Page 13653
1 Le mercredi 02 février 2000<
2 [Audience publique]
3 [Les accusés entrent dans la Cour]
4 --- L’audience débute à 9 h 40
5 LA GREFFIÈRE (interprétation) : Bonjour,
6 Messieurs les Juges. Il s’agit de l’affaire IT-95-14/2-T,
7 Le Procureur contre Dario Kordic et Mario Cerkez.
8 Me NICE (interprétation) : Monsieur le Président,
9 les deux témoins de Bosnie sont ici mais vraiment, ils
10 viennent seulement d’arriver. Je ne vais pas prononcer
11 leurs noms parce que peut-être ils feront une demande de
12 mesures de protection. Je ne sais pas encore.
13 Le témoin qui produira la cassette vidéo, je lui
14 ai parlé quelque peu et il a exprimé des inquiétudes quant
15 à la possibilité d’être poussé à déposer le plus vite
16 possible avant consultation préalable puisqu’il est train
17 de parler avec Me Lopez-Terres. Donc, avant sa déposition,
18 je demanderais de disposer de quelques minutes afin de
19 vérifier s’il est prêt à déposer ou pas.
20 En ce qui concerne le deuxième témoin, nous avons
21 pu nous entretenir avec lui ce matin aussi et j’espère
22 qu’il sera prêt à témoigner ce matin.
23 Donc, compte tenu de ces circonstances, je suggère
24 à Me Stein d’avancer maintenant son argument concernant
25 l’admissibilité de la cassette et puis, nous verrons quel
Page 13654
1 sera le progrès auquel nous aboutirons.
2 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Donc, il
3 s’agit ici du témoin dont nous avons reçu la déclaration ?
4 Me NICE (interprétation) : Oui.
5 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Donc, la
6 déclaration mais non pas le résumé ?
7 Me NICE (interprétation) : Effectivement, ici, la
8 déclaration elle-même a pris la forme d’un résumé. Donc,
9 il s’agit d’une déclaration extrêmement concise, et à la
10 page 3, elle contient la table des matières en ce qui
11 concerne ce qui est entendu sur la cassette et contenant le
12 nom de tous les appels.
13 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Peut-être vous
14 pourriez rapidement verser cela au dossier.
15 Me NICE (interprétation) : Tout à fait mais je ne
16 sais pas si je peux procéder avec la déclaration plus
17 brève.
18 Me Stein peut-être pourrait nous présenter ses
19 arguments maintenant ?
20 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui. Peut-
21 être nous pourrions le faire.
22 Me STEIN (interprétation) : J’ai remis un
23 document. Il a six paragraphes. Il suffirait peut-être de
24 le lire. Nous pourrons le placer sur le rétroprojecteur si
25 vous voulez. Simplement, je n’ai pas de copies
Page 13655
1 supplémentaires pour les autres.
2 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Nous n’avons
3 pas de copies.
4 Me NICE (interprétation) : Les copies seront
5 distribuées. Donc, il est possible de placer le document
6 sur le rétroprojecteur et de le lire.
7 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Très bien !
8 Me Stein, nous entendrons d’abord donc les
9 arguments du Procureur et ensuite vos objections.
10 Me NICE (interprétation) : Encore une fois, je ne
11 vais pas citer le nom du témoin puisque nous ne savons pas
12 si le témoin va demander des mesures de protection en
13 arrivant. Ici donc, nous n’allons pas mentionner le nom ni
14 montrer la signature mais voici ce qu’il a dit :
15 « Je suis un ingénieur de télécommunication. Le
16 1er janvier 1993, j’ai été nommé au poste chargé des
17 équipements de haute fréquence dans les télécommunications
18 de Zenica et j’ai été aussi chargé de la liaison avec le 3e
19 corps d’armée à Zenica. En 1986… (l’interprète se reprend)
20 …j’ai appris qu’il y a eu des problèmes entre Zenica et
21 Busovaca. En ce qui concerne la ligne officielle,
22 normalement, c’est le personnel du PTT qui devait pouvoir
23 l’utiliser dans les situations d’urgence. Cependant,
24 apparemment, les gens de Busovaca l’utilisaient pour des
25 affaires militaires.
Page 13656
1 J’en ai informé Edin Husic du 3e corps d’armée de
2 son quartier général à Zenica. Il a demandé à obtenir le
3 contrôle sur la ligne au sein du bureau du 3e corps
4 d’armée. Je suis rentré dans mon bureau et j’ai donné les
5 instructions à mon personnel de prendre le contrôle de la
6 ligne. La ligne a été déconnectée à partir du bureau de
7 poste de Zenica et c’est le quartier général du 3e corps
8 d’armée qui a pris le contrôle.
9 Le PTT n’a pas fourni d’équipement ni d’aide
10 technique. C’est le 3e corps d’armée qui s’en est chargé.
11 Pendant cette période, les lignes téléphoniques
12 vers et depuis Busovaca ont été coupées de manière
13 officielle.
14 Je ne sais pas pendant combien de temps le 3e
15 corps d’armée contrôlait cette ligne et je ne sais pas de
16 quelle manière ce contrôle a été arrêté. »
17 L’autre témoin pourra produire la cassette vidéo.
18 Les Juges disposent de cette déclaration. Ici, on parlera
19 de la manière dont on observait, dont on suivait ce qui se
20 passait au cours des appels téléphoniques. Ensuite, il
21 parlera de la manière dont certaines conversations ont été
22 enregistrées. Il parlera aussi de la procédure standard,
23 comment il revoyait le matériel, comment il décidait ce qui
24 devait être placé dans les archives, et puis finalement,
25 comment il gardait certaines cassettes et comment il a pu
Page 13657
1 nous les communiquer.
2 Je ne sais pas si vous avez la cassette.
3 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Non, nous
4 n’avons pas de transcript de cassette.
5 Me NICE (interprétation) : Je m’excuse. Nous
6 allons vous remettre le transcript tout de suite.
7 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui.
8 Me NICE (interprétation) : Le transcript arrivera
9 et les originaux, pas vraiment les originaux, c’est-à-dire
10 les originaux mais aussi les versions en B/C/S.
11 La cassette, vous pouvez trouver son transcript et
12 sa traduction. C’est le bureau chargé de traduction
13 officielle ici au sein de ce Tribunal qui a fait cette
14 traduction.
15 Peut-être il y a une cause de confusion. À la
16 page 1 de la version en anglais du transcript où c’est
17 écrit « page B » ou « A et B », si vous regardez la
18 troisième page de la déclaration, vous pourrez voir que la
19 liste commence par la face A et continue avec la face B.
20 Donc, pour être tout à fait correct, à la première page, il
21 faudrait que ce soit écrit « face A » et non pas « face B »
22 puisque les conversations enregistrées commencent à la
23 première page du transcript.
24 Le témoin peut reconnaître les voix qui ont été
25 indiquées sur la cassette elle-même. Ils peuvent tous être
Page 13658
1 importants mais celui qui est certainement le plus
2 important de tous est la première voix que l’on entend sur
3 la cassette et puisque nous aurons une discussion sur la
4 recevabilité de cette cassette, peut-être nous pouvons
5 procéder ainsi.
6 Les Juges pourraient-ils examiner la page 2 pour
7 voir un exemple de l’importance de la cassette et puis, il
8 est possible de remarquer que la voix 6 est la voix de
9 Kordic et la voix 7 celle de Blaskic. Donc, je vous
10 demanderais de bien vouloir simplement lire les sept
11 premières lignes de cette page qui constituent une partie
12 du document extrêmement importante.
13 Me STEIN (interprétation) : Excusez-moi mais je
14 pense que ce serait mettre la charrue devant les bœufs
15 parce que je pense qu’il faut savoir que nous allons
16 contester l’admissibilité de ce document sur la base aussi
17 de sa fiabilité et de ses sources.
18 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais votre
19 contestation ne porte pas sur le fait qu’on a procédé à des
20 écoutes ?
21 Me STEIN (interprétation) : Si, ça aussi.
22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Donc, vous ne
23 souhaitez pas que l’on lise la cassette ?
24 Me STEIN (interprétation) : Oui.
25 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais
Page 13659
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13660
1 normalement, nous souhaitons savoir de quoi il s’agit.
2 Nous ne sommes pas des membres d’un jury. Nous voulons
3 connaître le fond de l’affaire avant de prendre une
4 décision.
5 Me NICE (interprétation) : Peut-être il n’y aura
6 pas de besoin de ce genre d’argument si la Défense accepte
7 ce document dans son intégralité en disant qu’il s’agit
8 pour le moment simplement d’un document potentiellement
9 extrêmement important et pertinent ?
10 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui, nous
11 pouvons le présenter de cette manière-là. Si ce document
12 sera contesté par la suite – ici, je parle en mon propre
13 nom – je souhaite indiquer qu’il faut connaître le
14 contexte. Ici, il s’agit d’une ligne contrôlée par le PTT
15 de Zenica qui a été détourné vers le 3e corps d’armée.
16 C’est le 3e corps d’armée qui a pris le contrôle de la
17 ligne ?
18 Me NICE (interprétation) : Oui et à l’époque
19 c’était la seule ligne téléphonique qui fonctionnait entre
20 Busovaca et Kiseljak. Je crois que c’est le personnel du
21 PTT qui devait avoir la possibilité d’utiliser cette ligne.
22 Donc, il s’agissait d’une ligne interne que le personnel
23 devait utiliser de manière interne mais Blaskic et Kordic
24 utilisaient cette ligne puisqu’ils n’avaient pas d’autre
25 moyen de communication.
Page 13661
1 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : D’accord. Je
2 comprends que cette ligne c’est le 3e corps d’armée qui a
3 pris le contrôle de cette ligne. Ensuite, ils ont fait les
4 écoutes et enregistré les cassettes des conversations ?
5 Me NICE (interprétation) : C’est exact.
6 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Dans ce cas-
7 là, pour voir les choses tout à fait clairement, je veux
8 dire tout d’abord que je n’ai pas eu le temps de lire le
9 document dans tous les détails mais apparemment, la
10 personne qui a procédé aux écoutes a fourni la cassette au
11 témoin et le témoin en a fait une copie ?
12 Me NICE (interprétation) : Tout à fait !
13 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Et ensuite, il
14 a fait d’autres copies pour une autre personne qui est
15 mentionnée dans le paragraphe 9. Je ne sais pas si cette
16 personne est un témoin protégé ou pas.
17 Me NICE (interprétation) : Oui, la personne
18 mentionnée dans le paragraphe 9 est la personne que nous
19 avons mentionnée hier. C’est l’une des sources de
20 renseignements concernant le fait même que cette cassette
21 existait.
22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Comment est-ce
23 que vous vous avez reçu cette cassette ?
24 Me NICE (interprétation) : Du point de vue
25 physique, nous pouvons dire que nous avons reçu la cassette
Page 13662
1 l’année dernière. C’est un enquêteur, un juriste de cette
2 équipe qui a amené la cassette et ensuite, nous l’avons
3 traitée de la manière habituelle.
4 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Qui l’a
5 fournie à l’enquêteur ?
6 Me NICE (interprétation) : Le témoin lui-même.
7 Si nous examinons maintenant les paragraphes 14 et
8 15, ici, l’on parle de la cassette comme de document que
9 nous avons reçu et puis aussi de la manière dont elle a été
10 marquée. Mais de toute façon, le témoin se trouve ici et
11 il peut identifier la cassette et son contenu, donc, ce qui
12 a été enregistré sur cette cassette.
13 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Très bien !
14 Nous allons entendre les objections maintenant.
15 Me STEIN (interprétation) : Merci, Monsieur le
16 Président.
17 Tout d’abord, pour que les choses soient tout à
18 fait claires, je parle seulement de la légitimité et non
19 pas de sa source et de sa fiabilité.
20 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Peut-être il
21 serait utile que vous vous prononciez sur les autres
22 aspects aussi.
23 Me STEIN (interprétation) : Très bien !
24 Tout d’abord, il apparaît clairement que cette
25 personne était chargée de liaison avec le 3e corps d’armée
Page 13663
1 à Zenica. Ceci figure dans le premier paragraphe de sa
2 déclaration.
3 Dans le cadre de sa fonction de liaison, il a été
4 suggéré au témoin que cette cassette contenant ces
5 conversations pourrait être intéressante et effectivement,
6 lorsqu’il a entendu la cassette avec un officier chargé de
7 la Défense territoriale, il a décidé d’accepter cela.
8 À l’époque, il travaillait pour le 3e corps
9 d’armée et il était chef de l’unité chargée de
10 renseignements. Il était chargé de l’unité de combat
11 électronique et cette unité incluait également les tâches
12 telles que l’analyse d’informations de l’ennemi, qui à
13 l’époque était à la fois le HVO et la JNA, l’ex-JNA, et
14 aussi la HV.
15 Mais en ce qui concerne les conversations qui ont
16 été écoutées, toutes les conversations n’ont pas été
17 enregistrées mais seulement certaines de ces conversations.
18 Encore une fois, dans le paragraphe 7, l’on voit
19 que les conversations ont été enregistrées sur des
20 microcassettes et c’était ensuite qu’elles ont été copiées
21 sur des cassettes régulières, apparemment parce que l’unité
22 ne disposait pas de suffisamment de Minicassettes. L’on
23 n’indique pas le temps des appels et à la fin, les
24 cassettes ont été communiquées au témoin, au témoin qui
25 attend pour venir déposer.
Page 13664
1 Apparemment, on a constitué une liste à
2 l’extérieur de la cassette contenant les indications
3 concernant chaque appel et apparemment, 13 conversations
4 ont été enregistrées entre le 24 janvier et le 25 février
5 1993. Donc, ceci fait partie de la déclaration et est
6 mentionné dans le paragraphe 9.
7 Le paragraphe 12 est également important puisque
8 le témoin dit qu’en 1980, il a reçu les ordres de Sarajevo
9 indiquant que tous les documents de ce genre peuvent être
10 utiles pour les enquêtes sur les crimes de guerre.
11 Dans le paragraphe 13, il est dit : « Mon
12 département a reçu la tâche de constituer une liste de
13 toutes les informations et de tous les documents reçus.
14 Parmi les documents et les informations communiqués, j’ai
15 communiqué également une nouvelle copie de ma cassette, de
16 la cassette que j’ai créée en 1993. Je l’ai rendue en
17 juillet 1996 à la personne chargée des archives, c’est-à-
18 dire Hasim Zaric. Je ne sais pas ce qui est arrivé par la
19 suite à cette cassette. » Fin de citation.
20 Donc, c’est Monsieur Zaric qui disposait de toutes
21 ces copies et le témoin n’avait plus de copie. Donc, il y
22 a une incohérence là-dedans.
23 Au mois de novembre 1999, le 19 novembre à Vienne,
24 il y a eu une discussion avec Monsieur Mustafa Music. Ceci
25 est mentionné dans le paragraphe 14 et c’est là que
Page 13665
1 quelqu’un a dit que certains documents ont disparu et le
2 témoin a dit qu’il disposait d’une copie de la cassette et
3 le lendemain, il a donné la cassette à Monsieur Music.
4 Il est clair qu’il y a des incohérences dans ces
5 deux paragraphes parce que soit il avait une copie, soit il
6 n’en avait pas, ce qui influence la question de savoir s’il
7 l’a donnée à Monsieur Music.
8 Donc, c’est Monsieur Music à partir de ce moment-
9 là qui gardait la cassette jusqu’au 3 décembre 1999 et
10 c’est à ce moment-là que le Colonel Nermin Imanovic a
11 rencontré le témoin et à ce moment-là, la cassette a été
12 montrée au témoin, celui-ci l’a reconnue comme cassette
13 qu’il avait rendue à Monsieur Music le 20 novembre 1999.
14 Le 4 décembre 1999 à Zenica, cette même cassette a été
15 communiquée par quelqu’un à Sue Ellen Taylor et Me Lopez-
16 Terres du Bureau du Procureur et ce témoin a identifié la
17 cassette comme étant la même cassette qu’il avait
18 communiquée auparavant.
19 Dans la cassette, il y a 14 enregistrements.
20 Peut-être j’ai dit 13 tout à l’heure mais il s’agit de 14
21 conversations qui ont été enregistrées entre janvier et
22 février. Mais donc, ce qui apparaît clairement sur la base
23 de ce que le témoin dit est qu’il a gardé une copie de
24 copies en sa possession jusqu’à l’an 1999 lorsqu’il a donné
25 cela à Monsieur Music, celui-ci l’a donnée à Monsieur
Page 13666
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13667
1 Nermin Imanovic et cette personne a fini par communiquer
2 cela au bureau du Procureur.
3 Donc, il est clair que le témoin n’avait pas le
4 contrôle de cette cassette, soit entre juillet 1996 et le
5 20 novembre 1999 ou bien entre le 20 novembre 1999 et le 3
6 décembre 1999. Le témoin, pendant cette période, pendant
7 l’une ou l’autre de ces périodes, n’avait pas de contrôle
8 sur cette cassette. Il s’agit ici donc d’une copie de
9 copie. Il s’agit ici donc de la troisième source de cette
10 cassette.
11 La première cassette a été créée suite aux
12 instructions reçues en 1993, visiblement, ce témoin a reçu
13 une copie et ici, il s’agit de la troisième ou de la
14 quatrième copie de l’original. Donc ici, il s’agit de
15 quelques questions importantes en ce qui concerne la
16 fiabilité de ce moyen de preuve.
17 Si nous faisons exception de la première cassette,
18 la cassette pour laquelle le Procureur affirme qu’elle est
19 la plus importante, les autres cassettes sont remplies de
20 mots tels que « inaudible », « incompréhensible ». Il est
21 clair… ceci est clair sur la base du transcript et pour
22 nous, nous trouvons que c’est tout à fait fascinant que les
23 propos de Monsieur Kordic que le Procureur trouve
24 importants ne sont jamais inaudibles alors que les autres
25 parties sont inaudibles. Donc, nous pouvons dire en ce qui
Page 13668
1 concerne la qualité de la cassette que certaines parties
2 sont audibles et d’autres ne le sont pas du tout.
3 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Il s’agit là
4 d’une question sur laquelle nous devrons nous prononcer au
5 moment où nous prendrons notre décision.
6 Est-ce que vous avez d’autres objections à faire ?
7 Me STEIN (interprétation) : Oui. Il s’agit d’une
8 violation très claire de la loi qui était présente en ex-
9 Yougoslavie, en fonction et aux termes de la loi en ex-
10 Yougoslavie.
11 Je me tourne maintenant vers mes collègues. Ils
12 ont tous été juges dans ce système juridique de l’ex-
13 Yougoslavie. L’article 38 de la Loi régissant les délits
14 pénaux, et cela figure au paragraphe 4 des arguments,
15 permet à la police de collecter des éléments de preuve sur
16 la base d’une écoute téléphonique, et ce, dans des
17 conditions et des limites bien déterminées.
18 Donc, ces transmissions devaient être enregistrées
19 sur la base d’un ordre émanant d’un Tribunal et il n’y en a
20 pas eu et il apparaît avec évidence que la police n’a pas
21 pris part à cet enregistrement. Je considère donc que le
22 transcript ne reflète pas la citation et il s’agit d’une
23 citation de l’article 83.3 du Code pénal de l’ex-
24 Yougoslavie.
25 La République de Bosnie-Herzégovine a repris les
Page 13669
1 lois de l’ex-Yougoslavie, y compris cette partie-ci et la
2 situation dont je parle peut être retrouvée au paragraphe
3 4, page 5, de mon mémoire, donc, les lois de la Bosnie-
4 Herzégovine qui sauraient être retrouvées dans le journal
5 officiel de la Bosnie-Herzégovine, page 299 du 11 avril.
6 Ce qui apparaît devant ce Tribunal a été le fruit
7 d’une violation de la loi en vigueur en Bosnie-Herzégovine
8 à partir de 1993 et si l’on met de côté même la qualité et
9 les circonstances dans lesquelles l’enregistrement a été
10 fait, qui donc veut être présenté ici comme élément de
11 preuve, je crois que nous ne devrions pas autoriser cela
12 aux termes de l’Article 95 du Règlement de Procédures et de
13 Preuves et si nous sommes d’accord sur la façon illicite,
14 de la manière dont l’enregistrement a été reçu, je tiens à
15 dire que nous ne devrions pas accepter cet élément de
16 preuve si quelque doute que ce soit pourrait subsister au
17 niveau de la façon dont l’élément de preuve a été procuré.
18 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Considérons la
19 situation. Ici, il s’agit d’un entretien qui concernait le
20 pilonnage de Zenica et nous ne parlons pas de telle ou
21 telle autre partie, nous parlons d’argument. Une partie
22 avait une information concernant les préparatifs de l’autre
23 partie pour ce qui était du pilonnage ou de quelque autre
24 opération et ils savent fort bien que des entretiens de ce
25 type pourraient être enregistrés.
Page 13670
1 Vous êtes en train de dire qu’il devrait être
2 conduit devant un Tribunal ou s’entretenir d’abord avec la
3 police et s’adresser à un Tribunal avant que d’enregistrer
4 cet entretien ?
5 Me STEIN (interprétation) : Monsieur Naumovski
6 pourrait vous en dire plus long que moi en sa qualité
7 d’expert en la matière.
8 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais Monsieur
9 Stein, je voudrais que vous me répondiez.
10 Me STEIN (interprétation) : Je crois qu’il est
11 impatient et qu’il voudrait dire quelque chose.
