Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Lundi 18 Septembre 2000.)

  2   (Audience publique.)

  3   (L'audience est ouverte à 9 heures 40.)

  4   (Le témoin, M. Drago Nakic, est introduit dans le prétoire.)

  5   M. le Président (interprétation): Le témoin peut-il faire sa déclaration?

  6   M. Nakic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

  7   vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

  8   M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.

  9   M. Nakic (interprétation): Merci.

 10   (Interrogatoire de M. Drago Nakic par Me Kovacic.)

 11   M. Kovacic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 12   Bonjour, Monsieur. Merci d'avoir répondu à cet appel, d'être venu

 13   témoigner devant le Tribunal. Je vous prie d'abord, pour les besoins du

 14   procès-verbal, de décliner votre identité: nom, prénom, date et lieu de

 15   naissance.

 16   M. Nakic (interprétation): Je m'appelle Drago Nakic. Je suis né le 17

 17   juillet 1949 à Vitez.

 18   Question:   Comme vous venez de commencer et étant donné que nous parlons

 19   la même langue, je vous prie de ménager après mes questions une petite

 20   pause pour que les interprètes puissent vous suivre.

 21   Etes-vous marié?

 22   Réponse:    Oui.

 23   Question:   Avez-vous des enfants?

 24   Réponse:    J'ai deux enfants.

 25   Question:   De nationalité vous êtes croate, de confession catholique, de


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  1   l'église catholique romaine?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Etes-vous de nationalité de Bosnie-Herzégovine?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Avez-vous également une nationalité de République de Croatie?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Le fait que vous détenez donc deux nationalités, est-ce

  8   conforme aux lois des deux républiques respectives?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Quelle est votre formation, s'il vous plaît?

 11   Réponse:    Je suis économiste diplômé. J'ai fait mes études et j'ai été

 12   diplômé en 1974 à Sarajevo.

 13   Question:   Où êtes-vous employé actuellement?

 14   Réponse:    Actuellement, je suis employé à l'usine Vitezit de Vitez, l'un

 15   des trois secteurs du SPS de Vitezit, Vitezit Cromen, dans cette section

 16   qui s'occupe d'explosifs pour les besoins des mines.

 17   Question:   Mais avant, comment était intitulé ce secteur?

 18   Réponse:    L'usine formée en 1950 portait le nom de Slobodan Princip

 19   Seljo. Avec le temps, par la création des organisations de base, comme on

 20   l'appelait dans l'ex-Yougoslavie, il y a eu ensuite fusion entre trois

 21   entités: primo, production de moyens militaires; deuxièmement, production

 22   pour les économies nationales, par conséquent civiles, affectations

 23   spéciales; troisième secteur : production de masses plastiques sur la base

 24   de PVC et de polyéthylène.

 25   Question:   Avant ces malheureux temps qui ont frappé la Bosnie, vous


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  1   étiez donc employé dans ce secteur de Vitezit qui produisait des explosifs

  2   pour les besoins de l'économie, pour le secteur civil?

  3   Réponse:    Oui, pour tout ce qui était employé dans l'économie, dans la

  4   vie civile, c'est-à-dire pour les besoins du bâtiment, les mines,

  5   ingénierie, etc.

  6   Question:   Ces trois secteurs, à l'usine, ont été situés dans une même

  7   enceinte et, d'une façon populaire, on appelait cette enceinte de l'usine

  8   SPS?

  9   Réponse:    Oui. Nous sommes tous, en quelque sorte, nés là-bas. Nous

 10   sommes sortis de cette usine-mère qui devrait couvrir différentes

 11   fonctions en matière de production d'énergie, de maintenance, etc.

 12   Question:   Je vous remercie.

 13   Monsieur Nakic, au cours de l'année 1992, lorsqu'il y avait déjà lieu de

 14   parler de l'agression de la JNA contre la Bosnie, lorsqu'il y avait une

 15   tension en escalade entre différentes nationalités, peut-on dire que, dans

 16   le cadre de l'usine où vous avez été employé, où vous avez circulé, il y a

 17   eu quelques changements à observer quant aux rapports entre Musulmans et

 18   Croates?

 19   Réponse:    Non.

 20   Question:   Je vous prie de confirmer seulement -ce prétoire l'a déjà

 21   entendu et à plusieurs reprises- qu'il n'y avait aucun doute pour ce qui

 22   est de la composition ethnique des employés à l'usine et que celle-ci

 23   correspondait à peu près à la composition ethnique de la population

 24   environnante, d'une manière générale?

 25   Réponse:    Oui, c'est bien cela. D'ailleurs pendant de longues années.


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  1   Question:   Lorsqu'en 1992, il y a une diminution importante de la

  2   production, c'est-à-dire des capacités de production, pouvez-vous dire que

  3   oui?

  4   Réponse:    Oui, peut-être. Si vous permettez, je peux corroborer quelques

  5   faits. Etant donné que les relations avec l'ex-Yougoslavie ont été

  6   rompues, l'usine a perdu sa principale source d'approvisionnement de

  7   matière première, ne serait-ce que pour dire que l'usine a été organisée

  8   de cette sorte-là. Et la majeure partie des produits finis, pour ce qui

  9   est de la matière première, elle venait d'ailleurs, des autres régions

 10   yougoslaves. Ainsi donc, avec ces relations rompues, on peut dire que nous

 11   avons perdu dans les 70% de la totalité des composantes que nous n'avons

 12   pas pu produire.

 13   Il ne faut pas oublier le comportement de l'Europe par rapport à ce que la

 14   Yougoslavie représentait. Il ne pouvait pas avoir une meilleure situation

 15   économique, par conséquent une chute drastique, dramatique de la

 16   production était inéluctable. Il y avait déjà lieu de parler d'un chômage

 17   technique, technologique. Et cela était valable pour toutes les

 18   nationalités.

 19   Question:   Je vous remercie. Au cours de l'année 1991, lorsque plusieurs

 20   partis politiques ont été créés dans le cadre d'un tout premier système

 21   pluripartiste, peut-on dire que la direction de l'usine a pris une

 22   attitude tout à fait décidée par rapport à ce phénomène-là?

 23   Réponse:    Non.

 24   Question:   La direction de l'usine a-t-elle aidé de quelconque façon le

 25   fonctionnement et la création de partis à cette époque-là?


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  1   Réponse:    Non.

  2   Question:   A la direction de l'usine, c'est-à-dire de ses trois secteurs,

  3   peut-on dire que la composition du produit national de ces gens-là

  4   correspondait à la composition ethnique à l'usine et d'une manière

  5   générale?

  6   Réponse:    Oui, parce qu'à la direction de Vitezit, ne serait-ce que pour

  7   parler du secteur où j'étais employé, il y avait des Croates, des

  8   Musulmans, des Serbes, même à la direction la plus restreinte, je dirais

  9   dans le domaine de la production des explosifs.

 10   Question:   Qu'était, à cette époque-là, M. Kalco Nusret?

 11   Réponse:    Il était membre du conseil de direction et lui, comme il était

 12   ingénieur en chimie, il devait couvrir pas mal de ces activités.

 13   Question:   Il était musulman de nationalité?

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question:   Etait-il le seul Musulman parmi les responsables du conseil de

 16   direction?

 17   Réponse:    Non, nous avons eu au conseil de direction le responsable du

 18   développement économique musulman et puis le chef des services de

 19   transport, fort important, qui s'appelait Vrbanjac ; pour ce qui est des

 20   transports, c'était Zukic Nusret. Voilà ces quelques individus que je vous

 21   note et cite juste à titre de cette thèse-là.

 22   Question:   Je vous remercie.

 23   Vous avez dit que ces événements en Bosnie ont eu pour effet la diminution

 24   de la production. Mais vous continuiez vos activités?

 25   Réponse:    Oui.


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  1   Question:   En 1992, votre usine peut livrer une certaine quantité de ses

  2   produits. Pouvez-vous nous dire vers où allaient ces écoulements? Qui

  3   étaient les acheteurs, les clients?

  4   Réponse:    Je dois dire que, pour ce qui est des explosifs pour les

  5   besoins de l'économie nationale, environ 75% étaient écoulés vers les

  6   mines, c'est-à-dire qui se trouvaient en Bosnie à Tuzla, Zenica, Kakanj;

  7   avant, c'était Vlasenica, Srebrenica, etc. Les besoins étaient donc réels

  8   et nous, de notre côté, nous avons voulu travailler à temps plein pour

  9   arriver à livrer autant que possible.

 10   Question:   Etant donné que ces produits devaient être livrés, mais contre

 11   paiement évidemment, comment se présentait la situation en 1992?

 12   Réponse:    On pourrait peut-être dire qu'il y avait deux groupes de

 13   clients. Disons d'abord, les mines qui étaient nos acheteurs parmi les

 14   plus importants, et qu'on connaissait bien : étant donné qu'ils étaient

 15   obligés d'en acheter, évidemment, on était sûr que tôt ou tard, ils

 16   paieraient. Pour ce qui est d'un autre groupe d'acheteurs, par exemple les

 17   carrières ou peut-être dans le domaine du génie civil, dans le domaine du

 18   bâtiment, évidemment, nos produits seraient livrés uniquement à ceux qui

 19   payent, peu importe d'où ils venaient, que ce soit de Bosnie,

 20   d'Herzégovine et d'ailleurs.

 21   Question:   Etant donné la spécificité de vos produits, le transport

 22   jouait un rôle important?

 23   Réponse:    Oui. Et comment !

 24   Question:   En 1992, étant donné la situation en Bosnie, les régions où se

 25   trouvaient vos clients, avez-vous déjà ressenti quelques problèmes en


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  1   matière de transport?

  2   Réponse:    Oui, justement, quand il s'agit de poursuivre jusqu'au bout,

  3   jusqu'au dernier usager, tous nos produits.

  4   Question:   Est-ce que vous avez pu livrer également vos produits, en

  5   1992, vers la République de Croatie?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Peut-on dire que ces transports ou, disons, ce secteur de vos

  8   activités était régulier, dans des conditions normales?

  9   Réponse:    Tout dépendait évidemment des possibilités qui étaient les

 10   leurs, mais également de leur capacité de paiement quant aux entreprises

 11   de Croatie.

 12   Question:   Est-ce que vos souvenirs sont bons encore et suffisants pour

 13   dire qu'en 1993, il y a pas mal de produits à livrer vers le marché?

 14   Réponse:    Oui, il y avait une partie de nos produits à écouler, mais

 15   déjà au début de 1992, nous avons dit qu'étant donné plusieurs raids de

 16   l'aviation de la JNA il a fallu déplacer une bonne partie de nos produits,

 17   tout simplement pour les éloigner de la ville de Vitez et des environs ;

 18   et qu'éventuellement, un jour, on pourrait voir ces produits écoulés vers

 19   leurs acheteurs potentiels, d'une part, vers l'Europe occidentale et,

 20   d'autre part, vers la Croatie.

 21   Voilà comment nous avons déplacé ces produits pour les entreposer dans les

 22   environs de la ville de Split, très exactement à Sinj.

 23   Question:   Peut-on dire qu'avant la guerre, vous avez eu vos entrepôts

 24   dans les ports de Ploce, qui était votre port pour l'écoulement de vos

 25   produits?


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  1   Réponse:    Oui, c'est bien cela, étant donné que Ploce était un port

  2   réservé pour l'écoulement de nos produits vers les pays d'outre-mer.

  3   Question:   Maintenant, vous avez -comme vous le dites vous-même- déplacé

  4   et transféré tous ces produits vers Split et Sinj ?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Pour ce qui est de la production, peut-on dire qu'elle a été

  7   régulière, normale ? Peut-on dire que le jour du 16 avril 1993, l'usine a

  8   toujours fonctionné?

  9   Réponse:    Oui, dans une toute petite partie de ses capacités, jusqu'à ce

 10   malheureux conflit d'Ahmici, on a travaillé à l'usine sur la base des

 11   matières premières stockées préalablement pour produire des explosifs de

 12   telle structure qui ne correspondait pas vraiment, à proprement parler, à

 13   ce qui devait être importé.

 14   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, je vais parler

 15   maintenant du point 1.5, pour ne pas qu'il y ait de redondance, juste à

 16   titre de vérification et de confirmation.

 17   M. le Président (interprétation): Oui, il n'y a aucun problème là dedans.

 18   Tout simplement, c'est la dernière phrase qui nous intéresse à titre de

 19   confirmation.

 20   M. Kovacic (interprétation): Je ne sais pas ; je n'ai pas bien capté la

 21   traduction.

 22   M. le Président (interprétation): Tout ce qui n'est pas contestable ici,

 23   c'est peut-être cette dernière phrase.

 24   M. Kovacic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous

 25   nous référons justement à cette dernière phrase, Monsieur Nakic. Etant


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  1   donné l'importance de l'usine dans cette chaîne technologique, expliquée

  2   déjà, et ce que vous venez d'expliquer dans le détail, peut-on dire...

  3   M. le Président (interprétation): Laissez le témoin en témoigner.

  4   M. Kovacic (interprétation): Peut-on dire que cette usine, par ses

  5   capacités, avait une grande importance pour cette guerre, à cette époque-

  6   là? Pouvez-vous nous expliquer un peu cette phrase?

  7   M. Nakic (interprétation): Ce dont j'ai parlé, il s'agit bien de ces

  8   explosifs produits pour les besoins de l'économie nationale. Mais disons

  9   qu'il a été tout à fait clair que nous avons été conscients de ce qui

 10   allait se passer en Bosnie-Herzégovine. Disons qu'une partie de nos

 11   produits à affectation spéciale était si importante que l'on pouvait

 12   supposer que toutes les parties pourraient être intéressées à s'en saisir,

 13   de cette partie de la production de notre usine. La meilleure preuve en

 14   est l'agression perpétrée par l'ancienne JNA qui, elle, à plusieurs

 15   reprises, a tenté de s'emparer de l'usine. Ensuite, ils ont essayé,

 16   moyennant les raids de leur aviation, d'anéantir nos capacités. Pour

 17   parler d'une telle attitude, pour parler de l'ambiance dans laquelle nous

 18   avons évolué, étant donné le rapport des forces en présence en Bosnie-

 19   Herzégovine, ils avaient eux aussi un programme spécial à commencer par

 20   Vogosce, Konjic, Bugojno, Novi Travnik dans cette partie placée sous leur

 21   contrôle, il était tout à fait logique qu'ils se voulaient capables

 22   évidemment de cerner un certain programme. Ils étaient donc intéressés par

 23   l'usine de Vitez.

 24   Question:   Si j'ai bien compris, il ne manquait encore à l'armée de

 25   Bosnie-Herzégovine que la production de poudre pour justement cerner le


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  1   programme de sa production en temps de guerre?

  2   Réponse:    Oui, c'est bien cela.

  3   Question:   Pour quelle raison, en 1992, avez-vous été obligé de faire –

  4   disons- de plus en plus de vos travaux à partir de Split?

  5   Réponse:    Déjà début 1992, il s'avérait évidemment qu'il était

  6   impossible de poursuivre nos activités, surtout dans le domaine de nos

  7   transactions commerciales et financières qui, elles, supposaient certaines

  8   conditions pour que la production fonctionne dans un cadre aussi normal

  9   que possible. Or, pour nous mettre à la recherche de nouvelles sources de

 10   matières premières pour nous en approvisionner, jusqu'au paiement, jusqu'à

 11   l'encaissement de biens écoulés ainsi que contractés, et cela pour l'année

 12   1991, pour parler de la fin de l'année 1991, nous pouvons dire que

 13   c'étaient les marchés de Bosnie-Herzégovine, de Croatie et d'Allemagne qui

 14   étaient intéressants.

 15   Question:   Quand avez-vous ouvert votre office ainsi déplacé à Split?

 16   Réponse:    Déjà en avril 1992, nous avons pris les mesures nécessaires.

 17   C'est au mois de juin que cet office de Split a été fondé, qui avait pour

 18   tâche de réaliser les transactions commerciales et financières pour les

 19   besoins de l'usine Vitezit, mais aussi pour les autres secteurs de

 20   l'entreprise SPS et de la municipalité de Vitez.

 21   Question:   Quel était le rôle qui était le vôtre quant à la fondation de

 22   cet office de Split? Est-ce que vous vous déplaciez tout le temps? Est-ce

 23   que vous étiez peut-être à Split ou à Vitez? Pouvez-vous nous expliquer

 24   cela en quelques mots?

 25   Réponse:    C'est juste pour remplir ma tâche que j'ai dû m'occuper de


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  1   cette activité. D'abord, j'ai tout fait quant aux formes d'organisation,

  2   au système de travail de l'office. Il a fallu d'abord trouver un local, il

  3   a fallu négocier. C'était dans le cadre du bâtiment Monter de Split,

  4   jusqu'aux toutes dernières opérations, à savoir déplacer une partie des

  5   véhicules qui seraient en fonction de l'écoulement de nos produits vers le

  6   territoire de la Croatie, étant donné que nous, usine Vitezit, nous avons

  7   été la seule spécialisée dans le transport de matériaux dangereux suivant

  8   les normes internationales en vigueur. Une fois de retour à la direction,

  9   il a été décidé que, pour un premier temps, il a fallu envoyer un staff

 10   opérationnel. Il y avait M. Haris Vrbanjac, premier envoyé là-bas, qui

 11   était musulman avec M. Dzevad Redzanovic, musulman aussi, lui, ingénieur

 12   en technologie de formation. Il a fallu prévoir pas mal d'opérations quant

 13   à la recherche de nouveaux consommateurs, de nouveaux clients en Croatie,

 14   étant donné que les conditions ont été modifiées après le démantèlement de

 15   la Yougoslavie. Il y avait encore quatre conducteurs de véhicules, dont

 16   deux Musulmans qui, en juin 1992, étaient déjà bien établis à Split.

 17   Question:   Quant à vous, quand est-ce que vous avez déménagé pour ainsi

 18   dire à Split, physiquement parlant, personnellement?

 19   Réponse:    Personnellement, j'ai fait la navette pendant un certain

 20   temps. C'est au mois d'octobre 1992 que je peux dire que j'avais déménagé.

 21   Question:   Selon les besoins, vous vous déplaciez de Vitez à Split?

 22   Réponse:    Oui.

 23   Question:   En octobre 1992, comment se présentaient les conditions de

 24   voyage en voiture pour vous rendre de Vitez à Split?

 25   Réponse:    Je dois vous dire qu'il y avait plusieurs directions à


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  1   prendre, mais je ne peux dire que l'une quelconque d'entre elles aurait pu

  2   être considérée comme un voyage agréable. Par conséquent, rien n'était

  3   normal lorsqu'il fallait se rendre de Vitez à Split.

  4   Question:   Avant la guerre, vers la fin des années 80, combien de temps

  5   fallait-il pour vous rendre de Vitez à Split?

  6   Réponse:    Dans ces années-là auxquelles vous faites référence, étant

  7   donné les conditions, selon votre voiture, on mettait de quatre à quatre

  8   heures et demie.

  9   Question:   Maintenant, dans les conditions de guerre?

 10   Réponse:    Cela allait jusqu'à dix heures. Tout dépendait des check-up.

 11   Question:   Vous pensez à des barrages, à ces points de contrôle?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Ces contrôles étaient-ils organisés par toutes les armées en

 14   présence à cette époque-là?

 15   Réponse:    Oui, il y en avait de l'armée croate, de Bosnie-Herzégovine.

 16   Malheureusement, on ne pouvait pas se rendre par le territoire sous le

 17   contrôle des Serbes.

 18   Question:   Vous ne pouviez donc pas partir et traverser le territoire

 19   sous le contrôle de la JNA, des Serbes?

 20   Réponse:    C'est bien cela.

 21   Question:   En fait, n'y avait-il pas une route qui s'appelait la voie du

 22   secours ou la route du secours? A quoi devait-elle servir?

 23   Réponse:    Cette route du salut -peut-être était-ce comme cela qu'on

 24   l'appelait-, j'ai contribué directement à son élaboration. Elle a été

 25   construite par les Musulmans et les Croates. Elle n'avait qu'une seule


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  1   fin : c'était de créer des conditions normales permettant un acheminement

  2   de marchandises, un approvisionnement normal pour les Musulmans et les

  3   Croates pour qu'ils puissent survivre. Je pense surtout ici aux produits

  4   alimentaires et aux produits de première nécessité.

  5   Question:   Afin de ne pas perdre trop de temps sur cette question, je ne

  6   vous demanderai que ceci: cette route que les municipalités de Bosnie-

  7   Herzégovine avait construite à partir de leurs propres ressources, elle

  8   devait contourner certaines zones détenues par la JNA afin d'assurer la

  9   communication avec la Croatie, n'est-ce pas?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Et pour vous, c'était votre seule voie vers le sud?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Votre seule route vers la Croatie?

 14   Réponse:    C'est exact.

 15   Question:   Vous nous avez expliqué ce que faisait ce bureau installé à

 16   Split. Pour en terminer sur ce point de l'interrogatoire, je vous demande

 17   ceci: quand ce bureau a-t-il commencé à s'occuper d'autre chose que

 18   d'activités simplement commerciales?

 19   Réponse:    On peut dire qu'à partir du moment de sa création, ce bureau

 20   s'est acquitté d'autres activités également. Je vais vous expliquer

 21   pourquoi: en 1992, plus exactement au mois d'avril 1992, après le premier

 22   pilonnage de la JNA, après les premiers raids aériens, il y a eu un

 23   véritable exode de femmes et d'enfants qui ont quitté Vitez et qui, pour

 24   la plupart, se sont retrouvés sur le territoire de la République de

 25   Croatie, depuis Makarska, depuis Zadar et encore plus au nord. La partie


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  1   de la population qui restait le plus près de Vitez -excusez-moi, je

  2   parlais de Split- a utilisé notre bureau en tant que centre où ils

  3   pouvaient obtenir des informations et demander des conseils, obtenir de

  4   l'aide. Ceci vaut surtout pour les femmes qui venaient nous voir. Il y en

  5   avait qui n'avaient pas d'argent et qui ne connaissaient pas bien la

  6   région; ils venaient chez nous.

  7   Question:   Peut-on résumer la situation en disant qu'une bonne partie de

  8   votre activité consistait à fournir de l'assistance à vos concitoyens de

  9   Bosnie Centrale? Vous faisiez en quelque sorte office de consul ou de

 10   consulat, puisqu'on parle de votre bureau?

 11   Réponse:    C'est exact.

 12   Question:   En 1993, à un moment donné, on a commencé à officialiser ces

 13   rapports parce que tout ceci nécessitait beaucoup de ressources qu'il vous

 14   fallait trouver, n'est-ce pas?

 15   Réponse:    Oui.

 16   M. Kovacic (interprétation): Je voudrais soumettre un document très court;

 17   malheureusement, il n'a pas été traduit. C'est le témoin qui l'a apporté.

 18   M. le Président (interprétation): Eh bien, placez-le sur le

 19   rétroprojecteur.

 20   M. Kovacic (interprétation): De toute façon, j'ai donné une copie de

 21   l'original aux interprètes.

 22   Monsieur Nakic, je vais vous demander d'examiner ce document, ce document

 23   que vous m'avez remis. Pourriez-vous en expliquer la signification? Votre

 24   nom est mentionné, mais pourriez-vous nous parler de la teneur de ce

 25   document?


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  1   M. Nakic (interprétation): Etant donné les événements qui se produisaient

  2   en Bosnie Centrale, étant donné les problèmes manifestes qui

  3   apparaissaient, les autorités civiles ont pris une décision. Dans ce

  4   document, on se contente d'énumérer les noms des personnes de la

  5   municipalité de Vitez. Ces personnes devaient officiellement assurer

  6   certaines fonctions; elles devaient organiser l'aide qu'il fallait fournir

  7   aux personnes qui se trouvaient sur le territoire de la République de

  8   Croatie et aider aussi ceux qui se trouvaient sur le territoire de la

  9   municipalité de Vitez.

 10   Vous savez que les communications étaient interrompues, qu'il n'était plus

 11   possible de se déplacer librement; c'est la raison pour laquelle un bureau

 12   a été établi dans les locaux du bureau Vitezit, lequel élargissait ses

 13   activités pour y englober certaines fonctions que je vous ai déjà

 14   décrites, à savoir la fourniture d'assistance.

 15   M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous dire, en quelques

 16   mots, quel est le contenu de ce document?

 17   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire

 18   qui a délivré ce document et ce qu'il nous dit?

 19   M. Nakic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce

 20   document a été délivré par le président de la municipalité de Vitez, par

 21   le maire, M. Ivan Santic.

 22   Question:   Pourriez-vous nous lire le dernier paragraphe, en fin de page,

 23   afin que nous comprenions de quoi il s'agit?

 24   Réponse:    "La tâche de ce bureau est d'organiser tout type d'aide à

 25   destination de la municipalité de Vitez en assurant la poursuite de la


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  1   coopération -numéro de fax, téléphone- avec le gouvernement du HVO de

  2   Vitez, avec les membres de l'autorité civile de la municipalité de Vitez".

  3   Question:   Merci. J'aimerais verser cette pièce au dossier.

  4   Mme Thompson (interprétation): Il s'agira du document D114/2.

  5   M. le Président (interprétation): Je suppose que nous allons recevoir sous

  6   peu une traduction?

