Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Jeudi, 14 décembre 2000). (Audience publique.)

  2   (L'audience est ouverte à 9 heures 6.)

  3   (Réquisitoire du Procureur.)

  4   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, c'est à vous.

  5   M. Nice (interprétation): Je pense que la première chose qu'il convienne

  6   que je fasse aujourd'hui, après un an et demi de procès, c'est de rendre

  7   hommage aux interprètes et de les remercier de m'avoir supporté et de nous

  8   avoir apporté toute l'assistance qu'ils nous ont apportée et de nous

  9   tolérer encore pendant quelques heures. Je leur promets que je ferai de

 10   mon mieux pour bien donner un verbe avant de me lancer dans des phrases à

 11   tiroirs sans fin. Merci.

 12   J'ai beaucoup de choses à faire aujourd'hui, mais je n'ai qu'un temps

 13   limité à ma disposition. Il va sans doute me falloir faire des choix au

 14   fil des heures. Donc, hier soir nous avons reçu le mémoire en clôture de

 15   la défense et si j'avais été un petit peu plus rapide en lecture j'aurais

 16   pu lire toutes les pages de ces mémoires. Mais, j'ai quand même eu la

 17   possibilité de me pencher sur certaines parties de ces mémoires, pas dans

 18   leur totalité bien entendu. Et vous le saurez, Messieurs les Juges, sur la

 19   base d'une lettre que je vous ai envoyée il y a quelques jours, qu'il est

 20   possible que nous demandions de pouvoir consacrer à peu près une demi-

 21   heure de notre temps à une réplique aux plaidoiries de la défense.

 22   D'autant plus que nous n'avons pas été en mesure de lire dans leur

 23   totalité les mémoires en clôture de la défense et je serais reconnaissant

 24   à la Chambre d'y réfléchir.

 25   M. le Président (interprétation): Je n'ai pas vu cette lettre.


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  1   M. Nice (interprétation): Je m''xcuse j'ai pourtant envoyé un exemplaire

  2   de cette lettre à la Chambre.

  3   Nous avons ici la première affaire qui se termine et qui impliquait un

  4   homme politique de haut rang au Tribunal pénal international. Le moment

  5   ici n'est pas venu d'analyser tous les éléments de preuve qui ont été

  6   présentés, ce ne serait pas possible et sur la base des documents que nous

  7   vous avons fournis, vous savez que nous estimons qu'il est important que

  8   ce soit les mémoires en clôture, que les mémoires en clôture soient

  9   relativement brefs. Et ce que nous avons fourni, et j'espère que cela

 10   pourra vous aider, c'est un mémoire en clôture auquel nous avons joint un

 11   certain nombre de documents qui sont des outils. Je vais vous expliquer au

 12   fil des heures, ce matin et cet après-midi de quoi il retourne. Ces outils

 13   sont nécessaires car le volume de documents présentés est tel que certains

 14   dont moi sommes dans l'impossibilité absolue de se souvenir de tous les

 15   détails sans l'aide de divers systèmes, techniques ou autres.

 16   Vous constaterez qu'en fait je ne demande aux Juges de lire dans leur

 17   intégralité que trois que documents et demi. Je pense que, si vous pourrez

 18   demander à vos assistants éventuellement de prendre connaissance des

 19   autres documents si vous estimez qu'ils peuvent être utiles.

 20   Avant que je ne passe en revue ces annexes, ce sont les outils auxquels je

 21   viens de faire référence, je vous demande de me permettre de dire quelques

 22   mots au sujet de la manière dont je pense…, dont j'entends traiter les

 23   éléments de preuve présentés par les témoins à décharge. A la fin de

 24   n'importe quel procès, un avocat, un juriste est en mesure de déterminer

 25   la crédibilité d'un témoin ainsi que la qualité de ses éléments de preuve.


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  1   Mais ceci ne serait pas possible aujourd'hui. Je ne pense pas qu'il vous

  2   serait utile d'avoir un rapport détaillé sur ce que nous pensons sur

  3   chacun des témoins un par un. Ce que nous avons fait ici c'est quelque

  4   chose d'un petit peu différent et je vous demanderai,s’il vous plaît, afin

  5   de bien comprendre ce que je veux dire, de vous référer aux deux premiers

  6   documents. Je crains malheureusement que ce ne soit pas très intéressant

  7   pour les personnes qui sont dans la galerie du public mais je pense que

  8   c'est nécessaire malgré tout.

  9   Je vous demanderai donc de consulter vos classeurs et d'aller à l'annexe

 10   n°9. Je vais vous expliquer de quel type de documents il s'agit. Il est

 11   possible que je m'en serve ultérieurement. Donc cette annexe 9...

 12   M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que nous ayons ici

 13   toutes les pages de tous les mémoires en clôture.

 14   M. Nice (interprétation): J'ai pourtant demandé qu'on les amène dans le

 15   prétoire.

 16   M. le Président (interprétation): Tout ceci est devant nous.

 17   M. Nice (interprétation):Bien entendu, Monsieur le Président, aucun de ces

 18   documents ne peut être placé sur le rétroprojecteur parce que dans

 19   pratiquement tous les cas il s'agit de documents confidentiels qu'il

 20   convient de ne pas divulguer au public. Une fois de plus je demande aux

 21   personnes qui sont présentes dans la galerie du public de bien vouloir

 22   nous excuser puisque nous allons maintenant parler brièvement de documents

 23   qui ne sont pas accessibles au public et d'autre part je vous préviens

 24   d'ores et déjà qu'il faudra passer à huis clos partiel pendant de brèves

 25   périodes.


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  1   Donc à l'annexe n°9, l'annexe n°9 est une vue d'ensemble des éléments de

  2   preuve présentés par la défense de Kordic. Ensuite, vous avez un tableau

  3   qui vous présente tous les témoins par ordre alphabétique, d'abord les

  4   témoins de Kordic et ensuite les témoins de Cerkez. Pour chacun de ces

  5   témoins vous avez une analyse des sujets présentés, les concessions, le

  6   titre de concession n'est peut-être pas très heureux mais enfin ce que je

  7   voulais dire par là, je voulais également indiquer quels étaient les

  8   éléments présentés par les témoins, ainsi que nos observations sur la

  9   crédibilité.

 10   Je dois dire que je voudrais particulièrement remercier à se sujet Mme

 11   Kind, Mme Somers, M. Cameron et Mme Taylor. Ce sont eux qui ont préparé

 12   les résumés à gauche mais tout ce qui concerne la crédibilité des témoins

 13   a été fait par les représentants du Bureau du Procureur. Il est possible

 14   que ce document ne soit pas complètement exhaustif du fait du manque de

 15   temps, mais s'il arrive qu'il y ait un témoin sur lequel nous vous

 16   demandons de vous pencher ou sur lequel la défense s'appuie tout

 17   particulièrement, eh bien, vous avez ici un document qui vous permet de

 18   voir ce que nous avons à dire de ce témoin ou ce que nous aurions pu dire

 19   de ce témoin si on nous avait demandé expressément de le faire.

 20   Je le répète la colonne qui s'intitule "crédibilité" n'est pas complète.

 21   Et les éléments reconnus, les concessions reconnues par les témoins non

 22   plus ne sont pas complets, mais peuvent vous être utiles. Il se peut que

 23   je vous demande de consulter ce document si un témoin se révèle

 24   particulièrement important dans le cadre de la détermination de cette

 25   affaire.


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  1   Bien je vais maintenant parler des témoins, je voudrais dire quelques mots

  2   au sujet de la manière dont ces témoins viennent ici soit à charge, soit à

  3   décharge. Il y a des situations qui sont différentes d'une part pour

  4   l'accusation et d'autre part pour la défense. La Chambre de première

  5   instance a eu connaissance des difficultés, des réticences auquelles nous,

  6   membres du Bureau du Procureur, avons été confrontés parfois. Les témoins

  7   viennent de plusieurs différents horizons ils ne viennent pas tous de

  8   Bosnie parce que certains se sont installés ou ont été réinstallés

  9   ailleurs et lorsqu'ils viennent ici, on les a aidé à se préparer. Nous les

 10   avons aidés à se préparer, et ce qui se passe, c'est que tout le monde est

 11   au courant de leur déclaration préalable, donc la préparation des témoins

 12   est tout à fait neutre en ce qui nous concerne. Ceci la Chambre pourra le

 13   constater.

 14   C'est quelque chose de bien différent de la situation qui est celle des

 15   témoins de la défense qui viennent de l'ex-Yougoslavie. Bien entendu la

 16   Chambre de première instance a veillé scrupuleusement à traiter de façon

 17   tout à fait équitable toutes les personnes qui viennent dans le prétoire.

 18   Cela ne signifie pas pour autant qu'à la fin de l'affaire il convienne de

 19   croire dix témoins pour chacune des parties. Il est possible que nous vous

 20   demandions de vous poser la question en temps utile. Il se peut en effet

 21   qu'un grand nombre de témoins à décharge cités dans cette affaire se

 22   caractérisaient par une non fiabilité que l'on ne peut ignorer. La Chambre

 23   pourra conclure qu'il était clair que ces témoins faisaient preuve

 24   d'amnésie sélective, d'incertitude sélective, et qu'ils s'exprimaient par

 25   formules. Et ceci on ne peut pas ignorer, il faut le prendre en compte au


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  1   moment de déterminer la crédibilité individuelle de ces témoins. Si la

  2   Chambre estime, au bout du compte, qu'il y a eu ici un cas d'amnésie

  3   collective, ceci pourra peut-être influencer l'opinion qu'aura la Chambre

  4   sur l'ensemble des témoins de la défense.

  5   Si j'ai bien compris dans les mémoires en clôture de la défense, on se

  6   plaint de certains des témoins que nous avons cités. J'en parlerai

  7   d'ailleurs à huis clos partiel ultérieurement. Apparemment, on se plaint

  8   également du fait même que nous ayons cité ces témoins à la barre.

  9   Je voudrais ici dire quelque chose très clairement. Nous avons été

 10   déterminés à faire venir les clients, les témoins les plus fiables. Notre

 11   seule préoccupation c'est la vérité, et nous estimons que si un témoin est

 12   crédible sur les questions essentielles, il convient d'entendre ce témoin

 13   même si parfois on se rapproche plus d'un rôle, d'un système de "civil

 14   law" que de "common law". Donc voici les principes que nous avons adoptés

 15   dans le cadre de la convocation de nos témoins.

 16   Je parlerai des témoins qui font l'objet de contestation de la part de la

 17   défense ultérieurement.

 18   Ce que j'ai dit au sujet des témoins de la défense et ce que j'ai dit

 19   également au sujet des témoins de l'accusation se place dans le contexte

 20   suivant et j'aborde ici un autre thème de nature générale. Dans un procès

 21   comme celui-ci, on passe longtemps, ici pratiquement deux ans, à prouver,

 22   à essayer de trouver ce qui se trouve dans l'esprit des accusés. Et ces

 23   accusés sont en droit d'attendre que nous prouvions, ce que nous avons à

 24   prouver. Mais quand une affaire dure aussi longtemps, on finit par

 25   apprendre inévitablement un certain nombre de choses au sujet des accusés.


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  1   Et ici, et la Chambre pourrait estimer que cela concerne les deux accusés,

  2   ici les choses ont évolué au fil du procès. Les choses ont évolué parce

  3   que des pièces sont apparues qui n'étaient pas disponibles au début du

  4   procès et qui ne peuvent absolument pas être rejetées par les accusés,

  5   même si au début du procès, bien entendu, les accusés avaient

  6   inévitablement rejeté tout ceci.

  7   Il y a d'abord la cassette audio, une cassette de l'enregistrement d'une

  8   conversation entre Kordic, Blaskic et d'autres. Il est trop risqué de nier

  9   qu'il s'agit ici des voies que nous avons avancées. Ceci a donc été

 10   reconnu par la défense mais auparavant la défense avait essayé de dire que

 11   cette cassette avait été falsifiée. Des preuves scientifiques ont été

 12   apportées à ce sujet, mais si j'ai bien compris, dans le mémoire en

 13   clôture de Kordic, on affirme toujours qu'il est possible de créer de

 14   toute pièce ce type de cassette. Mais ce n'est pas ce qu'ont montré les

 15   preuves.

 16   M. le Président (interprétation): Oui, mais une décision a été prise à ce

 17   sujet et la pièce en question a été admise. La seule question à déterminer

 18   c'est le poids qu'il convient à lui accorder.

 19   M. Nice (interprétation): Dans ces conditions, Monsieur le Président, je

 20   vais maintenant retourner au thème du comportement de la défense au sujet

 21   de cette cassette. Les témoins qui ont entendu eux-mêmes cette

 22   conversation et qui ensuite l'ont enregistrée, nous les avons entendus

 23   dans le prétoire. Et ces éléments de preuves étaient renforcés par des

 24   éléments de preuve qui sont arrivés tardivement en provenance de deux

 25   sources. Tout d'abord, nous avons eu un rapport qui venait d'un certain


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  1   Batinic, un rapport que nous examinerons ultérieurement, et qui montrait

  2   effectivement que Kordic avait donné des instructions en matière

  3   d'artillerie. Ce document est sans équivoque.

  4   Ensuite, nous avons eu le journal de guerre qui montre exactement la même

  5   chose pendant la même période. Alors que se passe-t-il? Eh bien, nous

  6   constatons très tardivement, presque avec le dernier témoin, ... donc il

  7   est vrai que Kordic a donné des ordres de nature militaire et que cela a

  8   fait rire tout le monde. Si l'on pense qu'un procès est un jeu, on peut

  9   considérer que c'est jouer de malchance que de voir arriver des éléments

 10   de preuve tardivement. Mais ce qui s'est passé ici est beaucoup plus

 11   grave.

 12   Ce qui est maintenant dit par Kordic est la chose suivante: c'est que oui,

 13   effectivement il a délivré des ordres militaires. Qu'est-ce que cela nous

 14   montre? Qu'est-ce que cela nous dit au sujet de tous les témoins qu'il a

 15   fait venir, des témoins qui venaient de ce réservoir que j'ai mentionné

 16   précédemment, de ce réservoir de témoins; ces témoins qui ont déposé en

 17   disant le contraire. S'il a donné des ordres et que cela faisait rire tout

 18   le monde, à ce moment-là, ces témoins auraient dû le savoir et auraient dû

 19   nous en parler mais ils ne l'ont pas fait.

 20   Il y a eu un autre exemple que je souhaiterais donner, qui n'est pas

 21   trivial, je pense. Il s'agit encore des témoins de la défense et malgré le

 22   temps limité qui m’est imparti, je vais en parler quand même. Il s'agit

 23   d'un certain Sisak, qu'on pourrait qualifier de bizarre. J'en ai parlé

 24   dans mon mémoire en clôture, je ne vais pas répéter ce que j'ai à dire à

 25   ce sujet.


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  1   Moi, j'estime que la société a besoin de personnes telles que Sisak, de

  2   gens qui ne sont pas faciles, mais qui parlent quand tout le monde refuse

  3   de regarder la réalité en face avant qu'il ne soit trop tard.

  4   La seule façon d'attaquer cet homme, et c’est ce qui est fait apparemment

  5   dans le mémoire en clôture, c’était d’affirmer qu’apparemment il souffrait

  6   de troubles mentaux. Ceci a été très rapidement abordé dans le cadre du

  7   contre-interrogatoire.

  8   Un certain nombre de témoins ont été cités. Il y a eu également des

  9   déclarations sous serment au sujet de la santé mentale de cette personne.

 10   Or, ce qui est apparu c’est qu’il est parti à la retraite de façon

 11   anticipée, apparemment pour des raisons psychologiques et mentales. Le

 12   médecin de la défense, qui a été appelé pour traiter de cette question, a

 13   été incapable de donner des réponses dignes de ce nom. Et la Chambre n'a

 14   pas choisi d'entendre M. Sisak à nouveau à ce sujet.

 15   Mon argument est le suivant. Pourquoi tous ces témoins, je ne sais plus

 16   combien il y en avait, deux, trois ou quatre, essayaient-ils de miner la

 17   crédibilité de cet homme?

 18   Et la défense de Cerkez a également ici des difficultés, c'est un problème

 19   qu'ils soulignent dans leur mémoire en clôture. S'ils ne l'avaient pas

 20   mentionné dans leur mémoire en clôture, comme on m'en a informé, je ne le

 21   ferais pas.

 22   Vers la fin de l'audition des témoins de Cerkez, nous avons eu accès à des

 23   documents dont l'authenticité n'a pas pu être contestée par son propre

 24   témoin, Gordana Badrov. Et ces témoins démontrent indéniablement son

 25   implication dans l’affaire d’Ahmici, puisque sa signature figure sur ces


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  1   documents.

  2   A peu près à la même époque, et suite à ce que l'on pourrait considérer

  3   comme une attitude très large de la Chambre en ce qui concerne les

  4   documents, et l’attitude aussi généreuse de la part de l'accusation qui

  5   n'a pas souhaité argumenter en faveur des droits fondamentaux de

  6   l’accusation dans ce domaine, un grand volume de documents ont ainsi été

  7   fournis à M. Cerkez. Sur la base de ces documents.

  8   Il a demandé un arrêt du procès, un arrêt provisoire du procès, qui lui a

  9   été refusé, mais il utilise toujours ces documents dans le cadre de son

 10   mémoire en clôture.

 11   Je n'aborde la question que parce qu’il la mentionne dans son mémoire en

 12   clôture.

 13   Si véritablement on avait souhaité traiter de cette question dans une

 14   affaire où il y a déjà eu beaucoup d’appels interlocutoires, cela aurait

 15   pu être fait, mais la réalité que l’on ne peut contester c'est que ces

 16   documents ont montré la participation de Cerkez. Et il ne peut le

 17   contester, mais il ne peut y répondre.

 18   Ceci nous ramène à la même problématique que dans le cadre de la défense

 19   Kordic.

 20   Que faisaient ces témoins qui avaient été appelés en son nom? Par exemple

 21   Brtovic, mais ce n'est qu'un parmi d'autres. Donc des témoins qui nous ont

 22   parlé de ce qu'ils avaient fait cette nuit-là, et ils devaient savoir, ces

 23   témoins, que tout ceci était complètement faux.

 24   J'en ai terminé avec ces remarques de nature générale.

 25   M. le Président (interprétation): Avant de vous laisser terminer, je


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  1   souhaiterais que vous répondiez à la question suivante, peut-être pas tout

  2   de suite, mais en tout cas dans le cadre de votre réquisitoire.

  3   Il y a deux questions de nature générale auquel je souhaiterais que vous

  4   répondiez, s'il vous plaît.

  5   La première a trait aux incidents de Busovaca. Aucune conclusion n'a été

  6   faite à ce sujet. Il s'agit ici d'une question tout à fait hypothétique

  7   que je pose, je souhaite le souligner. Mais je voudrais bien comprendre

  8   quelle est la position de l'accusation.

  9   A supposer que la Chambre de première instance conclut qu'il y ait des

 10   éléments de preuve qui indiquent que M. Kordic avait le contrôle de

 11   l'artillerie, à ce moment-là vous nous demanderiez sans doute d’en tirer

 12   la conclusion qu'il avait participé aux opérations militaires de Busovaca

 13   à l'époque. Et j’exprime tout ceci de manière tout à fait générale.

 14   Alors se pose la question suivante: quelle conclusion peut-on en tirer

 15   pour le reste de l'affaire? Je parle de son implication dans les questions

 16   militaires. Des éléments de preuve nous ont été apportés qui montrent

 17   qu'il était un homme politique de haut niveau dans la région. Il y a des

 18   éléments de preuve relatifs à Vitez auxquels vous avez sans doute fait

 19   référence.

 20   D'autre part, nous avons eu des preuves relatives à des ordres donnés en

 21   matière d'équipements, de personnels, et j'imagine que nous allez vous

 22   appuyer sur ces éléments de preuve.

 23   Mais la question est de savoir quelle conclusion vous nous demandez de

 24   tirer de ces documents, et de quelle manière ceci fait-il le lien avec les

 25   faits reprochés à l'accusé, surtout au fil des ans, en automne?


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  1   Et si, à un moment donné de votre réquisitoire, vous pouviez répondre aux

  2   questions, je pense que cela nous serait très utile.

  3   L'autre question a trait à l'autre accusé, M. Cerkez. Vous nous dîtes

  4   qu'il y a des éléments qui le placent à Ahmici, ou qui font le lien entre

  5   lui et Ahmici. Bien entendu, là vous faites référence à des documents qui

  6   disent qu'on a bien avancé à Ahmici. Il y a étalement des éléments de

  7   preuve qui indiquent que c’est la police militaire qui était responsable

  8   de ce qui s’est passé à Ahmici. Bien sûr, il existent d'autres éléments de

  9   preuve portants sur le fait que la Brigade de Vitez avait reçu l'ordre de

 10   déployer ses efforts afin de défendre Vransjka et Kruscica.

 11   Je souhaiterais savoir quelle est la position de l'accusation en ce qui

 12   concerne la participation de la Brigade de Vitez à Ahmici.

 13   M. Nice (interprétation): Je traiterai de ces deux points ultérieurement.

 14   Merci de me faire savoir à l'avance quels sont les points d'intérêt

 15   particulier pour les Juges.

 16   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il est nécessaire bien

 17   évidemment d'être prêt à entrer dans une analyse juridique et, tôt ou

 18   tard, je devrai le faire.

 19   Je souhaite tout d'abord expliquer quels sont les documents qui se

 20   trouvent devant vous. Et compte tenu du temps dont nous disposons, je vais

 21   probablement dire très peu de choses à ce sujet en ce moment.

 22   Dans le premier volume, mais peut-être le deuxième des documents que nous

 23   avons soumis, il existe trois parties portant sur l’aspect juridique.

 24   L'ordre dans lequel ils doivent être lus ne correspond pas nécessairement

 25   à l'ordre dans lequel ils ont été présentés. Il faudrait commencer par


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  1   l'Annexe 5, les éléments des délits qui sont contenus dans l'acte

  2   d'accusation modifié.

  3   Ceci constitue une analyse complète des Articles 2, 3 et 5, c'est-à-dire

  4   des crimes liés à ces articles-là, du point de vue du Procureur.

  5   Si nous regardons la table des matières, page 1, nous verrons ici et dans

  6   un autre document qu'effectivement l'Acte d'accusation peut se lire de

  7   manière à l'inverse, puisque conformément à l'Article 5 le Procureur

  8   commence l’énoncé de l’énumération des faits reprochés. Et en ce qui

  9   concerne l'Article 5, les persécutions, le Procureur considère concernant

 10   l'intention criminelle qu'elle n'est pas particulièrement prononcée. Mais

 11   il est nécessaire de constater qu'il s'agit là d'une violation des droits

 12   fondamentaux sur la base discriminatoire.

 13   Donc, la phrase «intention discriminatoire» peut induire en erreur. Les

 14   droits évoqués dans ce contexte sont les droits à la vie, à l'intégrité

 15   physique, à la propriété, etc.

 16   Nous allons revenir maintenant à la page 1 où l'on analyse les crimes

 17   relatifs aux Articles 2 et 3. Je ne propose pas d'entrer dans les détails

 18   de ce document ici aujourd'hui, les Juges peuvent le prendre en

 19   considération.

 20   Maintenant je souhaite que l'on passe à une autre annexe pertinente. Il

 21   s'agit de l'Annexe 7, annexe portant sur la responsabilité individuelle

 22   conformément à l'Article 7-1 et 7-3 du Statut. Ces dispositions, je pense

 23   que les Juges les reconnaîtront.

 24   Bien évidemment, il est possible de trouver que la personne est coupable

 25   en vertu de l'Article 7-1 et 7-3 à la fois.


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  1   Notre position concernant les deux accusés est la suivante. D'après

  2   l'article 7-1, ils peuvent être considérés comme coauteurs de crimes, mais

  3   compte tenu de la quantité de documents, bien sûr, il revient aux Juges de

  4   décider de quelle manière il est possible de catégoriser la culpabilité au

  5   cas où elle serait prouvée.

  6   Et en ce qui concerne 7-3, il s'applique dans les deux cas également.

  7   M. le Président (interprétation): Comment est-ce que les Juges peuvent s’y

  8   référer en ce qui concerne Kordic, un civil qui ne fait pas partie

  9   formellement de la chaîne de commandement?

 10   M. Nice (interprétation): Bien évidemment, les moyens de preuve se basent

 11   sur les faits. En ce qui concerne la position formelle, bien sûr qu'elle a

 12   une certaine importance, mais ceci ne détermine pas l'ensemble de

 13   l'affaire de quelque manière que ce soit.

 14   A notre avis, son autorité était telle que bien sûr il pouvait initier,

 15   qu'il le faisait parfois, les sanctions disciplinaires et autres. En ce

 16   qui concerne par exemple ce qui s'est passé à Stupni Do, il a déclaré

 17   qu'il a pris ce genre de mesures même si cela n'a pas abouti.

 18   Donc, ce que nous disons au fond est que, de fait, il a été à même de

 19   faire tout ceci.

 20   M. Robinson (interprétation): Seriez-vous d'accord pour dire que le seuil

 21   nécessaire portant sur les pièces à conviction qui sont nécessaires afin

 22   d'établir la responsabilité de commandement d'un civil devrait être plus

 23   élevé que dans la situation d'une personne qui fait partie formellement de

 24   la chaîne de commandement en tant que militaire?

 25   M. Nice (interprétation): Nous ne sommes pas d'accord avec cela et nous


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  1   proposons que l'on se réfère au Statut de la Cour pénale internationale.

  2   M. Bennouna: Monsieur Nice, je n'ai pas très bien compris ce que vous

  3   venez de dire. Est-ce qu'il y a dans votre mémoire...

  4   M. Nice (interprétation): Excusez moi, je ne sais pas pourquoi, mais je

  5   n'ai pas reçu la traduction. Pour le moment, j'essaie de trouver la bonne

  6   chaîne car je préfère entendre cela en anglais.

  7   M. Bennouna: D'accord.

  8   M. Nice (interprétation): Pourriez-vous réessayer, s’il vous plaît?

  9   M. Bennouna (interprétation): Je pourrais écouter en français également.

 10   Voici le problème. Vous avez dit dans votre mémoire et aussi dans le cadre

 11   de l'annexe qu'une personne peut être responsable en vertu de l'Article 7-

 12   1, ce qui peut être défini comme responsabilité directe et Article 7-3,

 13   c'est-à-dire responsabilité indirecte, donc d'une certaine manière, la

 14   responsabilité de commandement face aux subordonnés de la personne en

 15   question. Si je vous ai bien compris, vous suggérez qu'une personne peut

 16   être responsable pour les mêmes faits, pour même comportement en vertu de

 17   l'Article 7-1 et 7-3, ou bien est-ce que vous parlez du cumul des charges

 18   et vous proposez que les Juges adoptent une décision à ce sujet là? Est-ce

 19   que vous pourriez être plus précis?

 20   M. Nice (interprétation): Je pense que techniquement ce serait possible

 21   mais les Juges dans une décision ont exprimé le point de vue selon lequel

 22   c'était irréaliste puisque si vous êtes en position de commandement, bien

 23   sûr que vous avez la possibilité de sanctionner vos subordonnés. Il existe

 24   donc une possibilité technique, mais théoriquement ce serait possible.

 25   Le troisième document auquel je souhaiterais attirer votre attention,


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  1   l'attention des Juges de la Chambre, concernant l'aspect juridique, est

  2   contenu dans l'annexe 7. qui est présentée en trois ou quatre parties.

  3   L'annexe 7 porte sur le conflit armé international. La partie juridique de

  4   cette annexe et d'ailleurs en ce qui concerne le document sur lequel nous

  5   nous sommes penchés tout à l'heure portant sur l'Article 7, je souhaite

  6   particulièrement remercier M. Guariglia de son assistance. En ce qui

  7   concerne l'annexe 7, nous y présentons brièvement le point de vue

  8   juridique portant sur le conflit armé international, relatif notamment aux

  9   faits reprochés en vertu de l'Article 2.

 10   Notre position en ce qui concerne le paragraphe 8 à la page 4, est qu'il

 11   est nécessaire d'apporter des preuves sur le contrôle total dans le cadre

 12   de l'organisation, la coordination et la planification des actions

 13   militaires du HVO. Et puis, dans certaines parties de cette annexe

 14   notamment à la page 6, nous avons présenté un résumé du point de vue

 15   portant sur les points juridiques. Ensuite à partir de la page 6, nous

 16   avons fait une analyse des positions des témoins, ensuite les pièces à

 17   conviction portant sur la participation directe des forces de la HVO en

 18   Bosnie-Herzégovine. Ensuite nous passons à la section B page 22,

 19   concernant la participation directe de la Croatie, le contrôle direct etc.

 20   Ensuite le rapport portant sur l'aspect logistique est contenu à la page

 21   31. Nous considérons que cette analyse des informations dont nous

 22   disposons peut vous être utile, nous avons à l'esprit le fait que bien sûr

 23   la Chambre décidera de l'utilité de ces documents relatifs au conflit

 24   international armé. Il s'agira donc des documents que vous avez à votre

 25   disposition et qui peuvent être utiles à joindre.


Page 28255

  1   Je ne vais pas répéter les éléments de notre mémoire qui se présente d'une

  2   manière narrative mais, en ce moment, je souhaite me pencher plutôt

  3   brièvement sur un certain nombre des éléments de fait et je propose de

  4   traiter de cela maintenant. Ensuite, je souhaite traiter d'un document, je

  5   pense que ceci sera intéressant à la fois du point de vue de la Chambre et

  6   pour le public.

  7   Et ensuite je vais me pencher sur un nombre d'éléments contenus dans le

  8   mémoire de la défense. Je souhaite suggérer aux Juges de la Chambre,

  9   excusez-moi, je vais également me pencher sur un autre document. Nous

 10   avons en réalité proposé moins de documents que ce que l'on ne pourrait

 11   conclure à première vue. Je propose que l'on se penche maintenant sur

 12   l'annexe 6, qui porte le titre, le document relatif à la base de crime, au

 13   fondement du crime.

 14   Encore une fois je souhaite remercier M. Roberge. Il s'agit d'un document

 15   en ce qui concerne lequel nous pouvons voir de la page 1, qu'il parcourt

 16   les éléments différents de l'Acte d'accusation, à commencer par les

 17   persécutions et à travers tous les autres. Les Juges de la Chambre se

 18   souviendront que nous avons déjà présenté des tableaux, des organigrammes,

 19   portant sur les éléments que nous souhaitions prouver et les témoins par

 20   le biais desquels nous l'avons fait.

 21   Je vous propose maintenant de passer à la page 2, portant sur les chefs

 22   d'accusation 1 et 2 de l'Acte d'accusation, c'est-à-dire les crimes contre

 23   l'humanité. En ce qui concerne ce chef d'accusation des persécutions, il

 24   est réparti en plusieurs catégories. Nous pouvons constater cela dans les

 25   pages qui suivent, mais nous avons essayé de faire un résumé des moyens de


Page 28256

  1   preuve portant sur ce sujet en analysant le contexte municipalité par

  2   municipalité. Nous considérons que ceci permettra aux Juges de la Chambre

  3   de trouver quelle est la position de l'accusation à l'égard de ces chefs

  4   d'accusation.

  5   Les persécutions sont analysées de la page 2 à la page 82. Ensuite, à

  6   partir de la page 83, il est question de la responsabilité individuelle, à

  7   savoir les chefs d'accusation 3, 4, 5 et 6, et portant sur les deux

  8   accusés ; portant donc sur la violation des lois ou coutumes de la guerre

  9   et attaques illicites contre des populations et des objectifs civils.

 10   Ensuite il y a les meurtres dont l'analyse commence à la page 96 etc.

 11   Encore une fois il s'agit d'un document qui peut être utile à la Chambre

 12   de première instance dans le cadre de son analyse. A notre avis, cette

 13   affaire porte sur l'histoire constituée d'un nombre d'événements. Ces

 14   évènements ne peuvent pas disparaître. Les accusés doivent faire face à ce

 15   qui s'est fait. Ils ne peuvent pas s'échapper au fait que non pas

 16   seulement Milosevic mais aussi Tudjman étaient saisis des rêves portant

 17   sur l'extension territoriale.

