Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 18 mai 2004

  2   Audience sur requêtes

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Bonjour à tous. Je vois que les

  7   parties sont représentées par les mêmes personnes qu'hier. Je vais demander

  8   à la Greffière de donner le numéro de l'affaire.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est IT-95-14/2-A, le Procureur contre

 10   Dario Kordic et Mario Cerkez.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Je vais me tourner vers

 12   Messieurs Kordic et Cerkez afin de savoir s'ils se sentent suffisamment en

 13   forme pour suivre les débats, et s'ils sont en mesure de suivre ces mêmes

 14   débats dans une langue qu'ils comprennent ?

 15   L'APPELANT KORDIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Merci

 16   de votre question. Je suis en mesure de tout entendre et de tout comprendre

 17   et de suivre la procédure normalement.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.

 19   L'APPELANT CERKEZ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 20   Mesdames, Messieurs les Juges. Je comprends tout et je suis la procédure

 21   correctement.

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.

 23   Dans ces conditions, nous allons tout de suite reprendre nos débats. Qui va

 24   intervenir pour le bureau du Procureur ?

 25   M. FARRELL : [interprétation] Je vais intervenir mais très brièvement afin


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  1   de vous dire que j'en ai terminé, comme c'était prévu hier, du volet qui

  2   m'était imparti. C'est Mme Kind qui va intervenir maintenant suivie de Mme

  3   Jarvis. Il faudra que nous nous déplacions afin de venir au micro, si bien

  4   qu'il est possible qu'il y ait quelques mouvements au sein de notre équipe.

  5   Je souhaitais vous prévenir de la chose.

  6   Deuxième point, il est possible que nous ayons besoin, que nous demandions

  7   trente minutes, voir 45 minutes de plus afin de répondre à tous les

  8   arguments et ce que je proposerais c'est que ce temps soit déduit du temps

  9   qui nous avait été imparti pour présenter notre appel parce que nous

 10   n'aurons pas besoin de tout le temps qui avait été prévu. Ceci ne devrait

 11   pas avoir de conséquences défavorables pour notre emploi du temps

 12   globalement.

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Fort bien.

 14   M. FARRELL : [interprétation] Je vais donc demander à Mme Kind de prendre

 15   la parole.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.

 17   Mme KIND : [interprétation] Je viens intervenir brièvement au sujet du

 18   journal de guerre, pièce Z610.1. D'après l'Article 89(C), la Chambre est à

 19   même d'admettre tout élément de preuve dont elle estime qui peuvent avoir

 20   une valeur probante.

 21   Il s'agit de droit qui est établi au Tribunal et selon lequel la preuve de

 22   l'authenticité n'est pas la seule qu'il convient de franchir uniquement

 23   pour permettre l'admission d'éléments de preuve puisque la Chambre estime

 24   que même des déclarations qui ont été faites hors prétoire, peuvent être

 25   également admises. Un élément de preuve n'est pas considéré comme


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  1   admissible s'il n'y a pas d'élément indiquant qu'il est fiable, ni qu'il

  2   est probant.

  3   Les questions d'authenticité des documents par rapport aux événements

  4   qu'ils sont censés relater, c'est à la Chambre de première instance de

  5   trancher à ce sujet pour savoir si tel ou tel élément de preuve doit se

  6   voir accorder une importance quelconque au sein du dossier.

  7   L'appelant nous parle de la fiabilité du document Z610.1 et il estime que

  8   la Chambre a fait un usage abusif de son pouvoir discrétionnaire

  9   lorsqu'elle a estimé que ce document était suffisamment fiable pour être

 10   versé au dossier. Nous avançons quant à nous que ces deux arguments ne sont

 11   pas valables. Dans sa décision du 1er décembre 2000, en effet la Chambre a

 12   estimé que le fait que le document n'ait pas été disponible pendant la

 13   présentation des moyens à charge et l'importance de ce document devaient

 14   être pris en compte pour déterminer si le document devait être versé au

 15   dossier ou non. C'est un critère qui a également été appliqué pour les

 16   documents, dits documents de Zagreb du 21 novembre 2000.

 17   La Chambre a estimé que le document Z610.1 était admissible parce qu'il

 18   avait trait au dossier et qu'il avait, c'est un document qui datait des

 19   faits, du moment où les faits s'étaient produits. On se reportera au

 20   paragraphe 44 de la décision du 1er décembre 2000 de la Chambre de première

 21   instance au sujet de l'admissibilité de la pièce Z610.1.

 22   L'Accusation fait valoir que rien dans la décision de la Chambre de

 23   première instance n'indique que celle-ci ait fait un usage abusif de son

 24   pouvoir discrétionnaire. Un grand nombre d'éléments de preuve, qui ont été

 25   admis au dossier pendant le procès, ont corroboré l'exactitude du contenu


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  1   du document Z610.1. Certains de ces documents ont été fournis par

  2   l'Accusation et pour certains de ces documents, il s'agissait de pièces à

  3   conviction fournies par la Défense dans l'affaire Blaskic. D'autres avaient

  4   été versés au dossier par la Défense dans l'affaire Kordic/Cerkez.

  5   Au cours des déclarations de clôture du 14 décembre 2002, l'Accusation a

  6   passé en revue un certain nombre d'entrées du document Z610.1 et indiqué à

  7   la Chambre quelles étaient les parties particulièrement pertinentes de ce

  8   document. Bien entendu, je n'ai pas le temps de faire de même mais je

  9   souhaiterais vous renvoyer aux paragraphes 238 à 253 du mémorandum de

 10   clôture de l'Accusation ainsi qu'au compte rendu d'audience, page 28 274 à

 11   28 299 des réquisitions de l'Accusation en date du 14 décembre 2000.

 12   Cependant avec votre permission, je souhaiterais mettre en lumière un

 13   certain nombre d'exemples afin que tout soit le plus limpide possible à vos

 14   yeux.

 15   Ici par exemple, nous avons la page 71 du journal de guerre où le 16 avril

 16   1993 à 9 heures 15, il s'agit d'un incident dans lequel a été impliqué un

 17   char de la FORPRONU. La pièce Z681 qui avait été versée au dossier relate

 18   exactement le même incident.

 19   Autre entrée de ce journal de guerre, c'est la page 90 du 16 avril 1993, à

 20   16 heures 25, on fait référence à un ordre numéroté 01427193. Cet ordre

 21   lui-même, il a été versé au dossier sous la cote Z682 et ceci avant

 22   l'introduction au dossier de la présentation du journal de guerre. On y

 23   reprend exactement les mêmes informations.

 24   Autre entrée, page 98 du journal de guerre, 16 avril 1993, 20 heures, un

 25   ordre de combat pour la Défense de Kuber, numéro 01428093, 19 heures 45, ce


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  1   sont les mêmes informations que l'on retrouve dans la pièce à conviction

  2   présentée par la Défense de Kordic et portant cote D92/1.

  3   Page 99 du journal de guerre, 16 avril, 20 heures 35, un ordre qui porte le

  4   numéro de référence 014282, à l'intention de la Brigade Stjepan Tomasevic,

  5   envoyé par le commandant Blaskic. Il s'agissait en l'occurrence également

  6   de la pièce à conviction de la Défense D305/1, intercalaire numéro 17.

  7   Dernier exemple que je souhaite porter à votre attention et il y en a un

  8   grand nombre d'autres que je pourrais vous présenter. Il s'agit de la page

  9   94 du journal, 16 avril 1993, 17 heures 55, on fait référence à un certain

 10   nombre de personnes qui ont trouvé la mort au cours des combats. Or ceci,

 11   on les retrouve dans la pièce Z673.6, admise au dossier dans sa décision du

 12   1er décembre 2000. On y retrouve exactement la même liste de noms.

 13   Nous faisons valoir que cette pièce 610.1 a été versée au dossier aux

 14   termes de l'Article 115 dans une autre affaire et il a été considéré qu'il

 15   s'agissait d'éléments supplémentaires de preuve qui étaient admissibles. Il

 16   est important de constater que la Chambre de première instance, pendant le

 17   procès, a accepté des documents semblables au document 610.1, des documents

 18   qui ont été produits par l'appelant, lui-même, et à ce moment-là, la

 19   Chambre de première instance a appliqué exactement les mêmes critères pour

 20   décider de l'admissibilité de ces documents.

 21   L'appelant dans le cadre des éléments présentés lors de sa duplique a

 22   demandé le versement au dossier de registres qu'il disait provenir du 3e

 23   Corps de l'ABiH, il s'agit des pièces D367/1 et D368/1. On n'a fait venir

 24   aucun Témoin pour authentifier ces documents mais tout comme cela s'est

 25   passé pour la pièce 610.1, nous avions affaire à des registres qui


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  1   contenaient des entrées qui étaient le fait d'un officier de permanence et

  2   qui faisaient référence aux événements se déroulant dans la zone de

  3   responsabilité. Il indiquait dans ce journal les ordres donnés et les

  4   rapports reçus. Ces entrées, entrées à la période du 1er décembre au 22 juin

  5   1993, on y trouve des entrées qui sont établies par des personnes

  6   différentes, vu les écritures, ce qui est quelque chose de normal, étant

  7   donné qu'il s'agit d'un registre.

  8   Lorsque le Juge Robinson a interrogé le conseil de la Défense au sujet de

  9   la valeur probante de ces registres. Il a répondu, je cite : "L'intérêt,

 10   c'est de montrer que ces rapports existent. Il y ait fait référence dans le

 11   registre."

 12   Ceci, on le retrouvera à la page 28 214 du compte rendu d'audience, journée

 13   d'audience du 8 décembre 2000.

 14   La Chambre de première instance a appliqué à ce moment-là exactement le

 15   même critère que lorsqu'elle a décidé de verser au dossier la pièce Z610.1.

 16   Ces deux registres ont été versés au dossier sur la base des mêmes

 17   éléments. Je cite : "Les deux registres sont versés au dossier pour la même

 18   raison qui nous a incité à verser au dossier le registre de l'officier de

 19   permanence de la zone opérationnelle. Ces registres s'inscrivent exactement

 20   dans la même catégorie qu'au document. Il se passe pratiquement de

 21   commentaire. Apparemment, ils ont été établis au moment des faits par des

 22   officiers de permanence qui avaient à peu près le même grade."

 23   On trouvera ce que je viens de lire à la page 28 222 du compte rendu

 24   d'audience, journée d'audience du 8 décembre 2000.

 25   Je ne vais pas parler beaucoup plus longuement. Je souhaiterais simplement


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  1   faire référence à certaines des observations qui ont été faites par la

  2   Défense au sujet de ce document.

  3   Je crois que l'on vous a remis un exemplaire du journal, du registre dans

  4   sa version originale. J'ai informé la Défense que j'allais procéder de la

  5   sorte. J'ai également fourni aux participants deux extraits. Il y en a un

  6   qui se trouve à la page 23, avec la traduction, page 23 en traduction. On

  7   fait référence ici au drapeau rouge en B/C/S. C'est passage sur lequel on a

  8   interrogé Marco Prelec lorsqu'il est venu au procès. Vous constaterez dans

  9   l'original qu'on voit la mention insérée après "journal de guerre du 15

 10   avril 1993", dans une partie du registre qui a trait au mois de janvier.

 11   Comme vous pouvez le constatez à l'examen de l'original, ces mots qui sont

 12   rajoutés au milieu de la page sont manifestement d'une autre main. Il est

 13   manifeste que ceci a été écrit après coup sur une écriture qui n'a rien à

 14   voir. Nous estimons que cela n'a absolument rien à voir avec le reste du

 15   texte quant à nous.

 16   D'autre part, je vais vous demander maintenant de vous référer à la

 17   dernière page du journal de guerre, le deuxième extrait que je vous ai

 18   fourni, la dernière page. Il s'agit de la page 207 de la traduction en

 19   anglais de ce document. C'est la dernière page, la toute dernière page du

 20   document original en B/C/S. Ici, on voit le colonel Blaskic signer le

 21   document pour le clore. Il mentionne que les pages 62 et 63 sont

 22   manquantes.Je vais vous demander de vous reporter à l'original. On voit un

 23   drapeau rouge au milieu du document. Je vais essayer de vous expliquer un

 24   peu ce que l'on peut retirer de ce document, comment il faut le lire. Nous

 25   estimons quant à nous qu'il s'agit d'un document où les numérotations des


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  1   pages sont indiquées en haut à droite. Il y a un numéro de page toutes les

  2   deux pages. Il s'agit d'une sorte de registre, de registre à doubles pages.

  3   Les pages 62 et 63 manquent. Nous estimons que ce sont des entrées, ce sont

  4   des pages qui ont trait à la même journée du

  5   19 avril 1993. Comme vous pouvez le voir dans l'original, il y a un certain

  6   nombre d'heures qui ne sont pas prises en compte, puisque l'officier de

  7   permanence prend des notes extrêmement précises, toutes les deux ou trois

  8   minutes. Nous estimons que la raison pour laquelle ces entrées sont

  9   manquantes, c'est parce qu'on les a arrachées. Ceci d'ailleurs a été

 10   confirmé par Blaskic lui-même.

 11   Je vais m'arrêter dans quelques instants. Je souhaiterais avant ce faire,

 12   vous faire référence à deux éléments qui ont été soulevés par l'appelant au

 13   sujet du Témoin Grubesic qui a été interrogé à ce sujet. Page 28 037 du

 14   compte rendu d'audience, nous y avons inscrit une marque bleue dans votre

 15   original. Les dates des entrées dans ce journal sont en ordre, sont

 16   inversées. Nous estimons que cela ne change rien au contenu de ces entrées

 17   et aux dates qui les concernent.

 18   S'agissant du Témoin AT, je ne vais pas demander un huis clos. Je souhaite

 19   simplement vous référer à la page 27 776 du compte rendu d'audience. Il a

 20   été interrogé lors des questions supplémentaires au sujet de ce qu'il

 21   pensait du journal de guerre, des préoccupations qu'il avait à ce sujet. Je

 22   vous demande de vous pencher à nouveau de ce qu'il a dit dans ce contexte.

 23   Enfin, pour résumer je dirais que nous faisons valoir que l'appelant n'a

 24   pas fait la preuve que la Chambre de première instance avait commis une

 25   erreur lorsqu'elle avait décidé de mettre au dossier la pièce Z610.1 dans


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  1   la mesure où la teneur du document Z610.1 a été confirmé. C'est une teneur

  2   qui est digne de foi. La Chambre n'a pas un usage abusif de son pouvoir

  3   discrétionnaire lorsqu'elle a décidé de verser au dossier le document

  4   Z610.1. Merci.

  5   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Madame le Juge Mumba.Mme LE JUGE

  6   MUMBA : [interprétation] Madame, j'aimerais être sûr de vous avoir bien

  7   comprise au sujet de certains documents que vous avez évoqués, page 4,

  8   ligne 5 à 7 du compte rendu d'audience de ce jour. Vous avez dit si j'ai

  9   bien compris que certains des documents contestés étaient des documents de

 10   la Défense dans l'affaire Blaskic.

 11   Mme KIND : [interprétation] Oui.

 12   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Certains des documents présentés par

 13   la Défense en l'espèce.

 14   Mme KIND : [interprétation] Oui.

 15   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Blaskic, c'était un procès différent,

 16   n'est-ce pas ?

 17   Mme KIND : [interprétation] Oui, tout à fait.

 18   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Les règles qui valent pour les

 19   éléments de preuve documentaires n'ont pas été relâchées, n'ont pas été

 20   rendues moins strictes dans le procès Kordic/Cerkez. Il est tout à fait

 21   possible de continuer à contester des documents même s'ils ont été admis

 22   dans une autre affaire, dans l'affaire Blaskic.

 23   Mme KIND : [interprétation] Oui.

 24   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Vous pouvez ajouter quelque chose si

 25   vous le souhaitez.


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  1   Mme KIND : [interprétation] Oui, ces documents ont été versés au dossier en

  2   l'espèce, et le numéro de pièce à conviction, par exemple, pour donner un

  3   exemple, c'est Z680; c'est un de ces documents. Ce que je veux dire que ces

  4   éléments de preuve, on les avait utilisés précédemment. On les connaissait

  5   depuis longtemps. Ils avaient déjà été versés au dossier dans cette

  6   affaire. C'est l'essentiel de mon argumentation. Tout ceci, bien avant que

  7   le journal de guerre n'est fait son apparition et n'était présenté par

  8   l'Accusation.

  9   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] J'ai une question pour rebondir sur

 11   ce qui vient d'être dit afin que les choses soient le plus claires plus

 12   possible. Je voudrais revenir à la dernière page. Il y a là peut-être

 13   source de confusion éventuelle, puisqu'on voit à deux reprises signée par

 14   le colonel Tihomir Blaskic. Par là, je parle de la dernière page du

 15   document. Il semble que les deux signatures ne soient pas semblables. Est-

 16   ce que vous pouvez nous dire ce que vous pensez de cela, s'il vous plaît ?

 17   Mme KIND : [interprétation] Moi-même, je ne suis pas en mesure d'identifier

 18   formellement ces signatures. Lorsqu'on a demandé le versement au dossier de

 19   ce document, il n'y a pas eu de contestation de la signature au moment où

 20   on a parlé de ce document. A ma connaissance, personne n'a remis cela en

 21   question. Est-ce que cela vous suffit ?

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Non, mais moi ce qui me fait un peu

 23   tiquer, c'est quand on voit le document en anglais, cela a été signé à deux

 24   reprises par le colonel Blaskic.

 25   Mme KIND : [interprétation] Est-ce que je peux, s'il vous plaît, consulter


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  1   mes confrères ?

  2   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  3   Mme KIND : [interprétation] Je ne pense pas être en mesure de vous donner

  4   vos éléments supplémentaires à ce sujet. Je ne suis pas experte en matière

  5   d'analyse d'écriture. Ce que je répète, c'est que ces signatures n'ont pas

  6   été contestées au moment du procès. Je ne peux malheureusement rien vous

  7   dire de plus.

  8   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

  9   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous avons rencontré des

 10   difficultés semblables dont des cas de figure semblables. Ma question est

 11   la suivante : Avant Tihomir Blaskic, est-ce que ce qu'on lit c'est une

 12   expression qui signifie qu'on a signé en son nom ? Est-ce que c'est cela

 13   que signifie ce qu'on peut lire juste avant ? Je ne veux pas me lancer ici

 14   dans des conjectures. Je ne sais pas si les interprètes ont les mêmes

 15   documents sous les yeux.

 16   M. KIND : [interprétation] Oui, je leur ai fourni des exemplaires hier, on

 17   pourrait peut-être placer le document sur le rétroprojecteur.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui, effectivement. Cela serait une

 19   fort bonne idée.

 20   Ne zoomez pas trop afin qu'on puisse voir l'intégralité du document à

 21   l'écran. Un petit peu plus haut, s'il vous plaît. Merci, cela devrait

 22   suffire.

 23   Je vais demander l'aide des interprètes. Etes-vous en mesure de donner

 24   lecture de ce qui est écrit ? Je vous en remercie d'avance, je sais très

 25   bien que vous êtes ici pour faire un travail d'interprétation, et pas de


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  1   traduction. Nonobstant ce fait, je vous demanderais d'avoir l'infime

  2   amabilité de nous donner lecture de ce que l'on peut déchiffrer sur ce

  3   document.

  4   L'INTERPRÈTE : Au dessous du tampon, en dessous du cachet, il semble qu'il

  5   y ait la mention za, c'est-à-dire, za zapovjednika. Si on analyse le cas,

  6   du mot zapovjednika, cela semblerait vouloir indiquer que la déclinaison

  7   est za, c'est-à-dire, pour le commandant.

  8   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ce qu'on voit après le PS, la

  9   dernière signature, qu'est-ce qu'on peut voir ?

 10   L'INTERPRÈTE : "Puk", c'est l'abréviation de Pukovnik, ou colonel, colonel

 11   Tihomir Blaskic.

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Je n'ai pas quant à moi de

 13   questions supplémentaires. Est-ce qu'il y en a d'autres ?

 14   M. FARRELL : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera Mlle Jarvis

 15   qui va s'exprimer maintenant. Je vous demande quelques instants de façon à

 16   ce qu'elle puisse prendre place. Merci.

 17   M. SAYERS : [interprétation] Monsieur le Président, pendant que

 18   l'Accusation s'organise, je me propose de demander la distribution de ce

 19   document de la Banks contre Dretke que les Juges ont demandé hier.

 20   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci beaucoup.

 21   Pour que tout soit clair au compte rendu d'audience, je demanderais qu'un

 22   numéro de versement au dossier soit octroyé à ce document. Quelle est la

 23   cote du document suivant, je vous prie, Madame la Greffière ?

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction DAK 2.

 25   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je suis désolé de n'avoir pas


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  1   interrogé l'Accusation avant de demander ce numéro, mais je pense qu'il n'y

  2   a pas d'objections. Non. Très bien, merci.

  3   Mademoiselle Jarvis, c'est à vous.

  4   MLLE JARVIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Mesdames,

  5   Messieurs les Juges.

  6   Je répondrai aux arguments développés par l'Appelant Kordic sur deux

  7   points. D'abord, les arguments développés par lui au sujet du premier chef

  8   d'accusation, à savoir, la persécution. En deuxième lieu, les arguments

  9   qu'il a développés par rapport à l'existence et à la classification du

 10   conflit armé de Bosnie centrale.

 11   Parlons d'abord, si vous le voulez bien, de la persécution. Monsieur le

 12   Président, je commencerai par souligner que les arguments développés par

 13   l'appelant pour contester sa condamnation au titre de la persécution, sont

 14   de façon générale une tentative de plaider une nouvelle fois. Cela étant,

 15   il y a un autre aspect de la chose qui est encore plus important. Si vous

 16   examinez de plus près les arguments de M. Kordic au sujet de la

 17   persécution, si vous examinez tous ses arguments, il apparaît très

 18   clairement qu'ils sont entachés d'erreurs d'interprétation importante quant

 19   à la signification de la notion de crime de persécution.

 20   Pour illustrer mon propos, je me propose de vous fournir une vue globale

 21   d'un certain nombre de points qu'il a développés dans le cadre de son

 22   appel. Par exemple, dans son mémoire en appel corrigé daté du 12 juillet

 23   2002, page 76, il parle du conflit en disant que  ce conflit entre les

 24   Musulmans et Croates de Bosnie centrale n'a pas impliqué davantage des

 25   discriminations à l'encontre d'eux ou de persécution d'une communauté par


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  1   une autre, que cela est normal dans les turbulences politiques et ethniques

  2   que l'on trouve au cours d'une guerre civile entre deux groupes politiques

  3   ethniques différents, dès lors que la politique a échoué.

  4   Un autre exemple émane de ce même mémoire à la page 94, où il décrit le

  5   traitement des Musulmans de Bucovaca de la part des Croates comme étant

  6   très loin d'une politique de persécution délibérée et calculée telle que

  7   celle que les Serbes ont appliquée aux deux communautés.

  8   Un peu plus loin, dans le supplément à son mémoire en appel daté du 4 mars

  9   2004, page 33, paragraphe 55. Il laisse entendre que si l'ABiH menait une

 10   offensive, ceci avait directement pour but de contrer toute idée que les

 11   Croates persécutaient les Musulmans, puisque c'était plutôt l'inverse qui

 12   se produisait.

 13   Je vous demanderais à présent d'examiner également l'affirmation répétée de

 14   la part de l'appelant selon laquelle il n'est pas coupable de persécution,

 15   parce qu'il n'y a pas eu de campagne unilatérale. Sur le fonds, Monsieur le

 16   Président, M. Kordic vous demande de faire ce qui suit : Il vous demande

 17   d'admettre que l'aspect banni de la persécution est relatif, que

 18   finalement, un certain degré de persécution est admissible et même

 19   prévisible dans toute guerre et que la communauté internationale ne devrait

 20   pas s'en inquiéter outre mesure. Il vous demande d'admettre que si les

 21   parties à un conflit commettent des actes de persécution l'une contre

 22   l'autre, ceci les exonère de crime de persécution en tant que tel, qu'à

 23   moins qu'une campagne de persécution ne soit unilatérale, elle ne constitue

 24   pas un acte de persécution. Il vous demande, Monsieur le Président,

 25   Mesdames, Messieurs les Juges, d'admettre que la persécution est finalement


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  1   un terme qui ne peut être attaché qu'aux actes commis par les Serbes de

  2   Bosnie en raison de leur comportement qui, d'après lui, a été beaucoup plus

  3   grave.

  4   Aucune de ses affirmations n'est exacte. L'interdit qui pèse sur la

  5   persécution est un interdit absolu. Le terme de persécution n'a pas pour

  6   but de prononcer un jugement au sujet du groupe ethnique qui a commis le

  7   nombre le plus important d'atrocités au cours du conflit, il n'a pas non

  8   plus pour but de déterminer quel groupe ethnique a été le plus sans

  9   défense. Ce n'est pas un terme qui a pour but de contrer l'existence d'une

 10   politique particulière de la part de l'une ou l'autre partie à un conflit.

 11   C'est un critère du droit pénal qui a pour but de protéger des individus,

 12   qui a pour but d'empêcher que les droits de ces individus soient

 13   délibérément violés pour des raisons discriminatoires, qui a pour but

 14   également de veiller à ce que la justice soit assurée pour ces individus

 15   qui ont subi de telles violations.

 16   Le fait que M. Kordic ait été condamné pour persécution ne signifiait en

 17   aucun cas que le peuple croate de Bosnie ait été mis en cause dans son

 18   ensemble. En fait, cette condamnation ne rend responsable des actes

 19   répréhensibles qu'un seul individu sur la base de son comportement, qui a

 20   abouti à la violation des droits des victimes musulmanes de Bosnie,

 21   résidentes de la vallée de la Lasva et de Kiseljak.

 22   Passons maintenant, si vous le voulez bien, à certains arguments précis

 23   développés à plusieurs reprises par M. Kordic au cours de son procès. Il a

 24   nié le fait que la communauté croate d'Herceg-Bosna ait eu un projet de

 25   sécession. La Chambre de première instance a rejeté cet argument,


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  1   paragraphe 491 du jugement après l'avoir examiné de près et sur la base de

  2   sa conclusion, selon laquelle la communauté croate d'Herceg-Bosna avait bel

  3   et bien le but de se séparer de la Bosnie pour constituer une unité avec la

  4   Croatie. Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, il n'est pas

  5   étonnant que la Chambre de première instance ait rejeté le témoignage des

  6   Témoins de la Défense qui ont affirmé le contraire et ceci est un des

  7   arguments que l'appelant essaie de reprendre du procès au cours des

  8   audiences actuelles.

  9   L'appelant, dans une demande d'acquittement adressée à la Chambre de

 10   première instance et appuyée sur la pièce à conviction Z2717A, a évoqué le

 11   compte rendu des réunions présidentielles tenues par Tudjman le 27 décembre

 12   1991. Il affirme que ce document n'est pas probant, qu'il n'a pas donné

 13   l'ordre de recourir à la force afin de réaliser des objectifs territoriaux

 14   en Herceg-Bosna. Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, en

 15   décembre 1991, ce qui est certain c'est que la Bosnie commençait à se

 16   diviser et ce que nous voyons, lors de cette réunion, c'est le début d'un

 17   plan qui au cours des deux années suivantes va s'étoffer. C'est ce qu'il

 18   reste des éléments prouvant ce fait.

 19   Mais ce document va beaucoup plus loin que le traitement assez bref et

 20   expéditif que l'appelant nous réserve. Ignac Kostroman, secrétaire de la

 21   Communauté croate d'Herceg-Bosna était présent à cette réunion à Zagreb.

 22   Son intervention ce jour-là, enregistrée à la page 13 du procès-verbal de

 23   cette réunion, permet de voir de la façon la plus claire qui soit que la

 24   Communauté croate d'Herceg-Bosna avait été créée afin de fournir une base

 25   légale à l'entrée de ces territoires, des territoires qui la composait au


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  1   sein de la République de Croatie. L'argument selon lequel la Communauté

  2   croate d'Herceg-Bosna n'avait pas d'aspirations territoriales a été

  3   développé au nom de M. Kordic par ses avocats. Je demande aux Juges de

  4   cette Chambre d'appel de se pencher sur le libellé des propos tenus par M.

  5   Kordic à cette réunion. Il a dit, je cite : "Le peuple croate de cette

  6   région, subdivision de la région de Travnik, existe avec l'idée qu'il va

  7   accéder à l'état de Croatie, et est prêt à le faire à tout prix. Les hommes

  8   jeunes sont totalement en accord avec l'esprit croate. Je dis cela parce

  9   que je viens de cette région. Nous nous sommes rendus dans le moindre

 10   village de ce territoire qui constitue une partie de la communauté

 11   d'Herceg-Bosna."

 12   Lors de cette réunion, le président Tudjman a également souligné sa

 13   certitude que les frontières existantes de la Croatie ne pouvaient plus

 14   fonctionner.

 15   Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, pourquoi son point a-

 16   t-il une telle importance ? Pourquoi le fait de savoir, si oui ou non, la

 17   communauté croate d'Herceg-Bosna aspirait à des  acquisitions territoriales

 18   supplémentaires et en union avec la Croatie est-il important ? Pourquoi M.

 19   Kordic a-t-il nié ce fait avec tant de vigueur même lorsqu'il a été

 20   confronté à des éléments de preuve indiscutables qui prouvent le

 21   contraire ? Demandez-vous, Mesdames, Messieurs les Juges, quelle est la

 22   vraisemblance que les territoires convoités aient pu abriter une importante

 23   population musulmane. Dans de nombreux secteurs, les Croates n'avaient

 24   qu'une majorité absolue très limitée, sinon relative. Je vous renvoie aux

 25   paragraphes 494, 499, 504 et 505 du jugement en première instance sur ce


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  1   point.

  2   Bien que les aspirations territoriales aient existées, ceci est tout à fait

  3   clair, le problème concret n'en était pas relié pour autant : comment les

  4   objectifs de la communauté croate d'Herceg-Bosna pouvaient-ils être

  5   atteints, alors que près de la moitié de la population, dans les secteurs

  6   les plus importants de ce territoire, était musulmane ?

  7   Les éléments de preuve présentés au procès et admis par la Chambre de

  8   première instance révèlent quelle est la question tragique qui a été

  9   apportée à cette question. Lorsqu'il est devenu clair que les Musulmans ne

 10   partiraient pas d'eux-mêmes, la direction des Croates de Bosnie, par le

 11   biais de la communauté croate d'Herceg-Bosna et du HVO, s'est lancée dans

 12   un processus progressif visant à limiter les possibilités de déplacement et

 13   à éliminer par la violence toute résistance de la part des Musulmans de

 14   Bosnie. Elle a cherché à les soumettre à tout prix afin de les placer sous

 15   le contrôle des Croates de Bosnie.

 16   M. Kordic était le responsable politique le plus important du HDZ en Bosnie

 17   centrale. Il présidait le HDZ de Busovaca et faisait partie de la

 18   présidence composée de quatre membres de la communauté croate d'Herceg-

 19   Bosna, il en était l'un des deux vice-présidents. Les raisons pour

 20   lesquelles M. Kordic a nié la vérité au sujet des aspirations territoriales

 21   de cette communauté croate d'Herceg-Bosna, y compris lorsqu'il a été

 22   confronté à des éléments de preuve incontestables à ce sujet, sont tout à

 23   fait claires. Lorsque les Juges de cette Chambre d'appel auront compris la

 24   toile de fond politique sur laquelle s'inscrivent les événements évoqués au

 25   cours de ce procès et le fait que M. Kordic se situait au centre même de


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  1   cette toile de fond, il devient tout à fait pertinent d'examiner de plus

  2   près les événements précis qui se sont déroulés en Bosnie centrale à partir

  3   de 1992.

  4   Mesdames, Messieurs les Juges, je vous renvoie au paragraphe 473H du

  5   jugement. Voyez quelle était la situation dans l'assemblée municipale de

  6   Busovaca en janvier 1992. Dario Kordic occupait l'avant de la scène, il

  7   était au milieu d'une foule en liesse qui hurlait "Croatie, Croatie,"

  8   pendant des périodes prolongées. Qu'a fait

  9   M. Kordic, qu'a-t-il dit à cette foule au cours de son intervention ce

 10   jour-là en janvier 1992 ? Il a dit : "Je vous présente mes meilleurs vœux,

 11   eu égard à l'état indépendant de Croatie." Il a ajouté : "Ceci est une

 12   terre croate et elle le restera."

 13   Ensuite, Ignac Kostroman, secrétaire de la communauté croate d'Herceg-Bosna

 14   a pris la parole et voilà ce qu'il a dit à cette foule en liesse, il a dit

 15   : "Nous ferons partie intégrante de notre cher état de Croatie et ce, par

 16   tous les moyens possibles."

 17   Ensuite, il ajoute quelque chose qui est tout à fait intéressant. Il dit :

 18   "S'agissant de la population qui continue de vivre dans notre région, la

 19   question qui se posait était : que faire des Musulmans ? Que faire des

 20   Serbes et de tous les autres ? Nous pouvons dire à toutes ces personnes :

 21   qu'elles ne doivent s'inquiéter de rien. Qu'elles pourront continuer à

 22   vivre dans notre état de Croatie et que personne ne touchera à un cheveu de

 23   leur tête si elles nous acceptent comme leurs frères et si elles admettent

 24   le fait qu'elles deviendront citoyens et citoyennes de l'état de Croatie."

 25   Au fil de l'année 1992, il doit avoir semblé à la direction des Croates de


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  1   Bosnie que les Musulmans n'allaient pas constituer un obstacle bien grave

  2   comme cela est écrit dans le jugement, aux paragraphes 494 à 520, à partir

  3   de ce qui s'est passé à Busovaca en mai 1992, le HVO s'est peu à peu

  4   emparé, municipalité par municipalité, de toutes les municipalités qu'elle

  5   convoitait; elle a hissé son drapeau sur les bâtiments et le dinar croate a

  6   été mis en circulation dans ces régions. Des actes de violence ont été

  7   commis contre la population musulmane dans le but de constituer pour elle

  8   une menace, de l'intimider, et ces actes n'ont cessé de se développer

  9   jusqu'à la fin de l'année en question.

 10   Les mots utilisés par les Juges de la Chambre de première instance au

 11   paragraphe 537, concernant décembre 1992, et la situation en Bosnie

 12   centrale à ce moment-là sont les suivants : le HVO a pris le contrôle des

 13   municipalités de la vallée de Lasva et il s'est trouvé confronté à une

 14   résistance importante à Novi Travnik et à Ahmici. Le plus gros de la Bosnie

 15   centrale était, par conséquent, entre les mains du HVO. Nous voyons qu'à

 16   partir du mois de janvier, une fois que l'ultimatum du HVO a été émis, une

 17   véritable campagne d'attaques visant la population civile musulmane s'est

 18   développée dans le but d'éliminer toute résistance de sa part, et ceci a

 19   été démontré étape par étape.

 20   La Chambre de première instance a conclu, au paragraphe 827 du jugement,

 21   que les actes de persécution sous-jacents ont consisté à attaquer des

 22   villes et villages avec les destructions et pillages qui s'ensuivent, les

 23   meurtres, les victimes blessées et les Musulmans de Bosnie emprisonnés. M.

 24   Kordic laisse entendre que ces actes n'ont pas résulté d'une campagne de

 25   persécution, qu'il s'agissait simplement des conséquences malheureuses


Page 383

  1   d'une guerre comme une autre au cours de laquelle le HVO a cherché à

  2   atteindre des objectifs militairement légitimes.