  7   M. Kovacic (interprétation): Cette traduction est déjà commandée.

  8   Un peu plus tard, en été, d'autres municipalités de Bosnie centrale ont

  9   rejoint cette infrastructure, l'ont utilisée, ont utilisé ses entrepôts et

 10   le personnel que vous aviez à Split, n'est-ce pas? Je parle des

 11   municipalités où il y avait le gouvernement du HVO.

 12   M. Nakic (interprétation): C'est exact.

 13   Question:   Je vais demander à Monsieur l'huissier de m'aider à distribuer

 14   ce document.

 15   (L'huissier s'exécute.)

 16   Monsieur, veuillez examiner ce document.

 17   Je voudrais avoir une cote, Madame la Greffière?

 18   Mme Thompson (interprétation): Document D115/2.

 19   M. Kovacic (interprétation): Merci.

 20   Monsieur Nakic, est-il exact de dire que ce document porte sur cette

 21   période de temps, ce moment où vous avez élargi vos activités pour

 22   englober d'autres municipalités?

 23   Réponse:    Eh bien, j'ajouterai qu'il y avait la nécessité d'englober ces

 24   activités et la nécessité de porter assistance aux personnes qui se

 25   trouvaient encerclées.


Page 24813

  1   Question:   Je vous remercie. Jusqu'à présent, dans votre déposition

  2   d'aujourd'hui, vous avez fait état des personnes, ou des véhicules plus

  3   exactement que vous aviez à Split pour vous permettre d'exporter ou de

  4   distribuer vos produits, vos marchandises? Qu'est-il advenu de ces

  5   véhicules, en tout cas d'un certain nombre d'entre eux, vers le milieu de

  6   l'année 1993?

  7   Réponse:    Il n'y avait pas des véhicules qu'à Split: il y avait des

  8   véhicules qui avaient été trouvés ce malheureux 16 avril 1993 sur le

  9   territoire de la République de Croatie. C'étaient ceux-là que nous

 10   utilisions ; il s'agissait de deux véhicules et d'autres qui avaient été

 11   utilisés pour apporter l'aide humanitaire, pour apporter la nourriture là-

 12   bas à Split, à Ploce, certains à Zadar et même d'autres à Zagreb .

 13   Pendant tout un temps, parce que j'essayais de concentrer toutes ces

 14   personnes en un seul endroit, de ce fait, en dépit ou plutôt étant donné

 15   les bonnes relations commerciales que nous avions avec Ploce et vu

 16   l'existence de nos contrats, ces véhicules ont été installés dans le port

 17   de Ploce, puisque c'est là que nous avions des véhicules et des entrepôts.

 18   Mais, par la suite, j'ai appris que tout ceci avait été déplacé en Bosnie-

 19   Herzégovine, donc plus exactement en Herzégovine.

 20   Question:   En avez-vous informé la direction de l'usine et la

 21   municipalité, M. Santic?

 22   Réponse:    J'en ai informé la direction de l'entreprise : je leur ai dit

 23   que ces véhicules avait été transférés et que j'en avais perdu la trace.

 24   Puisque c'était moi qui étais le responsable, je devais à ce titre veiller

 25   sur la sécurité des marchandises. C'était là mon premier objectif.


Page 24814

  1   Question:   Je voudrais que l'on soumette au témoin un autre document.

  2   Merci, Monsieur l'huissier.

  3   (L'huissier s'exécute.)

  4   Mme Thompson (interprétation): Il s'agira du document D116/2.

  5   M. Kovacic (interprétation): Monsieur Nakic, veuillez examiner ce document

  6   pour nous dire si l'événement relaté ici est bien celui dont vous venez de

  7   parler, à savoir qu'il y a eu saisie de ces véhicules par la police

  8   militaire? Est-ce exact?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Même si le texte ne le montre pas clairement, on parle de la

 11   police militaire de Grude : mais c'était la police de quel côté?

 12   Réponse:    Des Croates.

 13   Question:   La police militaire du HVO à Grude a donc saisi les véhicules

 14   qui étaient en fait la propriété de votre entreprise à Vitez?

 15   Réponse:    C'est exact.

 16   Question:   Grude. Situons cette ville sur le plan géographique : elle se

 17   trouve dans quel Etat?

 18   Réponse:    Bosnie-Herzégovine.

 19   Question:   Fort bien. C'est une partie de la Bosnie qu'on appelle plutôt

 20   l'Herzégovine?

 21   Réponse:    C'est exact.

 22   Question:   Est-ce que vous reconnaissez la signature qui figure sur ce

 23   document?

 24   Réponse:    Chef du conseil municipal, du gouvernement municipal, M.

 25   Santic. Ivo Santic.


Page 24815

  1   Question:   Merci. Monsieur Nakic, pourriez-vous nous dire quand

  2   précisément, en 1993, après le début de la guerre, à quel moment disais-

  3   je, à quel moment les communications terrestres ont été interrompues entre

  4   Vitez et les municipalités environnantes, entre cette partie-là et le sud,

  5   à savoir la Croatie?

  6   Réponse:    Cela s'est passé au moment de ces conflits malheureux entre

  7   les Croates et les Musulmans en Bosnie Centrale, et plus précisément vers

  8   la mi-avril 1993.

  9   Question:   A Split, qu'est-ce qu'on vous a demandé de faire afin de

 10   permettre tout du moins le transport des blessés et d'autres patients

 11   depuis Vitez en direction de Split?

 12   Réponse:    Au cours de ces premiers mois, et je vous dirai que tout ceci

 13   m'a pris par surprise. Pendant cette période, les contacts se sont

 14   maintenus afin d'aider ceux surtout qui se trouvaient à Split. Cependant,

 15   les combats sont devenus plus intenses, en Bosnie Centrale. En fait, la

 16   zone tenue par les Croates se réduisait comme peau de chagrin, parce qu'il

 17   y avait ce siège ; il fallait donc garder des contacts avec le monde

 18   extérieur pour l'informer ; je pense ici surtout à la Croatie, à l'Europe.

 19   Il fallait maintenir ce contact à travers les travailleurs immigrés. Nos

 20   activités, à l'époque, avaient pour but de faire connaître la vérité, de

 21   dire au monde ce qui se passait en Bosnie Centrale.

 22   Question:   Poursuivez.

 23   Réponse:    Au moment des premiers gros combats, lorsqu'il y a eu de plus

 24   en plus de blessés et de pertes, nous nous sommes rendu compte qu'il

 25   fallait vraiment aider ceux qu'on ne pouvait pas aider autrement,


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  1   notamment dans les hôpitaux de fortune ou l'hôpital de fortune de Nova

  2   Bila. Il est devenu nécessaire de trouver une solution à partir des seuls

  3   moyens que nous avions, c'est-à-dire que nous avions quelques avions ou

  4   quelques appareils pour évacuer les personnes.

  5   Question:   Et qu'avez-vous fait précisément? Qu'aviez-vous pour tâche?

  6   Réponse:    Eh bien, à partir des informations que j'obtenais de Vitez, et

  7   aussi en accord avec la Forpronu en Bosnie Centrale, j'avais pour tâche

  8   d'organiser les vols d'évacuation humanitaire afin de faire sortir les

  9   personnes qui avaient le plus besoin d'aide médicale. A l'époque, j'étais

 10   le coordinateur pour les municipalités concernées. Avec d'autres

 11   représentants d'autres municipalités, nous avons eu des pourparlers; nous

 12   discutions avec les chefs des équipages d'appareils humanitaires,

 13   notamment à la base de Divulje, et nous nous sommes demandé s'il n'était

 14   pas possible d'envoyer des hélicoptères pour assurer l'évacuation des

 15   blessés de Bosnie Centrale.

 16   Question:   Apportons certains éclaircissements pour que tout soit clair.

 17   Cette mission vous a-t-elle été confiée par les autorités civiles de

 18   Vitez?

 19   Réponse:    Pendant toutes mes activités et jusqu'à mon retour à Vitez,

 20   tout ceci m'a été confié par les autorités civiles, et uniquement par les

 21   autorités civiles de Vitez.

 22   Question:   Mais qui étaient les protagonistes? Qui a veillé à

 23   l'organisation de ces vols?

 24   Réponse:    Je vous l'ai déjà dit: sur le territoire de Split, c'était le

 25   bureau des municipalités de Bosnie Centrale, le commandement, les


Page 24817

  1   personnes qui travaillaient à la base aérienne de Divulje ainsi que des

  2   observateurs de l'ECMM qui inspectaient chacun des vols, que ce soit pour

  3   un hélicoptère ou un avion, qui vérifiaient ce que l'on envoyait. Je suis

  4   sûr qu'il y a des documents qui attestent de cette inspection par l'ECMM.

  5   Question:   Fort bien. Cela signifie-t-il que les hélicoptères qui

  6   devraient entrer en fonction étaient fournis par l'armée de Croatie?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Vous dites que l'ECMM a inspecté chacun de ces hélicoptères

  9   avant qu'ils ne quittent la base de Divulje ou de Split, en Croatie?

 10   Réponse:    Tout à fait. Ces inspections étaient régulières.

 11   Question:   En règle générale, ces vols étaient organisés si l'on recevait

 12   un appel de l'hôpital de Nova Bila?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   Et ces hélicoptères recevaient leur mission de vol et leur

 15   autorisation de vol des autorités croates?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Puisque vous étiez un des maillons de cette chaîne

 18   d'information, dites-nous ceci: les autorités croates, que ce soient les

 19   autorités aériennes ou l'armée de Croatie, leur est-il arrivé d'organiser

 20   des vols sans avoir reçu auparavant l'autorisation de l'ECMM?

 21   Réponse:    Non. Puisque j'étais toujours présent à chacun des décollages,

 22   puisque j'ai participé aussi aux discussions avec les représentants de

 23   l'ECMM, je peux vous dire que pas un seul vol ne s'est effectué entre

 24   juillet et la fin août, qui ait quitté la base de Divulje sans qu'il y ait

 25   eu une inspection des représentants de l'ECMM.


Page 24818

  1   Question:   Est-ce que c'était aussi une requête explicite formulée par le

  2   commandant de la base croate?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Savez-vous comment les choses étaient organisées à l'autre

  5   bout de cette ligne de communication, à Vitez? Est-ce que la Forpronu

  6   était impliquée aussi?

  7   Réponse:    Je pense que oui. Aucun vol, aucune annonce d'évacuation des

  8   blessés ne se faisait à l'insu de la Forpronu.

  9   Question:   Dites-nous, en l'espace de quelques phrases, ceci: en réalité,

 10   sur le terrain, qu'est-ce que cela donnait? Décrivez un vol pour nous.

 11   Est-ce que vous receviez ces renseignements, étiez-vous présent

 12   physiquement au décollage? Que faisaient les représentants de l'ECMM?

 13   Décrivez-nous la totalité de la procédure.

 14   Réponse:    Je vous l'ai déjà dit, j'avais surtout des contacts avec les

 15   représentants des autorités civiles. Je suppose que ces mêmes autorités

 16   étaient en contact direct avec le personnel médical de l'hôpital et que ce

 17   personnel savait qui avait besoin d'aide, qui devait être transporté.

 18   Cette étape-là de la procédure était convenue avec la Forpronu. On nous

 19   téléphonait ensuite, on nous demandait d'organiser le vol des transports

 20   des blessés. Malheureusement, c'était souvent un nombre important de

 21   personnes qui était concernées; on n'organisait jamais ce type de vol pour

 22   une ou deux personnes.

 23   Par la suite, je me rendais au commandement de la base aérienne de Divulje

 24   et le commandant, avec mon aide, entrait en contact avec le représentant

 25   de l'ECMM qui convenait de l'heure de vol, du jour où ce vol aurait lieu.


Page 24819

  1   Et le jour prévu, ce jour-là, avant le décollage de l'appareil, en

  2   coordination avec les personnes concernées, à savoir les pilotes de

  3   l'hélicoptère, je prenais congé d'eux, les contrôleurs de l'ECMM montaient

  4   à bord, vérifiaient le contenu de ce qui était envoyé et puis ils

  5   signaient les documents autorisant le décollage.

  6   Moi, je restais pendant tout ce temps à la base. En effet, de la base de

  7   Divulje jusqu'à la fin du vol, c'est-à-dire au retour de l'appareil à

  8   Divulje, je restais tout ce temps-là à la base.

  9   Question:   Ces hélicoptères avaient-ils coutume d'emmener du fret à Vitez

 10   ou dans d'autres municipalités de Bosnie Centrale?

 11   Réponse:    Eh bien, cela dépendait, cela dépendait des circonstances. Si

 12   quelque chose était emporté, c'étaient toujours de faibles quantités de

 13   produits pharmaceutiques ou de produits médicaux. On n'acheminait que ce

 14   qui était absolument nécessaire, pas ce que demandaient les hôpitaux en

 15   guise de fournitures médicales, mais plutôt en fonction de ce que certains

 16   avaient demandé, ou l'on essayait d'acheminer des produits médicaux qui

 17   n'étaient pas disponibles en Bosnie Centrale.

 18   Question:   Puisque vous nous avez dit que c'était l'armée de Croatie qui

 19   fournissait les hélicoptères, dites-nous ceci: est-ce que des marchandises

 20   ou biens militaires ont été envoyés par hélicoptère?

 21   Réponse:    Non.

 22   Question:   Avez-vous essayé d'envoyer des fournitures militaires à

 23   l'époque?

 24   Réponse:    Non, non, parce qu'à la fois le commandant de la base aérienne

 25   et l'ECMM nous avaient vraiment fait la leçon à ce propos, nous avaient


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  1   dit que c'était absolument interdit.

  2   Question:   Monsieur Nakic, en vertu des rapports qui régnaient à

  3   l'époque, à Split ou ailleurs, est-ce qu'on considérait que c'était là une

  4   opération tout à fait conforme à la loi, tout à fait légale?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Quels étaient les insignes ou emblèmes fixés aux flancs de ces

  7   appareils?

  8   Réponse:    C'était la Croix-Rouge.

  9   Question:   Et quelle était la couleur de ces appareils?

 10   Réponse:    Eh bien, gris, vert, je ne sais plus exactement.

 11   Question:   Est-ce qu'il y avait quelque part, de façon visible, un

 12   emblème de la HV?

 13   Réponse:    Non.

 14   Question:   Les seules inscriptions étaient celles de la Croix-Rouge

 15   alors?

 16   Réponse:    Tout à fait. Il y avait donc la croix rouge dans un rond

 17   blanc : il était donc facile de reconnaître l'insigne.

 18   Question:   Vous nous avez dit que ceci s'est poursuivi jusqu'à la fin du

 19   mois de juillet 1993. Que s'est-il passé ensuite? Pourquoi ces opérations

 20   ne se sont-elles pas poursuivies?

 21   Réponse:    Jusqu'à la mi-juillet, c'était un moment tout à fait intensif.

 22   Mais, au mois d'août, les vols étaient moins fréquents et ont fini par

 23   être tout à fait interrompus. Malheureusement, ceci s'est produit au

 24   moment où le besoin d'évacuation de blessés était le plus grand, au moment

 25   où il était le plus nécessaire d'aider les malheureux habitants de Bosnie


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  1   Centrale.

  2   Question:   Le commandant de l'aviation du HVO vous en a-t-il informé? Si

  3   vous en avez été informés par eux, dans quelles conditions?

  4   Réponse:    Pas de façon officielle, mais au cours de conversations avec

  5   le personnel, l'état-major du commandement. Ils nous ont dit ceci, ils

  6   nous ont dit que ces vols devenaient particulièrement dangereux ; c'est du

  7   moins ce qu'ils nous ont dit : il y avait les lignes de front, les

  8   différents sièges en Bosnie Centrale, notamment autour de Vitez, mais

  9   aussi sur une partie de la municipalité de Travnik et sur celle de Novi

 10   Travnik. Et que les couleurs étaient à ce point étroits que la sécurité

 11   n'était plus assurée et qu'il n'était plus possible pour les hélicoptères

 12   d'atterrir en toute sécurité dans ces régions pour essayer d'en évacuer

 13   les blessés.

 14   Question:   Est-ce que vous avez compris, à ce moment-là, que ces

 15   interdictions étaient imposées uniquement pour des raisons de sécurité?

 16   Réponse:    Eh bien, je n'ai pas pu comprendre. Je ne voyais pas comment

 17   on pouvait accepter parce que mes frères, mes sœurs, ma mère étaient à

 18   Vitez. J'avais beaucoup de membres de ma famille là ; personnellement, je

 19   pensais qu'il n'était pas du tout justifié de mettre un terme à ces vols.

 20   Et j'ai insisté parce que ce que nous ont dit les gens qui faisaient

 21   partie de l'équipage, c'est qu'eux étaient tout à fait prêts à poursuivre

 22   leurs activités pour essayer de continuer d'aider parce qu'ils avaient

 23   sans doute été témoins de ce qui se produisait dans la région.

 24   Question:   Merci. Vous nous avez dit que l'interruption de ces vols

 25   d'hélicoptère de la HV s'est faite au moment où la situation est devenue


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  1   particulièrement critique. Avez-vous essayé de trouver une autre solution

  2   à ce moment-là?

  3   Réponse:    Oui. Les autorités civiles avaient formulé des demandes, de

  4   même que les hôpitaux, et le personnel médical. Les demandes étaient

  5   telles qu'il nous fallait essayer de faire sortir les blessés et fournir

  6   l'aide qui nous était demandée.

  7   Question:   Est-il exact de dire qu'à l'époque, vous avez trouvé une base

  8   d'hélicoptères qui, d'abord, était à Grude puis qui s'est trouvée à

  9   Posusje, en Herzégovine ?

 10   Réponse:    Oui, j'ai reçu des renseignements, je me suis rendu sur place

 11   pour vérifier moi-même ce qu'il en était, pour m'assurer de l'exactitude

 12   des informations que j'avais reçues.

 13   Question:   Vous avez mentionné deux endroits qui se trouvent en Bosnie-

 14   Herzégovine?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Vous avez donc commencé des discussions avec eux, mais dans

 17   quelles conditions? Que demandiez-vous et quelle a été la conclusion de

 18   ces discussions ?

 19   Réponse:    Les contacts ont été établis avec des personnes qui avaient

 20   des connaissances sur ce sujet. Et la seule base, c'étaient les

 21   hélicoptères; pour tous les autres détails, il nous fallait nous

 22   déterminer nous-mêmes. A savoir que c'était à nous de trouver les

 23   personnes pour piloter ces hélicoptères ; il n'y avait plus de relations

 24   avec le commandement à ce moment-là, il n'y avait plus de relations nulle

 25   part : les gens qui avaient effectué ces vols avaient soit d'autres tâches


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  1   à accomplir dans d'autres territoires de la République de Croatie, parce

  2   que de nouveaux champs de bataille avait été ouverts en République de

  3   Croatie, soit ils avaient d'autres occupations professionnelles. C'était

  4   donc à nous de trouver des solutions à tous nos problèmes.

  5   M. le Président (interprétation): Monsieur Nakic, nous avons entendu de

  6   nombreux témoins sur ce genre de sujet. Il serait utile que vous puissiez

  7   nous dire en quelques mots ce qui est arrivé, quelles sont les

  8   dispositions que vous avez prises, ce qui est arrivé en d'autres termes.

  9   M. Nakic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 10   Eh bien, nous avons organisé des groupes, une représentation qui devait se

 11   rendre dans la partie croate de la Bosnie pour discuter avec un certain

 12   nombre de personnes afin d'obtenir des pilotes ou des équipages. Etaient-

 13   ce des Ukrainiens ou des Russes, je ne le sais pas encore aujourd'hui.

 14   M. Kovacic (interprétation): Vous avez parlé de Grude : ces hélicoptères

 15   étaient sous le contrôle du HVO, n'est-ce pas?

 16   Réponse:    Ils étaient sur le territoire de l'Herzégovine et avaient une

 17   croix rouge sur leur fuselage. Je ne savais pas à qui ils appartenaient,

 18   sous le contrôle de qui ils étaient.

 19   Question:   Lorsque vous avez été contraints de vous trouver vous-mêmes

 20   vos équipages, c'était un domaine que vous ne connaissiez pas du tout,

 21   n'est-ce pas?

 22   Réponse:    Oui, c'était un domaine tout à fait nouveau pour nous. Et je

 23   cherchais des gens qui connaissaient la question.

 24   Question:   Qu'avez-vous fait?

 25   Réponse:    Nous avons établi des contacts avec un homme qui avait


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  1   l'habitude d'organiser des vols d'hélicoptères destinés au tourisme et qui

  2   avait, de ce fait, des relations professionnelles avec certaines personnes

  3   qui pouvaient assurer de tels vols. Mais cela datait de la paix.

  4   Question:   Et c'est de cette façon que vous en êtes arrivé à engager des

  5   pilotes russes, n'est-ce pas?

  6   Réponse:    Oui, c'est exact.

  7   Question:   Vous ne savez pas s'ils étaient russes ou ukrainiens mais ils

  8   venaient en tout cas du territoire de l'ex-URSS, n'est-ce pas?

  9   Réponse:    Exact.

 10   Question:   Monsieur le Président, je demande le versement au dossier

 11   d'une série de documents, dont certains sont relatifs à cette partie de la

 12   déposition du témoin.

 13   Dans chacun de ces groupes de documents, vous trouverez quelques documents

 14   qui portent sur cette participation des pilotes russes dont il a été

 15   question.

 16   M. le Président (interprétation): Le fait que les pilotes aient été

 17   russes, ou quoi que ce soit d'autre, a-t-il une importance?

 18   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, puisque nous avons

 19   beaucoup entendu parler d'hélicoptères et qu'en dépit de mes

 20   vérifications, personne n'a jamais nulle part été capable de confirmer

 21   qu'il s'agissait d'hélicoptères de l'armée croate survolant Vitez, ce que

 22   j'essaie de démontrer ici, c'est que ces hélicoptères ont été requis pour

 23   des raisons commerciales, pourrais-je dire. Nous avons parlé de deux

 24   situations différentes : au début, les hélicoptères de République de

 25   Croatie qui fonctionnent dans un cadre juridique légal et, ensuite, nous


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  1   avons cette deuxième partie où les hélicoptères, en Bosnie Centrale, comme

  2   le dit ce témoin, fonctionnent après avoir été engagés par lui.

  3   M. le Président (interprétation): Très bien. Nous avons un certain nombre

  4   de pièces à conviction. Je vous en prie, Madame la Greffière.

  5   Mme Thompson (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction D117/2

  6   M. Kovacic (interprétation): J'aimerais d'abord appeler votre attention

  7   sur les premiers documents. Je ne voudrais pas abuser de votre temps,

  8   Monsieur Nakic, mais nous avons d'abord, n'est-ce pas, des bulletins de

  9   paiement, des feuilles de paie au début de cette pile ? Vous en avez un

 10   certain nombre sous les yeux. L'anglais est le premier des documents qui

 11   est suivi de la version en BCS. Ces feuilles de paie, nous en avons deux

 12   ou trois copies : que représentent-elles?

 13   M. le Président (interprétation): Est-ce que cette pièce à conviction sera

 14   contestée, Monsieur Nice?

 15   M. Nice (interprétation): Je ne sais pas si elle va être contestée, parce

 16   que je viens de la voir pour la première fois à l'instant. Mais je ne

 17   crois pas qu'elle porte sur un sujet critique.

 18   M. le Président (interprétation): Nous voyons bien, n'est-ce pas, Monsieur

 19   Nice ?

 20   M. Nice (interprétation): Oui, nous voyons ces documents. Je pourrais

 21   interroger le témoin à leur sujet si je le juge nécessaire.

 22   M. le Président (interprétation): Nous voyons que ce sont un certain

 23   nombre de documents de paiement. Nous voyons le nom des personnes

 24   concernées dans chacun des cas. Il y en a d'autres… Mais je vous en prie,

 25   pouvez-vous les passer en revue assez rapidement, car ils parlent d'eux-


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  1   mêmes?

  2   Apparemment, il y a d'autres demandes de remboursement parmi ces

  3   documents. Il y a également un document qui indique une demande de

  4   remboursement de frais de voyage. C'est un pilote qui soumet ce document

  5   après être allé à Moscou et Budapest. Donc, ces documents parlent d'eux-

  6   mêmes, n'est-ce pas?

  7   M. Kovacic (interprétation): Absolument, Monsieur le Président.

  8   M. le Président (interprétation): A moins que vous n'ayez une question

  9   tout à fait particulière à poser au témoin...

 10   M. Kovacic (interprétation): Une question, Monsieur le Président, au sujet

 11   de ce qui -je crois- est le dernier document dans votre jeu de documents:

 12   une autorisation de voyage.