 18   Donc si quelqu'un décide de se lier à une telle personne, une personne qui

 19   se lance dans des conquêtes territoriales, il est nécessaire de savoir que

 20   ceci entraîne une certaine responsabilité. Lorsqu'il s'agit de la conquête

 21   d'un territoire par le biais d'un parti politique, il s'agit là, encore

 22   une fois, d'une activité associée à un grand nombre de risques.

 23   Nous savons que dès le mois d’août 1990 le parti en Croatie affirmait que

 24   le peuple croate avait le droit de faire sécession. Et bien sûr, il s'agit

 25   là d'un parti qui s'est par la suite ramifié et ses ramifications ne


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  1   peuvent pas échapper à la responsabilité non plus. Tout comme ils étaient

  2   prêts à s'asseoir avec Valenta pour obtenir son soutien intellectuel. Je

  3   suppose qu'ayant lu le mémoire de la défense, que la défense considère que

  4   c'est une personne qu'ils soutiennent encore. Même si le Procureur a

  5   attiré l'attention sur les dangers de propositions portant sur le

  6   déplacement forcé des populations, l'accusé Kordic doit reconnaître que

  7   lorsqu'il s'est emparé de Busovaca au mois d'août 1991, même si peut-être

  8   ceci semblait être une bonne idée, ceci a entraîné pour lui d'un côté des

  9   opportunités et de l'autre des risques.

 10   Je souhaite dire, tout d'abord, que ce qui s'est passé avec les accusés

 11   reflète à la fois leurs forces et leurs faiblesses au cours d'une certaine

 12   période. Donc peut-être à l'époque, ils n'étaient pas conscients du fait

 13   de ce qu'ils étaient en train de préparer pour eux-mêmes.

 14   Nous savons que le 18 septembre 1991, le comité de crise a pris la

 15   décision d'organiser la défense de l'ensemble de la population croate.

 16   Nous savons qu'une décision a été prise, portant sur le fait que le

 17   pouvoir devait être concentré au sein d'un groupe, d'un petit groupe de

 18   personnes. A ce moment-là, le parti avait des personnes modérées à sa

 19   tête. Mais il est nécessaire de remarquer que l'une de ces personnes

 20   modérées, à savoir Kljuic a été remplacé, pourquoi? Kordic ne peut pas

 21   s'échapper devant le fait indiquant qu'au fur et à mesure la situation se

 22   développait.

 23   Là je vais attirer votre attention sur un autre document, que je propose

 24   que l'on place sur le rétroprojecteur, il s'agit d'un autre document qui a

 25   été préparé par Mme Bock. Je souhaite la remercier.


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  1   Le document est contenu dans l'Annexe 10.

  2   Kordic ne peut pas échapper à la réalité suivante. Au fil du temps, et

  3   avec implication d'un certain nombre d'organes, Kordic a agi en

  4   bénéficiant de titres divers et variés. Le tableau que je viens d'évoquer

  5   est associé à des dates. Et on voit donc les dates de début et de fin de

  6   telle ou telle période, sans que la fréquence de l'utilisation de ces

  7   titres dans la période en question, soit mentionnée de façon très précise.

  8   Mais tout cela est présenté sous forme de tableau.

  9   On doit donc cette homme qui commence en tant que président du HDZ de

 10   Busovaca, après quoi il devient président du HDZ de Travnik, puis membre

 11   du comité de crise, puis vice-Président de la communauté d'Herceg-Bosna,

 12   vice-Président du HVO, membre du personnel régional du HVO, colonel en

 13   novembre 1992, commandant-adjoint de la communauté croate d'Herceg-Bosna,

 14   je pense qu'il ne l'a été qu'une seule fois. Et plus on descend dans ce

 15   tableau et on le voit arrivé au titre de chef-adjoint du grand quartier

 16   général du HVO. Ce titre a fait l'objet d'un certain nombre de

 17   controverses.

 18   Que pouvons-nous tirer de tout cela? Cela nous permet de mettre l'accent

 19   sur le fait que tous les hommes concernés, que parmi tous les hommes

 20   concernés, il n'était certainement pas le plus faible. Il a agi un peu

 21   partout sur le territoire concerné et il a dirigé pratiquement toutes les

 22   organisations existantes.

 23   Donc, il est difficile de penser que pour la prise de décisions très

 24   importantes, pour la prise des décisions les plus importantes, il n'était

 25   pas impliqué, ou en tout cas consulté. C'est une réalité, un fait auquel


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  1   il est impossible d'échapper.

  2   La défense est incapable de masquer le fait qu'entre les Croates et les

  3   Musulmans, la réalité c'est que les Musulmans ne savaient pas où aller. il

  4   n'y avait pas un Etat, un Etat d'origine où il leur était possible de se

  5   rendre.

  6   Le Bureau du Procureur n'a aucun intérêt à sauver les Musulmans des

  7   conséquences des crimes commis par eux en fonction de l'endroit où ils

  8   seraient rendus. Cela fait partie de notre mission de poursuivre les

  9   crimes quels qu'ils soient.

 10   M. Bennouna: Une minute rapidement au sujet de ceci. Vous venez de dire

 11   que monsieur, je vais le dire en anglais,(interprétation): à en juger par

 12   les emplois qui ont été les siens, il ne fait aucun doute que M. Kordic a

 13   agi sur l'ensemble du territoire, a fait partie de toutes les

 14   organisations existantes. Je pense qu'il y a un an et demi, il a été dit

 15   qu'aucune décision importante ne pouvait être prise sans qu'il soit

 16   impliqué. C'est une réalité à laquelle on ne peut pas échapper.

 17   (En français): Il est responsable de tout comportement criminel, de tout

 18   crime qui viendrait à se produire dans le territoire ou la région

 19   concernée sans qu'on ait à prouver le lien direct de cette personne avec

 20   ce crime.

 21   M. Nice (interprétation): Certainement pas. Nous n'adoptons pas une

 22   approche aussi formaliste ou formelle. Nous pensons qu'il convient de

 23   juger sur la base des faits. Mais il y a là un élément factuel, une

 24   réalité qui semble indiquer que cela est vrai et prouvé.

 25   M. Bennouna: Il y a une doctrine qu'on appelle la stricte responsabilité


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  1   ou la responsabilité objective du fait d'une position d'autorité dans une

  2   région déterminée.

  3   M. Nice (interprétation): Cela dépend. Par exemple, si nous parlons du

  4   poste de Kordic en tant que membre de la présidence, on peut penser qu'il

  5   avait une responsabilité du point de vue juridique pour tout ce qui

  6   découle directement de cette question-là. Il y a une responsabilité

  7   juridique à laquelle il ne peut pas échapper. Mais si l'on parle de

  8   l'ensemble des titres qui ont été les siens, et dont nous venons de

  9   parler, ce tableau que nous avons vu sur le rétroprojecteur il y a

 10   quelques instants, on se rend compte que selon les moments, tous ces

 11   titres ne l'exposent pas à une responsabilité criminelle, même s'il y a,

 12   pour certains d'entre eux, des possibilités d'ouverture permettant de

 13   prouver une telle responsabilité.

 14   Par exemple, dans les moments où il avait une responsabilité politique, en

 15   même temps qu'il signait des documents en tant que vice-président de la

 16   communauté croate d'Herceg-Bosna. Il appartient bien sûr aux Juges de

 17   cette Chambre d'en décider. Mais il est possible qu'à ce moment-là, dans

 18   cette période-là, le poste de responsable du HVO ait une implication plus

 19   directe et lui ait permis d'avoir une implication plus directe sur les

 20   actions du HVO, que son poste de responsable de la communauté croate

 21   d'Herceg-Bosna.

 22   Parce qu'indépendamment des documents que nous avons soumis à la Chambre,

 23   il y a là une certaine perte de responsabilité qui dans certains cas vient

 24   d'une fusion éventuelle de plusieurs postes, de plusieurs fonctions.

 25   Nous parlons de son poste au sein de la présidence. Nous n'allons pas


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  1   prendre en compte, indépendamment, chacun des postes qui ont été les

  2   siens. Mais tout ceci semble indiquer, selon les moments, que c'était lui

  3   qui était l'homme responsable, l'homme qui tenait les manettes, qu'il

  4   dirigeait un peu tout le monde, ça c'est la réalité.

  5   M. Bennouna (interprétation): Merci, Monsieur Nice.

  6   M. Nice (interprétation): Je crois avoir dit également, au début du

  7   procès, qu'il est possible qu'il y ait eu un élément significatif dans la

  8   réalité suivante. La réalité indiquant qu'en dépit de tous ces titres qui

  9   ont été les siens, il était très difficile de prouver qu'il avait agi de

 10   telle ou telle façon, à tel ou tel moment.

 11   M. le Président (interprétation): C'est exactement ce que le Procureur

 12   doit prouver. Le fait de prouver qu'il a eu des emplois multiples, des

 13   titres divers est une chose mais il faut aussi prouver qu'il a assisté à

 14   des réunions, qu'il a été responsable politique dans la région. Tout cela

 15   ne permet pas néanmoins à prouver qu'il est coupable d'infractions

 16   particulières retenues contre lui.

 17   M. Nice (interprétation): Oui, vous avez tout à fait raison.

 18   M. le Président (interprétation): C'est exactement cela qui fait l'objet

 19   de ce procès.

 20   M. Nice (interprétation): Oui, Monsieur le Président. D'ailleurs, ce que

 21   je m'apprêtais à dire dans la phrase suivante, avant votre intervention,

 22   permet précisément de régler cette question, mais peut-être d'une façon un

 23   peu différente que celle que vous venez d'indiquer. Si vous posez à

 24   l'homme du commun la question consistant à lui demander ce qu'il fait pour

 25   gagner sa vie, il est possible que cette personne vous réponde, je suis


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  1   juriste, je suis huissier ou juge. Et cet homme ou cette femme peut vous

  2   décrire la nature de son travail. Par ailleurs, toute personne observant

  3   cet homme ou cette femme, peut, après un temps déterminé, décrire le rôle,

  4   la fonction exercée par cet homme ou cette femme. La chose ne présente

  5   aucune difficulté.

  6   Nous avons dit, depuis le début de ce procès, qu'il y a une

  7   caractéristique assez particulière associée à cet ordre.

  8   Et là, je réponds un peu à la question posée par M. le Juge Bennouna. Il

  9   est possible qu'il ait une responsabilité objective dans certaines

 10   circonstances, mais en dépit en tout cas de tous les titres qui étaient

 11   les siens, si vous lui demandez: "comment passiez-vous vos journées, où se

 12   trouvait votre bureau, que faisiez-vous?", il arrive, à un certain moment,

 13   qu'il soit assez difficile de discerner quelle peut être la réponse à ces

 14   questions. Je crois avoir dit, dans le mémoire écrit, qu'aucun élément de

 15   preuve, tel par exemple qu'une déclaration émanant de son secrétaire, n'a

 16   permis de décrire en détail ses activités journalières quotidiennes. Tout

 17   cela semble noyé, caché par un voile de mystère.

 18   M. Robinson (interprétation): Il est possible, je ne sais pas, mais il est

 19   possible que vous souhaitiez tenir compte du fait que la possession d'un

 20   titre est tout de même une indication de responsabilité de jure. C'est

 21   tout de même une indication qui indique que la personne qui détient ce

 22   titre jouit d'une autorité lui permettant de se comporter comme ce titre

 23   semble l'exiger ; ce qui, quelquefois, n'a rien à voir avec le

 24   comportement effectif de la personne en question. Le fait de se demander

 25   si le comportement effectif correspond à la responsabilité, découle


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  1   précisément de cette responsabilité qui lui est octroyée de jure.

  2   M. Nice (interprétation): Oui et je vous remercie d'avoir utilisé les

  3   termes que vous venez d'utiliser. J'ajouterai, pour compléter votre

  4   argumentation, que si quelqu'un a un emploi correspondant à un titre qui

  5   le laisse en principe responsable par rapport à des subordonnés, mais que

  6   les éléments de preuve révèlent qu'il était totalement ignorant des

  7   actions commises par ses subordonnés dans un autre pays. Par exemple, je

  8   pense que cela répond à la question posée par vous et par le Juge Bennouna

  9   également et je ne pense pas que cela suffise à prouver sa responsabilité

 10   dans le cadre de son travail.

 11   Mais en l'absence d'éléments exculpatoires de ce genre, ces éléments, ce

 12   titre permet, au moins à première vue, d'indiquer, de penser qu'il assume

 13   une certaine responsabilité. Maintenant, j'en reviendrai à ce que je

 14   disais juste avant les interventions des Juges, si vous le voulez bien. La

 15   difficulté curieuse et assez mystérieuse que l'on éprouve à définir ce que

 16   cet homme faisait de ses journées, a elle-même sa signification

 17   intrinsèque car elle permet de démarquer cet homme de pratiquement tout

 18   autre personne.

 19   La Chambre peut conclure à l'existence de cette caractéristique pour cet

 20   homme en se fondant sur un fait qui suffit à cela. A savoir que cet homme

 21   était un être très puissant qui exerçait son contrôle de diverses manières

 22   qui ne nous ont pas été démontrées entièrement. Cela étant, le fait que

 23   ces modalités ne nous aient pas été démontrées entièrement, ne signifie

 24   pas que la Chambre n'est pas en droit de tirer la conclusion en toute

 25   sécurité que les éléments du contrôle et de la communication étaient


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  1   présents dans l'affaire dont nous parlons.

  2   Bien sûr, il est naturel, pour un crime, que celui-ci soit commis par un

  3   criminel qui essaie de jeter un rideau de fumée et d'obscurcir les preuves

  4   de ce qu'il a fait. Très souvent, on voit que les personnes qui jugent des

  5   faits de ce genre, lèvent ces rideaux de fumée, lèvent ces écrans pour

  6   arriver à la preuve et à déterminer ce qu'il s'est réellement passé. Ici,

  7   nous sommes en présence d'un homme, et je vais vous donner quelques

  8   exemples illustratifs, un homme qui, très tôt, dans l'affaire qui nous

  9   intéresse, se met à l'abri des opérations armées, et se cache des gardes

 10   qui passent dans la rue par exemple. Ceci est un des actes qui prouvent

 11   que cet homme a cherché à présenter une image peu nette, peu claire, peu

 12   transparente de lui. Pourquoi agir de cette sorte?

 13   Bien sûr, en temps de guerre nous savons bien que tous les fantasmes de

 14   l'imagination se donnent libre cours mais quand on voit un homme qui se

 15   cache aux yeux d'autres hommes en armes qui passent dans la rue, il y a

 16   une raison et cette raison est tout à fait claire. Cette raison c'est que

 17   cet homme souhaite que vous ne puissiez pas découvrir la vérité, la

 18   réalité de ce qu'il faisait. Réalité qui, elle, vous est indiquée par un

 19   certain nombre de titres, des titres qui, d'emblée ou de jure, semblent

 20   indiquer l'existence d'une responsabilité objective ou autre. Mais

 21   l'utilisation par cet homme de si nombreux titres nous permet d'utiliser

 22   une expression qui est tirée du monde de la pègre, c'est-à-dire que cet

 23   homme essayait de nous noyer dans l'ombre, d'agir dans l'ombre. C'est un

 24   homme qui, d'une certaine façon, se protégeait par rapport à l'avenir, et

 25   par rapport à la nécessité éventuelle de parler de façon détaillée de


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  1   l'autorité exercée par lui à l'époque.

  2   Je pense que j'ai déjà parlé du fait que les Musulmans n'avaient nulle

  3   part où aller, contrairement aux Croates qui, eux, avaient un intérêt bien

  4   précis à servir, pour autant qu'ils continuent à nourrir le désir de

  5   rejoindre l'Etat mère dont ils dépendaient. La Chambre a été confrontée

  6   récemment à un certain nombre d'éléments de preuve provenant de divers

  7   lieux et semblant indiquer que tout a commencé, que ce sont les Musulmans

  8   qui ont été à l'origine de tout. Il y a un certain nombre de questions qui

  9   on été évoquées devant cette Chambre et qui n'ont pratiquement pas été

 10   reprises en contre-interrogatoire et chose encore plus importante qui ne

 11   sont pas étayées ou prouvées par la communauté internationale. La Chambre

 12   se souviendra bien sûr que dans ce procès, la première surprise est venue

 13   de l'affaire Blaskic à savoir qu'un certains nombres d'éléments de preuve

 14   ont été présentés dans l'affaire Blaskic qui voulaient indiquer que les

 15   événements d'Ahmici ont été dus à une agression préalable des Musulmans.

 16   Cela a été présenté dans un certain nombre de documents s'étalant sur

 17   quatre jours ou une semaine à peu près. Nous invitons aujourd'hui la

 18   chambre à analyser ces événements selon lesquels prétendument il y aurait

 19   eu une agression préalable des Musulmans et à comparer les éléments de

 20   preuve à l'appui de cette thèse aux éléments à l'appui de la thèse selon

 21   lesquels il y aurait eu agression préalable du HVO et à relier tout cela

 22   au fait que les Musulmans, dans le lieu dont nous parlons, n'avaient aucun

 23   intérêt à se lancer dans des actes de violence. Ils n'avaient aucun but à

 24   poursuivre par utilisation de la violence contrairement au HVO et à Kordic

 25   et à tous ceux qui agissaient avec eux qui peut-être par excès d'ambition


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  1   ou par manque de conception de la réalité se croyaient détenteurs d'une

  2   mission, et voulaient obtenir l'application du plan Vance Owen de la façon

  3   qui leur convenait.

  4   M. le Président (interprétation): Permettez-moi de vous interrompre

  5   Monsieur Nice un instant. La défense affirme que l'accusé et les Croates

  6   de Bosnie de façon générale se défendaient et que les actions entreprises,

  7   notamment la création de la communauté croate de Herceg-Bosna, la création

  8   du HVO ont été suivies par des opérations militaires. Toutes ces actions

  9   faisant partie d'une vaste réaction défensive sinon d'un plan défensif

 10   destiné avant tout à attaquer les Serbes de Bosnie et pas précisément les

 11   Musulmans de Bosnie.

 12   Alors j'essaie de comprendre ce que veut dire le Procureur. Le Procureur

 13   dans la présente affaire est-il en train de nous dire qu'il existait un

 14   plan quelque part, un plan qui a été appliqué en Bosnie centrale? Plan qui

 15   a vu le jour en 1991, et a mûri avec la prise par le HVO d'un certain

 16   nombre de municipalités en 1992 et puis ensuite dans le conflit armé dans

 17   le recours à la violence auquel on a assisté en 1993. Ce que je vous

 18   demande car je veux comprendre si le Procureur est en train de nous dire

 19   que c'est ainsi que les choses se sont passées. Je pensais que c'était

 20   cela que voulait dire le Procureur mais aujourd'hui je suis en train de me

 21   demander si c'est bien cela ou si le Procureur nous dit qu'il s'est agi

 22   d'une réaction de la part des Croates de Bosnie à des événements

 23   antérieurs.

 24   Etes-vous en train de nous dire qu'il existait donc un plan global qui

 25   s'est simplement développé sur une période de trois ans, ou bien êtes-vous


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  1   en train de nous dire que tout cela n'a été que le résultat d'événements

  2   réels qui se sont produits sur le terrain, peut-être pourrez-vous répondre

  3   un peu plus tard.

  4   M. Nice (interprétation): Je peux répondre tout de suite Monsieur le

  5   Président. Pour répondre à votre première question, Monsieur le Président,

  6   je dirais tout simplement oui. M. Scott m'a écrit une petite note qui je

  7   crois répond très bien à toutes les nuances de la question que vous venez

  8   de poser. C'est-à-dire qu'il y a eu bien sûr le plan Vance Owen qui a

  9   permis aux Croate de Bosnie de légitimer leurs ambitions. Bien entendu ces

 10   ambitions ont peut-être évolué dans le détail au fil du temps, mais en

 11   tout cas le plan Vance Owe, selon les Croates de Bosnie, leur apportait

 12   une certaine forme de soutien. Donc la réponse à votre question, Monsieur

 13   le Président, c'est oui, bien sûr, ils l'ont fait comme M. Scott me l'a

 14   dit dans sa petite note écrite avec les moyens du bord, si je puis me

 15   permettre. L'un des aspects intéressant et important des éléments de

 16   preuve liés à cela, mais les Juges décideront du poids à accorder à ces

 17   éléments de preuve, c'est la réunion du 27 décembre 1991 dans le bureau de

 18   Tudjman.

 19   Les Juges de cette Chambre se rappelleront que c'est la seule décision de

 20   ce genre qui a été montrée au Juges de cette Chambre. Mais ce document

 21   sera peut-être suffisant car en d'autres circonstances il a été démontré

 22   que s'agissant de la Croatie et des autres participants à tout cela avec

 23   bien entendu Kordic, les choses étaient censées se passer publiquement

 24   mais ces choses rendues publiques n'avaient pas pour mission de dévoiler

 25   d'autres éléments qui eux faisaient partie d'un plan destiné à demeurer


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  1   secret. Ce plan secret devait rester secret.

  2   Ce plan secret, les Juges le détermineront peut-être, ne pouvait pas être

  3   révélé d'avantage par les conséquences de ces décisions, du début des

  4   organismes dont nous parlons. En effet, ces organismes au moment de leur

  5   création n'avaient pas de mandat démocratique, tout ce faisait sur la base

  6   du fait que le pouvoir octroyé à ces organismes était supposé, de même

  7   d'ailleurs pour les pouvoirs délégués par ces organismes à d'autres.

  8   J'ai parlé tout à l'heure des partis politiques, mais il y avait d'autres

  9   moyens d'agir, d'autres moyens qui ont été utilisés, donc décidés en

 10   dehors de tout processus démocratique. Tirer profit du malheur ou de

 11   souffrances d'autrui, permet de démontrer que l'on est fidèle à un groupe

 12   tout en étant presque automatiquement traître par rapport à un autre

 13   groupe. En effet dans certaines circonstances, il est impossible de

 14   partager avec les siens ce que l'on devrait ou pourrait partager avec des

 15   tiers ou plutôt de partager avec des tiers ce que l'on partage avec les

 16   siens sans que la personne avec laquelle on ne partage pas ne soit

 17   considérablement lésée. La Chambre gardera bien sûr à l'esprit. Je ne vais

 18   pas revenir sur le détail de la réunion qui s'est tenue dans la salle du

 19   bureau municipal de Busovaca et où il est fait référence à Kordic, à la

 20   Croatie, au pape, à l'Allemagne dans l'allocution qui a été entendue.

 21   Et puis ensuite il y a l'allocution de Kostroman, nous avons vu cela sur

 22   une cassette vidéo. La défense a parlé du maire de la ville, lorsqu'elle a

 23  évoqué ce meeting, cette réunion publique elle a parlé de (expurgé). Et nous

 24   disons avec le respect dû à la Chambre que c'est l'un des nombreux témoins

 25   qui s'est exprimé ici d'une façon aussi insatisfaisante, que l'on peut


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  1   même la taxer d'absurde.

  2   Enfin, j'ai (expurgé), excusez-moi je pensais à Maric, Zoran Maric, je vous

  3   prie de m'excuser. Même si l'on admet que ce qu'a dit Kostroman dans son

  4   intervention était acceptable, on doit se pencher sur le détail des

  5   réponses qui ont été apportées par lui à la nature changeante des

  6   événements de l'époque. Pourquoi? Parce que si les événements n'avaient

  7   pas abouti à ce à quoi ils ont abouti, peut-être qu'un certain nombre des

  8   arguments de Kostroman auraient pu être considérés comme acceptables.

  9   Pourquoi? Parce qu'il a fait preuve d'empathie avec les siens et il a, ce

 10   faisant,exprimé des points de vue extrêmes qui ne faisaient que pousser

 11   plus loin cette empathie considérée par certains comme acceptable à

 12   l'époque même si elle créait la peur et la terreur chez d'autres.

 13   Alors l'accusé Kordic, voyons un peu quelle a été sa carrière.

 14   C'était au départ un jeune responsable politique plein de talent qui

 15   ensuite prend les armes et qui se présente sous le jour d'un homme en

 16   armes, d'un garde en armes.

 17   Bien sûr, il est impossible de parler de la personnalité de cet homme. Il

 18   m'est impossible de le faire sans rappeler aux Juges de cette Chambre, que

 19   cet homme un peu curieux, ce Cicak, si vraiment il était curieux, n'a fait

 20   qu'utiliser sa liberté d'expression pour affirmer quelque chose qu'il

 21   avait sans aucun doute le droit d'affirmer, à savoir qu'il a été passé

 22   tabac.

 23   Cela vous montre à quelle vitesse la société dont nous parlons a changé,

 24   s'est transformée. La rapidité de cette transformation de la société vous

 25   permettra également de juger de la rapidité de l'évolution de la carrière


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  1   de Kordic.

  2   Ce que j'aimerais faire maintenant, rapidement, c'est commencé à examiner

  3   des documents qui tout simplement ne peuvent pas être contestés. Il y a

  4   toutes sortes d'éléments qui ont été apportés par des témoins, et bien

  5   entendu nous voulons que les Juges de cette Chambre considèrent tous ces

  6   éléments de preuve qui viennent du Bureau du Procureur pour en apprécier

  7   la valeur.

  8   Nous disons que ces éléments de preuve viennent du Bureau du Procureur et

  9   qu'ils sont fiables, dignes de foi. Par exemple, le fait que Merdan ait

 10   été passé à tabac après la prise de la ville en mai 1992, le fait que les

 11   Musulmans de Vares ont dû quitter le gouvernement pour prendre le chemin

 12   de l'exil comme tous les autres membres de leur communauté.

 13   Tout cela ce sont des documents, et je ne vous donne pas de détails faute

 14   de temps. Je vois que nous sommes un peu pressés par le temps. Donc, tous

 15   ces documents permettent d'étayer un certain nombre d'arguments.

 16   Le document du 10 mai 1992, la Chambre le connaît bien. Peut-être que je

 17   vais aller un peu vite pour le public, je prie le public de m'en excuser,

 18   mais c'est inévitable. C'est le document qui traite de la prise de la

 19   ville, vous connaissez très bien ce document. Il y est question, idem, de

 20   l'arrestation de Merdan, etc.

 21   M. le Président (interprétation): Les numéros des pièces à conviction nous

 22   aideraient.

 23   M. Nice (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 24   Z100. Ensuite le document Z111 où on trouve l'affirmation selon laquelle

 25   le HVO de Busovaca, cela est surligné en bleu au bas du document, est


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  1   responsable de toute l'organisation de la ville et de la défense de

  2   Busovaca jusqu'à l'organisation de conditions plus favorables. C'est une

  3   déclaration tout à fait claire, une affirmation de force et de pouvoir.

  4   Document suivant, il s'agit de la pièce 120, datée du 1e juin 1992,

  5   Kostroman et Kordic, un ordre disant à la municipalité, au quartier

  6   général municipal du HVO de Vares d'envoyer une unité de 30 soldats à

  7   Tarcin Do.

  8   Document suivant, pièce Z160, datée du 10 juillet 1992, le 1er juin le

  9   conseil de la défense, le conseil croate de la défense, a repris le

 10   pouvoir exécutif sur le territoire de la municipalité de Vares. C'est ce

 11   que nous lisons dans ce texte.

 12    Je vous demande un instant...

 13   Document du 20 octobre, de Blaskic qui parle de la situation à Novi

 14   Travnik. Si vous passez au paragraphe 3 de ce document, vous lisez: "Si je

 15   ne reçois pas des renforts ce soir, je serais contraint de retirer les

 16   unités de Jajce. Je vous demande instamment une réponse urgente". Il est

 17   question des raisons qui ont entraîné le blocage, l'encerclement d'Ahmici

 18   en octobre 1992 et de ce que les soldats allaient faire.

 19   Et puis enfin la pièce 243 que les Juges ici connaissent très bien. Page

 20   3, pièce 243 je crois que je l'ai déjà dit, nous entendons là des éléments

 21   nouveaux au sujet de Kordic et de Blaskic. Kordic est dans la région de

 22   Novi Travnik, il y mène, il y dirige des opérations militaires et connaît

 23   très bien la situation puisqu'il a toutes les forces sous son contrôle.

 24   Ceci est repris dans le mémoire de la défense. Mais les choses sont en

 25   fait tout à fait simples. Les mots ici signifient bien ce qu'ils


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  1   signifient, ils ne peuvent pas vouloir dire autre chose.

  2   La Chambre admettra, cela fait partie de l'historique de ce procès, qu'un

  3   certain nombre de documents militaires ont fait leur apparition qui

  4   portaient la signature d'une partie, et bien sûr des documents militaires

  5   qui portaient la signature de la partie adverse, et qui portaient la

  6   signature de Kordic.

  7   M. Bennouna: Vous voulez signifier que M. Kordic serait le supérieur de

  8   Blaskic ou qu'il serait au même niveau?

  9   M. Nice (interprétation): Nous ne sommes pas en mesure à l'instant précis

 10   d'affirmer avec toute l'exactitude nécessaire qu'il était supérieur à

 11   Blaskic ou qu'il faisait partie, ou qu'il était à un niveau parallèle de

 12   Blaskic.

 13   La chose deviendra peut-être plus claire un peu plus tard. Il y a des

 14   moments dans notre examen des événements ultérieurs qui nous permettrons

 15   de dire qu'en fait il était supérieur à Blaskic.

 16   Vous savez bien que selon le moment et selon les événements il est permis

 17   de penser qu'il était supérieur et à d'autres parties qu'il était

 18   simplement parallèle.

 19   Mais l'interprétation très simple des documents dont je viens de parler

 20   démontre qu'il avait un poste d'autorité et que cette autorité était

 21   égale, toute chose considérée, à celle de Blaskic.

 22   Vous vous rappellerez ce qu'a dit le colonel Stewart lorsqu'il est allé à

 23   Novi Travnik. A ce moment-là, il n'avait aucun doute sur l'autorité

 24   exercée par Kordic dans cette ville particulière à ce moment particulier.

 25   M. le Président (interprétation): Mais Blaskic n'était pas là. Il était


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  1   question surtout de Novi Travnik.

  2   M. Nice (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, mais j'ai

  3   dit: dans cette localité à ce moment particulier.

  4   M. le Président (interprétation): Oui, mais nous aimerions entendre les

  5   arguments du Procureur sur la position respective de ces deux hommes. Que

  6   dites-vous de cela?

  7   M. Nice (interprétation): Eh bien, Monsieur le Président, puisque vous me

  8   posez la question, notre position consiste a dire qu'il y avait à certains

  9   moments conflit entre ces deux hommes et qu'il est possible qu'il y ait eu

 10   lutte pour le pouvoir de temps en temps entre ces deux hommes. Mais les

 11   preuves ne sont pas très nombreuses sur ce sujet.

 12   A la lecture des documents, il est permis de penser que Kordic n'a jamais

 13   été moins puissant que Blaskic, pendant la période considérée.

 14   Comme je l'ai dit en répondant à la question posée par le Juge Bennouna, à

 15   certains moments il était même plus puissant que Blaskic.

 16   Bien entendu, les Juges de cette Chambre garderont à l'esprit deux

 17   éléments de preuve qui, d'une certaine façon, éclairent assez bien ce

 18   sujet et qui proviennent de sources différentes.

 19   Le général Merdan et le général de Brigade Cordy-Simpson ont fait

 20   remarquer tous les deux que Kordic avait la possibilité de prendre des

 21   décisions sans en référer au niveau hiérarchique supérieur, contrairement

 22   à Blaskic qui n'était pas dans la même situation.

 23   Je regarde l'heure, Monsieur le Président, bien sûr...

 24   M. le Président (interprétation): Oui. Est-ce que le moment vous convient

 25   pour une pause? Eh bien, nous suspendons une demi-heure.


