Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1                     Le lundi 21 février 2000

  2                     [Audience publique]

  3                     [Les accusés entrent dans la Cour]

  4                     --- L’audience débute à 14 h 35

  5         LA GREFFIÈRE (interprétation) :  Bonjour,

  6   Messieurs les Juges.  Il s’agit de l’affaire IT-95-14/2-T,

  7   Le Procureur contre Dario Kordic et Mario Cerkez.

  8         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Nice.

  9         Me NICE (interprétation) :  Je ne sais pas si les Juges ont

 10   eu le temps de se pencher sur le résumé concernant le témoin

 11   suivant.  Si oui, vous pourrez voir le dernier paragraphe et même

 12   s’il n’y a pas de demande écrite, vous pouvez voir qu’une demande

 13   de mesures de protection limitée y figure.

 14         Je peux en parler à huis clos partiel, s’il vous plaît ?

 15         Nous avons essayé de faire en sorte que la plus grande

 16   partie de la procédure soit publique.  C’est un témoin qui est le

 17   seul témoin d’un village.  C’est pour cela qu’il doit être ici

 18   aujourd’hui, mais sa déposition ne concerne pas directement l’un

 19   quelconque des accusés.

 20         C’est une personne intelligente et éduquée et il n’a pas

 21   insisté à venir déposer devant ce Tribunal, mais bien sûr,

 22   lorsque les témoins arrivent ici, nous sommes obligés de les

 23   avertir des dangers éventuels.  Bien sûr, nous les encourageons

 24   à déposer de manière complètement publique mais compte tenu les

 25   raisons qui figurent aux deux dernières lignes du dix-neuvième


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  1   paragraphe du résumé, donc, il s’agit non pas de l’inquiétude

  2   vis-à-vis de lui-même mais vis-à-vis d’une autre personne, et

  3   moi, je peux dire que je peux comprendre ses craintes.

  4         Il serait facile à moi de dire qu’il est inutile de penser 

  5   à tout risque mais je comprends la raison pour laquelle le témoin

  6   demande ce genre de protection et je le soutiens dans cette

  7   demande.

  8         Vous pouvez voir quel est l’âge de la personne qui est

  9   mentionnée dans ce paragraphe et vous allez découvrir également

 10   que cette personne l’a accompagné au cours des événements qui se

 11   sont produits dans les circonstances plutôt désagréables dans

 12   lesquelles ils se sont retrouvés et c’est la raison pour laquelle

 13   que la personne a exprimé ses craintes.

 14         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  La Défense ?

 15         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Monsieur le Président, la

 16   Défense de Monsieur Kordic n’a pas d’objection à la demande de

 17   mesures de protection.

 18         Me KOVACIC (interprétation) :  Nous non plus,

 19   Monsieur le Président.

 20         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous allons

 21   accorder les mesures de protection.

 22         Me NICE (interprétation) :  Merci beaucoup.

 23         Pendant que nous attendons que le témoin arrive,

 24   veuillez nous dire quel sera le pseudonyme attribué au témoin.

 25         LA GREFFIÈRE (interprétation) :  « AJ ».


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  1         Me NICE (interprétation) :  Pendant que nous attendons que

  2   la salle d’audience soit prête et afin d’éviter de perdre du

  3   temps, je souhaite attirer votre attention sur certains points.

  4         Nous avons eu des négociations entre Monsieur Lopez-Terres

  5   et les conseils de la Défense concernant les cartes et Monsieur

  6   Lopez-Terres pourra vous parler des progrès qui ont été atteints,

  7   s’il y en a eu.  Si j’ai bien compris, les progrès ont été plutôt

  8   limités mais j’espère que nous pourrons citer à la barre la

  9   personne qui a créé les cartes afin de discuter des points sur

 10   lesquels il n’y a pas eu d’accord.

 11         Je souhaite également parler de la cassette.  Bien sûr, les

 12   Juges, comme nous le savons, ont accepté d’admettre la plus

 13   grande partie de cette cassette mais non pas tout.  Bien sûr,

 14   nous devons nous appuyer toujours sur les traductions officielles

 15   que nous recevons ici du Service de Traduction du Tribunal, mais

 16   parfois, il est possible d’améliorer la traduction.  Il est

 17   possible également d’utiliser de meilleurs équipements.

 18         C’est ainsi que nous avons réussi à obtenir une

 19   transcription meilleure, plus complète de la cassette, et

 20   je crois qu’il y a deux paragraphes où il existe quelques

 21   différences entre ce que les traducteurs officiels ici ont

 22   entendu et ce qui a pu être entendu par d’autres personnes,

 23   à savoir les traducteurs ici ont constaté qu’ils n’ont rien

 24   entendu alors qu’avec les meilleurs équipements, l’on a

 25   réussi à avoir le texte.


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  1         De même, en ce qui concerne les deux cassettes, les

  2   cassettes apportées par le témoin ici et la cassette qui a été

  3   remis par le témoin auparavant à l’enquêteur, nous avons pu

  4   constater avec certitude que ces deux cassettes sont identiques,

  5   mis à part quelques bruits de fond, bruits de machines à taper,

  6   qui diffèrent entre les deux cassettes.

  7         Donc à mon avis, en ce qui concerne les transcriptions,

  8   elles peuvent être reçues en tant que transcriptions se

  9   référant aux deux cassettes.

 10         Me SAYERS (interprétation) :  En ce qui concerne

 11   la cassette, je souhaite m’exprimer au nom de la Défense de

 12   Monsieur Kordic après la fin de la déposition de ce témoin,

 13   s’il vous plaît.

 14                     [Le témoin entre dans la Cour]

 15         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Le témoin peut-il

 16   prêter serment, s’il vous plaît ?

 17         LE TÉMOIN (interprétation) :  Je déclare solennellement que

 18   je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19         TÉMOIN :  TÉMOIN AJ (ASSERMENTÉ)

 20         INTERROGÉ PAR Me NICE (interprétation) : 

 21         Q.    Témoin, les Juges vous ont accordé les

 22   mesures de protection.  Cela veut dire que votre nom ne

 23   sera pas dévoilé et votre visage ne sera pas montré.

 24         Veuillez simplement, dans ce cas-là, examiner ce

 25   papier et nous dire par « oui » ou « non » s’il s’agit bel


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  1   et bien de votre nom, sans lire le nom à haute voix.

  2         R.    Oui.

  3         Q.    Nous nous adresserons à vous en employant le

  4   pseudonyme « AJ ».

  5         Témoin AJ, est-ce que vous avez terminé les études

  6   d’économie ?  Est-ce que vous avez vécu à Ilidza près de

  7   Sarajevo jusqu’en avril 1992, où vous avez été obligé de

  8   partir à Hadzici ?  C’est l’endroit où se trouvait

  9   l’installation électrique pour laquelle vous avez travaillé.

 10         R.    Oui.

 11         Q.    Je crois que vous avez dit vous-même que

 12   c’est les Chetniks qui vous ont forcé à partir et vous êtes

 13   parti avec votre femme et votre enfant au mont de

 14   Bijelasnica, notamment dans le village de Kramari ?

 15         R.    Oui.

 16         Q.    Peu de temps après, vous êtes allé à

 17   Kiseljak, en mai 1992, et vous avez vécu d’abord dans une

 18   maison appartenant à l’un de vos collègues à Behrici ?

 19         Sur le rétroprojecteur, vous pouvez voir la carte don’t la

 20   cote est 1891.1, et nous allons placer la carte de telle manière

 21   à ce que l’on puisse voir cette partie sur le rétroprojecteur.

 22         Donc, veuillez examiner la carte et nous montrer

 23   l’endroit où se trouve Behrici.

 24         Peut-être les techniciens peuvent nous aider afin

 25   de mieux voir la partie qui nous intéresse.


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  1         Nous souhaitons d’abord trouver Kiseljak et

  2   veuillez maintenant nous montrer le village dans lequel

  3   vous avez déménagé en mai 1992.

  4         R.    [Indication du témoin]

  5         Q.    À ce moment-là, est-ce que vous avez pu

  6   évaluer jusqu’à quel point les Croates et les Serbes

  7   pouvaient voyager jusqu’à Kiseljak et Ilidza, peut-être

  8   Sarajevo, mais certainement entre Kiseljak et Ilidza ?

  9         R.    Oui.  Les transports publics fonctionnaient. 

 10   Il y avait plusieurs autocars qui partaient tous les jours

 11   de Kiseljak à Ilidza et vice-versa.

 12         Q.    Ces transports publics, est-ce que c’est

 13   seulement les Croates et les Serbes qui les utilisaient ou

 14   bien est-ce que les musulmans pouvaient les utiliser aussi ?

 15         R.    Non, les musulmans ne pouvaient pas utiliser

 16   ces transports publics.  C’est seulement les Croates et les

 17   Serbes qui le pouvaient.

 18         Q.    Est-ce qu’à ce moment-là, vous avez déjà été

 19   expulsé de l’endroit où vous avez vécu à l’origine ?

 20         R.    Nous avons déménagé jusqu’au village appelé Hercezi.

 21         Q.    Oui.  Nous en parlerons tout à l’heure.

 22         Mais tout d’abord, parlons de ceci.  Est-ce que vers le

 23   milieu de l’année 1992, le HVO a pris le contrôle de tous les

 24   aspects de la vie quotidienne dans la municipalité de Kiseljak ?

 25         R.    Oui.


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  1         Q.    Est-ce que vous pouvez nous dire quels sont

  2   concrètement ces aspects sur lesquels ils ont pris le contrôle ?

  3         R.    Eh bien, dans le commandement de Kiseljak, avant leur

  4   prise de pouvoir, le HVO et la Défense territoriale ou bien

  5   l’armée de Bosnie-Herzégovine avaient un commandement conjoint.

  6   Après que le HVO a pris le contrôle, le commandement de la

  7   Défense territoriale a dû être déplacé à Gomionica.  Mis à part

  8   cela, ils ont pris le contrôle du système d’énergie dans ce

  9   qu’ils appelaient l’Herceg-Bosna par le biais du contrôle qu’ils

 10   avaient sur la station de transformation à Kiseljak.

 11         Q.    Est-ce que vous savez s’ils avaient le contrôle sur

 12   les autres aspects de l’administration politique dans la région ?

 13         R.    Oui.  Ils contrôlaient tout le pouvoir politique.

 14         Q.    À ce moment-là, donc peu de temps après la mi-1992,

 15   est-ce que vous êtes parti ailleurs et si oui, dans quel village?

 16         R.    Dans le village de Hercezi.

 17         Q.    Est-ce que vous pourriez nous montrer cela

 18   sur le rétroprojecteur ?

 19         Je demanderais encore une fois de l’aide à la cabine

 20   technique afin de mieux voir la partie indiquée par le témoin.

 21         R.    [Indication du témoin]

 22         Q.    Veuillez montrer encore une fois où se trouve

 23   Kiseljak.

 24         R.    [Indication du témoin]

 25         Q.    Donc, cet endroit se trouve au nord-ouest de


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  1   Kiseljak.  À quelle distance de Kiseljak approximativement ?

  2         R.    Le village se trouve à environ cinq

  3   kilomètres de Kiseljak allant vers Fojnica.

  4         Q.    À ce moment-là, vous étiez seul dans une

  5   maison, seul avec votre famille ?

  6         R.    Oui.

  7         Q.    Est-ce que vous pouviez toujours travailler à

  8   l’époque ?

  9         R.    Oui.  Pendant encore quelque temps, j’ai pu

 10   travailler, mais déjà à ce moment-là, les problèmes ont

 11   commencé, c’est-à-dire le travail est devenu limité.

 12         Q.    Lorsque vous avez travaillé, ceci se passait où, à

 13   Kiseljak, à Behrici, où… pardon, pas Behrici mais Hadzici ?

 14         R.    Pas à Hadzici.  L’équipe qui était chargée de

 15   maintenance de la ligne électrique se trouvait à Kiseljak. 

 16   Nous allions tous les jours dans la station de transformation et

 17   c’est à partir de là que nous nous mettions en contact avec

 18   Energoinvest, notre société mère à Kiseljak qui nous donnait des

 19   instructions.

 20         Q.    Vous avez dit que le HVO a pris le contrôle

 21   des lignes électriques.  Est-ce que ceci a eu une

 22   quelconque influence sur votre travail, sur votre emploi ?

 23         R.    Oui, effectivement.

 24         Q.    Est-ce qu’ils ont pris votre travail et est-

 25   ce qu’ils vous ont interdit à la fin de venir travailler ?


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  1         R.    Oui.

  2         Q.    L’interdiction de travailler, pour vous, se

  3   basait sur l’accusation selon laquelle vous aviez pris du

  4   diesel, du gasval (ph.) ?

  5         R.    Oui.

  6         Q.    À partir de ce moment-là, vous étiez sans emploi ?

  7         R.    Pour une grande partie, j’ai été dans l’incapacité de

  8   travailler dans mon propre domaine mais pendant encore quelque

  9   temps, j’ai pu me débrouiller d’autres manières afin de

 10   travailler et ceci a duré pratiquement jusqu’au début du conflit

 11   entre le HVO et l’armée de Bosnie-Herzégovine.

 12         Q.    D’après vos souvenirs, à quel moment est-ce

 13   qu’ils ont pris le contrôle des lignes électriques ?

 14         R.    C’était en 1992.

 15         Q.    Au début, vers le milieu, vers la fin ?

 16         R.    Plutôt vers la fin de l’année 1992.

 17         Q.    Où étiez-vous le 18 avril 1993 ?

 18         R.    J’étais dans la maison dans laquelle nous

 19   nous trouvions dans le village de Hercezi et j’y étais avec

 20   ma famille.

 21         Q.    Qu’est-ce qui s’est passé ?

 22         R.    Nous avons entendu des détonations, des coups

 23   de feu.  Nous nous sommes réveillés et nous avons vu que

 24   dans la région du village de Gomionica, il y a eu des coups

 25   de feu et des détonations intenses.


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  1         Q.    Gomionica, nous pouvons voir ceci pas très

  2   bien mais nous pouvons voir ceci sur la carte et ceci se

  3   trouve de l’autre côté de la route principale allant de

  4   Hercezi ?

  5         R.    Oui.

  6         Q.    Après Gromiljak ?

  7         R.    Oui.  Derrière Gromiljak.

  8         Q.    Est-ce que vous avez quitté votre maison et

  9   est-ce que vous êtes allé dans la partie basse du village ?

 10         R.    Oui.  Tous les musulmans qui ont vécu dans

 11   cette partie du village ont quitté leur foyer et ils se

 12   sont retirés dans la partie basse du village.

