, les gens étaient rassemblés dans les
7 usines. Tout le monde était particulièrement inquiet de ce qui allait se
8 passer le lendemain.
9 Le matin, la population constate que certaines maisons brûlent
10 aux alentours de Potocari. Les premières troupes pénètrent dans la ville
11 et demandent immédiatement aux casques bleus de leur remettre leur
12 matériel. Ils dérobent des gilets pare-balles, des casques, et se
13 mélangent avec la population. Les réfugiés s'aperçoivent de leur confusion
14 car, lorsqu'ils essaient d'entamer la conversation avec ces soldats, ils
15 s'aperçoivent qu'il s'agit de Serbes et non pas de Hollandais.
16 Les soldats commencent à distribuer des bonbons aux enfants
17 pour leur poser des questions sur l'armée, où elle se trouve, où les
18 hommes sont partis...
19 La réunion qui a lieu à ce moment-là à Potocari, entre le
20 général Mladic et le commandant hollandais, n'est pas encore terminée
21 qu'un grand nombre de camions et d'autobus arrivent déjà dans Potocari.
22 Tout le monde est surpris du nombre de véhicules qui arrivent.
23 Peu de temps après l'arrivée des camions, le général Mladic se
24 présente à Potocari. Il s'adresse à la foule et explique aux gens qu'ils
25 vont être évacués et que personne ne leur fera du mal.
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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Monsieur Ruez, avez-
2 vous préparé un film au sujet de ce que vous venez de nous dire dans cette
3 déposition ?
4 M. Ruez.- Oui.
5 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pouvez-vous décrire
6 à la Cour ce qu'elle va voir dans le film qui va être projeté ?
7 M. le Président.- L'heure de la pause approche, et il vaut
8 mieux faire des pauses cohérentes par rapport à l'exposé du témoin. Il n'y
9 a que vous qui pouviez le savoir. Préférez-vous que nous suspendions
10 maintenant ou après le passage du film que le témoin a préparé ?
11 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Nous pourrions
12 passer la vidéo, elle n'est pas longue, et nous aurions le temps de faire
13 la pause après.
14 M. Ruez.- Sur la vidéo que vous allez voir, il y a une
15 sélection d'images significatives. Le premier passage montrera la foule
16 rassemblée devant le campement des Nations Unies à Srebrenica. La scène se
17 passera le 10 juillet, donc la veille de l'invasion. La qualité du film
18 n'est pas très bonne sur ce passage. Puis vous aurez des extraits de la
19 télévision serbe montrant brièvement l'attaque sur la ville ; un bref
20 passage également sur les frappes aériennes qui se déroulent ; puis un
21 clip sur Mladic à Srebrenica ; une vue de Potocari, mais préalablement aux
22 faits, montrant l'environnement, les usines ; puis l'arrivée des réfugiés,
23 le 11 au matin ; et enfin le général Mladic à Potocari.
24 M. Harmon.- Pièce à conviction 3 - séquences n° 1.
25 (Projection)
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1 M. Ruez- La qualité est vraiment très mauvaise, mais on voit
2 des groupes d'hommes ainsi que de femmes et d'enfants qui sont rassemblés
3 devant cette base. La population s'interroge sur la suite des événements.
4 Et c'est à cet endroit que, le lendemain matin, les obus tomberont au
5 milieu de la foule.
6 Ici, un groupe d'hommes en conciliabules.
7 C'est à l'issue de ce type de rassemblement que la population
8 masculine prendra la décision de tenter de fuir par les bois.
9 La foule empêche également, à certains moments, les véhicules
10 des Nations Unies de quitter les lieux.
11 Ces scènes sont présentées par la télévision serbe bosniaque
12 comme étant des images prises pendant l'offensive.
13 C'est ici le commandant d'artillerie qui donne des ordres pour
14 diriger les tirs.
15 Là, les soldats serbes bosniaques pénètrent le long de la
16 route qui est au Sud de l'enclave. Quelques images sur les frappes
17 aériennes.
18 Ici, le général Mladic entre à Srebrenica par le Sud.
19 Les généraux Krstie et Zivanovic sont aussi présents à cet
20 endroit-là.
21 Le général Mladic donne l'ordre de continuer en direction de
22 Potocari.
23 (Fin de la vidéo).
24 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Monsieur le
25 Président, nous avons fait traduire les paroles du Général Mladic dans le
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1 dernier segment de film que vous venez de voir et je demanderai à M. Ruez
2 de bien vouloir lire la traduction pour le dossier.
3 M. le Président. - Monsieur le procureur je vous remercie,
4 c'était la question que j'allais poser, à savoir que la traduction soit
5 versée au dossier. En même temps, vous dites que c'est la traduction de la
6 dernière séquence.
7 Le Tribunal aurait à coeur d’avoir, si c'était possible, de
8 voir verser au dossier, l'intégralité des dialogues, à partir du moment où
9 le Général Mladic pénètre dans Srebrenica. Il faudrait au moins le fournir
10 pendant le délibéré du tribunal.
11 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Ce n'est pas un
12 problème monsieur le Président. Monsieur Ruez, pouvez-vous donner lecture
13 de cette traduction, je vous prie ?
14 M. Ruez. - Le seul commentaire fait par Mladic pendant le
15 passage que vous avez vu, était de retirer un drapeau musulman qui était
16 accroché sur une barricade, donnant l'ordre d’en prendre une photo
17 préalablement. Pour le reste, il congratulait ses collègues. Il leur
18 donnait l'ordre de continuer en direction de Potocari.
19 Pour ce qui est de la brève interview qu'il donne à un
20 journaliste présent sur les lieux et qui avait été visiblement amené avec
21 eux sur l'opération, le texte est le suivant :
22 "Et voilà. Srebrenica est serbe en ce 11 juillet 1995, à la
23 veille d'une autre grande fête serbe nous offrons cette ville en présent
24 au peuple serbe. Enfin après la rébellion contre les Dahijas, le moment
25 est venu de nous venger des Turcs dans cette région. "
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1 La rébellion contre les Dahijas fait référence à une révolte
2 d'officiers d'origine locale au service de l'empire Ottoman qui ont
3 organisé un massacre de la noblesse serbe et déclenché ainsi la première
4 révolte serbe en 1804.
5 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Merci, monsieur le
6 Président. Ce serait peut-être un bon moment pour la pause.
7 M. Ruez. - Le clip n'est pas terminé. Il reste à voir la vue
8 de Potocari, ainsi que l'arrivée des réfugiés.
9 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Nous pourrons y
10 revenir après la pause.
11 M. Le Président. - Je propose que nous suspendions jusqu’à 11
12 h 45.
13 L'audience est levée.
14 L'audience, suspendue à 11 heures 21, est reprise à 11 heures 47.
15 M. le Président. - L'audience est reprise. Veuillez vous
16 asseoir.
17 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Monsieur le
18 Président, j’aimerais revenir sur cette séquence du film qui montre le
19 Général Mladic, redonner lecture de ses paroles.
20 Je cite : "Et voilà, Srebrenica est serbe en ce 11 juillet
21 1995. A la veille d’une autre grande fête serbe, nous offrons cette ville
22 au peuple serbe. Enfin, après la rébellion contre les Dahijas le moment
23 est venu de nous venger des Turcs dans cette région".
24 Lorsque nous avons suspendu la séance, monsieur le Président,
25 il nous restait encore à projeter deux parties du film. Nous demandons que
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1 les lumières soient baissées et que la projection se poursuive.
2 (Projection)
3 M. Ruez. - Cette séquence de vidéo est filmée depuis le toit
4 du campement principal à Potocari. Il donne une idée de la situation sur
5 place. Ceci est la route qui va de Potocari sur la droite vers Bratunac,
6 paysage de collines aux alentours avec des maisons individuelles.
7 Plusieurs usines se trouvent concentrées dans ce périmètre.
8 Bien entendu, le film a été tourné bien avant les événements.
9 Il n'y a actuellement aucun réfugié sur la base. Voilà le type d'usine
10 dans laquelle la population a trouvé refuge.
11 Voici une vue de l'arrière de l'usine, avec une rivière.
12 Le 11 au matin, les premiers réfugiés arrivent à Potocari. Ils
13 sont transportés en camions, mais la majorité de la population fuit à
14 pied. Les gens sont pris en compte par le personnel médical, par Médecins
15 sans frontières. La situation est assez catastrophique dans la mesure où
16 beaucoup de gens sont blessés et beaucoup sont impotents parmi cette
17 population.
18 Il est à noter également que c'est au mois de juillet et qu’il
19 fait extrêmement chaud à ce moment-là.
20 D’autres camions arrivent en direction du campement. Le
21 moindre espace libre est utilisé par la population pour monter à bord et
22 fuir le plus vite possible.
23 Voici les Actualités de la télévision serbe montrant l'arrivée
24 à Potocari. Situation à Potocari le 12 : 25 000 réfugiés se trouvent
25 actuellement à Potocari.
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1 Premier discours du Général Mladic à la foule. Il en fera
2 plusieurs. Il rassure les gens.
3 Déclaration du général Mladic, en serbo-croate.
4 (Fin de la projection de la vidéo).
5 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Monsieur Ruez, vous
6 avez traduit les paroles du Général Mladic sur la dernière séquence ?
7 M. Ruez. - Oui, j'ai un texte ici en anglais. Lorsque le
8 Général Mladic s’adresse à la foule, il lui tient les propos suivants :
9 "ne soyez pas effrayés, restez tranquilles, restez tranquilles. Les femmes
10 et les enfants vont partir les premiers. Trente bus vont arriver. Nous
11 allons vous transférer en direction de Kladanj", Kladanj qui se trouve sur
12 cette carte ici. Voici donc la route qui sera suivie pour la déportation
13 de la population.
14 "De là, vous traverserez en direction du territoire contrôlé
15 par les forces d’Alija » -faisant référence à Alija Itzetbegovic-. Ne
16 paniquez pas, laissez les femmes et les petits enfants partir les
17 premiers, ne laissez aucun des enfants se perdre, ne soyez pas effrayés,
18 personne ne vous fera du mal".
19 Et la foule le remercie.
20 Puis, il donne une interview à un journaliste présent.
21 "Aujourd'hui, j'ai reçu une délégation de cette population et
22 ils m'ont demandé si je pouvais donner les moyens aux gens, aux civils qui
23 veulent quitter le territoire, de partir et de leur permettre de traverser
24 le territoire contrôlé par les Musulmans et par les Croates. Notre armée
25 n'a pas pour but de mener des combats contre les civils ni non plus contre
Page 543
1 les forces NPROFOR.
2 Le but n'est pas de combattre la population civile, nous
3 n'avons rien contre les gens ici, ni contre la NPROFOR. Nous allons
4 fournir les moyens de transport, la nourriture, l'eau et les médicaments
5 pour ces gens. Durant cette journée, nous allons évacuer les femmes et les
6 enfants, les personnes âgées et tous ceux qui ont envie de quitter cette
7 zone de combat sans y être forcés".
8 Voilà pour l'interview du général Mladic.
9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez,
10 pouvez-vous décrire à la Cour ce qui s'est passé à Potocari, après
11 l'arrivée du général Ratko Mladic de l'armée des Serbes bosniaques ?
12 M. Ruez. - Dès la fin de l'interview donnée par le général
13 Mladic, les soldats autour de lui se dirigent vers la foule et commencent
14 à désigner des hommes pour les séparer du reste de la foule. De nombreux
15 hommes sont encore présents à Potocari à ce moment-là. Beaucoup n'ont pas
16 voulu quitter leur famille, d'autres ont également des raisons familiales
17 de rester sur place, certains enfin ne prennent pas le risque de traverser
18 par les bois. Trois mille hommes environ auraient été présents alors à
19 Potocari.
20 L'évacuation commence instantanément. Les gens se dirigent
21 vers les bus. Les soldats hollandais tentent de mettre un peu d’ordre en
22 canalisant la foule.
23 Le général Mladic prend en compte cette évacuation, explique
24 que le tour des hommes viendra plus tard. Les hommes essaient de monter
25 dans les bus. Certains y parviennent, d’autres sont séparés par des
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1 soldats et emmenés dans des maisons aux alentours. Un meurtre est commis
2 par deux soldats de l’escorte du général Mladic qui attrapent un homme qui
3 tenait de monter dans un bus et le tue à coups de couteau devant d’autres
4 réfugiés.
5 Les soldats qui se répandent dans Potocari se mélangent avec
6 la foule, séparent des hommes rassemblés avec d'autres ou avec leurs
7 familles.
8 Le témoin qui se trouve à l'intérieur de l’usine du 11 mars
9 voit plusieurs soldats pénétrer à l’intérieur de l’usine. L’un d’entre eux
10 s’approche d’une femme qui porte un bébé dans les bras, demande le sexe du
11 bébé ; la mère répond qu'il s'agit d'un mâle et immédiatement le soldat
12 tue le bébé d'un coup de couteau. La mère tombe dans les pommes et le
13 soldat prend la fuite. Le témoin également quitte les lieux.
14 De nombreux corps sont vus aux alentours sans avoir de témoins
15 directs de ce qui s’est passé. Près d'un ruisseau, un témoin voit sept
16 corps alignés. Regardant ces corps de plus près, il constate que tous sont
17 égorgées. L'un d'entre eux a la tête raccrochée à son corps uniquement par
18 un lambeau de peau. Un autre témoin voit une dizaine de corps dans un
19 champ derrière l'usine.
20 Derrière l’usine du 11 mars, un groupe de soldats est
21 rassemblé, caché derrière une maison. Deux de leurs collègues se dirigent
22 vers la foule qui est rassemblée à la fois dans l'usine et à l'extérieur,
23 désignent des hommes, les rassemblent, les emmènent par petits groupes
24 derrière l'usine. Une ouverture a été créée dans la grille afin de
25 permettre de faire passer ces gens et de les mettre hors de la vue de la
Page 545
1 foule. Les hommes arrivent par petits groupes de dix ; une vingtaine de
2 soldats les attendent et les tuent à coups de couteau les uns derrière les
3 autres. Aucun mouvement de révolte n'est constaté.
4 Le processus dure pendant plusieurs heures, les corps
5 s'empilent. Deux prisonniers sont chargés de mettre les corps en tas. Un
6 camion arrive et les corps sont chargés à l’intérieur du camion. Puis les
7 deux prisonniers chargés d’effectuer ce travail sont exécutés à leur tour.
8 Au total, le camion viendra cinq fois récupérer les corps. Le camion est
9 bâché et part dans une direction inconnue.
10 Les soldats, au fur et à mesure de l'avancée de l'après-midi,
11 se mélangent de plus en plus avec la population. Certains reconnaissent
12 des personnes qu'ils connaissaient préalablement. Les soldats des Nations
13 Unies sont contraints de remettre leur matériel, se font dépouiller de
14 leurs gilets pare-balles, de leurs casques, de leurs véhicules. Des
15 soldats serbes montent sur les véhicules.
16 Beaucoup d'hommes sont séparés et emmenés dans des directions
17 inconnues, derrière des maisons. La zone offre beaucoup de possibilités
18 pour masquer les exécutions. De nombreux coups de feu sont entendus après
19 que les hommes soient emmenés derrière des maisons.
20 Un témoin voit deux hommes emmenés à l'intérieur d'une maison.
21 Il ira jeter un coup d’oeil quelque temps plus tard et verra sept corps
22 ensanglantés à l'intérieur de cette maison.
23 Durant le processus d'évacuation, un homme est séparé de sa
24 famille avant de monter dans un bus. Il est également tué à coups de
25 couteau par des soldats. La foule panique, les gens essaient tous de
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1 monter à bord de bus. Peu y parviennent. Et le processus de séparation
2 continue ainsi tout l'après-midi.
3 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Monsieur Ruez,
4 pourriez-vous nous décrire le processus d’évacuation qui s’est produit
5 ensuite ?
6 M. Ruez. - Cet après-midi du 12 juillet, 5 000 personnes sont
7 déportées de Potocari en direction de Kladanj. Pour ce premier groupe, les
8 choses se passent relativement bien. Les escortes qui accompagnent les
9 convois sont fréquemment dépouillées de leur matériel. Les soldats ne
10 peuvent pas mener à bien leur mission. Leurs véhicules leur sont dérobés.
11 Sur le trajet, les gens voient également des prisonniers le long de la
12 route, ils voient des sacs abandonnés, quelques corps par ci par là au
13 bord de la route qui est soulignée en rouge sur la carte.
14 Un convoi médical est également évacué en direction de
15 Kladanj. Le convoi est stoppé à Tisca, dernier point avant de déposer la
16 population à la ligne de confrontation où ils sont ensuite amenés à
17 traverser à pied.
18 Les prisonniers sont sortis des camions et battus. Un
19 prisonnier qui avait de nombreuses fractures est battu à coups de pied
20 sitôt sorti du bus. Ses fractures provenaient d’un accident de la
21 circulation.
22 Les hommes à Potocari sont également déportés en direction de
23 Bratunac. Tout d’abord ils sont stockées dans des maisons abandonnées,
24 vides. Ils sont empilés les uns sur les autres dans cette maison. Ils sont
25 évacués par autobus également et déposés dans un hangar à Bratunac.
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1 Durant ce processus, ils ne se mélangent pas au reste de la
2 foule. Ils ont des bus spécifiquement pour eux. Ils sont dirigés vers ces
3 bus en colonnes. Aucune femme ne monte à bord.
4 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Que s’est-il passé
5 à Potocari cette nuit-là ?
6 M. Ruez. - Une fois la déportation terminée pour cette journée
7 du 12, les gens se réfugient à nouveau dans les usines, mais également à
8 l'extérieur dans la mesure où celles-ci sont totalement surchargées de
9 monde.
10 Durant la nuit, les groupes de soldats continuent la besogne,
11 se promènent avec leur lampe électrique, désignent des individus. Ceux-ci
12 sont obligés de se lever et de suivre les soldats. Les femmes poussent des
13 cris lorsque leurs enfants ou leurs maris sont séparés. Personne ne
14 comprend ce qui se passe, tout le monde panique.
15 Un témoin, dissimulé derrière une usine, constate que des
16 groupes de cinq ou dix hommes sont emmenés derrière l’usine. Là des
17 soldats les attendent. Les prisonniers sont tués à coups de couteau. Le
18 témoin dénombre une centaine de victimes durant cette nuit derrière cette
19 usine.
20 En fin de soirée également, dans une de ces usines des soldats
21 qui se dirigent vers la foule et séparent des hommes pointent une famille
22 avec 3 enfants, séparent les enfants de la mère qui tombe dans les pommes,
23 de terreur. Ces trois enfants qui ont environ 11, 17 et 18 ans sont
24 emmenés derrière l'usine et ne réapparaissent plus. Un groupe de femmes
25 qui veut avoir des nouvelles ose aller voir ce qui se passe derrière cette
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1 usine qui n'est pas éclairée -et c’est la raison pour laquelle personne
2 n’ose approcher de cet endroit- et voit les trois corps de ces jeunes
3 hommes égorgés derrière l'usine
4 Le processus continue ainsi toute la nuit
5 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous nous
6 décrire la situation à Potocari le lendemain matin, c’est-à-dire le 13
7 juillet ?