12 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais bien sûr.
13 Me STEIN (interprétation) : Mais je ne suis pas
14 naïf. Je sais bien qu’il y a eu bien des écoutes via
15 satellite ou d’une autre façon et qu’il y a eu beaucoup
16 d’enregistrements de toutes les parties mais la saisie de
17 tous ces documents, de tous ces enregistrements doit être
18 mise en cause.
19 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais vous avez
20 dit que c’était illicite.
21 Me STEIN (interprétation) : Oui, cela est exact.
22 Ce que l’armée ait fait de façon illicite au cours d’une
23 guerre civile peut théoriquement représenter une situation
24 d’exception en raison de la situation de guerre, si j’ai
25 bien compris la question posée par Monsieur le Président,
Page 13671
1 mais nous allons avoir des témoins qui vont témoigner.
2 Monsieur Ribicic a bien dit que les lois de Bosnie-
3 Herzégovine étaient en vigueur en 1992 et 1993 et cela sert
4 de fondement au niveau de la légalité de la mise en place
5 de la République croate de Herceg-Bosna et des autres
6 institutions croates.
7 De la même façon, je soulève la question qui a été
8 posée par ce Tribunal et quand je prends en considération
9 la position de l’Accusation sur ce thème et notre position
10 à nous, et c’est justement la raison pour laquelle je suis
11 ici, à aucun moment, je n’ai considéré que les trois
12 parties en présence ou les cinq parties en présence, les
13 services de renseignement ou quelque autre partie
14 intéressée n’a pas conduit une guerre électronique
15 d’écoute. Bien sûr que cela a été fait mais je ne sais pas
16 si nous devons accepter la chose ici.
17 En résumé, en bref, ce qui est illicite par
18 définition, c’est-à-dire les assassinats, l’espionnage,
19 tout ce qui fait partie d’un conflit dans un monde civilisé
20 ne devrait pas exister. Donc, si des lois existent et si
21 ces lois sont appliquées comme cela a été le cas en Bosnie-
22 Herzégovine et si les gens ont enregistré des entretiens,
23 ils devaient avoir l’autorisation de le faire et quand bien
24 même cela aurait été fait à titre tout à fait illicite,
25 cela ne serait acceptable en vertu des lois de Bosnie-
Page 13672
1 Herzégovine, à l’exception de l’acceptation des tribunaux.
2 M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Monsieur
3 Stein, cet élément de preuve n’est pas forcément
4 irrecevable en vertu de la procédure.
5 Me STEIN (interprétation) : C’est bien pour cela
6 que j’ai cité l’Article 95.
7 M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Mais avant
8 que de passer à cet Article 95, la pertinence est une
9 question… la pertinence des éléments de preuve doit nous
10 diriger dans nos appréciations pour ce qui est de la
11 nocivité ou de la recevabilité d’un tel élément de preuve
12 et si quelque chose n’a pas été admissible selon une loi en
13 vigueur dans le pays là-bas, cela ne veut dire que cela est
14 irrecevable ici.
15 Me STEIN (interprétation) : Mais l’Article 95
16 dit : « …porté préjudice à la procédure ».
17 M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Si cette
18 procédure le permet, oui.
19 Me STEIN (interprétation) : Mais si vous êtes
20 d’accord avec moi, il y a des documents qui ont été
21 procurés de façon illicite ?
22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais cela
23 n’est pas forcément le cas. Il ne s’agit pas d’approuver
24 ou pas ces éléments de preuve. La seule chose dont il
25 s’agit ici c’est de savoir si ces éléments de preuve sont
Page 13673
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13674
1 recevables, s’ils peuvent être présentés ici, et ce n’est
2 pas la tâche de ce Tribunal International que de
3 discipliner les armées étrangères dans quelque cas que ce
4 soit. Il nous appartient d’apprécier s’il y a une
5 culpabilité ou pas.
6 Me STEIN (interprétation) : Oui, Monsieur le
7 Président, mais le fondement même de l’Article que j’ai
8 cité consiste à soulever la question de la permissibilité,
9 de l’admissibilité d’une pièce à conviction dans cette
10 affaire.
11 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais ce n’est
12 pas une question que d’approuver ou de désapprouver une
13 procédure. Il nous appartient de décider si un élément de
14 preuve est admissible ou pas, conformément justement à
15 l’Article 95, et cet Article 95 dit qu’aucun élément de
16 preuve ne sera recevable s’il y a quelque doute que ce soit
17 concernant sa fiabilité, et ce, bien sûr, conformément à la
18 crédibilité… l’intégrité de la procédure.
19 C’est l’intégrité de la procédure que je pense que
20 vous considérez être mise en péril.
21 Me STEIN (interprétation) : Mais un exemple très
22 simple. Si une confession est extorquée par un prisonnier,
23 je crois que le Tribunal ne pourrait pas accepter un tel
24 élément de preuve et ce serait là un acte illicite qui
25 pourrait apparaître et je pense que le Tribunal ne devrait
Page 13675
1 pas admettre un tel élément de preuve.
2 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : C’est là la
3 substance, c’est justement le fait de savoir si nous devons
4 admettre cet élément de preuve ou pas.
5 Me STEIN (interprétation) : Oui, mais la raison
6 de ne pas admettre cet élément de preuve se base sur les
7 circonstances pour lesquelles nous sommes arrivés, nous
8 avons obtenu tel élément de preuve et nous arrivons à la
9 question soulevée par le Juge Robinson.
10 M. LE JUGE BENNOUNA : Me Nice, il y a la
11 cassette, le transcript de la cassette, il y a le
12 témoignage sur les péripéties autour de cette cassette.
13 Est-ce que le témoin ou d’autres personnes
14 éventuellement peuvent nous dire quelle a été l’utilisation
15 faite, quelle est l’information qui a été tirée, en tant
16 que témoignage en dehors de la cassette, et l’utilisation
17 qui a été faite de cette information parce que si nous nous
18 limitons simplement à cette affaire, nous avons eu beaucoup
19 d’informations, de renseignements d’intelligence,
20 d’informations militaires qui ont été prises à droite et à
21 gauche, qui ont fini dans des milinfosums ou dans des
22 recueils de renseignements militaires et dont on n’est pas
23 allé voir quelle était la légalité de la source, on n’est
24 pas allé vérifier la légalité de la source où ils ont été
25 pris ? En un simple mot, on s’est contenté du témoignage
Page 13676
1 de la personne qui a rapporté ces informations.
2 Est-ce qu’il y a des témoignages sur l’information
3 en elle-même, sur le contenu parce que pour l’instant, nous
4 n’avons qu’un témoignage sur le processus par lequel cette
5 cassette a été obtenue, comment elle a été réenregistrée,
6 et cætera ? Est-ce qu’il y a quelque chose quant au
7 contenu des témoignages, sur le contenu et sur ce qui a été
8 fait de ce contenu ?
9 Me NICE (interprétation) : En ce moment-ci, je
10 voudrais dire que la déclaration n’est pas explicite à ce
11 sujet mais il apparaît clairement dans le paragraphe 7 que
12 les entretiens enregistrés ont eu pour objectif le
13 fonctionnement des unités chargées de la guerre
14 électronique et nous pouvons voir qu’ils avaient tous des
15 caractéristiques d’informations importantes pour ce qui est
16 des questions stratégiques et tactiques à l’époque.
17 Je ne lui ai pas posé la question mais je suis
18 assez sûr du fait que le témoin le confirmerait à ce
19 Tribunal. Ce sont des renseignements, enfin, des
20 informations et des renseignements qui ont été collectés au
21 cours de la guerre selon les façons qui étaient fréquemment
22 en usage.
23 M. LE JUGE BENNOUNA : [Hors microphone] …prêt à
24 dire à la Cour, en dehors de l’enregistrement lui-même,
25 s’il peut témoigner sur le contenu et sur ce qui a été fait
Page 13677
1 de cette information, sur l’information elle-même dans sa
2 substance et sur ce qui a été fait de cette information ?
3 Est-ce qu’il peut le faire en dehors de la procédure elle-
4 même d’obtention de la cassette ?
5 Me NICE (interprétation) : Oui. Il pourrait le
6 faire et cela est englobé par sa déclaration. Nous pouvons
7 le voir, d’ailleurs, au paragraphe 8, comme l’a justement
8 remarqué le Juge May, dans un entretien concret qui revêt
9 une importance potentielle évidence. Il s’agit d’un
10 entretien entre les personnes nommées et nous pourrions
11 entendre l’une des personnes nous parler du contenu de
12 l’enregistrement et on nous dit ici les raisons pour
13 lesquelles cet entretien a été transmis à la personne qui
14 est nommée plus loin et il n’y a pas eu de difficulté
15 quelconque pour que Monsieur Scott, s’il pouvait ressortir
16 pour un bref moment, il pourrait déterminer si les
17 informations portées sur ces enregistrements ont été
18 transmises aux personnes concernées.
19 Il est évident que les informations ont toutes été
20 transmises, comme on le dit dans le paragraphe 8, aux
21 commandements militaires afin que ces derniers puissent les
22 utiliser. Nous pouvons aussi nous pencher sur d’autres
23 conversations sur les thèmes qui sont traités et ce sont
24 les mêmes thèmes qui sont couverts par les rapports de
25 renseignements qui nous sont parvenus en provenance
Page 13678
1 d’autres agences s’agissant de convois, d’obstacles aux
2 convois.
3 M. LE JUGE BENNOUNA : [Hors microphone] …cette
4 information à travers des témoignages plutôt qu’à travers
5 le transcript de la cassette elle-même ?
6 Me NICE (interprétation) : Je crois que quelque
7 chose a échappé à Messieurs les Juges ou à moi-même. Le
8 fait que le contenu de ces enregistrements a été transmis à
9 d’autres gens et ces gens ont pu dire : « Je suis au
10 courant de la chose » ou pas, c’est ce qui va se passer,
11 c’est une chose que nous allons entendre. Il se peut
12 également que cela ait de la valeur pour vous mais ce n’est
13 pas la véritable valeur de l’enregistrement.
14 Cet enregistrement que vous n’avez pas eu le temps
15 d’étudier montre le type d’instructions données par Kordic
16 et la position qu’il occupait, les attributions qui étaient
17 les siennes et c’est la raison pour laquelle nous
18 considérons que c’est ce qui constitue la valeur même de
19 l’enregistrement, plutôt que le témoignage de la personne
20 qui est ici et qui pourrait nous dire : « Oui, j’ai entendu
21 l’accusé dire, approuver l’attaque contre Sarajevo ou autre
22 chose. »
23 C’est le meilleur des éléments de preuve de ce
24 type et sa valeur pourrait se situer à divers degrés mais
25 elle est énorme car elle montre ce que Kordic a dit et
Page 13679
1 fait.
2 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Juste une
3 seconde, s’il vous plaît.
4 [La Chambre discute]
5 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui, Monsieur
6 Stein ?
7 Me STEIN (interprétation) : C’est Me Naumovski
8 qui va prendre la parole, si vous le permettez.
9 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Me Naumovski,
10 nous sommes peut-être disposés à accepter – je ne sais pas
11 si l’Accusation peut nous aider à le faire – nous sommes
12 prêts à accepter que la loi en Bosnie avait été précisément
13 celle que Monsieur Stein a exposée, la législation en
14 vigueur en Yougoslavie. Nous serions peut-être en mesure
15 d’accepter l’objectif de cette discussion et accepter que
16 l’écoute avait été illicitement faite.
17 Me NICE (interprétation) : Mais je ne sais pas si
18 nous sommes en situation de l’accepter. Nous venons de
19 recevoir le squelette des arguments et la demande n’est pas
20 si simple et nous pourrions continuer à débattre sur cette
21 base-là mais je ne pense pas qu’il y ait fondement à
22 objection et même si cet enregistrement a été illicite,
23 cela nécessiterait d’autres arguments.
24 Me NAUMOVSKI (interprétation) : Je vous remercie,
25 Messieurs les Juges. Je serai aussi bref que possible.
Page 13680
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13681
1 J’accepte précisément ce que Me Stein vient de dire sur le
2 territoire de l’ex-Yougoslavie et cette législation-là
3 était en vigueur également en Bosnie-Herzégovine en l’an
4 1992… (l’interprète se reprend) …1993.
5 Comme la Bosnie-Herzégovine avait admis cette loi
6 comme étant la sienne, seule la police civile, les
7 autorités de l’intérieur, comme on pourrait le dire chez
8 nous, avait la possibilité de recueillir des informations
9 en provenance des citoyens, comme cela avait été réglementé
10 par l’Article 151 du Code pénal.
11 La matière relative à l’enregistrement des
12 entretiens téléphoniques d’autrui n’avait pas été aménagée
13 par cette loi-là même mais par des actes législatifs
14 secondaires qui réglementaient le fonctionnement des
15 autorités du Ministère de l’Intérieur.
16 Selon ces actes législatifs, la police avait
17 l’autorisation d’enregistrer des entretiens téléphoniques
18 seulement sur autorisation du Ministre de l’Intérieur et si
19 je puis répondre à la question que vous avez posée au
20 collègue Stein au sujet du pilonnage supposé, le seul moyen
21 légal d’enregistrer un tel entretien téléphonique et qui
22 pourrait par la suite avoir quelque influence sur la
23 procédure ultérieure nécessitait, requérait l’autorisation
24 du Ministre de l’Intérieur.
25 Je ne voudrais pas vous fatiguer davantage. Il y
Page 13682
1 a des finesses à l’intérieur de cette législation mais
2 l’essentiel c’est que seules les autorités de l’intérieur,
3 sur l’autorisation du Ministre de l’Intérieur, pouvaient
4 effectuer un tel acte. Aucune autre personne ou organisme
5 n’était autorisé à le faire, non seulement parce que cela
6 ne serait pas applicable dans une procédure pénale contre
7 quelque accusé que ce soit mais aussi, et je crois là que
8 le Tribunal devrait le savoir, notamment en raison du fait
9 que cet enregistrement illicite constituait un délit pénal
10 particulier qui impliquait une peine d’emprisonnement et si
11 une personne officielle le faisait, cela sous-entendait une
12 peine d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans
13 d’emprisonnement.
14 Je cite l’Article 60 du Code pénal de la Bosnie-
15 Herzégovine et toute république de la Yougoslavie avait une
16 telle législation. Donc, nous avons deux situations.
17 D’abord, l’enregistrement qui a été fait est inutilisable
18 au niveau du point de vue de la procédure, non seulement
19 dans la région de l’ex-Yougoslavie mais dans le monde
20 entier et, pour autant que je le sache, tous les pays et
21 même la Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie ont
22 repris une bonne partie des pratiques en vigueur dans le
23 reste du monde.
24 D’autre part, ce qui a été fait constitue un délit
25 pénal car si tant est vrai que cela a été enregistré,
Page 13683
1 effectivement, cet enregistrement a été fait par une
2 personne inautorisée qui a abusé de ses fonctions
3 officielles. Peut-être que ma traduction de l’Article 95
4 n’est pas tout à fait conforme au texte anglais mais si
5 j’ai bien compris le texte de l’Article 95, il me semble
6 qu’il serait tout simplement immoral et que cela nuirait à
7 la procédure en tant que telle si l’on acceptait comme
8 élément de preuve une chose découlant de la commission d’un
9 délit pénal qui implique une peine d’emprisonnement.
10 Donc, non seulement parce que cela est
11 inutilisable du point de vue de la procédure dans l’affaire
12 mais aussi parce que cet élément provient de la commission
13 d’un délit pénal et c’est ainsi que je comprends les termes
14 de l’Article 95 que nous sommes en train de discuter.
15 Comme l’a dit le collègue Stein, la fiabilité et
16 l’authenticité de cet enregistrement sont remises en
17 question car, si j’ai bien compris, il s’agit d’une copie
18 de copie. Ce n’est pas un original.
19 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Nous allons
20 entendre le témoignage là-dessus. Donc, il n’est point
21 nécessaire dans cette phase-ci d’entendre les arguments des
22 deux parties.
23 Nous avons entendu Monsieur Stein sur l’Article 95
24 et je croyais, Me Naumovski, que vous alliez vous adresser
25 à nous pour nous parler de la loi yougoslave et de la loi
Page 13684
1 de Bosnie-Herzégovine, chose que vous avez faite.
2 Mais avez-vous encore quelque chose à ajouter ?
3 Me NAUMOVSKI (interprétation) : Il y a toute une
4 série de finesses que je ne voulais pas vous exposer pour
5 ne point vous fatiguer mais tout se réduit à ces deux
6 principes fondamentaux. Sur le territoire de l’ex-
7 Yougoslavie et en Bosnie-Herzégovine, par voie de
8 conséquence, on pouvait enregistrer un entretien
9 téléphonique en fonction d’une autorisation délivrée par le
10 Ministre même de l’Intérieur.
11 Toujours à titre d’exemple, comme je viens de vous
12 dire, l’Accusation doit demander l’autorisation du Tribunal
13 et ce Tribunal peut permettre de tels enregistrements dans
14 telle affaire pénale contre une personne bien déterminée
15 et, en vertu des dispositions législatives actuelles, on ne
16 peut pas enregistrer des entretiens téléphoniques autres
17 que ceux effectués par des suspects.
18 M. LE JUGE BENNOUNA : [Hors microphone]
19 …l’ignorance de la législation qui avait cours en Bosnie-
20 Herzégovine mais nous savons, sur un plan de principes
21 généraux, que ce genre de règle connaît des exceptions et,
22 notamment, comme, je crois, le représentant du Procureur
23 l’a rappelé tout à l’heure, en période de conflit armée, de
24 guerre, de rupture de la paix civile, et cætera.
25 Est-ce qu’il y a des exceptions prévues à cette
Page 13685
1 règle ? La règle que vous évoquez, vous n’avez pas besoin
2 d’argumenter là-dessus, elle existe dans le monde entier.
3 On n’a pas le droit d’enregistrer des conversations
4 privées, sauf autorisation spéciale de la justice. Ça, si
5 vous voulez, ce n’est même pas la peine d’argumenter là-
6 dessus, on le sait mais on sait aussi qu’il y a des
7 exceptions.
8 Est-ce que, dans la législation dont vous parlez,
9 il y a une exception prévue dans des circonstances
10 particulières ? C’est ça qui nous intéresse.
11 Me NAUMOVSKI (interprétation) : Monsieur le Juge,
12 je vais répondre de la seule manière que je connaisse. La
13 République de Bosnie-Herzégovine, en accord avec les
14 responsables législatifs, a repris un certain nombre de
15 lois et la décision figure dans les textes officiels de la
16 République de Bosnie-Herzégovine sous forme d’un décret
17 publié au journal officiel le 11 avril 1992.
18 En reprenant à son compte cette ancienne
19 législation pénale en vigueur dans l’ex-Yougoslavie, la
20 Bosnie-Herzégovine a modifié certains articles mais pas
21 celui qui porte sur les responsabilités du Ministère de
22 l’Intérieur, à savoir l’Article 151, et pour être tout à
23 fait franc, j’ajouterai que je ne sais pas et que je n’ai
24 pas les documents sur moi pour le vérifier, je ne sais pas
25 ce qui a été entrepris au moment du transfert de cette
Page 13686
1 législation.
2 Je ne sais pas si les dispositions prises par ou
3 adoptées par le Ministère de l’Intérieur ont été rendues
4 plus larges que les précédentes ou pas mais je répète, et
5 cela me semble plus important, que c’est là la
6 responsabilité du Ministère de l’Intérieur exclusivement et
7 d’aucun autre organisme. Donc, par conséquent, pas la
8 responsabilité de la police militaire ou civile.
9 M. LE JUGE BENNOUNA (interprétation) : Merci.
10 Me NAUMOVSKI (interprétation) : Merci à vous
11 également.
12 [La Chambre discute]
13 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Je donne la
14 parole à Monsieur le Juge Robinson.
15 M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Un
16 commentaire simplement sur l’importance et le sens de
17 l’Article 95 qui marque une évolution très importante du
18 droit international humanitaire. L’existence de cet
19 Article 95 est due entièrement à l’évolution survenue dans
20 le droit international depuis 1945. Par exemple, on ne
21 trouve pas une telle disposition dans les lois qui ont été
22 appliquées au cours du procès de Nuremberg et ce fait est
23 dû entièrement à l’importance accordée par le droit
24 humanitaire international aux droits de l’homme.
25 Cela étant, il convient de comprendre que tout
Page 13687
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13688
1 dommage important à la procédure, chaque fois que la
2 procédure est lésée de façon importante, cela connote, à
3 mon avis, un comportement particulier et un comportement
4 marqué par l’illégalité.
5 Je pense que l’admission des éléments de preuve ne
6 doit pas se fonder sur une procédure liée à l’emploi de la
7 force. Cela, à mon avis, constituerait une façon grave de
8 léser la procédure mais tout doit être jugé sur le fond.
9 Il est vrai qu’il y a certains types d’illégalités qui,
10 lorsqu’on les confronte à l’Article 95, appellent
11 l’application de cet Article 95 mais ce n’est pas le cas de
12 tous les actes illégaux.
13 L’Article 95 permet de contester ce que Me Stein a
14 appelé le concept des fruits de l’arbre empoisonnés mais,
15 en fait, chaque fois qu’il y a un comportement déterminé,
16 il importe de l’examiner au cas par cas pour en avérer
17 l’illégalité.