 13         Q.    Qu’avez-vous vu, c’est-à-dire est-ce que vous

 14   avez vu des soldats, et si oui, quel type de soldats ?

 15         R.    Lorsque nous nous sommes retirés dans la

 16   partie basse du village, j’ai vu trois ou quatre soldats du

 17   HVO.  Ils portaient des insignes du HVO et ils

 18   patrouillaient par la route qui traversait le village d’un

 19   côté, et de l’autre côté, j’ai vu deux soldats qui

 20   portaient les mêmes uniformes avec les mêmes insignes, qui

 21   ne patrouillaient pas, qui restaient simplement là avec

 22   leurs armes dans les mains.

 23         Q.    Le jour suivant, est-ce qu’un grand nombre de

 24   personnes est allé vers le sud dans le village de Doci ?

 25         R.    Oui.  Je crois qu’il s’agissait de plus de


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  1   200 personnes.

  2         Q.    Cet autre petit village, Doci, pour autant

  3   que vous le sachiez, est-ce que les habitants de ce village

  4   ont été désarmés dans une quelque mesure ?

  5         R.    Oui.

  6         Q.    Dans quelle mesure les habitants avaient-ils

  7   été armés auparavant ?

  8         R.    Ils n’étaient pas très armés.  Je n’ai vu que

  9   quelques fusils de chasse et quelques pistolets.

 10         Q.    Lorsque vous êtes arrivé dans le village,

 11   est-ce que vous avez considéré que vous seriez plus en

 12   sécurité si vous passiez la nuit dans la forêt ?

 13         R.    Oui.

 14         Q.    Le lendemain, est-ce que quelqu’un vous a dit

 15   que le HVO vous cherchait ?

 16         R.    Oui.  C’est ce qu’on m’a dit.  Un homme

 17   appelé Hikmet Turcinovic est venu nous voir dans la forêt

 18   et il m’a dit qu’il me cherchait et qu’il fallait

 19   absolument que je retourne dans le village.

 20         Q.    Est-ce que vous avez obéi aux ordres et est-

 21   ce que vous êtes retourné dans Hercezi ?  Est-ce qu’à ce

 22   moment-là, vous avez pu constater que les villageois qui

 23   étaient restés sur place avaient été désarmés, même s’ils

 24   n’avaient pas subi de mauvais traitement ?

 25         R.    Oui.


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  1         Q.    Est-ce que vous avez relaté cela à la

  2   personne en charge, Pero Vucic ?

  3         R.    Oui.  C’est ce que j’ai fait et mon nom a été

  4   enregistré dans un cahier.

  5         Q.    À peu près à ce moment-là, peut-être un peu

  6   plus tard, est-ce que vous avez eu l’impression qu’ils ont

  7   essayé de vous trouver pour une raison particulière ?

  8         R.    Je crois qu’ils voulaient me trouver parce

  9   que j’avais une voiture dans la maison où j’avais résidé,

 10   j’avais été logé.  Je crois qu’ils voulaient prendre ma

 11   voiture.

 12         Q.    Je crois que vous vous étiez déjà débarrassé

 13   de la voiture, c’est-à-dire que vous l’aviez déjà donnée à

 14   quelqu’un d’autre.  Donc, ils n’ont pas pu la prendre ?

 15         R.    Oui.  Ils étaient deux.  Ils sont venus.  Ils

 16   portaient des uniformes du HVO.  L’un d’eux portait un

 17   ceinturon blanc.  Donc, je suppose qu’il s’agissait d’un

 18   policier militaire.  Ils ont dit qu’ils avaient reçu

 19   l’information selon laquelle il y avait des armes dans

 20   cette maison, et ensuite, ils ont demandé que j’ouvre le

 21   garage.

 22         Q.    Nous n’allons plus parler de votre maison

 23   maintenant mais des maisons d’autres personnes.  Donc,

 24   dites-nous est-ce que vous avez pu voir que d’autres

 25   maisons avaient été attaquées par des soldats du HVO ?


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  1         R.    Plusieurs jours plus tard, j’ai vu une maison

  2   qui était incendiée dans ce même village.

  3         Q.    C’était la maison de qui ?

  4         R.    Je ne suis pas né dans ce village.  Donc, je

  5   ne connais pas les noms des gens, mais en tout cas, je

  6   connais le surnom de la personne concernée, du propriétaire

  7   de la maison et son surnom, c’était Kuja.

  8         Q.    Est-ce qu’à ce moment-là, vous demeuriez chez

  9   Safet Turcinovic ?

 10         R.    Oui.

 11         Q.    Qu’est-il advenu de cette maison et que vous

 12   est-il arrivé à vous ?

 13         R.    Un jour, nous avons entendu une détonation à

 14   l’extérieur de la maison, là où se trouvaient les

 15   installations électriques, et puis le courant a été coupé. 

 16   Ensuite, on a entendu frapper contre la porte.  J’ai ouvert

 17   la porte et là, j’ai vu en face de moi un fusil automatique

 18   qui était pointé sur moi.  Il y avait quelqu’un qui tenait

 19   une lampe.  On m’a ordonné de m’asseoir.  On m’a dit qu’à

 20   ce moment-là, il ne m’arriverait rien et deux hommes sont

 21   entrés dans la maison et ils l’ont pillée.

 22         Q.    Ces deux hommes, savez-vous qui ils étaient

 23   et savez-vous qui était l’homme qui vous a menacé de son

 24   fusil ?

 25         R.    Ils avaient des passe-montagnes sur la tête. 


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  1   Donc, je n’ai pas pu les reconnaître, mais le lendemain, ma

  2   fille a reconnu l’un d’entre eux parce qu’il portait dans

  3   la rue un magnétophone, un radio cassette qu’il allait

  4   vendre.  C’était deux frères.  L’un d’eux s’appelait Vinko

  5   Tuka – Vinko Tuka, donc – et son frère qui s’appelle Tuka

  6   aussi.

  7         Q.    Lorsque vous avez fait votre déclaration au

  8   Tribunal, est-ce que vous vous êtes souvenu de ces noms ?

  9         R.    Oui.

 10         Q.    Donc, l’autre s’appelait Branko, n’est-ce 

 11   pas ?

 12         R.    Oui.

 13         Q.    Est-ce que vous avez été contraint de rester

 14   à Hercezi du 20 avril 1993 jusqu’au 6 septembre 1993,

 15   c’est-à-dire pendant quatre mois et demi ?

 16         R.    Nous sommes restés là-bas, en effet.  Moi,

 17   j’estimais que j’étais plus ou moins sous une résidence

 18   surveillée.

 19         Q.    Est-ce qu’au début, vous étiez contraint de

 20   vous présenter deux fois par jour au QG du HVO dans le

 21   village et ensuite, quotidiennement, une seule fois par

 22   jour ?

 23         R.    Oui.

 24         Q.    Est-ce que vous-même et d’autres hommes avez

 25   été emmenés par le HVO pour mener à bien un certain nombre


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  1   de travaux qui ont compris notamment le dégagement d’une

  2   route, le creusement de tranchées ?  Est-ce qu’on vous a

  3   également fait couper du bois ?

  4         R.    Oui.

  5         Q.    Pouvez-vous nous parler d’un épisode

  6   justement au moment où vous étiez en train de creuser des

  7   tranchées et vous vous êtes trouvé dans une situation assez

  8   dangereuse ?  Vous étiez sur la ligne de front avec l’armée

  9   de Bosnie-Herzégovine et des tirs ont été échangés à ce

 10   moment-là ?

 11         R.    Oui.  Ça s’est passé un matin.  Il y a un

 12   soldat du HVO qui habitait dans le même village mais dont

 13   je ne connais pas le nom.  Je sais seulement qu’avant la

 14   guerre, il était chauffeur de taxi.  Donc, nous menaçant de

 15   son fusil, il nous a emmenés pour creuser des tranchées

 16   dans un endroit qui était très dangereux parce qu’on

 17   entendait des échanges de tirs.  Il y avait des tirs qui

 18   passaient au-dessus de nous parce qu’en face de l’endroit

 19   où nous étions se trouvaient les lignes de front de l’armée

 20   de Bosnie-Herzégovine et ils tiraient au-dessus de nous,

 21   sans doute pour nous dissuader de poursuivre nos actions.

 22         Q.    Peut-on dire qu’en dehors de tels incidents,

 23   physiquement, le traitement que vous a infligé le HVO

 24   n’était pas inacceptable, était correct, bien que

 25   psychologiquement, la vie était extrêmement difficile pour


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  1   vous et votre famille ?

  2         R.    Oui.  Moi, j’ai eu beaucoup de chance parce

  3   que je n’ai pas été soumis à des violences physiques mais

  4   psychologiquement, il faut bien dire que c’était très

  5   difficile.  Nous n’avions pas peur des gens du coin qui

  6   étaient membres du HVO mais plutôt d’unités qui venaient

  7   d’autres villages et qui portaient les uniformes du HVO.  À

  8   ce moment-là, il fallait que nous nous enfuyions du village

  9   pour ne pas qu’ils nous capturent.

 10         Q.    Le 6 septembre 1993, est-ce que vous-même et

 11   les autres habitants du village avez été transférés à

 12   Rotilj, qui était alors un camp de détention ?

 13         R.    Oui.

 14         Q.    Pouvez-vous comparer le traitement qui vous a

 15   été infligé à Rotilj avec celui que vous avez reçu à

 16   Hercezi ?

 17         R.    À Rotilj, c’était pire.

 18         Q.    Est-ce qu’on a contraint des gens à se rendre

 19   sur les lignes de front pour creuser des tranchées, pour

 20   couper du bois, transporter du bois, dégager les déchets,

 21   et cætera ?

 22         R.    Oui.

 23         Q.    Est-ce que vous-même, vous avez été soumis à

 24   ces opérations de travail forcé ou est-ce que vous avez été

 25   en mesure de vous en prévenir, de ne pas y participer ?


Page 14644

  1         R.    Moi, à plusieurs reprises, j’y suis allé mais

  2   il est arrivé que je parvienne à éviter ces corvées.  Je

  3   prétendais être malade.

  4         Q.    Est-ce qu’il y avait là deux hommes de

  5   Visnjica, Sadik Turko… je vous prie de m’excuser.

  6         Est-ce qu’il y avait là un homme qui s’appelait

  7   Osman Sehic qui venait de Visnjica et Sadik Turko qui

  8   venait de Hercezi ?

  9         R.    Oui.

 10         Q.    Comment se sont-ils comportés ?

 11         R.    Bien, je peux parler avec certitude de Sadik

 12   Turko parce que je n’ai pas eu beaucoup de contacts

 13   personnellement avec Osman.  Sadik Turko s’est comporté

 14   comme s’il essayait de gagner de l’argent.  Il avait

 15   l’impression que plus… on aurait dit que plus nous

 16   travaillions, plus il obtiendrait de l’argent.

 17         Q.    Vous avez entendu dire que des gens avaient

 18   été utilisés comme boucliers humains à Gomionica et que

 19   d’autres avaient été passés à tabac à la caserne ?  Je

 20   parle de Gomionica.

 21         R.    Moi, ce que j’ai entendu dire, c’est la chose

 22   suivante.  À partir du camp de détention de Rotilj, on a

 23   sélectionné des hommes et des femmes pour être utilisés, si

 24   nécessaire, comme boucliers humains sur les lignes du HVO

 25   derrière Kresevo dans la direction de Tarcin et puis à


Page 14645

  1   partir du camp à Kresevo, enfin je ne l’ai pas vu moi-même

  2   mais je l’ai entendu dire, mais on m’a dit que des gens

  3   devaient être utilisés comme boucliers humains à Gomionica.

  4         Hikmet Turcinovic a été emmené à la caserne.  Il

  5   en est revenu plusieurs jours plus tard et il avait été

  6   battu à plusieurs reprises.  Il était blessé lors de son

  7   retour.

  8         Q.    Comment s’est terminée votre détention à

  9   Rotilj et à quel moment ?

 10         R.    Eh bien, nous avons été échangés par le biais

 11   d’un arrangement privé et ça s’est passé à la fin 1993.

 12         Q.    Je n’ai plus de questions quant à moi mais on

 13   va vous poser des questions supplémentaires.

 14         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Naumovski.

 15         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

 16   le Président.  Je n’ai que quelques questions à poser à ce

 17   témoin.

 18         CONTRE-INTERROGÉ PAR Me NAUMOVSKI

 19         (interprétation) : 

 20         Q.    Monsieur AJ, je vais d’abord me présenter. 

 21   J’ai un peu de mal à vous voir à cause du rétroprojecteur

 22   mais peu importe.  Je m’appelle Mitko Naumovski.  Je suis

 23   avocat à Zagreb et avec Me Sayers, j’assure la Défense de

 24   Monsieur Kordic.  J’ai plusieurs questions à vous poser et

 25   je voudrais que vous gardiez à l’esprit le fait que tout ce


Page 14646

  1   qui se dit ici est interprété.  Donc, veuillez observer une

  2   pause avant de répondre à mes questions.

  3         En fait, j’ai deux séries de questions à vous

  4   poser.  J’ai d’abord des questions relatives au village de

  5   Hercezi et d’autres questions relatives à Rotilj.  Si j’ai

  6   bien compris, après le 18 avril 1993, lorsque vous êtes

  7   revenu au village, vous avez entendu dire que le village

  8   avait été désarmé ?

  9         R.    Personne dans le village n’avait d’arme.

 10         Q.    Je l’ai lu dans votre déclaration que vous

 11   avez donnée.  À Sarajevo, à l’organe de sécurité, en 1993,

 12   vous avez parlé du fait que vous avez été désarmé et qu’il

 13   n’y avait pas beaucoup d’armes.  C’est la raison pour

 14   laquelle j’ai tiré la conclusion selon laquelle il y avait

 15   des armes.

 16         R.    En ce qui concerne les armes, j’ai vu

 17   quelques fusils de chasse, quelques pistolets le 18 avril

 18   1992, au moment où nous nous sommes retirés dans la partie

 19   basse du village, après quoi, je n’ai plus vu d’armes.

 20         Q.    Je pense que vous vous êtes trompé en ce qui

 21   concerne l’année.  Vous avez pensé à 1993 ?

 22         R.    Oui, tout à fait, 1993.

 23         Q.    Je pense que vous n’avez pas occupé de poste

 24   militaire.  Par conséquent, vous ne saurez probablement pas

 25   me répondre à des questions que je vais vous poser mais


Page 14647

  1   nous sommes quand même bien d’accord que le commandant

  2   était Pero Vucic, surnommé Madzar, n’est-ce pas ?

  3         R.    Oui.

  4         Q.    Au niveau de ce détachement local, il n’y

  5   avait que quelques soldats du HVO, des personnes qui

  6   étaient des villageois ?