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  1   (L'audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 11 heures 10.)

  2   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, pendant que nous avons la

  3   question à l'esprit. Vous nous avez demandé de disposer de temps

  4   supplémentaire afin de répliquer, or notre calendrier est très serré.

  5   Si vous souhaitez exercer ce droit à ce moment-là il faudra que vous

  6   déduisiez ce temps du temps qui vous a été imparti.

  7   M. Nice (interprétation): Bien entendu et je prendrai ma décision pendant

  8   la pause déjeuner. Le temps nous est donc compté.

  9   Je crois que je n'ai pas été trop vite ce matin. Les interprètes ont été

 10   en mesure de faire leur travail correctement et j'espère qu'il en sera de

 11   même maintenant.

 12   Nous parlons toujours des éléments de preuve et je souhaite vous présenter

 13   trois documents supplémentaires pour vous convaincre de leur utilité. Il

 14   s'agit de documents qui se trouvent dans le troisième classeur.

 15   Le premier de ces documents est l'Annexe 8, c'est un document extrêmement

 16   volumineux.

 17   Je suis très reconnaissant à Mme Bolk pour le travail considérable qui a

 18   été accompli dans l'établissement de ce document.

 19   Cette annexe comporte deux parties: une partie qui est consacrée à Cerkez

 20   et une autre à Kordic.

 21   Je vous demande de vous rapporter au sommaire et vous verrez que nous

 22   avons indiqué les différents types d'éléments de preuve présentés.

 23   Dans tous les documents que nous avons préparés, nous avons pris en compte

 24   le fait qu'il est très difficile pour les Juges des faits de s'y retrouver

 25   dans une affaire de ce type et avec le volume de documents que nous


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  1   connaissons.

  2   Par exemple, imaginons-nous que vous souhaitiez vous pencher sur des

  3   éléments qui indiquent que l'accusé effectivement disposait d'un contrôle,

  4   à ce moment-là vous pouvez vous rendre à la page 37. Si vous souhaitez

  5   examiner un certain nombre de discours prononcés, vous pourrez vous rendre

  6   à la page 11. Bien entendu, sous réserve de toute erreur ou omission

  7   possible. Vous trouverez donc des exemples de contrôle ou de commandement

  8   à la page 37.

  9   Nous avons des documents qui concernent l'usine de Bratstvo. Ensuite vous

 10   avez la position d'Aleksovski au sujet de la libération des prisonniers,

 11   l'évaluation de Duncan, etc.

 12   J'ai demandé à ce que les documents soient photocopiés recto verso afin

 13   qu'ils soient plus faciles à consulter. Donc dans chaque section vous avez

 14   le tableau qui est consacré au point indiqué au début.

 15   Le document suivant intéresse M. Cerkez et commence après la page 110. Ce

 16   document se présente de la même manière que le précédent. Vous avez

 17   d'abord un sommaire avec les différentes questions, les différents thèmes

 18   abordés.

 19   Vous constaterez qu'il y a un troisième document à la fin de cette annexe.

 20   Un document qui se trouve après la page 43, c'est un document qui a été

 21   établi par M. Lopez-Terres sur les soldats de la Brigade de Vitez au sujet

 22   des soldats qui ont participé à des actes de persécution. Egalement les

 23   soldats de la Brigade de Vitez qui ont été blessés ou tués, à la page 16.

 24   J'ai souhaité vous présenter très brièvement ces documents qui me

 25   paraissent extrêmement utiles et qui pourront compléter les questions que


Page 28276

  1   je pourrais vous donner éventuellement.

  2   J'espère que ces documents vous aideront. Bien entendu, tous ces documents

  3   vous ont également été fournis sous format électronique.

  4   Bien. Si vous le permettez, je vais passer encore en revue quelques

  5   documents mais rapidement et si je vais trop vite j'espère que les

  6   interprètes ne manqueront pas de me le signaler. Je procède de manière

  7   chronologique.

  8   316.2 une cassette. Non, je vous prie de m'excuser, ce n'est pas 316.2, il

  9   s'agit de la pièce 330, une allocution de Kordic. Les points importants

 10   ont été soulignés "territoire croate", etc., toutes ces questions qui nous

 11   intéressent. Un peu plus bas on voit: "Nous souhaitons libérer les

 12   territoires occupés".

 13   Document suivant, il porte la cote 609 en date de janvier 1993, pièce

 14   395.1. Son importance, il s'agit d'un courrier de Petkovic aux colonels

 15   Kordic et Blaskic "Affaiblissement de la ligne de défense face aux

 16   Chetniks parce qu’une autre cible est en vue".

 17   Document suivant 396.1, document qui est en date du 26 janvier 1993.

 18   Document adressé à Blaskic: "L'unité des Vitezovi a été engagée sur ordre

 19   du colonel Kordic". Fin de citation.

 20   La signification de ces documents ne peut être ignorée, d’après

 21   l'accusation.

 22   Avant que je ne poursuive peut-être trop rapidement avec le numéro 421.4,

 23   je souhaiterais dire la chose suivante. Nous en sommes au 20 janvier dans

 24   la chronologie des événements qui nous intéressent.

 25   Le 20 janvier c'est une date extrêmement importante. Peu importe à notre


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  1   avis que ce soit Kostroman ou Kordic qui ait été offensé d'avoir été

  2   arrêté et fouillé, peu importe. Apparemment on nous remet en question

  3   parce que nous avons changé de position à ce sujet, peu importe. Nous

  4   avons entendu des témoins à ce sujet. Peu nous importe. Quoi qu'il en

  5   soit...

  6   M. le Président (interprétation): Je vous prie de m'excuser de vous

  7   interrompre, mais je veux être bien sûr de la situation. Il s'agit du

  8   point de contrôle de Kacuni, n'est-ce pas?

  9   M. Nice (interprétation): Oui.

 10   M. le Président (interprétation): Et votre thèse était au départ que

 11   c'était Kordic qui y était?

 12   M. Nice (interprétation): Oui.

 13   M. le Président (interprétation): Je ne vais pas vous critiquer si vous

 14   modifiez votre position. Vu le stade des éléments de preuve disponibles

 15   les parties sont tout à fait en droit de modifier leur position.

 16   Mais je posais la question afin que tout soit bien clair pour nous. Je

 17   voudrais savoir si vous continuez à avancer que Kordic a participé à cet

 18   incident qui a précédé l'assassinat de Mirsad Delija?

 19   M. Nice (interprétation): Impliqué, oui. Quant à sa présence sur les

 20   lieux, les éléments de preuve disponibles semblent indiquer le contraire,

 21   si on observe la totalité des éléments de preuve disponibles.

 22   Je souhaiterais confirmer ma réponse en commençant un exercice assez long

 23   qui consiste à consulter le journal de guerre qui entre en jeu. La Chambre

 24   dispose de ce journal qui a été communiqué tardivement dans cette affaire.

 25   Ce document n'a pas été présenté très souvent en audience publique. Mais


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  1   il y a un certain nombre de pages que je pense intéressantes et je vais

  2   demander l'aide de M. Scott.

  3   Les numéros des pages figurent en bas à droite des pages. Et si le temps

  4   nous le permet je pense que nous allons consulter un grand nombre de pages

  5   de ce journal de guerre.

  6   Page 11 c'est le 20 janvier, et page 12 c'est la suite du 20 janvier. On

  7   voit à 16 heures 50 une indication qui indique qu'il s'agit de Kostroman.

  8   Pourquoi aurait-on inventé cela? Et 1 heure 5 plus tard, il est libéré. Et

  9   si on passe à la page suivante, en haut de cette page, on voit qu'il a été

 10   libéré avec l'assistance de Kordic.

 11   Donc pour répondre à la question que vous m'avez posé Monsieur le

 12   Président les événements dont nous disposons indiquent qu'il s'agissait de

 13   Kostroman mais en tout cas, lui, Kordic y a participé.

 14   Et ce qui est essentiel pour ce qui de cet incident, c'est l'admission de

 15   la part du maire, Maric, quel que soit ce que l'on peut lui reprocher en

 16   tant que témoin, mais en tout cas il a reconnu que tout ce qui s'est passé

 17   à Busovaca le 20, le pilonnage, le meurtre du jeune homme, etc., tout ceci

 18   découle de cette confrontation.

 19   Et plus encore, à partir d'un document de la défense qui a été fourni la

 20   semaine dernière, que je n'ai pas ici, mais vous vous en souviendrez, il

 21   est avancé, et c'est un prétexte, que la victime s'est approchée de

 22   soldats qui cherchaient sa maison avec une grenade à main. Or ce document

 23   est très révélateur, il y est stipulé, je cite: «Nous pensions que c'était

 24   la maison de l'homme qui nous avait arrêtés au point de contrôle», or en

 25   fait dans ce document on peut lire qu'il s'agit du frère de MD. Ils


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  1   cherchaient effectivement l'homme qui était sur le point de contrôle et

  2   ceci est très clair dans ce document. Tout ce qui nous a été raconté au

  3   sujet d'usage de grenades à main, etc., tout ceci est venu bien tard dans

  4   la procédure.

  5   Monsieur Lopez-Terres me rappelle que dans un autre document, 1461, que je

  6   ne vais pas vous présenter, mais je veux juste stipuler que certains de

  7   ceux qui sont identifiés comme étant les auteurs du meurtre sont

  8   Vukadinovic et Carli, dont on sait que c'étaient des gardes du corps de

  9   Kordic,donc ce jour-là, le 20 janvier, on voit l'état de la situation très

 10   clairement.

 11   Et l'un de mes confrères me rappelle une chose sur laquelle je souhaite

 12   insister devant vous, Messieurs les Juges, ce para état doit être étudié

 13   en fonction de sa réalité. Par exemple, si on regarde l'autorité juridique

 14   dont il disposait, cette espèce de para état, en fait il était entre deux

 15   eaux. Mais la réalité de la situation c'était que si vous alliez causer

 16   des ennuis aux dirigeants de ce para état, à ce moment-là voilà ce qui

 17   risquait de vous arriver. Et les réponses du maire Maric à ce sujet sont

 18   très révélatrices.

 19   Maintenant si nous passons à la page 17 du journal, peut-être n'y

 20   réussirai-je pas, en tout cas je vais essayer de procéder par ordre

 21   chronologique.

 22   Pages 17, 24 janvier, Kordic demande à ce que l'on procède à un examen de

 23   la situation dans la zone opérationnelle.

 24   Maintenant nous passons à un sujet différent. A la page 20, le 27 janvier, 

 25   on peut constater au bas de cette page la chose suivante: «Il a été


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  1   déterminé après des vérifications que des membres de la Compagnie de Vitez

  2   ont disparu» qui sont désignés ici comme des victimes.

  3   Je vais demander qu'on présente la page 22, nous en sommes au 29 janvier,

  4   ici vous avez un paragraphe extrêmement important au bas de la page, je

  5   cite: «M. Kordic a appelé et a demandé que l'artillerie ouvre le feu sur

  6   la région de Besici», fin de citation.

  7   Qu'est-ce que c'est ça, si ce n'est pas la preuve d'une autorité du

  8   commandement militaire exercé par cet homme! Mais ce n'est pas le seul

  9   exemple, la seule preuve de sa participation a des opérations

 10   d'artillerie.

 11   Parce que dans le document 447.1, nous avons ici un rapport très

 12   volumineux de l'officier d'artillerie Batinic et il parle à cinq reprises

 13   de l'intervention de Kordic. Il est parvenu à résister à une de ses

 14   interventions le 27 en essayant de raisonner avec Kordic, et ensuite cette

 15   intervention est suivie d'une deuxième intervention le 28.

 16   A cette occasion, peut-on placer la page sur le rétroprojecteur.

 17   Donc le 28, le colonel Kordic a demandé que les objectifs, le village de

 18   Lavsa et le village d'Hosanovic soient traités avec une pièce de 107

 19   millimètres, ce qui a été fait dans les 60 minutes. Donc il est indéniable

 20   qu'il était responsable, et Batinic le mentionne ultérieurement.

 21   Si nous revenons au journal, on va commencer à la page 22, il avait

 22   demandé que l'on ouvre le feu.

 23   Donc à la page 23, M. Kordic appelle et rappelle que son ordre doit être

 24   exécuté, il insiste pour que cela soit fait.

 25   Page 24, nous sommes toujours à la fin janvier, 15 heures 15, Mario Cerkez


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  1   signale qu'un mortier a fini de tirer et que cela a provoqué la panique et

  2   la fuite d'une partie de la population.

  3   Maintenant je souhaite que l'on consulte le document 421.4, un document du

  4   30 janvier, ordre de Kordic qui envoit la Compagnie Tomasevic, la

  5   Compagnie de la Brigade Tomasevic à Busovaca. Et le commandant de la

  6   Brigade de Tomasevic est responsable de l'exécution de cet ordre.

  7   Maintenant nous allons passer à la page suivante du journal, page 25,

  8   oublions la notation qui se trouve en haut à droite qui a été réalisée par

  9   quelqu'un d'autre, cela n'a pas d'importance.

 10   Donc 12 heures 20 le chef du Corps sanitaire de Zenica demande à voir

 11   Blaskic ou Dario Kordic. Ceci montre l'égalité de leur niveau de

 12   responsabilité.

 13   Ensuite page 26, la Forpronu a appelé: « Il y a une réunion demain, à

 14   Vitez». Morillon et Kordic demandent que le HVO confirme la réunion. Donc

 15   sa position est extrêmement claire ici.

 16   Maintenant si nous passons à la page 28, au bas de la page 28, nous sommes

 17   maintenant le… Je vous prie de m'excuser, même si on lit le 3 avril, non

 18   je retire ce document parce qu'ici il s'agit d'un paragraphe qui n'a pas

 19   un grand intérêt.

 20   En revanche le document suivant est très intéressant, en date du 2

 21   février, un ordre de Kordic en date du 2 février, pièce 437.1, qui ordonne

 22   le retour de l'unité Bruno Busic à Novi Travnik, donc autorité la plus

 23   totale, on ne peut pas contester ce document.

 24   Monsieur Lopez-Terres me rappelle, et je l'en remercie, un document qui

 25   précède celui-ci, document qui porte la cote 421.4, en date du 30 janvier


Page 28282

  1   1993, où Kordic dit avoir une Compagnie de la Brigade Tomasevic et une

  2   Compagnie en réserve à Vitez, etc.

  3   Avant d'abandonner le mois de janvier, je souhaite rappeler un point qui

  4   n'a peut-être pas été suffisamment traité lors des audiences publiques

  5   dans la présente affaire.

  6   Le 24 janvier, dans une communication qui a été interceptée, qui a eu lieu

  7   le 24 janvier, on entend dire Kordic à Blaskic: «Je veux le lance-

  8   roquettes multiple, le VBR, préparez-le moi pour tirer sur Kacuni, je veux

  9   l'entendre gronder», et ensuite il continue en disant: «Choisissez les

 10   cibles pour les mortiers, il faut tout brûler».

 11   Ensuite il fait référence, à la ligne 15, à Batinic, il dit qu'il faut

 12   préparer le lance-roquettes multiple pour Zenica. Ensuite il continue à

 13   dire, dans cette conversation avec Batinic, il n'en est pas sûr mais c'est

 14   peut-être cela: "Je lui ai dit qu'il ne devait rien faire sans ordre, je

 15   lui ai dit que nous allions tirer si Zenica réagissait sinon nous ne le

 16   ferons pas, uniquement Kacuni».

 17   Sur cette cassette, je le répète, il n'est parfois pas très clair qu'il y

 18   avait un ou deux hommes au point de contrôle.

 19   Mais en tout cas il dit: "Il faut en tuer 100 pour chacun des nôtres qui

 20   est tué."

 21   A la page suivante, dans la même transcription de cette conversation,

 22   quand Blaskic lui demande ce qui vient ensuite il lui répond: "Il faut

 23   faire pression sur eux au maximum et surtout tenir à l'œil ceux de

 24   Fojnica, Kakanj, et Visoko par là».

 25   Donc voici la façon de s'exprimer de quelqu'un qui est responsable, et de


Page 28283

  1   quelqu'un qui n'est pas responsable d'un territoire limité. Bien au

  2   contraire!

  3   Maintenant continuons avec le journal, page 30.

  4   Poursuivons la chronologie.

  5   Je vous prie de m'excuser, j'avais dit le 20, je voulais parler du 24, la

  6   Chambre m'aura corrigé sans doute.

  7   Page 30 du journal, il faut savoir que lorsque ces gens disent qu'ils

  8   étaient dans l'impossibilité de se déplacer, on voit ici la référence à un

  9   pilote d'hélicoptère qui doit être transféré à Prozor car l'armée de

 10   Croatie a besoin de lui, donc ceci en dit long sur la possibilité de

 11   déplacement de ces gens, ainsi que sur l'implication de la Croatie. Bien.

 12   Maintenant nous allons passer au 4 février. Un ordre, la pièce 439.2, du 4

 13   février, à cause de l'attaque des forces musulmanes venant du village de

 14   Dusina, sur la base d'un ordre oral délivré par le colonel Kordic, ensuite

 15   des instructions sont données quant à l'utilisation d'un lance-roquettes

 16   multiple de calibre 107.

 17   Journal de guerre, page 33, non, en fait nous n'en avons pas besoin,

 18   essayons de gagner du temps.

 19   Si on examine la page 34, on voit en bas de page au point 7, je cite:

 20   "Après consultation avec M. Dario Kordic, puisque les détonateurs et les

 21   équipements techniques peuvent être utilisés à des fins militaires, nous

 22   pouvons répondre positivement à votre demande de permis de fourniture

 23   d'équipements." Fin de citation.

 24   Page suivante, le 19 février, non finalement, je ne vais pas en parler.

 25   Cela n'est pas nécessaire.


Page 28284

  1   501.1, s'il vous plaît, il s'agit d'un document en date du 27 février,

  2   c'est un rapport qui dit la chose suivante, je cite: "Après des opérations

  3   menées par des forces musulmanes dans la municipalité de Busovaca, l'unité

  4   signale ou fait rapport sur l'ordre de Kordic." Fin de citation. Je crois

  5   qu'il s'agit ici des Vitezovi. Regardons le haut de la page, effectivement

  6   c'est cela. On peut dire indéniablement qu'il était responsable d'une

  7   unité spéciale.

  8   Maintenant, si nous passons au 1er mars, non, c'est inutile. Ici,

  9   simplement les premières indications de la création de la Brigade de Vitez

 10   apparaissent le 1er mars et ceci sur la pièce 516.2.

 11   Je m'efforce, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, d'éliminer un

 12   certain nombre de documents pour aller plus rapidement.

 13   Si vous parcourez le journal, vous constaterez qu'il y a beaucoup

 14   d'éléments intéressants concernant les contacts très fréquents entre

 15   Blaskic et Kordic.

 16   Le 22 mars, ici ce document concerne Cerkez, 569.1.

 17   Je vous prie de m'excuser, j'en ai encore pour quelques minutes dans le

 18   cadre de cette démonstration. Mais premièrement j'estime que c'est très

 19   utile car la Chambre n'a pas passé ces documents en revue, en détail. Et

 20   je pense que ceci permet de répondre en partie à la question posée par la

 21   Chambre. Je pourrais y venir après avoir fini cet exercice.

 22   Nous en sommes au 22 mars, un document qui vient de Cerkez et qui parle

 23   des unités, des formations qui existaient à l'époque. Donc 30 soldats à

 24   Busovaca, etc.

 25   Document suivant, document que nous connaissons très bien, un document en


Page 28285

  1   date du 14 avril, document 653. On a demandé à de nombreux témoins qui

  2   nous ont donné leur interprétation de ce document, et quelles que soient

  3   les tentatives qui ont été faites par les témoins de la défense de Cerkez

  4   en particulier, la réalité est qu'il s'agit ici de soldats de la Brigade

  5   de Vitez. Si on examine ce document, un peu plus haut dans ce document, au

  6   sein de la 1ère Compagnie, ils ne sont pas à Ahmici eux-mêmes mais, en tout

  7   cas, il y en a à Nadioci. Il y a des soldats à cet endroit.

  8   Et la Chambre sait sans doute que dans la pièce 505 on fait très souvent

  9   référence à des soldats qui viennent de cette même zone. Je peux entrer

 10   dans les détails si c'est nécessaire mais je préfère ne pas le faire a

 11   priori. Maintenant si nous arrivons au 15 avril, et bien que nous nous

 12   approchions d'Ahmici, et que nous parlions d'Ahmici, il ne s'agit pas

 13   uniquement d'Ahmici, il y avait des meurtres, des assassinats qui avaient

 14   lieu ailleurs, à Vitez même et ailleurs. Nous ne nous fixons pas des

 15   limites aussi restreintes.

 16   Mais en ce qui concerne le 15, il y a une question dont je parlerai lors

 17   d'une prochaine audience à huis clos partiel.

 18   En ce qui concerne ce document, en bas de la page 68, à 17 heures 30, il y

 19   a eu une réunion avec un certain nombre de personnes.

 20   Ensuite, vous avez le document 157.2 qui montre qu'exactement une heure

 21   plus tard il y a un ordre expresse et urgent aux fins de mobilisation de

 22   toutes les unités, et qui va dans le sens d'éléments de preuve qui ont été

 23   présentés à la Chambre.

 24   Je vais demander qu'on passe à la page 69 du document, ce qui est

 25   intéressant ici en haut de la page 69 du journal, nous avons la première


Page 28286

  1   écriture concernant le 16 avril. On parle de quelque chose qui s'est passé

  2   à 5 heures 45, venant de la ville, sans doute une attaque d'artillerie,

  3   plus tard les détonations se sont intensifiées et on a entendu des armes

  4   légères, etc.

  5   Et ceci est délibérément neutre, on ne nous dit à aucun moment qui a

  6   attaqué qui.

  7   La Chambre connaît très bien l'ordre 130 ou les ordres 130. Celui-ci est

  8   l'ordre qui porte la cote 343.1. Et ces ordres montrent, s'ils sont

  9   authentiques c'est à la Chambre d'en décider, mais en tout cas voici ces

 10   ordres. Donc il s'agit d'un ordre qui a pour objectif d'assurer la

 11   sécurité d'une partie de la route Kaonik-Dubrave, ordre adressé au 4e

 12   Bataillon de la police militaire. On identifie dans cet ordre un certain

 13   nombre de troupes qui vont intervenir, quelles seront les unités qui

 14   seront proches de qui. On voit ici la présence de la Brigade de Vitez. On

 15   voit que pendant la nuit il y a eu un ordre très exhaustif et très complet

 16   et apparemment chaque groupe doit savoir où se trouve son voisin.

 17   Au point 5 de ce document on peut lire la chose suivante: "D'autres

 18   éléments de cet ordre seront conformes à des informations données

 19   précédemment".

 20   Si nous passons au document 676, on voit un ordre donné à 13 heures 30 par

 21   Cerkez lui-même. On peut lire en bas de la page quelque chose de très

 22   significatif vu la thèse de l'accusation, je cite: "Si effectivement il y

 23   a d'autres ordres qui ont été donnés précédemment".

 24   Si nous nous revenons à la page 69 du journal il n'y a plus de références

 25   à ces ordres précédents à Ahmici à ce qui allait survenir là-bas et


Page 28287

  1   d'après la position de l'accusation même à ce stade-là il faisait très

  2   attention à ce qu'ils écrivaient dans les documents. Ils étaient donc

  3   prudents puisqu'il est impossible de consigner aux archives, mêmes à ses

  4   propres archives, que l'on s'apprête à perpétrer des activités militaires

  5   inacceptables.

  6   Ce que l'on peut voir au fond de cette même page c’est que la Brigade

  7   Zrinski doit ouvrir le feu contre Vransjka qui ensuite brûle.

  8   A partir de ce moment-là, et les Juges se souviendront de cet incident qui

  9   est parvenu au début de la procédure, il était question de nombreux

 10   contacts entre Blaskic et Kordic.

 11   En ce qui concerne Cerkez nous pouvons voir sa participation à la page 70:

 12   "A 8 heures 55, entrer en contact avec le Bataillon d'artillerie mixte.

 13   Ensuite, à 9 heures, bloquer la caserne des pompiers à Vitez».

 14   A la page 71: 9 heures 5, le jour où les gens étaient massacrés à Ahmici

 15   Blaskic était avec Kordic et ils font un rapport sur la situation.

 16   Page 72, 9 heures 30, nous voyons d'autres discussions entre le NTD et

 17   Batunic. Et à 9 heures 37, il demande les moniteurs du terrain que Cerkez

 18   doit envoyer en ce qui concerne le NTD, à savoir la Division d'artillerie

 19   mixte. Ensuite, page 73: nous pouvons voir à 9 heures 50 et 9 heures 55

 20   que l'on se prépare pour un communiqué de presse portant sur l'offensive

 21   de l'armée de Bosnie-Herzégovine et non pas sur la vérité de ce qui se

 22   passait. Page 74, 10 heures 15, Kraljevic et Blaskic comptent les morts. A

 23   10 heures 30, ils sont en train de parler. A la page 75, ils sont en train

 24   de parler à Kordic, ils l'informent de la situation.

 25   Ensuite, page 76, 11 heures 20, quelque chose d'intéressant est écrit. Les


Page 28288

  1   Juges se souviendront, en ce qui concerne Bertovic que Cerkez a convoqué,

  2   qu'il a défini la zone qu'il devait contrôler cette nuit-là comme une zone

  3   étroite au sud de Vitez. Mais contrairement à l'ordre qui aurait fait une

  4   suggestion allant dans le sens contraire, il affirme qu'il n'avait rien à

  5   voir avec la partie gauche par rapport à Donja Veceriska.

  6   A la page 76, 11 heures 20, nous voyons que Marin appelle Cerkez pour

  7   donner le soutien en munitions à Veceriska.

  8   Il est clair qu'ils ont tous participé à cela et qu'il s'agissait là de la

  9   région vaste de Donja Veceriska. Je ne souhaite pas me lancer dans tous

 10   les détails liés à cela maintenant.

 11   Passons maintenant à la page 78 du journal. A 12 heures 7, un autre

 12   rapport sur la situation est envoyé à Kordic. Ensuite page 80, nous

 13   voyons... Excusez-moi.

 14   Donc page 78, à 12 heures 7, c'est Mario Cerkez et non pas Kordic. Ensuite

 15   page 80, encore une fois Cerkez, à 12 heures 30, contact avec Blaskic.

 16   Slavko M. a appelé Mario, il a dit que s'était terminé là-bas et puis il a

 17   demandé une correction. Il souhaite envoyer un rapport sur les faits du

 18   feu qui avait été ouvert.

 19   Cerkez et son groupe ont complètement participé à l'ensemble de la

 20   planification du processus.

 21   Page 81, à 13 heures 20, Mario Cerkez, il est marqué: «Les invités sont-

 22   ils arrivés à Donja et Gornja Veceriska?».

 23   Ils sont identifiés mais il est clair qu'il y avait des forces venant de

 24   l'extérieur. La question qui se pose est de savoir combien de temps ils y

 25   sont restés et pourquoi ils y étaient.


Page 28289

  1   Page 83, le même sujet, 13 heures 39, «Faut-il aider les invités?». C'est

  2   la manière dont ils ont choisi de décrire leurs opérations militaires

  3   directes.

  4   Page 85, 14 heures 30, Kordic appelle Blaskic afin qu'ils échangent les

  5   points de vue. Leur position est tout à fait claire.

  6   Page 87, une page importante dans ce journal. A 15 heures, Cerkez dit que

  7   les forces se retirent de Zenica, mais à 15 heures 8 un rapport arrive.

  8   A 14 heures 50, c'est un rapport dont le numéro est 125, en date du...

  9   Excusez-moi, mais apparemment il s'agit de la même période, du même moment

 10   à peu près. Voilà il s'agit de la pièce à conviction 671.4, «Le village de

 11   Donja Veceriska a été traité à 70% , le village d'Ahmici a été traité à 70

 12   %». Puis référence est faite aux prisonniers et à ce qui leur était

 13   arrivé.

 14   Paragraphe 2, «Vransjka et Kruscica sont difficiles. Nos unités n'ont

 15   aucune chance d'avancer», etc.

 16   Je pense que nous avons entendu une tentative de suggérer qu'il ne

 17   s'agissait que d'une opération de recueil d'informations mais il ne

 18   s'agissait pas du tout de ce genre d'affaire en réalité. Tout comme un

 19   groupe de troupe doit savoir ce que les autres soldats sont en train de

 20   faire, le fait reste qu'il s'agissait là d'un plan préparé de manière

 21   conjointe et effectué de manière conjointe sur le territoire contrôlé par

 22   Cerkez. En ce qui concerne cela, il devait disposer obligatoirement de

 23   l'autorisation et de l'autorité. Son rapport porte sur ce qu'ils avaient

 24   fait de manière collective.

 25   Il existe un autre document qui suggère qu'il n'est pas, lui, responsable


Page 28290

  1   d'Ahmici. Nous souhaitons maintenant l'examiner afin de faire un

  2   commentaire au plus vite. Mais tout dépend du point de vue: si la personne

  3   souhaite examiner cela d'un point de vue étroit en ce qui concerne Ahmici,

  4   peut-être effectivement non, et peut-être pas ce jour-là, mais si la

  5   personne faisait partie d'un plan, la personne était engagée et coupable;

  6   et entièrement coupable.

  7   Permettez-moi de dire la chose suivante: la défense demandera aux Juges de

  8   faire une distinction fine. Mais mettons-nous à la place proposée par la

  9   défense, c'est-à-dire cette personne, malheureusement, est devenue

 10   impliquée mais complètement à son insu quant à ce qui se passait juste à

 11   côté.

 12   Est-ce que nous pouvons trouver des preuves de ces plaintes par la suite,

 13   après les faits? Où est-ce que l'on peut trouver les preuves indiquant

 14   qu'il se serait dissocié par rapport à ce qui s'est passé au bout de

 15   plusieurs jours? Nulle part! Si nous regardons ce journal ou ce registre,

 16   est-ce que nous y trouvons une quelconque référence faite à Ahmici? Pas du

 17   tout. Nulle part.

 18   Pièce à conviction 673.6, émanant de Cerkez, à midi. Voici ce qu'il est

 19   dit; il dit que "ces villages-là ont été traités à 70%". Sur la base de ce

 20   qui est écrit dans le texte précédent, nous pouvons conclure qu'au cours

 21   des activités militaires, les choses ne se déroulaient pas suivant un plan

 22   préparé à l'avance, alors qu'il est nécessaire d'introduire l'artillerie.

 23   Est-ce qu'il y avait juste un plan?

 24   M. le Président (interprétation): Avant de passer à autre chose, nous

 25   souhaiterions savoir quel est votre point de vue en ce qui concerne le


Page 28291

  1   lien entre M. Kordic et les événements qui ont eu lieu ce jour-là? Vous

  2   avez déjà fait référence à certains points. Si j'ai bien compris, il

  3   s'agissait des appels téléphoniques et des choses consignées au registre?

  4   M. Nice (interprétation): Oui, tout à fait.

  5   M. le Président (interprétation): Si vous avez autre chose à ajouter,

  6   peut-être pouvez-vous nous dire où nous pouvons trouver ces autres

  7   éléments?

  8   M. Nice (interprétation): Oui, je vais faire cela, soit maintenant soit un

  9   peu plus tard.

 10   Je souhaite tout d'abord brièvement revenir au document que je suis en

 11   train de parcourir, à savoir le document 672.3.

 12   Encore une fois, ce document montre Cerkez qui est complètement impliqué.

 13   A 10 heures 35, un ordre est donné au commandant de la Brigade de Viteska,

 14   concernant un rapport précédent. Il est dit: "Emparez-vous des villages de

 15   Donja Vransjka, Ahmici, Sivrino Selo et Vrhovine. C'est tout à fait clair.

 16   Je vais parler plus en détail de cela à huis clos partiel, mais il est

 17   clair ici qu'il a été complètement impliqué, qu'il a tout à fait participé

 18   à l'opération.