8 M. Ruez. - Le lendemain le processus continue également. Un
9 témoin voit deux jeunes filles emmenées de l'usine du 11 mars. Deux heures
10 plus tard, il verra leurs corps, égorgés, derrière un bâtiment. Durant la
11 nuit, un grand nombre de personnes qui visiblement paniquaient à l'idée
12 d'être arrêtées vivantes par l'armée serbe bosniaque se suicident. Deux
13 corps sont découverts pendus dans une usine.
14 Les témoins qui circulent aux alentours pour aller chercher de
15 l'eau constatent que des corps sont près d'une rivière, ensanglantés. Les
16 femmes essaient d'aller chercher de l'eau au point d'eau qui se trouve à
17 Potocari. Il y a plusieurs pompes à eau à l'extérieur des maisons, où les
18 gens peuvent s'approvisionner.
19 A proximité de ces pompes à eau se trouvent également des
20 corps, égorgés pour la plupart.
21 Un corps pendu est également vu par les témoins, à l'aube,
22 devant le parking de la Compagnie expresse qui est une compagnie
23 d'autobus. Un corps mutilé est également découvert, pendu, le nez, les
24 oreilles et les lèvres coupés.
25 Toujours près de la rivière, un autre témoin découvre vingt-
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1 cinq corps alignés et exécutés. Ces découvertes de corps sont également
2 confirmées par des témoins hollandais. Un soldat hollandais a vu neuf
3 corps dans un champ, derrière l'usine.
4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce que ce
5 processus de déportation s'est poursuivi le 13 juillet ?
6 M. Ruez. - Oui, le processus a continué le 13 juillet, dès
7 7 heures du matin. Le général Mladic avait annoncé que la déportation
8 démarrerait à 7 heures du matin. Elle a effectivement démarré à 7 heures
9 du matin. Un grand nombre de bus sont arrivés.
10 Là encore, des meurtres ont été commis tandis que la foule
11 essayait d'approcher les autobus dans un mouvement de plus en plus
12 pressent, dans la mesure où compte tenu de ce qui s'était passé pendant la
13 nuit, le seul désir de la population était de s'échapper le plus vite
14 possible de cet endroit.
15 Un soldat approche une femme, au milieu de la foule, qui
16 essaye de monter dans un bus. Son enfant pleure. Le soldat lui demande la
17 raison pour laquelle cet enfant pleure. Elle lui explique qu'il a faim. Le
18 soldat fait le commentaire selon lequel l'enfant n'aura plus faim et
19 égorge l'enfant devant sa mère et devant un grand nombre de témoins aux
20 alentours qui détournent leur regard et essayent de fuir en montant le
21 plus vite possible dans un bus.
22 Le processus de séparation continue également, beaucoup plus
23 sérieusement que la veille où quelques hommes arrivaient encore à monter à
24 bord des bus.
25 Cette journée du 13, la sélection est rigoureuse. Les hommes
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1 sont stockés dans des maisons, en attendant d'être emmenés à leur tour,
2 séparément, en direction de Bratunac où ils seront enfermés dans une
3 ancienne école.
4 Sur le trajet en direction de Kladanj, les bus sont arrêtés
5 fréquemment. Des soldats montent à bord pour vérifier qu'aucun homme n'est
6 caché à l'intérieur. Certains hommes qui s'y trouvent sont descendus des
7 autobus. Les femmes sont menacées des pires sévices si elles ne
8 fournissent pas l'argent qu'elles transportent sur elles et ne donnent pas
9 l'ensemble de leurs biens.
10 Sur le trajet, de nombreux groupes de prisonniers sont vus,
11 alignés au bord de la route, obligés de montrer trois doigts, signe de
12 victoire pour les Serbes, obligés de chanter des chansons. Certaines
13 reconnaissent leurs fils, leur mari parmi les prisonniers.
14 Pour les hommes qui seraient parvenus à rester à bord des
15 autobus, la dernière escale se trouve à Tisca également, toujours le
16 dernier point avant l'évacuation, le passage de la ligne de confrontation.
17 Les hommes sont séparés du reste des réfugiés et mis dans une école, dans
18 l'école de Tisca.
19 Ce jour-là, la déportation est un succès logistique puisque
20 25 000 personnes sont évacuées dans la journée. Au moins 60 bus et camions
21 ont été utilisés pour procéder à la rotation de toutes ces personnes.
22 Il s’agit de bus de compagnies civiles locales. Les chauffeurs
23 également sont des chauffeurs civils.
24 Certains hommes réussissent à franchir tout de même la ligne
25 de confrontation, notamment grâce à l'attitude de certains chauffeurs.
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1 Tous les chauffeurs n'auront pas la même attitude, loin de là.
2 Ce jour-là, les négociateurs civils sont également évacués.
3 Pour l'un d'entre eux, tout se passe bien. Pour la négociatrice féminine
4 qui avait été sollicitée afin de représenter la population, les choses se
5 présentent moins bien. Elle est persuadée qu'elle ne pourra pas franchir,
6 dans la mesure où ayant été désignée comme représentante de la population,
7 son sort s'annonce de façon plutôt négative. Elle tente de se suicider
8 avant de monter à bord du bus. Finalement, les personnes lui viennent en
9 aide. Elle remonte à bord du bus et là, elle voit son nom avec un point
10 d'interrogation sur une liste qui est tenue par un soldat serbe bosniaque.
11 Elle arrivera à franchir en sécurité la ligne de confrontation à Kladanj.
12 Le troisième négociateur civil, Ibron Nianovic, quitte le camp
13 hollandais avec sa femme et son fils. Il est vu pour la dernière fois par
14 un témoin en train de tenter de monter à bord d'un bus. Il est battu par
15 un soldat serbe bosniaque. Et depuis cette date, son fils Hassan(?), qui
16 recherche désespérément des nouvelles de sa famille, n'a obtenu aucune
17 nouvelle, ni de son père, ni de sa mère, ni de son frère.
18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez,
19 pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé avec la colonne d'hommes qui
20 s'enfuyaient dans la forêt ?
21 M. Ruez. - La nuit du 12 au 13 a été particulièrement
22 difficile pour la population qui fuit à travers les bois. L'armée est donc
23 passée. Durant la nuit, ces groupes se dispersent, essayent d'échapper aux
24 embuscades. Beaucoup sont capturés.
25 A l'aube, un groupe est capturé alors qu'il essaie de franchir
Page 552
1 la route asphalté à hauteur de Nova Kasaba. Il est capturé. Le long de la
2 route, les prisonniers voient un corps encore vivant d'un homme mutilé
3 (oreilles coupées, nez coupé, lèvres coupées). La torture semble
4 fréquente. Ces prisonniers sont stockés à Nova Kasaba où ils sont mis dans
5 un baraquement utilisé par l'armée, avant d'être plus tard emmenés sur le
6 terrain de football de Nova Kasaba où beaucoup de prisonniers sont
7 concentrés ce jour-là.
8 Un autre témoin qui se trouve dans la forêt, dissimulé, voit
9 un groupe de soldats approcher des blessés qui ont été abandonnés, dans la
10 mesure où tous les blessés ne pouvaient pas être transportés par les
11 autres réfugiés. Les blessés sont égorgés par les soldats et, analysant
12 d'autres corps croisés au cours de son déplacement, ce témoin, qui a une
13 grande expérience des blessures causées par les shrapnells, voyant les
14 blessures sur certains des corps, constate qu’elles sont causées par des
15 couteaux. La plupart de ces corps sont égorgés.
16 Un autre groupe est capturé, tentant de passer la route à
17 hauteur de Nova Kasaba. Les soldats qui les capturent font un commentaire
18 selon lequel l'armée a été autorisée à passer, mais que suite à son
19 passage, les civils, eux, ne pourront plus passer.
20 Plusieurs prisonniers sont emmenés à l'écart. Des coups de feu
21 sont entendus. La plupart de ces gens sont exécutés immédiatement au
22 moment de leur arrestation.
23 Pendant ce temps, d'autres groupes, qui ne savent plus dans
24 quelle direction aller, entendent l'armée serbe bosniaque qui se trouve
25 toujours le long de cette route stratégique lancer des appels avec des
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1 mégaphones donnant des garanties de sécurité, expliquant que la Croix-
2 Rouge prendra les prisonniers en compte, que rien ne va leur arriver, que
3 les soldats des Nations Unies sont présents sur place. Des Casques bleus
4 sont vus sur la route, Casques bleus qui sont non pas des Casques bleus,
5 mais des soldats serbes bosniaques qui utilisent du matériel volé.
6 Un grand groupe de prisonniers, qui étaient encerclés après
7 l'embuscade de Kamenica, se rend sur la route asphaltée où il est pris en
8 compte par l'armée serbe bosniaque. Tous ces gens sont emmenés dans un
9 champ qui se trouve à Sandici, ils sont stationnés là, attendant de voir
10 ce qui se passe. L'un des prisonniers manifeste son mécontentement, il est
11 immédiatement frappé par les soldats et exécuté d'une rafale.
12 Après quelques heures passées dans ce champ, les prisonniers
13 sont emmenés à pieds en direction de Kravica, qui se trouve à une très
14 courte distance, moins d'un kilomètre du lieu. A Kravica, tout ce groupe,
15 entre cinq cents et mille personnes, est contraint de rentrer à
16 l'intérieur d'un hangar. Les gens sont obligés de s'asseoir. Lorsque le
17 dernier rentre dans le hangar, il n'a plus de place pour s'asseoir. Les
18 soldats lui donne l'ordre de s'asseoir. Puisqu’il ne réagit pas assez
19 vite, il est abattu d'une rafale.
20 Immédiatement, les soldats qui se trouvent autour du hangar
21 ouvrent le feu par toutes les ouvertures du hangar. Des grenades sont
22 jetées à l'intérieur. Ceux qui essaient de fuir par les ouvertures
23 extérieures sont abattus par les soldats qui se trouvent à l'extérieur.
24 Une fois la fumée des tirs dispersée à l'intérieur du hangar,
25 les tirs recommencent.
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1 Après les tirs, des soldats à l'extérieur appellent pour
2 savoir s'il y a des survivants. Certains répondent. On leur demande de
3 sortir. A peine sortis, des coups de feu sont entendus à l'extérieur.
4 Néanmoins des personnes réussiront à survivre de cette
5 exécution à l'intérieur du hangar.
6 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez, est-
7 ce que vous vous êtes rendu sur ces lieux ?
8 M. Ruez. - Oui.
9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je voudrais vous
10 montrer les pièces 4, 5, 6 et 7 et je voudrais vous demander de nous
11 décrire l'importance de chacune de ces pièces pour le bénéfice de la Cour.
12 (Projection)
13 M. Ruez. - Voici le hangar de Kravica qui se trouve sur la
14 partie droite de la route. Juste derrière, on peut voir une colline. C'est
15 un paysage de collines tout le long de cette route que les réfugiés
16 essayent de franchir. L'ouverture par laquelle les prisonniers sont
17 rentrés se trouve ici, mais d'autres ont également été stockés dans les
18 parties voisines. Les impacts de balles ne viennent pas tous de cette
19 situation. C'est une zone qui a été une zone de combat depuis 1992, donc
20 un certain nombre d'impacts sur ce bâtiment ne proviennent pas des faits
21 que nous évoquons actuellement.
22 (Photo suivante.)
23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quelle est la pièce
24 que vous montrez maintenant sur le rétroprojecteur ?
25 M. Ruez. - La photo est mauvaise, elle va passer mieux. Voici
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1 une photographie qui a été prise à l'intérieur du hangar, près d'une
2 fenêtre. Des grenades étaient jetées à l'intérieur du hangar par les
3 fenêtres et toute cette tache qui est visible sur le mur est une tache de
4 sang. Un prélèvement a été fait dans ce hangar, le 21 janvier 1996. Le
5 sang apparaît être du sang humain. D'autres analyses ont été faites dans
6 ce hangar ultérieurement, à l'occasion d'autres missions. L'intérieur du
7 hangar est également criblé de balles. Des traces noires anciennes de
8 brûlé sont sur les murs, mais les impacts sont de couleur claire. Les
9 impacts ne datent pas de l'époque où le hangar a brûlé à l'intérieur.
10 La photographie suivante montre également des éclaboussures de
11 sang et de débris humains sur les murs. Tout l'intérieur du hangar est
12 maculé d'éclaboussures.
13 (Photo suivante)
14 La photo suivante a été prise du plafond. Le plafond est à
15 environ 3 mètres de hauteur et des traces de sang y sont clairement
16 visibles.
17 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez,
18 pourriez-vous continuer votre description et nous dire ce qui est arrivé à
19 ces gens qui constituaient la colonne et qui fuyaient Srebenica ?
20 M. Ruez. - D'autres prisonniers sont capturés. Certains ne
21 sont pas emmenés sur la route asphaltée, mais restent à l'intérieur des
22 collines. Un témoin décrit la capture d'un groupe qui était également
23 encerclé depuis plusieurs heures. Les gens sont mis en cercle, les soldats
24 serbes bosniaques sont autour du groupe. Ils commencent par prendre
25 certaines personnes du groupe, les exécutent sommairement, puis l'ambiance
Page 556
1 dégénère. Les meurtres s'accompagnent de tortures. Une femme est massacrée
2 devant tout le monde.
3 Un homme qui est accompagné de son petit-fils voit un soldat
4 s'approcher de lui, faire des commentaires sur le fait que son père est
5 actuellement en train d'exécuter des enfants serbes. Il plante contre un
6 arbre avec un couteau la main du grand-père, puis éventre son petit-fils
7 et, à la pointe du couteau, coupant un morceau d'organe dans le ventre du
8 petit-fils, il force le grand-père, de la pointe du couteau, à manger ce
9 morceau.
10 Un enfant est séparé de sa mère, qui essaye de se battre avec
11 les deux soldats pour récupérer son fils. L'enfant est jeté en l'air et
12 frappé par les deux soldats à coup de baïonnette, avant de retomber sur le
13 sol.
14 Et ce processus dure tout l'après-midi. Les soldats prennent
15 leur temps, tournent autour des gens, en séparent un, en séparent deux, et
16 les exécutent devant les autres. Là aussi, il y aura des survivants.
17 D'autres groupes sont encerclés. Beaucoup de personnes se
18 suicident. Voyant le sort réservé à certains détenus, d'autres se
19 suicident pour ne pas tomber vivants entre les mains de leurs ennemis.
20 Beaucoup d'hommes perdent également la raison. Les suicides se
21 commettent de façon anarchique : certains dégoupillent des grenades,
22 blessant ou tuant des gens autour d'eux.
23 Ceux qui ne se suicident pas et qui sont capturés dans ce
24 groupe sont emmenés à Nova Kasaba, sur le terrain de football où déjà
25 3 000 personnes sont rassemblées, prisonnières.
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1 De sa position, dans les collines, un homme qui essaye de fuir
2 la région voit un groupe d'environ une trentaine de prisonniers approcher
3 de l'intersection de Konjevici, qui se trouve ici. Les hommes sont alignés
4 le long de la route, face à trois véhicules blindés, dont un véhicule des
5 Nations Unies qui a été volé. Dès qu'ils sont alignés, les véhicules
6 blindés ouvrent le feu avec leurs mitrailleuses lourdes et exécutent ce
7 groupe de trente. Les soldats Serbes bosniaques qui sont autour célèbrent
8 l'événement en tirant des coups de feu en l'air, en poussant des cris.
9 Certains ont des bas sur le visage.
10 Un deuxième groupe arrive, d'environ une trentaine. Le même
11 scénario se reproduit. Un troisième groupe approche également. Les gens
12 sont alignés et tout le monde est exécuté à la mitrailleuse lourde. Le
13 témoin quitte les lieux.
14 Un autre prisonnier, qui s'est rendu suite aux promesses de
15 sécurité qui étaient lancées par haut-parleur, se rend au bord de la
16 route. Il est mis de côté pendant quelques heures, le temps que quelques
17 autres prisonniers le rejoignent. Puis il monte à bord d'un bus qui prend
18 la direction de la rivière Jadar, à un endroit qui se trouve proche de la
19 rivière Drinjaka. Il est dans un groupe de 16, alignés le long de la
20 rivière. Dès qu'ils sont alignés, les soldats ouvrent le feu et exécutent
21 tous les membres du groupe.
22 Un autre groupe se rend massivement. Les prisonniers sont
23 stockés le long de la route avant d'être dirigés vers le stade de football
24 de Nova Kasaba.
25 Sur le trajet ,un homme qui essayait d'acheter sa liberté
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1 auprès de l'un des soldats est abattu d'une balle dans la tête.
2 En fin d'après-midi, un très grand nombre de prisonniers se
3 trouvent sur le stade de foot de Nova Kasaba, et ce large groupe est
4 évacué en direction de Kravica et de Bratunac à bord de camions et
5 d'autobus.
6 Au passage, ils voient un large groupe de prisonniers qui
7 viennent d'être arrêtés ou de se rendre. Là aussi, les prisonniers sont
8 obligés de faire le signe des trois doigts. Un témoin se trouve parmi ces
9 prisonniers. Lorsqu'ils arrivent sur la route, un personnage en tenue
10 civile descend d'un véhicule et annonce aux soldats qui gardent ce groupe
11 qu'il ne faut pas l'emmener à Kravica car il n'y a plus de place pour tuer
12 les gens.
13 Un véhicule blindé approche. En descendent des soldats qui
14 installent une mitrailleuse en face du groupe des prisonniers. Mais à ce
15 moment-là passe un convoi de réfugiés. Le personnage civil, après le
16 passage du convoi, frappe des prisonniers à coups de barre de fer. Les
17 prisonniers sont dirigés vers un champ à Sandici, le même champ où étaient
18 réunis ceux qui ont été ultérieurement exécutés dans le hangar. Là, ils
19 sont obligés de chanter des chansons et seront ultérieurement évacués en
20 direction de Bratunac.
21 Durant leur présence sur ce champ à Sandici, une femme est
22 séparée du groupe de prisonniers, à proximité immédiate du groupe ; elle
23 est violée par plusieurs soldats devant tout le monde. Puis les soldats
24 discutent à haute voix de la manière dont ils vont la tuer : ils la
25 mutilent et finissent par l'égorger.
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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Nous avons préparé
2 un film que nous aimerions présenter à la Cour, mais avant de le faire,
3 Monsieur Ruez, pouvez-vous nous décrire ce que nous allons voir dans cette
4 vidéo.
5 Les premières scènes montreront l'évacuation des réfugiés de
6 Potocari. Un groupe d’hommes sera clairement visible, sur la droite de
7 l'image, mais je le pointerai au moment où la vidéo passera. Il marche du
8 côté gauche de la route, à droite de l'image, et n’est pas mélangé aux
9 femmes, aux enfants, aux personnes âgées. Ce sont des hommes qui étaient
10 séparés du reste de la foule et qui, ensuite sont dirigés vers Bratunac.
11 Le film montrera quelques scènes filmées le long de la route :
12 un prisonnier forcé à appeler ses collègues à la reddition, les canons
13 antiaériens tirant sur la colonne de réfugiés qui tentent de fuir par les
14 bois. Une partie du film montrera également la reddition de prisonniers.
15 Un soldat serbe bosniaque portant un casque bleu sur la tête
16 et étant près de Kravica sera également visible sur le film.