  3   Mesdames, Messieurs les Juges, ceci est un point fondamental dans la

  4   présente affaire, à savoir quel était l'objectif poursuivi par le HVO en

  5   Bosnie centrale et cet objectif ne consistait pas simplement à acquérir de

  6   nouveaux territoires. Il consistait à s'emparer de territoires peuplés par

  7   des Musulmans de façon à ce que cette population soit limitée dans ses

  8   droits, soit soumise et cesse de constituer une opposition à l'unification

  9   avec la Croatie. C'est exactement ce que le HVO s'est efforcé de faire en

 10   poursuivant des objectifs illégaux qui sont à la base de la condamnation de

 11   M. Kordic.

 12   Mon confrère, Mme Brady, va vous parler des événements qui se sont produits

 13   dans un certain nombre de villes et villages, mais pour ma part, j'aimerais

 14   ajouter quelques points généraux au sujet de l'argument de M. Kordic qui

 15   parle de dommages collatéraux. Les dommages collatéraux sont par nature

 16   dépourvus de toute suspicion de discrimination entre groupes ethniques. On

 17   ne peut distinguer entre un civil croate et un civil musulman, une maison

 18   croate et une maison musulmane. M. Kordic n'explique pas cependant les

 19   raisons pour lesquelles, à de nombreuses reprises dans les villages en

 20   question, la mort et la destruction de biens, dues aux opérations du HVO,

 21   se sont limitées chirurgicalement aux civils musulmans et aux maisons

 22   musulmanes.

 23   L'appelant cherche, ensuite, à expliquer que les crimes discutables commis

 24   à Ahmici l'ont été longtemps en raison d'une campagne de persécution, mais

 25   simplement qu'il se serait agi de crimes ponctuels. En effet, il essaie de


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  1   nous dire qu'Ahmici ne fait pas partie de la Bosnie centrale, et il essaie

  2   de ne pas parler d'Ahmici dans les premières heures de la journée du 16

  3   avril 1993.

  4   J'aimerais pour ma part vous ramener au paragraphe 613 du jugement en

  5   première instance. L'ordre d'attaquer Ahmici, émis par le colonel Blaskic,

  6   commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, consistait à

  7   provoquer un nettoyage ethnique. Le colonel Blaskic a ordonné à la police

  8   militaire du HVO de tuer tous les hommes en âge de porter les armes,

  9   d'expulser les civils musulmans et de mettre le feu à leurs maisons. Ces

 10   crimes commis à Ahmici n'ont pas été commis spontanément à l'initiative de

 11   soldats incontrôlables. Il s'est agi d'un acte de persécution donné au plus

 12   haut niveau du commandement militaire du HVO. Mesdames, Messieurs les

 13   Juges, j'aimerais maintenant, si vous me le permettez, passer à huis clos

 14   partiel pour quelques instants. En effet, j'ai déjà discuté de cela avec le

 15   Greffe et je pense qu'en fait nous aurons besoin d'un huis clos complet car

 16   j'aimerais demander la rediffusion de certains éléments de preuve qui ont

 17   été présentés en première instance.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Huis clos complet, je vous prie.

 19   [Audience à huis clos]

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11  Pages 385-386 expurgées. Audience à huis clos

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  9   [Audience publique]

 10   MLLE JARVIS : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, M. Kordic a

 11   affirmé que l'existence chez lui d'une intention discriminatoire criminelle

 12   n'a pas été prouvée, parce qu'aucun élément de preuve n'existe, qui

 13   démontre qu'il n'ait jamais utilisé des mots incendiaires ou exprimer un

 14   point de vue entaché de préjugé à l'égard de Musulmans de Bosnie. Même cela

 15   n'est pas exact. En effet, le témoignage d'un Témoin a été entendu au cours

 16   du procès. Il s'agissait d'un journaliste qui a rencontré Kordic. Il se

 17   souvient de l'avoir entendu exprimer sa position au sujet de la menace que

 18   constituait l'Islam et avoir parlé d'un corridor allant de la Bosnie vers

 19   la Turquie. Cet élément de preuve a été évoqué dans le mémoire de

 20   l'Accusation à page 436. Ce qui est plus important, Mesdames, Messieurs les

 21   Juges, c'est que M. Kordic a déclaré qu'il ne pouvait pas être condamné,

 22   étant donné l'absence de preuve qu'il aurait utilisé des insultes

 23   ethniques. C'est une interprétation erronée du critère d'intention

 24   délictueuse mis en œuvre par l'Accusation.

 25   Le critère pertinent qui a été défini de la façon la plus claire qu'il soit


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  1   par la Chambre d'appel Krnojelac au paragraphe 185 de son arrêt, c'est

  2   l'existence d'une intention délibérée d'agir de façon discriminatoire en

  3   raison d'un des motifs qui est énuméré, à savoir, la race, la religion ou

  4   la politique. La Chambre d'appel Krnojelac a également utilisé d'autres

  5   formulations, à savoir, par exemple, parce que les victimes font partie de

  6   tel ou tel groupe ou parce qu'elles sont membres d'un seul et même groupe.

  7   Il est clair que le critère qui s'applique, c'est l'appartenance de la

  8   victime à un groupe désigné qui constitue l'élément provoquant les

  9   violations par l'accusé des droits fondamentaux de ce groupe. Ce qui n'est

 10   pas pertinent, c'est de se demander si l'accusé a été motivé simplement par

 11   la haine ethnique ou par un désir d'argent, par un désir de pouvoir pour

 12   conserver à un emploi, pour obtenir une promotion professionnelle ou pour

 13   tout autre motif de ce genre. La Chambre d'appel Krnojelac a confirmé au

 14   paragraphe 102 de son arrêt, que tous les motifs personnels n'étaient pas

 15   pertinents.

 16   En conclusion, même si la seule chose que M. Kordic avait contre les

 17   Musulmans de Bosnie était le fait qu'ils habitaient en grand nombre sur les

 18   territoires qu'il souhaitait si ardemment voir un accès à la Croatie, et

 19   bien, néanmoins, ces Musulmans de Bosnie constituaient un obstacle à ses

 20   aspirations pour la Herceg-Bosna. Ceci, Mesdames, Messieurs les Juges,

 21   suffit afin d'éliminer la résistance constituée par les Musulmans. Il a

 22   contribué avec enthousiasme à la réalisation de la campagne destinée à

 23   soumettre les Musulmans, pour la seule et simple raison que ceci faisait

 24   partie d'un groupe particulier sur le plan politique. Ceci suffit pour

 25   prouver la réalité et l'existence du critère requis s'agissant de prouver


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  1   l'intention délictueuse par rapport à l'acte de persécution.

  2   Mesdames, Messieurs les Juges, je vais maintenant en quelques minutes,

  3   passer en revue rapidement le cinquième motif d'appel de Kordic s'agissant

  4   de la définition du conflit armé d'une part, du conflit armé international

  5   d'autre part.

  6   D'abord, la question est de savoir si nous pouvons déterminer une période

  7   pertinente pour la région concernée. M. Kordic a affirmé que ce n'était pas

  8   le cas, en s'appuyant sur la prémisse que la Chambre de première instance

  9   n'était pas parvenue à démontrer l'existence de violence prolongée avant le

 10   mois d'avril 1993. Cependant, la violence prolongée est un critère

 11   pertinent uniquement lorsqu'on parle de conflit armé national, et pas pour

 12   l'existence d'un conflit armé international tel que celui que nous

 13   examinons en espèce. Il est clair à la lecture de la décision en appel de

 14   la Chambre Tadic, au paragraphe 67, que la définition du conflit armé

 15   dépend de savoir si oui ou non le conflit armé en question est national ou

 16   international. Au paragraphe 70, la Chambre d'appel a décrit les critères

 17   qui s'appliquaient.

 18   La première option, à savoir, recours à la force armée entre deux états et

 19   le test de base pour prouver l'existence d'un conflit armé international.

 20   Deuxième possibilité, existence de violence armée durable entre des

 21   autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels

 22   groupes à l'intérieur d'un seul et même état, c'est un autre test qui

 23   permet de démontrer l'existence d'un conflit armé intérieur ou national.

 24   Pour qu'il y ait conflit armé international, ce qui doit exister, c'est la

 25   preuve qu'un conflit armé a éclaté entre deux états ou davantage. Rien


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  1   n'exige que ce conflit soit d'une intensité ou d'une durée particulière.

  2   Par exemple, la Chambre de première instance Celebici, au paragraphe 208 de

  3   son jugement, a déclaré qu'un conflit armé international était simplement

  4   un conflit qui advenait entre deux états, et qui entraînait l'intervention

  5   des membres des forces armées de ces deux états. Le fait de savoir combien

  6   de temps le conflit a duré ou combien de personnes ont été massacrées n'a

  7   aucune importance en l'espèce.

  8   Dans l'affaire qui nous intéresse, la Chambre de première instance a conclu

  9   qu'un conflit avait existé, qu'il était de naturelle internationale en

 10   raison de l'implication de la Croatie. C'est un point que l'appelant a

 11   éludé hier, en se contentant d'affirmer que la force armée de deux états

 12   n'avait pas été utilisée, mais la Chambre de première instance pour sa

 13   part, a estimé qu'elle l'avait été.

 14   En revanche, Mesdames, Messieurs les Juges, s'agissant de violence armée

 15   durable, il s'agit d'un test pertinent en l'espèce. En effet, ce test

 16   s'applique. Le plus haut degré de ce critère de violence armée durable

 17   s'applique au conflit armé intérieur. Il convient de distinguer dans ce cas

 18   entre des situations de trouble civil et des situations dans lesquelles les

 19   lois du conflit armé s'appliquent, alors qu'elles ne s'appliquent à de

 20   simples émeutes. Je me réfère ici au jugement de la Chambre de première

 21   instance Celebici, paragraphe 184. En l'espèce, nous voyons clairement

 22   qu'il y avait deux formations armées organisées qui se sont engagées dans

 23   des opérations de combat de grande intensité à Novi Travnik en octobre 1992

 24   ainsi qu'à Busovaca en janvier 1993. Ces éléments ne peuvent pas être

 25   confondus à de simples émeutes civiles. Il n'y a aucun doute à ce sujet si


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  1   l'on tient compte de la compétence et jurisprudence du Tribunal.

  2   L'appelant a parlé du témoignage de M. Watters, qui s'est exprimé sur la

  3   situation préalable au mois d'avril, en disant que les conflits entre les

  4   parties étaient de simples escarmouches sporadiques par rapport à ce qui

  5   s'est passé avant. Mesdames, Messieurs les Juges, le Témoin Watters disait

  6   qu'en avril 1993, le conflit a acquis une qualification différente en

  7   raison de son aspect coordonné et du fait qu'il s'est étendu dans toute la

  8   vallée de Lasva au même instant. Le fait que ce conflit différait de la

  9   situation précédente, ne rend pas les opérations militaires du HVO et de

 10   l'ABiH avant cette date, ne fait pas de ces opérations des opérations qui

 11   n'entrent pas dans le cadre de la définition d'un conflit armé.

 12   Il est intéressant de constater que l'appelant n'a jamais contesté qu'il y

 13   ait eu des opérations militaires à Novi Travnik et à Busovaca, donc un

 14   conflit avec l'ABiH. Il s'est concentré à déployer tous les efforts

 15   possibles pour s'efforcer de reprocher le démarrage de cette situation à

 16   l'ABiH.

 17   En quelques arguments brefs, l'appelant s'est débarrassé du critère de

 18   contrôle global, qui est le critère évoqué par la Chambre d'appel Tadic.

 19   Mesdames, Messieurs les Juges, ceci fait partie de la jurisprudence du

 20   Tribunal. Il faut qu'il y ait contrôle global pour pouvoir déterminer

 21   l'existence à première vue d'un conflit interne qui s'internationalise par

 22   l'intervention d'un état étranger. Ceci a été confirmé par la Chambre

 23   Aleksovski, paragraphe 147 et par la Chambre Celebici, paragraphe 26. Dans

 24   les deux cas, la Chambre d'appel a conclu qu'aucune raison valable allant

 25   dans l'intérêt de la justice ne permettait de s'écarter ou de supprimer ce


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  1   critère du contrôle global.

  2   M. Kordic s'appuie sur le principe du nullum crimen sine lege pour déclarer

  3   que ce critère ne doit pas s'appliquer. La Chambre d'appel Tadic, dans son

  4   analyse, a déclaré que le critère du contrôle global était toujours

  5   pertinent et toujours acceptable en droit. La Chambre d'appel Aleksovski,

  6   paragraphes 126 et 127 de son arrêt, a considéré que le principe nullum

  7   crimen sine lege est identique sur le plan fondamental à celui que

  8   l'appelant invoque ici, et a déclaré qu'il n'y avait aucun malentendu par

  9   rapport à la jurisprudence Tadic. L'Accusation affirme que l'argument de M.

 10   Kordic doit être rejeté d'emblée.

 11   Rapidement, pour conclure, Mesdames, Messieurs les Juges, l'acte

 12   d'accusation souligne que sur la base du jugement en première instance de

 13   Simic, cet aspect du conflit international a bien été traité. Ce qui est

 14   important, c'est que la Chambre de première instance Simic a également

 15   admis qu'il était important de se demander si d'autres formes de

 16   notification à l'accusé avaient existé tel qu'un mémoire au préalable au

 17   procès, et que dans ces documents il avait été dit clairement quel était

 18   l'état qui était intervenu en l'espèce. Le mémoire préalable au procès de

 19   l'Accusation stipule ce fait de la façon la plus claire qui soit. Je vous

 20   renvoie, par exemple, au paragraphe 68 de ce mémoire ainsi qu'à la

 21   déclaration liminaire de l'Accusation, page 15, page 85 également du compte

 22   rendu d'audience, où il apparaît manifestement que l'état responsable de

 23   l'intervention, est bien la Croatie dans les allégations de l'Accusation.

 24   En réalité, dans la requête soumise avant le début du procès, le 16 février

 25   1999, pages 530 à 531 du compte rendu d'audience, la Défense reconnaît


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  1   avoir été totalement informée du fait que la Croatie était l'état qui était

  2   considéré par l'Accusation comme l'état responsable d'une intervention

  3   extérieure.

  4   Mesdames, Messieurs les Juges, ceci met un terme à mon propos. Je vais

  5   maintenant donner la parole à ma consoeur, Mme Brady, à moins  que vous

  6   ayez des questions.

  7   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Le Juge Weinberg de Roca a une

  8   question à vous poser.

  9   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci. J'ai une question

 10   qui ne s'adresse pas à vous précisément, mais à l'équipe de l'Accusation de

 11   façon générale. Je ne sais pas si Mme Brady en parlera dans quelques

 12   instants. Il s'agit du document Z1380.4 et Z610.1 que la Défense de M.

 13   Kordic a invoqué pour en contester l'authenticité hier, en page 60 et

 14   antérieur de ces écritures. Hier, la Défense a évoqué également un autre

 15   document Z1406.1. La question que je vous pose, c'est : est-ce que ces

 16   documents sont déjà des pièces à conviction dans d'autres affaires ? Si

 17   oui, est-ce que leur authenticité a été contestée dans ces autres

 18   affaires ?

 19   Mme JARVIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne suis pas

 20   en mesure de répondre immédiatement à cette question. Je consulterai mes

 21   confrères et consoeurs si vous le voulez bien, pour voir si une réponse

 22   peut être apportée au cours des débats.

 23   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 24   Mme JARVIS : [interprétation] Mme Brady m'a dit qu'elle parlera de ce

 25   point. Ceci sera fait dans quelques instants.


Page 394

  1   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] J'aimerais vous poser une autre

  2   question au sujet de la période dans laquelle se situent le conflit armé

  3   national et le conflit armé international. J'aimerais, et dites-moi si je

  4   me trompe. En effet, je parle du principe que les deux parties sont

  5   d'accord sur le fait qu'au moins qu'à partir d'avril 1992, un tel conflit

  6   armé international existait. Au paragraphe 31 du jugement, nous lisons, je

  7   cite : "Sur la base de ce qui précède, la Chambre a conclu qu'à partir

  8   d'avril 1993, et ce n'était pas le cas avant, un état généralisé de conflit

  9   armé existait sous forme de violence prolongée qui a éclaté sur le

 10   territoire de la Bosnie centrale entre le HVO et l'ABiH, que même avant

 11   cette date dans des secteurs localisés, il était permis d'affirmer qu'un

 12   tel conflit armé existait."

 13   Ensuite, s'agissant de l'internationalisation, nous lisons en page 109, je

 14   cite : "Pour les raisons sus-citées, la Chambre conclut au fait que le

 15   conflit opposant les Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie en

 16   Bosnie-Herzégovine, s'est internationalisée du fait de l'intervention de la

 17   Croatie dans ce conflit par le biais de l'envoi de ses troupes."

 18   De votre point de vue, est-ce que ceci correspond, est-ce que ceci

 19   satisfait aux critères que vous avez évoqués il y a quelques instants ?

 20   Qu'en est-il du début du conflit armé national et du début du conflit armé

 21   international ?

 22   Mme JARVIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous affirmons que le

 23   conflit armé international tel qu'analysé par la Chambre de première

 24   instance dans cette partie de son jugement que vous venez de citer, remonte

 25   très certainement à 1992. Certains des éléments de preuve évoqués par la


Page 395

  1   Chambre de première instance tel que, par exemple, le général Bobetko qui

  2   était un commandant croate, tels que les éléments qui citent, qui

  3   mentionnent le général Bobetko, commandant de la Croatie, son nom apparaît

  4   dans un certain nombre d'ordres et de création de postes de commandement et

  5   de choses de ce genre. Je vais essayer de retrouver ces éléments pour vous.

  6   Paragraphe 125, 126 du jugement, nous remettons là à la date du

  7   10 avril 1992. Si vous regardez tous les éléments de preuve évoqués par la

  8   Chambre de première instance dans son analyse du conflit armé

  9   international, vous constaterez que de nombreux éléments de preuve

 10   remontent très certainement à la mi-1992, et même parfois à janvier 1994.

 11   Nous affirmons que la qualification internationale du conflit est valable

 12   pour toute la période couverte par l'acte d'accusation, comme la Chambre de

 13   première instance l'a indiquée.

 14   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci, Madame Jarvis.

 15   Mme JARVIS : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Madame Brady, vous avez la parole.

 17   Mme BRADY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames,

 18   Messieurs les Juges. Je répondrai aujourd'hui aux arguments présentés par

 19   Kordic qui concernent l'ensemble des chefs sous lesquels il a été déclaré

 20   coupable. Il s'agit des chefs allant du chef 3 au chef 43. Je

 21   m'intéresserai à tout ce qui concerne les attaques illicites contre des

 22   populations et des objectifs civils, assassinats, homicides intentionnels,

 23   des actes inhumains, traitements cruels, emprisonnement, détention

 24   illégale, destruction sans motif, pillage et destruction des édifices

 25   consacrés à la religion.


Page 396

  1   Avant de parler de ce que Me Smith a appelé le cœur de cet appel, il a

  2   commencé en abordant un point très important, à savoir, la question qui est

  3   de savoir quelles ont été les conclusions factuelles de la Chambre de

  4   première instance, en particulier si oui ou non elles étaient étayées de

  5   manière adéquate dans le jugement.

  6   Je pense qu'il est très important d'opérer une distinction entre deux types

  7   de conclusions factuelles que nous pouvons retrouver dans le jugement.

  8   Premièrement, nous avons les conclusions qui concernent les faits

  9   incriminés, à savoir, la destruction sans motif qui s'est produite à un

 10   endroit donné, par exemple, Stari Vitez ou Vitez. Le pillage s'est-il

 11   produit à Novi Travnik ? Est-ce qu'il y a eu des assassinats à Nadioci, à

 12   Santici, à Pirici ? Nous avons un lien avec d'autres faits factuels où des

 13   conclusions portant sur des faits, à savoir, qu'a fait Kordic, quelle a été

 14   sa contribution. Non seulement pour chacune des attaques prises à part,

 15   mais pendant les périodes qui s'intercalaient entre ces attaques, à savoir,

 16   quelque chose que l'on peut retrouver tout au long du jugement et qui

 17   engage sa responsabilité sous les chefs 3 à 43.

 18   Si nous nous penchons sur les conclusions qui concernent les faits

 19   incriminés, nous pourrons être d'accord avec M. Smith que la Chambre de

 20   première instance n'a pas, au sens général, analysé chacun de ces éléments

 21   en particulier, n'a pas dit de manière explicite dans le jugement, élément

 22   par élément, quel est chacun de ces crimes qui sous-tendent les

 23   déclarations de la Chambre pour chacune des 30 localités à peu près.

 24   Ce que la Chambre a fait, Me Smith l'a décrit, c'était de présenter dans un

 25   paragraphe, qui a été présenté comme paragraphe apportant des conclusions


Page 397

  1   sur la base de ces faits, et M. Smith a signalé cet exemple en citant le

  2   paragraphe 649. Je suis d'accord sur le fait qu'il ne s'agit peut-être pas

  3   d'un exemple phénoménal de rédaction juridique. Je ne contesterai pas la

  4   position de l'appelant là-dessus. Mais ce n'est pas cela la question qui

  5   doit nous intéresser. La question qui se pose véritablement est de savoir

  6   si les conclusions factuelles de la Chambre sont étayées par les éléments

  7   versés au dossier et s'il s'agit de la seule déduction que la Chambre

  8   aurait dû trouver.

  9   Je ne vais pas essayer de parcourir chacune des localités et d'évoquer

 10   chacun des crimes. Il s'agit de 20 ou 30 localités et à peu près deux à 10

 11   crimes, types de crimes pour chacune. Je pense qu'il y a à peu près 200

 12   crimes concernés. Ce que je ferai, c'est d'essayer de mettre en exergue que

 13   peut-être, à quelques exceptions près, la Chambre de première instance est

 14   arrivée à des conclusions qui sont toutes étayées par les éléments

 15   présentés, les éléments factuels. En particulier, vous verrez quelques

 16   références dans le jugement qui nous permettent d'en inférer tout à fait

 17   clairement que la Chambre de première instance n'a pas rejeté des éléments

 18   de preuve, elle les a acceptés. Je vous prie, tout simplement, de vous

 19   reporter aux conclusions qui figurent aux paragraphes 649, 800, 808. Ce que

 20   vous verrez dans ces paragraphes, c'est que la Chambre de première instance

 21   affirme qu'elle rejette la cause de la Défense, et ce qui est plus

 22   important, considère que les crimes ont été commis en tant que partie d'une

 23   maîtrise de comportement, d'un modèle de conduite plus généralisé des

 24   attaques. Il est très important de relever aussi dans le jugement que

 25   lorsque la Chambre de première instance rejette des éléments de preuve,


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  1   elle affirme et elle fait très attention à le dire : nous n'allons pas

  2   accepter cet élément de preuve en particulier. Ceci figure dans le

  3   jugement. C'est, par exemple, comme lorsque certains Témoins déposent en

  4   disant qu'ils ont vu Kordic à la télévision, proféraient un certain nombre

  5   de propos, et cetera.

  6   Nous estimons qu'il y a donc une déduction très claire à en tirer, à savoir

  7   que la Chambre de première instance a accepté les éléments de preuve qui

  8   sont repris dans le jugement, parfois cela figure dans les paragraphes,

  9   parfois cela est cité dans les notes de bas de page, mis à part les cas où

 10   elle a explicitement rejeté des éléments de preuve.

 11   M. Smith a également abordé la question du deuxième type de conclusion

 12   factuelle de la Chambre de première instance, les faits qui sont

 13   nécessaires pour opérer un lien avec M. Kordic. Il a dit qu'il s'agit là de

 14   conclusions qui sont imprécises, et par exemple, comme ceci qui figure au

 15   paragraphe 586 au sujet de Busovaca, et qu'il a été constaté qu'il avait

 16   pris part à l'attaque en tant que chef, qu'il a exercé une autorité

 17   politique et militaire. Mon collègue a de manière comparable cité les

 18   paragraphes 631, 642, 669, et 726.

 19   C'est une question clé parce que la question est de savoir comment

 20   l'appelant comprend la responsabilité légale qui est engagée pour les chefs

 21   3 à 43. Nous estimons qu'il a représenté de manière erronée le vrai

 22   fondement de sa responsabilité. Je me réfère au paragraphe 834, où la

 23   Chambre de première instance précise de quelle manière elle entend la

 24   responsabilité de Kordic sous les chefs 3 à 43. Elle dit précisément qu'il

 25   s'agit de planifier, inciter et ordonner crimes. Qu'est-ce que cela


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  1   signifie ? Quel est réellement le fondement juridique de cette

  2   responsabilité de Kordic dans ces crimes ? C'est d'une importance cruciale,

  3   il faut que ce soit tranché pour apprêter de manière adéquate le lien entre

  4   les conclusions factuelles et Kordic. Les conclusions factuelles qui

  5   figurent dans le jugement.

  6   M. Smith a dit qu'au regard des chefs 3 à 43 lorsqu'il est question de "sa

  7   participation directe, par l'entremise de la planification, l'instigation,

  8   le fait de donner des ordres, et parfois peut-être le fait de commettre."

  9   Nous estimons que la vraie nature de la responsabilité légale de M. Kordic,

 10   sous les chefs 3 à 43, et je voudrais m'écarter un petit peu des étiquettes

 11   juridiques et de la terminologie, mais la vraie nature et sa participation,

 12   sa participation très significative à un plan criminel commun, que l'on

 13   peut qualifier de dessin criminel commun, on peut le qualifier d'entreprise

 14   criminelle commune, et je pense que c'était au cœur des conclusions

 15   factuelles de la Chambre de première instance qui lui ont permis d'opérer

 16   un lien entre lui et l'ensemble des crimes pour lesquels il a été déclaré

 17   coupable, et que ceci est plus que suffisant.

 18   C'est un point important, j'entrerai donc un peu plus dans les détails du

 19   fondement de sa responsabilité. Nous estimons qu'il est clair que la

 20   Chambre de première instance a considéré que le corps criminel a été le

 21   suivant : soumettre ou éloigner les Musulmans de Bosnie, de cette région

 22   par des actes divers, de mauvais traitements, attaques illégales de villes

 23   ou de villages, destructions de leurs biens, assassinats de Musulmans de

 24   Bosnie et d'autres actes inhumains que nous avons vus tout au long du

 25   jugement. Il s'agit de crimes cruciaux qui ont constitué le dessein


Page 400

  1   criminel commun ou un plan auquel il a participé.

  2   Pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune ou du plan criminel

  3   commun, Kordic a joué des rôles multiples parfois de manière directe,

  4   parfois de manière qu'on pourrait qualifier d'indirecte. Il faut tenir

  5   compte du fait que la Chambre de première instance se penche sur les

  6   contributions de Kordic sur une longue période, et sa contribution n'était

  7   pas quelque chose de figé. C'était quelque chose de dynamique. Nous voyons

  8   qu'elle évolue avec le temps. Parfois il participe de manière très directe

  9   à Busovaca et Novi Travnik. Parfois il donne des autorisations. Il approuve

 10   des ordres de manière très directe, parfois comme à Ahmici ou d'autres

 11   attaques à la mi-avril dans la vallée de la Lasva et Kiseljak. Parfois il

 12   donne des ordres lui-même. Parfois on décrit son rôle de la meilleure

 13   manière en disant qu'il prépare. Ce qui est le plus important, c'est qu'il

 14   planifie sur un niveau stratégique ou plus large.

 15   Cette manière d'entendre la vraie nature de sa responsabilité criminelle

 16   est le fait de savoir si c'était par le biais de l'entreprise criminelle

 17   commune, entendue au sens normal ou par le biais de l'entreprise criminelle

 18   commune, aux jonctions avec d'autres modes de responsabilité. Non seulement

 19   cela reflète les faits tels que reçus en l'espèce, mais lorsque vous prenez

 20   connaissance de l'ensemble du jugement, sans extraire des paragraphes et

 21   les tirer hors du contexte, si vous vous penchez sur l'ensemble des

 22   conclusions factuelles et en particulier aux références que la Chambre de

 23   première instance fait constamment au dessein au plan criminel dont fait

 24   partie Kordic, il est clair de quelle manière la Chambre de première

 25   instance a entendu interpréter sa responsabilité.


Page 401

  1   Au paragraphe 829, il serait très étrange si cette déclaration de

  2   culpabilité pour persécution ne repose pas sur le dessein criminel commun.

  3   Bref, sa responsabilité pénale sous les chefs 3 à 43 est centrée sur le

  4   plan criminel commun et sa contribution significative à ce plan au dessein

  5   criminel. Le fait de savoir s'il a été constaté qu'il était l'auteur par

  6   l'intermédiaire de l'entreprise criminelle commune ou quelqu'un qui a donné

  7   des ordres, qui a planifié par l'intermédiaire de l'entreprise criminelle

  8   commune, le point le plus important est le suivant, comme la Chambre de

  9   première instance le signale elle même au paragraphe 853 : "Il est tout

 10   aussi évident qu'il a joué son rôle que des hommes qui ont utilisé des

 11   armes à feu, qui ont appuyé sur une gâchette."

 12   Je reviens maintenant au cœur même de son appel. Il n'est pas facile de

 13   répondre à ses arguments pour la raison suivante : en évoquant chacune des

 14   attaques, chacune des municipalités prises à part, l'appelant a en fait

 15   déconstruit les événements, mais en le faisant nous estimons qu'il a en

 16   fait caractérisé de manière erronée, qui tend à induire en erreur les

 17   événements tels qu'ils se sont réellement produits. C'est là où cette

 18   Chambre d'appel devrait particulièrement faire preuve de prudence et de ne

 19   pas se faire laisser prendre dans ce piège très facile d'une approche

 20   compartimentée. Tout comme la Chambre de première instance l'a fait, vous

 21   devez tenir compte de l'ensemble des liens, des relations qui relient les

 22   faits et tous les éléments de preuve reçus.

 23   L'Accusation a reconnu dès le départ qu'il s'agit ici d'une affaire très

 24   complexe qui repose sur beaucoup d'éléments indirects, parfois il y a

 25   simplement quelques rayons de lumière directs qui arrivent qui tombent à


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  1   plomb. Lorsque vous examinerez cette déclaration de culpabilité ne perdez

  2   jamais de vue ce chevauchement très complexe de l'ensemble des conclusions

  3   factuelles qui se fondent sur des éléments de preuve très volumineux et la

  4   question qui est de savoir si c'est de manière directe ou indirecte pour

  5   chacun des éléments de preuve, pour pouvoir apprécier la valeur de tous les

  6   autres. C'est comme un réseau très épais de câbles qui nous mène à ces

  7   déclarations de culpabilité.

  8   Hier, il a été dit, dans un autre contexte au sujet du commentaire fait par

  9   le Juge Bennouna, il a été question de l'impressionnisme juridique. Oui,

 10   est-ce que cette affaire ressemble à une peinture, à un tableau

 11   impressionnisme, lorsqu'on est trop près on ne voit que des points isolés,

 12   on ne voit pas l'image mais lorsque vous vous écartez un petit peu,

 13   l'image, les formes commencent à se dessiner. Lorsque vous voyez le tableau

 14   dans son ensemble vous n'avez plus aucun doute sur ce que vous êtes en

 15   train de voir.

 16   Je vois que l'heure tourne. Avant d'aborder les questions des attaques,

 17   chacune à part, je pense qu'on pourrait faire une pause.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Avant la pause, je vous demanderais

 19   tout simplement de vous polariser plus particulièrement sur les chefs 10 à

 20   12, parce qu'ils semblent poser plus de problèmes sur le plan des

 21   conclusions factuelles.

 22   Mme BRADY : [interprétation] Oui, je comprends votre préoccupation. Bien

 23   entendu, c'est ce que je vais faire.

 24   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience

 25   jusqu'à 11 heures précises.


Page 403

  1   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.    

  2   --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Veuillez vous asseoir. Madame

  4   Brady, avant de commencer, je tiens à attirer votre attention sur un point,

  5   à savoir, lorsque vous parlez des chefs d'accusation allant jusqu'au chef

  6   43, j'aimerais savoir ce qui en est de l'intention délictueuse qui les

  7   sous-tend. Nous avons entendu ce matin que nous devrions admettre qu'une

  8   action de la part de l'intimé a été engagée, qui se fondait sur une

  9   entreprise criminelle conjointe. Cependant, et corrigez-moi si je fais une

 10   erreur dans votre mémoire en clôture au paragraphe 445, l'Accusation

 11   affirme que M. Kordic voit sa responsabilité engagée au titre de l'Article

 12   7(1) pour avoir planifié et ordonné. Est-ce que cela signifie que lorsqu'on

 13   interprète vos arguments de ce matin, que vous avez renoncé à votre

 14   approche ?

 15   Mme BRADY : [interprétation] Non, Monsieur le Président, nous n'avons pas

 16   abandonné notre approche. Nous reconnaissons qu'au paragraphe 445 de notre

 17   mémoire en clôture, il est fait référence à cela. Nous avons précisé qu'il

 18   convenait de l'interpréter eu égard au paragraphe qui précède

 19   immédiatement, à savoir, le paragraphe 443 du mémoire en clôture. Excusez-

 20   moi, j'essaie de retrouver mon exemplaire de notre mémoire en clôture. Le

 21   concept de la commission de concert en commun, à  notre avis, doit se lire

 22   à travers une participation conjointe, à un plan ou un dessein criminel.

 23   L'on voit que notre mémoire en clôture commence par une analyse de la

 24   persécution. Nous déclarons qu'il doit voir sa responsabilité engagée en

 25   tant que co-auteur de la persécution. Nous abordons les chefs 3 à 4 et tout


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  1   les reste des chefs d'accusation jusqu'au chef 43, au paragraphe 443. Nous

  2   disons que tous ces crimes sont des éléments constitutifs d'un modèle

  3   systématique de victimisation de la population musulmane de Bosnie centrale

  4   de novembre 1991 à mars 1994. C'est la raison pour laquelle nous avons

  5   abordé cela ensemble.

  6   Au paragraphe suivant, nous disons qu'il est responsable d'avoir planifié

  7   et ordonné. A notre avis, la seule manière raisonnable de lire et

  8   d'interpréter cela, compte tenu du fait qu'il s'agit d'un crime commun qui

  9   implique beaucoup de personnes et que, bien entendu, il n'est pas la

 10   personne qui commet directement chacun des actes, vous ne pouvez pas

 11   aborder une approche microscopique et vous penchez sur chacune des attaques

 12   et l'analyser comme s'il l'avait ordonné celle-ci en particulier, telle ou

 13   telle en particulier. Nous estimons que dans l'ensemble, l'on voit qu'il

 14   constitue une partie de ce plan commun, d'un plan criminel, et que c'est

 15   cela le fondement de sa responsabilité. Il s'agit soit de l'entreprise

 16   criminelle commune par l'intermédiaire de sa propre contribution du fait

 17   d'avoir ordonné, planifié et incité, ou il donne l'ordre, il planifie par

 18   l'intermédiaire de l'entreprise criminelle commune.

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous maintenez, et je vais citer ce

 20   qui constitue en soi une citation. Vous maintenez : "Qu'il avait une

 21   intention directe ou indirecte de commettre des crimes, Kordic a soit

 22   directement planifié et ordonné des crimes ou a accepté des risques que des

 23   crimes seraient commis qui relèvent de la compétence de ce Tribunal en tant

 24   qu'une conséquence de ses plans. Il s'agit là de l'intention spécifique

 25   requise."


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  1   Mme BRADY : [interprétation] Nous estimons que dans l'ensemble de ces

  2   crimes, ils résultent d'une intention dans le cadre d'un dessein criminel.

  3   Je ne sais pas si nous pouvons qualifier cela d'intentions spécifiques ou

  4   du fait qu'on fait très peu de cas des conséquences. Je pense qu'il

  5   convient de respecter la jurisprudence de ce Tribunal, celle qui se réfère

  6   à l'entreprise criminelle commune sous sa catégorie 3, et dire que soit il

  7   était conscient du risque et il a délibérément couru, soit au moins, il n'a

  8   pas tenu compte de ce risque.

  9   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Telle serait votre définition ?

 10   Mme BRADY : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Mme BRADY : [interprétation] Je passerai maintenant aux attaques

 13   individuelles. Il nous reste à peu près une heure pour couvrir un ensemble

 14   très important de crimes ou plutôt de faits incriminés et de conclusions

 15   qui concerne sa responsabilité. Nous allons essayer de procéder dans

 16   l'ordre chronologique.

 17   Me Smith et Naumovski ont inversé leurs arguments. Ils n'ont pas vraiment

 18   procédé dans l'ordre chronologique. Nous estimons qu'il est plus logique de

 19   procéder de cette manière-là, et que c'est aussi très important. Parce que

 20   l'approche chronologique nous permettra de voir se dessiner ce modèle,

 21   cette matrice de conduite et le rôle joué par Dario Kordic. Nous le verrons

 22   plus clairement.