 19   Donc, si la défense essaye de suggérer que tout ce que Cerkez faisait,

 20   c'était de recueillir l'ensemble des informations, nous pouvons répondre

 21   que, d'après ce document, il est clair que Cerkez, en tant que commandant,

 22   avait toutes les connaissances et recevait toutes les informations

 23   concernant les unités avoisinantes. Il recevait ces informations de la

 24   part des commandants de ses unités.

 25   Donc la position du Procureur est que, sans aucun doute, c'est ce qui


Page 28292

  1   s'est passé.

  2   Nous pouvons maintenant passer à la page 89 du journal où l'on retrouve

  3   une nouvelle confirmation en ce qui concerne Donja Vransjka, à 15 heures

  4   50, où Cerkez…, où Marin appelle Cerkez afin de recevoir un rapport sur la

  5   situation à Vransjka. Ensuite, à 15 heures 52, Kordic appelle de nouveau.

  6   Page 90: "Ouvrir le feu depuis toutes nos positions". A 15 heures 52, il y

  7   a un rapport sur le fait que le feu est ouvert contre nos positions à

  8   Kruscica et Ciceve Uce.

  9   Passons maintenant à la page 93 qui décrit la situation qui a prévalu

 10   pendant la nuit. A 17 heures 41, Krajevic appelle le colonel Blaskic en

 11   lui décrivant la tâche qui lui avait été assignée. Ensuite, ce qui révèle

 12   le plus d'éléments, à la page 94: tout d'abord, il y a une partie quelque

 13   peu illisible. A 17 heures et quelques, Dusko Cerkez et Pasko à Donja

 14   Vransjka, Ahmici -il s'agit de la première référence faite par rapport à

 15   Ahmici- et Vransjka Rovna, etc. Ces villages sont encerclés, ils n'ont pas

 16   de forces, de renforts dans ces zones; le HVO procède aux arrestations des

 17   gens.

 18   Ensuite, Kordic appelle Blaskic: "Pasko a terminé tout cela et poursuit la

 19   pression. Un télégramme a été intercepté. La panique a éclaté dans leurs

 20   rangs".

 21   Si j'ai bien compris, sur la base de la plaidoirie de la défense, la

 22   défense suggère que ce document doit être interprété non pas en disant

 23   qu'il s'agit de Pasko qui dit des choses à Kordic mais que Pasko est en

 24   train de dire à Blaskic et Blaskic est en train de transmettre le message

 25   de Pasko à Kordic. Nous ne sommes pas d'accord avec une telle


Page 28293

  1   interprétation.

  2   Même si on l'acceptait, ceci continue à prouver, et nous savons que la

  3   Chambre considère ou peut considérer que Pasko était le fer de lance dans

  4   cette opération d'assassinat. Dans ce cas-là, nous pouvons conclure que,

  5   dans ce document, il est clair qu'il envoie son rapport sur son plan

  6   meurtrier.

  7   Nous pouvons passer maintenant à la page 98. A 19 heures 55, Skopljak

  8   reçoit des informations de Cerkez qui n'avait pas tout terminé. Ensuite,

  9   nous avons un ordre de combat émis à 20 heures concernant Kuber.

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit là d'une bonne

 11   partie des documents. Je vais être obligé de rentrer dans quelques autres

 12   détails un peu plus tard.

 13   Maintenant, je vais juste vous donner les numéros de page.

 14   Page 105, où Cerkez demande qu'on ouvre le feu.

 15   Ensuite, un autre document avec Kordic, page 113, à 13 heures 14, où

 16   Kordic dit: "Ce n'est pas nous qui ouvrons le feu, ce sont les Musulmans".

 17   Page 117. Peut-être pouvons-nous nous pencher là-dessus un moment. En haut

 18   de la page 1635, Tiho, par le biais de Kordic, a envoyé un rapport sur la

 19   situation actuelle. Ces éléments sont présentés de manière unilatérale; il

 20   dispose de toutes les informations même si Marko et Zoran ont été blessés,

 21   etc.

 22   Ensuite, page 120: cette défense prétendue. A 18 heures 58, Blaskic parle

 23   à Cerkez et dit: "Nous avons Loncari". Il ne s'agit pas de la défense, là.

 24   Ensuite, page 121. Excusez-moi. Donc, cela c'était à 18 heures 58. Page

 25   121, en bas de page, Kordic appelle Blaskic: "Il m'a dit que l'attaque


Page 28294

  1   nous était plutôt favorable, nous avons écrasé Kuber. Il est urgent de

  2   combler le fossé où nous étions actifs hier, envoyez les renforts à Pasko

  3   là-bas et c'est ainsi qu'il pourra clore la brêche, fermer la brêche».

  4   Blaskic et Cerkez les forces principales doivent être transférées près de

  5   là-bas.

  6   Je vais peut-être maintenant m'arrêter et répondre aux questions des

  7   Juges.

  8   Puisque Ahmici est dans toutes les régions limitrophes, les événements se

  9   déroulaient en continu. Mais je pense qu'il est nécessaire de procéder à

 10   une pause maintenant, de ralentir un peu.

 11   Kordic et Cerkez, en fait il est encore question de Cerkez ici. Il

 12   s'agissait là d'une attaque, une seule attaque menée de manière conjointe.

 13   Au début ses devoirs et nous le disons sur la base de tous les éléments de

 14   preuve se résumaient à sécuriser une partie du territoire et parmi ses

 15   missions l’une était de faire obstruction par rapport à la Forpronu. Nous

 16   pouvons conclure cela sur la base de tous les moyens de preuve.

 17   Ensuite sur la base des documents dont nous disposons, nous pouvons

 18   constater qu'il a participé entièrement, qu'il a reçu instruction de

 19   s'emparer d'Ahmici et nous avons pu voir cela tout à l'heure.

 20   Ceci ne peut refléter qu'une chose, soit d'un côté qu'il avait participé

 21   personnellement à cela et que ces soldats ont participé personnellement

 22   eux aussi, soit en réalité il était le commandant sur le terrain avec la

 23   responsabilité sur tous les soldats qui y ont pris part. Quelque soit

 24   l'interprétation que nous choisissons, ceci est conforme à la manière dont

 25   il envoyait ses rapports et ceci n'est pas du tout conforme à


Page 28295

  1   l'interprétation selon laquelle il ne faisait qu'être messager. Aucun

  2   messager n'aurait reçu autant de missions importantes.

  3   Il est important également de tenir compte conformément à la pièce à

  4   conviction 653 qu'effectivement les soldats de la Brigade de Vitez se

  5   trouvaient dans la région puisque Ahmici et les villages avoisinants font

  6   partie pratiquement d'un même ensemble.

  7   Il est également important de noter que plusieurs membres individuels de

  8   la Brigade de Vitez ont été retrouvés morts cette nuit-là suite au combat.

  9   Et qu’en ce qui concerne un témoin, mais là je me retire puisque je

 10   souhaite traiter de cela à huis clos partiel.

 11   M. le Président (interprétation): En ce qui concerne les membres de la

 12   Brigade de Vitez dont les corps ont été retrouvés à Ahmici, il s'agissait

 13   d'une personne n'est-ce pas?

 14   M. Nice (interprétation): Effectivement Monsieur le Président, peut-être

 15   plusieurs et puis il y a eu des blessés également. Je pense que c'est dans

 16   l'annexe relative aux documents de Cerkez que vous pourrez trouver plus de

 17   détails à ce sujet-là. Je vais en traiter peut-être après la pause.

 18   Ceci laisse Cerkez dans une situation dans laquelle il était clairement

 19   responsable en vertu de l'Article 7-1. Sinon il est certain que l'Article

 20   7-3 s'appliquerait. Mais ce qui est certain c'est que l'Article 7-1

 21   s'applique. Probablement... Excusez-moi, je ne peux pas traiter de cela

 22   maintenant.

 23   Je souhaite maintenant passer aux autres documents que je voudrais

 24   aborder.

 25   Le 17 avril, document 694.3, émanant de Kraljevic envoyé au chef du


Page 28296

  1   département de la défense, major Stojic.

  2   Il y est écrit concernant les Vitezovi: «Nous avons réussi à nettoyer une

  3   bonne partie de la ville des forces musulmanes et je n'arrête pas

  4   d'attaquer. Leur fief le plus puissant est là où se trouve leur quartier

  5   général, les banlieues nord-ouest. En même temps, nous sommes actifs dans

  6   les premiers rangs dans le nettoyage des villages avoisinants et les

  7   interventions visant à regagner les lignes que nous avions perdues».

  8   Il n'y est pas du tout question de la défense. On emploie la terminologie

  9   telle que le nettoyage et nous retrouvons la même terminologie dans

 10   d'autres documents. Il ne s'agit pas ici des termes voulant dire pur ou

 11   propre mais nettoyer des Musulmans, débarrasser des Musulmans.

 12   Il existe plusieurs autres références portant sur la participation de

 13   Cerkez à Donja Veceriska à la page 131.

 14   A la page 134, on décrit l'attaque de la Brigade contre Zepce. Encore une

 15   fois nous voyons l'unité du contrôle dans cette partie de la Bosnie.

 16   Maintenant nous arrivons aux pages 137 et 138.

 17   Nous sommes à la page 137, le 19 avril, le jour du pilonnage de Zenica,

 18   tout d'abord comme nous pouvons le constater à 9 heures 30, Cerkez a

 19   appelé le colonel. Ensuite on lui a demandé de viser un certain objectif.

 20   Nous pouvons tout de suite après voir une référence faite à Zepce. Ensuite

 21   à 9 heures 50, référence faite à la taille des pièces d'artillerie

 22   employées.

 23   Ensuite si nous passons à la page 138 quelque chose n'est pas tout à fait

 24   clair dans la version en anglais, mais il faut clarifier cela, puisque

 25   nous pouvons consulter l'original et la même référence se trouve à la fin


Page 28297

  1   de ce document.

  2   Les Juges se souviennent certainement qu'il s'agit là d'un document qui a

  3   été signé par Blaskic mais deux pages ont été déchirées, manquent les

  4   pages 62 et 63. L'original est disponible et il est possible de voir les

  5   numéros de page en haut à droite dans le grand registre. Donc ces deux

  6   pages manquent. Elles ont été retirées. Ces deux pages portent sur la

  7   période tout de suite après 10 heures 10 et juste avant 14 heures de ce

  8   jour-là, de cette même page-là, c'est-à-dire l'heure à laquelle le

  9   pilonnage de Zenica a eu lieu. Blaskic a déclaré que cette omission a été

 10   remarquée le 27 juin, c'est-à-dire le fait que les pages avaient été

 11   déchirées et retirées.

 12   Mais la question qui se pose consiste à se demander pourquoi, et le

 13   Procureur demande aux Juges de cette Chambre de regarder les autres

 14   éléments qui figurent dans cet écrit pour y constater la présence d'un

 15   effort très clair destiné à ce que l'ouvrage, l'écrit en question soit

 16   nettoyé et rendu plus propre à la consommation, c'est la seule façon

 17   d'après le Procureur pour montrer Zenica comme cela a été le cas dans ce

 18   procès.

 19   M. le Président (interprétation): Oui, mais il est exact que certaines

 20   pages sont absentes de ce journal intime, et bien entendu il appartient

 21   aux Juges d'en tirer les conclusions qui s'imposent, mais le fait que

 22   quelque chose manque n'est pas une preuve effective, que quelque chose

 23   s'est passée.

 24   Vous pouvez sans doute nous aider à établir un lien entre l'accusé et le

 25   pilonnage de Zenica, le cas échéant. Vous avez présenté un grand nombre


Page 28298

  1   d'éléments de preuve relatifs à ce pilonnage, mais dans le procès vous

  2   pourrez nous aider en nous montrant le lien qui existe entre ces deux

  3   éléments au moment qui vous paraîtra le plus opportun.

  4   M. Nice (interprétation): Oui, Monsieur le Président, mais à d'autres

  5   endroits dans le document, dont nous sommes en train de parler ainsi que

  6   dans d'autres rapports où il est fait état du pilonnage de Zenica, vous

  7   vous rappelerez que Kordic a proféré des menaces lors de cette

  8   conversation téléphonique interceptée du 24 janvier. Il a proféré des

  9   menaces en exprimant son intention de pilonner Zenica si un certain nombre

 10   de choses se produisaient.

 11   Et ce que nous disons au Bureau du Procureur dans ce procès, ce n'est pas

 12   seulement que tous les éléments de preuve ont été supprimés, éléments de

 13   preuve susceptibles de démontrer que c'est le HVO qui a pilonné Zenica,

 14   mais que cette action a été commandée par la salle de commandement.

 15   Vous verrez, en examinant les documents disponibles, qu'à cette époque-là

 16   Kordic et Blaskic communiquaient fréquemment, ils se donnaient des

 17   informations d'une façon qui est observable de la manière la plus claire

 18   au vu d'autres activités. Et rien n'était caché par l'un des deux hommes à

 19   l'autre. Ils étaient donc participants conjoints aux mêmes actions à

 20   l'époque.

 21   Et il est permis de dire la même chose de Cerkez, même si bien entendu il

 22   se situe à un niveau un peu différent sur le terrain.

 23   En tout cas, cette remarque s'applique aux trois hommes s'agissant

 24   d'Ahmici. Une attaque importante de cette envergure est mentionnée par

 25   écrit et elle ne peut pas l'être en simplement une ligne ou deux. Bien


Page 28299

  1   qu'il soit impossible d'inscrire tous les détails sur le moment, les

  2   conséquences n'apparaissent que par la suite, les conséquences liées à

  3   l'éventualité d'une action criminelle.

  4   C'est ce que nous sommes en train d'examiner ici lorsque nous parlons de

  5   l'implication de Cerkez dans des ordres donnés à l'artillerie de façon

  6   générale. Ce qui s'est passé à Zenica de la part du HVO, c'est une attaque

  7   généralisée contre les Musulmans, menée entre autres par des pièces

  8   d'artillerie, donc la responsabilité existe à ce niveau.

  9   M. le Président (interprétation): Les éléments de preuve qui ont été

 10   soumis aux Juges par l'expert du Procureur sont des messages radio

 11   interceptés, si je me souviens bien?

 12   M. Nice (interprétation): Oui.

 13   M. le Président (interprétation): Les obus n'ont pas tout à fait atteint

 14   leur cible. Alors, est-ce que ce que vous demandez aux Juges de cette

 15   Chambre d'en tirer la conclusion que M. Kordic était associé au

 16   commandement exercé par le colonel Blaskic, à l'époque, et que donc cet

 17   incident n'a pas pu être le résultat de l'action d'un officier isolé mais

 18   n'a pu être que le résultat de l'action exercée dans le cadre de la

 19   transmission d'ordre?

 20   Est-ce que vous tirez cette conclusion, à savoir que cet ordre émanait du

 21   commandement de la zone opérationnelle auquel l'accusé était associé?

 22   M. Nice (interprétation): Oui, c'est exactement ce que nous disons. Peut-

 23   être vaut-il la peine de garder à l'esprit le fait que certaines pièces

 24   d'artillerie et certaines munitions étaient sous leur garde à ce moment-

 25   là; c'est écrit dans un certain nombre de documents, comme dans le rapport


Page 28300

  1   Batinic en particulier.

  2   M. le Président (interprétation): Mais cela demande aux Juges de

  3   considérer qu'il ne s'agissait pas de l'action d'un officier isolé mais

  4   d'un acte délibéré, résultant et venant de beaucoup plus haut.

  5   M. Nice (interprétation): A moins que j'ai raté quelque chose, Monsieur le

  6   Président, je ne pense pas qu'un élément de preuve ait mentionné un

  7   officier isolé.

  8   M. le Président (interprétation): Non, mais la question qui se pose est:

  9   quel est le poids accordé dans l'autre sens à cet élément de preuve?

 10   Il y a tout de même un élément de déduction que vous nous demandez là?

 11   M. Nice (interprétation): Bien sûr, en l'absence d'inscription dans le

 12   journal intime, certaines déductions sont nécessaires pour montrer que cet

 13   ordre a été donné et d'où il vient. Mais les Juges de cette Chambre

 14   peuvent tenir compte des actes précédents de Kordic par rapport à Zenica

 15   et au pilonnage, du commandement global exercé pour prévoir ce pilonnage

 16   et du déplacement d'un certain nombre de pièces qui permettaient donc

 17   d'amener sur place les obus nécessaires. C'est à ce moment-là que les

 18   tables ont commencé à tourner et que l'attaque a pu entrer dans une phase

 19   suivante. Il faut bien tenir compte des enjeux.

 20   Tout cela, bien sûr, comme le camion piégé dont il importe aussi de tenir

 21   compte et qui était un acte de terrorisme pur, ce sont les deux parties

 22   d'un même médaille mais toutes imputables au HVO.

 23   Il est impossible de dissocier ces différents éléments; c'est en tout cas

 24   ce que nous disons avec le respect dû à la Chambre. Ces éléments font

 25   partie d'un seul et même plan, ils sont la manifestation d'un souhait


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  1   général.

  2   Il y a d'autres éléments qui s'ajoutent comme, par exemple, le pilonnage

  3   de Zenica, les menaces formulées à la radio peu de temps avant, et, peu de

  4   temps avant également, le fait que la station de radio s'était montrée

  5   très amicale à l'égard de la cause croate. Tout cela concorde.

  6   Monsieur Lopez-Terres me montre quelque chose. Excusez-moi, je vous

  7   demande un instant.

  8   Effectivement, c'est très intéressant: c'est un document qu'il faudrait

  9   placer sur le rétroprojecteur. Il s'agit de la pièce 726.3, rapport de la

 10   Brigade de Vitez, daté du 19 avril, donc le même jour.

 11   En page 2, nous lisons ce qui suit -je cite-: "Si les attaques

 12   s'intensifient en provenant de Zenica, nous proposons le recours à

 13   l'artillerie sous le commandement de la zone opérationnelle et du 4e

 14   Bataillon d'artillerie légère, etc." Fin de citation.

 15   Je remercie beaucoup M. Lopez-Terres, comme d'habitude.

 16   M. le Président (interprétation): Comme pour le camion piégé, aucun

 17   élément de preuve directe ne nous permet d'imputer cela à l'un ou l'autre

 18   des accusés: dans les deux cas, vous nous invitez à des déductions liées

 19   au poste de commandement qu'occupaient ces deux hommes.

 20   Vous nous invitez à dire qu'il s'agissait d'une opération qui a dû

 21   résulter d'un ordre et à déduire que les accusés, compte tenu de leur

 22   position importante et de leur poste de commandement, ont dû participer à

 23   ces actes d'une façon ou d'une autre.

 24   M. Nice (interprétation): En réalité, ce sont des éléments de preuve

 25   supplémentaires qui ne sont pas versés au dossier du procès mais qui


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  1   peuvent être considérés en supplément.

  2   Concernant le camion piégé, il fallait utiliser des explosifs. Nous savons

  3   qui contrôlait les usines d'explosifs et il y en avait de grandes

  4   quantités. A un certain moment, il a été proposé qu'il s'agissait d'une

  5   usine d'engrais, mais nous savons que ce n'est pas le cas. Il y a donc eu

  6   coopération des autorités locales dans le transport des explosifs en

  7   grande quantité, explosifs requis pour l'opération.

  8   Deuxième élément: dans les deux cas, si cela avait été l'action d'un

  9   soldat isolé ou d'un officier isolé, il y aurait eu enquête et sanction.

 10   Je crois qu'un certain nombre de prétextes ont été invoqués dans les

 11   arguments présentés par la défense justifiant qu'il n'y ait pas eu enquête

 12   au sujet d'Ahmici, se fondant sur le fait que les Musulmans avaient fui

 13   Zenica ou quelque chose de ce genre. Ce sont des excuses qui n'ont aucune

 14   chance d'aboutir, si je puis me permettre. On n'a pas toujours besoin

 15   d'avoir des victimes pour lancer une enquête sur un crime. Lorsqu'il y a

 16   meurtre, on ne peut pas s'adresser aux victimes, mais il faut toujours

 17   diligenter une enquête au sujet d'un crime et s'adresser aux personnes

 18   impliquées ou à leurs proches, à leur environnement. Ce sont ces personnes

 19   qui peuvent vous dire qui a participé.

 20   Franchement, il est absolument impensable qu'on nous dise qu'il faut

 21   estimer que ces hommes ne savaient pas ce qui passait sur le terrain, dans

 22   le genre de sociétés auxquelles ils appartenaient. La même chose pour le

 23   pilonnage.

 24   M. le Président (interprétation): Mais l'un des éléments de preuve

 25   présentés au sujet du camion piégé consistait à dire que c'était Darko


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  1   Krajevic qui était responsable?

  2   M. Nice (interprétation): Oui.

  3   M. le Président (interprétation): Quel est l'élément de preuve à votre

  4   disposition qui nie cette éventualité?

  5   M. Nice (interprétation): Je ne sais pas. Je ne suis pas tout à fait sûr

  6   qu'il soit nécessaire pour nous de le nier. Je ne sais pas exactement

  7   quelle est la situation des éléments de preuve sur ce sujet; cela fait

  8   longtemps qu'ils ont été présentés.

  9   M. le Président (interprétation): Un élément de preuve, en tout cas, a été

 10   soumis à un témoin.

 11   M. Nice (interprétation): Oui, quelque chose comme cela.

 12   M. le Président (interprétation): Je parle simplement de cela à titre

 13   hypothétique, rien de plus.

 14   Votre mission, Monsieur le Procureur, consiste à nier l'existence d'autres

 15   possibilités.

 16   M. Nice (interprétation): Oui, mais supposons qu'il se soit agi de l'acte

 17   d'un officier isolé, à sa propre initiative: il aurait dû tout de même se

 18   faire aider par d'autres. Il faut donc penser aux éléments de preuves qui

 19   traitent des habitants, de la population locale, des Croates qui ont été

 20   avertis, à qui l'on a dit qu'il fallait se sauver, sauver leur peau avant

 21   que quelque chose ne se passe.

 22   De toutes façons, si l'auteur de ces actes avait été un auteur isolé, cela

 23   n'aurait pas signifié que des ordres n'avaient pas été donnés d'en haut.

 24   Tout indique que ceci a été planifié, exécuté de la façon la plus atroce

 25   qui soit aux fins de semer la terreur et que le but a été atteint, tout en


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  1   détruisant toute possibilité de résistance.

  2   M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, les questions qui se posent

  3   et qui sont évoquées par le Président, portent sur le droit, sur l'aspect

  4   juridique. Quels sont les éléments de droit qui permettent de tirer de

  5   telles conclusions?

  6   Dans vos arguments, vous nous appelez à tirer des conclusions, des

  7   déductions. Or, les déductions doivent s'appuyer sur des faits et ne

  8   peuvent pas s'appuyer sur rien.

  9   Il y a autre chose qui est important également. Lorsqu'il est possible de

 10   tirer deux déductions dans une situation donnée; l'une peut être favorable

 11   aux arguments du Procureur et l'autre à la défense, admettons. Dans ce

 12   cas, les Juges sont contraints, s'il y a poids égal des deux déductions,

 13   de prendre en compte et de ne conserver que la déduction favorable à la

 14   défense.

 15   M. Nice (interprétation): Oui, je ne conteste pas cela du tout. Bien sûr,

 16   c'est quelque chose que je connais bien: lorsque le critère est prouvé au-

 17   delà de tout doute raisonnable.

 18   Mais pratiquer de la sorte ne signifie pas que l'on accepte de tirer des

 19   déductions imaginaires; je le dis sans offense pour quiconque ici. Cela ne

 20   signifie pas que l'on puisse tenir compte de spéculations. Il importe tout

 21   de même de prendre en compte l'ensemble des faits pour voir ce qu'ils sont

 22   susceptibles de prouver.

 23   Il arrive souvent, lorsqu'on s'appuie sur des déductions dans des affaires

 24   pénales, ou en tout cas sur ce que l'on appelle –si je ne m'abuse- des

 25   preuves indirectes, les preuves indirectes sont très fréquentes parce que


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  1   les gens ont l'habitude de mentir; les documents ne mentent pas, eux.

  2   Donc, si l'on est en présence d'une attaque militaire de grande envergure,

  3   qui implique de prendre pour cible un groupe ethnique déterminé, que cette

  4   attaque est menée sous le commandement d'une personnalité puissante et

  5   importante dans une petite localité -là je parle du camion piégé-, la

  6   possibilité qu'un individu isolé ait agi à l'inverse du poids énorme lié à

  7   ces ordres émanant de haut et que le commandant ne s'en soit pas rendu

  8   compte est assez difficile à imaginer.

  9   Deuxièmement, il y a des observateurs internationaux. Cet homme va devoir

 10   prétendre devant eux qu'il était une partie belligérante légitime. Cette

 11   possibilité, à notre avis, n'est pas réaliste, avec tout le respect que

 12   nous devons à la Chambre.

 13   Ces deux exemples que je viens d'évoquer, le camion piégé et le pilonnage,

 14   correspondent à ce que je viens de dire.

 15   M. Robinson (interprétation): Mais le Président de la Chambre a peut-être,

 16   dans ses propos, voulu vous dire que vous auriez peut-être besoin d'un

 17   argument un peu plus solide que le rôle de direction de l'accusé pour

 18   parvenir à convaincre les Juges qu'ils sont en droit de tirer les

 19   déductions auxquelles vous voulez les amener. Notamment, lorsque des

 20   éléments de preuve permettent de démontrer la participation d'une autre

 21   personne, je crois tout de même que votre opération est difficile.

 22   M. Nice (interprétation): D'abord, Monsieur le Juge, il y a des éléments

 23   de preuve qui indiquent des choses beaucoup plus nombreuses que simplement

 24   le rôle de direction exercé par les accusés. S'agissant aussi bien de

 25   Kordic que de Cerkez, je vous ai indiqué quels sont ces éléments de


Page 28306

  1   preuve. Aujourd'hui, ils sont nombreux, je n'ai pas besoin d'y revenir.

  2   Permettez-moi de relire le reste de votre question, Monsieur le Juge.

  3   Donc, dans la réalité, les éléments de preuve sont nombreux et beaucoup

  4   plus nombreux. Mais en tout état de cause, je me vois contraint d'exprimer

  5   un désaccord avec ce que vous venez de dire. Autrement dit, je ne pense

  6   pas que ce que vous venez de dire soit tout à fait exact. Dans une

  7   situation où l'on est face à une entreprise de grande envergure, cette

  8   attaque, pour utiliser un terme neutre est qu'on a des preuves importantes

  9   qui montrent qu'il y a un rôle dirigeant exercé par une personne, rôle

 10   dirigeant associé à une planification des dépenses engagées, l'exécution

 11   d'une action, etc. il serait erroné de dire qu'il y a une distinction

 12   importante entre les éléments de preuve et les déductions permettant de

 13   dire que ce dirigeant a été impliqué; ce serait agir de façon artificielle

 14   de créer une telle distinction à notre avis. Donc, nous disons que les

 15   déductions en question sont tout à fait permises. Quant à penser qu'il

 16   s'agit d'une interprétation farfelue, ou fantasmatique, nous disons que

 17   nous avons appliqué avec succès le test de la preuve au-delà de tout doute

 18   raisonnable, et nous disons aussi que nous avons soumis de très nombreux

 19   documents en dépit des difficultés inévitables liées aux circonstances

 20   dans lesquelles nous nous trouvons. A la fin de cette procédure, nous

 21   pensons qu'il faut tout de même appliquer le sens commun, et deuxièmement,

 22   considérer les faits dans leur ensemble, l'ensemble des faits pour finir

 23   par narrer une histoire qui puisse être satisfaisante pour l'esprit. Il ne

 24   s'agit pas de possibilité fantasmatique pour qui que ce soit, si l'on

 25   parle de ces déductions. Quand vous êtes dans une cuisine, avec une


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  1   soucoupe remplie de lait, que vous fermez la porte, que vous ouvrez

  2   ensuite cette porte et qu'ensuite il n'y a plus de lait, mais qu'il y ait

  3   un chat derrière la porte, quelle est la possibilité de déduction qui vous

  4   est permise. Il est difficile d'imaginer, quelle que soit l'imagination

  5   que l'on déploie, une autre déduction que celle consistant à penser que le

  6   chat a lapé le lait. Y en a-t-il une autre?

  7   M. le Président (interprétation): C'est au Procureur qu'il incombe de

  8   faire la preuve de ce qu'il avance. Cette charge de la preuve ne repose

  9   sur personne d'autre. La Chambre de première instance elle, peut tirer des

 10   conclusions, mais c'est dans une deuxième étape que la chose se passe.

 11   Donc, tout de même, vous avez des preuves à apporter pour démontrer ce

 12   vous dites avant de nous demander des déductions. Quant à l'appel au sens

 13   commun, c'est quelque chose de très flexible, n'est-ce pas?

 14   Nous, ce que nous aimerions, c'est que vous nous présentiez des arguments

 15   précis, spécifiques et pertinents par rapport aux questions évoquées. Mais

 16   il est possible que cela ait été fait.

 17   M. Nice (interprétation): Oui, je crois que cela a été fait.

 18   M. Lopez-Terres d'ailleurs me rappelle une nouvelle fois qu'il a été

 19   question du lancement d'une attaque par la Brigade de Vitez après

 20   l'incident du camion piégé. Et ce sont des soldats de Vitez qui ont

 21   prévenu les détenus qu'il fallait qu'ils trouvent un abri. Ceci est l'un

 22   des exemples qui montre que cela a été dit bien avant que Kordic n'affirme

 23   avoir promis une enquête qui d'ailleurs n'a pas eu lieu. Il n'a pas

 24   procédé à l'enquête parce qu'il n'avait pas l'intention de lancer cette

 25   enquête puisqu'il était impliqué.


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  1   Mais, Monsieur le Président, pour le reste nous pouvons en reparler cet

  2   après-midi après le déjeuner.

  3   M. le Président (interprétation): Un fait simplement, vous vous

  4   rappellerez que le colonel Blaskic a été acquitté en rapport avec le

  5   pilonnage de Zenica.

  6   M. Nice (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je ne pense pas que

  7   vous ayez, jusqu'à présent, pu lire la totalité des mémoires, même pas le

  8   nôtre. Mais j'invite les Juges à se rappeler que la défense, dans le

  9   présent procès, à cité à la barre le même expert que celui entendu dans

 10   l'affaire Blaskic. Si vous lisez le jugement Blaskic, vous constaterez que

 11   les éléments de preuves fournis par cet homme, y sont pris en

 12   considération. Il nous a dit que la question technique posée dans

 13   l'affaire Blaskic concernant la pente de la chute de l'obus etc., n'était

 14   pas pertinente. Si vous relisez le passage relatif au contre

 15   interrogatoire, vous vous en rendrez compte. Ce n'était qu'un écran de

 16   fumée, une fois de plus, destiné à entraîner les Juges de la Chambre sur

 17   une voie de garage. En tout état de cause, nous, ce que nous disons dans

 18   le présent procès, est un peu différent mais tout aussi important que ce

 19   qui a été dit dans l'affaire Blaskic. Si vous regardez le jugement

 20   Blaskic, vous verrez que les éléments de preuves présentés n'ont pas été

 21   considérés comme satisfaisants. C'est donc la décision prise par les Juges

 22   de la Chambre Blaskic sur la base des éléments de preuve à leur

 23   disposition. Nous, nous en avons davantage. Vous n'êtes pas lié par la

 24   décision Blaskic. C'est à vous qu'il appartient de déterminer ce qui, oui

 25   ou non, les éléments que je présente peuvent être retenus à l'appui de


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  1   l'exercice d'un commandement en bonne et due forme et d'un commandement

  2   global pour cette opération. Je vois que l'heure avance…

  3   M. le Président (interprétation): Nous pouvons encore travailler cinq à

  4   dix minutes.