17 Au final, on verra quelques images de l'arrivée de réfugiés à
18 Kladanj et également quelques autres de l'arrivée des soldats bosniaques
19 en territoire bosniaque après quelques jours de confrontation dans les
20 bois où ils se sont battus pour arriver à proximité de Tuzla.
21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Nous présentons le
22 clip n° 2.
23 (Présentation du clip n° 2, commentaires des images diffusées
24 par M. Ruez).
25 M. Ruez. - Vous voyez la base FORPRONU à Potocari, bataillon
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1 hollandais, à droite les rangées de bus qui attendent, les hommes qui
2 marchent du côté gauche de la route. Entre les camions, des soldats
3 empêchent les hommes de passer de l'autre côté et de se mélanger au reste
4 de la population. Les femmes, les enfants et les personnes âgées marchent
5 sur la partie droite, certains hommes sont parmi eux mais cela ne signifie
6 pas qu'ils monteront à bord de bus puisque le processus de séparation est
7 constant.
8 La ligne de séparation avant d'approcher les bus. Le bataillon
9 hollandais avait positionné des véhicules pour canaliser la foule et
10 mettre de l'ordre dans le processus. Ces images sont filmées le 13, quand
11 le processus est quasiment achevé.
12 Les affaires abandonnées par les gens avant de monter dans les
13 bus. Un soldat obligé d'appeler ses collègues à se rendre : "Venez vous
14 rendre". L'autre ajoute : "Aux Serbes".
15 Là, ce sont des soldats qui gardent des prisonniers assis dans
16 un champ à proximité. L'auteur du film a coupé la vidéo à un certain
17 moment du fait qu'un événement se déroulait probablement sur le champ.
18 Voilà un groupe de prisonniers rassemblés. Tirs aux canons
19 antiaériens de 30 mm sur les hommes qui tentent de fuir par les bois.
20 C'est une arme particulièrement dévastatrice en usage antipersonnel.
21 Le long de la route stratégique Bratunac Nova Kasaba, des
22 soldats sont en position tous les 30 mètres. Voici les collines par
23 lesquelles les réfugiés tentent de prendre la fuite.
24 Actuellement, ils se trouvent dans la région de Kravica qui a
25 été l'un des plus grands points où les prisonniers se sont rendus. Des
Page 561
1 hommes vont apparaître en haut de la colline et vont se diriger vers la
2 route pour se rendre. Les soldats les comptent.
3 Casque bleu porté par un soldat serbe bosniaque ; les sacs
4 abandonnés par ceux qui se sont rendus précédemment ; les prisonniers qui
5 arrivent ; un homme forcé de donner une interview au cameraman qui lui
6 demande depuis combien de jours il est dans les bois : trois jours. Il lui
7 fait le commentaire suivant : "Vous avez l'air d'avoir peur", et l'homme
8 répond : "Qui n'aurait pas peur ?" ; un soldat parmi les civils, forcé de
9 retirer son tee-shirt militaire ; bus et camions qui attendent pour
10 emmener les prisonniers.
11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez, dans
12 ces vidéos, nous avons vu des gros plans d'un certain nombre de gens qui
13 se sont rendus aux Serbes bosniaques. Qu'avez-vous fait, vous-même, en vue
14 de l'identification de ces personnes qui se trouvent sur cette séquence ?
15 M. Ruez. - Des photographies ont été tirées à partir du
16 matériel en notre possession. Ces photos ont été remises au ministère de
17 l'Intérieur bosniaque afin de démarrer un processus d'identification du
18 maximum d'individus présents sur ces photos. A titre d'exemple,
19 quelques-unes d'entre elles vont vous être présentées.
20 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez va
21 nous présenter des pièces numérotées de 8 à 22. Monsieur Ruez, vous pouvez
22 y aller.
23 M. Ruez. - Cette photo a été tirée d'une bande vidéo filmant
24 des hommes à Potocari.
25 M. le Président. - Une seconde s'il vous plaît ! Quelle est la
Page 562
1 source de la banque vidéo ?
2 M. Ruez. - Un journaliste serbe qui, tantôt s'annonçait comme
3 étant de la police, tantôt comme étant de la télévision indépendante de
4 Belgrade.
5 M. le Président. - Merci. Excusez-moi.
6 M. Ruez. - Cette photo-ci est tirée de la bande vidéo. L'homme
7 marche sur le bord gauche de la route, des camions. Voici la photo de
8 l'homme qui était forcé à appeler les autres réfugiés des bois à venir se
9 rendre au Serbes qui se trouvaient le long de la route. Voici également la
10 photo de l'homme qui a donné une très brève interview au journaliste qui
11 filmait le processus pendant que les prisonniers se rendaient. Egalement,
12 plusieurs visages reconnaissables parmi les prisonniers qui se sont rendus
13 sur le champ. C'était à Sandici.
14 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Merci, Monsieur
15 Ruez.
16 Nous vous présenterons, plus tard, d'autres éléments de
17 preuve, notamment sur l'enquête.
18 Monsieur Ruez, vous avez mentionné, à plusieurs reprises dans
19 votre déposition, que des gilets pare-balles et des casques ont été portés
20 également par des soldats serbes au moment de l'occupation, de la reprise
21 de Srebrenica. Quand vous faisiez vos enquêtes en Bosnie, avez-vous pu
22 récupérer un certain nombre de casques et gilets volés ?
23 M. Ruez. - Oui.
24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous
25 expliquer les circonstances de la découverte de ces casques et gilets ?
Page 563
1 M. Ruez. - Nous avons perquisitionné, le 4 juin, d'un
2 container localisé en face du quartier général de Bratunac, à Bratunac. A
3 l'intérieur de ce container, ont été découverts 28 casques bleus et 11
4 gilets pare balles. Les casques bleus avaient été repeints en couleur gris
5 bleuté, des noms écrits en cyrillique étaient rajoutés sur la coque
6 extérieure des casques, mais l'intérieur était toujours bleu ciel, et des
7 patronymes hollandais étaient inscrits à l'intérieur des casques.
8 Les gilets pare-balles également avaient les étiquettes
9 écrites en langue hollandaise, les instructions à l'intérieur des gilets,
10 ainsi que quelques noms.
11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce que le
12 Bureau du procureur est entré en contact avec les soldats dont les noms
13 étaient inscrits à l'intérieur des casques ? Les soldats hollandais ?
14 M. Ruez . - Oui, les soldats qui ont pu être identifiés comme
15 étant les propriétaires de ce matériel ont été entendus. L'intégralité des
16 objets découverts leur a été volée en diverses circonstances,
17 essentiellement, pour ce groupe, lors de la capture de leur point
18 d'observation et durant la période où ils ont été gardés en otages.
19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Où se trouvaient
20 les prisonniers musulmans qui ont été capturés ou qui s'étaient rendus ?
21 Où étaient-ils amenés ?
22 M. Ruez . - Ceux qui n'ont pas été exécutés sur le champ au
23 moment de leur arrestation ou au moment où ils se sont rendus ont été
24 montés à bord de camions et de bus. Pour certains, il n'y avait plus de
25 transport possible le soir du 13, et nous savons que des ordres ont été
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1 donnés pour exécuter quelques prisonniers qui restaient dans des champs et
2 qui ne pouvaient plus être transportés.
3 Pour ceux qui ont été transportés, la destination principale a
4 été la ville de Bratunac. Ils ont été emmenés dans l'ancienne école de
5 Bratunac, qui se trouve derrière l'école Vuk Karradzic. Ils sont restés à
6 l'intérieur de cette école où ils ont subi un processus qui a duré toute
7 la nuit. Des soldats sont entrés. Ils étaient habillés en uniforme, en
8 treillis camouflé, avec des inscriptions "Policja" sur la manche de leur
9 veste.
10 A peine entrés à l'intérieur de cette école, les prisonniers
11 ont été mis dans les salles de classe. Immédiatement, certains ont été
12 battus par des hommes de la police militaire, à coup de crosses sur la
13 tête, très brutalement. D'autres prisonniers arrivaient pendant ce
14 processus. Les prisonniers étaient ensuite emmenés, pour certains d'entre
15 eux, à l'extérieur. Ceux qui étaient à l'intérieur ne savaient pas ce qui
16 se passait, mais entendaient des bruits, des cris de douleur, des coups de
17 feu et présumaient que ceux qui étaient sortis étaient exécutés dans la
18 mesure où ils ne les voyaient pas revenir.
19 D'autres groupes de prisonniers sont restés à bord des camions
20 et des bus. Une colonne était stationnée devant la Compagnie Vivor, qui
21 est une compagnie de transport local de Bratunac.
22 Durant la nuit, les soldats posaient des questions aux hommes
23 qui étaient dans les camions, demandant à certains qui venaient de
24 villages spécifiques de se désigner. Les gens ne sachant pas quel était le
25 but des questions répondaient. D'autres répondaient parce qu'ils n'osaient
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1 pas ne pas répondre dans la mesure où ils se disaient qu'ils seraient
2 exécutés s'il était découvert plus tard qu'ils venaient d'un endroit et
3 qu'ils n'avaient pas répondu. Ceux qui descendaient des camions étaient
4 battus. Là aussi, des coups de feu étaient entendus et les gens ne
5 remontaient pas à bord des camions.
6 La même situation s'est déroulée pour un groupe de prisonniers
7 qui a passé la nuit à bord de camions devant l'école Vuk Karradzic. Des
8 hommes ont été séparés des autres, certains battus. Des coups de feu
9 entendus. Un témoin a vu un membre de la police militaire tuer un attardé
10 mental, sous prétexte que celui-ci avait légèrement effleuré son gilet
11 pare-balles. Les autres soldats ont fait des commentaires disant qu'il
12 était inacceptable de se laisser faire et lui ont dit : "Tue-le". Et le
13 policier militaire a abattu l'homme d'une rafale.
14 D'autres restent à l'intérieur des camions et des bus, non pas
15 à Bratunac mais entre Kravica et Bratunac, et aucun événement particulier
16 n'est rapporté par ce groupe.
17 Des prisonniers se trouvaient déjà à Bratunac à ce moment-là.
18 Ceux qui avaient été séparés le 12, dans l'après-midi, avaient déjà été
19 emmenés à Bratunac et se trouvaient à ce moment-là dans un hangar. Ce
20 groupe de gens-là, qui subissent également le même processus -séparation
21 de quelques hommes qui sont emmenés à l'extérieur, des bruits de coups
22 sont entendus, des tirs sont entendus- est évacué dans la nuit, mis à bord
23 de camions et de bus et transporté au nord, dans un petit hameau qui
24 s'appelle Lazite. Ils ont été stockés à l'intérieur du gymnase de l'école
25 de Grbavci. Cette école se trouve sur la carte ici.
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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez, vous
2 avez également mentionné que certains hommes sont arrivés dans le village
3 de Tisca. Voudriez-vous nous expliquez cet événement ?
4 M. Ruez . - Ceux qui avaient été séparés du reste des
5 passagers des bus et des camions et qui étaient donc mis à l'école de
6 Tisca ont passé l'après-midi à attendre dans cette école. Le soir, des
7 soldats sont venus, ont commencé à frapper les prisonniers. Le passage à
8 tabac a duré plusieurs heures, jusqu'à une heure du matin.
9 A une heure du matin, un camion est venu. Les prisonniers ont
10 été embarqués sur ce camion, transportés à proximité de Vlasenica. Avant
11 d'arriver à Vlasenica, les camions ont tourné à gauche et ont pris la
12 direction des bois. Un des prisonniers a réussi à prendre la fuite juste
13 avant que le camion ne s'arrête. Il a pu voir que ceux qui étaient à bord
14 du camion arrivaient dans un champ où se trouvaient déjà des cadavres. A
15 peine avait-il pris la fuite qu'il entendait les rafales d'armes
16 automatiques venant de la direction où le camion s'était arrêté.
17 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je voudrais attirer
18 votre attention sur la date du 14 juillet. Qu'est-il arrivé aux
19 prisonniers musulmans qui étaient détenus dans la localité de Bratunac ?
20 M. Ruez . - Les prisonniers qui se trouvaient à Bratunac
21 passent la nuit dans les conditions préalablement décrites. Ceux qui se
22 trouvent dans l'ancienne école y restent toute la journée. Le processus
23 continue pendant la journée de la même manière : certains prisonniers sont
24 sortis des salles de classe, emmenés à l'extérieur : cris et coups de feu
25 entendus.
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1 Les autres sont évacués, ne restent pas à Bratunac. Les
2 convois prennent la direction de Lazite et transportent également d'autres
3 groupes de prisonniers vers l'école de Grbavci. Celle-ci se trouve à un
4 peu plus de 50 kilomètres de la ville de Bratunac, au nord.
5 Les derniers convois de cette journée emmènent les prisonniers
6 non plus à Grbavci, mais plus au nord encore de Zvornik, à proximité de
7 Pilica, environ 60 kilomètres au nord de Bratunac, où ils sont également
8 conduits dans une école.
9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Qu'est-il arrivé
10 aux prisonniers qui ont été amenés à Grbavci ?
11 M. Ruez . - Ceux qui y étaient depuis la veille ont passé la
12 nuit dans le gymnase. Aucun événement véritablement significatif ne s'est
13 déroulé pendant la nuit, si ce n'est que les prisonniers avaient très peu
14 à boire, souffraient terriblement de la chaleur, étaient empilés les uns
15 sur les autres, ne pouvaient pas aller aux toilettes. En début d'après-
16 midi, ceux qui étaient dans le gymnase ont été sortis par petits groupes
17 de trente. Pour ce faire, ils sont passés par un genre de sas qui était en
18 fait le vestiaire de ce gymnase, où les soldats leur ont donné à boire un
19 verre d'eau. Chaque prisonnier a eu les yeux bandés avec un morceau de
20 tissu.
21 Ils ont été mis à bord de camions et emmenés vers un champ qui
22 se trouve à une distance d'environ un kilomètre de cette école. Lorsqu'ils
23 sont descendus des camions, les hommes ont été mis en rang et
24 immédiatement après, on a ouvert le feu. Tous les prisonniers qui étaient
25 emmenés à cet endroit étaient exécutés.
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1 D'autres sont arrivés dans cette école durant l'après-midi. Il
2 n'y avait pas de place dans le gymnase qui était en cours d'évacuation et
3 les prisonniers ont été mis à l'intérieur de l'école, dans les salles de
4 classe. Ils n'avaient pas le droit de se lever. Si quelqu'un se levait,
5 des soldats qui se trouvaient à l'extérieur tiraient par les fenêtres,
6 essayant d'atteindre ceux qui se trouvaient à l'intérieur des salles de
7 classe. Certains ont été touchés, blessés.
8 Puis pour ces groupes-là également, le transport a commencé.
9 Les prisonniers ont eu les mains attachées dans le dos. Ils ont été
10 dirigés vers un autre site d'exécution qui se trouve à environ 5 à
11 10 kilomètres de cette zone, près d'un lac de barrage. Ils n'avaient pas
12 les yeux bandés. Des piles de cadavres étaient déjà sur place lorsque les
13 prisonniers arrivaient. Les soldats étaient ivres, faisaient des
14 plaisanteries sur les prisonniers, leur disaient de se choisir un
15 emplacement libre parmi les tas de cadavres. Dès que les prisonniers
16 étaient suffisamment rassemblés, les soldats autour ouvraient le feu et
17 les exécutaient également.
18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez,
19 possédez-vous des évaluations du nombre de prisonniers exécutés ?
20 M. Ruez. - Exécutés ce jour-là ? Non, dans la mesure où les
21 estimations effectuées par les divers témoins sont fluctuantes. Plusieurs
22 centaines, c'est sûr, dans la mesure où les capacités de stockage rendent
23 la situation tout à fait crédible.
24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - D'accord. Monsieur
25 le Président, peut-être conviendrait-il d'interrompre maintenant ?
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1 M. le Président. - Tout à fait, Monsieur le Procureur.
2 L'audience reprendra à 14 heures 30.
3 L'audience est suspendue à 13 heures 05.
4
5 (Après-midi)
6 L'audience est reprise à 14 heures 36.
7 M. le Président. - L'audience est reprise. Veuillez vous
8 asseoir.
9 Monsieur le Procureur, le témoin peut à nouveau entrer.
10 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Merci beaucoup,
11 monsieur le Président.
12 M. le Président. - Nous pouvons reprendre.
13 Monsieur le Procureur vous avez la parole pour la suite du
14 questionnement de votre témoin.
15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Merci, monsieur le
16 Président.
17 Monsieur Ruez, lorsque nous nous sommes séparés avant le
18 déjeuner, vous parliez du sort réservé aux prisonniers qui étaient restés
19 à Grbavci. J'aimerais que nous restions dans le même domaine dans nos
20 questions, donc 14 juillet. J'aimerais vous demander ce qui est arrivé aux
21 prisonniers qui ont été transportés. (La suite n'a pas été entendue par
22 l'interprète)
23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je repose ma
24 question. Qu'est-il arrivé aux prisonniers transportés à Zvornik le 14
25 juillet ?
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1 M. Ruez. - Après les exécutions qui se sont produites à Lazete
2 et à l'école de Grbavci, le 14 juillet, les individus qui se trouvaient
3 dans l'école de la région de Pilica subissaient le même sort que celui
4 réservé à ceux de la vieille école de Bratunac. Certains individus étaient
5 sortis par des soldats serbes bosniaques, des cris, des coups de feu
6 étaient entendus, et les individus ne rejoignaient pas le groupe de
7 prisonniers à l'intérieur de l'école.
8 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Pourriez-vous
9 ralentir un peu votre débit, Monsieur, s'il vous plaît ? Qu'est-il arrivé
10 aux survivants restés dans les bois, le 14 juillet ?
11 M. Ruez. - La situation dans les bois reste la même. La traque
12 continue, les groupes de réfugiés essayent de trouver un moyen pour passer
13 la route stratégique Bratunac-Nova Kasaba, certains avec succès, d'autres
14 sont capturés. Un témoin qui se trouve sur une colline qui surplombe cette
15 zone, plus spécifiquement l'intersection de Konjevici, voit trois autobus
16 de couleur blanche remplis de gens qui tournent sur une petite route qui
17 mène en direction de Cerska, dans les collines. Les trois autobus sont
18 suivis par un véhicule blindé sur roues.
19 Peu de temps après le passage de ces véhicules, un excavateur
20 suit cette colonne, des tirs intensifs sont entendus venant de la
21 direction prise par les autobus. Immédiatement après, les autobus sont
22 vus, repartant en direction de Konjevic Polje ainsi que le véhicule
23 blindé. L'excavateur réapparaît une demi-heure plus tard.
24 Le sort de ces prisonniers dans l'autobus n'est pas encore
25 connu à ce moment-là, mais dans la soirée, certains témoins réussissent à
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1 franchir cet endroit et, le matin voient, le long de la route qui monte à
2 Cerska, une rangée de corps alignés dans l'herbe. Prenant peur, ils
3 s'enfuient.
4 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Monsieur Ruez,
5 j'aimerais maintenant diriger votre attention sur le 15 juillet en vous
6 demandant de continuer à nous parler du sort réservé aux gens qui se
7 trouvaient dans les bois.