18 Me NICE (interprétation) : Je viens de recevoir
19 le résumé de la déposition. Donc, je ne peux me prononcer
20 de façon définitive mais il me semble que lorsqu’il y a
21 guerre électronique et que des services particuliers de
22 l’armée, chargés de la mise en œuvre de cette guerre
23 électronique, le font pour être ensuite, alors qu’ils ont
24 été rendus vulnérables par cet acte, pour être ensuite
25 jugés devant un Tribunal en tant qu’auteurs d’actes
Page 13689
1 criminels, cela me paraîtrait un problème stratégique ou
2 tactique dans une guerre quelconque.
3 Je fais remarquer que le fait de mettre sur écoute
4 une ligne privée peut être jugé à la valeur de cet acte.
5 Bien sûr, si la question de légalité devrait être menée à
6 sa limite, bien que nous n’ayons pas eu le temps de nous
7 consacrer longuement à cette question, on pourrait parler
8 peut-être d’abus puisqu’il est question de ligne des PTT
9 qui a été reprise on ne sait trop comment par Blaskic et
10 Kordic et d’autres pour être utilisée à des fins militaires
11 mais dans ce cas, il ne s’agit plus, n’est-ce pas, d’une
12 ligne privée.
13 Prévoyons ce qui pourrait arriver aujourd’hui.
14 J’ai reçu l’aide de quelqu’un que je remercie au sujet de
15 l’application de l’Article 205 qui traite des conversations
16 téléphoniques qui ne peuvent être enregistrées sans un
17 ordre émanant d’un Juge d’instruction. J’ai, donc, étudié
18 ces dispositions qui s’appliquent à la volonté de saisir
19 des documents, par exemple, en application d’une commission
20 rogatoire.
21 Donc, il est possible, si cela est nécessaire, que
22 l’on doive décider que, premièrement, il n’y a pas eu mise
23 sur écoute d’une ligne privée, que, deuxièmement, le fait
24 que les personnes concernées ont utilisé la ligne d’un
25 tiers est une possibilité et que, troisièmement, les
Page 13690
1 dispositions du Code ne s’appliquent pas précisément au cas
2 que nous examinons.
3 J’irai encore plus loin. Ce que nous voyons ici,
4 bien sûr, ce ne sont pas des documents qui ont été produits
5 par le bureau du Procureur ou par des enquêteurs et je dis
6 cela pour répondre à ce que Monsieur le Juge Robinson a dit
7 au sujet des aveux. En fait, lorsque cette conversation a
8 eu lieu, le Tribunal n’était même pas encore imaginé.
9 Ce dont nous parlons ici c’est de l’emploi par ce
10 Tribunal de documents produits et conservés par d’autres et
11 les Juges de cette Chambre sauront, bien sûr, que dans de
12 nombreux systèmes judiciaires, des documents de cette
13 nature, indépendamment des circonstances dans lesquelles
14 ils ont été saisis, sont recevables et versés au dossier.
15 Le deuxième point que j’aimerais évoquer, toujours
16 dans le droit fil de ce qu’a dit Monsieur le Juge Robinson
17 au sujet de l’origine de l’Article 95 et de l’évolution du
18 droit international humanitaire, les conventions sur
19 lesquelles s’appuie le droit international humanitaire
20 prévoient elles-mêmes des dérogations en temps de guerre.
21 Donc, il importe de les regarder de très près pour vérifier
22 ces allégations d’illégalité que nous venons d’entendre.
23 Il peut être utile de remarquer, même si à la
24 lecture des comptes rendus d’audience, on s’en rend compte
25 assez souvent, il peut être utile de souligner qu’il n’est
Page 13691
1 pas question ici d’enfreinte à la vie privée. Il est tout
2 à fait clair que lorsque les parties ont commencé à manquer
3 de transparence dans l’emploi des mots, lorsqu’elles ont
4 cessé de faire attention aux mots qu’elles utilisaient, eh
5 bien, on se rend compte que la possibilité d’être entendu
6 par des tiers était toujours présente dans leur esprit.
7 Il peut être utile de mentionner également que
8 nous avons des éléments de preuve provenant d’un témoin
9 entendu en public, le Général Merdan. Il a parlé d’une
10 cassette sur laquelle il a enregistré une conversation et,
11 à ce moment-là, aucun argument relatif à l’illégalité d’un
12 tel comportement n’a été évoqué pour faire obstacle à la
13 recevabilité de cette cassette.
14 Il n’y a, donc, rien dans l’argument relatif à
15 l’illégalité, ni dans l’Article 95 qui puisse empêcher de
16 verser cette pièce au dossier. Au contraire, comme nous le
17 savons, il y a eu un élément de preuve qui a traité de la
18 pertinence et de la valeur de tels documents pour ce
19 Tribunal et, à moins que l’on souhaite mettre en cause la
20 recevabilité sur la base de la provenance, de l’origine de
21 ce document, eh bien, je pense qu’il n’y a pas d’autres
22 arguments à ajouter et, de toute façon, la provenance doit
23 être traitée à huis clos partiel ou complet.
24 Nous invitons, donc, le Tribunal à rejeter
25 l’argument entendu ici jusqu’à présent car il est
Page 13692
1 impossible de prouver qu’il y a eu infraction à une
2 législation quelconque et Me Naumovski, d’ailleurs, très
3 sincèrement, a reconnu qu’il ne disposait pas de
4 l’intégralité de la loi ici même. Donc, l’illégalité n’est
5 pas établie et c’est ce que nous affirmons.
6 Par ailleurs, tous les autres arguments ne sont
7 pas établis non plus. C’est pourquoi nous demandons au
8 Tribunal de recevoir cette pièce.
9 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Me Naumovski,
10 vous voulez… Monsieur Nice, plutôt (se reprend
11 l’interprète), vous voulez une pause, n’est-ce pas, avant
12 de faire entrer le témoin ?
13 Me NICE (interprétation) : Oui, Monsieur le
14 Président. J’ai été informé qu’il demanderait des mesures
15 de protection, c’est-à-dire plus précisément la distorsion
16 des traits du visage à l’écran. Donc, il nous faut quelque
17 temps.
18 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Très bien !
19 En fait, nous en arrivons à peu près à l’heure de la pause.
20 Nous entendrons brièvement les arguments en réponse de la
21 Défense, après quoi, nous verrons ce que nous ferons de
22 cette cassette.
23 Me NAUMOVSKI (interprétation) : Merci, Monsieur
24 le Président. Je ne parlerai que quelques instants, je
25 vous assure. L’Accusation insiste sur l’importance de
Page 13693
1 savoir si la conversation était privée ou pas, si la ligne
2 téléphonique était privée ou pas et affirme que tout repose
3 sur le problème de la légalité.
4 Moi, pour ma part, je pense avoir été précis et
5 j’ai dit que, selon la législation applicable en ex-
6 Yougoslavie, une cassette audio de ce genre serait
7 inutilisable devant un Tribunal, ce qui, à mon avis, a un
8 rapport avec la légalité mais ce qui est encore plus
9 important, c’est ce que j’ai dit lorsque j’ai affirmé que
10 c’est par un acte criminel, par un délit que cette cassette
11 a été obtenue et je ne citerai qu’un extrait de la loi dont
12 je parle qui montrera bien que la façon dont l’écoute est
13 réalisée n’est pas l’élément le plus important.
14 Je cite : « Si quelqu’un enregistre une
15 conversation qui ne lui est pas destinée ou surprend une
16 conversation par l’emploi d’un matériel spécial et si cette
17 personne est une personne agissant dans le cadre de ses
18 fonctions… »
19 Donc, je pense que cela suffit. Les mots
20 importants, me semble-t-il, c’est « personne agissant dans
21 le cadre de ses fonctions » et que ce soit devant ce
22 Tribunal ou devant un quelconque autre Tribunal, j’insiste
23 pour rappeler qu’un tel document ne peut pas être utilisé
24 dans le cadre d’un procès et que, donc, aucun jugement ne
25 peut être basé sur l’emploi d’un tel document.
Page 13694
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13695
1 Voilà, c’est tout ce que j’avais à ajouter.
2 M. LE JUGE BENNOUNA : Il y a, dans la législation
3 que vous connaissez, quand même des situations de temps de
4 guerre. Dans des situations de temps de guerre, bien sûr,
5 il y a le droit humanitaire qui s’applique, on l’a pour
6 cela, et il y a un certain nombre d’exceptions aux règles
7 ordinaires de comportement. Vous le savez, dans toute
8 législation, il y a des exceptions pour la guerre, les
9 situations d’urgence, de conflits, et cætera.
10 Me NAUMOVSKI (interprétation) : Monsieur le Juge,
11 s’agissant de cette situation, si on lit le Code pénal et
12 le Code de procédure pénale, on voit quelle est la liste
13 des responsabilités qui incombent au Ministère de
14 l’Intérieur, notamment, et vous avez mentionné un certain
15 nombre de réalités dans lesquelles nous voyons que le
16 Ministère de l’Intérieur, la police, et cætera, sont
17 chargés des enquêtes et autorisés à recueillir des
18 informations de toutes sources valables.
19 Également, la police pouvait convoquer un citoyen
20 pour une conversation, pouvait effectuer des fouilles dans
21 les appartements, mettre quelqu’un en garde à vue, et
22 cætera, enfin, toutes les compétences qui sont celles de la
23 police mais lorsque, suite à un entretien avec un citoyen,
24 il était impossible d’utiliser les informations en cours de
25 procès…
Page 13696
1 M. LE JUGE BENNOUNA : Moi, je vous parlais d’une
2 situation où il y a une rupture de l’autorité. C’est celle
3 où nous sommes. Il y a plusieurs autorités qui sont
4 confrontées. Là, la situation dont vous nous parlez c’est
5 qu’il y a une autorité qui est en cause et qui prend des
6 mesures exceptionnelles. Vous n’allez pas penser que
7 l’ennemi va aller demander l’autorisation du Ministère de
8 l’Intérieur adverse pour écouter une conversation
9 téléphonique dans une situation de guerre. Il y a une
10 rupture de l’autorité.
11 Me NAUMOVSKI (interprétation) : Oui, oui, vous
12 avez absolument raison et, en fait, cette rupture de
13 l’autorité – excusez-moi, je vous prie, une seconde – c’est
14 la présidence de la Bosnie-Herzégovine, avec à sa tête le
15 Président Alija Izetbegovic, qui a adopté un décret ayant
16 force de loi au sujet de la reprise du transfert de la
17 législation de procédure criminelle.
18 Comme dans tous les pays, et en ex-Yougoslavie
19 également, c’est le Parlement normalement qui vote les
20 lois. Or, ici, nous avons une exception, c’est-à-dire un
21 texte selon lequel, dans des circonstances de guerre, la
22 présidence est habilitée à adopter un décret ayant force de
23 loi.
24 Donc, c’est une façon de combler la lacune
25 juridique, si je puis l’appeler ainsi, qui existe et la
Page 13697
1 présidence de la République de Bosnie-Herzégovine reprend
2 l’application du Code de procédure pénal, ajuste un certain
3 nombre de dispositions de cette procédure aux conditions de
4 guerre, mais ce faisant, elle n’a pas modifié les
5 dispositions dont j’ai parlées il y a quelques instants qui
6 sont restées absolument identiques. Je veux parler de
7 l’Article 151, de l’Article 83 et de l’Article 84.
8 Donc moi, j’estime avoir ainsi répondu à ce que
9 vous venez de dire, Monsieur le Juge Bennouna.
10 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Cette requête
11 se présente en deux parties et elle est liée à l’Article
12 95. Donc pour le moment, je ne répondrai qu’à la partie
13 qui a donné lieu à des arguments entendus jusqu’à présent
14 selon lesquels l’admission de cet élément de preuve serait
15 antithétique ou léserait gravement l’intégrité du procès.
16 Notre décision sur cette partie de l’argument n’a
17 donc aucun effet, aucune incidence… n’aura aucune incidence
18 sur celle que nous rendrons au sujet du deuxième argument
19 qui a trait à la fiabilité de l’élément de preuve en vertu
20 de l’Article 95 et au sujet duquel nous discuterons après
21 la pause.
22 Mais revenons au sujet. Comme je l’ai déjà
23 expliqué, donc, je parle de la première partie de
24 l’argument. Je dirais que les Juges de cette Chambre sont
25 mécontents de n’avoir pas reçu tous les documents liés à la
Page 13698
1 législation applicable en République de Bosnie-Herzégovine
2 et ayant un rapport avec le sujet dont nous discutons. Des
3 extraits de cette législation ont été évoqués mais pas
4 l’intégralité et nous tenons à dire qu’à l’avenir, si des
5 références sont faites à ce type de document, la
6 documentation complète doit être remise aux Juges au
7 préalable.
8 Mais nous pouvons rendre notre décision sur la
9 base suivante : Même si l’illégalité de l’acte était
10 établie, et nous ne disons pas que c’est le cas car nous
11 n’avons pas encore entendu tous les arguments, mais même si
12 tel devait être le cas, c’est aux Juges qu’il appartient de
13 décider si ce moyen de preuve a été obtenu par des méthodes
14 telles que l’admission de cet élément de preuve serait
15 antithétique et léserait gravement l’intégrité du procès.
16 Nous en sommes arrivés à la conclusion que le
17 moyen de preuve qui nous est soumis entre dans la catégorie
18 des éléments de preuve obtenus par écoute de conversations
19 de l’ennemi en temps de guerre et qu’à cet égard, le
20 comportement visé n’est pas celui qui est visé à l’Article
21 95. Donc, il n’est pas antithétique et n’est pas
22 susceptible de léser gravement l’intégrité du procès.
23 Dans ces conditions, s’agissant de cet argument
24 exclusivement, nous rejetons la requête et après la pause,
25 nous discuterons de la seconde partie de la requête, à
Page 13699
1 savoir le fait de déterminer si la façon dont l’élément de
2 preuve a été obtenu permet de remettre substantiellement en
3 cause sa fiabilité.
4 Nous avons maintenant une pause. Monsieur Nice,
5 serez-vous prêt avec votre témoin à 11 h 30 ?
6 Me NICE (interprétation) : Oui, certainement. Il
7 y a une requête de mesures de protection. Donc, je
8 demanderai un huis clos partiel au début de notre audience
9 pour en discuter.
10 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Nous reprenons
11 le débat à 11 h 30.
12 --- Suspension de l’audience à 10 h 50
13 --- Reprise de l’audience à 11 h 36
14 [Le témoin entre dans la Cour]
15 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui.
16 Me NICE (interprétation) : Je parlais de la
17 question de la protection avec le témoin et il est prêt à
18 témoigner sans mesures de protection.
19 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Le témoin
20 peut-il prêter serment s’il vous plaît ?
21 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare
22 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et
23 rien que la vérité.
24 TÉMOIN : EDIN HUSIC (ASSERMENTÉ)
25 INTERROGÉ PAR Me NICE (interprétation) :
Page 13700
1 Q. Veuillez décliner votre identité devant les
2 Juges de la Chambre de première instance, s’il vous plaît.
3 R. Je m’appelle Edin Husic.
4 Q. Est-ce que vous êtes en ce moment Colonel au
5 sein de l’armée de Bosnie-Herzégovine, après avoir été tout
6 à fait récemment à Vienne, et est-ce qu’en ce moment, vous
7 attendez pour qu’un autre poste vous soit attribué
8 ailleurs ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que votre carrière a commencé en 1986
11 dans l’Académie militaire de Belgrade où vous êtes devenu
12 Lieutenant et est-ce que vous avez travaillé à Zagreb
13 jusqu’à 1991, moment où vous avez déserté la JNA et êtes
14 venu à Zenica où vous avez rejoint les rangs de la Défense
15 territoriale en tant que volontaire ?
16 R. Oui.
17 Q. En décembre 1992 lorsque la Défense
18 territoriale a arrêté d’exister, le 3e corps d’armée de
19 Bosnie-Herzégovine a été créé sous le commandement de Enver
20 Hadzihasanovic. Est-ce que vous avez rejoint les rangs de
21 ce corps d’armée ?
22 R. Oui. Je me trouvais auprès du commandement
23 de la Défense territoriale de district du 3e corps d’armée.
24 Q. Est-ce que vous avez travaillé dans la
25 section chargée de renseignements et est-ce qu’une unité
Page 13701
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13702
1 chargée de la guerre électronique faisait partie de cette
2 section et est-ce que parmi vos tâches vous deviez obtenir
3 et analyser les informations concernant l’ennemi ?
4 R. Oui.
5 Q. À ce moment-là, est-ce que l’ennemi a coupé
6 le HVO, l’armée de la Republika Srpska… est-ce que l’ennemi
7 (se reprend l’interprète) incluait le HVO, l’armée de la
8 Republika Srpska, le JNA et la HV, l’armée de Croatie ?
9 R. Oui. Nous avons considéré qu’ils étaient nos
10 ennemis, à savoir tous ceux qui constituaient une menace
11 pour nous.
12 Q. Très bien. Est-ce que l’on peut dire que
13 votre zone d’intérêt, c’est-à-dire la zone que vous avez
14 couverte dans le cadre de vos activités s’étalait sur la
15 région de Busovaca, Vitez, Gornji Vakuf, Bugojno, Travnik,
16 Novi Travnik, Zenica, Zavidovici (ph.) et d’autres endroits
17 dans la vallée de la Lasva ?
18 R. Oui.
19 Q. En janvier 1993, est-ce que vous avez reçu
20 une information de la part d’une personne – ne disez pas
21 son nom – qui travaillait dans le bureau de poste de
22 Zenica ?
23 R. Oui.
24 Q. Suite à ce qu’il vous a dit, est-ce que des
25 arrangements ont été faits afin que la ligne téléphonique
Page 13703
1 soit détournée du bureau de poste de Zenica jusqu’à votre
2 unité de renseignement et est-ce que par la suite, vous
3 avez suivi les communications qui passaient à travers cette
4 ligne ?
5 R. Oui. Effectivement, nous avons détourné la
6 ligne vers le commandement du corps d’armée.
7 Q. Est-ce que vous connaissiez le numéro de la
8 ligne ?
9 R. Je crois que cette ligne ne disposait pas de
10 numéro particulier.
11 Q. À votre avis, cette ligne représentait quoi ?
12 R. Cette personne nous a dit qu’il s’agissait
13 d’une ligne où les entretiens entre les militaires se
14 passaient. Donc, nous l’appelions une ligne militaire et
15 c’est la raison pour laquelle nous avons accepté de faire
16 des enquêtes, c’est-à-dire de faire des écoutes sur cette
17 ligne, et nous n’avions pas beaucoup d’information
18 préalable quant au sujet des discussions que nous allions
19 entendre.
20 Q. Qui a surveillé les appels lorsque ceux-ci
21 passaient par votre département ? Ne nous dites pas leurs
22 noms mais simplement les fonctions des personnes qui le
23 faisaient.
24 R. Il s’agissait des membres de notre unité
25 chargée de la guerre électronique. Au début, il y a eu
Page 13704
1 deux soldats qui ont reçu la tâche d’écouter, de faire des
2 écoutes sur cette ligne.
3 Q. Quel est l’équipement qu’ils ont utilisé ?
4 R. Il s’agissait des équipements improvisés. La
5 ligne a été détournée, donc, depuis le bureau de poste de
6 Zenica vers un bureau qui se trouvait dans le commandement
7 du corps d’armée et qui appartenait à l’unité, à la section
8 chargée des renseignements. Il s’agissait des équipements
9 qui permettaient de faire des écoutes sur la base
10 d’interphone. Il y avait un magnétoscope qui utilisait des
11 microcassettes et qui était branché sur cette pièce
12 d’équipement.
13 Nous avons écouté directement et nous prenions, au
14 cours de la conversation, la décision quant à la question
15 de savoir s’il fallait arrêter l’enregistrement ou pas.
16 Donc, nous ne procédions pas de manière automatique. Nous
17 n’enregistrions pas les choses automatiquement.
18 Q. Les microcassettes, après qu’elles ont été
19 utilisées de la manière que vous venez de décrire, qui
20 utilisait ensuite les cassettes, les enregistrements que
21 vous avez faits sur les cassettes ?
22 R. C’était surtout moi-même personnellement qui
23 le faisait, compte tenu du fait qu’il y a eu un nombre
24 relativement important d’appels. Lorsqu’il y avait des
25 appels que l’on considérait comme extrêmement importants,
Page 13705
1 c’est moi-même qui les réécoutais, qui recueillait les
2 informations afin que ces informations-là soient analysées
3 par la suite et puis, je faisais des suggestions quant à la
4 manière dont ceci pouvait être analysé ou archivé.
5 Q. Est-ce que vous avez communiqué… est-ce que
6 vous avez transmis ce que vous avez entendu sur les
7 cassettes à vos supérieurs à l’époque parfois ?
8 R. Chaque entretien qui nous paraissait
9 important était transmis. Son contenu était transmis à mes
10 supérieurs.
11 Q. Vous avez parlé de la manière dont les
12 enregistrements étaient archivés. Comment cela se passait-
13 il ? Comment étaient-ils gardés ?
