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1 Le lundi 21 février 2000
2 [Audience publique]
3 [Les accusés entrent dans la Cour]
4 --- L’audience débute à 14 h 35
5 LA GREFFIÈRE (interprétation) : Bonjour,
6 Messieurs les Juges. Il s’agit de l’affaire IT-95-14/2-T,
7 Le Procureur contre Dario Kordic et Mario Cerkez.
8 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Me Nice.
9 Me NICE (interprétation) : Je ne sais pas si les Juges ont
10 eu le temps de se pencher sur le résumé concernant le témoin
11 suivant. Si oui, vous pourrez voir le dernier paragraphe et même
12 s’il n’y a pas de demande écrite, vous pouvez voir qu’une demande
13 de mesures de protection limitée y figure.
14 Je peux en parler à huis clos partiel, s’il vous plaît ?
15 Nous avons essayé de faire en sorte que la plus grande
16 partie de la procédure soit publique. C’est un témoin qui est le
17 seul témoin d’un village. C’est pour cela qu’il doit être ici
18 aujourd’hui, mais sa déposition ne concerne pas directement l’un
19 quelconque des accusés.
20 C’est une personne intelligente et éduquée et il n’a pas
21 insisté à venir déposer devant ce Tribunal, mais bien sûr,
22 lorsque les témoins arrivent ici, nous sommes obligés de les
23 avertir des dangers éventuels. Bien sûr, nous les encourageons
24 à déposer de manière complètement publique mais compte tenu les
25 raisons qui figurent aux deux dernières lignes du dix-neuvième
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1 paragraphe du résumé, donc, il s’agit non pas de l’inquiétude
2 vis-à-vis de lui-même mais vis-à-vis d’une autre personne, et
3 moi, je peux dire que je peux comprendre ses craintes.
4 Il serait facile à moi de dire qu’il est inutile de penser
5 à tout risque mais je comprends la raison pour laquelle le témoin
6 demande ce genre de protection et je le soutiens dans cette
7 demande.
8 Vous pouvez voir quel est l’âge de la personne qui est
9 mentionnée dans ce paragraphe et vous allez découvrir également
10 que cette personne l’a accompagné au cours des événements qui se
11 sont produits dans les circonstances plutôt désagréables dans
12 lesquelles ils se sont retrouvés et c’est la raison pour laquelle
13 que la personne a exprimé ses craintes.
14 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : La Défense ?
15 Me NAUMOVSKI (interprétation) : Monsieur le Président, la
16 Défense de Monsieur Kordic n’a pas d’objection à la demande de
17 mesures de protection.
18 Me KOVACIC (interprétation) : Nous non plus,
19 Monsieur le Président.
20 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Nous allons
21 accorder les mesures de protection.
22 Me NICE (interprétation) : Merci beaucoup.
23 Pendant que nous attendons que le témoin arrive,
24 veuillez nous dire quel sera le pseudonyme attribué au témoin.
25 LA GREFFIÈRE (interprétation) : « AJ ».
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1 Me NICE (interprétation) : Pendant que nous attendons que
2 la salle d’audience soit prête et afin d’éviter de perdre du
3 temps, je souhaite attirer votre attention sur certains points.
4 Nous avons eu des négociations entre Monsieur Lopez-Terres
5 et les conseils de la Défense concernant les cartes et Monsieur
6 Lopez-Terres pourra vous parler des progrès qui ont été atteints,
7 s’il y en a eu. Si j’ai bien compris, les progrès ont été plutôt
8 limités mais j’espère que nous pourrons citer à la barre la
9 personne qui a créé les cartes afin de discuter des points sur
10 lesquels il n’y a pas eu d’accord.
11 Je souhaite également parler de la cassette. Bien sûr, les
12 Juges, comme nous le savons, ont accepté d’admettre la plus
13 grande partie de cette cassette mais non pas tout. Bien sûr,
14 nous devons nous appuyer toujours sur les traductions officielles
15 que nous recevons ici du Service de Traduction du Tribunal, mais
16 parfois, il est possible d’améliorer la traduction. Il est
17 possible également d’utiliser de meilleurs équipements.
18 C’est ainsi que nous avons réussi à obtenir une
19 transcription meilleure, plus complète de la cassette, et
20 je crois qu’il y a deux paragraphes où il existe quelques
21 différences entre ce que les traducteurs officiels ici ont
22 entendu et ce qui a pu être entendu par d’autres personnes,
23 à savoir les traducteurs ici ont constaté qu’ils n’ont rien
24 entendu alors qu’avec les meilleurs équipements, l’on a
25 réussi à avoir le texte.
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1 De même, en ce qui concerne les deux cassettes, les
2 cassettes apportées par le témoin ici et la cassette qui a été
3 remis par le témoin auparavant à l’enquêteur, nous avons pu
4 constater avec certitude que ces deux cassettes sont identiques,
5 mis à part quelques bruits de fond, bruits de machines à taper,
6 qui diffèrent entre les deux cassettes.
7 Donc à mon avis, en ce qui concerne les transcriptions,
8 elles peuvent être reçues en tant que transcriptions se
9 référant aux deux cassettes.
10 Me SAYERS (interprétation) : En ce qui concerne
11 la cassette, je souhaite m’exprimer au nom de la Défense de
12 Monsieur Kordic après la fin de la déposition de ce témoin,
13 s’il vous plaît.
14 [Le témoin entre dans la Cour]
15 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Le témoin peut-il
16 prêter serment, s’il vous plaît ?
17 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare solennellement que
18 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 TÉMOIN : TÉMOIN AJ (ASSERMENTÉ)
20 INTERROGÉ PAR Me NICE (interprétation) :
21 Q. Témoin, les Juges vous ont accordé les
22 mesures de protection. Cela veut dire que votre nom ne
23 sera pas dévoilé et votre visage ne sera pas montré.
24 Veuillez simplement, dans ce cas-là, examiner ce
25 papier et nous dire par « oui » ou « non » s’il s’agit bel
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1 et bien de votre nom, sans lire le nom à haute voix.
2 R. Oui.
3 Q. Nous nous adresserons à vous en employant le
4 pseudonyme « AJ ».
5 Témoin AJ, est-ce que vous avez terminé les études
6 d’économie ? Est-ce que vous avez vécu à Ilidza près de
7 Sarajevo jusqu’en avril 1992, où vous avez été obligé de
8 partir à Hadzici ? C’est l’endroit où se trouvait
9 l’installation électrique pour laquelle vous avez travaillé.
10 R. Oui.
11 Q. Je crois que vous avez dit vous-même que
12 c’est les Chetniks qui vous ont forcé à partir et vous êtes
13 parti avec votre femme et votre enfant au mont de
14 Bijelasnica, notamment dans le village de Kramari ?
15 R. Oui.
16 Q. Peu de temps après, vous êtes allé à
17 Kiseljak, en mai 1992, et vous avez vécu d’abord dans une
18 maison appartenant à l’un de vos collègues à Behrici ?
19 Sur le rétroprojecteur, vous pouvez voir la carte don’t la
20 cote est 1891.1, et nous allons placer la carte de telle manière
21 à ce que l’on puisse voir cette partie sur le rétroprojecteur.
22 Donc, veuillez examiner la carte et nous montrer
23 l’endroit où se trouve Behrici.
24 Peut-être les techniciens peuvent nous aider afin
25 de mieux voir la partie qui nous intéresse.
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1 Nous souhaitons d’abord trouver Kiseljak et
2 veuillez maintenant nous montrer le village dans lequel
3 vous avez déménagé en mai 1992.
4 R. [Indication du témoin]
5 Q. À ce moment-là, est-ce que vous avez pu
6 évaluer jusqu’à quel point les Croates et les Serbes
7 pouvaient voyager jusqu’à Kiseljak et Ilidza, peut-être
8 Sarajevo, mais certainement entre Kiseljak et Ilidza ?
9 R. Oui. Les transports publics fonctionnaient.
10 Il y avait plusieurs autocars qui partaient tous les jours
11 de Kiseljak à Ilidza et vice-versa.
12 Q. Ces transports publics, est-ce que c’est
13 seulement les Croates et les Serbes qui les utilisaient ou
14 bien est-ce que les musulmans pouvaient les utiliser aussi ?
15 R. Non, les musulmans ne pouvaient pas utiliser
16 ces transports publics. C’est seulement les Croates et les
17 Serbes qui le pouvaient.
18 Q. Est-ce qu’à ce moment-là, vous avez déjà été
19 expulsé de l’endroit où vous avez vécu à l’origine ?
20 R. Nous avons déménagé jusqu’au village appelé Hercezi.
21 Q. Oui. Nous en parlerons tout à l’heure.
22 Mais tout d’abord, parlons de ceci. Est-ce que vers le
23 milieu de l’année 1992, le HVO a pris le contrôle de tous les
24 aspects de la vie quotidienne dans la municipalité de Kiseljak ?
25 R. Oui.
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1 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quels sont
2 concrètement ces aspects sur lesquels ils ont pris le contrôle ?
3 R. Eh bien, dans le commandement de Kiseljak, avant leur
4 prise de pouvoir, le HVO et la Défense territoriale ou bien
5 l’armée de Bosnie-Herzégovine avaient un commandement conjoint.
6 Après que le HVO a pris le contrôle, le commandement de la
7 Défense territoriale a dû être déplacé à Gomionica. Mis à part
8 cela, ils ont pris le contrôle du système d’énergie dans ce
9 qu’ils appelaient l’Herceg-Bosna par le biais du contrôle qu’ils
10 avaient sur la station de transformation à Kiseljak.
11 Q. Est-ce que vous savez s’ils avaient le contrôle sur
12 les autres aspects de l’administration politique dans la région ?
13 R. Oui. Ils contrôlaient tout le pouvoir politique.
14 Q. À ce moment-là, donc peu de temps après la mi-1992,
15 est-ce que vous êtes parti ailleurs et si oui, dans quel village?
16 R. Dans le village de Hercezi.
17 Q. Est-ce que vous pourriez nous montrer cela
18 sur le rétroprojecteur ?
19 Je demanderais encore une fois de l’aide à la cabine
20 technique afin de mieux voir la partie indiquée par le témoin.
21 R. [Indication du témoin]
22 Q. Veuillez montrer encore une fois où se trouve
23 Kiseljak.
24 R. [Indication du témoin]
25 Q. Donc, cet endroit se trouve au nord-ouest de
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1 Kiseljak. À quelle distance de Kiseljak approximativement ?
2 R. Le village se trouve à environ cinq
3 kilomètres de Kiseljak allant vers Fojnica.
4 Q. À ce moment-là, vous étiez seul dans une
5 maison, seul avec votre famille ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous pouviez toujours travailler à
8 l’époque ?
9 R. Oui. Pendant encore quelque temps, j’ai pu
10 travailler, mais déjà à ce moment-là, les problèmes ont
11 commencé, c’est-à-dire le travail est devenu limité.
12 Q. Lorsque vous avez travaillé, ceci se passait où, à
13 Kiseljak, à Behrici, où… pardon, pas Behrici mais Hadzici ?
14 R. Pas à Hadzici. L’équipe qui était chargée de
15 maintenance de la ligne électrique se trouvait à Kiseljak.
16 Nous allions tous les jours dans la station de transformation et
17 c’est à partir de là que nous nous mettions en contact avec
18 Energoinvest, notre société mère à Kiseljak qui nous donnait des
19 instructions.
20 Q. Vous avez dit que le HVO a pris le contrôle
21 des lignes électriques. Est-ce que ceci a eu une
22 quelconque influence sur votre travail, sur votre emploi ?
23 R. Oui, effectivement.
24 Q. Est-ce qu’ils ont pris votre travail et est-
25 ce qu’ils vous ont interdit à la fin de venir travailler ?
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1 R. Oui.
2 Q. L’interdiction de travailler, pour vous, se
3 basait sur l’accusation selon laquelle vous aviez pris du
4 diesel, du gasval (ph.) ?
5 R. Oui.
6 Q. À partir de ce moment-là, vous étiez sans emploi ?
7 R. Pour une grande partie, j’ai été dans l’incapacité de
8 travailler dans mon propre domaine mais pendant encore quelque
9 temps, j’ai pu me débrouiller d’autres manières afin de
10 travailler et ceci a duré pratiquement jusqu’au début du conflit
11 entre le HVO et l’armée de Bosnie-Herzégovine.
12 Q. D’après vos souvenirs, à quel moment est-ce
13 qu’ils ont pris le contrôle des lignes électriques ?
14 R. C’était en 1992.
15 Q. Au début, vers le milieu, vers la fin ?
16 R. Plutôt vers la fin de l’année 1992.
17 Q. Où étiez-vous le 18 avril 1993 ?
18 R. J’étais dans la maison dans laquelle nous
19 nous trouvions dans le village de Hercezi et j’y étais avec
20 ma famille.
21 Q. Qu’est-ce qui s’est passé ?
22 R. Nous avons entendu des détonations, des coups
23 de feu. Nous nous sommes réveillés et nous avons vu que
24 dans la région du village de Gomionica, il y a eu des coups
25 de feu et des détonations intenses.
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1 Q. Gomionica, nous pouvons voir ceci pas très
2 bien mais nous pouvons voir ceci sur la carte et ceci se
3 trouve de l’autre côté de la route principale allant de
4 Hercezi ?
5 R. Oui.
6 Q. Après Gromiljak ?
7 R. Oui. Derrière Gromiljak.
8 Q. Est-ce que vous avez quitté votre maison et
9 est-ce que vous êtes allé dans la partie basse du village ?
10 R. Oui. Tous les musulmans qui ont vécu dans
11 cette partie du village ont quitté leur foyer et ils se
12 sont retirés dans la partie basse du village.
13 Q. Qu’avez-vous vu, c’est-à-dire est-ce que vous
14 avez vu des soldats, et si oui, quel type de soldats ?