  7         R.    Tous ceux qui habitaient le village portaient

  8   des uniformes mais ils n’étaient pas nombreux.

  9         Q.    Tout à l’heure, vous avez dit que les Croates

 10   qui habitaient le village se sont comportés correctement

 11   vis-à-vis de vous, qu’ils ne posaient pas beaucoup de

 12   problème.  Tout le long de cette période, vous n’avez pas

 13   eu de problème avec ces gens-là ?

 14         R.    Oui, vous avez raison.

 15         Q.    En revanche, les personnes qui sont des

 16   étrangers, ceux qui venaient de l’extérieur pour piller le

 17   village, ce sont les personnes qui vous ont causé des

 18   problèmes, n’est-ce pas ?

 19         R.    Vous n’avez pas raison.  Les personnes qui

 20   ont pillé la maison où j’habitais sont les personnes du

 21   village.  En revanche, ceux qui venaient de l’extérieur,

 22   c’était l’armée du HVO.  Ce sont eux qui capturaient les

 23   hommes et les transportaient par camion dans la caserne et

 24   une fois, ils ont emmené une personne âgée, c’était un

 25   homme qui était parmi les plus âgés dans le village


Page 14648

  1   également.

  2         Q.    En effet, je voulais vous poser la question

  3   suivante :  Est-ce que vous êtes d’accord avec moi pour

  4   dire que les Croates, les villageois ont aidé les musulmans

  5   tous les jours, Ruza Vucic, Vesna Pladic et quelques autres

  6   femmes également ?

  7         R.    Oui.  Ruza et Vesna nous ont aidés, pas les

  8   autres.  Pour ce qui est du commandant local, je ne connais

  9   pas quelle était la fonction qu’il avait de manière très

 10   précise mais le commandant local a été correct.

 11         Q.    Sommes-nous d’accord, Monsieur le Témoin AJ,

 12   que pour ce qui concerne la pression qui a été exercée sur

 13   les habitants du village, elle s’est ressentie notamment au

 14   moment où les Croates réfugiés de Fojnica et de Travnik

 15   sont arrivés dans le village ?

 16         R.    On pourrait éventuellement dire ça comme ça.

 17         Q.    Est-ce que vous êtes d’accord avec moi que

 18   vue cette pression qui était beaucoup plus importante et

 19   qu’ils sont arrivés et qu’ils étaient des réfugiés que

 20   c’était la raison pour laquelle vous avez été transféré à

 21   Rotilj en 1993 et que c’était la raison pour laquelle on

 22   vous a fait déplacer jusqu’à Rotilj ?

 23         R.    Non.  Je ne suis pas d’accord avec cette

 24   constatation.  Je pense que tout ceci a été planifié.

 25         Q.    Mais nous sommes d’accord quand même pour


Page 14649

  1   dire qu’il y avait des milliers de réfugiés qui sont

  2   arrivés en provenance de Fojnica à partir du mois de

  3   juillet 1993, en juin 1993 également ?  Nous sommes bien

  4   d’accord là-dessus ?

  5         R.    Moi, j’ai vu deux ou trois familles de

  6   réfugiés, les personnes qui sont arrivées, je suppose, en

  7   provenance de Fojnica.

  8         Q.    Il y avait quelques questions qui vous ont

  9   été posées au sujet du village de Rotilj.  Tout le monde

 10   habitait les maisons, comme dans toutes les villes, n’est-

 11   ce pas ?

 12         R.    Oui, mais la maison où j’étais, qui était

 13   toute petite – c’était une maison d’été de quelqu’un –

 14   avait cinq familles.

 15         Q.    Monsieur le Témoin AJ, êtes vous d’accord

 16   avec moi pour dire qu’à Rotilj, à l’entrée du village, il y

 17   avait une rampe qui a été dressée et qu’il y avait quelques

 18   soldats autour ?  Enfin, c’était un passage en quelque

 19   sorte contrôlé.

 20         R.    Oui.  Il y avait une rampe.

 21         Q.    Dans le village de Rotilj, on peut dire qu’il

 22   n’y avait pas d’autre point de contrôle, sauf ce point de

 23   contrôle à l’entrée ?

 24         R.    Mais ce n’était pas indispensable d’encercler

 25   le village.  C’est un village qui se trouve dans une


Page 14650

  1   prairie.  Il y avait des collines autour et sur les

  2   collines se trouvait le HVO, et par conséquent, nous, on ne

  3   pouvait pas partir où que ce soit et on n’avait même pas le

  4   droit.  On se risquerait trop.

  5         Q.    Monsieur le Témoin AJ, outre ces gardes à

  6   l’entrée, il n’y avait pas d’armée du HVO qui était

  7   stationnée à Rotilj ?  Je parle du centre-ville.

  8         R.    Non.  À l’intérieur du village, il n’y avait

  9   pas en permanence de soldats du HVO, mais comme pour le

 10   village de Hercezi, ils venaient prendre des soldats.  Mais

 11   il n’y en avait pas dans le village lui-même.

 12         Q.    Êtes-vous d’accord avec moi pour dire qu’il y

 13   avait dans le village une aide médicale qui a été organisée

 14   de manière régulière et tous les mardis à 10 h 00, il y

 15   avait une pièce qui a été arrangée comme un dispensaire et

 16   Dr Lovric et son infirmière, Topic, se rendaient ?

 17         R.    Moi, je n’ai pas vu mais j’ai entendu dire

 18   que ces deux personnes s’étaient rendues dans le village. 

 19   Hikmet Turcinovic – j’en ai parlé tout à l’heure – a été

 20   passé à tabac.  Il a été emmené à l’hôpital à Kiseljak,

 21   étant donné que cette aide médicale n’aurait pas pu lui

 22   être rendue dans le village même.

 23         Q.    Mais il ne s’agissait pas d’un dispensaire. 

 24   Enfin, c’était une fois par semaine.  Je ne pensais pas

 25   bien évidemment à des lésions chirurgicales ou autres.


Page 14651

  1         R.    Je vous ai déjà dit que je n’ai pas vu mais

  2   j’ai entendu dire qu’une fois, ces deux personnes s’étaient

  3   rendues dans le village.

  4         Q.    Merci.  Si je vous ai bien compris, à Rotilj,

  5   il y avait également un peloton de travail et il y avait un

  6   certain nombre de travaux que vous avez exercés ?

  7         R.    Oui.

  8         Q.    Vous avez mentionné aujourd’hui Sadik Turko

  9   et Osman Sehic qui étaient en quelque sorte chargés de

 10   vous, enfin, ils vous encadraient ?

 11         R.    Oui.  Je suis sûr que Sadik Turko et une

 12   autre personne étaient avec lui.  Je n’avais pas beaucoup

 13   de contact avec lui mais je suppose que c’était Osman

 14   Sehic.

 15         Q.    Mais ces deux personnes sont des musulmans de

 16   nationalité, de confession, n’est-ce pas ?

 17         R.    Oui.

 18         Q.    Est-ce que vous êtes d’accord avec moi que

 19   l’aide humanitaire a été fournie par Caritas : la farine,

 20   d’autres articles et denrées alimentaires ?

 21         R.    Oui.  Deux ou trois fois, j’ai pu remarquer

 22   que cette aide a été distribuée.  J’étais à distance mais

 23   je l’ai vu.

 24         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Monsieur le

 25   Président, je n’ai plus de questions.


Page 14652

  1         Je vous remercie, Monsieur le Témoin AJ.

  2         CONTRE-INTERROGÉ PAR Me

  3         MIKULICIC (interprétation) : 

  4         Q.    Bonjour, Monsieur le Témoin AJ.  Je m’appelle

  5   Mikulicic et ensemble avec mon confrère Kovacic, je défends

  6   le deuxième accusé, Mario Cerkez.

  7         Monsieur le Témoin AJ, à l’époque, vous avez

  8   travaillé à la société de distribution électrique, n’est-ce

  9   pas ?

 10         R.    J’ai travaillé à Energoinvest.  Electro

 11   Distributa est une autre société.

 12         Q.    Vous nous avez dit qu’à un moment donné, vous

 13   avez travaillé à Kiseljak où il y avait une station de

 14   distribution électrique ?

 15         R.    Oui, mais moi, je n’ai pas travaillé au

 16   niveau de cette station.  Moi, j’avais l’autorisation et

 17   les pleins pouvoirs de maintenir le contact avec Sarajevo

 18   avec ma propre société pour me mettre non seulement en

 19   contact avec eux mais pour voir ce qui étaient mes tâches.

 20         Q.    L’énergie électrique allait dans quelle

 21   direction à partir de Kiseljak ?  Quelles étaient les

 22   parties de Bosnie que vous avez couvertes dans cette

 23   station ?

 24         R.    Moi, j’ai déjà dit que je n’ai pas travaillé

 25   à la station électrique, mais si je connais bien le système


Page 14653

  1   énergétique, tout ceci était connecté et pouvait aller dans

  2   les directions différentes, y compris en direction de

  3   Sarajevo.

  4         Q.    Mais vous ne pourriez pas quand même nous

  5   donner de détails à ce sujet-là ?

  6         R.    Non.  Notre équipe s’était chargée de la

  7   maintenance, maintenance des lignes à haute tension.  Moi,

  8   je suis diplômé des sciences économiques et je n’ai pas

  9   exercé très directement ces tâches.

 10         Me MIKULICIC (interprétation) :  Je n’ai plus de

 11   questions à vous poser dans ce cas-là.

 12         RÉINTERROGÉ PAR Me NICE

 13         (interprétation) :

 14         Q.    J’ai trois questions à poser, si vous voulez

 15   bien.

 16         Pourriez-vous nous dire maintenant à quel moment…

 17   ou plutôt je me corrige.

 18         Au moment où les représentants du HVO se sont

 19   rendus à Hercezi, quelle était l’attitude des soldats du

 20   HVO qui étaient sur place déjà ?  Est-ce qu’ils ont essayé

 21   de vous protéger ou bien éventuellement ceci a été fait

 22   sans savoir ?

 23         R.    Je ne sais pas si quelqu’un voulait nous

 24   protéger.  De toute façon, ce qui nous restait à faire

 25   c’est de nous enfuir et de nous cacher.  Personne ne nous a


Page 14654

  1   protégés.

  2         Q.    Est-ce que vous pouvez nous dire combien de

  3   personnes à peu près ont été emmenées au momnet où vous

  4   étiez en détention à Hercezi?

  5         R.    Je ne peux pas vous le dire exactement.  Moi

  6   aussi, j’ai été obligé de m’enfuir et de me cacher, mais je

  7   me souviens qu’il y avait une personne âgée dénommée

  8   Turcinovic.  Je ne connais pas son prénom mais je sais

  9   qu’on l’appelait Hadzija, et ça je le sais, il a été

 10   emmené.

 11         Q.    Est-ce qu’éventuellement, vous savez qu’il y

 12   avait un autre homme ou s’il y avait un seul, vous ne me

 13   répondez pas, mais s’il y en avait plusieurs, à ce moment-

 14   là, vous me donnez la réponse ?

 15         R.    Il y avait Hikmet Turcinovic de Hercezi qui a

 16   été emmené.  Je l’ai déjà précisé.

 17         Q.    Enfin, je pense qu’il a été suggéré qu’un

 18   certain nombre de personnes ont été emmenées dans le cadre

 19   d’un plan.  Est-ce que c’est vrai ?  Est-ce que c’était

 20   planifié ?  Ce n’était pas planifié ?  Si vous êtes arrivé

 21   à Hercezi, pourquoi êtes-vous venu sur place ?

 22         R.    Je n’ai pas compris tout à fait votre

 23   question.  Si vous voulez bien la reformuler.

 24         Q.    Oui.  J’aimerais que vous nous donniez des

 25   précisions.  Comment et pourquoi vous vous êtes rendu à


Page 14655

  1   Hercezi ?  Est-ce qu’il y avait un plan selon lequel il

  2   fallait déplacer un certain nombre de personnes ou bien

  3   c’est vous-même qui avez décidé de vous y rendre ?

  4         R.    Mais moi, j’habitais Ilidza à côté de

  5   Sarajevo et c’est les Chetniks qui nous ont poussés et

  6   c’est tout à fait par hasard que j’étais obligé de me

  7   rendre d’abord à Hadzici, ensuite de Hadzici à Bijelasnica,

  8   de Bijelasnica à Kiseljak, dans le village Behrici, et je

  9   me suis installé dans la maison d’un de mes collègues, et

 10   quelques mois plus tard à Hercezi, on nous a trouvé une

 11   maison.  C’était une vieille maison et c’est comme ça que

 12   nous avons habité cette maison comme famille.  Ce n’était

 13   pas un plan.  C’est tout simplement que nous avons été

 14   obligés de nous déplacer.

 15         Me NICE (interprétation) :  Merci.  Je n’ai plus

 16   de questions.

 17         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Monsieur le

 18   Témoin AJ, je vous remercie d’être venu devant le Tribunal

 19   International pour témoigner.  Vous pouvez disposer.  Vous

 20   avez terminé votre déposition.

 21                     [Le témoin se retire]

 22         Me NICE (interprétation) :  En attendant de passer

 23   à travailler en audience publique et en attendant également

 24   Monsieur Lopez-Terres, il serait peut-être également utile

 25   d’entendre ce que Monsieur Sayers pense au sujet des


Page 14656

  1   bandes.

  2         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Sayers.

  3         Me SAYERS (interprétation) :  Monsieur le

  4   Président, je vous communique les informations donc de Me

  5   Stein.  C’est lui qui s’est occupé de la question de la

  6   cassette.

  7         J’ai quatre choses essentiellement à vous dire. 

  8   Tout d’abord, nous ne disposons pas de la cassette

  9   originale, comme vous le savez.  Nous ne disposons que

 10   d’une copie et apparemment, cette copie, elle a été faite à

 11   partir d’une autre copie.

 12         La deuxième copie semble être meilleure que la

 13   première copie.  Il y a des bruits électroniques dessus qui

 14   sont tout à fait inexplicables.  Nous ne disposons d’aucune

 15   information pouvant nous expliquer pourquoi la deuxième

 16   copie fournie par le Bureau du Procureur est meilleure que

 17   celle que le témoin a emmenée au Tribunal.  Nous ne savons

 18   pas si des filtres ont été utilisés pour cette deuxième

 19   copie et nous sommes en train d’étudier la question.

 20         En ce qui concerne les conversations 10 et 11 sur

 21   la face A de la cassette originale et les conversations 1,

 22   2 et 3 sur la face B de cette cassette, apparemment, les

 23   conversations 1 et 2 sont impossibles à différencier.  Il

 24   n’est pas possible de faire la différence entre les deux. 