14 R. Eh bien, compte tenu du fait que nous
15 n’avions pas suffisamment de microcassettes, nous avons
16 décidé d’enregistrer seulement les conversations vraiment
17 les plus importantes. En ce qui concerne le matériel que
18 je vous ai remis, il a été créé parce que mon commandant a
19 demandé que l’on enregistre pour lui ces conversations et
20 après cela, moi-même j’ai créé cette cassette, la cassette
21 dont vous disposez en ce moment, que vous avez en
22 possession.
23 Q. La cassette dont vous parlez contient
24 finalement combien d’enregistrements de conversations
25 différentes ?
Page 13706
1 R. Je ne veux pas vous donner une réponse avec
2 exactitude mais il y a une dizaine de conversations
3 différentes entre plusieurs personnes.
4 Me NICE (interprétation) : Puis-je placer sur le
5 rétroprojecteur un document qui peut obtenir la cote
6 2801.3 ? Je distribuerai des copies supplémentaires le
7 moment voulu.
8 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi
9 s’agit-il en ce qui concerne ce document et l’écriture, à
10 qui appartient-elle ?
11 R. Ici, c’est l’étui de la cassette où la liste
12 et l’ordre des enregistrements est indiqué, face A, face B,
13 les dates, les personnes qui ont participé à la
14 conversation, et l’écriture est la mienne.
15 Q. En ce qui concerne ces inscriptions que l’on
16 voit, est-ce que c’est le jour même que vous les avez
17 introduites ou bien plus tard, et si ceci s’est produit
18 plus tard, à quelle date est-ce que vous l’avez fait ?
19 R. Ces inscriptions ont été créées après le 25
20 février mais au plus tard, un ou deux jours après le 25
21 février. À ce moment-là, j’ai reçu l’ordre de mon
22 commandant de lui remettre des enregistrements de certaines
23 conversations que je considérais comme étant extrêmement
24 importantes et intéressantes et j’ai décidé de présenter
25 cela de cette manière.
Page 13707
1 La première discussion que nous avons considérée
2 comme très importante est celle qui a eu lieu au mois de
3 janvier, le 23 ou bien le 24 janvier 1993. En ce qui
4 concerne les autres conversations, c’était des
5 conversations qui se trouvaient déjà sur nos cassettes, et
6 après avoir remarqué cette conversation, la première
7 conversation que j’ai mentionnée, j’ai copié ces autres
8 conversations sur cette même cassette. Bien sûr, les
9 soldats qui travaillaient dans ce contexte, c’est eux qui
10 ont enregistré les date, qui ont noté les dates, le temps,
11 et cætera, et moi, j’ai tout simplement consigné cette
12 information sur ce papier qui se trouvait sur l’étui de la
13 cassette.
14 Q. Donc, ce que vous essayez de nous dire, ce
15 que vous nous dites c’est que la première conversation a eu
16 lieu le 24 janvier et elle a été préservée sur une cassette
17 jusqu’à la fin du mois de février où elle a été copiée sur
18 une autre cassette ? Est-ce que vous vous souvenez de quel
19 type de cassette il s’agissait lorsque vous parlez de la
20 cassette qui contenait à l’origine la conversation qui a eu
21 lieu le 24 janvier ?
22 R. Je ne me souviens pas très exactement de la
23 cassette. Peut-être c’était une autre microcassette ou une
24 cassette de ce genre mais je ne me souviens pas avec
25 exactitude.
Page 13708
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13709
1 Q. Pourquoi est-ce que vous avez considéré que
2 la première conversation était suffisamment importante pour
3 qu’elle soit conservée ?
4 R. C’est sur la base de cette première
5 conversation que nous pouvons avoir une idée des intentions
6 du HVO à l’époque. On voit qui commande, on voit quels
7 projets ils ont à l’esprit, on voit qui donne les ordres à
8 qui, et compte tenu du travail que j’accomplissais, j’ai pu
9 constater que cette conversation nous fournissait les
10 éléments dont nous avions besoin.
11 Q. D’après votre déposition, nous pouvons voir
12 qu’en ce qui concerne les autres conversations enregistrées
13 sur la cassette, elles ont eu lieu entre le 22 et le 25
14 février. Est-ce qu’en ce qui concerne dont le reste de ces
15 conversations, vous vous êtes basé sur les cassettes,
16 microcassettes dont vous disposiez déjà au moment où votre
17 supérieur vous a demandé de préparer une série de
18 conversations enregistrées ?
19 R. Non. Déjà auparavant, nous avions reçu
20 l’ordre d’enregistrer les conversations mais par la suite,
21 l’ordre concret est émané. Donc, c’est à une date
22 ultérieure qu’il a demandé de copier ces conversations sur
23 une cassette à part. C’est pour cela que je l’ai fait.
24 Mais à ce moment-là, nous avons reçu l’ordre simplement de
25 garder et de conserver les conversations qui étaient
Page 13710
1 particulièrement importantes. En ce qui concerne les
2 autres conversations de moindre importance, elles s’y
3 trouvent peut-être plutôt par hasard.
4 Q. J’ai une dernière question concernant ce
5 premier enregistrement : Est-ce que vous avez remis votre
6 rapport à ce sujet à un commandant en particulier, un de
7 vos supérieurs ?
8 R. J’ai remis le rapport sur l’existence de cet
9 enregistrement au Général Hadzihasanovic qui était le
10 Commandant du 3e corps d’armée à l’époque.
11 Q. Parlons maintenant des autres conversations
12 qui ont été enregistrées, les conversations qui ont
13 commencé le 22 janvier. Est-ce que vous pourriez nous
14 donner quelques exemples de sujets traités dans le cadre de
15 ces conversations ? Donc, quels étaient les éléments qui
16 vous indiquaient qu’il fallait garder ces conversations en
17 particulier ?
18 R. Si nous analysons ces discussions, bien sûr,
19 il serait judicieux de les entendre une nouvelle fois mais
20 par le biais de ces conversations, nous avons recueilli une
21 série d’informations concernant la situation dans la
22 région, concernant les intentions de la partie adverse et,
23 entre autres choses, nous avons pu voir quelles étaient les
24 personnes qui dirigeaient, qui commandaient directement,
25 qui prenaient les décisions, de quelle manière l’on
Page 13711
1 organisait la chaîne de commandement. Voilà !
2 Q. Parfois, vous avez noté sur la base de ces
3 conversations quelles étaient les fonctions des gens
4 mentionnés dans le cadre de ces conversations ?
5 R. Oui. Ce qui est intéressant, par exemple,
6 c’est qu’en ce qui concerne Monsieur Blaskic, qui était le
7 Commandant à l’époque, nous savions qu’il était Colonel
8 mais grâce à cette conversation, nous avons pu apprendre
9 que Monsieur Kordic, lui aussi, avait le grade de Colonel.
10 Q. Après avoir fait la cassette suite aux ordres
11 que vous avez reçus, que s’est-il passé avec cette cassette ?
12 Dites-le nous brièvement et dites-nous ce que vous savez
13 sur d’autres copies éventuelles qui ont été faites sur la
14 base de cette cassette.
15 R. Au début, deux copies, deux cassettes
16 identiques ont été créées. D’un côté, la cassette dont
17 l’étui se trouve ici et l’autre est la cassette que j’ai
18 remise à mon Commandant, le Général Hadzihasanovic. Quant
19 à la question de savoir quel a été le sort réservé à ces
20 cassettes, je n’en sais rien.
21 Après mon départ, ma mutation à un autre poste,
22 moi, j’ai laissé une copie dans les archives pour que mon
23 successeur puisse en bénéficier et c’est la copie que j’ai
24 créée à l’époque. La copie originale, je l’ai gardée pour
25 des raisons personnelles puisqu’il s’agit là d’un exemple
Page 13712
1 excellent dans le cadre du processus éducationnel de
2 formation.
3 Donc, tout au début, lorsque cette cassette a été
4 créée, je ne pouvais pas anticiper les choses, anticiper ce
5 qui allait arriver à la cassette mais par la suite, j’ai
6 trouvé que c’était intéressant de garder ça comme une sorte
7 d’objet de curiosité, d’objet curieux.
8 Q. Et cette cassette que vous avez remise, la
9 cassette qui se trouve ici dans ce bâtiment, est-ce qu’elle
10 est identique à la cassette qui est gardée dans les
11 archives et celle qui a été remise au Général
12 Hadzihasanovic ?
13 R. Oui, tout à fait.
14 Q. À quel moment est-ce que vous avez appris
15 pour la première fois que la copie de la cassette que vous
16 aviez pouvait être intéressante dans le cadre de ce
17 procès ?
18 R. C’est récemment que j’ai appris cela.
19 C’était vers la deuxième moitié du mois de novembre de
20 l’année dernière, lorsque Monsieur Mustafa Music est venu
21 me voir à Vienne. Puisque moi-même, je devais rentrer dans
22 la région, nous avons commencé à préparer mon retour et,
23 donc, nous étions dans mon bureau, nous nous sommes
24 acquittés de certaines tâches dans notre bureau à Vienne où
25 moi-même, je travaillais et, à un certain moment, nous
Page 13713
1 avons mentionné la question des crimes de guerre, des
2 documents portant là-dessus et je peux dire que nous avons
3 commencé à parler de cela tout à fait par hasard et je lui
4 ai dit qu’à ce moment-là, je n’avais qu’une cassette que
5 j’avais gardée.
6 Après, au fur et à mesure que nous discutions de
7 cela, nous avons pu conclure que cette cassette pouvait
8 être utile, précieuse puisque, tout simplement, les autres
9 copies que j’ai mentionnées, tout simplement, n’existaient
10 plus. Donc, il m’a demandé de lui remettre cette cassette
11 et je l’ai fait.
12 Q. Oui. Pour ce qui est de l’enquêteur qui
13 porte le nom de Sue Ellen Taylor et du juriste Patrick
14 Lopez-Terres, vous avez identifié l’enregistrement et vous
15 l’avez laissé pour que ce soit apporté au Tribunal ?
16 R. Oui. À cette occasion à Zenica, j’ai
17 confirmé qu’effectivement, c’était bien l’enregistrement
18 que j’avais effectué et il s’est avéré qu’ils disposaient
19 déjà de cet enregistrement et, pour autant que je le sache,
20 ils avaient obtenu ce jour-là ou le jour d’avant
21 l’enregistrement en question. Ce n’est pas moi qui leur ai
22 remis l’enregistrement mais j’ai confirmé qu’effectivement,
23 cet enregistrement-là était bien celui que j’avais remis à
24 mon supérieur.
25 Q. Je pense, donc, qu’il n’est pas incontestable
Page 13714
1 le fait que ce juriste et cet enquêteur aient apporté
2 l’enregistrement au Tribunal mais est-ce que vous pouvez
3 nous dire, après écoute de cet enregistrement, quand est-ce
4 que vous avez cessé de mettre la ligne à l’écoute ?
5 R. Je crois que cela a eu lieu au mois de mars,
6 donc, certainement après l’enregistrement de ces dernières
7 conversations. Je ne me souviens pas exactement de la date
8 précise mais la raison en avait été tout à fait simple. La
9 communication qui passait par cette centrale était devenue
10 inintéressante et il n’y avait plus aucune raison de perdre
11 notre temps à l’écoute de cette ligne. C’est la raison
12 pour laquelle nous avons purement et simplement supprimé
13 cette écoute.
14 Me NICE (interprétation) : Maintenant, je crois
15 qu’il serait utile d’entendre l’enregistrement dont nous
16 parlons ou remettre la chose jusqu’au moment du contre-
17 interrogatoire ou à la fin du contre-interrogatoire. Je
18 vois que nous arrivons à des circonstances qui pourraient
19 exiger de notre part l’écoute de cet enregistrement.
20 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais quelle
21 partie de l’enregistrement voulez-vous nous faire écouter ?
22 Me NICE (interprétation) : Je voudrais que vous
23 entendiez tout l’enregistrement. Il y a une partie qui
24 n’est pas si intéressante mais qui est assez courte et les
25 autres sujets peuvent avoir de la valeur pour ce qui est de
Page 13715
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13716
1 l’époque de l’enregistrement et des personnalités en
2 question.
3 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Et combien de
4 temps cela nous prendra-t-il ?
5 Me NICE (interprétation) : Je crois environ une
6 heure.
7 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Peut-être
8 devrions-nous entendre d’abord le contre-interrogatoire
9 puis ensuite décider s’il faut ou pas entendre cet
10 enregistrement.
11 [La Chambre discute]
12 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Est-ce que cet
13 enregistrement porte une cote ?
14 Me NICE (interprétation) : Oui. Sa cote est la
15 pièce à conviction 2801.1. et le transcript est la pièce à
16 conviction 2801.2. Je vous remercie.
17 Restez ici, je vous prie. Vous allez être soumis
18 à un autre interrogatoire.
19 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : À vous,
20 Monsieur Stein.
21 Me STEIN (interprétation) : Je vous remercie.
22 CONTRE-INTERROGÉ PAR Me STEIN
23 (interprétation) :
24 Q. Monsieur, je m’appelle Bob Stein et je suis
25 représentant de Monsieur Dario Kordic et dans le cas où je
Page 13717
1 vous poserais une question que vous ne comprendriez pas, je
2 vous prie de m’en aviser, de me le dire tout de suite.
3 Suite à 1993, à l’époque où cet enregistrement a
4 été effectué de la façon dont vous l’avez décrite, quand
5 vous avez par la suite réécouté l’enregistrement, si tant
6 est que vous l’ayez écouté à nouveau, quand cela a-t-il eu
7 lieu ?
8 R. Il m’est difficile de vous répondre avec
9 précision mais suite à l’enregistrement de cette bande, je
10 l’ai réécoutée tout de suite après l’enregistrement.
11 Ultérieurement, je ne puis vous dire si cela a été
12 réécouté. Peut-être à quelques reprises seulement mais
13 l’enregistrement n’avait plus d’importance majeure ou
14 particulière.
15 Q. Ces quelques autres opportunités où vous avez
16 réécouté l’enregistrement, est-ce que cela a eu lieu avant
17 1999, n’est-ce pas ?
18 R. Oui. C’était avant 1999. Si vous aviez
19 pensé aux écoutes jusqu’à nos jours, je dirais qu’avec mes
20 supérieurs, nous avons, à l’époque de la remise de
21 l’enregistrement à nos supérieurs, nous l’avons réécouté
22 ensemble puis, par la suite, j’ai réécouté le même
23 enregistrement pour confirmer son authenticité avec
24 Monsieur Patrick et Madame… je ne me souviens plus de son
25 nom au juste, c’est-à-dire avec les personnes avec qui j’ai
Page 13718
1 eu cet entretien et auprès desquelles j’ai fait une
2 déclaration.
3 Q. Mais pour que les choses soient tout à fait
4 claires, en 1999, vous avez réécouté cet enregistrement
5 avec votre supérieur, Monsieur Mustafa Music, n’est-ce
6 pas ?
7 R. Oui, c’est exact.
8 Q. Est-ce que vous avez réécouté
9 l’enregistrement tout entier avec Monsieur Patrick Lopez-
10 Terres et Madame Sue Ellen Taylor ?
11 R. Oui, tout l’enregistrement.
12 Q. À cette époque-là ou à quelque autre
13 époque, avez-vous disposé d’un transcript écrit de
14 l’enregistrement ?
15 R. Non.
16 Q. Revenons maintenant à la période où tout ceci
17 a pris naissance. Vous aviez une communication avec les
18 PTT de Zenica ?
19 R. Oui.
20 Q. Cette communication, cette liaison, c’était
21 une personne que vous pouviez entendre sur une ligne
22 téléphonique, n’est-ce pas ?
23 R. Mais cet entretien est survenu tout à fait
24 par hasard. Ce n’est pas une personne qui travaillait pour
25 nous de manière directe mais lorsque nous nous sommes
Page 13719
1 entretenus, l’interlocuteur en question nous a proposé une
2 possibilité en nous demandant si nous étions intéressés par
3 la chose et suite à cela, après présentation du sujet à mon
4 supérieur, nous avons conclu de la nécessité de le faire.
5 Donc, il n’y avait pas eu d’informations
6 particulières concernant le contact dont nous avons parlé.
7 C’est une personne qui était employée à la poste.
8 Q. Je comprends, Monsieur. Peut-être ma
9 question n’a-t-elle pas été claire. La personne qui
10 travaillait dans les PTT était une personne qui était
11 chargée des liaisons et qui coopérait avec le 3e corps
12 d’armée, n’est-ce pas ?
13 R. Je ne peux pas, enfin, m’exprimer ainsi. Je
14 ne sais pas ce qu’il faisait à l’époque. Je ne sais pas
15 s’il était chargé de ce que vous dites, à ce moment-ci,
16 mais comme nous nous connaissions auparavant, il avait
17 proposé la chose comme une possibilité car, au cours de ses
18 activités normales à la poste, il était tombé sur cette
19 ligne et, selon la procédure que je vous ai indiquée, nous
20 avons décidé de le faire.
21 Ce n’était pas un collaborateur permanent. Il ne
22 faisait pas que ce travail-là. Par la suite, nous n’avons
23 pas pu dire que cette personne-là a effectué des activités
24 de ce type de façon suivie.
25 Me STEIN (interprétation) : Je ne vais pas
Page 13720
1 m’attarder à ce sujet. Je voudrais attirer votre attention
2 sur les dires du témoin au paragraphe 1 et je cite : « Une
3 partie de mes activités couvrait la communication et la
4 liaison avec le 3e corps. » Fin de citation.
5 Q. Je me propose de vous poser une autre
6 question. Est-ce que vous étiez dans la galerie principale
7 parmi le public pour écouter les débats ?
8 R. Non.
9 Q. Une autre question préliminaire : Est-ce que
10 nous pouvons dire que, parmi tous les entretiens que vous
11 avez écoutés, vous n’avez gardé que cet enregistrement-là ?
12 R. Moi personnellement, je n’ai gardé que cet
13 enregistrement-là, en effet.
14 Q. Bien ! L’enregistrement dans la situation
15 dont nous parlons a commencé en janvier 1993, n’est-ce
16 pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Le premier enregistrement a été effectué en
19 date du 24 janvier 1993, n’est-ce pas ?
20 R. Je ne saurais vous le dire. Peut-être que
21 cela a commencé même avant. Je ne peux pas le savoir avec
22 précision mais c’est en date du 24 janvier que nous avons
23 conservé l’entretien enregistré.
24 Q. Bien ! Donc, vous ne pouvez pas nous dire
25 combien d’entretiens avant ce 24 janvier ont été
Page 13721
1 enregistrés puis rejetés ?
2 R. Non.
3 Q. Pouvez-vous nous dire le temps, enfin,
4 l’heure ou la date exacte de quelque entretien que ce
5 soit ?
6 R. Si vous pensez à l’heure, je ne saurais vous
7 le dire.
8 Q. Oui, c’est bien à cela que je pensais. Est-
9 ce que vous pouvez nous dire l’heure de l’entretien du 24
10 janvier ?
11 R. Je ne pourrais pas vous dire l’heure exacte.
12 Q. Est-ce que nous pouvons dire si nous nous
13 référons à l’index qui se trouve à votre droite…
14 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Nous ne
15 l’avons pas. Il serait peut-être utile que nous
16 l’obtenions également.
17 Me STEIN (interprétation) : J’avais compris que
18 l’Accusation allait faire des copies supplémentaires pour
19 les Juges de la Chambre.
20 Me NICE (interprétation) : Je regrette, c’est une
21 omission de ma part et j’ai bien distribué mais…
22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Bien ! Mettez
23 cela sur le rétroprojecteur pour le contre-interrogatoire.
24 Me STEIN (interprétation) :
25 Q. Donc, à compter du 24 janvier 1993 jusqu’au
Page 13722
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13723
1 22 février 1993, est-il possible que vous n’ayez pas
2 remarqué du tout quoi que ce soit d’intéressant ?
3 R. Il y a sûrement eu des choses intéressantes
4 mais, malheureusement, nous n’avons rien pu sauvegarder.
5 Q. Et qui est-ce qui décidait d’archiver tel
6 matériel ou de ne pas archiver tel matériel enregistré ?
7 R. Je pourrais vous dire que c’était moi-même
8 qui en avais la charge. Pour ce qui est de cette
9 conversation, c’est moi-même qui avais ordonné aux gens qui
10 travaillaient dans ce département de la sauvegarder et
11 l’ordre avait émané du Commandant. Les autres entretiens
12 n’ont pas été sauvegardés. Ils avaient eu une utilisation
13 à des fins momentanées seulement.
14 Q. Essayons de bien comprendre le travail dont
15 vous aviez la charge. Vous aviez encore deux personnes qui
16 travaillaient avec vous ?
17 R. Ce n’est pas moi qui travaillais là-dessus.
18 C’est ces deux personnes-là qui enregistraient et les
19 informations toutes prêtes venaient jusqu’à chez moi,
20 c’est-à-dire les conversations enregistrées, et ce qui
21 était urgent, je l’écoutais tout de suite, ce qui n’était
22 pas d’une importance primordiale n’était pas réécouté mais
23 ils nous présentaient une sorte de résumé en décrivant
24 l’entretien, les intervenants ou les interlocuteurs dans
25 cet entretien et ils soulignaient si l’entretien était
Page 13724
1 intéressant ou pas.
2 Par la suite, je pouvais soit écouter les
3 conversations ou soit ne pas les écouter.