8 M. Ruez. - Beaucoup sont arrêtés et beaucoup se rendent. La
9 plupart sont concentrés sur le stade de football de Nova Kasaba. Des
10 témoins, qui se trouvent toujours dans les environs et qui observent la
11 scène afin de trouver le meilleur moment pour franchir la ligne,
12 constatent que les soldats qui gardent ces groupes de prisonniers emmènent
13 des groupes de quinze ou vingt personnes, les emmènent en direction de la
14 rivière Jadar. De là, ils entendent des coups de feu.
15 M. le Président. - Quand vous citez un endroit, pouvez-vous
16 montrer où il se trouve ? Merci.
17 M. Ruez. - L'épisode précédent se déroulait ici, sur la route
18 qui mène à Cerska. L'épisode dont nous parlons actuellement, le stade de
19 football de Nova Kasaba, se trouve ici.
20 Le groupe de prisonniers qui se trouvent sur le stade de Nova
21 Kasaba et pour ceux qui ne sont donc pas emmenés par petits groupes en
22 direction de la rivière, ils sont vus être évacués en fin de journée par
23 quelques autobus, et la majorité d'entre eux suivaient en colonne,
24 derrière les autobus, à pied. Leur sort est inconnu.
25 Entre Nova Kasaba et l'intersection de Konjevici, qui se
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1 trouve ici, des témoins qui se trouvent dans les collines constatent que
2 par petits groupes des individus se rendent sur la route pour se rendre.
3 Leur sort est immédiat. Ceux qui ont une arme à la main se voient donner
4 une pelle, sont forcés de creuser un trou et sont exécutés sur-le-champ et
5 mis dans le trou. Ceux qui n'ont pas d’armes n'ont pas à creuser leur
6 tombe, mais sont exécutés également un peu plus loin.
7 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Est-ce que les
8 responsables de ces exécutions étaient membres de l'armée serbe
9 bosniaque ?
10 M. Ruez. - Il s'agissait toujours de soldats en tenue
11 camouflée de l'armée serbe bosniaque.
12 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Le 15 juillet,
13 monsieur Ruez, est-ce que des prisonniers étaient encore détenus à
14 Bratunac ?
15 M. Ruez. - Oui, un dernier groupe de prisonniers était
16 toujours détenu à Bratunac le 15 juillet. Aux alentours de midi, ces
17 prisonniers qui se trouvent dans l'ancienne école sont chargés à bord de
18 sept autobus. Ils sont emmenés au Nord de Zvornik, dans une école. Dans
19 cette école, le processus déjà décrit se déroule à nouveau. Certains
20 d'entre eux sont battus, d'autres sont sortis. Des coups de feu sont
21 entendus à nouveau.
22 Un prisonnier qui va chercher de l'eau pour ses co-détenus
23 constate l'arrivée d'un bus dans la soirée. A bord du bus se trouve un
24 groupe de prisonniers. Ce groupe n'est pas emmené à l'école, mais dans un
25 champ, à proximité de l'école. Un tir nourri est entendu venant de la
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1 direction de ce champ.
2 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous
3 auriez l'amabilité de bien vouloir pointer sur la carte, à votre gauche,
4 le lieu où se trouvait située cette école ?
5 M. Ruez. - L’école se trouve à un peu plus de 60 kilomètres de
6 Bratunac, au Nord.
7 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Monsieur Ruez,
8 j'aimerais maintenant diriger votre attention sur la journée du 16 juillet
9 et vous demander ce qui est arrivé à ces prisonniers détenus dans l’école
10 à Pilica.
11 M. Ruez. - Le matin du 16 juillet, d'après les témoignages de
12 survivants, les soldats serbes bosniaques s'adressant aux prisonniers leur
13 font comprendre qu'ils vont bientôt faire l'objet d'un échange. Leurs
14 mains sont attachées dans le dos. Ils sont chargés à bord des bus, n’ont
15 pas le droit de regarder ce qui se passe autour. Ils sont transportés sur
16 une très courte distance en direction d'un champ. Arrivés sur ce champ,
17 les bus restent les uns derrière les autres. Les gens qui se trouvent à
18 l'intérieur sont sortis des bus, par groupe. Parvenant à regarder aux
19 alentours, ils observent qu'un certain nombre de corps sont déjà étendus
20 sur le champ, puis entendent des tirs.
21 Leur tour finit par arriver. Ils sont dirigés sur le champ,
22 alignés et immédiatement exécutés. Une fois que l'exécution s'est
23 déroulée, les bus s'en vont, puis reviennent ultérieurement, amenant
24 d'autres groupes de prisonniers.
25 Les faits rapportés sur les exécutions commises ce jour dans
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1 la ferme de Branjevo sont confirmés par un soldat serbe bosniaque qui
2 était présent sur les lieux à la date des faits, dont j'ai procédé à
3 l'audition, qui reconnaît les faits et en donne une description similaire
4 à celle des témoins. Drazen Erdemovic plaide coupable devant ce Tribunal.
5 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Quel est le nombre
6 approximatif des prisonniers qui ont été tués sur ce site, le 16 juillet ?
7 M. Ruez. - Selon l'estimation faite par Drazen Erdemovic, ce
8 jour là environ 1 200 personnes auraient été exécutées sur ce site.
9 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Monsieur Ruez,
10 j'aimerais maintenant vous demander de vous concentrer sur les événements
11 qui sont survenus après le 16 juillet. Pourriez-vous résumer brièvement
12 les incidents qui ont impliqué des exécutions de masse ?
13 M. Ruez. - La situation dans les forêts continue de la même
14 manière. Les groupes de réfugiés essaient de trouver une échappatoire à la
15 situation. Certains d'entre eux observent des faits.
16 Un groupe de 150 prisonniers est vu en état d'arrestation à
17 Konjevic Polje : la moitié d’entre eux sont immédiatement exécutés et les
18 autres emmenés dans une direction inconnue. Dans la zone de Udric, qui se
19 trouve sur le chemin de fuite de la colonne de réfugiés, un témoin
20 constate qu'un groupe de 150 personnes environ se rend aux soldats serbes
21 bosniaques. Ce groupe est immédiatement fusillé.
22 Le lendemain, un groupe de 250 personnes est capturé. Dans la
23 matinée, un excavateur se présente sur place, creuse un trou. On ordonne
24 aux prisonniers de se rassembler autour de ce trou, les soldats les
25 encerclent. L'excavateur pousse les gens dans le trou pour les enterrer et
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1 ceux qui tendent de s'échapper sont immédiatement fusillés par les soldats
2 qui encerclent ce groupe de prisonniers.
3 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Monsieur Ruez,
4 disposez-vous d'une estimation quant au nombre de gens qui ont disparu de
5 Srebrenica ?
6 M. Ruez. - Plusieurs données sont annoncées sur ce sujet.
7 L’estimation la plus haute qui a été rassemblée par les autorités civiles
8 élève le chiffre des portés disparus à environ 10 300 personnes, mais
9 cette estimation n'est pas encore totalement validée.
10 Il est également à noter que le processus d'échange des
11 prisonniers, en vertu des accords de Dayton, est terminé depuis environ un
12 trimestre. Un représentant des autorités bosniaque viendra détailler ce
13 sujet devant la Cour.
14 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Monsieur Ruez, avez-
15 vous vous-même, ou un autre enquêteur du Bureau du Procureur, voyagé en
16 Bosnie-Herzégovine pour mener des enquêtes préliminaires au sujet des
17 sites d'exécution et des charniers ?
18 M.Ruez. - Oui, le premier déplacement sur place a été effectué
19 le 21 janvier de cette année. D'autres déplacements ont été effectués
20 depuis.
21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Vos conclusions
22 préliminaires sur ces sites ont-elles permis de confirmer des exécutions
23 associées aux dépositions des témoins recueillies par vous ?
24 M. Ruez. - Oui.
25 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Permettez-moi
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1 maintenant de vous poser des questions au sujet de ces charniers.
2 Avez-vous vu un charnier à Cerska ? Et, avant de répondre, je
3 vous demanderai de pointer sur la carte l'endroit où se trouve ce
4 charnier.
5 M. Ruez. - Compte tenu des explications qui avaient été
6 fournies par un certain nombre de témoins de la situation, un site a été
7 analysé qui se trouve à mi-chemin sur la route qui mène à Cerska, à
8 environ 3 kilomètres de la route asphaltée, endroit où les trois autobus
9 blancs ont été vus emmenant des prisonniers potentiels, et où les tirs
10 nourris ont aussi été entendus par des témoins.
11 Les cadavres alignés y ont également été vus, ainsi qu'une
12 zone qui pourrait être une fosse commune a été identifiée par d'autres
13 témoins qui sont passés dans cette région, un mois après les faits,
14 faisant marche arrière, n'ayant pas pu franchir les lignes de
15 confrontation et ayant pris la décision de se diriger vers Zepa.
16 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- J'aimerais
17 maintenant vous montrer les pièces à conviction 23 à 27, et vous demander
18 de les identifier. Je vous demanderai de les placer sur le rétroprojecteur
19 et de nous dire ce que chacune de ces pièces à conviction représente.
20 (Première photographie)
21 M. Ruez. - Cette photographie, qui a été prise à la fin du
22 mois de mai de cette année, montre le chemin de terre qui va de la route
23 asphaltée, qui rentre dans la vallée de Cerska et mène en direction de
24 Cerska.
25 La zone qui se trouve à gauche de la photo montre qu'une
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1 grande quantité de terre a été enlevée de la colline qui se trouve sur la
2 gauche. La partie droite de la route est recouverte de terre sur laquelle
3 ont été déposés un grand nombre de branchages, laissant supposer une
4 activité forestière.
5 (Deuxième photographie)
6 Trois trous ont été creusés le long de cette route, afin de
7 déterminer si des corps se trouvaient ensevelis à cet endroit. Les trois
8 trous se trouvent à l'endroit où mes collègues en bleu sont actuellement
9 en train de creuser.
10 (Troisième photographie)
11 Dans le premier de ces trous, apparaît un corps humain dont on
12 peut voir la hanche, ici. Il porte une tenue civile (une veste). Et voilà
13 le crâne. Un trou rond était manquant au sommet du crâne de cet homme.
14 (Quatrième photographie):
15 Dans le deuxième trou, des jambes apparaissent, trois jambes,
16 deux appartenant au même individu et une jambe qui porte une chaussure
17 différente de celles portées par les deux autres et qui appartient donc à
18 un deuxième individu.
19 (Cinquième photographie)
20 Du troisième trou apparaît un crâne humain, la chevelure est
21 encore visible sur le crâne. Une partie circulaire est également manquante
22 au sommet du crâne de cette personne.
23 Une recherche a été effectuée le long du chemin pour retrouver
24 des cartouches. Toute la zone n'a pas pu être fouillée pour des questions
25 de temps et d'environnement. Sur une longueur d'environ 10 mètres, une
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1 soixantaine d'étuis ont été découverts.
2 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avez-vous également
3 visité des fosses communes aux alentours de Nova Kasaba ?
4 M. Ruez. - Oui.
5 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pourrait-on à
6 nouveau baisser la lumière.
7 Monsieur Ruez, je vais vous montrer les pièces à conviction 28
8 et 29, et vous demander de bien vouloir expliquer à la Cour ce qu'elles
9 représentent.
10 (Première photographie)
11 M. Ruez. - Il s'agit d'une photographie aérienne prise le 27
12 juillet 1995. La route est visible sur la photographie, qu'il faudrait
13 élargir. Voici la route. Les petits carrés représentent des maisons qui
14 sont toutes détruites, le toit est manquant. Et sur cette photographie,
15 une zone de terre fraîchement remuée est très clairement visible, ainsi
16 que des traces de véhicules qui approchent cette zone.
17 (Deuxième photographie)
18 C'est une photographie aérienne également, prise à la même
19 date, dans la proximité immédiate de la première photographie. Deux autres
20 zones de terre fraîchement remuée sont flagrantes. Elles se trouvent ici,
21 ainsi qu'ici. Notre recherche a porté sur ce site.
22 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A quelles tueries
23 ces fosses communes sont-elles associées, monsieur Ruez ?
24 M. Ruez. - La zone photographiée est dans la proximité
25 immédiate du stade de football de Nova Kasaba. Selon les témoignages
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1 recueillis, un certain nombre de prisonniers ont également été exécutés
2 dans la proximité immédiate de ce stade.
3 Une autre solution peut être envisagée : des combattants ont
4 également franchi cette zone, et des corps éventuels pourraient résulter
5 des combats qui se seraient déroulés à ce moment-là. C'est ce que nos
6 recherches ont essayé de déterminer.
7 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez vous
8 maintenant, je vous prie, nous parler des pièces à conviction 30 à 35 et
9 expliquer ce qu'elles représentent ? Peut-on baisser la lumière à nouveau,
10 je vous prie.
11 (Première photographie)
12 M. Ruez. - Sur la zone que j'ai désignée sur la photographie
13 aérienne, nous avons creusé un trou de 3 mètres sur 2 mètres, sur une
14 profondeur d'environ 80 centimètres. Est visible sur cette photographie une
15 première couche d'individus. Cette première couche est composée de six
16 corps. Ceci est un premier corps. Sous ce corps se trouve un deuxième
17 corps. Voici également un corps, celui-ci et celui-ci de même, un autre
18 morceau de corps est visible ici.
19 (Deuxième photographie)
20 Sur ce corps, il est clairement visible que la personne
21 portait des vêtements civils, la chemise est une chemise civile.
22 (Troisième photographie)
23 Sur ce corps dont on voit le dos ici et la tête ici, on peut
24 constater que les bras sont attachés dans le dos par une cordelette, ici.
25 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Vous voudrez bien
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1 vous arrêter, nous voudrions focaliser.
2 M. Ruez. - Cette photographie montre clairement les mains de
3 cette personne attachées dans le dos avec une cordelette, qui pourrait
4 être un lacet de chaussures. Voici les mains.
5 (Quatrième photographie)
6 Cet homme porte également des vêtements civils. Il porte une
7 veste de couleurs vives (bleu, vert et blanc). Ses mains sont également
8 attachées dans son dos qui se trouve sur la tête de la personne du
9 dessous. Et la prochaine photo nous rapprochera des mains.
10 (Cinquième photo)
11 Sur cette photo, on peut voir que les mains de cette personne
12 sont attachées avec du fil de fer qui se trouve ici. Voici les mains de la
13 personne avec les doigts, et voilà son alliance qui se trouve ici.
14 Les personnes qui ont été découvertes à l'intérieur de cette
15 fosse commune étaient toutes en tenue civile pour celles qui ont pu être
16 vues à ce stade, et deux d'entre elles, dont les bras étaient visibles,
17 avaient les bras attachés dans le dos.
18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez,
19 pourriez-vous nous indiquer où Nova Kasaba se trouve sur la carte ?
20 M. Ruez . - Nova Kasaba se trouve ici.
21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Avez-vous visité
22 par la suite un site du nom de Tatar Glogova ? Veuillez bien nous
23 l'indiquer sur la carte.
24 M. Ruez. - Oui, le site de Tatar Glogova se trouve à vue du
25 site d'exécution de Kravica qui a été précédemment mentionné. Les sites se
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1 trouvent ici.
2 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - J'attire votre
3 attention sur les pièces 36 et 37. Je voudrais que l'on baisse la lumière
4 pour mieux voir.
5 M. Ruez. - Voici une photographie aérienne en date du
6 17 juillet 1995, montrant la route qui va de Kravica à Bratunac. Une route
7 secondaire pénètre à l'intérieur de l'ancien village qui est totalement
8 détruit. Un bulldozer est visible à l'intersection, ici.
9 Les deux zones plus claires laissent à penser qu'une activité
10 s'est déroulée ici et là. La terre a été fraîchement remuée.
11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez,
12 permettez-moi de vous demander maintenant, sur la base de vos recherches
13 préliminaires sur les lieux, si vous avez pu vous forger une opinion sur
14 le fait de savoir s'il y avait, oui ou non, des corps sur ces sites ?
15 M. Ruez. - Oui.
16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Maintenant,
17 j'attire votre attention sur les pièces 38 à 42. Pourriez-vous expliquer à
18 la Cour ce que ces pièces représentent ?
19 M. Ruez. - Cette photographie a été prise au sol, sur la zone
20 qui vient d'être pointée sur l'imagerie aérienne. Visiblement, toute cette
21 zone a été raclée avec de l'équipement lourd. Sur place, de nombreux
22 ossements ont été trouvés, des bouts d'os de tailles et de formes variées.
23 Voici un fémur.
24 (Autre photographie.)
25 Sur le deuxième site, des débris humains ont aussi été
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1 trouvés, des ossements. Voici un os long, à côté d'une chaussure.
2 (Autre photographie.)
3 Ceci est une photographie plus rapprochée de la chaussure avec
4 l'os à côté.
5 (Autre photographie.)
6 A proximité également, autre exemple d'ossements humains : un
7 morceau de mâchoire.
8 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A votre avis,
9 monsieur Ruez, les sites que vous avez visités ont-ils été retournés ou
10 ont-ils fait l'objet d'une quelconque intervention avant votre arrivée ?
11 M. Ruez. - C'est fort possible. Compte tenu de la présence des
12 débris humains, il est clair que des corps ont pu se trouver à cet
13 endroit. Les renseignements que nous avons par imagerie aérienne nous
14 confirment dans cette hypothèse.
15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Permettez-moi de
16 vous présenter maintenant les pièces 43 et 44. Pouvez-vous les expliquer à
17 l'intention de la Cour ?
18 (Projection d'une vue aérienne.)
19 M. Ruez. - Sur cette même image, deux photographies : une en
20 date du 27 juillet 1995 qui montre un site d'exhumation possible ; une
21 deuxième, en date du 20 octobre 1995, qui montre une forte activité ce
22 jour-là. Une profonde tranchée est actuellement creusée par une
23 excavatrice qui se trouve ici. Compte tenu des débris humains qui ont été
24 découverts sur place, il y a donc lieu de penser que les corps ont été
25 déterrés de cet endroit, mais un certain nombre de débris sont restés
Page 583
1 derrière.
2 (Autre photographie.)
3 Cette photo datée du 30 octobre confirme également
4 l'hypothèse : après que le premier site ait été perturbé, une pelleteuse
5 est en activité également sur le second.
6 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez, à
7 côté des sites que vous avez décrits, avez-vous trouvé d'autres sites ou
8 visité des routes près de Lazete ?
9 M. Ruez. - Oui.
10 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous montrer
11 sur la carte qui est derrière vous où cela se trouve ?
12 M. Ruez. - Lazete se trouve légèrement au nord de Zvornik,
13 ici.
14 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quelle exécution
15 associez-vous à ce site particulier ?
16 M. Ruez. - Ce site est celui où ont été emmenés les
17 prisonniers qui se trouvaient concentrés dans l'école de Grbavci et qui
18 ont été exécutés le 14 juillet. L'exécution a commencé en début d'après-
19 midi, aux alentours de 14 heures, et a continué toute l'après-midi ainsi
20 que la soirée, jusqu'aux environs de 23 heures.
21 De l'équipement lourd a été vu sur place par les personnes qui
22 ont survécu à cette exécution.
23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Permettez-moi de
24 vous présenter la pièce 45. Je vous prie de l'identifier.