 13   Monsieur le Témoin, j'aimerais que vous regardiez ce document qui est une

 14   autorisation à effectuer un voyage officiel. Ces personnes dont les noms

 15   figurent sur ce document et qui ont reçu une autorisation de voyager, ce

 16   sont bien des personnes que vous avez envoyées à Bratislava pour

 17   participer aux discussions?

 18   Réponse:    Oui, c'est ma signature que l'on voit ici. C'était la première

 19   fois que l'on envoyait des gens participer à des discussions au sujet de

 20   l'engagement de pilotes étrangers.

 21   Question:   Il y a une erreur au compte rendu d'audience. Ce sont mes

 22   confrères qui me l'indiquent : page 26, ligne 10. On voit les lettres HV

 23   figurant au compte rendu d'audience en anglais. Or, il s'agissait du sigle

 24   HVO. Le témoin disait que le HVO était à l'œuvre en Bosnie Centrale.

 25   Donc, Monsieur Nakic, ces documents prouvent bien la participation des


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  1   pilotes russes, n'est-ce pas?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Qui finançait ces dépenses?

  4   Réponse:    Ces dépenses ainsi que toutes les activités du bureau étaient

  5   financées par les municipalités de Bosnie Centrale.

  6   Question:   Merci. Monsieur Nakic, jusqu'à quand les vols ont-ils continué

  7   dans cette région, approximativement?

  8   Réponse:    Avec le premier groupe de pilotes, ces vols se sont poursuivis

  9   jusqu'à la fin du mois d'octobre.

 10   Question:   1993?

 11   Réponse:    1993, c'est exact.

 12   Question:   A la différence des premiers vols dont nous avons parlé tout à

 13   l'heure, qui impliquaient les hélicoptères de l'armée croate, ceux dont

 14   nous parlons en ce moment étaient gardés secrets par rapport à la Croatie?

 15   Ils étaient illégaux par rapport à la Croatie?

 16   Réponse:    En partie, oui. Ils permettaient d'aller d'Herzégovine vers

 17   Vitez et seulement dans des conditions exceptionnelles : lorsqu'il était

 18   absolument indispensable de transférer un blessé grave jusqu'à l'hôpital.

 19   Dans ces conditions, nous ne le faisions savoir à personne.

 20   Question:   Lorsqu'un avion transportait un blessé jusqu'à un hôpital de

 21   Split, c'est seulement dans ce genre de circonstances qu'il venait

 22   chercher le blessé?

 23   Réponse:    Oui, seulement dans ces circonstances: quand il était

 24   impossible de transporter le blessé en voiture.

 25   Question:   Vous utilisiez aussi ces vols pour faire circuler un certain


Page 24828

  1   nombre de biens matériels? Dites-moi simplement: est-ce que vous emportiez

  2   de la nourriture?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Des médicaments?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Temporairement, de temps en temps, des équipements matériels

  7   pour l'armée?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Comment organisiez-vous la sortie de ces biens matériels de

 10   vos entrepôts pour les transférer jusqu'à l'endroit où se trouvait

 11   l'hélicoptère en Bosnie?

 12   Réponse:    Pour l'essentiel, ces biens matériels étaient achetés en

 13   Herzégovine, pour d'autres en Croatie. Ensuite, on les transportait en

 14   voiture jusqu'à Posusje.

 15   Question:   Entre la frontière croate et la Bosnie-Herzégovine, il n'y

 16   avait à l'époque pratiquement pas de contrôle douanier, n'est-ce pas?

 17   Réponse:    Non, il n'y en avait pas.

 18   Question:   Une de mes dernières questions. Pourriez-vous nous parler de

 19   la fréquence de ces vols jusqu'au mois d'octobre 1993? Approximativement,

 20   combien y avait-il de ces vols? Un par jour? Davantage? A peu près? En

 21   moyenne.

 22   Réponse:    A l'époque, puisqu'il n'y a pratiquement eu aucun vol entre

 23   l'arrêt de la circulation des avions pilotés par des pilotes croates et

 24   l'engagement des pilotes étrangers, il a été nécessaire de rattraper le

 25   temps perdu. On peut dire qu'il y avait deux vols par semaine. Deux ou


Page 24829

  1   trois.

  2   Question:   Vous étiez à Split, n'est-ce pas, et vous avez étudié la

  3   situation. Etes-vous arrivé à la conclusion que le gouvernement, le

  4   pouvoir de Croatie, n'aurait pas autorisé le transport de matériel croate

  5   en direction de Bosnie centrale?

  6   Réponse:    En effet, oui.

  7   Question:   Vous n'avez jamais demandé cela, n'est-ce pas?

  8   Réponse:    Non, nous avions des contacts en termes de discussions pour

  9   discuter des raisons qui avaient fait cesser les vols. J'ai l'impression

 10   que la Croatie n'aurait jamais autorisé ces hélicoptères, ces avions à

 11   quitter le territoire croate.

 12   Question:   Quand ces vols se sont-ils arrêtés définitivement?

 13   Réponse:    En janvier ou février 1994, quand j'ai raccompagné le deuxième

 14   groupe de pilotes.

 15   M. le Président (interprétation): Cela doit être 1994.

 16   Réponse:    Oui, 1994, c'est exact.

 17   Question:   Est-il exact qu'à ce moment-là, vous avez commencé à organiser

 18   des convois de camions pour organiser des transports terrestres?

 19   Réponse:    Oui, ces convois ont été organisés en commun avec la partie

 20   musulmane. Il s'agissait d'envoyer en direction de Bosnie-Herzégovine des

 21   convois organisés conjointement.

 22   Question:   Vous rappelez-vous le nom de ce convoi?

 23   Réponse:    Ce convoi a reçu plus tard le nom de "Route blanche". Il a été

 24   organisé en décembre 1993, en tout cas, vers la fin de l'année 1993.

 25   Question:   Est-ce le premier convoi qui a transporté une quantité


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  1   considérable, imposante d'aide humanitaire dans la direction de la vallée

  2   de la Lasva?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Enfin, puisque vous êtes là, je tiens à en tirer profit. Je

  5   vous demande si vous connaissiez Mario Cerkez avant la guerre?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Le connaissiez-vous parce que vous l'aviez rencontré à

  8   l'entreprise?

  9   Réponse:    Oui, parce qu'il travaillait dans la même entreprise que moi.

 10   Question:   Vous êtes-vous trouvé en société, dans des milieux

 11   d'appartenance ethnique différente avec lui?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Avez-vous jamais remarqué qu'il aurait eu une attitude

 14   négative ou agressive envers les représentants d'un autre peuple pour la

 15   seule raison qu'ils appartenaient à un autre peuple?

 16   Réponse:    Non. Il travaillait y compris dans un environnement à majorité

 17   musulmane.

 18   Question:   Merci, Monsieur Nakic. Je n'ai plus d'autres questions à vous

 19   poser.

 20   M. Sayers (interprétation): Monsieur le Président, M. Kordic n'a pas de

 21   question à poser à ce témoin.

 22   (Contre-interrogatoire du Témoin, Drago Nakic, par Me Nice.)

 23   M. Nice (interprétation): Je vais essayer d'être bref, car je ne sais pas

 24   exactement combien de témoins nous entendrons cette semaine. En tous cas,

 25   celui-ci a traité d'un grand nombre de points divers.


Page 24831

  1   En avril 1992, vous étiez toujours à Vitez, je crois?

  2   M. Nakic (interprétation): Oui.

  3   Question:   Etiez-vous présent à la réunion d'avril 1992? Vous rappelez-

  4   vous que les membres du HVO participaient à un certain nombre de réunions

  5   à ce moment-là, sur un sujet ou un autre?

  6   Réponse:    Je n'ai participé à aucune réunion car je n'étais membre

  7   d'aucun parti politique. Je n'étais pas non plus membre d'un milieu

  8   quelconque dans l'armée.

  9   Question:   Vous auriez pu vous qualifier de directeur adjoint de

 10   l'entreprise Vitezit à ce moment-là?

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Vous rappelez une tentative de décision qui a été faite selon

 13   laquelle l'armée de Bosnie-Herzégovine à Vitez aurait dû se mettre sous le

 14   contrôle du HVO comme cela s'était fait à Mostar? Vous êtes-vous rappelé

 15   que cette proposition a été discutée lors d'une réunion à laquelle vous

 16   avez assisté?

 17   Réponse:    Premièrement, je n'ai pas assisté à cette réunion, je vous

 18   corrige une nouvelle fois sur ce point. Deuxièmement, je n'ai pas

 19   connaissance qu'un tel document ait été adopté quant au fait que les

 20   Musulmans auraient dû se conformer aux instructions du HVO à Vitez. La

 21   meilleure confirmation de cela est que, pendant tout ce temps, la totalité

 22   des salariés jusqu'au niveau le plus élevé dans l'entreprise où je

 23   travaillais, des gens qui prenaient des décisions y compris au sujet de la

 24   distribution des produits -question très sensible, je dois le dire- ont

 25   continué à le faire. Et ces personnes étaient musulmanes.


Page 24832

  1   Question:   Nous avons entendu des témoignages devant ce Tribunal selon

  2   lesquels, en octobre 1992 par exemple -je parle du témoin G, je l'indique

  3   aux Juges-, donc en octobre 1992, les responsables de la sécurité de

  4   l'entreprise, qui étaient des Musulmans, ont été remplacés par des

  5   représentants militaires. Vous rappelez-vous que cela se soit produit et,

  6   si tel est le cas, pourquoi cela s'est-il produit?

  7   Réponse:    D'abord, cela ne s'est pas produit. Je viens de le dire, mon

  8   collègue Nusret Kalco, par exemple, jusqu'au dernier jour qui a précédé ce

  9   malheureux conflit d'Ahmici, est resté à l'usine.

 10   Question:   Il est possible qu'une ou deux personnes se soient trouvées

 11   dans cette situation, des personnes occupant des postes subalternes, mais

 12   la majorité a été remplacée, n'est-ce pas, à la fin de 1992, la majorité

 13   des salariés?

 14   Réponse:    Je me dois de vous corriger. Les gens ne peuvent pas être dans

 15   des positions tout à fait dirigeantes au sein de l'entreprise, être à la

 16   tête des entrepôts, par exemple, et être considérés comme des salariés

 17   subalternes.

 18   Question:   Vous rappelez-vous une visite qu'un général aurait effectuée à

 19   votre usine, le général Praljak?

 20   Réponse:    Non.

 21   Question:   Vous rappelez-vous qu'un drapeau croate aurait été hissé sur

 22   votre entreprise, un jour déterminé, en l'honneur d'un visiteur important?

 23   Et si oui, pourquoi cela s'est-il produit?

 24   Réponse:    Je ne me rappelle pas.

 25   Question:   Est-il possible que cela ait eu lieu?


Page 24833

  1   Réponse:    Je crois que cela n'a pas eu lieu, car nous faisions très

  2   attention sur la base d'une coexistence qui durait depuis des années et

  3   des années, et qui était marquée par la coexistence agréable en Bosnie

  4   Centrale. Nous faisions très attention à préserver la paix, d'une part,

  5   et, d'autre part, parce que c'était dans l'intérêt de l'entreprise Vitezit

  6   d'avoir des clients, nous faisions très attention à conserver toute notre

  7   force de travail.

  8   Question:   Nous avons entendu des témoins selon lesquels la production de

  9   l'usine aurait été considérablement réduite et selon lesquels le nombre

 10   des salariés aurait été considérablement réduit également en novembre et

 11   décembre 1992, n'est-ce pas?

 12   Réponse:    C'est exact. D'ailleurs, si je peux vous apporter une

 13   précision supplémentaire, c'est même avant que la production avait

 14   considérablement baissé.

 15   Question:   Merci. Parlons de 1993. Quand avez-vous été transféré, vous-

 16   même, à Split?

 17   Réponse:    En octobre 1992.

 18   Question:   Vous avez dit que vous reveniez de temps en temps de Split.

 19   Avant, dans la période qui a immédiatement précédé les combats d'avril, à

 20   quelle fréquence effectuiez-vous ce voyage?

 21   Réponse:    A peu près tous les quinze jours.

 22   Question:   Avez-vous su que la police avait repris un certain nombre de

 23   postes au sein de l'entreprise, tous les postes liés à la sécurité?

 24   Réponse:    Non.

 25   Question:   Avez-vous été informé d'un incident survenu dans l'usine, au


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  1   cours duquel il est probable qu'un drapeau musulman ait d'abord été hissé

  2   et, ensuite, c'est un drapeau croate qui a été hissé? Avez-vous été

  3   informé de cela?

  4   Réponse:    Non.

  5   Question:   Parlons à présent du 16 avril. A cette date, le 16 avril, vous

  6   étiez à Split, n'est-ce pas?

  7   Réponse:    C'est exact.

  8   Question:   Vous dites que votre occupation à cet endroit était

  9   partiellement professionnelle et partiellement une occupation de loisir,

 10   n'est-ce pas?

 11   Réponse:    Jusqu'en avril 1993, il était tout à fait fréquent… enfin, la

 12   plupart des postes étaient des postes impliquant une activité

 13   professionnelle, d'une part, et, d'autre part, une activité humanitaire, à

 14   savoir satisfaire en majorité les besoins de Vitezit.

 15   Question:   Donc à ce moment-là, il y avait à Split un grand nombre de

 16   camions de Vitezit, le 16 avril, n'est-ce pas?

 17   Réponse:    Oui, sur le territoire de la République croate.

 18   Question:   Certains étaient conduits par des chauffeurs croates, d'autres

 19   par des chauffeurs musulmans, n'est-ce pas?

 20   Réponse:    C'est exact.

 21   Question:   Les chauffeurs croates sont venus vous voir et ont obtenu de

 22   vous l'autorisation de reconduire leurs véhicules vers Vitez, n'est-ce

 23   pas?

 24   Réponse:    Non.

 25   Question:   Mais il ne fait aucun doute que les chauffeurs croates sont


Page 24835

  1   retournés à Vitez?

  2   Réponse:    Non, parce que les voies de communication étaient coupées avec

  3   Vitez, et tous les véhicules se sont retrouvés, comme je l'ai dit tout à

  4   l'heure, dans le port de Ploce.

  5   Question:   Vous étiez le seul Dragan Nakic qui représentait Vitezit à

  6   Split, à ce moment-là, n'est-ce pas? Personne d'autre ne portait le même

  7   nom que vous?

  8   Réponse:    En effet.

  9   Question:   Les chauffeurs musulmans sont venus vous voir eux aussi,

 10   séparément, et ils vous ont demandé de les aider, n'est-ce pas? Vous vous

 11   rappelez cela?

 12   Réponse:    Je me rappelle très bien. Ils n'ont pas été les seuls à

 13   demander de l'aide. D'ailleurs, je les ai tous installés, aussi bien les

 14   uns que les autres, dans un hôtel de Ploce. Au cours des mois suivants,

 15   grâce à mes activités, j'ai réussi à leur apporter personnellement mon

 16   aide.

 17   Question:   Ce que je vous affirme, c'est ce que ce que vous avez fait,

 18   c'est d'exiger des chauffeurs musulmans qu'ils vous donnent la clef de

 19   leur camion ; et vous ne leur avez proposé aucune aide, aucune assistance

 20   de quelque forme que ce soit ?

 21   Réponse:    C'est inexact. Je n'ai pas demandé les clefs, mais je suis

 22   allé voir tous les chauffeurs dans le port de Ploce au moins une fois par

 23   semaine. Je leur transmettais les informations dont je disposais au sujet

 24   des événements de Vitez. J'avais des contacts réguliers avec eux.

 25   Question:   J'en ai presque terminé sur ce point. Mais, pour des raisons


Page 24836

  1   liées potentiellement à la protection des témoins, je demanderai une

  2   minute de huis clos partiel, Monsieur le Président.

  3   M. le Président (interprétation): Oui.

  4   (Huis clos partiel.)

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  8   (Audience publique.)

  9   Mme Thompson (interprétation): Nous sommes en audience publique, Monsieur

 10   le Président.

 11   M. le Président (interprétation): Monsieur Nakic, nous allons à présent

 12   suspendre l'audience pendant une demi-heure. Je vous demanderai de

 13   veiller, pendant cette suspension d'audience, à ne parler à personne de

 14   votre témoignage et à ne permettre à personne de vous en parler. Je vous

 15   prierai de revenir dans ce prétoire à 11 heures 35.

 16   M. Nakic (interprétation): Merci.

 17   (Suspendue à 11 heures 35, l'audience est reprise à 11 heures 40.)

 18   M. Nice (interprétation): Monsieur Nakic, après le 16 avril, et entre

 19   cette date et la fin de 1993, est-ce qu'il vous est arrivé de rentrer à

 20   Vitez ou avez-vous passé tout ce temps en Croatie?

 21   Réponse:    Eh bien, j'ai passé tout ce temps en Croatie.

 22   Question:   Est-ce que vous avez été informé de ce qui se passait à

 23   l'usine pendant ce temps-là? N'était-il pas nécessaire pour vous d'être

 24   informé?

 25   Réponse:    Dans une certaine mesure, oui, il fallait que je sois informé.


Page 24838

  1   Il fallait que je sois informé dans la mesure qu'exigeaient mon travail et

  2   mes supérieurs hiérarchiques.

  3   Question:   Vous étiez employé en tant que civil ou en tant que quoi,

  4   précisément à Split?

  5   Réponse:    Exclusivement à titre de civil.

  6   Question:   Qui vous payait?

  7   Réponse:    Puisque nous avions notre comptabilité à Split, la plupart des

  8   entreprises avaient des comptes de non résident à Split. Moi, j'étais payé

  9   à partir du compte de mon entreprise.

 10   Question:   Nous allons parler d'un aspect des voyages en hélicoptère

 11   puisque nous parlons d'argent. Vous avez dit que vous aviez payé en

 12   devises réelles à l'Etat de Croatie pour l'utilisation que vous faisiez de

 13   leurs hélicoptères ?

 14   Réponse:    Non, nous n'avons rien payé à la République de Croatie.

 15   Question:   Donc, vous obteniez gratuitement l'utilisation de ces

 16   hélicoptères?

 17   Réponse:    Tout à fait.

 18   Question:   Je suis à la recherche d'un document... Au paragraphe 2.6 de

 19   votre résumé, vous parlez du financement des vols. Qu'entendiez-vous par

 20   là? Qu'entendez-vous par "financement des vols"?

 21   Réponse:    Là, c'est le financement des vols après que nous ayons recruté

 22   des équipages étrangers, de l'extérieur de la République de Croatie.

 23   Question:   Nous parlons toujours du financement. Est-ce que vous dites

 24   que vous avez à ce moment-là payé pour la location de ces hélicoptères?

 25   Réponse:    Dans notre contrat avec les personnes que nous recrutions,


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  1   nous avons stipulé clairement tous ces éléments, les frais que nous

  2   devrions assurer pour la location des hélicoptères et des équipages ou

  3   plutôt, des pilotes étrangers.

  4   Question:   Dites-nous uniquement ceci: quelle était cette entreprise

  5   étrangère qui a fourni ces hélicoptères? Premièrement. Puis, avez-vous des

  6   documents attestant du paiement à cette institution, à cette instance pour

  7   la location de ces hélicoptères?

  8   Réponse:    Je dois répéter ce que j'ai dit dans ma déclaration. Je vous

  9   ai dit que c'étaient des personnes, des particuliers qui venaient du

 10   territoire de la République de Croatie, des personnes que j'ai rencontrées

 11   et qui m'ont… D'ailleurs, dans une des annexes, on voit qui est la

 12   personne qui avait mis en place toutes ces transactions. Ce qui veut dire

 13   que là, je ne devais pas donner de détails particuliers, si ce n'est la

 14   fourniture de l'aspect financier dans cet accord que nous avions signé. Il

 15   n'y a pas de traces écrites.

 16   Question:   Est-ce que vous voulez dire que, dans le jeu de documents qui

 17   porte la cote D117/2, on parle du coût de location des hélicoptères ou

 18   est-ce qu'on n'y trouve que les frais de location du recrutement des

 19   pilotes?

 20   Réponse:    Dans ces documents, on ne parle que de la location des

 21   pilotes.

 22   Question:   Ma question est simple: avez-vous payé pour la location des

 23   hélicoptères? Si c'est le cas, à qui avez-vous versé ces sommes? Je n'ai

 24   parcouru que rapidement ces documents, mais je n'ai pas vu qu'on y parlait

 25   de la location d'un hélicoptère. Si vous avez payé pour cela, à qui avez-


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  1   vous payé ces sommes?

  2   Réponse:    Nous avons payé à la personne qui s'était chargée de toute

  3   cette transaction, même si je dois ajouter que c'est une personne qui a

  4   essayé de le faire avec le moins de coûts possible afin d'aider les

  5   habitants de Bosnie Centrale.

  6   Question:   Donc, vous avez payé l'argent à la personne qui s'est occupée

  7   de la location de l'hélicoptère. Mais qui était le propriétaire de

  8   l'hélicoptère?

  9   Réponse:    Non.

 10   Question:   Qu'est-ce que cela veut dire? Vous ne savez pas?

 11   Réponse:    Exact.

 12   Question:   Vu le temps disponible, je ne peux pas aller plus loin. Mais

 13   vous avez appris ce qui se passait à l'usine à la suite de la baisse de

 14   production fin 1992, début 1993.

 15   Seriez-vous d'accord avec cette évaluation que je vais vous fournir de la

 16   situation? Après avril 1993, le gouvernement HVO de Vitez s'est employé à

 17   relancer la production militaire, aux usines SPS et Vitezit. Etes-vous

 18   d'accord avec cette évaluation que je vous offre de cette partie des

 19   événements?

 20   Réponse:    Non, étant donné que les conditions n'existaient pas et

 21   qu'elles auraient été nécessaires pour relancer la production militaire.

 22   En effet, toutes les matières premières semi-finies avaient cessé

 23   d'arriver au début de l'année 1992.

 24   Question:   Conviendrez-vous avec moi de ce que la responsabilité de

 25   l'organisation de la production reposait entre les mains de Anto Pulic qui


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  1   était à la tête de l'administration de la défense de Travnik?

  2   Réponse:    Non.

  3   Question:   Cet Anto Pulic, quel rôle a-t-il joué, s'agissant de la

  4   production de produits à l'usine SPS et à l'usine Vitezit?

  5   Réponse:    Je ne suis pas en mesure de vous répondre. En effet, moi, je

  6   n'ai gardé le contact qu'avec la direction de l'entreprise et les

  7   autorités civiles de la municipalité de Vitez.

  8   Question:   Est-il exact de dire qu'un certain nombre des experts parmi le

  9   personnel de l'usine avaient été forcés à monter sur la ligne de front et

 10   que la production n'était faite que par des employés moins expérimentés?

 11   Réponse:    Eh bien, pour autant que je sache, tout le monde a dû aller

 12   sur la ligne de front, vu la situation qui prévalait en Bosnie Centrale,

 13   vu le siège. Rares étaient les personnes disponibles. Alors, il n'y avait

 14   pas beaucoup le choix. Tout ceux qui avaient de 16 à 65 ans sont partis

 15   sur la ligne de front.

 16   Question:   Ceci a-t-il eu pour effet de laisser la production à des

 17   personnes moins expérimentées?

 18   Réponse:    Je ne sais vraiment pas.

 19   Question:   Est-ce que vous connaissez un homme d'affaires qui répond au

 20   nom de Miroslav Sucic ? Et Branko Mlakic?

 21   Réponse:    Il s'agit de Milan Sucic ; oui, je le connais. L'autre, Branko

 22   Mlakic, je ne le connais pas.

 23   Question:   Ce premier nom était-il associé à la production de l'usine?

 24   Réponse:    Avant la guerre !

 25   Question:   Et pendant la guerre et après celle-ci?


Page 24842

  1   Réponse:    Au moment de la guerre, non, puisqu'il ne se trouvait pas à

  2   Vitez. Et après la guerre,... il a passé à peu près une année à Vitez.

  3   Question:   Et il s'occupait des produits de l'usine?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Est-ce qu'il se pourrait qu'il ait participé à la fabrication,

  6   à la production à l'usine jusqu'au moment qui a abouti à février 1994?

  7   Réponse:    Non.

  8   Question:   Vous ne sembliez pas être au courant des autres éléments et de

  9   celui-ci vous êtes sûr. Est-ce qu'il se pourrait qu'il ait eu une certaine

 10   participation à cette production?

 11   Réponse:    Je suis au courant parce que cet homme vivait, habitait à

 12   Zagreb ; sa famille résidait à Zagreb.

 13   Question:   Parlons maintenant des hélicoptères. En juin 1993, hormis

 14   vous, y avait-il quelqu'un qui s'occupait du déplacement des hélicoptères,

 15   ou des déplacements de la Bosnie Centrale, du moins à votre connaissance?

 16   Réponse:    Ce que je sais, c'est que les vols que nous organisions

 17   étaient les seuls qui partaient en direction de la Bosnie Centrale depuis

 18   Divulje?

 19   Question:   Nous avons entendu des témoins qui ont parlé de juin 1993 et

 20   du moment où l'on a découvert des hélicoptères qui transportaient des

 21   munitions et des dinars croates qui n'étaient pas encore mis en

 22   circulation.