15 R. Lorsque nous nous sommes retirés dans la
16 partie basse du village, j’ai vu trois ou quatre soldats du
17 HVO. Ils portaient des insignes du HVO et ils
18 patrouillaient par la route qui traversait le village d’un
19 côté, et de l’autre côté, j’ai vu deux soldats qui
20 portaient les mêmes uniformes avec les mêmes insignes, qui
21 ne patrouillaient pas, qui restaient simplement là avec
22 leurs armes dans les mains.
23 Q. Le jour suivant, est-ce qu’un grand nombre de
24 personnes est allé vers le sud dans le village de Doci ?
25 R. Oui. Je crois qu’il s’agissait de plus de
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1 200 personnes.
2 Q. Cet autre petit village, Doci, pour autant
3 que vous le sachiez, est-ce que les habitants de ce village
4 ont été désarmés dans une quelque mesure ?
5 R. Oui.
6 Q. Dans quelle mesure les habitants avaient-ils
7 été armés auparavant ?
8 R. Ils n’étaient pas très armés. Je n’ai vu que
9 quelques fusils de chasse et quelques pistolets.
10 Q. Lorsque vous êtes arrivé dans le village,
11 est-ce que vous avez considéré que vous seriez plus en
12 sécurité si vous passiez la nuit dans la forêt ?
13 R. Oui.
14 Q. Le lendemain, est-ce que quelqu’un vous a dit
15 que le HVO vous cherchait ?
16 R. Oui. C’est ce qu’on m’a dit. Un homme
17 appelé Hikmet Turcinovic est venu nous voir dans la forêt
18 et il m’a dit qu’il me cherchait et qu’il fallait
19 absolument que je retourne dans le village.
20 Q. Est-ce que vous avez obéi aux ordres et est-
21 ce que vous êtes retourné dans Hercezi ? Est-ce qu’à ce
22 moment-là, vous avez pu constater que les villageois qui
23 étaient restés sur place avaient été désarmés, même s’ils
24 n’avaient pas subi de mauvais traitement ?
25 R. Oui.
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1 Q. Est-ce que vous avez relaté cela à la
2 personne en charge, Pero Vucic ?
3 R. Oui. C’est ce que j’ai fait et mon nom a été
4 enregistré dans un cahier.
5 Q. À peu près à ce moment-là, peut-être un peu
6 plus tard, est-ce que vous avez eu l’impression qu’ils ont
7 essayé de vous trouver pour une raison particulière ?
8 R. Je crois qu’ils voulaient me trouver parce
9 que j’avais une voiture dans la maison où j’avais résidé,
10 j’avais été logé. Je crois qu’ils voulaient prendre ma
11 voiture.
12 Q. Je crois que vous vous étiez déjà débarrassé
13 de la voiture, c’est-à-dire que vous l’aviez déjà donnée à
14 quelqu’un d’autre. Donc, ils n’ont pas pu la prendre ?
15 R. Oui. Ils étaient deux. Ils sont venus. Ils
16 portaient des uniformes du HVO. L’un d’eux portait un
17 ceinturon blanc. Donc, je suppose qu’il s’agissait d’un
18 policier militaire. Ils ont dit qu’ils avaient reçu
19 l’information selon laquelle il y avait des armes dans
20 cette maison, et ensuite, ils ont demandé que j’ouvre le
21 garage.
22 Q. Nous n’allons plus parler de votre maison
23 maintenant mais des maisons d’autres personnes. Donc,
24 dites-nous est-ce que vous avez pu voir que d’autres
25 maisons avaient été attaquées par des soldats du HVO ?
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1 R. Plusieurs jours plus tard, j’ai vu une maison
2 qui était incendiée dans ce même village.
3 Q. C’était la maison de qui ?
4 R. Je ne suis pas né dans ce village. Donc, je
5 ne connais pas les noms des gens, mais en tout cas, je
6 connais le surnom de la personne concernée, du propriétaire
7 de la maison et son surnom, c’était Kuja.
8 Q. Est-ce qu’à ce moment-là, vous demeuriez chez
9 Safet Turcinovic ?
10 R. Oui.
11 Q. Qu’est-il advenu de cette maison et que vous
12 est-il arrivé à vous ?
13 R. Un jour, nous avons entendu une détonation à
14 l’extérieur de la maison, là où se trouvaient les
15 installations électriques, et puis le courant a été coupé.
16 Ensuite, on a entendu frapper contre la porte. J’ai ouvert
17 la porte et là, j’ai vu en face de moi un fusil automatique
18 qui était pointé sur moi. Il y avait quelqu’un qui tenait
19 une lampe. On m’a ordonné de m’asseoir. On m’a dit qu’à
20 ce moment-là, il ne m’arriverait rien et deux hommes sont
21 entrés dans la maison et ils l’ont pillée.
22 Q. Ces deux hommes, savez-vous qui ils étaient
23 et savez-vous qui était l’homme qui vous a menacé de son
24 fusil ?
25 R. Ils avaient des passe-montagnes sur la tête.
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1 Donc, je n’ai pas pu les reconnaître, mais le lendemain, ma
2 fille a reconnu l’un d’entre eux parce qu’il portait dans
3 la rue un magnétophone, un radio cassette qu’il allait
4 vendre. C’était deux frères. L’un d’eux s’appelait Vinko
5 Tuka – Vinko Tuka, donc – et son frère qui s’appelle Tuka
6 aussi.
7 Q. Lorsque vous avez fait votre déclaration au
8 Tribunal, est-ce que vous vous êtes souvenu de ces noms ?
9 R. Oui.
10 Q. Donc, l’autre s’appelait Branko, n’est-ce
11 pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce que vous avez été contraint de rester
14 à Hercezi du 20 avril 1993 jusqu’au 6 septembre 1993,
15 c’est-à-dire pendant quatre mois et demi ?
16 R. Nous sommes restés là-bas, en effet. Moi,
17 j’estimais que j’étais plus ou moins sous une résidence
18 surveillée.
19 Q. Est-ce qu’au début, vous étiez contraint de
20 vous présenter deux fois par jour au QG du HVO dans le
21 village et ensuite, quotidiennement, une seule fois par
22 jour ?
23 R. Oui.
24 Q. Est-ce que vous-même et d’autres hommes avez
25 été emmenés par le HVO pour mener à bien un certain nombre
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1 de travaux qui ont compris notamment le dégagement d’une
2 route, le creusement de tranchées ? Est-ce qu’on vous a
3 également fait couper du bois ?
4 R. Oui.
5 Q. Pouvez-vous nous parler d’un épisode
6 justement au moment où vous étiez en train de creuser des
7 tranchées et vous vous êtes trouvé dans une situation assez
8 dangereuse ? Vous étiez sur la ligne de front avec l’armée
9 de Bosnie-Herzégovine et des tirs ont été échangés à ce
10 moment-là ?
11 R. Oui. Ça s’est passé un matin. Il y a un
12 soldat du HVO qui habitait dans le même village mais dont
13 je ne connais pas le nom. Je sais seulement qu’avant la
14 guerre, il était chauffeur de taxi. Donc, nous menaçant de
15 son fusil, il nous a emmenés pour creuser des tranchées
16 dans un endroit qui était très dangereux parce qu’on
17 entendait des échanges de tirs. Il y avait des tirs qui
18 passaient au-dessus de nous parce qu’en face de l’endroit
19 où nous étions se trouvaient les lignes de front de l’armée
20 de Bosnie-Herzégovine et ils tiraient au-dessus de nous,
21 sans doute pour nous dissuader de poursuivre nos actions.
22 Q. Peut-on dire qu’en dehors de tels incidents,
23 physiquement, le traitement que vous a infligé le HVO
24 n’était pas inacceptable, était correct, bien que
25 psychologiquement, la vie était extrêmement difficile pour
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1 vous et votre famille ?
2 R. Oui. Moi, j’ai eu beaucoup de chance parce
3 que je n’ai pas été soumis à des violences physiques mais
4 psychologiquement, il faut bien dire que c’était très
5 difficile. Nous n’avions pas peur des gens du coin qui
6 étaient membres du HVO mais plutôt d’unités qui venaient
7 d’autres villages et qui portaient les uniformes du HVO. À
8 ce moment-là, il fallait que nous nous enfuyions du village
9 pour ne pas qu’ils nous capturent.
10 Q. Le 6 septembre 1993, est-ce que vous-même et
11 les autres habitants du village avez été transférés à
12 Rotilj, qui était alors un camp de détention ?
13 R. Oui.
14 Q. Pouvez-vous comparer le traitement qui vous a
15 été infligé à Rotilj avec celui que vous avez reçu à
16 Hercezi ?
17 R. À Rotilj, c’était pire.
18 Q. Est-ce qu’on a contraint des gens à se rendre
19 sur les lignes de front pour creuser des tranchées, pour
20 couper du bois, transporter du bois, dégager les déchets,
21 et cætera ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que vous-même, vous avez été soumis à
24 ces opérations de travail forcé ou est-ce que vous avez été
25 en mesure de vous en prévenir, de ne pas y participer ?
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1 R. Moi, à plusieurs reprises, j’y suis allé mais
2 il est arrivé que je parvienne à éviter ces corvées. Je
3 prétendais être malade.
4 Q. Est-ce qu’il y avait là deux hommes de
5 Visnjica, Sadik Turko… je vous prie de m’excuser.
6 Est-ce qu’il y avait là un homme qui s’appelait
7 Osman Sehic qui venait de Visnjica et Sadik Turko qui
8 venait de Hercezi ?
9 R. Oui.
10 Q. Comment se sont-ils comportés ?
11 R. Bien, je peux parler avec certitude de Sadik
12 Turko parce que je n’ai pas eu beaucoup de contacts
13 personnellement avec Osman. Sadik Turko s’est comporté
14 comme s’il essayait de gagner de l’argent. Il avait
15 l’impression que plus… on aurait dit que plus nous
16 travaillions, plus il obtiendrait de l’argent.
17 Q. Vous avez entendu dire que des gens avaient
18 été utilisés comme boucliers humains à Gomionica et que
19 d’autres avaient été passés à tabac à la caserne ? Je
20 parle de Gomionica.
21 R. Moi, ce que j’ai entendu dire, c’est la chose
22 suivante. À partir du camp de détention de Rotilj, on a
23 sélectionné des hommes et des femmes pour être utilisés, si
24 nécessaire, comme boucliers humains sur les lignes du HVO
25 derrière Kresevo dans la direction de Tarcin et puis à
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1 partir du camp à Kresevo, enfin je ne l’ai pas vu moi-même
2 mais je l’ai entendu dire, mais on m’a dit que des gens
3 devaient être utilisés comme boucliers humains à Gomionica.
4 Hikmet Turcinovic a été emmené à la caserne. Il
5 en est revenu plusieurs jours plus tard et il avait été
6 battu à plusieurs reprises. Il était blessé lors de son
7 retour.
8 Q. Comment s’est terminée votre détention à
9 Rotilj et à quel moment ?
10 R. Eh bien, nous avons été échangés par le biais
11 d’un arrangement privé et ça s’est passé à la fin 1993.
12 Q. Je n’ai plus de questions quant à moi mais on
13 va vous poser des questions supplémentaires.
14 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Me Naumovski.
15 Me NAUMOVSKI (interprétation) : Merci, Monsieur
16 le Président. Je n’ai que quelques questions à poser à ce
17 témoin.
18 CONTRE-INTERROGÉ PAR Me NAUMOVSKI
19 (interprétation) :
20 Q. Monsieur AJ, je vais d’abord me présenter.
21 J’ai un peu de mal à vous voir à cause du rétroprojecteur
22 mais peu importe. Je m’appelle Mitko Naumovski. Je suis
23 avocat à Zagreb et avec Me Sayers, j’assure la Défense de
24 Monsieur Kordic. J’ai plusieurs questions à vous poser et
25 je voudrais que vous gardiez à l’esprit le fait que tout ce
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1 qui se dit ici est interprété. Donc, veuillez observer une
2 pause avant de répondre à mes questions.
3 En fait, j’ai deux séries de questions à vous
4 poser. J’ai d’abord des questions relatives au village de
5 Hercezi et d’autres questions relatives à Rotilj. Si j’ai
6 bien compris, après le 18 avril 1993, lorsque vous êtes
7 revenu au village, vous avez entendu dire que le village
8 avait été désarmé ?
9 R. Personne dans le village n’avait d’arme.
10 Q. Je l’ai lu dans votre déclaration que vous
11 avez donnée. À Sarajevo, à l’organe de sécurité, en 1993,
12 vous avez parlé du fait que vous avez été désarmé et qu’il
13 n’y avait pas beaucoup d’armes. C’est la raison pour
14 laquelle j’ai tiré la conclusion selon laquelle il y avait
15 des armes.
16 R. En ce qui concerne les armes, j’ai vu
17 quelques fusils de chasse, quelques pistolets le 18 avril
18 1992, au moment où nous nous sommes retirés dans la partie
19 basse du village, après quoi, je n’ai plus vu d’armes.
20 Q. Je pense que vous vous êtes trompé en ce qui
21 concerne l’année. Vous avez pensé à 1993 ?
22 R. Oui, tout à fait, 1993.
23 Q. Je pense que vous n’avez pas occupé de poste
24 militaire. Par conséquent, vous ne saurez probablement pas
25 me répondre à des questions que je vais vous poser mais
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1 nous sommes quand même bien d’accord que le commandant
2 était Pero Vucic, surnommé Madzar, n’est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Au niveau de ce détachement local, il n’y
5 avait que quelques soldats du HVO, des personnes qui
6 étaient des villageois ?
7 R. Tous ceux qui habitaient le village portaient
8 des uniformes mais ils n’étaient pas nombreux.
9 Q. Tout à l’heure, vous avez dit que les Croates
10 qui habitaient le village se sont comportés correctement
11 vis-à-vis de vous, qu’ils ne posaient pas beaucoup de
12 problème. Tout le long de cette période, vous n’avez pas
13 eu de problème avec ces gens-là ?