4 Q. Bien ! Je crois que nous nous sommes
5 éloignés de ma question. Il y avait, donc, deux personnes
6 encore qui avaient la charge d’écouter ces conversations
7 téléphoniques, n’est-ce pas ?
8 R. Oui. Dans la période où elles avaient été
9 engagées dans cette tâche, il y avait une personne
10 constamment engagée sur cette tâche mais ce n’était pas
11 toujours la même personne.
12 Q. Mais la personne qui avait la charge de
13 l’écoute de ces conversations téléphoniques, si elle
14 estimait que c’était important, enregistrait cela sur des
15 microcassettes ?
16 R. Oui. Toutes les conversations estimées
17 importantes avaient été enregistrées, en effet.
18 Q. Par la suite, vous réécoutiez cette
19 microcassette ?
20 R. Oui.
21 Q. Si la conversation téléphonique était jugée
22 importante, vous faisiez une copie sur une cassette de
23 format ordinaire ?
24 R. Oui, tout à fait mais seulement dans ce cas-
25 là.
Page 13725
1 Q. Vous avez prêté à confusion dans vos
2 réponses. Dans les autres références de l’index, nous
3 avons des références 12, 13, et cætera.
4 R. Mais si nous n’avions pas reçu l’ordre
5 d’enregistrer cette cassette, nous ne l’aurions pas fait et
6 il se peut que cet enregistrement n’aurait pas été conservé
7 et le processus de conservation des conversations
8 téléphoniques sauvegardées est le suivant. La première
9 conversation a été sauvegardée en raison de son importance
10 et du caractère intéressant et cela aurait été conservé
11 même sans l’ordre du Commandant.
12 Lorsque le Commandant a, lui, ordonné de lui faire
13 une cassette avec cet enregistrement-là en sa qualité de
14 conversation intéressante, nous l’avons mise en première
15 place parce que c’était la plus intéressante et les autres
16 figurent sur la copie d’enregistrement parce que nous
17 avions ces autres conversations-là de sauvegardées sur des
18 microcassettes.
19 Il se peut fort bien qu’il y ait eu davantage de
20 conversations sur les microcassettes mais ce sont les
21 seules conversations sur microcassettes qui ont été
22 réenregistrées sur une cassette normale.
23 Q. C’est justement là que je veux en venir, la
24 première copie sur microcassette. En d’autres termes,
25 toutes les microcassettes ont fait l’objet d’une copie sur
Page 13726
1 une cassette plus grande, ordinaire ?
2 R. Oui, mais seulement des parties de
3 conversations téléphoniques.
4 Q. Ah bon ! Alors, j’ai deux questions en plus.
5 Nous avons, n’est-ce pas, devant nous un exemplaire de
6 toutes les informations, n’est-ce pas ?
7 R. C’est à moi que vous posez la question ?
8 Q. Oui.
9 R. Bien, parce que je n’ai plus rien chez moi.
10 Q. Mais ce document, excusez-moi, vous ne l’avez
11 plus à votre disposition. On vous le restitue. Donc,
12 toutes ces microcassettes mais pas chaque mot de ces
13 cassettes ont été réenregistrées sur une grande cassette et
14 vous avez là l’index de ce qui figure sur la grande
15 cassette ?
16 R. J’ai devant moi une copie de la cassette dont
17 nous parlons et les conversations qui figurent sur l’index
18 sont les conversations que nous avons sauvegardées.
19 Q. Bien ! Nous y reviendrons tout à l’heure
20 mais il y a une autre copie, il y a deux copies exactement,
21 l’une que vous avez remise et l’autre que vous avez gardée
22 vous-même. C’est bien ce que vous avez dit ?
23 R. Mais le contenu des deux est exactement le
24 même, c’est-à-dire que l’une des copies a été réenregistrée
25 à partir de la première.
Page 13727
1 Q. Bien ! Est-ce que vous pouvez nous dire
2 laquelle des deux est la première et laquelle des deux est
3 la seconde ?
4 R. Je crois que celle-ci est la première.
5 Q. Mais vous n’êtes pas sûr ?
6 R. Non… (l’interprète se reprend) …je suis
7 certain.
8 Q. Vous avez gardé, donc, la seconde copie et
9 vous avez, en juillet, remis à vos supérieurs la première ?
10 R. Non. La copie que j’avais faite, je l’ai
11 remise à mon Commandant à l’époque, donc, fin février de
12 1993. La couverture de la cassette d’ici, c’est celle que
13 j’avais gardée et que j’ai remise à mes supérieurs en 1999.
14 Q. Est-ce qu’il y a encore quelques copies
15 quelque part ?
16 R. Oui. Il y a encore une copie, bien sûr, une
17 copie de cette même cassette que j’ai refaite pour mes
18 archives.
19 Q. Bien ! Donc, vous avez remis une cassette,
20 une copie en 1993 à vos supérieurs, une que vous avez
21 gardée pour vos archives et une que vous avez remise à vos
22 supérieurs en 1996, en juillet ?
23 R. Je ne sais pas d’où vous sortez juillet 1996.
24 Je parle de novembre 1999 et c’est en novembre 1999 que
25 j’ai remis la cassette à mon supérieur, Monsieur Mustafa
Page 13728
1 Music.
2 Q. Mais dans vos déclarations aux enquêteurs de
3 ce Tribunal, c’est-à-dire dans la déclaration recueillie en
4 date du 4 décembre 1999, au paragraphe 13, vous dites que
5 votre département avait reçu pour tâche d’effectuer un
6 listing de toutes les informations et tous les objets
7 recueillis, c’est-à-dire sauvegardés. « Il y avait, selon
8 cette information, une copie faite en 1996 que j’avais
9 faite en 1993 et, en juillet 1996, j’ai remis toutes mes
10 archives à mon successeur, Jasmin Zaric. Je ne sais plus
11 ce qui est advenu de cette copie. »
12 R. Ce que j’ai déclaré, je le maintiens et je
13 vais le répéter pour qu’il n’y ait pas de malentendu. À
14 l’époque où j’ai reçu l’ordre, j’ai fait deux copies.
15 L’une de ces deux, c’est celle que nous avons ici et c’est
16 la première chronologiquement puis une copie de cette même
17 cassette, en février 1993, que j’ai remise au Commandant.
18 Celle-là est restée aux archives et quand je suis parti
19 occuper d’autres fonctions, j’ai fait une autre copie que
20 j’ai laissée à mon successeur et c’était, donc, cette
21 copie-là que j’avais remise en 1996, en juillet 1996.
22 Par contre, la copie qui est ici, je l’avais tout
23 le temps chez moi et étant donné que cet enregistrement
24 n’est jamais arrivé ici en tant qu’élément de preuve,
25 j’avais déclaré que j’étais disposé à la remettre. Je l’ai
Page 13729
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13730
1 remise. Vous en avez pris connaissance et on vous l’a
2 transmise mais à l’époque, j’en avais fait une autre copie
3 pour moi-même. Je tiens personnellement à garder cet
4 enregistrement pour moi.
5 Q. Donc, il existe en tout et pour tout trois
6 copies ou quatre copies de cet enregistrement, n’est-ce
7 pas ?
8 R. Oui. Il y a deux copies en février 1993, une
9 en juin 1996, ça fait trois, et une dernière que j’ai faite
10 chez moi, c’est la quatrième. La cassette numéro 1 est
11 celle que vous avez ici à votre disposition.
12 Q. Bien ! Revenons à ce que vous venez de nous
13 dire tout à l’heure. Vos observateurs, c’est-à-dire vos
14 gens à l’écoute, n’ont pas enregistré toutes les
15 conversations téléphoniques, n’est-ce pas ?
16 R. Selon les instructions que je leur avais
17 données, ils pouvaient ne pas enregistrer des entretiens
18 qui étaient dénués d’intérêt.
19 Q. Fort bien !
20 R. Si vous me le permettez, étant donné que nos
21 capacités techniques n’étaient pas de nature à tout pouvoir
22 enregistrer, ils avaient, donc, le droit de faire un tri et
23 d’attendre, par exemple, pour utiliser les cassettes à leur
24 disposition des conversations téléphoniques intéressantes.
25 Q. Mais pour autant que je l’ai compris, pour
Page 13731
1 que les choses soient bien claires, les gens qui étaient à
2 l’écoute des conversations téléphoniques avaient des
3 microcassettes à leur disposition et c’était ces personnes-
4 là qui décidaient du branchement et du débranchement de
5 l’appareil d’enregistrement ?
6 R. C’était des exécutants directs sur place.
7 Q. Est-ce qu’ils ont enregistré les entretiens
8 dans l’intégralité de ces entretiens, enfin, de ces
9 conversations ou pas ? Cela dépendait d’eux, n’est-ce
10 pas ?
11 R. Les conversations qui étaient jugées
12 intéressantes devaient forcément être enregistrées dans
13 leur intégralité.
14 Q. Si la conversation ne commençait pas de façon
15 intéressante, est-ce qu’ils avaient un droit
16 discrétionnaire qui leur permettait de brancher leur
17 magnétoscope, enfin, leur enregistreur au moment où cela
18 devenait intéressant ?
19 R. Les instructions étaient de nature à les
20 faire écouter les conversations jusqu’à la fin.
21 Q. Mais non pas l’enregistrer ?
22 R. Oui, l’enregistrer mais l’écouter en même
23 temps. Je vous ai expliqué la technique que nous
24 utilisions. C’était une technique d’interphone, c’est-à-
25 dire qu’en enregistrant en même temps, nous pouvions
Page 13732
1 écouter la conversation.
2 Q. Alors, pour bien comprendre l’ensemble,
3 lorsqu’on mettait en marche la bande d’enregistrement, les
4 gens pouvaient-ils débrancher l’enregistreur, le
5 magnétophone lorsqu’ils considéraient que cela n’était pas
6 intéressant ?
7 R. Oui. Seulement lorsque c’était des civils
8 qui s’entretenaient sur des choses qui étaient complètement
9 dénuées d’intérêt. Donc, tout ce qui incluait des
10 militaires, des interlocuteurs militaires, devait être
11 enregistré et écouté en même temps et à la fin de la
12 conversation, s’ils avaient estimé que cela n’était pas
13 intéressant, ils faisaient revenir la bande au début et
14 réenregistraient par-dessus ce qui était véritablement
15 intéressant.
16 Q. Après avoir réécouté l’enregistrement, vous
17 avez établi que ces conversations étaient compréhensibles ?
18 R. Oui.
19 Q. On pouvait tout entendre au début ?
20 R. Oui. Il y avait sur certains enregistrements
21 des bruits et on avait quelquefois du mal à entendre mais
22 sur ce que nous avons enregistré, dans la plupart des cas,
23 nous avons pu entendre distinctement les deux
24 interlocuteurs en présence.
25 Q. Lorsque vous avez réécouté l’enregistrement,
Page 13733
1 vous saviez qu’il y avait des trous, c’est-à-dire des
2 vides ? Je serai tout à fait clair. Je parle de tous les
3 enregistrements, pas d’un seul enregistrement. Vous saviez
4 qu’il y avait des vides dans les enregistrements ?
5 R. Je ne comprends pas votre notion de trous.
6 Je vais vous clarifier la chose. Il y avait des parties où
7 l’interlocuteur ne pouvait pas être entendu, où sa façon de
8 prononcer était inaudible et nous ne pouvions pas améliorer
9 la qualité de l’enregistrement. Donc, ce qui pouvait être
10 entendu avait été, évidemment, utilisé.
11 Q. C’est-à-dire que les gens qui étaient chargés
12 de l’écoute pouvaient débrancher puis revenir au début ?
13 R. Non, parce que si l’on pouvait entendre l’un
14 des interlocuteurs et que ce qu’il disait était
15 intéressant, eh bien, on conservait.
16 Q. Permettez-moi de vous demander ce qui suit.
17 Cet enregistrement qui a eu lieu en janvier ou février
18 1993, j’imagine que vous considériez le HVO comme un ennemi
19 pour vous ?
20 R. Oui, c’est exact.
21 Q. J’ai compris que vous aviez connaissance du
22 fait qu’une guerre était en cours ?
23 R. C’est cela.
24 Q. Je suppose également, pour ce qui est du 19
25 novembre 1999, que vous avez tout à fait par hasard, vous
Page 13734
1 et votre supérieur, Monsieur Mustafa Music, avez par hasard
2 discuté de documents, de preuves, enfin, d’éléments de
3 preuve qui avaient disparu des archives de Bosnie-
4 Herzégovine lorsqu’on a parlé de cet enregistrement ?
5 R. Mais nous n’en avons pas parlé du tout à
6 titre professionnel. Comment en sommes-nous venus à en
7 discuter à la lumière des nouvelles tâches qui
8 m’attendaient ? J’ai dit à un moment donné que je
9 disposais d’une cassette. Nous avions parlé de matériel
10 disparu et nous savions tous les deux que ces éléments de
11 preuve devaient exister et j’ai dit moi-même à mon
12 supérieur que de tout ce qui avait été archivé, je n’avais
13 gardé que cet enregistrement-là.
14 Q. Permettez-moi de vous rappeler une
15 déclaration faite au Tribunal International concernant les
16 deux premiers paragraphes qui portent le numéro 14. Vous
17 dites que : « Le 19 novembre 1999, à Vienne, au cours d’une
18 discussion relative aux crimes de guerre pendant le conflit
19 avec mon chef, Monsieur Mustafa Music, j’ai eu un entretien
20 à l’occasion duquel il avait mentionné que bien des
21 documents qui avaient disparu, y compris un enregistrement
22 important relatif à la région de Busovaca-Vitez, je lui ai
23 dit que j’avais une copie de cet enregistrement », et vient
24 par la suite l’autre paragraphe.
25 Donc, c’est tout à fait de façon fortuite que vous
Page 13735
1 et Monsieur Music avez eu une conversation concernant cet
2 enregistrement et cela est survenu dans la conversation.
3 Est-ce bien exact ?
4 R. Oui, c’est cela.
5 Q. Et le jour d’après, en date du 20 novembre,
6 vous avez remis votre copie d’enregistrement à Monsieur
7 Music, n’est-ce pas vrai ?
8 R. Oui. C’est la copie dont j’ai copie et qui
9 se trouve devant moi.
10 Q. Ce qu’il a fait de cette copie ou à qui il
11 l’a donnée, ça, vous ne le savez pas, n’est-ce pas ?
12 R. Il m’a dit, à ce moment-là, que
13 l’enregistrement serait écouté et qu’un résumé des
14 conversations serait établi pour être adressé
15 officiellement à l’institution dans laquelle nous nous
16 trouvons aujourd’hui et que si le Tribunal est intéressé,
17 eh bien, ce document sera mis à sa disposition.
18 Ce qu’il a fait réellement dans la pratique, je ne
19 sais pas mais je crois pouvoir constater qu’il a fait
20 exactement ce qu’il avait dit.
21 Q. La fois d’après, la fois suivante où vous
22 avez entendu cet enregistrement, c’était le 3 décembre
23 1999, lors d’une réunion tenue à la maison de l’armée de la
24 Fédération à Sarajevo, n’est-ce pas ?
25 R. Je ne suis pas sûr que la cassette a été
Page 13736
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13737
1 diffusée lors de cette réunion. En fait, elle ne l’a pas
2 été au moment de notre réunion conjointe mais je l’ai revue
3 le lendemain lorsque, dans un débat public, elle m’a été
4 diffusée.
5 Q. Eh bien, reprenons votre déclaration au
6 Tribunal Pénal International, paragraphe 14, où nous
7 lisons, Monsieur – je cite : « Le 3 décembre 1999, lors
8 d’une rencontre à la maison de l’armée de la Fédération à
9 Sarajevo, le Colonel Nermin Imanovic, représentant le
10 secteur de la sécurité et du renseignement, m’a montré une
11 cassette qui portait la dénomination JPS audio C60. J’ai
12 reconnu la cassette comme étant la mienne, celle que
13 j’avais remise à Monsieur Music le 20 novembre 1999. » Fin
14 de citation.
15 Cela vous rafraîchit-il la mémoire au sujet de la
16 réunion du 3 décembre 1999, Monsieur ?
17 R. Oui, en effet, mais je puis dire que la
18 cassette n’a pas été remise à ce moment-là, si c’est cela
19 que vous voulez dire. Elle n’a pas été remise aux
20 enquêteurs de ce Tribunal ce jour-là. Elle a peut-être été
21 montrée mais, en tout cas, pas écoutée, rien de ce genre.
22 Q. Je comprends, Monsieur. Vous avez simplement
23 vu la cassette. Les enquêteurs du Tribunal n’étaient pas
24 présents le 3 décembre 1999, n’est-ce pas ?
25 R. Si, ils étaient présents. Nous avons eu une
Page 13738
1 réunion mais je n’avais plus cette cassette en ma
2 possession.
3 Q. Mais peut-être y a-t-il une confusion,
4 Monsieur. Alors, je vais revenir sur ce point. D’abord,
5 pouvons-nous convenir que vous n’aviez pas la cassette en
6 votre possession mais que c’est le Colonel Imanovic qui
7 l’avait ?
8 R. Oui.
9 Q. Selon votre déclaration, paragraphe 15 – je
10 cite : « Le 4 décembre 1999, à Zenica, Sue Ellen Taylor et
11 Patrick Lopez-Terres m’ont montré une cassette portant le
12 titre JPS audio C60. J’ai écouté cette cassette. Je l’ai
13 reconnue comme étant ma cassette personnelle, celle que
14 j’avais remise au Ministre fédéral de la Défense. » Fin de
15 citation.
16 Donc, il y a eu deux rencontres, Monsieur. C’est
17 bien cela, deux réunions, l’une le 3 décembre et l’autre le
18 4 décembre ?
19 R. Oui, mais je ne crois pas avoir parlé du
20 Ministre de la Défense dans ma déclaration. J’ai peut-être
21 dit Ministère de la Défense.
22 M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Il y a un
23 point qui ne me paraît pas très clair. Le témoin a reconnu
24 la cassette parce qu’elle comportait le titre JPS audio
25 C60. Ce titre est le même que celui que l’on voit au
Page 13739
1 paragraphe 14 de la déclaration préalable du témoin. Est-
2 ce le seul élément qui a permis au témoin de reconnaître la
3 cassette ?
4 Autrement dit, ce que je cherche à déterminer,
5 c’est si le témoin a pu vérifier que le contenu de la
6 cassette était bien le même que celui de la cassette à
7 laquelle il est fait référence au paragraphe 14 de la
8 déclaration préalable du témoin.
9 Me STEIN (interprétation) :
10 Q. Monsieur, avez-vous mémorisé la question du
11 Juge ou sinon, je peux vous la répéter ?
12 R. Oui, j’ai compris. J’ai reconnu la cassette.
13 Dans la déclaration que je donnais aux enquêteurs, nous
14 l’appelions par son titre. Je l’ai reconnue par son aspect
15 physique et au moment où je l’ai réécoutée, je l’ai
16 reconnue également par son contenu.
17 M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Vous avez
18 écouté la cassette le 3 décembre ?
19 R. Non, pas le 3 mais au moment d’une réunion
20 distincte. Je crois qu’elle a eu lieu le 4, autrement dit,
21 le lendemain, c’est-à-dire lorsque vos enquêteurs étaient
22 présents.
23 Me STEIN (interprétation) :
24 Q. Monsieur, vous pouvez convenir avec moi que
25 cette cassette était en dehors de votre contrôle, n’était
Page 13740
1 pas en votre possession au moins dans la période allant du
2 20 novembre 1999 au 3 décembre 1999, n’est-ce pas ?
3 R. En effet, elle n’était pas en ma possession à
4 ce moment-là.
5 Q. Et si plusieurs mots, un mot ou un paragraphe
6 entier avaient été effacés de la cassette ou si un mot,
7 plusieurs mots ou un paragraphe avaient été ajoutés à cette
8 cassette, eh bien, vous ne sauriez le dire aux Juges de
9 cette Chambre, n’est-ce pas ?
10 R. À ce moment-là, j’ai confirmé que la teneur
11 de la cassette était celle que je connaissais lorsque
12 j’étais en possession de la cassette et que je connaissais
13 cette teneur. Maintenant, si un mot a été effacé ou
14 rajouté, je ne pourrais le dire personnellement et je puis
15 dire très librement que si ce que je réentendais
16 aujourd’hui correspondait à ce que j’ai entendu à l’époque,
17 eh bien, je le confirmerais.
18 Q. Monsieur, avec le respect que je vous dois,
19 et je ne tiens pas à entrer dans une polémique, la dernière
20 fois que vous avez entendu, étudié ou examiné cette
21 cassette avant 1999, c’est une date en 1996, sinon en 1993
22 et vous n’aviez pas de transcription écrite du contenu de
23 la cassette à ce moment-là, n’est-ce pas ?
24 R. C’est exact mais si vous pensez… c’est exact.
25 Q. Ma question est très simple, Monsieur.
Page 13741
1 N’ayant pas de transcription écrite de la cassette, de
2 l’enregistrement de 1993 jusqu’à date d’aujourd’hui
3 comprise, la comparaison par vous de 13 ou 16 chapitres
4 dans cette cassette dont la diffusion dure une heure
5 entière ne peut être considérée assurément comme une
6 comparaison mot par mot du contenu de la cassette en 1993
7 et du contenu de la cassette dans son état actuel
8 aujourd’hui. Vous êtes d’accord avec cela, Monsieur,
9 n’est-ce pas ?