25 (Autre photographie.)
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1 M. Ruez. - En fonction des indications qui avaient été
2 fournies par un certain nombre de survivants de ce site, du matériel
3 photographique a pu être retrouvé. Sur cette photographie qui montre ici
4 une ligne de chemin de fer, ici une route, cette route se dirige vers
5 l'école de Grbavci qui est à une distance d'environ un kilomètre. Le champ
6 qui se trouve ici ne présente aucune trace suspecte. Le champ qui se
7 trouve là ne présente aucune trace suspecte non plus.
8 En date du 27 juillet, des prisonniers déclaraient que des
9 exécutions avaient eu lieu dans un premier temps sur cette partie-là du
10 site. Ces déclarations sont confirmées par une activité de terre remuée
11 qui se trouve ici, clairement visible le 27 juillet. Ce site d'exécution,
12 une fois jonché de corps, a été remplacé par celui-ci où les exécutions se
13 sont poursuivies dans la soirée. Cela impose donc de passer par-dessus la
14 ligne de chemin de fer et toute cette partie du champ présente des traces
15 très visibles de terre remuée.
16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - S'il vous plaît,
17 voudriez-vous identifier les pièces 46, 47 et 48 et nous décrire les
18 recherches et les découvertes préliminaires ?
19 M. Ruez. - Cette photographie montre le site qui a été pointé
20 en premier. La zone d'exécution est supposée être ici, et voici la zone où
21 la photo aérienne montrait la terre remuée. Cette partie n'a pas pu être
22 véritablement analysée à la date de la photographie, dans la mesure où
23 tout le terrain était fortement gorgé d'eau. Nos recherches se sont donc
24 reportées sur le deuxième site.
25 (Photo suivante.)
Page 585
1 Sur ce deuxième site, un certain nombre de débris humains ont
2 été trouvés : des morceaux d'os, un squelette complet. Un trou a été
3 creusé également, trou dans lequel une partie de corps a été découverte en
4 état de décomposition très fortement avancée. La terre est mélangée avec
5 des restes humains. Un certain nombre de cartouches également ont pu être
6 trouvées sur ce site qui présente également la particularité d'avoir des
7 traces fraîches qui montrent que la terre a été remuée à cet endroit à
8 deux occasions. Des traces de pneus anciennes sont recouvertes par des
9 traces plus fraîches.
10 (Photo suivante.)
11 Cette photographie montre un squelette ou une partie de
12 squelette. Les vertèbres sont visibles, ainsi qu'un morceau du bassin.
13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A votre avis,
14 monsieur Ruez, est-ce que ce site a été également remué ?
15 M. Ruez. - Oui très certainement. Sur le site lui-même la
16 modification est flagrante par rapport à la comparaison entre les traces
17 anciennes et les traces nouvelles. Le fait que ce site a également été
18 remué depuis est confirmé par un journaliste qui s'était rendu sur place
19 avant que l'accès puisse être véritablement garanti dans la région, et ses
20 propres observations confirment qu'il a effectivement été porté atteinte à
21 ce site depuis la date des exécutions.
22 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez,
23 avez-vous vous-même, ainsi que d'autres enquêteurs, visité un site
24 d'exécution près du barrage de Lazite ?
25 M. Ruez. - Oui.
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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous décrire
2 à quoi ces sites pourraient être associés ?
3 M. Ruez. - Le 14 juillet, les exécutions des prisonniers qui
4 se trouvaient à l'école de Grbavci se sont situées à deux endroits. Le
5 premier site était celui qui vient d'être présenté. Pour ceux qui sont
6 arrivés à cette école en milieu d'après-midi ou en début de soirée, le
7 site d'exécution était donc le plateau du barrage du lac qui se trouve
8 juste au nord de Zvornik.
9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je vais maintenant
10 vous montrer la pièce 49 et je vous prie de l'identifier pour la Cour.
11 M. Ruez. - Sur cette photographie, on peut voir ici, en fait,
12 le barrage. Cette partie-là est un plateau qui se trouve à la base du
13 barrage. C'est une pente qui descend vers le terrain, ici.
14 Voici le site sur lequel les exécutions se sont déroulées.
15 Cette photo date du 5 juillet et ne présente pas de particularités. Une
16 photo prise le 27 juillet 1995 montre que, sur cette partie-là, il y a des
17 traces d'activité d'équipements lourds, de machines.
18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je dirige votre
19 attention sur les pièces 50 et 51. Pouvez-vous les utiliser pour nous
20 expliquer les découvertes préliminaires sur ce site particulier ?
21 M. Ruez. - Voici une photographie qui montre le plateau
22 précédemment indiqué. Sur ce plateau, où les exécutions sont reportées
23 s'être déroulées, de nombreux débris d'os ont été découverts jonchant le
24 terrain. Des cartouches ont également été ramassées : 1 030 cartouches ont
25 été ramassées sur ce site.
Page 587
1 La partie qui se trouve ici représente une fosse commune
2 possible. Il est néanmoins à noter que, selon les déclarations des
3 survivants, les corps auraient ultérieurement été emmenés en camions. La
4 présence d'une fosse commune n'est pas à exclure dans la mesure où la
5 partie qui se trouve là a été fortement remuée et les débris d'os ont été
6 découverts à cet endroit-là. Les exécutions s'étant déroulées sur la
7 totalité du plateau, ici, les cartouches qui ont été découvertes l'ont été
8 sur la totalité de cette zone.
9 A un endroit plus spécifique où se trouvait une concentration
10 de cartouches, ici, un très grand nombre de morceaux de crânes ont
11 également été découverts.
12 Voici un exemple des ossements trouvés sur la partie où la
13 terre a été remuée. La rocaille a été remuée. Tous ces ossements sont
14 humains : des bouts de crânes, des vertèbres, différents os, des côtes.
15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Selon vous, ce site
16 a-t-il également été remué, monsieur Ruez ?
17 M. Ruez. - C'est difficile à dire dans la mesure où, ainsi
18 qu'il a été expliqué, les corps d'un grand nombre de personnes exécutées
19 ont été transportés en camion vers une destination inconnue. Ces ossements
20 peuvent donc provenir soit de personnes laissées sur place, soit
21 effectivement, du fait que la terre a été à nouveau remuée et que, du
22 coup, les débris auraient été répandus dans le périmètre. Il est encore
23 trop tôt pour le dire.
24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Passons maintenant
25 à vos recherches préliminaires dans le cadre de la ferme de Branjevo, près
Page 588
1 de Pilica. Voudriez-vous bien nous l'indiquer sur la carte ?
2 M. Ruez. - C'est le site qui se trouve le plus au Nord de la
3 zone concernée.
4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A quelle distance
5 en kilomètres se trouve-t-il de Pilica ?
6 M. Ruez. - A une distance légèrement supérieure à 60 km.
7 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ruez, à
8 quoi associez-vous ce site particulier ?
9 M. Ruez. - C'est le site où se sont déroulées les exécutions
10 décrites par Drazen Erdemovic ainsi que celles décrites par les témoins
11 qui ont survécu sur ce site.
12 M. Harmon. - Je vous demande de porter votre attention sur les
13 pièces 52 et 53 et de nous expliquer ce que ces photos signifient.
14 M. Ruez. - Ce sont des photographies aériennes. La première,
15 en date du 5 juillet 1995, montre la ferme qui se trouve ici, les champs
16 ici et là, et une avancée boisée. Sur cette photo, aucune activité
17 particulière n'est à remarquer.
18 Sur cette photo du 17 juillet 1995, le lendemain de
19 l'exécution telle que décrite par Drazen Erdemovic et le lendemain de la
20 date à laquelle les survivants ont échappé aux massacres qui étaient
21 commis là, une activité de machines est visible sur cette partie-ci et
22 ici, un certain nombre de corps sont également visibles. Un agrandissement
23 de cette partie figure sur la photo suivante.
24 Cette photo montre un certain nombre de corps représentés par
25 les points qui se trouvent ici. La zone d'exécution continue également sur
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1 toute cette partie-ci, ces points sont également des points représentant
2 des corps. Un groupe de corps se trouve également ici, à proximité de la
3 zone où la terre est également creusée.
4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A combien de
5 reprises vous-même et vos enquêteurs avez-vous visité ce site ?
6 M. Ruez. - La première occasion de se rendre sur place a été
7 lors d'un repérage destiné à découvrir où se trouvaient les lieux. Nous
8 sommes retournés sur place le 22 mars, en même temps que la visite d'un
9 officiel, et début juin de cette année.
10 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Avec les pièces 54,
11 55 et 56, pourriez-vous identifier pour la Cour la signification de ces
12 sites particuliers ?
13 M. Ruez. - Le premier élément visible, en approchant la zone
14 d'exécution, est la présence de chaussures. Un certain nombre de
15 chaussures se trouvent sur place soit posées à même le sol, soit
16 légèrement enterrées dans le sol.
17 Cette chaussure de tennis, par exemple, pointait du sol et a
18 été déterrée pour la circonstance.
19 Sur le site lui-même, un certain nombre d'ossements sont
20 visibles. Sur cette photo, par exemple, est visible un morceau de hanche,
21 une côte et un os long.
22 Une partie entière de corps est également visible à proximité
23 immédiate de la zone de terre perturbée, visible sur l'imagerie aérienne.
24 Sur ce morceau de corps, les vertèbres peuvent être vues. Certains
25 morceaux de chair étaient encore accrochés aux ossements sur ce corps.
Page 590
1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous nous
2 dire, d'après les résultats de vos trois visites sur le site, si ce site
3 particulier a été remué ?
4 M. Ruez. - Depuis le 20 mars, le site n'a pas été remué. En
5 revanche, d'après les renseignements en notre possession, le site a
6 également fait l'objet, comme ceux que nous avons évoqués précédemment,
7 d'une tentative de destruction. Les photos que nous allons voir maintenant
8 vont permettre d'expliquer la situation.
9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je vous renvoie
10 donc aux pièces 57 et 58. A quelle date cette photo a-t-elle été prise ?
11 M. Ruez. - Elle est datée du 21 septembre 1995 et montre, à
12 nouveau le 21 septembre 1995, des activités sur le site même où la fosse
13 commune avait été précédemment identifiée.
14 Cette photographie du 27 septembre montre l'activité qui est
15 toujours en cours. Les traces de machine sont clairement visibles ; un
16 trou profond est creusé ici, et à l'intérieur du bâtiment de la ferme, se
17 trouvent une pelleteuse et une excavatrice.
18 Sur le terrain lui-même, une recherche avait été faite pour
19 découvrir des cartouches. Le champ avait été labouré à plusieurs reprises.
20 Une soixantaine d'étuis ont été découverts à la surface du sol. La zone de
21 découverte des étuis correspond à la zone où les exécutions sont supposées
22 avoir eu lieu, telles qu'elles sont visibles sur l'imagerie aérienne.
23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - J'attire votre
24 attention, monsieur Ruez sur la carte qui se trouve à côté de la grande
25 carte blanche. Il faudrait retirer la grande carte blanche et découvrir
Page 591
1 celle qui se trouve en dessous.
2 Cette carte est-elle bien située pour que la caméra de la
3 vidéo puisse bien la montrer ?
4 La position est bonne pour la caméra ? Je ne sais pas si on
5 voit bien la carte sur les moniteurs ? Peut-être faudrait-il la mettre
6 dans une meilleure position, dans l'autre sens.
7 Monsieur le Président si cela vous convient, on pourrait peut-
8 être interrompre quelques instants pour placer la caméra sous le bon
9 angle.
10 M. le Président. - C'est une solution tout à fait opportune.
11 Effectivement, la carte n'est pas bien placée. Voulez-vous que nous
12 suspendions l'audience ou pouvez-vous le faire en quelques minutes ?
13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je m'en remets
14 entièrement à vous, monsieur le Président.
15 M. le Président. - Nous allons nous en remettre à la
16 technique. Nous allons nous retirer quelques instants pour que l'on ait le
17 temps de placer la carte de telle sorte que, aussi bien pour le Tribunal
18 que pour la galerie du public, on puisse bien apercevoir les explications
19 sur la carte du témoin. Merci. Nous suspendons l'audience quelques
20 instants.
21 L'audience, suspendue à 15 h 32, est reprise à 15 h 40.
22 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Monsieur Ruez, je
23 vais vous poser quelques questions pour que vous nous expliquiez ce qu'il
24 y a sur cette carte que nous voyons maintenant.
25 M.Ruez- Sur cette carte, un certain nombre de points sont
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1 indiqués avec des couleurs symboliques : le vert représente les zones où
2 un grand nombre de prisonniers ont été concentrés, le rouge représente les
3 points des principaux sites d'exécution, le bleu représente les fosses
4 communes actuellement identifiées dans le cadre de cette enquête.
5 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pourrions-nous
6 passer les différents sites l'un après l'autre et pourriez-vous nous
7 expliquer exactement ce que dit cette carte ?
8 M.Ruez- Le premier site se trouve totalement au sud. Il
9 s'agit de la ville de Srebreniza où, selon Drazen Erdemovic, la
10 population restante a été rassemblée sur le stade de football. Des
11 exécutions individuelles ont été commises mais pas sur le stade. Le destin
12 des personnes qui étaient rassemblées ici est inconnu.
13 A Potocari, il y a eu le rassemblement de 25 000 réfugiés et
14 grand nombre d'exécutions (couleurs rouge).
15 A Bratunac (essentiellement centre de transit de prisonniers
16 puisque les premiers prisonniers arrivent à Bratunac le 12), des hommes
17 sont séparés du reste des réfugiés.
18 A Potocari, dans la journée du 13, les prisonniers qui sont
19 rassemblés le long de la route stratégique en divers points sont conduits
20 dans la soirée à Bratunac où ils sont mis dans l'ancienne école, dans des
21 convois de bus et de camions qui restent stationnés devant les garages de
22 la compagnie Vivor, devant l'école Vuk Karadzic, ainsi qu'entre Kravica et
23 l'entrée de Bratunac. Un dernier groupe est également détenu dans un
24 hangar.
25 Lorsque la colonne fuyait l'enclave de Srebrenica dans cette
Page 593
1 direction, l'embuscade principale de Kamenica s'est déroulée ici.
2 Un grand nombre de prisonniers, dans les heures qui ont suivi
3 et le lendemain, ont été rassemblés sur un champ qui a servi à plusieurs
4 occasions et pour plusieurs groupes et qui se trouve à Sandici. Une partie
5 au moins de ces prisonniers a été transférée à Kravica, mis dans le hangar
6 où ils ont tous été exécutés. Deux fosses communes se trouvent à
7 proximité : Tatar Glogova. Les sites ont probablement été déménagés.
8 Dans la nasse qui empêchait la colonne de réfugiés de fuir en
9 direction de Tuzla, plusieurs sites d'exécution sont repérés,
10 principalement la zone de l'intersection de Konjevici ainsi que toute la
11 zone le long de la route stratégique entre Konjevic Plie et Nova Kasaba.
12 A Nova Kasaba, un grand nombre de prisonniers ont été
13 rassemblés dès le 13, et le site a été utilisé comme zone de concentration
14 de prisonniers pendant les jours qui ont suivi. Un certain nombre
15 d'exécutions sont rapportées le long de la rivière Jadar.
16 Trois fosses communes potentielles existent juste à proximité
17 de ce terrain de football, dont l'une a été analysée (ce sont les photos
18 qui ont été présentées tout à l'heure).
19 Dans la vallée de Cerska, des groupes ont été emmenés et
20 exécutés. Une fosse commune se trouve sur le site d'exécution.
21 Sur la route de la déportation vers Kladanj, les prisonniers
22 masculins ont été sortis des autobus, mis dans l'école à Tisca, emmenés à
23 bord de camions dans les collines à proximité de Vlasenica et exécutes.
24 Les prisonniers, qui étaient rassemblés à Bratunac, ont été
25 convoyés par camions, d'abord dans la nuit du 12 au 13, le long de la
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1 route qui longe la frontière avec la Serbie, en direction de Zvornik,
2 Lazete et l'école de Grbavci. De là, ils ont été emmenés, dans la journée
3 du 14, sur un site d'exécution à proximité (Lazete). Deux fosses communes
4 se trouvent à cet endroit. Les corps d'au moins l'une d'elles ont
5 probablement été déterrés depuis, au moins une partie d'entre eux.
6 Des prisonniers de cette école, parmi ceux qui sont arrivés
7 dans l'après-midi et dans la soirée de la journée du 14, ont été
8 transportés par camions sur le plateau du barrage, qui se trouve ici, où
9 ils ont été exécutés. Une fosse commune potentielle existe à cet endroit
10 mais reste encore à vérifier.
11 Les prisonniers ont été emmenés, pour certains d'entre eux le
12 13, pour d'autres le 15, en direction de l'école de Pilica (la plus grande
13 distance vers le nord). Ils ont donc d'abord été rassemblés dans cette
14 école. Certains y sont restés deux jours et deux nuits pour finalement
15 être emmenés à la ferme de Branjevo où ils ont été exécutés. Une fosse
16 commune était présente sur les lieux d'exécution. Une partie des corps a
17 certainement été déplacée depuis.
18 Une particularité à noter sur cette carte : le chemin de fuite
19 de la colonne, qui se trouve donc à une distance assez respectable des
20 sites d'exécution, se trouve dans la région de Svornik ou au nord de
21 Svornik.
22 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Monsieur Ruez, le
23 général Mladic a-t-il été vu sur ces sites ?
24 M.Ruez- Oui le général Mladic a été vu sur plusieurs de ces
25 sites.
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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pourriez-vous nous
2 indiquer sur la carte les sites où il a été vu ?
3 M.Ruez- Pour des raisons pratiques, je vais devoir mettre des
4 étiquettes avec un rond noir pour marquer tous les emplacements où le
5 général Mladic s'est rendu durant ces quelques jours.
6 Le premier site où le général Mladic a été vu se trouve à
7 Srebrenica. Nous avons vu un petit film vidéo sur Srebrenica et nous
8 connaissons donc déjà les commentaires faits par le général Mladic
9 lorsqu'il se trouvait sur place.
10 Le deuxième site est Potocari, site où Mladic est présent le
11 lendemain, donc le 12 juillet. Il donne une petite conférence aux
12 journalistes présents, il s'adresse à la foule, mais il est également vu
13 rendant visite aux hommes qui sont séparés du reste des réfugiés et mis
14 dans des maisons en attente de leur transfert vers Bratunac. Il explique à
15 ces prisonniers qu'ils vont faire l'objet d'un échange ultérieurement.
16 Toujours le 12, le général Mladic est venu à Bratunac. Il rend
17 visite aux détenus qui se trouvent dans un hangar à Bratunac et leur
18 explique également qu'ils feront l'objet d'un échange ultérieur. Dans la
19 nuit du 12 au 13, ce groupe de prisonniers est évacué en direction de
20 l'école de Grbavci ; et le général Mladic est vu présent au moment où ces
21 prisonniers sont évacués en direction de Grbavci.
22 Dans la journée du 13, le général Mladic se rend sur le champ
23 où un grand nombre de prisonniers sont concentrés (le champ à Sandici).