 23   Tout d'abord, Novi Travnik, la déclaration de culpabilité pour la

 24   destruction sans motif et pillage pendant la semaine du 19 au

 25   26 octobre. La première question qui est posée est de savoir comment est-ce


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  1   que cela peut constituer un crime de guerre, puisqu'il s'agit simplement de

  2   combats normaux dans le cadre d'une guerre civile; il ne s'agit pas d'une

  3   campagne de persécution ?

  4   Tout d'abord, il isole de manière hermétique les combats de Novi Travnik,

  5   les place dans une bulle, sous vide, il coupe cela complètement de

  6   l'ensemble des faits qui ont été mentionnés par ma collègue Jarvis ce

  7   matin, que l'on retrouve au paragraphe 511 au sujet de la campagne de

  8   persécution de Novi Travnik et d'autres municipalités de Bosnie centrale

  9   depuis les prises de pouvoir en 1992. Cette approche est non seulement

 10   artificielle, mais elle est erronée. La Chambre de première instance était

 11   plus qu'en droit de prendre en considération ce contexte, ce contexte de

 12   persécution, lorsqu'elle s'est interrogée s'il s'agit simplement de

 13   destruction dans le cadre d'une guerre normale ou non. La Chambre de

 14   première instance a considéré qu'il s'agissait de crimes de guerre, à

 15   savoirs de destructions sans motif et de pillage.

 16   M. Smith a dit encore une fois que quelques conclusions factuelles font

 17   défaut dans l'analyse de la Chambre de première instance sur la destruction

 18   sans motif et le pillage. En se penchant sur les dépositions des Témoins

 19   sur la destruction délibérée et à grande échelle des maisons, des

 20   commerces, des restaurants appartenant aux Musulmans, nous estimons que

 21   ceci ne peut pas être interprété autrement que comme étant une destruction

 22   à une grande échelle, qui n'est pas justifiée par les nécessités

 23   militaires. Comment est-ce que cela pourrait être des dommages collatéraux

 24   tout simplement lorsque vous avez, par exemple, le Témoin C, le transcript

 25   pages 796 à 800, qui a décrit comment dans les zones résidentielles et loin


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  1   des lignes de front, on a incendié des édifices ou des bâtiments et on les

  2   a démolis ? Ce n'est pas seulement à Novi Travnik, mais cela concerne

  3   chacun des villages. Village après village, on voit qu'il y a des incendies

  4   délibérés. On procède de la même manière; on incendie les maisons. Parfois,

  5   les soldats utilisent des pompes à gasoil et ils arrosent les maisons.

  6   Comment est-ce que cela peut être une action entreprise dans le cadre d'un

  7   objectif militaire légitime le fait de brûler des maisons ? Cela dépasse

  8   les possibilités d'explication. Que ce soit Novi Travnik ou ailleurs, nous

  9   pensons que c'est assez clair.

 10   Pour ce qui est du pillage, des Témoins comme Ismet Halilovic qui a décrit

 11   les soldats du HVO qui ont volé des véhicules, des voitures n'appartenant à

 12   personne, ceci correspond aux critères d'appropriation illégale qui est

 13   nécessaire pour déclarer coupable de pillage, parce qu'il y a une absence

 14   très claire de circonstances qui rendraient une appropriation licite au

 15   terme du droit international, comme ceci est prévu dans les réglementations

 16   de La Haye. Hier, le conseil de la Défense se demandait si la valeur

 17   monétaire de ces biens était suffisante. Tout d'abord, quand on examine des

 18   actes de piège, il ne faut pas les examiner au cas par cas. La Chambre de

 19   première instance, dans Celebici, a décidé d'examiner la conséquence

 20   globale de tels actes. Quand je parle de pillage à Novi Travnik, ceci se

 21   rapporte également. La même chose peut être dite des conclusions rendues

 22   par la Chambre au sujet des pillages dans d'autres sites. Ces conclusions-

 23   là restent bel et bien dans le jugement.

 24   Deuxième chose qui est dite par la Défense au sujet de Novi Travnik, c'est

 25   pourquoi Kordic est responsable d'actes criminels commis par d'autres


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  1   soldats du HVO ? Nous savons que, dans son jugement, la Chambre de première

  2   instance estime qu'il a joué un rôle-clé dans les combats. Comment dire

  3   qu'il s'agirait de la part de la Chambre de première instance d'une

  4   conclusion déraisonnable ? Il est vrai que le colonel Stewart était pour la

  5   première fois sur le terrain en Bosnie centrale, c'était son premier jour

  6   sur place mais il faut savoir que c'est un militaire de carrière qui a

  7   beaucoup d'expérience et l'impression qu'il s'est forgé de Kordic, c'est

  8   l'impression d'un homme qui dirigeait les opérations militaires et ceci sur

  9   la base de ses propres observations. Il a vu Kordic en contact avec les

 10   autres soldats, il y a aussi le fait que Stewart ait négocié directement

 11   avec Kordic.

 12   Je voudrais attirer votre attention sur les rapports militaires extrêmement

 13   frappants qui sont résumés au paragraphe 528. Par exemple, pièce à

 14   conviction Z443 [comme interprété], rapport de la zone opérationnelle de

 15   Bosnie centrale avec les noms de Blaskic et Kordic, on en a parlé hier :

 16   "Pendant que les opérations de défense continuent, Dario Kordic et moi-même

 17   continuent les opérations militaires, nous connaissons parfaitement la

 18   situation et les forces sous notre contrôle."

 19   Peut-on lire dans ce rapport, de même la pièce Z249, aussi rapport de

 20   Blaskic et Kordic au sujet des opérations du 24 octobre et les opérations

 21   militaires à Novi Travnik ?

 22   La Chambre n'a pas ignoré le fait, tous ces faits qui montrent qu'il avait,

 23   qu'il exerçait un rôle politique et militaire. On voit son rôle sur le

 24   barrage à Ahmici au cours de ces journées du 19 et 20 octobre 1992. De même

 25   on voit qu'il jouait un rôle de dirigeant, puisqu'il était à la tête de la


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  1   délégation du HVO, dans le cadre des rencontres des groupes mixtes de

  2   travail au niveau militaire en novembre et en décembre 1992.

  3   En conséquence on peut dire que la Chambre a eu raison de dire que sa

  4   responsabilité était engagée au titre de l'Article 7 (1) pour les actes

  5   commis par les soldats du HVO, soit dans le cadre du principe du dessein

  6   criminel commun, qui était apparu au grand jour déjà à ce moment-là, soit

  7   de façon plus directe comme le montrent tous les éléments de preuve.

  8   Passons maintenant à ville de Busovaca et à janvier 1993. L'argument de

  9   l'appelant, c'est que c'est l'ABiH qui a lancé l'attaque en premier, que

 10   toutes les réponses, les réactions du HVO étaient normales dans un cadre

 11   militaire, et que ceci ne s'inscrivait nullement dans une campagne de

 12   persécution. Ici encore, je dois répéter qu'il faut se rendre compte de la

 13   manière dont l'appelant sort Busovaca de son contexte. Si l'on regarde la

 14   globalité des éléments de preuve, les conclusions de la Chambre au

 15   paragraphe 576 selon lesquelles l'attaque de Busovaca constituait le début

 16   d'une attaque systématique ayant pour objectif de faire partir ou de

 17   soumettre la population musulmane était la seule conclusion raisonnable que

 18   l'on pouvait traiter de l'analyse de ces faits. Une fois encore, je le

 19   répète. il faut se pencher sur le cas de Busovaca en réfléchissant à tout

 20   ce qui s'est passé depuis le début des prises de contrôle de 1992.

 21   Je ne vais pas revenir sur tous les éléments qui ont été évoqués par la

 22   Défense au sujet des éléments de preuve dans le détail, mais je n'en

 23   retiendrai que quelques-uns.

 24   Le Témoin AS a été mentionné par la Défense, quatrième Témoin militaire de

 25   la police militaire, un Témoin de l'intérieur si l'on peut dire. AS, c'est


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  1   vrai, nous a dit que la police militaire du HVO n'a jamais reçu l'ordre de

  2   lancer des opérations directes contre les civils ou de détruire par le feu

  3   les maisons musulmanes. Il est difficile de voir, quand AS lui-même l'a

  4   reconnu, comment cette attaque peut-être interprétée comme une opération

  5   militaire de nettoyage classique. Il devient très difficile de comprendre

  6   cette interprétation qu'on voudrait nous faire adopter lorsqu'on examine ce

  7   qu'a dit le Témoin AS et ce qu'il a dit lors des questions supplémentaires,

  8   page 16437 du compte rendu d'audience. Il a reconnu avec l'Accusation que

  9   ce qui s'est passé c'était une opération de nettoyage ethnique.

 10   D'ailleurs, ce n'est qu'une pièce dans cet immense puzzle d'éléments de

 11   preuve sur laquelle s'est appuyée la Chambre de première instance afin de

 12   rendre ses conclusions sur ce qui s'était passé à Busovaca en janvier 1993.

 13   Il ne s'agissait pas là des conséquences collatérales d'une attaque ou

 14   d'une guerre civile légitime, il s'agissait du début d'un système

 15   d'attaques illégales contre les civils et les objectifs civils suivis de

 16   meurtres et d'autres actes inhumains de destruction sans motifs et de

 17   pillage. Un autre élément particulièrement probant, s'agissant de la

 18   situation à Busovaca, ce sont les descriptions données par les Témoins eux-

 19   mêmes. Je vous renverrais au Témoin J, transcript du Témoin J page 4524 à

 20   4529 du compte rendu d'audience. Le Témoin AG, lui aussi page 14138 à 14139

 21   du compte rendu d'audience. Ces Témoins nous ont parlé des éléments

 22   révélateurs que l'on ne cesse de retrouver tout au long des attaques

 23   lancées par le HVO au cours des mois d'avril et de juin 1993. Que se passe

 24   t-il, le matin très tôt démarre les pilonnages, les tirs de tireurs

 25   embusqués en plastique et on met le feu aux commerces, aux restaurants et


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  1   aux maisons des Musulmans. Ensuite, c'est le pillage systématique des

  2   maisons qui commencent et qui est mené par les soldats.

  3   Lorsqu'on prend tout ceci,  en faisant entrer en ligne de compte également

  4   la lettre de l'ultimatum de janvier 1993, la seule conclusion raisonnable

  5   que l'on peut en tirer, c'est que cette attaque était délibérée contre les

  6   objectifs civils, et contre les civils eux-mêmes ou que du moins, il

  7   s'agissait d'une attaque qui était menée de manière aveugle sans faire la

  8   différence entre les civils et les objectifs militaires. Quand l'appelant

  9   essaie de nous faire croire qu'il s'agit d'une opération militaire

 10   classique et que tout ce qui s'est passé c'est le résultat malheureux et

 11   indirect de cette opération, on ne peut le suivre.

 12   Quand il nous dit que Blaskic était coincé à Kiseljak lorsque tout ceci a

 13   commencé, involontairement il tend à renforcer le rôle joué par Kordic dans

 14   toute cette situation.

 15   S'agissant de son deuxième argument au sujet de Busovaca, lorsqu'il nous

 16   demande pourquoi Kordic était responsable des actes criminels des soldats à

 17   Busovaca, la Chambre de première instance est partie du principe qu'il

 18   avait joué un rôle de premier plan, sur le plan militaire au moment de

 19   cette attaque. Je ne peux pas revenir sur la totalité de éléments de preuve

 20   présentée dans le procès, mais il n'y aucune autre interprétation

 21   raisonnable de ces faits que de penser qu'à l'époque, à Busovaca, il a joué

 22   un rôle militaire considérable.

 23   Regardons ce que nous dit le commandant Jennings, le colonel Stewart, deux

 24   Témoins militaires étrangers présents  sur place. Ils nous ont parlé de son

 25   rôle en tant que commandant militaire de Busovaca. Repensons aux


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  1   enregistrements qui ont été mentionnés hier, enregistrements d'une

  2   conversation entre Blaskic et Kordic le 23 et le 24 janvier 1993. Cette

  3   conversation est résumée au paragraphe 577.

  4   L'appelant, essaie de nous faire croire que ce n'est pas une conversation

  5   très importante, il s'agit simplement d'une plaisanterie, d'une manœuvre de

  6   bravade, et cetera. Ceci n'a pas été accepté par la Chambre de première

  7   instance et moi j'avance que la Chambre de première instance a correctement

  8   interprété cette conversation téléphonique. On voit que dans cette

  9   conversation téléphonique c'est Kordic qui donne l'ordre à Blaskic de tirer

 10   sur Kacuni en lui disant qu'il faut tout brûler.

 11   J'invite également les Juges de la Chambre à réfléchir au fait que c'est

 12   Kordic qui donnait des ordres militaires, la pièce Z421.4 nous le montre.

 13   On voit que le 30 janvier 1993, il ordonne à une brigade du HVO d'envoyer

 14   une compagnie à Busovaca afin d'y mener des opérations de combat.

 15   L'appelant nous dit qu'il ne sait pas ou qu'il n'arrive pas à comprendre

 16   comment on peut lui imputer une responsabilité au titre de l'Article 7(3)

 17   pour ce qui s'est passé à Busovaca. C'est pour la raison suivante : en

 18   janvier 1993, il s'inscrivait dans le cadre d'un plan ou d'un dessein

 19   criminel commun qui avait pour objectif de soumettre les Musulmans de

 20   Bosnie centrale à une série d'actes illégaux et de mauvais traitements,

 21   ceci afin de les faire partir de la région et ou de les soumettre. Il ne

 22   faut pas oublier que c'était lui le dirigeant politique numéro 1 dans cette

 23   région et que d'autre part, il avait son mot à dire, c'est indéniable, en

 24   matière d'affaires militaires. Nous avançons que ce qui s'est passé à

 25   Busovaca en janvier 1993, tous les actes illégaux qui s'y sont déroulés


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  1   relèvent directement de ce dessein ou de ce plan commun ou du moins et

  2   qu'il s'agit pour le moins, d'actes qui étaient prévisibles, et que l'on a

  3   délibérément pris le risque de voir ces actes se produire.

  4   Je voudrais maintenant  passer à la question des conclusions incohérentes.

  5   Enfin, c'est ce que nous dit du moins l'appelant, il parle du paragraphe

  6   576. On nous dit qu'au paragraphe 576, la Chambre a stipulé qu'il n'y avait

  7   pas d'attaques illégales, et pourtant la Chambre de première instance a dit

  8   qu'il y avait eu destruction sans motifs au titre du chef 38.

  9   Si on regarde la description que nous donne le Témoin A de ce qui s'est

 10   passé, compte rendu d'audience 354 à 356 sur le pilonnage de Merdani. Si on

 11   regarde également la vidéo faite par M. Capelle depuis son hélicoptère,

 12   elle montre les destructions subies par ce village civil. Nous nous

 13   estimons que cela suffit à prouver qu'il y a eu effectivement destruction

 14   sans motifs. Nous estimons que la Chambre aurait également pu le

 15   reconnaître coupable au titre des chefs 3 à 4, puisque tous les éléments

 16   montrent que ce jour-là, il y a eu attaque délibérée, attaque illégale et

 17   attaque à laquelle on a procédé de manière un peu imprudente. C'est le

 18   moins que l'on puisse dire. S'il y a eu des erreurs qui découlent de cette

 19   incohérence dans le jugement, si on accepte le fait, cette erreur elle a

 20   bénéficié à l'accusé.

 21   Hier, Me Smith nous a dit qu'il n'y avait aucune conclusion à l'appui de la

 22   déclaration de culpabilité au titre du chef 4, attaques contre des civils

 23   et contre des objectifs civils. Il a dit qu'il n'y avait pas non plus

 24   d'élément prouvant que cette destruction ait été faite à une grande

 25   échelle. Bien entendu, la définition de la notion d'une destruction à


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  1   grande échelle d'objectifs civils est difficile à prouver. Cependant nous

  2   estimons que tout comme Merdani, le jugement fait référence à suffisamment

  3   d'éléments qui permettent d'étayer sa conclusion sur le caractère très

  4   considérable des destructions sans motif.

  5   Maintenant je vais parler des attaques qui ont eu lieu à la mi-avril dans

  6   la vallée de la Lasva. Mme Jarvis, nous a dit ce matin que la façon dont

  7   l'appelant examine ce qui s'est passé à Ahmici doit faire l'objet d'une

  8   analyse détaillée. Maintenant il reconnaît que ce qui s'est passé à Ahmici

  9   ce sont des crimes de guerre. Il dit que ce sont des crimes ad hoc, et que

 10   cela n'entrait pas dans le cadre des attaques qui ont eu lieu en même temps

 11   dans les autres villages de la vallée de la Lasva, il nous dit que c'est

 12   une sorte d'aberration, ce qui s'est passé à Ahmici.

 13   Ceci il faut le rejeter de but en blanc. Oui, Ahmici, cela a été un

 14   paroxysme. Ahmici a connu le pire dans cette vallée. Certes. Mais

 15   considérer que les attaques qui ont eu lieu dans toute la vallée de la

 16   Lasva au cours du mois d'avril, et rappelons-nous qu'entre Busovaca et

 17   Kiseljak, il y a que 25 kilomètres, considérer donc que tout ceci est autre

 18   chose qu'un système, qu'une série d'événements systématiquement orchestrés

 19   serait totalement déraisonnable.

 20   M. Farrell, hier, vous a déjà parlé d'Ahmici et vous a présenté ses

 21   arguments à ce sujet en faisant référence à la déposition du Témoin AT. Si

 22   l'on accepte les conclusions qui figurent au paragraphe 631, selon

 23   lesquelles il était raisonnable de conclure sur la base de ce qu'a dit AT

 24   sur les ordres de Blaskic le 15 et 16 avril, et sur la base des faits

 25   relatifs de travail de Blaskic et de Kordic, si l'on accepte sur la base de


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  1   tous ces éléments qu'il était raisonnable de penser que Kordic était

  2   présent lors de la réunion des hommes politiques que 15 avril, au cours de

  3   laquelle l'attaque d'Ahmici et des autres de la vallée de la Lasva a été

  4   planifié, et lors de laquelle a été donné l'ordre de Blaskic de tuer tous

  5   les hommes en âge de porter les armes, d'expulser les civils, et de mettre

  6   le feu aux maisons, a été approuvé, à ce moment-là, il n'est pas nécessaire

  7   d'aller plus loin pour conclure que, ce qui s'est passé à Ahmici le 16

  8   avril, constituait des destructions sans motifs et des actes de

  9   persécution.

 10   Je voudrais aller plus loin, je voudrais revenir sur ce qui a été dit hier,

 11   parce que le témoignage d'AT est extrêmement important. C'est évident, mais

 12   ce n'est pas le seul élément qui nous prouve qu'il y avait plan ou dessein

 13   criminel commun. Ce n'est pas la pierre angulaire de tout ce que nous avons

 14   à dire, de toute notre thèse au sujet d'Ahmici et des autres villages. Non,

 15   l'essentiel c'est qu'il y a eu là des événements qui se sont inscrits dans

 16   un système qui se sont déroulés en même temps dans la vallée de la Lasva

 17   dans 20 à 25 localités, entre le 16 et 18 avril. Est-ce une coïncidence de

 18   voir ainsi ces attaques être déclanchées de la même manière dans tous les

 19   villages avec des pilonnages le matin, des tirs sur les individus et ce,

 20   seulement dans les villages à majorité musulmane; les gens sont pris par

 21   surprise, les voisins croates, eux sont prévenus à l'avance, on entre par

 22   la force dans les maisons, on tue systématiquement les habitants, on met le

 23   feu aux maisons, on met le feu aux commerces, on vole les biens personnels,

 24   tels que les bijoux, les télés, les réfrigérateurs. Est-ce que c'est une

 25   coïncidence que tout ceci se soit passé dans la vallée de la Lasva ? Est-ce


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  1   qu'on peut dire que c'était une opération militaire légitime ?

  2   Ceci il faut le rapprocher de l'essentiel de l'argument de l'appelant selon

  3   lequel la Chambre de première instance a seulement estimé qu'il y avait eu

  4   des attaques militaires menées par le HVO contre des villages. Mais ce

  5   n'est pas vrai. La Chambre a été beaucoup plus loin. Elle a estimé qu'il y

  6   avait une campagne orchestrée de la part du HVO, et qui avait des objectifs

  7   totalement illégitimes, et que c'était manifeste.

  8   Dans son mémoire, cela n'a pas été repris oralement, mais dans son mémoire

  9   l'appelant fait valoir d'autres arguments qui me paraissent intéressants et

 10   que je voudrais mentionner ici. L'appelant semble vouloir faire entendre

 11   que certains Témoins étrangers peuvent avoir envisagé la possibilité que ce

 12   qui se passait dans la vallée de la Lasva pouvait s'expliquer parce qu'il

 13   s'agissait de combats en zone habitée.

 14   Les Témoins comme Stewart et Bowers, effectivement, ont reconnu l'existence

 15   de cette tactique militaire, ils ont reconnu que cela existait, mais ils

 16   ont rejeté la notion selon laquelle les destructions qui ont eu lieu dans

 17   ces différentes localités à Ahmici et autres pouvaient être expliquées par

 18   l'emploi d'un tel ou d'un tel mode de combat. Par exemple, pour Ahmici le

 19   colonel Stewart a rejeté formellement cette possibilité du fait de la

 20   nature chirurgicale systématique des destructions. Par exemple, le fait

 21   qu'on ait fait appel à des tireurs embusqués pour couper, pour empêcher les

 22   civils de s'enfuir, pour leur bloquer les voies qu'ils auraient pu

 23   emprunter pour partir du village.

 24   Maintenant je vais passer aux villages Nadioci, Pirici et Santici, et

 25   d'abord je vais répondre à la question suivante. Est-ce qu'il y avait


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  1   suffisamment de conclusions sur les faits dans le jugement à ce sujet ?

  2   Ensuite je reviendrai à la question, posée par le Juge responsable de la

  3   mise en état de l'appel, posée donc le 29 avril 2004 aux parties sur les

  4   conclusions factuelles relatives aux meurtres et au traitement des actes

  5   inhumains.

  6   En deux mots, s'agissant des meurtres, nous remarquons qu'il faut se

  7   pencher sur la note de bas de page 1 241 et la pièce Z1583. Il s'agit de

  8   certificats de décès sur les personnes qui ont trouvé la mort à Ahmici et

  9   dans les villages environnants le 16 et le 17 avirl 1993, donc 28 personnes

 10   ont été tuées à Sandici du 16 au 17 avril 1993, 16 à Pirici, et 3 à

 11   Nadioci.

 12   S'agissant des actes inhumains et des traitements inhumains, je vous

 13   renverrai à la pièce Z15895.3 [comme interprété]. Il s'agit (expurgé)

 14   (expurgé)qui nous montre que M. Enes Hrustanovic, qui a été blessé ce

 15   jour-là, c'était Enes Hrustanovic, né à Pirici. Pour Nura Pezer, page 15

 16   449 à 15 450 du compte rendu d'audience, nous explique que son mari a été

 17   gravement blessé et qu'il a ensuite été abattu par le HVO à Santici, le 16

 18   avril 1993. Ensuite pour Nadioci, page 7 941 à 7 942 du compte rendu

 19   d'audience, on se rappellera de la déposition de S, qui a parlé de cette

 20   femme qui avait été détenue, qui avait été violée au bungalow de Nadioci.

 21   Nous estimons que la description de ces faits sont suffisants pour fournir

 22   tous les éléments constitutifs nécessaires à l'établissement d'actes

 23   inhumains au terme de l'Article 5 et de traitement inhumain au titre de

 24   l'Article 2 du statut, soit qu'il y ait eu souffrance physique ou mentale

 25   extrêmement dure, extrêmement grave ou atteinte grave à la dignité humaine.


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  1   Maintenant, je vais revenir sur la question qui avait été posée par M. le

  2   Juge Schomburg sur la manière dont ces chefs d'accusation s'inscrivent dans

  3   le cadre de notre analyse de l'entreprise criminelle commune. Selon nous,

  4   les actes inhumains, sous leurs diverses formes, tels qu'ils ont été commis

  5   à l'encontre des civils entre dans le cadre de l'entreprise criminelle

  6   commune de type 1, de catégorie 1, ou tout du moins s'ils pourraient

  7   relever de la catégorie 3 de l'entreprise criminelle commune, étant donné

  8   qu'il s'agissait de conséquences prévisibles d'actes entrepris par les

  9   parties concernées.

 10   Maintenant, je vais revenir aux arguments qui ont été donnés par l'appelant

 11   sur les trois hameaux d'Ahmici. Il nous dit ici que tout ce qui s'est passé

 12   c'était les dégâts indirects prévisibles qui pouvaient se dérouler dans une

 13   zone habitée où avaient lieu des combats, des combats légitimes d'après

 14   lui. Il nous dit que ces lieux avaient une importance stratégique et qu'ils

 15   étaient défendus, mais je le répète, les attaques contre Nadioci, Santici

 16   et Pirici s'inscrivaient dans le cadre d'une attaque systématique menée par

 17   le HVO avec toujours le même type de comportement criminel complètement

 18   illégal dans la façon de mener les hostilités. De plus, on peut se demander

 19   quels sont les objectifs militaires dont il parle ici ? Il ne peut pas

 20   simplement nous dire la totalité du village ou les dits villages se

 21   trouvaient sur un axe routier extrêmement important, donc il m'est loisible

 22   d'utiliser n'importe quel moyen, même les moyens illégaux, pour m'emparer

 23   de cette route. Il faut prouver qu'il y avait là un objectif militaire

 24   légitime et qu'il y avait des moyens légaux d'arriver à s'en emparer. Mais,

 25   quand on bombarde la totalité d'un village, quand on fait appel à des


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  1   tireurs embusqués, quand on tire sur les civils, quand on brûle leurs

  2   maisons, on ne peut pas parler de moyens militaires légitimes qui peuvent

  3   être justifiés juste parce que le village se trouve sur un axe routier

  4   important pour les communications et pour le transport.

  5   S'agissant de son argument au sujet des ordres illégaux donnés au sujet

  6   d'Ahmici, d'Ahmici seulement, ceci ne prouve pas que cela  avait trait

  7   également aux autres villages environnants même si nous adoptons sa vision

  8   étroite, réductrice de ce plan, nous pensons qu'il parle d'un présupposé

  9   qui est complètement faux parce que ces ordres illégaux, il ne traitait pas

 10   uniquement d'Ahmici.

 11   Cela, il faut s'en souvenir, il faut regarder la totalité des éléments de

 12   preuve qui ont été présentés, à savoir les ordres de Blaskic qui étaient

 13   adressés à toutes les unités. On se penchera par exemple sur les ordres de

 14   combat qui ont été délivrés le 16 avril 1993 à 1 heure 30 du matin, pièce

 15   Z676, pièce D343, également. Il est également important de se souvenir que

 16   les représentants du HVO et de chacune des principales municipalités qui

 17   nous intéressent ici, AT nous l'a dit, ont accepté et ont participé à la

 18   réunion autour de laquelle on a planifié, on a autorisé ces actes illégaux.

 19   Kordic, Ivan Santic, président du HVO de Vitez, Pero Skopljak, le chef de

 20   la police de Vitez, Zoran Maric, le président du HVO de Busovaca, ainsi

 21   qu'un représentant du HVO de Novi Travnik.

 22   Nous estimons que cet argument non seulement part d'un présupposé qui est

 23   complètement erroné, mais il finit mal aussi, malheureusement pour lui.

 24   Parce qu'il y a un point absolument essentiel des éléments de preuve qui

 25   n'est pas pris en compte. La Chambre de première instance n'a nullement


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  1   fait preuve de déraison lorsqu'elle a conclut que le 15 avril 1993 dans la

  2   soirée ou plus tard, il existait déjà un but ou un dessin criminel commun,

  3   auquel participait Kordic qui avait pour objectif de procéder au nettoyage

  4   ethnique de ces villages et de ces villes de la vallée de la Lasva, et sa

  5   responsabilité est engagée pour ces crimes en tant que membre de cette

  6   entreprise criminelle commune parce qu'il a planifié et y a incité à

  7   commettre tout ce qui s'est passé. Lui, il avait la ferme intention de voir

  8   tous ces crimes se produire car ceci s'inscrivait dans le cadre de son

  9   objectif criminel ultime ou tout du moins on peut dire qu'il savait, il

 10   prenait le risque de voir ces événements se produire, ces actes se produire

 11   puisque c'en était la conséquence prévisible -- la conséquence prévisible

 12   de ce plan criminel.

 13   Je ne vais parler de Stari Vitez et de Vitez puisque l'appelant a été très

 14   bref en n'en parlant hier. Je vais parler d'un autre groupe de villages.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre.

 16   Je vous suis très reconnaissant de nous avoir pour Nadioci, Pirici et

 17   Santici, vous nous avez renvoyé un certain nombre de Témoins, des pièces à

 18   conviction, et cetera, mais je voudrais savoir où dans le jugement on

 19   trouve tout cela ?

 20   Mme BRADY : [interprétation] Dans le jugement, si vous vous reportez à la

 21   note de bas de page 1 241, vous y trouverez une référence à la pièce

 22   Z1594.3. Tout ceci a trait là à ce qui s'est passé à Pirici. Pour ce qui

 23   est de Santici et de Nadioci, je parle d'éléments de preuve qui n'ont pas

 24   été cités dans cette pièce à conviction, mais tout ceci est au dossier. Ces

 25   Témoins ont été acceptés, leurs dires ont été acceptés, on les a mentionnés


Page 421

  1   dans d'autres parties du jugement afin d'arriver à un certain nombre de

  2   conclusions sur les faits. On peut en déduire que la Chambre de première

  3   instance a accepté leur déposition et qu'aucune raison pouvant nous pousser

  4   à penser le contraire, la Chambre de première instance a accepté ce qu'ils

  5   avaient à dire au sujet d'autres éléments que ceux qui sont expressément

  6   repris dans le jugement.

  7   Voilà tout ce que je peux dire à ce sujet.

  8   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui, mais quand même -- au début

  9   vous avez insisté sur ce qui avait déjà été évoqué pendant le procès, vous

 10   avez parlé de la façon dont le procès s'était déroulé, vous avez parlé

 11   d'une peinture impressionniste, pour évoquer ce jugement, évoquer ce procès

 12   et nous dire qu'il est constitué d'une myriade d'éléments. Mais est-ce que

 13   cela suffit de nous indiquer une note de bas de page et tout ce qu'elle

 14   recouvre ? Est-ce que cela suffit dans un procès au pénal et pour un

 15   jugement qui est frappé d'appel ?

 16   Mme BRADY : [interprétation] Je reviens sur ce que j'ai dit déjà hier,

 17   c'est la manière dont on a procédé dans ce jugement, j'ai dit que peut-être

 18   on aurait pu faire un jugement, produire un jugement plus clair du point de

 19   vue juridique, mais cela ne veut pas dire que vous devez remettre tout cela

 20   en question. Parce que vous n'êtes pas là pour reprendre tous les éléments

 21   de preuve un par un. Vous êtes pour voir si ce jugement tient.

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.

 23   Mme BRADY : [interprétation] Je vais parler brièvement de Donja Veceriska

 24   et Gacice. Hier il s'agit de quelque chose qui n'a pas été relevé, mais je

 25   voudrais faire quelques points rapidement parce qu'il s'agit de localités


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  1   qui sont importantes pour avoir une bonne image de ce système dans son

  2   ensemble. A ce sujet, je vous prie de vous reporter à ce qui se passe à

  3   Donja Veceriska, il s'agit de la pièce ou de la page 645, où nous avons un

  4   témoin qui nous décrit ce qui s'est produit après le pilonnage. Le

  5   pilonnage a commencé à 5 heures 30 avec un feu ouvert par une arme, une

  6   mitrailleuse antiaérienne d'un village voisin et des grenades à mains ont

  7   été jetées dans les maisons; et les résidents et d'autres personnes ont été

  8   passées à tabac; et la majorité des maisons musulmanes ont été incendiées

  9   et des personnes ont été tuées; le village a été détruit par des explosifs

 10   et le feu.

 11   Est-ce que la position stratégique occupée en haut de la colline qui

 12   surplombe l'usine Vitezit modifiait quoi que ce soit aux choses ? Non, cela

 13   ne permet pas aux soldats du HVO de les bombarder, en procédant à des

 14   pilonnages aveugles, à ouvrir le feu, à jeter des grenades dans des

 15   maisons, des personnes en ouvrant le feu délibérément sur des civils. Nous

 16   estimons que s'il s'agissait, effectivement, d'un point d'une importance

 17   stratégique considérable, on pourrait s'attendre à ce qu'une armée souhaite

 18   garde intact, et en mesure du possible, cet endroit. Je voudrais également,

 19   à cet égard, mentionner tout ce que nous rappellerons les villages non-

 20   Ahmici, nous ne pouvons pas oublier le fait que la Chambre de première

 21   instance a reçu des éléments de preuve très importants qui corroborent non

 22   seulement l'existence d'un plan criminel commun, mais aussi une

 23   participation active de Kordic. Celui-ci par exemple, mon collègue M.

 24   Farrell a signalé hier qu'on l'a vu en la compagnie de Kraljevic dans la

 25   caserne de Vitezovi penché sur une carte et débattre des questions


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  1   militaires, et cela ne fait aucune différence si cela s'est passé le 15 ou

  2   plutôt le 16 avril. Nnous avons également fait référence au registre tenu

  3   par l'officier de permanence, mon collègue Mme Kind l'a mentionné, et aussi

  4   on y voit consigner 10 conversations par téléphone entre Blaskic et Kordic

  5   le 16 avril, cela commence à 9 heures du matin et cela se termine à 19

  6   heures 30 du soir, et il discute en détail des opérations militaires. Mlle

  7   Jarvis a mentionné l'une de ces conversations très importante, en

  8   particulier à 18 heures 02 où Kordic dit à Blaskic, que Pasko a tout mené à

  9   bien.

 10   Comme l'autre partie n'a pas mentionné les villages de Loncari et

 11   d'Ocenica. Je n'en parlerais pas non plus, je vais parler de Rotilj et

 12   d'autres villages dans la zone de Kiseljak en avril et en juin 1993.

 13   Vous savez que les villages de Gomionica, Svinjarevo, Gromiljak, et

 14   d'autres dans la zone de Kiseljak, ne se situent qu'à quelques 25

 15   kilomètres en aval dans la vallée. Donc en fait, ce qui se passait c'était

 16   que cette méthode de procéder dans les attaques s'est déplacée vers en bas.

 17   Je vais tout d'abord répondre au point qui a été soulevé hier au sujet du

 18   caractère suffisant des conclusions factuelles à ce sujet. Nous estimons

 19   qu'il est tout à fait clair lorsque vous prenez connaissance du paragraphe

 20   809, et les parties étaient d'accord lors de la Conférence de mise en état

 21   du 6 mai faut que la dernière phrase, en fait, devrait constituer un alinéa

 22   ou plutôt un paragraphe à part. Lorsque vous prenez connaissance de cela en

 23   jonction avec le paragraphe 808, il est clair que les conclusions

 24   s'appliquent aux faits précédents qui avaient été exposés par la Chambre de

 25   première instance dans les paragraphes qui précèdent les paragraphes 805 à


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  1   808.

  2   Effectivement, au paragraphe 809, nous reconnaissons qu'on ne fait pas

  3   référence à la municipalité de Kiseljak. Je ne peux pas l'expliquer

  4   autrement si ce n'est qu'il convient de prendre la connaissance de

  5   l'ensemble du chapitre 6 et à la lumière du paragraphe 806 et du paragraphe

  6   808, en particulier, et du paragraphe 834, et là, il doit y avoir -- c'est

  7   une erreur de rédaction manifestement qui s'est glissée, je ne peux pas

  8   l'expliquer autrement.