 23   Les références sont les témoins Bricks, Andersen et les pièces sont 1012,

 24   1017.

 25   Alors, que savez-vous à propos de ces hélicoptères qui auraient transporté


Page 24843

  1   des munitions et des dinars croates?

  2   Réponse:    Je n'ai aucune information à propos de tels vols.

  3   Question:   Vous affirmez que vous ne vous occupiez que de questions

  4   humanitaires, c'est bien ce que vous déclarez?

  5   Réponse:    Au cours de la première partie, oui, et au moment où il y

  6   avait ces vols depuis Divulje, depuis cette base, depuis le territoire de

  7   la République de Croatie.

  8   Question:   Vous utilisiez les hélicoptères afin que ceux-ci ramènent les

  9   blessés militaires, est-ce exact?

 10   Réponse:    Les personnes qui avaient été grièvement blessées et qui ne

 11   pouvaient pas recevoir de traitement médical adéquat à l'hôpital de

 12   fortune de Nova Bila.

 13   Question:   Mais c'étaient des soldats qui avaient été blessés?

 14   Réponse:    Il y avait des soldats, des civils, quiconque avait besoin

 15   d'aide médicale.

 16   Question:   Mais votre fonction portait surtout sur le personnel

 17   militaire, n'est-ce pas?

 18   Réponse:    Non.

 19   Question:   L'usine, à l'époque, était sous contrôle militaire du HVO ?

 20   C'était inévitable, puisqu'on était en période de guerre?

 21   Réponse:    J'ai déjà indiqué que, si je me trouvais là, c'était en

 22   premier lieu à cause de la partie ou des produits qui concernaient la

 23   production civile, c'était ma fonction première, je n'étais pas là pour

 24   m'occuper des questions militaires ou pour être informé de la production

 25   militaire à Vitez.


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  1   Question:   Pour bien comprendre, vous dites que, même à partir d'avril

  2   1993, il y avait production d'équipements, de matériels à l'usine SPS à

  3   des fins non militaire ? C'est bien ce que vous déclarez?

  4   Réponse:    Je vous ai déjà dit que c'était à la fois à des fins

  5   militaires et à des fins non militaires, étant donné que nous faisions une

  6   production très ciblée, que plus de 90% des matières premières étaient

  7   importés. Il était donc impossible d'organiser une production quelle

  8   qu'elle soit.

  9   Question:   Pour que nous comprenions bien, l'usine SPS produisait du

 10   matériel à des fins non militaires, pour des clients non militaires, avez-

 11   vous dit, à partir d'avril 1993 décembre 1993. Expliquez-nous.

 12   Réponse:    Je dois me répéter : il n'y a pas eu de productions non

 13   militaires. Par exemple, les explosifs à usage civil, les polyéthylènes,

 14   tout ce qui était emballage en PET ou en PVC, tout ce qui était machines-

 15   outils et d'autres produits. Là, je ne peux pas vous citer toute la

 16   production, car, avant la guerre, cette usine employait plus de 3000

 17   hommes.

 18   Question:   En juillet 1993, c'est ce que deux témoins nous ont dit : le

 19   témoin Lee Whitworth, le témoin AD ; il y en avait un troisième, je ne

 20   sais pas s'il était protégé aussi, mais c'est aux pages 15157, à partir de

 21   la page 15157 du compte rendu d'audience, il y a un autre témoin. Et ces

 22   trois témoins ont parlé de l'atterrissage d'hélicoptères dans la carrière,

 23   tout près de Vitez, pas loin de l'usine. Selon vous, c'était bien le lieu

 24   d'atterrissage réservé à vos hélicoptères?

 25   Réponse:    Je suppose que c'était le meilleur endroit. Sécurité aussi.


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  1   Non pas parce que c'était à côté de l'usine.

  2   Question:   Apparemment, on aurait vu des armes et des munitions

  3   déchargées de ces hélicoptères. Etes-vous au courant ?

  4   Réponse:    Je vous ai déjà dit que ces hélicoptères, qui sont partis de

  5   la base aérienne de Divulje, ainsi que ceux que nous envoyions avec

  6   l'accord de l'ECMM, que ces hélicoptères n'ont jamais transporté d'armes.

  7   Question:   18 juillet, Darko Gelic ; il s'agit de la pièce 1146.2. Il

  8   nous a dit que des hélicoptères apportaient du matériel extrêmement

  9   important. Et vous dites au paragraphe 2.5 de votre résumé -vous l'avez

 10   répété au cours de votre déposition orale-, vous avez dit que les

 11   hélicoptères apportaient des éléments techniques à des fins militaires.

 12   Est-ce que c'était une façon de dire qu'ils amenaient des armes?

 13   Réponse:    Un instant.

 14   Question:   Et aujourd'hui, vous parlez d'équipements à être utilisés par

 15   l'armée?

 16   Réponse:    Oui, s'agissant de ces hélicoptères qui avaient été loués et

 17   utilisés fin 1993, à ce moment-là, la situation était particulièrement

 18   difficile, complexe. Il y avait un grand nombre de blessés, un nombre

 19   croissant de blessés et de morts. Et, chaque jour, nos capacités de

 20   défense s'amenuisaient. Le seul message venant de Vitez était celui ci:

 21   "Envoyez-nous de l'aide sous n'importe quelle forme". Ceci impliquait

 22   aussi du matériel.

 23   Question:   Dans votre résumé et dans votre déposition, vous avez parlé de

 24   matériel à des fins militaires. Etait-ce une façon de parler d'armes? Est-

 25   ce que ces hélicoptères apportaient des armes?


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  1   Réponse:    Vers la fin de l'année 1993, oui, ce fut le cas.

  2   Question:   Parlons de juillet 1993, au moment où c'étaient encore les

  3   hélicoptères croates qui ne vous demandaient rien en guise de

  4   rémunération. Que faisaient ces hélicoptères croates? Amenaient-ils des

  5   armes?

  6   Réponse:    Exclusivement des produits médicaux et ceci, de surcroît, en

  7   fonction des demandes individuelles. C'était uniquement si ces médicaments

  8   n'étaient pas disponibles à Nova Bila qu'on nous les demandait. Et c'était

  9   uniquement pour évacuer les blessés que l'on avait ces hélicoptères, ceux

 10   que l'on ne pouvait pas traiter à Nova Bila, à l'hôpital.

 11   Question:   Lorsque ces hélicoptères quittaient Split, je suppose qu'ils

 12   étaient sous la tutelle, sous le contrôle de la communauté internationale?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   Mais le Témoin Z nous a dit ceci : est-ce exact? Il nous a dit

 15   que les hélicoptères volaient en-dessous de la zone radar, qu'on ne

 16   pouvait pas les détecter, donc il était impossible de savoir s'ils

 17   s'étaient arrêtés quelque part après avoir quitté Split pour emmener du

 18   matériel militaire, par exemple. Est-ce que ce serait exact?

 19   Réponse:    Il m'est impossible de répondre à une telle question, car je

 20   ne suis pas un expert en aviation.

 21   Question:   Nous avons entendu un témoin, toujours le même témoin,

 22   Messieurs les Juges, qui nous a dit que, par la suite, en mars 1994,

 23   s'était produit un incident à Nova Bila, qui impliquait un hélicoptère.

 24   Vous trouviez-vous à Nova Bila en mars 1994?

 25   Réponse:    Non. Je suis revenu à Vitez fin avril 1993, mais pas par


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  1   hélicoptère.

  2   Question:   Il se peut que je me sois carrément trompé, mais moi, je

  3   croyais que vous vous étiez trouvé en Croatie d'avril 1993 jusqu'à la fin

  4   de cette année-là. N'est-ce pas exact?

  5   Réponse:    D'octobre 1993 jusqu'à la fin d'avril 1994.

  6   Question:   Donc, s'il s'était passé quelque chose à Nova Bila en mars

  7   1993, auriez-vous eu vent de cela ou pas?

  8   Réponse:    Je n'ai pas entendu parler d'un tel incident.

  9   Question:   Mais cela aurait été un hélicoptère que vous, vous auriez

 10   envoyé, n'est-ce pas?

 11   M. Kovacic (interprétation): Désolé de vous interrompre, mais je pense

 12   qu'il y a un incident matériel dans le compte rendu d'audience.

 13   A la page 46, ligne 2, on parle de 1993 : on devrait parler de 1994. On

 14   parle de la date à laquelle rentre le témoin. Le témoin l'a dit

 15   clairement, il parle de son retour en avril 1994. Et ceci donne une

 16   tournure totalement différente aux événements.

 17   M. Nice (interprétation): Vous voyez, des témoins sont venus ici. Il y a

 18   d'abord M. Williams et le Témoin Z; ils nous ont parlé d'un hélicoptère

 19   qui avait atterri illégalement à Nova Bila au mois de mars 1994. Je

 20   suppose que c'est un hélicoptère que vous, vous avez envoyé? C'était

 21   effectivement un vol d'évacuation médicale ?

 22   M. Nakic (interprétation): Dans ma déclaration, j'ai déjà dit à quel

 23   moment ces routes terrestres ont été ouvertes et c'est à ce moment-là que

 24   les vols ont cessé. Effectivement, c'est vers janvier ou février 1994 que

 25   nous avons cessé d'obtenir ces hélicoptères. Si l'on parle d'hélicoptères


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  1   qui auraient atterri illégalement en 1994, je ne suis pas au courant.

  2   Question:   Si ce n'est pas vous, puisque vous vous occupiez de tout le

  3   travail à distance -c'est du moins ce que vous nous avez dit- et vous êtes

  4   toujours là, alors qu'ici, on parlait d'un vol d'évacuation médicale, si

  5   ce n'était pas vous, qui l'avait ordonné, ce vol?

  6   M. Kovacic (interprétation): Je vous rappelle que l'acte d'accusation

  7   dressé contre mon client s'applique à la période qui va jusqu'en septembre

  8   1993. Je ne vois pas la pertinence qu'il y a à parler de vols

  9   d'hélicoptère qui se seraient déroulés en avril 1994.

 10   M. le Président (interprétation): Oui, mais tout ceci fait partie du même

 11   récit. Poursuivez, Monsieur Nice.

 12   M. Nice (interprétation): Une dernière question sur ce point.

 13   Monsieur Nakic, des témoins nous ont dit que cet hélicoptère transportait

 14   vingt soldats dotés de nouveaux uniformes et qui transportaient aussi des

 15   caisses, des sacs, qu'ils sont sortis de l'hélicoptère et que les

 16   représentants de la communauté internationale les ont renvoyés. Vous

 17   n'étiez vraiment pas au courant, vous qui vous trouviez à Split, occupé à

 18   organiser la distribution de l'aide humanitaire? Vous n'étiez vraiment pas

 19   au courant?

 20   M. Nakic (interprétation): Non, non, je n'en ai vraiment pas entendu

 21   parler. Je l'ai déjà dit, je le répète: pour ce qui est des activités sur

 22   la route blanche et l'ouverture des routes à la circulation, de ce fait

 23   nos activités et les ressources disponibles, qui de toute façon étaient

 24   limitées, ont cessé. Cela a été la fin de notre aide humanitaire acheminée

 25   par air.


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  1   Question:   Encore une dernière question sur cet hélicoptère. Je suppose

  2   que vous avez entendu parler du détournement de cet hélicoptère

  3   d'évacuation médical musulman? Ceci s'est passé en octobre 1993. En avez-

  4   vous entendu parler?

  5   Réponse:    Non.

  6   Question:   Et vous n'avez pas appris que l'équipage avait été détenu

  7   pendant cinq mois en dépit du fait qu'il faisait du travail humanitaire?

  8   Vous n'en avez vraiment pas entendu parler?

  9   Réponse:    Non.

 10   M. Nice (interprétation): Pouvons-nous examiner certains documents? Un

 11   instant, sil vous plaît, Messieurs les Juges.

 12   Examinons rapidement un nouveau document, 11198.4.

 13   Ce qui m'intéresse surtout ici, Monsieur le Témoin, c'est ce que vous avez

 14   dit à propos de l'usine et de ce qu'elle produisait. Ce document porte la

 15   date du 10 septembre 1993. Il émane du département de la défense de

 16   Travnik et est adressé à Bruno Stojic; la signature est celle d'Anto

 17   Pulic. C'est une demande visant à sauvegarder les vols par hélicoptère

 18   entre Kiseljak et Busovaca. Etes-vous au courant de ces vols

 19   d'hélicoptères-ci?

 20   M. Nakic (interprétation): C'est la première fois que je vois un document

 21   de ce type. Il m'est impossible de vous dire quoi que ce soit à son

 22   propos, que ce soit à propos de la sauvegarde des vols ou d'autre chose.

 23   Question:   Vous avez parlé des hélicoptères. Nous savons qu'à ce moment-

 24   là, c'était la Croatie qui les fournissait. Mais il est exact de dire,

 25   n'est-ce pas, que le HVO n'avait pas ses propres hélicoptères, c'est bien


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  1   pour cela que la Croatie les lui fournissait?

  2   Inutile d'examiner le document pour me répondre. C'est exact, n'est-ce

  3   pas? Le HVO n'avait pas d'hélicoptère et c'est pour cela que la Croatie

  4   les lui fournissait, et c'est pour cela que vous avez dit que, par la

  5   suite, ultérieurement, vous avez dû en trouver ailleurs?

  6   Réponse:    Oui, mais ce document remonte au mois de septembre 1993.

  7   Question:   Je vous ai interrompu, excusez-moi. Est-ce que vous pourriez

  8   poursuivre?

  9   Réponse:    Ce document porte la date du mois de septembre. Les

 10   hélicoptères croates ont été en opération fin juin, juillet. Donc au cours

 11   de l'été 1993.

 12   Question:   Vous vous occupiez toujours de ces vols par hélicoptère ; le

 13   HVO pouvait en disposer de ces hélicoptères en septembre. Alors, qui

 14   fournissait les machines, les hélicoptères ? Pourriez-vous nous aider là-

 15   dessus?

 16   Réponse:    Je ne sais vraiment pas, je ne sais pas si le HVO en disposait

 17   ou pas, ou qui fournissait les hélicoptères. Moi, je ne connais que la

 18   partie des activités dont j'ai parlé.

 19   Question:   Troisième paragraphe du document. Je cite: "Nous avons un

 20   petit nombre de douilles pour les obus de 60 millimètres et de 82

 21   millimètres ; nous pourrons les remplir à Vitez."

 22   Donc, cela veut dire que, dans votre usine, en septembre 1993, on pouvait

 23   produire des obus de mortier?

 24   Réponse:    Je vais répéter une fois de plus ce que j'ai dit : pour ce qui

 25   est de ces activités militaires, étant donné que j'ai passé toute ma vie à


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  1   la production d'explosifs pour le génie civil, ce qui était quand même un

  2   département tout à fait différent de la production militaire, moi, je ne

  3   connais rien dans le détail à propos de ces activités militaires.

  4   Question:   Nouveau document qui porte la cote 12115.2 ; c'est un rapport

  5   d'information militaire.

  6   Selon vous, quelle était la fréquence de vos vols en direction de la

  7   Croatie : était-ce une fois par mois, une fois par semaine, deux fois par

  8   jour? Qu'en était-il?

  9   Réponse:    Au début, à partir de la Croatie, il y avait peut-être un vol

 10   tous les sept ou huit jours. Ces vols étaient assez espacés, il n'y a eu

 11   que peu de vols à partir de la Croatie.

 12   Question:   Je ne sais pas si vous parlez l'anglais ; je crois que oui.

 13   Nous n'avons malheureusement qu'une version en anglais. C'est un résumé

 14   d'information militaire qui provient d'un des observateurs militaires se

 15   trouvant sur le terrain. Au paragraphe 3, on parle des activités

 16   d'hélicoptères. Je vais vous en faire la lecture lente et je demanderai un

 17   commentaire.

 18   "Activités : des hélicoptères croates ont continué à voler en

 19   contravention avec l'interdiction de vol. On a enregistré deux vols

 20   aujourd'hui -on précise les heures. Lors de ces deux vols, la piste

 21   d'atterrissage était de nouveau la carrière de Mosunj. L'hélicoptère a

 22   utilisé une technique de spirale, une fois de plus, et il a perdu de

 23   l'altitude à l'intérieur de la base contrôlée par les Croates dans la

 24   vallée".

 25   On parle donc de cette technique de spirale, c'est-à-dire qu'il y a un


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  1   chute pratiquement immédiate de l'appareil, comme si une pierre tombait,

  2   pour parvenir au sol plus rapidement possible. Est-ce exact?

  3   Monsieur Nakic, c'est exact, n'est-ce pas? C'est une technique de spirale.

  4   Vous êtes au courant?

  5   Réponse:    D'abord, je ne sais pas ici de quelle période on parle. Bon,

  6   je connais le terrain puisque je suis né à cet endroit, à Vitez, et, au vu

  7   des information que j'ai eues avec mes frères et ma mère, sur place, je

  8   savais que les lignes étaient à proximité. Il est donc logique que les

  9   hélicoptères ne soient en mesure d'utiliser que cette technique pour

 10   perdre de l'altitude et atterrir. Parce qu'il y avait des activités de la

 11   part des Musulmans, des activités assez intenses le long de ces lignes

 12   d'après -je le répète- des information que j'ai reçues de mes parents. Ils

 13   n'avaient pas le choix, ces hélicoptères : ils devaient utiliser cette

 14   technique pour descendre.

 15   Question:   On parle ici de deux vols en un jour ; est-ce que ce sont des

 16   vols que vous avez organisés?

 17   Réponse:    J'ai dit que je n'étais pas au courant de la période concernée

 18   ici. Impossible de vous répondre.

 19   Question:   On voit que ce rapport porte la date du 26 septembre 1993.

 20   Réponse:    C'est possible. Vu la date, à partir du 20 septembre, nous

 21   avons utilisé des pilotes étrangers. Là, il était possible d'avoir deux

 22   vols en un jour.

 23   Question:   Comme le dit ce paragraphe un peu plus loin, il y a eu sept

 24   vols lors de la semaine précédente. Est-ce qu'il se peut que vous ayez

 25   organisé tous ces vols?


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  1   Réponse:    Je suppose que oui. A en juger par le document que j'ai sous

  2   les yeux, ces vols ont commencé vers le 20. C'est à ce moment-là qu'on a

  3   eu des équipages, en tout cas des pilotes étrangers.

  4   Et, comme je l'ai dit précédemment, comme il n'y avait plus de

  5   communication avec la Bosnie Centrale, il était logique d'augmenter et

  6   nécessaire d'augmenter le nombre de vols.

  7   Question:   Examinons un autre document qui porte la cote 1255.1, autre

  8   résumé d'information militaire.

  9   Ce document porte sur la période qui s'arrête le 30 septembre. Ici, à la

 10   rubrique Vitez, on trouve un paragraphe qui évoque l'atterrissage de ces

 11   hélicoptères dans la carrière. Mais voyons le commentaire -je cite-:

 12   "Aujourd'hui, les activités d'hélicoptère s'élèvent à dix vols sur une

 13   période de dix jours."

 14   Vous nous dites que tous ces vols privés étaient financés, étaient payés

 15   par l'argent qui venait de l'usine SPS?

 16   Réponse:    S'il s'agit de la fin du mois de septembre, il faut répondre

 17   par l'affirmative.

 18   Question:   Ce même résumé d'information militaire laisse entendre que des

 19   sources croates locales affirment que les hélicoptères amènent des

 20   munitions et emmènent aussi des personnes, mais qu'il faut payer un

 21   certain prix. Est-ce exact ou pas?

 22   Réponse:    Je ne pense pas que ce soit exact. En effet, je suis sûr d'une

 23   chose, c'est que nous avons emmené beaucoup de personnes qui étaient des

 24   bénévoles, des volontaires qui travaillaient dans beaucoup de pays

 25   d'Europe. Cela veut dire que je n'ai pas eu l'occasion de voir ou


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  1   d'entendre dire qu'on devait payer pour sortir en hélicoptère.

  2   Question:   Lorsque cette semaine qui se termine le 30 septembre 1993

  3   arrive, selon vous, il n'y avait plus que des hélicoptères privés en

  4   circulation? Il n'y avait plus utilisation d'hélicoptères croates? C'est

  5   bien cela?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Est-il possible d'examiner la pièce un 1223.1, document

  8   relatif à une date qui est la veille du rapport que nous venons

  9   d'examiner? Ici, il s'agit du 29 septembre 1993.

 10   Examinons ce document qui provient du département de la défense de

 11   Travnik. Il est adressé au bureau du vice-président de la République à

 12   Mostar. C'est un rapport d'activité qui dit ceci: "Au cours des dernières

 13   24 heures sur le territoire de la Bosnie Centrale, municipalité de

 14   Travnik, Novi Travnik, Vitez et Busovaca, nous avons remarqué la chose

 15   suivante: les centres municipaux du M et O -centre d'observation et

 16   d'information- ainsi que les réseaux d'observation sur les terrains n'ont

 17   pas enregistré de vols d'hélicoptères ennemis ni d'autres appareils volant

 18   à basse altitude. Un hélicoptère de la HV a atterri en toute sécurité en

 19   dépit du feu ouvert par les forces MOS".

 20   Vous nous dites qu'il n'y avait plus que des hélicoptères privés qui

 21   volaient. Or, voici un hélicoptère de la HV. Etait-ce un des vôtres ou

 22   était-ce un hélicoptère qui appartenait à quelqu'un d'autre?

 23   Vous le verrez, Messieurs les Juges, on en parle au bas du paragraphe 2,

 24   en bas de la première page. Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous expliquer

 25   pourquoi il y avait atterrissage d'hélicoptères croates, alors que vous


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  1   dites qu'à cette époque-là, vous n'utilisiez plus que des hélicoptères

  2   privés?

  3   Réponse:    Je maintiens que c'étaient là les seuls hélicoptères que nous

  4   avons organisés depuis la base de Posusje.

  5   Question:   Est-ce que vous saviez s'il y avait d'autres personnes qui

  6   utilisaient des hélicoptères croates faisant des choses que vous ne

  7   connaissiez pas? N'est-ce pas la conséquence logique de ce document-ci?

  8   Réponse:    Non, je ne pense pas que c'est ce qu'ils faisaient. En effet,

  9   j'ai rencontré des pilotes, j'ai discuté avec eux. Des pilotes de Croatie.

 10   Ils étaient vraiment désolés que l'on ait mis un terme à ces vols

 11   humanitaires.

 12   Question:   Ce n'était pas simplement des vols humanitaires. A ce moment-

 13   là, vous transportiez déjà des munitions ou des armes?

 14   Réponse:    En partie.

 15   Question:   Nous savons -le document 1302.2 nous le dit- qu'en novembre

 16   1993, Anto Pulic avait donné l'ordre de faire construire une piste

 17   d'atterrissage pour hélicoptère. Etiez-vous au courant?

 18   Réponse:    Non.

 19   Question:   Mais est-ce que ceci cadrerait bien dans la logique des choses

 20   avec les vols que, vous, vous organisiez? Ou est-ce que ceci ne s'explique

 21   pas par la fréquence des vols que vous organisiez?

 22   Réponse:    J'éprouve de grandes difficultés à vous expliquer ceci. Je ne

 23   sais pas comment expliquer la nécessité de construire une piste

 24   d'atterrissage pour hélicoptère. Je connais bien le terrain et les

 25   circonstances qui prévalent au moment des pires conflits. Cela, c'est le


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  1   mois d'octobre et le mois de décembre 1993.

  2   Question:   La réalité, c'est qu'il y avait beaucoup de vols par

  3   hélicoptères. Peut-être que certains étaient privés -je ne peux pas le

  4   dire exactement- et que d'autres étaient organisés par la Croatie. C'est

  5   pourquoi il y fallait une piste d'atterrissage prévue à cet effet, n'est-

  6   ce pas?

  7   Réponse:    Je ne sais vraiment pas s'il y a eu des vols d'hélicoptères

  8   croates. Je ne peux pas vous dire quoi que ce soit à propos de cette piste

  9   de construction.

 10   Question:   Vu le poste que vous occupiez en Croatie, avez-vous appris

 11   qu'il y avait eu des menaces selon lesquelles on allait faire sauter votre

 12   usine en octobre 93?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   C'étaient des menaces proférées non pas par des Musulmans,

 15   mais par des Croates, n'est-ce pas?

 16   Réponse:    C'est exact, mais c'était un avertissement lancé au monde

 17   entier pour faire comprendre que les Croates devaient être protégés et

 18   devaient se défendre.

 19   Question:   C'étaient de véritables menaces. Ce n'était pas simplement une

 20   question de propagande. Elles étaient réelles, ces menaces!

 21   Réponse:    Vu la situation sur le terrain, vu le grand nombre de morts

 22   qu'il y avait chaque jour, ces gens n'avaient plus d'autre choix. Ils

 23   devaient lancer une telle action pour essayer d'avertir l'opinion publique

 24   internationale qu'il fallait mettre un terme à cette activité.