14 R. Oui, vous avez raison.
15 Q. En revanche, les personnes qui sont des
16 étrangers, ceux qui venaient de l’extérieur pour piller le
17 village, ce sont les personnes qui vous ont causé des
18 problèmes, n’est-ce pas ?
19 R. Vous n’avez pas raison. Les personnes qui
20 ont pillé la maison où j’habitais sont les personnes du
21 village. En revanche, ceux qui venaient de l’extérieur,
22 c’était l’armée du HVO. Ce sont eux qui capturaient les
23 hommes et les transportaient par camion dans la caserne et
24 une fois, ils ont emmené une personne âgée, c’était un
25 homme qui était parmi les plus âgés dans le village
Page 14648
1 également.
2 Q. En effet, je voulais vous poser la question
3 suivante : Est-ce que vous êtes d’accord avec moi pour
4 dire que les Croates, les villageois ont aidé les musulmans
5 tous les jours, Ruza Vucic, Vesna Pladic et quelques autres
6 femmes également ?
7 R. Oui. Ruza et Vesna nous ont aidés, pas les
8 autres. Pour ce qui est du commandant local, je ne connais
9 pas quelle était la fonction qu’il avait de manière très
10 précise mais le commandant local a été correct.
11 Q. Sommes-nous d’accord, Monsieur le Témoin AJ,
12 que pour ce qui concerne la pression qui a été exercée sur
13 les habitants du village, elle s’est ressentie notamment au
14 moment où les Croates réfugiés de Fojnica et de Travnik
15 sont arrivés dans le village ?
16 R. On pourrait éventuellement dire ça comme ça.
17 Q. Est-ce que vous êtes d’accord avec moi que
18 vue cette pression qui était beaucoup plus importante et
19 qu’ils sont arrivés et qu’ils étaient des réfugiés que
20 c’était la raison pour laquelle vous avez été transféré à
21 Rotilj en 1993 et que c’était la raison pour laquelle on
22 vous a fait déplacer jusqu’à Rotilj ?
23 R. Non. Je ne suis pas d’accord avec cette
24 constatation. Je pense que tout ceci a été planifié.
25 Q. Mais nous sommes d’accord quand même pour
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1 dire qu’il y avait des milliers de réfugiés qui sont
2 arrivés en provenance de Fojnica à partir du mois de
3 juillet 1993, en juin 1993 également ? Nous sommes bien
4 d’accord là-dessus ?
5 R. Moi, j’ai vu deux ou trois familles de
6 réfugiés, les personnes qui sont arrivées, je suppose, en
7 provenance de Fojnica.
8 Q. Il y avait quelques questions qui vous ont
9 été posées au sujet du village de Rotilj. Tout le monde
10 habitait les maisons, comme dans toutes les villes, n’est-
11 ce pas ?
12 R. Oui, mais la maison où j’étais, qui était
13 toute petite – c’était une maison d’été de quelqu’un –
14 avait cinq familles.
15 Q. Monsieur le Témoin AJ, êtes vous d’accord
16 avec moi pour dire qu’à Rotilj, à l’entrée du village, il y
17 avait une rampe qui a été dressée et qu’il y avait quelques
18 soldats autour ? Enfin, c’était un passage en quelque
19 sorte contrôlé.
20 R. Oui. Il y avait une rampe.
21 Q. Dans le village de Rotilj, on peut dire qu’il
22 n’y avait pas d’autre point de contrôle, sauf ce point de
23 contrôle à l’entrée ?
24 R. Mais ce n’était pas indispensable d’encercler
25 le village. C’est un village qui se trouve dans une
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1 prairie. Il y avait des collines autour et sur les
2 collines se trouvait le HVO, et par conséquent, nous, on ne
3 pouvait pas partir où que ce soit et on n’avait même pas le
4 droit. On se risquerait trop.
5 Q. Monsieur le Témoin AJ, outre ces gardes à
6 l’entrée, il n’y avait pas d’armée du HVO qui était
7 stationnée à Rotilj ? Je parle du centre-ville.
8 R. Non. À l’intérieur du village, il n’y avait
9 pas en permanence de soldats du HVO, mais comme pour le
10 village de Hercezi, ils venaient prendre des soldats. Mais
11 il n’y en avait pas dans le village lui-même.
12 Q. Êtes-vous d’accord avec moi pour dire qu’il y
13 avait dans le village une aide médicale qui a été organisée
14 de manière régulière et tous les mardis à 10 h 00, il y
15 avait une pièce qui a été arrangée comme un dispensaire et
16 Dr Lovric et son infirmière, Topic, se rendaient ?
17 R. Moi, je n’ai pas vu mais j’ai entendu dire
18 que ces deux personnes s’étaient rendues dans le village.
19 Hikmet Turcinovic – j’en ai parlé tout à l’heure – a été
20 passé à tabac. Il a été emmené à l’hôpital à Kiseljak,
21 étant donné que cette aide médicale n’aurait pas pu lui
22 être rendue dans le village même.
23 Q. Mais il ne s’agissait pas d’un dispensaire.
24 Enfin, c’était une fois par semaine. Je ne pensais pas
25 bien évidemment à des lésions chirurgicales ou autres.
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1 R. Je vous ai déjà dit que je n’ai pas vu mais
2 j’ai entendu dire qu’une fois, ces deux personnes s’étaient
3 rendues dans le village.
4 Q. Merci. Si je vous ai bien compris, à Rotilj,
5 il y avait également un peloton de travail et il y avait un
6 certain nombre de travaux que vous avez exercés ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous avez mentionné aujourd’hui Sadik Turko
9 et Osman Sehic qui étaient en quelque sorte chargés de
10 vous, enfin, ils vous encadraient ?
11 R. Oui. Je suis sûr que Sadik Turko et une
12 autre personne étaient avec lui. Je n’avais pas beaucoup
13 de contact avec lui mais je suppose que c’était Osman
14 Sehic.
15 Q. Mais ces deux personnes sont des musulmans de
16 nationalité, de confession, n’est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce que vous êtes d’accord avec moi que
19 l’aide humanitaire a été fournie par Caritas : la farine,
20 d’autres articles et denrées alimentaires ?
21 R. Oui. Deux ou trois fois, j’ai pu remarquer
22 que cette aide a été distribuée. J’étais à distance mais
23 je l’ai vu.
24 Me NAUMOVSKI (interprétation) : Monsieur le
25 Président, je n’ai plus de questions.
Page 14652
1 Je vous remercie, Monsieur le Témoin AJ.
2 CONTRE-INTERROGÉ PAR Me
3 MIKULICIC (interprétation) :
4 Q. Bonjour, Monsieur le Témoin AJ. Je m’appelle
5 Mikulicic et ensemble avec mon confrère Kovacic, je défends
6 le deuxième accusé, Mario Cerkez.
7 Monsieur le Témoin AJ, à l’époque, vous avez
8 travaillé à la société de distribution électrique, n’est-ce
9 pas ?
10 R. J’ai travaillé à Energoinvest. Electro
11 Distributa est une autre société.
12 Q. Vous nous avez dit qu’à un moment donné, vous
13 avez travaillé à Kiseljak où il y avait une station de
14 distribution électrique ?
15 R. Oui, mais moi, je n’ai pas travaillé au
16 niveau de cette station. Moi, j’avais l’autorisation et
17 les pleins pouvoirs de maintenir le contact avec Sarajevo
18 avec ma propre société pour me mettre non seulement en
19 contact avec eux mais pour voir ce qui étaient mes tâches.
20 Q. L’énergie électrique allait dans quelle
21 direction à partir de Kiseljak ? Quelles étaient les
22 parties de Bosnie que vous avez couvertes dans cette
23 station ?
24 R. Moi, j’ai déjà dit que je n’ai pas travaillé
25 à la station électrique, mais si je connais bien le système
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1 énergétique, tout ceci était connecté et pouvait aller dans
2 les directions différentes, y compris en direction de
3 Sarajevo.
4 Q. Mais vous ne pourriez pas quand même nous
5 donner de détails à ce sujet-là ?
6 R. Non. Notre équipe s’était chargée de la
7 maintenance, maintenance des lignes à haute tension. Moi,
8 je suis diplômé des sciences économiques et je n’ai pas
9 exercé très directement ces tâches.
10 Me MIKULICIC (interprétation) : Je n’ai plus de
11 questions à vous poser dans ce cas-là.
12 RÉINTERROGÉ PAR Me NICE
13 (interprétation) :
14 Q. J’ai trois questions à poser, si vous voulez
15 bien.
16 Pourriez-vous nous dire maintenant à quel moment…
17 ou plutôt je me corrige.
18 Au moment où les représentants du HVO se sont
19 rendus à Hercezi, quelle était l’attitude des soldats du
20 HVO qui étaient sur place déjà ? Est-ce qu’ils ont essayé
21 de vous protéger ou bien éventuellement ceci a été fait
22 sans savoir ?
23 R. Je ne sais pas si quelqu’un voulait nous
24 protéger. De toute façon, ce qui nous restait à faire
25 c’est de nous enfuir et de nous cacher. Personne ne nous a
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1 protégés.
2 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire combien de
3 personnes à peu près ont été emmenées au momnet où vous
4 étiez en détention à Hercezi?
5 R. Je ne peux pas vous le dire exactement. Moi
6 aussi, j’ai été obligé de m’enfuir et de me cacher, mais je
7 me souviens qu’il y avait une personne âgée dénommée
8 Turcinovic. Je ne connais pas son prénom mais je sais
9 qu’on l’appelait Hadzija, et ça je le sais, il a été
10 emmené.
11 Q. Est-ce qu’éventuellement, vous savez qu’il y
12 avait un autre homme ou s’il y avait un seul, vous ne me
13 répondez pas, mais s’il y en avait plusieurs, à ce moment-
14 là, vous me donnez la réponse ?
15 R. Il y avait Hikmet Turcinovic de Hercezi qui a
16 été emmené. Je l’ai déjà précisé.
17 Q. Enfin, je pense qu’il a été suggéré qu’un
18 certain nombre de personnes ont été emmenées dans le cadre
19 d’un plan. Est-ce que c’est vrai ? Est-ce que c’était
20 planifié ? Ce n’était pas planifié ? Si vous êtes arrivé
21 à Hercezi, pourquoi êtes-vous venu sur place ?
22 R. Je n’ai pas compris tout à fait votre
23 question. Si vous voulez bien la reformuler.
24 Q. Oui. J’aimerais que vous nous donniez des
25 précisions. Comment et pourquoi vous vous êtes rendu à
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1 Hercezi ? Est-ce qu’il y avait un plan selon lequel il
2 fallait déplacer un certain nombre de personnes ou bien
3 c’est vous-même qui avez décidé de vous y rendre ?
4 R. Mais moi, j’habitais Ilidza à côté de
5 Sarajevo et c’est les Chetniks qui nous ont poussés et
6 c’est tout à fait par hasard que j’étais obligé de me
7 rendre d’abord à Hadzici, ensuite de Hadzici à Bijelasnica,
8 de Bijelasnica à Kiseljak, dans le village Behrici, et je
9 me suis installé dans la maison d’un de mes collègues, et
10 quelques mois plus tard à Hercezi, on nous a trouvé une
11 maison. C’était une vieille maison et c’est comme ça que
12 nous avons habité cette maison comme famille. Ce n’était
13 pas un plan. C’est tout simplement que nous avons été
14 obligés de nous déplacer.
15 Me NICE (interprétation) : Merci. Je n’ai plus
16 de questions.
17 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Monsieur le
18 Témoin AJ, je vous remercie d’être venu devant le Tribunal
19 International pour témoigner. Vous pouvez disposer. Vous
20 avez terminé votre déposition.
21 [Le témoin se retire]
22 Me NICE (interprétation) : En attendant de passer
23 à travailler en audience publique et en attendant également
24 Monsieur Lopez-Terres, il serait peut-être également utile
25 d’entendre ce que Monsieur Sayers pense au sujet des
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1 bandes.
2 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Me Sayers.
3 Me SAYERS (interprétation) : Monsieur le
4 Président, je vous communique les informations donc de Me
5 Stein. C’est lui qui s’est occupé de la question de la
6 cassette.
7 J’ai quatre choses essentiellement à vous dire.
8 Tout d’abord, nous ne disposons pas de la cassette
9 originale, comme vous le savez. Nous ne disposons que
10 d’une copie et apparemment, cette copie, elle a été faite à
11 partir d’une autre copie.
12 La deuxième copie semble être meilleure que la
13 première copie. Il y a des bruits électroniques dessus qui
14 sont tout à fait inexplicables. Nous ne disposons d’aucune
15 information pouvant nous expliquer pourquoi la deuxième
16 copie fournie par le Bureau du Procureur est meilleure que
17 celle que le témoin a emmenée au Tribunal. Nous ne savons
18 pas si des filtres ont été utilisés pour cette deuxième
19 copie et nous sommes en train d’étudier la question.
20 En ce qui concerne les conversations 10 et 11 sur
21 la face A de la cassette originale et les conversations 1,
22 2 et 3 sur la face B de cette cassette, apparemment, les
23 conversations 1 et 2 sont impossibles à différencier. Il
24 n’est pas possible de faire la différence entre les deux.
25 Les traducteurs n’ont pas été en mesure de le faire de
Page 14657
1 toute manière.
2 En ce qui concerne la conversation numéro 11 sur
3 la face A, apparemment, ça se poursuit dans la conversation
4 1 sur la face B de la cassette. Nous avons écouté la
5 cassette. Il y a environ 19 ou 20 lignes de cette
6 conversation qui sont tout à fait incompréhensibles. Donc,
7 nous ne savons pas si les traducteurs ont été en mesure de
8 traduire quelque chose qu’on ne peut même pas entendre.