10 R. Je puis dire que je ne me rappelle pas chaque
11 mot, tout comme je ne me rappelle pas exactement l’heure de
12 l’enregistrement, et cætera, et cætera, mais je pense qu’il
13 est possible d’expertiser cette cassette par des moyens
14 techniques, y compris. Donc, dans le cas qui nous
15 intéresse, je pense que personne ne pourrait se rappeler le
16 contenu exact avec ou sans transcription écrite car on
17 pourrait toujours se demander : est-ce que cette
18 transcription, c’est moi qui l’ai rédigée ou est-ce qu’elle
19 a été rédigée par quelqu’un d’autre, et cætera.
20 Q. Merci, Monsieur, d’être d’accord avec moi.
21 Nous pouvons être d’accord également sur le fait que les
22 microcassettes originales n’existent plus, elles ont été
23 détruites ?
24 R. Oui, c’est exact.
25 Q. Donc, ce que nous avons à notre disposition,
Page 13742
1 ce sont des copies des microcassettes sur une cassette de
2 plus grande taille et de nouvelles copies de cette cassette
3 de plus grande taille effectuées à deux ou trois
4 exemplaires, n’est-ce pas ?
5 R. Je suis d’accord que nous avons une copie sur
6 une grande cassette de ce qui existait sur les
7 microcassettes.
8 Q. Il existe trois ou quatre copies de cette
9 grande cassette qui ont été faites au fil du temps et
10 fournies à plusieurs personnes, vous l’avez déjà dit dans
11 votre déposition.
12 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Me Stein, nous
13 aimerions bien comprendre ce qui se passe. Êtes-vous en
14 train de laisser entendre qu’il y a eu manipulation de ces
15 cassettes ?
16 Me STEIN (interprétation) : Je pense, Monsieur le
17 Président, que l’intégralité de ces cassettes peut être
18 remise en cause. Comme le témoin vient de le dire, la
19 seule façon de vérifier s’il y a eu manipulation d’une
20 cassette, si je comprends bien les moyens techniques, c’est
21 de disposer de l’original.
22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais quelles
23 sont les preuves apportées ?
24 Me STEIN (interprétation) : Les preuves, ce sont
25 que la cassette a été retirée de la garde de ce témoin.
Page 13743
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13744
1 Elle a miraculeusement réapparu et je dis que ceci est
2 remarquable dans la mesure où des parties inaudibles de la
3 cassette et les espaces blancs auxquels j’ai fait référence
4 lors de mon interrogatoire n’existent pas dans la toute
5 première des 13 conversations mises sur écoute mais
6 uniquement dans celle-ci, ce qui permet de se poser des
7 questions.
8 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Allez-vous
9 nous demander d’écouter tout cela avant de rendre notre
10 décision ?
11 Me STEIN (interprétation) : Je ne pense pas qu’il
12 soit contesté que la cassette présente à peu près 120
13 passages inaudibles et vous pourriez peut-être, en effet,
14 suspendre votre décision si vous pensez que l’intégrité de
15 la cassette dont parle l’Accusation est insuffisamment
16 avérée.
17 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Ce que vous
18 laissez entendre c’est qu’il y a eu manipulation de la
19 cassette ou bien qu’il y a un danger en raison du fait que
20 la cassette a été retirée de la garde du témoin. Enfin,
21 c’est à vous que le jugement appartient et c’est à vous
22 qu’il appartient d’établir par quel moyen la cassette a été
23 obtenue au-delà d’un doute substantiel quant à son
24 intégrité.
25 Nous savons que Monsieur Music ou quelqu’un
Page 13745
1 d’autre… vous nous demandez, n’est-ce pas, de penser que
2 quelqu’un a manipulé cette cassette ?
3 Me STEIN (interprétation) : Ce n’est pas la
4 position que nous défendons mais, en tout cas, elle a été
5 hors du contrôle de Monsieur Music du 20 décembre… excusez-
6 moi, du 20 novembre 1999 au 3 décembre 1999 ou au 4
7 décembre, date à laquelle il l’a réentendue. Dans toute
8 cette période, elle était entre les mains de ses
9 supérieurs, membres de l’unité du renseignement, si je me
10 rappelle bien sa déposition, et l’intégrité de la cassette
11 est le thème sur lequel nous fondons notre contestation.
12 Il était possible, bien entendu, de faire un
13 certain nombre de choses sur cette cassette jusqu’en
14 décembre 1999. Monsieur Nice nous l’a remise en l’an 2000
15 et c’est sur cette base-là, puisqu’il est question d’une
16 quatrième ou d’une cinquième génération de copies de la
17 cassette, que nous fondons notre objection.
18 [La Chambre discute]
19 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Monsieur
20 Husic, j’aimerais votre aide sur le point suivant. Avez-
21 vous d’autres souvenirs de guerre que vous auriez
22 conservés ?
23 R. Non.
24 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais dans ces
25 conditions, pourquoi avez-vous décidé de choisir
Page 13746
1 précisément cette cassette en tant que souvenir ?
2 R. À mes yeux, elle était particulièrement
3 intéressante. Elle constituait un exemple qui pouvait
4 servir à la formation ultérieure de nos cadres car, du
5 point de vue de l’analyse de son contenu et du point de vue
6 d’autres aspects, elle pouvait être utile. Pour nous,
7 c’était, donc, un document très particulier et c’était les
8 intentions qui m’animaient au moment où j’ai décidé de
9 conserver cette cassette mais je ne pouvais pas m’imaginer
10 à l’époque qu’un jour, elle constituerait un élément qui
11 pourrait être discuté en tant qu’élément de preuve éventuel
12 dans un procès comme celui-ci, devant un Tribunal comme
13 celui-ci.
14 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Saviez-vous
15 que Monsieur Kordic était jugé ici ?
16 R. Oui, bien sûr.
17 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Saviez-vous
18 que Monsieur Blaskic était jugé ici ?
19 R. Oui.
20 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Et il ne vous
21 est pas venu à l’esprit que ce qui figurait dans cette
22 cassette pouvait être important pour ces deux procès ?
23 R. Bien sûr, cela m’est venu à l’esprit mais je
24 savais que j’avais remis une copie de la cassette au moment
25 où j’ai quitté mes fonctions. Je pensais que cette copie
Page 13747
1 avait été conservée et qu’elle pouvait faire partie de la
2 sélection des éléments ou des documents considérés comme
3 intéressants.
4 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais comment
5 se fait-il dans ces conditions que lorsque vous avez parlé
6 avec Monsieur Music, l’importance de la cassette vous est
7 soudain devenue apparente ?
8 R. Bien, cela est dû au fait qu’il m’a dit, à ce
9 moment-là, qu’il y avait pénurie de documents pouvant
10 constituer des preuves éventuelles dans des procès de
11 crimes de guerre et que ce que nous avions fait par le
12 passé disparaissait dans des conditions très étonnantes,
13 que certains des éléments conservés dans les archives
14 n’étaient tout simplement plus accessibles, à ce moment-là,
15 et je lui ai dit que dans le cadre de mes activités
16 professionnelles, j’avais été mis en présence d’un très
17 grand nombre de documents saisis et que m’avait succédé un
18 homme qui avait poursuivi ce travail et qui avait sans
19 doute remis ces documents à son supérieur.
20 Je lui ai dit que dans tous les documents en
21 question, j’en avais conservé un seul car, à mon avis, il
22 était intéressant. Lors de la suite de notre conversation,
23 nous nous sommes rendu compte que cette cassette pouvait
24 être intéressante car il avait été dit qu’il était
25 impossible de la retrouver.
Page 13748
1 M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Monsieur
2 Husic, vous avez dit que vous aviez conservé cette cassette
3 à des fins de formation.
4 R. Oui.
5 M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Mais vous
6 n’avez gardé que cette cassette. Pourquoi est-ce que vous
7 n’auriez gardé qu’une seule cassette pour vous en servir
8 dans des activités de formation ?
9 R. Eh bien, cette cassette était
10 particulièrement intéressante. Je ne saurais dire pourquoi
11 je n’en ai pas conservé d’autres mais les autres n’étaient
12 tout simplement pas intéressantes et si nous parlons de
13 cette ligne qui a été écoutée, même pour cette ligne, c’est
14 la seule cassette qui a été conservée, la seule qui a été
15 archivée.
16 Autrement dit, il y avait des enregistrements qui
17 venaient d’autres endroits, d’autres émetteurs radios, par
18 exemple, mais celle-ci a été conservée car son contenu,
19 voyez-vous, est très intéressant et il était possible de
20 penser à l’utiliser dans le cadre d’activités de formation
21 portant précisément sur ce genre de communications et
22 s’agissant des autres, eh bien, tout simplement, elles ne
23 m’intéressaient pas particulièrement.
24 D’ailleurs, par la suite, je n’ai pratiquement pas
25 eu de contacts avec des enregistrements de ce genre parce
Page 13749
1 que les contacts se sont diversifiés. Il n’y avait plus un
2 seul homme qui travaillait à ces enregistrements mais
3 plusieurs. Donc, c’est un peu grâce aux circonstances que
4 j’ai conservé cette cassette.
5 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : L’une ou
6 l’autre partie souhaite-t-elle poser des questions sur ce
7 sujet ?
8 Me NICE (interprétation) : Si le contre-
9 interrogatoire de la Défense est terminé, j’aurai quelques
10 questions supplémentaires à poser au témoin. Je sais que
11 les Juges ne souhaitent pas que je prenne la parole avant
12 la fin du contre-interrogatoire.
13 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui, mais je
14 crois que le contre-interrogatoire est terminé.
15 Me STEIN (interprétation) : Oui, en effet,
16 Monsieur le Président.
17 Me NICE (interprétation) : Eh bien, quelques
18 questions supplémentaires.
19 RÉINTERROGÉ PAR Me NICE
20 (interprétation) :
21 Q. S’agissant de cette cassette particulière, y
22 a-t-il eu d’autres occasions où ce type particulier de
23 lignes téléphoniques a été enregistré, le savez-vous, ou
24 plutôt le produit de ce genre de lignes ?
25 R. Eh bien, nous avions mis sur écoute d’autres
Page 13750
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13751
1 lignes téléphoniques. Nous n’écoutions pas seulement
2 celle-ci.
3 Q. Ce type de lignes utilisées également par
4 d’autres personnes à d’autres fins, est-ce que vous avez
5 mis sur écoute les autres lignes du même type ou uniquement
6 celle-ci ?
7 R. Oui, mais s’agissant de lignes filières, donc
8 hertziennes, nous n’écoutions que celle-ci. Nous n’avons
9 écouté et enregistré que celle-ci.
10 Q. Vous nous avez dit avoir réalisé une copie de
11 cette cassette qui est une copie personnelle que vous
12 vouliez placer dans vos archives personnelles. Quand
13 l’avez-vous réalisé ?
14 R. Eh bien, la veille du jour où j’ai remis la
15 cassette à Monsieur Music.
16 Q. Où se trouve cette copie de la cassette,
17 votre enregistrement personnel ? L’avez-vous sur vous
18 aujourd’hui ?
19 R. Oui.
20 Q. Donc, cette copie a été réalisée avant la
21 date dont il est dit aujourd’hui qu’elle est la date de la
22 manipulation de la cassette ?
23 R. Si cette question s’adresse à moi…
24 Q. Oui.
25 R. Et si cela peut aider le Tribunal que je
Page 13752
1 remette également ma copie personnelle, je suis prêt à la
2 remettre immédiatement.
3 Q. Sous réserve de différences liées à la
4 qualité de l’enregistrement, le contenu de votre cassette
5 personnelle est-il censé présenter une quelconque
6 différence avec le contenu de la cassette remise à Monsieur
7 Music ?
8 R. Le contenu doit être identique. Maintenant,
9 s’agissant de la qualité de l’enregistrement, de la
10 reproduction, et cætera, c’est une question technique. Il
11 semble vraisemblable qu’une copie soit de qualité
12 inférieure à la qualité de l’original.
13 Q. Encore quelques questions si vous le voulez
14 bien. Premièrement, on vous a interrogé au sujet des
15 moments de silence sur la cassette et des exemples de
16 passages inaudibles. Les Juges, je pense, pourront voir en
17 page 19 de la transcription de la cassette en version
18 anglaise que les personnes qui parlaient disaient elles-
19 mêmes que l’audition était mauvaise, que la ligne
20 fonctionnait mal – on le voit, par exemple, page 19, ligne
21 6 – ou disaient même que la ligne était coupée, page 19,
22 ligne 5.
23 R. Oui, effectivement. On le constate à
24 l’écoute de la conversation et si l’on écoute toute la
25 cassette, on s’en rend bien compte. Bien sûr, c’est un
Page 13753
1 enregistrement mais il était tout à fait clair que la ligne
2 téléphonique elle-même était de mauvaise qualité.
3 Q. Par exemple, page 18, ligne 7, une voix
4 masculine qui parle de mauvaise liaison téléphonique et
5 nous pouvons lire la suite mais pouvez-vous me donner
6 d’autres exemples d’utilisation de cette ligne qui
7 n’avaient aucun rapport avec l’armée ? Certains usages,
8 d’ailleurs, peuvent être considérés comme amusants, à mon
9 avis.
10 R. Vous pensez au contenu de l’enregistrement ?
11 Il y a une conversation enregistrée sur cette cassette qui,
12 à mon avis, n’est absolument pas intéressante. C’est
13 l’enregistrement numéro 6. Sur la page de couverture de la
14 cassette, la conversation de Lilia Boro (ph.), absolument
15 dépourvue du moindre intérêt mais tout de même enregistrée.
16 Q. Page 10… en fait, je vais vous interroger au
17 sujet de certaines choses que les contrôleurs ont entendues
18 mais n’ont pas enregistrées. Pouvez-vous nous donner des
19 exemples d’utilisation de cette ligne téléphonique par des
20 gens autres que des militaires ?
21 R. La seule chose que je peux faire, c’est
22 répondre de façon générale car il s’agissait d’une ligne
23 qui était une sorte de centrale militaire ou, en tout cas,
24 qui était reliée à la centrale militaire. Donc, elle était
25 utilisable par un nombre de personnes très restreint, très
Page 13754
1 limité et on en voit un exemple sur la cassette, celui que
2 je viens de mentionner.
3 Me NICE (interprétation) : Monsieur le Président,
4 Messieurs les Juges, je pense que le témoin a également
5 affirmé qu’il avait réalisé une copie personnelle avant la
6 date dont nous parlons et qu’à l’écoute de la cassette, il
7 affirme que celle-ci est tout à fait authentique, même s’il
8 n’est pas capable de se rappeler chacun des mots prononcés
9 car il serait absurde de prétendre en être capable mais, en
10 tout cas, il reconnaît le contenu de la cassette de façon
11 générale.
12 Si ceci est contesté sur le plan d’une
13 manipulation éventuelle, il n’y a pas de doute que
14 l’argument du témoin répond à cela.
15 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Eh bien, nous
16 allons suspendre et nous poursuivrons cet après-midi.
17 Monsieur Husic, je vous demanderais de revenir ici
18 à 14 h 45 et je vous prierais de vous rappeler que vous ne
19 devez parler à personne de votre déposition au cours de
20 cette suspension d’audience, que vous ne devez même pas en
21 parler aux membres du bureau du Procureur.
22 Me NICE (interprétation) : Avant la suspension de
23 l’audience, je pense à une solution qui nous permettrait
24 peut-être de gagner du temps. Si les moyens techniques
25 existent pour ce faire et, bien sûr, en présence de la
Page 13755
1 Défense, nous pourrions écouter la copie du témoin en même
2 temps que la copie remise au Tribunal. Cela, je pense,
3 permettrait de lever les allégations de manipulation de la
4 cassette entre novembre 1999 et fin décembre 1999.
5 Me STEIN (interprétation) : Cela me conviendrait,
6 bien sûr, mais pas pendant la pause-déjeuner.
7 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais nous ne
8 souhaitons pas remettre le reste de l’audition à demain
9 matin. Donc, essayez de faire ce qu’il est possible de
10 faire pendant la pause-déjeuner.
11 Me NICE (interprétation) : Oui, Monsieur le
12 Président, tout à fait, mais vous m’autorisez à parler au
13 témoin de cela ?
14 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Bien sûr.
15 --- Suspension de l’audience à 13 h 05
16 --- Reprise de l’audience à 16 h 38
17 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui, Me Nice.
18 Me NICE (interprétation) : Oui. Je ne vais pas
19 terminer avec mon argumentation à ce moment mais je
20 souhaite suggérer quelque chose.
21 En effet, je pense que nous ne pouvons pas parler
22 ici de l’application de l’Article 95 puisqu’il dépendra des
23 Juges de décider quel est le poids à donner à la valeur de
24 cette présentation de ce moyen de preuve et d’après cet
25 article, l’Article 95, cet article a été mentionné dans le
Page 13756
1 cadre de la déposition du témoin et cet article s’applique
2 lorsqu’il s’agit d’ouï-dire, lorsque le témoin dit : « J’ai
3 entendu parler de cela de la part du Témoin A, B ou C. »
4 Ici, nous avons un enregistrement. Donc, la
5 pertinence est complètement différente, est différemment
6 prouvée parce qu’ici, le témoin dit tout simplement :
7 « Voici l’enregistrement, voici la cassette » et après, ça
8 dépendra du contenu de la cassette, quelle sera la
9 discussion qui s’ensuivra.
10 Aussi, je souhaite dire que le témoin peut
11 produire la cassette dont il disposait et ce que je propose
12 c’est que l’on fasse la comparaison de la cassette que le
13 témoin détenait et la cassette que le témoin a fournie, sur
14 laquelle il n’a pas eu le contrôle pendant une certaine
15 période.
16 M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Excusez-
17 moi de vous interrompre mais je souhaite savoir dans quel
18 degré la Chambre de première instance doit être satisfaite
19 quant à la fiabilité de cet élément de preuve. Quel est le
20 critère pour établir cette fiabilité ?
21 Me NICE (interprétation) : Je ne sais pas si nous
22 pouvons nous baser sur la jurisprudence mais dans l’Article
23 95, il est écrit que : « Aucun moyen de preuve n’est
24 admissible s’il est obtenu par des méthodes douteuses qui
25 jettent un doute sur leur fiabilité. » Donc, si j’ai bien
Page 13757
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13758
1 lu l’article, je peux dire que s’il est établi qu’il y a un
2 manque de fiabilité, dans ce cas-là, le moyen de preuve est
3 exclu, sinon, il est possible de l’accepter.
4 Donc, c’est la manière dont cette règle peut être
5 appliquée. Ceci n’est pas la preuve directe du témoin. Il
6 ne s’agit pas ici d’un témoin qui se base sur les rumeurs,
7 sur l’ouï-dire provenant des témoins A, B, C. Dans ce cas-
8 là, la Chambre de première instance pourrait dire qu’aucun
9 poids ne pourrait être accordé à son intervention.
10 Voici quelle est ma réponse. Je ne sais pas s’il
11 y a une jurisprudence qui ne m’est pas connue. Si tel est
12 le cas, j’aimerais bien l’examiner et en parler plus tard.
13 [La Chambre discute]
14 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Je crois qu’il
15 faudra que l’on entende l’enregistrement.
16 Me NICE (interprétation) : Très bien ! Mais afin
17 d’éviter le problème de divergences entre la version reçue
18 par l’enquêteur et la version fournie par le témoin, si
19 nous faisons entendre la cassette du témoin et si on la
20 fait comparaître au transcript, ceci résoudra notre
21 problème. Comme je l’ai déjà dit, j’ai déjà parlé avec le
22 témoin pendant la pause en proposant d’écouter moi-même la
23 première conversation et de suivre ce qu’il est dit d’après
24 le transcript.
25 J’ai l’impression que les cassettes sont
Page 13759
1 identiques et que le transcript correspond à la version
2 dont je dispose mais, bien sûr, mes possibilités sont
3 limitées puisque je ne parle pas la langue. C’est pour
4 cela que j’ai demandé à un associé parlant la langue croate
5 de nous fournir son assistance ici aujourd’hui si besoin
6 est.
7 Donc, je demanderais maintenant au service
8 technique de nous faire écouter cette cassette-là afin
9 d’éviter toute contestation.
10 [La Chambre discute]
11 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Excusez-moi.
12 Me Stein, vous voulez dire quelque chose ?
13 Me STEIN (interprétation) : Moi, j’ai un esprit
14 extrêmement pragmatique. Donc, je ne vais pas faire les
15 choses à la hâte. Je pense qu’ici, nous avons une solution
16 pragmatique mais pour le compte rendu, je souhaite insister
17 sur le fait que nous contestons l’authenticité et la
18 fiabilité de la cassette et non pas seulement sur la base
19 de cet écart entre novembre et le 4 décembre mais pour
20 d’autres raisons.
21 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui. Vous avez
22 déjà expliqué ces raisons.
23 Comment est-ce que nous pouvons procéder, Me
24 Nice ?
25 Me NICE (interprétation) : D’habitude, nous
Page 13760
1 faisons la même chose qu’avec les cassettes vidéos, c’est-
2 à-dire que le service technique diffuse l’enregistrement et
3 les interprètes suivent ou bien ils interprètent. Cela
4 dit, pour les interprètes, c’est sûrement très utile de
5 disposer d’un transcript et ils peuvent être guidés par ce
6 transcript.