24 Les prisonniers sont sur ce champ depuis cinq heures. Un prisonnier a été
25 tué sur place pour avoir fait un commentaire déplacé. Le général Mladic
Page 596
1 arrive après les faits, s'adresse aux prisonniers, leur explique qu'ils
2 feront l'objet d'un processus d'échange ultérieurement. Une quinzaine de
3 minutes après le départ du général Mladic, tous ces prisonniers sont
4 emmenés dans le hangar de Kravica où ils sont tous exécutés.
5 Ce même jour, le 13, le général Mladic est vu s'adressant à
6 une foule de prisonniers avant son transfert sur le stade de Nova Kasaba.
7 Il explique également à la foule des prisonniers qu'ils feront l'objet
8 d'un échange ultérieur. Il participe personnellement à la séparation d'un
9 groupe d'une trentaine d'hommes parmi ces prisonniers, sans donner les
10 raisons sur le fait que ces gens sont séparés les uns des autres. Puis il
11 se rend à Nova Kasaba, sur le terrain de football, où il s'adresse
12 également à la foule.
13 Ses discours commencent généralement toujours par la même
14 phrase : "Bonjour voisins, savez-vous qui je suis ? Je suis le général
15 Mladic". Puis il fait un certain nombre de commentaires sur la situation,
16 et conclut généralement par le fait que les prisonniers seront
17 ultérieurement échangés.
18 Le lendemain, 14 juillet, le général Mladic est vu à l'école
19 de guerre Grbavci. Il s'adresse aux prisonniers et leur explique qu'il
20 fait face à des difficultés techniques pour procéder à leur échange, mais
21 que la situation devrait se débloquer. Peu de temps après son départ, les
22 prisonniers se voient donner un verre d'eau, ont les yeux bandés, et sont
23 emmenés sur le site d'exécution qui se trouve à proximité. Dans la soirée,
24 le général Mladic est vu sur ce site d'exécution alors que les exécutions
25 ont lieu.
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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Merci, monsieur
2 Ruez. Je vais maintenant changer de sujet.
3 Depuis la prise de Srebrenica, savez-vous si monsieur Karadzic
4 ou d'autres représentants de la Republika Srpska ont fait des déclarations
5 publiques en ce qui concerne les événements de Srebrenica ?
6 M.Ruez- Oui.
7 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pourriez-vous dire à
8 la Cour quelle était la teneur des déclarations ?
9 M.Ruez- Elles se réduisent au minimum. D'après l'explication
10 donnée sur l'existence des corps qui se trouvaient dans ces fosses, il
11 semble que ces corps soient ceux qui ont été tués au combat et qui ont été
12 mis dans des fosses pour des questions d'hygiène.
13 Radovan Karadzic, de son côté, a fait quelques commentaires à
14 la presse. Le 17 juillet 1995, il s'adresse à la télévision serbe de Banja
15 Luka.
16 Je vais devoir lire le texte en anglais car je n'ai pas de
17 traduction française précise.
18 "Au cours des derniers jours, la presse internationale, aidée
19 par les autorités musulmanes, a procédé à de la propagande violente en
20 faisant de faux rapports sur les événements de Srebrenica. Les accusations
21 selon lesquelles il y aurait eu de la torture, du viol et des déportations
22 de citoyens musulmans sont répétées sans vérification réelle. La vérité,
23 c'est qu'aucune de ces accusations n'a de fondement réel et fiable."
24 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pour le compte
25 rendu, il s'agit d'un communiqué de presse de Jovan Zamatica qui est au
Page 598
1 bureau de presse du gouvernement serbe.
2 M.Ruez.- Mais le 24 janvier 1996, interrogé sur les faits,
3 Radovan Karadzic déclare :
4 "Notre armée n'a pas commis de crimes de guerre, elle n'a fait
5 que suivre les ordres de l'état-major et du chef de l'état-major. Il en
6 résulte que notre armée et notre police n'ont pas commis de meurtres, ni
7 de crimes".
8 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pouvez-vous continuer
9 plus loin ?
10 M.Ruez- "La propagande dirigée contre nous sera à notre
11 avantage un jour".
12 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pouvez-vous
13 continuer ?
14 M.Ruez- Le 12 février 1996, dans une interview donnée au
15 Times, Radovan Karadzic déclare sur les "soi-disant massacres" de
16 Musulmans à Srebrenica :.
17 "Il n'y a pas eu d'ordre pour les tuer. Personne, dans mon
18 commandement, n'aurait osé tuer ceux qui ont été capturés ou arrêtés comme
19 prisonniers de guerre. Je suis totalement impliqué. Tout ce qui touche à
20 la République Serbe est sous mon autorité".
21 Entre autres réactions de Radovan Karadzic aux événements, il
22 y a également à noter la promotion des généraux (Krajisic ?) et
23 (Zijanovic ?), qui sont donc les architectes de la victoire serbe sur
24 Srebrenica, pour ces raisons.
25 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Merci, monsieur
Page 599
1 Ruez. Monsieur le président, ceci termine la présentation de ce
2 témoignage.
3 M. le Président.- Merci, monsieur le procureur. A présent le
4 Tribunal a des questions à poser au témoin.
5 M. Riad.- Monsieur Ruez, je vous remercie d'abord pour la
6 clarté et la précision de votre exposé.
7 J'aimerais quand même être plus sûr des conclusions qu'on a pu
8 tirer de votre exposé. D'abord, j'ai pu déduire de votre exposé très clair
9 que les opérations de déportation, de détention et de transport pour
10 exécution ont eu lieu rapidement, minutieusement, et à une très grande
11 échelle au point qu'en un seul jour, 25 000 personnes ont été évacuées (le
12 13 juillet).
13 Vous qui êtes expert en la matière, cela aurait-il pu se
14 produire sans une grande coordination sur le plan logistique, sans un
15 haut-commandement qui coordonne tout le processus, ou même, pour aller
16 plus loin, sans l'autorisation du commandant général ?
17 M.Ruez- Oui, le 12 juillet, un premier groupe d'environ 5 000
18 personnes a été évacué. Le 13 juillet, le reste de la population réfugiée
19 à Potocari été évacuée, c'est-à-dire, grosso modo, 20 000 personnes. Il
20 s'agit donc de 25 000 en tout sur deux jours.
21 Le programme de déportation était même en avance sur la
22 planification effectuée par le général Mladic puisque les observateurs
23 militaires sur place font état du fait qu'il était même pratiquement
24 surpris d'avoir fini toute cette opération dans la journée du 13 juillet.
25 La journée du 14 était apparemment également programmée pour
Page 600
1 mener à terme ces évacuations. Les observateurs sur place ont également
2 été frappés par le grand nombre d'autobus et de camions. Il est clair que
3 la préparation de cette évacuation a été faite de façon détaillée. Les
4 compagnies civiles de transport ont certainement été réquisitionnées pour
5 la cause dans la mesure où les compagnies locales ont fourni les
6 véhicules, de même que les compagnies minières et les compagnies de
7 transport.
8 M. Riad.- Il y avait donc une certaine coopération de
9 plusieurs administrations ?
10 M.Ruez- Il a fallu rassembler tout ce matériel à l'avance.
11 M. Riad.- Ce qui indique un plan pré-établi ?
12 M.Ruez- Compte tenu de l'efficacité avec laquelle l'opération
13 s'est déroulée, il est patent qu'un plan a effectivement été préétabli
14 pour cette déportation.
15 M. Riad.- Vous avez dit qu'à son entrée à Srebrenica, le
16 général Mladic avait indiqué (sans me souvenir exactement de vos mots)
17 "s'être enfin vengé de la rébellion du Dahijas de 1804 contre les Turcs".
18 Etait-ce avant les massacres ? Etait-ce à son entrée ?
19 M.Ruez- Oui, c'était à son entrée ; c'était le 11 juillet.
20 M. Riad.- A-t-il invité les gens, à ce moment-là, à se
21 venger ? Etait-ce une invitation à la vengeance ?
22 M.Ruez- Je ne peux pas faire de commentaires sur ce point, je
23 ne peux que reprendre la déclaration telle qu'elle est, avec sa référence
24 historique.
25 M. Riad.- Que disait la déclaration exactement ?
Page 601
1 M.Ruez- Il faudrait reprendre le texte :
2 "Et voilà, Srebrenica est serbe en juillet 1995, à la veille
3 d'une autre grande fête serbe. Nous offrons cette ville en présent au
4 peuple serbe. Enfin, après la rébellion contre les Dahijas, le moment est
5 venu de nous venger des Turcs dans cette région."
6 M. Riad.- "De nous venger" ?
7 M.Ruez- "Le temps est venu de nous venger des Turcs dans
8 cette région". C'est la traduction que j'ai du commentaire que Mladic a
9 fait à ce journaliste ce jour-là.
10 M. Riad.- Le général Mladic était-il toujours présent ? Selon
11 vos derniers renseignements, il a été présent à cinq reprises, celles que
12 vous avez pu nous détailler : à Srebrenica, à Potocari, à Bratunac, au
13 champ de prisonniers, au stade de football, à l'école Grbavci et sur le
14 site d'exécution, juste avant l'exécution ?
15 M.Ruez- L'exécution avait déjà commencé.
16 M. Riad.- Est-ce lui qui s'adressait toujours aux détenus ?
17 M.Ruez- Il s'est systématiquement adressé aux détenus à
18 chaque fois qu'il s'est présenté sur un site.
19 M. Riad.- Peut-on dire qu'il a dirigé les opérations ?
20 M.Ruez- A ce stade, je dirais simplement qu'il s'est adressé
21 à eux. Sa direction vient du fait qu'il est commandant de l'armée serbo
22 bosniaque ?
23 M. Riad.- Il était présent ? Sa présence est établie ?
24 M.Ruez- Oui.
25 M. Riad.- Par contre, que dites-vous de la participation du Dr
Page 602
1 Karadzic ? A-t-il été présent à un moment donné ?
2 M.Ruez- Non, Radovan Karadzic n'a jamais été vu sur place au
3 moment des faits. C'est la raison pour laquelle les seules références à
4 lui que nous faisons sont des déclarations qu'il a pu faire à la presse..
5 M. Riad.- Vous avez dit en anglais "everything is in my hands"
6 (tout est entre mes mains). Il assume donc le rôle principal ?
7 M.Ruez- Dans le commentaire qu'il a fait à la presse ce jour-
8 là, oui.
9 M. Riad.- A propos du bataillon hollandais, Mladic a fait une
10 déclaration en menaçant de tuer les 55 otages. Comment ont-ils pris ces
11 otages ?
12 M.Ruez- Je pense que le Colonel Carremans sera mieux à même
13 de vous exposer ces aspects. L'enquête dont j'ai la charge commence avec
14 la chute de l'enclave, et s'occupe essentiellement du sort des
15 prisonniers. L'aspect des opérations militaires préalables à la chute de
16 cette enclave n'est pas l'objet de l'enquête. Mais le colonel Carremans
17 expliquera certainement aisément ce point.
18 M. Riad.- Vous ne savez donc pas comment ils ont pu prendre le
19 camion ou les vêtements des Nations Unies ?
20 M.Ruez- Si. Le matériel qui a été dérobé aux casques bleus
21 hollandais l'a toujours été sous la contrainte, soit sous la contrainte
22 directe à main armée, soit sous la contrainte de la situation dans la
23 mesure où les soldats n'avaient absolument aucune possibilité physique de
24 s'opposer à la volonté des soldats bosno-serbes qui les entouraient et qui
25 réclamaient le matériel dont ils désiraient prendre possession.
Page 603
1 M. Riad.- Je vous remercie.
2 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais).- Monsieur Ruez,
3 savez-vous combien de personnes il y avait à Srebrenica depuis le début du
4 mois de juillet 1995 ?
5 M.Ruez- Au début de l'opération qui a mené à la chute de
6 l'enclave, la population de l'enclave aurait été composée d'environ 40 000
7 personnes, plus un certain nombre de militaires dont le nombre n'est pas
8 connu. Les estimations pour le nombre de militaires flottent entre 3 000
9 et 6 000.
10 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais).- Toutes ces
11 personnes étaient-elles originaires de Srebrenica ou y avait-il des civils
12 déplacés, des réfugiés, qui provenaient d'autres zones comme des zones de
13 sécurité (Zepa, Gorazde, Bihac par exemple) ?
14 M.Ruez- Non, la population qui composait l'enclave en juillet
15 1995 provenait de la région de Srebrenica mais aussi des régions situées
16 aux alentours où l'épuration ethnique qui se déroulait chassait les gens,
17 essentiellement de Svornik ainsi que de Vlasenica, en direction de
18 l'enclave.
19 Sept municipalités étaient en fait regroupées en une seule au
20 moment où l'enclave est tombée.
21 Toute la population musulmane de cette zone, qui ne pouvait
22 plus franchir l'actuelle zone de séparation et donc l'ancienne zone de
23 ligne de front, se réfugiait vers cette enclave, et les enclaves
24 communiquaient effectivement entre elles, spécialement Srebrenica et Zepa,
25 pour les problèmes d'approvisionnements ainsi que de marché noir.
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1 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais).- Parce que,
2 selon les résolutions du Conseil de Sécurité de 1993, le nettoyage
3 ethnique avait commencé en 1993 dans cette région. Je suppose donc qu'il
4 s'y trouvait un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées dans
5 cette zone. Est-ce exact ?
6 M.Ruez- C'est tout à fait exact. La population de Srebrenica,
7 dans des circonstances normales, était de 7 000 personnes et a donc enflé
8 jusqu'à 40 000 personnes au mois de juillet 1995. Et préalablement à cette
9 situation, dès 1993, la population avait déjà très fortement enflé, mais
10 une partie de cette population a pu regagner le territoire musulman après
11 l'intervention de la FOR PRONU début 1993 (mars 1993).
12 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais).- En rapport
13 avec cette question, savez-vous si ces personnes déplacées étaient pour
14 l'essentiel des personnes malades, blessées, des personnes âgées, des
15 femmes, des enfants ?
16 M.Ruez- Non, tous les cas de figure pouvaient se présenter.
17 Parmi les nombreux témoins qui ont été entendus, beaucoup venaient
18 d'endroits où ils avaient tout perdu du fait du conflit. Leur état
19 physique n'était pas pire qu'ailleurs, si ce n'est du fait de l'enclave
20 elle-même et des problèmes d'approvisionnements qui pouvaient se poser à
21 ce moment-là. Mais la population avait une répartition normale : familles,
22 enfants.
23 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais).- Oui mais,
24 parmi ces personnes déplacées, y avait-il des malades, des blessés, des
25 personnes âgées, des femmes, des enfants ? Des familles bien entendu,
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1 mais ...
2 M.Ruez- Oui, absolument, bien sûr. D'ailleurs, parmi les
3 personnes qui ont été évacuées de l'enclave, toutes les personnes qui sont
4 arrivées à Kladanj (nous n'avons d'ailleurs pas vu le bout de vidéo qui
5 avait été préparé à ce sujet), on voit clairement arriver les femmes et
6 les enfants et, dès la fin juillet 1996, toutes ces femmes et tous ces
7 enfants se sont retrouvés à Tuzla et, pour la plupart d'entre eux, sur la
8 base aérienne où 6 000 personne étaient regroupées ; puis ils ont été
9 répartis dans des centres collectifs à Tuzla et aux alentours de Tuzla, la
10 partie manquante étant la partie masculine de la population de l'enclave.
11 Les personnes âgées ont pu être évacuées. Les convois médicaux
12 ont subi de nombreux problèmes qui seraient probablement trop longs à
13 expliquer à ce stade. Globalement, la plupart des blessés ont
14 ultérieurement été échangés, mais ce sont quasiment les seuls qui ont fait
15 l'objet d'échanges. Les libérations de prisonniers qui ont eu lieu au
16 début de cette année ont concerné un très petit nombre de gens venant de
17 l'enclave de Srebrenica par rapport au nombre manquant.
18 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Pour le
19 dossier du Tribunal, il est manifeste qu'un grand nombre de femmes sont
20 arrivées à Potocari. Savez-vous quel en est le nombre approximatif ?
21 M. Ruez. - Non.
22 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous
23 décrire ce qui est arrivé aux femmes à Potocari même et autour de
24 Potocari ? Je veux surtout parler de ces usines au cours de cette terrible
25 nuit qui a suivi la chute de Srebrenica.
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1 M. Ruez. - Elles ont subi les mêmes types de crimes que le
2 reste de la population sur place. Elles n'étaient pas ciblées
3 particulièrement. La cible à ce moment-là étaient les hommes. Les soldats
4 serbes bosniaque se concentraient sur la population mâle de l'enclave. Les
5 femmes en subissaient le contre-coup direct, mais elles n'était pas
6 ciblées en tant que telles pendant cette opération.
7 Le but apparent de la situation à Potocari était de laisser
8 les crimes se commettre de façon suffisamment publique pour terroriser la
9 population qui se trouvait sur place et l'inciter à évacuer les lieux le
10 plus vite possible. Cette situation est d'ailleurs l'argumentaire
11 principal du général Mladic qui déclare deux points essentiels.
12 Le premier, c'est que tout ce qui a été fait l'a été à la
13 demande des représentants civils de la population. Nous avons exposé ce
14 qu'il en était pour ces représentants. Le deuxième point est que le départ
15 de cette population a été un départ volontaire. En fait, tout a été fait
16 pour transformer ce départ volontaire en une fuite éperdue.
17 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Ce que vous
18 dites fondamentalement, c'est que l'horreur était la même, que la peur
19 était la même pour tout le monde ?
20 (Le témoin opine de la tête.)
21 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Savez-vous
22 si, oui ou non, des unités paramilitaires serbes bosniaques ont participé
23 aux opérations qui ont suivi la chute de Srebrenica, ou s'il s'agissait de
24 troupes régulières ?
25 M. Ruez. - Des informations effectivement font état de la
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1 participation d'unités paramilitaires à cette opération. Plus ou moins
2 l'intégralité du Drina Corps a participé. Je dois mentionner que l'enquête
3 actuelle sur les auteurs suit actuellement son cours. L’identification des
4 unités ayant participé à l'opération militaire d'une part, et à
5 l'opération d'extermination d'autre part, est toujours en cours. Pour
6 l'instant, il est donc difficile d'avancer des faits avec précision. Tout
7 cela est encore en examen.
8 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Merci. Je
9 n'ai pas d'autres questions.
10 M. le Président. - Monsieur Ruez, de façon générale -c'est une
11 question tout à fait préalable- quel est le statut d'une enclave aux
12 termes des résolutions du Conseil de sécurité ? Quel était le type de
13 protection ? Rapidement, bien sûr. Mais je crois que pour le dossier du
14 Tribunal, il est important que vous le précisiez.
15 M. Ruez. - Je vais me reporter sur le représentant du
16 procureur dans la mesure où l'enquête sur les faits eux-mêmes m'a déjà
17 pris beaucoup de temps et où je ne me suis pas du tout penché sur le
18 statut juridique de l'enclave. Je n'en ai pas eu le temps depuis le mois
19 de juillet 1995.
20 M. le Président. - Ne déformez pas ma question. Ce n'est pas
21 le statut juridique que je veux connaître, mais je veux quand même savoir
22 quel était le niveau de protection que la Communauté internationale
23 accordait à ces enclaves. Combien y avait-il d'enclaves ? Quel était le
24 statut de ceux qui étaient réfugiés dans ces enclaves ? Monsieur le
25 Procureur, la question s'adresse à vous.
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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - (...)