9 Donc, nous ne savons pas pourquoi il y a une différence au
10 niveau de la qualité des cassettes.
11 Nous essayons de collaborer avec l’Accusation pour
12 avoir une position définitive sur cette cassette et dès que
13 je le pourrai, je vous la ferai connaître.
14 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Fort bien !
15 Me NICE (interprétation) : Je ne sais pas si vous
16 envisagez de faire une pause cet après-midi ou non mais le
17 point suivant à notre ordre du jour c’est celui des témoins
18 décédés ou des témoins réfractaires. Je suis tout à fait
19 prêt à commencer à ce sujet.
20 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Il est encore
21 trop tôt pour faire la pause.
22 Me NICE (interprétation) : En attendant l’arrivée
23 de Monsieur Lopez-Terres qui a à vous parler d’un aspect
24 particulier de cette question, je vous demande de me
25 permettre de vous distribuer…
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1 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : S’agit-il des
2 arguments du Procureur ?
3 Me NICE (interprétation) : Non, non, non.
4 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Nous avons un
5 papier qui est intitulé, « Argumentation de l’Accusation ».
6 Me NICE (interprétation) : Eh bien, je vais le
7 distribuer et je vais distribuer cet autre document parce
8 que je crois que la Défense n’en dispose pas.
9 Donc, pendant que nous attendons, je vais essayer
10 de passer en revue notre position depuis le début du
11 procès. Vous vous en souviendrez, la position est la
12 suivante.
13 L’Accusation entendait citer à comparaître tous
14 les témoins mais nous avons été invités par la Chambre à
15 envisager l’utilisation d’affidavits. La capacité de la
16 Défense à se mettre d’accord sur les questions relatives
17 aux villages a entraîné la décision Tulica, la demande
18 Tulica et la décision Tulica qui s’est reflétée dans les
19 décisions qui ont été prises la semaine dernière.
20 Nous avons identifié d’autres difficultés. Elles
21 ont fait l’objet d’argumentation et j’ai toujours proposé,
22 avec justesse je crois, qu’il valait mieux attendre de
23 prendre des décisions à ce sujet tant que l’on ne pourrait
24 pas prendre une position définitive sur les témoins et je
25 crois que le tableau que j’ai ici donne enfin la situation
Page 14659
1 définitive.
2 Il y a deux témoins qui auraient été prêts à
3 témoigner s’ils n’étaient pas malheureusement décédés.
4 Nous sommes en audience publique. Donc, je ne vais
5 mentionner aucun nom pour des raisons tout à fait
6 évidentes.
7 Le premier témoin, témoin numéro 1, c’est un
8 témoin qui parle d’événements qui ont eu lieu à Donja
9 Veceriska. Il en parle de façon générale et de façon
10 approfondie et il a en particulier vu Kordic là-bas.
11 Ce témoin a fait une déclaration. Sa déclaration
12 a été admise dans l’affaire Blaskic à la demande de la
13 Défense mais nous, nous arguons du fait que ce témoin doit
14 également être entendu dans cette affaire et que sa
15 déclaration doit être admise dans cette affaire.
16 Le témoin numéro 2 a fait une déclaration où il
17 parle plus de Kordic que dans son premier témoignage et la
18 Chambre avait déjà décidé qu’on pourrait accepter le
19 témoignage précédent mais avait réservé sa position en ce
20 qui concernait la déclaration supplémentaire.
21 J’en reviendrai à la catégorie B à la fin de mon
22 argumentation parce qu’il s’agit d’une catégorie de témoins
23 différente à bien des égards.
24 La catégorie numéro 3, c’est celle où l’on trouve
25 les témoins qui, en dépit de tous nos efforts, en dépit de
Page 14660
1 toutes les mesures coercitives prises par la Chambre, ce
2 sont des témoins qui ne veulent toujours pas répondre à des
3 injonctions à comparaître ou peut-être dans le cas du
4 témoin 8 qui, pour des raisons de santé, n’est pas en
5 mesure de venir à La Haye avant la fin de la présentation
6 des témoins à charge.
7 Les témoins 5, 6 et 7 sont sans doute des noms qui
8 ont déjà été entendus. Le numéro 8 est peut-être un témoin
9 dont on n’a pas entendu le nom précédemment. Nous ne
10 l’avons découvert que récemment.
11 La catégorie D, c’est celle où nous demandons de
12 nouvelles injonctions à comparaître puisqu’il n’est apparu
13 que très récemment qu’il était nécessaire de délivrer une
14 injonction à comparaître pour ces personnes.
15 Les témoins 11 et 12, vous le reconnaîtrez, ce
16 sont des témoins qu’on a évoqués la semaine dernière dans
17 le cadre de la discussion sur les comptes rendus
18 d’audience.
19 Les témoins 9 et 10 sont des témoins « de
20 villages » qui nous ont fait part très récemment de leur
21 réticence à venir témoigner.
22 La catégorie E, c’est la catégorie des témoins qui
23 ne sont pas en bonne santé et dont on ne peut pas penser
24 qu’ils se rétablissent avant la fin de la présentation de
25 nos témoins.
Page 14661
1 La catégorie F, cette catégorie compte deux
2 témoins. Il s’agit de témoins qui ne sont pas prêts à
3 comparaître et dont la position est justifiée. Dans les
4 deux cas, il a été décidé qu’il ne fallait pas prendre de
5 mesures coercitives à l’encontre de ces témoins.
6 En ce qui concerne le témoin 16, le Tribunal a
7 pris lui-même sa décision.
8 En ce qui concerne le témoin numéro 15, la
9 décision a été prise par nous-mêmes, c’est-à-dire que vu ce
10 que nous avons appris, il ne nous est pas paru approprié de
11 prendre des mesures coercitives puisque le risque évoqué
12 semblait tout à fait réel.
13 Pour ce qui est du témoin numéro 15, il est
14 possible que la Chambre ait besoin d’informations
15 supplémentaires et il est possible que dans le premier cas,
16 cette information soit communiquée à la Chambre ex parte,
17 mais je n’exclus pas la possibilité que la Chambre ait déjà
18 eu connaissance des informations que j’aurai à lui
19 communiquer et qu’elle envisage de faire connaître ces
20 informations à la Défense, mais ce sont des informations
21 très sensibles.
22 En ce qui concerne le témoin numéro 16, nous avons
23 reçu des informations ex parte mais ce n’est pas venu de
24 notre part mais d’un autre département de notre
25 organisation.
Page 14662
1 Catégorie G, les affidavits : Dès le départ, on
2 nous a encouragés à utiliser cette méthode. Nous avons,
3 bien entendu, des difficultés très significatives avec les
4 institutions de Bosnie, non pas qu’elles ne soient pas
5 prêtes à coopérer, encore que ce soit partiellement le cas,
6 mais c’est surtout leur compréhension qui fait défaut.
7 Elles semblent, ces institutions, réticentes à mettre en
8 place une procédure qui corresponde non pas tellement à la
9 lettre mais à l’esprit de l’Article 94 ter du Règlement.
10 Nous avons été en mesure de trouver une solution
11 qui répond à l’Article 94 ter dans sa lettre et dans
12 l’esprit de cet article. Nous espérons pouvoir le
13 présenter cette semaine et ceci s’appliquera aux témoins
14 17, 18, 19, 20, 21, 22 et 23.
15 Le témoin numéro 24, vous vous en souviendrez,
16 c’est un témoin dont une partie de la déposition a été
17 omise et la Chambre a estimé qu’il n’était pas nécessaire
18 de le faire revenir uniquement pour présenter une pièce à
19 conviction supplémentaire.
20 Donc, voici le menu, si je puis dire. Cela
21 ressemble, d’ailleurs, un petit peu à un menu. Voici le
22 menu qui est présenté à la Chambre.
23 Monsieur Lopez-Terres a présenté nos premières
24 argumentations en ce qui concerne la catégorie A.
25 D’autre part, nous avons présenté une synthèse, un
Page 14663
1 plan d’argumentation le 5 août 1999, de même qu’un résumé
2 sur l’évolution récente du droit en matière de preuves par
3 ouï-dire au Canada. Nous pensions que cela pouvait
4 éventuellement aider la Chambre.
5 D’autre part, un autre document a été présenté.
6 Il s’agissait d’une synthèse de l’argumentation de la
7 Défense, document qui a été déposé le 13 septembre 1999, et
8 je crois que ces arguments présentent des deux côtés toute
9 la situation de façon tout à fait fidèle.
10 Bien entendu, nous souhaiterions avoir la
11 possibilité de présenter quelques arguments supplémentaires
12 mais ceci nous place, donc, à la catégorie B, la catégorie
13 de témoins B qui n’avait pas été prévue précédemment.
14 Pourquoi pas ? Eh bien, parce qu’on ne savait pas, bien
15 entendu, ce qui allait arriver au témoin 3.
16 J’ai expliqué la situation la semaine dernière
17 afin que mes confrères de la Défense ne soient pas pris au
18 dépourvu et par surprise. Donc, j’ai expliqué en gros la
19 situation la semaine dernière parce que c’est à ce moment-
20 là que nous avons appris que le témoin 3 ne répondrait pas
21 à l’injonction à comparaître qui avait été délivrée à son
22 encontre et que la Chambre estimait qu’il n’était pas utile
23 de prendre des mesures coercitives supplémentaires à son
24 encontre.
25 La meilleure chose à faire peut-être maintenant,
Page 14664
1 c’est de demander à Monsieur Lopez-Terres de présenter nos
2 arguments sur la catégorie B.
3 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Je pense qu’il
4 vaut mieux prendre les choses dans l’ordre.
5 Il y a, bien entendu, la question des témoins
6 décédés. Ça, c’est une question qu’il convient de résoudre
7 et il y a là un témoin pour lequel nous avons admis le
8 compte rendu de sa déposition.
9 Il serait peut-être utile que nous observions une
10 pause maintenant. De cette façon, nous aurons l’occasion
11 de jeter un coup d’œil sur les documents qui ont été
12 déposés par écrit, au moins en ce qui concerne ces deux
13 témoins.
14 En ce qui concerne les autres questions, des
15 principes différents seront peut-être appliqués. Donc,
16 nous avons déjà parlé de la catégorie C.
17 Est-ce que, pour la catégorie D, vous allez
18 demander des injonctions à comparaître ?
19 Me NICE (interprétation) : Oui. Je crois que
20 nous sommes en train de préparer des demandes aux fins
21 d’obtenir des injonctions à comparaître.
22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Si l’on
23 souhaite que ces personnes puissent venir témoigner avant
24 le 10 mars, il convient de traiter de la question aussi
25 rapidement que possible.
Page 14665
1 Me NICE (interprétation) : Oui. Je me permets de
2 vous dire si vous souhaitez faire une pause maintenant, et
3 ceci afin de mieux comprendre l’importance des témoins,
4 donc, je vous demande de regarder avec plus d’attention les
5 déclarations relatives aux témoins 1, 2 et 15, de ces
6 témoins potentiels.
7 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : De quoi
8 parlez-vous ?
9 Me NICE (interprétation) : Il s’agit des
10 déclarations écrites dont nous souhaitons obtenir le
11 versement au dossier. Je ne vais pas, bien entendu, vous
12 demander d’examiner toutes ces déclarations parce qu’on
13 pourra les traiter par le biais de résumés, mais à un
14 moment ou à un autre, il sera nécessaire pour la Chambre
15 d’examiner ces déclarations pour décider de les admettre ou
16 non.
17 Donc, pour nous, les déclarations les plus
18 importantes sont celles relatives aux témoins 1, 2 et 15,
19 mais on vient de me dire que vous n’en disposez peut-être
20 pas.
21 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Vous nous
22 donnez là les numéros des témoins ?
23 Me NICE (interprétation) : Oui, en effet.
24 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : J’ai ici
25 devant moi les déclarations du numéro 2 et du numéro 1 mais
Page 14666
1 pas, bien entendu, de numéro 15 puisqu’il appartient à une
2 autre catégorie. Je pense que nous aurons ce document en
3 temps utile et les autres déclarations si nous en avons
4 besoin.
5 Me NICE (interprétation) : Bien !
6 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Nous allons
7 maintenant faire une pause de 20 minutes.
8 --- Suspension de l’audience à 15 h 45
9 --- Reprise de l’audience à 16 h 13
10 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Je vous en
11 prie, Me Nice.
12 Me NICE (interprétation) : Je vais demander à
13 Monsieur Lopez-Terres de bien vouloir parler des catégories
14 A et B. Je pense que le mieux, c’est qu’il nous expose ce
15 qu’il a à nous dire. Ensuite, nous allons entendre les
16 objections.
17 Mais une observation de caractère général. Nous
18 sommes en train de commencer, donc, à traiter de ce sujet.
19 Ce que j’ai déjà souhaité dire, je l’ai dit.
20 J’ai préparé également un petit article qui traite
21 d’un certain nombre de dispositions en Allemagne, en
22 Autriche, aux États-Unis, en Australie et au Japon
23 concernant ce sujet-là.
24 Je pense que le droit, donc, et les autres
25 juridictions pourraient être résumés de façon différente.
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1 Il y a, bien évidemment, des exceptions, des exceptions en
2 ce qui concerne la lecture des déclarations des témoins qui
3 sont décédés ou qui ne sont pas accessibles pour une raison
4 ou une autre, même si de telles lectures de déclarations
5 sont contraires aux principes relevant de la common law à
6 cause de la seconde main et contraires également au droit
7 civiliste.
8 Certes, il y a un certain nombre de Juges ou
9 d’autres personnes qui peuvent prendre de tels types de
10 déclarations. Ici, ça ne peut pas être la pratique mais il
11 est vrai également que souvent, il y a la pratique
12 juridique qui pose des limites, mais il y a un certain
13 équilibre qui est recherché. D’un côté, la Chambre doit
14 disposer des pièces à conviction les meilleures possibles
15 et de l’autre côté, il y a un risque également, à savoir
16 que le témoin ne peut pas être contre-interrogé.