  5   M. Nice (interprétation): Oui, j'ai encore quelques documents à évoquer

  6   mais j'essayais de voir un peu plus précisément où nous en étions du point

  7   de vue temps.

  8   Page 140 du journal intime, nous sommes toujours à la date du 19. Les

  9   questions des Juges sont toujours les bienvenues, bien sûr. Elles

 10   permettent de savoir plus précisément quelles sont les pensées qui

 11   traversent l'esprit des Juges et elles nous permettent de mieux aider les

 12   Juges de la Chambre.

 13   Donc, regardons ce qui est écrit à la date du 19, on voit que Kordic dit à

 14   Blaskic que le relief a été pris, la cote en relief a été prise au sommet

 15   du mont Kuber. Le reste n'a pas tellement d'importance. Niko Grubesic

 16   était à Kuber, je vous le rappelle à ce moment-là.

 17   Quelle déduction tirer? Peut-il avoir le moindre doute quant au fait que

 18   Kordic était impliqué dans toute cette opération ce jour-là et qu'à la fin

 19   il était présent?

 20   Revenons à la page 137 d'ailleurs, si vous le voulez bien. Très

 21   intéressant ce qui est écrit là, ce commentaire. Je ne vais pas

 22   m'appesantir là-dessus mais enfin le texte est là en noir sur blanc.

 23   Voyons un peu ce qui est écrit là: "9 heures 30". Il est écrit que Kordic

 24   appelle le colonel, et Cerkez se pose des questions au sujet des cibles

 25   visées par les tirs, une cible est déterminée. Ce n'est peut-être pas tout


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  1   à fait clair qu'il s'agissait de Cerkez peut-être que c'était quelqu'un

  2   d'autre. Mais, enfin, cela permet tout de même, de tirer certaines

  3   conclusions par rapport à ce qui passe quelques heures plus tard, deux

  4   heures plus tard au cours de l'incident de Zenica, s'agissant de la

  5   présence de Kordic.

  6   Page 140 maintenant, nous lisons ce qui est écrit là. Nous ne nous

  7   arrêtons pas là nous allons en page 142. Là il n'est plus question, à 17

  8   heures 40, de fusils. Dario appelle, il est parti, il est en route, cela a

  9   été constaté, mais je ne peux pas vous en dire plus à ce stade, je le

 10   crains. Page 143, 21 heures 40, Kordic appelle Blaskic pour obtenir des

 11   détails au sujet de la coordination.

 12   Nous disons qu'il faut prendre tout cela dans son ensemble et que cela

 13   montre que Kordic était pleinement impliqué ce jour-là, en tout cas, c'est

 14   ce que nous affirmons. Nous en arrivons à la journée du 20. Je vais voir

 15   ce je peux sauter: contact avec Kiseljak je n'ai pas besoin d'en parler.

 16   Page 146, 8 heures 20 le matin...

 17   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, nous avons bien sûr eu la

 18   possibilité de voir tout cela en détail.

 19   M. Nice (interprétation): Oui. Kordic appelle Blaskic, il rend compte de

 20   ce qui s'est fait jusqu'à ce moment-là. Je tirerai un trait là-dessous. Je

 21   crois que j'ai souligné les éléments importants un ou deux. Et j'ai repris

 22   tout cela pour une raison bien simple, c'est que moi-même j'ai relu ce

 23   texte à plusieurs reprises et je trouve que c'est un document qu'il vaut

 24   la peine de lire à plusieurs reprises car il est très dense et plein

 25   d'informations qui peuvent aider la Chambre. Il comporte de très


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  1   nombreuses références. Donc, quelquefois, cela vaut la peine de rentrer

  2   dans le détail des multiples références contenues dans un document.

  3   J'invite donc les Juges ce cette Chambre à examiner en détail ce document.

  4   Je regarde ce qui suit pour voir s'il y a d'autres éléments qu'il importe

  5   que je souligne à votre attention, peut-être d'ailleurs n'y en a-t-il pas.

  6   Non, je n'ai pas besoin d'en parler en détail, mais vous trouverez un

  7   moment où il est question d'une réunion -page 166- entre Kordic et

  8   Blaskic.

  9   Il y a un autre paragraphe qui peut donner lieu à diverses

 10   interprétations, qui ne parle pas des époques précédentes, à la page 167,

 11   mais qui est tout de même intéressant si l'on veut être complet.

 12   "17 heures 36". Au tiers de la page, émanant de Nakic au sujet de Zenica.

 13   Je cite: "Il est cent pour-cent sûr que nous n'avons pas tiré. Nous avions

 14   le nom complet de l'homme qui a tout vu de ses yeux, à partir du mont

 15   Vlasic". Fin de citation.

 16   Ensuite, il y à une référence au calibre des canons -132, 125, 155- et

 17   d'autres références en bas de page.

 18   "Cerkez dit à Blaskic ne pas avoir ouvert le feu tant que les autres

 19   n'avaient pas tiré sur eux". Et il est fait référence à du 152

 20   millimètres, en rapport avec Kiseljak.

 21   Si nous passons à la page suivante, la page 168, nous voyons encore -et je

 22   répète que ces documents sont très utiles, très intéressants-, à huit

 23   heures trente du matin, nous trouvons encore une référence au fait que

 24   Vlado (expurgé) a rendu compte qu'une ambulance s'est fait tirer dessus;

 25   personne n'a été blessé. J'appelle votre attention sur ce fait: à ce


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  1   moment-là, rien n'était encore survenu à Ahmici.

  2   Autre référence à Zepce, page 176: "14 heures 38". Là, on voit bien le

  3   rôle de Kordic. Encore une fois, on peut dire qu'on peut le lire d'une

  4   façon ou d'une façon complètement inverse, mais tout de même.

  5   Kordic appelle Blaskic; il lui demande de lui assigner des cibles: "Est-ce

  6   que les invités sont arrivés jusqu'à vous? - Non." Tout cela, c'est un

  7   langage codé. Et puis, au bas de la même page: "15 heures 23": Blaskic

  8   appelle Kordic pour lui demander de lui soumettre un rapport. Il y a

  9   encore une opération planifiée.

 10   Page suivante, un peu plus détendu dans la terminologie utilisée. "15

 11   heures 23": en milieu de page, nous lisons "que les villages de Gomjenica

 12   et de Zvinjarevo ont été incendiés et nettoyés, et que le HVO s'est mis en

 13   route pour atteindre deux autres villages.

 14   Page 178, autre référence à Kiseljak: dans une conversation entre Kordic

 15   et Blaskic. La remarque la plus intéressante se situe en page 178, à 17

 16   heures 55, selon le rapport. "Il y a trois pièces: une pour moi, une pour

 17   toi et une pour Ignaz".

 18   M. le Président (interprétation): Quelle est la date?

 19   M. Nice (interprétation): Le 25 avril, Monsieur le Président.

 20   Et puis, il y a référence au convoi du 28, que l'on voit en page 190 et

 21   191. En tout cas, il y est question d'un convoi, ce qui permet de nier les

 22   éléments de preuve selon lesquels huit ou neuf observateurs internationaux

 23   auraient été présents; tout cela, ce n'est que fantasmagorie.

 24   Je crois que c'est tout ce que j'avais besoin de soumettre à votre

 25   attention, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.


Page 28313

  1   M. le Président (interprétation): Monsieur Robinson?

  2   M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, vous ne cessez de parler de

  3   l'absence de références à Ahmici et vous nous demandez d'en déduire que

  4   l'intention existait de cacher ce qui s'est passé à Ahmici; c'est bien

  5   cela?

  6   M. Nice (interprétation): Oui, j'ai à plusieurs reprises parlé de ce qu'on

  7   ne trouvait pas dans le journal intime. On n'y trouve pas mention du fait

  8   qu'ils ont subi une attaque au départ. Et cette description est faite

  9   volontairement de façon très neutre et émane sans doute de quelqu'un qui

 10   connaissait toute la réalité.

 11   Oui, effectivement, si l'on avait assisté à un combat légitime à Ahmici,

 12   on aurait pu s'attendre à ce qu'il en soit rendu compte d'une façon ou

 13   d'une autre par cet officier, qui ne rendait pas compte de tout, bien sûr,

 14   mais qui rendait tout de même compte des choses qui passaient par lui. On

 15   aurait donc pu s'attendre à trouver mention de ce fait.

 16   Il est intéressant, significatif de ne trouver aucune référence à cela, ni

 17   ici ni plus haut.

 18   M. le Président (interprétation) : Nous suspendons l'audience qui sera

 19   reprise à 14 heures 10.

 20   (L'audience, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 14 heures 14.)

 21   M. le Président (interprétation): Il est presque 14 heures 15 minutes, je

 22   crois, Monsieur Nice, qu'il vous reste une heure sous réserve du temps que

 23   vous souhaiterez en déduire pour intervenir à la fin.

 24   M. Nice (interprétation): Je vais réserver vingt minutes, ce qui nous

 25   amènera, je pense jusqu'à peu près 3 heures moins 5. Il est très


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  1   difficile, étant donné la masse des éléments de preuve, de passer tout en

  2   revue. C'est pourquoi nous avons préparé des documents de la manière dont

  3   nous l'avons fait, et à la fin de ces documents, il y a sans doute l'un

  4   des éléments les plus importants dans cette affaire, il s'agit des

  5   documents qui se trouvent à l'Annexe 11. Il s'agit de documents

  6   extrêmement importants qui ont été préparés par Mme Verhaag et Mme Block

  7   notamment. Il s'agit d'un document qui s'inspire de multiples sources

  8   documentaires. Et l'objectif est ici de raconter ce qu'il s'est passé de

  9   manière chronologique. Et vous pourrez ouvrir où vous le souhaiterez ce

 10   document, mais pour une raison bien précise, je vous demande de l'ouvrir à

 11   la page 161. Quelle que soit la façon dont vous examiniez ce document, en

 12   vous référant à la ligne 3, à la colonne n° 3, on peut voir ce qui se

 13   passe à n'importe quel endroit, à n'importe quel moment. Par exemple si

 14   vous prenez tout ce qui concerne Busovaca ou une autre ville, vous pouvez

 15   ensuite voir dans le texte principal les éléments qui résument un élément

 16   de preuve ou bien un document et on peut voir où l'on parle de Cerkez ou

 17   Kordic. La page que je vous ai proposée, la page 161, a trait à des

 18   événements dont nous avons parlés précédemment et qui montrent qu'il est

 19   facile d'oublier des éléments de preuve dans une affaire de cette ampleur.

 20   Par exemple ici nous avons des éléments relatifs aux camions piégés que

 21   l'on a peut-être oubliés, Jozinovic a été prévenu à l'avance par un voisin

 22   croate, Kordic est apparu à la télévision et a déclaré qu'il y aurait

 23   d'autres explosions de ce type.

 24   C'est la ligne 5 au milieu du texte. On voit que Zeko a été détenu avec

 25   d'autres Musulmans au centre vétérinaire de Vitez qui était sous le


Page 28315

  1   contrôle de la Brigade de Vitez et l'un des gardes de la Brigade lui a dit

  2   d'aller au sous-sol, à la cave et ensuite on a entendu des détonations.

  3   Quelques lignes plus tard on voit que le même camion piégé dont a parlé le

  4   témoin a été vu très près de la maison de Cerkez peu avant, deux lignes

  5   plus loin, Rebihic a reçu des appels téléphoniques des habitants de Vitez

  6   lui conseillant de laisser les fenêtres ouvertes. Et enfin tout en bas,

  7   les soldats du HVO conseillent aux résidants d'un immeuble d'habitations

  8   d'aller se réfugier au sous-sol. Donc beaucoup d'éléments de preuve ont

  9   été présentés mais ici des éléments qui permettent de faire des références

 10   entre les différents documents. Et nous vous encourageons à utiliser ce

 11   document pour chaque accusé, parce que ces documents, et ce document en

 12   particulier, vous donne une image très exacte de la situation et des

 13   événements qui ont eu lieu et des événements auxquels ont participé les

 14   accusés de diverses manières. Maintenant je voudrais passer à la question

 15   de Kraljevic, vous l'avez évoquée, oui, ceci a été évoqué. C'est-à-dire

 16   qu'on a posé la question à deux ou trois témoins en utilisant donc des

 17   témoignages par ouï-dire, mais que ce soit vrai ou pas, mettons que ce

 18   soit vrai, peu importe, pour Kordic, de savoir qui il fréquentait

 19   régulièrement, si c'est faux eh bien cela fait partie d'une ligne de

 20   conduite délibérée où on accuse un certain nombre de personnes dont

 21   Kraljevic notamment, et la Chambre se souviendra que ce matin il y a un

 22   certain nombre de gens accusés d'être responsables des événements qui ont

 23   eu lieu au printemps 1993 et ce sont des unités que Kordic était à même de

 24   contrôler, qu'il contrôlait. Nous avons des moyens de preuve à ce sujet.

 25   Au même sujet, les trois derniers documents que je souhaite évoquer,


Page 28316

  1   inutile de préparer des outils pour vous aider à moins que je ne vous dise

  2   de quoi il s'agit exactement. L'Annexe n°1 se trouve immédiatement après

  3   notre mémoire en clôture, et ce document s'intitule "collaborateurs de

  4   Kordic". Il vous sera sans doute utile d'avoir un résumé de notre part, de

  5   notre vision de cet aspect des choses. Avant de passer un certain nombre

  6   de ses collaborateurs pas Kraljevic en l'occurrence mais peu importe. Donc

  7   ce que vous voyez à la page 3 de l'Annexe 1 au sujet des collaborateurs de

  8   Kordic est la chose suivante. En étudiant les actes, le comportement et

  9   l'intention délictueuse de l'accusé Kordic, nous estimons que ce

 10   document…, qu'il est approprié de s'intéresser aux collaborateurs de

 11   Kordic, des gens dont il s'est servi pour planifier, initier et exécuter

 12   les crimes qui lui sont reprochés. Comme tout dirigeant de haut niveau

 13   dans un gouvernement, une entreprise ou une organisation criminelle, il

 14   n'est pas surprenant que les dirigeants du plus haut niveau ne participent

 15   pas toujours, directement aux actes qui se passent sur le terrain, ils ne

 16   se salissent pas les mains, ils agissent par le biais d'agents,

 17   d'intermédiaires et nous avançons que c'est ce qui s'est passé aujourd'hui

 18   et ceci me ramène à une des questions posées par M. le Juge Robinson.

 19   M. le Président (interprétation): Ce matin. j'ai deux exemplaires de

 20   l'Annexe 2 mais je n'ai pas d'exemplaire de l'Annexe 1.

 21   M. Nice (interprétation): J'espère que vous disposez également de l'Annexe

 22   3. En tout cas je vous prie de m'en excuser, en ce qui concerne l'Annexe

 23   2, elle a été préparée par Mme Somers et M. Tomorovic, il s'agit de la

 24   stratégie des Croates de Bosnie et des Croates qui sous-tendent les faits

 25   reprochés dans l'acte d'accusation. Si j'avais eu le temps, je vous aurais


Page 28317

  1   parlé de ce document, mais je n'ai pas le temps, mais il s'agit des trois

  2   documents que nous vous invitons instamment à lire, il s'agit du mémoire

  3   en clôture de l'Annexe 2 et de l'Annexe 3, notamment ce qui a trait au

  4   conflit armé international. Les autres annexes pourront vous servir

  5   d'outils que vous pourrez utiliser à votre guise. Cette annexe, je vais en

  6   parler en disant une phrase uniquement, ceci montre que Tudjman savait

  7   qu'il n'y avait pas de solution pacifique, qu'il n'y aurait pas de

  8   division du pays sur une base pacifique, qu'il ne pouvait pas y avoir

  9   d'accord et c'est cette stratégie qui explique les événements qui sous-

 10   tend les événements et j'allais dire quelque chose que je vais dire tout

 11   de suite, après une conversation que j'ai eue pendant la pause, une

 12   entreprise militaire et une opération militaire peut résoudre des

 13   objectifs politiques. Et si nous avons beaucoup d'éléments qui indiquent

 14   qu'il y avait des objectifs politiques, nous avons beaucoup de moyens de

 15   preuve qui indiquent qu'il y avait des opérations militaires, des

 16   entreprises militaires et le lien entre tout cela, c'est Kordic. L'Annexe

 17   3 maintenant, il s'agit de la structure de jure de la Herceg-Bosna et nous

 18   vous invitons lorsque cela vous sera possible à lire ce document, la

 19   structure de jure de cette entité, si on peut l'appeler ainsi. Cette

 20   entité a été créée bien qu'il ait été signifié que ceci était tout à fait

 21   illégal, comme l'a dit la Cour constitutionnelle, le Tribunal

 22   constitutionnel, et affirmer le contraire relève de l'absurdité. Ce

 23   document nous montre que cette instance s'est constituée autour d'une

 24   notion de nation unique. Et c'est pour cela que ce document est très

 25   intéressant. Ici on vous parle du caractère évolutif de Herceg-Bosna et de


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  1   l'évolution du rôle de Kordic au sein de cette structure. Mais ce

  2   document, il est possible qu'il réponde aux préoccupations qui ont été

  3   exprimées par les Juges Bennouna et Robinson au sujet des conséquences qui

  4   existent ou non de l'autorité de jure ou formelle d'un certain nombre de

  5   personnes en particulier. Donc après cette brève introduction, je vais me

  6   permettre maintenant de passer à quelques pièces encore pour répondre aux

  7   questions et aux préoccupations qui ont été exprimées par les Juges ce

  8   matin. Je serais bref. En premier lieu, 1209.1, il s'agit d'un document de

  9   septembre 1993, qui est signé par Kordic et Kostroman, et s'il devait y

 10   avoir aucun doute à ce sujet, c'est…, examinons la fin de ce document, je

 11   cite: "Vous pouvez être sûrs que le peuple croate de la vallée de la Lasva

 12   est déterminé à rester dans son foyer, dans ses foyers et à détruire les

 13   Balijas." fin de citation. Or, on nous affirme qu'il s'agissait de

 14   quelqu'un de modéré. Que c'était un dirigeant modéré, on pourra déduire ce

 15   que l'on veut de la lecture de cette pièce. Maintenant, je vais demander à

 16   la Chambre avant de passer à la pièce 1257, je vais dire la chose

 17   suivante, je n'ai pas le temps de parler en détail de Stupni Do et de

 18   Vares, mais notre position à ce sujet est expliquée de façon détaillée

 19   dans le mémoire en clôture et tous les éléments de preuve relatifs à ceci

 20   peuvent se trouver dans les outils que nous avons fournis en annexe.

 21   M. le Président (interprétation): Je vous prie de m'excuser de vous

 22   interrompre étant donné le peu de temps qui vous reste, mais ceci est

 23   important. A ce sujet, les éléments sur lesquels vous vous appuyez,

 24   j'imagine, ont trait à M. Kordic, parce qu'il y a apparemment certains

 25   éléments de preuve qui indiquent qu'il a participé à la prise de Vares,


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  1   mais cela, je ne pense que ce soit extrêmement utile. Mais d'après les

  2   éléments de preuve, dont on a appris que Rahic avait été envoyé là-bas,

  3   j'imagine que votre thèse, c'est que Rahic qui a mené à bien cette

  4   opération avec ses hommes à Stupni Do.

  5   Ensuite, il y a des éléments de preuve indiquant que M. Kordic s'est fait

  6   donné rapport au sujet de cette opération, en disant qu'une enquête allait

  7   être diligentée à ce sujet. C'est ce dont je me souviens.

  8   M. Nice (interprétation): Oui, Monsieur le Président, vous vous souvenez

  9   parfaitement de la question. J'allais placer le document en question sur

 10   le rétroprojecteur.

 11   M. le Président (interprétation): Pendant que l'on fait cela, je vous pose

 12   la question de la relation qui existe entre M. Kordic et cet acte

 13   délictuel. Il serait utile que vous nous présentiez votre position à ce

 14   sujet et vos arguments à ce sujet rapidement.

 15   M. Nice (interprétation): C'est justement ce que j'allais faire. Le seul

 16   aspect des éléments de preuve que vous n'avez par rappelé dans votre

 17   résumé, bien que j'ai essayé d'attirer votre attention à ce sujet ce matin

 18   en examinant un certain nombre de documents, c'est qu'il est très

 19   souvent.., la fréquence avec laquelle il est informé de ce qu'il se passe

 20   à Vares.

 21   On peut en revenir à la réunion avec Tudjman en 1991, lorsqu'il parle et

 22   ceci se trouve à la page 42 de la transcription de la réunion qui a été

 23   enregistrée sur cassette, pièce à conviction 2717. Il dit, je cite: "J'ai

 24   l'honneur et la fonction de parler au nom du peuple, de ce que l'on

 25   caractérise de zone contestée qui va de Dobratici à Jajce et à Vares, page


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  1   42 de ce document.

  2   Je ne vais pas vous demander de vous rapporter à ce document mais dans la

  3   liste que je vous ai présentée à l'Annexe 11, il est très facile de

  4   trouver tous les éléments de preuve qui font référence à Vares. Vous

  5   verrez qu'il exprime un intérêt pour cette zone à plusieurs reprises.

  6   D'autre part, il y a d'autres éléments de preuve, en particulier tout ce

  7   qui concerne le mouvement des Croates particulièrement à Zenica et Kakanj

  8   qu'il faut prendre en compte. Pensez à la politique de nettoyage ethnique

  9   à rebours qui est sans doute la raison qui explique le massacre de Stupni

 10   Do pour obliger les Croates à partir. C'est quelque chose que l'on

 11   retrouve à plusieurs reprises dans les éléments de preuve. Donc, vous avez

 12   ici l'acteur, vous avez Rahic, qui intervient dans des circonstances dont

 13   on peut dire qu'il a agi sur ordre. Et les éléments de preuve montrent

 14   d'où venaient ces instructions. Donc, il est allé pour essayer d'obtenir

 15   quelque chose, remplir un objectif qui correspond à la ligne de conduite

 16   générale qui est de faire en sorte que les Croates s'en aillent, qui

 17   correspond à la politique de de nettoyage ethnique inverse, puisqu'on veut

 18   qu'ils partent des territoires serbes puisqu'il y a eu coopération avec

 19   les Serbes depuis longtemps.

 20   Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails de cet aspect de la

 21   question, mais comme vous l'avez dit très justement, Monsieur le

 22   Président, la pièce à conviction 1257.3, qui se trouve maintenant sur le

 23   rétroprojecteur.

 24   Première page, s'il vous plaît. Ce rapport n'est pas adressé uniquement à

 25   Kordic, c'est lui qui est le premier sur la liste des destinataires, mais


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  1   il y a également Petkovic, Blaskic et un autre. On voit que non seulement

  2   il signale ce qui s'est passé mais il dit, je cite: "La ville de Vares a

  3   été nettoyée." Fin de citation.

  4   Et de l'autre côté, on peut lire la chose suivante: "Tout en gardant à

  5   l'esprit que ceci faisait partie d'un objectif politique. Vares est croate

  6   à partir d'aujourd'hui. Nous allons devoir lutter pour que les choses en

  7   restent ainsi. Il faut que vous m'aidiez." Fin de citation.

  8   Notre thèse en ce qui concerne Stupni Do fait l'objet d'une argumentation

  9   détaillée dans notre mémoire en clôture. La raison de cette offensive

 10   maintenant. Je sais que la défense s'appuie sur un grand nombre de

 11   raisons, qui ont été présentées par un certain nombre de témoins, peu

 12   importe finalement. Ce qui importe, c'est que la structure au sein de

 13   laquelle cette attaque à été menée, correspond en tout point aux attaques

 14   qui ont été menées ailleurs.

 15   Bien entendu, bien qu'ultérieurement, Kordic ait prononcé un certain

 16   nombre de paroles de regret, on doit se demander s'il y a eu des sanctions

 17   de prises. Non. Est-il parti du principe qu'il avait le pouvoir de

 18   déterminer des sanctions? Oui.

 19   Et tout ceci montre qu'il est pleinement responsable de ce crime, quelles

 20   que soient ces catégories. Vous m'avez demandé de parler de Kordic, et

 21   Busovaca et de son importance. Je vais en parler maintenant brièvement. La

 22   raison pour laquelle nous vous avons présenté un certain nombre d'ordres

 23   aujourd'hui, et d'ailleurs je vais me permettre d'en placer un sur le

 24   rétroprojecteur, un ordre que vous connaissez sans doute, 1342.4, en date

 25   du 26 décembre 1993 où il est nommé à l'état-major principal. Vous vous


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  1   souviendrez facilement, je pense, Messieurs les juges, qu'aucun témoin n'a

  2   été en mesure de donner d'information à ce sujet.

  3   Les ordres que je vous ai montrés précédemment avaient trait à des

  4   objectifs militaires précis et cet ordre qui le désigne à un poste au sein

  5   de l'état major principal montre que Kordic avait des responsabilités sur

  6   une zone qui allait au-delà de sa propre localité. C'était un homme

  7   politique de très haut niveau et bien qu'il ait été basé à Tisovac, il

  8   avait cependant de vastes responsabilités.

  9   On pourrait également dire qu'il était toujours en mesure d'intervenir

 10   dans les affaires militaires quand il le souhaitait pour assumer le

 11   commandement et contrôler la situation militaire.

 12   Donc, en ce qui concerne la signification des éléments de preuve

 13   présentés, et le lien avec Vares, Zepce et Kiseljak, il y a beaucoup,

 14   beaucoup de documents qui vont dans ce sens. Nous affirmons que la

 15   signification des éléments de preuve que nous avons trouvés en ce qui

 16   concerne Busovaca, c'est que ces documents montrent, mettent en exergue le

 17   pouvoir dont il disposait, le fait qu'il vivait à Busovaca.

 18   M. le Président (interprétation): Oui, mais à l'époque, ce n'est pas la

 19   signification des éléments qui importe, bien que je la reconnaisse mais la

 20   question, c'est à partir de ce pont de départ, c'est comment établissez-

 21   vous le lien entre lui-même et ce qu'il s'est passé ultérieurement, en

 22   particulier à Vitez en avril. Car si vous vous arrêtez à Busovaca et que

 23   vous faites référence aux éléments de preuve qui indiquent sa

 24   participation aux opérations d'artillerie, ici nous sommes à Busovaca en

 25   janvier.


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  1   Mais vous, vous devez également nous parler de la vallée de la Lasva en

  2   avril et jusqu'en automne.

  3   M. Nice (interprétation): Oui, et sans oublier Stari Vitez au milieu de

  4   l'été. Oui, en fait tout commence au printemps 1992, à Novi Travnik et à

  5   l'usine de Bratstvo et à la deuxième attaque dont il est responsable. Ce

  6   que nous avançons, c'est que c'est une ligne de conduite générale,

  7   généralisée, et que les éléments qui vous sont montrés sont typiques de

  8   son comportement et non pas inhabituels. Nul ici, aucune des parties, n'a

  9   avancé, à l'exception des demandes récentes et tout à fait irréalistes ou

 10   des allégations complètement irréalistes selon lesquelles tout le monde

 11   riait quand il donnait des ordres de nature militaire, nous estimons qu'il

 12   n'y a aucun élément de preuve qui puisse être avancé à l'appui de telles

 13   allégations.

 14   Mais donc ce que nous voyons, c'est qu'il y a une évolution très claire de

 15   son comportement et c'est pourquoi j'ai passé d'ailleurs tant de temps à

 16   passer en revue le journal de guerre qui montre très clairement qu'il

 17   était impliqué à Vitez et Kiseljak. Donc, la signification, l'importance

 18   de ces éléments de preuve a une nature habituelle.

 19   Que fait cet homme? Nous savons qu'il occupe un poste, qu'il dispose d'une

 20   certaine autorité. Nous n'avons pas l'impression qu'il travaille du lundi

 21   au vendredi, nous n'avons pas d'éléments qui nous indiquent ceci mais il

 22   n'y a aucune raison de ne pas penser qu'il ne fasse pas la même chose tous

 23   les autres jours de la semaine. Et quand on a le point de départ, c'est-à-

 24   dire qu'on a les événements de Novi Travnik, et au moins un des points

 25   d'aboutissement, c'est-à-dire sa nomination à un poste élevé au sein de


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  1   l'armée, eh bien, la Chambre peut être satisfaite du fait que pendant

  2   toute cette période, il avait la possibilité d'exercer l'autorité et que

  3   de beaucoup d'autres manières, il était manifeste qu'il exerçait ce

  4   pouvoir.

  5   Après tout, c'était lui qui a organisé, consolidé ces municipalités en

  6   août 1991, et il a continué cette consolidation dans son fief plus tard.

  7   Donc, c'est ce que nous expliquons dans le cadre de nos arguments.

  8   Un autre document avant que nous ne passions à huis clos partiel pour

  9   quelques instants. Un document qui est en date du 11 janvier 1994. Ceci

 10   répond d'ailleurs peut-être immédiatement à votre préoccupation page 2,

 11   1356.4, pièce 1356.4.

 12   11 janvier 1994, la Brigade de Vitez. Ensuite c'est la page suivante qui

 13   nous intéresse, je remercie M. Scott de me le rappeler. Je cite: "Sur les

 14   ordres du colonel Kordic, des bombes artisanales ont été tirées sur

 15   Kruscica." Fin de citation. Et ceci répond à votre demande, Monsieur le

 16   Président. Il s'agit ici d'activités qu'il a menées de façon continue.

 17   D'autre part, on le voit sur la ligne de front en août, en décembre, avec

 18   même une fois -je crois- avec Cerkez en personne.

 19   Je vais vous demander, s'il vous plaît, la possibilité de passer à huis

 20   clos partiel très brièvement.

 21                     (Audience à huis clos partiel.)

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 20                     (Audience publique.)

 21   M. le Président (interprétation): Veuillez faire en sorte qu'on me

 22   remettre un exemplaire de l'Annexe 1.

 23   M. Nice (interprétation): Oui, je vous prie de m'excuser. Je ferai en

 24   sorte qu'un exemplaire vous soit remis.

 25   Nous ne sommes plus à huis clos. Je souhaite soulever certains autres


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  1   points. Vous avez entendu certains des éléments concernant Kordic et

  2   Blaskic. Je vais ajouter: il disait devant le groupe militaire mixte qu'il

  3   était le supérieur de Blaskic. Dans le document 769, un document qu'il a

  4   envoyé à Blaskic, il dit: "Je serai d'accord sans que Kordic donne les

  5   ordres" mais il a quand même envoyé cela à Kordic et à Blaskic.

  6   Le témoin AS a dit que Kordic est entré dans l'hôtel en criant sur Blaskic

  7   et disant: "Comment as-tu permettre aux Balija de traverser Vitez!". La

  8   page 16.342 du compte rendu d'audience, l'ordre de Blaskic nous l'avons

  9   déjà examiné en date de mars 1993, donné sur la base de l'ordre verbal

 10   donné par le colonel Dario Kordic.

 11   Ensuite, il y a le document 780.2 où Blaskic se retourne vers Kordic pour

 12   savoir quelle est son opinion concernant la demande de Cerkez selon

 13   laquelle il fallait relâcher les Musulmans détenus.

 14   Ensuite, le rapport de l'ECMM du 19 juin 1993, 1079.1, au milieu de la

 15   page: "Ceci paraît machiavélique mais c'est seulement dans les Balkans que

 16   tout le monde qui rencontrait régulièrement les leaders de très haut rang

 17   croates ou bosniaques comme Boban, Stojic, Kordic et Valenta dans des

 18   situations différentes et concernant des sujets différents où leur

 19   paranoïa et leur extrémisme n'étaient même pas cachés". La personne qui a

 20   rédigé le rapport trouvait cela difficile à croire.