 25   Les traducteurs n’ont pas été en mesure de le faire de


Page 14657

  1   toute manière.

  2         En ce qui concerne la conversation numéro 11 sur

  3   la face A, apparemment, ça se poursuit dans la conversation

  4   1 sur la face B de la cassette.  Nous avons écouté la

  5   cassette.  Il y a environ 19 ou 20 lignes de cette

  6   conversation qui sont tout à fait incompréhensibles.  Donc,

  7   nous ne savons pas si les traducteurs ont été en mesure de

  8   traduire quelque chose qu’on ne peut même pas entendre. 

  9   Donc, nous ne savons pas pourquoi il y a une différence au

 10   niveau de la qualité des cassettes.

 11         Nous essayons de collaborer avec l’Accusation pour

 12   avoir une position définitive sur cette cassette et dès que

 13   je le pourrai, je vous la ferai connaître.

 14         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Fort bien !

 15         Me NICE (interprétation) :  Je ne sais pas si vous

 16   envisagez de faire une pause cet après-midi ou non mais le

 17   point suivant à notre ordre du jour c’est celui des témoins

 18   décédés ou des témoins réfractaires.  Je suis tout à fait

 19   prêt à commencer à ce sujet.

 20         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Il est encore

 21   trop tôt pour faire la pause.

 22         Me NICE (interprétation) :  En attendant l’arrivée

 23   de Monsieur Lopez-Terres qui a à vous parler d’un aspect

 24   particulier de cette question, je vous demande de me

 25   permettre de vous distribuer…


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  1         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  S’agit-il des

  2   arguments du Procureur ?

  3         Me NICE (interprétation) :  Non, non, non.

  4         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous avons un

  5   papier qui est intitulé, « Argumentation de l’Accusation ».

  6         Me NICE (interprétation) :  Eh bien, je vais le

  7   distribuer et je vais distribuer cet autre document parce

  8   que je crois que la Défense n’en dispose pas.

  9         Donc, pendant que nous attendons, je vais essayer

 10   de passer en revue notre position depuis le début du

 11   procès.  Vous vous en souviendrez, la position est la

 12   suivante.

 13         L’Accusation entendait citer à comparaître tous

 14   les témoins mais nous avons été invités par la Chambre à

 15   envisager l’utilisation d’affidavits.  La capacité de la

 16   Défense à se mettre d’accord sur les questions relatives

 17   aux villages a entraîné la décision Tulica, la demande

 18   Tulica et la décision Tulica qui s’est reflétée dans les

 19   décisions qui ont été prises la semaine dernière.

 20         Nous avons identifié d’autres difficultés.  Elles

 21   ont fait l’objet d’argumentation et j’ai toujours proposé,

 22   avec justesse je crois, qu’il valait mieux attendre de

 23   prendre des décisions à ce sujet tant que l’on ne pourrait

 24   pas prendre une position définitive sur les témoins et je

 25   crois que le tableau que j’ai ici donne enfin la situation


Page 14659

  1   définitive.

  2         Il y a deux témoins qui auraient été prêts à

  3   témoigner s’ils n’étaient pas malheureusement décédés. 

  4   Nous sommes en audience publique.  Donc, je ne vais

  5   mentionner aucun nom pour des raisons tout à fait

  6   évidentes.

  7         Le premier témoin, témoin numéro 1, c’est un

  8   témoin qui parle d’événements qui ont eu lieu à Donja

  9   Veceriska.  Il en parle de façon générale et de façon

 10   approfondie et il a en particulier vu Kordic là-bas.

 11         Ce témoin a fait une déclaration.  Sa déclaration

 12   a été admise dans l’affaire Blaskic à la demande de la

 13   Défense mais nous, nous arguons du fait que ce témoin doit

 14   également être entendu dans cette affaire et que sa

 15   déclaration doit être admise dans cette affaire.

 16         Le témoin numéro 2 a fait une déclaration où il

 17   parle plus de Kordic que dans son premier témoignage et la

 18   Chambre avait déjà décidé qu’on pourrait accepter le

 19   témoignage précédent mais avait réservé sa position en ce

 20   qui concernait la déclaration supplémentaire.

 21         J’en reviendrai à la catégorie B à la fin de mon

 22   argumentation parce qu’il s’agit d’une catégorie de témoins

 23   différente à bien des égards.

 24         La catégorie numéro 3, c’est celle où l’on trouve

 25   les témoins qui, en dépit de tous nos efforts, en dépit de


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  1   toutes les mesures coercitives prises par la Chambre, ce

  2   sont des témoins qui ne veulent toujours pas répondre à des

  3   injonctions à comparaître ou peut-être dans le cas du

  4   témoin 8 qui, pour des raisons de santé, n’est pas en

  5   mesure de venir à La Haye avant la fin de la présentation

  6   des témoins à charge.

  7         Les témoins 5, 6 et 7 sont sans doute des noms qui

  8   ont déjà été entendus.  Le numéro 8 est peut-être un témoin

  9   dont on n’a pas entendu le nom précédemment.  Nous ne

 10   l’avons découvert que récemment.

 11         La catégorie D, c’est celle où nous demandons de

 12   nouvelles injonctions à comparaître puisqu’il n’est apparu

 13   que très récemment qu’il était nécessaire de délivrer une

 14   injonction à comparaître pour ces personnes.

 15         Les témoins 11 et 12, vous le reconnaîtrez, ce

 16   sont des témoins qu’on a évoqués la semaine dernière dans

 17   le cadre de la discussion sur les comptes rendus

 18   d’audience.

 19         Les témoins 9 et 10 sont des témoins « de

 20   villages » qui nous ont fait part très récemment de leur

 21   réticence à venir témoigner.

 22         La catégorie E, c’est la catégorie des témoins qui

 23   ne sont pas en bonne santé et dont on ne peut pas penser

 24   qu’ils se rétablissent avant la fin de la présentation de

 25   nos témoins. 


Page 14661

  1         La catégorie F, cette catégorie compte deux

  2   témoins.  Il s’agit de témoins qui ne sont pas prêts à

  3   comparaître et dont la position est justifiée.  Dans les

  4   deux cas, il a été décidé qu’il ne fallait pas prendre de

  5   mesures coercitives à l’encontre de ces témoins.

  6         En ce qui concerne le témoin 16, le Tribunal a

  7   pris lui-même sa décision.

  8         En ce qui concerne le témoin numéro 15, la

  9   décision a été prise par nous-mêmes, c’est-à-dire que vu ce

 10   que nous avons appris, il ne nous est pas paru approprié de

 11   prendre des mesures coercitives puisque le risque évoqué

 12   semblait tout à fait réel.

 13         Pour ce qui est du témoin numéro 15, il est

 14   possible que la Chambre ait besoin d’informations

 15   supplémentaires et il est possible que dans le premier cas,

 16   cette information soit communiquée à la Chambre ex parte,

 17   mais je n’exclus pas la possibilité que la Chambre ait déjà

 18   eu connaissance des informations que j’aurai à lui

 19   communiquer et qu’elle envisage de faire connaître ces

 20   informations à la Défense, mais ce sont des informations

 21   très sensibles.

 22         En ce qui concerne le témoin numéro 16, nous avons

 23   reçu des informations ex parte mais ce n’est pas venu de

 24   notre part mais d’un autre département de notre

 25   organisation.


Page 14662

  1         Catégorie G, les affidavits : Dès le départ, on

  2   nous a encouragés à utiliser cette méthode.  Nous avons,

  3   bien entendu, des difficultés très significatives avec les

  4   institutions de Bosnie, non pas qu’elles ne soient pas

  5   prêtes à coopérer, encore que ce soit partiellement le cas,

  6   mais c’est surtout leur compréhension qui fait défaut. 

  7   Elles semblent, ces institutions, réticentes à mettre en

  8   place une procédure qui corresponde non pas tellement à la

  9   lettre mais à l’esprit de l’Article 94 ter du Règlement.

 10         Nous avons été en mesure de trouver une solution

 11   qui répond à l’Article 94 ter dans sa lettre et dans

 12   l’esprit de cet article.  Nous espérons pouvoir le

 13   présenter cette semaine et ceci s’appliquera aux témoins

 14   17, 18, 19, 20, 21, 22 et 23.

 15         Le témoin numéro 24, vous vous en souviendrez,

 16   c’est un témoin dont une partie de la déposition a été

 17   omise et la Chambre a estimé qu’il n’était pas nécessaire

 18   de le faire revenir uniquement pour présenter une pièce à

 19   conviction supplémentaire.

 20         Donc, voici le menu, si je puis dire.  Cela

 21   ressemble, d’ailleurs, un petit peu à un menu.  Voici le

 22   menu qui est présenté à la Chambre.

 23         Monsieur Lopez-Terres a présenté nos premières

 24   argumentations en ce qui concerne la catégorie A.

 25         D’autre part, nous avons présenté une synthèse, un


Page 14663

  1   plan d’argumentation le 5 août 1999, de même qu’un résumé

  2   sur l’évolution récente du droit en matière de preuves par

  3   ouï-dire au Canada.  Nous pensions que cela pouvait

  4   éventuellement aider la Chambre.

  5         D’autre part, un autre document a été présenté. 

  6   Il s’agissait d’une synthèse de l’argumentation de la

  7   Défense, document qui a été déposé le 13 septembre 1999, et

  8   je crois que ces arguments présentent des deux côtés toute

  9   la situation de façon tout à fait fidèle.

 10         Bien entendu, nous souhaiterions avoir la

 11   possibilité de présenter quelques arguments supplémentaires

 12   mais ceci nous place, donc, à la catégorie B, la catégorie

 13   de témoins B qui n’avait pas été prévue précédemment. 

 14   Pourquoi pas ?  Eh bien, parce qu’on ne savait pas, bien

 15   entendu, ce qui allait arriver au témoin 3.

 16         J’ai expliqué la situation la semaine dernière

 17   afin que mes confrères de la Défense ne soient pas pris au

 18   dépourvu et par surprise.  Donc, j’ai expliqué en gros la

 19   situation la semaine dernière parce que c’est à ce moment-

 20   là que nous avons appris que le témoin 3 ne répondrait pas

 21   à l’injonction à comparaître qui avait été délivrée à son

 22   encontre et que la Chambre estimait qu’il n’était pas utile

 23   de prendre des mesures coercitives supplémentaires à son

 24   encontre.

 25         La meilleure chose à faire peut-être maintenant,


Page 14664

  1   c’est de demander à Monsieur Lopez-Terres de présenter nos

  2   arguments sur la catégorie B.

  3         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je pense qu’il

  4   vaut mieux prendre les choses dans l’ordre.

  5         Il y a, bien entendu, la question des témoins

  6   décédés.  Ça, c’est une question qu’il convient de résoudre

  7   et il y a là un témoin pour lequel nous avons admis le

  8   compte rendu de sa déposition. 

  9         Il serait peut-être utile que nous observions une

 10   pause maintenant.  De cette façon, nous aurons l’occasion

 11   de jeter un coup d’œil sur les documents qui ont été

 12   déposés par écrit, au moins en ce qui concerne ces deux

 13   témoins.

 14         En ce qui concerne les autres questions, des

 15   principes différents seront peut-être appliqués.  Donc,

 16   nous avons déjà parlé de la catégorie C.

 17         Est-ce que, pour la catégorie D, vous allez

 18   demander des injonctions à comparaître ?

 19         Me NICE (interprétation) :  Oui.  Je crois que

 20   nous sommes en train de préparer des demandes aux fins

 21   d’obtenir des injonctions à comparaître.

 22         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Si l’on

 23   souhaite que ces personnes puissent venir témoigner avant

 24   le 10 mars, il convient de traiter de la question aussi

 25   rapidement que possible.


Page 14665

  1         Me NICE (interprétation) :  Oui.  Je me permets de

  2   vous dire si vous souhaitez faire une pause maintenant, et

  3   ceci afin de mieux comprendre l’importance des témoins,

  4   donc, je vous demande de regarder avec plus d’attention les

  5   déclarations relatives aux témoins 1, 2 et 15, de ces

  6   témoins potentiels.

  7         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  De quoi

  8   parlez-vous ?

  9         Me NICE (interprétation) :  Il s’agit des

 10   déclarations écrites dont nous souhaitons obtenir le

 11   versement au dossier.  Je ne vais pas, bien entendu, vous

 12   demander d’examiner toutes ces déclarations parce qu’on

 13   pourra les traiter par le biais de résumés, mais à un

 14   moment ou à un autre, il sera nécessaire pour la Chambre

 15   d’examiner ces déclarations pour décider de les admettre ou

 16   non.

 17         Donc, pour nous, les déclarations les plus

 18   importantes sont celles relatives aux témoins 1, 2 et 15,

 19   mais on vient de me dire que vous n’en disposez peut-être

 20   pas.

 21         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Vous nous

 22   donnez là les numéros des témoins ?

 23         Me NICE (interprétation) :  Oui, en effet.

 24         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  J’ai ici

 25   devant moi les déclarations du numéro 2 et du numéro 1 mais


Page 14666

  1   pas, bien entendu, de numéro 15 puisqu’il appartient à une

  2   autre catégorie.  Je pense que nous aurons ce document en

  3   temps utile et les autres déclarations si nous en avons

  4   besoin.

  5         Me NICE (interprétation) :  Bien !

  6         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous allons

  7   maintenant faire une pause de 20 minutes.

  8               --- Suspension de l’audience à 15 h 45

  9               --- Reprise de l’audience à 16 h 13

 10         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous en

 11   prie, Me Nice.

 12         Me NICE (interprétation) :  Je vais demander à

 13   Monsieur Lopez-Terres de bien vouloir parler des catégories

 14   A et B.  Je pense que le mieux, c’est qu’il nous expose ce

 15   qu’il a à nous dire.  Ensuite, nous allons entendre les

 16   objections.

 17         Mais une observation de caractère général.  Nous

 18   sommes en train de commencer, donc, à traiter de ce sujet. 

 19   Ce que j’ai déjà souhaité dire, je l’ai dit.

 20         J’ai préparé également un petit article qui traite

 21   d’un certain nombre de dispositions en Allemagne, en

 22   Autriche, aux États-Unis, en Australie et au Japon

 23   concernant ce sujet-là.

 24         Je pense que le droit, donc, et les autres

 25   juridictions pourraient être résumés de façon différente. 


Page 14667

  1   Il y a, bien évidemment, des exceptions, des exceptions en

  2   ce qui concerne la lecture des déclarations des témoins qui

  3   sont décédés ou qui ne sont pas accessibles pour une raison

  4   ou une autre, même si de telles lectures de déclarations

  5   sont contraires aux principes relevant de la common law à

  6   cause de la seconde main et contraires également au droit

  7   civiliste.