  9   Je voudrais aborder les arguments présentés par Me Naumovski. Ce qu'il a

 10   omis de dire lorsqu'il s'est penché sur les attaques du mois d'avril et du

 11   mois de juin, c'est que le fait ce qui s'y est produit, en fait, reflète

 12   les événements qui s'étaient produits à d'autres endroits. Regardons le

 13   paragraphe 665 et la note de bas de page 1 327, la matrice de ces

 14   destructions semble suivre pratiquement une règle établie. Svinjarevo, les

 15   maisons sont incendiées, la mosquée est incendiée, les maisons croates sont

 16   intactes. Gomjenica a été pilonné par le HVO, les maisons ont été

 17   incendiées. Cela continue à d'autres endroits.

 18   L'appelant affirme que Rotilj était un lieu d'importance stratégique d'un

 19   point de vue militaire, mais comment est-ce que cela peut justifier les

 20   événement qui se sont produits lorsque les éléments preuve montrent que

 21   l'on a demandé à la TO de rendre les armes avant que le HVO n'a pilonné le

 22   village et les maisons ont été incendiées ? Comment -- est-ce que -- le

 23   fait d'incendier les maisons dans tous ces villages peut être justifiés par

 24   des nécessités militaires.

 25   L'argument principal de l'appelant -- et nous estimons que la Chambre de


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  1   première instance a bien fait lorsqu'elle a lié ces attaques sur les

  2   villages de Kiseljak à la mi-avril au système au sens large d'attaques qui

  3   ont été menées et, en estimant qu'il s'agit là d'un dessin criminel et que

  4   M. Kordic en a fait partie. Ceci est cohérent avec la contestation qui a

  5   été faite auparavant par la Chambre de première instance, à savoir qu'il

  6   n'avait pas de contrôle réel à Kiseljak, puisque ce n'est pas de cela qu'il

  7   s'agit. Il s'agit de l'étendue du dessin criminel. Nous voyons que la

  8   Chambre de première instance est précisément arrivée à cette conclusion.

  9   Penchons-nous sur le paragraphe 669, et encore une fois, il ne se dissocie

 10   pas du reste des éléments de preuve, mais, en particulier, il se penche sur

 11   ce qui est proche des attaques dans la vallée de la Lasva, l'ordre de

 12   Blaskic, Z7333, lorsqu'il dit que l'on tient au courant les dirigeants ou

 13   le plus haut échelon du HZ HB, informés, en particulier cette relation de

 14   contact extrêmement étroit entre Kordic et Blaskic. La fréquence de leurs

 15   conversations sur les points militaires du 16 au 20 avril. Il n'est pas

 16   étonnant que la Chambre de première instance est constatée que Blaskic

 17   n'aurait pas lancé ces attaques si Kordic ne les avait approuvées, et que

 18   Kordic était associé à ces attaques, enfin, les attaques sur Tulica et Han

 19   Ploca du 12 et du 13 juin, deux mois après les attaques de la mi-avril.

 20   Maintenant, on se déplace en aval dans la vallée. Encore une fois, cela

 21   reflète les attaques précédentes de Tulica au milieu de l'ensemble de ces

 22   villages croates. Encore une fois, on procède au pilonnage, les soldats du

 23   HVO incendient les maisons; ils tuent; les maisons sont forcées; de leur

 24   donner leur argent, leurs bijoux, et on place en détention les survivants.

 25   Tout comme à Han Ploca.


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  1   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-ce qu'on peut savoir de quel

  2   paragraphe il s'agit ?

  3   Mme BRADY : [interprétation] Le paragraphe 721 et paragraphe 722 pour Han

  4   Ploca ainsi que les notes de bas de page qui correspondent.

  5   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie, Madame Brady.

  6   Mme BRADY : [interprétation] Il n'y a pas d'erreur, nous estimons dans la

  7   conclusion que ces attaques ont constitué une partie intégrante des

  8   attaques orchestrées par le HVO. Pour ce qui est du lien qui relie cela à

  9   Kordic, Me Naumovski n'a pas mentionné le lien réel dans le cadre du plan

 10   criminel commun. Il s'est polarisé sur la référence que fait la Chambre de

 11   première instance au Témoin Y qui voit Kordic à la caserne de Kiseljak.

 12   Mais ce n'est pas pour cette raison-là que M. Kordic a un lien avec les

 13   crimes qui ont été commis en juin à Kiseljak. Ce n'est pas son implication

 14   particulière aux opérations quotidiennes, qui le rendent responsable --

 15   pénalement responsable. On ne peut se baser sur la présence d'une personne

 16   à un endroit donné, à un moment donné. Mais c'est son rôle qui importe --

 17   le rôle qu'il a joué dans le cadre du plan criminel commun, le plan dont il

 18   a été parti intégrante, et membre à part entière. Pour cette raison, la

 19   Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a

 20   considéré qu'il était associé aux ordres qui ont été donnés d'attaquer ces

 21   endroits et ceci le rend responsable.

 22   Dans le temps qui me reste très brièvement au sujet des crimes de

 23   détention, j'attire votre attention sur toutes les conclusions, mais, en

 24   particulier, les paragraphes 774, 777, 780, 781, 783, 790 et jusqu'au 792.

 25   Les Musulmans, qui ont été arrêtés, en juge d'après les éléments de preuve,


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  1   s'étaient placés dans des centres de détention immédiatement après les

  2   attaques. La Chambre de première instance a repris cela au paragraphe 800,

  3   et ces conclusions au paragraphe 800 deviennent claires, lorsqu'on se fonde

  4   sur les éléments de preuve qui ont été présentés. La Chambre de première

  5   instance n'a pas erré lorsqu'elle rejeté l'argument de l'appelant disant

  6   que l'emprisonnement de ces civils musulmans n'était pas illégal, parce

  7   qu'ils avaient été détenus pour leur garantir leur sécurité. Rien ne nous

  8   permet d'arriver à cette conclusion de manière raisonnable.

  9   En fait, cela se rapproche des commentaires formulés par le CICR et

 10   rejetés. Enfin pour ce qui est du lien avec Kordic, la Chambre de première

 11   instance n'a pas erré lorsqu'elle constate au paragraphe 802, que cette

 12   détention illégale constituait partie de cette attaque initiale, et que

 13   cela culmine dans la détention de tout Musulman qui survit à l'attaque.

 14   L'attention doit être particulièrement portée sur la régularité de ce qui

 15   s'est produit comme l'a fait la Chambre de première instance.

 16   Elle n'a pas erré lorsqu'elle a considéré qu'il a agi en tant que leader

 17   politique, qu'il doit assumer la responsabilité des localités dans la

 18   vallée de Lasva où il a joué le rôle qu'il a joué.  Il est peut-être

 19   possible qu'il n'ait pas eu de responsabilité politique ou d'influence

 20   politique à l'extérieur de Busovaca. Ceci n'est pas pertinent, ceci

 21   n'élimine pas le fait qu'il y a eu des détentions et cela exclut peut-être

 22   uniquement la prison de Kaonik.

 23   Pour ce qui est de la peine, l'Accusation maintient son argument qu'elle a

 24   déjà présenté dans son mémoire. Nous répétons tout simplement que tout

 25   comme dans l'affaire Kunarac, la question est de savoir, est-ce que


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  1   l'erreur qui aurait été commise dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire,

  2   en n'accordant pas de poids aux circonstances personnelles est quelque

  3   chose qui est important comparé à la gravité des crimes. Tout comme dans

  4   l'affaire Kunarac, nous estimons qu'il n'y aurait pas raison d'atténuer sa

  5   peine.

  6   J'en ai terminé, mis à part un petit point au sujet de la question de Mme

  7   Le Juge Weinberg de Roca. L'Accusation se penchera là-dessus et nous vous

  8   fournirons l'information dès que possible.

  9   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie de la présentation

 10   de vos arguments, et je propose que l'on consacre les 30 minutes qui

 11   viennent comme nous l'avions prévu à la réponse de la Défense Kordic. Je

 12   présente mes excuses à la Défense de M. Cerkez. Cependant je pense qu'il

 13   vous serait peut-être plus agréable de présenter vos arguments si vous ne

 14   commencez qu'après la pause déjeuner.

 15   Monsieur Sayers vous avez la parole.

 16   M. SAYERS : [interprétation] Pour répondre à la question qui a été posée

 17   par Mme Juge Weinberg de Roca, les pièces Z1380.4 et 1406.1 c'étaient en

 18   fait des documents qu'on a appelé documents de Zagreb et qui n'ont été

 19   présentés que très tardivement dans le procès Kordic. Ils n'ont pas été

 20   versés au dossier dans d'autres affaires.

 21   J'ai attentivement écouté les arguments de l'Accusation. L'Accusation s'est

 22   servie de nombreuses images, par exemple elle a dit que lorsqu'on est trop

 23   près du tableau, l'on ne voit qu'une série de points indistincts, lorsqu'on

 24   s'écartait, je pense que l'on voit tout simplement une série un peu plus

 25   réduite de points. Malheureusement, on ne voit pas de système cohérent. On


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  1   ne peut pas retrouver son chemin dans ce jugement qui est extrêmement

  2   compliqué, qui est une espèce de labyrinthe dans lequel on ne peut pas

  3   trouver sa voie.

  4   Il ne s'agit pas là d'une question qui porte sur la qualité de la

  5   rédaction. Il s'agit ici des critères élémentaires du droit de la  justice.

  6   En effet, en l'espèce des éléments de preuve qui ont été présentés sont

  7   extrêmement volumineux, on a un kilomètre de documents, mais comment doit-

  8   on apprécier ceci. On verra que Kordic n'y est que pour un millimètre. Quel

  9   est le lien entre M. Kordic et ces crimes ? Où est son intention

 10   délictueuse ?

 11   Je propose que l'on passe dans un ordre logique en commençant par les

 12   propos du premier conseil, et qu'on termine avec les arguments présentés

 13   par le dernier conseil de la Défense.

 14   Tout d'abord, on nous a dit que ce n'était pas une affaire engageant la

 15   responsabilité au terme de 7(3). La Chambre d'appel se posera la question

 16   qui est de savoir, est-ce que l'Accusation a demandé une peine de prison à

 17   vie au titre de l'Article 7(3) ? La réponse à cette question est oui. En

 18   fait, c'est ce qu'elle défend dans son argument en clôture.

 19   Voyons maintenant ce que nous avons dans les mémoires préalables au procès,

 20   qu'est-ce qui est dit ici au paragraphe 5 ? Il est dit : "Que ceux qui

 21   commettent ce genre de crimes peuvent laisser très peu d'éléments de preuve

 22   documentaires. Le Procureur a peut-être un accès limité à ces documents."

 23   Au paragraphe 6 : "Conformément à cela cette affaire se fonde dans une

 24   large mesure sur les afférences, les déductions qui peuvent être tirées de

 25   manière adéquate des faits indirects." Paragraphe 12, c'est très clair


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  1   c'est très parlant : "La difficulté d'identifier le rôle joué par l'accusé

  2   peut en soi indiquer l'existence de la culpabilité et en l'absence de

  3   quelque chose à cacher il n'y aurait pas lieu de rentrer dans un débat sur

  4   le vrai rôle joué par les défendants." Il n'y a pas en fait, si l'on se

  5   penche sur les éléments de preuve, de débats sur le vrai rôle joué par M.

  6   Kordic.

  7   Qu'est-ce qu'une fait substantiel ? Puisque là nous le savons puisque nous

  8   sommes d'accord avec l'Accusation là-dessus. Elle nous dit que ceci est

  9   défini dans l'arrêt Kupreskic et qu'il s'agit d'un fait duquel dépend de

 10   manière décisive le verdict. Est-ce que le verdict dépend de la version des

 11   événements tels que relatés par le Témoin AT, à la fin même de la

 12   présentation des éléments de preuve ? Sans aucun doute.

 13   Pour ce qui est des droits d'avoir accès aux dépositions à huis clos et

 14   pour ce qui est de l'évolution du droit et de la jurisprudence, je ne pense

 15   pas que ce soit là la question. La question est celle qui porte sur le

 16   droit à avoir un procès équitable. La Chambre d'appel, dans l'arrêt Tadic,

 17   l'a dit il y a bien longtemps.  Est-ce que nous avons eu accès aux

 18   dépositions, d'audience publique ou à huis clos dans l'affaire à Blaskic.

 19   Non. Comment le savons-nous ? Il suffit de regarder ce qui figure à

 20   l'écran. L'Accusation accepte le fait que Kordic n'a jamais eu accès aux

 21   dépositions du procès Blaskic. Nous l'avons eu des années, des années plus

 22   tard. Pour quelles raisons ? Qu'est-ce qui a changé ? Qu'est-ce qui les a

 23   transformés en éléments à décharge en 2003 et juste, il y a quelques mois,

 24   alors que ce n'était pas à décharge pendant toute la durée du procès de M.

 25   Kordic.


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  1   Est-ce que nous aurions pu nous servir de cela ? Non. Bien sûr que non. Qui

  2   plus est absolument important dans la jurisprudence, eu égard à l'Article

  3   68 et les communications et l'obligation de communication. Est-ce que nous

  4   l'avons reçu ? Non.

  5   Nous avons tenté d'avoir les dépositions de l'affaire Blaskic comme la

  6   Chambre d'appel le sait. Nous avons essayé de nous entretenir avec ce

  7   Témoin, pendant que le procès était en préparation. Mais ceci a été rejeté

  8   donc par le conseil du général Blaskic. Nous n'avons pu citer le général

  9   Blaskic.

 10   L'aspect aux jonctions ne peut pas être -- a été évoqué, et il convient de

 11   bien se rendre compte que l'on ne peut pas citer quelqu'un à la barre sans

 12   savoir ce que cette personne s'apprête à dire avec loyauté, bien entendu.

 13   L'Accusation a reçu des courriers que nous avons annexés à notre mémoire

 14   additionnel en réponse déposer en mars de cette année. Je souhaitais

 15   simplement indiquer qu'il s'y trouve une lettre datée du 10. Je vous

 16   demanderais de réfléchir au fait de savoir si vous seriez prêt à prendre le

 17   risque de travailler -- d'utiliser un témoignage en audience publique si

 18   vous risquez d'être anéanti par un témoignage à huis clos. La question a

 19   été posée à l'Accusation. La réponse a été non. Nous, non plus, nous ne

 20   pouvons pas agir de cette façon et c'est précisément ce que l'argument qui

 21   a été développé par Krstic. Je répète que dans une lettre qui est également

 22   un excès à notre mémoire en réponse supplémentaire, et qui date du mois

 23   dernier, et nous revenons sur ce point. Il n'y aucune discussion possible

 24   quant à cette réalité, Mesdames, Messieurs les Juges, et l'Accusation

 25   l'admet.


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  1   Excusez-moi de justifier les choses de cette façon. Mais nous ne pensions

  2   pas que le général disait la vérité, donc nous avons décidé que nous

  3   n'allions pas fournir cela à M. Kordic. Quel genre de justification peut

  4   être -- peut servir dans une telle situation ? La Chambre d'appel Blaskic a

  5   rejeté cela comme étant une excuse non valable, il y a à peine deux mois,

  6   le 4 mars 2004, dans une décision, en raison des circonstances dans

  7   laquelle elle se trouvait, et pas en raison des actes de l'Accusation. Il

  8   est impossible de procéder à des évaluations subjectives de ce genre.

  9   L'Accusation a un devoir, celui de communiquer ces documents, et elle est

 10   tenue de se plier à ce devoir en respectant les règles professionnelles de

 11   son travail compte tenu des règlements en vigueur dans ce Tribunal.

 12   S'agissant de la théorie de la crédibilité, j'ajouterais que cette théorie

 13   a été rejetée par la Chambre d'appel en rapport avec le

 14   Témoin T et les histoires qui sont sorties de sa bouche quant au fait qu'il

 15   aurait été recruté sur sa propre initiative ou pas et par ailleurs la

 16   personne qu'il l'a recruté a fourni un faux témoignage à l'appui de son

 17   alibi.

 18   Considérez l'hypothèse suivante : Dans un procès pour meurtre, l'Accusation

 19   demande la peine de mort alors qu'elle connaît un alibi en béton. Elle

 20   conteste néanmoins le fait que la personne qui a fourni son alibi à

 21   l'accusé était réellement crédible, et il décide que cette information ne

 22   doit donc pas être fournie à l'accusé. Est-ce un comportement acceptable

 23   dans quelques systèmes judiciaires que ce soit, dans quelques pays que ce

 24   soit même dans le pays où les systèmes judiciaires sont les moins exigeants

 25   du monde sans parler de ce Tribunal institution s'il en ait. Absolument


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  1   pas. C'est un comportement tout à fait inacceptable.

  2     Est-ce que le témoignage du général était à décharge ? Vous avez entendu

  3   un certain nombre de citation relative au pouvoir militaire qui était ceux

  4   de notre -- que notre client était censé procédé, mais examinons d'un peu

  5   plus près ce que dit le général. L'Accusation reconnaît que Blaskic réfute

  6   l'idée que Kordic ait exercé un quelconque contrôle militaire. Kordic

  7   personnellement ne faisait pas partie de la chaîne de commandement. Il

  8   n'avait pas sa place dans cette chaîne de commandement entre la police

  9   militaire et le bataillon non plus. Il dépendait des autorités civiles.

 10   "A Novi Travnik, j'ai mené -- je participais à des opérations," a dit le

 11   général, et pourtant il n'a pas été condamné, alors que Kordic l'a été.

 12   "Comment cela se fait-il ? M. Kordic n'a --"

 13   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] M. Kordic n'exerçait pas aucune

 14   autorité militaire. Certes, la responsabilité visée à l'Article 7 du Statut

 15   peut s'attacher aussi bien aux civils qu'aux militaires. Pour peut-être

 16   qu'il soit établi, qu'il détenait le [imperceptible] de prévenir les crimes

 17   ou d'inclure les auteurs. Votre client était une personnalité politique

 18   éminente. Il faisait partie, il était même à la tête de la direction de la

 19   politique locale. Dans l'hypothèse qu'il n'avait aucune autorité pour

 20   prévenir ce qu'il n'avait pas une certaine autorité qui pourrait en résulte

 21   de poursuivre et de punir. Est-ce que vous pouvez nous signaler avec des

 22   lignes des plus saillantes s'il a agi dans cette direction pendant la

 23   période en l'espèce ? Merci.

 24   M. SAYERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Guney. Bien sûr, c'est

 25   toute la question. Toute la question est là. Avait-il le pouvoir de


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  1   contrôler ? Les événements avaient-ils le pouvoir de punir ? Avaient-ils le

  2   pouvoir le pouvoir d'empêcher ? C'est tout à fait exact. J'espère pouvoir

  3   répondre à votre question assez rapidement et avec une certaine précision.

  4   Si nous prenons la note en bas de page 820, je crois que c'est la note 870.

  5   Non, excusez-moi, note en bas de page 973, vous y trouvez partiellement une

  6   question à votre réponse -- une réponse à votre question.

  7   Je cite : "Le Témoin CW1 --" et je rappelle à la Chambre de première

  8   instance la position éminente de ce Témoin au sein des autorités

  9   militaires. C'était un témoignage sur moi d'ailleurs qui n'a pas été cité à

 10   la barre par l'une ou l'autre des deux parties, donc le Témoin CW1 dit dans

 11   sa déposition que Kordic n'avait aucun pouvoir de prendre, de décider

 12   d'action disciplinaire et que rien n'existe pour prouver le contraire.

 13   Deuxièmement, si vous voulez bien, Monsieur le Juge, vous rendre aux

 14   paragraphes 840 et 841 du jugement, la Chambre constate, au paragraphe 840,

 15   que Kordic n'avait pas -- n'exerçait pas un contrôle effectif. Dans la --

 16   parmi les éléments de preuve, nous disons que ce fait n'a pas été contesté

 17   non plus. Autre paragraphe, le paragraphe 841, Kordic mettait : "Ni

 18   supérieur hiérarchique dans le cadre du HVO puisqu'il ne détenait, ni

 19   l'autorité d'empêcher les crimes qui ont été commis, ni l'autorité de punir

 20   les auteurs de ces crimes et, en tant que tel, il n'est pas responsable au

 21   titre de l'Article 7(3)."

 22   Voilà quelles sont les conclusions de la Chambre, des conclusions, tout à

 23   fait, claires, ce qui est assez rare dans ce genre de jugement d'ailleurs.

 24   Ce qui est encore plus important, c'est que ces conclusions n'ont pas fait

 25   l'objet d'un appel, n'ont pas été contestées par l'Accusation.


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  1   M. LE JUGE GUNEY : Je voudrais avoir le point de vue de la Défense, bien

  2   sûr. Il n'avait pas le pouvoir de décider pour une procédure disciplinaire

  3   et il n'avait pas un pouvoir effectif pour contrôler, il n'avait pas un

  4   pouvoir pour prévenir, mais y a-t-il des cas, dans lesquels, et surtout

  5   avec le statut qui était au haut niveau qu'il avait, il se peut qu'on n'ait

  6   pas le pouvoir de prévenir, mais on pourrait, en utilisant l'autorité et

  7   l'éminence qu'on a, avoir une certaine autorité pour poursuivre et punir

  8   les auteurs des crimes, ainsi que les auteurs des atrocités.

  9   Est-ce que vous êtes d'accord qu'on pourrait ne pas avoir le pouvoir pour

 10   prévenir, mais on pourrait, des fois, avoir le pouvoir pour poursuivre et

 11   punir, au moins pour faire démarcher, pour initier certains mécanismes en

 12   vue de prévenir, en vue de poursuivre et de punir ? Quel est le point de

 13   vue de la Défense sur cette question ?

 14   M. SAYERS : [interprétation] Cette question, bien sûr, Monsieur le Juge

 15   Guney, pour utiliser une expression consacrée qu'on utilise à l'endroit

 16   d'où je suis originaire est l'endroit précisément où les parthes atteignent

 17   leur mire. Est-ce que cet homme avait le pouvoir d'entamer, de lancer des

 18   poursuites disciplinaires ? Est-ce que cet homme avait le pouvoir de punir

 19   de facto s'il ne l'avait pas de jure ? La réponse à ces questions est

 20   manifestement : non. Les témoignages des Témoins militaires du HVO, de la

 21   position la plus élevée à la position la plus basse dans la hiérarchie,

 22   sont, tout à fait, cohérents par rapport à ceux des chefs d'état-major du

 23   HVO dont plusieurs ont témoigné devant la Chambre de première instance,

 24   dont la déposition est à la disposition des Juges de la Chambre d'appel. Le

 25   numéro deux du commandement du général Blaskic, le commandant général Filip


Page 436

  1   Filipovic a témoigné que Kordic n'avait pas sa place dans la chaîne de

  2   commandement. Il n'avait aucun pouvoir sur nos brigades subordonnées. Il

  3   n'avait aucun pouvoir d'émettre des ordres à l'intention de Blaskic pour

  4   entamer des actions disciplinaires. Il n'avait aucun pouvoir sur la police

  5   militaire. Ce témoignage est confirmé par le chef d'état-major du général

  6   Blaskic, le général de brigade Nakic, ainsi que par d'autres officiers

  7   d'état-major tels que le commandant Prskalo, le général de brigade Gelic;

  8   un autre commandant de brigade comme, par exemple, Zivko Totic, Vinko Tokic

  9   et confirmé également par Grubesic. Il est, également, confirmé, et c'est

 10   assez amusant, par deux commandants de la police militaire du 4e Bataillon

 11   de la police militaire. J'ai revu ce témoignage hier, le témoignage du

 12   colonel Palavra. La même chose pour le prédécesseur de Ljubicic. Kordic,

 13   dit-il, n'avait pas sa place dans la chaîne de commandement.

 14   Les éléments de preuve sont, tout à fait, clairs et ils ne sont pas

 15   contestés par l'Accusation, même s'ils s'étalent sur une période assez

 16   longue et le rejet de la demande d'acquittement en appel, au titre de

 17   l'Article 7(3), l'argument selon lequel la sentence n'aurait pas dû être ce

 18   qu'elle est. Elle l'indique également, mais je signale que, dans aucun des

 19   éléments de preuve, cet homme n'est considéré comme faisant partie de la

 20   chaîne de commandement ou avoir détenu le pouvoir de punir, ou avoir détenu

 21   le pouvoir de prévenir. Ce sont les conclusions que l'on trouve dans le

 22   paragraphe cité du jugement ainsi que dans la note en bas de page que je

 23   viens de citer aux Juges de la Chambre d'appel. Ces conclusions sont

 24   précises et ne sont pas contestées.

 25   J'avais plusieurs arguments à développer, mais le temps va me manquer. Je


Page 437

  1   souhaiterais terminer rapidement sur le point suivant avant de redonner la

  2   parole à Me Smith qui a quelques mots à dire au sujet des persécutions.

  3   L'état d'esprit, l'intention délictueuse, c'est important. C'est en fait à

  4   cela qu'a trait la question qui vient d'être posée par le Juge. Nous

  5   comprenons et la Chambre d'appel le comprend bien également. Voici ce que

  6   l'on peut en dire au stade le plus évolué de ce concept dans ce Tribunal.

  7   Prenons les écritures et décisions dans l'affaire Krstic, il y a à peine un

  8   mois. Une formule doit être découverte en pleine zone de responsabilité, si

  9   je puis m'exprimer ainsi pour impliquer sa participation à certains

 10   événements. Il faut être assez souple au niveau de l'association des

 11   arguments. Est-ce que cela suffit pour ce Tribunal ? Non.

 12   La Chambre de première instance a affirmé, sans aucune base, du point de

 13   vue des éléments de preuve que la Chambre d'appel Krstic et la présente

 14   Chambre d'appel devraient dire la même chose, sans avoir établi que Krstic

 15   savait ou connaissait l'intention du général Mladic, et aucune Chambre de

 16   première instance raisonnable n'aurait pu tirer les déductions en question

 17   quant à l'intention ou à l'état d'esprit de Krstic. Finalement, dans le

 18   jugement en appel Vasiljevic, il y a quelque temps en 2004, en l'absence de

 19   preuves de l'existence d'une intention délictueuse, l'appelant n'aurait pas

 20   pu être tenu responsable en tant que co-auteur d'une entreprise criminelle

 21   commune. C'est ce qui a été déclaré. Qu'en est-il dans la réalité ? Rien du

 22   tout, puisque rien, finalement, n'a suivi les propos du Juge Bennouna, il y

 23   a quelques années déjà. Je vous remercie.

 24   M. SMITH : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je vais en

 25   quelques mots aborder cinq points qui portent sur l'aspect persécution et


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  1   les chefs d'accusation 3 à 43. Le premier porte sur les destructions

  2   présumées par Kordic et les éléments de preuve à ce sujet. Cet argument me

  3   rappelle un principe important et on a beaucoup parlé de l'entreprise

  4   criminelle commune et des preuves individuelles qu'il y a pu y avoir

  5   octroi, émission d'ordre, planification, instigation ou commission, mais

  6   pour avérer les chefs d'accusation 3 à 43, il a été dit que ces preuves

  7   n'étaient pas nécessaires. Vous connaissez l'électron que l'on peut trouver

  8   quelque part dans un nuage. Vous savez que le lien de cause à effet peut

  9   être établi et dans quelles conditions il peut naître parce que l'électron

 10   de ce nuage se trouve également dans un atome mais je ne vais pas rentrer

 11   dans les détails et vous montrez où se situe l'atome et où se situe

 12   l'électron et le nuage.

 13   Deuxième point que je souhaitais évoquer quant à la responsabilité de

 14   Kordic et à la base de cette responsabilité au titre de l'Article 7(1),

 15   paragraphe 834 de l'opinion relative aux chefs d'accusation 3 à 43.

 16   L'Accusation à ce stade assez tardif de l'affaire s'est efforcée de

 17   réécrire ce que la Chambre de première instance avait déclaré. La Chambre

 18   de première instance très manifestement a estimé que la responsabilité au

 19   titre de l'Article 7(1) existait en matière de planification, instigation

 20   ou émission d'ordre et elle a fait référence aux pièces à conviction

 21   relatives à la persécution, mais n'a pas découvert d'existence sous-jacente

 22   d'une entreprise criminelle commune. L'Accusation a laissé entendre que

 23   nous avions simplement balayé de la main la terminologie juridique. Mais on

 24   ne peut pas balayer de la main une terminologie juridique. La terminologie

 25   juridique c'est le vecteur qui est utilisé par les juristes pour discuter


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  1   avec précision de quelque chose qui a un sens sur le plan juridique, de

  2   conclusions qui se traduisent par la condamnation de quelqu'un en raison

  3   d'une infraction et de l'envoi de cette personne en prison.

  4   L'Accusation déclare, à présent, que l'entreprise criminelle commune peut,

  5   dans son concept, être associée au concept de commission conjointe, donc

  6   d'existence de co-auteur, au titre de l'Article 7(1), s'agissant des

  7   infractions que sont la planification, l'instigation ou l'émission

  8   d'ordres, ce qui ont fait de concept et des idées totalement distinctes.

  9   L'Accusation laisse entendre également que compte tenu de l'existence des

 10   chefs d'accusation 3 à 43, il est possible de les mêler sous le chapeau

 11   commun de l'existence d'un plan commun. Mais je me contenterai de rappeler

 12   pour montrer à quel point que ceci est impossible qu'il existe trois

 13   catégories dans la définition de cette entreprise criminelle commune, et

 14   que l'intention dans la catégorie numéro 1 est différente de celle qu'elle

 15   peut être dans les autres catégories, puisque dans ce cas précis il est

 16   nécessaire que soit prouvé l'aspect prévisible de l'intention de la part

 17   d'un être raisonnable. Mesdames, Messieurs les Juges, nous sommes plongés à

 18   ce stade dans un abîme de confusions. Ceci me ramène à l'acte d'accusation

 19   modifié, qui n'était pas précis dans sa rédaction. Le jugement n'était pas

 20   possible, et il est difficile de savoir si la Chambre de première instance

 21   ou la Chambre d'appel pourra dire ce que l'Accusation avait réellement à

 22   l'esprit, lorsqu'elle a fait ce qu'elle a fait pour établir d'une façon,

 23   dans des situations difficiles, l'existence d'un lien de cause à effet.

 24   S'agissant de l'entreprise criminelle commune, les conclusions de la

 25   Chambre de première instance au sujet des chefs d'accusation 3 à 43 sont un


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  1   nouvel exemple de la façon dont l'Accusation se contente de déplacer un

  2   argument ou de faire glisser un argument pour obtenir une conclusion

  3   prédéterminée et la Chambre d'appel a ensuite à traiter de cette situation.

  4   Le troisième point que je souhaitais évoquer c'est l'infirmation faite par

  5   l'Accusation que dans les mémoires de l'appelant Kordic on trouve stipuler

  6   une affirmation selon laquelle un petit de peu de persécution serait

  7   autorisée. C'est une façon tout à fait déformée de lire le contenu de notre

  8   mémoire. Mesdames Messieurs les Juges, nous avons placé le mot persécution

  9   entre les guillemets ainsi que le mot discrimination dans la phrase qui a

 10   été mise en cause, parce que nous n'avions pas l'intention que de voir ces

 11   termes interpréter littéralement comme s'il s'agissait d'un conflit

 12   militaire ou politique, donc d'une opposition entre deux groupes

 13   politiques, deux groupes religieux, deux groupes raciaux dans l'acception

 14   la plus simple du terme, c'est-à-dire, un groupe qui s'oppose à l'autre

 15   groupe. Les membres d'un groupe qui s'oppose au membre de l'autre groupe,

 16   parce que simplement ces personnes appartiennent à l'autre groupe. Ce n'est

 17   pas -- nous n'avons parlé que de l'existence d'opposition et rien de plus.

 18   Mon quatrième argument Mesdames Messieurs les Juges, c'est que l'Accusation

 19   a argué qu'il y avait eu des dommages, que dans le cadre des dommages

 20   collatéraux aucune distinction ne pouvait être faite entre les êtres

 21   humains et les bâtiments. Mais la Chambre d'appel doit tenir compte de ce

 22   dont la Chambre de première instance n'a pas tenu compte, à savoir, la

 23   réalité de ce qui s'est passé au cours des combats. Les maisons musulmanes

 24   étaient souvent détruites parce qu'il y avait des gens qui au cours des

 25   combats tiraient à partir de ces maisons. Des éléments de preuve existent


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  1   qui montrent que de telles maisons ont été détruites par la suite, et je

  2   vous invite à regarder très soigneusement les contenus de ces éléments de

  3   preuve pour voir si les destructions ne sont pas liées à des combats, ou

  4   sont liées à des combats. Je vous citerai quelques exemples simplement,

  5   pour vous inviter à cet examen très soigneux.

  6   Donja Veceriska, 48 de combats avant que l'ABiH ne manque de munitions. Il

  7   vous faut vous pencher très soigneusement sur cet aspect des choses parce

  8   que nous ne croyons pas que l'opinion ou les jugements soit très clair, sur

  9   ce point, nous ne croyons pas qu'à la lecture de ces deux textes il

 10   apparaisse clairement que des civils auraient été tués. Ensuite, les

 11   infractions de mise en détention. Ces mises en détention se sont déroulées

 12   pendant qu'avaient lieu des combats très intenses et ce n'est pas

 13   simplement un problème de civil protégé, c'est également une question de

 14   sécurité militaire.

 15   Mon dernier argument, Mesdames, Messieurs les Juges, la programmation de la

 16   sécession. Je renvoie les Juges de la Chambre d'appel aux pages 41 à 48 de

 17   l'annexe de notre mémoire au procès, où nous discutons de façon détaillée

 18   du problème de la sécession, des documents Tudjman, notamment, et de ce qui

 19   en dit quoi, et de ce que M. Kordic a pu dire au sujet de l'existence de la

 20   communauté croate en Bosnie-Herzégovine.

 21   Ayant dit cela Mesdames, Messieurs les Juges, j'en arrive à la conclusion

 22   de mon propos en ajoutant simplement que vous êtes confronté ici à des

 23   événements politiques et militaires qui impliquent des personnes

 24   appartenant à des communautés religieuses ou politiques différentes, et

 25   qu'il faudra appliquer les concepts du droit avec le plus grand soin, la


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  1   plus grande précaution notamment s'agissant de la question de la

  2   persécution.

  3   Je vous remercie, Mesdames, Messieurs les Juges.

  4   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] J'aimerais vous poser une question

  5   à laquelle vous n'avez pas répondu, l'argument de Mme Jarvis, membre de

  6   l'équipe de l'Accusation, selon laquelle les opérations du HVO étaient

  7   dirigées contre les civils musulmans, et les maisons musulmanes.

  8   Conviendriez-vous que ceci a bien été le cas ? Vous pourriez peut-être

  9   consacrer deux minutes à ce sujet en développant un peu votre pensée au

 10   sujet des cibles qui étaient celles de ces attaques. Conviendriez-vous,

 11   comme l'affirme l'Accusation, que la cible des attaques était représentée

 12   par les civils et les biens appartenant aux civils ?

 13   M. SMITH : [interprétation] Non, Monsieur le Président, nous affirmons que,

 14   dans la plupart des situations en cause, les attaques avaient pour cible

 15   des objectifs militaires légitime et nous avons -- nous sommes efforcés de

 16   l'indiquer, de façon détaillée, en disant, village par village, quels

 17   étaient ceux qui constituaient des cibles militaires légitimes à tel ou tel

 18   moment de l'attaque. Un grand nombre de villages, d'ailleurs, n'ont pas du

 19   tout été attaqués.

 20   Deuxièmement, nous affirmons si cela était nécessaire, que les combats

 21   n'étaient pas dirigés contre les civils, ou des bâtiments civils puisqu'il

 22   s'agissait d'engagement militaire -- d'opération militaire. La question qui

 23   se pose dans ces conditions, compte tenu du fait que bien entendu au cours

 24   d'un combat par une armée, il est probable que des dommages collatéraux

 25   existent. La question qui se pose est celle de savoir si ces dommages


Page 443

  1   collatéraux ont été excessifs ou pas ?