 21   Le dernier document 1477 reflète l'opinion selon laquelle…, je ne retrouve

 22   pas très exactement les termes exacts, mais la Chambre a posé plusieurs

 23   questions au témoin qui traitait de cette citation concernant le prix qui

 24   devait être délivré à cette personne en tant que chef du bureau de la

 25   défense de Busovaca. "Il a organisé" a-t-il dit "et commencé toutes les


Page 28329

  1   activités visant à bloquer les Serbes Chetniks militaires en Bosnie

  2   centrale et à cause de cette contribution extraordinaire à la création du

  3   conseil de la défense croate et la création de la stratégie de guerre, et

  4   à cause de sa grande réussite dans le poste de dirigeant et du commandant

  5   des unités du conseil de la défense croate pendant l'agression musulmane

  6   dans la vallée de la Lasva et dans la région plus vaste, il est proposé

  7   qu'un prix lui soit décerné". Je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de

  8   temps. J'aurais peut-être une vingtaine de minute à ajouter demain.

  9   Mais ce que je souhaitais dire, c'est que je souhaitais souligner ma

 10   gratitude à toutes les personnes, à tout le personnel de la Chambre,

 11   l'huissier, la Greffière d'audience qui nous ont aidé dans notre travail

 12   jusqu'à maintenant. Je pense que nous avons tous pu constater à quel point

 13   nous avons bénéficié de ces efforts multinationaux et nous ne pouvons que

 14   regretter  le fait que d'autres personnes ne se soient pas inspirées de la

 15   même approche multiethnique et multiculturelle et qu'ayant appliqué une

 16   approche contraire à celle-là, ils ont entraîné des conséquences affreuses

 17   au cours de l'année 1992 et 1993. Je vous remercie.

 18   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Sayers, vous pouvez

 19   commencer. Pendant une heure à peu près.

 20   (Plaidoiries de la Défense.)

 21   M. Sayers (interprétation): Merci beaucoup Monsieur le Président. Je

 22   partage les sentiments du représentant du Bureau du Procureur s'agissant

 23   de la qualité remarquable du travail des responsables juridiques et de

 24   l'huissier. Je vous remercie de la patience dont vous allez faire preuve

 25   en m'écoutant.


Page 28330

  1   S'agissant de notre plaidoirie au sujet de M. Kordic, nous avons un

  2   certain nombre de chose à dire pour commencer. Les gens ont tous le droit

  3   de se défendre, notamment lorsqu'ils représentent une minorité importante

  4   comme c'était le cas des croates en Bosnie-Herzégovine, 7,3% de la

  5   population totale en 1991 dans la région où ils résidaient. Ce n'est pas

  6   un crime que d'inciter les gens à demeurer chez eux, à rester chez eux à

  7   la maison, à rester dans leur village, leur ville, à l'endroit où ils ont

  8   vécu et où il sont nés pour défendre ces villes et ces villages. Comme

  9   nous l'avons dit dans la première page de notre mémoire, le fait de se

 10   défendre n'est pas un crime. Mais des crimes au cours de la guerre, ces

 11   crimes ne sont pas excusables et il y a y compris des crimes commis en

 12   dehors des guerres. Monsieur le Président, je vous rappelle également

 13   qu'en page 4 de notre mémoire écrit, nous faisons observer que dans le

 14   présent procès des questions tout à fait importantes et fondamentales sont

 15   abordées et que le jour où ces questions sont mêmes mieux traitées est la

 16   journée d'aujourd'hui.

 17   Le présent procès implique le rôle joué par un représentant politique

 18   important. Cela ne fait pas de doute. Quel poids de responsabilité pénal

 19   doit être assumé sur le plan juridique par des dirigeants politiques qui

 20   ont eu le courage de s'avancer au premier rang à une époque de tumulte et

 21   de chaos politique sociale et militaire ainsi qu'économique et ce dans le

 22   but de prendre la direction des affaires au sein de leur communauté, chose

 23   qui était tout à fait indispensable. Voilà en fait la question qui nous

 24   intéresse ici aujourd'hui, la question fondamentale qui va bien au-delà

 25   des allégations proférées par le Bureau du Procureur s'agissant de


Page 28331

  1   l'implication de M. Kordic dans les charges retenues contre lui ou dans

  2   des questions d'ordre militaire, mais je reviendrai là-dessus.

  3   Permettez-moi brièvement de vous parler de ce qui s'est passé il y a 2000

  4   ans à peu près, j'ai dit que je serais bref, mais je risque d'être

  5   également obscur et il n'y a rien de bref ni d'obscur dans notre mémoire

  6   écrit. Nous nous sommes efforcés dans la mesure du possible et avec le

  7   temps qui était imparti de présenter des arguments précis, pertinents et

  8   objectifs. Nous l'avons fait autant que nous l'avons pu. C'est ce que l'on

  9   voit à la lecture de la table des matières. Je n'en ajouterais pas plus.

 10   Mais la structure fondamentale de notre mémoire est la suivante. Elle

 11   traite d'abord d'une première question, je prie les interprètes de

 12   m'excusez pour la vitesse de mon exposé, donc la première question traitée

 13   dans ce mémoire c'est ce que n'était pas M. Kordic, il n'était pas un

 14   commandant militaire. Dans la deuxième partie, nous traitons de ce qu'il

 15   était, c'était un dirigeant politique, c'était un porte-parole. Il est ici

 16   aujourd'hui et il est dans le quartier pénitentiaire de cette institution

 17   depuis trois ans pour répondre de ce qu'il était à l'époque et de ce qu'il

 18   a fait. Et si le moindre châtiment doit être prononcé contre lui,

 19   Messieurs les Juges, ce châtiment doit être prononcé en fonction de ce

 20   qu'il a fait et de ce qu'il était mais pas en fonction de ce qu'il n'a pas

 21   fait et de ce qu'il n'était pas. Et avec tout le respect que je dois au

 22   Procureur, je dirais que c'est exactement ce que le Procureur n'a pas fait

 23   aujourd'hui.

 24   Le Procureur aujourd'hui nous a dit que Kordic était un représentant

 25   militaire, qu'il a participé aux événements d'Ahmici et pour ma part, me


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  1   fondant sur des documents que j'examinerai plus en détail ultérieurement,

  2   je dirai qu'il n'a jamais été démontré par le Procureur, jamais à quelque

  3   moment que ce soit, par le biais de quelque témoin que ce que soit, qu'il

  4   a eu la possibilité de faire ce que le Procureur dit qu'il a fait et la

  5   Chambre de première instance peut d'ailleurs se pencher sur ces documents

  6   pour le vérifier. Voyons un peu quels sont les documents à la disposition

  7   de la Chambre. Il y a d'abord le document 610.1, M. Prelec inscrit un

  8   certain nombre de chose dans ce document le 29 janvier. Quelqu'un a

  9   surchargé les notes que l'on trouve dans ce que journal intime en date du

 10   15 avril 1993, mais personne ne peut expliquer pourquoi.

 11   Le deuxième témoin dont j'aimerais parler aux Juges de cette Chambre c'est

 12   un témoin dont vous vous souvenez Messieurs les Juges, qui a témoigné il y

 13   a deux semaines pour le Procureur et qui nous montre bien de quoi il est

 14   question dans ce procès. Qu'avait-il à dire au sujet de cette pièce 610.1

 15   et ces annotations apportées, inscrites le 16 avril. Eh bien il dit qu'il

 16   s'agit de faux.

 17   M. le Président (interprétation): Non, non, non. Soyez…Faites attention,

 18   il n'a pas dit qu'il s'agissait de faux.

 19   M. Sayers (interprétation): Oui Monsieur le Président, la première

 20   remarque qu'il a faite au sujet de ce qu'on lui a montré en date du 16

 21   avril, c'est que qu'il s'agissait d'une fabrication de toutes pièces et

 22   d'un faux. Mais vous avez tout à fait raison, on lui a aussi montré les 28

 23   autres pages qui portent sur une autre journée. En tout cas, pour ce jour-

 24   là, il a dit qu'il s'agissait d'un faux. Et ce que nous avons entendu

 25   aujourd'hui, à moins que j'ai mal compris, en tout cas c'est ce que j'ai


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  1   noté pour ma part dans mes notes personnelles, c'est que 50% des arguments

  2   du réquisitoire du Procureur ont été consacré à ce document et aux

  3   déductions qu'il était possible d'en tirer.

  4   Le Procureur dit qu'il n'y a pas mention d'Ahmici, qu'il n'y est donc pas

  5   question d'Ahmici dans ce document et pour le reste, toutes les déductions

  6   qu'il vous a invité à faire sont possibles, sont faisables.

  7   Alors Monsieur le Président, très sincèrement, c'est une position assez

  8   curieuse à défendre. Notamment si l'on regarde la première page de ce

  9   document. Ce document, en effet, où il y a des notes manuscrites,

 10   s'intitule journal de guerre, 16 avril jusqu'à une certaine date, c'est ce

 11   qu'on lit en première page du document, vous pouvez le voir écrit à la

 12   main en croate. Mais personne n'a expliqué ce fait. Cette première page

 13   manuscrite porte l'intitulé à compter du 16 avril 1993 jusqu'à…. mais

 14   jusqu'à quand? Jusqu'à quoi? Et bien personne ne le sait. Quand est-ce que

 15   cela a été écrit, nous ne le savons pas? Pourquoi cela a-t-il été écrit?

 16   Nous ne le savons pas non plus. Cela pose un problème réel parce que c'est

 17   un document sur lequel s'appuie considérablement le Procureur puisque le

 18   Procureur n'a produit aucun élément de preuve prouvant la légitimité,

 19   l'authenticité ou l'exactitude de ce document. Mais je reviendrais sur

 20   cette question ultérieurement en temps utile.

 21   Monsieur le Président, ce que j'affirme pour ma part c'est que le présent

 22   procès se résume à quatre questions.

 23   Première question, les allégations de persécution portées de façon très

 24   générale au chef d'accusation numéro un de l'acte d'accusation. C'est une

 25   charge qu'il importe d'analyser avec le plus grand soin et qu'il importe


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  1   de discuter. Mais Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous

  2   demande de ne pas perdre de vue les arguments avancés lorsque la requête

  3   d'acquittement a été présentée en mars de cette année. En effet c'est une

  4   charge selon laquelle M. Kordic serait responsable de persécution dont il

  5   est affirmé qu'elles ont été perpétrées dans les 30 municipalités qui

  6   composaient la communauté croate d'Herceg-Bosna à l'époque et dans la

  7   ville de Zenica. Voilà ce qui figure dans ce chef d'accusation.

  8   Comme nous l'avons déjà dit, aucun élément de preuve n'existe au sujet de

  9   22 municipalités dans cet ensemble. Et je ne vais pas passer en revue les

 10   autres municipalités évoquées dans l'acte d'accusation mais contentons-

 11   nous, pour l'instant, de prendre deux municipalités, deux villes dont les

 12   noms figurent dans le chef d'accusation numéro un de l'acte d'accusation.

 13   Bugojno, pour commencer, où se trouve l'élément de preuve démontrant que

 14   les croates ont persécutés les musulmans à Bugojno. Cet élément de preuve

 15   n'existe pas tout simplement. Vous avez entendu deux témoins venant de

 16   Bugojno, le lieutenant colonel Rudy Gerritsen et un autre témoin qui

 17   prouve au-delà de tout doute raisonnable qui a été persécuté. Et vous

 18   savez qui a été persécuté? Ce sont les croates qui ont été persécutés par

 19   les musulmans dans ce cas précis. En fait sur les 16.000 personnes

 20   appartenant à la communauté croates dans cette ville, 15.000 ont été

 21   contraintes à abandonner leur domicile, ont donc été contraintes à l'exil

 22   de force. Et après cela, seules quelques personnes sont restées dans la

 23   municipalité. Un massacre terrible a eu lieu le 25 septembre 1993 à Uzdol,

 24   alors qui persécutait qui? Pas un seul argument ne le montre, pas un seul

 25   argument présenté au cours du procès ne permet de confirmer les


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  1   allégations présentes dans l'acte d'accusation. Alors qui faisait quoi, à

  2   qui, ou contre qui? Et bien nous ne le savons pas.

  3   Deuxième municipalité que j'aimerais citer, c'est la ville de Zenica. La

  4   question a-t-elle été sérieusement posée? La question existe-t-elle? Celle

  5   qui permettrait de se demander si les croates ont persécuté les musulmans

  6   à Zenica. Une telle allégation serait totalement dépourvue de fondement.

  7   D'abord vers la fin de 1992, au mois d'octobre, au mois de novembre,

  8   20.000 personnes de nationalité serbe, à peu près, auraient été ou ont été

  9   chassés de la ville de Zenica, mais on sait également ce qu'il s'est passé

 10   au mois d'avril, vous le voyez dans les comptes rendus d'audience, le

 11   témoin était W2 de la défense et d'ailleurs les éléments de preuve ne

 12   remettent pas cela en cause. 17.000 personnes de nationalité croate ont

 13   été chassées de leur domicile à Zenica et dans les villages environnants.

 14   M. Robinson (interprétation): Que recherchez-vous au titre des

 15   persécutions ici? Est-ce que vous utilisez le mot persécution au sens

 16   courant du terme ou l'utilisez-vous dans le langage juridique, ce qui

 17   devrait être le cas, n'est-ce pas?

 18   M. Sayers (interprétation): Une très bonne question et mon confrère, Me

 19   Smith, va traiter de cette question en détail.

 20   Mais je vous répondrai pour ma part en vous disant ce qui suit. Je crois

 21   que, lorsqu'on analyse l'allégation de persécution du chef d'accusation

 22   n°1, on constate qu'elle est générale. Et c'est une allégation que les

 23   Juges de cette Chambre ont déjà examinée en rapport avec M. Kordic.

 24   Monsieur Kordic est censé avoir joué un rôle important aux niveaux les

 25   plus élevés du gouvernement. C'est là-dessus que l'on s'appuie pour dire,


Page 28336

  1   pour confirmer l'allégation générale de persécution, qui correspondrait,

  2   dit-on, à une politique énoncée au niveau le plus élevé par le Président

  3   Boban, par ses ministres, de façon directe ou indirecte, et qui serait

  4   descendue jusqu'aux aux différentes municipalités de la Communauté croate

  5   d'Herceg-Bosna, par les canaux habituels.

  6   Voilà donc l'allégation qui a été formulée.

  7   Bien sûr, nous voyons une allégation de persécution qui aurait affecté

  8   l'ensemble de la communauté et Zenica. Donc, Monsieur le Juge, il ne

  9   s'agit pas d'une allégation selon laquelle des persécutions auraient été

 10   commises dans l'une ou l'autre des municipalités; c'est une allégation

 11   générale et, bien entendu, le Procureur savait comment présenter cette

 12   allégation parce que cette même allégation a été formulée dans l'affaire

 13   Blaskic; des municipalités très précises sont citées dans l'Acte

 14   d'accusation Blaskic.

 15   Mais ici, nous sommes en présence d'un Acte d'accusation différent. Il

 16   n'est pas dit, dans l'Acte d'accusation Kordic, que M. Kordic aurait été

 17   responsable de persécutions à Busovaca, à Vitez ou à Novi Travnik, pour

 18   reprendre les exemples les plus pertinents. Il ne serait pas responsable

 19   vraiment de ce qui s'est passé à Gornji Vakuf ou à Siroki Brijeg, pour

 20   vous citer deux municipalités au hasard.

 21   Voilà précisément l'argument que je voulais présenter, Monsieur le Juge,

 22   en répondant à votre question. Il n'existe pas, dans l'Acte d'accusation

 23   Kordic, de chef d'accusation spécifique de persécution dans des

 24   municipalités ou des villes particulières. C'est une charge générale qui

 25   recouvre toutes sortes de lieux et qui, par hasard, existe également, dit-


Page 28337

  1   on, pour Zenica.

  2   M. le Président (interprétation): Mais supposons que nous ne trouvions

  3   aucun élément de preuve démontrant qu'il y ait eu persécution à Zenica ou

  4   dans l'une quelconque des autres municipalités, supposons que ce soit la

  5   conclusion à laquelle nous aboutissions finalement -je pense que c'est

  6   cela que vous avez à l'esprit-, il n'en reste pas moins qu'il y a huit

  7   autres municipalités qui sont toujours citées, huit autres municipalités

  8   pour lesquelles nous sommes bien forcés de dire qu'il existe des éléments

  9   de preuve, même si ces éléments sont discutés, remis en cause par

 10   certains.

 11   Mais supposons que nous nous trouvions persuadés que ces persécutions

 12   n'ont existé que dans ces huit municipalités. Est-ce que cela signifierait

 13   qu'il ne pourrait pas y avoir de sentence prononcée au titre de chef

 14   d'accusation n°1, en raison de la façon dont ce chef est rédigé?

 15   M. Sayers (interprétation): Monsieur le Président, c'est bien sûr une

 16   question qui sera posée aux aux Juges de cette Chambre et qu'il appartient

 17   aux Juges de cette Chambre de résoudre. Mais ce sera sans doute et très

 18   certainement la conclusion que nous demanderons aux Juges d'atteindre, à

 19   savoir que M. Kordic ne peut pas être accusé de complicité de persécution

 20   ou de persécution, dans certaines municipalités. Il a été accusé, la

 21   Chambre de première instance l'a constaté sans doute, d'avoir participé au

 22   plus haut niveau du gouvernement et d'être responsable d'une politique

 23   générale de persécution, mise en œuvre par la Communauté croate d'Herceg-

 24   Bosna, dans toutes les municipalités dépendant d'elle et notamment dans la

 25   ville de Zenica.


Page 28338

  1   C'est cela qui est dit dans le chef d'accusation.

  2   Et je comprends bien ce que vous voulez dire, Monsieur le Juge: un grand

  3   nombre d'éléments de preuves ont été présentés, s'agissant d'oppression et

  4   de persécution dont ont été victimes les Musulmans et, en sens inverse,

  5   dans diverses municipalités. Mais, malheureusement, ce n'est pas cela qui

  6   figure dans le chef d'accusation dont nous parlons.

  7   Dans des municipalités bien précises, comme cela a été le cas dans

  8   l'affaire Blaskic, ces persécutions ont eu lieu, mais il ne faut pas tout

  9   mélanger. S'agissant de M. Kordic, l'Acte d'accusation modifié n'a rien

 10   fait pour préciser ou spécifier les lieux où ces persécutions auraient été

 11   commises. Nous avons déjà parlé de cela.

 12   Mais s'agissant des allégations individuelles de persécution, si je puis

 13   me permettre, Monsieur le Président, elles se résument, il me semble, à la

 14   chose suivante: le Procureur a eu le plus grand mal à retenir des charges

 15   contre M. Kordic en rapport avec Ahmici. Les raisons pour cela sont tout à

 16   fait évidentes. C'était mon deuxième argument.

 17   Et puis, troisième point: Stupnido. Je n'ai pas l'intention de

 18   m'appesantir sur ce point, car il n'existe tout simplement aucun élément

 19   de preuve permettant d'établir un lien entre M. Kordic et les événements

 20   survenus à Stupnido, suite à la décision des Juges survenue la semaine

 21   dernière, consistant à exclure du dossier le témoignage du Témoin AO pour

 22   des raisons qu'il n'est pas nécessaire d'expliciter plus avant.

 23   S'agissant du seul document qui a été présenté aujourd'hui par le

 24   Procureur et qui a été placé sur le rétroprojecteur, ce document est censé

 25   avoir pour auteur Ivica Rahic. J'aurai quelques observations à faire, qui


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  1   ont déjà été faites d'ailleurs. Ce document est écrit sur un papier simple

  2   et non un papier à en-tête; il n'y a pas donc d'en-tête, il n'y a pas de

  3   signature, pas de sceau: n'importe qui aurait pu l'écrire.

  4   Ce document a été présenté aux témoins de la Chambre numéro 1, à qui on a

  5   demandé: "Avez-vous déjà vu ce document? Est-ce que vous en avez eu une

  6   copie sous les yeux?" La réponse à ces deux questions a été: "Absolument

  7   pas".

  8   Donc cela permet de penser, Monsieur le Président, que tout cela, tout ce

  9   qui figure dans ce document, n'est qu'un tissu très faible permettant

 10   d'établir un lien entre M. Kordic et les événements en question. Ce lien

 11   n'existe pas; c'est un tissu trop ténu. Il n'y a donc pas d'éléments de

 12   preuve relatifs à Stupnido.

 13   Quatrième question. Avec le respect que je dois à la Chambre de première

 14   instance, je dirais qu'en fait, l'acte d'Accusation se résume uniquement à

 15   cela: Busovaca.

 16   Busovaca que l'on peut diviser en deux périodes, la première allant de mai

 17   92 à janvier 93, et la deuxième concernant les événements de janvier et de

 18   février 93.

 19   Un grand nombre d'éléments de preuve ont été présentés à ce sujet. Nous

 20   nous sommes concentrés, pour notre part -et j'espère que nous l'avons fait

 21   de façon opportune- sur Busovaca. Nous avons présenté des témoins venant

 22   de Busovaca devant cette Chambre de première instance, notamment le chef

 23   de la police, le chef du gouvernement HVO et, la semaine dernière encore,

 24   le commandant militaire qui a occupé ce poste de février 94 à octobre 94,

 25   ainsi que le général de brigade Dusko Grubesic.


Page 28340

  1   A notre avis, l'affaire se limite à cela: persécutions, Ahmici, Stupnido

  2   et Busovaca, ce sont les quatre éléments dont il convient de parler.

  3   Par ailleurs, ce procès a duré très longtemps. Il a déjà été discuté

  4   longuement pour savoir si c'était l'affaire la plus longue de l'histoire

  5   ou la deuxième. Ceci n'est pas très important. En tout cas, ce qui compte,

  6   c'est qu'il y a eu 243 témoins entendus et que, demain, nous atteindrons

  7   le 240e jour de cette procédure, pour dire les choses de la façon la plus

  8   flegmatique qui soit. J'espère, nous parlerons d'un grand nombre

  9   d'éléments de preuve présentés, aussi bien sous forme de témoins que sous

 10   forme documentaire. Et il n'est pas très difficile de faire preuve de

 11   sélectivité lorsqu'on est face à une masse aussi importante d'éléments de

 12   preuve.

 13   Enfin, l'histoire jugera; ce serait erroné, me semble-t-il, pour un

 14   quelconque avocat de se lever devant les Juges de cette Chambre pour dire

 15   simplement: "C'est une affaire très simple, qui n'est vraiment pas

 16   compliquée". L'affaire, en réalité, est compliquée; elle n'est pas simple.

 17   Un grand nombre d'éléments de preuve ont été présentés et je suis tout à

 18   fait d'accord avec le Procureur quand il a dit, dans le début de son

 19   intervention, lors de ce procès, le 12 avril, "que c'était une affaire

 20   très délicate".

 21   L'affaire est délicate, effectivement, elle doit tenir compte des

 22   circonstances et des très nombreux éléments de preuve présentés. Mais

 23   puisqu'on nous demande de répondre au charges retenues contre M. Kordic en

 24   tant que participant au plus haut niveau du gouvernement, nous nous sommes

 25   efforcés de présenter aux Juges de cette Chambre les représentants des


Page 28341

  1   niveaux les plus élevés du gouvernement en question. Nous avons amené

  2   devant cette Chambre un ancien premier ministre de la République d'Herceg-

  3   Bosna, nous avons présenté aux Juges de cette Chambre un autre

  4   représentant du gouvernement de niveau très élevé, qui a été entendu par

  5   le biais d'affidavits. De nombreux ministres ont été cités: le ministre de

  6   la Justice, par exemple, Zoran Buntic, pour la Communauté croate d'Herceg-

  7   Bosna; nous avons également entendu des ministres de la République croate

  8   d'Herceg-Bosna; nous avons amené devant cette Chambre le chef du Bureau du

  9   Président, Mate Boban, qui avait pour nom Srecko Vicina; il a témoigné.

 10   C'est un témoin qui a fait grande impression; c'était l'homme qui

 11   travaillait dans le Bureau du Président et qui l'a fait durant toute la

 12   période de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Je reviendrai sur le rôle

 13   joué par cet homme un peu plus tard dans mon intervention.

 14   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous demande encore deux

 15   secondes d'indulgence.

 16   L'affaire la plus longue jugée par ce Tribunal, avant celle dont nous

 17   parlons ici, était sans doute le procès Blaskic, commandant de la zone

 18   opérationnelle de Bosnie centrale.

 19   Rappelez-vous tous les témoins militaires que nous avons cité à la barre

 20   de cette Chambre, en qualité de témoins. Ils n'avaient jamais témoigné

 21   avant dans une quelconque affaire relative à la vallée de la Lasva.

 22   [expurgée]

 23   [expurgée]

 24   [expurgée]

 25   [expurgée]


Page 28342

  1   [expurgée]

  2   [expurgée]

  3   [expurgée]

  4   [expurgée]

  5   [expurgée]

  6   [expurgée]

  7   [expurgée]

  8   [expurgée]

  9   [expurgée]

 10   [expurgée]

 11   [expurgée]                                                            Sam

 12   Johnson a répondu lorsqu'il a été interrogé sur l'influence littéraire de

 13   Danto Masir en langue anglaise, lors de la création d'un canal important.

 14   Monsieur Kordic, lui aussi, joue un peu ce rôle, s'agissant de l'évolution

 15   de la politique au plus au niveau de l'Etat en Communauté croate d'Herceg-

 16   Bosna et en République croate d'Herceg-Bosna à l'époque.

 17   Vous avez entendu toutes ces personnes qui ont toutes parlé de la même

 18   voix pour vous dire que, oui, M. Kordic était effectivement un dirigeant

 19   régional local, oui, il était vice-président de la Communauté croate

 20   d'Herceg-Bosna, vice-président de la Présidence de la Communauté croate

 21   d'Herceg-Bosna, si vous préférez. Mais vous avez entendu quel était

 22   l'organe qu'il dirigeait. C'était un organe législatif qui n'avait aucun

 23   pouvoir  exécutif et donc aucune signification quand il s'agit

 24   d'interpréter le droit international, vec le respect que nous devons à

 25   cette Chambre.


Page 28343

  1   S'agissant du droit de la guerre et des crimes de guerre il est impossible

  2   de parler de responsabilité sur des civils s'agissant de lui. J'ai choisi

  3   un certain nombre d'exemples tirés des jugements prononcés par des

  4   tribunaux ayant jugé des crimes de guerre à Nuremberg et à Tokyo pour

  5   illustrer mon propos.

  6   Albert Speer, ministre adjoint chargé de la reconstruction ou plutôt de la

  7   construction et du développement a été considéré comme responsable d'un

  8   certain nombre d'exactions, de crimes de guerre, donc d'abus de pouvoir

  9   dans un rôle, dans une fonction exécutive qui était la sienne. La même

 10   chose pour un certain nombre d'autres personnes, notamment le ministre des

 11   Affaires étrangères de l'époque.

 12   Quant à M. Kordic, vous savez très bien qu'il n'occupait pas un poste

 13   exécutif au sein de la communauté croate Herceg-Bosna, ni même au sein de

 14   la République croate d'Herceg-Bosna. Vous avez entendu les témoins, vous y

 15   avez prêté attention. Et je répète que nous avons choisi pour vous les

 16   présenter les militaires les plus importants, les plus élevés dans la

 17   hiérarchie, qui vous ont dit que M. Kordic n'était pas un militaire.

 18   Vous avez entendu également des représentants de la zone opérationnelle,

 19   par exemple le général de division Filipovic qui a témoigné également. Il

 20   n'avait jamais témoigné avant dans une quelconque autre affaire jugée par

 21   ce Tribunal. C'était le numéro II du colonel Blaskic qui a fini par être

 22   remplacé auprès du colonel Blaskic par un autre commandant entré en

 23   fonction en 1994. Dans le même ordre d'idée, nous avons cité à la barre le

 24   général de Brigade Nakic, chef de l'état-major de la zone opérationnelle

 25   de Bosnie centrale qui n'avait jamais témoigné avant dans une quelconque


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  1   autre affaire. Et puis au niveau de la brigade, Monsieur le Président,

  2   Messieurs les Juges, en provenance de Gornji Vakuf, le dirigeant de la

  3   Brigade Starcevic. Vous avez également eu l'affidavit de Zivko Totic,

  4   commandant de la Brigade de Jure Francetic.

  5   M. Bennouna: Pendant que Mme le Greffier, puisque j'ai la parole, de vous

  6   dire effectivement qu'on a vu apparaître plusieurs fois les interprètes et

  7   leurs lamentations qui apparaissent dans l'écran de l'ordinateur et je

  8   crois que vous êtes en train vraiment de les faire souffrir. Donc il

  9   faudrait peut-être même si c'est plus intéressant quand c'est spontané, il

 10   faudrait tenir compte du fait qu'il y a des personnes qui font passer dans

 11   d'autres langues votre intervention.

 12   Je voulais vous demander vous avez dit qu'en fait M. Kordic n'avait que

 13   dirigé, si j'ai bien compris, que des organes de type législatif. C'est-à-

 14   dire ce que l'on pourrait appeler des organes de délibération et qu'il

 15   n'avait pas de pouvoir exécutif.

 16   Alors que faites-vous du pouvoir exécutif important? Je crois qu'il y

 17   exerçait dans la municipalité de Busovaca?

 18   L'interprète: Nous remercions M. Bennouna pour son intervention.

 19   M. Sayers (interprétation): Ce que je disais, Monsieur le Juge, c'est la

 20   chose suivante: si vous examinez les pouvoirs exercés du point de vue de

 21   jure et pas seulement de facto. Il était vice Président de la présidence

 22   de la communauté croate Herceg-Bosna. Il l'est devenu en fait lorsque la

 23   communauté d'Herceg-Bosna a été créée, c'est-à-dire novembre 1991. Il a

 24   exercé cette fonction jusqu'au dernier jour de l'instance en question,

 25   c'est-à-dire le 28 août 1993. Après quoi la République croate d'Herceg-


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  1   Bosna est née et M. Kordic n'a occupé aucun poste au sein de la République

  2   croate d'Herceg-Bosna ; en tout cas pas au niveau national avant le 17

  3   février 1994 date à laquelle il est devenu l'un des deux vice-Présidents

  4   de la Chambre des représentants, le Président étant Ivan Bender. Nous

  5   savons que le gouvernement du HVO a été dirigé à tout moment, pendant

  6   toute la période par le docteur Jadranko Prlic et que ce gouvernement

  7   était composé de plusieurs départements dont chacun avait un chef, qui eux

  8   exerçaient un pouvoir exécutif. Un exemple étant celui de Bruno Stojic

  9   nommé à son poste le 3 juillet selon les éléments de preuve et cela n'est

 10   pas contesté. Il a continué à exercer ses fonctions de chef du département

 11   de la défense jusqu'à la création de la République croate d'Herceg-Bosna,

 12   date à laquelle ce poste a été repris par Perica Jukic.

 13   Voilà donc ce que je voulais dire c'est qu'au niveau national M. Kordic

 14   n'a exercé aucune fonction exécutive. Maintenant au niveau local quels

 15   sont les pouvoirs exécutifs qui ont été exercés par Kordic? Il n'a exercé

 16   manifestement aucune fonction exécutive à Vitez et je ne crois pas qu'il y

 17   ait la moindre allégation selon laquelle il l'aurait fait. Donc les choses

 18   se résument à se demander, ou en tout cas votre question se résume à se

 19   demander quels sont les pouvoirs exécutifs qu'il a exercés à Busovaca.

 20   Avec le respect que nous devons au Tribunal, nous disons que ces fonctions

 21   n'existaient pas, étaient inexistantes. Le HVO, le Président du HVO à

 22   partir du mois d'août 1992 et jusqu'à la fin de la guerre était ce Zoran

 23   Maric et vous l'avez entendu s'exprimer. D'autres membres du gouvernement

 24   ont été cités à la barre ici en qualité de témoin, Niko Grubesic, le

 25   témoin DE, ou DI, je crois, vous avez entendu le chef de la police


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  1   s'exprimer.

  2   Vous avez entendu ces témoins parler du fonctionnement du gouvernement au

  3   niveau local à Busovaca et je ne crois pas qu'il ait eu la moindre

  4   affirmation ou allégation selon laquelle M. Kordic aurait exercé un rôle

  5   significatif important au niveau local à Busovaca.