17 Les lignes directrices qui sont liées à des
18 pratiques judiciaires différentes ne peuvent pas être
19 pratiquées ici. Il est vrai que quand il s’agit des
20 déclarations de seconde main, elles peuvent être
21 acceptables de temps à autre, tout au moins dans un premier
22 temps, et en principe, on peut accepter ceci.
23 Si la Chambre dispose des documents, si ces
24 documents ne sont pas exclus tout de suite, la Chambre peut
25 les comparer avec les pièces à conviction qui viennent
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1 d’autres sources, y compris de la Défense, et évaluer la
2 valeur probante de ces documents.
3 C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que
4 la Chambre, quand on aura entrepris toutes les démarches
5 indispensables pour que les témoins puissent être cités à
6 la barre – nous avons fait tout de notre côté également
7 pour les faire venir ici – que c’est à ce moment-là qu’il
8 serait approprié à ce que la Chambre puisse prendre
9 connaissance de tels documents qui proviennent des témoins
10 potentiels et ensuite, prendre la décision quel est le
11 poids que la Chambre va donner à ces déclarations.
12 Encore un autre point avant de m’asseoir. Si j’ai
13 bien compris, je pense que nous avons obtenu quelques
14 résultats au sujet des témoins 6 et 7. Je vais être obligé
15 de les étudier quelque peu de plus près, une fois que le
16 débat sera terminé cet après-midi.
17 Ceci dit, en ce qui concerne les ordonnances
18 contraignantes dont dispose la Chambre, elles n’ont pas été
19 utilisées jusqu’au bout et on va peut-être y arriver avec
20 les témoins 6 et 7 si on entreprend de telles sortes de
21 décisions, mais quand il s’agit des catégories C, D, E et
22 F, chaque fois, quand ce sera possible, dans le cadre du
23 temps dont nous disposons, nous devrions pratiquer le
24 système affidavit et éventuellement obtenir des
25 déclarations d’autres témoins.
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1 Nous maintenons, sinon, que de telles déclarations
2 devraient être admises même si ces déclarations n’ont pas
3 été prises sous serment. Nous l’avons déjà précisé
4 auparavant. En ce qui nous concerne, nous faisons tout
5 pour que les documents puissent être à la disposition de la
6 Chambre.
7 Maintenant, je vais demander à Monsieur Lopez-
8 Terres de dire ce qu’il avait à dire au sujet des
9 catégories A et B et j’espère que la Chambre est d’accord
10 pour qu’on utilise les numéros, chiffres, et pas les noms.
11 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Le numéro 2,
12 on en a déjà parlé.
13 Me NICE (interprétation) : Oui. Bien évidemment,
14 vous avez des noms mais j’ai tout simplement proposé
15 d’utiliser les numéros, plutôt ne pas dire les noms. On
16 n’a pas le droit de prononcer chaque nom.
17 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : En ce qui
18 concerne le numéro 2, Monsieur Friis-Pedersen, il n’y a pas
19 de problème.
20 Me NICE (interprétation) : Bien évidemment, vous
21 avez tout à fait raison, Monsieur le Président. Il n’y a
22 rien qui soit contestable. Je pense que je suis trop
23 prudent. Il faut que je m’assoie et que je donne la parole
24 à Monsieur Lopez-Terres.
25 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Je vous en
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1 prie, Me Lopez-Terres.
2 Me LOPEZ-TERRES : Simplement un rappel pour
3 indiquer dans quel cadre le débat qui s’engage aujourd’hui
4 se situe parce que ce débat s’était engagé le 15 juin 1999
5 lorsque, pour la première fois, j’avais demandé à votre
6 Chambre l’admission des déclarations des deux témoins dont
7 nous parlons.
8 À l’issue de ces débats, le 15 juin, votre
9 Chambre, dès le lendemain, 16 juin, avait rendu une
10 décision par laquelle elle indiquait qu’elle admettait le
11 compte rendu de témoignage, le transcript de Monsieur
12 Friis-Pedersen, le transcript qui résultait de sa
13 déposition dans le cadre du procès Blaskic le 16 décembre
14 1997, qu’elle admettait également, comme pièce jointe à
15 cette déposition, une pièce à conviction.
16 Le procès-verbal de compte rendu d’audience, le
17 transcript s’est donc vu attribuer la pièce à conviction
18 numéro Z2706 déjà admise.
19 Par contre, en ce qui concerne la déposition
20 effectuée par Monsieur Friis-Pedersen devant nos enquêteurs
21 les 23 et 24 août 1996, tout comme en ce qui concerne la
22 déposition faite par le témoin Monsieur Haskic le 13
23 septembre 1995 devant nos enquêteurs également, votre
24 Chambre, le 16 juin de l’année dernière, avait indiqué que
25 pour l’instant, ces procès-verbaux n’étaient pas recevables
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1 et qu’en attendant la présentation d’autres arguments, ces
2 documents étaient provisoirement rejetés.
3 Votre Chambre, dans cette même décision du 16 juin
4 1999, avait indiqué : « Si toutefois, le Bureau du
5 Procureur redemande le versement de ces pièces, nous
6 pourrions entendre les arguments si cela est nécessaire. »
7 L’argument général concernant les témoins
8 indisponibles, dont font partie les deux témoins décédés
9 dont nous nous occupons aujourd’hui, avait été repris
10 ensuite, peu avant notre séparation du mois d’août, le 5
11 août exactement, et aujourd’hui donc, conformément à ce qui
12 avait été suggéré par votre Chambre le 16 juin, nous nous
13 présentons à nouveau devant vous pour demander que les
14 procès-verbaux des deux témoins décédés soient également
15 admis.
16 Nous considérons, en effet, au Bureau du Procureur
17 qu’en ce qui concerne le premier témoin décédé, Monsieur
18 Haskic, sa déposition est très importante.
19 En ce qui concerne le deuxième témoin, Monsieur
20 Friis-Pedersen, le fait d’avoir déjà admis le compte rendu
21 de déposition dans l’affaire Blaskic ne nous paraît pas
22 suffisant pour pouvoir couvrir tous les points qu’il avait
23 envisagés devant nos enquêteurs de son vivant.
24 Nous considérons donc que par application de
25 l’Article 89(C) du Règlement, ces deux déclarations
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1 devraient être reçues comme éléments de preuve pertinents
2 et ayant valeur probante.
3 Il nous apparaît, en effet, que si votre Chambre
4 ne recevait pas ces deux procès-verbaux de déclarations,
5 elle se priverait elle-même d’éléments d’information qui
6 ont leur intérêt pour la solution du procès, et en
7 définitive, le résultat obtenu serait un préjudice pour la
8 manifestation de la vérité puisque cette manifestation de
9 la vérité fait partie des obligations de votre charge au
10 titre de l’Article 90 du Règlement. Ce serait, donc,
11 nécessaire pour la manifestation de la vérité.
12 Nous considérons également que ne pas admettre la
13 déposition de ces deux personnes serait injuste puisque
14 l’infortune du témoin qui décède avant de pouvoir déposer
15 en justice ne doit pas avoir pour effet de le priver
16 totalement du droit d’être entendu par des Juges au-delà de
17 sa mort et d’apporter ainsi sa contribution à l’œuvre de
18 justice, contribution dont il disposait de son vivant, dans
19 la mesure, encore une fois, où les témoins n’ont jamais
20 indiqué qu’ils n’entendaient pas se présenter devant le
21 Tribunal de La Haye. Bien au contraire, les mentions qui
22 figurent dans leurs procès-verbaux de dépositions font
23 apparaître qu’ils étaient tout à fait disposés à produire
24 leurs témoignages en justice.
25 Nous considérons enfin que rejeter de telles
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1 déclarations pourrait finalement être dangereux si cela
2 intervenait de façon systématique au seul motif que ces
3 déclarations auraient pu être recueillies en dehors du
4 prétoire car cela pourrait constituer peut-être un
5 encouragement à la suppression de témoins gênants avant
6 qu’ils ne puissent comparaître devant la Chambre de
7 jugement.
8 Monsieur Nice vous l’a indiqué il y a quelques
9 instants, il existe dans les systèmes nationaux des règles
10 qui prévoient l’admission du témoignage de témoins décédés.
11 Je pense qu’au mois de juin, j’avais déjà énoncé certains
12 de ces documents. Ces mêmes informations vous ont été
13 rappelées aujourd’hui.
14 Dans notre Règlement de Procédure, il n’y a pas de
15 disposition spécifique qui prend en compte le témoignage de
16 témoins décédés, mais encore une fois, l’Article 89(C), par
17 sa généralité, permet tout à fait ce type d’admission.
18 Vous avez d’ailleurs, dans votre décision du 29
19 juillet 1999, plus communément appelée décision du dossier
20 sur Tulica, admis que des déclarations de témoins, des
21 procès-verbaux de témoins pouvaient être admis par votre
22 Chambre en vertu de votre pouvoir discrétionnaire.
23 C’est au nom de ce pouvoir discrétionnaire, encore
24 une fois, que nous vous demandons l’admission de ces deux
25 procès-verbaux. Ces deux procès-verbaux, s’ils étaient
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1 admis, sont tout à fait compatibles avec la jurisprudence
2 de la Cour européenne de Strasbourg qui effectivement
3 refuse que puisse être considérée comme seule preuve
4 permettant d’établir la culpabilité d’un accusé que des
5 déclarations émanant d’une personne décédée soient les
6 seules déclarations à partir desquelles la culpabilité de
7 cet accusé a pu être retenue.
8 Nous ne sommes pas dans ce cas de figure-là. Les
9 deux témoins dont il s’agit, Monsieur Haskic comme Monsieur
10 Friis-Pedersen, ne sont pas les seuls témoins qui révèlent
11 à votre Chambre les éléments d’informations qui nous
12 apparaissent importants et devoir, encore une fois, être
13 pris en considération par vous.
14 En ce qui concerne leur décès, bien qu’il y ait eu
15 au début de cet argument quelques échanges avec la Défense,
16 le décès ne peut être mis en doute. Nous avons produit à
17 la Défense des certificats à la fois émanant des autorités
18 de Bosnie…
19 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Juste un
20 moment, s’il vous plaît.
21 Quand il s’agit de Monsieur Friis-Pedersen, j’ai
22 les éléments de preuve devant moi, les certificats devant
23 moi qui viennent du Danemark.
24 Mais je n’ai pas le certificat de décès de l’autre
25 monsieur dont vous parlez. Est-ce que vous l’avez ? Est-
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1 ce que vous possédez cette copie ?
2 Me LOPEZ-TERRES : Ce document est à votre
3 disposition. L’autre témoin est décédé le 4 juin 1997.
4 M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Me Lopez-
5 Terres, puis-je vous poser une question ?
6 Vous parlez de la jurisprudence de la Cour
7 européenne de Strasbourg. Est-ce que cette pratique
8 judiciaire fait la distinction entre les déclarations qui
9 ont été données sous serment et d’autres qui ne sont que de
10 simples déclarations ?
11 Je vais poursuivre. Est-ce que cette pratique
12 nous signale qu’on peut verser au dossier n’importe
13 laquelle déclaration et puis il incombe à la Chambre d’en
14 évaluer la valeur probante et le poids de cette déclaration
15 jugé par la Chambre ? Est-ce qu’il s’agit uniquement des
16 déclarations sous serment ou éventuellement, il y a
17 d’autres déclarations concernant donc la fiabilité de la
18 déclaration ?
19 Me LOPEZ-TERRES : Il s’agit, à ma connaissance,
20 de déclarations qui ont pu être recueillies aussi bien par
21 des autorités judiciaires que par des autorités de police.
22 Je précise que dans certains pays, les autorités de police
23 peuvent également prendre des déclarations sous serment.
24 Ce n’est pas uniquement les autorités judiciaires.
25 La position de la Cour européenne est claire en ce
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1 sens qu’elle indique que l’admission de telles déclarations
2 à titre de preuves n’est pas incompatible en soi avec le
3 procès équitable et les règles de l’Article 6 de la
4 Convention européenne.
5 La seule limite à laquelle cette jurisprudence
6 touche consiste à rappeler qu’en aucun cas la juridiction
7 de jugement, lorsqu’elle décide de reconnaître la
8 culpabilité de l’un ou l’autre des accusés, doit
9 exclusivement fonder cette conviction sur des déclarations
10 de cette nature, dans la mesure où l’accusé n’a pas été en
11 mesure de pouvoir contre-balancer ces déclarations ou
12 contre-interroger le témoin.
13 C’est la seule limite qui est apportée mais le
14 principe est que l’admission de telles déclarations n’est
15 pas en soi contraire avec l’Article 6 de la Convention.
16 J’indique que – et c’est la particularité de l’un
17 de ces deux procès-verbaux dont je vous demande
18 l’admission, celui du témoin bosniaque – ce procès-verbal a
19 déjà été reçu dans le cadre de l’affaire Blaskic le 29
20 avril 1998 et lorsque la Chambre Blaskic a reçu ce procès-
21 verbal comme pièce, elle a indiqué que ce procès-verbal
22 était un procès-verbal qui avait été pris sous serment par
23 les enquêteurs du Bureau du Procureur.
24 Elle a considéré que les mentions que nous faisons
25 figurer habituellement sur les procès-verbaux que nos
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1 enquêteurs prennent, qu’il s’agisse des mentions au début
2 du procès-verbal comme en fin de procès-verbal avant que le
3 témoin signe, étaient équivalentes à une déclaration sous
4 serment faite par le témoin devant nos enquêteurs.
5 La Chambre Blaskic a également indiqué que, bien
6 entendu, le fait d’admettre cette déclaration à titre de
7 pièce, de preuve, ne préjudiciait pas du poids que cette
8 même Chambre pourrait accorder aux informations elles-mêmes
9 contenues par ce document. Une chose est d’admettre, autre
10 chose est de peser ensuite la valeur probante.