  2   Des éléments de preuve indiquent que des civils ont été tués à quel

  3   endroit. C'est cela la question. Est-ce qu'il y a eu davantage de civils

  4   tués, que la nature des combats dans cette région soumise à  des tensions

  5   importantes, n'aurait pu nous laisser prévoir quelles maisons ont été

  6   impliquées ? Vous devez vous poser la question au vu des éléments de preuve

  7   pour savoir s'il est, manifestement, que des maisons ont été détruites par

  8   le feu, ou si elles ont été détruites autrement sans aucun rapport avec les

  9   combats et si cela peut-être attribuer à des soldats du HVO. Vous devez

 10   examiner les pièces à conviction de Novi Travnik pour voir si les

 11   destructions de biens peuvent être imputés à des soldats du HVO. Les pièces

 12   à conviction indiquent quelles sont les propriétés détruites, certaines

 13   en-dehors de la zone des combats.

 14   Vous devez examiner les conclusions de très près, parce qu’il est possible

 15   que des maisons ont parfois été détruites délibérément, mais vous devez

 16   regarder très attentivement et vous poser ces questions, et dans la plupart

 17   des cas il s’agissait de cibles militaires légitimes. Nous pouvons affirmer

 18   qu’il s’agissait de dommages collatéraux acceptables et que ces attaques

 19   étaient des opérations militaires et qu’elles ne visaient pas les civils et

 20   leurs maisons en tant que telles, à l’exception d’Ahmici évidemment.

 21   C’est important.

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. L’audience est

 23   terminée pour ce matin. Nous reprendrons nos travaux à treize heures

 24   quarante-cinq exactement, après la pause. L’audience est levée.

 25  


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14   --- L'audience est suspendue à 12 heures 36.

15   --- L'audience est reprise à 13 heures 51.

16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] On m'a informé du fait que

17   l'Accusation souhaitait répondre à une question qui lui avait été posée ce

18   matin par le Juge Weinberg de Roca.

19   M. FARRELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Schomburg. Si vous me

20   le permettez, j'aimerais répondre à votre question, Madame le Juge Weinberg

21   De Roca. La pièce Z1380.4 a été présentée par Me Sayers comme étant

22   antérieure à ce procès, comme n'ayant pas été versée dans aucun dossier.

23   Après ce procès, elle a été versée dans le procès Blaskic en tant que pièce

24   numéro 5, dans la première requête en application du 115. Vous avez posé

25   une question à propos d'une deuxième pièce, la pièce Z1406.1. De même, Me


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  1   Sayers disait à ce propos, qu'avant le procès Kordic et Cerkez, cette pièce

  2   avait été versée au dossier Blaskic en appel en tant que pièce 14

  3   s'agissant de la première requête en application à l'Article 115. La

  4   troisième pièce à propos de laquelle vous avez posé une question, c'était

  5   la pièce Z610.1. Elle avait été admise en tant que pièce dans l'affaire

  6   Blaskic, en tant que pièce 14, en vertu de la deuxième requête en

  7   application de l'Article 115. Si je me souviens bien, vous avez demandé à

  8   l'Accusation si le colonel Blaskic, à l'époque, avait vérifié le journal de

  9   guerre. Si la Défense me le permet, je peux vous dire qu'au moment de la

 10   déposition du colonel Blaskic, pendant son procès à lui, il a déclaré qu'il

 11   n'avait pas ce journal de guerre en sa possession. Il a parlé des

 12   événements qui se sont produits pendant cette période, d'après ce qu'il en

 13   savait.

 14   Au moment de l'appel Blaskic, ce que nous avons appelé le journal de

 15   guerre, a été présenté par la Défense du colonel Blaskic, puisque c'était

 16   présenté par la Défense comme étant un document authentique. C'est à peu

 17   près tout ce que je peux vous dire pour vous aider, Madame le Juge. Il

 18   s'agissait des questions que vous aviez posées.

 19   Me permettez-vous d'évoquer un autre point, Monsieur le Président ?

 20   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Si c'est en rapport avec M. Kordic.

 21   M. FARRELL : [interprétation] Tout à fait.

 22   Des substituts essayaient de répondre aux questions concernant la signature

 23   au verso du journal de guerre. Il y avait deux blocs signatures. Lorsque

 24   nous avons présenté nos arguments, nous avons compris qu'au moment du

 25   procès, le conseil de M. Kordic n'avait pas soulevé d'objections. Nous


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  1   voulons être équitable et j'ai discuté avec les conseils de M. Kordic, ils

  2   ont opposé une objection générique pour ce qui est de l'authenticité, ce

  3   qui veut dire qu'ils s'opposaient à celle-ci aussi. Il n'y a qu'une autre

  4   chose que je voudrais dire. Nous n'avons pas pu établir s'il y avait une

  5   objection précise au moment du procès s'agissant de ces deux signatures.

  6   Nous ne pouvons pas en parler parce que nous n'avons pas trouvé

  7   d'objections à ce propos. Mes confrères ont dit que, d'après leurs

  8   souvenirs, ils s'étaient opposés à cela, et je leur ai demandé d'essayer de

  9   trouver le passage pertinent du compte rendu d'audience s'il le trouvait.

 10   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie de ces précisions.

 11   Ceci met fin au débat s'agissant de l'appel interjeté par M. Kordic,

 12   puisque nous devons nous saisir de la question de la responsabilité pénale

 13   individuelle. Il nous faudra maintenant, de façon unique et exclusive, nous

 14   pencher sur l'appel interjeté par

 15   M. Cerkez. Ceci ne fait aucun doute, nous savons pertinemment qu'il faudra

 16   prévoir un temps supplémentaire à votre égard. Voici ce que je vous propose

 17   : si vous avez besoin de toute cette période de temps, nous pourrions

 18   poursuivre jusqu'à 15 heures 15, et de 15 heures 30 à 17 heures. Nous

 19   allons voir s'il nous est possible de terminer au cours de cette période de

 20   temps. Vous avez la parole, Maître Kovacic.

 21   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 22   J'espère, pour ma part, que dans le délais imparti nous allons réussir à

 23   exposer ce que nous avons envisagé d'exposer.

 24   En réalité, nous nous sommes efforcés, pour ce qui est de l'exposé en

 25   question, de nous organiser dans un cadre temporel de trois heures. C'est


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  1   ce qui a été prévu en matière de calendrier prévu pour ces audiences. Cela

  2   nous est égal que de commencer à moins quart ou à 14 heures précises.

  3   Tout d'abord, je voudrais, en guise d'introduction, mentionner plusieurs

  4   éléments du point de vue de l'historique de ce procès, parce qu'il me

  5   semble que cet historique est en train d'accompagner l'affaire avec un

  6   signe négatif dès le départ.

  7   L'acte d'accusation, à l'origine, a été approuvé en 1995, et cet acte

  8   d'accusation rapportait sur ces personnes : Kordic, Blaskic, Cerkez,

  9   Santic, Skopljak, et Aleksovski. Avant les débats, le bureau du Procureur a

 10   renoncé à l'acte d'accusation à l'encontre de Santic et Skopljak. Par la

 11   suite, les affaires contre Blaskic et Aleksovski ont fait l'objet d'affaire

 12   distincte.

 13   Ainsi, au côté de l'acte d'accusation dans l'affaire Kupreskic, il a été

 14   créé, devant ce tribunal, quatre affaires qui se trouvent toutes liées à la

 15   vallée de la Lasva. Cerkez a appris bien plus tard, il y avait un acte

 16   d'accusation à son encontre. Il s'est préparé dans une certaine mesure pour

 17   sa défense. Il a estimé qu'il n'y avait aucunement besoin de se dissimuler,

 18   et s'est présenté de son plein gré à ce tribunal. Cela s'est passé en 1997,

 19   le 5 octobre notamment, et c'est depuis cette date-là qu'il est en

 20   détention.

 21   A l'occasion de sa comparution initiale en octobre 1997, Cerkez a déclaré

 22   qu'il ne se sentait pas coupable, donc il a plaidé non coupable. L'acte

 23   d'accusation amendé a mis des charges; 22 chefs d'accusations à l'encontre

 24   de Cerkez. Il a été déclaré coupable pour ce qui est de 15 chefs, et pour

 25   les 7 autres il a été acquitté.


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  1   Afin que les choses soient plus claires, j'ai ici un tableau qui permettra

  2   de prendre connaissance de l'ensemble pour ce qui est des sites et des

  3   périodes relatives à l'acte d'accusation. Il m'arrivera par la suite de me

  4   référer au tableau que je présente.

  5   L'acte d'accusation montre que sur ce tableau, le cadre temporel de l'acte

  6   d'accusation afférant à Cerkez court du 1 avril 1992 jusqu'au 30 septembre

  7   1993. L'important c'est de dire que les chefs d'accusation se trouvent

  8   concentrés uniquement sur le mois d'avril 1993.

  9   Le cadre géographique pour ce qui est de l'acte d'accusation, et compte

 10   tenu des descriptifs qui sont fournis, ont voit que Cerkez est accusé des

 11   délits au pénales qui sont commis au niveau de municipalité, non pas de

 12   villes mais de municipalités, ce qui est plus grand que les villes; de Novi

 13   Travnik, Busovaca, et Vitez.

 14   Il découle de cet acte d'accusation que Cerkez a été accusé et condamné

 15   compte tenu des constatations, non seulement dans les dispositifs du

 16   prononcé de peine, on voit que Cerkez est condamné pour ce qui est des

 17   évènements notamment dans la municipalité de Vitez. Je vais être même plus

 18   précis : sur le territoire de trois sites qui font partie de la

 19   municipalité en question. On est parti d'un cadre géographique très vaste,

 20   et on a fini par voir que Cerkez a été condamné pour des actes perpétrés

 21   sur trois sites au niveau de cette municipalité; dans le secteur de la

 22   ville où il a résidé et où il s'est trouvé lorsque cette guerre a éclaté.

 23   Les déterminantes suivantes pour ce qui est de l'acte d'accusation parlent

 24   du crime perpétré dans le village d'Ahmici, qui a été commis en 1994, le 16

 25   avril. Pour ce qui est du détail, nous dirons que Cerkez a été acquitté


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  1   pour ce qui est des charges concernant l'incident à Ahmici. Ensuite, il a

  2   été acquitté indépendamment du fait que d'autres villages ont été

  3   mentionnés dans ce secteur à proximité d'Ahmici, à savoir Nadioci, Santici,

  4   et cetera.

  5   Je dirais que dans le courant de ce long procès, il a été convenu de sous-

  6   entendre par "Ahmici" les quatre sites que j'ai cités, à savoir, Ahmici,

  7   Nadioci, Pirici, et Santici, pendant le procès cela a été considéré comme

  8   étant un seul et même site. Je crois que l'approche a été la seule réaliste

  9   possible. Je pense que le bureau du Procureur, dans la définition de son

 10   acte d'accusation, a procédé à cette distinction sans qu'il y ait besoin de

 11   faire, parce que le site est le même, le territoire est le même.

 12   Je voudrais vous rappeler que Cerkez a été condamné pour les chefs de

 13   persécutions en application de l'Article 7(1), en sa qualité de co-auteur,

 14   et il a été condamné pour les autres actes dont il a été déclaré coupable,

 15   à savoir, 3 à 44, et il a été déclaré coupable partant en application des

 16   Articles 7(1) et 7(3). Nous en parlerons plus tard, parce que nous estimons

 17   que l'acte d'accusation double en application de l'Article 7(1) et 7(3),

 18   est certainement une chose que l'on peut faire; mais la condamnation à

 19   double titre partant du 7(1) et 7(3) ne fait pas partie de la pratique de

 20   ce Tribunal, pratique qui s'est créée depuis la prononcé de la sentence, et

 21   c'est là une chose qui ne serait être faite.

 22   Je voudrais, d'ores et déjà, constater pour les besoins du compte rendu

 23   d'audience, qu'entre autres, Cerkez a été condamné en application des

 24   dispositions du chef 35 et du chef 44. Dans le courant de l'appel, le

 25   bureau du Procureur a explicitement été d'accord pour dire qu'il


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  1   s'agissait-là d'erreurs dans le prononcé de la peine. En d'autres termes,

  2   je pense que le Procureur a été d'accord pour dire que ces chefs ne

  3   devraient pas faire l'objet de nos débats.

  4   Du point de vue de ce chef 44, à savoir, destruction des édifices

  5   religieux, dans sa mémoire, l'accusation au paragraphe 10.67 a dit qu'elle

  6   était d'accord pour affirmer que la Chambre de première instance a erré, et

  7   que Cerkez devait être acquitté parce qu'il n'y avait aucune preuve pour

  8   abonder dans le sens de l'allégation en termes desquels il aurait participé

  9   à la destruction d'une mosquée. On explique également les raisons pour

 10   lesquelles cela a été fait. Je crois que l'Accusation se chargera

 11   d'expliquer.

 12   Pour ce qui est du chef 35, l'Accusation a renoncé, en présentant des

 13   écritures en date du 14 mai, il y a quelques jours de cela. Dans mon exposé

 14   à venir, je me propose de ne pas revenir sur ces points. Je puis toutefois

 15   le faire si besoin était. Je serais disposé à le faire si on me le demande.

 16   Je voudrais vous rappeler que la phase préalable au procès a duré 18 mois,

 17   et la Chambre s'est penchée sur quelque 60 mémoires et écritures variées.

 18   Les trois parties ont été très actives pendant cette phase-là et, entre

 19   autres, la Défense a présenté une requête,  aux fins de faire apporter des

 20   précisions à l'acte d'accusation, et cette demande a été rejetée. Elle a

 21   été faite le 22 janvier 1999. Il en a été de même pour d'autres requêtes de

 22   cette nature dans toutes les affaires.

 23   Le bureau du Procureur, aujourd'hui, ou hier tard dans la soirée, nous a

 24   dit que l'acte d'accusation a été précisé à titre complémentaire moyennant

 25   présentation de deux documents. Il y a leur mémoire préalable, et le


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  1   deuxième document, c'était l'addendum, numéro 1 accompagnant, soit ce

  2   mémoire, soit l'acte d'accusation; je ne me souviens plus exactement.

  3   Toujours est-il que l'acte d'accusation a été plutôt vague. Nous en

  4   parlerons plus tard. Cet acte d'accusation définitivement a été trop ample.

  5   Il n'a pas été suivi d'explications, de précisions suffisantes à

  6   l'intention des accusés.

  7   C'est ce qui nous a amenés à voir la Défense se défendre à l'encontre de

  8   certains chefs pour lesquels elle n'était pas du tout certaine d'avoir

  9   besoin d'organiser sa défense de ce point de vue là et elle n'a jamais été

 10   certaine de la substance de l'acte d'accusation. Ce sont là des éléments

 11   qui se trouvent derrière nous et je les mentionnais parce que j'estime que

 12   la Chambre devrait pouvoir en tenir compte.

 13   Les débats ont duré 240 jours ouvrables d'audience. Il a été entendu 242

 14   Témoins pour les trois parties en présence. Il y avait également deux

 15   Témoins de la Chambre. Il a été pris en considération des comptes rendus

 16   d'audience d'autres affaires, notamment Blaskic et Kupreskic, quelques 30

 17   comptes rendus d'audience. Il y a eu, en sus, 49 déclarations sous serment,

 18   chose qui pouvait se faire en vertu des dispositions de l'époque et qui

 19   n'est plus le cas de nos jours; cela a été modifié entre-temps. Il y a eu

 20   présentation de 4 665 pièces à conviction et versement au dossier en bout

 21   de compte de quelques 29 000 pages.

 22   Après le prononcé des peines, il a été communiqué d'autres documents en

 23   vertu de l'Article 68. Jusqu'à il y a quelques jours, le bureau du

 24   Procureur nous a communiqué plus de 70 000 pages de documents nouveaux. Il

 25   convient de tenir compte du fait que ces documents nouveaux nous ont été


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  1   communiqués en vertu des dispositions de l'Article 68. Cela provenait, en

  2   majeure partie, des archives militaires de la Bosnie-Herzégovine. L'accès à

  3   ces archives a été demandé par la Défense dans le courant de la procédure

  4   en première instance, et la Chambre a répondu par l'affirmatif en donnant

  5   deux ordonnances, le 27 janvier et le 6 juillet 2000, enjoignant le

  6   gouvernement de la Bosnie-Herzégovine et la Fédération de la Bosnie-

  7   Herzégovine de communiquer à la Défense les documents que celle-ci

  8   demandait. Cela n'a donné rien de palpable en dépit des promesses formulées

  9   par les représentants de la Bosnie-Herzégovine, voir de la Fédération de

 10   Bosnie-Herzégovine, ici même à ce Tribunal. Ils ont notamment promis qu'ils

 11   allaient fournir ces documents. La Défense s'est vue remettre, en tout et

 12   pour tout, 27 documents. Je dois vous dire que c'étaient des éléments de

 13   preuve qui n'avaient aucune valeur. Je crois que pas une seule des Défenses

 14   n'a utilisé ces documents parce qu'ils ne se sont rapportés ni à la période

 15   ni aux sites dont il a été question ici.

 16   Ces archives, une fois les peines prononcées, ont été communiquées, comme

 17   nous avons été informés partant d'un aperçu concerté. Je ne pense pas avoir

 18   quelque utilité à le dire, mais je vais le dire, et j'estime que c'est une

 19   épisode plutôt étrange étant donné que le bureau du Procureur a bénéficié

 20   d'une pleine coopération de la part des services concernés de Bosnie-

 21   Herzégovine et, notamment, des instances militaires, lors des enquêtes y

 22   compris la conduite des enquêtes à l'égard de la vallée de la Lasva, sans

 23   pour autant se demander, à quelque moment que ce soit, de savoir où sont

 24   les archives, jusqu'au prononcé des sentences. Il y a autre chose à dire :

 25   Le bureau du Procureur s'est vu accorder l'accès à ces archives en octobre


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  1   2000 alors que nous avions encore des débats en cours et nous n'en avons

  2   pas été informés du tout.

  3   Nous y reviendrons un peu plus tard, lorsque nous parlerons des violations

  4   et des enfreintes [phon] aux dispositions régissant la bonne conduite d'un

  5   procès équitable. Bien entendu, la Défense a demandé le versement au

  6   dossier de certains documents en application de l'Article 115. La Chambre a

  7   rejeté cela en application de dispositions qui ont été mises en place

  8   entre-temps dans ce Tribunal.

  9   Pour ce qui est des fondements de l'appel. Je tiens à vous préciser que la

 10   Défense de Cerkez a défini tous ces motifs d'appel dans ses écritures du 9

 11   mars 2002. L'appel a été interjeté et accompagné d'écritures en date du 9

 12   août 2001. Le Juge Hunt nous a demandé, en mars 2002, de présenter notre

 13   systématisation, et nous l'avons fait. Mon collègue, Mikulicic et moi-même,

 14   nous nous proposons, dans la suite de ce qui va se passer ici, de parler de

 15   cinq motifs d'appel.

 16   Le premier dira que la Chambre a erré pour ce qui est de l'application des

 17   dispositions des conventions de Genève 1949, et cela concerne deux articles

 18   du statut; pour ce qui est de l'existence d'un conflit armé international,

 19   c'est mon collègue Mikulicic qui parlera de cela. Nous allons parler de la

 20   responsabilité pénale individuelle en application des Articles 7(1) et

 21   7(3). Le troisième motif sera le fait que l'accusé n'a pas bénéficié d'un

 22   procès équitable. Nous estimons, en effet, qu'il y a eu violation des

 23   droits fondamentaux garantis par les Articles 20 et 21 du statut et

 24   l'Article 89 du règlement de procédure.

 25   Un autre motif d'appel dit que les constations des faits évoquées par la


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  1   Chambre de première instance ne sont pas faites au-delà de tout doute

  2   raisonnable.

  3   Le cinquième motif est le prononcé de la sentence en tant que tel.

  4   Je vais procéder peut-être à une inversion dans l'ordre, ce qui fait que

  5   mon collègue Mikulicic va probablement parler au début du premier motif

  6   d'appel, à savoir de l'existence d'un conflit armé international. Pour ce

  7   qui est de la responsabilité pénale individuelle en application des

  8   Articles 7(1) et 7(3), nous allons en parler plus brièvement parce que nous

  9   y reviendrons pour ce qui est du motif du prononcé de sentence. Mon

 10   confrère Mikulicic va parler du motif trois, enfreintes à la réglementation

 11   régissant la conduite du procès. Nous allons parler des critères du doute

 12   raisonnable et du prononcé de peine.

 13   Si vous nous le permettez, nous nous proposerions de nous relayer et à

 14   cette fin, je vais demander à mon confrère Mikulicic d'aborder le premier

 15   motif d'appel.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci, Monsieur Kovacic.

 17   Monsieur Mikulicic, à vous.

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges, c'est

 19   ainsi qu'à Rome, dans l'antiquité, il a été parlé des parties en présence.

 20   On leur disait : "Présentez-nous les faits et vous allez obtenir justice

 21   parce que le tribunal s'y connaît en matière de justice." Ce proverbe latin

 22   a été l'un des premiers que j'ai appris en ma qualité d'étudiant en droit,

 23   en droit romain. Mon professeur m'a dit qu'il n'est pas le devoir des

 24   parties en présence d'enseigner à la Chambre, à la cour, comment la loi

 25   doit être appliquée parce que cela est inapproprié. Il est nécessaire pour


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  1   les parties de présenter à la cour, au tribunal, la situation des faits.

  2   Devant ce Tribunal, j'ai le devoir incommode de présenter, à la Chambre,

  3   notre interprétation à nous du droit, interprétation que nous nous

  4   attendons de voir la Chambre mettre en œuvre dans la procédure à venir.

  5   C'est la raison pour laquelle je m'excuse d'avance si je tombe dans le

  6   piège de l'inutile. Ce Tribunal ad hoc a été créé par une décision du

  7   conseil de Sécurité des Nations Unies et, suite à un rapport présenté par

  8   le secrétaire général du 3 mai 1993.

  9   Il a été précisé les compétences du présent Tribunal, ratione   materiae,

 10   et ceci suivant des modalités, disant que le Tribunal se doit d'appliquer

 11   dans son fonctionnement les règles du droit humanitaire international,

 12   règles qui au-delà de tout doute possible font partie du droit coutumier.

 13   Permettez-moi de citer une partie du rapport du secrétaire général. Je me

 14   propose de le faire de façon à éviter toute possibilité d'avoir des

 15   imprécisions dans la traduction. A l'Article 1(A) 34 de ce rapport, il est

 16   dit ce qui suit : "De l'avis du secrétaire général, la mise en œuvre du

 17   principe nullum crimen sine lege requiert de la part du Tribunal

 18   international l'application de la réglementation régissant le droit

 19   humanitaire international qui au-delà de tout doute possible fera partie du

 20   droit coutumier."

 21   Le paragraphe suivant enchaîne avec une autre citation qui explique quel

 22   est ce droit international coutumier. Je cite : "La partie concernant le

 23   droit humanitaire international conventionnel qui, sans aucun doute, est

 24   devenue partie intégrante du droit coutumier international, constitue loi

 25   applicable au conflit armé tel qu'indiqué dans les conventions de Genève


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  1   datant du 12 août 1949 et portant sur la protection des victimes de la

  2   guerre. Les conventions de La Haye au numéro 4, concernant les lois et

  3   coutumes de la guerre, la guerre sur terre et les réglementations

  4   conjointes datant du 18 octobre 1907. La convention portant prévention et

  5   sanctionnant du crime de génocide, datée du 9 décembre 1948 et la charte

  6   portant tribunal militaire international et datant du 8 août 1945."

  7   Par conséquent, suivant la façon dont la Défense le comprend, ceci

  8   constitue des sources du droit humanitaire international et des fondements

  9   pour ce qui est de la mise en place de ce Tribunal international.

 10   S'il n'y a pas nullum crimen sine lege, cela nous fait dire qu'à l'époque

 11   de la perpétration des délits dont il est question ici, cela faisait partie

 12   du droit pénal international. Du point de vue de bon nombre de cours ad

 13   hoc, telles que ce Tribunal, ils n'ont pas le mandat de créer des

 14   précédents du point de vue du droit international parce qu'ils sont limités

 15   dans leurs activités par la finalité de l'établissement de ces tribunaux du

 16   point de vue de la volonté qui avait été celle de ses créateurs.

 17   Dans ce cas concret, la question afférente à l'interprétation de l'Article

 18   2 du statut du Tribunal et à cet effet, le prononcé de la sentence à

 19   l'encontre de notre client, pour ce qui est des chefs 15, 19, 30, 31, 33 et

 20   35, du prononcé de sentence.

 21   Partant de la jurisprudence de ce Tribunal et notamment partant de ce qui

 22   figure dans le jugement Nalitilic, l'application de l'Article 2 des statuts

 23   requiert quatre préalables. Tout d'abord, il faut qu'il s'agisse d'un

 24   conflit armé; deuxièmement, il faut qu'il y ait corrélation entre le

 25   conflit et les crimes allégués; troisièmement, il faut que le conflit armé


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  1   ait un caractère de conflit armé international et quatrièmement, les

  2   personnes, à savoir les biens qui font l'objet de violations graves doivent

  3   être définis en tant que biens ou personnes placés sous une protection.

  4   Ces préalables que nous connaissons bien sont des conditions ou  des

  5   préalables cumulatifs et non pas alternatifs. Je crois que l'application de

  6   l'Article 2 des statuts n'est pas contestée pour ce qui est du contexte du

  7   conflit armé international. Toutefois, ce que la Défense trouve

  8   contestable, c'est le choix des critères pour la définition du caractère de

  9   ce conflit armé qui est survenu sur le territoire de la vallée de la Lasva

 10   dans le courant de 1993. Pour ce qui est, notamment, de l'application

 11   adéquate de ce qui a, à l'époque, constitué sans aucun doute le droit

 12   coutumier international.

 13   Il en a déjà été question dans l'intervention de mon éminent confrère, Me

 14   Sayers. Je me vais d'enchaîner dans le même sens, et s'il y a duplication

 15   de certains dires, je m'en excuse par avance.

 16   La Défense de M. Cerkez, contrairement à la position de droit qui a été

 17   celle de la Chambre de première instance, qui a estimé que ce conflit armé

 18   était un conflit armé international, or, la Défense estime que ce conflit

 19   devait être considéré comme étant un conflit interne. C'est la raison pour

 20   laquelle la Chambre de première instance n'était pas censée mettre en

 21   application de l'Article 2 des statuts et déclarer notre client coupable en

 22   application de ces dispositions.

 23   Pour ce qui est du caractère des conflits armés du point de vue du droit et

 24   du point de vue des faits, posent question.

 25   Notamment, lorsque nous parlons des territoires respectifs de l'état


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  1   internationalement reconnu de ce de Bosnie-Herzégovine, il n'est pas

  2   contesté que le fait que sur le territoire de cet état-là, il y a eu bon

  3   nombre de conflits locaux entre participants variés. J'entends par là des

  4   groupes ethniques différents dans des variantes multiples. J'y reviendrais,

  5   mais cela à varier d'une région à l'autre, et cela a varié pratiquement

  6   d'un village à l'autre. Des historiens contemporains décrivent la Bosnie-

  7   Herzégovine de l'époque en tant qu'état aux cent guerres.

  8   Chacune de ces guerres était particulière et différente des autres. La

  9   position de la Défense de M. Cerkez est qu'en prenant la décision

 10   concernant la caractérisation du conflit, il est nécessaire de tenir des

 11   comptes des conditions spécifiques qui prévalaient à l'époque dans une

 12   région donnée.

 13   Je vais rappeler la Chambre d'appel des combinaisons différentes liées aux

 14   guerres en Bosnie-Herzégovine. Tout d'abord, il y avait le conflit entre,

 15   d'un côté, l'ancienne armée populaire yougoslave avec les milices serbes

 16   d'un côté, et de l'autre côté les Croates et les Musulmans de Bosnie. Entre

 17   ces trois groupes ethniques, les Serbes, les Croates et les Musulmans, dans

 18   des parties différentes de la Bosnie, il y a eu des conflits différents

 19   dans des combinaisons différentes. Parfois, les Serbes et les Croates

 20   étaient des alliés à l'encontre des Musulmans. Parfois, les Musulmans et

 21   les Serbes étaient alliés contre les Croates et, parfois, afin d'augmenter

 22   l'absurdité, les Musulmans de Bosnie se faisaient une guerre entre eux-

 23   mêmes sur le territoire de ce même état international non reconnu.

 24   Je vais rappeler à cette Chambre d'appel, la pièce à conviction

 25   D34/2. Il s'agit là d'un rapport rédigé pour le conseil de Sécurité cinq


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  1   jours après le crime qui a eu lieu à Ahmici, et soumis par

  2   M. Sacirbey, qui était à l'époque le représentant de la Bosnie-Herzégovine

  3   aux Nations Unies. Dans cette lettre, il a qualifié le conflit dans la

  4   vallée de la Lasva, de conflit au sein duquel -- et là je fais une

  5   paraphrase -- les seigneurs locaux se sont affrontés dans le cadre de ce

  6   conflit pour des questions liées à la distribution des vivres et des armes.

  7   Il n'est pas possible de parler de la Bosnie-Herzégovine de l'époque en

  8   tant qu'un état unité ayant les attributions de l'unité normale pour un

  9   état fonctionnement normalement à l'époque, ce qui était typique dans la

 10   vallée de la Lasva, à l'époque. Par exemple, il n'était pas conforme à la

 11   situation qui régnait, par exemple, à Srebrenica ou à Sarajevo et en

 12   Herceg-Bosna. C'est la raison pour laquelle nous demandons à cette éminente

 13   Chambre d'appel de tenir compte de tous les points spécifiques de la

 14   réalité de l'époque. Je pense que, pour ce faire, un certain nombre de

 15   précédents établis dans le cadre d'autres affaires afférentes aux

 16   situations complètement différentes par rapport à l'affaire précédente ne

 17   seront pas d'une grande humilité.

 18   Cela dit, la Défense de Cerkez considère que la Chambre de

 19   première instance a erré lorsqu'elle a défini ce conflit comme conflit armé

 20   international, conflit qui a commencé à la mi-avril 1993 dans la zone de

 21   Vitez aux alentours entre les membres de l'ABiH et les membres du HVO. La

 22   Défense est d'accord avec la contestation de la Chambre de première

 23   instance, au paragraphe 31 du jugement, disant que, dans la région, il n'y

 24   avait pas du tout de conflit armé avant le mois d'avril 1993.

 25   Il n'est pas contesté qu'il n'y ait pas de présence des unités régulières


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  1   de l'armée de la République de Croatie. Cette position a été acceptée par

  2   la Chambre de première instance. Cependant au paragraphe 108 du jugement,

  3   la Chambre de première instance a considéré que, dans les régions

  4   avoisinantes, par exemple, Gornji Vakuf et Prozor, des parties des unités

  5   de l'armée croate ont été observées; l'armée de la République de Croatie.

  6   Selon la Chambre de première instance, cette circonstance a une importance

  7   cruciale pour juger du caractère du conflit armé.

  8   Ceci est expliqué par le fait que la présence même de l'armée de Croatie

  9   dans les zones avoisinantes avait une importance stratégique. De telles

 10   constations et les conclusions juridiques ne sont pas conformes à la

 11   situation réelle, car, tout d'abord, les unités de l'armée croate étaient

 12   situées dans une zone qui n'a pas de lien physique avec la zone de Vitez,

 13   dans laquelle se trouvait notre client, M. Cerkez. Qui plus est, entre la

 14   région de la vallée de la Lasva et celle de Gornji Vakuf ou de Prozor se

 15   trouve une montagne impraticable de Kuber, qui constitue un obstacle

 16   physique insurmontable, obstacle à toutes communications ? Il suffit de se

 17   pencher sur une carte géographique pour comprendre cela et sur de nombreux

 18   documents qui ont été versés au dossier.

 19   Deuxièmement, les unités de l'armée de Croatie, qui se sont retrouvées dans

 20   la région de Prozor et de Gornji Vakuf à la mi-année 1993, sont venues en

 21   aide à l'armée de Bosnie-Herzégovine dans leur défense contre les attaques

 22   de la part des Unités de l'ancienne JNA et des milices serbes. Ce soutien

 23   de l'armée croate se fondait sur l'accord entre Tudjman et Izetbegovic en

 24   date du 21 juillet 1992, et dans ce contexte, je souhaite attirer votre

 25   attention sur la pièce à conviction D98/1.


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  1   La Chambre de première instance a également erroné dans la définition de

  2   deux éléments clé qui sont importants pour établir le caractère d'un

  3   conflit armé. Tout d'abord, le critère du contrôle général, et là je fais

  4   référence au paragraphe 111 du jugement. Deuxièmement, la définition des

  5   personnes protégées conformément à la convention de Genève, et là je fais

  6   référence aux paragraphes 147 à 160 du jugement.

  7   Tout d'abord, s'agissant du contrôle global, ce critère est employé afin de

  8   déterminer le caractère d'un conflit armé. Ceci, pour la première fois,

  9   était utilisé devant ce Tribunal dans le jugement en appel Tadic, le 15

 10   juillet 1999. Jusqu'à ce moment-là, dans le cadre du droit international

 11   coutumier, un autre critère était toujours employé : le critère du contrôle

 12   effectif, comme, par exemple, c'était le cas dans l'affaire très connue de

 13   Nicaragua en date de l'année 1986.

 14   Il est évident que le critère émanant du jugement en appel Tadic représente

 15   une application de la loi après la perpétration du délit, et compte tenu du

 16   fait que ceci porte atteinte aux droits de l'accusé, car il n'est pas du

 17   tout contesté que le critère du contrôle effectif est beaucoup plus vaste

 18   par rapport aux critères préalablement mentionnés, a pour résultat de

 19   violer le principe de la légalité qui est, encore une fois, de manière

 20   incontestable, l'un des éléments clé du droit international coutumier. Ceci

 21   est [imperceptible] d'ailleurs, dans le cadre du statut de Rome, de la Cour

 22   pénale internationale, et constitue l'un des piliers de tout procès

 23   équitable.

 24   C'est pour cela que la Défense considère que, quel que soit la pratique

 25   judiciaire devant ce Tribunal, il ne faudrait pas appliquer une nouvelle


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  1   définition de certaines situations juridiques alors qu'au moment des faits,

  2   la définition qui prévalait différait de celle qui était adoptée par la

  3   suite.

  4   En appliquant un tel critère, la Chambre de première instance a, en effet,

  5   violé le droit de l'accusé en employant un nouveau critère juridique et en

  6   redéfinissant un élément important permettant d'appliquer l'Article 2 du

  7   statut de ce Tribunal.

  8   Maintenant, je souhaite ajouter quelques mots concernant un autre point

  9   très important également concernant la définition des personnes protégées,

 10   et la manière dont ceci a été défini dans le jugement qui fait l'objet de

 11   nos débats aujourd'hui. Le statut de la personne protégée est une condition

 12   sine qua non pour caractériser ce délit pénal conformément à l'Article 2 du

 13   statut de ce Tribunal. La question de la personne protégée est décrite dans

 14   l'Article 4 de la convention de Genève où il est écrit que, pour définir

 15   cette catégorie de personne, il est essentiel de savoir qu'il s'agit de

 16   personnes dont l'appartenance ethnique est différente par rapport aux

 17   personnes qui exercent le contrôle sur eux. Dans le cas concret, il ne fait

 18   aucun doute que les victimes, dans l'affaire en cours devant ce Tribunal,

 19   étaient des Musulmans de Bosnie, et que les personnes accusées sont des

 20   Croates de Bosnie. Il est incontestable également que ces deux groupes

 21   représentent les groupes de citoyens de la République de Bosnie-

 22   Herzégovine. Par conséquent, dans le cas concret, selon la position de la

 23   Défense de M. Cerkez, il n'est pas du tout possible de parler de la

 24   définition des personnes protégées conformément à la manière dont ceci est

 25   énoncé dans l'Article 4 de la convention de Genève, s'agissant de cette


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  1   catégorie de personnes.

  2   Dans ce sens, dans le paragraphe 152 du jugement, il est question du fait

  3   que la notion de personnes protégées doit être interprétée de manière

  4   théologique. Je dois dire que je ne comprends pas tout à fait. Comment est-

  5   il possible d'interpréter une norme juridique tout à fait claire de manière

  6   différente par rapport à la lettre de la définition même de cette même

  7   norme ? La notion des personnes protégées définie dans le cadre de la

  8   convention de Genève de 1949 n'a pas subi de modification. Il n'est pas

  9   possible que, pour les besoins de tel ou tel procès, ou dans le cadre de

 10   telle et telle situation, une norme bien stricte reçoive une interprétation

 11   différente et soit formulée de manière différente par rapport au texte

 12   original. Or, ce texte original représente, de manière incontestable, la

 13   source du droit international humanitaire en tant que, ratione materiae, de

 14   ce Tribunal.