  6   M. le Président (interprétation): Oui, mais la présentation de votre thèse

  7   va beaucoup plus loin. Il ne s'agit pas uniquement de savoir s'il existait

  8   des fonctions exécutives officielles dans une municipalité donnée. Les

  9   arguments auxquels il faut que vous répondiez, ce sont les allégations

 10   selon lesquelles M. Kordic avait des fonctions exécutives élargies bien

 11   qu'il n'est pas été investi de fonctions officielles. L'une de ces

 12   positions est illustrée d'après l'accusation par un certain nombre

 13   d'ordres, d'ordres qu'il donne au sujet de ravitaillement, d'équipement

 14   militaire etc. Des ordres qui se rapportent également aux opérations ayant

 15   lieu à Busovaca même.

 16   Donc il y a toute une série d'ordres qui indique qu'il avait des pouvoirs

 17   beaucoup plus larges qu'aucun poste officiel dont on affirme qu'il l'avait

 18   occupé. En suivant le même raisonnement, tant que j'y pense, même si nous

 19   acceptons vos arguments selon lesquels il n'y a pas d'éléments de preuve

 20   indiquant qu'il exerçait des pouvoirs au niveau national, il n'en reste

 21   pas moins que vous devez répondre aux arguments qui vous sont opposés, à

 22   savoir, et que vous acceptez d'ailleurs, à savoir qu'il était un dirigeant

 23   politique régional. On ne peut sans doute pas avancer qu'un dirigeant

 24   politique régional n'est pas en mesure de participer à ce type de crimes

 25   même s'il est civil et même s'il n'est pas militaire.


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  1   M. Sayers (interprétation): Oui, nous reconnaissons qu'il était dirigeant

  2   politique régional mais il faut examiner l'affaire de deux manières:

  3   premièrement de jure, ensuite de facto suivant les faits. Et c'est là

  4   vraiment à quoi se résume l'argumentation de l'accusation. L'accusation

  5   nous dit, eh bien, nous ne savons pas exactement quel était son rôle, ce

  6   qu'il faisait exactement mais en tout cas il faisait beaucoup de choses et

  7   pour cette raison on peut en conclure sur la base de tous les éléments

  8   présentés qu'il y a quelque chose de louche là-dedans.

  9   C'est très compliqué mais il faut que vous essayiez de tirer un sens de

 10   ces éléments de preuve. C'est compliqué certes et nous reconnaissons qu'il

 11   était un dirigeant politique régional. Bien entendu si un dirigeant

 12   politique régional se rend coupable de crimes il doit en répondre, nous

 13   n'affirmons nullement le contraire. Et c'est l'affaire qui est la nôtre.

 14   Je ne pense pas qu'ici il s'agisse de dire que M. Kordic était un

 15   personnage d'envergure national qui participait au plus haut niveau.

 16   D'ailleurs ce n'est pas ce que dit l'accusation et ce qu'a prouvé

 17   l'accusation.

 18   Nous, nous avançons que les pouvoirs exercés par M. Kordic dans la zone,

 19   et il faut déterminer quels sont ses pouvoirs et quelle était leur nature.

 20   Nous avançons... Si vous examinez certains des éléments abordés dans votre

 21   mémoire en clôture, vous constaterez pour prendre deux exemples que M.

 22   Kordic, en ce qui concerne les éléments de preuve relatifs au rôle

 23   politique joué à Zepce. Or nous avançons qu'il n'y a aucun élément de

 24   preuve qui indique que M. Kordic était responsable de ce qui se passait à

 25   Zepce. C'était le territoire de Ivo Lozancic, comme nous l'a dit un


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  1   témoin, tout le monde s'en souviendra.

  2   Ensuite, en ce qui concerne Kiseljak, quels éléments nous indique que M.

  3   Kordic est responsable de ce qu'il s'est passé à Kiseljak?

  4   M. le Président (interprétation):Il y a un certain nombre d'éléments de

  5   preuve, un témoin l'a identifié en disant qu'il était à Kiseljak au moment

  6   où les prisonniers ont été arrêtés et détenus à la caserne en juin 1993.

  7   J'imagine donc que l'accusation va s'appuyer sur ces éléments pour dire

  8   qu'il était impliqué dans ce qui se passait.

  9   M. Sayers (interprétation):Oui, Monsieur le Président. Vous vous

 10   souviendrez, vous vous souvenez tout à fait pertinemment de la déposition

 11   de ce témoin. C'était le témoin Y. Et vous vous souviendrez indéniablement

 12   de la nature de ce qu'a dit le témoin Y. Il a dit apparemment qu'il l'a

 13   vu, et ce, pendant 5 secondes à Kiseljak dans la caserne de Kiseljak. Et

 14   dans le jugement Kupreskic justement on indique qu'il faut faire preuve de

 15   beaucoup de prudence quand vous avez ce type d'identification qui se base

 16   sur quelques secondes seulement.

 17   Mais si vous me le permettez, je souhaiterais dire la chose suivante. On

 18   dit que M. Kordic serait responsable de ce qui s'est passé à Kiseljak

 19   parce qu'un témoin l'aurait vu, ce, pendant 5 secondes, c'est ce que l'on

 20   nous dit. Mais pourquoi? Un témoin, le général de Brigade Wingfield Hayes

 21   qui était stationné à Kiseljak, c'était le chef d'état-major de la

 22   Forpronu à Kiseljak. S'il y avait bien quelqu'un qui devait savoir qui

 23   exerçait le pouvoir et qui ne l'exerçait pas à Kiseljak, c'est sans doute

 24   lui. Il était en position de le savoir et on le lui a demandé. On lui a

 25   dit: Est-ce que vous reconnaissez que M. Kordic n'avait pas de pouvoir à


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  1   Kiseljak? et il a dit que c'était le cas. Il en a convenu.

  2   M. Le Président (interprétation): Un instant. Ceci lui a été posée pendant

  3   le contre-interrogatoire?

  4   M. Sayers (interprétation): Oui, je m'en souviens je n'ai pas à portée de

  5   main, les références exactes en ce qui concerne le compte rendu

  6   d'audience.

  7   M. le Président (interprétation): Peut-être, pourrez-vous vous procurer

  8   ceci ce soir?

  9   M. Sayers (interprétation): Oui. Il nous dit donc que ce témoin qui n'a

 10   jamais vu M. Kordic à Kiseljak, que à sa connaissance M. Kordic n'avait

 11   aucun pouvoir à Kiseljak. La même allégation a été présentée à d'autres

 12   témoins dans d'autres municipalités. Je vais en choisir quelques-uns comme

 13   ceux-ci, au hasard: Gornji Vakuf, le commandant Rule était le représentant

 14   du Bataillon britannique à cet endroit, il commandait une compagnie à

 15   Gornji Vakuf n'avait jamais entendu parler de M. Kordic, donc il ne l'a

 16   jamais vu là. Il n'affirme pas qu'il avait des pouvoirs et donc nous ne

 17   pensons pas qu'il soit affirmé et avancé qu'il ait exercé son pouvoir à

 18   cet endroit. Il en va de même d'ailleurs pour Vares. Et je crois que la

 19   dernière fois que quelqu'un ait vu M. Kordic à Vares c'était le 29

 20   septembre 1992. On ne l'y a jamais vu en 1993.

 21   M. le Président (interprétation): Oui. il y avait une question que je

 22   devais régler.

 23   M. Sayers (interprétation):  Bien entendu. Si vous me le permettez, je

 24   vais maintenant abandonner ces exemples précis et me lancer dans une

 25   analyse des questions militaires.


Page 28350

  1   M. Bennouna: Monsieur Sayers, vous avez dit, je reviens à la question de

  2   Busovaca, vous avez dit qu'il n'y avait aucun pouvoir. Je vous rappelle

  3   que ce matin le Procureur nous a montré un document dans lequel il est dit

  4   clairement que M. Kordic avait tous les pouvoirs, tous les pouvoirs

  5   militaires et civils et que tous les pouvoirs lui revenaient aussi bien

  6   d'engager des opérations militaires, que de s'occuper des affaires

  7   civiles, et qu'il suspendait parallèlement tout autre pouvoir concurrent

  8   au sien. Vous vous souvenez de ce document? Il nous a été présenté ce

  9   matin.

 10   M. Sayers (interprétation): Monsieur le Juge, j'espère que personne

 11   n'avance qu'on n'a pas compris que nous avons avancé que M. Kordic n'avait

 12   pas de pouvoir à Busovaca. Ce n'est pas ce que nous disons. Il est clair

 13   que M. Kordic est de Busovaca, il exerçait une certaine influence à

 14   Busovaca, mais la question à laquelle doit répondre la Chambre de première

 15   instance, c'est de déterminer le type d'influence dont il disposait,

 16   quelle était la nature du pouvoir dont il disposait, son ampleur et

 17   comment ce pouvoir se manifestait-il.

 18   Mais la seule chose que je voulais dire c'était que j'ai identifié un

 19   certain nombre de municipalités où nul n'affirme sérieusement que M.

 20   Kordic disposait de pouvoir. C'est pour cela que j'ai pris les exemples de

 21   Jajce, Vares, Gornji Vakuk. Ce ne sont que des exemples. Et même Kiseljak,

 22   kiseljak après que cette ville ait été coupée de Busovaca dans les

 23   premiers mois de l'année 1993.

 24   Personne n'affirme sérieusement que M. Kordic...

 25   M. Robinson (interprétation): A ce moment-là qu'avez-vous à dire au sujet


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  1   de ce qui a été dit par M. le Juge Bennouna au sujet du document qui nous

  2   a été présenté ce matin par le Procureur? Qu'avez-vous à dire au sujet de

  3   ce document et de ce qu'il prétendait nous montrer?

  4   M. Sayers (interprétation): Je crois que c'était la pièce Z610.1, le

  5   registre de l'officier de permanence, dans lequel il consignait ses

  6   commentaires. Je n'ai pas grand-chose à ajouter en fait à ce que j'ai dit

  7   précédemment, puisque c'est la seule source sur laquelle on se repose pour

  8   avancer cette allégation.

  9   Ce document n'a été présenté à personne par l'accusation, ce document a un

 10   certain nombre d'aspects tout à fait discutables. Nous en parlons

 11   d'ailleurs avec précision et en détail dans notre mémoire en clôture.

 12   Mais où sont les autres documents qui viennent de Kiseljak et qui

 13   indiqueraient que M. Kordic avait des pouvoirs dans cette municipalité.

 14   Plus encore, plus important encore, comme je l'ai dit au Président de

 15   cette Chambre, apparemment nous aurions, nous avons, nous pensons des

 16   éléments de preuve fiables qui viennent d'officiers de haut rang qui

 17   étaient là pendant cette période et aucun de ces officiers n'avance que M.

 18   Kordic n'ait disposé d'une influence quelconque, qu'il ait exercé un

 19   pouvoir quelconque dans ces municipalités. C'est pourquoi j'ai dit que

 20   cette affaire se résume en fait à Novi Travnik, Vitez, Busovaca, cette

 21   poche où il y a des éléments qui indiquent effectivement que, comme M.

 22   Kordic y habitait, il avait un certain pouvoir à cet endroit. Mais en fait

 23   cette affaire si vaste se rétrécit soudain à cette région très localisée.

 24   Et c'est ce que nous avançons, nous avançons que la thèse qui est

 25   présentée à l'encontre de M. Kordic est beaucoup trop vaste et que


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  1   finalement si on observe les éléments de preuve présentés, on voit que

  2   cela se résume à ce qui s'est passé à Nova Travnik, Vitez, Busovaca, cette

  3   poche. Vraiment, surtout à Novi Travnik d'ailleurs. Je ne pense pas qu'il

  4   y ait aucun élément de preuve convaincant et important au sujet de crimes

  5   de guerre commis pendant le mois d'octobre 1992, et c'est le seul mois où

  6   on prétend, on avance que M. Kordic aurait eu un rôle dirigeant dans cette

  7   municipalité. Le seul témoin qui affirme que M. Kordic a eu un rôle de

  8   dirigeant dans cette municipalité, c'est le lieutenant-colonel Stewart.

  9   Mais souvenez-vous, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que

 10   c'était sa première journée, la première journée qu'il passait en Bosnie

 11   centrale, le 1e Bataillon du régiment de Cheshire ne s'était même pas

 12   véritablement installé, n'avait pas véritablement son cantonnement à Bila.

 13   Le régiment n'était pas vraiment arrivé. C'était la première journée que

 14   le lieutenant-colonel Stewart passait dans la région. Et il cherchait le

 15   colonel Blaskic, il ne l'a pas trouvé et il en a conclu sur la base d'une

 16   seule rencontre au café Grande que c'était M. Kordic qui commandait.

 17   [expurgée],

 18   le témoin DQ, aucun de ces personnes n'a attribué à M. Kordic un rôle

 19   militaire digne de ce nom, un rôle militaire important.

 20   Nous avançons qu'il n'avait aucun rôle dans ce domaine pour toutes les

 21   raisons qui ont été expliquées par des témoins militaires de haut rang

 22   comme par exemple le général Filipovic ou le général de Brigade Cak.

 23   Mais pour en revenir à la responsabilité du supérieur hiérarchique, aux

 24   termes de la partie 7-3, nous nous référons à la décision de Celebici et

 25   au paragraphe 354 de cette décision, la Chambre a insisté sur un point


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  1   bien précis; à savoir qu'il convient d'être extrêmement prudent faute de

  2   commettre une injustice, lorsqu'il s'agit d'affirmer que des individus

  3   sont responsables des actes d'autres personnes dans des situations où il

  4   n'y a pas de lien de commandement ou que ces relations de commandement

  5   sont très difficiles à mettre en évidence. Nous avançons que c'est ceci

  6   qu'il convient de penser. C'est l'article 7-3 du Statut du Tribunal. C'est

  7   à ce moment-là... Il faut avoir du pouvoir pour pouvoir l'exercer. Et si

  8   on a ce pouvoir, bien entendu, il faut être, on doit être responsable des

  9   actes de ceux qui sont placés sous votre commandement mais il faut

 10   déterminer s'il y a effectivement contrôle.

 11   Dans l'affaire Celebici la Chambre de première instance a été extrêmement

 12   claire et ceci s'adapte tout à fait bien à notre affaire, à savoir que

 13   cette théorie "ne s'applique uniquement aux supérieurs civils si le degré

 14   de contrôle qu'ils exercent s'exerce sur des subordonnés qui sont

 15   semblables aux subordonnés placés sous les ordres de commandants

 16   militaires."

 17   Comme je l'ai déjà dit il y a énormément d'éléments de preuve qui ont été

 18   présentés dans cette affaire et ceci me fait penser au volume d'éléments

 19   de preuve présentés à l'encontre de M. Kordic selon lesquels il aurait un

 20   pouvoir militaire. Or, ici la montagne a accouché d'une souris puisque le

 21   nombre d'ordres qui auraient été délivrés par M. Kordic, le nombre

 22   d'ordres de ce type est extrêmement limité comme vous le savez

 23   pertinemment.

 24   Vu le nombre d'ordres qui ont été délivrés par les commandements de la

 25   zone opérationnelle de Bosnie centrale, nous dans la pièce D305/1 à D308/1


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  1   nous avons inclus certains de ces ordres et il y a également quatre

  2   classeurs, qui représentent 450 ordres qui ont trait à toute sorte de

  3   choses.

  4   Premier type d'ordres: des ordres de combat. Deuxième série d'ordres, des

  5   ordres relatifs à la discipline. On voit, par exemple, le commandant de la

  6   zone opérationnelle qui sanctionne des soldats qui sont placés sous ses

  7   ordres pour avoir fait des choses qui leur sont interdites de faire de

  8   part la loi.

  9   Il y a donc toutes sortes d'autres ordres qui sont présentés. Mais ce ne

 10   sont que certains des ordres qui ont été présentés. Ceci ne comprend pas

 11   les ordres de combat que nous avons communiqués et que nous avons trouvés

 12   suite à notre enquête. Les plus importants sont relatifs au 16 avril. Cinq

 13   ans d'enquête, il y a eu cinq ans d'enquête depuis l'émission du premier

 14   Acte d'accusation. M. Kordic est emprisonné depuis trois ans.

 15   Vous nous avez demandé, Monsieur le Président, de comptabiliser le nombre

 16   de pages et de documents qui nous avaient été communiqués dans le cadre de

 17   cette affaire. Nous estimons que cela représente environ 500 000 pages,

 18   environ 70 mètres de documents et en longueur cela représentent quatre

 19   kilomètres d'étagères. Tout ceci est utilisé pour prouver que M. Kordic a

 20   été véritablement un militaire qui n'était pas un homme politique et donc

 21   il devrait être tenu responsable de ce qu'il s'est passé dans la vallée de

 22   la Lasva, de tout ce qu'il s'est passé.

 23   M. Le Président (interprétation): Le moment serait-il bien choisi pour

 24   faire une pause?

 25   M. Sayers (interprétation): Oui.


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  1   M. Le Président (interprétation): Vous parlez maintenant depuis environ 50

  2   minutes, pouvez-vous essayer, s'il vous plaît, de ralentir un petit peu

  3   votre débit parce que c'est très difficile pour les interprètes de

  4   travailler correctement dans ces conditions.

  5   L'accusation va répliquer à votre plaidoirie, vous aurez bien entendu la

  6   possibilité de prononcer une duplique si c'est votre désir, il faudra que

  7   ce temps soit pris sur le temps qui vous a été imparti au début.

  8   M. Sayers (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Nous nous sommes

  9   d'ailleurs réservés cinq minutes du temps qui nous a été imparti pour une

 10   duplique.

 11   M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons maintenant

 12   observer une pause d'environ un quart d'heure, ensuite nous aurons 50

 13   minutes à peu près d'audience. Et je souhaiterais que ces documents-ci

 14   soient remis aux juristes de la Chambre. Merci.

 15   (L'audience, suspendue à 15 heures 40, est reprise à 16 heures 7.)

 16   M. le Président (interprétation): Maître Sayers, je vous demanderais de

 17   reprendre et d'en terminer à 17 heures, cela vous donne donc cinquante

 18   minutes et je vous demande donc d'adopter un rythme raisonnable.

 19   M. Sayers (interprétation): Oui, vous nous aviez demandé les références du

 20   compte rendu d'audience du général de Brigade que j'ai mentionné, il

 21   s'agissait de la page que je vous donnerai ultérieurement. Donc première

 22   question: "Vous n'avez jamais vu M. Kordic à Kiseljak?" Réponse: Oui;

 23   Question: A votre connaissance, il n'avait aucune influence politique ou

 24   vous n'avez jamais rien vu indiquant ceci à Kiseljak? Réponse: Je ne l'ai

 25   jamais vu à Kiseljak."


Page 28356

  1   Ensuite, on a demandé à ce témoin: "Est-ce que c'était la personne à qui

  2   vous vous adressiez s'il y avait des problèmes à Kiseljak et il avait

  3   répondu non et ceci figure à la page 16148 du compte rendu d'audience de

  4   la déposition du général de Brigade Wingfield.

  5   Bien, maintenant, je vais passer rapidement au thème de la chambre de

  6   commandement. La Chambre de première instance a entendu des témoins selon

  7   lesquels il y avait eu beaucoup de négociations de cessez-le-feu et un

  8   grand nombre d'accords de cessez-le-feu. M. Kordic n'a jamais pris part à

  9   aucune de ces négociations.

 10   Octobre 1992: la seule participation de M. Kordic, en ce qui concerne ce

 11   mois, c'est une conversation téléphonique dont on affirme qu'elle a eu

 12   lieu avec le témoin L, nous n'avons pas contesté le contenu de la teneur

 13   de la déposition du témoin L dont vous vous souviendrez. Cependant les

 14   négociations de cessez-le-feu ont été menées entre le colonel Merdan et le

 15   colonel Blaskic et il n'y a aucune contestation à ce sujet.

 16   Janvier 1993, Busovaca, les négociateurs étaient Nakic et Merdan et des

 17   accords ont été signés entre le général Hadzihasanovic et le colonel

 18   Blaskic. Jeremy Fleming, la Chambre l'a entendu, nous a dit qu'il n'y

 19   avait eu aucune participation au niveau de la commission conjointe mise en

 20   place suite aux négociations de cessez-le-feu. La commission conjointe de

 21   Busovaca, donc M. Kordic n'a jamais participé à aucune des réunions de la

 22   commission conjointe de Busovaca.

 23   Or, nous estimons que tout ceci est essentiel car tout ceci se passait

 24   pratiquement à sa porte, chez lui, sous les yeux attentifs de la

 25   communauté internationale et les principaux personnages militaires sur le


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  1   terrain étaient là également, des gens qui participaient aux négociations,

  2   et dans le cadre des structures qui avaient été créées pour ces

  3   négociations. Or, la présence de M. Kordic n'était pas nécessaire et on ne

  4   considérait pas non plus qu'elle était particulièrement utile.

  5   Chaîne de commandement maintenant. Il n'y a aucun doute quant à l'identité

  6   du commandant suprême du HVO pendant toute la période couverte par cet

  7   acte d'accusation modifié. Mate Boban, tout d'abord Président de la HZ-HB

  8   et ensuite de la HR-HB. Il est indéniable qu'il existait une chaîne de

  9   commandement vertical, comme on peut s'y attendre au niveau immédiatement

 10   inférieur, on trouvait le département de la défense et l'état-major

 11   général. Vous avez entendu deux chefs de l'état-major principal au niveau

 12   du département de la défense. M. Kordic ne jouait absolument aucun rôle

 13   puisque ce poste était occupé par Bruno Stojic pendant toute la période

 14   qui nous intéresse et la Chambre le sait. Le niveau inférieur, la zone

 15   opérationnelle. Dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale, le colonel

 16   Blaskic, commandant suprême militaire dans cette région, et il relevait de

 17   ses supérieurs dans la chaîne de commandement à l'état-major principal et

 18   les officiers qui nous en ont parlé sont (expurgé)

 19   (expurgé)

 20   D'autre part, vous avez eu des témoins qui vous ont expliqué la façon dont

 21   fonctionnait la chaîne, la chaîne de commandement. Le général Filipovic

 22   nous l'a dit très précisément. Il a précisé que Kordic n'avaient

 23   absolument aucun contrôle en ce qui concernait l'exécution et la mise en

 24   place des opérations militaires dans la zone opérationnelle de Bosnie

 25   centrale. Il a décrit Kordic comme étant un homme politique populaire. Il


Page 28358

  1   a dit à la page 16131: "Aucun homme politique n'a influencé mes actions

  2   dans le domaine militaire." Fin de citation.

  3   Des questions similaires ont été posées à tous les témoins militaires

  4   importants. En l'espèce, on leur a demandé s'il était usuel que les hommes

  5   politiques exercent des pouvoirs militaires. Ils ont tous dit non. Le

  6   général de Brigade Totic, le général de Brigade Grubisic, etc., etc. Et

  7   c'est également ce que nous ont dit les officiers de la Brigade de Vitez

  8   au niveau de l'état-major, le commandant Sajevic, le commandant Ceko, et

  9   il en allait de même si on interrogeait les soldats du rang et on leur a

 10   demandé peut-être gratuitement lorsqu'il n'y avait pas de contre-

 11   interrogatoire par M. Kordic, on leur a donc demandé s'ils avaient des

 12   pouvoirs militaires. Ils ont tous répondu sans exception que non, que

 13   c'était un homme politique. Cependant, les témoins sur lesquels nous

 14   demandons à la Chambre de s'appuyer, ce sont ceux qui étaient censés

 15   savoir ce qui passe, voire ceux qui étaient effectivement les commandants

 16   militaires des forces armées dans la région [expurgée],

 17   [expurgée]. Nous avançons, avec tout le respect que

 18   nous devons à la Chambre, que la Chambre peut étudier avec attention leurs

 19   dépositions mais nous avançons que leurs dépositions reviennent au même, à

 20   savoir que Kordic ne participait pas du tout à la chaîne de commandement.

 21   Un exemple de ce soldat Durand, auquel on a posé une question au sujet de

 22   M. Kordic, Slavko Kristo, page 25314, il a déclaré que M. Kordic était un

 23   homme politique très populaire dans la population mais qu'il n'avait

 24   jamais eu, quant à lui, l'honneur de s'asseoir à la même table que lui.

 25   Est-ce que cette chaîne de commandement fonctionnait de la façon normale,


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  1   de la façon d'une hiérarchie normale. Oui. Et il y a trois éléments de

  2   preuve que nous avons utilisés avec des témoins et avec l'aide de

  3   l'huissier. Je souhaiterais vous les présenter très rapidement. Ces pièces

  4   à conviction montrent la façon dont fonctionnait la chaîne de

  5   commandement.

  6   18 avril, il s'agit d'un ordre qui met un terme aux combats qui ont eu

  7   lieu le 16. Le premier ordre vient de Mate Boban, commandant suprême. Cet

  8   ordre est également signé par Alija Itzetbegovic.

  9   Deuxième ordre signé par le général de Brigade Petkovic qui envoie à sa

 10   zone opérationnelle des ordres de mise en application, pièce D84/1. Et

 11   ensuite, vous avez les ordres d'application du colonel Blaskic qui fait

 12   exactement ce que lui avait demandé de faire le général Petkovic.

 13   Pièce Z715; donc ceci nous montre, vous aviez une chaîne de commandement

 14   qui fonctionnait comme elle devait fonctionner. Ceci a été présenté au

 15   général de Brigade Wingfield Heads et il a convenu effectivement que

 16   c'était de cette façon que fonctionnait une chaîne de commandement et

 17   qu'elle était censée fonctionner et qu'elle fonctionnait effectivement. Le

 18   colonel Blaskic était le commandant de la zone opérationnelle, j'en ai

 19   déjà parlé au sujet des éléments de preuve que vous nous avez présentés,

 20   qu'il y a des centaines et des centaines d'ordres, qui comprenaient des

 21   ordres de combat mais pas l'ordre principal du 16 que nous avons présenté

 22   D343/1, intercalaires 6 et 7: ordre de combat délivré par le colonel

 23   Blaskic au 4e Bataillon de la police militaire, ainsi qu'aux Vitezovi le

 24   16 avril.

 25   Pièce à conviction suivante sur laquelle je souhaiterais attirer votre


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  1   attention, il s'agit de deux pièces qui sont absolument importantes. La

  2   première porte la cote D343/1, je vais demander qu'on la place sur le

  3   rétroprojecteur, je dois dire que vous avez également beaucoup entendu

  4   parler de la pièce Z243 dont l'accusation vous a donné même lecture

  5   pendant son réquisitoire. Donc, en ce qui concerne cette pièce, le 20

  6   octobre, il s'agit d'un rapport du colonel Blaskic qui va à son commandant

  7   suprême Boban, qui va également au responsable du département de la

  8   défense Bruno Stojic, ainsi qu'au chef de l'état-major principal Petkovic,

  9   ainsi qu'aux états-majors municipaux, et les autres ordres ne sont envoyés

 10   qu'aux états-majors municipaux, et le témoin 1 nous l'a expliqué, qu'il y

 11   avait des rumeurs au sujet de personnes sur lesquelles on avait tiré, des

 12   personnes qui avaient été kidnappées, le docteur Genjac nous a dit que

 13   dans le cadre des combats à Novi Travnik, exactement au même moment, Ivica

 14   Stojak a trouvé la mort, il a été tué au même moment. C'était lui le

 15   commandant militaire effectif.

 16   M. le Président (interprétation): Mais pourquoi, si c'était vrai, pourquoi

 17   ne pas tout simplement dire qu'il y avait des rumeurs selon lesquelles des

 18   personnes avaient été kidnappées. M. Kordic, l'homme politique et le

 19   colonel Blaskic, le militaire, sont bien vivants. Et d'après ceci, nous

 20   constatons, l'accusation nous dit qu'il n'y a qu'une conclusion à tirer de

 21   ce fait, à savoir qu'il participait à l'activité militaire de cette zone.

 22   M. Sayers (interprétation): Oui, je vous comprends bien, Monsieur le

 23   Président, mais ce n'est pas la seule conclusion qu'on peut déduire si

 24   vous regardez le rapport précédent. Il s'agit ici d'un rapport militaire

 25   régulier délivré par le commandant militaire à l'intention de ses


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  1   supérieurs dans la chaîne de commandement et il n'a pas dit que M. Kordic

  2   et moi-même mènent l'opération. Il ne leur a pas dit parce qu'il savait

  3   bien que ce n'était pas le cas. Il s'agit d'un document qui a un caractère

  4   de relation publique destinée à étouffer des rumeurs et qui a été délivré

  5   à l'intention de l'état-major du HVO et non pas dans le cadre de la chaîne

  6   de commandement. Le témoin n° 1 nous dit en fait qu'il ne s'agit pas du

  7   tout d'un document militaire. Je ne vais pas parcourir l'historique

  8   derrière le titre colonel Kordic, les Juges ont déjà entendu parler de

  9   cela, mais j'allais placer sur le rétroprojecteur la pièce à conviction

 10   D343/1, intercalaire 2, Stojic a envoyé une lettre le 26 novembre 1992 à

 11   Kordic, disant qu'il doit se rendre à Sarajevo afin d'y mener des

 12   négociations et il a dit: Présentez-vous en tant que colonel Kordic et

 13   c'est ce qu'il a dit.

 14   M. le Président (interprétation): A supposer que l'on accepte cela, à

 15   savoir qu'il a procédé ainsi dans le cadre des négociations et uniquement

 16   dans le but de mener des négociations et non pas pour réellement commander

 17   sur le plan militaire, si nous supposons cela, ceci s'applique uniquement

 18   sur le mois de décembre 1992. Et quelle est donc la déduction que nous

 19   devrions tirer sur la base du fait que votre client a poursuivi

 20   l'utilisation, a continué à utiliser cette appellation tout au long de la

 21   guerre? Et comme le Procureur l'a souligné, il a commencé à jouer un rôle

 22   militaire encore plus important au début de l'année 1994. Je sais que vous

 23   contestez cela, mais comment devons-nous comprendre le fait qu'il

 24   continuait à employer ce terme, le terme de colonel, s'il ne jouait aucun

 25   rôle militaire?


Page 28362

  1   M. Sayers (interprétation): Bonne question. Nous avons trois aspects de

  2   réponse.