11 Cela nous apparaît d’autant plus important que ces
12 informations qui résultent de déclarations de témoins
13 peuvent être ensuite contestées quant à leur crédibilité
14 par la Défense et cela peut se faire par d’autres moyens
15 que le contre-interrogatoire.
16 Nous en avons eu l’expérience encore la semaine
17 dernière à propos des discussions qui se sont engagées sur
18 l’admission ou non de certains comptes rendus d’audience.
19 La Défense a été en mesure de faire valoir son point de vue
20 sur la fiabilité ou la crédibilité de certains témoignages,
21 y compris des témoignages pris sous serment devant ce
22 Tribunal simplement par un mémoire écrit ou un tableau
23 qu’elle avait établi sur lequel elle faisait ses
24 commentaires et il n’a pas été nécessaire pour autant de
25 procéder au contre-interrogatoire du témoin dont il était
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1 question.
2 Tout cela pour rappeler simplement que le contre-
3 interrogatoire n’est pas toujours la seule façon
4 d’apprécier la crédibilité ou la sincérité d’un témoignage.
5 La simple comparaison de procès-verbaux et de témoignages
6 par elle seule peut suffire à écarter certains de ces
7 procès-verbaux ou à en admettre d’autres.
8 Je tenais à rappeler cette précision en ce qui
9 concerne le procès-verbal du témoin bosniaque puisque,
10 encore une fois, la Chambre Blaskic, lorsqu’elle a admis ce
11 document qui lui était présenté à l’époque, il est vrai,
12 par la Défense du Général Blaskic – la situation est
13 inversée aujourd’hui puisque c’est le Bureau du Procureur
14 qui le fait – la Chambre dans l’affaire Blaskic avait donc
15 considéré qu’un tel procès-verbal était pris sous serment
16 par nos enquêteurs.
17 J’espère, Monsieur le Juge, avoir répondu à votre
18 interrogation.
19 Pour en rester sur cette question de la
20 jurisprudence de la Cour européenne, j’indiquais
21 effectivement que nous ne sommes pas dans ce cas de figure
22 puisqu’il est clair qu’il n’est pas l’intention du Bureau
23 du Procureur de demander que l’un ou l’autre des accusés
24 soit déclaré coupable sur la base de ces deux simples
25 déclarations. Nous n’en sommes pas là, heureusement.
Page 14679
1 Cela étant, je tiens à dire également qu’en ce qui
2 concerne les déclarations faites par ces deux témoins,
3 elles sont corroborées, elles sont complétées partiellement
4 par d’autres témoins qui ont été entendus dans cette
5 Chambre, et donc, la comparaison des déclarations dont nous
6 vous demandons l’admission et celles de témoignages qui ont
7 déjà été recueillis dans votre Chambre peut tout à fait
8 justifier, elle aussi, l’admissibilité de ces deux procès-
9 verbaux.
10 En ce qui concerne la substance de ces deux
11 procès-verbaux dont il s’agit, j’ai indiqué qu’ils nous
12 paraissaient tout à fait pertinents. Ils le sont en ce qui
13 concerne le premier témoin, le témoin bosniaque.
14 Nous savons, puisque la Défense nous l’a indiqué
15 lors d’un débat antérieur, qu’elle conteste la présence de
16 l’accusé Dario Kordic à tout moment dans la localité de
17 Donja Veceriska. Ce débat a déjà été engagé à l’occasion
18 du témoignage fait par un témoin qui était le Témoin V, je
19 crois, lorsqu’il a déposé sur l’attaque de Veceriska et il
20 s’agit du seul témoin qui a déposé sur ces faits.
21 Le témoin décédé nous indique plusieurs choses.
22 Il nous indique d’abord ce qui s’est passé au cours de la
23 soirée qui a précédé l’offensive du 16 avril 1993 et ce
24 qu’il a pu de visu constater dans son village. Ce village
25 de Veceriska est situé à peine à trois kilomètres de Vitez,
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1 et au cours de la soirée, il a constaté la présence de
2 l’accusé Dario Kordic en uniforme, entouré de gardes du
3 corps et participant à des festivités avec d’autres
4 représentants locaux du HVO.
5 Il y avait, d’après ce témoin, des membres de la
6 brigade de Vitez, dont le commandant local du bataillon qui
7 est le nommé Ivica Drmic. Il y avait également des
8 individus dont il a reconnu le signe caractéristique, les
9 Jokers, les Vitezovis et même, a-t-il indiqué, la présence
10 d’individus arborant le badge que portent habituellement
11 les membres de la brigade Ludvig Pavlovic qui venait
12 d’Herzégovine et dont on sait qu’elle a été stationnée dans
13 la région de Vitez à l’époque des faits dont nous parlons.
14 La présence, donc, de l’accusé Dario Kordic est
15 attestée. Il est attesté également par ce témoin que
16 l’accusé Dario Kordic était en relation directe ce soir-là
17 avec le commandant local, Ivica Drmic, qui est un
18 commandant de bataillon de la brigade de Vitez, dont
19 l’accusé Mario Cerkez était le commandant de brigade, le
20 témoin indiquant qu’il a vu à plusieurs reprises ce
21 commandant de bataillon remettre des documents manuscrits à
22 l’accusé Dario Kordic.
23 Il relate ensuite ce qu’il a vu et entendu au
24 cours de la soirée, ces chants menaçants de la part des
25 soldats où il est question du jour qui va se lever, où les
Page 14681
1 musulmans vont disparaître de Veceriska.
2 Il a ensuite vu, comme cela nous a été indiqué par
3 le Témoin V dont j’ai déjà parlé, les Croates du village,
4 les femmes, les enfants, les personnes âgées, quitter
5 celui-ci à une heure avancée de la nuit, avant que
6 l’attaque ne soit lancée.
7 Il indique qu’il a constaté que sa ligne
8 téléphonique a été coupée, et ensuite, le témoin décrit
9 avec précision le déroulement de l’attaque de son village.
10 Pour toutes ces raisons, il nous apparaît que les
11 informations qui sont rapportées par ce témoin sont
12 extrêmement pertinentes, sont extrêmement utiles pour la
13 compréhension des faits qui sont survenus dans la zone de
14 Donja Veceriska dans la soirée du 15 avril et surtout le
15 lendemain, le 16 avril, et les jours suivants puisque nous
16 savons que cette attaque s’est prolongée.
17 Ces documents… ce témoignage, pardon, il apparaît
18 également qu’il établit un lien direct entre l’accusé Dario
19 Kordic et le village en question, la présence de l’accusé
20 dans une zone dans laquelle les combats allaient se
21 dérouler dès le lendemain avec des soldats dont nous avons
22 toutes les raisons de penser et déjà des éléments de preuve
23 qu’ils ont participé à cette attaque.
24 Pour toutes ces raisons donc, encore une fois, il
25 nous paraît nécessaire de recueillir ce procès-verbal et de
Page 14682
1 l’admettre également comme élément pertinent en fonction de
2 votre pouvoir tenu de l’Article 89.
3 En ce qui concerne le deuxième témoin, le Major
4 Friis-Pedersen, il est exact que celui-ci, contrairement au
5 premier cas, avait eu déjà la possibilité de témoigner dans
6 un autre procès, le procès Blaskic en l’occurrence, mais
7 que lors de ce témoignage, celui-ci a été interrogé de
8 façon très succincte pour les simples nécessités du procès
9 Blaskic sur des points qui ne concernaient pas directement
10 l’accusé Kordic ou l’accusé Cerkez.
11 Il apparaît, à la lecture du procès-verbal de
12 déposition auprès de nos enquêteurs que Monsieur Friis-
13 Pedersen a donné en 1996, que celui-ci a donné beaucoup
14 plus d’informations qui n’ont pas été reprises, ni même
15 évoquées dans le cadre de sa déposition en décembre 1997 au
16 cours du procès Blaskic.
17 Nous rappelons que le Major Friis-Pedersen était
18 un moniteur de la mission de contrôle de l’Union européenne
19 et qu’à ce titre, il s’est rendu dans la région de Bosnie
20 centrale à compter du 26 janvier 1993 à la fin du mois de
21 mai 1993. Il a, donc, eu la possibilité de s’imprégner
22 pleinement de l’ambiance avant le conflit, pendant le
23 conflit, et à partir de ces éléments d’informations qu’il a
24 recueillis comme moniteur, il a pu dans son procès-verbal
25 rapporter plusieurs éléments dont il a été le témoin lui-
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1 même ou tirer des conclusions dont il fait état dans sa
2 déposition.
3 Ces éléments d’informations dont il a été le
4 témoin lui-même concernent, par exemple, le fait que
5 lorsqu’il a été dans la région, il a rencontré Monsieur
6 Kordic en février ou en mars 1993, lequel lui a été
7 présenté comme le personnage politique principal de la
8 région.
9 Il a eu l’occasion le 16 avril, alors que les
10 combats s’étaient déjà déclenchés, de se rendre dans la
11 région de Vitez, de passer à proximité de Ahmici. Il a
12 constaté lui-même la présence de cadavres. Il a d’ailleurs
13 pris un cliché photographique qui est joint à son procès-
14 verbal de déclaration. Il a indiqué dans son procès-verbal
15 qu’il avait personnellement vu les soldats du HVO procéder
16 à un nettoyage ethnique de musulmans – ce sont ses propres
17 propos – dans le village de Bila.
18 Il indique qu’il n’a pas eu la possibilité, comme
19 d’autres membres de l’ECMM, d’accomplir pleinement ses
20 fonctions ce jour-là puisque des tireurs embusqués du HVO
21 avaient pris place du côté de Gornja Rovna, dans la région
22 de Busovaca.
23 Il a rapporté les visites qu’il a rendues à Vitez
24 auprès de l’accusé Mario Cerkez les 18 et 19 avril, en
25 particulier la visite au quartier général de Cerkez où il a
Page 14684
1 constaté qu’il y avait des détenus, tous musulmans, de tous
2 âges, des jeunes garçons, des vieillards qui étaient
3 détenus dans une sorte de prison qui était aménagée dans la
4 partie inférieure du quartier général.
5 Il a constaté, et il l’a dit de façon tout à fait
6 honnête et loyale, que si ces prisonniers paraissaient bien
7 traités, il paraissait qu’ils étaient détenus dans un lieu
8 exigu, puisqu’il n’y avait que deux pièces et il a conclu
9 personnellement qu’il y avait une violation des
10 dispositions de la Convention de Genève.
11 Il a participé à un meeting le 4 mai 1993 avec le
12 bataillon britannique sur le massacre de Ahmici et il en a
13 conclu que l’attaque de ce village était une partie d’une
14 opération coordonnée autour de la région de Vitez. Il a
15 accompagné un témoin que vous avez entendu aussi, qui était
16 le Témoin Charles McLeod, et il a pu, au cours de la
17 mission de ce dernier, se conforter dans l’idée qu’il y
18 avait, de la part du HVO dans la région, la volonté de
19 créer une zone ethniquement pure en faveur des Croates.
20 Tous ces éléments n’ont pas été – c’est peut-être
21 regrettable mais on comprend aussi les nécessités du procès
22 Blaskic – n’ont pas été repris dans le cadre de la
23 déposition faite en décembre 1997.
24 Nous considérons, à partir du moment où ce procès-
25 verbal de déclaration comporte des informations beaucoup
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1 plus riches que celles qui ont été recueillies en décembre
2 1997, qu’il mérite lui aussi d’être pris en considération
3 par votre Chambre.
4 Au vu de ces explications que je vous prie
5 d’excuser d’avoir été un peu longues, je vous demande donc,
6 au nom du Bureau du Procureur, à nouveau, de retenir et
7 d’admettre à titre de preuves dans le cadre du procès qui
8 nous concerne, le procès-verbal de déclaration de Monsieur
9 Midhat Haskic en date du 13 septembre 1995 et le procès-
10 verbal de déclaration de Monsieur Erik Friis-Pedersen en
11 date des 23 et 24 août 1996 avec la photographie qui est
12 annexée à cette déclaration.
13 Me SAYERS (interprétation) : Monsieur le
14 Président, je souhaite commencer en disant quel est notre
15 point de vue sur la législation applicable. Il est sûr
16 qu’il faut s’appuyer sur le Règlement et le Statut du
17 Tribunal dans les décisions prises par ce Tribunal.
18 S’agissant de la question posée par la Chambre
19 portant sur l’absence ou la présence du serment, si nous
20 nous référons à la pratique judiciaire européenne, nous
21 pouvons citer plusieurs exemples.
22 Tout d’abord, en 1986, d’après la loi
23 autrichienne, une affaire a eu lieu concernant un membre de
24 la famille qui a été battu par son mari. Le membre de la
25 famille a refusé de comparaître, et à ce moment-là, la
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1 déclaration faite devant la police a été versée au dossier.
2 En ce qui concerne la Cour européenne des Droits
3 de l’Homme, elle a eu une situation semblable.
4 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Je souhaite
5 procéder à une pause maintenant. Vous parlez maintenant
6 des affaires de nature complètement différente. Il
7 s’agissait là d’une affaire où il s’agissait d’un mari et
8 de son épouse et où la déclaration faite par l’épouse a été
9 acceptée, a été admise puisqu’il s’agissait du témoin-clé.
10 Dans l’affaire présente, nous avons entendu
11 presque 100 témoins dont un témoin pourrait s’avérer être
12 un témoin important. Ça, je l’accepte mais la raison pour
13 laquelle l’approche de la Cour européenne a été telle vis-
14 à-vis de cette affaire a été qu’il était difficile de
15 trouver une base d’accusation dans la déposition de ce
16 témoin. Est-ce exact ?
17 Me SAYERS (interprétation) : Oui. C’était
18 l’accusation la plus importante dans cette affaire, dans
19 l’affaire citée, mais à mon avis, le contexte peut être
20 pris en considération par cette Chambre de première
21 instance.