 25   Question:   Je ne vais pas importuner le témoin avec deux autres pièces


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  1   qui portent respectivement les cotes 1299.1 et 13105.4. Je vais vous

  2   demander l'examen de deux documents très courts. Le premier porte la cote

  3   1324.3. J'aurais peut-être quatre documents à vous présenter en fait.

  4   C'est de ma faute: j'ai du mal à comprendre quelle était votre fonction en

  5   Croatie. Peut-être que vous pourrez m'aider là-dessus par le truchement de

  6   ce document. Il est adressé à Anto Pulic et vient du directeur de

  7   l'entreprise, Marko Lujic. Il parle des plans de production pour la

  8   période du guerre allant du 6 au 12 décembre. On voit qu'il y a beaucoup

  9   de matériel militaire et à la fin, on parle de poêles, de chandelles, de

 10   bougies, de lits de bois, de genre de choses. Ces équipements sont-ils

 11   essentiels dans le cadre de la production qui vous intéressait ou vous

 12   concernait?

 13   Réponse:    Tout d'abord, je préciserai qu'il s'agit de matériel que je ne

 14   connais pas; je ne peux pas vous parler de la production. Je vous rappelle

 15   qu'à Split, au bureau que nous y avions -et c'est tout à fait logique-,

 16   une antenne avait été mise en place qui s'occupait d'un programme civil,

 17   de la mise en place et du fonctionnement de programmes civils. Il n'y

 18   avait pas une production militaire continue.

 19   Question:   Mais il n'y avait pas de production civile. C'est bien ce

 20   votre usine produisait que l'on voit ici, n'est-ce pas?

 21   Réponse:    Je ne suis vraiment pas au courant.

 22   Question:   Il n'y avait donc pas de production civile. Vous,

 23   manifestement, vous étiez à Split uniquement pour envoyer des

 24   hélicoptères, est-ce exact?

 25   Réponse:    Oui, mais en élargissant le cadre de nos activités, des


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  1   activités de notre bureau, on s'occupait bien sûr des questions

  2   humanitaires et de suivi social pour les nombreux blessés qui, après être

  3   sortis de l'hôpital, se retrouvaient dans la rue; ils devaient bien être

  4   logés quelque part. Ce qui veut dire qu'il nous a fallu prendre contact

  5   avec leurs familles, des membres de leurs familles qui se trouvaient à

  6   l'étranger. Voilà le genre de choses que nous faisions. Notre bureau était

  7   public. On ne peut pas, à partir d'un tel bureau, faire ce genre de choses

  8   que l'on voit ici dans ce document. Je ne me suis pas occupé de ce genre

  9   de choses.

 10   Question:   Avez-vous des documents qui montrent que vous êtes nommé à des

 11   activités sociales, de bien-être social?

 12   Réponse:    Je pense que ce document a été soumis au début du procès ou au

 13   début de ma déposition. On précisait la nomination de certaines personnes.

 14   Ce document était signé par le maire; ceci concernait uniquement l'aide

 15   humanitaire.

 16   Question:   Examinons un autre document, cote 1355.4. Nous n'avons pas de

 17   traduction pour ce document.

 18   C'est un document à certains égards historique, puisqu'il parle de la

 19   période que vous nous avez relatée. On voit la date: 8 janvier 1994. Il

 20   est adressé à l'administration de la défense de Travnik et personnellement

 21   à Franco Sliskovic; c'était le responsable logistique pour M. Blaskic. La

 22   signature est celle de Marko Lujic. L'objet est l'envoi de requêtes, de

 23   demandes.

 24   Le document nous dit ceci: "Au cours de l'année 1993, à partir du 1er août

 25   de cette année, nous avons rempli d'explosifs des douilles et de


Page 24859

  1   l'équipement qui nous avait été fournis par hélicoptère. Etant donné que

  2   le département de production de guerre en termine des requêtes de l'année

  3   dernière, nous vous demandons de nous envoyer dans les meilleurs délais

  4   une commande collective pour tout l'équipement qui est arrivé de cette

  5   façon entre le 1er août et le 31 décembre 1993. Nous vous demandons aussi

  6   d'envoyer vos commandes de cette année aussitôt après l'arrivée des

  7   équipements qui doivent servir à la production de guerre".

  8   Donc, Marko Lujic nous dit ici qu'entre le mois d'août et le 31 décembre,

  9   ils avaient rempli de poudre, d'explosifs, du matériel acheminé par

 10   hélicoptère, dans vos hélicoptères, ceux que vous avez envoyés, n'est-ce

 11   pas?

 12   Réponse:    J'ai déjà insisté sur le fait qu'il y avait des hélicoptères,

 13   mais pas à partir du 1er août parce qu'au mois d'août, il n'y avait pas de

 14   tels hélicoptères. Jusqu'à la mi-août, il n'y avait que les hélicoptères

 15   croates et il est certain qu'ils ne transportaient pas ce genre de

 16   marchandises. Mais, après la mi-septembre, il y a eu diverses activités ;

 17   nous avons envoyé de l'aide humanitaire et, vers la fin de l'année, du

 18   matériel a été envoyé. Je ne sais pas si c'était afin d'être rempli

 19   d'explosifs, c'est le bureau qui s'occupait de cela, mais c'étaient

 20   d'autres personnes qui étaient des experts. Moi, je ne peux pas vous dire

 21   quel type d'équipement, de matériel, d'armes aurait été envoyé et qui est

 22   évoqué ici.

 23   Question:   Cette lettre émane d'une personne que vous devez connaître :

 24   Marko Lujic. Il est précis pour ce qui est des dates ; il parle du 1er

 25   août. Vous vous êtes un peu engagé en disant qu'il y avait encore des


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  1   hélicoptères croates qui volaient à cette époque jusqu'au mois de

  2   septembre. Réfléchissez un peu. Pouvez-vous nous dire si effectivement des

  3   hélicoptères croates continuaient à voler en direction de la Bosnie

  4   Centrale à cette époque-là? C'est bien vrai, n'est-ce pas?

  5   Réponse:    Depuis la Croatie? Non, ils n'auraient pas pu partir de

  6   Croatie. Je vous ai dit que chaque jour, les vérificateurs de l'ECMM

  7   inspectaient ces machines. Je pense donc que la date donnée ici n'est pas

  8   correcte.

  9   M. Nice (interprétation): Je ne vais pas insister sur ce point avec ce

 10   témoin. Mais vous allez peut-être vouloir examiner une autre pièce qui

 11   porte la cote 114/2.

 12   Merci à M. Lopez-Terres qui avait, comme d'habitude, une vue d'aigle et

 13   qui a détecté... Il faudrait peut-être aussi examiner la pièce 116/2.

 14   On voit un cachet, celui de l'administration de la défense de Travnik; ce

 15   n'est pas du tout un organisme civil. Malheureusement, on n'a pas de

 16   traduction pour ce document. On a un cachet qui est apposé, et c'est bien

 17   l'administration de la défense qui vous a nommé, n'est-ce pas?

 18   Réponse:    On parle d'un document du 27 avril; M. Santic est concerné.

 19   Mais je ne peux pas dire quoi que ce soit à propos du cachet. Ce n'est pas

 20   le cachet qui m'intéressait car, pendant toute cette période, 90% de mes

 21   contacts étaient convenus entre M. Santic et le représentant des autorités

 22   civiles.

 23   Question:   On a beaucoup parlé des cachets utilisés dans l'ex-

 24   Yougoslavie. Ici, est-ce que ce n'est pas celui de l'administration de la

 25   défense?


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  1   Réponse:    Impossible de répondre à votre question.

  2   Question:   Mais vous pouvez lire ce que l'on voit sur ce cachet ou juste

  3   en-dessous?

  4   Réponse:    On dit "Administration de la défense" mais, à mon avis, c'est

  5   la personne qui comptait.

  6   Question:   Il y a aussi la pièce 116/2 qui parle des véhicules et qui

  7   porte ce même cachet de l'administration de la défense.

  8   Dernier document: 1364.8. Que saviez-vous à propos de l'usine Koncar? Que

  9   saviez-vous à propos de cette usine Koncar?

 10   Réponse:    Rien, parce qu'on n'avait aucuns rapports commerciaux ou

 11   industriels avec cette usine.

 12   Question    Examinons ce document : vous êtes toujours à Split. Ce

 13   document porte la date du 28 janvier 1994, il émane de l'administration de

 14   la Défense de Travnik, il est adressé à un ministre adjoint ou vice-

 15   ministre, à plusieurs personnes, notamment à Bruno Stojic; signé de Anto

 16   Pulic. L'objet, c'est un rapport sur l'utilisation des marchandises

 17   envoyées par hélicoptère. Elles étaient destinées au ministère de la

 18   Défense de la République de Croatie à l'usine Koncar et on précise quelle

 19   est la nature de la livraison.

 20   Ces hélicoptères ne se contentaient pas de transporter des blessés, ils

 21   transportaient des munitions, soit pour les acheminer sur le terrain ou

 22   pour faire sortir des munitions?

 23   Réponse:    Je ne sais rien à propos de ce document ; rien à propos de ces

 24   rapports commerciaux avec Koncar ; surtout quand on parle de la poudre

 25   d'explosifs, ce n'était pas mon secteur.


Page 24862

  1   Question    Je vous remercie. J'en ai terminé.

  2   (Questions supplémentaires de Me Kovacic.)

  3   M. Kovacic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

  4   Pour mieux expliquer certaines choses, est-ce vrai que, depuis le mois

  5   d'octobre 1992, vous n'êtes plus résident de Vitez?

  6   M. Nakic (interprétation): Oui.

  7   Question    C'est que vous résidiez à Split?

  8   Réponse:    Oui, c'est exact.

  9   Question    Vous avez dit que, depuis le mois d'octobre 1992 jusqu'en

 10   avril 1994… Essayons de faire en deux temps. D'abord, pour la période du

 11   mois d'octobre 1992 jusqu'au déclenchement du conflit, le 16 avril 1993,

 12   vous vous rendiez de temps en temps à Vitez?

 13   Réponse:    C'est bien ce que j'ai dit.

 14   Question    Si je me souviens bien, vous avez dit que, tous les quinze5

 15   jours à peu près, vous vous rendiez, une moyenne de vos déplacements?

 16   Réponse:    Oui, mais avec mention faite que je devais y rester pendant

 17   quelque temps pour m'acquitter de certaines tâches et mettre au point

 18   certaines négociations à faire dans le cadre des opérations de

 19   l'entreprise.

 20   Question    Est-ce vrai… Je me dépêche encore une fois…

 21   Est-ce que vous vous rappelez que vous avez été une personne bien informée

 22   de ce qui se passait à Vitez pendant ce temps-là où vous ne résidiez plus

 23   à Vitez?

 24   Réponse:    Je pense que c'était bien ainsi.

 25   Question    Il y avait une question concernant les chauffeurs, les


Page 24863

  1   conducteurs de ces véhicules : ils étaient d'abord installés à Ploce?

  2   Réponse:    C'est bien cela. A l'hôtel de Ploce.

  3   Question    Certainement que ces conducteur de ces véhicules devaient être

  4   insatisfaits à cause de leur situation?

  5   Réponse:    En effet.

  6   Question    Quelle était la raison de leur mécontentement?

  7   Réponse:    Je suppose qu'entre humains, tous que nous sommes, qu'en tant

  8   qu'être humains, ils étaient déplacés par rapport à leur famille qui était

  9   restée à Vitez. C'était plutôt cela, il n'y avait pas de rapport entre eux

 10   et moi.

 11   Question    Avez-vous pu avoir des contacts réguliers entre ces gens-là?

 12   Réponse:    Ces contacts ont eu lieu tous les jours : depuis Split, ils

 13   venaient à Ploce. Au cours de la semaine, je me rendais sur place, je

 14   devais retirer de l'argent de notre compte en banque pour pouvoir payer

 15   leurs salaires. Ce dont témoigne un dossier de comptabilité bien rôdé.

 16   Question    Monsieur, il y avait gens employés de vous-même, corrects ?

 17   Réponse:    C'est exact.

 18   Question    Il y avait des Musulmans et des Croates?

 19   Réponse:    C'est bien cela.

 20   Question    Vous étiez obligé de vous en occuper, étant donné que c'était

 21   votre personnel?

 22   Réponse:    C'est bien cela.

 23   Question    Est-ce que les uns et les autres, Croates et Musulmans,

 24   souhaitaient rentrer chez eux?

 25   Réponse:    C'est bien vrai.


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  1   Question    C'était en général les sujets de la conversation ?

  2   Réponse:    C'était le plus fréquemment les sujets de la conversation. Je

  3   devais les informer par téléphone aussi ; toutes les informations reçues

  4   par téléphone, je devais les leur communiquer.

  5   Question    Cela s'est passé comme cela pendant plusieurs mois, ainsi?

  6   Réponse:    Pendant plusieurs mois, jusqu'aux malheureux événements

  7   d'Ahmici, jusqu'au mois de juin, avec les encerclements critiques survenus

  8   plus tard. Il y avait bon nombre de Croates blessés qui arrivaient ;

  9   ainsi, les contacts devenaient plus difficiles et critiques. Il y avait

 10   deux partis opposés, il y avait des personnes dont les membres de la

 11   famille étaient blessés ou morts, etc.

 12   Question    Nous avons reçu une information comme quoi, à un moment donné,

 13   quelques conducteurs de véhicule qui étaient des Musulmans avaient décidé

 14   de vous quitter et de rentrer chez eux de leur propre chef.

 15   Réponse:    C'est vrai.

 16   Question    Voulaient-ils rentrer à bord du véhicule de l'entreprise?

 17   Réponse:    Oui. Je peux compléter une réponse que j'ai donnée à une

 18   question du Procureur. Quand on parlait des clefs de ces véhicules, il

 19   s'agit de Ahmic Nesib, qui était porté disparu. Je devais m'occuper de

 20   véhicules, c'est-à-dire il ne s'agit pas d'hommes mais de véhicules dont

 21   je devais retirer les clefs pour m'en occuper. Encore aujourd'hui, on ne

 22   connaît pas la destinée de ces véhicules-là.

 23   Question    Mais ces véhicules étaient propriétés de votre entreprise?

 24   Réponse:    Cela est exact.

 25   Question    Votre tâche était de vous occuper des véhicules, propriétés de


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  1   la firme?

  2   Réponse:    C'est exact.

  3   Question    A la fin, il a été dit, d'après les affirmations de

  4   l'accusation, que certains de ces conducteurs ont été arrêtés à Capljina.

  5   J'ai deux questions là-dessus. Certains d'entre ces conducteurs ont été

  6   arrêtés. Premièrement, où se trouve Capljina, en territoire de quel pays?

  7   Réponse:    Bosnie-Herzégovine.

  8   Question    Avez-vous jamais entendu parler de cela précédemment?

  9   Réponse:    Non.

 10   Question    Monsieur le Président, je voudrais poser deux brèves questions

 11   concernant les documents qui ont été soumis par l'accusation et il me

 12   faudra faire mention de certains noms. Par conséquent, je demande un huis

 13   clos partiel pour ne pas exposer des gens à des rumeurs, etc.

 14   (La séance se poursuit en huis clos partiel.)

 15   [expurgée]

 16   [expurgée]

 17   [expurgée]

 18   [expurgée]

 19   [expurgée]

 20   [expurgée]

 21   [expurgée]

 22   [expurgée]

 23   [expurgée]

 24   [expurgée]

 25   (L'audience se poursuit en séance publique.)


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  1   Question    Une brève question : avez-vous jamais, dans votre vie avant

  2   cette situation-là, été impliqué d'une quelconque façon dans les affaires

  3   d'hélicoptère?

  4   Réponse:    Non.

  5   Question    Avez-vous jamais connu ce cercle de gens qui s'occupaient de

  6   ces affaires-là?

  7   Réponse:    Non. Parce que mes occupations sont dans une autre branche.

  8   Question    Cela signifie donc que, pour ces activités, vous avez dû

  9   engager quelqu'un pour s'en occuper?

 10   Réponse:    C'est exact.

 11   Question    C'était cet homme-là qui était formé pour s'occuper de ces

 12   affaires-là?

 13   Réponse:    C'est exact.

 14   Question    Je vous remercie. Avez-vous négocié directement vous-même avec

 15   les propriétaires de ces hélicoptères qu'il fallait affréter en

 16   Herzégovine ?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question    Je vous remercie. Au cours de l'année 1993, avez-vous eu

 19   encore des stocks de marchandises produites par vous dans vos entrepôts de

 20   Split et de Sinj?

 21   Réponse:    C'est exact.

 22   Question    Ces produits-là, vous les vendiez déjà en 1993 et toujours?

 23   Réponse:    C'est exact.

 24   Question    S'il vous plaît, Monsieur Nakic, réfléchissez bien avant

 25   de répondre : avez-vous, à n'importe quel moment dont nous parlions tout à


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  1   l'heure, été pris dans n'importe quels engagements ou négociations

  2   concernant les hélicoptères, sauf ces deux vols, ces deux événements dont

  3   on parlait.

  4   M. le Président (interprétation): Si nous voulons entendre les positions

  5   de onze témoins au cours de cette semaine, nous devons progresser plus

  6   rapidement. Ce témoin dépose depuis ce matin.

  7   M. Kovacic (interprétation): Je m'excuse, Monsieur le Président. J'ai deux

  8   brèves questions.

  9   Avez-vous entendu vous-même, personnellement, ou entendu dire par

 10   quelqu'un que d'autres hélicoptères auraient effectué des vols depuis

 11   Divulje vers la Bosnie Centrale, sauf ce rapport de l'ECMM?

 12   M. Nakic (interprétation): Etant donné que j'étais trop pris dans l'office

 13   qui était le mien et dans l'organisation de mes travaux à moi, je n'ai

 14   jamais eu l'occasion d'en entendre parler, pas plus que je n'ai eu la

 15   possibilité de m'en changer moi-même.

 16   Question:   Ne serait-ce que pour parler d'ordre de grandeur et pour avoir

 17   votre sentiment là-dessus, quel serait le nombre de blessés dont vous

 18   occupiez, vous-même d'abord et le personnel de votre office, pendant

 19   l'année 1993, à Split, et que vous auriez visités lorsqu'ils étaient

 20   hospitalisés pour leur apporter des choses, pour les recevoir une fois

 21   sortis de l'hôpital, etc.? Ne serait-ce que pour parler de l'ordre de

 22   grandeur.

 23   Réponse:    Je sais qu'il y avait parmi les hospitalisés de 80 à 100

 24   personnes. Je dirais que c'était un nombre presque stable. Il y en avait

 25   qui sortaient de l'hôpital, d'autres qui étaient hospitalisés, etc. Il y a


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  1   toute une documentation quant à l'hospitalisation de ces personnes.

  2   Question:   Par conséquent, pour dire un chiffre moyen, c'est comme vous

  3   l'avez dit vous-même tout à l'heure dans votre déposition?

  4   Réponse:    C'est exact.

  5   Question:   Monsieur le Président, je n'ai plus de question à poser à ce

  6   témoin, mais si vous me permettez, j'ai un commentaire à faire pour éviter

  7   peut-être des situations comme jusqu'à maintenant.

  8   Au sujet de ce sceau, de ce cachet dont l'accusation parlait, j'ai une

  9   question à poser, peut-être parce que deux témoins ont expliqué en détail

 10   la séparation des pouvoirs et ce que supposait le secteur chargé de la

 11   défense.

 12   M. le Président (interprétation): Cela va très bien.

 13   Monsieur Nakic, c'est ainsi que se termine votre déposition. Merci d'être

 14   venu témoigner devant le Tribunal international. Vous pouvez disposer.

 15   M.Nakic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

 16   (Le témoin est raccompagné hors du prétoire.)

 17   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, tout dépend de la

 18   décision qui sera la vôtre, mais je crois qu'il est de mon devoir de vous

 19   le rappeler. Vous nous avez demandé de vous présenter la situation qui est

 20   la nôtre, c'est-à-dire de vous informer de la façon dont nous proposons de

 21   travailler.

 22   M. le Président (interprétation): Oui, nous sommes prêts à accepter votre

 23   proposition. Certainement. Vous pouvez faire introduire le prochain

 24   témoin.

 25   M. Kovacic (interprétation): Je vous remercie.


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  1   M. le Président (interprétation): Il me semble que le prochain témoin sera

  2   le deux centième témoin?

  3   M. Kovacic (interprétation): C'est bien cela, Monsieur le Président.

  4   (Le témoin, Josip Miskovic, est introduit dans le prétoire.)

  5   M. le Président (interprétation): Que le témoin fasse la déclaration

  6   solennelle.

  7   M. Miskovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.

 10   M. Miskovic (interprétation): Je vous remercie.

 11   (Interrogatoire principal de Josip Miskovic par Me Mikulicic.)

 12   M. Mikulicic (interprétation): Bonjour, Monsieur Miskovic.

 13   M. Miskovic (interprétation): Bonjour.

 14   Question:   Au nom des conseils de la défense de M. Cerkez, je vais vous

 15   interroger. Je vous prie de répondre autant que vous le permettront vos

 16   bons souvenirs. Je vous prie de procéder de sorte à répondre à rythme

 17   lent, c'est-à-dire de ménager une courte pause lorsque vous aurez entendu

 18   ma question avant de répondre, de sorte à faciliter le travail des

 19   interprètes.

 20   D'abord, déclinez votre identité.

 21   Réponse:    Je m'appelle Josip Miskovic. Je suis né le 4 août 1964 à

 22   Travnik.

 23   Question:   Vous habitez Vitez actuellement?

 24   Réponse:    Oui, je suis résident de Vitez.

 25   Question:   Vous êtes marié, père d'un enfant de 3 ans.


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  1   Réponse:    Oui, je me suis marié après la guerre et j'ai une petite fille

  2   de 3 ans.

  3   Question:   De nationalité, vous êtes croate; de confession, vous

  4   appartenez à l'église catholique romaine?

  5   Réponse:    C'est bien cela.

  6   Question:   Vous avez une double nationalité: celle de République de

  7   Croatie et celle de Bosnie-Herzégovine?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Quant à votre formation, vous avez fait vos études et vous

 10   avez été diplômé de l'académie militaire de Zagreb, en 1989?

 11   Réponse:    C'est cela.

 12   Question:   Pouvez-vous dire en quelques mots, en quelques phrases, à quel

 13   titre vous avez été étudiant à l'académie militaire de sciences

 14   techniques? En civil ou en militaire? Cette école permet-elle une

 15   ouverture quant à l'emploi futur qui sera le vôtre dans le domaine de la

 16   vie civile ou militaire?

 17   Réponse:    C'est de la part de l'usine Vitezit que j'ai pu avoir une

 18   bourse. Par conséquent, à la sortie de cette académie militaire, un emploi

 19   m'attendait à l'usine. A la sortie de mes études, j'ai pu avoir deux

 20   possibilités, soit être en civil soit être en militaire. J'ai décidé

 21   d'appartenir à ce groupe de civils qui travaillaient pour le besoin de

 22   l'usine.

 23   Question:   Dans l'ex-Yougoslavie, l'usine Vitezit était importante quant

 24   à sa production et se trouvait en rapport de coopération très serré avec

 25   la JNA et les autorités militaires?


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  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Mais vous avez décidé d'être employé en tant que civil et pour

  3   rentrer à Vitez?

  4   Réponse:    C'est bien cela.

  5   Question:   Pour être employé à Vitezit, cette usine qui vous avait permis

  6   cette bourse?

  7   Réponse:    Pour éclairer un peu l'affaire, j'ai été boursier, mais il y

  8   avait trois usines dans Vitez.

  9   M. le Président (interprétation): Même si c'est important, Monsieur

 10   Miskovic, je crois que nous devons passer à l'essentiel de votre

 11   déposition.

 12   M. Mikulicic (interprétation): Vous êtes ingénieur en technologie

 13   chimique?

 14   M. Miskovic (interprétation): Oui.

 15   Question:   Vous êtes encore aujourd'hui employé dans le domaine du

 16   secteur développement?

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Vous étiez sous les drapeaux à Nis, en 1983?

 19   Réponse:    Oui.

 20   Question:   Là, après votre formation militaire, évidemment, vous êtes

 21   sorti avec un grade, au sortir de la JNA?

 22   Réponse:    Oui, mais après que j'ai fait mes études en diplomatie.

 23   Question:   Vous êtes membre du parti HDZ, mais vous n'avez aucune

 24   fonction au parti?

 25   Réponse:    C'est bien cela.


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  1   Question:   Depuis 1992, vous êtes résident de Kremenjace? Le village de

  2   Kremenjace était pratiquement partie de Buhine Kuce?

  3   Réponse:    On peut le dire ainsi.

  4   Question:   Comment se fait la composition ethnique de ce village?

  5   Réponse:    Disons que la population est mixte: 50% de Croates, 50% de

  6   Musulmans.

  7   Question:   Est-il vrai qu'à la chute de la ville de Jajce, il y avait une

  8   importante influence de réfugiés dans votre région?