 15   Qu'a fait la Chambre de première instance d'après la position de la Défense

 16   de M. Cerkez ? La Chambre de première instance s'est donnée le droit de

 17   redéfinir et de réinterpréter le texte incontestable de l'Article 4 de la

 18   convention de Genève et de créer ainsi une nouvelle norme juridique qui,

 19   premièrement, sans aucun doute, ne fait pas partie du droit international

 20   coutumier, incontestable. C'est la notion couverte dans le rapport du

 21   secrétaire général de 1993. Deuxièmement, cette nouvelle norme juridique,

 22   cette convention de Genève redéfinie, est entrée en vigueur dans la

 23   pratique judiciaire de ce Tribunal après que les actes criminels ont été

 24   commis. Troisièmement, ceci porte atteinte aux droits de l'accusé.

 25   Pour toutes ces raisons, la Défense conclut qu'il ne convient vraiment pas


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  1   d'interpréter de manière téléologique la convention de Genève de 1949, mais

  2   que cet article doit seulement être interprété conformément à sa

  3   formulation originale. Je souhaite par ailleurs vous rappeler que toutes

  4   analogies dans ce genre de situations, dans des procédures pénales,

  5   constituent quelque chose que tout juge et toute Chambre devrait éviter à

  6   tout prix.

  7   La Défense considère, par conséquent, que la Chambre de première instance

  8   aurait dû appliquer la norme juridique incontestable pour déterminer que,

  9   pendant la période de l'acte d'accusation, dans la région en question, il

 10   n'y a pas eu de conflit armé international, et que par conséquent, il ne

 11   convenait pas d'appliquer l'Article 2 du statut de ce Tribunal.

 12   Je souhaite ajouter simplement quelques arguments de plus concernant cela.

 13   L'Article 4(2) de la 4e convention de Genève de 1949 dit par la suite

 14   également que les citoyens des parties adverses appartenant à un seul état

 15   n'auront pas le statut de personnes protégées tant que l'état dont ils sont

 16   citoyens maintient les relations normales et diplomatiques avec l'état qui

 17   les contrôlent. Si l'on interprète cela à la lumière de la situation

 18   réelle, dans l'affaire qui nous intéresse, nous pouvons déduire que les

 19   Musulmans de Bosnie, étant citoyens de la Bosnie-Herzégovine, étaient

 20   placés sous le contrôle ou étaient la partie lésée de la part des Croates

 21   de Bosnie qui eux, sont également sont citoyens de l'état de Bosnie-

 22   Herzégovine. Même si l'on supposait que les Croates de Bosnie agissaient en

 23   tant qu'agents dans la République de Croatie, ce que la Défense nie de

 24   manière catégorique, mais même dans un tel cas de figure, conformément à

 25   l'Article 4(2) de la 4e convention de Genève de 1949, il n'est pas possible


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  1   de donner à ces personnes-là le statut de personnes protégées.

  2   Pourquoi ? Parce qu'à partir du moment où le République de Croatie, en tant

  3   que premier état membre des Nations Unies a reconnu l'état de Bosnie-

  4   Herzégovine, jusqu'à aujourd'hui, à aucun moment et d'aucune manière les

  5   relations diplomatiques entre les deux pays n'ont été rompus. Bien au

  6   contraire, ces relations diplomatiques ont fonctionnés, et fonctionnent

  7   encore au niveau des ambassades. La République de Bosnie-Herzégovine avait

  8   sa mission militaire à Zagreb et à Split tout au long du conflit. Toute la

  9   logistique, l'aide humanitaire, l'aide aux personnes blessées, aux

 10   réfugiés, passaient par la République de Croatie. Même ce qui était

 11   interdit de manière explicite dans la résolution du conseil de Sécurité, à

 12   savoir l'acheminement des armes, passait par la Croatie, toutes les armes

 13   pour la Bosnie-Herzégovine traversaient la Croatie.

 14   Là, c'est la question que je souhaite vous poser, Mesdames, Messieurs les

 15   Juges. Quel est l'état qui intervient en tant qu'agresseur dans un autre

 16   état, quel est l'état, qui dans ce même état, acheminerait les armes à ses

 17   ennemis, les vivres à ses ennemis, aiderait sur son propre territoire les

 18   réfugiés et les personnes blessées. Il est vraiment absurde de même parler

 19   de cela.

 20   Je souhaite également attirer votre attention sur une autre disposition des

 21   conventions de Genève, notamment l'Article 2(1) de la convention de Genève

 22   de 1949, où il est possible de lire que les deux parties adverses ne

 23   doivent pas déclarer la guerre l'une à l'autre, pour qu'il soit possible de

 24   parler d'un conflit international armé.  Au moins l'un des belligérants

 25   doit être conscient du fait qu'une telle guerre existe.


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  1   Or, malgré tous nos efforts, il n'est possible de trouver nulle part aucune

  2   déclaration officielle allant de le sens qui nous permettrait de conclure

  3   que la République de Bosnie-Herzégovine, à n'importe quel moment, pendant

  4   que le conflit se déroulait dans la vallée de la Lasva, a fait objection

  5   par rapport à ce conflit, ou l'a caractérisé de conflit armé international.

  6   Pendant toute cette période, des réunions ont eu lieu au plus haut niveau.

  7   Un grand nombre d'accords ont été passés. Je vous rappelle les déclarations

  8   conjointes de M. Tudjman et de M. Izetbegovic du mois de septembre 1993, le

  9   14 septembre 1993, où il est dit que les conflits des unités du HVO et de

 10   l'ABiH étaient des conflits locaux.

 11   Je souhaite ajouter simplement un autre point concernant ce sujet. Il ne

 12   fait aucun doute qu'il y a eu nombre de conflits armés sur tout le

 13   territoire de la Bosnie-Herzégovine. Il ne fait aucun doute que certains de

 14   ces conflits étaient internationaux et certains étaient des conflits

 15   internes; cependant, dans le cas qui nous intéresse concrètement, il

 16   n'existe pas de faits réels qui nous pousseraient à conclure qu'un conflit

 17   international armé existait.

 18   Si la Chambre d'appel souhaite me poser une question concernant ce sujet,

 19   je suis tout à fait prêt à répondre avant d'aborder le deuxième motif

 20   d'appel.

 21   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Le juge Pocar, s'il vous plaît.

 22   Vous avez la parole.

 23   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître, j'aimerais savoir exactement

 24   quelle est votre position s'agissant de certaines conclusions que vous avez

 25   ici présentées. Je pense en particulier au critère qu'il faudrait


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  1   appliquer. Si je vous ai bien saisi vous contestez la légitimité du critère

  2   du contrôle effectif ou global, lequel a été appliqué dans le procès Tadic

  3   ou dans d'autres affaires dont a été saisie la Chambre d'appel, au motif

  4   qu'il est moins rigoureux que le critère du contrôle effectif ou global qui

  5   avait été appliqué par la CIJ à propos du Nicaragua quelques années

  6   auparavant, est-ce que je vous comprends bien, ce critère Nicaragua, adopté

  7   par la CIJ, était-il à vos yeux exact, correct ? Deuxième question. Est-ce

  8   que l'avis rendu par la CIJ, s'agissant du droit international coutumier,

  9   est-ce là un avis définitif quelles que soient les circonstances d'une

 10   affaire, et est-ce qu'il n'est pas possible pour qui que ce soit d'autre

 11   d'évaluer le droit international coutumier ? Est-ce là votre avis ?

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Juge. J'aimerais pouvoir

 13   répondre à votre question de deux façons. Tout d'abord, la Défense estime

 14   que ce critère, dit de contrôle global, a vu le jour après que les crimes

 15   pertinents eussent été commis. Par conséquent, ce critère ne faisait pas

 16   partie du droit international coutumier en 1993. Pour autant qu'il se soit

 17   intégré dans ce corpus du droit international coutumier, il est devenu

 18   intégré après 1993. Ce qui nous met face à un problème : est-ce que la

 19   Chambre va appliquer une norme juridique de facto adoptée après la

 20   commission des crimes ou pas ? A mon avis, une telle norme juridique

 21   pourrait s'appliquer, mais uniquement si elle est plus favorable à

 22   l'accusé. Si cette norme juridique, de l'avis de la Défense, nuit davantage

 23   à l'accusé, lui est plus préjudiciable, elle ne saurait être appliquée, ce

 24   que nous croyons être le cas. Nous pensons que cette norme est moins

 25   favorable parce que le critère du contrôle effectif venant de l'affaire du


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  1   Nicaragua est plus rigoureux. Ce critère exige que des éléments plus

  2   précis, plus rigoureux ne soient réunis que ce n'est le cas dans le critère

  3   Tadic, dans le critère du contrôle effectif ou global.

  4   En synthèse, je vous dirais que si on applique ce critère qui a vu le jour

  5   après la commission des délits, ex post facto delicto delicti à ce moment-

  6   là, la Chambre de première instance a appliqué une norme juridique moins

  7   favorable à l'accusé et donc l'a fait à tort.

  8   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Pour que tout soit clair, ce que vous

  9   faites valoir, c'est que le critère a vu le jour après la commission des

 10   crimes, parce que c'est une évaluation qui avait été réalisée après la

 11   commission des crimes, et ne permet pas que la Chambre en 2000 soit à même

 12   d'évaluer le droit, la loi en 1992, ou en 1991, droit coutumier, à moins

 13   bien sûr, comme je l'avais déjà dit, que de votre avis, le critère de la

 14   CIJ est considéré comme définitif, à moins qu'il ne soit remplacé par un

 15   autre critère. Vous semblez dire que le critère de la CIJ devait être

 16   considéré comme étant définitif, et s'appliquant à tous jusqu'au moment

 17   éventuel où on procède ou une autre instance procède à une nouvelle

 18   évaluation. Comme ce n'est pas le cas, dans l'intervalle cette loi, ce

 19   droit s'appliquait, quelles que soient les circonstances. Est-ce bien

 20   cela ?

 21   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. C'est précisément

 22   l'avis de la Défense de M. Cerkez. Tant que le critère n'est par remplacé

 23   par un nouveau critère, une nouvelle norme elle reste d'application. Cette

 24   nouvelle norme commence à s'appliquer au moment où elle entre en vigueur.

 25   Elle s'applique à tous les crimes et délits commis après son entrée en


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  1   vigueur. C'est l'avis de la Défense.

  2   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je ne veux pas prolonger ce débat outre

  3   mesure, mais ne pensez-vous pas que ce faisant, vous donnez à la CIJ un

  4   pouvoir de codification du droit international, le pouvoir de décider ce

  5   que le droit international de façon générale ? Or, ce n'est pas là une

  6   tâche qui a été confiée à la CIJ, pas même par la charte des Nations Unies.

  7   La charte se contente de dire que la CIJ est un organe judiciaire qui doit

  8   faire l'évaluation, apprécier le droit international coutumier en fonction

  9   des affaires dont elle est saisie mais ne peut pas codifier le droit

 10   d'autres instances au sein du système des Nations Unies, qui auraient,

 11   éventuellement, cette tâche de codification du droit international. Qu'en

 12   pensez-vous ?

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Une fois de plus, je suis tout à fait

 14   d'accord avec vous, Monsieur le Juge. Ces mêmes arguments, que vous venez

 15   de présenter, s'appliquent ici à ce Tribunal pénal international aussi, à

 16   une différence près, la voici. Ce Tribunal a été créé -- établi en fonction

 17   d'un mandat et de compétence strictement défini. C'est un Tribunal ad hoc,

 18   en droit, en théorie juridique on peut se demander si un Tribunal ad hoc a

 19   le droit de créer des précédents, des précédents qui auront une incidence

 20   un effet sur le droit international. Je pense que la Cour internationale de

 21   Justice codifie le droit pénal et le droit international coutumier.

 22   Cependant, les règles qui s'appliquent à la CIJ ne sauraient s'appliquer à

 23   un autre Tribunal pour deux raisons. Tout d'abord parce que ce Tribunal a

 24   été établi après la commission des faits, et deuxièmement parce qu'il

 25   s'agit d'un Tribunal ad hoc qui a une durée de vie limitée. Je suppose que


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  1   nous, juristes et avocats, nous pourrions en discuter longtemps.

  2   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] J'ai maintenant très bien compris votre

  3   position. Je vous remercie.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Permettez-vous, Mesdames et Messieurs les

  5   Juges, de passer maintenant à nos moyens d'appel repris au 3e paragraphe,

  6   je vais le faire rapidement afin de vous présenter nos arguments, à savoir

  7   que notre client a été privé de la possibilité d'un procès équitable parce

  8   que les droits fondamentaux que lui confèrent les articles, Article 20.1 du

  9   statut et l'Article 89, ont été violés.

 10   Quelle est la question qui se pose ici ? La Défense a détecté au moins huit

 11   violations ou infractions qui pourraient être qualifiées de violations a

 12   l'obligation d'un procès équitable. Ceci étant, la Défense n'affirme pas

 13   que chacune de ces infractions ou contraventions est d'une telle

 14   proportion, d'une telle nature qu'elle voudrait et, io ipso, en soi

 15   encourir invalidation des conclusions tirées par la Chambre de première

 16   instance. Cependant, j'aimerais mettre en lumière certaines pratiques qu'on

 17   trouve dans des tribunaux pénaux ordinaires.

 18   Lorsqu'on parle de blessures physiques, les théoriciens du droit ont déjà

 19   fait une distinction entre des blessures légères et des blessures graves.

 20   Il y a une autre catégorie, il y a beaucoup de blessures légères et si on

 21   les prend ensemble, elles recevront la qualification de blessures graves

 22   même si chacune prises individuellement ne seraient pas une blessure grave.

 23   Cependant, si on les conjugue et si on les associe, elles acquièrent une

 24   certaine masse critique et elles peuvent devenir blessures graves. Quelque

 25   chose d'analogue s'est passée au cours de la procédure de mise en état du


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  1   procès ou plus exactement de cet appel. Notre client n'a pas été autorisé à

  2   déposer en son propre nom. Lors de la présentation de ces moyens à charge,

  3   l'Accusation n'a cessé de communiquer de nouveaux éléments de preuve. Mon

  4   confrère, Me Sayers, a longuement évoqué ce point et il l'a fait de façon

  5   fort éloquente. La Chambre de première instance avait pris une décision qui

  6   a fait que la Défense n'a pas eu les moyens nécessaires pour préparer ses

  7   plaidoiries, ni son mémoire de clôture. De surcroît, en dépit de deux

  8   ordonnances aux fins de communication de documents délivrés au gouvernement

  9   de Bosnie-Herzégovine et en dépit des promesses faites par les

 10   représentants de la Bosnie-Herzégovine qui ont dit explicitement qu'ils

 11   étaient en possession de documents susceptibles de s'avérer utiles dans

 12   cette procédure, ces documents n'ont pas été mis à la disposition de la

 13   Défense jusqu'à la fin du procès.

 14   A la fin de ce procès, la Défense était prête à faire témoigner l'accusé

 15   afin qu'il présente à la Chambre de première instance sa version des faits.

 16   Nous sommes convaincus qu'il était la meilleure personne pour le faire car

 17   personne mieux que lui ne sait précisément ce qui s'est passé, comment les

 18   choses se sont passées. La Défense avait pensé que son témoignage serait

 19   précieux pour faire l'éclairage de certains aspects, de certaines

 20   circonstances qui restaient encore dans l'ombre. Sa déposition était prévue

 21   un lundi le 16 octobre 2000, à 9 heures. La Chambre de première instance a,

 22   par voie d'ordonnance, dit à l'Accusation qu'elle devait fournir à la

 23   Défense dans des délais à respecter des documents qui étaient ou que

 24   l'Accusation avait l'intention d'utiliser au cours de son contre-

 25   interrogatoire.


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  1   Qu'est-ce qui s'est passé ?  Ces documents n'ont pas été fournis à la

  2   Défense, n'ont pas été mis à sa disposition, du moins pas avant le vendredi

  3   13, date qui porte un peu malheur sans doute. C'était le "weekend", qui

  4   précédait le jour, où la déposition de notre client devait commencer à 22

  5   heures. La Défense a reçu une pile de documents qui faisaient 40

  6   centimètres de haut et la Défense était censée examiner ces documents avant

  7   le lundi suivant. Il était physiquement impossible pour nous d'examiner

  8   tous ces documents et nous préparer, et nous avons été encore moins à même

  9   de contacter notre client, qui se trouvait dans le Quartier pénitentiaire,

 10   afin de parcourir ces documents avec lui pour entendre ces éventuels

 11   commentaires. Vous savez, tout d'abord, qu'au cours du "weekend", les

 12   avocats ne sont pas autorisés à rendre visite à leurs clients au Quartier

 13   pénitentiaire et de toute façon le temps n'aurait pas été suffisant.

 14   Par conséquent, nous avons été contraints de conseiller à notre client de

 15   renoncer à cette occasion qu'il lui était donné de déposer tout simplement

 16   parce que nous ne savions pas à quoi nous devrions faire face à un stade

 17   ultérieur de la procédure. Nous pensons que, de ce fait, du fait des

 18   agissements de l'Accusation que la Chambre n'a aucunement sanctionnés, du

 19   fait que la Chambre n'est pas revenue sur sa décision, la Défense estime

 20   qu'elle a été extrêmement lésée par le fait même que son client n'a pas été

 21   autorisé à témoigner.

 22   Question, et les choses ont évolué lorsqu'on est arrivé à la présentation

 23   du mémoire de clôture et de nos plaidoiries. Ce procès -- cette affaire

 24   n'est une des affaires les plus complexes dont le Tribunal pénal

 25   international avait jamais eu l'occasion de connaître jusqu'à ce jour. Vous


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  1   savez combien de journées d'audience il y a eues. On vous a rappelé le

  2   nombre de Témoins que nous avons entendus, le nombre de pièces qui ont été

  3   versées au dossier et il est aisé de conclure à l'existence d'un dossier

  4   très complexe. Mon confrère, Me Kovacic, vous a dit que le procès Cerkez au

  5   départ faisait partie d'un acte d'accusation qui a été plus tard scindé en

  6   quatre procès séparés. Lorsque la Défense a interjeté ou a fait appel à la

  7   Chambre de première instance, vu la complexité du dossier où il y avait

  8   sans cesse arrivage de nouveaux documents lorsque nous avons demandé un

  9   temps supplémentaire pour préparer notre mémoire de clôture et nos

 10   plaidoiries, notre demande a été rejetée. Nous avions demandé à bénéficier

 11   du même temps que celui qui avait été donné à d'autres équipes de la

 12   Défense dans d'autres procès concernant la vallée de la Lasva.

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui, oui. Vous étiez sur votre

 14   lancée, vous poursuiviez dans la présentation de vos conclusions mais je

 15   crois que l'heure est venue de faire la pause. Nous allons faire une pause

 16   et nous reprendrons nos travaux jusqu'à 15 heures 35.

 17   --- L'audience est suspendue à 15 heures 18.

 18   --- L'audience est reprise à 15 heures 37.

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Asseyez-vous, s'il vous plaît.

 20   Monsieur Mikulicic, permettez-moi de vous poser une question tout à fait

 21   naturelle et prévisible. Vu les arguments que vous avez présentés à propos

 22   du fait que votre client a été dans l'impossibilité de témoigner. Lorsque

 23   vous avez reçu les documents et que vous avez pu les parcourir, est-ce que

 24   votre client a eu la possibilité de témoigner après les avoir reçus ?

 25    M. MIKULICIC : [interprétation] Merci de me poser la question, Monsieur le


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  1   Président. Lorsque nous avons reçu les documents, et lorsque nous avons

  2   présenté la teneur de ces documents à notre client, il a dit qu'il était

  3   prêt à témoigner, mais qu'il lui fallait plusieurs jours pour se préparer.

  4   Nous avons soumis cette demande à la Chambre de première instance et nous

  5   avons demandé un report de quatre jours pour cette déposition. Franchement,

  6   nous espérions obtenir un délai de deux jours; cependant, notre requête a

  7   été rejetée par la Chambre de première instance qui a dit qu'elle allait

  8   refuser de nous donner quelques jours de plus. La Chambre a motivé sa

  9   décision en invoquant qu'il y avait un calendrier prévu déjà pour le

 10   procès. Si nous avions eu deux ou trois jours de plus pour nous préparer,

 11   nous nous serions préparés et nous aurions limité la déposition de notre

 12   client à juste une journée. Mais, vu les circonstances, ceci n'a pas été

 13   possible. Nous avons dû abandonner l'idée de la déposition de notre client,

 14   ce qui veut dire que nous avons perdu l'occasion qu'aurait pu avoir notre

 15   client de décrire la situation sous un angle qui lui était favorable.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Pourriez-vous nous indiquer où

 17   trouver ce passage dans le compte rendu d'audience en première instance,

 18   pas sur-le-champ nécessairement ? Je ne veux pas vous interrompre dans

 19   votre raisonnement, mais je pense qu'il serait utile d'avoir ces détails

 20   puisque vous avancez cet argument. Mais veuillez poursuivre en présentant

 21   votre deuxième point.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation]  Merci, Monsieur le Président.

 23   Permettez-moi d'utiliser quelques minutes supplémentaires de votre temps,

 24   et je repasserais la parole à Me Kovacic.

 25   Avant la pause, j'avais abordé la question de la préparation de notre


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  1   mémoire de clôture et de nos plaidoiries. Vous connaissez la complexité de

  2   cette affaire. Je vous ai rappelé le fait qu'au départ il y avait un seul

  3   en même acte d'accusation pour Kupreskic et les procès Blaskic et

  4   Aleksovski. Nous avons demandé à la Chambre de première instance,

  5   conformément à la pratique qui existait dans ce Tribunal, de nous donner un

  6   temps supplémentaire pour notre mémoire de clôture et nos plaidoiries.

  7   Puisqu'il s'agit ici d'une affaire extrêmement complexe, le procès ayant

  8   deux ans et demi, et étant donné que c'était un procès au cours duquel nous

  9   avons été constamment inondés de nouveaux documents fournis par

 10   l'Accusation et qu'il nous a fallu, sans cesse, passer en revue ces

 11   nouveaux éléments de preuve, nous pensions que cette demande était

 12   justifiée, d'autant que, dans le procès Blaskic, la Défense avait reçu

 13   quatre semaines pour préparer ses plaidoiries, trois semaines pour le

 14   procès Aleksovski et cinq semaines dans le procès Kupreskic. Ce sont tous

 15   des procès concernant la vallée de la Lasva, tous des procès analogues.

 16   Cependant, notre requête a été déboutée, et nous n'avons eu que trois jours

 17   ouvrables pour nous préparer, ceci après quelques 240 journées d'audience,

 18   quelques 28 000 pages de compte rendu d'audience. De ce fait, nous estimons

 19   que notre client a été lésé. Il n'a pas bénéficié de l'équité -- de

 20   l'égalité des armes. Nous aimerions porter à votre attention une citation

 21   de l'arrêt Aleksovski, paragraphe 24, il y est dit : "Une occasion

 22   raisonnable de présenter ses moyens -- de présenter sa cause."

 23   Dans la même veine, j'aimerais aussi porter à votre attention l'opinion du

 24   Juge Hunt. Dans le jugement en première instance Aleksovski, voici cette

 25   citation : "Je suis aussi d'accord avec le jugement selon lequel la Chambre


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  1   de première instance n'est pas liée par une décision prise par une autre

  2   Chambre de première instance, même si je crois qu'il faut respecter cette

  3   décision et examiner avec soin la question de savoir s'il est utile et s'il

  4   convient de s'en écarter."

  5   En ce qui concerne la présente affaire, la Chambre de première instance

  6   nous a nié la pratique qui était courant en ce Tribunal où l'on accorde un

  7   temps supplémentaire à la Défense pour préparer son mémoire de clôture et

  8   ses plaidoiries, surtout dans un procès de ce genre. Nous n'avons pas pu le

  9   faire pendant le procès parce que nous recevions sans cesse de nouveaux

 10   documents, de nouvelles pièces, et ceci n'a fait que gagner en importance

 11   au cours de la dernière phase, les deux derniers mois du procès.

 12   Je terminerais en déclarant que notre équipe de la Défense maintient les

 13   motifs d'appel qui sont consignés dans le mémoire de l'appelant et qui se

 14   retrouvent également dans notre réponse au mémoire de l'Accusation. Je suis

 15   prêt à répondre à vos questions.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie.

 17   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 18   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous aviez posé une

 19   question à propos du compte rendu d'audience. Mon ordinateur est en panne

 20   et je n'ai pas pu retrouver les pages pertinentes du compte rendu

 21   d'audience, mais je connais la date. C'est celle du 17 octobre 2000, au

 22   début de la journée.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie.

 24   M. KOVACIC : [interprétation] C'était vraiment au début de la journée car

 25   la journée a débuté par cette discussion.


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  1   J'aimerais maintenant aborder deux ou trois erreurs de procédure et

  2   enchaîner sur ce que vient de dire mon confrère, Me Mikulicic. A notre

  3   avis, si l'on prend ces erreurs dans leur ensemble, elles ont pour effet de

  4   violer les droits de notre client à un procès équitable. Je regrette

  5   également la déposition du Témoin AT, ce dont a parlé déjà la Défense de M.

  6   Kordic. A cet égard, je n'évoquerais la partie de ce témoignage que ce

  7   qu'on a qualifié de moyens de preuve par ouï-dire. J'aimerais vous renvoyer

  8   au paragraphe 8, page 43 de notre mémoire, ainsi qu'aux paragraphes 11 à

  9   13, page 44 à 45. Nos objections sont similaires, s'agissant du Témoin

 10   Nihad Rebihic, paragraphe 44(G), page 101 de notre mémoire en appel.

 11   Le jugement déclare que sur la seule base du témoignage du Témoin AT, la

 12   Chambre de première instance a conclut que notre client, M. Cerkez, était

 13   présent lors de la réunion militaire qui s'est tenue dans les bureaux de M.

 14   Blaskic, le 15 avril 1993, vers la fin de l'après-midi, en début de soirée,

 15   et qu'à cette réunion, un plan d'attaque des Musulmans de Bosnie avait été

 16   élaboré. L'attaque devait se dérouler le lendemain.

 17   Ceci est mentionné au paragraphe 630 et 631 du jugement. Ainsi qu'à la

 18   dernière phrase du paragraphe 631 qui concerne M. Cerkez.

 19   C'est là une conclusion que tire la Chambre de première

 20   instance car elle pousse la Chambre à conclure plus tard que Cerkez et les

 21   soldats qui lui étaient subordonnés, ont commis des crimes à Vitez, à Stari

 22   Vitez et à donner Donja Veceriska.

 23   J'aimerais rappeler que le paragraphe 630 du jugement en première instance.

 24   Je vais le lire en anglais : "S'il faut accepter la déposition du Témoin

 25   AT, la Chambre doit déterminer dans quelle mesure sa déposition est


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  1   confirmée par d'autres témoignages. En fait, il n'y a pas d'éléments de

  2   preuve directs à l'appui du récit qu'il fait de la réunion; cependant, il y

  3   a des preuves indirectes qu'il appuie."

  4   Suite à cette conclusion, le jugement fournit plusieurs exemples de preuves

  5   indirectes, qui, de l'avis de la Chambre de première instance, corroborent

  6   la déposition du Témoin AT."

  7   Cependant, ensuite, voici ce que dit le jugement : "Pour pousser la Chambre

  8   a accepté la déposition du Témoin et les éléments de preuve que cette

  9   déposition fournie."

 10   Ensuite, le jugement dit ceci : "Au moment d'évaluer la cohérence du Témoin

 11   et sa crédibilité, ce qu'il amène à dire toute la vérité sur sa

 12   participation personnelle à l'attaque et pour croire qu'il s'est trompé

 13   tant qu'à l'utilisation de la mosquée à des fins de défense, ce qui n'est

 14   pas appuyé par la déposition de d'autres Témoins. La Chambre de première

 15   instance est convaincu qu'il a dit la vérité à peu près de la préparation

 16   de l'attaque d'Ahmici y compris les réunions à l'hôtel Vitez et les

 17   briefings suivants."

 18   A partir de cette conclusion que je viens de lire et qui se

 19   trouve au paragraphe 630, au paragraphe suivant, le 631, voici la

 20   conclusion de tirer par la Chambre : "La Chambre de première instance est

 21   aussi convaincue que Mario Cerkez, en tant que commandant de la brigade

 22   Viteska, a participé à la réunion militaire qui a suivie celle des hommes

 23   politiques."

 24   Ces conclusions telles que décrites, nous permettent d'affirmer qu'il

 25   existe trois lacunes cruciales, qui indiquent quant à elle, sans nulle


Page 479

  1   doute, que cette conclusion tirée par la Chambre, à savoir que Cerkez était

  2   trouvé présent à cette réunion, que cette conclusion se trouvait en dessous

  3   du critère nécessaire, à savoir, du critère au-delà de tout doute

  4   raisonnable. Pour abonder dans ce sens, je tiens à lire ce qui suit.

  5   Premièrement, le Témoin AT, dans sa déposition, n'a rien dit concernant la

  6   teneur de cette réunion au niveau de l'état ou au niveau militaire. Il ne

  7   sait pas du tout de quoi il a été question là-bas. Il n'a pas assisté à la

  8   dite réunion. Il a appris qu'il y avait une réunion au niveau afin dans les

  9   locaux de son commandant Pasko Ljubicic, sa déclaration est un ouï-dire

 10   classique.

 11   Du point de vue de la conclusion disant que Cerkez était trouvé présent à

 12   cette réunion, il existe une preuve documentaire directe dont il découle

 13   que Cerkez ne s'était pas trouvé présent." Il y a une preuve contraire à

 14   l'allégation par ouï-dire du Témoin AT. C'est la pièce Z610.1.

 15   Indépendamment des positions prises par les autres parties à ce

 16   procès, y compris l'Accusation, et l'Accusation a exprimé certains doutes

 17   pour ce qui est de la véracité de ce document, le Procureur y a indiqué que

 18   le document devait être lu sélectivement, et que nécessairement tout n'y

 19   était pas exact.

 20   Je tiens -- je vais demander l'aide de l'Huissier à présent. Je demande à

 21   M. l'Huissier d'avoir la mobilité de m'aider.

 22   Tout de même, dans certaines parties ce document s'avère à disposer d'une

 23   valeur donnée. Du point de vue de cette réunion, il existe donc une note

 24   dans ce document 610.1 en version anglaise, page 58. Cette page-ci, oui.

 25   Donc ce serait la page, montez un peu pour qu'on puise voir le numéro. Non.


Page 480

  1   Montez, mais pour nous montrer le bas de la page. Voilà. C'est la page 68,

  2   de la version anglaise.

  3   Ici, il est dit clairement -- il est noté, de façon claire, qui est-ce qui

  4   était présent à cette réunion militaire. Cerkez ne figure pas parmi les

  5   noms des présents. Il n'y a pas de commandant de la brigade Viteska.

  6   Je tiens à vous rappeler -- je tiens à rappeler à la Chambre d'appel un

  7   fait. Le jugement traite de la chose en détail et vous avez entendu

  8   longuement parler de ces réunions au travers des écritures. Il semblerait

  9   qu'il n'est pas contesté du tout le fait qu'il y a d'abord eu trois

 10   réunions à l'hôtel, ensuite, deux autres réunions auprès -- dans le

 11   bungalow à Nadioci.

 12   D'abord, il y a eu la soit disante réunion. On ne se sait

 13   pas si elle a eu lieu. Mais on dit que c'était une réunion politique. Par

 14   la suite, dans la soirée ou juste avant la soirée une réunion militaire

 15   celle que désignée dans le jugement. Je pense que la Chambre a

 16   soigneusement choisi ce terme, cet adjectif "militaire." Après cette

 17   réunion du soir suivant les dires du Témoin AT. Il s'est tenu une réunion

 18   dans la salle de télévision de l'hôtel où étaient présents uniquement les

 19   représentants et les membres de la police militaire. Il n'y a pas d'autre

 20   élément de preuve, disant que le contraire aurait pu être vrai et, après

 21   ceci, suivant toujours les dires d'AT, il y a eu deux briefings dans le

 22   bungalow de Nadioci ou, une fois de plus, je le répète, il n'y avait de

 23   présents que les membres de la police militaire.

 24   En réalité, dans ce texte, il est affirmé que Cerkez était

 25   présent à cette partie militaire dans les locaux du commandant Blaskic,


Page 481

  1   mais les registres -- le journal opérationnel, à savoir, la pièce 610.1,

  2   apporte une preuve tout à fait contraire.

  3   Pour résumer ce que je veux dire se résume à ce qui suit. Donc en résumé,

  4   j'affirme ce qui suit. Nous avons ici deux éléments de preuve opposés l'un

  5   à l'autre. D'abord un témoignage par ouï-dire d'AT qui dit qu'il a appris

  6   ouï-dire que Cerkez était à cette réunion.

  7   Deuxième élément de preuve, un document démontrant que Cerkez

  8   ne s'y trouvait pas à cette réunion. Si, à cette réunion, il a établi un

  9   plan criminel, à savoir, un plan prévoyant des exécutions de civiles,

 10   Cerkez ne pouvait pas avoir connaissance de ce plan.

 11   En plus, et là c'est un fait de plus important, le même Témoin, le Témoin

 12   AT, par la suite dans son témoignage, et je me réfère au transcript 27668,

 13   il indique explicitement ce qui suit : pour la première fois qu'il avait

 14   appris qu'il avait intention d'exécuter des personnes dans ce bungalow à

 15   Nadioci.

 16   S'il dit lui-même que c'est la première fois qu'il en avait entendu parler

 17   là-bas, il est évident qu'il n'a pas été question auparavant. Auparavant,

 18   cela veut dire également la réunion militaire chez Blaskic à l'hôtel au

 19   soir, où, soit dit en passant, mon client ne se trouvait pas. Même s'il se

 20   trouvait là-bas, et là c'est une autre affirmation de ma part, il ne

 21   pouvait pas avoir vent et connaissance de ce plan criminel parce qu'il n'en

 22   a pas été question du plan criminel en question. Pour conclure sur ce

 23   volet, je dirais que la Chambre avait disposé de deux conclusions

 24   possibles, et opposé l'une à l'autre. Soit Cerkez s'y était trouvé, soit

 25   qu'il ne s'y était pas trouvé. La Chambre, partant d'un principe in dubio


Page 482

  1   pro reo, aurait, sans aucun doute, dû tirer une conclusion favorable à mon

  2   client et dire que mon client ne s'y était pas trouvé. C'est une situation

  3   classique où, poursuivant le principe in dubio pro reo, on aurait dû

  4   appliquer le principe que je viens de citer.

  5   Peut-être pour ne pas laisser des choses en suspens, devrais-je mentionner

  6   autres choses. Il faut que nous mettions clairement sur la table la session

  7   dans laquelle Cerkez ne nie pas le fait qu'il y a eu une réunion avec

  8   Blaskic, le 15, le soir, à l'hôtel. C'était une rencontre bilatérale.

  9   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je m'excuse, mais il semblerait que

 10   nous avons deux copies différentes de mises à notre disposition. L'une

 11   provient du Greffe et l'une que vous avez placée sur le rétroprojecteur. Ce

 12   n'est pas tout à fait le même document. Si je puis le faire, je demanderais

 13   à l'Huissier de nous montrer le haut de cette page-là. Il semblerait qu'il

 14   y ait eu des ajouts en manuscrit sur le document qui constitue une partie,

 15   mais cela ne change rien du point de vue du Greffe à la teneur. Je voudrais

 16   me référer à la version B/C/S, où il semble être dit qu'à 9 heures 50, de

 17   fait de ce livre, M. Cerkez se trouvait présent.

 18   Je vous demande de me corriger si je me trompe. Malheureusement, ces pages

 19   ne sont pas numérotées en B/C/S. C'est la même journée --

 20   M. KOVACIC : [interprétation] J'ai été sur le point de dire quand vous avez

 21   posé votre question.