  8         Certes, il y a un certain nombre de Juges ou

  9   d’autres personnes qui peuvent prendre de tels types de

 10   déclarations.  Ici, ça ne peut pas être la pratique mais il

 11   est vrai également que souvent, il y a la pratique

 12   juridique qui pose des limites, mais il y a un certain

 13   équilibre qui est recherché.  D’un côté, la Chambre doit

 14   disposer des pièces à conviction les meilleures possibles

 15   et de l’autre côté, il y a un risque également, à savoir

 16   que le témoin ne peut pas être contre-interrogé.

 17         Les lignes directrices qui sont liées à des

 18   pratiques judiciaires différentes ne peuvent pas être

 19   pratiquées ici.  Il est vrai que quand il s’agit des

 20   déclarations de seconde main, elles peuvent être

 21   acceptables de temps à autre, tout au moins dans un premier

 22   temps, et en principe, on peut accepter ceci.

 23         Si la Chambre dispose des documents, si ces

 24   documents ne sont pas exclus tout de suite, la Chambre peut

 25   les comparer avec les pièces à conviction qui viennent


Page 14668

  1   d’autres sources, y compris de la Défense, et évaluer la

  2   valeur probante de ces documents.

  3         C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que

  4   la Chambre, quand on aura entrepris toutes les démarches

  5   indispensables pour que les témoins puissent être cités à

  6   la barre – nous avons fait tout de notre côté également

  7   pour les faire venir ici – que c’est à ce moment-là qu’il

  8   serait approprié à ce que la Chambre puisse prendre

  9   connaissance de tels documents qui proviennent des témoins

 10   potentiels et ensuite, prendre la décision quel est le

 11   poids que la Chambre va donner à ces déclarations.

 12         Encore un autre point avant de m’asseoir.  Si j’ai

 13   bien compris, je pense que nous avons obtenu quelques

 14   résultats au sujet des témoins 6 et 7.  Je vais être obligé

 15   de les étudier quelque peu de plus près, une fois que le

 16   débat sera terminé cet après-midi.

 17         Ceci dit, en ce qui concerne les ordonnances

 18   contraignantes dont dispose la Chambre, elles n’ont pas été

 19   utilisées jusqu’au bout et on va peut-être y arriver avec

 20   les témoins 6 et 7 si on entreprend de telles sortes de

 21   décisions, mais quand il s’agit des catégories C, D, E et

 22   F, chaque fois, quand ce sera possible, dans le cadre du

 23   temps dont nous disposons, nous devrions pratiquer le

 24   système affidavit et éventuellement obtenir des

 25   déclarations d’autres témoins.


Page 14669

  1         Nous maintenons, sinon, que de telles déclarations

  2   devraient être admises même si ces déclarations n’ont pas

  3   été prises sous serment.  Nous l’avons déjà précisé

  4   auparavant.  En ce qui nous concerne, nous faisons tout

  5   pour que les documents puissent être à la disposition de la

  6   Chambre.

  7         Maintenant, je vais demander à Monsieur Lopez-

  8   Terres de dire ce qu’il avait à dire au sujet des

  9   catégories A et B et j’espère que la Chambre est d’accord

 10   pour qu’on utilise les numéros, chiffres, et pas les noms.

 11         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Le numéro 2,

 12   on en a déjà parlé.

 13         Me NICE (interprétation) :  Oui.  Bien évidemment,

 14   vous avez des noms mais j’ai tout simplement proposé

 15   d’utiliser les numéros, plutôt ne pas dire les noms.  On

 16   n’a pas le droit de prononcer chaque nom.

 17         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  En ce qui

 18   concerne le numéro 2, Monsieur Friis-Pedersen, il n’y a pas

 19   de problème.

 20         Me NICE (interprétation) :  Bien évidemment, vous

 21   avez tout à fait raison, Monsieur le Président.  Il n’y a

 22   rien qui soit contestable.  Je pense que je suis trop

 23   prudent.  Il faut que je m’assoie et que je donne la parole

 24   à Monsieur Lopez-Terres. 

 25         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous en


Page 14670

  1   prie, Me Lopez-Terres.

  2         Me LOPEZ-TERRES :  Simplement un rappel pour

  3   indiquer dans quel cadre le débat qui s’engage aujourd’hui

  4   se situe parce que ce débat s’était engagé le 15 juin 1999

  5   lorsque, pour la première fois, j’avais demandé à votre

  6   Chambre l’admission des déclarations des deux témoins dont

  7   nous parlons.

  8         À l’issue de ces débats, le 15 juin, votre

  9   Chambre, dès le lendemain, 16 juin, avait rendu une

 10   décision par laquelle elle indiquait qu’elle admettait le

 11   compte rendu de témoignage, le transcript de Monsieur

 12   Friis-Pedersen, le transcript qui résultait de sa

 13   déposition dans le cadre du procès Blaskic le 16 décembre

 14   1997, qu’elle admettait également, comme pièce jointe à

 15   cette déposition, une pièce à conviction.

 16         Le procès-verbal de compte rendu d’audience, le

 17   transcript s’est donc vu attribuer la pièce à conviction

 18   numéro Z2706 déjà admise.

 19         Par contre, en ce qui concerne la déposition

 20   effectuée par Monsieur Friis-Pedersen devant nos enquêteurs

 21   les 23 et 24 août 1996, tout comme en ce qui concerne la

 22   déposition faite par le témoin Monsieur Haskic le 13

 23   septembre 1995 devant nos enquêteurs également, votre

 24   Chambre, le 16 juin de l’année dernière, avait indiqué que

 25   pour l’instant, ces procès-verbaux n’étaient pas recevables


Page 14671

  1   et qu’en attendant la présentation d’autres arguments, ces

  2   documents étaient provisoirement rejetés.

  3         Votre Chambre, dans cette même décision du 16 juin

  4   1999, avait indiqué : « Si toutefois, le Bureau du

  5   Procureur redemande le versement de ces pièces, nous

  6   pourrions entendre les arguments si cela est nécessaire. »

  7         L’argument général concernant les témoins

  8   indisponibles, dont font partie les deux témoins décédés

  9   dont nous nous occupons aujourd’hui, avait été repris

 10   ensuite, peu avant notre séparation du mois d’août, le 5

 11   août exactement, et aujourd’hui donc, conformément à ce qui

 12   avait été suggéré par votre Chambre le 16 juin, nous nous

 13   présentons à nouveau devant vous pour demander que les

 14   procès-verbaux des deux témoins décédés soient également

 15   admis.

 16         Nous considérons, en effet, au Bureau du Procureur

 17   qu’en ce qui concerne le premier témoin décédé, Monsieur

 18   Haskic, sa déposition est très importante.

 19         En ce qui concerne le deuxième témoin, Monsieur

 20   Friis-Pedersen, le fait d’avoir déjà admis le compte rendu

 21   de déposition dans l’affaire Blaskic ne nous paraît pas

 22   suffisant pour pouvoir couvrir tous les points qu’il avait

 23   envisagés devant nos enquêteurs de son vivant.

 24         Nous considérons donc que par application de

 25   l’Article 89(C) du Règlement, ces deux déclarations


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  1   devraient être reçues comme éléments de preuve pertinents

  2   et ayant valeur probante.

  3         Il nous apparaît, en effet, que si votre Chambre

  4   ne recevait pas ces deux procès-verbaux de déclarations,

  5   elle se priverait elle-même d’éléments d’information qui

  6   ont leur intérêt pour la solution du procès, et en

  7   définitive, le résultat obtenu serait un préjudice pour la

  8   manifestation de la vérité puisque cette manifestation de

  9   la vérité fait partie des obligations de votre charge au

 10   titre de l’Article 90 du Règlement.  Ce serait, donc,

 11   nécessaire pour la manifestation de la vérité. 

 12         Nous considérons également que ne pas admettre la

 13   déposition de ces deux personnes serait injuste puisque

 14   l’infortune du témoin qui décède avant de pouvoir déposer

 15   en justice ne doit pas avoir pour effet de le priver

 16   totalement du droit d’être entendu par des Juges au-delà de

 17   sa mort et d’apporter ainsi sa contribution à l’œuvre de

 18   justice, contribution dont il disposait de son vivant, dans

 19   la mesure, encore une fois, où les témoins n’ont jamais

 20   indiqué qu’ils n’entendaient pas se présenter devant le

 21   Tribunal de La Haye.  Bien au contraire, les mentions qui

 22   figurent dans leurs procès-verbaux de dépositions font

 23   apparaître qu’ils étaient tout à fait disposés à produire

 24   leurs témoignages en justice.

 25         Nous considérons enfin que rejeter de telles


Page 14673

  1   déclarations pourrait finalement être dangereux si cela

  2   intervenait de façon systématique au seul motif que ces

  3   déclarations auraient pu être recueillies en dehors du

  4   prétoire car cela pourrait constituer peut-être un

  5   encouragement à la suppression de témoins gênants avant

  6   qu’ils ne puissent comparaître devant la Chambre de

  7   jugement.

  8         Monsieur Nice vous l’a indiqué il y a quelques

  9   instants, il existe dans les systèmes nationaux des règles

 10   qui prévoient l’admission du témoignage de témoins décédés. 

 11   Je pense qu’au mois de juin, j’avais déjà énoncé certains

 12   de ces documents.  Ces mêmes informations vous ont été

 13   rappelées aujourd’hui.

 14         Dans notre Règlement de Procédure, il n’y a pas de

 15   disposition spécifique qui prend en compte le témoignage de

 16   témoins décédés, mais encore une fois, l’Article 89(C), par

 17   sa généralité, permet tout à fait ce type d’admission.

 18         Vous avez d’ailleurs, dans votre décision du 29

 19   juillet 1999, plus communément appelée décision du dossier

 20   sur Tulica, admis que des déclarations de témoins, des

 21   procès-verbaux de témoins pouvaient être admis par votre

 22   Chambre en vertu de votre pouvoir discrétionnaire.

 23         C’est au nom de ce pouvoir discrétionnaire, encore

 24   une fois, que nous vous demandons l’admission de ces deux

 25   procès-verbaux.  Ces deux procès-verbaux, s’ils étaient


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  1   admis, sont tout à fait compatibles avec la jurisprudence

  2   de la Cour européenne de Strasbourg qui effectivement

  3   refuse que puisse être considérée comme seule preuve

  4   permettant d’établir la culpabilité d’un accusé que des

  5   déclarations émanant d’une personne décédée soient les

  6   seules déclarations à partir desquelles la culpabilité de

  7   cet accusé a pu être retenue.

  8         Nous ne sommes pas dans ce cas de figure-là.  Les

  9   deux témoins dont il s’agit, Monsieur Haskic comme Monsieur

 10   Friis-Pedersen, ne sont pas les seuls témoins qui révèlent

 11   à votre Chambre les éléments d’informations qui nous

 12   apparaissent importants et devoir, encore une fois, être

 13   pris en considération par vous.

 14         En ce qui concerne leur décès, bien qu’il y ait eu

 15   au début de cet argument quelques échanges avec la Défense,

 16   le décès ne peut être mis en doute.  Nous avons produit à

 17   la Défense des certificats à la fois émanant des autorités

 18   de Bosnie…

 19         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Juste un

 20   moment, s’il vous plaît.

 21         Quand il s’agit de Monsieur Friis-Pedersen, j’ai

 22   les éléments de preuve devant moi, les certificats devant

 23   moi qui viennent du Danemark.

 24         Mais je n’ai pas le certificat de décès de l’autre

 25   monsieur dont vous parlez.  Est-ce que vous l’avez ?  Est-


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  1   ce que vous possédez cette copie ?

  2         Me LOPEZ-TERRES :  Ce document est à votre

  3   disposition.  L’autre témoin est décédé le 4 juin 1997.

  4         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Me Lopez-

  5   Terres, puis-je vous poser une question ?

  6         Vous parlez de la jurisprudence de la Cour

  7   européenne de Strasbourg.  Est-ce que cette pratique

  8   judiciaire fait la distinction entre les déclarations qui

  9   ont été données sous serment et d’autres qui ne sont que de

 10   simples déclarations ? 

 11         Je vais poursuivre.  Est-ce que cette pratique

 12   nous signale qu’on peut verser au dossier n’importe

 13   laquelle déclaration et puis il incombe à la Chambre d’en

 14   évaluer la valeur probante et le poids de cette déclaration

 15   jugé par la Chambre ?  Est-ce qu’il s’agit uniquement des

 16   déclarations sous serment ou éventuellement, il y a

 17   d’autres déclarations concernant donc la fiabilité de la

 18   déclaration ?

 19         Me LOPEZ-TERRES :  Il s’agit, à ma connaissance,

 20   de déclarations qui ont pu être recueillies aussi bien par

 21   des autorités judiciaires que par des autorités de police. 

 22   Je précise que dans certains pays, les autorités de police

 23   peuvent également prendre des déclarations sous serment. 

 24   Ce n’est pas uniquement les autorités judiciaires.

 25         La position de la Cour européenne est claire en ce


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  1   sens qu’elle indique que l’admission de telles déclarations

  2   à titre de preuves n’est pas incompatible en soi avec le

  3   procès équitable et les règles de l’Article 6 de la

  4   Convention européenne.

  5         La seule limite à laquelle cette jurisprudence

  6   touche consiste à rappeler qu’en aucun cas la juridiction

  7   de jugement, lorsqu’elle décide de reconnaître la

  8   culpabilité de l’un ou l’autre des accusés, doit

  9   exclusivement fonder cette conviction sur des déclarations

 10   de cette nature, dans la mesure où l’accusé n’a pas été en

 11   mesure de pouvoir contre-balancer ces déclarations ou

 12   contre-interroger le témoin. 

 13         C’est la seule limite qui est apportée mais le

 14   principe est que l’admission de telles déclarations n’est

 15   pas en soi contraire avec l’Article 6 de la Convention.

 16         J’indique que – et c’est la particularité de l’un

 17   de ces deux procès-verbaux dont je vous demande

 18   l’admission, celui du témoin bosniaque – ce procès-verbal a

 19   déjà été reçu dans le cadre de l’affaire Blaskic le 29

 20   avril 1998 et lorsque la Chambre Blaskic a reçu ce procès-

 21   verbal comme pièce, elle a indiqué que ce procès-verbal

 22   était un procès-verbal qui avait été pris sous serment par

 23   les enquêteurs du Bureau du Procureur.

 24         Elle a considéré que les mentions que nous faisons

 25   figurer habituellement sur les procès-verbaux que nos


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  1   enquêteurs prennent, qu’il s’agisse des mentions au début

  2   du procès-verbal comme en fin de procès-verbal avant que le

  3   témoin signe, étaient équivalentes à une déclaration sous

  4   serment faite par le témoin devant nos enquêteurs.