  9   Réponse:    C'était bien vrai.

 10   Question:   Et dans votre village viennent les réfugiés?

 11   Réponse:    Oui, de Jajce, de Kotor Varos, de Prijedor.

 12   Question:   Quelle était la composition de ces gens-là qui affluaient vers

 13   votre village?

 14   Réponse:    Pour la majeure partie des cas parmi ces réfugiés, une fois

 15   qu'il y avait la chute de ces secteurs de Bosnie-Herzégovine, ils étaient

 16   musulmans.

 17   Question:   Pour clarifier certaines affaires devant le prétoire, on ne

 18   trouve pas sur la carte les localités de Kremenjace et Buhine Kuce; on

 19   devrait parler de Sivrino Selo. Vous pourriez peut-être nous montrer, si

 20   cela s'avère nécessaire ?

 21   M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons déjà eu

 22   connaissance de cela. Mais voilà encore un de ces villages qui sont connus

 23   sous différents noms.

 24   M. Mikulicic (interprétation): Oui, cela nous confond un peu. Nous avons

 25   donc différents noms pour les mêmes localités. Lorsqu'on parle de Sivrino


Page 24873

  1   Selo, lorsqu'on parle du bas de Sivrino Selo, vers la route, comment

  2   l'appelle-t-on?

  3   M. Miskovic (interprétation): Nous sommes entre Sivrino Selo, Santici et

  4   Dubravica ; et au-dessus se trouve Sivrino Selo. Ainsi, lorsque nous avons

  5   dû nous organiser en tant que communauté locale avant la guerre, nous

  6   avons été nommés en tant que village de Kremenjace.

  7   Question:   Très bien. Donc, vous avez dit qu'après la chute de Jajce, des

  8   réfugiés seraient venus chez vous. Ce fait-là s'est-il répercuté, et

  9   comment, sur votre village?

 10   Réponse:    La venue même d'étrangers, de personnes inconnues dans notre

 11   village, a créé des tensions, des situations tendues. Les gens ont eu peur

 12   devant une affluence si importante de personnes dans notre village.

 13   Question:   Avez-vous pu remarquer que, vers la fin 1992 et début 1993,

 14   vos voisins musulmans et ces réfugiés ainsi venus auraient entrepris

 15   certaines activités?

 16   Réponse:    J'ai pu remarquer que, vers la fin 1992 déjà, des barrages ont

 17   été érigés -je dirais- de façon uninationale. En direction de ma maison,

 18   il y avait des "check points", ces points de contrôle ; il y avait

 19   toujours à ces points de contrôle des gens qui m'étaient inconnus et

 20   quelqu'un qui était des nôtres.

 21   Question:   C'étaient des Musulmans?

 22   Réponse:    Oui, c'étaient des points de contrôle musulmans.

 23   Question:   Avez-vous remarqué que certaines tranchées auraient été

 24   creusées dans votre village?

 25   Réponse:    Fin 1992 et début 1993 ont été creusées des tranchées au-


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  1   dessus des maisons croates de notre village et en direction de nos

  2   maisons. Par exemple, près de la maison de Sefkija Dzidic, qui est

  3   d'ailleurs quelqu'un qui a résidé dans notre village.

  4   Question:   Avez-vous posé des questions à qui que ce soit quant aux

  5   raisons pour lesquelles ces tranchées ont été creusées en direction de vos

  6   maisons?

  7   Réponse:    Oui, nous l'avons fait. Parce qu'il y avait une certaine

  8   instabilité psychologique, a-t-on dit. Voilà pourquoi ces tranchées

  9   étaient tournées vers nous, parce qu'il y avait toujours lieu d'espérer ou

 10   de s'attendre à des attaques des Chetniks, des Serbes.

 11   Question:   Cette explication, ces motifs, d'après vous, auraient-ils été

 12   réels?

 13   Réponse:    Pas le moins du monde car, à cette époque-là, la ligne de

 14   front quant aux agressions des Serbes, etc. se trouvait à Vlasic et à

 15   Turbe.

 16   Question:   Et s'il y avait eu, par exemple, des percées des forces serbes

 17   depuis Vlasic, pouvait-on s'y attendre depuis les maisons des Croates ou

 18   depuis la direction nord-ouest?

 19   Réponse:    Non, il n'y avait aucune raison logique à ce que des forces

 20   quelconques fassent des percées depuis la direction nord-ouest.

 21   Question:   Avant la suspension d'audience, une autre question: vous avez

 22   dit que, dans votre village, il y avait la maison de Sefkija Dzidic?

 23   Réponse:    Oui.

 24   Question:   Savez-vous quelles fonctions il aurait pu remplir à cette

 25   époque-là?


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  1   Réponse:    Autant que je m'en souvienne, je sais qu'il était membre du

  2   quartier général, cette cellule de crise qui était formée dans le cadre de

  3   la municipalité de Vitez.

  4   Question:   Et pour ce qui est de l'époque qui a suivi?

  5   Réponse:    Je ne peux pas vous le dire, je ne sais pas.

  6   Question:   Vous avez dit que des tranchées ont été creusées autour de sa

  7   maison?

  8   Réponse:    Oui, c'est bien cela, autour de sa maison.

  9   Question:   En 1992, avant la venue de ces réfugiés, avez-vous érigé des

 10   fortifications de concert avec des Musulmans de votre village?

 11   Réponse:    Oui. De concert avec les Musulmans, nous, Croates, en avril

 12   1992, nous avons aménagé un abri contre des attaques aériennes. C'étaient

 13   tout simplement des travaux pour nous défendre contre d'éventuels raids

 14   des forces chetniks.

 15   Question:   Je crois que nous arrivons à un moment propice où il serait

 16   bon de prévoir une suspension d'audience.

 17   M. le Président (interprétation): Qu'il en soit ainsi, Monsieur Mikulicic.

 18   Monsieur Miskovic, nous allons maintenant suspendre l'audience pour

 19   déjeuner; ce sera une pause d'une heure et demie.

 20   Je vous prie d'avoir bien en vue que vous ne devez parler à personne quant

 21   à votre déposition, ceci pendant cette pause, non plus que vous n'avez le

 22   droit de parler à des membres du conseil de la défense. Je vous prie de ne

 23   parler à personne quant à votre déposition.

 24   Nous reprendrons le travail en audience à 14 heures 35.

 25   (L'audience, suspendue à 13 heures 06, est reprise à 14 heures 35.)


Page 24876

  1   M. Mikulicic (interprétation): Monsieur Miskovic, nous pouvons donc

  2   poursuivre votre audition.

  3   Avant la pause du déjeuner, nous étions arrivés au point 3 du résumé de

  4   votre témoignage, à savoir à des événements liés à l'année 1993. A cette

  5   époque, au début de 1993, vous travailliez à l'usine?

  6   Réponse:    Au début de quelle année?

  7   Question:   1993.

  8   Réponse:    Non.

  9   Question:   Vous n'y travailliez déjà plus? Il n'y avait déjà plus de

 10   travail à ce moment-là?

 11   Réponse:    Au début de 1992, on m'a mis au chômage technique.

 12   Question:   Immédiatement avant le déclenchement du conflit à Vitez et

 13   dans les environs, avant la date du 16 avril, vous n'étiez pas sur le

 14   territoire de Vitez? Vous étiez hors de la République de Bosnie-

 15   Herzégovine?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Quand êtes-vous revenu?

 18   Réponse:    Je suis revenu de Split le 14 avril.

 19   Question:   Quel chemin avez-vous emprunté?

 20   Réponse:    J'ai passé la frontière, je ne me souviens plus très bien où,

 21   mais en passant par le mont Vran. Nous sommes arrivés jusqu'à Gornji Vakuf

 22   et Sebesic.

 23   Question:   Quand vous êtes arrivés à Sebesic, que s'est-il passé?

 24   Réponse:    Nous avons été arrêtés par des personnes armées et, quand nous

 25   nous sommes rapprochés, nous avons vu qu'il s'agissait d'une unité


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  1   militaire. Enfin, je ne connais pas le nom de cette unité ; en tout cas,

  2   une unité croate d'hommes en armes. Ils nous ont dit que la route menant à

  3   Vitez était bloquée dans le village voisin d'Opari en raison du fait que

  4   la veille, quatre commandants croates avaient disparu et que...

  5   Question:   Excusez-moi de vous interrompre, mais j'aimerais vous demander

  6   si vous utilisiez une voiture personnelle pour ce voyage?

  7   Réponse:    Je voyageais en camion. Il y avait deux camions car nous

  8   étions allés en Croatie chercher de l'aide humanitaire.

  9   Question:   Donc, vous transportiez de l'aide humanitaire de Caritas, de

 10   Split jusqu'à Vitez.

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Vous étiez combien dans ces deux camions?

 13   Réponse:    Moi, j'étais là pour accompagner les camions. Il y avait aussi

 14   deux chauffeurs.

 15   Question:   Ces soldats en armes qui vous ont arrêtés en vous disant que

 16   vous ne pouviez pas poursuivre votre route, ils n'étaient pas membres du

 17   HVO, n'est-ce pas?

 18   Réponse:    Ils avaient les insignes du HVO.

 19   Question:   Mais que vous ont-ils dit quant à l'identité de l'armée qui

 20   avait coupé la route et qui vous empêchait de poursuivre votre voyage?

 21   Réponse:    Le village voisin était un village musulman. Ils ont dit que

 22   l'armée de Bosnie-Herzégovine avait installé des obstacles et qu'il était

 23   impossible de continuer la route vers la Bosnie centrale.

 24   Question:   Combien de temps êtes-vous restés à Sebesic?

 25   Réponse:    Nous sommes arrivés à Sebesic le 14 au matin vers 8 heures.


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  1   Nous y avons passé la nuit. C'est seulement le 15, vers 16 ou 17 heures,

  2   que la route a été ouverte et que l'on a pu poursuivre le chemin jusqu'à

  3   Vitez et plus loin, parce qu'il y avait beaucoup de femmes et d'enfants.

  4   Question:   Pour que tout soit clair, le village de Sebesic dont vous

  5   parlez se trouve dans quelle municipalité?

  6   Réponse:    Je crois qu'il dépend de la municipalité de Gornji Vakuf ou

  7   Skoplje. La municipalité suivante est Novi Travnik.

  8   Question:   Très bien. Vous êtes donc restés là-bas le 14. Le lendemain,

  9   c'était le 15. On vous a laissés partir ce jour-là?

 10   Réponse:    Oui, le 15, vers 16 ou 17 heures. On nous a laissés partir,

 11   mais uniquement les petites voitures, les voitures individuelles et les

 12   autobus. Les camions ne pouvaient pas passer.

 13   Question:   Cette colonne de véhicules que l'on a laissé passer, quelle

 14   était sa longueur?

 15   Réponse:    Elle était assez longue car cela faisait deux jours qu'elle se

 16   formait.

 17   Question:   Pratiquement pendant deux jours, il n'y a pas eu de

 18   circulation?

 19   Réponse:    Non.

 20   Question:   Le 15 avril, vous arrivez à la maison dans la soirée ou plutôt

 21   dans les premières heures de la soirée, en fin d'après-midi?

 22   Réponse:    Je suis arrivé chez moi vers 19 heures ou 20 heures.

 23   Question:   En circulant sur cette route ou à l'arrivée dans votre

 24   village, avez-vous remarqué que quelque chose d'inhabituel se passait?

 25   Avez-vous éventuellement remarqué une concentration plus importante de


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  1   soldats ou des déplacements de soldats plus importants que précédemment?

  2   Réponse:    Pour autant que je me souvienne, il faisait mauvais temps, il

  3   pleuvait un peu. Je suis arrivé à la maison et je n'ai rien vu

  4   d'inhabituel avant d'arriver chez moi.

  5   Question:   Vous êtes arrivé chez vous. Vous vous êtes reposé. Vous êtes

  6   allé vous coucher. Que s'est-il passé le lendemain?

  7   Réponse:    J'ai été réveillé le matin par des coups de feu. Je me suis

  8   levé, surpris, paniqué.

  9   Question:   D'où venaient les bruits de coups de feu?

 10   Réponse:    A ce moment-là, j'ai eu l'impression qu'ils venaient de tous

 11   les côtés. De sorte que… Je ne pourrais pas...

 12   Question:   Qui était avec vous à la maison?

 13   Réponse:    J'étais avec ma mère à la maison.

 14   Question:   Etes-vous sorti de la maison pour voir ce qui se passait, qui

 15   tirait et d'où provenaient les coups de feu?

 16   Réponse:    Je me suis levé. Une demi-heure après environ, je suis sorti

 17   devant la maison et mon voisin musulman est arrivé à ce moment-là.

 18   Question:   Comment s'appelle ce voisin qui est venu vous voir?

 19   Réponse:    M. Meho Kablar.

 20   Question:   Veuillez me dire quelles étaient vos relations avec M. Kablar?

 21   Réponse:    Eh bien, je n'avais pas de relations particulières avec lui,

 22   mais il avait de bonnes relations avec ma mère et feu mon père. Moi, je ne

 23   suis pas de la même génération. Il avait l'âge d'être mon père à peu près.

 24   Question:   Que s'est-il passé après l'arrivée de M. Kablar?

 25   Réponse:    M. Kablar est arrivé. Visiblement, il était inquiet et


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  1   paniqué. Exactement comme moi. Il m'a demandé ce qui se passait. Moi, je

  2   n'en savais rien. Comme il y a d'autres maisons croates, cinq ou six à peu

  3   près autour de ma maison, il a proposé que nous, les Croates, nous nous

  4   retirions tous dans une maison parce que nous y serions davantage en

  5   sécurité avec les femmes et les enfants. C'est ce que nous avons fait.

  6   Question:   M. Kablar est musulman, n'est-ce pas?

  7   Réponse:    Oui, musulman.

  8   Question:   Vous tous, les Croates, vous vous êtes retirés dans une maison

  9   parce que M. Kablar vous a dit que vous y seriez plus en sécurité?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Mais vous a-t-il dit contre qui vous deviez vous protéger,

 12   quel était le danger qui vous menaçait?

 13   Réponse:    Il n'a rien dit dans ce sens, mais je suppose que, puisque les

 14   coups de feu provenaient de tous les côtés, nous serions plus en sécurité

 15   en étant tous ensemble.

 16   Question:   A ce moment-là, avez-vous vu quelque chose d'inhabituel autour

 17   de la maison dans laquelle vous vous êtes installés?

 18   Réponse:    Un peu plus tard, car il nous a fallu à peu près une demi-

 19   heure pour nous regrouper et nous installer dans la maison, nous nous

 20   sommes rendu compte que la maison était encerclée, cernée.

 21   Question:   Par qui?

 22   Réponse:    Par des soldats musulmans.

 23   Question:   A ce moment-là, combien étiez-vous de Croates à l'intérieur de

 24   cette maison?

 25   Réponse:    Si on compte les hommes, les femmes et les enfants, nous


Page 24881

  1   étions à peu près 18.

  2   Question:   Pouviez-vous sortir de la maison?

  3   Réponse:    Nous ne pouvions pas sortir, mais M. Kablar pouvait passer

  4   dans nos maisons où nous n'étions plus, rechercher de la nourriture, des

  5   objets et nous pouvions aller avec lui. Tout seuls, nous n'avions pas le

  6   courage

  7   LU 1B

  8   Jonction ok

  9   de le faire.

 10   Question:   Sous son escorte, vous pouviez aller chez vous?

 11   Réponse:    Oui, oui.

 12   Question:   Et plus tard, M. Kablar est-il arrivé accompagné d'un homme

 13   dans cette maison où vous, les Croates, vous étiez enfermés?

 14   Réponse:    Après la soirée ou plutôt après l'après-midi, en soirée, le

 15   16, leur commandant est arrivé, un Musulman. On m'a appelé pour parler

 16   avec eux, un petit peu en tant que dirigeant de ce groupe de personnes

 17   enfermées que nous constituions. Leur commandant, parlant devant Meho, a

 18   insisté pour emmener les hommes jusqu'à la prison à Precioca, Poculica. Il

 19   a dit qu'il conduirait les femmes et les enfants jusqu'aux maisons

 20   croates, à Buhine Kuce.

 21   Question:   Qui était le commandant auquel vous faites référence?

 22   Réponse:    C'était M. Osmancevic. Je ne connais pas son prénom. Je sais

 23   qu'on l'appelait par son surnom Cike, mais son prénom...

 24   Question:   Bien. Habitait-il dans le même village que vous?

 25   Réponse:    Nous étions voisins immédiats.


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  1   Question:   Donc il voulait vous emmener, vous les hommes, en prison et

  2   laisser partir les femmes. Comment a réagi M. Kablar?

  3   Réponse:    Il a réagi de façon très énergique. Parce que M. Kablar,

  4   pendant toute cette discussion, ces pourparlers, m'a donné des détails. Il

  5   m'a dit que pendant la Deuxième guerre mondiale mon père avait sauvé sa

  6   famille et l'avait sauvé lui-même, donc il voulait nous sauver aussi. Il

  7   ne voulait pas que nous soyons séparés de nos familles pour être

  8   emprisonnés.

  9   Question: Ce M. Kablar était un homme assez âgé, si j'ai bien

 10   compris ce que vous nous avez dit. Etait-il un homme respecté? Quelle

 11   était sa position dans le village?

 12   Réponse:    C'était un homme qui avait une certaine autorité parmi les

 13   habitants musulmans du village. Il avait une vie très tranquille, il était

 14   honnête. C'était un homme de parole, donc sa parole était respectée.

 15   Question:   Qu'est-il arrivé plus tard?

 16   Réponse:    Ce qui s'est passé, c'est que le 17, vers 17 ou 18 heures,

 17   nous avons été emmenés par M. Kablar jusqu'à l'extérieur du village,

 18   jusqu'aux maisons croates. A ce moment-là, nous sommes arrivés parmi les

 19   nôtres, parmi les habitants croates.

 20   Question:   Monsieur Miskovic, au moment où vous étiez dans cette maison,

 21   dans le village, donc le 16 et une grande partie du 17 avril 1993, y a-t-

 22   il eu des de feu, des combats dans le village que vous auriez vus ou

 23   entendus?

 24   Réponse:    Depuis cette maison nous ne voyions pas grand-chose, mais on

 25   entendait des coups de feu. Maintenant, d'où provenaient ces coups de feu?


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  1   A ce moment-là, nous n'avons pas pu le déterminer.

  2   Question:   Donc M. Kablar vous a emmenés, vous-même et tous ceux qui

  3   étaient avec vous dans cette maison, jusqu'aux territoires contrôlés par

  4   les unités du HVO?

  5   Réponse:    Eh bien, comme je l'ai dit tout à l'heure, la population du

  6   village était mixte et dans le bas du village il y avait des maisons

  7   croates. Quand nous sommes arrivés dans le bas du village, il n'y avait

  8   plus d'unité de l'armée, il y avait simplement les habitants croates qui

  9   résidaient à cet endroit.

 10   Question:   Je comprends. Donc à ce moment-là, lorsque vous êtes passés

 11   sur la route, il n'y avait pas combat?

 12   Réponse:    Non, il n'y avait que les habitants.

 13   Question:   Qu'est-il advenu de votre maison?

 14   Réponse:    Ma maison a beaucoup souffert pendant la guerre, comme toute

 15   la propriété. Tout a été incendié, de sorte qu'aujourd'hui encore rien

 16   n'est réparé/

 17   Question:   Après cette journée du 17 avril, vous est-il arrivé de

 18   retourner dans votre maison? Avez-vous pu le faire?

 19   Réponse:    Oui. J'y suis retourné pour la première fois en 1996.

 20   Question:   Mais vous ne pouvez pas encore aujourd'hui y habiter?

 21   Réponse:    Non, tout a été incendié, la maison, la propriété, de sorte

 22   qu'encore aujourd'hui je ne peux pas...

 23   Question:   Et qu'en est-il des biens que vous possédiez dans les

 24   bâtiments?

 25   Réponse:    Je ne saurais le dire car je n'ai rien pu emporter. Tout a été


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  1   incendié, tout a brûlé ou a été emporté, je ne sais pas.

  2   Question:   Bien. Que s'est-il passé après, après le moment où vous êtes

  3   arrivés dans ces premières maisons croates? Qu'avez-vous fait par la

  4   suite?

  5   Réponse:    Nous sommes arrivés dans ces maisons croates. Nous étions une

  6   quinzaine d'hommes. Nous nous sommes regroupés et nous nous sommes rendu

  7   compte qu'il importait que nous opposions une espèce de résistance contre

  8   les Musulmans. Et puisque ces quinze voisins m'ont choisi comme ce qu'on

  9   pourrait appeler un commandant ou quelque chose de ce genre, nous nous

 10   sommes organisés, puisque nous étions quinze, et nous avons essayé de

 11   créer une espèce de ligne face aux soldats musulmans.

 12   Question:   Quel genre d'armes aviez-vous à votre disposition?

 13   Réponse:    Les armes n'étaient pas d'une très grande efficacité. Il y

 14   avait quelques fusils de chasse, quelques fusils, quelques fusils

 15   automatiques.

 16   Question:   Aviez-vous des tranchées pour abriter cette ligne de front que

 17   vous avez créée?

 18   Réponse:    Eh bien, nous étions totalement paniqués, terrorisés, perdus.

 19   Nous ne savions pas où pouvaient se trouver des tranchées, de sorte que...

 20   Question:   Après quelque temps, quelqu'un est-il arrivé pour vous donner

 21   des instructions quant à ce qu'il fallait faire et comment le faire?

 22   Réponse:    Oui. Après quelque temps, M. Bertovic est arrivé. Il s'est

 23   présenté, il a dit qu'il était militaire, qu'il dirigeait la Brigade de

 24   Vitez et il nous a donné des instructions quant à la façon de nous

 25   déployer. Il nous a donné l'ordre de creuser la terre, ce que nous avons


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  1   fait, mais nous n'avons pas creusé beaucoup.

  2   Question:   Essayons de situer ce moment dans le temps. C'est le 17 au

  3   soir qu'on vous a laissé partir. Et le 18, vous êtes arrivés dans la

  4   partie basse du village. Donc, combien de jours après cela M. Bertovic

  5   est-il arrivé?

  6   Réponse:    Quelques trois ou quatre jours plus tard.

  7   Question:   Cela nous amène à peu près au 20 avril, n'est-ce pas?

  8   Réponse:    Je ne saurais le dire avec une très grande précision.

  9   Question:   Vous nous avez dit que M. Bertovic s'est présenté comme

 10   commandant de la Brigade de Vitez. Mais vous a-t-il dit quoi que ce soit

 11   au sujet de votre statut militaire, dans ses explications qu'il vous a

 12   fournies?

 13   Réponse:    Je ne sais pas exactement. Tout ce que je sais, c'est que cela

 14   nous a soulagés de voir arriver quelqu'un qui pouvait rétablir une espèce

 15   d'ordre. Nous, nous n'étions que de simple civils, nous avions été surpris

 16   à l'endroit où nous nous trouvions. De cette façon, nous avons au moins

 17   reçu un ordre au sujet de cette ligne, et nous avons respecté cet ordre.

 18   Question:   Est-il arrivé un moment où vous vous êtes rendu compte que

 19   vous étiez devenu membres de la Brigade de Vitez, puisque Bertovic, en

 20   tant que commandant de la Brigade de Vitez, d'une certaine façon, vous a

 21   donné des ordres?

 22   Réponse:    Oui, on peut dire cela : à ce moment-là, compte tenu des

 23   circonstances, il est possible que nous soyons devenus membres de la

 24   Brigade de Vitez.

 25   Question:   Avez-vous reçu des papiers militaires ou un document écrit au


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  1   sujet de votre appartenance à la Brigade de Vitez, à ce moment-là?

  2   Réponse:    A ce moment-là, nous n'avons rien reçu. Est-ce que M. Bertovic

  3   a inscrit nos noms quelque part sur un registre chez lui, cela je ne le

  4   sais pas.

  5   Question:   Vous avez dit que les villageois, qui étaient avec vous, vous

  6   avaient choisi comme chef, commandant. Mais que s'est-il passé par la

  7   suite, combien de temps êtes-vous resté sur cette ligne de front dans le

  8   village?

  9   Réponse:    Très peu de temps. Très peu de temps, parce qu'à la JNA,

 10   j'étais dans le génie, donc on m'a appelé de la Brigade de Vitez pour

 11   travailler dans le génie et j'ai accepté de grand cœur.

 12   Question:   Qui était votre commandant dans le génie?

 13   Réponse:    M. Ivica Drmic.

 14   Question:   Quel était votre rôle fondamental au sein de la Brigade de

 15   Vitez?

 16   Réponse:    Mon rôle principal consistait, s'agissant des lignes qui

 17   existaient déjà, de protéger ces lignes grâce à des fortifications,

 18   d'assurer au maximum la sécurité des lignes de front grâce à un certain

 19   nombre de mesures.