 22   La Défense n'a jamais nié que Cerkez ait rencontré son commandant Blaskic;

 23   mais qu'il ait eu une rencontre bilatérale. Il semblerait que cela n'a pas

 24   pu être établi si cette réunion s'est tenue juste après celle dont nous

 25   étions en train de parler.


Page 483

  1   Pourquoi ? Il y a des éléments de preuve claire, disant que Cerkez, ce 15

  2   avril 1993, dans l'après-midi, avait un mariage de prévu à l'église. Il

  3   s'était marié auparavant, mais il voulait exercer le souhait de sa femme et

  4   se marier également à l'église. Cela était prévu pour la journée du 15

  5   avril à 18 heures 30. C'est ce qui est dit dans la pièce de conviction

  6   D94/2, et c'est une chose dont sont venus directement témoigner le Témoin

  7   Stipo Ceko, à savoir, compte rendu 23439, et le Témoin, le prêtre Drago

  8   Pranjes à la page 26127. Le Témoin C-1 dans l'affaire Kupreskic a témoigné

  9   de même à la page 11136.

 10   Cerkez est allé à ce mariage. Si vous le souhaitez, je puis présenter ce

 11   document et le placer sur le rétroprojecteur, mais je crois que cela nous

 12   ferrait perdre beaucoup de temps.

 13   Ils étaient en train de partir de la maison, et les Témoins l'ont dit, il a

 14   eu un coup de fil téléphonique, et Cerkez a été sollicité par Blaskic. Il y

 15   est allé, mais après la réunion dont nous parlons.

 16   Nous ne contestons pas que Cerkez y soit allé, qu'il y ait reçu des ordres

 17   donnés de façon orale pour ce qui est de ces missions au jour d'après, le

 18   16. Dans le courant de la nuit, cet ordre verbalement donné --

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Excusez-moi. Pourriez-vous être un

 20   peu plus précis pour ce qui du temps à partir de l'heure dont il s'agit ?

 21   Nous avons dans ce journal plusieurs inscriptions où l'on dit que votre

 22   client est mentionné. Par exemple, à 12 heures 50, le colonel Blaskic a

 23   appelé Mario Cerkez pour lui donner des instructions. Par la suite, on a

 24   d'autres informations d'apporter, à savoir, à 9 heures 50, par exemple. Il

 25   ne semble pas qu'il y ait eu une seule inscription, à moins que le journal


Page 484

  1   ne reprenne pas les choses de façon correcte.

  2   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, il n'y a pas que cette

  3   journée-là mais pendant d'autres journées. Il est évident que Cerkez a eu

  4   des contactes avec son commandant. C'est tout à fait naturel. Ce jour-là,

  5   si je ne me trompe pas, il a eu plusieurs contacts dans la matinée et en

  6   tout début de la soirée. Nous ne sommes pas en mesure de vous dire à quelle

  7   heure cela s'est fait exactement, mais en tout état de cause, cela s'est

  8   passé après 17 heures 30; probablement vers 18 heures.

  9   C'est Cerkez qui nous ait donné comme possibilité de reconstruction. Cerkez

 10   voulait témoigner mais il ne l'a malheureusement pas fait.

 11   Partant de ce document, il est précisé dans cette pièce D94/2, il est

 12   précisé que le mariage était prévu pour 6 heures 30. On suppose qu'il

 13   devait partir de chez eux une demi-heure avant. Il a dû recevoir ce coup de

 14   fil. Il a dû se changer chose dont a témoigné le Témoin. Il s'est mis à

 15   bord de sa voiture. Il lui a fallu le temps d'arriver jusqu'au QG de

 16   Blaskic à l'hôtel de Vitez. Il a dû se passer à peu près une demi-heure, et

 17   nous estimons qu'il n'a pas pu arriver à l'hôtel avant 18 heures 30 en

 18   aucun cas. Maintenant de là, à savoir, si cela s'est passé à 18 heures 30

 19   ou à 19 heures. En tout état de cause, c'était en début de soirée. Suivant

 20   les renseignements disponibles concernant cette réunion qui semble avoir eu

 21   lieu à 17 heures 30, Cerkez, lui, n'a pu arriver sur les lieux qu'une

 22   demi-heure au moins après la réunion, si non plus.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-ce que vous voudriez bien avoir

 24   l'amabilité de fournir l'occasion à Mme le Juge Weinberg de Roca poser une

 25   question.


Page 485

  1   M. KOVACIC : [interprétation] Certainement.

  2   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je ne sais pas si c'est une

  3   question de traduction, mais peut-être pourrait-il être possible d'être

  4   plus précis. En effet, en anglais il semble que vous formulez une

  5   supposition concernant l'heure. Vous dites que l'heure pouvait très bien

  6   être une telle, mais vous dites que votre Témoin voulait témoigner. Vous

  7   pouvez le consulter. Il peut là se souvenir de son mariage. Il doit se

  8   souvenir de l'heure du mariage et de l'heure à laquelle il avait quitté le

  9   QG.

 10   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. Justement lorsque nous

 11   avons parlé pour la première fois de cela pour ce qui est des préparatifs

 12   de la Défense, il s'est écoulé depuis les événements --

 13   M. FARRELL : [interprétation] Je m'excuse.

 14   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je suppose que

 15   M. Farrell veut dire que M. Kovacic ne peut pas témoigner au nom de son

 16   client aujourd'hui.

 17   M. FARRELL : [interprétation] C'est précisément l'objection que je vais

 18   faire. Merci.

 19   M. KOVACIC : [interprétation] Il n'y a pas un problème de témoignage ici.

 20   Il me semble que cela peut sembler comme si nous voulions un nouveau

 21   procès, mais nous ne sommes pas en train de demander un nouveau procès.

 22   Nous voulons affirmer que les conclusions de la Chambre de première

 23   instance ne répondent pas au critère, au-delà de tout doute raisonnable.

 24   Pour le confirmer, je dois apporter des éléments de preuve pour conforter

 25   cette allégation. Chose plus grave encore, chose dont a parlé mon confrère


Page 486

  1   tout à l'heure, et raison pour laquelle Cerkez n'a pas pu témoigner, cette

  2   question ne s'est vue appuyée par aucun autre élément de preuve.

  3   Je voudrais que la Chambre d'appel ne perde pas de vue le fait que bien

  4   avant le témoignage du Témoin AT dans le cours de la présentation des

  5   éléments de preuve de la Défense, nous avons versé au dossier cette pièce

  6   D94/2, et nous avons fait venir des Témoins qui ont confirmé que le mariage

  7   était fixé pour 18 heures 30, en date du 15 avril. Partant de ces éléments

  8   de preuve, à savoir, des témoignages de Stipo Ceko et des déclarations sous

  9   serment qui accompagnent la déclaration sous serment de Mme Ruza Ceko, il

 10   découle que se sont des voisins, ils vivent les uns à côté des autres et

 11   ils  sont allés en voiture vers l'église pour le mariage.

 12   Je puis pratiquement citer mot pour mot les dires de ce Témoin. Ce Témoin

 13   en a, en effet, dit que Cerkez a été retourné chez lui pour répondre au

 14   téléphone, et il n'y a pas eu de mariage. Si l'on tient compte de cet

 15   éloignement dans le temps, et si l'on sait qu'il devait se diriger vers

 16   l'église 20 ou 30 minutes au moins avant l'heure fixée, nous pourrons juger

 17   du temps nécessaire de se changer, de se remettre son uniforme, d'arriver à

 18   l'hôtel. Même s'il avait pu le faire très, très vite, il ne pourrait pas se

 19   trouver avant 18 heures 30 à l'hôtel. Il est arrivé probablement plus tard.

 20   Je n'essaie pas de témoigner. J'essaie de tirer une conclusion partant des

 21   éléments de preuve disponibles.

 22   Mon affirmation est en tout état de cause celle de dire que Cerkez n'a pas

 23   été à cette réunion. La Chambre de première instance tire une conclusion

 24   dans son jugement, et ceci partant uniquement du témoignage du Témoin AT,

 25   qui a témoigné par ouï-dire, et dont le témoignage est des plus minces,


Page 487

  1   douteux, si je puis le dire, et d'autre part, il y a un élément de preuve

  2   direct, la pièce Z610.1, et une preuve indirecte qui parlent de ce mariage

  3   et le témoignage de deux Témoins à ce sujet. Cerkez, de façon évidente, n'a

  4   pas été là-bas à l'heure dite.

  5   Ce que je voudrais dire tout de même c'est indiquer clairement à

  6   l'intention de cette Chambre, qu'il a été à une réunion à l'hôtel mais il

  7   était seul avec Blaskic. Cerkez a reçu des ordres oralement donnés qui lui

  8   ont été remis par écrit dans la nuit. C'est l'ordre D60/2, et Cerkez a

  9   exécuté exactement ce qui figurait dans les ordres reçus cette fois.

 10   Je reviendrai à ce volet pour ce qui est de l'exécution de l'ordre

 11   concerné. Je me propose pour le moment concernant les erreurs commises,

 12   qui, à notre avis, mettent en péril le principe du procès équitable.

 13   Une troisième chose, ou une question suivante que nous aimerions évoquer

 14   est ce qui suit : il y a un problème d'authenticité  des éléments de preuve

 15   pour ce qui est du Z692/3. En effet, cet élément de preuve a été étudié de

 16   façon individuelle pour ce qui est du jugement. Je parle, notamment, du

 17   paragraphe 689(c). Dans notre appel, il est question de ce document au

 18   paragraphe 24(c) et 25, page 53 à 58, et cela est pertinent pour ce qui est

 19   du 689(c). A ce sujet, un autre document dans le même volet du jugement,

 20   cette fois-ci dans le 689(a), où la Chambre parle de la pièce à conviction

 21   Z692.2, pièce à conviction qui n'a jamais été versée au dossier.

 22   Je vais expliquer de quoi il s'agit : au paragraphe 691 du jugement, il est

 23   dit, je cite : "La Chambre de première instance conclut que ces documents

 24   établissent clairement que la Brigade Viteska était au cœur même des

 25   combats et que Mario Cerkez la commandait. La brigade a, en particulier,


Page 488

  1   participé aux opérations à Vitez, Veceriska, et Ahmici le 16 avril 1993,

  2   mais plus tard le même jour pour ce dernier village, pas durant l'assaut

  3   initial."

  4   Cette conclusion de la Chambre se trouve favorable à Cerkez. Elle est

  5   défavorable en même temps. Partant de ces deux documents et de quelques

  6   autres documents, cela est défavorable parce que la Chambre tire une

  7   conclusion disant que Cerkez a été impliqué dans des opérations de Vitez à

  8   Veceriska, mais elle détermine qu'il n'a pas été à Ahmici. C'est pour nous

  9   une bonne chose. Du moins qu'il n'était pas en début de la journée au

 10   moment où les crimes ont été commis. 

 11   Ces conclusions se fondent sur les éléments de preuve que la Chambre a

 12   étudié attentivement au paragraphe 689(a) à (f). Au (a), on cite la pièce à

 13   conviction 692.2. Or, cette pièce à conviction n'a pas été versée au

 14   dossier en tant qu'élément de preuve. Le bureau du Procureur a été d'accord

 15   pour l'admettre. Cela est indiqué dans la réponse du bureau du Procureur,

 16   paragraphe 10.19 et 10.20.

 17   Vous vous penchez sur ce paragraphe 689 du jugement, il est donné ici toute

 18   une série de faits analysés. C'est ce qui constitue fondement pour les

 19   conclusions utilisées par la suite. Le premier document dans cette analyse

 20   n'a pas du tout été versé au dossier. Ce n'est pas sur ce document-là que

 21   la Chambre était à même de fonder ses conclusions, et le bureau du

 22   Procureur est d'accord avec nous pour le dire.

 23   Pour ce qui est du deuxième document cité dans cette analyse, à savoir le

 24   689(c) du jugement, la Défense affirme que c'est là un faux. Je vous prie

 25   de tenir compte du fait que, dans l'affaire, il a été versé 4 665


Page 489

  1   documents. Nous en avons reçu quelques milliers d'autres dont il a été

  2   question, mais qui n'ont pas été versés au dossier. Jamais, à aucun moment,

  3   nous n'avons reçu des originaux; c'étaient tous des copies. Nous n'avons

  4   jamais remis en question la fiabilité d'une seule copie. Or, le seul

  5   document dont la fiabilité a été remise en question. Cette pièce est citée

  6   au paragraphe 692.3.

  7   Nous avons pu nous servir de copies en tant qu'éléments de preuve jusqu'au

  8   moment où l'une des parties en présence ne remette en question la fiabilité

  9   d'un document. Au moment où l'on remet en question la fiabilité du

 10   document, la partie adverse doit, soit montrer l'original, soit montrer

 11   d'autres éléments de preuve pour authentifier la pièce à conviction en

 12   question.

 13   C'est, à notre avis et, sans aucun doute, une règle générale en procédure

 14   pénale. C'est une règle qui existe, bien sûr, dans tout système juridique

 15   national également.

 16   Ce document est apparu alors que la Défense ne l'avait jamais vu

 17   préalablement. Seulement le 5 octobre 2000, lors de la déposition du Témoin

 18   Anto Bertovic. A ce moment-là, au cours du contre-interrogatoire,

 19   l'Accusation montre ce document.

 20   Lorsque Bertovic s'est vu posé une question concernant ce document, il a

 21   répondu : "Et bien, personnellement, je n'ai pas vu ce document avant. Cet

 22   ordre ou ce type d'ordre n'est jamais arrivé jusqu'à moi. Je peux peut-être

 23   trouver une explication. Peut-être c'est que la Brigade de Vitez et surtout

 24   mon bataillon n'était pas capable de quelque chose comme cela.

 25   Personnellement, je n'ai jamais reçu cet ordre, et je ne sais pas que la


Page 490

  1   Brigade de Vitez ait reçu ce document non plus. Je ne sais rien au courant

  2   de cela."

  3   Cela, c'est à la page 25 954. Un peu plus tard, à la page 26 003 et 25 997,

  4   ce même Témoin parlait de ce document. Ce document n'a donc pas été montré

  5   à la Défense au préalable, et c'est la raison pour laquelle la Défense a

  6   été privée de la possibilité de le contester. Cerkez en traite aux pages 55

  7   à 58 de son appel, et nous souhaitons vous y référer. Je me contenterai

  8   d'ajouter encore que ce même document a été présenté par le Procureur au

  9   cours du contre-interrogatoire à un autre Témoin. Le Témoin Zuljevic, le 8

 10   décembre 2000, la page 28 196, et ce Témoin a réagi de manière tout à fait

 11   semblable à l'autre Témoin. Je vais vous lire sa réponse :

 12   "Et bien, je vais vous dire, cela c'est scandaleux. Ceci ne ressemble pas

 13   du tout au colonel Blaskic. Il était au courant du fait que nous n'avions

 14   pas suffisamment d'hommes. Messieurs, je n'arrête pas de dire, et je suis

 15   sûr qu'à Donja Veceriska, Ahmici, Sivrino Selo et Vrhovine, en particulier,

 16   à  ce moment-là, le 16 avril, il n'y a jamais eu d'activités de leur part,

 17   de la Brigade de Vitez. Or, cet ordre, ce à quoi il fait référence, je ne

 18   peux vraiment pas le comprendre et je ne peux pas l'expliquer. Cela, c'est

 19   sûr."

 20   Je vais quand même vous montrer ce document 692.3. Nous allons placer le

 21   document sur le rétroprojecteur. D'après ce document, il découle que Cerkez

 22   a reçu l'ordre de participer à une action, c'est l'ordre du 16 avril, et il

 23   devait entamer une action contre Donja Veceriska, Ahmici, Sivrino Selo et

 24   Vrhovine. Or, Sivrino Selo et Vrhovine, deux des villages sur quatre

 25   villages mentionnés ici, n'ont jamais été mentionnés tout au long de cette


Page 491

  1   guerre, pendant cette période, en tant que villages où des combats ont eu

  2   lieu. En ce qui concerne Ahmici, il était constaté que Cerkez n'y était pas

  3   ce matin-là. Même si cet ordre était authentique, ce ne serait quand même

  4   pas fatidique pour Cerkez, en ce qui concerne Ahmici, puisque l'opération

  5   Ahmici était terminée avant 10 heures 30.

  6   La seule chose qui risquerait d'être intéressante par rapport à Cerkez ici,

  7   est le fait que Donja Veceriska est mentionné dans cet ordre. D'autre part,

  8   concernant Donja Veceriska, nous avons eu beaucoup d'éléments de preuve qui

  9   confirment la position de la Défense de Cerkez, qui se résume à deux

 10   éléments. Tout d'abord, le fait que l'unité de Cerkez, et lui

 11   personnellement, n'ont jamais été à Donja Veceriska et, deuxièmement, même

 12   si c'était le cas, ce que la Défense nie de manière ferme, aucun crime n'y

 13   a été commis, puisqu'il s'agissait là d'une opération militaire légitime où

 14   aucun civil n'a été tué.

 15   Je continue. Il s'agit là des éléments qui montrent que le principe de

 16   l'équité du procès a été violée. Par ailleurs, j'affirme que ces deux

 17   documents montrent que l'une des conclusions importantes concernant

 18   l'implication de Cerkez, n'est certainement pas établie au-delà de tout

 19   doute raisonnable, puisque l'analyse approfondie montre que la conclusion

 20   de la Chambre de première instance ne se fonde pas sur les éléments de

 21   preuve appropriés.

 22   Dans la conclusion de ce troisième motif d'appel, concernant le principe de

 23   l'équité du procès, qui a été violée, je souhaite revenir sur ce qui a été

 24   dit par mon confrère au début, à savoir que nous pouvons être d'accord pour

 25   dire qu'aucun de ces incidents, qui ont été énumérotés n'est en soi pas


Page 492

  1   suffisamment grave pour justifier la suppression du jugement. Nous sommes

  2   d'accord avec cela. Cependant, nous pensons qu'il faut adopter une approche

  3   plus réaliste et que la Chambre d'appel doit comprendre que toute une série

  4   de ce genre d'incidents et de ce genre d'erreurs. Dans le mémoire d'appel,

  5   nous avons énuméré beaucoup plus d'exemples, dans leur totalité mis à mal,

  6   de manière sérieuse, le droit de notre client au procès équitable. C'est

  7   pour cela que nous proposons que Cerkez soit acquitté pour tous les chefs

  8   d'accusation car les garanties prévues dans le statut, selon lesquelles un

  9   accusé a le droit à un procès équitable ont été violées de telle manière

 10   qu'il serait possible d'y remédier seulement par le biais d'un acquittement

 11   et de l'invalidation du jugement pris ou rendu en première instance.

 12   Je ne sais pas combien de temps encore nous reste-t-il ? Mais j'espère que

 13   je pourrai terminer pour ce qui est du motif d'appel suivant dans la demi-

 14   heure qui vient et si les Juges ont des questions, je suis prêt à y

 15   répondre.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous avez encore 30 minutes,

 17   jusqu'à 5 heures exactement.

 18   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Je souhaite maintenant aborder le deuxième motif d'appel tel qu'il a été

 20   énoncé au début. Nous avons un peu inversé l'ordre. Afin de ne pas

 21   m'étendre trop dans les détails, je souhaite simplement vous indiquer qu'il

 22   s'agit là de la responsabilité individuelle en vertu des Articles 7(1) et

 23   7(3) du statut. Ceci est contenu dans le mémoire aux pages 22, 23 et dans

 24   la réponse ou dans notre réplique plutôt à la réponse, c'est contenu dans

 25   les pages 10 à 13. Cependant, je reviendrai tout à l'heure sur les Articles


Page 493

  1   7(1) et 7(3), lorsque je parlerai du prononcé de la peine. Je pense que

  2   c'est ce qui est le mieux du point de vue méthodologique.

  3   Je vais donc maintenant aborder immédiatement le quatrième  motif d'appel,

  4   à savoir le fait que plusieurs conclusions de la Chambre, conclusions de

  5   faits ne satisfont pas aux critères au-delà de tout doute raisonnable.

  6   En réalité nous décrivons cela de manière détaillée dans le mémoire

  7   d'appel. La Défense considère que les conclusions de la Chambre de première

  8   instance sont erronées, les conclusions selon lesquelles notre client est

  9   coupable de crimes commis à Vitez, Stari Vitez et Donja Veceriska. Ces

 10   conclusions se trouvent aux paragraphes 601, 610 à 612, le 619, 621, 630,

 11   dont nous avons parlé, 631, la dernière phrase que nous avons mentionnée et

 12   également 642, 691, 703, 809, 831, 836, 842 et 843.

 13   Notre mémoire d'appel porte sur ces questions également dans les

 14   paragraphes 1 à 4, dans l'introduction même et plus loin dans le texte.

 15   En ce qui concerne les paragraphes, comme nous le mentionnons, le

 16   paragraphe du jugement et le chef d'accusation, nous indiquons que nous

 17   faisons référence ici notamment aux chefs d'accusation 2, 5 et 6, ensuite

 18   14, 15, 17, 19, 41 à 44 et 42; cela ce sont les chefs d'accusation

 19   pertinents pour ce motif d'appel.

 20   Mesdames, Messieurs les Juges, je pense qu'il n'est pas nécessaire de

 21   souligner ici le fait que, si les conclusions se fondant sur les faits sont

 22   erronées, puisque le critère approprié au-delà de tout doute raisonnable

 23   n'a pas été appliqué, dans ce cas-là de telles conclusions erronées ont

 24   provoqué une application erronée du droit international. C'est pour cela,

 25   nous avons le droit à interjeter appel en vertu de l'Article 25 du statut,


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  1   25(1)(b). Bien sûr, la violation du droit substantiel entraîne un déni de

  2   justice.  S'agissant de conclusions de la Chambre de première instance que

  3   nous avons énumérées, si ces conclusions ont été tirées sans l'application

  4   du critère pertinent, du critère de, au-delà de tout doute raisonnable,

  5   ceci aboutit nécessairement aux erreurs dans la détermination des faits et

  6   aux nouvelles erreurs encore dans l'application du droit substantiel.

  7   Ici, je souhaite attirer votre attention sur un certain nombre d'exemples.

  8   Dans notre mémoire d'appel, je pense que l'on parle de cela dans le mémoire

  9   ou plutôt nous avons donné au moins huit ou neuf exemples, mais ici je vais

 10   parler seulement des exemples les plus importants.

 11   Tout d'abord, nous considérons qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour

 12   conclure, au-delà de tout doute raisonnable, que l'appelant était au

 13   courant du prétendu plan du HVO concernant le 16 avril 1993. Ici, nous

 14   faisons référence aux paragraphes 610, 611, 612, 613 et 631 du jugement.

 15   Dans ces conclusions contenues dans le jugement, nous pouvons lire que

 16   Cerkez, soi-disant était au courant du "plan" criminel du HVO concernant

 17   l'attaque du 16 avril 1993. C'est le fondement sur lequel se base la

 18   Chambre de première instance pour adopter sa conclusion portant sur

 19   l'intention délictueuse de l'accusé Cerkez. Il devait être au courant de ce

 20   projet pour pouvoir participer à ce crime. Ceci porte sur le chef de

 21   persécution, ensuite, deux à six attaques illégales contre les civils,

 22   ensuite, chef d'accusation porté sur la destruction, qui n'est pas

 23   justifiée par nécessité militaire, meurtres, et cetera.

 24   Dans le jugement, nous pouvons lire que la prétendue réunion du 15 avril a

 25   eu lieu au QG de Blaskic, et qu'un plan criminel y a été concocté. La


Page 495

  1   conclusion portant sur le plan criminel se fonde sur la déposition du

  2   Témoin AT, comme je l'ai déjà mentionnée.

  3   Comme je l'ai déjà dit, nous contestons cette conclusion puisqu'il s'agit,

  4   là, de la déposition de deuxième main, et puisqu'il existe des documents

  5   qui montrent que Cerkez ne pouvait pas assister à cette réunion au cours de

  6   laquelle le plan criminel a prétendument été concocté, et qui plus est,

  7   plus tard dans sa déposition, le Témoin AT, à la page du transcript 27 668,

  8   a dit, que la première fois qu'il a entendu parler de ce plan criminel

  9   prétendu a été au bungalow. La réunion à laquelle Cerkez a assistée, selon

 10   la conclusion de la Chambre de première instance, pouvait simplement avoir

 11   pour objet un plan militaire légitime. Ceci est d'ailleurs corroboré par

 12   les éléments de preuve portant sur les événements qui ont eu lieu le jour

 13   suivant. Mais je ne souhaite pas dire plus de détail concernant cette

 14   réunion. Je pense que j'ai traité de tous les points importants. Vous

 15   pouvez trouver plus de détails dans le mémoire d'appel. Je souhaite

 16   simplement souligner que ce plan, en fait, les conclusions de la Chambre de

 17   première instance continuent aux paragraphes 630 et 631 et créent la base

 18   selon laquelle la Chambre a ensuite déterminé la responsabilité de Cerkez

 19   et sa prétendue participation aux actes commis à Donja Veceriska et Stari

 20   Vitez.

 21   Même si de nombreux éléments de preuve ont été versés au dossier indiquant

 22   que Cerkez a participé à la préparation d'une action militaire légitime,

 23   une action militaire de défense, et même si on y fait référence à ces

 24   éléments de preuve dans le jugement, il n'est nullement expliqué dans le

 25   jugement pourquoi la position de la Défense, selon laquelle il s'agissait


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  1   d'une activité de défense, a été rejetée. C'est une autre raison pour

  2   laquelle la Défense considère que la conclusion n'a pas été tirée au-delà

  3   de tout doute raisonnable.

  4   Une autre conclusion de ce genre est contenue dans les paragraphes 691,

  5   689, et 690. Il s'agit de la conclusion selon laquelle la Brigade de Vitez

  6   était en plein combat dans la vallée de la Lasva le 16 avril.

  7   Dans le paragraphe 691, la Chambre de première instance a

  8   conclu que ce document indique clairement que : "L'attaque a eu lieu à

  9   Veceriska, mais seulement plus tard dans la journée et non pas pendant

 10   l'attaque initiale à Ahmici."

 11   J'ai déjà parlé de la partie pertinente du paragraphe 689(A) à (F), je ne

 12   souhaite pas me répéter ici.

 13   Parmi les premiers éléments analysés, dans le cadre du jugement, étaient

 14   les documents qui n'ont pas été versés au dossier ou qui représentent des

 15   faux.

 16   Au paragraphe 601, la Chambre de première instance rejette l'affirmation de

 17   la Défense concernant le niveau bas de l'organisation et d'aptitude au

 18   combat de la Brigade de Vitez à la veille des événements. Nous répondons à

 19   cela aux paragraphes 26 à 29 et pages 58 à 66 de notre mémoire d'appel.

 20   Voici, ce qui est contenu dans ce paragraphe : "A la lumière des éléments

 21   qu'elle a examinés, la Chambre de première instance est convaincue que loin

 22   d'être un poids à la désorganisation et à la confusion dépeintes par la

 23   Défense la brigade Vitezka était suffisamment bien structurer et

 24   opérationnelle pour exécuter les missions qui lui ont été confiées le 16

 25   avril 1993."


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  1   Cerkez, cependant, souligne le fait que l'unité placée sous son

  2   commandement était mal organisée et n'était pas suffisamment puissante afin

  3   de pouvoir s'acquitter des tâches pertinentes à plusieurs sites à la fois.

  4   Le 15 avril, notamment, Blaskic a émis quatre ordres militaires, et ces

  5   quatre ordres ont été versés au dossier, la pièce D60/2, D343/1-6, D343/1-

  6   7, et D343/1-8. Parmi ces documents, ces ordres de Blaskic qui ont été

  7   versés au dossier, dans le cadre de ces ordres, Cerkez s'est vu confier la

  8   tâche ou plutôt on lui a défini sa zone d'activité pour ce jour, et cette

  9   zone a été définie ainsi. Il a dû établir une région de la défense afin

 10   d'empêcher toutes entrées et toutes sorties des villages énumérés, et

 11   décrit exactement dans le paragraphe 1 de cet ordre. Il est dit que l'on

 12   s'entend à ce qu'une attaque soit versée de Kruscica ou de Vranjsak vers le

 13   centre de ville, et cetera.

 14   De toute façon, cet ordre a été montré à plusieurs soldats également

 15   pendant le procès. Les collègues de l'Accusation avaient promis une carte,

 16   à un moment donné, je me demande si nous pourrions la placer sur l'écran

 17   pour montrer la région de Vitez.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vais profiter de ce moment pour

 19   vous poser deux questions.

 20   Tout d'abord, est-ce que cette carte a été versée au dossier ?

 21   M. FARRELL : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Deuxièmement, je ne suis jamais

 23   allé dans cette région. Nous avons pu lire, dans le jugement, à plusieurs

 24   endroits que l'on mentionne Vitez et Stari Vitez. Est-ce raison de

 25   comprendre que Stari Vitez fait partie de la ville de Vitez ? Est-ce que


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  1   c'est la vieille ville de Vitez ?

  2   M. KOVACIC : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président. Il s'agit

  3   de la même ville et il est même difficile de faire la distinction entre les

  4   deux parties. Il y a une partie qui s'appelle Stari Vitez et l'autre qui

  5   s'appelle Kolonija. Mais il s'agit absolument d'une même ville. Si l'on se

  6   penche sur cette carte, nous pouvons voir qu'il n'y a pas de distinction

  7   dans la carte, et la partie appelée Stari Vitez serait, cette partie, au

  8   nord-est. Ce triangle, que l'on voit ici, correspondrait à Stari Vitez.

  9   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous considérez qu'il est erroné de

 10   condamner deux fois votre client pour les crimes commis à Vitez et à Stari

 11   Vitez ?

 12   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, surtout, étant

 13   donné, qu'il s'agit là d'une question sémantique. Comme vous l'avez dit,

 14   Stari Vitez et Vitez est un même emplacement. Deuxièmement, il est

 15   absolument absurde de parler d'une quelconque attaque du HVO contre cette

 16   partie de la ville, de la partie de Vitez qui n'est pas Stari Vitez, parce

 17   qu'ils ne peuvent attaquer personne là-dedans, car le HVO était dans

 18   l'autre partie de Vitez, depuis toujours, contrairement à Stari Vitez,

 19   depuis le début de la guerre contre les Serbes. Le commandement de Blaskic

 20   était l'hôtel dans cette partie de la ville. Le commandement de Cerkez est

 21   à quelques centaines de mètres de là. Ils ne peuvent pas s'attaquer eux-

 22   mêmes. Cela, c'est absurde.

 23   Ce qui a été entendu au cours du procès, c'est que certaines personnes ont

 24   été arrêtées dans cette partie de la ville, mais mon client n'a pas été

 25   accusé de l'arrestation de cette personne, de ces personnes. D'ailleurs,


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  1   ceci est prouvé par le biais des éléments de preuve portant sur

  2   l'implication de la police civile. Mon client a été accusé pour ce qui est

  3   de leurs détentions, mais non pas leurs arrestations.

  4   Nous parlons de ces emplacements, et en fait, il y a deux emplacements

  5   cruciaux pour mon client, dont Donja Veceriska, que vous pouvez voir ici

  6   sur la carte, un peu à gauche, par rapport à Vitez. Le deuxième emplacement

  7   nous permettrait de parler de Stari Vitez simplement, parce que cette

  8   partie de la ville est la partie de la ville où se trouvait le siège de la

  9   Défense territoriale de l'ABiH, et puisque la ligne de démarcation a été

 10   établie à cet endroit-là, la ligne qui a partagé la ville.

 11   Je demanderais à M. l'Huissier de bien vouloir m'aider, à présent, pour en

 12   finir avec ce volet. Je me propose de vous montrer les éléments de preuve

 13   dont on a parlés, à savoir, le D60/2, en premier lieu.

 14   Je vous demanderais de nous placer le texte anglais sur le rétroprojecteur,

 15   Monsieur.

 16   Cet ordre-là, disais-je, défini la région, à savoir, la zone de

 17   responsabilité, la zone de responsabilité militaire, j'entends, s'agissant

 18   de mon client, et ceci suivant des modalités qui font qu'entre la ville et

 19   le centre-ville de Vitez et le village de Kruscica et Vranjska, qui se

 20   trouve au sud de la ville. Si vous vous penchez sur les cartes, la carte

 21   que nous avons également à disposition, on voit qu'il s'agit-là d'un

 22   village situé au sud de la ville.

 23   Le deuxième ordre est le 343/1. Il est adressé à la police civile, et la

 24   zone de responsabilité de cette police se trouve clairement définie pour ce

 25   qui est du centre-ville, parce qu'il est question de certaines


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  1   installations ou édifices d'importances cruciales. Cette unité, partant de

  2   l'ordre militaire donné par Blaskic, se trouve au centre-ville avec pour

  3   mission, de protéger, de sécuriser des installations d'importances vitales.

  4   Le troisième ordre a été donné par Blaskic. Tous ces ordres sont donnés le

  5   16 avril, tôt le matin. Cet ordre-là est destiné au bataillon de Vitez,

  6   c'était l'une des unités la plus forte du HVO. Il y a bon nombre de pièces

  7   a conviction. Je ne vais pas toutes les citer. Ils doivent se trouver au

  8   niveau de la maison des sapeurs-pompiers et le commandement du HVO, ce qui

  9   signifie, depuis l'hôtel en direction de la partie de la ville appelée

 10   Stari Vitez. Je crois que là, il n'y a pas de contestations. Il y a la

 11   maison des sapeurs-pompiers, il y a la gare routière, et ceci dans la

 12   direction de la partie appelée Stari Vitez.

 13   Nous venons à un quatrième ordre, qui est adressé au 4e Bataillon de la

 14   police militaire, au dénommé Ljubicic, qui lui, a pour mission de bloquer

 15   la route entre Ahmici et Nadioci. Lui se trouve sur le secteur au nord,

 16   nord-est de la ville. Cet ordre le montre bien. Ils sont sur la route en

 17   dessous de Ahmici, ce qui s'est passé par la suite, je ne vais en parler à

 18   présent. Si nous nous penchons sur ces quatre ordres et sur la carte de

 19   Vitez, nous pouvons constater qu'au-delà de tout doute possible, les ordres

 20   reçus par ces unités prévoient pour Cerkez, là, un emplacement au sud, au

 21   niveau de Kruscica et Vranjska. La police civile, elle, se trouve au

 22   centre-ville. Les Vitezovi se trouvent entre le centre-ville vers l'ouest,

 23   vers Stari Vitez, et la police militaire à Ahmici, au sud. Voilà les

 24   éléments de preuve pour ce qui est leur déploiement.

 25   La question qui se pose maintenant, c'est : Si le lendemain, le 16 avril au


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  1   matin, se trouvait, chacune dans sa zone de responsabilité, conformément

  2   aux ordres reçus. J'affirme que tous les éléments de preuve dans l'affaire

  3   s'ils sont bien interprétés et si l'on tient compte de ce que je viens de

  4   dire, tout à l'heure, j'estime que tous ces éléments de preuve affirment --

  5   il n'y a pas un seul pour le contredire -- que les unités se trouvaient

  6   précisément, là, où on leur avait donné d'ordre d'être, ils ne se

  7   trouvaient pas ailleurs. Pour être, peut-être un peu plus réservé, je

  8   dirais que je suis certain que la Brigade de Viteska, l'unité de mon

  9   client, se trouvait dans son secteur de responsabilité, et les autres

 10   éléments de preuve indiquent que les autres se trouvaient également à leurs

 11   postes.