2 spécifiquement s'agissant de l'enclave de Srebrenica.
3 (Le début de la phrase n'a pas été entendu par l'interprète.)
4 Monsieur Karremans, notre témoin suivant, déposera au sujet du
5 niveau de protection garanti dans l'enclave.
6 M. le Président. - Bien. L'autre question que je voudrais vous
7 poser, monsieur Ruez, est la suivante : à votre avis, pourquoi
8 Srebrenica ? Et pourquoi si tard sur le plan historique ? Nous sommes en
9 juillet 1995, le conflit dure depuis plusieurs années, la Communauté
10 internationale est saisie, j'ose presque dire que notre Tribunal est créé.
11 Pourquoi Srebrenica et pourquoi à ce moment-là ? L'intérêt stratégique,
12 l'intérêt historique, l'intérêt culturel, l'intérêt médiatique ? Est-ce
13 que vous avez une opinion ?
14 M. Ruez. - J'ai une opinion, mais elle sera purement
15 personnelle et n'est pas directement liée à l'enquête. Je suis assez gêné
16 d'écarter également cette question, mais la seule chose dont je pourrais
17 faire état est mon opinion purement personnelle et je ne suis absolument
18 pas expert en la matière. La seule chose dont je peux parler est en
19 rapport avec les faits qui ont été commis. Les motivations et le contexte
20 historique ne sont pas l'objet de l'enquête.
21 M. le Président. - Monsieur le Procureur, pouvez-vous alors
22 apporter un complément à cette réponse partielle ?
23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pas dans
24 l'immédiat, monsieur le Président. Je pourrai revenir sur cette question à
25 la fin de la présentation.
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1 M. le Président. - Je voudrais vous poser une question au
2 sujet des déclarations de Radovan Karadzic que vous avez citées, notamment
3 celle du "Times". Est-ce que vous les considérez -la question s'adresse
4 soit à vous, soit au Procureur- comme étant totalement solidaires de
5 l'action du général Mladic, ou avez-vous le sentiment qu'il y a une légère
6 séparation dans les points de vue, une séparation certaine, notamment dans
7 la déclaration du "Times" où il dit que les soldats ont obéi en fin de
8 compte au commandement ?
9 Je ne sais pas qui veut répondre, si c'est une opinion
10 personnelle ou si c'est le Procureur qui préfère répondre.
11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Là encore, monsieur
12 le Président, je suis prêt à répondre à cette question, si cela vous
13 convient, au moment où je résumerai les faits pour madame et messieurs les
14 juges. Monsieur Ruez est un témoin factuel qui est ici pour décrire les
15 faits, les résultats de son enquête, les conclusions auxquelles elle a
16 abouti. Il n'est pas en mesure de donner des avis du type de celui que la
17 Cour vient de lui demander. Je serai prêt à répondre à ces questions, à
18 votre intention, ultérieurement, si cela vous convient.
19 M. le Président. - Je vais poser une dernière question, mais
20 qui peut-être fera partie de votre réquisitoire final, monsieur le
21 Procureur -cette fois-ci je m'adresse au Procureur- : est-ce qu’à votre
22 avis le plan principal sur Srebrenica était l'élimination physique, le
23 plan prémédité ou concerté -si tant est que la preuve se fasse d'un plan
24 prémédité et concerté, et ceci seul le Tribunal pourra le dire- ou la
25 déportation ?
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1 Autrement dit, dans le cadre de la purification ethnique, est-
2 ce que les deux moyens sont choisis indifféremment, ou est-ce qu’on a
3 privilégié la déportation, c'est-à-dire la libération du territoire et
4 l'élimination physique étant venue parce qu'on aurait été surpris au
5 dernier moment par les difficultés logistiques, les difficultés de toute
6 sorte ? Ou est-ce qu’à votre avis -c'est un avis que je demande cette
7 fois-ci au Procureur- l'élimination physique faisait partie aussi de la
8 purification ethnique sur cette enclave, telle que prémédité, si tant est
9 que nous fassions la preuve de la préméditation ?
10 Peut-être préférez-vous attendre votre réquisitoire final ?
11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Là encore, je
12 parlerai de cela dans ma déclaration de conclusion, mais il est clair, à
13 partir de l'acte d'accusation présenté à la Cour que, du point de vue de
14 l'accusation, ces meurtres sont comparables à un génocide et font partie
15 du nettoyage ethnique qui a eu lieu dans la totalité de la
16 Bosnie-Herzégovine. C'est peut-être la manifestation ultime et sans doute
17 la plus répugnante de ce nettoyage ethnique.
18 M. le Président. - Merci, Monsieur le Procureur. Je n'ai pas
19 d'autre question, mes collègues non plus. Il nous reste à remercier le
20 témoin pour la densité et la clarté de son témoignage. Je propose de
21 suspendre l'audience jusqu'à 16 heures 45. L'audience est suspendue.
22 L'audience, suspendue à 16 h 18, est reprise à 16 h 50.
23 M. le Président. - L'audience est reprise, veuillez vous
24 asseoir.
25 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
Page 611
1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Merci Monsieur le
2 Président. Nous voudrions appeler le colonel Karremans comme prochain
3 témoin.
4 En l'attendant, nous demandons que les pièces à conviction
5 présentées dans la déposition de M. Ruez soient versées au dossier comme
6 pièces à conviction, c'est-à-dire les cartes importantes et surtout la
7 dernière présentée.
8 Nous proposons de faire une photographie de cette carte et de
9 la verser au dossier, si vous en êtes d'accord.
10 M. le Président. - Monsieur le Procureur, le Tribunal accepte
11 comme pièces à conviction l'ensemble des documents et accepte une
12 photographie de la carte selon des dispositions techniques que vous aurez
13 l'initiative de prendre.
14 Nous venons d'introduire le Colonel Karremans. Il faudrait lui
15 donner des écouteurs. M'entendez-vous Colonel ? Pouvez-vous lire la
16 déclaration qui vous est présentée ? A-t-on donné des écouteurs au Colonel
17 Karremans ?
18 Il faudrait que l'huissier sache que, chaque fois, il faut
19 présenter les écouteurs.
20 Colonel, pouvez-vous lire la déclaration qui vous est tendue ?
21 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je déclare
22 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la
23 vérité.
24 M. le Président. - Merci, Colonel. Vous pouvez vous asseoir.
25 M'entendez-vous, Colonel Karremans ?
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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui. Monsieur le
2 Président, je vous entends très bien.
3 M. le Président. - Colonel Karremans, l'accusation, dans les
4 instances qui concernent l'accusation à l'égard de MM. Radovan Karadzic et
5 Ratko Mladic, a souhaité vous entendre au soutien de son accusation.
6 Je pense que c'est le Bureau du Procureur qui va vous
7 présenter. Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
8 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Merci Monsieur. le
9 Président.
10 Colonel Karremans, pourriez-vous nous indiquer tout votre nom
11 et l'épeler ?
12 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Mon nom de
13 famille s'épelle Karremans, mon prénom, Thomas. Jakob est mon deuxième
14 prénom.
15 M. Harmon. - Quelle est votre occupation ? Que faites-vous,
16 Colonel Karremans ?
17 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Actuellement,
18 j'ai accepté une affectation aux Etats-Unis.
19 M. Harmon. - Vous êtes membre militaire néerlandais ?
20 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui.
21 M. Harmon. - Vous avez participé aux forces de maintien de
22 l'ordre des Nations Unies en Bosnie ?
23 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui.
24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Où avez-vous été
25 affecté en Bosnie ?
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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - J'ai été affecté
2 en Bosnie-Herzégovine l'année dernières, de janvier à juillet, et ce à
3 Srebrenica.
4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quels étaient tout
5 particulièrement vos devoirs et vos activités ?
6 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je commandais le
7 bataillon néerlandais dans la zone de sécurité de Srebrenica.
8 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quel était le
9 mandat reçu des Nations Unies pour cette affectation ?
10 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il s'agissait,
11 dans le mandat des Nations Unies, de faire en sorte que, dans des zones de
12 sécurité comme celle de Srebrenica qui avait été créée en fonction d'une
13 résolution, la résolution 819 du Conseil de Sécurité adoptée après le
14 cessez-le-feu entre le général Ratko Mladic et le général Morillon en
15 1993, nous prenions nos fonctions. Nous les avons prises en 1994, c'est-à-
16 dire l'année suivante. J'étais là commandant du bataillon néerlandais.
17 C'était ma mission.
18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - L'armée des Serbes
19 bosniaques a-t-elle entravé votre mission à Srebrenica ou a-t-elle empêché
20 que vous ne l'accomplissiez.
21 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - A l'époque,
22 quand nous sommes arrivés non, mais au fur et à mesure que notre séjour se
23 poursuivait dans l'enclave oui. Ils ont entravé et empêché que nous
24 réalisions notre mission, disons à partir de la mi-février et pendant les
25 cimes derniers mois.
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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous
2 expliciter un peu les choses ?
3 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, mais il
4 faudrait que je vous explique exactement quelle était la mission du
5 bataillon néerlandais. Elle était double.
6 En premier lieu, c'était une mission purement militaire, et le
7 deuxième volet était une mission humanitaire.
8 Il s'agissait, pour ce qui est l'aspect militaire, de veiller
9 à ce que le cessez-le-feu soit respecté entre les deux parties au conflit.
10 Il s'agissait d'aider les autorités civiles dans l'opstina de Srebrenica à
11 poursuivre les négociations entre l'armée serbe bosniaque et le BIH et
12 d'empêcher que l'armée serbe n'attaque l'enclave.
13 Le volet humanitaire consistait à aider les réfugiés qui se
14 trouvaient dans l'enclave et de les aider, autant que faire se peut du
15 point de vue médical, en les alimentant, en les nourrissant, d'améliorer
16 l'infrastructure de l'enclave.
17 C'était le deuxième volet de la mission du bataillon. Quand
18 nous avons pris position en janvier 1995, nous étions le troisième
19 bataillon, nous n'avons pas eu de problème au départ en ce qui concerne
20 nos relations avec l'armée serbe bosniaque. Nous avons eu quelques
21 problèmes avec le BIH, c'est-à-dire l'armée bosniaque qui se trouvait dans
22 l'enclave.
23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quels problèmes
24 avez-vous rencontrés, ensuite, au fur et à mesure que vous étiez dans
25 l'enclave et dans vos relations avec l'armée serbe bosniaque ?
Page 615
1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - C'est le 18
2 février. Les problèmes ont commencé lorsque le dernier convoi avec du
3 diesel et du gaz est arrivé. Nous en avions besoin pour accomplir notre
4 mission.
5 Je vais vous expliquer. Nous utilisions 4 000 à 5 000 litres
6 de carburant pour nos véhicules pour faire des patrouilles de
7 reconnaissance et pour assumer notre mission à partir des postes
8 d'observation. Le dernier convoi est arrivé le 18 février. Cela veut dire
9 que nous avons dû réorganiser complètement la manière dont nous avons
10 fonctionné parce que nous avions besoin de ce carburant pour assumer notre
11 mission.
12 Au cours du mois de février, en mars, avril et jusqu'en
13 juillet, les quantités de diesel dont nous disposions ont diminué sans
14 cesse. En fin de compte, nous avons dû patrouiller à pied. C'est un
15 exemple. Nous n'avons pas pu réapprovisionner nos postes d'observation,
16 nous n'avons pas pu continuer à patrouiller avec des véhicules motorisés.
17 Nous avons dû tout faire à pied. En fait, les problèmes de la présence de
18 mines se sont posés tout particulièrement. C'est l'exemple du manque de
19 diesel.
20 A la fin du mois d'avril, les gros problèmes avec les convois
21 ont commencé. La "terreur de convoi", comme nous l'avons appelée. Plus
22 aucun convoi n'est arrivé. Le personnel néerlandais qui était en
23 permission aux Pays-Bas n'a pas pu revenir. Ils ont été arrêtés à Zagreb.
24 Ils n'ont pas pu continuer leur route, ce qui veut dire qu'environ 180
25 personnes de mon bataillon n'ont pas pu aller plus loin que Zagreb. Cela
Page 616
1 comprenait des personnes assez importantes : mon adjoint, le commandant
2 adjoint du bataillon et d'autres personnes importantes pour le
3 fonctionnement du bataillon.
4 Cela s'est produit à partir de la fin du mois d'avril. A la
5 fin de ce mois-là, également, dans la mesure où les convois ne pouvaient
6 plus arriver, je n'ai plus reçu d'approvisionnement, dans le domaine
7 médical en particulier, et ceci, naturellement, a touché non seulement le
8 bataillon mais également la population. Pas non plus d'approvisionnement
9 en aliments, pas de pièces détachées pour les véhicules, pas d'équipement
10 d'ingénierie pour aider l'opstina et la population habitant l'opstina pour
11 réparer les infrastructures. Pas d'équipement pour tester mes véhicules
12 militaires de munitions et ceci, en fait, a marqué toute la fin de notre
13 séjour.
14 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quel a été l'impact
15 de ces blocus de l'armée serbe bosniaque sur la population ?
16 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - 25 000 personnes
17 vivaient dans l'enclave et la plupart étaient des réfugiés. Au départ en
18 fait, il n'y avait que 8 000 habitants dans le village de Srebrenica. Vous
19 pouvez vous imaginer la gageure pour l'administration de Srebrenica
20 d'avoir 25 000 personnes, alors que l'infrastructure était prévue pour
21 8 000. C’était, ne serait-ce que du point de vue de l'alimentation, un
22 gros problème. En fait, c'était le Haut-Commissariat aux Réfugiés des
23 Nations Unies qui était responsable de l'approvisionnement en
24 alimentation. Celui-ci rencontrait les mêmes problèmes que nous pour faire
25 entrer l'approvisionnement pour les habitants de l'enclave.
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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). -Des plaintes ont-
2 elles été adressées aux autorités serbes bosniaques en ce qui concerne le
3 blocus ?
4 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, nous nous
5 sommes plaints. D'ailleurs tous les jours, à 6 heures de l'après-midi,
6 nous faisions un rapport d'information à l'échelon le plus élevé à Tuzla.
7 Ensuite, cela passait à Sarajevo, au commandement de Bihac, puis à celui
8 de Zagreb. Ils étaient donc au courant des problèmes que nous connaissions
9 dans l'enclave, non seulement les problèmes du bataillon, mais aussi ceux
10 que connaissait la population
11 Tous les jours, nous faisions un rapport aux échelons les plus
12 élevés de la hiérarchie et d’autre part, tous les deux jours, pendant mon
13 séjour à Srebrenica, je faisais un rapport décrivant les conditions très
14 difficiles dans lesquelles se trouvait la population, également après des
15 rencontres avec les autorités locales qui nous faisaient connaître leurs
16 problèmes concernant la population et nous en faisions état dans nos
17 rapports quotidiens.
18 Dans les rapports que j'adressais à Zagreb et à mon état-major
19 à La Haye, je faisais mention de ces problèmes.
20 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Vous aviez des
21 contacts avec la hiérarchie militaire et c’étaient les militaires de
22 Bratunac. Dans ce contexte, vous êtes-vous plaints du blocus ?
23 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Oui, chaque
24 fois que nous avions des rencontres avec des représentants de l’armée
25 serbe bosniaque, nous indiquions les problèmes que nous rencontrions, nous
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1 fondant sur ce que nous avaient dit les autorités civiles à propos de
2 l’approvisionnement en vivres et des problèmes médicaux.
3 Au départ, nous avions apporté une aide avec Médecins sans
4 frontières, en assurant une sorte d'assistance médicale ambulatoire, en
5 donnant des médicaments, en apportant des médicaments à l'hôpital de
6 Srebrenica, en dispensant des soins soit dans l'hôpital, soit dans notre
7 base. Mais ensuite, à la fin du mois d'avril, tout cela s'est arrêté, ce
8 qui, naturellement, a rendu la vie quotidienne très difficile. Chaque fois
9 que nous rencontrions des représentants de l'armée serbe bosniaque, nous
10 leur faisions part de ces problèmes
11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quelle a été leur
12 réaction ?
13 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Aucune.
14 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous
15 identifier certaines des personnes dans l’armée serbe bosniaque avec
16 lesquelles vous avez eu des contacts ?
17 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Oui. La personne
18 que j'ai rencontrée la première semaine, lors de mon arrivée à Srebrenica,
19 est le Colonel Vukovic. Il était ce que l’on appelle l’officier de liaison
20 entre le Drina Corps et le bataillon néerlandais. Il était également
21 commandant d'une brigade qui se trouvait dans la partie méridionale de la
22 région de Srebrenica.
23 Le deuxième représentant de l'armée serbe bosniaque que nous
24 avons rencontré -et ce, à maintes reprises- est le major Nikolic, qui
25 était le responsable officier de liaison de la brigade de Bratunac,
Page 619
1 brigade qui se trouvait dans la partie nord en dehors de l'enclave.
2 C’était à lui que nous avions affaire du fait qu'il était officier de
3 liaison.
4 Ce n'est peut-être pas sur une base quotidienne que nous
5 rencontrions ces deux personnes, mais en général deux fois par semaine, et
6 même parfois une fois par mois, lorsqu’eux choisissaient de nous
7 rencontrer. Ce n’était pas nous qui décidions de les rencontrer.
8 La troisième personne était Petar, un interprète qui était
9 employé par ces officiers.
10 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Lorsque vous avez
11 eu des contacts avec le major Nikolic, a-t-il exprimé une opinion en ce
12 qui concerne son attitude à l'égard de la population musulmane de
13 Srebrenica ?
14 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, en fait
15 lors d'une des réunions -nous avions d'ailleurs toujours nos réunions soit
16 à OP Papa ou à OP Echo, une fois au sud et une fois au nord-, je me
17 souviens que lors d'une de ces rencontres, au mois de janvier/février, il
18 a dit -et on voyait, lorsqu’il parlait, sa haine pour la population
19 musulmane sur son visage, et surtout sa haine à l'égard des populations
20 musulmanes qui se trouvaient dans l'enclave- que s'il avait cette haine,
21 c'était parce que la moitié de sa famille avait été assassinée pendant la
22 deuxième guerre mondiale. Par ailleurs, il nous a dit qu'à son avis, tous
23 les Musulmans devraient quitter la Bosnie-Herzégovine.
24 En repensant à ce qui s’est passé pendant ces jours-là, je
25 crois qu’il ressentait vraiment ce que l’on voyait dans ses yeux, cette
Page 620
1 haine qu'il exprimait par son regard et par ses paroles.
2 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Colonel Karremans,
3 vous avez dit qu'un certain nombre de soldats néerlandais étaient
4 positionnés dans l'enclave de Srebrenica. Je voudrais vous montrer une
5 carte de cette enclave et vous poser certaines questions concernant cette
6 carte.
7 Nous allons remettre des exemplaires de cette carte à la
8 Chambre. L'huissier pourrait-il avoir l'amabilité d'apporter ces cartes au
9 siège ? Cette pièce doit être projetée à l'écran.
10 Pourriez-vous indiquer sur cette carte les sites où se
11 trouvaient positionnés des soldats néerlandais dans l'enclave ?