 20   Question:   Vous avez dit qu'au cours de votre service militaire au sein

 21   de la JNA, vous aviez acquis un certain nombre de connaissances liées au

 22   génie militaire. Dans ces conditions, comment décririez-vous le rôle de

 23   génie à la Brigade de Vitez pendant ces journées ; était-ce un rôle

 24   offensif, un rôle défensif ou un autre rôle?

 25   Réponse:    Dans cette période, notre souci principal était de nous


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  1   efforcer d'arrêter l'avancée des forces musulmanes. Un grand nombre de

  2   lignes existaient, qui avaient été créées par les Croates et nous nous

  3   sommes efforcés de protéger grâce aux moyens dont le génie disposait à ce

  4   moment-là.

  5   Question:   Combien de temps êtes-vous resté au sein de la Brigade de

  6   Vitez?

  7   Réponse:    Jusqu'à la fin de la guerre.

  8   Question:   Où vivez-vous aujourd'hui, Monsieur Miskovic?

  9   Réponse:    Je vis à Vitez, mais le problème de mon logement n'est pas

 10   encore réglé de façon définitive. Je suis locataire d'un appartement.

 11   Question:   Avez-vous pris des mesures pour obtenir la rénovation de votre

 12   maison?

 13   Réponse:    J'ai reçu des assurances des autorités municipales qui m'ont

 14   dit que ma maison allait être réparée. Jusqu'à présent, rien n'a été fait.

 15   Question:   Selon ce que vous venez de nous dire, vous êtes devenu membre

 16   d'une unité de la Brigade de Vitez après le déclenchement du conflit,

 17   n'est-ce pas, vers le 20 avril 1993?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Avez-vous eu l'occasion de voir des documents officiels

 20   relatifs à votre participation à la résistance armée?

 21   Réponse:    La seule chose que j'ai demandée, compte tenu du début de la

 22   privatisation, c'était un certificat. Je voulais savoir si j'avais le

 23   droit d'obtenir un certificat.

 24   Question:   Avez-vous obtenu ce droit?

 25   Réponse:    Oui.


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  1   Question:   Avez-vous reçu un certificat?

  2   Réponse:    Pour l'instant, rien encore. J'attends que cela soit fait par

  3   l'usine où je travaille.

  4   M. Mikulicic (interprétation): Merci de vos réponses, Monsieur Miskovic.

  5   Je n'ai plus de questions à poser.

  6   M. le Président (interprétation): Monsieur Naumovski ?

  7   M. Naumovski (interprétation): Merci monsieur le Président, la défense de

  8   Kordic n'a pas de question à poser à ce témoin. Merci.

  9   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice ?

 10   (Contre-interrogatoire du témoin par Me Nice.)

 11   M. Nice (interprétation): Monsieur Miskovic, en 1992, connaissiez-vous un

 12   homme correspondant au nom de Buha, qui aurait habité dans votre village?

 13   Réponse:    Pouvez-vous me rappeler la date dont vous parlez?

 14   Question:   Octobre 1992. Un commandant local du HVO, s'appelant Buha, B U

 15   H A?

 16   Réponse:    Je connaissais ce monsieur en tant que voisin.

 17   Question:   Nous avons entendu qu'en octobre 1992, il a décrété un

 18   ultimatum aux Musulmans voisins du village de déposer les armes. Avez-vous

 19   jamais entendu le dire et le faire?

 20   Réponse:    Je me souviens maintenant mais, en ce moment-là, je n'étais

 21   pas au village et je ne peux pas confirmer qu'un tel ordre a été donné par

 22   ce monsieur-là.

 23   Question:   En 1992, étiez-vous toujours en cette qualité de soldat de

 24   réserve, étant donné votre formation militaire, avez-vous toujours eu

 25   cette fonction d'homme de réserve?


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  1   Réponse:    Etant donné que j'étais en chômage technique, j'ai ouvert une

  2   boîte; j'ai fait du business, des affaires privées avec mon frère. Par

  3   conséquent, je ne me suis pas fait incorporer dans l'armée ou dans une

  4   formation quelconque de réserve ; je n'ai pas eu de contact. J'ai fait des

  5   affaire à moi, à nous, privées.

  6   Question:   Avez-vous pu comprendre que vous étiez pratiquement tenu à une

  7   obligation générale, comme quoi vous avez pu être mobilisé au moment où le

  8   HVO l'aurait souhaité?

  9   Réponse:    Oui, j'ai été suffisamment informé de toute affaire, suivant

 10   les écrans de télévision et les médias. Mais je n'ai jamais pensé à un

 11   moment donné que quelqu'un aurait pu mobiliser. Et je ne l'ai pas cru

 12   d'ailleurs quant à la Bosnie Centrale, au moins.

 13   Question:   Définitivement, pour cette année 1992, en cette année 1992,

 14   les réfugiés qui affluaient dans votre vallée n'étaient pas tous des

 15   Musulmans : il y avait pas mal de Croates, n'est-ce pas?

 16   Réponse:    Pour ce qui est des réfugiés, seuls les réfugiés de

 17   nationalité musulmane restaient. Je ne peux pas vous dire quant aux autres

 18   villages de la municipalité.

 19   Question:   Pour ce qui est de votre village, il y avait une majorité de

 20   maisons croates, n'est-ce pas?

 21   Réponse:    Pour ce qui est de la composition ethnique de notre village,

 22   nous avons dit que c'est à peu près moitié-moitié.

 23   Question:   Je vous parle tout simplement, à en juger d'après les

 24   dépositions des autres, mais grosso modo 50%/50%. Mais dans Buhine Kuce,

 25   était-ce en majorité des Croates ?


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  1   Réponse:    Près de la route départementale, c'étaient plutôt des

  2   Musulmans, alors que ma maison est à 300 mètres de la route

  3   départementale ; disons que cela veut dire que c'étaient plutôt les

  4   Croates en minorité.

  5   Question:   Vous avez parlé de tranchées creusées : vous avez dit que

  6   c'étaient les Musulmans qui l'avaient fait avant que les conflits et

  7   combats n'éclatent. Il n'y avait pas pratiquement de préparatifs au

  8   combat, ni d'un côté ni de l'autre, quant à la période précédant le 16

  9   avril, n'est-ce pas?

 10   Réponse:    Je ne sais pas ce que voulaient dire préparatifs, mais c'était

 11   un sentiment gênant d'avoir vu les tranchées creusées au-dessus de notre

 12   village, surtout auprès de la maison de M. Dzidic, étant donné que lui

 13   avait à remplir une fonction à la municipalité.

 14   Question:   Mais tout cela a suivi quelques moments après la prise de

 15   pouvoir par le HVO dans Vitez. Est-ce que vous vous souvenez de cela?

 16   Réponse:    Pour ce qui est de la prise du pouvoir, les Musulmans et les

 17   Croates pratiquement ont eu l'autorité dans Vitez. Par conséquent, avec

 18   les premières élections municipales, il y avait déjà une cellule de crise

 19   créée ; par conséquent, on ne pouvait pas parler de bases sur lesquelles

 20   on devait vraiment organiser les autorités.

 21   Question:   Pour ce qui est de vos affaires privées, y avait-il quelque

 22   lien à faire avec l'action humanitaire, ou elles n'avaient rien à voir

 23   avec cela?

 24   Réponse:    Cela n'avait aucune liaison avec tout ce qui aide humanitaire.

 25   Mon frère était propriétaire d'un centre vétérinaire, une espèce de


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  1   pharmacie agricole pour couvrir les besoins de la population locale, que

  2   ce soient les semailles, etc.

  3   Question:   Oui, d'accord. Merci.

  4   Donc, le 16 avril au matin, vous ne saviez pas de quelle direction

  5   venaient les coups tirés?

  6   Réponse:    Je ne le savais pas, enfin, à en juger d'après ce que j'avais

  7   pu entendre, il me semble que ça venait de toutes parts.

  8   Question:   Quand, pour la première fois, avez-vous compris que Santici et

  9   Ahmici, qui se trouvent à quelques kilomètres de votre maison, ont été

 10   pour la première fois attaqués par le HVO?

 11   Réponse:    Pendant deux journées entières, nous étions bloqués dans une

 12   maison croate. Pour ce qui est de la situation qui régnait à Santic et

 13   Ahmici, nous en avons entendu parler uniquement vers le 17, lorsque nous

 14   sommes sortis de la maison. Mais nous n'avons pas entendu dire que c'était

 15   une attaque : c'était simplement une réponse de la part des forces

 16   croates.

 17   Question:   Je comprends, je vois. Mais vous avez été informé par qui?

 18   Réponse:    Lorsque nous sommes revenus parmi les nôtres, parmi les

 19   Croates.

 20   Question:   Donc, d'après les Croates, ils ne faisaient que se défendre,

 21   n'est-ce pas?

 22   Réponse:    Oui.

 23   Question:   Vous l'acceptez, comme telle, cette information ? Vous

 24   l'acceptez toujours?

 25   Réponse:    C'était une première information mais, plus tard, j'ai appris


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  1   ce qui s'était passé, surtout à Ahmici, et cela revêtait évidemment une

  2   autre dimension.

  3   Question:   Qu'avez-vous entendu comme quoi il s'est passé quelque chose?

  4   Réponse:    J'ai entendu dire que c'est un crime épouvantable qui a été

  5   perpétré, en tant qu'individuel que je suis et comme d'autres gens

  6   d'ailleurs qui le pensent, c'était un crime abominable qui a été perpétré.

  7   Question:   Perpétré par qui?

  8   Réponse:    Je ne saurais-vous le dire, je ne le sais pas.

  9   Question:   J'ai encore quelques questions à vous poser.

 10   Vous restiez donc dans cette maison, pendant quelques jours. Vous dites

 11   vous-même que vous avez été mobilisé, incorporé à la Brigade de Vitez et

 12   que ceci a été fait par M. Anto Bertovic, si j'ai bien compris?

 13   Réponse:    Non, les 15 et 16, j'ai été encerclé pour ainsi dire, bloqué.

 14   Nous, Croates qui restions sur ce territoire, nous étions bloqués. Ce

 15   n'est que vers la fin de la journée du 17, vers les 17 heures, que nous

 16   avons été pratiquement emmenés, escortés par M. Kablar jusqu'aux maisons

 17   des Croates. C'est là que j'ai pu rencontrer mes voisins.

 18   Question:   Quelles étaient les formalités lors de votre incorporation

 19   dans la Brigade de Vitez ? Que vous a-t-on dit ? Tout d'un coup, vous êtes

 20   devenus membres de la Brigade de Vitez ?

 21   Réponse:    Dans l'énoncé qui était le mien, dans le résumé, j'ai dit que

 22   nous étions seuls pendant deux ou trois jours, simples civils que nous

 23   étions et que nous avions pris des mesures quelconques pour qu'il y ait

 24   une ligne de front face aux forces musulmanes. Ensuite, quelques jours

 25   après, M. Bertovic vient pour nous donner des instructions portant


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  1   organisation de la ligne de front et comment il fallait nous organiser par

  2   nous-mêmes face aux Musulmans. C'est ainsi que les gens de la Brigade de

  3   Vitez sont venus pour nous instruire.

  4   Question:   Son commandant était M. Mario Cerkez, n'est-ce pas?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Je vous prie de jeter un coup d'œil sur ce document, n'est-ce

  7   pas? Il s'agit du document 1461.4.

  8   Dans ce document -je vais essayer de vous l'expliquer-, il s'agit d'un

  9   document du 1er novembre 1994, signé par Mario Cerkez, disant que vous

 10   êtes né en 1964, que vous avez été membre de la brigade de Travnik depuis

 11   le 16 avril 1993, que vous avez été blessé au SPS de Vitez le 5 novembre

 12   1993. C'est au sujet de cette date, du 16 avril 1993 : de quoi s'agit-il,

 13   au fait, puisque vous avez été mobilisé quelques jours plus tard?

 14   Réponse:    Ce certificat a été émis en 1994, pour que je puisse me

 15   présenter devant la commission pour faire valoir mes droits en matière

 16   d'évaluation du degré d'invalidité dont j'ai atteint. C'est-à-dire que le

 17   82e Régiment des Domobrani a émis ce document.

 18   Question:   Oui, mais pourquoi donc a-t-on inscrit la date du 16 avril?

 19   Est-ce vrai que vous avez été mobilisé peut-être auparavant, avant le 19,

 20   lorsque vous étiez déjà à accomplir vos tâches dans le cadre de la

 21   Brigade, déjà le 16?

 22   Réponse:    Je ne pouvais pas accomplir des tâches dans la Brigade, parce

 23   que le 16 et le 17, j'ai été encerclé, j'étais bloqué. Il s'agit de

 24   bureaucratie plutôt, de papier.

 25   Question:   Très bien. Une seconde raison pour laquelle je dois vous poser


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  1   cette question, c'est que nous avons entendu parler un témoin, Dragan

  2   Sliskovic, page 20630, que du 16 au 18 avril, ce village qui est le vôtre

  3   passait d'une main à l'autre, jusqu'à la chute. Est-ce que tout cela

  4   correspond avec vos souvenirs?

  5   Réponse:    Pour ce qui est du 16 au 18, moi, je peux vous parler de la

  6   date du 17 et des jours qui ont suivi, car les maisons croates qui se

  7   trouvent dans ce village se trouvent tout près, contiguës de Sivrino Selo.

  8   Or, à partir du 17, lorsque j'étais descendu et que j'avais regagné mes

  9   voisins, il n'y a pas eu pratiquement de fluctuation pour ce qui est de la

 10   ligne de front.

 11   Question:   Très bien. Alors voulez-vous jeter un coup d'œil sur la page

 12   d'un autre document ? Il s'agit du document 652.3 ; il s'agit d'une liste

 13   de personnes qui ont été envoyées par le HVO à la ligne de front.

 14   Excusez-moi, je me suis trompé. Il s'agit d'un document tout à fait

 15   nouveau ; j'aimerais bien que l'on présente pour examen au témoin ce

 16   nouveau document : il s'agit du document 852.3, pardon, 652.3.

 17   Je demande à l'huissier de faire voir au témoin cette liste de noms, à

 18   partir de la page où l'on commence au n°72 allant jusqu'à 149 sur la

 19   liste.

 20   Je vous prie donc de bien regarder cette liste de personnes dont les noms

 21   sont inscrits et ainsi déployés. Et il me semble que c'est au n°100 que

 22   figure votre nom. Si nous regardons bien, il s'agit de Miskovic Jozip. Par

 23   conséquent, ce n'est pas suivant un ordre abécédaire. Il y a Anto Papic et

 24   puis votre nom, et puis Djotlo Nikola, Bevanda Franjo, etc. Au cas où il

 25   s'agirait d'une affaire tout à fait pertinente, dites-nous les noms qui se


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  1   trouvent autour de votre nom, s'agit-il des noms des gens qui sont des

  2   autres villages, ou qui ont été simplement inscrits de façon à

  3   l'improviste, par hasard. S'agit-il d'abord de gens qui ont été incorporés

  4   comme vous à la Brigade de Vitez?

  5   Réponse:    Comme Miskovic? Vous savez, il y a plusieurs Miskovic, trois

  6   ou quatre au moins qui ont le nom de famille de Miskovic et Jozip Miskovic

  7   aussi de mon village ; par conséquent, ce n'est peut-être pas moi.

  8   Question:   D'accord.

  9   Réponse:    C'est peut-être comme cela que ce n'est pas mon nom.

 10   Question:   Oui, je vois très bien. Donc, les gens qui se trouvent dans

 11   les environs de votre village, s'agit-il des gens qui portent le même nom?

 12   Réponse:    Primo, je ne suis pas sûr que ce Jozip Miskovic c'est bien

 13   moi. Secundo, autant que je puisse reconnaître, ne serait-ce que d'après

 14   les noms, les personnes dont il s'agit, il ne s'agit pas seulement des

 15   gens d'un seul village mais de plusieurs villages.

 16   Question:   En ce cas-là, nous trouvons, Monsieur le Président, que le

 17   témoin ne pourrait pas nous être d'une grande aide quant à ces noms et ces

 18   personnes sur la liste. C'est tout ce que j'avais pour interroger le

 19   témoin.

 20   (Questions supplémentaires de Me Mikulicic.)

 21   M. Mikulicic (interprétation): Monsieur Miskovic, une seule question que

 22   j'ai à poser. L'accusation vous interrogeait tout à l'heure sur la

 23   fluctuation de la ligne de front dans votre village : quand celle-ci a eu

 24   lieu dans votre village ? Vers la moitié de 1993, au moment où vous y

 25   étiez vous-même, ou un peu plus tard?


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  1   Réponse:    J'ai déjà précisé qu'en date du 16 et 17, j'ai été pris,

  2   bloqué, qu'à partir du 17, vers la soirée, à Buhine Kuce, il n'y a pas eu

  3   de fluctuation de la ligne de front. Mais fin 1993, début 1994, oui, la

  4   ligne a pratiquement été déplacée, parce que cela correspondait aux

  5   attaques par les forces musulmanes .

  6   M. Mikulicic (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai plus de

  7   questions.

  8   M. le Président (interprétation): Monsieur Miskovic, c'est ainsi que se

  9   termine votre déposition. Merci d'être venu pour témoigner devant le

 10   Tribunal international. Vous pouvez disposer.

 11   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

 12   (Un nouveau témoin est introduit dans le prétoire.)

 13   M. le Président (interprétation): Que le témoin fasse sa déclaration

 14   solennelle.

 15   M. Taraba (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 16   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 17   M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.

 18   M. Taraba (interprétation): Merci.

 19   M. le Président (interprétation): Monsieur Kovacic ?

 20   (Le témoin, Vlado Taraba, est interrogé par Me Kovacic.)

 21   M. Kovacic (interprétation): Bonjour, Monsieur Taraba. Merci d'abord

 22   d'être venu au Tribunal, d'avoir répondu à notre invitation.

 23   D'abord, pour les besoins du Greffe, je vous prie de décliner votre

 24   identité, nom, prénom, date et lieu de naissance.

 25   M. Taraba (interprétation): Je m'appelle Vlado Taraba, je suis né le 14


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  1   octobre 1959 à Vitez.

  2   Question:   Je vous prie également, Monsieur Taraba, ce que vous venez de

  3   faire d'ailleurs, à savoir de ménager toujours une pause toutes les fois

  4   que vous aurez reçu une question pour y répondre afin de faciliter le

  5   travail de nos interprètes.

  6   Question:   De nationalité, vous êtes croate?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Vous êtes de confession catholique, vous appartenez à l'église

  9   catholique moraine?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Vous avez deux nationalités?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Celle de la République de Bosnie-Herzégovine et celle de la

 14   République de Croatie?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Cela vous est-il rendu possible par la législation de ces deux

 17   pays respectifs?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Vous êtes de formation et de métier... Dites-le vous-même?

 20   Réponse:    Je suis professeur en matière de défense et de protection

 21   civiles.

 22   Question:   Qu'est-ce que cette matière, cette discipline "défense et

 23   protection". Vous avez été formé dans l'ex-Yougoslavie, d'après la

 24   thématique même, les principes de base de cette discipline, qu'était-ce

 25   cette faculté que vous avez fréquentée?


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  1   Réponse:    C'est une des orientations, des options à la faculté des

  2   sciences politiques de Sarajevo et qui consistait à initier les futurs

  3   étudiants au travail d'enseignant dans des écoles. C'était l'une des

  4   spécificités de l'ex-Yougoslavie, à savoir ensuite d'initier ces futurs

  5   spécialistes en la matière pour devenir experts en matière de sécurité et

  6   en matière de défense.

  7   Question:   Cela comprenait-il également le travail en matière de Défense

  8   territoriale, TO ?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Puisque telle est votre profession, puis-je profiter de

 11   l'occasion pour poser une autre question : est-ce vrai que l'ex-

 12   Yougoslavie a développé et bien rôdé le soi-disant système de défense

 13   populaire généralisée?

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question:   Qu'était-ce en fait ce système en matière de défense nationale

 16   en cas de guerre?

 17   Réponse:    Le système de défense populaire généralisée, ou de défense

 18   autosociale, avait pour tâche d'initier un nombre de gens aussi grand que

 19   possible, c'est-à-dire de nationaux, pour faire face à une agression

 20   éventuelle, comme on le disait, que l'on risquait de la part des pays

 21   voisins ou de l'OTAN ou du Pacte de Varsovie, disait-on à l'époque.

 22   Question:   Etes-vous d'accord pour dire avec moi que cette conception, ne

 23   serait-ce que pour parler de l'une des parties de cette conception,

 24   consistait à dire que chaque citoyen, à moins qu'il il n'ait une

 25   affectation spéciale, c'est-à-dire appartenance à des unités de réserve,


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  1   de TO ou de JNA ou en tant qu'obligation de travail, devait rester chez

  2   soi pour s'occuper de la défense de son village?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Ou bien, autrement dit, quelqu'un qui travaille dans une

  5   entreprise du secteur social est obligé de défendre et protéger son

  6   entreprise dans laquelle il est employé?

  7   Réponse:    Oui, cela a été réglementé ainsi par la loi, c'est-à-dire par

  8   des prescriptions de l'Etat.

  9   Question:   Monsieur Taraba, vous êtes officier actuellement à l'armée de

 10   Bosnie-Herzégovine?

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Avez-vous un grade?

 13   Réponse:    Oui. Je suis capitaine. J'ai le grade de capitaine.

 14   Question:   Très bien. Avant la guerre et au cours de la guerre contre les

 15   Serbes, en 1992, pour ne pas dire en 1991, vous avez travaillé, vous avez

 16   été employé à l'école élémentaire?

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Dans quelle école?

 19   Réponse:    Au centre Boris Kidric, qui est situé à Vitez?

 20   Question:   Quand avez-vous cessé de remplir cette fonction?

 21   Réponse:    J'ai arrêté mon travail à l'école en décembre 1992.

 22   Question:   A cette époque-là, peut-on dire que votre engagement commence

 23   dans le cadre du 2e Bataillon de la brigade Stjepan Tomasevic?

 24   Réponse:    Oui, c'était bien au début du mois de décembre 1992.

 25   Question:   Quelle est votre affectation en tant que membre du


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  1   commandement du 2e Bataillon de la brigade Stjepan Tomasevic?

  2   Réponse:    J'ai été chargé en tant que responsable adjoint du chef de

  3   bataillon chargé de l'éducation de l'instruction et d'affaires

  4   opérationnelles.

  5   Question:   Pouvez-vous nous dire en quoi consistait cette charge, cette

  6   responsabilité? Qu'avez-vous vraiment fait au cours de ces mois qui ont

  7   suivi le mois de décembre 1992 en tant que professionnel?

  8   Réponse:    Ma responsabilité consistait en général à faire le listing, le

  9   rassemblement des gens pour les envoyer vers la ligne de front qui se

 10   trouvait face à la Republika Srpska. C'est-à-dire qu'à cette époque-là,

 11   c'était l'ancienne JNA. Je devais enregistrer et rassembler les gens qui

 12   devaient s'y rendre, de même que je devais m'occuper de leur armement.

 13   Question:   Je vous remercie.

 14   Réponse:    Pour compléter, il s'agissait aussi de m'occuper évidemment du

 15   commandement des équipes de la défense faite sur la ligne de front dans la

 16   région de Vitez, c'est-à-dire, dans la région de Slatka, Voda et

 17   Strikanci.

 18   Question:   Mais on y reviendra plus tard. Au début où vous avez été

 19   engagé dans le cadre du commandement du 2e Bataillon de la brigade Stjepan

 20   Tomasevic, celle-ci fonctionnait déjà ou venait-elle d'être fondée

 21   seulement? C'est-à-dire, est-ce qu'elle a fonctionné déjà?

 22   Réponse:    Si je me souviens bien, c'est seulement au début du mois de

 23   décembre que la brigade Stjepan Tomasevic a été fondée. Par conséquent,

 24   c'est dans ces premières structures de la brigade que j'ai été incorporé

 25   aussitôt après sa fondation.


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  1   Question:   A quel moment avez-vous quitté, en tant que bataillon, cette

  2   brigade, lorsque vous n'avez plus été, pour ainsi dire, partie intégrante

  3   de la brigade?

  4   Réponse:    Depuis que la Brigade de Vitez a été formée. Si mon souvenir

  5   est bon, je peux dire que c'était vers fin février, début mars que la

  6   Brigade de Vitez a été créée.

  7   Question:   Vous parlez bien de l'année 1993?

  8   Réponse:    Oui. De l'année 1993.

  9   Question:   Votre régiment a été organisé et reçu une nouvelle

 10   désignation?

 11   Réponse:    Oui, c'était auparavant le 2e Bataillon de la brigade Stjepan

 12   Tomasevic. C'est devenu le 1er Bataillon de la Brigade de Vitez?

 13   Question:   Vous avez reçu un nouveau commandement qui était constitué de

 14   nouveaux hommes?

 15   Réponse:    Vous parlez du commandement du bataillon?

 16   Question:   Oui.

 17   Réponse:    Oui, ce l'était.

 18   Question:   Parlons de 1992 pendant un moment encore afin de passer en

 19   revue les éléments dans la chronologie. Vous avez dit que vous teniez des

 20   registres. Vous y repreniez les noms des hommes ainsi que les armements.