7 Donc, nous devons leur faire confiance, être sûrs
8 qu’ils font leur travail consciencieusement et, donc, il va
9 falloir leur donner l’instruction de dire ce qu’ils
10 entendent et non pas simplement de lire le transcript.
11 Donc, vu le fait que la traduction n’est pas une science
12 mais un art, il faut s’attendre à ce qu’il y ait quelques
13 petits écarts entre les versions anglaises et françaises.
14 Je crois que Me Stein souhaite ajouter quelque
15 chose.
16 Me STEIN (interprétation) : Oui. Avec tout le
17 respect que je vous dois, je souhaite constater qu’il
18 s’agit là de conversations extrêmement rapides et il
19 faudrait permettre aux interprètes d’avoir des pauses avant
20 de procéder plus tard.
21 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Très bien.
22 Nous allons procéder ainsi. Si les interprètes ont du mal
23 à suivre le débit, ils pourraient nous faire signe et dans
24 ce cas-là, nous allons certainement faire une pause entre
25 les enregistrements ou bien entre les conversations.
Page 13761
1 Me Nice, puisque c’est vous qui présentez ce moyen
2 de preuve, c’est à vous de proposer les pauses le moment
3 voulu.
4 Me NICE (interprétation) : Très bien ! J’ai
5 marqué les endroits où les conversations différentes
6 commencent et où elles s’arrêtent. Donc, je pense que nous
7 trouverons ces annotations utiles mais pour le moment, je
8 souhaite demander au témoin de remettre à l’huissier la
9 cassette. Je propose que cette cassette se voit attribuer
10 la cote 2801.4. Donc, je répète, 2801.4.
11 Pendant que nous attendons que cela soit terminé,
12 si les Juges disposent de la version en anglais du
13 transcript, je peux dire que la première conversation
14 couvre les pages 1 à 3. La deuxième, je crois que ça
15 aussi, c’est marqué par le numéro 1. Ensuite, cette
16 conversation s’étale sur la deuxième page, ligne 7, je
17 crois.
18 Je pense que pour le moment, ça suffira. Est-ce
19 que je peux m’asseoir pendant que l’on écoute
20 l’enregistrement ?
21 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui, tout à
22 fait. Il faudrait que l’on reçoive les indications, une
23 liste nous indiquant de quoi il s’agit dans ces
24 conversations.
25 Me NICE (interprétation) : Oui. Ceci se trouve à
Page 13762
1 la dernière page de la déclaration du témoin et les Juges
2 remarqueront qu’il y est indiqué à la face A et à la face B
3 de la cassette ce qui se trouve et moi, comme je l’ai déjà
4 indiqué, en ce qui concerne le transcript qui figure à la
5 première page du transcript, il s’agit de la page qui
6 commence par un 0000003, il est indiqué « face B » mais il
7 faudrait que ce soit indiqué « face A » mais peut-être que
8 c’est un détail de moindre importance.
9 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Très bien !
10 Nous allons écouter les cassettes maintenant et les
11 interprètes… je pense que le seul problème qui se pose,
12 c’est le décalage entre le transcript et ce qui a été dit
13 et ici, il s’agit d’un écart important. Est-ce qu’il
14 serait possible que les interprètes s’arrêtent lorsqu’une
15 situation se présente et attirer notre attention à ce
16 sujet ?
17 LES INTERPRETES : Oui, si c’est suffisamment
18 audible.
19 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui, bien sûr,
20 si c’est audible et si c’est important. Donc, si les
21 interprètes remarquent un quelconque décalage important,
22 nous aimerions que les interprètes l’indiquent et il
23 faudrait qu’ils indiquent aussi si cela va trop rapidement.
24 Est-ce que tout le monde est prêt ?
25 LES INTERPRETES : Nous ferons de notre mieux.
Page 13763
1 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Merci.
2 [AUDITION D’UNE CASSETTE]
3 L’INTERPRÈTE :
4 « Allo. Qui est là ? Allo.
5 Oui, vous entendez ?
6 Allo, allo.
7 Oui. Dusko, c’est vous ?
8 Ce n’est pas Dusko.
9 C’est qui ? Allo. Oui, allez-y.
10 Nous sommes trois.
11 Qui est-ce ?
12 C’est la personne principale de Busovaca.
13 Eh bien, j’y suis. Ah, tu es là. Dis-moi
14 brièvement jusqu’où tu es arrivé et si le chef est chez
15 toi.
16 Oui.
17 Pardon ?
18 Est-ce que le régiment est là ?
19 Pardon ?
20 Est-ce que le régiment est là ?
21 Oui, il est là. Le chef est là.
22 Ah, il est là ?
23 Oui. Il est au téléphone. Un moment, s’il te
24 plaît.
25 Donne-le moi. Allo, allo. Ami, eh dis-moi, ami,
Page 13764
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13765
1 tu es vivant ?
2 Allo.
3 J’ai dit : tu es vivant ?
4 Je le suis.
5 Eh bien, tu t’échappes toujours quand c’est la
6 pagaille. Qu’est-ce qu’on va faire avec toi ? On va te
7 sauver ou pas ? Tu es dans la province de Sarajevo mais ne
8 dis pas ça. Où était le lance-roquette multiple ?
9 Prépare-le pour Kacuni, Lugovi, pour qu’on voit comment il
10 perce.
11 Quand ? Maintenant ?
12 Pas tout de suite. Au même moment que nous.
13 Eh bien, dis-le moi. »
14 L’INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent que ça
15 devient trop fort et demandent une pause.
16 [PROBLÈMES AUDIO]
17 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Me Stein,
18 quelles sont les parties du compte rendu d’audience de
19 Blaskic que vous avez ?
20 Me STEIN (interprétation) : Tout ce qui est
21 public.
22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Vous n’avez
23 pas les audiences à huis clos ?
24 Me STEIN (interprétation) : Non. Il a témoigné
25 pendant 30 jours, comme vous vous en souviendrez. Je ne
Page 13766
1 sais pas combien de jours nous avons.
2 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Combien en
3 avez-vous ?
4 Me STEIN (interprétation) : Combien sur les 30
5 jours ? Je ne pourrais vous le dire comme cela sans
6 vérifier.
7 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Vous souhaitez
8 disposer des audiences à huis clos partiel, de la partie de
9 la déposition faite à huis clos partiel ?
10 Me STEIN (interprétation) : Oui. Je sais que
11 nous avons demandé la transcription de la déposition à huis
12 clos partiel d’un des témoins qui a été cité, sinon,
13 d’ailleurs, de tous les témoins entendus. Nous l’avons
14 fait dans une requête préalable. Peut-être que je me
15 trompe mais la volonté de l’Accusation d’utiliser la
16 transcription de la déposition Blaskic est assez récente.
17 Donc, je ne crois pas que nous l’ayons demandée par écrit.
18 Je vous pris de m’excuser, Monsieur le Président.
19 D’ailleurs, je ne parle pas avec la plus grande certitude.
20 Je ne m’en souviens pas exactement.
21 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui, oui.
22 Me Kovacic, vous avez la parole.
23 Me KOVACIC (interprétation) : Monsieur le
24 Président, Messieurs les Juges, je suis d’accord avec ce
25 que Me Stein vient de dire au sujet de l’intégralité de la
Page 13767
1 déposition de Blaskic dont nous avons besoin puisqu’elle
2 paraît devoir devenir un élément de preuve dans cette
3 affaire. C’est, en effet, l’une des sources qui est
4 utilisée par un expert, semble-t-il, pour reconstituer la
5 position des différentes unités en présence et, bien
6 entendu, il serait préférable de disposer de l’intégralité
7 de la déposition plutôt que de quelques parties uniquement.
8 Il y a un autre élément, je pense, auquel il faut
9 réfléchir. Nous sommes aujourd’hui confrontés une nouvelle
10 fois avec une situation extrêmement spécifique. Lorsque je
11 dis spécifique, je veux dire par comparaison aux procédures
12 habituelles de ce Tribunal quant à la façon de présenter
13 des éléments de preuve, quant aux sources de ces éléments,
14 et cætera.
15 À ce sujet, je dirai ce qui suit. Pour autant que
16 j’aie bien compris ce qu’ont dit mes collègues et avec
17 toutes les réserves que je fais, je dis que nous avons ici
18 un certain nombre de documents qui sont présentés comme des
19 documents à l’appui des cartes. Ces documents sont le
20 fruit du travail d’un expert dont je ne connais pas
21 exactement les qualifications mais qui, officiellement,
22 fait partie de l’équipe du Procureur dans le procès auquel
23 nous participons, ce qui signifie qu’une partie au procès a
24 élaboré des éléments de preuve soumis à la Chambre.
25 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Oui, mais
Page 13768
1 quelle sorte d’objection pouvez-vous élever par rapport à
2 cela ? Je trouve qu’il y a beaucoup d’affrontements dans
3 ce procès. Ici, nous sommes en train de parler de
4 l’admission ou non de cartes et je vois mal qu’il puisse y
5 avoir désaccord sur ce point très simple.
6 Si les lignes de front ont évolué, eh bien, voyons
7 de quelle façon elles ont évolué mais, sans cesse, des
8 arguments sont présentés qui sont des arguments hostiles.
9 Or, ce qui est important, c’est le poids à accorder à
10 l’élément de preuve et pas le fait que la personne qui
11 permet le versement au dossier soit un enquêteur.
12 Donc, venons-en, si vous le voulez bien, au cœur
13 du problème. Je vais demander aux conseils d’examiner la
14 question pendant la pause et de voir quelle est la
15 meilleure solution à apporter à la question que j’ai
16 soulevée car c’est une question d’intérêt pour la Chambre
17 et, donc, j’aimerais beaucoup qu’une aide soit apportée à
18 la Chambre de la façon la plus directe qui soit, plutôt que
19 de passer notre temps à discuter d’admissibilité.
20 Me Kovacic, je crois que le moment est arrivé de
21 passer à autre chose.
22 Me KOVACIC (interprétation) : Monsieur le
23 Président, c’est précisément ce que je voulais faire mais
24 la situation est assez spécifique. Je ne suis pas sûr de
25 bien comprendre qui est qui et quelle est la valeur à
Page 13769
1 accorder à tel ou tel élément ici et je partirai de ce que
2 vous venez de dire.
3 Si le Procureur élabore un élément de preuve,
4 c’est comme si moi, j’allais témoigner. Bien sûr, je
5 caricature un peu mais j’ai essayé de proposer une
6 solution. Si une telle présentation est considérée comme
7 un élément de preuve au sens classique du terme, c’est une
8 chose mais il est possible de considérer cela comme un
9 moyen de présentation d’un élément de preuve. Il me
10 semble, en fait, que nous sommes entre les deux et, dans ce
11 cas, je pense qu’il serait plus pratique, plus rationnel et
12 que cela nous permettrait de gagner du temps si nous
13 pouvions avoir une discussion constructive avec
14 l’Accusation pour voir quelles sont les autres sources qui
15 doivent être prises en considération pour élaborer ces
16 cartes de la meilleure façon qui soit.
17 Personnellement, avec toutes les réserves que j’ai
18 déjà émises parce que nous avons reçu ces documents
19 aujourd’hui seulement mais vraiment, je pense être en droit
20 de dire que 85 pour cent des documents que nous avons reçus
21 aujourd’hui sont plus ou moins non contestés, ce qui
22 signifie que l’Accusation devrait être prête à accepter
23 d’autres sources également venant de nous ou venant
24 d’autres procès, notamment du procès Blaskic, auquel cas
25 nous serions garantis d’une meilleure sécurité. Sinon,
Page 13770
1 nous aurons encore des problèmes en contre-interrogatoire
2 et il va nous falloir, du côté de la Défense, lors de
3 l’audition de nos témoins, amener toutes sortes de témoins,
4 tirer des extraits d’autres procès pour pouvoir dire ce que
5 nous voulons dire.
6 Certains éléments sont plus importants que
7 d’autres mais dans la situation actuelle, l’image n’est pas
8 une image correspondant à la réalité, fidèle à la réalité.
9 Donc, je vous demande de nous donner des limites. Est-ce
10 qu’ici, il s’agit de présenter des éléments de preuve ou de
11 traiter du moyen dont cette présentation se fait ?
12 Si l’Accusation a d’autres éléments, donc, des
13 éléments provenant d’autres procès, peut-être pourrions-
14 nous discuter avec l’Accusation et accepter ces éléments si
15 nous le savions.
16 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Ce à quoi je
17 pense c’est un document qui devrait être soumis à la
18 Chambre et sur lequel il ne devrait pas y avoir de
19 contestation. S’il est impossible d’arriver à une telle
20 situation, il va nous falloir trouver d’autres solutions.
21 M. LE JUGE BENNOUNA : Là, je rejoins mon collègue
22 Richard May, je crois qu’il faut arriver entre vous, donc,
23 c’est-à-dire en dehors de l’audience, entre la Défense et,
24 comme vous l’avez proposé, d’ailleurs, et comme vient de le
25 rappeler Me Nice, et le Procureur de dégager le maximum de
Page 13771
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13772
1 points d’accord. Sur les éléments sur lesquels vous n’êtes
2 pas d’accord, vous pouvez aussi le mentionner à la limite,
3 soit à côté en disant : « Voilà la position des points de
4 désaccord, la position de la Défense sur tel point qui a
5 mentionné ceci et le Procureur pense plutôt cela. »
6 Ce qui nous importe c’est de dire quels sont les
7 points d’accord, tout en mentionnant à côté s’il reste des
8 points de désaccord et on ne va pas prolonger, si vous
9 voulez… de toute façon, on ne va forcer personne à être
10 d’accord malgré lui. Donc, essayez de dégager le
11 dénominateur commun et puis sur les éléments subsidiaires
12 de désaccord, mentionnez les éléments de désaccord et puis
13 c’est tout.
14 Me KOVACIC (interprétation) : Je suis entièrement
15 d’accord avec cela mais, Monsieur le Président, Messieurs
16 les Juges, il faut aussi que nous tenions compte de la
17 situation pratique et je vous prie de m’excuser pour le
18 temps que j’utilise dans mon intervention. Nous avons reçu
19 les cartes il y a très peu de temps. Nous n’avons pas pu
20 les analyser à fond.
21 Nous avons reçu des documents, un document relatif
22 au témoin hier, très bien écrit, trois parties, la méthode
23 suivie est excellente mais dans les notes en bas de page,
24 de nouvelles sources se présentent.
25 M. LE JUGE BENNOUNA : Pour tout cela, dites-nous
Page 13773
1 de quel délai avez-vous besoin pour l’examen de tous ces
2 papiers. On n’est pas en train de presser personne ici.
3 Dites-nous de quel délai vous avez besoin.
4 Me KOVACIC (interprétation) : Monsieur le
5 Président, nous avons reçu ce classeur aujourd’hui. Je ne
6 sais même pas combien de ces documents je dois examiner à
7 fond. Il ne serait pas sérieux si je vous disais : j’ai
8 besoin de 20 jours ou de 100 jours mais donnez-moi au
9 moins, je vous prie, 24 heures pour examiner ces documents
10 et savoir exactement de quoi nous parlons. À ce moment-là,
11 je pourrai vous dire si nous avons besoin de 10 jours, de
12 15 jours mais, en tout cas, je pourrai vous parler d’un
13 délai raisonnable.
14 Vous savez, bien sûr, aussi ce que nous avons reçu
15 depuis un mois du Procureur. Tous les jours pratiquement,
16 nous recevons quelque chose.
17 M. LE JUGE BENNOUNA : Dites-nous tous les deux,
18 avec Me Stein, de quel délai vous avez besoin demain.
19 Demain, au cours de la journée, vous aurez eu l’occasion au
20 moins d’avoir évalué le délai qui vous est nécessaire et
21 puis on décidera du délai nécessaire et puis c’est tout.
22 Me KOVACIC (interprétation) : Bien sûr, demain, à
23 la fin de la journée, je suis tout à fait prêt à vous
24 donner une idée du délai nécessaire. Si vous m’accordez
25 jusqu’à vendredi, encore mieux.
Page 13774
1 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Vendredi, oui.
2 Nous allons entendre un témoin à présent mais avant cela,
3 Me Stein, vous pouvez nous aider sur un autre point. Je
4 pense à la question liée à la nouvelle cassette, l’idée que
5 vous puissiez l’écouter. Ce qui me préoccupe un petit peu
6 c’est qu’il a fallu un mois pour obtenir la traduction de
7 la version antérieure de la cassette. Donc, il faudrait
8 sans doute pas mal de temps avant que nous obtenions la
9 traduction de cette dernière version.
10 S’il vous était possible, et au moins, donnez-nous
11 votre point de vue préliminaire mais si vous acceptiez de
12 nous dire en gros quels sont les points de désaccord
13 importants s’il y en a, cela nous permettrait peut-être
14 d’arriver à une réponse plus rapidement.
15 Me STEIN (interprétation) : Pendant la pause-
16 déjeuner, nous avions beaucoup de choses à faire et, bien
17 entendu, j’accepte ce travail supplémentaire sans le
18 moindre problème. Nous passons en revue la cassette. S’il
19 y a des points de désaccord, nous les indiquerons au
20 Procureur qui peut vérifier et ensuite, nous parlerons aux
21 Juges de la Chambre.
22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Ce serait sans
23 doute une manière plus concrète et pratique de travailler.
24 Entre-temps, nous pouvons demander à la section de
25 traduction combien de temps il lui faudra pour traduire et
Page 13775
1 nous pouvons même indiquer qu’il s’agit d’une priorité.
2 Vous pourrez sans doute nous dire un peu plus tard quelle
3 est votre position sur ce point.
4 Me STEIN (interprétation) : Oui. Nous pourrons
5 également vous dire quelle est notre position sur les
6 cartes. Nous aurons peut-être besoin de la suspension
7 d’audience pour le décider pour une raison bien précise que
8 je souhaite vous faire connaître. L’Accusation souhaite
9 faire admettre 41 dépositions entendues dans d’autres
10 affaires, ce qui signifie 7 000 pages et quelques de
11 transcriptions, de comptes rendus d’audience.
12 Donc, vous voyez, cela va nous occuper. Non pas
13 que nous n’ayons pas été très occupés déjà mais vous voyez,
14 les documents font à peu près cette hauteur, deux mètres de
15 haut, et nous nous frayons difficilement un chemin dans
16 cette masse de documents mais nous le faisons.
17 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Nous parlerons
18 des cartes vendredi et si, à quelque moment que ce soit,
19 vous avez besoin d’un jour de lecture, ce n’est pas que je
20 vous incite à le demander mais enfin, si c’est absolument
21 indispensable, n’hésitez pas à nous le faire savoir.
22 Me STEIN (interprétation) : Merci, Monsieur le
23 Président. Eh bien, attendons la semaine prochaine.
24 Entre-temps, j’aurai peut-être changer de lunettes.
25 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Faisons au
Page 13776
1 moins entrer le témoin suivant.
2 L’INTERPRÈTE : Monsieur Bennouna, nous vous
3 entendons.
4 [Le témoin entre dans la Cour]
5 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Je demanderais
6 au témoin de prononcer la déclaration solennelle.
7 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare
8 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et
9 rien que la vérité.
10 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Vous pouvez
11 vous asseoir, Monsieur.
12 TÉMOIN : MIRSAD AHMIC (ASSERMENTÉ)
13 INTERROGÉ PAR Me SOMERS
14 (interprétation) :
15 Q. Je vous prierais de bien vouloir décliner
16 votre identité complète.
17 R. Mirsad Ahmic.
18 Q. Votre date de naissance ?
19 R. Le 12 septembre 1968.
20 Q. Votre lieu de naissance ?
21 R. Zenica.
22 Q. Votre profession actuelle ?
23 R. Électronicien en télécommunications.
24 Q. Vous êtes né à Zenica mais où vivait votre
25 famille en Bosnie centrale jusqu’en 1993 ? Quelle était la
Page 13777
1 ville dans laquelle votre famille a résidé la majeure
2 partie du temps ?
3 R. Nous habitions à Vitez, dans la ville de
4 Vitez et je suis né à Zenica simplement parce que c’est là
5 que se trouvait la maternité à l’époque.
6 Q. Pourriez-vous parler aux Juges de cette
7 Chambre de votre expérience militaire ?
8 R. Vous parlez de la période antérieure à 1992,
9 1993 ?
10 Q. Oui. Toute votre expérience militaire depuis
11 les années 80.
12 R. J’ai fait mon service dans la JNA de
13 septembre 1987 à septembre 1988. Après cela, en 1992, en
14 juin, j’ai été mobilisé dans les rangs de la Défense
15 territoriale et j’ai fait partie de la Défense
16 territoriale, devenue ensuite armée de Bosnie-Herzégovine,
17 depuis cette date jusqu’au 30 août 1994.
18 Q. Donc, c’est le 20 octobre 1992 à peu près que
19 vous êtes entré dans les rangs de la Défense territoriale,
20 date à laquelle la Défense territoriale a dû abandonner son
21 quartier général dans l’école secondaire de Vitez pour
22 s’installer à Stari Vitez, n’est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Pouvez-vous dire en quelques mots pourquoi le
25 quartier général a déménagé ?
Page 13778
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13779
1 R. Je crois que la raison principale réside dans
2 le fait que le HVO souhaitait contrôler complètement la
3 ville et que nous étions dans un bâtiment du centre-ville.
