LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Mohamed Bennouna
M. le Juge Patrick Robinson
Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier
Décision rendue le :
2 mars 1999
LE PROCUREUR
C/
Dario KORDIC
Mario CERKEZ
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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE CONJOINTE DE LA DÉFENSE EN VUE DE SUPPRIMER LES CHEFS DACCUSATION 37 ET 40 POUR CAUSE DARGUMENTATION INSUFFISANTE EN CE QUI CONCERNE TOUS LES ÉLÉMENTS EXIGÉS PAR LARTICLE 2 D) DU STATUT
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Le Bureau du Procureur :
M. Geoffrey Nice
M. Rodney Dixon
Les Conseils de la Défense :
M. Mitko Naumovski, M. Leo Andreis, M. David F. Geneson, M. Turner T.
Smith, Jr. et
Mme Ksenija Turkovic, pour Dario Kordic
M. Bozidar Kovacic, pour Mario Cerkez
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991 (le "Tribunal international"), est actuellement saisie, dune part, de la «Requête conjointe de la Défense en vue de supprimer les chefs daccusation 37 et 40 pour cause dargumentation insuffisante en ce qui concerne tous les éléments exigés par larticle 2 d) du Statut» (la «Requête»), déposée le 22 janvier 1999 par les Conseils des deux accusés, Dario Kordic et Mario Cerkez (ensemble «la Défense») et, dautre part, de la «Réponse du Procureur r Requete conjointe de la Défense en vue de supprimer les chefs daccusation 37 et 40 pour cause dargumentation insuffisante en ce qui concerne tous les éléments exigés par larticle 2 d) du Statut», déposée le 5 février 1999 par le Bureau du Procureur (l«Accusation»).
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE, APRÈS AVOIR EXAMINÉ les conclusions écrites des parties,
REND PAR LA PRÉSENTE SA DÉCISION ÉCRITE.
II. DISCUSSION
A. Arguments des Parties
1. La Défense soutient que les Chefs 37 et 40 de lActe daccusation modifié, aux termes desquels les accusés sont inculpés de «destruction de biens à grande échelle», une infraction grave aux Conventions de Genève de 1949 sanctionnée par larticle 2 du Statut du Tribunal international («le Statut»), devraient être entièrement supprimés. Elle estime que pour quil y ait infraction grave au sens de larticle 2 du Statut, il faut que les biens dont on allègue la destruction soient «protégés» aux termes des dispositions de la Convention de Genève pertinente. Il ne ressort pas de lActe daccusation modifié que les biens dont on allègue la destruction étaient «protégés» de la sorte. La Défense fait valoir que le fait que le Procureur nait pas fait état de lélément exigé pour que le crime soit constitué vicie gravement les chefs daccusation.
2. La Défense fait également valoir que larticle 2 d) du Statut exige que soient prouvées aussi bien lappropriation que la destruction des biens. La Défense soutient que lActe daccusation modifié ne dit pas que les biens en cause ont été lobjet dune «appropriation» de la part des accusés et quelle ne fonde donc pas son allégation sur larticle 2 d) du Statut.
3. LAccusation estime quen ce qui concerne les charges figurant aux Chefs daccusation 37 et 40, elle sest dûment acquittée des obligations qui lui incombent à ce stade de la procédure en informant laccusé de la nature et de la cause des charges retenues contre lui. Le Procureur fait valoir également que les arguments de la Défense relatifs aux éléments constitutifs dun crime aux termes de larticle 2 d) du Statut sont incorrects. En effet, il ressort clairement dun examen des dispositions pertinentes des Conventions de Genève que l«appropriation» et la «destruction» des biens sont considérées comme deux crimes distincts.
B. Analyse
4. La Chambre de première instance est davis que le fait de ne pas alléguer expressément dans lActe daccusation modifié que les biens détruits étaient protégés aux termes des Conventions de Genève ninvalide pas ledit Acte daccusation, dans la mesure où laccusé est inculpé dune «infraction grave reconnue par larticle 2 d) du Statut» et où les dispositions de cet article, qui contient des éléments relatifs à la protection des biens, se retrouvent ainsi, par renvoi, aux Chefs daccusation 37 et 40.
5. Une interprétation raisonnable des dispositions pertinentes de larticle 2 d) du Statut ne permet pas de conclure quun accusé ne peut être inculpé que pour appropriation et destruction de biens protégés. Rien ne suggère dans larticle lui-même que lintention de ses rédacteurs était de traiter la destruction et lappropriation de biens comme un seul crime. La distinction de la nature des deux crimes ressort, en outre, clairement des dispositions pertinentes de la quatrième Convention de Genève de 1949 et, en particulier, de son Commentaire1.
III. DISPOSITIF
Par ces motifs,
EN APPLICATION de larticle 72 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international,
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE REJETTE la Requête conjointe de la Défense en vue de supprimer les chefs daccusation 37 et 40 pour cause dargumentation insuffisante en ce qui concerne tous les éléments exigés par larticle 2 d) du Statut.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le Président de la Chambre de première instance
(Signé)
M. le Juge Richard May
Fait le deux mars 1999
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal]