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1 (Lundi 9 octobre 2000.)
2 (L'audience est ouverte à 10 heures 22.)
3 (Audience publique.)
4 M. le Président (interprétation): Le témoin peut prononcer la déclaration
5 solennelle.
6 M. Pranjes (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
8 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.
9 Monsieur, les horaires aujourd'hui sont les suivants: à moins d'un
10 changement, nous siégerons jusqu'à 11 heures 45, nous aurons une brève
11 pause d'un quart d'heure comme d'habitude. Nous reprendrons nos travaux à
12 midi pour les poursuivre jusqu'à 13 heures 15, heure de la pause normale.
13 Cet après-midi, nous siégerons de 14 heures 45 à 16 heures 15, à moins que
14 nous ne poursuivions quelques minutes supplémentaires.
15 M. Kovacic (interprétation): Très bien, Monsieur le Président, cela nous
16 convient, mais je vous demanderai peut-être un ex parte de 5 minutes à la
17 fin de la journée.
18 M. le Président (interprétation): Bien, nous verrons cela à la fin de la
19 journée.
20 (Interrogatoire principal de M. Drago Pranjes par M. Kovacic.)
21 M. Kovacic (interprétation): Bonjour Père Drago. Je vous remercie d'avoir
22 bien voulu venir témoigner devant ce Tribunal. Je vous demanderai d'abord
23 pour le compte rendu d'audience, de bien vouloir décliner vos nom et
24 prénom, date et lieu de naissance.
25 M. Pranjes (interprétation): Je m'appelle Père Drago Pranjes. Je suis né
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1 le 7 octobre 1954 à Maljine dans la municipalité de Travnik.
2 Question: Merci. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je dois
3 d'abord vous demander de m'excuser pour une petite erreur au résumé de la
4 déposition de ce témoin. Au paragraphe 2.1, dans une ligne qui se trouve
5 au milieu du paragraphe, nous avons utilisé le mot "weeding" au lieu du
6 mot "wedding" en anglais. Je pense que c'est une erreur qui apparaîtra
7 tout à fait manifestement.
8 M. le Président (interprétation): Je ne crois pas qu'il puisse en être
9 autrement.
10 M. Kovacic (interprétation) : Père Pranjes, vous vivez à Vitez, n'est-ce
11 pas?
12 M. Pranjes (inteprétation): En ce moment, je vis à Nova Bila. Cela fait un
13 mois que j'ai déménagé de Vitez à Nova Bila.
14 Question: Vous êtes prêtre à Nova Bila, n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Avant, vous étiez prêtre à Vitez. Pouvez-vous nous dire de
17 quelle date à quelle date vous avez exercé les fonctions de prêtre à
18 Vitez?
19 Réponse: Je suis arrivé à Vitez le 7 juillet 1986. J'ai été chapelain
20 pendant 2 ans et depuis 1988 jusqu'à cet été, j'étais prêtre de la
21 paroisse de Vitez.
22 Question: Vous êtes Croate de nationalité?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Quelle est votre nationalité du point de vue de votre passeport?
25 Réponse: Je suis citoyen de Bosnie-Herzégovine et j'ai aussi la
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1 citoyenneté croate, de la République de Croatie.
2 Question: Merci. J'aimerais que l'on remette au témoin la pièce à
3 conviction D 94/2. On pourrait peut-être placer la version anglaise sur le
4 rétroprojecteur. Nous avons un problème d'écran, mais enfin..
5 Père Pranjes, je vous demanderais de bien vouloir examiner ce document et
6 ma première question est la suivante: ce document correspond-il au
7 document que l'on rédige habituellement dans votre paroisse lors des
8 mariages?
9 Réponse: Oui, c'est un document, c'est le document que l'on utilise très
10 régulièrement dans notre paroisse et au niveau de l'évêché.
11 Question: Vous rappelez-vous, Père Drago, de quel mariage il s'agissait
12 dans ce document?
13 Réponse: Je me rappelle l'existence de ce document, même si ce n'est pas
14 un document lié au mariage.
15 Question: Pouvez-vous nous dire ce que représente ce genre de document?
16 Réponse: C'est le document qu'il faut régulièrement et habituellement
17 remplir lorsqu'on souhaite s'unir par les liens du mariage. C'est un
18 document qui est valable dans toutes les paroisses et dans tous les
19 secteurs d'un évêché et il comporte 4 pages.
20 Question: Vous rappelez-vous concrètement qu'un rendez-vous avait été pris
21 pour le mariage dont il est question dans ce document?
22 Réponse: Oui, je me rappelle que nous en avons parlé à plusieurs reprises.
23 Monsieur Mario et Mlle Svalca avaient, en effet, exprimé le désir de se
24 marier à l'église, étant déjà mariés à la mairie. Jusqu'à cette date, ils
25 n'étaient pas mariés religieusement et suite à nos discussions, ils ont
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1 estimé qu'il serait préférable de se marier à l'église également.
2 Question: Quelle est la date qui est mentionnée dans ce document?
3 Réponse: Il est écrit dans ce document que ce mariage devait avoir lieu à
4 18 heures 30.
5 Question: Père Drago, ce mariage s'est-il finalement fait?
6 Réponse: Non, le mariage n'a pas été réalisé. J'ai écrit quelque part que
7 le mariage a été repoussé à une date ultérieure.
8 Question: J'aimerais vous signaler le paragraphe 4 de la dernière page de
9 ce document. Nous y trouvons une note manuscrite. Pouvez-vous nous
10 expliquer qui a écrit cela et pour quelle raison?
11 Réponse: C'est moi qui ai écrit cela, c'est mon écriture et je lis:
12 "Reporté à une date ultérieure et non déterminée en raison de l'éclatement
13 d'une guerre imprévue avec les Musulmans".
14 Cette note a sans doute été écrite à une date ultérieure à la date prévue
15 pour le mariage. En d'autres termes, j'ai mis cela par écrit pour savoir
16 exactement plus tard de quoi il s'agissait.
17 Question: Père Drago, ce document est-il lié à d'autres documents du
18 diocèse?
19 Réponse: Effectivement, tous les documents de ce genre sont enregistrés
20 dans un registre protocolaire que nous utilisons au niveau de la paroisse.
21 C'est également une pratique courante.
22 Question: Avez-vous vérifié si la chose a été faite avant de venir ici?
23 Réponse: Oui, j'ai trouvé ce document.
24 Question: Pouvez-vous vous rappeler d'autres détails? Qui est venu vous
25 dire que le couple ne viendrait pas au rendez-vous?
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1 Réponse: Je ne sais pas si quelqu'un est venu nous avertir à l'avance. Je
2 pense que c'est plus tard que j'ai remarqué la chose et que j'ai donc
3 inscrit que le mariage n'avait pas eu lieu.
4 Question: Mais le mariage a-t-il eu lieu depuis la fin de la guerre, donc
5 après le 15 avril?
6 Réponse: Oui, le mariage a eu lieu à partir du début de la guerre. Les
7 mariages n'étaient plus aussi importants que par le passé. Il y en avait
8 moins, mais il y en avait tout de même.
9 Question: Très bien. Nous pouvons sans doute passer à un autre sujet. Dans
10 le document, il est question de Mario Cerkez et de Slavica. Vous rappelez-
11 vous si finalement ils se sont mariés?
12 Réponse: Par la suite, je ne me suis pas intéressé au fait de savoir s'ils
13 se sont mariés ou pas à l'église, de sorte qu'aujourd'hui encore je ne
14 sais pas si le mariage a été célébré.
15 Question: Un sujet sur lequel je voulais vous demander de témoigner était
16 le bruit selon lequel, la rumeur selon laquelle des personnes ont été
17 détenues dans l'église. Pouvez-vous nous dire si vous avez entendu dire
18 que selon des informations rendues publiques, dans votre paroisse, dans
19 votre église, des civils musulmans auraient été détenus?
20 Réponse: Au début du conflit, au début de cette série de conflits qui a
21 commencé le 16 avril 1993, j'ai entendu à plusieurs reprises à la radio de
22 Vitez et à la radio de Zenica qu'il y avait des Musulmans détenus dans
23 l'église de Vitez, et en général on citait un chiffre de 300 civils
24 musulmans détenus.
25 Question: Pouviez-vous capter radio Sarajevo à l'époque?
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1 Réponse: Oui, on pouvait capter radio Sarajevo, radio Zenica et d'autres
2 stations à l'époque.
3 Question: Qui contrôlait ces diverses stations de radio? Qui contrôlait
4 radio Zenica par exemple?
5 Réponse: Je ne sais pas exactement qui contrôlait radio Zenica, mais à
6 partir des émissions que l'on entendait à radio Zenica, on pouvait
7 conclure que cette radio était contrôlée par les Musulmans comme radio
8 Sarajevo, radio Mahala et d'autres stations dont je ne me rappelle pas
9 exactement le nom.
10 Question: Cette information était-elle exacte, correspondait-elle à la
11 réalité?
12 Réponse: Non, elle ne correspondait pas à la réalité. D'ailleurs, elle m'a
13 attristé, elle m'a poussé à réagir car il s'agissait de quelque chose qui
14 avait pour but d'intensifier et de faire durer plus longtemps le conflit,
15 ce chaos qui a commencé le 16 avril.
16 Question: Qu'avez-vous entrepris lorsque vous avez appris cette nouvelle?
17 Réponse: Eh bien, nous avions des possibilités très limitées de
18 communiquer, donc il était difficile d'entreprendre quelque chose
19 d'efficace. Il était en tout cas difficile de faire quoi que ce soit
20 d'efficace pour montrer que cette information était fausse. Nous avons
21 essayé de contacter la Forpronu ou la Mission européenne quand le
22 téléphone fonctionnait, parce qu'il arrivait qu'il ne fonctionne pas. Donc
23 nous avons essayé de faire connaître notre démenti dans lequel nous
24 disions protester avec vigueur et nous demandions aux gens de ne pas
25 croire à la véracité de cette nouvelle qui était transmise jour après jour
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1 et qui devait être diffusée encore de nombreuses fois les jours suivants.
2 Question: Votre démenti a-t-il été rendu publique par l'une ou l'autre des
3 stations de radio?
4 Réponse: Malheureusement non, bien que je me rappelle très bien que
5 j'avais bon espoir de pouvoir diffuser ce démenti car je considérais que
6 TV Zétel, une station de télévision privée, je pensais qu'au moins cette
7 télévision serait en mesure de diffuser notre démenti. Mais aucune chaîne
8 ne l'a fait, malheureusement.
9 Question: Avez-vous pu apprendre de quelle façon cette nouvelle était
10 parvenue à la radio, quelle était la source de cette information?
11 Réponse: J'ai appris plus tard que c’est Nenad Jahic, sans doute, un
12 journaliste de Zenica qui a diffusé cette information. J'ai même réussi un
13 jour à entrer en contact par téléphone avec lui et je lui ai demandé:
14 "Monsieur, pensez-vous que la nouvelle que vous avez diffusée correspond à
15 la vérité? " et il m'a répondu: "Oui, je maintiens ce que j'ai dit encore
16 aujourd’hui". Donc je ne sais pas quelle est la première source
17 éventuellement, mais je sais que ce Nenad Jahic a une relation avec la
18 diffusion de cette nouvelle.
19 Maintenant, qui lui a appris cette nouvelle? Je ne sais pas.
20 Question: Lorsque vous avez parlé avec lui au téléphone, lui avez-vous
21 personnellement dit que cette information ne correspondait pas à la
22 vérité?
23 Réponse: Oui, je le lui ai dit et je lui ai dit: "Est-ce que vous croyez
24 vraiment que c'est la vérité?" et il a dit très énergiquement: "Oui, je
25 pense que c'est la vérité".
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1 Question: Donc il a refusé d'admettre l'information contraire que vous lui
2 donniez?
3 Réponse: Oui, absolument. Il a refusé.
4 Question: Père Drago, ce Nedad Jahic que vous venez de mentionner, quelle
5 est sa nationalité?
6 Réponse: Eh bien, d'après son nom et son prénom, je pense qu'il est sans
7 doute Musulman.
8 Question: Suite à la diffusion de cette information, qu'est-il arrivé dans
9 votre église? Certaines personnes sont-elles venues vérifier?
10 Réponse: C'est la mission des observateurs européens qui s'est le plus
11 intéressée à cette information. Elle a envoyé 5 ou 6 fois, je crois, des
12 représentants chargés de vérifier si véritablement il y avait des
13 personnes enfermées dans l'église ou plus précisément 300 personnes
14 détenues dans l'église de Vitez.
15 Question: J'aimerais que l'on replace sur le rétroprojecteur la pièce à
16 conviction D 89/1, rapport de la Mission des observateurs européens
17 dattant du 27 avril 1993.
18 Père Drago, je vous demanderais de regarder plus précisément le paragraphe
19 B de la deuxième page de ce document. Apparemment il y a une erreur au
20 compte rendu d'audience en anglais, il s'agit du document D 89/1, document
21 qui porte la date du 27 avril 1993.
22 Monsieur l'huissier, je vous demanderais de mettre sur le rétroprojecteur
23 la page 2, le haut de la page, paragraphe B, sur le rétroprojecteur je
24 vous prie, parce que le document est en anglais et le témoin ne parle pas
25 l'anglais.
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1 Ah, malheureusement le rétroprojecteur ne fonctionne pas non plus! Alors
2 je vais peut-être essayer de lire ces deux phrases: "L'équipe chargée de
3 la distribution d'eau a reçu au moment où elle allait partir une requête
4 urgente de Zenica qui lui demandait de retourner à l'église de Vitez car
5 des choses atroces sont en train de s'y passer en ce moment même". Ces
6 mots sont entre guillemets. "Il y a quelques jours, une visite du même
7 genre a été faite et des chars du Bataillon britannique ont été envoyés
8 immédiatement, suivis peu de temps après par l'équipe des blindés de la
9 Mission des observateurs européens. Là encore, il s'agissait d'une fausse
10 alerte. Le prêtre a fait visiter une église vide, ce qui a permis à
11 l'équipe…" je ne peux pas lire les mots suivants "A un groupe de Musulmans
12 résidants non loin de l'église. Ils étaient tous dans une situation tout à
13 fait convenable d'après les villageois croates qui vivaient au même
14 endroit.".
15 Est-ce que cela correspond à la réalité?
16 Réponse: Ici, si je comprends bien, il est dit que l'ECMM a rendu visite à
17 l'église deux fois, or elle y est venue plus de deux fois. Il est vrai
18 qu'elle a pu vérifier que personne, absolument personne, n'était détenu
19 dans l'église. Elle s'en est d'ailleurs convaincue.
20 Question: Avez-vous d'une façon ou d'une autre aidé l'équipe de l'ECMM à
21 visiter, comme cela semble être dit dans le texte, quelques maisons
22 croates dans lesquelles des Musulmans étaient abrités?
23 Réponse: Oui, il y a eu un représentant de la Mission de l'ECMM qui a
24 visité l'église, qui s'est rendu compte qu'il n'y avait personne dans
25 l'église et qui ensuite a demandé à visiter les maisons qui étaient dans
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1 le voisinage immédiat de l'église. Dans ces maisons, se trouvaient des
2 Croates et des Musulmans. Dans la maison de Nikola Banic et dans les
3 autres maisons environnantes, il y avait pas mal de Musulmans et de
4 Croates qui habitaient ensemble, sous le même toit.
5 Question: Tous ces représentants de l'ECMM qui sont venus voir l'église,
6 ont-ils réagi de la même façon lorsqu'ils ont constaté ce que vous venez
7 de dire, à savoir que l'église était vide? Sur le plan subjectif, quel a
8 été leur comportement?
9 Réponse: Il y a eu des réactions diverses. Certains ont accepté avec
10 compréhension ce que nous leur disions et il est permis de dire que pour
11 deux d'entre eux, enfin il me semble que l'on peut s'exprimer ainsi, deux
12 d'entre eux ont eu un comportement un peu agressif. Ils étaient de très
13 mauvaise humeur à leur arrivée et de très mauvaise humeur lorsqu'ils ont
14 vu que l'église était vide. En d'autres termes, ils sont venus voir
15 l'église tout à fait certains qu'ils allaient trouver des gens détenus et
16 qu'ils pourraient s'opposer à nous, et ils ont été très fâchés après la
17 visite de l'église quand ils ont constaté qu'il n'y avait personne dans
18 cette église.
19 Question: Merci beaucoup. Je demanderais maintenant à la régie de nous
20 diffuser une séquence vidéo tirée de la pièce à conviction...
21 Malheureusement, je n'ai pas la cote de la pièce, mais elle figure sur la
22 vidéo, donc nous pourrons la retrouver. Il s'agit de la vidéo qui a été
23 présentée durant le témoignage du témoin Morsink et j'aimerais simplement
24 demander au témoin, qui est ici aujourd'hui, de nous dire s'il reconnaît
25 la personne que l'on voit sur les images. Je suis désolé, j'ai oublié la
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1 cote, mais nous la retrouverons sur la vidéo.
2 (Diffusion d'un extrait vidéo.)
3 Père Drago, vous voyez maintenant sur votre écran une personne dont je
4 vous demande si vous la reconnaissez?
5 Réponse: A gauche ou à droite?
6 Réponse: La personne que l'on voit maintenant.
7 Réponse: C'est M. Cerkez.
8 Question: Voilà, les images se déroulent. Je vous demande maintenant si
9 vous reconnaissez cette deuxième personne?
10 Réponse: Oui, je le reconnais, c'est un homme qui est venu à l'église et
11 qui était très nerveux, très tendu.
12 Question: On peut arrêter la diffusion. Mais pour le compte rendu
13 d'audience, je rappelle que nous avons vu une séquence qui montre une
14 conversation entre l'accusé Mario Cerkez et M. Morsink. Nous reviendrons
15 sur ce sujet plus tard.
16 Je vous demande si l'un ou l'autre des hommes que vous venez de
17 reconnaître est l'un de ceux qui est venu visiter l'église, au sujet de
18 cette rumeur selon laquelle l'église abritait 300 détenus?
19 Réponse: Oui, cet homme est très certainement venu.
20 Question: Vous rappelez-vous si c'est lui qui, comme vous l'avez dit,
21 avait un comportement un peu agressif?
22 Réponse: Cet homme était très nerveux, un peu agressif. Je ne me souviens
23 pas si c'est avec lui que cela s'est passé ou non quand il est venu
24 escorté d'une unité du Bataillon britannique qui nous a traités d'une
25 façon très désagréable.
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1 Question: Pouvez-vous me dire, s'il vous plaît, ce qu’il s'est passé
2 exactement?
3 Réponse: J'étais chez moi et soudain quelqu'un a frappé à la porte et m'a
4 ordonné de sortir ou plutôt m'a demandé de sortir car des gens avaient vu
5 des représentants des unités du Bataillon britannique arriver et se
6 déployaient autour de l'église. Il y avait des chars à l'entrée allant
7 près du cimetière, et ces hommes avaient pris position autour de l'église
8 et ils s'apprêtaient à forcer la porte, à casser la porte de l'église.
9 Bien entendu, j'ai immédiatement réagi. Je leur ai enjoint de s'arrêter en
10 leur disant que j'avais une clef et qu'il était tout à fait possible
11 d'entrer dans l'église sans briser la porte.
12 Question: Donc vous avez ouvert la porte?
13 Réponse: Oui, nous avons dû ouvrir la porte parce qu'ils l'ont exigé. Ils
14 ont regardé à l'intérieur et ensuite ils sont partis sans s'excuser le
15 moins du monde, sans rien dire de la sorte.
16 Question: Est-ce qu'il y a eu des dégâts?
17 Réponse: Oui, l'une des portes a été endommagée un petit peu, mais
18 l'entrée du cimetière autour de l'église a été endommagée beaucoup plus
19 parce que quand les chars sont arrivés, les conducteurs des chars ne
20 voyaient pas bien, donc ils ont endommagé les trottoirs.
21 Question: Et après ces visites, quelle était votre réaction en ce qui
22 concernait ces visites et le fait qu'il était évident que ces gens ne vous
23 croyaient pas?
24 Réponse: Eh bien, nous étions bien évidemment très déçus du comportement
25 des observateurs de la Forpronu.
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1 M. le Président (interprétation): Maître Kovacic, pouvez-vous me dire
2 quelle est la pertinence de tout ceci au sujet du comportement de la
3 mission des observateurs et de ce qu'il y aurait à y redire? Dans quelle
4 mesure cela peut-il nous aider dans cette affaire?
5 M. Kovacic (interprétation): Eh bien, à mon avis, si je peux me permettre,
6 ceci est pertinent parce que cela montre qu'on cherchait à obtenir un
7 certain type d'information à tout prix et que lorsque ces informations
8 n'étaient pas confirmées par des visites sur place, à ce moment-là on
9 ressentait une certaine déception. Ce que je veux dire, c'est que les
10 documents écrits et produits par la Commission ne sont pas toujours
11 exacts.
12 M. le Président (interprétation): Donc ce que vous êtes en train
13 d'avancer, c'est qu'il s'agit ici de remettre en question la crédibilité
14 des témoins de l'ECMM?
15 M. Kovacic (interprétation): Jusqu'à un certain point. Il ne s'agit pas de
16 remettre en question la crédibilité en tant que telle, cependant il s'agit
17 de montrer que ces personnes avaient une certaine subjectivité, c'est-à-
18 dire qu'on cherchait à confirmer des informations à tout prix, quelle que
19 soit la situation sur le terrain. Ma dernière question à ce sujet a pour
20 objectif de déterminer comment tout ceci.., quelles ont été les
21 conséquences de ce type d'incident sur les relations entre l'église croate
22 à Vitez et la Mission internationale.
23 M. le Président (interprétation): Je ne vais pas vous interrompre mais je
24 vous rappelle qu'il faut que nous nous en tenions au cœur du problème en
25 l'espèce.
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1 M. Kovacic (interprétation): Je vous ai bien compris.
2 Monsieur le témoin, après ces nombreuses visites, pouvez-vous nous parler
3 des relations entre l'Eglise catholique de Vitez, votre relation
4 personnelle, vous-même, et l'ECMM présent dans la municipalité de Vitez?
5 Réponse: Les relations entre la Mission d'observation et nous-mêmes sont
6 devenues assez tendues et encore c'est un euphémisme parce que nous, nous
7 voulions que ces gens, que la Mission s'excuse pour la façon dont nous
8 avions été traités. Bien entendu ils ont refusé de s'excuser.
9 Question: Cependant, on s’est excusé auprès de vous après un certain
10 temps.
11 Réponse: Oui, j'ai reçu des excuses parce que j'avais refusé d'avoir aucun
12 contact avec la Mission d'observation car j'estimais qu'ils avaient fait
13 une erreur, qu'ils étaient en train de faire une erreur et finalement
14 quand même, en 1999, j'ai reçu des excuses à ce sujet.
15 Question: Je voudrais demander l'aide de l'huissier afin que soit
16 distribué le document suivant.
17 Mme Ameerali (interprétation): Le document portera la cote D144/2.
18 M. Kovacic (interprétation): Père Drago, je vais vous demander de vous
19 pencher sur ce document et de nous dire s'il s'agit bien de la lettre
20 d'excuse que vous venez de mentionner.
21 Réponse: Oui. Oui, effectivement, j'ai ici la traduction et l'original.
22 C'est bien ce document que j’ai reçu de la Mission d'observation.
23 Question: Merci. J'ai encore une chose à vous demander à ce sujet: je
24 voudrais savoir si vous pensez, en tant que prêtre de cette paroisse, si
25 vous auriez pu contribuer à apaiser les tensions et à diminuer les
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1 conséquences du conflit si vous aviez eu de meilleures relations avec
2 l'ECMM.
3 Réponse: Oui, parce que la Mission d'observation pendant cette période si
4 tragique, si difficile, était en mesure de se déplacer grâce à la
5 protection des unités militaires, donc on aurait été en mesure d'avoir
6 accès à un certain nombre de gens pour essayer de les inciter à se
7 conduire de façon un peu plus raisonnable, donc peut-être qu'on aurait pu
8 en effet en faire un peu plus.
9 Question: Merci. Maintenant je vais passer à autre chose. En tant que
10 prêtre, je voudrais savoir si au début du conflit, vous avez d'une façon
11 ou d'une autre aidé les Musulmans qui habitaient dans ce quartier de Stari
12 Vitez où se trouve l'église?
13 Réponse: Mon travail, ma vocation dans la vie, ce n'est peut-être pas tant
14 d'aider mais d'être disponible pour tous les êtres humains. C'est ma
15 vocation et c'est ce que j'ai fait, et je pense que c'est mon devoir
16 d'aider tout le monde quelle que soit l'origine ethnique.
17 Question: Est-ce que vous pouvez me dire quelle est la première famille
18 que vous ayez aidée au moment du début du conflit, le 16 avril 1993?
19 Réponse: Eh bien, dès le début du conflit, nous avons aidé une famille qui
20 vivait dans ce quartier et nous avons aidé cette famille pour qu'ils
21 puissent venir à la maison paroissiale. C'est la famille de M. Rasim
22 Topcic, de Stari Vitez.
23 Question: Je vais demander l'aide de l'huissier. Il s'agit d'un nouveau
24 document. Vous avez délivré un document à l'intention de la famille de
25 Rasim Topcic. Pouvez-vous dire s'il s'agit de ce document?
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1 Réponse: Oui, c'est le document en question. Il porte ma signature et le
2 tampon de la paroisse.
3 Question: Quel était l'objectif de ce document?
4 Réponse: Nous voulions essayer d'aider autant que possible cette famille.
5 Bien entendu, j'aurais souhaité que nous puissions délivrer ce type
6 document à l'intention de toutes les familles, mais en tout cas nous
7 l'avons fait pour cette famille-là en espérant que ce document serait
8 respecté par tous ceux qui auraient pu éventuellement causer des dommages
9 à cette famille. Il se trouve que cette famille avait des relations très
10 étroites avec la paroisse depuis cent ans, voire plus.
11 Question: Et dans le quartier où vous vous trouviez, dans la mesure où
12 vous pouviez vous déplacer vu les combats, y avait-il des familles
13 musulmanes qui s'étaient réfugiées chez des familles croates?
14 Réponse: Oui. Oui, il y avait beaucoup de familles musulmanes qui
15 s'étaient réfugiées chez des familles croates, et je crois qu'il en allait
16 de même de l'autre côté, à savoir des Croates réfugiés chez des Musulmans.
17 Question: J'imagine que vous avez entendu parler de ce genre de choses à
18 l'envi aussi bien pendant qu'après la guerre.
19 Réponse: Oui.
20 Question: Bien. Nous n'allons pas nous étendre là-dessus parce que nous
21 pourrions y passer beaucoup de temps. Je ne suis pas sûr que nous ayons
22 une cote pour le dernier document.
23 Mme Ameerali (interprétation): Le document portera la cote D 145/2.
24 M. Kovacic (interprétation): Pendant la guerre, il y avait une émission
25 qui s'appelait Radio Mahala, n'est-ce pas?
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1 Réponse: Oui, il y avait une station de radio qui s'appelait Radio Mahala.
2 On pouvait entendre l'émission en question tous les matins et la réception
3 était excellente.
4 Question: Et vous souvenez-vous de cette émission qui était sans cesse
5 rediffusée?
6 Réponse: Dans le cadre de ces radiodiffusions, on donnait lecture des noms
7 de personnes qui étaient censées être des criminels de guerre, mais
8 c'étaient uniquement des Croates, et chaque matin à 9 heures, ils lisaient
9 parfois des dizaines de noms de personnes croates dont on prétendait, dont
10 on supposait qu'elles étaient des criminels de guerre.
11 Question: Et est-ce que vous avez entendu citer le nom de personnes que
12 vous connaissiez très bien?
13 Réponse: Oui. Oui, j'ai entendu un certain nombre de noms que je
14 connaissais, ou plutôt je dirais qu'il n'y a aucun nom que je ne
15 connaissais pas, que je n'avais jamais entendu.
16 Question: Est-ce que cela signifie que vous-même, vous avez pensé que ces
17 personnes qui étaient mentionnées pouvaient être des criminels de guerre?
18 Réponse: Non, je suis convaincu qu'aucune des personnes dont on a donné le
19 nom à cette occasion n'était un criminel de guerre. C'étaient des
20 personnes tout à fait bien, des personnes honnêtes, et je ne vois vraiment
21 pas pourquoi on a donné leurs noms de cette façon.
22 Question: Donc quelle a été la conclusion que vous avez tirée de tout
23 cela? Quels étaient l'objectif et la raison de ces émissions?
24 Réponse: A en juger par les programmes de cette radio, il s'agissait de
25 mesures de propagande délibérée. L'idée, c'était peut-être d'attiser les
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1 tensions au sein de la population, parce qu'à quoi d'autre cela aurait-il
2 pu servir? Je pense que c'était l'objectif de ce type de manoeuvre.
3 Question: Avant que nous n'en passions à la dernière partie de mes
4 questions, je voudrais vous poser deux petites questions. Je voudrais
5 savoir d'abord si l'église a été endommagée pendant la guerre, au cours
6 des combats.
7 Réponse: Malheureusement, notre église a été touchée à plusieurs reprises:
8 une fois par un obus de mortier, en janvier 1994, si je me souviens bien,
9 l'église a été touchée sur la façade nord; et puis le 6 décembre, un obus
10 a touché l'entrée, c'est le jour de la Saint-Nicolas où on distribue des
11 cadeaux aux enfants, et à 18 heures 30 ce jour-là, il y a toujours des
12 parents et des enfants assemblés à cet endroit, mais cette année-là, à
13 cause de la situation, nous n'avons pas distribué de cadeaux, mais quoi
14 qu'il en soit, un obus est tombé à 18 heures 30 précises à cet endroit et
15 a détruit un mur, un mur de l'endroit où habitent les prêtres.
16 Question: Et est-ce que les prêtres ou un des prêtres a été blessé?
17 Réponse: Drago Tamcic a été blessé alors qu'il revenait d'une mission pour
18 Caritas. Son genou a été fracassé par une balle, et il a toujours du mal à
19 marcher. D'autre part, un autre prêtre a été touché par un tireur embusqué
20 et il a perdu, je ne sais plus si c'est son oeil droit ou gauche, en tout
21 cas cela se passait à 3 kilomètres de l'église, alors qu'il allait rendre
22 visite à sa sœur.
23 Question: Vous êtes né en Bosnie centrale, et c'est là que vous avez
24 grandi?
25 Réponse: C'est exact.
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1 Question: Et vu vos occupations professionnelles, vous connaissez très
2 bien la culture de la région, n'est-ce pas?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Avant la guerre, que pouvait-on dire de la société de la région?
5 Je parle de la tolérance religieuse.
6 Réponse: Eh bien, c'était l'endroit où j'ai vécu, où j'ai grandi, c'était
7 très tolérant. Les parents apprenaient à leurs enfants à se conduire de
8 façon correcte, à saluer les personnes les plus âgées, et on se saluait de
9 façon courtoise même envers les gens qui n'appartenaient pas à la même
10 religion. Donc de manière générale, les gens étaient très tolérants.
11 J'habitais dans la zone de Travnik, dans la vallée de la Lasva, et dans
12 toute cette région aussi. C'étaient des régions très tolérantes.
13 Question: Est-ce que vous avez jamais pu imaginer qu'il puisse se produire
14 un conflit tel que celui qui a eu lieu entre les différentes communautés
15 ethniques?
16 Réponse: Non, jamais je n'aurais pu l'imaginer.
17 Question: Et quand le conflit a démarré le 16 avril 1993, quelle attitude
18 aviez-vous? Est-ce que vous avez gardé le même état d'esprit, ou est-ce
19 que vous avez changé d'opinion?
20 Réponse: Eh bien, cela s'est passé de la façon suivante: le 16 avril 1993
21 a commencé un conflit plus grave que ceux qui avaient eu lieu. Mais nous
22 avons pensé à ce moment-là que les choses allaient s'arranger pour qu'on
23 évite qu'il y ait des victimes.
24 Question: Et pour finir, je voudrais vous poser une question au sujet de
25 ce que vous avez dit, le démenti relatif a des informations, relatif a des
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1 détenus -malheureusement, nous n'avons pas vu ceci précédemment car vous
2 avez apporté ce document vous-même- donc je demanderais que soit distribué
3 un exemplaire, premièrement au témoin, aux interprètes.
4 Non, les interprètes, en fait, ont déjà reçu un exemplaire de ce document.
5 Mais de tout façon, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de donner
6 lecture de la lettre dans son intégralité. Mais je souhaiterais qu'un
7 exemplaire soit communiqué au témoin.
8 Je vous prie, Monsieur le Président, de m'excuser. Nous n'avons pas eu le
9 temps de faire traduire cette lettre que nous n'avons reçue que très
10 récemment de la part du témoin. Bien entendu, nous serons en mesure de
11 vous communiquer la traduction ultérieurement.
12 M. le Président (interprétation): Mais de quoi s'agit-il dans ce document?
13 M. Kovacic (interprétation): Il s'agit, ici, d'une lettre qui a été
14 rédigée par le témoin en date du 20 avril 1993. Il s'agit d'un document
15 qui porte le titre "communiqué de la paroisse de Saint-Georges de Vitez au
16 sujet des combats qui ont eu lieu récemment à Vitez".
17 Dans cette lettre, on en appelle à la restauration des bonnes relations et
18 on proteste contre la campagne de désinformations qui sont le fait de
19 radio Sarajevo et de radio Zenica et selon lesquelles l'église avait été
20 transformée en camp. Je souhaitais simplement que le témoin nous confirme
21 qu'il s'agit effectivement d'une lettre qui émane de lui.
22 M. Pranjes (interprétation): Oui.
23 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous des objections?
24 M. Nice (interprétation): Mais nous n'avons pas d'exemplaire de ce
25 document.
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1 (Le document est remis à Me Nice.)
2 Comme vous le savez, nous n'avons pas sur le principe, lorsque certaines
3 dispositions n'ont pas été respectées, nous n'avons pas systématiquement
4 des objections. Mais je suppose que je pourrais interroger le témoin à ce
5 sujet après la pause.
6 M. le Président (interprétation): Peut-on avoir une cote?
7 Mme Ameraali (interprétation): D 146/2.
8 M. Kovacic (interprétation): Je souhaitais simplement que le témoin nous
9 confirme bien qu'il s'agit bien d'une lettre qui émane de lui.
10 Père Drago, s'agit-il bien d'une lettre que vous avez écrite à la date que
11 vous nous avez dite?
12 M. Pranjes (interprétation): Oui.
13 Question: Et vous l'avez envoyée à plusieurs destinataires?
14 Réponse: Oui, oui et cela fait partie d'ailleurs d'une série de documents
15 qui ont été rassemblés, documents qui émanaient tous de prêtres qui
16 avaient essayé de s'adresser à un certain nombre de personnes.
17 M. Kovacic (interprétation): J'en ai terminé de mes questions.
18 M. Sayers (interprétation): Nous n'avons pas de question.
19 M. Lopez-Terres: Monsieur le Président, à propos de ce document, est-ce
20 qu'il va être proposé par la défense comme un document pièce à conviction?
21 Est-ce qu'il est simplement démontré à la Chambre? Je n'ai pas bien
22 compris quel est le statut de ce document? Est-ce un problème de
23 traduction?
24 M. le Président (interprétation): Donc aucune objection n'a été soulevée
25 et ce document a reçu une cote: D 146/2. Mais dans le cadre de notre
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1 pratique en l'espèce, ce document ne deviendra pas une pièce à conviction
2 officiellement tant que nous n'aurons pas de traduction. Mais si j'ai bien
3 compris, d'après ce qu'a dit M. Nice, vous serez en mesure de contre-
4 interroger le témoin au sujet de ce document et si vous avez besoin d'un
5 peu plus de temps pour vous préparer au sujet de ce document, vous pouvez
6 bien entendu en disposer.
7 M. Lopez-Terres: Je vous remercie, Monsieur le Président.
8 (Contre-interrogatoire de M. Pranjes par M. Lopez-Terres.)
9 M. Lopez-Terres: Monsieur Pranjes, vous comparaissez aujourd'hui en
10 vêtements civils. Je voulais seulement vous poser une question: à l'époque
11 en 1993, vous portiez une robe, je crois, non?
12 M. Pranjes (inteprétation): Oui. Oui, aujourd'hui je suis habillé en
13 civil, mais bien entendu je porte ma robe habituellement.
14 Question: A quel ordre appartenez-vous?
15 Réponse: J'appartiens à l'ordre des franciscains fratrum minorum et ceci
16 encore aujourd'hui. Saint-François d'Assises, OFM, c'est l'abréviation
17 latine.
18 Question: Vous avez évoqué ce document qui a été établi à l'occasion de la
19 cérémonie religieuse du mariage de M. Mario Cerkez et de son épouse,
20 Slavica Debeljak. Je voudrais que nous nous arrêtions un petit peu sur ce
21 document qui porte la référence D94/2. Ce document, vous nous avez dit, a
22 été établi en préparation de la cérémonie de mariage qui était prévue pour
23 le 15 avril 1993. C'est bien cela?
24 Réponse: Oui. Oui, c'est la façon dont les choses devaient se faire et
25 c'est la façon dont elles se sont faites.
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1 Question: Ce document a été établi à une date antérieure au 15 avril 1993,
2 si je comprends bien.
3 Réponse: C'est sur ce document-là que figure justement la date de sa
4 rédaction.
5 Question: La date de rédaction est justement le 15 avril 1993 et je ne
6 comprends pas très bien: expliquez-nous pour quelle raison s'il a été fait
7 avant le 15 avril 1993, il porte malgré tout la date du 15 avril 1993.
8 Réponse: Il est possible évidemment de procéder au mariage le même jour où
9 les deux personnes doivent se rendre évidemment en vue d'une conversation.
10 C'est possible de le faire en une même journée.
11 Question: Faites appel, dans la mesure du possible, à votre mémoire.
12 Compte tenu de ce que vous venez de nous indiquer, est-ce que le 15 avril
13 1993, si je vous comprends bien, les époux Cerkez ont comparu devant vous
14 pour préparer cette cérémonie?
15 Réponse: Nous nous étions déjà rencontrés plusieurs fois pour avoir une
16 conversation sur le mariage qui serait le leur, et nous avons choisi
17 justement la date du 15 avril pour évidemment nous acquitter du mariage
18 également, et nous leur avons demandé de tout faire pour venir en vue de
19 rédiger ce document étant donné que le document devrait être rédigé tout
20 de même avant le mariage.
21 Bien sûr ce n'est pas la procédure régulière. Celle-ci, à peu près, serait
22 une procédure qui demanderait au moins une semaine pour qu'en public on
23 dise ce que deux personnes souhaitent évidemment avoir leur mariage et
24 recevoir l'office du mariage religieux. Mais ce n'était pas un mariage
25 normal, c'était un petit peu selon une procédure accélérée et c'est ainsi
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1 que nous avons prévu la date du 15 avril. Nous avons dit la veille, je
2 crois qu'on avait parlé de cette heure de 18 heures 30, étant donné les
3 occupations des uns et des autres, que les deux jeunes époux viennent en
4 cette date-là.
5 Question: Lorsqu'une cérémonie de cette nature avait lieu, si je vous
6 comprends bien, il y avait bien un délai de publication?
7 Réponse: Lors de la cérémonie de mariage religieux, il y a une cérémonie
8 qui précède l'acte de mariage et évidemment les écrits religieux disent
9 expressément que l'on doit d'abord avancer de quelques jours. Les
10 fiançailles d'abord doivent être faites, le document étant de nature à
11 prévoir ne serait-ce qu'une certaine publicité, c'est-à-dire où il y a un
12 bon nombre de fidèles qui doivent prendre acte du fait que les deux jeunes
13 gens veulent se marier, pour ne pas qu'il y ait une opposition quelconque
14 au mariage.
15 Question: Et ces formalités de publicité ou de publication n'ont pas été
16 réalisées, si je comprends bien, en ce qui concerne M. Cerkez. On est
17 passé tout de suite à la cérémonie?
18 Réponse: Il n'y a pratiquement aucune formalité dans tout cela. Il s'agit
19 d'abord d'une conversation tout à fait personnelle, intime, entre le
20 prêtre, le curé et ceux qui souhaitent se marier. On prend tous les
21 détails concernant l'état civil, etc.. Il n'y a pratiquement pas trop de
22 formalités pour la cérémonie.
23 Question: N'êtes-vous pas tenu en tant que prêtre à un minimum de
24 publicité, un délai de publication pour permettre à des gens
25 éventuellement de faire opposition à ce mariage?
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1 Réponse: Ceci ne doit pas être le cas. Si j'ose ajouter à ce que je viens
2 de dire, ce terme de publicité n'est pas obligatoire étant donné qu'ils
3 étaient déjà mariés dans l'état-civil, qu'ils avaient ce mariage civil.
4 Par conséquent, c'était en quelque sorte une formalité à remplir.
5 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire combien de temps avant le 15
6 avril, vous avez eu cette réunion avec les époux Cerkez et vous êtes
7 convenus ensemble que la cérémonie aurait lieu le 15 avril, à 18 heures
8 30?
9 Réponse: Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, on essayait de convenir en
10 ce qui concerne leur mariage...
11 Question: Donnez-moi, une date s'il vous plaît!
12 Réponse: Je ne peux pas me rappeler parce que ces conversations ont eu
13 lieu à plusieurs reprises, mais quant à la date convenue de leur mariage,
14 c'était le jour où ils étaient venus pour signer eux-mêmes ce document.
15 Donc l'heure précisée était 18 heures 30, le soir donc, et on était
16 convenu que ce soir-là on devait donc s'occuper du mariage aussi.
17 Question: Je vous demande la date à laquelle vous avez fixé ce jour, pas
18 la date à laquelle la cérémonie devait avoir lieu. Une cérémonie, cela se
19 prépare, cela s'organise, cela se décide d'un commun accord. C'est cette
20 date-là que je vous demande.
21 Réponse: Je ne vous comprends pas. Je ne comprends pas votre question. Si
22 j'ai bien compris ce que vous me demandez, eh bien c'est que nous avons,
23 étant donné les possibilités, voulu choisir un terme selon les besoins qui
24 étaient les leurs, leurs occupations et les miennes également, de sorte
25 qu'on se retrouve. A plusieurs reprises, vous disais-je, on essayait d'en
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1 convenir.
2 Question: Vous ne pouvez pas me dire si vous avez fixé cette cérémonie le
3 10 avril, le 1er avril, le 30 mars avec les époux Cerkez? Vous ne pouvez
4 pas nous le dire aujourd'hui?
5 Réponse: Je ne peux pas vous le dire aujourd'hui parce que nous ne savions
6 pas très exactement si nous pouvions le faire au moment voulu par nous et
7 par eux.
8 Question: Est-ce que, oui ou non, vous avez vu le 15 avril 1993 M. Mario
9 Cerkez ou son épouse dans votre église?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Vous avez vu les deux époux ensemble?
12 Réponse: Oui, si je dois répondre par oui ou par non. Oui, je les ai vus
13 tous les deux parce que c'était à ce moment-là que nous avons rédigé le
14 document.
15 Question: Et quelle heure était-il lorsque vous avez rédigé ce document?
16 Réponse: Je ne sais pas, je crois que dans les heures matinales, avant
17 midi en tout cas. Je ne peux pas me rappeler.
18 Question: Vous êtes en train de nous dire qu'aux environs de midi les
19 époux Cerkez sont venus vous voir et ont fixé avec vous pour 18 heures 30,
20 c'est-à-dire 6 heures après, la cérémonie de leur mariage. C'est bien
21 cela?
22 Réponse: Je ne sais pas si c'était vers midi. Je crois que c'était un peu
23 avant midi et qu'à ce moment-là nous avons rédigé le document et nous
24 étions convenus comme quoi à la même date, le même jour dans la soirée, on
25 pourrait évidemment faire ce mariage.
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1 Question: Il n'y avait pas de préparatifs particuliers? Il n'y avait pas
2 de fête de prévue si je comprends bien, aucun invité pour ce mariage?
3 Réponse: Nous n'organisons pas tout cela. Ce sont les jeunes époux qui
4 doivent l'organiser.
5 Question: Mais étaient-ils en mesure de le faire, si la décision a été
6 prise dans la matinée de se marier le soir même? Est-ce que c'était
7 possible matériellement?
8 Réponse: Probablement, ils avaient préalablement tout planifié et prévu
9 comme quoi cette date devait leur correspondre. Je leur avais permis comme
10 possibilité de s'y rendre pour se préparer, je leur ai donc laissé à leur
11 propre loisir, la possibilité d'informer les gens, et que la soirée même
12 on devait évidemment faire la cérémonie. Cette possibilité existait bien
13 sûr.
14 Question: Le document est signé par trois personnes, plus exactement il y
15 a le nom de trois personnes: votre nom sur la partie droite, le nom de
16 l'épouse sur la partie gauche et au centre le nom de Mario Cerkez. Ce sont
17 les époux eux-mêmes qui ont mis leur nom sur le document? C'est leur
18 écriture?
19 Réponse: Oui, c'est leur écriture.
20 Question: Pour quelle raison, d'après vous, y avait-il une telle urgence à
21 procéder à cette cérémonie le 15 avril? On vient vous voir le matin et on
22 décide de la fixation de la cérémonie quelques heures plus tard.
23 Réponse: Je n'ai pas vraiment pu observer, enfin remarquer que c'était
24 aussi précipité. Les gens pouvaient évidemment informer un mois à
25 l'avance, dire qu'étant donné les circonstances éventuellement, on
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1 pourrait faire ceci ou cela. Je ne vois vraiment pas de précipitation.
2 Tout simplement, la procédure a été en quelque sorte abrégée et pour des
3 raisons formelles étant donné qu'ils étaient en mariage civil déjà depuis
4 quelque temps.
5 Question: Les époux Cerkez étaient mariés déjà, depuis plus de 10 ans
6 lorsque cette cérémonie a été décidée.
7 Réponse: Oui, je pense bien qu'ils étaient déjà mariés pendant un certain
8 moment, assez longtemps. Mais si c'était évidemment un mariage civil…je ne
9 sais pas? Je sais qu'ils s'étaient mariés et qu'ils avaient des enfants.
10 Question: Les époux Cerkez et l'accusé Mario Cerkez, en particulier,
11 fréquentaient régulièrement votre église?
12 Réponse: Je ne me souviens pas qu'ils étaient si fréquents ou si réguliers
13 à l'église.
14 Question: Le fait de se marier devant l'église autant d'années après le
15 mariage civil, cela à une signification particulière. C'est un acte de foi
16 dans la religion catholique, n'est-ce pas?
17 Réponse: Je ne voulais certainement pas trop étudier les raisons et entrer
18 dans les détails pour parler des raisons pour lesquelles ils voulaient
19 avoir une cérémonie de mariage religieux. J'ai été heureux de les voir
20 légaliser leur mariage, le confirmer par l'Eglise étant donné qu'ils
21 étaient de la paroisse de Vitez. Moi-même, leur curé, je voulais
22 évidemment les voir accomplir cet acte de mariage religieux aussi.
23 Question: Ils auraient pu procéder à cette cérémonie longtemps avant?
24 Réponse: Oui, ils auraient pu, ne serait-ce que pour planifier, faire
25 quelque chose, et beaucoup plus tôt, enfin aussitôt qu'ils s'étaient
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1 mariés.
2 Question: Est-ce que ce type de cérémonies religieuses plusieurs années
3 après le mariage civil était fréquent dans votre paroisse?
4 Réponse: De tels cas se sont produits assez fréquemment après les
5 élections de 1991, lorsque préalablement les gens étaient en mariage
6 civil, par conséquent de tels mariages étaient assez nombreux.
7 Question: Le 15 avril 1993, cette cérémonie était donc fixée à 18 heures
8 30. A quel moment avez-vous été prévenu qu'elle n'aurait pas lieu
9 finalement?
10 Réponse: Ils n'étaient pas venus à 18 heures 30. Tout simplement ils
11 n'étaient pas là, ils n'étaient pas présents.
12 Question: Personne n'a eu la correction de vous indiquer que la cérémonie
13 ne pouvait avoir lieu?
14 Réponse: Je ne sais pas pour quelle raison personne ne m'a informé du fait
15 que le mariage n'aurait pas lieu.
16 Question: A 18 heures 30, vous avez donc attendu les deux époux qui ne
17 sont pas venus.
18 Réponse: Non, personne n'était venu. Personne n'est apparu.
19 Question: Est-ce que vous avez essayé de savoir à ce moment-là pour quelle
20 raison la cérémonie qu'on avait fixée le matin, ne pouvait pas avoir lieu?
21 Réponse: J'étais tout simplement curieux de savoir les raisons pour
22 lesquelles ils ne sont pas venus, encore que ce n'était pas un premier cas
23 où un mariage n'avait pas lieu, encore qu'il avait été déjà fixé. Il
24 arrivait que des gens ne viennent pas et que 4, 5 jours après ils viennent
25 pour dire que "pour telle et telle raison, nous n'avons pas pu nous y
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1 rendre".
2 Par conséquent, je n'ai pas pu apprendre les raisons pour lesquelles le
3 mariage a été annulé par eux. Plus tard seulement, je l'ai appris.
4 Question: Et par qui l'avez-vous appris?
5 Réponse: Bien, je ne sais pas moi non plus très exactement par qui je l'ai
6 appris, mais tout simplement je sais que ce mariage a été annulé. Mais je
7 ne peux pas vous dire le nom d'une personne concrète qui me l'a dit.
8 Question: Vous n'avez jamais eu l'occasion d'en parler avec Mario Cerkez
9 ou son épouse?
10 Réponse: Je n'ai pas eu la possibilité, je ne les ai pas rencontrés pour
11 pouvoir avoir une conversation là-dessus avec eux. Je n'ai pas eu vraiment
12 l'occasion de le faire.
13 Question: Avez-vous eu l'occasion de revoir M. Mario Cerkez après le 16
14 avril 1993?
15 Réponse: J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de le rencontrer juste
16 pour quelques secondes, comme cela, pour le croiser tout simplement,
17 chemin faisant.
18 Question: Vous pouvez nous donner quelques indications sur les
19 circonstances de ces rencontres?
20 Réponse: En effet, de telles rencontres ne peuvent être reliées à aucune
21 circonstance. Tout simplement c'étaient des circonstances où je les
22 croisais probablement à certaines cérémonies organisées en commun. On ne
23 peut pas citer quelques spécificités.
24 Question: Je voudrais justement que vous indiquiez de quelle cérémonie
25 vous nous parlez. Est-ce que vous avez eu l'occasion de participer à des
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1 cérémonies officielles en tant que prêtre à laquelle assistait l'accusé,
2 Mario Cerkez?
3 Réponse: Il y avait des occasions où des réceptions officielles ont été
4 organisées pour Pâques, pour Noël. Lorsque nous recevions officiellement
5 une invitation de nous y rendre. Quelquefois je m'y rendais moi-même et
6 quelquefois c'étaient mes adjoints ou mes représentants. Mais d'ordinaire,
7 je voulais toujours être présent à de telles occasions aux fins de
8 réceptions officielles de Noël, par exemple.
9 Question: Qui vous adressait ces invitations?
10 Réponse: Ces invitations m'ont été adressées par des institutions
11 officielles, par exemple l'institution militaire, les services militaires
12 qui envoient une invitation à l'office de la paroisse qui est la mienne,
13 invitant quelqu'un pour assister à de telles occasions solennelles.
14 Question: Receviez-vous des invitations de la part du gouvernement
15 municipal, HVO de Vitez, par exemple?
16 Réponse: Si on devait fêter ou marquer une date anniversaire importante,
17 de telles invitations, j'en recevais également, oui.
18 Question: Et ces anniversaires dont vous nous parlez, est-ce qu'il
19 s'agissait toujours d'anniversaires religieux, de fêtes religieuses?
20 Réponse: Il ne s'agissait pas toujours, évidemment, de dates religieuses.
21 Non, quelquefois il s'agissait aussi de marquer un anniversaire, ce qui
22 m'échappe maintenant, mais comme par exemple la date de la ville de Vitez
23 ou fêter enfin la journée de la municipalité, et différentes occasions de
24 ce genre.
25 Question: Vous nous avez parlé de l'accusé, Mario Cerkez. Est-ce que vous
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1 avez participé à des cérémonies à laquelle ou auxquelles assistait
2 l'accusé Dario Kordic?
3 Réponse: Je me souviens de M. Kordic, de l'avoir rencontré lors de ces
4 réceptions officielles organisées pour Noël, pour Pâques. Je me souviens
5 qu'il était le seul à la grande fête la veille de Noël, le réveillon, la
6 fête la plus importante, lorsque nous avons dû nous rendre dans la cave.
7 Eh bien à cette messe-là célébrée, il y a participé aussi, pour Noël.
8 Question: C'était la fête de Noël 1993?
9 Réponse: Oui, c'est bien Noël 1993, oui.
10 Question: Et il était venu à Vitez?
11 Réponse: Oui, il était là pour réveillonner justement avec nous dans la
12 ville de Vitez, dans la maison de Vitez, étant donné que nous avons pensé
13 que nous étions en sécurité et qu'il y aurait certainement le plus de gens
14 à venir pour cette date si importante pour tous les chrétiens de Vitez. Or
15 il n'y avait que Dario et peut-être une trentaine de croyants seulement
16 présents à cette messe de Noël.
17 Question: Je voudrais maintenant vous parler du deuxième point que vous
18 avez évoqué ce matin, c'est-à-dire la diffusion de certaines informations
19 à la radio. Est-ce que vous avez personnellement entendu la diffusion de
20 l'information que vous avez rapportée, à savoir que près de 300 Musulmans
21 étaient détenus dans votre église?
22 Réponse: Oui, et à plusieurs reprises.
23 Question: J'aimerais que vous nous précisiez exactement sur quelle radio.
24 Réponse: Il s'agissait de Radio Zenica et Radio Vitez. Radio Sarajevo,
25 excusez-moi.
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1 Question: Si je vous pose la question, c'est parce que dans le premier
2 résumé qui nous avait été transmis, on parlait de Radio Travnik.
3 Réponse: Nous n'avons pas pu capter Radio Travnik à Vitez. Je ne sais pas
4 s'il pouvait être diffusé. Personnellement, je ne l'ai pas entendu, mais
5 je pense que c'est à partir et depuis Travnik que cette nouvelle a été
6 diffusée et lancée. Cet homme dont j'ai entendu parler était prétendument
7 journaliste à Travnik.
8 Question: Quand vous nous parlez de Radio Vitez, est-ce que c'est la même
9 chose que Radio Mahala? C'est la même radio?
10 Réponse: Je n'ai pas mentionné Radio Vitez tout à l'heure, je me suis
11 repris aussitôt. J'ai fait une erreur. Au temps de la guerre, je ne m'en
12 souviens pas. Tout simplement je me souviens de cette radio-là qui voulait
13 inviter les gens à faire preuve de prudence étant donné cette situation et
14 notamment, ne serait-ce que pour parler de mon impression, c'est avec un
15 très grand plaisir, avec une véritable jubilation qu'on donnait lecture de
16 ce texte. Vraiment, il y a lieu de parler d'une jubilation avec laquelle
17 ils ont donné lecture de ce texte. Enfin, je crois que ces gens-là, enfin
18 dont la réputation n'est pas en question, ne devraient pas être quand même
19 sur la liste de tous ces criminels de guerre. Je me suis dit, à mesure
20 qu'on continuait comme cela, que le mien, que mon nom y figurerait aussi.
21 Question: Monsieur Pranjes, vous avez diffusé un communiqué pour rectifier
22 le caractère mensonger de cette information, si je vous comprends bien, et
23 nous avons eu le document en question qui a été établi à l'époque dans
24 votre langue, qui nous a été remis ce matin. A l'époque où cette
25 information était diffusée, il y avait des centaines de personnes qui
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1 étaient détenues à Vitez et toutes ces personnes étaient Musulmanes.
2 Réponse: Je ne savais pas que seuls les Musulmans y étaient détenus parce
3 que le conflit était de telle nature que, pour moi, c'était le déluge,
4 c'était un chaos total. Et puis, je ne pensais pas que c'étaient seuls les
5 Musulmans. Je me suis dit que tous devaient être des souffrants et
6 sinistrés. Tous les gens de Vitez.
7 Question: Vous nous dites: "Je ne savais pas". Est-ce que par la suite
8 vous avez su?
9 Réponse: Oui, je pouvais savoir qu'un grand mal s'était produit, mais je
10 ne savais pas qu'il y avait des gens détenus ni dans notre église ni
11 ailleurs.
12 Question: Je ne vous parle pas des gens détenus dans l'église, je vous
13 parle des gens qui étaient détenus au cinéma, à l'université du
14 travailleur, au bureau de comptabilité publique, à Dubravica, au centre
15 vétérinaire. Ce sont ces gens-là dont je vous parle, pas de l'église.
16 Réponse: J'ai bien dit tout à l'heure que j'ignorais l'un et l'autre.
17 Question: Et vous l'ignorez toujours?
18 Réponse: Plus tard, j'ai entendu dire que des gens ont été détenus, si on
19 peut évidemment dire en des termes de détention, j'ai entendu parler de
20 Dubravica, d'une école élémentaire, mais je n'ai pas entendu parler des
21 autres endroits.
22 Question: Je voudrais que nous nous arrêtions un petit peu sur les
23 personnes, cette famille dont vous nous avez parlé tout à l'heure, pour
24 laquelle vous avez produit ce document, la famille Topcic Rasim. Vous nous
25 dites que la paroisse a été chargée de s'occuper de cette famille qui
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1 comportait sept membres. Il s'agit du document D 145-2. Est-ce que vous
2 connaissez les circonstances dans lesquelles ces personnes ont été
3 confiées à votre paroisse?
4 Réponse: La paroisse n'était tenue d'accueillir aucune famille, pour
5 parler expressément, pour s'en occuper spécialement et pour prendre soin
6 de ces gens-là. Si nous parlons maintenant de la famille Topcic, nous
7 avons eu des relations qui nous ont unis pendant de longues années,
8 presque depuis cent ans. D'abord, les terres sur lesquelles a été
9 construite l'église appartenaient à cette famille-là et jusqu'à ce jour,
10 je ne peux parler que de cette amitié entre la famille Topcic et l'église,
11 c'est-à-dire la famille à laquelle appartenaient ces terres sur lesquelles
12 l'église a été construite.
13 Question: Vous nous dites que la paroisse n'a eu à assumer la protection
14 d'aucune famille. Je voudrais vous présenter un document qui est la pièce
15 Z 807.2. Est-ce que l'on peut avoir ce document? Z 8...
16 M. le Président (interprétation): Peut-être est-ce le moment d'ordonner
17 une suspension d'audience. Nous pouvons en parler après la pause.
18 Monsieur Lopez-Terres, est-ce suffisant de parler d'une vingtaine de
19 minutes pour avoir la communication de toutes les instructions relevant de
20 ce document?
21 M. Lopez-Terres: Oui.
22 M. le Président (interprétation): Suspension d'audience de vingt minutes.
23 Monsieur le témoin, je vous prie de ne parler à personne de votre
24 déposition pendant ce temps-là. Maître Kovacic, je crois que vous pouvez
25 vous en charger.
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1 (L'audience, suspendue à 11 heures 47, est reprise à 12 heures 10.)
2 Question: Le témoin peut-il voir la pièce à laquelle je faisais référence
3 avant la pause, c'est-à-dire la pièce Z 807.2?
4 (M. Pranjes prend connaissance du document.)
5 Monsieur Pranjes, est-ce que vous pouvez vous reporter à la page qui
6 concerne la famille Topcic? Il est indiqué "maison de M. Zdenko, Garic
7 Serbetic" et ensuite apparaissent les noms des membres de la famille
8 Topcic. Dans la version anglaise, c'est à la page 3 et dans la partie
9 supérieure de la page 4. Vous avez trouvé ce passage?
10 (Le témoin acquiesce.)
11 Ce document a été établi par la Brigade de Vitez. Il est signé par M.
12 Borislav Jozic, et il est donc indiqué, après la liste des membres de la
13 famille Topcic: "Les noms qui figurent ci-dessus souhaitent rester à Vitez
14 et le bureau de la paroisse s'occupe du sort de ces personnes" ou "a
15 accepté d'assumer toutes les responsabilité en ce qui concerne ces
16 personnes". Vous voyez ce passage?
17 Réponse: Oui, je le vois.
18 Question: Vous nous disiez juste avant la pause que la paroisse n'avait
19 pas du tout été concernée pour prendre une quelconque responsabilité en ce
20 qui concerne la sécurité de ces personnes. Je vous demande donc de me
21 faire quelques commentaires sur le sens de cette phrase.
22 Réponse: Puisque nous avions des liens d'amitié avec la famille Topcic, à
23 ce moment-là, le 16 avril, dans ces moments de chaos, de malheur et de
24 destruction, un membre de la famille Topcic -mais je ne sais pas lequel
25 parce que ce n'est pas moi qui ai répondu au téléphone, c'est un autre
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1 prêtre qui a pris le téléphone-, mais en tout cas un membre de la famille
2 Topcic a téléphoné pour demander de l'aide auprès du bureau de la
3 paroisse. Cette famille souhaitait pouvoir sortir de sa maison qui avait
4 déjà commencé à brûler. Et Anto Tomas, qui travaillait avec moi, et moi-
5 même étions au bureau à ce moment-là, mais c'est Anto qui est parti le
6 premier, donc il était à 50 ou 100 mètres devant moi et il a amené avec
7 lui un enfant et des objets.
8 M. le Président (interprétation): Je ne crois pas que cela peut nous aider
9 d'entendre un récit très détaillé sur tout cela.
10 Monsieur Lopez-Terres, quel est votre objectif dans l'examen de ce
11 document? Cet élément de preuve montre que la famille a été amenée dans le
12 bureau de la paroisse et il ne semble pas possible d'aller beaucoup plus
13 loin que cela. Donc je me demande s'il y a la moindre raison de poursuivre
14 dans cette voie.
15 M. Lopez-Terres: Monsieur Pranjes, sur ce document, vous constatez qu'il y
16 a d'autres familles qui sont concernées et pas uniquement la famille
17 Topcic dont vous nous parlez. Nous sommes bien d'accord?
18 Réponse: Oui, il y a pas mal de familles à Vitez.
19 Question: Toutes ces familles sont des familles exclusivement composées de
20 personnes musulmanes, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui, dans ce cas précis, il est question de Musulmans.
22 Question: La famille Topcic, c'est une famille de Musulmans?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Pouvez-vous nous dire pour quelle raison cette famille et les
25 autres familles vous ont téléphoné à vous et à d'autres pour vous demander
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1 de l'aide et du secours, le 16 avril au matin?
2 Réponse: La famille Topcic nous a appelés car nous nous connaissions, nous
3 étions bons amis.
4 Question: Cette famille vous a demandé de l'aide et une protection contre
5 qui?
6 Réponse: Cette famille nous a demandé de l'aide pour que nous les sauvions
7 parce qu'ils étaient dans une maison en flammes, et qu'ils ne pouvaient
8 pas y rester. Ils ne savaient pas où aller car il y avait des coups de feu
9 un peu partout. Moi-même j'avais peur de sortir.
10 Question: Cette maison en flammes, qui l'avait incendiée?
11 Réponse: Eh bien, comment est-ce que je pourrais le savoir moi?
12 Question: Ce n'est pas la famille Topcic elle-même qui a mis le feu à sa
13 maison ce matin-là?
14 Réponse: Bien sûr que non.
15 Question: Dans le quartier dans lequel vous habitiez où se trouvait
16 l'église, c'est un quartier qui est très proche de Stari Vitez, il y avait
17 de nombreuses maisons musulmanes qui brûlaient ce matin-là?
18 Réponse: Dans ce quartier de la ville où se trouve l'église, il y avait
19 des maisons musulmanes et des maisons croates. Nous avons été informés du
20 fait que cette maison était en flammes, et moi, de mes yeux, j'ai vu
21 qu'elle brûlait. Effectivement, je l'ai très bien vue dans l'après-midi,
22 dans la soirée de mes propres yeux, mais je n'ai pas vu brûler d'autre
23 maisons.
24 Question: Vous ne saviez pas que c'étaient les soldats du HVO qui avaient
25 mis le feu à cette maison, c'est ce que vous nous dites?
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1 Réponse: Non, je ne sais pas qui a fait cela.
2 Question: Est-ce qu'il a des Croates du quartier qui sont venus vous voir
3 et qui vous ont demandé également de l'aide et de l'assistance ce jour-là,
4 ce matin-là?
5 Réponse: Quelques Croates se sont aussi adressés à nous pour nous demander
6 par tous les moyens possibles si nous avions des moyens à notre
7 disposition de faire en sorte que le conflit qui venait d'éclater se règle
8 le plus rapidement possible. Quelques Croates sont venus aussi.
9 Question: Dans le document que vous avez présenté tout à l'heure, le D
10 145-2, vous indiquez que la famille Topcic est donc sous la responsabilité
11 de la paroisse et vous expliquez que "les raisons sont connues du bureau
12 de la paroisse".
13 Vous pouvez nous expliquez ce que signifie cette phrase?
14 Réponse: Excusez-moi, qui a pris la responsabilité de la famille Topcic?
15 M. le Président (inteprétation): Des commentaires ont déjà été faits au
16 sujet de ce document, il n'est pas nécessaire d'y revenir, de toute façon
17 ce n'est pas un document présenté par le témoin.
18 M. Lopez-Terres: Il est signé par lui, Monsieur le Président.
19 M. le Président (interprétation): Père Pranjes, pourriez-vous, je vous
20 prie, répondre brièvement à cette question. Avez-vous, oui ou non, accepté
21 d'assumer la responsabilité de cette famille?
22 M. Pranjes (interprétation): Nous avons sauvé cette famille dont la maison
23 était incendiée et nous avons pris la responsabilité du sort de cette
24 famille qui ne pouvait plus habiter dans sa maison. Donc nous avons
25 accepté d'être responsables de ce mari, de cette épouse et de deux
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1 enfants.
2 M. Lopez-Terres: Monsieur le Président, je crois qu'il y a un problème de
3 traduction, je n'ai pas demandé de commenter cette phrase-là, c'est la
4 phrase suivante que j'ai demandée. Il est indiqué: "Les raisons sont
5 connues du bureau de la paroisse", ce sont les raisons pour lesquelles ces
6 personnes se réfugient qui m'intéressent. C'est cela que j'ai demandé au
7 témoin. C'est la dernière phrase.
8 M. le Président (inteprétation): Père Pranjes, pouvez-vous nous aider au
9 sujet de cette phrase?
10 M. Pranjes (interprétation): Je demanderais qu'on me la répète car je ne
11 l'ai pas mémorisée.
12 M. Lopez-Terres: Il est indiqué dans le document... il faudrait peut-être
13 le représenter au témoin, très bien Monsieur le Président.
14 M. le Président (inteprétation): Les interprètes ne sont pas les seuls à
15 ne pas avoir ce document.
16 Monsieur Lopez-Terres, je me demande où nous allons. Ces questions sont
17 tout à fait secondaires et ce que j'ai du mal à comprendre, à moins qu'il
18 y ait contestation au sujet du fait que la paroisse s'est occupée de cette
19 famille, je me pose la question de savoir en quoi cela a de l'importance.
20 Le témoin affirme ne pas savoir qui a incendié la maison, dans ce cas il
21 n'y a aucune raison de poursuivre.
22 Pouvons-nous en finir, je vous prie?
23 M. Lopez-Terres: Quand vous avez rencontré les membres de la famille
24 Topcic, dans quel état étaient-ils? Etaient-ils apaisés ou au contraire
25 étaient-ils terrorisés par ce qu'ils venaient de leur arriver?
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1 M. Pranjes (interprétation): Nous étions tous terrorisés. Un homme qui est
2 obligé de fuir sa maison en portant ses enfants dans ses bras, vous pouvez
3 imaginer à quoi cela ressemble, il a peur. On ne sait pas ce qu'il va se
4 passer, l'insécurité était totale.
5 M. Lopez-Terres: Vous nous avez dit tout à l'heure avant la pause que vous
6 ne saviez pas que des Musulmans avaient été arrêtés et détenus le 16
7 avril, est-ce que vous saviez le 16 avril que des Musulmans avaient été
8 tués par le HVO à Vitez, à Ahmici et dans d'autres villages de la
9 municipalité?
10 Réponse: Non. Ce jour-là, je ne savais rien de ce qu'il s'était passé.
11 Question: Vous l'avez appris quelques jours plus tard?
12 Réponse: Oui, je l'ai appris plus tard.
13 Question: Vous nous avez donné le document tout à l'heure, D 146-2, ce
14 document qui n'était pas traduit, est un communiqué de votre paroisse. Ce
15 document est du 20 avril 1993 et vous faites appel dans ce document à
16 toutes les personnes responsables pour qu'elles essaient d'arrêter les
17 meurtres, la destruction à Vitez. Vous faites un appel à tous les
18 chrétiens pour qu'ils n'entreprennent rien qui puisse aller à l'encontre
19 de la dignité et au droit de la personne humaine. Vous faites appel à la
20 sagesse et à Jesus-Christ à la fin de votre communiqué, vous pouvez nous
21 indiquer pour quelle raison vous avez fait appel aux chrétiens de Vitez
22 pour qu'ils ne s'en prennent pas à la dignité et aux droits des personnes
23 humaines?
24 Réponse: Dans ce document, comme vous pouvez le voir vous-même, je
25 m'adresse à toutes les personnes, à tous ceux qui pouvaient faire quelque
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1 chose dans le but de prévenir plus spécifiquement les chrétiens, en tout
2 cas ceux qui se qualifient de chrétiens, pour qu'en tant que chrétiens ils
3 n'entreprennent rien qui aille à l'encontre de leur foi ou à l'encontre de
4 la dignité de toute personne humaine.
5 Donc manifestement je m'adresse à tous dans l'espoir que, dans la
6 compréhension de chacun, les choses pourront se poursuivre.
7 Question: Cet appel faisait référence à des actes qui venaient de se
8 commettre ou qui pouvaient se commettre à l'avenir?
9 Réponse: Cela n'a aucun rapport avec une quelconque offensive. Moi, je ne
10 savais pas qu'il y avait des offensives. J'ai simplement vu de mes yeux
11 une maison en feu. J'ai vu que des gens risquaient leur vie, que des gens
12 mouraient. J'ai reçu un appel pour aller enterrer les gens et je ne
13 pouvais pas. D'ailleurs c'est écrit dans le texte, nous étions inquiets
14 parce que nous ne pouvions pas circuler pour aller enterrer les gens qui
15 avaient trouvé la mort. Donc je crois que ce texte est assez clair, il
16 montre quelle était notre inquiétude, notre préoccupation par rapport à la
17 situation de tous.
18 Question: Le 15 avril, en fin d'après-midi, après la cérémonie qui
19 finalement, d'après ce que vous nous avez dit, a été annulée, vous vous
20 rappelez ce que vous avez fait?
21 Réponse: Je ne me rappelle pas du tout. Pour moi, j'ai l'impression que
22 cela fait cent ans que la guerre a eu lieu. C'est comme cela que je le
23 ressens dans ma conscience. C'est sans doute pour moi une manière de fuir
24 ces horreurs.
25 Question: Vous n'avez rencontré aucune personne de la municipalité de
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1 Vitez ce soir-là?
2 Réponse: Non.
3 Question: Et vous n'avez pas quitté Vitez non plus?
4 Réponse: Non, je suis resté tout le temps à Vitez.
5 Question: Vous vous êtes plaint de la diffusion de cette fausse
6 information sur Radio Zenica ou sur la radio que vous dites musulmane.
7 Ce qui vous gênait le plus finalement, c'était la détention de Musulmans
8 ou c'était le fait que l'on dise que des Musulmans étaient détenus dans
9 votre église?
10 Réponse: Je n'ai parlé d'aucun plan. J'ai parlé d'informations diffusées
11 par cette radio. Ce qui m'a inquiété, c'est que des informations relatives
12 à des personnes qui auraient été détenues y compris dans l'église soient
13 rendues publiques de cette façon alors qu'il s'agissait d'un mensonge.
14 C'est cela qui m'a inquiété.
15 Question: Et vous continuez à nous dire que vous ne saviez pas qu'au même
16 moment, il y avait des centaines de Musulmans qui étaient détenus dans
17 d'autres lieux?
18 Réponse: En effet, je ne le savais pas car, moi, j'étais bloqué. Pendant
19 cinq jours, je n'ai pas pu sortir pour aller enterrer des gens qui étaient
20 morts alors qu'on nous appelait pour aller au cimetière enterrer ces
21 personnes. Nous étions obligés de demander l'aide de paroisses voisines,
22 si elles pouvaient passer par Vitez, pour qu'elles aillent enterrer ces
23 personnes.
24 Question: Monsieur Pranjes, vous écoutiez la radio de Zenica, la radio
25 Mahala, vous écoutiez également la radio Vitez, la radio de Busovaca.
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1 Réponse: Je ne me rappelle pas ou alors peut-être que je n'ai pas eu le
2 temps ou je que je n'ai pas fait attention, mais je crois que je ne
3 pouvais pas capter la radio de Busovaca. De temps en temps, je pouvais
4 capter Radio Vitez et je m'intéressais aux nouvelles que diffusait cette
5 radio. Sinon, il était possible bien entendu d'entendre toutes sortes
6 d'émissions provenant de radios très diverses, y compris la radio
7 allemande.
8 Question: Ces radios, Vitez ou Radio Busovaca, étaient des radios entre
9 les mains du HVO et ces radios publiaient aussi des communiqués alarmants
10 pour les Croates, n'est-ce pas?
11 Réponse: Je ne me rappelle pas. Je ne me rappelle pas ce que diffusaient
12 ces radios, pas du tout.
13 Question: Vous n'avez jamais entendu ces radios diffuser des informations
14 selon lesquelles des femmes et des enfants croates étaient écrasés par des
15 chars à Zenica? Vous ne l'avez jamais entendu, cela?
16 Réponse: Moi, personnellement, je n'ai pas entendu cela.
17 Question: Vous avez protesté contre la diffusion de fausses informations.
18 Est-ce que vous avez également protesté lorsque de vraies informations
19 cette fois ont révélé qu'il y avait eu des dizaines de morts à Ahmici, à
20 Vitez, dans les villages de la municipalité? Est-ce que vous avez protesté
21 contre cela aussi?
22 Réponse: Nous avons protesté chaque fois que nous pouvions le faire auprès
23 de toute personne avec laquelle nous réussissions à parler, toute personne
24 que nous réussissions à contacter, et nous nous sommes adressés à nos
25 supérieurs, le cardinal, pour qu'il fasse également ce qu'il était
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1 possible de faire pour que tout cela s'arrête.
2 Question: Pouvez-vous nous dire si, personnellement, vous avez protesté
3 auprès des autorités officielles pour les crimes qui avaient été commis
4 contre des Musulmans par des Croates du HVO?
5 Réponse: Je ne connaissais pas ces crimes et personnellement je n'ai pas
6 protesté parce que je ne savais pas.
7 Question: Vous nous avez parlé de M. Morsink dont on a vu ce matin un
8 extrait qui est apparu sur ce film avec Mario Cerkez. Ce monsieur Morsink,
9 est-ce que vous vous rappelez l'avoir rencontré le 22 avril dans votre
10 église?
11 Réponse: Je ne me rappelle pas la date, mais cet homme, je l'ai rencontré
12 et je me souviens de lui.
13 Question: Au cours de cette rencontre dont vous ne vous rappelez pas la
14 date, est-ce qu'il n'y avait pas également M. Ivan Santic et M. Pero
15 Skopljak, président et vice-président du HVO de Vitez?
16 Réponse: Quand ce monsieur est venu voir ce qui se passait dans l'église,
17 je ne l'ai pas rencontré parce qu'il a fait tout cela très vite et Pero
18 Skopljak n'était absolument pas là.
19 Question: N'avez-vous jamais eu une réunion avec M. Morsink en présence de
20 Pero Skopljak et d'Ivan Santic?
21 Réponse: Il y a eu beaucoup de réunions avec des représentants de la
22 Forpronu, donc des structures militaires, et avec les observateurs, mais
23 une réunion de ce genre, je ne m'en souviens pas. Elle a peut-être eu lieu
24 mais je ne m'en souviens pas. C'est possible qu'elle ait eu lieu.
25 Question: Et vous ne vous souvenez pas non plus qu'au cours de cette
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1 réunion, M. Skopljak était particulièrement excité et qu'il accusait les
2 Musulmans d'être à l'origine de tout ce qui se passait dans la région, et
3 qu'il disait que les Musulmans n'avaient qu'une place, c'était d'aller à
4 Zenica, vous ne vous rappelez pas de cela?
5 Réponse: Non.
6 M. Bennouna: Maître Lopez-Terres, est-ce que vous pourriez, puisque comme
7 cela vous a déjà été dit que le témoignage principal portait sur un
8 élément finalement assez limité, peut-être à la périphérie de la véritable
9 affaire qui nous concerne, est-ce que vous pourriez vous concentrer sur
10 ces interrogatoires parce que je crois que cela a été quand même trop long
11 le temps pris à la Chambre sur ce témoignage.
12 Donc vous terminez?
13 M. Lopez-Terres: Je termine Monsieur le Juge.
14 Monsieur Pranjes, les relations entre l'Eglise catholique et les
15 représentants du gouvernement HVO de Vitez étaient très bonnes, n'est-ce
16 pas?
17 M. Pranjes (interprétation): Eh bien, je n'emploierais pas l'expression
18 "très bonnes", je dirai que les rapports étaient corrects plutôt.
19 Question: Je vais vous lire un document qui émane de M. Marijan Skopljak.
20 Il s'agit d'un document qui est en date du 28 septembre 1993 et qui porte
21 si ma mémoire est bonne la référence Z 1220.2.
22 Je voudrais que vous lisiez la dernière page de ce document qui concerne
23 les relations entre le HVO et l'Eglise à Vitez. Je vous la donne dans
24 votre langue.
25 Vous venez de nous dire que les rapports étaient simplement corrects.
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1 Lisez ce passage et vous verrez que M. Skoplak, qui est le chef du bureau
2 de défense à Vitez, nous indique que les relations avec l'Eglise sont
3 extrêmement bonnes et qu'il existe un point de vue commun, une unité de
4 vue idéologique évidente et irréfutable.
5 C'est cela qu'indique M. Skopljak. Cela va au-delà de simples relations de
6 bon voisinage ou de bon travail entre vous, il y avait une véritable
7 communion, si je peux dire, entre l'Eglise et le gouvernement HVO de Vitez
8 à l'époque dont nous parlons, n'est-ce pas?
9 Réponse: Cela, c'est peut-être ce que vous pouvez conclure dans votre
10 intérêt mais M. Skopljak, lui aussi, est en droit d'écrire ce qu'il veut.
11 Pour ce qui me concerne, moi je n'ai pas vu ce document, je ne l'ai pas
12 signé et ce n'est pas nécessairement ce que j'aurais dit.
13 M. Lopez-Terres: Je vous remercie, je n'ai pas d'autres questions.
14 M. Kovacic (interprétation): Pas de questions supplémentaires, Monsieur le
15 Président.
16 M. le Président (interprétation): Père Pranjes, merci d'être venu devant
17 le Tribunal pénal international pour témoigner. Nous sommes arrivés au
18 terme de votre interrogatoire, vous pouvez à présent vous retirer.
19 M. Pranjes (interprétation): Merci beaucoup.
20 (Le témoin, le Père Pranjes, est reconduit hors du prétoire.)
21 M. le Président (interprétation): Le témoin suivant Maître Mikulicic?
22 M. Mikulicic (interprétation): Monsieur le Président, le témoin suivant
23 est M. Sulejman Causevic.
24 (Le témoin, M. Sulejman Causevic, est introduit dans le prétoire.)
25 M. le Président (interprétation): Le témoin peut prononcer la déclaration
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1 solennelle.
2 M. Causevic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
4 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir Monsieur.
5 (Interrogatoire principal du témoin, M. Causevic, par M. Mikulicic.)
6 Maître Mikulicic, vous avez la parole.
7 M. Mikulicic (interprétation): Merci Monsieur le Président.
8 Bonjour Monsieur Causevic.
9 M. Causevic (interprétation): Bonjour.
10 Question: Au nom de la défense de M. Cerkez, je vais conduire cet
11 interrogatoire et je vous demanderais, si vous le voulez bien, de vous
12 efforcer de répondre à mes questions au mieux de vos souvenirs et
13 d'attendre la fin de ma question pour y répondre quelques instants après,
14 de façon à faciliter le travail des interprètes.
15 Ayez l'amabilité, je vous prie, pour le compte rendu d'audience, de
16 décliner votre identité, nom et prénom ainsi que votre lieu et date de
17 naissance.
18 Réponse: Je m'appelle Sulejman Causevic, je suis né le 30 octobre 1934
19 dans le village de Todorovo, municipalité de Velika Kladusa en Bosnie-
20 Herzégovine.
21 Question: Monsieur Causevic, vous habitez dans la ville de Vitez depuis
22 quand?
23 Réponse: Je suis arrivé à Vitez le 10 juin 1956 avec la brigade du front.
24 Question: Donc depuis 1956 et jusqu'à aujourd'hui, vous avez toujours sans
25 interruption habité à Vitez?
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1 Réponse: Il y a eu des interruptions parce que j'ai passé à peu près deux
2 ans à Dubrovnik pour mon travail et j'ai passé deux ans aussi au sein de
3 la JNA, après quoi je suis revenu à Vitez.
4 Question: Très bien, merci. Monsieur Causevic, vous êtes d'appartenance
5 ethnique musulmane et vous êtes citoyen de la République de Bosnie-
6 Herzégovine, n'est-ce pas? Réponse: Oui.
7 Question: Aujourd'hui vous n'êtes membre d'aucun parti politique mais
8 avant la guerre, n'est-ce pas, vous étiez membre de la ligue communiste
9 yougoslave?
10 Réponse: Oui et depuis mon plus jeune âge.
11 Question: Vous n'êtes pas croyant?
12 Réponse: Non.
13 Question: Vous êtes marié, vous avez deux filles et cinq petits-enfants?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Vous avez achevé à l'université de Sarajevo des études
16 d'administration supérieure, vous avez travaillé et aujourd'hui vous êtes
17 en retraite, n'est-ce pas?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Vous avez fait toute votre carrière dans l'administration de la
20 municipalité de Vitez et vous avez aussi travaillé en rapport avec des
21 questions de défense nationale, n'est-ce pas?
22 Réponse: J'ai passé toute ma carrière dans l'administration.
23 Question: Monsieur Causevic, puisque nous venons de parler de la Défense
24 nationale, est-il exact qu'avant la guerre, vous travailliez dans ce qu'on
25 appelait le secrétariat national pour la Défense nationale?
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1 Réponse: Oui, j'étais responsable de cette instance.
2 Question: Pouvez-vous nous dire quel était le rôle principal, primordial,
3 du secrétariat chargé de la Défense nationale?
4 Réponse: Eh bien écoutez, pour l'essentiel il s'agissait d'enregistrer le
5 nom des jeunes cadres militaires, de suivre les conscrits qui faisaient
6 leur service militaire et de réaliser les préparatifs nécessaires à une
7 éventuelle mobilisation.
8 Question: Très bien. Vous nous avez dit que vous étiez le chef de ce
9 secrétariat, c'est bien cela?
10 Réponse: Oui, en effet.
11 Question: Etiez-vous militaire ou civil?
12 Réponse: J'étais un civil.
13 Question: Après les élections démocratiques en République de Bosnie-
14 Herzégovine, et une fois que la Bosnie-Herzégovine est devenue un état
15 indépendant, cet ancien secrétariat chargé de la défense nationale a-t-il
16 continué de fonctionner?
17 Réponse: Je crois que oui. C'est normal, ce sont des administrations.
18 Question: A votre avis, quelque chose a-t-il changé dans le travail de cet
19 organe municipal?
20 Réponse: Moi, j'ai quitté l'organe municipal chargé de la défense pour
21 passer un mandat dans un autre bureau après quoi j'ai travaillé au service
22 de santé. Donc je n'avais plus de rapport après cela avec ce champ
23 d'intérêt.
24 Question: Merci. Vous nous avez dit Monsieur Causevic que vous aviez deux
25 filles dont l'une s'appelle bien, n'est-ce pas, Zenada Causevic?
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1 Réponse: Oui, c'est bien cela.
2 Question: Où travaillait-elle en 1992, au début de l'année 1992?
3 Réponse: Ma fille Zenada travaillait à l'usine Vitezit. Et ensuite, pour
4 vous dire la vérité, je ne me rappelle pas exactement les dates, donc par
5 la suite elle a commencé à travailler à la Défense territoriale, mais je
6 ne me rappelle pas à partir de quand, ni combien de temps.
7 Question: Donc elle travaillait au quartier général de la Défense
8 territoriale, mais pouvez-vous nous dire si plus tard dans le courant de
9 l'année 1992, vous lui avez donné un quelconque conseil par rapport à son
10 travail au sein de la Défense territoriale?
11 Réponse: Eh bien, je vais vous dire, pour être très franc, ma fille était
12 une jeune fille, une femme, et je pensais que ce n'était pas un travail
13 pour elle et puis il y avait déjà tous ces troubles en Croatie, la Croatie
14 étant devenue un Etat. Moi, j'étais malade déjà, et je lui ai donc
15 conseillé de quitter son travail ce qu'elle a fait et elle est revenue à
16 la maison.
17 Question: Très bien. D'après votre souvenir, Monsieur Causevic, quelle
18 était la composition ethnique nationale au sein du quartier général de la
19 Défense territoriale en 1992 quand votre fille, Zenada, a quitté son
20 travail?
21 Réponse: Avant c'était une composante militaire tout à fait normale et
22 plus tard les choses ont commencé, enfin vous savez, ces rapports
23 interethniques ont commencé à se compliquer. Alors je pense que j'ai vu ce
24 qu'il se passait au quartier général, et j'ai dit: "Allez ma fille,
25 rentrons à la maison!".
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1 Question: Monsieur Causevic, vous n'avez pas été heureux de voir cette
2 séparation entre les Croates et les Musulmans dans la municipalité de
3 Vitez?
4 Réponse: Non, moi quand les choses ont commencé a mal tourné au Kosovo et
5 ailleurs, avec toutes ces révolutions, moi, en tant qu'homme, cela ne m'a
6 pas fait plaisir.
7 Question: Vous avez dit il y a quelques instants que vous étiez malade.
8 Monsieur Causevic, en 1991 vous avez déjà subi une très lourde
9 intervention chirurgicale à Sarajevo, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Pouvez-vous nous dire en une phrase de quoi il s'agit
12 exactement?
13 Réponse: Eh bien, j'étais un gros fumeur et j'ai donc eu un cancer du
14 poumon (sic interprète après audience: cancer de la gorge) et j'ai été
15 opéré à l'hôpital.
16 Question: Après quoi vous avez dû subir des contrôles médicaux réguliers?
17 Réponse: Je devais aller à Sarajevo pour un contrôle, tous les mois. J'y
18 suis allé deux ou trois fois, après quoi les problèmes ont commencé. Or ce
19 qui était le plus difficile pour moi c'est que je ne pouvais plus aller au
20 contrôle et que je ne savais pas où j'en étais sur le plan de ma santé.
21 Mais j'ai été forcé de passer beaucoup de temps à la maison.
22 Question: Donc vous ne pouviez plus aller à Sarajevo, c'était déjà le
23 moment où Sarajevo était encerclé?
24 Réponse: Oui, les problèmes ont commencé à Sarajevo, les choses allaient
25 mal, et donc je n'ai plus pris le risque de me rendre à Sarajevo.
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1 Question: Oui, mais à Vitez aussi, Monsieur Causevic, à ce moment-là un
2 certain nombre d'incidents ont commencé dont nous avons déjà entendu
3 parler, des bombes placées dans certains bâtiments, des voitures
4 incendiées etc. Vous le saviez tout cela, n'est-ce pas?
5 Réponse: J'ai entendu dire que tel ou tel café, tel ou tel commerce, avait
6 sauté, c'est ce qu'on racontait dans les conversations entre voisins, ce
7 genre de chose.
8 Question: Monsieur Causevic, dites-nous ce que vous avez entendu dire, ce
9 que vous avez vu?
10 Est-ce qu'il s'agissait uniquement de commerces musulmans,
11 d'établissements musulmans qui ont été visés ou est-ce que cela touchait
12 également des commerces serbes ou croates?
13 Réponse: Je crois que ce sont surtout des commerces musulmans qui ont été
14 touchés. Mais il y a aussi d'autres commerces qui ont été dynamités de la
15 sorte.
16 Question: Est-ce qu'à ce moment-là vous avez eu des difficultés, est-ce
17 que vous même ou certains de vos amis ont été maltraités?
18 Réponse: Non.
19 Question: A cette époque, où résidiez-vous à Vitez, Monsieur Causevic?
20 Réponse: J'habitais où j'habite aujourd'hui, à savoir dans la rue
21 principale. Avant, cela s'appelait la rue du Maréchal Tito et maintenant
22 cela s'appelle la rue des défenseurs croates.
23 Il y a 20 locataires différents qui habitent là et qui appartiennent à
24 tous les groupes ethniques, et c'était la situation avant la guerre
25 aujourd'hui.
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1 Question: Parlez-nous des relations qui prévalaient entre les gens? Est-ce
2 qu'il y a des tentions, des divisions?
3 Réponse: Non, pas dans notre immeuble.
4 Question: A la mi 1992, quand un avion de la JNA a pilonné Vitez et les
5 environs, êtes-vous allé dans un abri?
6 Réponse: Oui, il y a une cave et nous y sommes allés. Enfin moi
7 personnellement, je ne suis pas descendu dans la cave car je n'ai pas
8 vraiment eu peur, je ne suis pas quelqu'un qui a peur facilement.
9 Question: Et quand le conflit s'est déclenché le 16 avril 1993 à Vitez et
10 dans les environs et que l'on a commencé à pilonner les environs, la
11 ville, est-ce que les gens sont descendus dans les abris?
12 Réponse: Oui, pendant longtemps les gens sont descendus car ce sont les
13 caves et tout le monde a sa cave, donc c'est là que les gens se rendaient.
14 Question: Est-ce que les Croates, les Musulmans, les Serbes enfin toutes
15 les personnes qui habitaient dans cet immeuble se rendaient dans les caves
16 et s'y séparaient?
17 Réponse: Non, tout le monde descendait. Ce n'est pas que j'y allais
18 jamais, mais on en parlait. On parlait de cela dans les couloirs, mais on
19 parlait de cela normalement dans le cadre d'une conversation normale.
20 Question: Quand le conflit s'est déclenché à Vitez, êtes-vous sorti, est-
21 ce que vous vous êtes promené en ville?
22 Réponse: A vrai dire, je ne suis pas tellement sorti car j'avais des
23 problèmes de santé, j'étais préoccupé par mon état de santé surtout à la
24 veille de la guerre, donc je ne sortais pas vraiment beaucoup.
25 Question: Donc vous êtes resté le plus souvent à l'intérieur, dans
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1 l'immeuble?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Avez-vous remarqué que la police militaire du HVO est venue dans
4 votre immeuble ou dans les immeubles environnants? Est-ce que vous avez vu
5 des voisins Musulmans être emmenés?
6 Réponse: Une fois, ils sont venus et ils nous ont rassemblés, mais je ne
7 les ai pas revus après.
8 Question: Quand est-ce que cela s'est passé?
9 Réponse: Vraiment, je ne me souviens pas de la date, mais je pense que
10 cela devait être après le 15, deux ou trois jours plus tard.
11 Question: Fort bien. Monsieur Causevic, en quelques mots et si vous vous
12 en souvenez, pouvez-vous me dire ce qui s'est passé, où vous trouviez-vous
13 et qui est venu vous chercher?
14 Réponse: Trois policiers sont venus. Ils étaient en uniforme. Moi, j'étais
15 au rez-de-chaussée, je me trouvais dans le vestibule et puis, à ce moment-
16 là, un homme assez grand est entré et m'a demandé comment je m'appelais.
17 J'ai répondu. Il m'a demandé où j'habitais. J'ai répondu: "A l'étage". Il
18 m'a dit: "Venez". Je crois que nous étions donc cinq ou six concernés dans
19 l'immeuble et il nous a dit de rester là. Puis il a dit: "On va aller au
20 SDK". Et moi, je lui ai dit: "Pourquoi? Pourquoi devrait-on aller là-bas?"
21 Je me souviens très bien lui avoir dit cela: "Pourquoi?" Il m'a dit:
22 "C'est pour votre protection, votre sécurité". Moi, j'ai eu un petit rire
23 ironique et je lui ai dit: "Sécurité? Comment ça, ma sécurité? Si ma femme
24 reste là et si moi je m'en vais, ce n'est pas logique". Donc on y est
25 allés.
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1 Question: Vous nous dites qu'il s'agissait de policiers civils ou
2 militaires?
3 Réponse: Non, militaires. Ils avaient des uniformes. Enfin, je pensais que
4 c'étaient des policiers.
5 Question: Bien. Donc quand vous leur avez dit: "Mais vous, vous m'emmenez
6 au SDK pour ma sécurité, mais qu'en est-il de ma famille, de ma femme,
7 etc.?", est-ce qu'ils vous ont répondu?
8 Réponse: Non. Ils m'ont dit simplement de venir.
9 Question: Donc ils vous ont emmené au bâtiment du SDK à Vitez?
10 Réponse: C'est exact. On est montés dans la fourgonnette qui se trouvait
11 devant mon immeuble.
12 Question: Et quand vous êtes arrivés à destination, est-ce que vous étiez
13 les premiers ou est-ce qu'il y avait déjà des gens qui se trouvaient là?
14 Réponse: Je crois que notre groupe était l'avant-dernier à arriver. Enfin,
15 je pense, je n'en suis pas sûr à cent pour cent. Si j'avais pris mes
16 lunettes, j'aurais pu vous le dire parce qu'il y avait un grand registre
17 ou un grand cahier et j'ai vu que quelqu'un y écrivait quelque chose et il
18 me semble -il me semble- avoir vu le numéro 78 ou 79. Et à ce moment-là,
19 il m'a demandé comment je m'appelais.
20 Question: Est-ce qu'il y avait uniquement des hommes là, ou est-ce qu'il y
21 avait également des femmes et des enfants?
22 Réponse: Non, uniquement des hommes. Uniquement des hommes.
23 Question: Monsieur Causevic, dans cet immeuble, où vous trouviez-vous
24 exactement?
25 Réponse: Il s'agit d'un immeuble de bureaux. Le SDA, c'est le service
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1 chargé de la comptabilité publique, donc c'est d'un immeuble de bureaux
2 dont je vous parle. En arrivant sur place, j'ai vu des classeurs, des
3 dossiers qui étaient par terre. Les gens avaient des couvertures. Vous
4 voyez?
5 Question: Donc dans cet immeuble, on vous a emmené dans des bureaux, c'est
6 cela?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Vous souvenez-vous du nombre de personnes qui étaient avec vous?
9 Réponse: Eh bien, je n'ai pas compté, mais si on part du principe que
10 j'étais la soixante-dix-neuvième personne à être inscrite, enregistrée là,
11 il faut savoir qu'après moi, il y a un autre groupe qui est arrivé le
12 lendemain.
13 Question: Bien. Et dans ce groupe qui est arrivé le lendemain, combien y
14 avait-il de personnes?
15 Réponse: Ils étaient cinq ou six, mais je ne me souviens pas très bien.
16 Question: Donc ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'il y avait
17 de quatre-vingts à quatre-vingt-dix hommes dans cet immeuble? C'est ce
18 dont vous vous souvenez?
19 Réponse: Oui. Oui, si le numéro sous lequel on m'a enregistré est bien
20 exact, à ce moment-là cela correspond au nombre de personnes qui se
21 trouvaient là.
22 Question: Monsieur Caucevic, pouvez-vous nous parler des conditions
23 d'hygiène, de ravitaillement, des conditions médicales qui prévalaient
24 dans cet immeuble? Pouvez-vous nous en parler rapidement?
25 Réponse: Quand je suis arrivé là-bas, j'ai vu que certains avaient reçu
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1 des oreillers, d'autres des couvertures, mais moi on ne m'a rien donné, si
2 bien que j'ai passé la nuit assis sur une chaise et le lendemain, des
3 membres de ma famille sont venus, ils m'ont apporté des couvertures, un
4 oreiller, de quoi manger. Je crois me souvenir que nous avons été
5 essentiellement nourris par les gens de notre famille. Il y avait, certes,
6 des boîtes de conserve, il y avait du pain, mais dans mon groupe, on ne
7 s'en est pas servi parce que les membres de nos familles nous ont amené de
8 quoi manger.
9 Question: Qui vous gardait... Ou plutôt, est-ce qu'il y avait quelqu'un
10 qui vous gardait?
11 Réponse: Oui, à l'entrée de cet immeuble, il y a une sorte de bureau et à
12 ce bureau se tenait un policier.
13 Question: Monsieur Causevic, vous étiez donc dans des bureaux. Est-ce que
14 vous y étiez enfermés à clef ou est-ce qu'il vous était possible de
15 circuler dans l'immeuble?
16 Réponse: Oui, il était possible de circuler dans l'immeuble. On pouvait
17 aller aux toilettes, on pouvait aller chercher de l'eau parce qu'il y
18 avait encore de l'eau courante à ce moment-là. D'ailleurs, une fois,
19 pendant mon séjour, je suis même rentré chez moi. Les membres des familles
20 des personnes concernées pouvaient venir. On recevait ce que nous
21 apportaient nos familles, on pouvait recevoir tout ce qu'apportaient les
22 membres de nos familles.
23 Question: Je voudrais savoir si, pendant votre séjour au SDK, on vous a
24 maltraité physiquement ou d'une autre manière.
25 Réponse: Non. Pendant mon séjour, non. Il faut que je dise la vérité: je
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1 n'ai été maltraité en aucune manière. Je n'ai pas été frappé, personne ne
2 m'a hurlé après.
3 Question: Savez-vous si certains des hommes qui étaient avec vous dans cet
4 immeuble ont été emmenés pour des missions de travail?
5 Réponse: A deux ou trois reprises, des policiers sont venus en début de
6 soirée et ils ont demandé aux hommes les plus jeunes de les accompagner
7 volontairement car il fallait creuser donc des tranchées, mais c'était sur
8 une base de volontariat et cela concernait uniquement les hommes les plus
9 jeunes. Mais quand personne ne se portait volontaire, à ce moment-là ils
10 désignaient des volontaires.
11 Question: Mais quand ces jeunes hommes revenaient, est-ce qu'il vous a été
12 possible de vous entretenir avec eux, de savoir ce qu'ils avaient fait, de
13 savoir comment cela s'était passé?
14 Réponse: Non, je ne me suis pas intéressé à cela.
15 Question: Vous avez dit au début de votre déposition, que vous
16 avez été opéré du fait d'un cancer du poumon (sic interprète après
17 l'audience: cancer de la gorge)? Est-ce que vous avez reçu un traitement
18 médical quelconque au SDK?
19 Réponse: Je crois que j'ai été libéré car j'ai été malade. Car
20 quand une commission a été mise sur pied pour les personnes qui étaient
21 âgées de moins de 60 ans. J'ai parlé à une personne qui s’appelait Zabac,
22 qui était responsable de cette commission.
23 Je lui ai dit: "Moi, je n'ai pas encore 60 ans, mais j'ai 59 ans et demi,
24 puis-je me présenter devant cette commission, on se connaissait." Et puis
25 au bout d'un moment, il a dit, peut-être pour plaisanter: "Ecoutez, si on
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1 envoyait aussi les personnes qui ont 59 ans et demi?" C'est pourquoi j'ai
2 comparu devant cette commission et j’ai été libéré le même jour.
3 Question: Deux questions à ce sujet, Monsieur Causevic, vous nous avez
4 parlé de cette personne surnommée Zabac que vous connaissiez déjà?
5 Réponse: Oui.
6 Question: S’agit-il d’Anto Kovac en réalité?
7 Réponse: Oui, oui je le connaissais car il jouait au football.
8 Question: Si je vous ai bien compris, vous nous dites qu'il était
9 responsable ou c’était le chef de ces policiers militaires qui se
10 trouvaient là?
11 Réponse: Non, je ne peux pas le dire avec certitude mais j'ai pensé que
12 c’était lui qui était leur chef.
13 Question: Donc vous êtes allé devant cette commission médicale vous
14 souvenez-vous des membres de cette commission, savez-vous qui vous a
15 examiné?
16 Réponse: Vous savez, moi j'étais retraité du centre médical, j'avais été
17 directeur-adjoint du centre médical, je connaissais tout le monde, tout le
18 monde me connaissait. Il y avait le docteur Tibolt, il y avait une dame
19 qui s'appelait Mulalic, une autre qui s’appelait Enisa, une autre qui
20 s’appelait Rada, et Jasminka également. Je crois… Mais tout cela s'est
21 passé il y a quand même longtemps.
22 Question: Ce docteur Tibolt que vous venez de mentionner c'est un Croate?
23 Réponse: Oui, on a habité pendant un certain temps dans le même immeuble,
24 donc je le connais très bien.
25 Question: Et Mme Mulalic qui était membre de cette commission, elle était
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1 musulmane n'est-ce pas?
2 Réponse: Oui, elle venait de Sarajevo.
3 Moi, je faisais partie de la commission qui a décidé de
4 l'engager comme docteur au centre médical.
5 Question: Savez-vous si M. Balta Dzevad était commandant de cette
6 commission?
7 Réponse: Oui, Dzevad Balta est resté longtemps à Vitez mais après je pense
8 qu’il est allé à Zenica.
9 Question: Il est musulman, n’est-ce pas, aussi?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Donc on vous a permis, à ce moment-là, de rentrer chez vous,
12 c’est cela?
13 Réponse: Oui.
14 Question: En tout, combien de temps avez-vous passé au SDK?
15 Réponse: Disons, entre 8 à 10 jours, pas plus.
16 Question: M. Causevic, qu’est-il advenu de votre appartement pendant le
17 conflit à Vitez?
18 Réponse: Je suis resté dans mon appartement jusqu'à la deuxième quinzaine
19 du mois de mai. A ce moment-là, mon beau-fils et ma fille sont venus, sans
20 doute parce qu'ils s'inquiétaient pour moi.
21 Il m'ont pris par le bras et m'ont dit : «grand-père, tu vas venir avec
22 nous.»
23 Mon beau-fils a pris la clef de l’appartement, il a fermé l'appartement à
24 clef et mon appartement ensuite est resté vide.
25 Plus tard, je l'ai donné à un homme de Puticevo dans la municipalité de
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1 Travnik, il était marié à la sœur de quelqu'un.
2 Question: Oui, peu importe.
3 Donc vous avez donné votre appartement à quelqu'un qui venait de la
4 municipalité de Travnik, de Puticevo, quelle était son appartenance
5 ethnique?
6 Réponse: C'était un Croate.
7 Question: Comment se fait-il qu’il se trouvait à Vitez car il était de
8 Travnik?
9 Réponse: Je crois qu'on l'avait chassé car il y avait beaucoup de combats
10 dans cette région, d’où il venait.
11 Question: Monsieur Causevic, je suis sûr que vous avez entendu des crimes
12 qui ont été commis dans le village d'Ahmici près de Vitez?
13 Réponse: Oui, bien sûr que j'en ai entendu parler.
14 Question: Pouvez-vous vous souvenir du moment où vous en avez entendu
15 parler pour la première fois?
16 Réponse: Soit je l’ai vu à la télévision chez moi, je crois que c'était
17 sur CNN, c'est soit le jour où j'ai demandé à ce qu'on me libère du SDK ou
18 bien plus tard, mais vraiment je ne me souviens pas du tout du moment où
19 j'en ai entendu parler pour la première fois.
20 Question: Et qu’avez-vous entendu dire exactement?
21 Réponse: J'ai vu les images, j’ai entendu ce qui se racontait,
22 ce qui se disait, tout ce qui était montré par CNN et à ce jour, au jour
23 d’aujourd'hui, nous continuons d’avoir ces images à la télévision.
24 Question: A Vitez, avez-vous entendu parler de cela?
25 Réponse: Je dois vous dire qu'à cette époque-là, je ne voyais pas beaucoup
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1 de monde car j'avais donc des problèmes de santé, cela me préoccupait
2 énormément car je ne suivais pas de traitement.
3 Question: Je vous comprends bien. Avez-vous entendu un homme de Vitez dire
4 que lui-même avait été à Ahmici et qu'il avait participé aux évènements,
5 etc.?
6 Réponse: Eh bien les gens parlaient d'un certain Zivco et il y a deux ans
7 à peu près, je l'ai vu en personne.
8 J'étais au Club des retraités, et on était trois, on jouait aux cartes.
9 Un homme est entré, il était complètement saoul. Il nous a salués. Il est
10 allé s'asseoir à la table d'à côté et j'ai chuchoté pour qu’il ne
11 m'entende pas, j'ai demandé à la serveuse qui c’était. Et elle m'a dit,
12 c’est Zivco. Immédiatement je me suis levé et suis allé dans la deuxième
13 pièce car il y a deux pièces au Club du troisième âge.
14 Question: Est-ce qu’il a dit quoi que ce soit au sujet d'Ahmici?
15 Réponse: Il a dit qu'il était le seul colonel de Vitez, il a sorti un
16 pistolet, c'était…, mais il était assis derrière moi et il a demandé un
17 cognac.
18 Question: M. Causevic, donc vous étiez…, pendant que vous étiez à ce club
19 du troisième âge, est-ce qu'il vous est arrivé d'entendre qui que ce que
20 soit parler de Mario Cerkez, en relation avec ce qu’il était passé à
21 Ahmici?
22 Réponse: Non.
23 Question: Est-ce que vous avez jamais entendu qui que ce soit parler de
24 Mario Cerkez en faisant le lien entre lui et tout autre crime commis à
25 Vitez et dans les environs?
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1 Réponse: Non.
2 Question: Que disent les gens au sujet de Mario Cerkez, le connaissez-vous
3 personnellement?
4 Réponse: Je le connais depuis qu'il va à l’école primaire, il passait
5 devant chez moi. Je le connais aussi car il travaillait aussi avec ma
6 fille dans le service de la défense et à l'usine Vitezit.
7 Question: Quel homme est-il?
8 Réponse: Autant que je sache, c'était un homme très bien, un homme
9 honnête, un bon travailleur. Mais il faut dire que je connais mieux ses
10 parents en fait.
11 Je travaillais donc dans l'immeuble de la municipalité, cela se trouve en
12 face de l'endroit où eux travaillaient.
13 Question: Bien, avez-vous jamais entendu les parents de Cerkez dire quoi
14 que ce soit de négatif au sujet des Musulmans?
15 Réponse: Personne ne disait jamais cela à Vitez. Personne que je
16 fréquentais ne disait ce genre de chose à Vitez.
17 Question: Merci Monsieur Causevic, je n'ai pas d'autres questions.
18 M. le Président (interprétation): Le moment est bien choisi pour faire une
19 pause.
20 Monsieur Causevic, nous allons maintenant faire une pause jusqu'à 14
21 heures 45. Pendant cette pause, je vais vous demander de ne parler à
22 personne de votre déposition jusqu'à ce que vous en ayez terminé.
23 N'autorisez personne à vous parler de votre déposition et je vous demande
24 de nous retrouver ici même à 14 heures 45.
25 M. Causevic (interprétation): J'ai bien compris.
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1 (L'audience, suspendue à 13 heures 16, est reprise à 14 heures 50.)
2 M. le Président (interprétation): Nous allons travailler déjà jusqu'à 16
3 heures.
4 Monsieur Kovacic, vous voulez toujours avoir évidemment un peu de temps
5 pour cette conférence ex parte?
6 M. Kovacic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
7 M. le Président (interprétation): Alors nous allons le faire à 16 heures.
8 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Causevic, par M. Nice.)
9 M. Nice (interprétation): Peut-être que Monsieur l'huissier pourrait un
10 peu déplacer le rétroprojecteur de sorte que M. Causevic et moi puissions
11 bien nous voir. Monsieur Causevic, je n'ai pas trop de questions pour
12 vous. D'abord quel est le nom de votre père?
13 M. Causevic (interprétation): Osman.
14 Question: Vous n'êtes pas un Musulman pratiquant et je suppose que vous
15 avez été peut-être moins proche avec d'autres Musulmans; si par hasard
16 vous étiez un Musulman, un croyant pratiquant, vous auriez eu plus de
17 relations?
18 Réponse: Non. Quant à mes contacts, j'avais des contacts très proches avec
19 tous, je dirais à égalité. Pour moi, la confession ce n'est pas quelque
20 chose qui devrait prévaloir dans ma vie pour que les relations soient
21 autres.
22 Question: Lors du recensement de la population, vous vous êtes déclaré
23 comme Musulman yougoslave ou quelque chose d'autre?
24 Réponse: Pendant longtemps, j'ai travaillé justement pour le recensement
25 et jusqu'en 1974 j'étais quelqu'un qui ne se déclarait pas parce que la
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1 nationalité musulmane n'a pas été reconnue. D'après la constitution de
2 1974, la nationalité Musulmane a été reconnue, majuscule par conséquent,
3 je me suis déclaré comme étant Musulman.
4 Question: Et quant à votre épouse, de quelle nationalité est-elle?
5 Réponse: Elle est Musulmane.
6 Question: Lorsque vous avez été détenu, la raison qu'on a évoqué pour vous
7 quant à cette détention, c'était la raison de votre sécurité mais c'est
8 tout à fait insensé, c'était une bêtise, n'est-ce pas?
9 Réponse: Oui, c'est ce que j'avais dit moi-même à ceux qui m'ont, en
10 quelque sorte, incarcéré, si jamais c'est une incarcération.
11 Question: Pouvez-vous nous citer les noms de ces gens-là?
12 Réponse: Je ne les connais pas.
13 Question: Et à quelle section de la police militaire appartenaient-ils?
14 Réponse: Je ne le sais pas. Je sais seulement qu'ils portaient un uniforme
15 et autant que je m'en souvienne, un d'entre eux avait le nom d'Ilija. Mais
16 à quel organe ils appartenaient, ça je ne peux pas vous le dire.
17 Question: Autant que vous ayez pu apprécier, ces gens-là venaient de
18 Vitez?
19 Réponse: Vous savez, ce sont des jeunes gens et comme je vous l'ai déjà
20 dit, ces dernières années, avant que cela se produise, j'ai été opéré et
21 j'ai eu peu de contact avec des personnes jeunes. Je ne peux pas vous dire
22 s'ils étaient originaires de Vitez.
23 Question: Revenons, pour une seconde, à cette excuse qu'on vous a citée
24 comme quoi les raisons de cette détention était telle ou telle. La vraie
25 raison, c'est que les gens, hommes surtout, en âge de porter les armes
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1 étaient empêchés par là, de sorte à ce qu'ils ne prennent pas part au
2 combat.
3 Réponse: Je suppose qu'il en était ainsi. Mais si oui ou non, je ne peux
4 pas le certifier pour ma part.
5 Question: Bien sûr, on n'a offert aucune sécurité à l'intention des femmes
6 et des enfants après que les hommes ont été détenus.
7 Réponse: Non, il n'y a pas eu d'excès du tout, pas d'incident du tout dans
8 le bâtiment que nous avons habité pendant toute la durée de la guerre.
9 Question: Bien sûr, et ces enfants et ces femmes qui portaient de la
10 nourriture aux détenus, ils n'ont pas eu besoin de sécurité et de
11 protection dans la rue, le temps où ils vous portaient de la nourriture.
12 Réponse: Non, nous étions très près, c'est à 50 mètres, même pas, de ma
13 résidence. Enfin, personne n'a jamais souffert autant que je sache.
14 Question: Et lorsque vous étiez de retour dans votre appartement, avec
15 évidemment la permission de ceux qui vous ont détenus, vous n'avez guère
16 eu besoin de protection pour venir jusqu'à votre appartement.
17 Réponse: Non, non, non, aucune sécurité.
18 Question: Vous avez été bien traité, par conséquent vous avez pu rester à
19 Vitez, encore que la majeure partie des Musulmans ont quitté Vitez, n'est-
20 ce pas?
21 Réponse: Oui. Oui, cela est vrai.
22 Question: L'une des raisons de leur départ ou du fait que vous êtes resté,
23 c'est que vous, en tant qu'ancien officier de l'état-civil ou des organes
24 municipaux, vous avez eu de bonnes relations avec les docteurs aussi,
25 etc..
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1 Réponse: Non, j'y suis resté parce que ma fille et mon gendre, ils avaient
2 un appartement, une maison. C'était une idée à eux. Comme j'étais malade,
3 je devais rester. Si je devais partir pour Zenica ou Travnik, j'aurais pu
4 tomber malade, avoir un refroidissement quelconque et ce qui m'aurait
5 coûter la vie évidemment parce qu'à cette époque-là mon opération était
6 bien grave.
7 Question: Votre fille s'appelait Merima?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Evidemment, vous ne nous en avez pas parlé, votre fille, Merima
10 vous ne nous en avez pas parlé. Votre fille Merima a été mariée à Darljo
11 Zeca, un croate.
12 (Le témoin acquiesse d'un signe de la tête.)
13 Plus tard, il était membre de la Brigade de Vitez et il est mort en tant
14 que membre de la Brigade de Vitez.
15 Réponse: Oui.
16 Question: Entre autre, étant donné ses relations, cela vous a rendu
17 possible d'avoir une possibilité de vivre à Vitez dans la tranquillité.
18 Question: Non, il n'en est rien de tout cela. J'étais chez mon gendre et
19 étant donné que les gens de Vitez me connaissaient très bien, comme je
20 vous l'ai déjà dit, personne ne m'a jamais maltraité sur quelque base que
21 ce soit, parce que moi non plus je n'ai jamais été désagréable pour qui
22 que ce soit. J'étais pour ainsi dire un citoyen respecté.
23 M. Nice (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Causevic.
24 M. Naumovski (interprétation): Monsieur le Président, juste pour le
25 transcript, pour le conseil de la défense de M. Kordic, nous n'avons pas
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1 de question pour ce témoin.
2 M. Mikulicic (interprétation): Nous n'avons pas de questions non plus à
3 poser à ce témoin, Monsieur le Président.
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Causevic, merci d'être venu
5 pour déposer devant le Tribunal pénal international. Votre déposition est
6 finie maintenant, vous pouvez disposer.
7 M. Causevic (interprétation): Je vous remercie.
8 (Le témoin, M. Sulejman Causevic, est reconduit hors du prétoire.)
9 (L’interpréte: hors micro…)
10 M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, notre prochain témoin
11 est Mahmut Tuco. Je crois que sa déposition sera relativement brève aussi.
12 Peut-être en attendant, et pour cela je m'excuse encore une fois, la
13 cassette vidéo que nous avons utilisée ce matin pour que le témoin
14 confirme l'identité du témoin Morsink, la cote de cette pièce est Z2769.
15 Je crois qu'il n'y a pas eu d'objection à ce sujet.
16 M. Nice (interprétation): J'ai dû m'occuper peut-être encore d'une autre
17 affaire au sujet de ce témoin, en effet cet homme apparaît dans ce
18 recensement non pas au numéro où il le dit mais au numéro 297, juste pour
19 le compte rendu d'audience.
20 M. Kovacic (interprétation): Mon confrère de l'accusation, serait-il
21 aimable de me dire de quelle liste il s'agit? De la liste de Morsink?
22 M. Nice (interprétation): Ceci n'a pas encore été versé en tant que pièce
23 à conviction.
24 M. le Président (interprétation): Oui, on va le faire évidemment au moment
25 opportun.
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1 Que l'on introduise le prochain témoin, s'il vous plaît.
2 (Le témoin, M. Mahmut Tuco, est introduit dans le prétoire.)
3 M. le Président (interprétation): Que le témoin fasse la déclaration
4 solennelle.
5 M. Tuco (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
7 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.
8 (Interrogatoire principal du témoin, M. Tuco, par M. Kovacic.)
9 M. Kovacic (interprétation): Bonjour, Monsieur Tuco.
10 M. Tuco (interprétation): Bonjour à vous tous de ma part.
11 Question: Merci d'avoir répondu à notre invitation et de venir déposer
12 devant ce prétoire. D'abord, pendant que j'aurai à vous interroger, je
13 vous prie, lorsque vous aurez entendu les questions, de ménager une petite
14 pause avant de répondre pour permettre aux traducteurs de s'occuper de la
15 tâche qui est la leur. Nous deux nous comprenons bien, mais il y a ici
16 d'autres gens qui ne comprennent pas notre langue.
17 Réponse: Oui, j'ai bien saisi.
18 Question: Pour le compte rendu d'audience, dites s'il vous plaît votre
19 nom, prénom date et lieu de naissance.
20 Réponse: Je m'appelle Tuco Mahmut, né le 1er juillet 1934, à Vitez.
21 Question: Monsieur Tuco, vous habitez Vitez?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Vous êtes de nationalité…?
24 Réponse: musulmane.
25 Question: Vous êtes marié?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Vous avez des enfants?
3 Réponse: Oui, j'ai un enfant.
4 Question: Quelle est votre profession?
5 Réponse: Je suis un retraité.
6 Question: Quelle est votre formation?
7 Réponse: J'ai une formation secondaire. J'ai travaillé dans les finances.
8 Question: Avant, vous avez travaillé où avant la guerre?
9 Réponse: Dans les usines de Unis, cela s’appelait Slobodan Princip Seljo.
10 Question: Et quand avez-vous été mis à la retraite?
11 Réponse: En 1991.
12 Question: Au moment de prendre votre retraite, avez-vous été en quelque
13 sorte envoyé ou mis à la retraite?
14 Réponse: Non, de mon propre chef, je me suis rendu compte que les
15 conditions étaient bonnes et que je devrais avoir une pension tout à fait
16 honorable, bonne, suffisante. J'avais 37 ans quant à l'ancienneté de
17 travail et j'avais 57 ans à cette époque-là.
18 Question: Est-ce vrai que pour ce qui est de votre demande de mise en
19 retraite, vous l'avez déposée en 1990?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Je vous remercie. Monsieur Tuco, au cours du printemps 1993,
22 avant le commencement du conflit général dans Vitez, avez-vous ressenti
23 quelques problèmes spécifiques dans votre vie dus au fait que vous êtes
24 Musulman de nationalité?
25 Réponse: Non.
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1 Question: Au cours de l'année 1992 ou de l'année 1993, avant le début du
2 conflit, avez-vous été agressé ou attaqué physiquement, provoqué ou
3 insulté par qui que ce soit?
4 Réponse: Pas le moins du monde. J'ai vécu normalement, j'ai circulé
5 normalement, comme d'habitude, dans la ville de Vitez où je résidais.
6 Question: Excusez-moi, je me suis un petit peu trop dépêché. A cette
7 époque-là, avez-vous pu pensé qu'il pourrait y avoir un conflit sérieux,
8 grave et généralisé entre deux peuples qui habitent dans Vitez?
9 Réponse: A quelle période pensez-vous?
10 Réponse: Durant les années 1992 et 1993, lorsqu'il y a eu ce conflit.
11 Réponse: Je n’y ai même pas pensé en 1992. Quant à 1993, peut-être au
12 début même, il y a eu ces bombardements et tout cela, mais je me suis dit
13 que tout cela devait passer sans problème. Moi, je n'ai jamais aimé la
14 politique. J'aime le sport, etc.
15 Question: Pouvez-vous nous dire, d'une façon ou d'une autre, à quelle
16 époque vous avez compris pour une première fois qu'il allait se produire
17 un conflit sérieux si jamais vous avez pu avoir de telles appréciations à
18 faire?
19 Question: Je ne sais pas. J'étais tout à fait libre dans tous mes
20 mouvements.
21 Il y a eu quelques menus incidents juste à la veille du conflit.
22 S'agissait-il de militaires, de paramilitaires, s’agissait-il de gens un
23 peu soulés, ceux qui s'attardent trop dans des bistrots et cafés? Mais ce
24 n'était pas si grave, on pouvait peut-être parler de deux ou trois cas qui
25 se sont produits de la sorte. Je ne l'ai pas vu, j'ai entendu parler de
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1 cela. Par conséquent, à en juger, je ne pourrais pas faire des
2 estimations. Je sais seulement que lorsque la journée du 16 s’est levée,
3 cela a bien bardé comme tirs, etc. Et je me suis rendu compte que quelque
4 chose n'allait pas très bien.
5 Question: Tout ce temps jusqu'au conflit du 16 avril, vous avez toujours
6 touché normalement votre pension?
7 Réponse: Oui, tout était normal.
8 Question: Et vous avez pu circuler normalement?
9 Réponse: Oui, dans des conditions enfin tout à fait normales.
10 Et puis je pourrais dire...
11 Question: Attendez ma question, je crois que nous pourrons y procéder plus
12 rapidement. Où étiez-vous en date du 16 avril, le matin, lorsque vous avez
13 entendu des tirs de feu dans la ville?
14 Réponse: Le 15, le soir, j'étais chez moi, normalement, comme d'habitude.
15 Le lendemain, j'étais toujours dans ma maison. Je ne peux pas situer
16 l'heure, peut-être vers les 5 heures, 5 heures 30, on avait entendu ces
17 coups de feu tirés, mais j'étais là.
18 Question: Dans votre appartement?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Vous êtes resté dans votre appartement ou êtes-vous peut-être
21 allé ailleurs?
22 Réponse: Non, nous sommes descendus vers la cave. Quelqu'un parmi mes
23 locataires était venu pour nous dire que nous devions nous mettre à l'abri
24 et c'est ainsi que nous sommes descendus dans la cave, parce que nous
25 avons eu peur évidemment des pilonnages et qu'est-ce que j'en sais encore.
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1 Question: Monsieur Tuco, vous habitiez un immeuble d'habitation. Dans quel
2 quartier de la ville étiez-vous? Essayez de décrire, de situer très bien
3 l'immeuble que vous habitiez par rapport à certains immeubles importants
4 de la ville.
5 Réponse: L'immeuble que j'habitais se trouvait peut-être à l'extrême sud
6 par rapport au centre. Enfin, le dernier immeuble, peut-être, de la rangée
7 des maisons et immeubles par rapport au centre-ville.
8 Question: Disons par rapport à l'hôtel, où étiez-vous?
9 Réponse: Nous étions à environ 400 mètres, peut-être un peu plus, je ne
10 peux pas dire comme ça.
11 Question: Quant à cette cave dans laquelle vous vous êtes rendus, vous y
12 étiez tous, tous les habitants de l'immeuble?
13 Réponse: Oui, tous y étaient.
14 Question: Et quant à l'appartenance ethnique de ces gens-là, qui étaient-
15 ils?
16 Réponse: Très mixte. Il y avait même des Roms. Nous étions tous
17 pratiquement dans la cave. On en sortait... Enfin, on devait bouger un peu
18 mais on n'a pas vraiment quitté l'immeuble. Plus tard, depuis la cave,
19 j'étais rentré chez moi pour manger, de même en est-il pour ma famille et
20 d'autres certainement.
21 Question: Bon. Monsieur Tuco, pour parler de l'année 1992, au mois
22 d'avril, au mois de mai, lorsque la JNA vous a menacés par son aviation et
23 lorsque Vitezit a été pilonné, avez-vous emprunté les mêmes procédés?
24 Réponse: Non. Cela, c'était différent parce que l'alerte était donnée mais
25 Dieu sait ceux qui respectaient l'alerte, ils descendaient dans la cave,
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1 d'autres ne le faisaient pas.
2 Question: Et que s'est-il passé ensuite, lorsque vous étiez dans votre
3 immeuble et une fois descendu, au cours des deux premiers jours, dans la
4 cave?
5 Réponse: Vous pensez au conflit?
6 Réponse: Oui, c'est bien cela.
7 Réponse: Eh bien écoutez, pendant ces tout premiers temps, on y était
8 parce qu'on s'attendait à une évolution pour savoir ce qui allait se
9 passer, etc.
10 Question: Et pour parler de la rue même, et de la route ensuite, en dehors
11 de la ville, pouvait-on parler d'un chaos qui y régnait?
12 Réponse: Vous savez, dans la rue et sur la route, on pouvait rarement voir
13 du monde parce que tous ces gens-là, évidemment, s'étaient retirés chez
14 eux respectivement et si on peut voir quelque chose pour observer par la
15 fenêtre… Qu'est-ce que j'en sais? Dieu le saurait. Il y avait des
16 militaires, il y avait des gens qui bougeaient. Mais en tout cas les gens
17 se sont enfin retirés pour se cacher dans leurs appartements.
18 Question: Et à un moment donné, vous avez été emmené depuis cet immeuble-
19 là?
20 Réponse: Oui, on m'a bien emmené.
21 Question: A quel moment?
22 Réponse: Je ne peux pas me rappeler très exactement. La deuxième ou
23 troisième journée du conflit, j'ai été emmené. Des policiers étaient venus
24 dans notre immeuble, chez moi, et ils m'ont emmené tout sèchement. Au
25 début, j'ai eu peur un peu, puis j'ai essayé de leur poser des questions.
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1 Alors l'un d'entre eux m'a justement adressé la parole et il a mentionné
2 mon nom, il a dit: "Maco, ne t'en fais pas, n'aie pas peur. C'est pour des
3 raisons de sécurité que tu ne dois pas rester à la maison", alors que ma
4 famille y était restée, ma fille et ma femme.
5 Question: Combien de policiers étaient là parmi ceux qui sont venus vous
6 emmener?
7 Réponse: Il y en avait un qui était resté sur le palier, un autre qui est
8 entré chez moi. Peut-être qu'ils étaient trois, mais je ne m'en souviens
9 pas très bien. En tout cas pour ces deux-là, je suis sûr.
10 Question: Dites-nous, s'il vous plaît, Monsieur Tuco, vous étiez le seul à
11 être emmené de votre immeuble ou bien il y en avait d'autres qui étaient
12 emmenés?
13 Réponse: A ce moment-là, moi j'étais de mon immeuble, un autre ensuite a
14 été emmené. Il y avait une fourgonnette qui nous a pris et en entrant dans
15 la fourgonnette, j'en ai vu deux ou trois autres. Nous avons été emmenés
16 vers le bâtiment du cinéma de la maison de la culture, en plein centre de
17 la ville.
18 Question: Les gens qui vous ont emmenés, comment vous traitaient-ils?
19 Etaient-ils trop sévères ou peut-être grossiers? Vous ont-ils insulté?
20 Réponse: Mais pas le moins du monde. Je ne connais même pas ces gens-là,
21 mais du moment qu'il m'a adressé la parole en prononçant mon surnom, Maco,
22 je me suis senti beaucoup mieux. Nous n'avons pas été maltraités, nous
23 n'avons pas reçu de coups. Rien, rien! Tout simplement c'étaient des
24 conversations entre nous.
25 Question: Et lorsque vous avez été emmené vers le bâtiment du cinéma,
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1 avez-vous pu remarquer que tout cela était sous une garde quelconque? Y a-
2 t-il eu des gardiens?
3 Réponse: Non, aucune garde. A l'entrée même, j'ai pu me rendre compte
4 qu'il y avait là deux ou trois policiers, c'est tout.
5 Question: Et où étiez-vous installé?
6 Réponse: Il y avait plusieurs pièces définitivement. Il y avait la salle
7 de cinéma, il y avait dans les sous-sols, évidemment, les installations de
8 chauffage. Moi, j'y étais installé. Mais c'était difficile de s'y
9 installer parce qu'il y avait plein d'objets et que nous étions peut-être
10 trop nombreux. Nous étions... Je ne peux pas maintenant me rappeler, nous
11 étions de trente à quarante pour monter vers le premier étage. Il y avait
12 des pièces aménagées ou même munies de lits. C'étaient d'anciens bureaux.
13 Question: Si j'ai bien compris, vous avez été installé dans ces pièces,
14 anciens bureaux, à l'étage?
15 Réponse: Oui, c'est bien cela. J'ai été même heureux parce que vous savez
16 une cave est une cave, mais si jamais, peut-être que des pilonnages se
17 produisent, peut-être que la cave est quand même meilleure.
18 Question: Avez-vous reçu de la nourriture et de l'eau?
19 Réponse: Oui. Une fois venu là-bas, il y avait des toilettes à notre
20 disposition, de l'eau du robinet. Pour ce qui est de la nourriture, on la
21 distribuait régulièrement. Evidemment, ce ne sont pas des repas d'hôtel.
22 On ne peut pas parler de soupe ni d'autres menus, mais il y avait pas mal
23 de boîtes de conserves, en abondance, je dirais, de la nourriture en
24 abondance.
25 Question: Y a-t-il eu lieu, évidemment, de parler de vos familles? Y a-t-
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1 il eu des gens membres de votre famille qui étaient venus pour vous
2 apporter ce dont vous aviez besoin?
3 Réponse: Oui, bien sûr. Les miens étaient venus pour m'apporter une
4 couverture, un oreiller. Mais pour ce qui est de la nourriture, je n'en
5 avais guère besoin parce qu'on était vraiment bien servis.
6 Question: Monsieur Tuco, vous avez pu circuler librement dans ce bâtiment-
7 là?
8 Réponse: Oui, on a pu circuler en toute liberté à l'étage où nous étions
9 installés. Il y avait un vaste corridor qui s'étendait sur une vingtaine
10 de mètres, et puis la disposition des pièces était une pièce après l'autre
11 avec, comme je l'ai déjà dit, des toilettes, un robinet, etc. Pas de
12 problème.
13 Question: Y a-t-il eu des restrictions quant aux membres de vos familles
14 respectives qui pouvaient s'y rendre ou qui ne pouvaient pas s'y rendre? Y
15 a-t-il eu des instructions quelconques que vous auriez pu recevoir à cet
16 égard?
17 Réponse: Ecoutez, pour ce qui est de la nourriture, de la distribution des
18 repas, pour ce qui est de les voir apporter de la nourriture ou, comme je
19 l'ai dit tout à l'heure, des habits ou couvertures, aucun problème.
20 Question: Bon, je vois. Et pendant combien de temps avez-vous été, en
21 totalité, au cinéma?
22 Réponse: J'y ai été pendant onze ou douze jours à peu près. Il y en a qui
23 ont passé quinze jours parce que moi, j'étais venu un peu plus tard et
24 j'ai été relâché un jour d'avance. Peut-être qu'ils m'ont jugé âgé ou je
25 ne sais pas.
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1 Question: Oui, on y reviendra encore. Mais pendant ces douze jours passés
2 dans le bâtiment du cinéma, vous avez pu peut-être voir un événement se
3 produire ou quiconque être maltraité, connaître des tortures physiques,
4 etc.?
5 Réponse: Mais pas du tout. Il n'en est pas question du tout.
6 Question: Avez-vous eu des contacts avec des militaires, avec des gens qui
7 ont travaillé dans ce bâtiment même?
8 Réponse: Oui, bien sûr que j'ai pu avoir évidemment des contacts. Ces
9 gens-là nous ont été connus, nous avons été dans de bonnes relations avec,
10 nous n'avons eu aucun problème. On se croisait comme ça, on se saluait,
11 pour ne pas dire que nous avons même eu droit à un peu d'alcool, à
12 quelques cigarettes, etc. Parce qu'on avait encore des amis avec moi qui
13 étaient détenus.
14 Question: Bon, je vois. Vous avez dit que vous y avez passé douze jours,
15 que d'autres ont passé une quinzaine de jours parce que vous étiez venu un
16 peu plus tard.
17 Réponse: Oui, c'est bien cela.
18 Question: Donc si vous vous souvenez bien, vous êtes sorti avant début
19 mai?
20 Réponse: Oui, un jour avant.
21 Question: Est-ce que vous pouvez-vous rappeler la date où les toutes
22 dernières personnes détenues avaient quitté le bâtiment?
23 Réponse: Je crois qu'avec le 1er mai, tous ont quitté ces locaux, moi y
24 compris évidemment.
25 Question: Monsieur Tuco, vous a-t-on enregistré d'une façon ou d'une autre
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1 lorsque vous étiez venu à ce bâtiment de cinéma?
2 Réponse: Eh bien, pour ma part, je ne m'en souviens pas. Je sais seulement
3 que des gens étaient venus de la Croix-Rouge. On a fait une espèce de
4 recensement et que tout le reste s'était produit d'une façon tout à fait
5 normale. Excusez-moi, je veux dire encore, tout cela s'est si vite passé
6 que vraiment je n'ai pas la moindre idée d'une liste quelconque ou d'un
7 recensement quelconque. Peut-être que plus tard on a fait quelque chose.
8 Question: Vous avez dit que des gens de la Croix-Rouge étaient venus vous
9 rendre visite. Les gens de la Croix-Rouge étaient-ils libres de vous
10 rendre visite? Ont-ils pu parler avec vous dans le bâtiment du cinéma?
11 Réponse: Oui, ils étaient venus directement in situ, là où nous étions
12 détenus, pour se rendre d'une pièce à l'autre, pour recueillir les données
13 nécessaires. Nous avons été tous munis d'une carte spéciale, une petite
14 carte, une espèce de livret que j'ai toujours sur moi, je crois.
15 Question: Quand on vous a relâché, vous avez dit que cela s'est sans doute
16 passé la veille du 1er mai.
17 Réponse: Oui.
18 Question: Où êtes-vous allé?
19 Réponse: Eh bien, normalement je suis parti tout seul.
20 Question: Qui était dans votre appartement? Qui vous attendait?
21 Réponse: Ma femme et ma fille.
22 Question: Ont-elles eu des problèmes pendant les jours de votre détention?
23 Réponse: Non, pas du tout. Simplement, elles avaient peur de la guerre,
24 rien d'autre.
25 Question: Le bâtiment était-il endommagé lorsque vous êtes revenu de votre
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1 emprisonnement? Y avait-il des traces d'obus, des impacts de balles? Avez-
2 vous vu des parties du bâtiment endommagées?
3 Réponse: Eh bien, il y avait eu des pilonnages, des coups de feu avaient
4 été tirés, mais le bâtiment était tout de même habitable encore pour tout
5 le monde.
6 Question: Toutes les fenêtres de l'appartement, par exemple, étaient
7 encore intactes?
8 Réponse: Non, non. D'ailleurs, aujourd'hui non plus.
9 Question: Merci.
10 Réponse: Le plastique...
11 Question: Après quelques jours, vous avez été engagé dans un peloton de
12 travail. Pouvez-vous dire aux Juges de cette Chambre comment cela s'est
13 passé et dans quel peloton de travail vous avez été recruté? De quelle
14 façon cela s'est passé?
15 Réponse: Eh bien, c'était un peloton de travail qui se composait d'hommes
16 qui allaient creuser des tranchées et qui effectuaient tous les travaux
17 nécessaires dans la ville. Tout le monde était recruté indépendamment de
18 la nationalité, de la religion, etc. Tout le monde était recruté de sorte
19 que dans mon peloton il y avait une vingtaine d'hommes et d'ailleurs
20 toutes les nations étaient représentées. Il y avait même un Slovène, des
21 Roms, des Musulmans, des Serbes, des catholiques, enfin je veux dire des
22 Croates, et nous travaillions normalement en fonction des besoins.
23 Question: Monsieur Tuco, votre peloton de travail était-il organisé par la
24 défense civile?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Combien de temps avez-vous participé à ce peloton de travail, à
2 peu près?
3 Réponse: Eh bien, je vais vous dire, j'ai travaillé quatre mois à peu
4 près, et ensuite je suis allé voir le médecin pour lui dire que ma vue
5 était mauvaise, parce qu'en général on allait creuser les tranchées la
6 nuit. Donc ils m'ont libéré de ce travail-là. Mais on m'a transféré chez
7 Caritas, ceux qui nous donnaient de quoi manger, et j'y suis resté jusqu'à
8 la fin de la guerre. Je faisais les chargements, les déchargements, etc.
9 J'allais librement au travail, je rentrais librement aussi.
10 Question: Où se trouvait l'entrepôt de Caritas dans lequel vous
11 travailliez?
12 Réponse: Dans les locaux de l'école primaire Vitez. Ce n'est pas le lycée,
13 les deux bâtiments sont l'un à côté de l'autre, mais c'est l'école
14 primaire. Et puis c'est là aussi que se trouve la salle de sport.
15 Question: Monsieur Tuco, vous avez passé le reste de la guerre jusqu'à la
16 fin de la guerre à Caritas?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Tous les matins, vous alliez travailler. Mais tout cela se
19 passait pendant que vous étiez salarié de SPS.
20 Réponse: Eh bien oui, nous étions tous dans la cave la nuit et s'il y
21 avait des besoins, s'il fallait travailler, nous allions travailler, mais
22 nous faisions ce qu'il fallait faire. Quelquefois on travaillait en ville,
23 quelquefois à Caritas, quelquefois on passait la journée à rester assis à
24 jouer aux cartes ou à se distraire jusqu'au moment où il fallait partir.
25 Question: Mais vous alliez au travail seul et vous reveniez du travail
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1 seul?
2 Réponse: Oui, normalement. Dans le peloton de travail auquel
3 j'appartenais, un Croate est tombé malade. Ce n'est pas qu'il était
4 blessé, mais il avait un problème à la colonne vertébrale et on m'a
5 proposé à ce moment-là de devenir le chef de ce groupe. Mais je n'ai pas
6 accepté parce que le chef d'équipe doit donner l'exemple, il doit
7 travailler plus que tout le monde. Donc j'ai renoncé et c'est un Slovène
8 qui a été nommé.
9 Question: Donc c'est un Slovène qui est devenu chef de votre équipe, de
10 votre peloton?
11 Réponse: Oui, plus tard.
12 Question: Monsieur Tuco, avant 1993 déjà, il y avait un grand nombre de
13 réfugiés dans votre ville. Vous rappelez-vous cela?
14 Réponse: Dans la ville? Des réfugiés?
15 Question: Des gens qui étaient venus d'autres régions et qui sont arrivés
16 dans votre ville.
17 Réponse: Ah oui, des gens expulsés. Moi, quand vous me dites "réfugiés",
18 je pense à des gens qui viennent d'un autre pays alors que pour moi les
19 gens expulsés viennent du même pays mais d’une autre ville.
20 Oui, oui, il y en avait bien sûr des gens qui avaient des armes, qui
21 circulaient dans la ville.
22 Question: Personnellement, en tant qu'habitant de Vitez, à quel point
23 considériez-vous ces gens comme dangereux pour votre sécurité?
24 Réponse: Je craignais le plus ces personnes inconnues qui sont arrivés à
25 Vitez.
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1 D’où dans quelles conditions, comment? Je n'en ai pas la moindre idée. Je
2 vois qu'il y avait la guerre et pour eux, tout allait bien alors que les
3 gens de chez nous, les locaux, je n'en ai jamais eu peur.
4 Question: Monsieur Tuco, pourquoi aviez-vous peur de ces personnes, de ces
5 étrangers, pour vous, qui sont arrivés dans votre ville?
6 Réponse: Eh bien, parce que nous ne les connaissions pas. Je ne savais pas
7 pourquoi ils étaient venus, ni comment. Enfin, oui, je savais bien que
8 c'était la guerre. Mais maintenant pour moi interpréter la politique, je
9 n'en ai pas la moindre idée. Je savais simplement que ça n'allait pas.
10 Question: Monsieur Tuco, parmi ces personnes, y avaient-il des gens qui
11 avaient été expulsés de leur village, qui avaient perdu leur maison, leur
12 famille, des choses de ce genre?
13 Réponse: Des gens qui venaient de l'extérieur chez nous dans la ville de
14 Vitez?
15 Question: Oui.
16 Réponse: Oui, il y en avait. Je suppose qu'ils ne sont pas venus de leur
17 propre gré.
18 Question: Monsieur Tuco, vous connaissiez Mario Cerkez avant la guerre,
19 n'est-ce pas?
20 Réponse: Oui, et comment. Je connaissais aussi son père, sa mère, nous
21 étions des voisins très proches.
22 Son père a à peu près le même âge que moi, je crois qu'il est de 1933 ou
23 1934. On travaillait ensemble au football: il était Président, moi je
24 jouais et on s'occupait de sport.
25 Question: Dans ce club, il y avait des Musulmans, des Croates, des Serbes?
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1 Réponse: Oui, on était tous ensemble.
2 Question: Conviendriez-vous que c'est une famille où il n'y a jamais eu
3 aucun problème lié à l’appartenance ethnique?
4 Réponse: Avant la guerre?
5 Question: Oui.
6 Réponse: Eh bien, aucun problème. Nous étions amis, nous étions ensemble,
7 nous nous fréquentions. Nous allions l'un ou l'autre dans la maison de
8 l'autre et moi, j'avais pas mal d'amis orthodoxes et catholiques. Mais on
9 se fréquentait, on se rendait visite. Sans parler du club de foot.
10 Question: Monsieur Tuco, avez-vous eu l'occasion y compris pendant la
11 guerre de le rencontrer, notamment lorsque vous avez été détenu dans le
12 cinéma?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Comment s’est-il comporté à votre égard?
15 Réponse: Aucun problème. Il avait toujours le sourire quand il s'adressait
16 à moi. Nous n'avons pas parlé de la guerre. On s'est salué, il m'a dit:
17 "Tout ira bien" et voilà, c'est ce que j'ai entendu de sa bouche.
18 Et lui je le connaissais du travail parce que je travaillais là-haut et il
19 était dans une usine, moi dans une autre, mais ma femme travaillait au
20 même endroit que lui.
21 Question: Oui, nous avons déjà entendu parler de l'usine. N’y revenons
22 pas.
23 Monsieur Tuco, savez-vous que le 15 avril 1993, une fête s'est déroulée
24 pour célébrer l'armée de Bosnie-Herzégovine?
25 Réponse: Oui, oui. J'ai rencontré d'ailleurs Mirko qui est mort plus tard.
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1 C'était un ami à moi, j'y ai aussi rencontré mon beau-frère. On était
2 assis là-bas, on buvait un verre et j'ai vu par la fenêtre la fête qui se
3 déroulait.
4 Question: Monsieur Tuco, vous rappelez-vous si cette fête a eu lieu un
5 jour ou deux jours avant le conflit? Le 14 ou le 15 avril 1993?
6 Réponse: Je crois que cela s'est passé le 15, c'est-à-dire à la veille
7 même du conflit. Je ne crois pas que je fasse erreur.
8 Question: Vous n'avez pas dit exactement dans quel bâtiment cela se
9 passait.
10 Réponse: A Stari Vitez.
11 Réponse: Dans quel bâtiment?
12 Réponse: C'était dans la caserne des pompiers. C'est un bâtiment qui avait
13 un rez-de-chaussée, où il y avait un restaurant et un étage. Moi, j'étais
14 dans le restaurant et j'ai vu quand ils sont arrivés, quand tous les
15 invités sont arrivés le jour de la fête de l'armée.
16 Question: Ce restaurant était un lieu public où tout le monde pouvait
17 entrer?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Vous avez parlé d'un certain Mirko. Qui était ce Mirko avec qui
20 vous étiez assis à la même table?
21 Réponse: Il est mort plus tard. C'est Mirko Lekic, de Vitez.
22 Question: Un Musulman? Un Croate?
23 Réponse: Mirko était croate et mon beau-frère s'appelle Smajo.
24 Mirko, lui, s’appelle Lekic.
25 Question: Votre beau-frère était présent aussi?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Qui avez-vous vu? Quels représentants croates avez-vous vu à
3 cette fête?
4 Réponse: Eh bien, il faisait très beau ce jour-là et je ne les ai pas
5 regardés qu'une seule fois. Je les ai vus plusieurs fois. J'ai vu aussi
6 Nikola Krizanovic.
7 Question: Avez-vous vu aussi l'accusé Mario Cerkez à cette fête?
8 Réponse: Oui, absolument. Et puis un certain Calic, je ne me rappelle pas
9 son prénom. C'est peut-être Ljuban, mais je n'en suis pas sûr. Il y a
10 trois frères Calic, un Dragan, un Ljuban, je connaissais bien Ljuban
11 d’ailleurs. Il était là aussi pour assurer la sécurité, je crois. Enfin,
12 je ne sais pas quel était son rôle exact, mais il servait d'escorte ou de
13 garde du corps.
14 Question: Et Vlado Calic, si je vous dis le nom, vous vous rappellerez
15 peut-être. Etait-il présent?
16 Réponse: Ah, c’est possible. Il y a trois frères: Ljubo, Vlado et Dragan,
17 Drago qui un magasin. Oui, oui, Vlado. Oui, c'est tout à fait possible.
18 Question: Dites-nous, Monsieur Tuco, d'après ce que vous avez pu voir,
19 combien de temps les gens, qui étaient invités à cette fête, sont restés?
20 Réponse: Eh bien, je ne saurais pas le dire avec exactitude, moi je suis
21 resté jusqu'à une certaine heure de l'après-midi. Après quoi je suis
22 rentré chez moi.
23 Enfin, la fête s'est déroulée pendant la journée. Pour le reste, je ne
24 sais pas exactement.
25 Question: Très bien, très bien. Monsieur Tuco, vous êtes resté à Vitez
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1 pendant toute la durée de la guerre?
2 Réponse: Oui. C'est ce que j'ai décidé moi-même. Ma femme me suppliait de
3 partir. Moi, je ne voulais pas partir. Comment est-ce que j'aurais pu
4 savoir comment rentrer après les soucis et tout... Moi, j'étais sûr que je
5 pouvais rester. Je travaillais comme tout le monde.
6 Question: Quelque chose de particulier, en dehors de ce que vous venez de
7 nous dire, votre travail et votre détention, mais y a-t-il eu d'autres
8 choses négatives qui soient survenues et qui vous aient affecté, vous,
9 votre femme ou votre fille?
10 Réponse: Eh bien, non. Pas du tout, voyons! Rien. Nous avons été protégés
11 comme tout le monde. C'est d'ailleurs comme cela que les choses devaient
12 se passer.
13 Question: Etes-vous resté en bons termes avec vos voisins, avec les
14 Croates qui vivaient au voisinage de votre bâtiment?
15 Réponse: Oui, je suis encore en bons termes avec eux et avec tout le monde
16 aujourd'hui.
17 M. Kovacic (interprétation): Merci, j'en ai terminé.
18 M. Sayers (interprétation): Pas de questions pour ce témoin, Monsieur le
19 Président.
20 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Tuco, par M. Nice.)
21 M. Nice (interprétation): Monsieur Tuco, pouvez-vous donner le prénom de
22 votre père?
23 M. Tuco (interprétation): Uzeir?
24 Question: Merci. Lors de votre détention, vous avez été enregistré comme
25 détenu 248 sur cette liste. Saviez-vous qu'une liste des détenus avait été
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1 dressée?
2 M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président…
3 M. le Président (interprétation): Maître Kovacic, je sais que ce document
4 n'a pas encore été officiellement produit, mais le Procureur est habilité
5 à le présenter. Et à moins qu'il n'y ait des objections, sa question me
6 paraît tout à fait convenable.
7 M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, la seule objection que
8 j'ai à élever est la suivante: bien sûr le Procureur peut utiliser cette
9 liste comme source d'informations, mais si ce qu'il veut dire au témoin
10 c'est très précisément: "Votre nom figure sur cette liste au n°248." cela
11 risque de créer une confusion dans l'esprit du témoin.
12 M. le Président (interprétation): Si c'est le cas, nous l'arrêterons.
13 M. Nice (interprétation): Je ne vois pas en quoi cela peut créer la
14 confusion dans l'esprit du témoin. Monsieur Ceko, un autre témoin, qui est
15 un témoin de la défense, Stipo Ceko a déjà présenté cette liste.
16 Monsieur Tuco, une autre question: quand on vous a arrêté et incarcéré,
17 cela s'est fait sans votre consentement, n'est-ce pas?
18 Réponse: C'est normal. Qui irait là où les choses ne vont pas bien?
19 Question: Vous n'avez pas apprécié d'être privé de liberté pendant le
20 nombre de jours où on vous a enlevé votre liberté?
21 Réponse: Eh bien, une chose comme ça, ce n'est jamais bien.
22 Comment est-ce que j'aurais pu l'accepter?
23 Question: Et lorsque vous avez été arrêté, vous étiez sous la garde
24 d'hommes armés.
25 Réponse: Des gardiens armés nous gardaient mais à la sortie seulement,
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1 pour autant que je sache. Dans le couloir, c'était normal, il fallait bien
2 qu'il y ait quelqu'un. Mais ailleurs, je ne sais pas. Mais à l'entrée,
3 oui, il y avait des gardiens.
4 Question: Sauriez-vous quelle était l'unité à laquelle appartenaient les
5 hommes qui vous gardaient?
6 Réponse: Oh, comment est-ce que je pourrais savoir cela? Je n'en n'ai pas
7 la moindre idée.
8 Question: Vous venez de Vitez, Monsieur Tuco, vous êtes bien connu dans la
9 région?
10 Réponse: Oui, j'habite Vitez, oui, oui. Mais je n'ai jamais aimé cela dans
11 ma vie, l'armée. J'ai fait le service militaire et j'y ai suivi une
12 formation de télégraphiste. Je n'ai jamais aimé les armes, les fusils, de
13 sorte que...
14 Question: Avez-vous mentionné le nom d'un certain Zabac que vous
15 connaissiez comme footballeur?
16 Réponse: Oui, j'étais son entraîneur.
17 Question: Et vous ne pouvez toujours pas nous dire à quelle unité il
18 appartenait?
19 Réponse: Croyez-moi, je n'en n'ai pas la moindre idée. Je ne sais pas à
20 quelle unité il appartenait. Comment est-ce que je pourrais avoir des
21 renseignements de ce genre? Comment est-ce que je pourrais savoir à quel
22 régiment, à quel peloton il appartenait, ça ce sont des questions
23 auxquelles je ne peux pas répondre.