12 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, si vous
13 regardez la carte, vous pouvez voir cette ligne en pointillés avec un C en
14 haut et un B en-dessous.
15 Nous avons repris les positions du bataillon qui nous avait
16 précédés. En fait, nous avons divisé cette partie en deux : la partie du
17 nord qui relevait de la responsabilité de notre compagnie C et la partie
18 du sud qui relevait de la responsabilité du corps B.
19 En janvier, nous avons installé huit postes d'observation à
20 partir desquels il nous était possible de surveiller toute une partie de
21 cette zone. Au début, les deux compagnies disposaient de postes
22 d'observation.
23 Je commencerai en haut ici, OP Papa, le poste d’observation
24 dont je vous ai parlé tout à l’heure lorsque je vous ai dit que c’est là
25 que nous rencontrions des représentants de l'armée serbe bosniaque.
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1 OP Québec, OP Roméo, côté est, OP Novembre ici, au nord. Ces quatre postes
2 appartenaient à la compagnie C, y compris le poste d'observation Alpha. En
3 fait, nous disposions de cinq postes d'observation au départ.
4 Dans la partie sud, OP Charlie à l’ouest, OP Echo ici au sud
5 et OP Fox-Trot également dans cette partie sud. Au total, huit postes
6 d'observation lorsque nous avons pris position.
7 Ce que j'ai dit tout à l'heure, monsieur le président, c'est
8 que du fait de cette "terreur de convois", comme nous l'avons appelée, et
9 que nous n'avions plus assez de carburant, nous avons adapté notre mission
10 au jour le jour. Chaque jour, nous définissions notre mission à partir des
11 postes d'observation, avec des patrouilles entre les postes d'observation
12 et à l'intérieur de l'enclave. Nous avons travaillé plus au niveau des
13 postes d'observation qu'avec des véhicules et ensuite nous avons
14 patrouillé à pied.
15 Comme nous n'avions pas assez de carburant, nous avons décidé
16 de construire plus de postes d'observation que nous n'en avions installé
17 avec l'armée bosniaque dans l'enclave, et nous en avons discuté avec les
18 représentants de l'armée serbe bosniaque. Ils ont tous été d'accord, sauf
19 en ce qui concerne le poste d'observation qui se trouve ici, mais j'y
20 reviendrai ultérieurement.
21 Au cours de notre séjour, nous avons ouvert OP Mike et
22 OP Delta, ainsi que OP Hôtel, le plus ancien. Nous en avons ouvert un
23 autre, OP Hotel le nouveau, près de Srebrenica. Nous avons eu beaucoup de
24 problèmes avec les OP Kilo et Delta , les deux derniers, parce que nous
25 avions placé ces postes d'observation sur des routes de contrebande.
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1 Nous avons remarqué pour notre part, et les bataillons qui
2 nous ont précédé l'avaient remarqué, qu'il y avait beaucoup de contrebande
3 entre Zepa et Srebrenica et que différents itinéraires étaient utilisés
4 pour aller à Zepa. C'est pourquoi nous avons mis Delta et Kilo sur ces
5 itinéraires, sur ces routes.
6 De leur côté, les militaires bosniaques ont rencontré pas mal
7 de problèmes au moment où nous avons établi ces deux postes d'observation,
8 mais finalement nous les avons quand même installés.
9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Combien de soldats
10 aviez-vous positionné dans ces différents postes d'observation ?
11 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Au début, en
12 janvier, on a commencé avec 10 soldats par poste d'observation. Par la
13 suite, à la fin du mois d'avril, lorsque le convoi d'aide n'a pas pu
14 rentrer à Srebrenica, nous avons dû réaménager nos patrouilles ; nous
15 avons changé les plans, c'est-à-dire l'approvisionnement et le nombre de
16 personnes stationnées dans les postes. Nous avons eu des postes
17 d'observation avec 10 personnes qui observaient et assuraient les
18 patrouilles. Par la suite, nous avons eu seulement 6 postes qui étaient
19 destinés uniquement aux activités d'observation.
20 A la fin de notre séjour dans la région, il y avait un total
21 de 12 postes. Quelque 9 200 soldats y travaillaient.
22 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Normalement,
23 combien de soldats se trouvaient dans ces différents postes ?
24 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Le bataillon
25 lui-même se composait de 780 soldats. 180 se trouvaient dans la région de
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1 Tuzla. Une compagnie, un régiment... Un régiment c'est très grand.
2 600 soldats, y compris 50 des postes sur le terrain, dans le cadre de
3 l'enclave, donc cela faisait dans les 600 et un peu plus. Puis 150 à
4 180 n'étaient pas rentrés. Par conséquent, je pense que nous avions
5 quelque 400 soldats à la fin du mois d'avril et entre le mois d'avril et
6 le mois de janvier.
7 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - En effet, la moitié
8 se trouvaient dans les postes d'observation, quelques centaines
9 s'occupaient des patrouilles spéciales, le long des lignes de démarcation
10 de l'enclave et assuraient la garde des deux campements. Les 200 autres
11 soldats étaient postés dans le cadre du bataillon, ils assuraient la
12 logistique et gardaient les postes sur le terrain.
13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Donc vous aviez
14 près de la moitié de vos soldats, de vos effectifs disponibles au cours de
15 ce mois de juillet. Pourriez-vous décrire à la Cour le type d'armements
16 que vous aviez dans le cadre de votre bataillon ?
17 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Notre
18 gouvernement avait choisi les armements que nous avions sur le terrain. A
19 l'époque, il s'agissait de petites pièces d'armement (pistolets ou
20 automatiques légers, fusils). Ensuite, nous avions des automatiques légers
21 dans le cadre des postes d'observation et dans les deux campements. Des
22 automatiques lourds, des armes personnelles, des transporteurs d'armes
23 personnelles, 6 mortiers de 81 millimètres qui étaient dans certains de
24 ces postes d'observation. J'avais à ma disposition des armes antichars de
25 moyenne et longue portée, dont un transporteur de systèmes antichars et de
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1 petites pièces antichars. Enfin, c'était à peu près l'armement dont
2 disposait notre bataillon.
3 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce que le
4 blocage des Bosniaques serbes de Srebrenica en avril était dû au manque de
5 munitions ou à la qualité de votre armement ?
6 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, cela se
7 passait déjà lorsque nous étions dans l'enclave, parce que nous avons dû
8 faire certaines choses. Nous avons dû opérer grâce à nos armes
9 personnelles et nous avons repris tout cela au premier bataillon. Il
10 s'agissait de petites pièces d'armes. On les utilisait, on les entretenait
11 de jour en jour et on les utilisait. Ensuite, les systèmes antichars que
12 j'avais et les fusils et les tanks que nous avions pouvaient être
13 utilisés, mais évidemment je n'avais pas l'équipement de testing
14 nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de ces armes.
15 La situation a changé lorsqu'est arrivé le premier bataillon.
16 J'avais seulement 16 % de l'armement dont nous étions sensés disposer.
17 Evidemment, ceci était dû aux circonstances qui prévalaient sur place.
18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce que le
19 Général Mladic avait des renseignements sur ce qui se passait dans
20 l'enclave ?
21 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui. D'abord,
22 grâce aux troupes qu'il avait autour de l'enclave, il pouvait savoir ce
23 qui s’y passait : ce que nous faisions, quelles patrouilles nous
24 effectuions, quels véhicules nous utilisions et quand étaient
25 réapprovisionnés nos postes d'observation. Et tout ceci au cours du mois
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1 de juillet.
2 Ensuite, il était parfaitement au courant des
3 approvisionnements que le bataillon recevait parce qu'il était le
4 responsable. Il avait des personnels dans son quartier-général et surtout,
5 après le mois d'avril, ceux-ci pouvaient arrêter nos convois et contrôler
6 les différents documents de chargement et de déchargement. D'après toute
7 cette documentation, il pouvait savoir ce que notre bataillon dans
8 l'enclave recevait en approvisionnements : vivres, pièces de rechange,
9 autres équipements.
10 Ensuite, il était parfaitement au courant de ce qui se passait
11 dans l'enclave des deux côtés, notamment dans les milieux de la population
12 civile. D'ailleurs, il m'en a parlé : au cours d'une réunion que j'ai eue
13 avec lui, il m'a indiqué qu'il était bien au courant de ce qui s'y passait
14 sur place à chaque minute, chaque jour, à chaque instant.
15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Lorsque l'armée des
16 Serbes bosniaques a investi l'enclave...
17 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Est-ce que vous
18 pourriez reprendre la question ?
19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Avant qu'elle ne
20 commence à investir l'enclave, est-ce que cette même armée serbe a attaqué
21 les soldats du bataillon néerlandais ?
22 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - C'est à cette
23 période que les frappes aériennes ont repris dans le secteur de Pale.
24 C'est ainsi que 300 soldats des Nations Unies ont été enlevés à cette
25 époque. Je fais référence aux problèmes -que vous connaissez- qui se sont
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1 posés dans les zones de sécurité de Zepa et de Gorazde. Il y avait des
2 problèmes avec les Ukrainiens et leurs postes d'observation. Cela s'est
3 produit également au début du mois de juin.
4 Le 1er juin, j'ai dû me rendre à l'OP, au poste d'observation
5 Echo, dans le secteur sud de l'enclave. J'ai téléphoné grâce à une ligne
6 terrestre qui existait entre le poste d'observation Echo et l'un des
7 postes d'observation de l'armée des Serbes bosniaques, ligne que nous
8 pouvions utiliser pour nos communications téléphoniques lorsque nous
9 voulions les rencontrer ou lorsqu'ils voulaient nous rencontrer.
10 J'ai donc téléphoné. J'ai eu au bout du fil un interprète,
11 Petar, et un certain Vukovic qui m'a prié d'envisager de quitter le poste
12 d'observation Echo pour des raisons dont il ne m'a pas fait part. J'ai
13 alors indiqué que nous n'avions pas l'intention de quitter le poste
14 d'observation Echo.
15 Le 3 juin, tôt le matin, vers 9 heures si je ne me trompe pas,
16 l'armée serbe bosniaque a attaqué ce poste d'observation avec des
17 grenades, avec un tir de mortier, avec des chars anti-artillerie. Pris
18 sous le feu, l'équipage de ce poste d'observation a réussi à s'en tirer
19 sans laisser personne derrière, mais en abandonnant toutefois un
20 équipement important sur place (véhicules, systèmes de communication,
21 certains effets personnels, armes et un véhicule du poste d'observation).
22 C'était le premier poste d'observation que nous perdions effectivement,
23 c'était au début du mois de juin.
24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Combien de soldats
25 se trouvaient dans ce poste d'observation au moment de l'attaque ?
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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il y avait
2 10 soldats.
3 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous, je
4 vous prie, continuer et décrire ce qui s'est passé postérieurement à cette
5 attaque contre les postes d'observation ?
6 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Ensuite, l'armée
7 serbe bosniaque a laissé sur place le APC* du poste Echo. Nous avons
8 préparé un rapport pour les échelons supérieurs et avons demandé une
9 réunion avec le colonel Vukovic ou le colonel Nikolic pour nous informer
10 de ce qui se passait et pour situer, identifier l'objectif de cette
11 attaque, c'est-à-dire qu'on a voulu récupérer ce poste d'observation et
12 l'équipement qui restait sur place.
13 La deuxième chose que nous avons faite aussitôt après avoir
14 perdu ce poste d'observation a été d'établir un poste d'observation Sierra
15 et uniforme à quelque 200 mètres au nord du poste d'observation Echo.
16 L'armée des Serbes bosniaques a eu une réaction de surprise. Ils ne
17 s'attendaient pas à une contre-offensive de notre part. Nous avions perdu
18 le poste d'observation Echo, mais nous avions deux autres postes à
19 proximité immédiate.
20 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quelle a été la
21 réaction des officiers de liaison lorsque vous leur avez demandé à
22 récupérer ces différents postes d'observation ?
23 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Pendant un
24 certain temps, au moment où nous avons eu cette première réunion après la
25 perte du poste d'observation Echo -je ne me souviens pas exactement quand
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1 a eu lieu cette première réunion, disons que c'était le 3 juin-, la
2 réaction a été telle que nous n'avons pas pu reprendre le poste
3 d'observation.
4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu
5 d'autres attaques contre des postes d'observation avant ou après
6 l'invasion de Srebrenica ?
7 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non.
8 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A l'occasion de
9 l'attaque contre le poste d'observation, est-ce que des soldats hollandais
10 ont été faits prisonniers ?
11 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Pas en cette
12 occasion.
13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Bien. Pouvez-vous
14 nous dire en quelle occasion ils ont été faits prisonniers ?
15 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, je le peux.
16 Monsieur le président, cela s'est produit disons le 6 juillet, c'est-à-
17 dire déjà un mois plus tard. Dans la période allant du 3 juin, prise de
18 OP Echo, au 6 juillet, il y a eu une certaine accalmie dans la région,
19 même si la situation était assez tendue, dirais-je. Mais dans les faits,
20 le calme régnait, à part en une occasion, à la mi-juin, lorsque quelque
21 chose s'est passé aux environs même de Srebrenica.
22 Le 6 juillet, vers 3 heures du matin, la guerre a éclaté. Elle
23 a commencé dans la région où nous nous trouvions, dans la base de
24 Potocari, par des coups de feu tirés contre la base, une attaque à la
25 roquette également. L'attaque a commencé dans la partie sud de l'enclave,
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1 là où se trouvait le poste d'observation Fox-trot. Le 6 juillet était un
2 jeudi et ces attaques ont duré 6 jours.
3 Le premier poste d'observation qui a subi une réelle attaque
4 de la part de soldats équipés d'armes légères et de chars a été le poste
5 d'observation fox-trot qui a été attaqué le jeudi, le vendredi et le
6 samedi. Et le samedi, vers 1 h 00, si je me souviens bien, j'ai donné
7 l'ordre de battre en retraite. Les hommes ont donc quitté le poste
8 d'observation pendant l'arrêt des combats.
9 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Combien y avait-il
10 d'hommes au poste d'observation fox-trot ?
11 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Sept.
12 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Très bien, continuez
13 Colonel Karremans.
14 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Le samedi après-
15 midi, alors que le poste d'observation fox-trot était attaqués déjà depuis
16 trois jours, j'ai à nouveau demandé un appui aérien, et les choses ont
17 commencé à s'accélérer car, le samedi et le dimanche, j'ai perdu plusieurs
18 postes d'observation dans le secteur sud de l'enclave, ici.
19 Il y avait deux possibilités qui s'offraient aux soldats
20 responsables des postes d'observation , il y en avait, en fait, même
21 trois : soit quitter le poste d'observation et retourner à la base,
22 deuxième possibilité, rester sur place aussi longtemps que possible, en
23 construisant des murs de défense, en utilisant tous les moyens d'abri
24 disponibles à l'intérieur du poste, troisième possibilité, battre en
25 retraite à partir du poste d'observation en sachant que les Bosniaques
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1 allaient créer des problèmes car, selon eux, il ne nous était pas permis
2 de battre en retraite, il fallait que nous restions dans les postes
3 d'observation.
4 Evidemment il y avait une autre possibilité qui était
5 d'abandonner les postes et de laisser ces postes aux forces bosniaques.
6 Les postes d'observations ont été donc attaqués par les forces
7 serbes de Bosnie. Ces soldats serbes bosniaques les ont encerclés et la
8 seule chose que pouvaient faire nos soldats, c'était de remettre les
9 équipements et d'utiliser leur véhicule pour aller à Semici(?) ou à
10 Bratunac.
11 M. Harmon (interprétation de l'anglais).6 Combien de soldats
12 néerlandais ont-ils été arrêtés par l'armée serbe bosniaque lors de ces
13 attaques contre les postes d'observation ?
14 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Finalement, dans
15 sept ou huit postes d'observation différents, 55 soldats ont été arrêtés.
16 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Et tous ces 55
17 soldats étaient des soldats d'infanterie ?
18 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, ils
19 appartenaient tous à l'infanterie.
20 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Si je calcule bien,
21 cela faisait près de 25 % des forces d'infanterie que vous aviez à votre
22 disposition à la base ?
23 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, exactement.
24 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Savez-vous combien
25 de soldats de l'armée serbe bosniaque ont participé à l'invasion de
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1 Srebrenica ?
2 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je ne l'ai pas su
3 sur le moment.
4 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avez-vous pu le
5 découvrir plus tard ?
6 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui car le
7 général Mladic m'a dit finalement qu'il avait utilisé un grand nombre de
8 soldats qui étaient à sa disposition autour de l'enclave de Srebrenica. Ce
9 n'étaient pas les forces qui se trouvaient autour de l'enclave au début,
10 il s'agissait bien de forces fraîches. Il a utilisé une brigade pour
11 l'attaque réalisée du sud vers le nord, une autre brigade a agi de l'est
12 vers l'ouest, et il avait une brigade en réserve au nord de Bratunac.
13 Bratunac est une ville qui se trouve par là. En fait il m'a donc dit
14 disposer de trois brigades, en tout cas de trois unités de la taille d'une
15 brigade, et qu'il en avait utilisé deux.
16 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Combien y avait-il
17 d'hommes par brigade ?
18 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je ne sais pas
19 mais je pense qu'il y a entre 1 000 ou 1 500 soldats dans une brigade,
20 équipés d'armements lourds différant de celui dont nous disposions nous-
21 mêmes à l'époque.
22 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Maintenant
23 j'aimerais vous poser une autre question, Colonel Carremans : quelles
24 étaient les armes à la disposition des forces serbes bosniaques ?
25 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Ils possédaient
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1 tout l'équipement provenant de l'ancienne armée yougoslave en tout cas de
2 ce qu'il en restait, ils possédaient un grand nombre de pièces
3 d'artilleries. Nous les avions déjà remarquées aux alentours de l'enclave
4 pendant notre séjour dans cette enclave. Il leur arrivait de modifier la
5 position de ces pièces d'artillerie. Ils modifiaient également la position
6 des mortiers (mortiers légers et mortiers lourds) ; je parlerais d'un
7 grand nombre de pièces d'artillerie. Ils avaient également des chars OT 55
8 et même des chars de construction plus récente que nous avions remarqués
9 et nous les avons vu utiliser. Ils avaient également quelques pièces
10 d'artillerie antiaérienne qu'ils n'utilisaient pas contre les avions, mais
11 directement pour des tirs contre les habitations de la région. Et
12 beaucoup.d'armes antichars.
13 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avaient-ils des
14 lances roquettes multiples ?
15 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, ils avaient
16 un certain nombre de lances roquettes multiples de petite taille, tous
17 montés sur roues. Nous en avons remarqué au moins trois au nord de la base
18 de Potocari, dans les collines. Et ils avaient un lance roquettes multiple
19 de plus grande taille dans la ville de Bratunac qu'ils ont utilisé
20 également pour pilonner la ville de Srebrenica.
21 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Monsieur le
22 président, je regardais ma montre et je pensais que c'était le moment
23 approprié de suspendre la séance.
24 M. le Président.- Je partage votre avis, ainsi que mes
25 collègues ; c'est le moment approprié. Nous levons donc la séance de ce
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1 jour et le tribunal reprendra ses travaux demain matin à 10 h 00.
2
3 L'audience est levée à 17 heures 40.
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