22 Je propose que l’on se penche également sur une
23 autre affaire, l’affaire Barbera de l’année 1998, qui est
24 plus proche de notre affaire. Il s’agissait d’une affaire
25 concernant le terrorisme et dans le cadre de cette affaire,
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1 la déclaration d’un témoin absent a été versée au dossier.
2 L’accusé n’a pas eu la possibilité de contester cette
3 déclaration. Je parle maintenant des conclusions de la
4 Cour européenne des Droits de l’Homme.
5 Encore une fois, à cause de cette impossibilité de
6 contester, de confronter le témoin et contester sa
7 déposition, la décision de la Chambre a été modifiée par la
8 Cour européenne des Droits de l’Homme.
9 Il existe d’autres exemples de ce genre, par
10 exemple, l’affaire Kostovski. Cependant, l’affaire Isgrow
11 est une affaire concernant laquelle la Cour européenne n’a
12 pas décidé de modifier la décision préalable mais la raison
13 en est que le Juge d’instruction a pu poser des questions
14 au témoin, ce qui a rendu possible de contester le
15 témoignage de ce témoin conformément à l’Article 63(D), et
16 d’ailleurs, l’accusé lui-même n’a pas eu d’objection à la
17 lecture d’une telle déclaration.
18 Donc, voici quelques questions qui devraient être
19 prises en considération, à mon avis, par cette Chambre de
20 première instance.
21 En ce qui concerne le premier témoin, maintenant,
22 je souhaite dire le suivant. Il s’agit d’un témoin qui n’a
23 jamais donné de déclaration préalable dans le cadre des
24 autres affaires liées à la vallée de la Lasva, ni dans les
25 affaires Kupreskic, Aleksovski, Blaskic ou Furundzija,
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1 alors que le Procureur considère qu’il s’agit là d’un
2 témoin extrêmement important.
3 Nous considérons qu’ici, l’on propose ce témoin
4 justement parce qu’il parle des points contestables alors
5 qu’il n’y a pas d’autres témoins qui pourraient en parler.
6 Il n’y a pas d’autres témoins qui peuvent dire que Monsieur
7 Kordic était à Donja Veceriska la nuit avant l’attaque
8 lancée dans la vallée de la Lasva. De même, il n’y a pas
9 d’autres témoins qui pourraient affirmer que Monsieur
10 Kordic se trouvait entouré par tous les auteurs, tous les
11 leaders militaires importants, tous les chefs, par exemple,
12 commandants de brigade de Vitez, des Jokeris, de la brigade
13 Ludvig Pavlovic, et cætera.
14 Donc, il s’agit ici d’éléments extrêmement
15 importants alors qu’ils ne sont pas corroborés par les
16 témoignages d’autres témoins.
17 Par ailleurs, avant lorsque nous avons eu ce genre
18 de discussions à ce sujet dans ce prétoire, le Procureur
19 avait affirmé disposer d’autres éléments de preuve qui
20 pourraient corroborer ces mêmes affirmations, mais ce qui
21 est le plus important c’est que si nous ne disposons pas de
22 possibilité de confronter le témoin, le Procureur souhaite
23 se baser uniquement sur une déclaration qui n’a pas été
24 faite sous serment, qui n’a pas fait l’objet de contre-
25 interrogatoire, et ce témoin n’a pas été contre-interrogé
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1 dans le cadre d’une quelconque affaire. Donc, nous pensons
2 qu’il n’est pas possible… que cette déclaration ne peut pas
3 être admise.
4 Deuxièmement, en ce qui concerne le certificat de
5 décès que nous venons de recevoir, nous pouvons constater
6 que plusieurs éléments sont illisibles, tels que le moment
7 et la cause de la mort, alors que la signature du médecin
8 est illisible, elle aussi.
9 En ce qui concerne la durée de la maladie finale,
10 nous n’en savons rien puis il y a d’autres cases qui sont
11 restées vides. Donc, nous ne savons pas comment ce témoin
12 est mort, pendant combien de temps sa maladie a duré, et
13 cætera. Nous ne savons pas quel était son état mental
14 avant la mort, pendant les mois pendant lesquels sa maladie
15 a duré. Nous ne savons pas s’il recevait certains
16 médicaments.
17 Ensuite, s’il s’agit là d’un témoin tellement
18 important, nous pouvons poser la question de savoir
19 pourquoi il n’a pas été filmé, pourquoi l’on n’a pas
20 proposé une déposition conformément à l’Article 71,
21 pourquoi le Procureur n’a pas proposé de déclaration sous
22 serment conformément à l’Article 94.
23 Disons maintenant quelque chose concernant
24 l’affaire Blaskic. Dans cette affaire, la Défense a
25 expressément renoncé au contre-interrogatoire de ce témoin
Page 14690
1 en disant (je cite) : « C’est seulement la Défense qui peut
2 faire objection de manière appropriée à l’admission de
3 cette déclaration, c’est-à-dire la Défense peut renoncer,
4 si elle le souhaite, au contre-interrogatoire ».
5 C’est ce qu’elle a fait dans l’affaire Blaskic
6 mais la Défense de Monsieur Kordic ne souhaite pas renoncer
7 au contre-interrogatoire.
8 En ce qui concerne l’affaire Blaskic, il faut
9 savoir que les deux parties souhaitaient que cette
10 déclaration soit versée au dossier. Mis à part cela, dans
11 la décision prise dans le cadre de l’affaire Blaskic, il a
12 été souligné que cette déclaration a été versée au dossier
13 à des fins limitées. Ceci a été indiqué clairement dans
14 l’ordonnance en date du 29 avril 1998. Il est dit
15 clairement que cette déclaration a été versée au dossier
16 pour indiquer que Donja Veceriska constituait une cible
17 militaire puisque, visiblement, Donja Veceriska était
18 défendue.
19 Il faut également savoir que cette déclaration a
20 été faite deux ans et demi après les événements dont la
21 déclaration traite et il n’y a pas d’autres éléments qui
22 corroborent les éléments qui figurent dans la déclaration.
23 Il n’y a pas de notes prises, par exemple, par le témoin au
24 moment des faits.
25 S’agissant de certains principes de base, je
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1 souhaite dire quelque chose tout à fait brièvement. Le
2 Procureur n’arrête pas de proposer de verser au dossier les
3 déclarations sans faire venir le témoin. Nous affirmons
4 qu’il s’agit là d’un préjudice porté au droit de l’accusé.
5 L’accusé a le droit de contre-interroger le témoin.
6 Il s’agit là d’une question importante et même
7 s’il s’agit ici seulement d’une centaine de témoins, je
8 souhaite néanmoins dire que dans cette affaire, nous
9 n’avons pas entendu ou presque pas entendu une autre
10 déposition aussi fortement opposée à l’accusé.
11 Le 4 novembre 1999, le Procureur a dit à la page
12 9541 du compte rendu d’audience qu’il existe d’autres
13 déclarations de témoins concernant le fait que Monsieur
14 Kordic a été vu sur place la veille de l’attaque. Le
15 Témoin V a témoigné le 25 novembre 1999 et l’on a
16 expressément posé la question à ce témoin concernant la
17 fiabilité de l’autre témoin mentionné.
18 C’est mon collègue Monsieur Stein qui lui a posé
19 cette question. Le Témoin V a répondu qu’il n’était pas
20 trop sûr en ce qui concerne la fiabilité de cet autre
21 témoin.
22 Ensuite, il n’a pas été mentionné du tout que le
23 Témoin V qui à notre avis a des liens de parenté avec
24 l’autre témoin, n’ait jamais parlé avec le premier témoin
25 des faits qui ont été mentionnées dans la déclaration que
Page 14692
1 le Procureur souhaite verser au dossier.
2 Ces deux personnes ont vécu dans un petit village
3 au moment des faits. Elles ont parlé de beaucoup de
4 choses, mais au cours de la déposition du Témoin V, il n’a
5 jamais mentionné le fait qu’il aurait entendu parler du
6 fait que Monsieur Kordic était sur place la veille de
7 l’attaque.
8 Il faut également remarquer que le Témoin V a dit
9 qu’il a vu Monsieur Kordic une fois dans le café dont le
10 propriétaire est Monsieur Drmic, mais il faut savoir qu’une
11 fois n’est pas l’habitude.
12 Donc, voici nos arguments sur lesquels nous basons
13 notre opposition au versement au dossier de cette
14 déclaration, la déclaration de ce témoin qui n’a jamais
15 déposé ici.
16 En ce qui concerne le deuxième témoin, mes
17 arguments seront brefs. Sa déposition a été entendue le 16
18 décembre 1997 et sa déclaration a été versée au dossier en
19 tant que pièce à conviction Z2706. Nous avons dit que si
20 nous procédions à un contre-interrogatoire, ceci n’était
21 pas nécessaire puisque de toute façon, nous n’aurions pas
22 plus de questions à poser par rapport aux défenseurs
23 préalables, mais maintenant, le Procureur propose plus de
24 choses.
25 Il y a sans doute une similitude d’intérêts entre
Page 14693
1 l’accusé dans l’affaire Blaskic et les accusés dans cette
2 affaire mais nous estimons que les déclarations du témoin
3 ne sont pas nécessaires. Il suffit de penser aux témoins
4 de l’ECMM qui ont déjà parlé des mêmes faits, Monsieur
5 McLeod, le commandant Baggesen, Monsieur Laustsen, le
6 Colonel Morsink, le Colonel Weckesser, le commandant
7 Jennings – il s’agit pour ces trois derniers de personnes
8 qui appartenaient au BRITBAT – et il y a également le
9 Colonel Landry qui va nous parler de la même chose.
10 Donc, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à la
11 déclaration de ce témoin mais le critère que doit prendre
12 en compte la Chambre dans cette affaire, c’est la décision
13 Tulica, page 10, paragraphe 26 de cette décision, où la
14 Chambre a envisagé l’admission de comptes rendus d’une
15 déposition précédente et la Chambre a stipulé que ce
16 n’était pas nécessaire puisque ça faisait partie du
17 dossier, et de ce fait, ce n’était pas nécessaire.
18 Donc ici, on a exactement la même chose. On
19 dispose déjà de la déposition du témoin, et donc, les
20 déclarations qu’il a faites précédemment ne doivent pas
21 être admises puisque ça ferait double emploi.
22 En ce qui concerne les autres témoins, je n’ai que
23 quelques remarques à faire.
24 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Nous avons
25 déjà parlé de ces témoins en particulier.
Page 14694
1 Me KOVACIC (interprétation) : Merci, Monsieur le
2 Président.
3 Tout premièrement, je suis parfaitement d’accord
4 avec les arguments qui ont été avancés par mon confrère
5 Sayers. Je ne vais pas répéter ce qu’il a dit et c’est la
6 raison pour laquelle je voudrais tout simplement attirer
7 votre attention sur deux ou trois choses pour compléter ce
8 qui a été dit par Me Sayers.
9 Tout premièrement, il va sans dire qu’il y a une
10 différence qui est claire entre le versement au dossier des
11 déclarations qui ont été données dans une autre affaire,
12 non seulement parce qu’il s’agit d’une déclaration qui est
13 donnée sous serment mais également parce qu’elle a été
14 donnée devant le Tribunal, devant le présent Tribunal. Ça,
15 c’est une première chose et la situation est différente
16 quand il s’agit de la déclaration qui a été donnée aux
17 enquêteurs, qu’il s’agisse des enquêteurs de ce Tribunal ou
18 devant une autorité judiciaire, de police ou devant une
19 autre juridiction supranationale, disons.
20 Le fait même que nous parlons ici d’un certain
21 nombre de témoins, 1 et 2, nous en parlons en les
22 regroupant, je pense que c’est un sujet qui devient de
23 moins en moins clair. Tout au moins, il me semble qu’il
24 faut dissocier les deux cas pour que la déclaration qui a
25 été donnée devant les enquêteurs puisse être versée au
Page 14695
1 dossier.
2 Lié au point 1, comme ceci a été fait dans
3 l’affaire Blaskic, le fondement doit être l’accord entre
4 les deux parties. En d’autres termes, la Défense doit
5 renoncer au droit auquel elle a raison, au droit de contre-
6 interroger le témoin.
7 Dans le cas concret, nous ne sommes pas disposés à
8 renoncer à ce droit de contre-interroger. Comme il s’agit
9 d’un témoin qui est décédé, il ne peut pas comparaître
10 devant cette Chambre, devant le Tribunal, et par
11 conséquent, nous ne pouvons pas le contre-interroger.
12 Il y a quelques autres points. On a parlé du
13 dossier Tulica. Je ne vais pas répéter ce que mon confrère
14 a déjà dit mais je voudrais dire quelque chose au sujet de
15 la Cour européenne à Strasbourg. Il me semble que cette
16 norme ne peut pas être prise en considération ou plutôt, il
17 faudrait attacher une attention toute particulière à ce
18 point-là.
19 La Cour européenne à Strasbourg, par conséquent,
20 les règles également sur lesquelles cette Cour se fonde
21 sont des règles qui touchent aux droits de l’homme, alors
22 qu’ici, il s’agit de la culpabilité individuelle et nous
23 savons tous que ceci n’est pas la même chose. Nous savons
24 tous que nous pouvons en sortir une autre conclusion, à
25 savoir que la norme est une preuve en elle-même car dans
Page 14696
1 tous les régimes, dans tous les systèmes juridiques, le
2 Code pénal demande des normes des plus élevées et tout ce
3 qui est acte criminel demande des normes des plus élevées.
4 Par conséquent, vous ne vous attendez pas à ce que
5 je donne d’autres réponses au sujet d’autres témoins car
6 vous avez réduit notre débat aux témoins numéros 1 et 2.