24 Question: Bon, d'accord. La question peut sembler idiote, mais je vais
25 vous la poser autrement. Vous êtes incapable de dire à quel groupe, lui et
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1 les autres gardiens n'appartenaient pas. Vous ne pouvez pas dire qu'il
2 n'appartenait pas aux Vitezovi ou à la Brigade de Vitez, n'est-ce pas?
3 Réponse: La seule chose que je sais c'est qu'ils étaient soldat d'Active,
4 mais à quel groupe ils appartenaient, je n'en n'ai pas la moindre idée et
5 personne ne peut me le demander. Vraiment je n'en n'ai pas la moindre
6 idée. Je n’ai absolument aucune possibilité de le savoir puisque moi,
7 j'avais simplement le temps de travailler, de dormir un tout petit peu. Je
8 n'arrêtais pas de circuler, mais je les rencontrais, je les saluais. Je
9 connais ce Kovac surnommé Zabac. On se saluait, mais je ne peux rien dire
10 à ce sujet puisque je ne sais pas, moi, ça ne m'intéressait pas tout cela.
11 Cela m'était complètement égal.
12 Question: Bien. Mais nous reviendrons là-dessus. Pour le moment,
13 j'aimerais vous présenter une page d'un document, pièce 1477.1. Je crains
14 que le titre de ce document n'ait pas été traduit, mais j'espère que cela
15 ne nous arrêtera pas. C'est un document qui montre qui était engagé dans
16 la guerre de la patrie et dont les noms figurent sur la liste dressée par
17 le bureau chargé de la défense de Vitez, selon l'intitulé.
18 Je demanderai que l'on place cette page sur le rétroprojecteur. Vous voyez
19 donc ce document et je vous demanderai de vous concentrer sur la sixième
20 rubrique à partir du haut.
21 Non, excusez-moi, c'est un peu plus bas, dixième rubrique. Voyez-vous le
22 nom qui figure à cet endroit, Tuco Zaïre Mahmut, s'agit-il de vous?
23 Réponse: Moi je m'appelle Tuco Mahmut et je suis le fils de Uzeir, c'est
24 mon père qui s'appelle Uzeir.
25 Question: Oui, Uzeir donc dans ce cas-là, vous êtes le deuxième nom à
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1 partir d'en haut. Merci beaucoup.
2 Le deuxième nom à partir du haut de cette page, vous désigne-t-il bien
3 vous?
4 Apparemment, la date de naissance n'est pas exacte. Si vous regardez un
5 peu plus bas, vers le milieu de la page, numéro 7254...
6 Réponse: Tuco Abdulah, Tuco Edid, Tuco…Qu'est-ce qu'il est écrit là? Tuco
7 Emina, Tuco Enver, Tuco Mahmut.
8 Tuco Mahmut c'est moi. Père, Uzeir…Mahmut, oui, c'est moi.
9 Question: Merci.
10 Nous voyons ici qu'entre le 20 avril 1993 et le 20 février 1994, le statut
11 est "P" et que du 20 février 1994 au 15 mai 1994, le statut est "MUP".
12 Pouvez-vous nous expliquer à quoi correspondent ces initiales?
13 Réponse: C'est à moi que vous posez la question?
14 Question: Oui, je vous demande pourquoi on a enregistré ces deux périodes
15 de travail avec des sigles différents?
16 Réponse: Je vous prierais de répéter cette question me concernant
17 personnellement.
18 Question: Oui, regardez à droite, après votre nom, on voit deux lignes. Il
19 y en a une qui correspond aux services désignés par la lettre "P" du 20
20 avril 1993 au 20 février 1994, et ensuite un service correspondant au
21 sigle "MUP" du 15 février 1994 au 15 mai 1994. Donc deuxième période de
22 service entre le 20 février 1994 et le 15 mai 1994, et là on a un code
23 pour votre service qui est MUP.
24 Réponse: Oui.
25 Question: Pouvez-vous m'expliquer à quoi correspondent ces lettres, ces
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1 codes?
2 Réponse: MUP? Je ne sais pas moi qui a mis cela là et qu'est-ce que cela
3 veut dire. Moi, je n'ai jamais été au MUP . Ca n'a aucun rapport. Quel
4 MUP?
5 Réponse: Merci, très bien. Nous allons en apprendre un peu plus à votre
6 sujet. Mais avant d'en arriver là, aidez-nous sur la question suivante. La
7 majorité des Musulmans ont bien quitté Vitez à la fin de 1993, n'est-ce
8 pas?
9 Réponse: Là vous avez raison. Pas tous, mais la majorité oui.
10 Question: Pourquoi étiez-vous privilégié au point que vous n'avez pas été
11 contraint de partir, je vous prie?
12 Réponse: Cela, c'était ma volonté. J'ai pris le risque plutôt à cause de
13 l'appartement et à cause de tout le reste. Et puis il y avait le sport, et
14 que sais-je moi? Moi, j'avais le sentiment d'être tranquille, calme.
15 J'avais une garantie de Mario, de Kraljevic, j'avais même des documents de
16 protection écrits avec une signature selon lesquels je n'aurais pas de
17 problème, et j'étais satisfait, je suis resté. Mais pas seulement moi, il
18 y en avait d'autres. Moi, je garantis ce que je dis. J'ai des documents à
19 l'appui. Je pense que je peux les retrouver si on me les demande.
20 Question: Darko Kraljevic vous a assuré une protection, mais ce que
21 j'aimerais savoir, c'est pourquoi. Pourquoi vous plutôt qu'un autre?
22 Réponse: Eh bien, moi j'étais très très bon ami de son père. Il y avait
23 -comment cela s'appelle?- la police militaire et moi je ne voyais pas la
24 nécessité de partir. Pourquoi partir? Oui, c'est vrai, ceux qui venaient
25 de l'extérieur surtout les hommes en arme demandaient s'il y avait des
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1 Musulmans. C'est comme cela qu'on nous désignait, on employait des mots
2 très péjoratifs contre nous, mais il n'y avait pas de problème. Ce n'est
3 pas seulement moi.
4 Question: Je me permets de raccourcir un peu vos réponses. Nous n'avons
5 pas beaucoup de temps. Mais plutôt que de faire de cela un mystère, je
6 pense que nous pourrions regarder le document 1085.3 que l'on va vous
7 remettre. L'original pour le témoin, je vous prie, et une copie sur le
8 rétroprojecteur. Il y a aussi une traduction française.
9 (Les interprètes n'ont pas ce document.)
10 M. Nice (interprétation): C'est un document que vous avez obtenu de Darko
11 Kraljevic le 20 juin, je pense que vous en avez parlé, c'est le certificat
12 qui montre que l'unité spéciale des Vitezovi confirme que l'appartement
13 dans la rue du Maréchal Tito occupé par vous-même et votre femme ne doit
14 pas être exproprié, et que ces locataires doivent continuer à l'utiliser.
15 Donc c'est un document qui vous protège de l'expulsion.
16 Un tel certificat devait être quelque chose de très grande valeur,
17 Monsieur Tuco?
18 Réponse: Absolument. C'était un document de grande valeur.
19 Question: Pouvez-vous nous donner une idée de ce que vous avez fait pour
20 les Croates qui vous a permis d'être préservé de l'expulsion de votre
21 appartement et de Vitez alors que d'autres Musulmans, y compris de votre
22 famille, ont été contraints de partir? Qu'avez-vous fait pour sauvegarder
23 vos intérêts?
24 Réponse: Rien. Rien, je n'ai rendu aucun service. Moi, je suis un homme
25 comme cela et je n'ai pas été... enfin, les miens sont restés à Vitez.
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1 Pour les autres, ce n'est pas mon nom de famille. Quant à ce que j'ai
2 fait, moi je n'en ai pas la moindre idée. Simplement j'étais très ami avec
3 Darko. Si c'est cela, alors bon! Mais je suis aussi grand ami...
4 Question: De Mario aussi, je crois que vous l'avez dit. Mario Cerkez.
5 Réponse: Non, pas de Mario mais de son père, et il m'a protégé. Enfin, ce
6 n'est pas qu'il m'a protégé, c'est que par mon comportement, moi j'étais
7 tout à fait correct et lui aussi a été très correct à mon égard. Il a
8 aussi émis des certificats destinés à protéger des gens. Cela, je le sais
9 avec certitude. Pas seulement pour moi d'ailleurs, mais pour beaucoup
10 d'autres.
11 Question: Eh bien, je ne voudrais pas m'appesantir exagérément, mais vous
12 faites aussi partie de la famille des Tuco qui a un rapport avec la
13 pizzeria Sebastian, et ils étaient protégés également, n'est-ce pas?
14 Réponse: Oui, bien sûr, protégés comme moi.
15 Question: Merci. Les bâtiments entourant le cinéma où vous avez été détenu
16 ont été pilonnés, n'est-ce pas, de temps en temps?
17 Réponse: Oui, surtout autour de l'hôtel, et l'hôtel est tout près à 30 ou
18 40 mètres sans doute de la maison de la culture. C'est là qu'il y a eu le
19 plus d'obus.
20 Question: Autour de la maison de la culture aussi?
21 Réponse: Oui, autour de la maison de la culture aussi, même un jour quand
22 je rentrais...
23 Question: Très bien, très bien. Je vais vous interrompre Monsieur Tuco.
24 Contentez-vous de répondre à mes questions, cela me suffit.
25 Quand vous étiez détenu, avez-vous vu un Anto Kovac surnommé Zabac parmi
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1 les prisonniers?
2 Réponse: Ce n'est pas seulement que je l'ai vu lui, ils étaient plusieurs.
3 Il y avait des équipes. Une fois c'était la première, la deuxième, la
4 troisième...
5 Question: Je vous demanderai de vous limiter, si vous le voulez bien, à
6 mes questions. Mais s'agissant de cet homme, avez-vous entendu dire qu'il
7 ait fait quelque chose de particulier à une femme? Oui ou non?
8 Réponse: Je n'en ai pas la moindre idée, ni en bien ni en mal. Aux femmes?
9 Non, cela n'a pas de rapport avec lui. Moi, je l'ai salué lui.
10 Question: Très bien, très bien. Cela suffit. Avez-vous entendu parler de
11 Musulmans qui ont eu moins de chance que vous et qui ont été emmenés au
12 camp de Kaonik?
13 Réponse: Eh bien, c'était un groupe de personnes d'un niveau un peu plus
14 élevé, des hommes politiques, des intellectuels, etc.. On les emmenait à
15 Busovaca, on les a ramenés. Moi-même j'étais même là quand on a décidé
16 qu'ils devaient aller à Travnik ou Zenica ou pas. Mais je ne m'en souviens
17 pas très bien, donc je ne peux pas vous dire qui est allé où.
18 Question: Je vais vous interrompre une fois de plus et je vais vous
19 demander de nous dire pourquoi, à votre connaissance, les intellectuels
20 musulmans ont été emmenés dans une prison plus sûre, plus éloignée.
21 Qu'avaient-ils fait pour mériter cela?
22 Réponse: Je ne peux pas vous l'expliquer. C'est la politique cela, je n'ai
23 aucune idée. Vous avez deux parties en conflit et il faut voir que c'est
24 un conflit cela. Mais je ne peux pas parler de ça parce que je n'y connais
25 rien.
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1 Question: Nous avons un document portant la cote 1296.4 qui traite d'un
2 certain nombre de membres de la famille Tuco qui ont été expulsés. Est-ce
3 que vous pouvez nous dire qu'Amra Fatima, Sultanja Nedzad et Mirijna Tuco
4 ont été expulsées de Vitez? Etes-vous au courant du fait que ces personnes
5 ont toutes été expulsées?
6 Réponse: Bien, c'est non... Il faut savoir qu'il y a des Tuco avec
7 lesquels je n'ai absolument aucun lien de parenté, des gens qui viennent
8 de plus loin, de Kruscica. Je connais un Amra, un autre Amra, il y a
9 également la fille de mon frère qui s'appelle Amra qui est mariée.
10 Question: Oui, mais moi ce que je veux savoir c’est si à votre
11 connaissance, ces personnes portant ces noms ont été expulsés, soit que ce
12 sont des gens qui aient des liens de parenté moins proches ou même des
13 gens qui portent simplement le même nom que vous.
14 Réponse: Vous m'avez donné ces noms si vite que je ne peux pas vraiment
15 vous répondre.
16 Question: Afin de faciliter les choses et comme nous n'avons pas beaucoup
17 de temps, je vais simplement vous demander s'il y a des membres de votre
18 famille qui ont été expulsés et, si c'est le cas, donnez-nous le nom d'une
19 ou deux de ces personnes.
20 Réponse: Un instant. Bien. Alors aucun de mes frères. Enfin un de mes
21 frères a été expulsé. Mais en fait il n'a pas été expulsé. Cela s'est
22 passé complètement par hasard. Il a emmené sa femme à l'hôpital et le jour
23 même où le conflit a débuté, il se trouvait là, donc il n'a pas pu
24 rentrer. Donc il est parti avant...
25 Question: Essayez de vous concentrer sur mes questions, s'il vous plaît.
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1 Donnez-nous les noms de membres de votre famille qui ont été chassés,
2 expulsés. C'est très simple.
3 Réponse: Mon frère Sedjad Tuco.
4 Question: Et comment se fait-il que lui était chassé et que vous, vous
5 ayez pu rester?
6 Réponse: Je vais vous expliquer cela très vite. Il n'a pas été expulsé. Sa
7 femme était malade. Il l'a emmenée à l'hôpital de Zenica pour qu'elle
8 subisse des examens. Donc quand il y est allé, il a fallu qu'il passe la
9 nuit chez sa sœur. Il voulait rentrer le lendemain, mais il n'a pas pu
10 rentrer. Il ne savait pas qu'il y aurait la guerre, donc il se trouve
11 simplement que par hasard il est parti le jour du conflit. Il ne serait
12 pas parti s'il avait su...
13 Question: Bien. Puisque vous n'êtes pas en mesure de répondre à mes
14 questions, je vais passer à autre chose pour pouvoir en finir avec ce
15 contre-interrogatoire dans les trois minutes qui viennent.
16 Au sujet de votre arrestation, vous nous dites que vous ne connaissiez pas
17 les soldats qui vous ont arrêté mais qu'il connaissait votre surnom. Est-
18 ce qu'ils avaient une liste qui leur permettait de savoir comment vous
19 vous appeliez? Un document quelconque?
20 Est-ce que vous avez remarqué cela quand ils sont venus vous chercher?
21 Réponse: Ils savaient fort probablement où j'habitais. S'ils n'avaient pas
22 su où j'habitais, comment auraient-ils pu me trouver? Mais je n'en sais
23 rien moi, cette liste je ne sais rien à ce sujet.
24 Question: Bien. La célébration qui a eu lieu à la caserne de pompiers,
25 est-ce que cette caserne se trouve sur la route de Stari Vitez?
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1 Réponse: Pardon?
2 Question: Vous nous avez parlé d'une célébration qui a eu lieu à la
3 caserne de pompiers le 15 avril, si je vous ai bien compris. Est-ce que
4 c'est bien la caserne de pompiers qui se trouve sur la route de Stari
5 Vitez?
6 Réponse: Oui, Stari Vitez. Oui, oui c'est la caserne de pompiers qui
7 appartient à toute la ville.
8 Question: Il ne me reste plus que trois questions et vous pourrez répondre
9 très rapidement. Premièrement, vous n'avez aucune idée du moment ou de
10 l'heure à laquelle cette célébration a pris fin, n'est-ce pas?
11 Réponse: Je ne sais pas exactement à quelle heure parce que je ne suis pas
12 resté jusqu'à la fin. Je suis parti. Je ne suis même pas allé dans le
13 nouveau bâtiment en ville.
14 Question: Toujours dans le cadre de cette question, je voudrais savoir à
15 quelle heure vous avez vu Mario Cerkez à cet endroit.
16 Réponse: Vers midi. Disons entre 11 heures et 13 heures, ou peut-être vers
17 11 heures 30.
18 Question: Question suivante: Nikola Krizanovic, qui était-il?
19 Réponse: Nikola Krizanovic. C'est un ingénieur mécanicien. Je le connais
20 très très bien. On travaillait ensemble. Il travaillait, ensuite, il a
21 suivi une formation supplémentaire professionnelle, et puis...
22 Question: Et quel était son emploi, sa profession?
23 Réponse: Nikola Krizanovic? Je n'en sais rien. Je sais simplement que
24 c’était un expert.
25 Question: C'est tout ce que je voulais savoir. Vous avez parlé d’un
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1 certain Ljuban qui était garde du corps. Garde du corps de qui?
2 Réponse: C'étaient trois frères… Ljuban? Non, je n'ai aucune idée. Ah,
3 Ljuban Calic. Il est venu avec Mario Cerkez, mais je ne sais pas si
4 c'était le garde du corps de Cerkez. Il n'était pas là au moment où la
5 célébration a eu lieu. Je l'ai vu sur les escaliers.
6 Question: Et vous avez pensé que c'était le garde du corps de quelqu'un?
7 Réponse: C'est ce que j'ai pensé, oui. C'est ce que j'ai supposé.
8 Question: Je voudrais savoir, est-ce que vous êtes sûr, Monsieur le
9 témoin, que c'était Ljuban ou pas?
10 Réponse: Je n'en suis pas sûr à 100 %. Je ne sais pas si c'était Vlado ou
11 Ljubo.
12 Question: Essayez d'être aussi rapide que possible. Vous savez qu'il y a
13 trois frères Calic.
14 Réponse: Oui.
15 Question: Donc êtes-vous en train de dire que telle personne
16 était présente ou est-ce que vous pensez que l'un ou plusieurs d'entre eux
17 pouvaient être présents?
18 M. Nice (interprétation): Voici une question assez tendancieuse puisqu'il
19 a donné les noms des frères en question et qu'il a dit qu'il était le
20 garde du corps.
21 M. le Président (interprétation): Oui. Poursuivons.
22 M. Kovacic (interprétation): Document 1477.11, la liste qui vous a été
23 communiquée. Ne perdons pas inutilement du temps avec ce document. Mais je
24 remarque que sur le compte rendu d'audience, sur l'écran, le témoin a
25 parlé dans le cadre de l'interrogatoire principal de Vlado Calic et non
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1 pas de Ljuban. Bon. Donc dans ce document, cette liste qui vous a été
2 communiquée précédemment, je voudrais juste que vous me disiez s'il s'agit
3 de Croates ou de Musulmans:
4 Trogrlic Vinko?
5 Réponse: Croate.
6 Question: Trogrlic Zoran?
7 Réponse: Croate.
8 Question: Nous pouvons convenir que toutes les personnes qui s'appellent
9 Tuco sont Musulmanes, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Donc il y a un certain nombre de Tuco. Ensuite Tunjic Branko.
12 Réponse: Croate.
13 Question: Turic Anka?
14 Réponse: Turic?
15 Question: Turic Anka?
16 Réponse: Croate.
17 Question: Turic Anto.
18 Réponse: Croate.
19 Question: Turic Darinka?
20 Réponse: Croate.
21 Question: Et Turic Franjo.
22 Réponse: Croate.
23 Question: Et un autre Franjo?
24 Réponse: Croate.
25 Question: Donc je souhaiterais signaler, pour le compte rendu d'audience,
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1 que sur 20 personnes figurant sur cette liste, 11 sont croates.
2 Monsieur Tuco, vous avez parlé du fait de sortir ou de ne pas sortir de
3 Vitez après le début du conflit. Donc vous, vous êtes resté parce que
4 c'était votre décision, n'est-ce pas?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Est-ce que quelqu'un vous a donné l'ordre de rester?
7 Réponse: Non, non. J'aurais pu partir mais je ne voulais pas partir.
8 Question: Je vais vous demander la chose suivante: est-ce que
9 personnellement, vous connaissez des Musulmans qui sont partis après la
10 guerre?
11 Réponse: Après ou avant?
12 Question: Après.
13 Réponse: Il y en a pas mal qui sont partis.
14 Question: Est-ce que ces personnes vous ont dit si elles étaient parties
15 de leur plein gré ou non?
16 Réponse: Dans la plupart des cas, elles ont dû partir.
17 Question: Pourquoi ont-elles dû partir?
18 Réponse: Parce qu'il y a d'autres personnes qui avaient été expulsées
19 d'ailleurs qui sont venues et elles, elles ont dû partir.
20 Question: Bien. Une dernière chose. Pendant que vous vous trouviez au
21 cinéma, est-ce que quiconque a été blessé suite au pilonnage qu'a subi le
22 cinéma?
23 Réponse: Non.
24 Question: Pouvez-vous nous dire précisément à quelle heure le cinéma a été
25 pilonné? Enfin, je veux dire à quel moment, quel mois? Est-ce que des obus
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1 ont touché le cinéma pendant que vous vous y trouviez?
2 Réponse: Eh bien, je ne sais pas si c'était avant ou après. Je ne me
3 souviens pas. Il y a eu beaucoup de pilonnages.
4 Question: Je n'ai plus de questions à poser au témoin. Merci Monsieur le
5 témoin.
6 M. Tuco (interprétation): Je vous en prie.
7 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur le témoin, d'être venu
8 déposer devant le Tribunal pénal international. Vous pouvez partir.
9 M. Tuco (interprétation): Merci.
10 (Le témoin, M. Tuco, est reconduit hors du prétoire.)
11 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant suspendre
12 l'audience pour passer à une audience ex parte dans dix minutes.
13 (L'audience est levée à 16 heures 05.)
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