4 Donc, pour que le HVO puisse contrôler la ville, il fallait
5 que nous partions.
6 Q. Mais y a-t-il eu une attaque du HVO ?
7 R. Oui. Nous avons subi peut-être pas ce que
8 j’appellerais une attaque classique mais, en tout cas, des
9 obus ont été tirés très vraisemblablement par des mortiers
10 contre nous et il y a eu aussi des armes automatiques qui
11 ont été utilisées à plusieurs reprises.
12 Q. Votre résidence à Vitez, pourriez-vous nous
13 décrire l’endroit où vous viviez avec votre famille ?
14 R. Le bâtiment où nous habitions se trouvait
15 dans le centre-ville.
16 Q. Était-ce un immeuble, une maison ou un
17 appartement ?
18 R. Nous habitions dans un immeuble.
19 Q. Mais possédiez-vous une maison quelque part
20 dans la municipalité de Vitez ?
21 R. Oui. Nous avions une maison, une maison qui
22 appartenait à la famille et qui était de construction
23 récente.
24 Q. Où ?
25 R. Dans le hameau de Zume. Maintenant, on parle
Page 13780
1 de Ahmici. Enfin, les uns utilisent le terme Zume, les
2 autres, Ahmici car les deux endroits sont très proches l’un
3 de l’autre.
4 Q. Avez-vous jamais occupé cette maison ?
5 R. Non.
6 Q. Quelqu’un occupait-il cette maison à Ahmici
7 le 16 avril 1993 ?
8 R. Oui. Une famille de Karaule y habitait. Je
9 crois que leur nom était Mehmedalija. C’était des
10 réfugiés.
11 Q. Occupaient-ils la maison avec l’accord de
12 votre famille ?
13 R. Oui.
14 Q. Qu’est-il advenu de cette famille le 16 avril
15 1993, plus précisément durant l’attaque sur Ahmici ?
16 R. Eh bien, nous avons revu ces personnes par la
17 suite. Les femmes ont immédiatement été emmenées dans le
18 camp qui avait été installé dans les locaux de la gare et
19 les hommes se sont cachés parce que non loin de la maison,
20 il y avait une espèce d’annexe qui possédait une cave.
21 Donc, ils se sont cachés à cet endroit. Ils ont fermé une
22 espèce de trappe qu’il y avait et comme c’était, en fait,
23 une espèce de garde-manger, de réserve pour des vivres, ils
24 sont restés dans cet endroit quelques jours, dans ce réduit
25 qui faisait 50 centimètres sur 50 centimètres à peu près.
Page 13781
1 Q. Qu’est-il arrivé à la maison, votre maison à
2 Ahmici ?
3 R. Elle a été incendiée le matin même.
4 Q. Savez-vous si la famille Mehmedalija se
5 trouvait dans la maison lorsqu’elle a été incendiée ?
6 R. Il n’y avait personne dans la maison. Les
7 hommes étaient dans cette espèce d’annexe, dans cette sorte
8 de cave que nous possédions pour y entreposer des vivres,
9 ce genre de choses. Il n’y avait, donc, personne dans la
10 maison parce que les femmes ont été emmenées dans un camp
11 et les hommes étaient cachés dans la cave.
12 Q. Une dernière question au sujet de cette
13 maison. Avez-vous la moindre idée de l’identité de ceux
14 qui ont mis le feu à la maison ?
15 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Comment est-ce
16 que le témoin pourrait le savoir ?
17 Me SOMERS (interprétation) : Cela sera démontré
18 dans le reste de l’interrogatoire principal dans le cadre
19 de ce que le Tribunal appelle l’ouï-dire, si la Chambre
20 l’accepte.
21 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Mais nous
22 aimerions connaître le fondement de cette partie de la
23 déposition.
24 Me SOMERS (interprétation) :
25 Q. Avez-vous jamais entendu un commentaire quant
Page 13782
1 à l’identité de ceux qui auraient pu mettre le feu à la
2 maison ?
3 R. Eh bien, une indication de cela peut se
4 trouver dans une conversation que mon père a eue avec
5 Monsieur Mehmedalija, celui-ci disant avoir entendu, au
6 moment où le feu a été mis à la maison, que c’était deux
7 hommes qui l’avaient fait. Bien sûr, il n’a pas pu voir ce
8 qui se passait de ses yeux mais, apparemment, l’un de ces
9 hommes a dit : « Eh bien, mettons le feu à la maison » et
10 l’autre a répondu : « Non. Fais-le, toi, c’est toi qui
11 étais son ami. »
12 Q. Votre situation à présent, le 16 avril 1993,
13 à Vitez, qu’avez-vous vécu ce jour-là ?
14 R. Eh bien, vers 5 h 30 du maison… du matin (se
15 reprend l’interprète), nous avons été réveillés par des
16 bruits d’explosion. Nous ne savions pas exactement ce qui
17 se passait et, pour des raisons de sécurité, nous nous
18 sommes mis à l’abri dans la cave du bâtiment, cave qui
19 était plus ou moins déjà préparée pour ce genre d’événement
20 depuis l’époque de bombardements aériens. Cela suffit ?
21 Q. Êtes-vous capable de dire d’où provenaient
22 les obus si vous avez eu un moyen de le déterminer ?
23 R. Eh bien, je vais vous dire, les détonations
24 venaient de tout près. Évidemment, nous les entendions
25 bien. Donc, elles venaient de tout près, de sorte que je
Page 13783
1 pense que l’origine des obus était à Stari Vitez parce que
2 notre bâtiment était à peu près à 200, 250 mètres de Stari
3 Vitez à vol d’oiseau.
4 Q. Est-ce que c’était Stari Vitez qui était
5 pilonnée, pour que tout soit très clair ?
6 R. Je crois que oui, entre autres, car on
7 pouvait entendre des détonations provenant d’autres
8 quartiers de la ville également mais puisque celles-ci
9 étaient le plus près de nous, c’est celles que nous avons
10 le mieux entendues, bien sûr.
11 Q. Pendant que vous vous trouviez dans la cave
12 de votre immeuble, avez-vous été contacté par qui que ce
13 soit ou avez-vous pu rester dans cette cave sans que
14 personne ne vienne vous déranger ?
15 R. Non. Très rapidement, c’est-à-dire deux ou
16 trois heures après notre arrivée dans la cave, des soldats
17 sont arrivés.
18 Q. Quel genre de soldats ?
19 R. Des soldats qui portaient un masque noir sur
20 le visage et un uniforme noir.
21 Q. Et qui appartenaient à quelle armée ?
22 R. C’était des membres du HVO, les Vitezovis.
23 Q. Comment avez-vous réussi à déterminer qu’il
24 s’agissait des Vitezovis ?
25 R. Ils avaient un emblème sur la manche,
Page 13784
1 l’emblème des Vitezovis que nous connaissions à peu près.
2 Q. Portaient-ils également des écussons du HVO ?
3 R. Oui. Ils portaient toujours des écussons du
4 HVO et l’emblème des Vitezovis. Si je me souviens bien,
5 l’écusson du HVO était sur une manche et l’emblème des
6 Vitezovis sur l’autre.
7 Q. Avez-vous réussi à quelque moment que ce soit
8 à déterminer l’identité de l’un quelconque de ces Vitezovis
9 masqués ?
10 R. Oui. J’en ai identifié un par sa voix car
11 nous nous connaissions bien, de sorte que cela ne m’a posé
12 aucun problème de le reconnaître au son de sa voix.
13 Q. Et qui était-il ?
14 R. Il s’appelle Robert Safradin.
15 Q. Safradin ou les autres, que vous ont-ils
16 demandé ?
17 R. Ils nous ont demandé des armes et nous ont
18 menacés en disant que si, dans l’appartement de l’un ou de
19 l’autre, ils trouvaient quelque chose, ils nous tueraient
20 et ils nous ont dit : « Seuls les Turcs nous intéressent,
21 les autres n’ont pas besoin d’avoir peur. »
22 Q. Y avait-il d’autres personnes que des membres
23 de la communauté musulmane avec vous dans la cave ?
24 R. Tous les locataires de l’immeuble étaient
25 dans la cave.
Page 13785
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 13786
1 Q. Cela signifie-t-il qu’il y avait également
2 des Serbes et des Croates avec vous ?
3 R. Oui.
4 Q. Safradin a-t-il dit à quelque moment que ce
5 soit quel était le territoire dont le HVO s’était emparé ou
6 quel était le territoire qui intéressait le HVO ?
7 R. Après leur irruption dans la cave, nous
8 sommes remontés dans l’entrée de l’immeuble et je lui ai
9 demandé à titre d’information quand nous pourrions sortir
10 parce qu’il y avait déjà eu deux conflits auparavant et
11 nous pensions que celui-ci était du même type et il a
12 répondu en disant : « Aujourd’hui, nous nettoyons Stari
13 Vitez et il restera Grbavica après cela. »
14 Q. Savez-vous qui étaient les supérieurs de
15 Safradin ?
16 R. Eh bien, puisqu’il faisait partie des
17 Vitezovis, il y avait là Darko Kraljevic, Niko, Jako
18 Krizanac.
19 Q. Quel était le nom de famille de Niko ?
20 R. Krizanac et Jako Krizanac également.
21 Q. Connaissiez-vous personnellement Darko
22 Kraljevic ?
23 R. Oui.
24 Q. Êtes-vous resté dans la cave ou êtes-vous
25 allé ailleurs avec Safradin et les hommes qui
Page 13787
1 l’accompagnaient ?
2 R. La situation s’était un peu calmée. Donc,
3 dans l’intérêt de ma famille, parce qu’il est normal de
4 s’occuper d’abord des siens, je les ai invités à venir dans
5 notre appartement, à boire un verre, à se reposer un peu.
6 Q. L’ont-ils fait ?
7 R. Oui.
8 Q. Ont-ils gardé leur masque sur le visage ?
9 R. Quand nous sommes montés vers l’appartement,
10 quand nous étions dans l’escalier, certains d’entre eux ont
11 commencé à enlever leur masque et, finalement, ils l’ont
12 tous enlevé.
13 Q. Avez-vous confirmé qu’il s’agissait bien de
14 Safradin ?
15 R. Oui.
16 Q. Le matin du 19 avril ou à peu près à cette
17 date, avez-vous été emmené hors de votre immeuble et, si
18 oui, où, dans quelle direction ?
19 R. Oui, ils nous ont emmenés. Un groupe
20 d’hommes est arrivé, je crois que c’était des soldats
21 militaires, ils sont arrivés dans une camionnette.
22 Q. La police militaire de quelle armée ?
23 R. Du HVO.
24 Q. Que s’est-il passé ?
25 R. Ils nous ont dit à peu près ce qui suit. Ils
Page 13788
1 nous ont dit que, pour des raisons de sécurité personnelle,
2 il était préférable que nous les suivions car le danger
3 existait que des hommes arrivent des lignes de front et
4 qu’ils soient de mauvaise humeur et qu’ils nous fassent
5 quelque chose qui nous mettrait en danger. Donc, ils ont
6 invoqué notre sécurité personnelle.
7 Q. À quelles personnes s’adressaient-ils, à des
8 femmes, à des hommes ? Pouvez-vous être plus précis ?
9 R. Je ne me rappelle pas exactement s’ils ont
10 parlé à ceux qui avaient entre 17 et 65 ans ou entre 18 et
11 60 ans mais, en tout cas, ils ont cité un intervalle, une
12 tranche d’âges parce qu’un de nos voisins était autorisé à
13 rester dans l’immeuble parce qu’il était âgé. Je crois que
14 c’était les personnes de 17 à 60 ans qui étaient concernées
15 mais je ne me rappelle pas exactement.
16 Q. Et s’adressaient-ils uniquement aux hommes
17 dans cette tranche d’âges ou également aux femmes ?
18 R. Non, non. Seulement aux hommes, absolument.
19 Q. Êtes-vous allé au bâtiment du SDK ?
20 R. Oui. C’est là qu’ils nous ont immédiatement
21 emmenés dans une camionnette.
22 Q. Une fois que vous êtes arrivé au bâtiment du
23 SDK, étiez-vous libre de partir ou avez-vous été placé en
24 détention ?
25 R. Nous étions en détention. Lorsque nous
Page 13789
1 sommes arrivés, le bâtiment du SDK était déjà à moitié
2 plein. On nous a retenus dans ce bâtiment. Nous n’avions
3 pas la possibilité de partir.
4 Q. Vous avez dit « rempli à moitié ». Rempli à
5 moitié de quel genre de personnes ? Qui était présent ?
6 Qui était détenu là-bas ?
7 R. Eh bien, c’était plus ou moins tous des
8 musulmans bosniens âgés d’environ entre 18 et 60 ans, comme
9 je l’ai indiqué.
10 Q. Seulement les hommes ?
11 R. Oui.
12 Q. Est-ce que vous connaissez le nom Zabac ?
13 R. Zabac ?
14 Q. Oui.
15 R. C’est un jeune homme de Vitez surnommé Zabac.
16 Q. Comment s’appelait-il ?
17 R. Je ne connais pas son prénom et son nom de
18 famille était Kovac mais je ne suis vraiment pas sûr pour
19 le reste. Je ne me souviens pas. Il était connu à Vitez
20 parce qu’à l’époque, il était un footballeur, il jouait
21 pour un club local. Donc, nous le connaissions tous, plus
22 ou moins.
23 Q. Est-ce que vous avez fait certaines
24 observations concernant le rôle de Zabac au sein du SDK ?
25 R. D’après mon impression, il était l’un des
Page 13790
1 commandants puisque, de temps en temps, il arrivait en
2 véhicule qui appartenait à la police militaire du HVO et
3 les gardes qui nous gardaient s’adressaient à lui pour lui
4 poser des questions, par exemple, concernant la relève, et
5 cætera. C’est pour cela que j’ai eu l’impression que peut-
6 être il était l’un des commandants.
7 Q. Est-ce que vous aviez l’impression qu’il
8 appartenait à la police militaire ?
9 R. Oui. Il appartenait certainement à la police
10 militaire puisqu’il portait les insignes de la police
11 militaire. Il portait également le ceinturon blanc de la
12 police militaire et puis je sais que le véhicule avec
13 lequel il venait appartenait à la police militaire du HVO.
14 Q. Est-ce que vous avez connu personnellement
15 Mario Cerkez ? Sinon, comment est-ce que vous l’avez
16 rencontré, comment est-ce que vous avez fait sa
17 connaissance ?
18 R. Je ne le connaissais pas personnellement et
19 je pense que je l’ai vu pour la première fois à la
20 télévision locale et il est apparu en sa qualité d’officier
21 du HVO.
22 Q. Est-ce que vous pourriez identifier son rôle,
23 quel était son rôle au sein du HVO, s’il était le
24 Commandant de certaines unités et, si oui, desquelles ?
25 R. En ce qui concerne la première fois, la
Page 13791
1 période pendant laquelle je l’ai vu pour la première fois,
2 je ne sais pas quelles étaient ses fonctions. Par la
3 suite, je sais qu’il apparaissait en tant que Commandant de
4 la brigade.
5 Q. Est-ce que vous savez quel était son rapport
6 avec Darko Kraljevic ?
7 R. Je ne sais pas très exactement quel était ce
8 rapport. Je n’ai pas d’argument me permettant de
9 corroborer une quelconque thèse mais compte tenu de ce que
10 je savais et de ce que je sais maintenant concernant la
11 structure du HVO et de l’ensemble de l’Herceg-Bosna, je
12 pense qu’il y avait un lien étroit entre eux et un rapport
13 entre supérieur et subordonné.
14 Q. Est-ce que vous savez qui était subordonné à
15 qui ?
16 R. À mon avis, Cerkez était supérieur, le
17 supérieur de Kraljevic. Donc, Kraljevic était subordonné à
18 Cerkez. Kraljevic, je le connaissais personnellement et je
19 crois qu’il n’était pas capable de faire certaines choses
20 tout seul pour des raisons différentes.
21 Q. Combien de temps avez-vous passé en détention
22 dans le bâtiment du SDK ?
23 R. Je crois qu’il s’agissait de deux semaines,
24 15 jours peut-être au total.
25 Q. Et pendant ces 15 jours, est-ce que vous avez
Page 13792
1 été amené à effectuer du travail forcé ?
2 R. Oui.
3 Q. De quel travail s’agissait-il ?
4 R. Eh bien, pour la plupart, nous creusions les
5 tranchées et les fortifications militaires.
6 Q. Pendant cette période, où se trouvaient ces
7 tranchées ?
8 R. En ce qui concerne la région où je me
9 trouvais moi-même, pour la première fois, nous étions dans
10 un groupe de cinq ou six personnes et nous avons été amenés
11 dans la région qui se trouvait au-dessous du village de
12 Vraniska. C’est une zone appelée Rijeka. Par la suite,
13 nous avons été transférés dans la région de Kratine. C’est
14 sous le mont de Kuber.
15 Q. Est-ce que ces lieux se trouvent près de la
16 municipalité, c’est-à-dire dans la municipalité de Vitez ?
17 R. Oui.
18 Q. Parlons maintenant de Kratine. Est-ce que la
19 ligne de front dans cette région était active ou bien pas
20 particulièrement active ?
21 R. Il y a eu des coups de feu presque sans arrêt
22 des deux côtés. De temps en temps, des obus tombaient mais
23 en ce qui concerne les combats, les attaques entre les
24 parties, pour autant que je le sache, durant cette période,
25 il n’y en a pas eu.
Page 13793
1 Q. Peut-être je n’ai pas été suffisamment
2 claire. Pendant que vous creusiez les tranchées à Kratine,
3 est-ce que ceci se produisait sur une ligne de front active
4 et dangereuse ?
5 R. Oui, puisque les balles sifflaient autour de
6 nous. Heureusement, personne n’a été touché mais plusieurs
7 obus sont tombés près de nous aussi et puis les balles
8 n’arrêtaient pas de siffler autour de nous.
9 Q. Kratine se trouve-t-elle près de Nadioci ?
10 R. Oui. Depuis Nadioci, vous poursuivez le
11 chemin jusqu’à Kratine. Je ne sais pas très exactement de
12 quelle distance il s’agit. Peut-être un kilomètre ou deux,
13 pas plus.
14 Q. Lorsque vous avez été amené à Kratine, qui
15 était la personne au sein du HVO qui était en charge à
16 Kratine ?
17 R. La première personne que nous avons
18 rencontrée était surnommée Cicko. Son nom était Bralo mais
19 tout le monde l’appelait Cicko. C’était la première
20 personne que nous avons rencontrée et, d’une certaine
21 manière, il jouait le rôle de commandant.
22 Q. Il contrôlait quel aspect de votre existence
23 à Kratine ?
24 R. Eh bien, surtout la partie qui concerne notre
25 logement, la nourriture que nous recevions et puis le
Page 13794
1 mauvais traitement qui nous a été infligé aussi.
2 Q. Qui est Ivica Vujica ?
3 R. Ivica Vujica, à l’époque, on l’appelait
4 Commandant de la ligne. Donc, je suppose que cela veut
5 dire Commandant en charge dans cette zone mais je ne sais
6 pas ce que signifie cette ligne, quelle est l’étendue de
7 cette ligne.
8 Q. Est-ce qu’il était à Kratine, lui aussi ?
9 R. Oui.
10 Q. Votre réponse ? Je n’ai pas entendu.
11 R. Oui.
12 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Madame Somers,
13 quand vous pourrez terminer, faites-le parce qu’il est 4 h
14 00 passées.
15 Me SOMERS (interprétation) : Certainement.
16 Q. Est-ce que vous savez à quelle unité spéciale
17 appartenait Ivica Vujica ?
18 R. Il avait l’insigne de Jokeris sur son épaule.
19 Donc, il n’y avait aucun dilemme et, d’ailleurs, personne
20 ne le cachait.
21 Me SOMERS (interprétation) : Je pense que le
22 moment est propice.
23 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Très bien !
24 Je souhaite simplement mentionner deux choses. Demain,
25 nous aurons une pause de déjeuner entre 1 h 30 et 2 h 30.
Page 13795
1 En ce qui concerne l’autre affaire, je souhaite
2 mentionner les dates. Pour le moment, nous nous attendons
3 à ce que la Défense commence la présentation de ses moyens
4 de preuve le 10 avril et ceci voudrait dire qu’il y aura un
5 mois entre la fin de la présentation du Procureur et le
6 début de celle de la Défense.
7 Cependant, après cela, la Défense disposera de
8 deux semaines supplémentaires pendant la semaine du 17 et
9 du 24 avril et nous allons reprendre nos travaux le 2 mai.
10 Peut-être nous changerons ce calendrier mais pour le
11 moment, nous pourrons baser notre travail sur ce point de
12 départ.
13 Donc, nous allons continuer demain. Je crois que
14 j’ai dit 1 h 30 demain. Je voulais dire 12 h 30 jusqu’à 2
15 h 30 demain lorsque je parlais de la pause-déjeuner.
16 Monsieur Ahmic, veuillez rentrer demain à 9 h 30
17 et n’oubliez pas de ne pas parler à qui que ce soit de
18 votre déposition avant la fin de votre témoignage, y
19 compris les membres du bureau du Procureur. Veuillez donc
20 rentrer ici demain matin.
21 --- L’audience est levée à 16 h 15
22 pour reprendre le jeudi
23 3 février 2000 à 9 h 30
24
25