  5         La Chambre Blaskic a également indiqué que, bien

  6   entendu, le fait d’admettre cette déclaration à titre de

  7   pièce, de preuve, ne préjudiciait pas du poids que cette

  8   même Chambre pourrait accorder aux informations elles-mêmes

  9   contenues par ce document.  Une chose est d’admettre, autre

 10   chose est de peser ensuite la valeur probante.

 11         Cela nous apparaît d’autant plus important que ces

 12   informations qui résultent de déclarations de témoins

 13   peuvent être ensuite contestées quant à leur crédibilité

 14   par la Défense et cela peut se faire par d’autres moyens

 15   que le contre-interrogatoire.

 16         Nous en avons eu l’expérience encore la semaine

 17   dernière à propos des discussions qui se sont engagées sur

 18   l’admission ou non de certains comptes rendus d’audience. 

 19   La Défense a été en mesure de faire valoir son point de vue

 20   sur la fiabilité ou la crédibilité de certains témoignages,

 21   y compris des témoignages pris sous serment devant ce

 22   Tribunal simplement par un mémoire écrit ou un tableau

 23   qu’elle avait établi sur lequel elle faisait ses

 24   commentaires et il n’a pas été nécessaire pour autant de

 25   procéder au contre-interrogatoire du témoin dont il était


Page 14678

  1   question.

  2         Tout cela pour rappeler simplement que le contre-

  3   interrogatoire n’est pas toujours la seule façon

  4   d’apprécier la crédibilité ou la sincérité d’un témoignage. 

  5   La simple comparaison de procès-verbaux et de témoignages

  6   par elle seule peut suffire à écarter certains de ces

  7   procès-verbaux ou à en admettre d’autres.

  8         Je tenais à rappeler cette précision en ce qui

  9   concerne le procès-verbal du témoin bosniaque puisque,

 10   encore une fois, la Chambre Blaskic, lorsqu’elle a admis ce

 11   document qui lui était présenté à l’époque, il est vrai,

 12   par la Défense du Général Blaskic – la situation est

 13   inversée aujourd’hui puisque c’est le Bureau du Procureur

 14   qui le fait – la Chambre dans l’affaire Blaskic avait donc

 15   considéré qu’un tel procès-verbal était pris sous serment

 16   par nos enquêteurs.

 17         J’espère, Monsieur le Juge, avoir répondu à votre

 18   interrogation.

 19         Pour en rester sur cette question de la

 20   jurisprudence de la Cour européenne, j’indiquais

 21   effectivement que nous ne sommes pas dans ce cas de figure

 22   puisqu’il est clair qu’il n’est pas l’intention du Bureau

 23   du Procureur de demander que l’un ou l’autre des accusés

 24   soit déclaré coupable sur la base de ces deux simples

 25   déclarations.  Nous n’en sommes pas là, heureusement.


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  1         Cela étant, je tiens à dire également qu’en ce qui

  2   concerne les déclarations faites par ces deux témoins,

  3   elles sont corroborées, elles sont complétées partiellement

  4   par d’autres témoins qui ont été entendus dans cette

  5   Chambre, et donc, la comparaison des déclarations dont nous

  6   vous demandons l’admission et celles de témoignages qui ont

  7   déjà été recueillis dans votre Chambre peut tout à fait

  8   justifier, elle aussi, l’admissibilité de ces deux procès-

  9   verbaux.

 10         En ce qui concerne la substance de ces deux

 11   procès-verbaux dont il s’agit, j’ai indiqué qu’ils nous

 12   paraissaient tout à fait pertinents.  Ils le sont en ce qui

 13   concerne le premier témoin, le témoin bosniaque.

 14         Nous savons, puisque la Défense nous l’a indiqué

 15   lors d’un débat antérieur, qu’elle conteste la présence de

 16   l’accusé Dario Kordic à tout moment dans la localité de

 17   Donja Veceriska.  Ce débat a déjà été engagé à l’occasion

 18   du témoignage fait par un témoin qui était le Témoin V, je

 19   crois, lorsqu’il a déposé sur l’attaque de Veceriska et il

 20   s’agit du seul témoin qui a déposé sur ces faits.

 21         Le témoin décédé nous indique plusieurs choses. 

 22   Il nous indique d’abord ce qui s’est passé au cours de la

 23   soirée qui a précédé l’offensive du 16 avril 1993 et ce

 24   qu’il a pu de visu constater dans son village.  Ce village

 25   de Veceriska est situé à peine à trois kilomètres de Vitez,


Page 14680

  1   et au cours de la soirée, il a constaté la présence de

  2   l’accusé Dario Kordic en uniforme, entouré de gardes du

  3   corps et participant à des festivités avec d’autres

  4   représentants locaux du HVO.

  5         Il y avait, d’après ce témoin, des membres de la

  6   brigade de Vitez, dont le commandant local du bataillon qui

  7   est le nommé Ivica Drmic. Il y avait également des

  8   individus dont il a reconnu le signe caractéristique, les

  9   Jokers, les Vitezovis et même, a-t-il indiqué, la présence

 10   d’individus arborant le badge que portent habituellement

 11   les membres de la brigade Ludvig Pavlovic qui venait

 12   d’Herzégovine et dont on sait qu’elle a été stationnée dans

 13   la région de Vitez à l’époque des faits dont nous parlons.

 14         La présence, donc, de l’accusé Dario Kordic est

 15   attestée.  Il est attesté également par ce témoin que

 16   l’accusé Dario Kordic était en relation directe ce soir-là

 17   avec le commandant local, Ivica Drmic, qui est un

 18   commandant de bataillon de la brigade de Vitez, dont

 19   l’accusé Mario Cerkez était le commandant de brigade, le

 20   témoin indiquant qu’il a vu à plusieurs reprises ce

 21   commandant de bataillon remettre des documents manuscrits à

 22   l’accusé Dario Kordic.

 23         Il relate ensuite ce qu’il a vu et entendu au

 24   cours de la soirée, ces chants menaçants de la part des

 25   soldats où il est question du jour qui va se lever, où les


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  1   musulmans vont disparaître de Veceriska.

  2         Il a ensuite vu, comme cela nous a été indiqué par

  3   le Témoin V dont j’ai déjà parlé, les Croates du village,

  4   les femmes, les enfants, les personnes âgées, quitter

  5   celui-ci à une heure avancée de la nuit, avant que

  6   l’attaque ne soit lancée.

  7         Il indique qu’il a constaté que sa ligne

  8   téléphonique a été coupée, et ensuite, le témoin décrit

  9   avec précision le déroulement de l’attaque de son village.

 10         Pour toutes ces raisons, il nous apparaît que les

 11   informations qui sont rapportées par ce témoin sont

 12   extrêmement pertinentes, sont extrêmement utiles pour la

 13   compréhension des faits qui sont survenus dans la zone de

 14   Donja Veceriska dans la soirée du 15 avril et surtout le

 15   lendemain, le 16 avril, et les jours suivants puisque nous

 16   savons que cette attaque s’est prolongée.

 17         Ces documents… ce témoignage, pardon, il apparaît

 18   également qu’il établit un lien direct entre l’accusé Dario

 19   Kordic et le village en question, la présence de l’accusé

 20   dans une zone dans laquelle les combats allaient se

 21   dérouler dès le lendemain avec des soldats dont nous avons

 22   toutes les raisons de penser et déjà des éléments de preuve

 23   qu’ils ont participé à cette attaque.

 24         Pour toutes ces raisons donc, encore une fois, il

 25   nous paraît nécessaire de recueillir ce procès-verbal et de


Page 14682

  1   l’admettre également comme élément pertinent en fonction de

  2   votre pouvoir tenu de l’Article 89.

  3         En ce qui concerne le deuxième témoin, le Major

  4   Friis-Pedersen, il est exact que celui-ci, contrairement au

  5   premier cas, avait eu déjà la possibilité de témoigner dans

  6   un autre procès, le procès Blaskic en l’occurrence, mais

  7   que lors de ce témoignage, celui-ci a été interrogé de

  8   façon très succincte pour les simples nécessités du procès

  9   Blaskic sur des points qui ne concernaient pas directement

 10   l’accusé Kordic ou l’accusé Cerkez.

 11         Il apparaît, à la lecture du procès-verbal de

 12   déposition auprès de nos enquêteurs que Monsieur Friis-

 13   Pedersen a donné en 1996, que celui-ci a donné beaucoup

 14   plus d’informations qui n’ont pas été reprises, ni même

 15   évoquées dans le cadre de sa déposition en décembre 1997 au

 16   cours du procès Blaskic.

 17         Nous rappelons que le Major Friis-Pedersen était

 18   un moniteur de la mission de contrôle de l’Union européenne

 19   et qu’à ce titre, il s’est rendu dans la région de Bosnie

 20   centrale à compter du 26 janvier 1993 à la fin du mois de

 21   mai 1993.  Il a, donc, eu la possibilité de s’imprégner

 22   pleinement de l’ambiance avant le conflit, pendant le

 23   conflit, et à partir de ces éléments d’informations qu’il a

 24   recueillis comme moniteur, il a pu dans son procès-verbal

 25   rapporter plusieurs éléments dont il a été le témoin lui-


Page 14683

  1   même ou tirer des conclusions dont il fait état dans sa

  2   déposition.

  3         Ces éléments d’informations dont il a été le

  4   témoin lui-même concernent, par exemple, le fait que

  5   lorsqu’il a été dans la région, il a rencontré Monsieur

  6   Kordic en février ou en mars 1993, lequel lui a été

  7   présenté comme le personnage politique principal de la

  8   région. 

  9         Il a eu l’occasion le 16 avril, alors que les

 10   combats s’étaient déjà déclenchés, de se rendre dans la

 11   région de Vitez, de passer à proximité de Ahmici.  Il a

 12   constaté lui-même la présence de cadavres.  Il a d’ailleurs

 13   pris un cliché photographique qui est joint à son procès-

 14   verbal de déclaration.  Il a indiqué dans son procès-verbal

 15   qu’il avait personnellement vu les soldats du HVO procéder

 16   à un nettoyage ethnique de musulmans – ce sont ses propres

 17   propos – dans le village de Bila.

 18         Il indique qu’il n’a pas eu la possibilité, comme

 19   d’autres membres de l’ECMM, d’accomplir pleinement ses

 20   fonctions ce jour-là puisque des tireurs embusqués du HVO

 21   avaient pris place du côté de Gornja Rovna, dans la région

 22   de Busovaca.

 23         Il a rapporté les visites qu’il a rendues à Vitez

 24   auprès de l’accusé Mario Cerkez les 18 et 19 avril, en

 25   particulier la visite au quartier général de Cerkez où il a


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  1   constaté qu’il y avait des détenus, tous musulmans, de tous

  2   âges, des jeunes garçons, des vieillards qui étaient

  3   détenus dans une sorte de prison qui était aménagée dans la

  4   partie inférieure du quartier général.

  5         Il a constaté, et il l’a dit de façon tout à fait

  6   honnête et loyale, que si ces prisonniers paraissaient bien

  7   traités, il paraissait qu’ils étaient détenus dans un lieu

  8   exigu, puisqu’il n’y avait que deux pièces et il a conclu

  9   personnellement qu’il y avait une violation des

 10   dispositions de la Convention de Genève.

 11         Il a participé à un meeting le 4 mai 1993 avec le

 12   bataillon britannique sur le massacre de Ahmici et il en a

 13   conclu que l’attaque de ce village était une partie d’une

 14   opération coordonnée autour de la région de Vitez.  Il a

 15   accompagné un témoin que vous avez entendu aussi, qui était

 16   le Témoin Charles McLeod, et il a pu, au cours de la

 17   mission de ce dernier, se conforter dans l’idée qu’il y

 18   avait, de la part du HVO dans la région, la volonté de

 19   créer une zone ethniquement pure en faveur des Croates.

 20         Tous ces éléments n’ont pas été – c’est peut-être

 21   regrettable mais on comprend aussi les nécessités du procès

 22   Blaskic – n’ont pas été repris dans le cadre de la

 23   déposition faite en décembre 1997.

 24         Nous considérons, à partir du moment où ce procès-

 25   verbal de déclaration comporte des informations beaucoup


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  1   plus riches que celles qui ont été recueillies en décembre

  2   1997, qu’il mérite lui aussi d’être pris en considération

  3   par votre Chambre.

  4         Au vu de ces explications que je vous prie

  5   d’excuser d’avoir été un peu longues, je vous demande donc,

  6   au nom du Bureau du Procureur, à nouveau, de retenir et

  7   d’admettre à titre de preuves dans le cadre du procès qui

  8   nous concerne, le procès-verbal de déclaration de Monsieur

  9   Midhat Haskic en date du 13 septembre 1995 et le procès-

 10   verbal de déclaration de Monsieur Erik Friis-Pedersen en

 11   date des 23 et 24 août 1996 avec la photographie qui est

 12   annexée à cette déclaration.

 13         Me SAYERS (interprétation) :  Monsieur le

 14   Président, je souhaite commencer en disant quel est notre

 15   point de vue sur la législation applicable.  Il est sûr

 16   qu’il faut s’appuyer sur le Règlement et le Statut du

 17   Tribunal dans les décisions prises par ce Tribunal.

 18         S’agissant de la question posée par la Chambre

 19   portant sur l’absence ou la présence du serment, si nous

 20   nous référons à la pratique judiciaire européenne, nous

 21   pouvons citer plusieurs exemples.

 22         Tout d’abord, en 1986, d’après la loi

 23   autrichienne, une affaire a eu lieu concernant un membre de

 24   la famille qui a été battu par son mari.  Le membre de la

 25   famille a refusé de comparaître, et à ce moment-là, la


Page 14686

  1   déclaration faite devant la police a été versée au dossier.

  2         En ce qui concerne la Cour européenne des Droits

  3   de l’Homme, elle a eu une situation semblable.

  4         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je souhaite

  5   procéder à une pause maintenant.  Vous parlez maintenant

  6   des affaires de nature complètement différente.  Il

  7   s’agissait là d’une affaire où il s’agissait d’un mari et

  8   de son épouse et où la déclaration faite par l’épouse a été

  9   acceptée, a été admise puisqu’il s’agissait du témoin-clé.

 10         Dans l’affaire présente, nous avons entendu

 11   presque 100 témoins dont un témoin pourrait s’avérer être

 12   un témoin important.  Ça, je l’accepte mais la raison pour

 13   laquelle l’approche de la Cour européenne a été telle vis-

 14   à-vis de cette affaire a été qu’il était difficile de

 15   trouver une base d’accusation dans la déposition de ce

 16   témoin.  Est-ce exact ?