  3   Premièrement, quand il est allé à Sarajevo pour faire partie des

  4   négociations tripartites et pour y rencontrer le lieutenant-colonel Cordi-

  5   Simpson, il s'agissait ici, et il n'y a aucun doute, d'un témoin crédible

  6   qui était le n° II de la Forpronu pour toute la Bosnie-Herzégovine,

  7   c'était un soldat professionnel. On lui a demandé s'il reconnaissait le

  8   fait que M. Kordic n'était pas un soldat. Il a dit que c'était absolument

  9   vrai, qu'effectivement, il n'était pas un soldat. Et je pense qu'il a dit

 10   cela en réponse à une question posée par les Juges et cette réponse se

 11   référait à une période de plusieurs mois par la suite. Concernant ce titre

 12   présumé de colonel, bien sûr nous connaissons la vieille citation

 13   indiquant que tout est vanité et ici cela peut se résumer à la vanité

 14   encore une fois. Effectivement, dans certains documents nous pouvons voir

 15   qu'il est écrit qu'en janvier et février, il a joué un certain rôle dans

 16   les activités d'artillerie, dans sa ville natale, mais il s'agissait là

 17   d'une participation tout à fait limitée. Mais en ce qui concerne le

 18   dernier document dont vous avez parlé, Monsieur le Président, il s'agit

 19   d'un problème auquel nous faisons face très souvent, il s'agit d'un papier

 20   qui n'a pas été signé, il n'y a pas d'en-tête, nous ne savons d'où il

 21   provient, et il n'est pas cohérent par rapport aux autres documents que

 22   nous avons vus dans le cadre de cette affaire. Ensuite, la question se

 23   pose de savoir qui a fait quoi après la guerre, après la signature des

 24   accords de Washington, le général Blaskic vient d'être promu à cette

 25   fonction et il a remplacé son prédécesseur en tant que le n° 1, c'est-à-


Page 28363

  1   dire le chef d'état-major à Mostar. Donc, il poursuit sa carrière

  2   militaire et M. Kordic poursuit sa carrière politique, il a été élu au

  3   poste de Président du HDZ de BiH en juillet 1994, alors qu'avant il

  4   n'était que vice président, l'un des cinq vice-présidents. Nous avons

  5   parlé, dans notre mémoire, de tous les documents individuels sur lesquels

  6   le Procureur a attiré à l'attention des Juges. Je ne souhaite pas vous

  7   faire perdre votre temps en me lançant dans plus de détails de ce point de

  8   vue-là. Mais je souhaite parler de cet aspect-là pendant encore quelques

  9   minutes avant de passer la parole à M. Smith qui va parler des problèmes

 10   liés aux persécutions. Vous vous souvenez certainement de la théorie de la

 11   responsabilité politique promue par le Procureur qui doit être absolument

 12   rejetée et qui a été rejetée compte tenu des témoignages des témoins

 13   militaires, le général Filipovic, le témoin de la Chambre n° 1, et puis

 14   les documents eux-mêmes. Ensuite, l'autre théorie portait sur deux chaînes

 15   de commandement parallèles. D'après le mémoire du procureur, nous pouvons

 16   constater que le Procureur dit qu'il n'est pas vraiment question de deux

 17   chaînes de commandement alors qu'il en est question dans le mémoire du

 18   Procureur. Si la responsabilité de supérieur hiérarchique doit être

 19   appliquée, il faut savoir quelles sont très exactement les troupes qui

 20   sont subordonnées à cette personne. En ce qui concerne la zone

 21   opérationnelle de la Bosnie centrale, nous savons de qui il s'agit et de

 22   quelles troupes il s'agit. Lui, le commandant de la zone opérationnelle,

 23   contrôlait les troupes sous son commandement dans sa zone de

 24   responsabilité, il s'agissait effectivement de douze brigades du HVO qui

 25   ont subi une série de défaites suite à l'offensive lancée au mois de juin.


Page 28364

  1   Il y a eu les brigades telles que la Brigade de Kakanj, Franko Pan,

  2   Travnicka, etc.

  3   M. Bennouna: Pardon de vous interrompre. Vous êtes parti sur l'idée que la

  4   responsabilité du supérieur ne concerne que les militaires. Vous dites

  5   quelles sont les troupes? Mais vous avez admis au début, mutatis mutandi

  6   bien sûr, que la responsabilité du supérieur pouvait concerner aussi des

  7   civils. Nous sommes ici en présence d'un civil qui est un homme politique,

  8   un leader au niveau régional comme vous l'avez admis, et qui peut avoir un

  9   certain pouvoir et un certain contrôle sans qu'il soit dans la chaîne de

 10   commandement militaire. C'est cela le problème!

 11   M. Sayers (interprétation): Le point que je souhaite soulever devant cette

 12   Chambre est le suivant. Afin d'appliquer la théorie de la responsabilité

 13   du supérieur hiérarchique, même dans le cadre purement militaire, il est

 14   nécessaire de savoir quelles sont les troupes subordonnées au supérieur

 15   prétendu. Dans la décision Celebici, il est dit également que dans

 16   certaines circonstances, il est vrai que les civils peuvent être

 17   considérés comme des personnes auxquelles peut s'appliquer la théorie de

 18   supérieur hiérarchique. Mais il faut savoir à qui la personne est

 19   supérieure et qui sont les troupes subordonnées et quelles sont les autres

 20   troupes placées sous le commandement de la même personne. Nous avançons

 21   l'affirmation qu'il n'y a pas eu de troupes placées sous le commandement

 22   subordonné à M. Kordic.

 23   M. Robinson (interprétation): Peut-être nous pourrions aborder cette

 24   problématique d'une autre manière. Vous abordez peut-être cette

 25   problématique de manière trop formaliste quand vous posez la question de


Page 28365

  1   savoir quelles sont les troupes qui étaient subordonnées à cette personne.

  2   Nous considérons que ceci est tout à fait approprié si vous parlez d'une

  3   personne qui se trouve effectivement en haut de la chaîne de commandement

  4   formelle. Mais quand il s'agit d'un civil, les choses sont différentes. Il

  5   est nécessaire de se pencher sur la réalité des faits et dans ces

  6   situations réelles de fait, il faut poser la question de savoir s'il

  7   existe un rapport de supérieur subordonné. Je pense qu'il n'est pas

  8   possible de résoudre ce problème sur un plan formel en indiquant: Voilà un

  9   tel nombre de troupes ont été placées sous le commandement de telle

 10   personne. Il faut adopter une approche plus pragmatique et empirique.

 11   M. Sayers (interprétation): Oui, je suis entièrement d'accord et je pense

 12   qu'il faut considérer cela du point de vue pragmatique mais même de ce

 13   point de vue-là, je répète la question: quelles sont les troupes qui

 14   étaient placées sous le commandement de M. Kordic?

 15   M. le Président (interprétation): S'agissant d'un homme politique, il faut

 16   savoir qu'il n'y aura jamais directement des troupes qui seraient placées

 17   directement sous son commandement. Si ce que vous dites est vrai, cela

 18   voudrait dire qu'aucun civil ne pourra jamais être condamné pour ces

 19   allégations puisqu'il n'aura jamais de troupes placées directement sous

 20   son contrôle, sous son commandement. Je pense que le Procureur affirme la

 21   chose suivante, non pas que directement il était la personne qui

 22   commandait les troupes, mais que c'est lui qui donnait en réalité les

 23   ordres, qui planifiait les événements qui se sont déroulés et qu'ensuite

 24   ces ordres étaient transmis au commandant militaire qui les exécutait. Le

 25   Procureur affirme et n'a cessé d'affirmer, par le biais de l'ensemble de


Page 28366

  1   sa présentation des preuves, que les soldats n'ont pas lancé une telle

  2   campagne de leur propre gré, qu'à chaque fois et nécessairement il y a une

  3   certaine participation politique par le biais de laquelle l'armée est

  4   activée, si j'ai bien compris le point de vue du Procureur, ce serait M.

  5   Kordic qui aurait joué ce rôle-là, à savoir le rôle de la personne qui a

  6   incité et poussé les militaires à faire ce qu'ils ont fait.

  7   M. Sayers (interprétation): J'accepte les remarques avancées par les

  8   Juges, mais quelles sont les preuves sur lesquelles ceci s'appuie?

  9   M. le Président (interprétation): Oui, mais c'est justement la question

 10   qui se pose, que nous nous posons face aux affirmations du Procureur, mais

 11   il s'agit là du fondement de l'affaire à laquelle vous faites face.

 12   M. Sayers (interprétation): La manière dont vous avez formulé cela

 13   s'approche plus de la section 7-1, de l'Article 7-1, donc il s'agit des

 14   activités de planification, de préparation, etc. Il s'agit donc d'un volet

 15   lié à 7-1 et non pas à 7-3.

 16   M. Bennouna: Planification et autre participation.

 17   Mais le 7-3 parle de contrôle effectif, comme vous l'avez admis vous-même,

 18   le contrôle effectif d'un civil étant défini comme la possibilité pour ce

 19   civil d’avoir les pouvoirs suffisants pour pouvoir prévenir un crime dont

 20   il a connaissance ou bien pour sanctionner, punir ensuite, les crimes qui

 21   sont intervenus et dont il a eu connaissance.

 22   On peut, pour le 7-3 également, être responsable en tant que civil si on a

 23   le contrôle effectif dans le sens d'un pouvoir de prévention, c'est-à-dire

 24   d'arrêter une action, ou au contraire de punir les coupables éventuels,

 25   sans nécessairement être le chef militaire dans le sens strict du terme.


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  1   Effectivement, le Président May s'adressait plus directement à la question

  2   du 7-1, c'est-à-dire planification, participation au crime en tant

  3   qu'élément organisationnel et donc de participation directe à la

  4   commission, et le 7-3 s'adresse à la responsabilité par omission.

  5   Là, c'est la responsabilité par commission, on a fait quelque chose pour

  6   la réalisation, on a participé à la réalisation du crime. Et la deuxième

  7   partie c’est la responsabilité par omission, c’est-à-dire qu’on savait

  8   mais on a rien fait, on avait les pouvoirs de faire mais on n'a rien fait,

  9   et ceci est possible pour un civil comme pour un militaire, pas dans les

 10   mêmes conditions.

 11   M. Sayers (interprétation): Effectivement, Monsieur le Juge, absolument.

 12   Mais nous considérons qu'il n'y a pas de preuve indiquant que M. Kordic

 13   aurait planifié une quelconque opération militaire, pas de preuve crédible

 14   de toutes façons.

 15   Nous avons entendu des suggestions par rapport à ses activités la nuit du

 16   15 ou dans l'après-midi du 15. Mais comme les Juges le savent, il était à

 17   Veceriska. La deuxième version est qu'il était au lycée de Dubravisa avec

 18   les Vitezovi. Même si ensuite d'autres témoins ont dit que c'était peut-

 19   être le 16, et d'autres témoins, notamment M. Preljas, ont dit qu’il

 20   n'était pas à Dubravica, qu’il n'était pas avec les Vitezovi ce jour-là,

 21   et qu'il était près de la station d’essence et que c'est là qu'il a été

 22   arrêté. La troisième version dont les Juges ont entendu parler par le

 23   biais d’une déposition d’un témoin confidentiel, sa déposition a eu lieu

 24   il y a plusieurs semaines.

 25   Il s’agit des seules preuves par rapport à cela. Le témoin confidentiel a


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  1   parlé de sa participation aux activités de planification, mais c’est tout.

  2   Et c'est tout a fait troublant. Aucun témoin, parmi les 114 témoins de

  3   l'accusation, n'a jamais parlé d'une quelconque réunion qui aurait eu lieu

  4   entre les leaders politiques et militaires où l'on planifiait ce genre

  5   d'événement.

  6   Chacun des témoins, et nous avons écrit cela dans notre document

  7   également, a corroboré notre point de vue. Et vous pouvez voir cela dans

  8   les documents.

  9   M. le Président (interprétation): Ce n'est pas tout à fait vrai et c'est

 10   un point justement dont j'ai discuté avec le Procureur, à savoir les

 11   éléments de preuve concernant ce qui s'est passé à Busovaca, et je suis

 12   sûr que vous allez aborder ce sujet un peu plus tard.

 13   Mais vous êtes au courant du fait qu'il existe des moyens de preuve selon

 14   lesquels votre client aurait joué un rôle du point de vue des activités

 15   d'artillerie à Busovaca.

 16   Le Procureur souhaiterait certainement ajouter d'autres éléments à ces

 17   allégations, mais ça c'est le minimum.

 18   Et ici il s'agit du mois de janvier.

 19   Puis nous avons entendu également des témoignages concernant l'état des

 20   routes tout au long du mois de février.

 21   Et tout cela est important pour le contexte de ce qui s'est passé à Vitez.

 22   M. Sayers (interprétation): Maître Naumovski parlera de cela plus en

 23   détail demain.

 24   Je souhaite faire une distinction entre un rôle ad hoc dans la matière de

 25   l’artillerie, dans sa propre ville natale qui a subi une attaque, et ceci


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  1   s'est passé en janvier 1993 d'un côté, et le rôle de planification d'une

  2   offensive et de ce qui s'est passé à Ahmici, comme le Procureur le

  3   suggère.

  4   Je considère qu'il n'y a qu'un témoin qui a déposé sur cette deuxième

  5   partie des affirmations du Procureur concernant la planification de

  6   l'offensive et Ahmici.

  7   Nous considérons que ceci constitue une base beaucoup trop faible pour

  8   rendre M. Kordic coupable.

  9   En ce qui concerne la chaîne de commandement, nous savons qui commandait

 10   la police militaire, c'est le colonel Blaskic, suite à l'ordre de combat

 11   du matin du 16 avril. Les Vitezovi, nous savons qui contrôlait les

 12   Vitezovi, tout d'abord sur la base de l'ordre de combat du 16 avril, et

 13   deuxièmement le rapport sur le 15 avril rédigé par le commandant des

 14   Vitezovi. Il s'agit de la pièce à conviction D343/1, intercalaire 5, je

 15   cite: «Notre unité continuera à suivre tous les ordres donnés par le

 16   colonel Tihomir Blaskic et continuera à être placée sous le système uni du

 17   commandement et du contrôle».

 18   Donc je pense qu’en ce qui concerne les Vitezovi il est clair, sur la base

 19   de ces documents, de voir qui les contrôlait, et également sur la base de

 20   ce que d'autres témoins ont dit, et également sur la basse de la

 21  déposition du témoin U. Le témoin U aurait parlé des deux frères (expurgé)..

 22   M. Bennouna: Est-ce que vous ne pensez pas que, d'après les preuves qui

 23   ont été présentées, M. Kordic avait le pouvoir d'empêcher éventuellement

 24   l'autorité militaire de commettre un certain nombre d’ordres, justement de

 25   produire ces ordres dont vous parlez, et qui ont mené à la commission d'un


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  1   certain nombre de crimes? Est-ce qu'il avait le pouvoir, étant donné son

  2   autorité, d'empêcher que ces ordres ne soient émis?

  3   M. Sayers (interprétation): Non. Il ne faisait pas partie de la chaîne de

  4   commandement militaire. Il n'avait pas le droit de sanctionner

  5   conformément au Règlement sur la discipline militaire.

  6   Et même s'il avait eu ces compétences, alors qu'alors que ce n'était pas

  7   le cas, il aurait dû être au courant du fait qu'un crime avait été commis

  8   afin de pouvoir intervenir ou bien l'empêcher.

  9   Encore une fois, la position du Procureur s'appuie sur les dires d'un seul

 10   témoin. Et je ne souhaite pas répéter ce que j'ai déjà dit.

 11   En ce qui concerne les enquêtes, bien sûr les enquêtes ont été menées,

 12   mais il est clair que M. Kordic n'a joué aucun rôle dans le cadre de ces

 13   enquêtes. Ce sont les autorités compétentes de manière régulière qui les

 14   ont menées. Monsieur Kordic n'a joué aucun rôle là-dedans et n'était

 15   absolument pas obligé de le faire.

 16   Je vais maintenant passer la parole à M. Smith qui va parler du volet lié

 17   aux persécutions. Je vous remercie.

 18   M. Smith (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 19   est-ce que je dois conclure que précisément à 5 heures moins le quart nous

 20   allons terminer?

 21   M. le Président (interprétation): Non, non, à 5 heures.

 22   M. le Président (interprétation): Le Juge Bennouna propose que l'on vous

 23   accorde cinq minutes de plus pour les questions.

 24   M. Smith (interprétation): Je vous remercie.

 25   Je vais traiter tout de suite de la question des persécutions.


Page 28371

  1   Conformément à l'acte d'accusation, la question qui se pose est de savoir

  2   s'il s'agissait d'une opération de persécution généralisée à travers

  3   l'ensemble de la HZ-HB, de la HR-HB et la municipalité de Zenica.

  4   Il existe deux méthodes permettant de prouver ce genre d'allégation. Et

  5   dans la décision rendue par les Juges le 6 avril 2000 portant sur les

  6   requêtes relatives à la demande d'un jugement de la libération, les Juges

  7   ont clairement articulé ces deux méthodes.

  8   Tout d'abord, le Procureur pourrait présenter les moyens de preuve

  9   municipalité par municipalité, en présentant les preuves concernant

 10   chacune des municipalités, d'un côté en ce qui concerne les persécutions

 11   et elles-mêmes, d'autre part en ce qui concerne le rôle joué par M.

 12   Kordic.

 13   Et conformément au même document nous pouvons constater que les

 14   instructions données par les Juges n'ont pas été suivies par le Procureur.

 15   Nous souhaitons souligner cela, ceci a déjà été mentionné par Me Sayers.

 16   Dans l'ordonnance donnée par les Juges le 6 avril, les Juges ont dit au

 17   Procureur qu'il pouvait faire un choix, c'est-à-dire plutôt que de prouver

 18   la théorie généralisée de persécutions applicables tout au long du mois de

 19   janvier dans les municipalités, des institutions des Croates de Bosnie et

 20   Zenica, et c'est ce qu'ils ont choisi de faire.

 21   Je vais maintenant expliquer à quoi se résume cette théorie-là.

 22   Premièrement, la question de persécution.

 23   Comme les autres méthodes, il existe deux volets liés à cela. D'un côté il

 24   est nécessaire de prouver que les Croates de Bosnie et leurs institutions

 25   politiques en Bosnie centrale procédaient à la discrimination à l'encontre


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  1   des Musulmans, les persécutaient dans le cadre d'une politique planifiée,

  2   d’une manière qui touchait chacune des municipalités placées sous la

  3   compétence de ces institutions-là, et également à Zenica.

  4   C’est ce que le Procureur devrait prouver à l'égard des persécutions.

  5   Deuxièmement, il serait nécessaire de prouver que M. Kordic a participé à

  6   cette politique ou à cette planification dans toutes ces municipalités et

  7   à Zenica, en prouvant qu'il détenait un poste politique suffisamment

  8   important qui le rendait coupable sur le plan criminel de cette prétendue

  9   politique et planification établie par ces institutions.

 10   Donc il s'agit là de la méthode proposée.

 11   La réponse simple et brève face aux arguments du Procureur relatifs à la

 12   persécution concerne ce deuxième volet. Ceci a été articulé par mes

 13   collègues.

 14   Et j'ajouterai la chose suivante. A savoir qu’il n'y a pas de preuve au-

 15   delà de tout doute raisonnable indiquant que M. Kordic aurait participé au

 16   niveau le plus élevé de la prise de décision de ces institutions-là.

 17   C'est pour cela que je vais avancer un argument alternatif portant sur la

 18   question de savoir si ces institutions-là ont effectivement procédé à la

 19   discrimination.

 20   Il existe trois piliers sur lesquels reposent les arguments du Procureur

 21   portant sur les persécutions.

 22   Tout d'abord, l'annexion, à savoir l'intention de la Croatie d'annexer

 23   certaines parties de Bosnie peuplées par les Croates, y compris la Bosnie

 24   centrale, et que la Croatie était préparée à avoir recours à la force pour

 25   accomplir cela.


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  1   La deuxième partie de la théorie ne constitue qu'à cela, à savoir une

  2   théorie seulement. La question du recours à la force est une question

  3   d'importance cruciale.

  4   Deuxièmement, il est affirmé que les institutions reflétaient un régime

  5   mono-ethnique dont les Musulmans auraient été exclus dès le début, à

  6   savoir dès la Constitution en 1991.

  7   Du point de vue du Procureur, ces institutions ont été créées afin de

  8   persécuter la communauté à majorité musulmane en Bosnie, afin d'accomplir

  9   cette annexion souhaitée.

 10   L'affirmation que la communauté minoritaire des Croates de Bosnie a

 11   commencé délibérément en 1991 a persécuté la majorité musulmane n'est

 12   absolument pas conforme à la réalité.

 13   Le troisième pilier, et je vais parler des trois piliers plus en détail

 14   tout à l’heure, est l'affirmation du Procureur selon laquelle au sein de

 15   la Bosnie centrale une campagne militaire généralisée de persécutions à

 16   l'encontre des civils musulmans bosniaques était effectuée par le HVO.

 17   Ceci constitue l'essentiel de la position du Procureur relative à la

 18   persécution, mais ceci ne résiste pas à une analyse sérieuse.

 19   Je souhaite aborder deux sujets avant d'analyser ces aspects-là un par un.

 20   Tout d'abord, la question du rôle des institutions croates de Bosnie.

 21   Tout au long de cette affaire nous avons affirmé, et ceci d'ailleurs est

 22   contenu dans notre mémoire, que ces institutions-là avaient des objectifs

 23   politiques légitimes au sein des frontières existantes et au sein des

 24   institutions de la Bosnie-Herzégovine. Nous avons présentés des documents

 25   corroborants cela, des documents relativement nombreux que l'on trouve


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  1   sous forme de mémoires et également sous forme d’annexes.

  2   Une fois que la Yougoslavie s'est dissoute, il n'y a pas eu consensus

  3   politique parmi les trois communautés quant à la façon dont la Bosnie

  4   devait être structurée à l'avenir ou à la façon dont son gouvernement

  5   devait fonctionner à l'avenir.

  6   Les Croates de Bosnie n'ont cessé de défendre une structure fédérale

  7   décentralisée ou fédérale sur le plan politique. Ils n'ont pas fait

  8   sécession comme les Serbes l'ont fait. Ils n’ont pas essayé de régler leur

  9   problème en dehors du cadre d'une Bosnie souveraine et indépendante. Ils

 10   ont voté en grande majorité en faveur de l'indépendance. Ils ont continué

 11   après l'indépendance à défendre leur position politique, aussi bien

 12   s'agissant de la structure constitutionnelle de la Bosnie qu'à un niveau

 13   plus particulier. Structure constitutionnelle qui n'avait en fait pas été

 14   réglée comme ils le souhaitaient au moment du vote sur l'indépendance, car

 15   la question de Livno n'a pas été posée comme les Croates auraient souhaité

 16   la voir posée. Ils ont signé sans attendre tous les plans de paix qui

 17   étaient proposés. Leur vision d'une structure fédérale ou confédérale

 18   décentralisée pour la Bosnie, a prévalu finalement dans le débat

 19   international comme étant la seule structure politique viable pour la

 20   Bosnie. Bosnie dans laquelle devait continuer à exister trois communautés

 21   ethniques distinctes.

 22   Donc ça c'était le premier sujet que je voulais aborder.

 23   Le deuxième est le suivant.

 24   Il a été dit ce matin que ce que l’on discute ici c'est une entreprise

 25   militaire qui permettait de résoudre un problème politique. Je pense,


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  1   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'il importe que vous vous

  2   posiez trois questions.

  3   Si cela était vrai, en partant de 1991, comme cela a été affirmé et

  4   déclaré, pourquoi est-ce que les Croates de Bosnie ont soutenu

  5   l'indépendance au moment du référendum et ce à une grande majorité. C’est

  6   la première question qu'il importe que vous vous posiez.

  7   La deuxième question étant la suivante. Pourquoi les Croates de Bosnie

  8   n’ont-ils pas attaqué les Musulmans à la fin de 1992, au moment où les

  9   Musulmans étaient les plus faibles et où les attaques serbes s'étaient un

 10   peu ralenties, au moment aussi où les Croates étaient relativement forts?

 11   Et puis il y a une troisième question à se poser. Pourquoi les Croates de

 12   Bosnie n’ont-ils pas attaqué les grandes villes du centre de la Bosnie,

 13   telles Zenica, Visoko, Kakanj, Breza et d'autres villes importantes?

 14   Pourquoi ont-il attaqué deux petits villages situés au sommet de collines

 15   surplombant les vallées dans lesquelles ils étaient pris au piège?

 16   Alors si vous le voulez bien je vais maintenant reprendre les différents

 17   aspects qui incarnent cette charge de persécution.

 18   D'abord, la réalité d'une annexion.

 19   La réalité de cet argument réside dans le fait que les institutions

 20   croates de Bosnie ont en fait fondé un certain nombre d'organismes

 21   destinés à promouvoir leur autodéfense collective contre les Serbes et pas

 22   en tant que vecteur destiné à organiser la persécution des Musulmans.

 23   Alors regardons les documents.

 24   Le document Z27, daté du 18 novembre 1991, je cite: “La communauté

 25   respecte le gouvernement démocratiquement élu de la République de Bosnie-


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  1   Herzégovine. Article 5: “Aussi longtemps qu’il n’ait pas mis un terme à ce

  2   qui reste de la Yougoslavie”.

  3   C’est une paraphrase ce que je viens de dire.

  4   Deuxièmement, j'appelle votre attention sur la déclaration de M. Kordic

  5   lui-même lors d'une rencontre à Travnik, le 26 juin 1992, à laquelle

  6   assistait le Dr Genjac. Monsieur Kordic y a déclaré que les institutions

  7   croates de Bosnie étaient, je cite: “favorables à une coopération avec les

  8   Musulmans”, fin de citation.  Et que ces institutions n’étaient, citation:

  9   “qu’une solution temporaire, les trois peuples fondateurs étant dans

 10   l'obligation de s'entendre sur des dispositions intérieures définitives

 11   pour l'Etat de Bosnie-Herzégovine”, fin de citation. Et je vous renvoie au

 12   document Z141.1, intercalaire 9.

 13   Les documents de la période 1991/1992, versés au dossier par le Procureur

 14   en personne, après analyse et cette analyse nous l'avons faite en nous

 15   occupant de l’annexe à ce mémoire ainsi que du mémoire précédent celui-ci,

 16   et cette analyse démontre clairement que les institutions civiles et

 17   militaires des Croates de Bosnie ont été créées pour assurer l'autodéfense

 18   contre les Serbes de ces Croates de Bosnie, et ont évolué je dirais en

 19   fonction des nécessités au printemps 1992.

 20   Alors permettez-moi maintenant de dire quelques mots de l'argument

 21   annexion.

 22   C'est à peu près le 27 décembre 1991, lors de cette réunion du 27 décembre

 23   dans le bureau du Président Tudjman que le Président Tudjman suite à cette

 24   réunion a déclaré qu'il fallait que se tiennent des négociations destinées

 25   à discuter de ce qu'il est convenu d'appeler l'option n° 3 en temps que


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  1   solution politique permettant d'éviter le recours à la force ou à la

  2   violence.

  3   Il n'y a pas eu des instructions de partition de la Bosnie. Il n'y a pas

  4   eu des instructions de sécession à ce moment-là. Très manifestement,

  5   aucune instruction n'a été émise, aucun désir n'a été exprimé de recourir

  6   à la force ou à la menace de la force contre les Musulmans à ce moment-là.

  7   Je passe maintenant à l'autre aspect de cette argumentation.

  8   La vérité, c’est que les institutions croates de Bosnie n'ont pas exercé

  9   de discrimination ou de persécution contre les Musulmans dans le cadre

 10   d'un plan ou d’une politique appliquée systématiquement ou de façon

 11   homogène comme le Procureur essaie de nous le dire.

 12   Il n'y avait donc pas de politique ethnique chez les Croates de Bosnie,

 13   cette politique n'a pas été appliquée sur l'ensemble de la communauté

 14   croate d’Herceg-Bosna ou de la République croate d’Herceg-Bosna, ainsi que

 15   dans la municipalité de Zenica.

 16   Et je souligne ici que des témoins, des responsables de haut rang et de

 17   rang moins important, cités par mon confrère Me Sayers, ont permis de

 18   vérifier dans le détail que ce plan, cette politique n'a jamais existé ni

 19   de jure ni de facto, aucune politique de discrimination dans le cadre d'un

 20   plan ou d’une politique donnant lieu à la promulgation de lois, de

 21   règlements par des organes officiels ou des institutions déterminés.

 22   La Chambre de première instance a entendu le témoignage du Dr Ribicic qui

 23   a admis effectivement qu’il n’existait aucune discrimination de jure. La

 24   Chambre de première instance a également entendu des responsables

 25   témoigner du fait que les Musulmans ont gardé leur travail dans le cadre


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  1   des nouvelles institutions.

  2   M. Bennouna: Est-ce que ce qu’on appelle le nettoyage ethnique (ethnic

  3   cleaning) c’est de la persécution?

  4   M. Smith (interprétation): Non, Monsieur le Juge, pas nécessairement.

  5   Le nettoyage ethnique n'est pas une expression qui bénéficie d'une

  6   définition juridique quelconque, en tout cas, je n'en ai pas trouvé.

  7   C'est une expression qui est utilisée d’une façon très vague, comme

  8   certains témoins l’ont indiqué, pour couvrir différents types de

  9   comportements, dont d’ailleurs certains comportements criminels en

 10   application des Articles 2, 3, 5 et 7.

 11   Mais il me semble que si l'on tient à l'analyser de façon plus

 12   approfondie, il faut essayer de voir quels sont les comportements

 13   physiques en cause et quels sont les critères juridiques que l'on trouve

 14   dans ces articles.

 15   Et pour ma part, j'ai tendance à éviter l'utilisation de cette expression,

 16   nettoyage ethnique, parce que je ne crois pas que cela permette d’avancer

 17   dans l’analyse.

 18   M. Bennouna: Au cours de cette affaire, dans l'affaire et au cours de tous

 19   ces mois de preuve, vous ne reconnaissez pas qu'il y a eu des actions de

 20   harcèlement violentes pour amener certaines des populations musulmanes à

 21   quitter certaines régions, notamment d’ailleurs Busovaca, et d'autres

 22   certaines localités, donc des menaces physiques pour amener certaines

 23   populations musulmanes à quitter certaines localités, qu’on avait planifié

 24   ou décidé de réserver à des Croates ou à des populations avec une

 25   homogénéité croate et relevant d'autorités croates? C'est cela la


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  1   question, d'ailleurs jusqu’aux accords de Washington où il a été décidé de

  2   distinguer entre les cantons en prenant en compte certaines des réalités

  3   sur le terrain.

  4   M. Smith (interprétation): Monsieur le Juge, je répondrai à cette question

  5   en trois points.

  6   Premièrement, il y a eu des cas de harcèlement des deux côtés. Un

  7   comportement qui pour l'essentiel se rapproche beaucoup de ce qu’on a pu

  8   constater à Busovaca dans les zones croates ainsi que dans les zones

  9   musulmanes dont vous avez entendu parler, telles que Bugojno, Zenica ou

 10   Kakanj.

 11   Mais, à mon avis, d'un côté ou de l'autre ce harcèlement ne s'inscrivait

 12   pas dans un plan ou dans une politique, ou en tout cas ne résultait pas

 13   d'un plan ou d’une politique. En effet, comme notre témoin expert l'a

 14   indiqué, ce harcèlement s'est produit en fonction des circonstances.

 15   C’était mon premier point.

 16   Mon deuxième point est le suivant. Dans les poches, dans les enclaves,

 17   dans la poche représentée par la vallée de la Lasva, qui est le seul

 18   secteur que Kordic avait réellement sous son influence, comme mon confrère

 19   l’a indiqué, à Busovaca, mon collègue Me Naumovski vous en parlera demain,

 20   et dans notre mémoire il y a une description des faits qui est très

 21   détaillée, et qui vous dit qu'il n'y a pas eu dans cette zone de

 22   persécutions, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu discrimination contre les

 23   Musulmans en 1992.

 24   A Vitez et à Novi Travnik, il n'y a eu aucune participation de M. Kordic à

 25   quelque acte de harcèlement que ce soit, même s'il y a eu des actes de


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  1   harcèlement dans l'une ou l'autre de ces municipalités.

  2   Quant à Busovaca, ce que je dirais, c'est que l'ordre du 10 mai 1992, cote

  3   Z100, a constitué une réponse raisonnable à une situation de crise due à

  4   la violation par les Musulmans de l'accord de Kaonik sur la restitution

  5   des armes. Il ne s’est pas agi d'une discrimination planifiée à l'avance

  6   et faisant partie d'une politique organisée, comme Me Naumovski vous le

  7   dira demain.

  8   M. le Président (interprétation): Ecoutez, Maître Smith, il est 17 heures

  9   05, il est temps de suspendre si vous en êtes d'accord.

 10   M. Smith (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.

 11   M. le Président (interprétation): Nous reprendrons demain. Je pense qu'il

 12   vous reste à peu près une heure ou à peine plus.

 13   M. Smith (interprétation): Monsieur le Président, si je reprends la parole

 14   demain ce sera simplement pour conclure.

 15   M. le Président (interprétation): Mais je m'adressais à vous deux.

 16   M. Smith (interprétation): Oui, Monsieur le Président, j'ai compris.

 17   M. le Président (interprétation): Très bien, merci. Nous nous retrouverons

 18   demain à 9 heures 30.

 19   (L’audience est levée à 17 heures 07.)

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