7 Mais il y a quand même quelque chose sur lequel
8 j’aimerais attirer votre attention. Ça peut vous paraître
9 bizarre. Le Procureur, dans le cas où la Chambre n’accepte
10 pas de verser au dossier le PV pour le premier témoin, le
11 Procureur a relaté la déclaration de cette déclaration et
12 je pense que c’est de cette manière-là que nous avons
13 quelque peu contaminé le compte rendu de notre affaire.
14 Si quelqu’un y accède d’ici cinq ou six ans, ça ne
15 serait pas véritablement approprié. C’est la raison pour
16 laquelle je considère qu’il faut expurger ce que le
17 Procureur avait dit. C’est au sujet des témoins numéro 1
18 et numéro 2.
19 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Me Kovacic, ne
20 vous préoccupez pas de cela. Ce que dit un représentant de
21 l’Accusation ou de la Défense, ce n’est pas des éléments de
22 preuve. Il s’agit seulement de relater ce qui est dit dans
23 une déclaration préalable d’un témoin.
24 Donc ce qui nous intéresse, c’est ce que nous
25 avons lu dans la déclaration préalable d’un témoin ou dans
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1 la déclaration d’un témoin et il faut également que ceux
2 qui donnent lecture de ces déclarations le comprennent
3 également.
4 Me KOVACIC (interprétation) : Merci, Monsieur.
5 Me LOPEZ-TERRES : Si je peux me permettre,
6 Monsieur le Président, juste quelques commentaires après ce
7 qui vient d’être dit.
8 Je rappelle que dans la décision prise par la
9 Chambre Blaskic le 29 avril 1998, il est indiqué clairement
10 dans cette décision que :
11 « La déclaration du témoin bosniaque, aujourd’hui
12 décédé de mort naturelle » – c’est ce que dit la Chambre –
13 « a été faite sous serment aux enquêteurs du Procureur.
14 Considérant que l’admission de cette déclaration ne préjuge
15 pas de l’opinion de la Chambre par rapport à l’affirmation
16 de la Défense selon laquelle cette déclaration établirait
17 que la localité de Veceriska, Donja Veceriska, était un
18 objectif militaire légitime, du fait qu’elle était
19 défendue, la Chambre se réserve le droit d’accorder en
20 temps opportun la valeur probante que mériterait cet
21 élément de preuve. »
22 La Chambre Blaskic, en admettant cette
23 déclaration, a, bien sûr, pris des réserves et a indiqué
24 qu’au-delà de l’admission du document, elle pèserait
25 ensuite la valeur probante de ce document.
Page 14698
1 Je tenais ainsi à rappeler encore une fois que la
2 Chambre avait considéré que cette déclaration prise en 1995
3 avait été faite sous serment. J’insiste sur ce point
4 puisqu’il n’y a pas dans ce Tribunal de magistrat
5 instructeur qui puisse prendre des déclarations sous
6 serment au sens où nous l’entendons dans certaines
7 juridictions européennes.
8 L’Article 18 du Statut de ce Tribunal indique que
9 le Bureau du Procureur – c’est, en tout cas, dans la
10 version française – est en charge des enquêtes et de
11 l’instruction des dossiers. Nos enquêteurs ne sont pas des
12 Juges d’instruction. Ils n’ont pas reçu de délégation de
13 Juges d’instruction pour prendre des déclarations sous
14 serment au sens où on a pu y faire référence dans les
15 systèmes européens.
16 Il n’en demeure pas moins que les témoins,
17 lorsqu’ils déposent devant nous, s’engagent à dire la
18 vérité et à indiquer tout ce qu’ils ont vu ou entendu et à
19 faire état éventuellement s’il s’agit de faits dont ils ont
20 simplement entendu parler par des tiers, mais ils
21 s’engagent et ils signent leur déclaration comme étant
22 conforme à la vérité de ce qu’ils savent.
23 Nous n’avons pas de système de Juges d’instruction
24 ici. Nous prenons donc ces déclarations, nos enquêteurs
25 prennent ces déclarations selon les modalités et les
Page 14699
1 engagements pris par les témoins que je viens de rappeler.
2 L’enquêteur qui a pris – si cela était nécessaire, nous
3 n’avons aucun problème là-dessus – l’enquêteur qui a pris
4 la déclaration du témoin peut être éventuellement appelé si
5 cela paraît indispensable.
6 J’indiquerai enfin, pour répondre à l’observation
7 de Me Sayers il y a quelques instants, qu’il n’est pas dans
8 la pratique du Bureau du Procureur de prendre des auditions
9 par voie de vidéo pour aucun témoin. Il n’y avait aucune
10 raison en 1995 de prendre un témoignage par voie de vidéo
11 du témoin Midhat Haskic.
12 Monsieur Midhat Haskic est malheureusement décédé
13 en juin, le 4 juin 1997, à un moment où le procès Blaskic
14 n’en était qu’à ses balbutiements. Il n’y avait aucune
15 raison, à ce moment-là, de considérer le témoignage de
16 Monsieur Midhat Haskic comme devant être filmé ou
17 enregistré.
18 Il n’y avait aucune raison non plus, en 1995, de
19 demander à ce témoin si son état de santé était tel qu’il
20 savait déjà qu’il allait décéder deux ans plus tard. Ce
21 n’est pas dans la pratique du Procureur que de demander aux
22 témoins des certificats sur leur état de santé pour
23 éventuellement prendre des mesures conservatoires en cas de
24 décès au cours de la procédure.
25 J’indique enfin, à propos de ce témoignage qui a
Page 14700
1 été donné dans le procès-verbal, que le témoin Midhat
2 Haskic a dû être suffisamment considéré comme crédible par
3 la Défense du Général Blaskic puisqu’elle a tenu à
4 introduire son procès-verbal de déposition dans la
5 procédure Blaskic et il est de fait lorsqu’on lit cette
6 déposition que Monsieur Haskic révèle exactement ce qu’il
7 en est dans ce village, ce qu’il est advenu au cours de
8 cette attaque, et explique clairement que les villageois se
9 sont défendus farouchement lorsqu’ils ont été attaqués.
10 C’est un témoignage qui nous paraît tout à fait
11 honnête. Le témoin est malheureusement décédé. Il doit
12 pouvoir encore, comme je le disais tout à l’heure, apporter
13 son œuvre à la justice comme il l’aurait fait de son
14 vivant.
15 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Merci.
16 [La Chambre discute]
17 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Il s’agit
18 d’une demande présentée par l’Accusation aux fins
19 d’admission des déclarations de deux témoins qui depuis
20 qu’ils ont donné leur déclaration sont décédés. Il s’agit
21 de Monsieur Haskic d’abord, Monsieur Haskic qui a fait une
22 déclaration en septembre 1995. Il est décédé en juin 1997.
23 Le Procureur demande l’admission de sa déclaration
24 aux termes de l’Article 89(C) qui autorise la Chambre à
25 admettre tout élément de preuve pertinent dont elle estime
Page 14701
1 qu’il a une valeur probante, mais bien entendu, l’Article
2 90 stipule que normalement en principe, tous les témoins
3 doivent être entendus directement par la Chambre.
4 L’Accusation avance qu’il s’agit d’une exception puisque le
5 témoin est décédé. Donc, il n’est pas possible de
6 l’entendre directement.
7 L’Accusation fait référence et s’appuie sur la
8 jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme
9 qui a statué et stipulé que de tels éléments de preuve ne
10 vont pas nécessairement à l’encontre de l’Article 6.
11 Le Procureur a fait référence à l’affaire Isgrow
12 entre autres, mais bien entendu, dans Unterpringer, la Cour
13 a dit qu’il y avait peut-être une violation et que dans ce
14 cas, la condamnation a été annulée, si un tel témoignage
15 était la seule base d’une condamnation.
16 Il est reconnu, il est accepté que dans sa
17 déclaration, Monsieur Haskic parle d’un fait très important
18 relatif à l’accusé Dario Kordic et à sa présence à Donja
19 Veceriska le soir du 15 avril 1993. Il était alors en
20 compagnie de certains membres des forces armées.
21 La Défense s’oppose à cette admission en partie
22 pour cette raison. La Défense avance que cela signifie
23 qu’un témoin présentant des éléments de preuve extrêmement
24 importants ne sera pas contre-interrogé. Il n’y aura pas
25 de contre-interrogatoire. Donc, ça c’est une objection de
Page 14702
1 la Défense.
2 La Défense avance également que le certificat de
3 décès n’est pas complet. Ceci ne suffit pas en soi pour
4 interdire l’admission des éléments de preuve, sauf si nous
5 pensions que ce certificat était peut-être falsifié.
6 L’Accusation avance que cet élément de preuve a
7 été admis dans l’affaire Blaskic mais la Défense, avec une
8 certaine justesse, insiste sur le fait que ceci a été fait
9 à la demande de la Défense et qu’il n’y avait pas
10 d’objection de la part de la Défense et donc que les
11 circonstances actuelles sont différentes, et la Défense a
12 raison.
13 Mais la vraie question qui se pose ici c’est de
14 savoir si cette déclaration doit être admise sans qu’il y
15 ait contre-interrogatoire. Donc, la Défense n’a pas eu la
16 possibilité de procéder à un contre-interrogatoire.
17 Nous sommes donc parvenus à la conclusion qu’il ne
18 serait pas juste, qu’il serait erroné de ne pas permettre à
19 la Chambre d’avoir accès à cette déclaration pour un seul
20 motif technique.
21 Ici il s’agit, bien entendu, du poids à accorder à
22 cet élément de preuve. L’Article 89(C) donne un certain
23 pouvoir discrétionnaire à la Chambre en ce qui concerne
24 l’admission des éléments de preuve, et bien entendu, il est
25 tout à fait clair que lorsque nous en viendrons à étudier
Page 14703
1 cet élément de preuve, nous garderons, bien entendu, à
2 l’esprit que cet élément de preuve n’a pas fait l’objet de
3 contre-interrogatoire.
4 Ce témoin n’a pas fait l’objet de contre-
5 interrogatoire. Sa déclaration n’a pas été donnée sous
6 serment, bien qu’à la fin de sa déclaration, le témoin ait
7 reconnu tout à fait clairement qu’il avait fait sa
8 déclaration volontairement, en ayant tout à fait conscience
9 qu’elle pourrait être utilisée dans le cadre de procédures
10 juridiques. Mais quoi qu’il en soit, sa déclaration n’a
11 quand même pas été donnée sous serment.
12 Donc, nous garderons tout cela à l’esprit et nous
13 garderons aussi à l’esprit la chose suivante, à savoir que
14 comme le dit la Cour européenne des Droits de l’Homme, il
15 n’est pas possible de condamner l’accusé sur la base seule,
16 sur la base de cette seule déclaration si elle n’était pas
17 corroborée par d’autres déclarations, et ça, c’est quelque
18 chose que les Juges garderont à l’esprit, bien entendu.
19 Maintenant en ce qui concerne la deuxième
20 déclaration, là, la situation est un petit peu différente.
21 Tout d’abord, le compte rendu d’audience de la déposition
22 de ce témoin a été admise. Comme nous l’avons dit dans la
23 décision Tulica, nous n’avons pas accepter, admis de
24 déclaration de témoins lorsque les comptes rendus
25 d’audience avaient eux déjà été admis et nous pensons qu’il
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1 en va de même ici puisque dans cette déclaration, il n’y a
2 pas d’élément supplémentaire, d’élément si important qu’il
3 justifie l’admission de cette déclaration alors que le
4 compte rendu d’audience a déjà été, lui, versé au dossier.
5 Ce qui est dit dans la déclaration fait double emploi, va
6 dans le sens de ce qui a été dit par le témoin lorsqu’il a
7 déposé. C’est pour cette raison que nous n’allons pas accepter le
8 versement au dossier de la déclaration de Monsieur Friis-Pedersen
9 mais que nous admettrons celle de Monsieur Haskic.
10 Il nous reste maintenant à étudier les autres
11 catégories mais peut-être qu’il vaudrait mieux le faire demain.
12 Me NICE (interprétation): Oui, bien entendu. Nous n’avons
13 pas assez de temps pour traiter de la catégorie B.
14 Il y a d’autres part les questions 15 et 16. Nous
15 disposons maintenant d’éléments qui sont différents de ceux
16 dont nous disposions auparavant. Il n’est pas possible
17 pour la Section chargée des Témoins et des Victimes
18 d’obtenir donc une déclaration de cette personne dans de
19 très brefs délais. Cela pourrait être fait par nous-mêmes.
20 Si cela est possible, à ce moment-là, nous pourrions fournir
21 un document annexé à la déclaration avant demain matin.
22 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Fort bien !
23 Si vous nous présentez les choses de cette façon, à ce
24 moment-là, nous les étudierons. Bien.
25 Quel est le programme pour demain matin ?
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1 Me NICE (interprétation) : Je pense qu’il
2 conviendrait de finir de parler des témoins aussi
3 rapidement que possible et ensuite de parler des cartes.
4 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Bien !
5 Me NICE (interprétation) : Monsieur Lopez-Terres me
6 confirme que nous ne sommes pas parvenus à un accord de grande
7 envergure avec la Défense et qu’il faut donc poursuivre.
8 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Nous
9 traiterons donc demain des cartes et des témoins d’abord,
10 ainsi que d’ailleurs des cassettes.
11 Me SAYERS (interprétation) : Monsieur le Président, nous
12 avons également une demande en ce qui concerne la carte. Je sais
13 que la Chambre a demandé la présentation de cartes qui présentent
14 les lignes de front et cela sera en effet très utile mais nous
15 estimons que le rapport qui a été préparé par Monsieur Elford va
16 bien au-delà de cela et nous souhaiterions en parler à la
17 Chambre.
18 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Avant la déposition de
19 ce témoin, nous allons décider sur quels éléments il déposera et
20 sur quels éléments il ne sera pas autorisé à déposer.
21 Bien ! Nous nous retrouverons demain à 9 h 30
22 dans cette même salle.
23 --- L’audience est levée à 17 h 30
24 pour reprendre le mardi
25 22 février 2000 à 9 h 30