 17         Me SAYERS (interprétation) :  Oui.  C’était

 18   l’accusation la plus importante dans cette affaire, dans

 19   l’affaire citée, mais à mon avis, le contexte peut être

 20   pris en considération par cette Chambre de première

 21   instance. 

 22         Je propose que l’on se penche également sur une

 23   autre affaire, l’affaire Barbera de l’année 1998, qui est

 24   plus proche de notre affaire.  Il s’agissait d’une affaire

 25   concernant le terrorisme et dans le cadre de cette affaire,


Page 14687

  1   la déclaration d’un témoin absent a été versée au dossier. 

  2   L’accusé n’a pas eu la possibilité de contester cette

  3   déclaration.  Je parle maintenant des conclusions de la

  4   Cour européenne des Droits de l’Homme.

  5         Encore une fois, à cause de cette impossibilité de

  6   contester, de confronter le témoin et contester sa

  7   déposition, la décision de la Chambre a été modifiée par la

  8   Cour européenne des Droits de l’Homme.

  9         Il existe d’autres exemples de ce genre, par

 10   exemple, l’affaire Kostovski.  Cependant, l’affaire Isgrow

 11   est une affaire concernant laquelle la Cour européenne n’a

 12   pas décidé de modifier la décision préalable mais la raison

 13   en est que le Juge d’instruction a pu poser des questions

 14   au témoin, ce qui a rendu possible de contester le

 15   témoignage de ce témoin conformément à l’Article 63(D), et

 16   d’ailleurs, l’accusé lui-même n’a pas eu d’objection à la

 17   lecture d’une telle déclaration.

 18         Donc, voici quelques questions qui devraient être

 19   prises en considération, à mon avis, par cette Chambre de

 20   première instance.

 21         En ce qui concerne le premier témoin, maintenant,

 22   je souhaite dire le suivant.  Il s’agit d’un témoin qui n’a

 23   jamais donné de déclaration préalable dans le cadre des

 24   autres affaires liées à la vallée de la Lasva, ni dans les

 25   affaires Kupreskic, Aleksovski, Blaskic ou Furundzija,


Page 14688

  1   alors que le Procureur considère qu’il s’agit là d’un

  2   témoin extrêmement important.

  3         Nous considérons qu’ici, l’on propose ce témoin

  4   justement parce qu’il parle des points contestables alors

  5   qu’il n’y a pas d’autres témoins qui pourraient en parler. 

  6   Il n’y a pas d’autres témoins qui peuvent dire que Monsieur

  7   Kordic était à Donja Veceriska la nuit avant l’attaque

  8   lancée dans la vallée de la Lasva.  De même, il n’y a pas

  9   d’autres témoins qui pourraient affirmer que Monsieur

 10   Kordic se trouvait entouré par tous les auteurs, tous les

 11   leaders militaires importants, tous les chefs, par exemple,

 12   commandants de brigade de Vitez, des Jokeris, de la brigade

 13   Ludvig Pavlovic, et cætera.

 14         Donc, il s’agit ici d’éléments extrêmement

 15   importants alors qu’ils ne sont pas corroborés par les

 16   témoignages d’autres témoins.

 17         Par ailleurs, avant lorsque nous avons eu ce genre

 18   de discussions à ce sujet dans ce prétoire, le Procureur

 19   avait affirmé disposer d’autres éléments de preuve qui

 20   pourraient corroborer ces mêmes affirmations, mais ce qui

 21   est le plus important c’est que si nous ne disposons pas de

 22   possibilité de confronter le témoin, le Procureur souhaite

 23   se baser uniquement sur une déclaration qui n’a pas été

 24   faite sous serment, qui n’a pas fait l’objet de contre-

 25   interrogatoire, et ce témoin n’a pas été contre-interrogé


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  1   dans le cadre d’une quelconque affaire.  Donc, nous pensons

  2   qu’il n’est pas possible… que cette déclaration ne peut pas

  3   être admise.

  4         Deuxièmement, en ce qui concerne le certificat de

  5   décès que nous venons de recevoir, nous pouvons constater

  6   que plusieurs éléments sont illisibles, tels que le moment

  7   et la cause de la mort, alors que la signature du médecin

  8   est illisible, elle aussi.

  9         En ce qui concerne la durée de la maladie finale,

 10   nous n’en savons rien puis il y a d’autres cases qui sont

 11   restées vides.  Donc, nous ne savons pas comment ce témoin

 12   est mort, pendant combien de temps sa maladie a duré, et

 13   cætera.  Nous ne savons pas quel était son état mental

 14   avant la mort, pendant les mois pendant lesquels sa maladie

 15   a duré.  Nous ne savons pas s’il recevait certains

 16   médicaments.

 17         Ensuite, s’il s’agit là d’un témoin tellement

 18   important, nous pouvons poser la question de savoir

 19   pourquoi il n’a pas été filmé, pourquoi l’on n’a pas

 20   proposé une déposition conformément à l’Article 71,

 21   pourquoi le Procureur n’a pas proposé de déclaration sous

 22   serment conformément à l’Article 94.

 23         Disons maintenant quelque chose concernant

 24   l’affaire Blaskic.  Dans cette affaire, la Défense a

 25   expressément renoncé au contre-interrogatoire de ce témoin


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  1   en disant (je cite) : « C’est seulement la Défense qui peut

  2   faire objection de manière appropriée à l’admission de

  3   cette déclaration, c’est-à-dire la Défense peut renoncer,

  4   si elle le souhaite, au contre-interrogatoire ».

  5         C’est ce qu’elle a fait dans l’affaire Blaskic

  6   mais la Défense de Monsieur Kordic ne souhaite pas renoncer

  7   au contre-interrogatoire.

  8         En ce qui concerne l’affaire Blaskic, il faut

  9   savoir que les deux parties souhaitaient que cette

 10   déclaration soit versée au dossier.  Mis à part cela, dans

 11   la décision prise dans le cadre de l’affaire Blaskic, il a

 12   été souligné que cette déclaration a été versée au dossier

 13   à des fins limitées.  Ceci a été indiqué clairement dans

 14   l’ordonnance en date du 29 avril 1998.  Il est dit

 15   clairement que cette déclaration a été versée au dossier

 16   pour indiquer que Donja Veceriska constituait une cible

 17   militaire puisque, visiblement, Donja Veceriska était

 18   défendue.

 19         Il faut également savoir que cette déclaration a

 20   été faite deux ans et demi après les événements dont la

 21   déclaration traite et il n’y a pas d’autres éléments qui

 22   corroborent les éléments qui figurent dans la déclaration. 

 23   Il n’y a pas de notes prises, par exemple, par le témoin au

 24   moment des faits.

 25         S’agissant de certains principes de base, je


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  1   souhaite dire quelque chose tout à fait brièvement.  Le

  2   Procureur n’arrête pas de proposer de verser au dossier les

  3   déclarations sans faire venir le témoin.  Nous affirmons

  4   qu’il s’agit là d’un préjudice porté au droit de l’accusé. 

  5   L’accusé a le droit de contre-interroger le témoin. 

  6         Il s’agit là d’une question importante et même

  7   s’il s’agit ici seulement d’une centaine de témoins, je

  8   souhaite néanmoins dire que dans cette affaire, nous

  9   n’avons pas entendu ou presque pas entendu une autre

 10   déposition aussi fortement opposée à l’accusé.

 11         Le 4 novembre 1999, le Procureur a dit à la page

 12   9541 du compte rendu d’audience qu’il existe d’autres

 13   déclarations de témoins concernant le fait que Monsieur

 14   Kordic a été vu sur place la veille de l’attaque.  Le

 15   Témoin V a témoigné le 25 novembre 1999 et l’on a

 16   expressément posé la question à ce témoin concernant la

 17   fiabilité de l’autre témoin mentionné.

 18         C’est mon collègue Monsieur Stein qui lui a posé

 19   cette question.  Le Témoin V a répondu qu’il n’était pas

 20   trop sûr en ce qui concerne la fiabilité de cet autre

 21   témoin.

 22         Ensuite, il n’a pas été mentionné du tout que le

 23   Témoin V qui à notre avis a des liens de parenté avec

 24   l’autre témoin, n’ait jamais parlé avec le premier témoin

 25   des faits qui ont été mentionnées dans la déclaration que


Page 14692

  1   le Procureur souhaite verser au dossier.

  2         Ces deux personnes ont vécu dans un petit village

  3   au moment des faits.  Elles ont parlé de beaucoup de

  4   choses, mais au cours de la déposition du Témoin V, il n’a

  5   jamais mentionné le fait qu’il aurait entendu parler du

  6   fait que Monsieur Kordic était sur place la veille de

  7   l’attaque.

  8         Il faut également remarquer que le Témoin V a dit

  9   qu’il a vu Monsieur Kordic une fois dans le café dont le

 10   propriétaire est Monsieur Drmic, mais il faut savoir qu’une

 11   fois n’est pas l’habitude. 

 12         Donc, voici nos arguments sur lesquels nous basons

 13   notre opposition au versement au dossier de cette

 14   déclaration, la déclaration de ce témoin qui n’a jamais

 15   déposé ici.

 16         En ce qui concerne le deuxième témoin, mes

 17   arguments seront brefs.  Sa déposition a été entendue le 16

 18   décembre 1997 et sa déclaration a été versée au dossier en

 19   tant que pièce à conviction Z2706.  Nous avons dit que si

 20   nous procédions à un contre-interrogatoire, ceci n’était

 21   pas nécessaire puisque de toute façon, nous n’aurions pas

 22   plus de questions à poser par rapport aux défenseurs

 23   préalables, mais maintenant, le Procureur propose plus de

 24   choses.

 25         Il y a sans doute une similitude d’intérêts entre


Page 14693

  1   l’accusé dans l’affaire Blaskic et les accusés dans cette

  2   affaire mais nous estimons que les déclarations du témoin

  3   ne sont pas nécessaires.  Il suffit de penser aux témoins

  4   de l’ECMM qui ont déjà parlé des mêmes faits, Monsieur

  5   McLeod, le commandant Baggesen, Monsieur Laustsen, le

  6   Colonel Morsink, le Colonel Weckesser, le commandant

  7   Jennings – il s’agit pour ces trois derniers de personnes

  8   qui appartenaient au BRITBAT – et il y a également le

  9   Colonel Landry qui va nous parler de la même chose.

 10         Donc, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à la

 11   déclaration de ce témoin mais le critère que doit prendre

 12   en compte la Chambre dans cette affaire, c’est la décision

 13   Tulica, page 10, paragraphe 26 de cette décision, où la

 14   Chambre a envisagé l’admission de comptes rendus d’une

 15   déposition précédente et la Chambre a stipulé que ce

 16   n’était pas nécessaire puisque ça faisait partie du

 17   dossier, et de ce fait, ce n’était pas nécessaire.

 18         Donc ici, on a exactement la même chose.  On

 19   dispose déjà de la déposition du témoin, et donc, les

 20   déclarations qu’il a faites précédemment ne doivent pas

 21   être admises puisque ça ferait double emploi.

 22         En ce qui concerne les autres témoins, je n’ai que

 23   quelques remarques à faire.

 24         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous avons

 25   déjà parlé de ces témoins en particulier.


Page 14694

  1         Me KOVACIC (interprétation) :  Merci, Monsieur le

  2   Président.

  3         Tout premièrement, je suis parfaitement d’accord

  4   avec les arguments qui ont été avancés par mon confrère

  5   Sayers.  Je ne vais pas répéter ce qu’il a dit et c’est la

  6   raison pour laquelle je voudrais tout simplement attirer

  7   votre attention sur deux ou trois choses pour compléter ce

  8   qui a été dit par Me Sayers.

  9         Tout premièrement, il va sans dire qu’il y a une

 10   différence qui est claire entre le versement au dossier des

 11   déclarations qui ont été données dans une autre affaire,

 12   non seulement parce qu’il s’agit d’une déclaration qui est

 13   donnée sous serment mais également parce qu’elle a été

 14   donnée devant le Tribunal, devant le présent Tribunal.  Ça,

 15   c’est une première chose et la situation est différente

 16   quand il s’agit de la déclaration qui a été donnée aux

 17   enquêteurs, qu’il s’agisse des enquêteurs de ce Tribunal ou

 18   devant une autorité judiciaire, de police ou devant une

 19   autre juridiction supranationale, disons.

 20         Le fait même que nous parlons ici d’un certain

 21   nombre de témoins, 1 et 2, nous en parlons en les

 22   regroupant, je pense que c’est un sujet qui devient de

 23   moins en moins clair.  Tout au moins, il me semble qu’il

 24   faut dissocier les deux cas pour que la déclaration qui a

 25   été donnée devant les enquêteurs puisse être versée au


Page 14695

  1   dossier.

  2         Lié au point 1, comme ceci a été fait dans

  3   l’affaire Blaskic, le fondement doit être l’accord entre

  4   les deux parties. En d’autres termes, la Défense doit

  5   renoncer au droit auquel elle a raison, au droit de contre-

  6   interroger le témoin.

  7         Dans le cas concret, nous ne sommes pas disposés à

  8   renoncer à ce droit de contre-interroger.  Comme il s’agit

  9   d’un témoin qui est décédé, il ne peut pas comparaître

 10   devant cette Chambre, devant le Tribunal, et par

 11   conséquent, nous ne pouvons pas le contre-interroger.

 12         Il y a quelques autres points.  On a parlé du

 13   dossier Tulica.  Je ne vais pas répéter ce que mon confrère

 14   a déjà dit mais je voudrais dire quelque chose au sujet de

 15   la Cour européenne à Strasbourg.  Il me semble que cette

 16   norme ne peut pas être prise en considération ou plutôt, il

 17   faudrait attacher une attention toute particulière à ce

 18   point-là.

 19         La Cour européenne à Strasbourg, par conséquent,

 20   les règles également sur lesquelles cette Cour se fonde

 21   sont des règles qui touchent aux droits de l’homme, alors

 22   qu’ici, il s’agit de la culpabilité individuelle et nous

 23   savons tous que ceci n’est pas la même chose.  Nous savons

 24   tous que nous pouvons en sortir une autre conclusion, à

 25   savoir que la norme est une preuve en elle-même car dans


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  1   tous les régimes, dans tous les systèmes juridiques, le

  2   Code pénal demande des normes des plus élevées et tout ce

  3   qui est acte criminel demande des normes des plus élevées.

  4         Par conséquent, vous ne vous attendez pas à ce que

  5   je donne d’autres réponses au sujet d’autres témoins car

  6   vous avez réduit notre débat aux témoins numéros 1 et 2.