 21   Aviez-vous des fonctions dans le cadre de l'organisation des patrouilles

 22   villageoises?

 23   Réponse:    Pour ce qui est de l'organisation des patrouilles

 24   villageoises, je ne jouais qu'un rôle de conseiller. Il y avait pour la

 25   plupart des hommes et des femmes, mais surtout des hommes, assez âgés.


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  1   Ceux-ci n'étaient pas à même de faire leur service militaire. Ils me

  2   considéraient en quelque sorte comme un expert dans le domaine. Ils se

  3   sont tournés vers moi pour que je leur donne des conseils.

  4   Question:   Monsieur Taraba, vous aviez donc un rôle consultatif. Est-ce

  5   que quelqu'un vous a donné l'ordre d'avoir ce rôle ou pas? Ou est-ce que

  6   vous avez pris toutes ces fonctions à votre propre initiative?

  7   Réponse:    Plutôt à l'initiative des villageois.

  8   Question:   De quel village parle-t-on, où vous avez joué ce rôle de

  9   conseiller au niveau de l'organisation des patrouilles villageoises?

 10   Réponse:    Je pense d'abord au hameau où je vivais Marosove Kuce,

 11   Zabililje, Stara Bila qui sont des villages proches. Il était facile, de

 12   là, d'établir le contact avec les gens et de les conseiller.

 13   Question:   Ces villages se trouvaient-ils dans le voisinage immédiat de

 14   votre résidence, de votre lieu de résidence?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Vous qui habitiez l'un de ces villages, est-ce que vous vous

 17   sentiez l'obligation morale d'aider à l'organisation de ces patrouilles

 18   villageoises?

 19   Réponse:    Oui, je pensais que c'était un devoir moral qui s'imposait à

 20   moi. Il était en effet manifeste que la guerre faisait rage en Croatie que

 21   les unités de l'ex-JNA étaient déjà déployées dans les environs, qu'il y

 22   avait aussi des bandits dans la région qui tiraient profit de la

 23   situation, et ceci, à leur avantage.

 24   Question:   Qui a organisé les patrouilles villageoises?

 25   Réponse:    Elles s'organisaient d'elles-mêmes. C'était une organisation


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  1   spontanée des villageois en général. S'il y avait quelques hommes âgés qui

  2   avaient une bonne réputation dans le village, qui avaient une certaine

  3   autorité par rapport aux autres villageois, c'étaient eux qui s'en

  4   occupaient. Les gens se sont auto-organisés.

  5   Question:   Si je vous ai bien compris, s'ils s'organisaient, c'est à

  6   cause de la présence de la JNA dans la région et aussi, parce qu'il y

  7   avait une augmentation de la criminalité locale? Est-ce exact? Il y avait

  8   de véritables gangs?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Vous avez fait partie de la brigade Stjepan Tomasevic au sein

 11   de votre bataillon, puis vous avez fait partie de la brigade de Vitez.

 12   Est-ce que dans le cadre de ces deux affectations, vous aviez pour

 13   obligation d'organiser les patrouilles villageoises?

 14   Réponse:    Pas du tout.

 15   Question:   En 1992, lorsque vous vous trouviez dans votre village, est-ce

 16   que dans d'autres villages et dans les villages avoisinants, les

 17   patrouilles villageoises fonctionnaient bien?

 18   Réponse:    Oui, elles marchaient assez bien parce que les gens

 19   ressentaient le besoin de se protéger. Il y a aussi des personnes qui ont

 20   refusé d'y participer, invoquant d'autres obligations pour excuses. Mais,

 21   de façon générale, elles ont bien fonctionné.

 22   Question:   Que faisaient ces patrouilles villageoises en 1992?

 23   M. le Président (interprétation): Nous avons déjà entendu beaucoup de

 24   détails à propos des gardes villageoises.

 25   M. Kovacic (interprétation): Dans ce cas, je ne poursuivrai pas.


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  1   Vous vous souvenez, Monsieur Taraba, par la suite, en 1993, en tout cas

  2   fin 1992 déjà, est-ce qu'il y a des habitants de votre village qui sont

  3   allés à vers le Mont Vlasic, à Jajce, à Turbe pour prendre des relèves en

  4   tant que soldats d'active, là où il y avait des endroits où se trouvait la

  5   JNA?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Combien d'hommes sont ainsi partis fin 1992 qui venaient de

  8   votre village?

  9   Réponse:    Je ne pourrais pas vous donner un nombre précis, mais le

 10   village est assez petit. Il y a beaucoup de jeunes qui travaillaient aussi

 11   à l'étranger.

 12   Question    Est-ce que la brigade Stjepan Tomasevic ou plutôt votre

 13   bataillon, qu'il fasse partie de cette brigade-là, ou plus tard de la

 14   Brigade de Vitez, est-ce que votre bataillon a assuré le maintien des

 15   positions sur les lignes allant de Strikanci à Slatka Voda?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question    C'était la ligne qui opposait la Republika Srpska et la JNA à

 18   vous-mêmes?

 19   Réponse:    Oui.

 20   Question    Nous ne voulons pas importuner la Chambre par trop de détails,

 21   mais pourriez-vous nous dire quel était votre rôle dans le cadre de ces

 22   relèves qui étaient opérées sur le front?

 23   Réponse:    Eh bien, j'avais une fonction assez simple : j'emmenais les

 24   hommes de divers villages, je devrais les accompagner jusqu'à Strikanice,

 25   Slatka Voda et puis, il y avait la relève des équipes, des troupes.


Page 24905

  1   Question:   Est-ce que ceci signifie que vous deviez informer plusieurs

  2   hommes du fait qu'à tel jour, telle date ils devaient partir pour telle ou

  3   telle mission?

  4   Réponse:    Oui, quelques jours avant l'affectation même, en règle

  5   générale, nous disions aux coordinateurs des villages, qu'ils étaient

  6   censés préparer la relève ; ce qui représentait un certain nombre

  7   d'hommes, censés se rendre sur la ligne de front face aux troupe de la

  8   Republika Srpska, dans ce secteur que vous avez mentionné.

  9   Question    Est-ce que ceci signifie qu'il y avait un point, un lieu, un

 10   moment convenu de rassemblement ; endroit que quittaient les hommes pour

 11   se rendre sur le front?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   D'après les plans prévus, quelle devait être la taille de ce

 14   groupe que vous envoyiez sur le front sur votre secteur?

 15   Réponse:    Si je m'en souviens bien, de 50 à 60 hommes par groupe.

 16   Question:   On avait rarement le chiffre requis, on avait toujours

 17   quelqu'un de malade ou quelqu'un d'empêché.

 18   Question:   Si quelqu'un ne souhaitait pas répondre à l'appel, si

 19   quelqu'un se disait malade ou partait en voyage pour éviter une telle

 20   mission, cette personne avait-elle la liberté d'agir ainsi?

 21   Réponse:    Oui, elle l'a toujours eue.

 22   Question:   Est-ce qu'on peut dire que vos soldats se sont portés

 23   volontaires?

 24   Réponse:    Ils avaient ce devoir moral, donc c'était volontaire ; mais si

 25   ces hommes ne répondaient pas à l'appel, ils étaient condamnés. Ils


Page 24906

  1   recevaient une espèce de condamnation morale de la part de leurs voisins

  2   qui, eux, répondaient à l'appel.

  3   Question:   Vous les rassembliez à un lieu donné, à un moment…

  4   M. le Président (interprétation): On a déjà parlé longuement de tout ceci.

  5   Le témoin a décrit ce qu'il a fait, il a dit comment tout  ceci était

  6   organisé. Ces détails n'aident pas, au contraire, ils ne font se semer la

  7   confusion.

  8   M. Kovacic (interprétation): Je ne veux pas insister, mais l'idée était

  9   simplement celle-ci: nous avons ici une personne qui avait pour mission

 10   d'assurer un contrôle constant.

 11   M. le Président (interprétation): S'il y a contestation, au moment du

 12   contre-interrogatoire, vous pourrez poser cette question. Poursuivez.

 13   M. Kovacic (interprétation): Je vais demander l'aide de l'huissier afin

 14   qu'on présente au témoin la pièce Z653. Est-ce qu'il est possible de

 15   placer la pièce sur le rétroprojecteur?

 16   Excusez-moi de ne pas vous avoir prévenu, mais je croyais l'avoir fait

 17   figurer dans le résumé que j'aurais besoin de cette pièce. Monsieur, avez-

 18   vous déjà vu ce document ou est-ce que vous avez déjà eu l'occasion de

 19   l'examiner pendant la guerre?

 20   Réponse:    Non.

 21   Question:   Permettez-moi d'attirer votre attention sur l'endroit où il

 22   devrait y avoir une signature, mais on ne voit qu'un poste. Pourriez-vous

 23   nous expliquer ceci?

 24   Réponse:    Eh bien, c'était la personne chargée de la sécurité dans

 25   l'unité.


Page 24907

  1   Question:   Dites-nous, pensez-vous que ce document provient de votre

  2   bataillon, à en croire l'en-tête et la signature?

  3   Réponse:    Eh bien, à en juger par l'en-tête, ainsi que par la signature,

  4   je pense que ce document vient bien de mon bataillon, même s'il n'y a pas

  5   de véritable signature nominale. On ne voit pas une seule personne qui a

  6   signé mais, en général, c'est l'aspect qu'avaient les documents.

  7   Question:   Le 14 avril, moment où ce document a été rédigé, vous

  8   souvenez-vous de la personne qui remplissait cette fonction dans votre

  9   bataillon, était-ce M. Zarko Saric?

 10   Réponse:    Je ne suis pas sûr... Mais c'était lui ou feu M. Ivan Budimir.

 11   Je ne suis pas tout à fait sûr.

 12   Question:   Pourriez-vous me dire ceci: on voit SIS dans l'en-tête ou dans

 13   le titre, qu'est-ce que cela veut dire?

 14   Réponse:    Pour autant que je sache, Service de sécurité et

 15   d'information, de renseignement.

 16   Question:   Etait-ce donc un service de renseignement oeuvrant au sein de

 17   votre bataillon?

 18   Réponse:    Je pense qu'il y avait une personne qui était chargée des

 19   renseignements militaires. A ce moment-là, on utilisait le sigle VOS.

 20   Question:   Fort bien. Et à partir de ces renseignements, on déterminait

 21   les missions. Pourriez-vous décrire la vocation première de SIS et de VOS,

 22   en quelques mots?

 23   Réponse:    SIS avait pour objectif de s'occuper de la sécurité à

 24   l'intérieur de l'unité, alors que VOS avait pour fonction de recueillir

 25   des renseignements concernant l'armée de la Republika Srpska.


Page 24908

  1   Question:   Et est-ce que c'était aussi censé recueillir des

  2   renseignements concernant l'ennemi quel qu'il soit?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Revenons toutefois au SIS. Vu votre formation et ce que vous

  5   venez de nous dire, est-ce que c'était le SIS qui était chargé de

  6   déterminer quelles étaient les sources éventuelles de recrutement, quels

  7   pouvaient être ces soldats, s'ils s'avéraient nécessaires?

  8   Réponse:    Ces renseignements pouvaient être obtenus du département de la

  9   défense.

 10   Question:   Et les registres de ce bureau ou département de la défense,

 11   est-ce qu'ils traduisaient bien la situation telle qu'elle prévalait sur

 12   le terrain?

 13   Réponse:    Oui, en gros. Même s'il est arrivé, par exemple, que mon oncle

 14   qui était mort en 1977, il se retrouve aussi dans les listes de ce

 15   registre. Et en 1993, il s'était retrouvé sur les listes, il était censé

 16   répondre à l'appel. 

 17   Question:   Très bien. Examinons ce document. On voit au point 2 votre

 18   village et les villages avoisinants : vous les connaissez peut-être? Vous

 19   connaissez peut-être le nombre de soldats également? Dites-moi, ici,

 20   figure un certain nombre de soldats par rapport aux villages : est-ce que

 21   c'est bien le nombre d'hommes dont vous aviez besoin pour former votre

 22   unité? Si vous ne savez pas exactement, donnez-nous une approximation.

 23   Réponse:    Oui, c'est à peu près correct. A quelques personnes près,

 24   c'est à peu près juste.

 25   Question:   Et au-dessus de ce groupe, on voit: "2e Compagnie, commandant


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  1   Slavko Badrov". Dites-nous, à cette époque-là, dans ces villages, est-ce

  2   qu'une compagnie a été constituée ou est-ce qu'il devait en être

  3   constituée une afin de mener ces opérations?

  4   Réponse:    A l'époque, cette compagnie n'existait que sur le papier. En

  5   d'autres termes, ces hommes étaient ceux qui devaient prendre la relève

  6   sur la ligne de front face à la Republika Srpska. Il fallait avoir un

  7   certain registre, il fallait consigner ce genre de renseignement quelque

  8   part.

  9   Question:   Et convenez-vous avec moi que cet aperçu général n'est qu'une

 10   estimation fournie par le bataillon, s'agissant des effectifs susceptibles

 11   de défendre vos villages, n'est-ce pas?

 12   Réponse:    Oui, c'est exact.

 13   Question:   Monsieur Taraba, au début de la Brigade de Vitez, vous nous

 14   avez dit qu'il n'y avait qu'un bataillon, n'est-ce pas?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Pourriez-vous nous dire, à quel moment, alors que le conflit

 17   gagne en intensité, autour du 16 avril, pouvez-vous nous dire exactement à

 18   quel moment ces autres bataillons ont été formés?

 19   Réponse:    Peut-être six ou sept jours après que le conflit a éclaté.

 20   C'est seulement à ce moment-là que les zones de défense ont été formées et

 21   elles comprenaient plusieurs villages. Donc je suppose que cela s'est

 22   passé du côté du mois de juillet, fin juillet; je ne suis pas sûr de la

 23   date. Ces secteurs de défense se sont transformés en bataillons de la

 24   Brigade de Vitez.

 25   Question:   Combien de bataillons y avait-il début 1994, juste avant la


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  1   fin de la guerre?

  2   Réponse:    Quatre ou cinq.

  3   Question:   Merci. En mars 1993, où se trouvait le quartier général de

  4   votre commandement de bataillon?

  5   Réponse:    Dans le bâtiment de l'administration de Sumarija à Rijeka.

  6   Question:   Et où se trouvait le quartier général de la brigade Stjepan

  7   Tomasevic?

  8   Réponse:    Eh bien, dans le bâtiment qui abrite le cinéma.

  9   Question:   Pourquoi êtes-vous passés du bâtiment du cinéma à Sumarija?

 10   Réponse:    Parce que le quartier général de la brigade se trouvait alors

 11   au cinéma.

 12   Question:   Vous parlez du commandement de la brigade de Vitez?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   Je ne sais pas s'il est utile de parler de ceci parce que cela

 15   pourrait être repris dans le contre-interrogatoire, en tout cas le

 16   commandement ou le poste de commandement de ce bataillon s'est installé à

 17   une troisième adresse, n'est-ce pas?

 18   Réponse:    Je pense qu'ils se sont installés dans un bâtiment se trouvant

 19   sur le périmètre de l'usine Impregnacija. Bien sûr, si je ne me trompe

 20   pas.

 21   M Kovacic (interprétation): Je n'ai plus de questions à poser à ce propos.

 22   Monsieur le Président, allons-nous travailler après 16 heures ou bien

 23   terminons-nous à 16 heures?

 24   M. le Président (interprétation): C'est l'horaire habituel qui s'applique.

 25   M. Kovacic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.


Page 24911

  1   M. le Président (interprétation): Nous voulons savoir quelles sont vos

  2   intentions. Autant en terminer avec cette déposition que nous reprendrons

  3   demain matin. Combien de temps à peu près vous prendra encore ce témoin,

  4   Maître Kovacic?

  5   M. Kovacic (interprétation): Pas plus d'une demi-heure.

  6   Je vous indique qu'il y a un sujet qui figure au paragraphe 4.2 où

  7   j'attends toujours la traduction qui nous viendra du Greffe. On me l'avait

  8   promise pour aujourd'hui mais je ne l'ai toujours pas reçue. Il semble que

  9   ce témoin se prête bien à la présentation de cette cassette. Le témoin dit

 10   être en mesure de reconnaître la cassette.

 11   M. le Président (interprétation): Fort bien.

 12   Monsieur Taraba, en ce qui concerne votre déposition, nous allons

 13   suspendre de l'audience. Je vous demanderai de revenir dans ce prétoire

 14   demain matin à 9 heures 30 pour terminer votre déposition. N'oubliez pas

 15   que, dans l'intervalle, vous êtes censé ne parler à personne de votre

 16   déposition. Cela concerne aussi les avocats de la défense.

 17   Je vous remercie. Merci de quitter le prétoire et d'y revenir demain

 18   matin.

 19   M. Taraba (interprétation): Merci, Messieurs les Juges.

 20   (Questions relatives à la procédure.)

 21   M. Le Président (interprétation): Maître Kovacic, si vous posez une

 22   question à un témoin en commençant par les mots: "Etes-vous d'accord pour

 23   dire que...", c'est une question qui conduit, qui induit le témoin; c'est

 24   une question directrice, c'est inévitable. Vous venez d'en poser une, il

 25   n'y a pas longtemps, sur un point important.


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  1   M. Kovacic (interprétation): Je m'en excuse mais il n'y a pas eu

  2   d'objection soulevée à l'encontre du résumé sur ce point. J'essayais

  3   simplement d'aller plus vite mais je ne recommencerai plus, c'est promis.

  4   M. le Président (interprétation): Alors où en sommes-nous?

  5   M. Kovacic (interprétation): L'huissier est sorti, malheureusement, je

  6   vais peut-être demander l'aide de Mme la greffière. J'ai essayé de prendre

  7   sous forme télégraphique certains des points, certains chiffres, certaines

  8   dates. Je crois qu'on y verra plus clair.

  9   Vous le constaterez, Messieurs les Juges, nous avons essayé d'analyser la

 10   situation telle qu'elle se présentait samedi après-midi, au moment où nous

 11   avons préparé cette petite communication. Il y a encore quelques

 12   modifications au niveau des chiffres intervenues dans l'intervalle, mais

 13   pour vous donner une idée de la précision de nos estimations.

 14   Depuis, j'ai reçu des informations selon lesquelles un des témoins experts

 15   est en train d'être opéré à l'hôpital, donc évidemment les choses

 16   changent. Ceci vaut pour grand nombre… N'oubliez pas qu'il y a beaucoup de

 17   personnes qui viennent de toutes sortes d'endroits et chacun a son petit

 18   problème. Il n'en demeure pas moins qu'à notre avis, comme l'ont montré

 19   ces derniers jours, nous avons bien progressé et que, vu le rythme

 20   d'aujourd'hui, nous pourrons avoir une idée assez optimiste pour ce qui

 21   est de la fin de la présentation de nos témoins. D'ici à la fin de la

 22   présentation, nous devrions avoir encore une quarantaine de témoins. Cela,

 23   c'est un principe, mais ce sera en réalité, 36 ou 37 si nous avons de la

 24   chance.

 25   Nous avons aussi prévu de vous donner le détail par semaine. Par exemple,


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  1   dix témoins seront appelés à la barre au cours de la semaine du 25

  2   septembre. Puis, dans la semaine du 2 octobre, c'est une semaine plus

  3   courte, on a trois témoins prévus. On en avait prévu 13 au départ, mais ce

  4   seront 11 ou 12 qui seront appelés à la barre au cours de la semaine du 9

  5   octobre. On a prévu des mesures d'urgence.

  6   Parlons de cette semaine du 9 octobre: si tous les témoins comparaissent,

  7   je suppose que certains n'auront pas terminé cette semaine-là et qu'ils

  8   devront comparaître au cours de la dernière semaine prévue pour notre

  9   défense, celle du 16 octobre. Au cours de cette dernière semaine, nous

 10   aimerions aussi que M. Cerkez dépose. Nous allons essayer de préparer sa

 11   déposition avec efficacité. Il ne faudra pas plus de deux jours pour

 12   l'interrogatoire principal. Nous n'allons pas faire comme cela s'est fait

 13   dans l'affaire Blaskic où l'on calculait à la minute ou à l'heure, ne

 14   serait-ce que pour des raisons d'ordre pratique. Effectivement, notre

 15   client ne doit pas nécessairement aborder autant de sujets que M. Blaskic;

 16   il n'y a pas autant de documents. Si nous pouvons nous mettre d'accord,

 17   ceci pourrait donner deux jours pour l'interrogatoire principal et jusqu'à

 18   deux jours pour le contre-interrogatoire.

 19   En guise de conclusion j'ajouterai que ceci, à notre avis, relève du

 20   possible. C'est peut-être jouer un peu serré mais nous espérons être en

 21   mesure de le faire dans ces temps pour autant, bien sûr, qu'il n'y ait pas

 22   du temps qui nous soit un peu "dérobé" , par exemple, ces deux témoins qui

 23   ont été appelés par suite "supinae". S'ils arrivent, j'espère que leur

 24   temps de comparution ne sera pas décompté de notre temps?

 25   M. le Président (interprétation): Non, non.


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  1   M. Kovacic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président. J'ai

  2   utilisé le terme de témoin ordinaire ou standard. J'espère que vous me

  3   comprenez. Il y a aussi ces témoins dits importants. J'ai déjà donné

  4   l'ordre de comparution à la partie adverse. Il y a le capitaine Anto

  5   Bertovic. Je pense que son interrogatoire principal ne peut pas être aussi

  6   court qu'il l'a été pour d'autres témoins. Il va devoir fournir des

  7   explications sur plusieurs sujets, vus sous son angle.

  8   M. le Président (interprétation): Quand avez-vous l'intention de l'appeler

  9   à la barre?

 10   M. Kovacic (interprétation): Au cours de la semaine courte. Ce serait le

 11   premier témoin de la semaine. A moins qu'on ait encore un ou deux témoins

 12   très courts de la semaine précédente et qui n'auraient pas terminé. On en

 13   terminerait de ceux-là avant le témoignage de M. Bertovic.

 14   Lors de la semaine précédant la semaine courte, on a prévu des témoins

 15   très courts. C'est pour des instantanés, disons. Je crois que cela devrait

 16   prendre moins d'une heure pour l'interrogatoire principal et le contre-

 17   interrogatoire. Cela veut dire que M. Bertovic pourrait commencer au cours

 18   de la première journée de cette semaine courte. Puis, nous avons deux

 19   témoins courts avec lui, pour ne pas perdre de temps s'il reste du temps.

 20   Nous avons fait l'impossible. Nous avons pensé aussi à la solution des

 21   déclarations sous serment. Nous en avons trouvé deux en tout cas, mais

 22   nous n'avons pas pu retrouver des témoins qui avaient été prévus au départ

 23   comme témoins ordinaires et qui pourraient faire l'objet de dépositions

 24   par déclaration sous serment. Il faut toujours avoir un document qui aille

 25   de paire avec une telle déposition. Nous avons prévu plusieurs


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  1   déclarations de ce genre dans le cadre du dossier Spork.

  2   Je crois qu'il est inutile de demander à 50 personnes de venir pour

  3   qu'elles nous expliquent pourquoi on trouve leur nom dans telle ou telle

  4   liste. Il y a un officier qui était chargé de ce processus pendant la

  5   guerre et, après la guerre, qui était impliqué de façon directe ou

  6   indirecte dans la production de certaines de ces listes, du moins de

  7   certaines d'entre elles, et qui connaît bien la technique. Il va peut-être

  8   se servir d'exemples et nous permettre d'avoir ainsi recours aux

  9   déclarations sous serment.

 10   C'est tout ce que j'ai à dire, Monsieur le Président, à moins que vous

 11   ayez des questions à poser.

 12   M. le Président (interprétation): Non, je vous remercie. Maître Kovacic,

 13   merci de ces efforts.

 14   M. Kovacic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

 15   M. le Président (interprétation): Si nous respectons cet emploi du temps,

 16   ce serait parfait pour ce qui est de la présentation de vos témoins.

 17   J'ajouterai ceci: s'agissant du calendrier du procès, nous voulons le

 18   respecter. Mais vous êtes peut-être informé du fait que nous étions saisis

 19   d'une autre affaire qui devrait commencer en novembre. Elle a été reportée

 20   à plus tard. De ce fait, nous allons disposer de deux semaines de réserve.

 21   Je ne veux encourager personne à penser qu'ils auront toute latitude à

 22   appeler plus de témoins. J'ai bien précisé que ce sont des semaines de

 23   réserve. Il sera peut-être alors nécessaire de faire comparaître les

 24   témoins de la Chambre. Nous allons y songer. Hormis cela, nous ne

 25   voudrions pas qu'il y ait de témoins supplémentaires. Nous avons de toute


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  1   façon deux semaines de réserve. Ceci me rappelle quelque chose que je ne

  2   peux aborder qu'à huis clos partiel. Pouvons-nous passer à huis clos

  3   partiel?

  4   (Huis clos partiel.)

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  1   [expurgée]

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4            (La séance est levée à 16 heures 15.)

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