  7         Mais il y a quand même quelque chose sur lequel

  8   j’aimerais attirer votre attention.  Ça peut vous paraître

  9   bizarre.  Le Procureur, dans le cas où la Chambre n’accepte

 10   pas de verser au dossier le PV pour le premier témoin, le

 11   Procureur a relaté la déclaration de cette déclaration et

 12   je pense que c’est de cette manière-là que nous avons

 13   quelque peu contaminé le compte rendu de notre affaire.

 14         Si quelqu’un y accède d’ici cinq ou six ans, ça ne

 15   serait pas véritablement approprié.  C’est la raison pour

 16   laquelle je considère qu’il faut expurger ce que le

 17   Procureur avait dit.  C’est au sujet des témoins numéro 1

 18   et numéro 2.

 19         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Kovacic, ne

 20   vous préoccupez pas de cela.  Ce que dit un représentant de

 21   l’Accusation ou de la Défense, ce n’est pas des éléments de

 22   preuve.  Il s’agit seulement de relater ce qui est dit dans

 23   une déclaration préalable d’un témoin. 

 24         Donc ce qui nous intéresse, c’est ce que nous

 25   avons lu dans la déclaration préalable d’un témoin ou dans


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  1   la déclaration d’un témoin et il faut également que ceux

  2   qui donnent lecture de ces déclarations le comprennent

  3   également.

  4         Me KOVACIC (interprétation) :  Merci, Monsieur.

  5         Me LOPEZ-TERRES :  Si je peux me permettre,

  6   Monsieur le Président, juste quelques commentaires après ce

  7   qui vient d’être dit.

  8         Je rappelle que dans la décision prise par la

  9   Chambre Blaskic le 29 avril 1998, il est indiqué clairement

 10   dans cette décision que :

 11         « La déclaration du témoin bosniaque, aujourd’hui

 12   décédé de mort naturelle » – c’est ce que dit la Chambre –

 13   « a été faite sous serment aux enquêteurs du Procureur. 

 14   Considérant que l’admission de cette déclaration ne préjuge

 15   pas de l’opinion de la Chambre par rapport à l’affirmation

 16   de la Défense selon laquelle cette déclaration établirait

 17   que la localité de Veceriska, Donja Veceriska, était un

 18   objectif militaire légitime, du fait qu’elle était

 19   défendue, la Chambre se réserve le droit d’accorder en

 20   temps opportun la valeur probante que mériterait cet

 21   élément de preuve. »

 22         La Chambre Blaskic, en admettant cette

 23   déclaration, a, bien sûr, pris des réserves et a indiqué

 24   qu’au-delà de l’admission du document, elle pèserait

 25   ensuite la valeur probante de ce document.


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  1         Je tenais ainsi à rappeler encore une fois que la

  2   Chambre avait considéré que cette déclaration prise en 1995

  3   avait été faite sous serment.  J’insiste sur ce point

  4   puisqu’il n’y a pas dans ce Tribunal de magistrat

  5   instructeur qui puisse prendre des déclarations sous

  6   serment au sens où nous l’entendons dans certaines

  7   juridictions européennes.

  8         L’Article 18 du Statut de ce Tribunal indique que

  9   le Bureau du Procureur – c’est, en tout cas, dans la

 10   version française – est en charge des enquêtes et de

 11   l’instruction des dossiers.  Nos enquêteurs ne sont pas des

 12   Juges d’instruction.  Ils n’ont pas reçu de délégation de

 13   Juges d’instruction pour prendre des déclarations sous

 14   serment au sens où on a pu y faire référence dans les

 15   systèmes européens.

 16         Il n’en demeure pas moins que les témoins,

 17   lorsqu’ils déposent devant nous, s’engagent à dire la

 18   vérité et à indiquer tout ce qu’ils ont vu ou entendu et à

 19   faire état éventuellement s’il s’agit de faits dont ils ont

 20   simplement entendu parler par des tiers, mais ils

 21   s’engagent et ils signent leur déclaration comme étant

 22   conforme à la vérité de ce qu’ils savent.

 23         Nous n’avons pas de système de Juges d’instruction

 24   ici.  Nous prenons donc ces déclarations, nos enquêteurs

 25   prennent ces déclarations selon les modalités et les


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  1   engagements pris par les témoins que je viens de rappeler. 

  2   L’enquêteur qui a pris – si cela était nécessaire, nous

  3   n’avons aucun problème là-dessus – l’enquêteur qui a pris

  4   la déclaration du témoin peut être éventuellement appelé si

  5   cela paraît indispensable.

  6         J’indiquerai enfin, pour répondre à l’observation

  7   de Me Sayers il y a quelques instants, qu’il n’est pas dans

  8   la pratique du Bureau du Procureur de prendre des auditions

  9   par voie de vidéo pour aucun témoin.  Il n’y avait aucune

 10   raison en 1995 de prendre un témoignage par voie de vidéo

 11   du témoin Midhat Haskic. 

 12         Monsieur Midhat Haskic est malheureusement décédé

 13   en juin, le 4 juin 1997, à un moment où le procès Blaskic

 14   n’en était qu’à ses balbutiements.  Il n’y avait aucune

 15   raison, à ce moment-là, de considérer le témoignage de

 16   Monsieur Midhat Haskic comme devant être filmé ou

 17   enregistré.

 18         Il n’y avait aucune raison non plus, en 1995, de

 19   demander à ce témoin si son état de santé était tel qu’il

 20   savait déjà qu’il allait décéder deux ans plus tard.  Ce

 21   n’est pas dans la pratique du Procureur que de demander aux

 22   témoins des certificats sur leur état de santé pour

 23   éventuellement prendre des mesures conservatoires en cas de

 24   décès au cours de la procédure.

 25         J’indique enfin, à propos de ce témoignage qui a


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  1   été donné dans le procès-verbal, que le témoin Midhat

  2   Haskic a dû être suffisamment considéré comme crédible par

  3   la Défense du Général Blaskic puisqu’elle a tenu à

  4   introduire son procès-verbal de déposition dans la

  5   procédure Blaskic et il est de fait lorsqu’on lit cette

  6   déposition que Monsieur Haskic révèle exactement ce qu’il

  7   en est dans ce village, ce qu’il est advenu au cours de

  8   cette attaque, et explique clairement que les villageois se

  9   sont défendus farouchement lorsqu’ils ont été attaqués.

 10         C’est un témoignage qui nous paraît tout à fait

 11   honnête.  Le témoin est malheureusement décédé.  Il doit

 12   pouvoir encore, comme je le disais tout à l’heure, apporter

 13   son œuvre à la justice comme il l’aurait fait de son

 14   vivant.

 15         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Merci.

 16                     [La Chambre discute]

 17         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Il s’agit

 18   d’une demande présentée par l’Accusation aux fins

 19   d’admission des déclarations de deux témoins qui depuis

 20   qu’ils ont donné leur déclaration sont décédés.  Il s’agit

 21   de Monsieur Haskic d’abord, Monsieur Haskic qui a fait une

 22   déclaration en septembre 1995.  Il est décédé en juin 1997.

 23         Le Procureur demande l’admission de sa déclaration

 24   aux termes de l’Article 89(C) qui autorise la Chambre à

 25   admettre tout élément de preuve pertinent dont elle estime


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  1   qu’il a une valeur probante, mais bien entendu, l’Article

  2   90 stipule que normalement en principe, tous les témoins

  3   doivent être entendus directement par la Chambre. 

  4   L’Accusation avance qu’il s’agit d’une exception puisque le

  5   témoin est décédé.  Donc, il n’est pas possible de

  6   l’entendre directement.

  7         L’Accusation fait référence et s’appuie sur la

  8   jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme

  9   qui a statué et stipulé que de tels éléments de preuve ne

 10   vont pas nécessairement à l’encontre de l’Article 6.

 11         Le Procureur a fait référence à l’affaire Isgrow

 12   entre autres, mais bien entendu, dans Unterpringer, la Cour

 13   a dit qu’il y avait peut-être une violation et que dans ce

 14   cas, la condamnation a été annulée, si un tel témoignage

 15   était la seule base d’une condamnation.

 16         Il est reconnu, il est accepté que dans sa

 17   déclaration, Monsieur Haskic parle d’un fait très important

 18   relatif à l’accusé Dario Kordic et à sa présence à Donja

 19   Veceriska le soir du 15 avril 1993.  Il était alors en

 20   compagnie de certains membres des forces armées.

 21         La Défense s’oppose à cette admission en partie

 22   pour cette raison.  La Défense avance que cela signifie

 23   qu’un témoin présentant des éléments de preuve extrêmement

 24   importants ne sera pas contre-interrogé.  Il n’y aura pas

 25   de contre-interrogatoire.  Donc, ça c’est une objection de


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  1   la Défense.

  2         La Défense avance également que le certificat de

  3   décès n’est pas complet.  Ceci ne suffit pas en soi pour

  4   interdire l’admission des éléments de preuve, sauf si nous

  5   pensions que ce certificat était peut-être falsifié.

  6         L’Accusation avance que cet élément de preuve a

  7   été admis dans l’affaire Blaskic mais la Défense, avec une

  8   certaine justesse, insiste sur le fait que ceci a été fait

  9   à la demande de la Défense et qu’il n’y avait pas

 10   d’objection de la part de la Défense et donc que les

 11   circonstances actuelles sont différentes, et la Défense a

 12   raison.

 13         Mais la vraie question qui se pose ici c’est de

 14   savoir si cette déclaration doit être admise sans qu’il y

 15   ait contre-interrogatoire.  Donc, la Défense n’a pas eu la

 16   possibilité de procéder à un contre-interrogatoire.

 17         Nous sommes donc parvenus à la conclusion qu’il ne

 18   serait pas juste, qu’il serait erroné de ne pas permettre à

 19   la Chambre d’avoir accès à cette déclaration pour un seul

 20   motif technique.

 21         Ici il s’agit, bien entendu, du poids à accorder à

 22   cet élément de preuve.  L’Article 89(C) donne un certain

 23   pouvoir discrétionnaire à la Chambre en ce qui concerne

 24   l’admission des éléments de preuve, et bien entendu, il est

 25   tout à fait clair que lorsque nous en viendrons à étudier


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  1   cet élément de preuve, nous garderons, bien entendu, à

  2   l’esprit que cet élément de preuve n’a pas fait l’objet de

  3   contre-interrogatoire.

  4         Ce témoin n’a pas fait l’objet de contre-

  5   interrogatoire.  Sa déclaration n’a pas été donnée sous

  6   serment, bien qu’à la fin de sa déclaration, le témoin ait

  7   reconnu tout à fait clairement qu’il avait fait sa

  8   déclaration volontairement, en ayant tout à fait conscience

  9   qu’elle pourrait être utilisée dans le cadre de procédures

 10   juridiques.  Mais quoi qu’il en soit, sa déclaration n’a

 11   quand même pas été donnée sous serment.

 12         Donc, nous garderons tout cela à l’esprit et nous

 13   garderons aussi à l’esprit la chose suivante, à savoir que

 14   comme le dit la Cour européenne des Droits de l’Homme, il

 15   n’est pas possible de condamner l’accusé sur la base seule,

 16   sur la base de cette seule déclaration si elle n’était pas

 17   corroborée par d’autres déclarations, et ça, c’est quelque

 18   chose que les Juges garderont à l’esprit, bien entendu.

 19         Maintenant en ce qui concerne la deuxième

 20   déclaration, là, la situation est un petit peu différente. 

 21   Tout d’abord, le compte rendu d’audience de la déposition

 22   de ce témoin a été admise.  Comme nous l’avons dit dans la

 23   décision Tulica, nous n’avons pas accepter, admis de

 24   déclaration de témoins lorsque les comptes rendus

 25   d’audience avaient eux déjà été admis et nous pensons qu’il


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  1   en va de même ici puisque dans cette déclaration, il n’y a

  2   pas d’élément supplémentaire, d’élément si important qu’il

  3   justifie l’admission de cette déclaration alors que le

  4   compte rendu d’audience a déjà été, lui, versé au dossier.

  5         Ce qui est dit dans la déclaration fait double emploi, va

  6   dans le sens de ce qui a été dit par le témoin lorsqu’il a

  7   déposé. C’est pour cette raison que nous n’allons pas accepter le

  8   versement au dossier de la déclaration de Monsieur Friis-Pedersen

  9   mais que nous admettrons celle de Monsieur Haskic.

 10         Il nous reste maintenant à étudier les autres

 11   catégories mais peut-être qu’il vaudrait mieux le faire demain.

 12         Me NICE (interprétation):  Oui, bien entendu.  Nous n’avons

 13   pas assez de temps pour traiter de la catégorie B.

 14         Il y a d’autres part les questions 15 et 16.  Nous

 15   disposons maintenant d’éléments qui sont différents de ceux

 16   dont nous disposions auparavant.  Il n’est pas possible

 17   pour la Section chargée des Témoins et des Victimes

 18   d’obtenir donc une déclaration de cette personne dans de

 19   très brefs délais.  Cela pourrait être fait par nous-mêmes. 

 20   Si cela est possible, à ce moment-là, nous pourrions fournir

 21   un document annexé à la déclaration avant demain matin.

 22         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Fort bien ! 

 23   Si vous nous présentez les choses de cette façon, à ce

 24   moment-là, nous les étudierons.  Bien.

 25         Quel est le programme pour demain matin ?


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  1         Me NICE (interprétation) :  Je pense qu’il

  2   conviendrait de finir de parler des témoins aussi

  3   rapidement que possible et ensuite de parler des cartes.

  4         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Bien !

  5         Me NICE (interprétation) :  Monsieur Lopez-Terres me

  6   confirme que nous ne sommes pas parvenus à un accord de grande

  7   envergure avec la Défense et qu’il faut donc poursuivre.

  8         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous

  9   traiterons donc demain des cartes et des témoins d’abord,

 10   ainsi que d’ailleurs des cassettes.

 11         Me SAYERS (interprétation) :  Monsieur le Président, nous

 12   avons également une demande en ce qui concerne la carte.  Je sais

 13   que la Chambre a demandé la présentation de cartes qui présentent

 14   les lignes de front et cela sera en effet très utile mais nous

 15   estimons que le rapport qui a été préparé par Monsieur Elford va

 16   bien au-delà de cela et nous souhaiterions en parler à la

 17   Chambre.

 18         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Avant la déposition de

 19   ce témoin, nous allons décider sur quels éléments il déposera et

 20   sur quels éléments il ne sera pas autorisé à déposer.

 21         Bien !  Nous nous retrouverons demain à 9 h 30

 22   dans cette même salle.

 23         --- L’audience est levée à 17 h 30

 24         pour reprendre le mardi

 25         22 février 2000 à 9 h 30