 12   Mais où en venons nous ? Dans cette affaire, la procédure de présentation

 13   des éléments de preuve, par les bons soins du bureau du Procureur, il a été

 14   commencé ou entamé la démonstration, en présentant une thèse disant, le HVO

 15   égal Cerkez. En d'autres termes, chaque fois qu'un Témoin venait dire, le

 16   HVO est venu là et a fait ceci ou cela, l'Accusation a été lu d'une seule

 17   façon, à savoir, que c'était Cerkez qui l'avait fait. Bien entendu, très

 18   rapidement dans le courant de la procédure de présentation des éléments de

 19   preuve, il a été démontré que le HVO était une organisation, que c'était

 20   une partie au conflit, et qu'au sein de ce HVO, en sa qualité de structure

 21   militaire sur ce territoire de Vitez et des environs, il y avait plusieurs

 22   unités tout à fait reconnaissables du HVO, et l'une de ces unités était la

 23   Brigade Viteska. La thèse, en question, pour ce qui est du vague contenu

 24   dans l'acte d'accusation, je tiens à dire que cette thèse, disant que le

 25   HVO, c'était Cerkez, n'est pas exact. Le HVO, se sont des unités, et depuis


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  1   le premier jour, depuis le mémoire préalable au procès, et Cerkez l'affirme

  2   qu'il a été le commandant d'une unité.

  3   Il a été présent que bon nombre d'éléments de preuve montrant que cette

  4   brigade a été mise sur pied à la veille du conflit. C'est encore une raison

  5   illustrant le peu de force qu'avait cette unité.

  6   Sachant qu'elles étaient ses effectifs, le commandant, et quelle était la

  7   puissance de ses effectifs, le commandant confiait à cette brigade-là, a

  8   confié à cette brigade-là, une zone ou un secteur de responsabilité bien

  9   définie.

 10   Messieurs, Mesdames les Juges, peut-être le moment serait-il portant de

 11   faire notre pause.

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je voudrais vous demander de

 13   combien de temps vous auriez encore besoin dans la continuation ?

 14   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que vous me

 15   fournissez l'opportunité de vous apporter ma réponse au retour, parce que

 16   j'ai coupé dans ce que je voulais dire, et je vais essayer de faire entre-

 17   temps une estimation sans quoi, faute de quoi je serais peut-être amener à

 18   ne pas vous dire la vérité ou à ne pas dire bon --

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous allons revenir sur cette

 20   question juste après le break, mais vous avez déjà utilisé --

 21   M. KOVACIC : [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] En continuant nous allons en parler

 23   pendant la pause, mais pour être tout à fait clair, Monsieur Farrell, vous

 24   avez dit que cette pièce sur le rétroprojecteur avait été versée au dossier

 25   pendant le procès. Mais j'aimerais que vous nous indiquiez aussi la pièce à


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  1   conviction, le numéro de la pièce à conviction.

  2   M. FARRELL : [interprétation] Un moment s'il vous plaît.

  3   Je crois comprendre que la carte, qu'on a montrée et qui est affichée à

  4   l'écran, avait été convenue par les parties aux fins de ces conclusions. Ce

  5   n'est pas, manifestement, une pièce versée au dossier du procès. C'est une

  6   copie de la carte dont sont convenues les parties aux fins de l'appel.

  7   Ceci a été scanné pour qu'on puisse l'utiliser sur les écrans d'ordinateur.

  8   Je ne me souviens pas exactement du numéro qui avait été accordé au début

  9   de l'audience mais je le précise aux fins du dossier, c'est celui dont nous

 10   étions convenus.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous avais posé cette question

 12   précisément auparavant et vous m'aviez dit que ceci avait déjà été versé au

 13   dossier en première instance. Quoi qu'il en soit, nous avons besoin d'une

 14   nouvelle cote. Que sera cette cote, Madame la Greffière ?

 15   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 16   M. KOVACIC : [interprétation] Puis-je vous aider ? Simplifions les choses.

 17   Nous pouvons nous mettre d'accord pour dire que cette carte est la même

 18   carte que celle qui est versée au dossier et qu'on voit à l'annexe 6,

 19   numéro 4, en annexe du jugement. C'est exactement la même carte.

 20   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Fort bien.

 21   M. KOVACIC : [interprétation] C'est déjà versé au dossier, c'est acté.

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui, c'est acté, cela se trouve

 23   dans le jugement

 24   M. KOVACIC : [interprétation] A l'annexe 4.

 25   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Si ceci ne pose pas de problèmes


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  1   aux parties, fort bien. Je vous demanderais de terminer en l'espace de 15

  2   minutes. Est-ce que ceci est possible. Nous prendrons ceci comme point de

  3   départ. Je crois que c'est équitable, vu le temps dont vous n'avez pas

  4   disposé.

  5   M. KOVACIC : [interprétation] J'espère ne pas sembler être impertinent si

  6   je vous demande 20 minutes et, si besoin est, je renoncerais à une partie

  7   de mon temps, qui m'est imparti, dans la réplique, minima non curat

  8   praetor.

  9   L'audience est suspendue. Elle reprendra à 17 heures 30 et vous aurez les

 10   20 minutes que vous avez demandées. L'audience est suspendue.

 11   --- L'audience est suspendue à 17 heures 03.

 12   --- L'audience est reprise à 17 heures 33.

 13   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 14   suis certain de pouvoir terminer ce que j'ai à dire dans le délai des 20

 15   minutes que vous avez eues l'amabilité de m'accorder.

 16   Tout d'abord, mes confrères me préviennent du fait que certaines réponses

 17   n'ont peut-être été tout à fait exactes pour ce qui est des questions

 18   posées par Mme le Juge Weinberg de Roca pour ce qui est du mariage. Le

 19   mariage a été annoncé et inscrit au registre des mariages de l'église deux

 20   mois avant l'événement. C'est à ce sujet-là qu'a témoigné Drago Pranjes, le

 21   Témoin, comme à la page du compte rendu d'audience que j'ai indiqué.

 22   Autre chose, Monsieur le Juge Schomburg, lorsque vous avez cité les heures

 23   indiquées au journal opérationnel 661, et je crois que vous avez cité des

 24   contacts de Cerkez, en date du 16 avril. La page, que j'ai passée sur le

 25   rétroprojecteur, concerne le 15 avril, à savoir, la réunion qui a précédé


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  1   celle-ci.

  2   Je me propose à présent de parler de moins de cinq minutes pour ce qui est

  3   de la question de la responsabilité au 7.1 et 7.3. Je vais consacrer cinq

  4   minutes à Donja Veceriska et Stari Vitez et les dernières cinq minutes, je

  5   les consacrerais à notre requête.

  6   Pour ce qui est de la responsabilité en application des 7.1 et 7.3, nous

  7   estimons que Cerkez n'aurait pas dû être déclaré coupable pour ce qui est

  8   des chefs d'accusation 5, 6, 14, 15, 17, 19, 29, 30, 31, 33, 35, 41, 42,

  9   44, à savoir, pour tous les chefs pour lesquels il a été déclaré coupable

 10   du chef 5 au chef 44. Parce que, s'agissant de ces délits-là en vertu du

 11   jugement, Cerkez a été déclaré coupable partant des deux fondements, donc

 12   en application du 7.1 et du 7.3.

 13   Je fonde mes dires sur les sorts de la jurisprudence, en disant en

 14   argumentation ce qui suit : partant des jugements que je me propose de vous

 15   citer, il n'est pas permis et autorisé de procéder à des condamnations

 16   cumulatives en partant du 7.1 et 7.3, compte tenu de la pratique qui a été

 17   mise en place dans les affaires qui suivent. Mais je vous rappelle aussi

 18   que nous parlons du 27 février 2001. Le 20 février 2001, dans l'affaire

 19   Mucic et dans l'affaire Kunarac, en date du 12 juin 2000, paragraphe 173;

 20   l'affaire Krstic ou son jugement, 2 août 2001, paragraphe 65; et Naletilic

 21   -- jugement Naletilic, au 31 mars 2003. Les deux premières affaires sont

 22   des arrêts, alors que les autres sont des jugements en première instance.

 23   Suivant les dispositifs de ce qui y figure, il est dit que la Chambre doit

 24   opter en faveur d'une forme de responsabilité, à savoir en faveur du 7.1 ou

 25   7.3 pour -- à savoir, de lequel serait plus approprié pour la condamnation,


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  1   mais il ne peut pas y avoir double condamnation cumulative.

  2   Pour ce qui est de Donja Veceriska et l'attaque pour laquelle on a affirmé

  3   que Cerkez avait pris part à cette attaque, et d'où il a découlé les chefs

  4   d'accusation que nous savons, je tiens à dire ce qui suit : tout d'abord,

  5   partant de ce que j'ai déjà dit, l'unité de Cerkez ne s'y trouvait pas.

  6   Deux Témoins, l'un de l'Accusation et un autre Témoin de la Défense, cette

  7   fois-ci, ont témoigné à ce sujet, le Témoin V et le Témoin Drmic Bono. Vous

  8   avez cela dans mes écritures en appel. Il y a quelques autres documents qui

  9   indiquent qu'à cet endroit les tensions étaient présentes même avant

 10   l'attaque en question. Il est -- les faits suivants qui indiquent que cela

 11   a constitué un objectif militaire justifié parce que ce village se trouvait

 12   juste à côté d'une usine d'explosifs stratégiquement importants. Il a bon

 13   nombre d'éléments de preuve à ce sujet. La chose n'a d'ailleurs pas été

 14   contestée.

 15   Deuxièmement, dans ce village il se trouvait une unité militaire de l'ABiH,

 16   qui était là pour défendre le village et il y avait des gardes villageoises

 17   de croate, qui étaient là pour défendre leur maison. Les combats ont duré

 18   quelques 48 heures et, dans la deuxième nuit de combat tant les civils que

 19   les soldats du côté bosnien ont quitté le village avec l'aide de la

 20   FORPRONU. Il a péri dans les combats huit personnes seulement, huit

 21   personnes au sujet desquelles il n'y a absolument pas de preuve pour ce qui

 22   est de dire si c'est des civils ou des soldats, si c'est des personnes qui

 23   ont péri accidentellement ou est-ce que c'était dû à un usage excessif à la

 24   force.

 25   La troisièmement, la configuration du terrain, à savoir, des alentours de


Page 507

  1   Kruscica, ménage la possibilité aux forces de l'ABiH de faire en sorte

  2   partant de Kruscica, leur place forte, ils puissent descendre vers le

  3   secteur de l'usine. Le HVO s'est attaqué aussi s'emparer ce village en

  4   raison de l'intention qu'il avait de protéger cette usine d'explosifs. Ce

  5   qu'il importe de dire, en dessus de cela, il n'est aucun élément de preuve

  6   ou aucun témoignage qui montrerait que les civils qui ont péri à l'occasion

  7   de ces 48 heures de combat, ont péri suite aux activités disproportionnées

  8   par rapport au combat qui s'y déroulaient.

  9   M. KOVACIC : [Interprétation] Mon co-conseil vient de me dire qu'il y a une

 10   erreur de compte rendu d'audience. A la ligne 20, on parle de Kruscica au

 11   lieu de Donja Veceriska. Or, nous sommes en train de parler ici de Donja

 12   Veceriska. Je me corrige, non, à la ligne 20, c'est Kruscica; à la ligne

 13   21, il faut dire Donja Veceriska, cela me semble évident.

 14   Maintenant pour ce qui est de Stari Vitez, de cette attaque lancée sur

 15   Stari Vitez, on a affirmé que la Brigade de Viteska a participé. Nous

 16   affirmons qu'il n'y a aucun élément de preuve satisfaisant, disant que la

 17   Brigade de Viteska a été impliquée dans ces attaques, de par le déploiement

 18   des troupes, on voit qu'on n'a pas attribué cette région à cette brigade.

 19   Deuxièmement, il y a des Témoins qui ont été à même de fournir des détails

 20   au sujet de l'appartenance des soldats qu'ils ont vu à Stari Vitez pendant

 21   les conflits. Il s'agissait, d'après les dires de ces Témoins, soit de la

 22   police militaire, soit de Vitezovi, c'est le Témoin Zlotrg, qui le dit à la

 23   page 1 663, il a confirmé qu'à Vitez, les Musulmans ont été arrêtés par les

 24   membres de la police civile ou les Vitezovi, et ainsi suite. Mais tout ceci

 25   figure dans mes écritures en appel.


Page 508

  1   Deuxièmement, et de façon semblable, au cas de Donja Veceriska, s'est

  2   trouvé être la place forte principale de l'ABiH depuis le mois d'octobre

  3   1992. Je ne vais pas m'attarder davantage, mais je dirais que le fait que

  4   Stari Vitez soit resté encerclé qu'il s'est défendu pendant 11 mois

  5   entiers, nous avons entendu le Témoin Zlotrg, commandant de la Défense à

  6   Stari Vitez l'a dit, le fait d'avoir été encerclé pendant 11 mois, et le

  7   fait que le HVO n'a jamais réussi à s'emparer de Stari Vitez en dépit de

  8   deux tentatives, en avril et plus tard en été, chose dont n'a pas été

  9   accusé Cerkez, est la meilleure preuve qu'il s'agissait là de deux armées.

 10   L'attaque militaire sur Stari Vitez le 16 avril a été une attaque justifiée

 11   du point de vue militaire, étant donné qu'il se trouvait des effectifs

 12   militaires à l'intérieur. Il n'y a pas d'élément de preuve, disant qu'il y

 13   a eu recours excessif à la force ou disproportionné à la force, s'agissant

 14   des installations situées à ces emplacements là. Il n'y  a aucun élément de

 15   preuve disant qu'il a été attaqué des cibles civiles. Il n'y a pas eu

 16   d'incendie parce que le HVO a été expulsé de Stari Vitez dès que les

 17   conflits ont commencé.

 18   Je n'ai pas l'intention de m'attarder davantage, je crois qu'il y a bon

 19   nombre d'éléments de preuve, et je crois que nos écritures en appel sont

 20   suffisamment détaillées.

 21   Je voudrais maintenant passer aux propositions finales. Tout d'abord, pour

 22   ce qui est des 7(1) et 7(3), j'estime que la question est de taille; pour

 23   ce qui est du prononcé de sentence au sujet de laquelle il est également en

 24   appel. Si cette Chambre d'appel accepte la pratique que nous avons citée,

 25   M. Cerkez ne devrait être condamné à double titre. Nous estimons que cela


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  1   est susceptible de diminuer, de façon sensible, l'importance de sa peine,

  2   et réduire sa responsabilité pénale.

  3   Pour ce qui est des autres propositions finales, du point de vue de nos

  4   assertions, au terme desquelles la Chambre de première instance aurait erré

  5   pour ce qui est de son opinion au sujet du conflit armé international, nous

  6   estimons que, si notre proposition est acceptée, il faudrait rejeter les

  7   chefs d'accusation 15, 19, 30, 31, 33 et 35 étant donné que cela se fondent

  8   sur l'Article 2 du statut, il n'est pas applicable s'il n'y a pas de

  9   conflit armé international.

 10        Maintenant, pour ce qui est de notre motif d'appel disant qu'il y a eu

 11   violation des garantis de procès équitable à l'égard de Cerkez cela se

 12   répercuterait bien entendu sur tous les chefs d'accusation, ou plutôt les

 13   points de la condamnation et Cerkez devrait par conséquent être acquitté

 14   sur tous ces éléments là.

 15   Maintenant, s'agissant des chefs qui se rapportent aux normes appliquées

 16   dans les conclusions, et pour ce qui est de savoir si les conclusions vont

 17   au delà de tout doute raisonnable, si nous estimons que cela n'est pas le

 18   cas, Cerkez devrait être acquitté pour ce qui est des chefs 5, 6, 14, et 15

 19   et 19, 41, et 42. Étant donné qu'il s'agit là de conclusions partant

 20   desquelles il a été constaté que des unités de Cerkez auraient commis des

 21   méfaits sur les sites de Stari Vitez et Donja Veceriska, or, nous estimons

 22   pour notre part qu'il n'y a pas eu de fondement pour l'adoption de telles

 23   conclusions.

 24   Maintenant, pour ce qui est du quatrième motif d'appel, c'est le critère au

 25   delà de tout doute raisonnable, la situation est ici analogue, je ne vais


Page 510

  1   pas me répéter.

  2   Maintenant, pour ce qui est du prononcé de la peine en plus de l'opinion

  3   que j'ai, au terme de laquelle les chefs 35 et 34 ne soient pas contestés,

  4   il faudrait également procéder à une façon de faire non accumulative pour

  5   ce qui est des Articles 7(1) et 7(3).

  6   Mais je proposerais d'y aller par phase ou de procéder au pas à pas. Si

  7   nous estimons que la peine est trop grande et qu'il faudrait qu'elle soit

  8   réduite, nous suggérerions à la Chambre de la diminuer dans le cadre des

  9   circonstances qui sont énumérées dans notre mémoire en appel.

 10   Dans la phase ultérieure juste après, étant donné qu'il est certain que les

 11   chefs 35 et 34 vont être retirés, étant donné que certains chefs aient été

 12   diminués de par leur envergure, et étant donné le 7(1) et le 7(3), qui

 13   doivent réduire l'envergure des peines prononcées, il faudrait que la

 14   Chambre d'appel évalue la peine à prononcer maintenant que ces chefs

 15   n'existeraient plus et le volume de la responsable et habiletés, ils se

 16   trouveraient considérablement réduits en conséquence. Je tiens à ajouter

 17   qu'il ait plusieurs faits liés à des raisons de famille, à des raisons

 18   individuelles qui devraient vous amener à diminuer la peine prononcée à

 19   l'encontre de mon client.

 20   Je tiens en somme à vous remercier de l'attention et du temps que vous

 21   m'avez accordé. Je m'excuse si j'en ai pris un peu plus que prévu au

 22   départ. Merci.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Je crois que nous

 24   avons ici un problème qui nous reste. En effet, partant de la jurisprudence

 25   de la Chambre d'appel, il est tout à fait obligatoire de tenir compte de la


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  1   vie de famille, les éléments de socialisation ou [imperceptible]

  2   socialisation, ainsi que les relations avec la famille telles qu'elles

  3   existent à présent.

  4   Nous avons reçu vos écritures concernant la sentence, mais cela n'a pas été

  5   fait sous la forme d'une déclaration sous serment. Il s'agit d'écritures de

  6   votre part, datées du 4 mai 2004.

  7   Pour ne pas perdre trop de temps, un examen de cette question, je

  8   demanderais aux parties de se mettre d'accord après l'audience

  9   d'aujourd'hui pour déterminer dans quelle mesure certains des points

 10   consignés dans cette lettre peuvent être acceptés, en tant que faits

 11   convenus. Je pense que ceci faciliterait la procédure. Nous pourrons

 12   revenir à ce point demain.

 13   Est-ce que ceci vous convient, Maître Kovacic.

 14   M. KOVACIC : [interprétation] Tout à fait, tout à fait, en tous les cas.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Fort bien.

 16   M. FARRELL : [interprétation] Oui.

 17   M. KOVACIC : [interprétation] Me permettez-vous d'ajouter quelque chose à

 18   propos de ces circonstances et je crois que je peux parler au nom de mes

 19   confrères également car nous venons d'essayer d'établir la situation par

 20   téléphone. Nous avons appris par la suite que la Défense de M. Kordic avait

 21   demandé l'avis de M. McFadden, le directeur du Quartier pénitentiaire des

 22   Nations Unies.

 23   S'agissant du comportement et de la conduite des détenus depuis leur

 24   condamnation jusqu'à ce jour, apparemment, nous venons juste de

 25   l'apprendre, cet avis nous sera remis, il sera dans notre vestiaire et nous


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  1   pourrions vous le remettre demain.

  2   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Au cas où ce ne sera pas

  3   disponible, Monsieur Farrell, ceci est incontesté, n'est-ce pas pour ce qui

  4   est du comportement et de l'attitude des deux accusés ? Jamais ils n'ont

  5   causé de problèmes. Est-ce que nous pouvons en convenir ? La note de M.

  6   McFadden sera la même que nous recevons toujours pour dire qu'il n'y a

  7   aucun problème s'agissant du comportement des deux accusés. Est-ce que ceci

  8   est contesté ?

  9   M. FARRELL : [interprétation] A ce stade, il faudrait que j'examine ce

 10   rapport. Je m'en excuse, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Fort bien. Nous pourrons régler

 12   cette question demain, mais ne l'oublions pas, sinon nous ne pourrons pas

 13   vraiment parler de la question de la réinsertion.

 14   Voilà vos plaidoiries sont terminées. Le moment est venu de donner la

 15   parole à l'Accusation. Vous aurez besoin de combien de temps, pensez-vous ?

 16   M. FARRELL : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président, si vous me

 17   le permettez, je vais vous le dire.

 18   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 19   M. FARRELL : [interprétation] Merci de votre patience. Je pense qu'en tout,

 20   nous n'aurons pas besoins des deux heures prévues. Je pense qu'une heure et

 21   demie devrait suffire. Nous ne terminerons pas dans l'heure qui nous reste

 22   aujourd'hui si c'était là le sens de votre question.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je suppose que nous allons

 24   poursuivre nos travaux jusqu'à 19 heures précise. Vous reprendrez votre

 25   exposé demain et vous aurez encore à peu près une demie heure demain. Je


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  1   vous crois sur parole. Vous avez dit qu'on pourrait déduire 30 minutes du

  2   temps qui vous était réservé pour l'appel. Merci.

  3   M. FARRELL : [interprétation] Merci.

  4   M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, si je ne

  5   m'abuse, d'après l'ordonnance portant calendrier, l'Accusation devrait

  6   avoir une heure pour ses réponses. Nous devions avoir une demie heure pour

  7   notre réplique.

  8   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous avez raison. Vous avez raison,

  9   Maître Kovacic.

 10   M. KOVACIC : [interprétation] Je ne sais pas si j'ai vraiment raison. C'est

 11   simplement que je voulais le relever.

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Mais regardez le mercredi 19 mai

 13   2004, on voit qu'il y a de 9 heures à 10 heures 30, les conclusions de

 14   l'Accusation. Si vous voulez, il y a déjà là une période qui est écourtée

 15   de --

 16   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Mais c'est l'appel interjeté par

 17   l'Accusation.

 18   [La Chambre d'appel se concerte]

 19   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 20   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui. L'Accusation nous a dit

 21   qu'elle allait déduire ce temps.

 22   Commencez.

 23   M. FARRELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Plusieurs questions ont été soulevées par les avocats défendant M. Cerkez,

 25   l'appelant. Plusieurs références ont été évoquées au cours desquelles


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  1   l'appelant vous a dit que ceci se trouvait dans son mémoire.

  2   Voici comment nous allons dès lors structurer notre réponse. J'évoquerai

  3   quelques questions. Je devrai en terminer avant la fin de l'audience

  4   d'aujourd'hui. Quelques questions de faits, une question de droit, en

  5   particulier, et avec votre autorisation, je vais utiliser ce temps pour

  6   évoquer les chefs que le Juge de la mise en appel avait pris comme objet de

  7   sa question pour savoir ce qu'ils ont déjà dans le dossier, les chefs 33 à

  8   41; et enfin, j'évoquerai rapidement le rapport qu'il y a entre l'Article

  9   7(1) et l'Article 7(3) du statut.

 10   Ensuite, ma consoeur, ma collègue, Mme Kind, va parler de la question du

 11   procès équitable. Apparemment, la Défense avançait qu'elle n'avait pas pu

 12   appeler à la barre M. Cerkez. Ce retard pour ce qui est du mémoire de

 13   clôture et des plaidoiries et enfin vous aurez un espèce de 15 ou 20

 14   minutes de la part de Mme Jarvis à la question du conflit armé

 15   international et un commentaire s'agissant de l'acte de récusions de

 16   l'intention délictueuse qui la sous-tend.

 17   Il y a plusieurs conclusions factuelles, s'agissant des faits, la Cour

 18   c'est parfaitement quel est le critère qu'il faut retenir pendant l'examen.

 19   S'agissant des conclusions factuelles, certaines ont été basées sur le fait

 20   que M. Cerkez avait déposé certaines informations selon lesquelles il

 21   devait assister à un mariage, ce qui a été annulé à la dernière minute par

 22   une demande du général Blaskic. Dans ses conclusions la Défense, on a

 23   demandé combien de temps il fallait, je ne sais pas si ceci est déjà

 24   consigné dans le dossier. Mais même si c'est le cas, le critère Kunerac

 25   doit s'appliquer.


Page 515

  1   La prétention principale concernait la question du Témoin AT. Hier j'ai

  2   déjà, j'espère assez clairement, parler en quelques mots de la question de

  3   la corroboration de toute cette problématique. Je ne veux pas me répéter.

  4   Je voudrais, cependant, répondre à un commentaire. Apparemment, il y avait

  5   une référence à l'après-midi du 15 avril dans le journal de guerre :

  6   l'arrivée de M. Cerkez, étant intervenue un peu plus tard, ce qui aurait

  7   été corroboré par le journal de guerre.

  8   Une première chose, ceci ne sape pas du tout la déposition du Témoin AT,

  9   cet élément de corroboration, parce que vous vous souvenez de ce qu'a dit

 10   le Témoin AT. Il a dit qu'il a vu en chair et en os Cerkez après la

 11   réunion, après qu'on lui eut dit qu'à cette réunion militaire, Kraljevic et

 12   Cerkez étaient venus à son bureau, et Cerkez a demandé une arme, en

 13   particulier. Il voulait une mitrailleuse lourde parce qu'il était dans le

 14   but à certaines difficultés, le HVO étant à Kruscica. Dans le journal de

 15   guerre, il y a des éléments de corroboration qui montrent qu'il y  avait

 16   combat et présence de M. Cerkez à Kruscica.

 17   Un autre aspect, en ce qui concerne le journal de guerre, même si celui-ci

 18   fait état d'une réunion à 5 heures 30, il ne consigne pas une réunion

 19   ultérieure entre Cerkez et Blaskic. Ici, l'appelant dit qu'il y a faille

 20   dans le chef du journal de guerre dans la mesure où ceci sape la

 21   déclaration du Témoin AT. Je remarque que ce même journal, sur lequel il se

 22   base, ne donne pas une rubrique où cette réunion ultérieure de 6 heures 30

 23   entre Cerkez et Blaskic est mentionnée. L'avocat de la Défense a passé un

 24   temps considérable à dire que c'était ce témoignage, le témoignage du

 25   Témoin AT qui avait fait pencher la balance contre les accusés, qui avait


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  1   influencé les Juges en dernière instance. Prenons le paragraphe 688, la

  2   Chambre de première instance spécifie le rôle précis joué par M. Cerkez,

  3   qu'il limite au mois d'avril 1993, Stari Vitez, Vitez, Veceriska et Ahmici,

  4   et sont examinés les éléments de preuve énumérés par la Chambre en ce qui

  5   concerne Mario Cerkez. Au bout de cette section, la Chambre conclu, au

  6   paragraphe 703, qu'il y a des éléments de preuve très nets  montrant que

  7   Mario Cerkez a participé aux attaques contre Vitez, Stari Vitez, et

  8   Veceriska.

  9   La Chambre présente les renseignements sur lesquels elle s'est appuyée, au

 10   haut de la page du 242. Si vous vérifiez ces paragraphes du début à la fin,

 11   y compris les éléments de preuve sur lesquels s'est appuyée la Chambre,

 12   n'est pas mentionné le témoignage du Témoin AT. En fait, la condamnation,

 13   elle se fonde sur les preuves -- excusez-moi. Sa présence est déduite ou

 14   inférée à cette réunion du 15 avril 1993, la réunion militaire. Ce n'est

 15   pas exact ce que j'avais dit. Il y fait référence aux preuves documentaires

 16   et aux rubriques dans le journal de l'officier de permanence. Si on voit

 17   les paragraphes précédents jusqu'à la fin de cette section, il n'est pas

 18   fait référence à la déposition du Témoin AT. La Chambre commence par les

 19   ordres. Je vous renvoie au jugement, page 236.

 20   La Chambre commence par les ordres qui sont énumérés. Mais, d'autres moyens

 21   de preuve étaient à la disposition de la Chambre, et qu'elle prend pour

 22   appuyer ces conclusions. Il y a d'autres conclusions de ce jugement qui

 23   appuient ce jugement. Vous avez le paragraphe 595, c'est la nomination de

 24   Cerkez en sa qualité de commandant de la brigade Vitez. Paragraphe 596, on

 25   dit que son QG se trouve à Vitez et que c'est une brigade à base


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  1   territoriale avec des unités d'affectation spéciales qui se trouvent dans

  2   la zone territoriale et dans la structure de commandement, mais que

  3   s'agissant des Vitezovi, il n'était pas en mesure de donner des ordres, ni

  4   de commande Kraljevic.

  5   Au paragraphe 599, on parle de la mobilisation de 270 personnes et de trois

  6   compagnies cantonnées dans divers villages. Au paragraphe 599, toujours, on

  7   trouve une autre référence à la page 198. En anglais, je pense que c'est la

  8   fin du paragraphe 599, page 215, en français. On fait référence à

  9   l'organisation de la brigade. L'avant-dernière phrase qui est ceci : "Qui

 10   plus est, un document daté du 14 avril, fourni la liste des soldats du 1er

 11   Bataillon de la brigade, soit 270 hommes formant trois compagnies basées

 12   dans plusieurs villages."

 13   Je vais demander l'aide de M. l'Huissier afin que le document soit placé

 14   sur le rétroprojecteur. Il s'agit d'une pièce versée au dossier de

 15   l'audience Z653. Je ne sais pas si vous êtes en mesure de lire ce texte.

 16   C'est le document auquel il est fait référence dans l'avant-dernier

 17   paragraphe ou dans l'avant-dernière ligne du paragraphe 599. Il est dit :

 18   "La liste des hommes du 1er Bataillon", 1er Bataillon de la Brigade de Vitez.

 19   On parle des villages où ils sont déployés ces hommes. Regardez de plus

 20   près, vous voyez Nadioci, Santici, la 2e Compagnie reprend plusieurs

 21   villages, la 3e, vous avez Gornja Veceriska, Stari Vitez. C'est la liste du

 22   1er Bataillon. La Chambre de première instance a constaté qu'il y avait

 23   trois bataillons. Des éléments de preuve ont été contestés par l'avocat de

 24   la Défense, mais d'après la Chambre de première instance, il y avait trois

 25   bataillons. Voyez, ici, que c'est en date du 14 avril. La veille du jour


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  1   où, d'après la Chambre de première instance, il y a eu cette réunion. C'est

  2   une partie du territoire qui se trouve sur la zone de responsabilité du 1er

  3   Bataillon, mais ce n'est pas toute la zone de responsabilité. Vous voyez

  4   "Gornja Veceriska." Rappelez-vous que le 16, Gornja Veceriska, d'après le

  5   témoignage de Témoins, c'est que les civils ont quitté Donja Veceriska pour

  6   aller à Gronja, le bas et le haut, parce qu'il y avait une attaque

  7   éminente.

  8   On fait référence à Stari Vitez, on fait référence à Santici. Pourquoi est-

  9   ce que je vous soumets ceci ? C'est pour vous faire voir que la Chambre

 10   s'était appuyée, notamment, sur ces éléments de preuve pour montrer que ces

 11   hommes étaient organisés en zones, zones qui se trouvaient sous le contrôle

 12   et commandement de M. Cerkez. C'est une organisation qui a une base

 13   territoriale, une unité, et il avait la responsabilité à Vitez, et son QG

 14   se trouvait à la maison de la culture, au centre culturel de Vitez.

 15   Merci, Monsieur l'Huissier. J'aurais encore un document à vous soumettre.

 16   Passons maintenant aux ordres sur lesquels s'appuient la Chambre de

 17   première instance, ceux qu'on trouve au paragraphe 689, page 286 en

 18   anglais, 258 en français, sont énumérés plusieurs lieux plus vastes que

 19   ceux que j'ai mentionnés dans la pièce précédente parce que celle-ci ne

 20   concernait que le 1er Bataillon. Ici, vous verrez, c'est manifeste, les

 21   ordres qui sont émis par le colonel Blaskic à son subordonné direct - Mario

 22   Cerkez est un subordonné direct de Blaskic - et on fait référence aux mêmes

 23   endroits partout : Donja Veceriska, mentionnée plusieurs fois : Ahmici;

 24   Stari Vitez, Sivrino Selo et Vrhovine.

 25   Un commentaire. Remarquez-le à la page 236, au (c) et au (d), on fait


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  1   référence à Sivrino Selo. Vous saurez peut-être que le Témoin AT, dans sa

  2   déposition, a déclaré que lorsqu'on lui avait demandé qui se trouvait au

  3   côté de la police militaire à Ahmici, l'unité qui se trouvait au côté de la

  4   police militaire, c'était la brigade de Vitez à Sivrino Selo. Regardez une

  5   carte et vous verrez que Sivrino Selo se trouve tout à fait à côté de

  6   Pirici. Les avocats de la Défense ont indiqué Pirici, qui est un petit

  7   hameau -- un des petits hameaux autour d'Ahmici, ce qui veut dire que vous

  8   avez pratiquement côte à côte Pirici et vous avez Sivrino Selo où se trouve

  9   la Brigade de Vitez. Ils ne sont pas simplement à Kruscica comme le prétend

 10   l'appelant.

 11   Prenons la page 237 du jugement, on fait référence au rapport qu'aurait

 12   fait Mario Cerkez à Blaskic. On dit : "La ville est nettoyée, et nous avons

 13   à peu près 50 Musulmans dans la cave du poste de police de la brigade." Je

 14   demanderais, une fois de plus, l'aide de l'Huissier pour placer un document

 15   sur le rétroprojecteur. Essayez, s'il vous plaît, de remémorer le passage

 16   au haut de la page 259, en français du jugement. "La ville est propre."

 17   Ici, on parle de Vitez, tout du long, dans ces documents. La ville, c'est

 18   la ville de Vitez, c'est là que se trouve son QG.

 19    On dit : "Nous avons environ 50 Musulmans au sous-sol du poste de police

 20   de la brigade." Examinez le document qui se trouve à l'écran, c'est la

 21   pièce Z2158. Vous constaterez que le poste de police de la brigade, il se

 22   trouve dans le coin inférieur droit, il se trouve à 300 mètres. Vous voyez

 23   la flèche du cinéma, qui était le bureau de Mario Cerkez. Nous sommes, ici,

 24   dans la ville de Vitez.

 25   Si vous lisez ceci en même temps que le rapport, c'est un rapport que fait


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  1   Cerkez à Blaskic à propos du fait que la ville est propre, qu'ils ont 50

  2   Musulmans au sous-sol du poste de police de la brigade, et il dit "nous."

  3   Il dit : "Stari Vitez reste encore un problème, que devons-nous faire ?"

  4   D'après l'Accusation, la Chambre a raisonnablement utilisé cette pièce sur

  5   laquelle elle s'appuie pour déterminer la culpabilité de M. Cerkez et pour

  6   refuser de l'idée sur laquelle il se contentait de faire un rapport

  7   concernant d'autres unités et d'autres membres du HVO destinés à assister

  8   le colonel Blaskic.

  9   Examinez aussi le journal de guerre. Le 16 avril, il y avait une de ses

 10   rubriques où on trouve le nom "Mario," "Mario C" ou "Cerkez." Il y a cette

 11   rubrique, le 16 avril, avec le nom de la Brigade de Vitez. Le 17, il y a 21

 12   rubriques sous le nom de Mario et sept sur la Brigade de Vitez. Dans le

 13   journal de guerre, pour la journée du 16 avril, à 11 heures 20, on trouve

 14   une note rédigée par une personne répondant au nom de Marin S, qui dit :

 15   appelez Cerkez pour régler un problème de traduction. On a été mal à

 16   comprendre : "Pour la livraison de munitions/soutien pour Donja Veceriska."

 17   Toujours le 16 avril, à une heure 20 de l'après-midi, une fois de plus, on

 18   appelle Mario Cerkez au téléphone pour lui demander : "Est-ce que les

 19   invités sont arrivés à Donja et Gornja Veceriska ?" Il est dit : "L'invité

 20   est arrivé du territoire ou de la Brigade de Tvrtko." Vous vous rappelez, à

 21   une heure 30 du matin, on avait une indication sur laquelle la Brigade de

 22   Vitez devait coopérer avec la Brigade de Tvrtko. Cette indication, ainsi

 23   que l'autre moyen de preuve s'agissant du rapport par Cerkez d'activités à

 24   Donja Veceriska, montre qu'il avait la responsabilité de la zone.

 25   Paragraphe 696, la Chambre de première instance estime qu'il contrôlait ces


Page 521

  1   troupes et qu'il est responsable, ceci, c'est au paragraphe 703.

  2   Indépendamment de la déposition du Témoin AT, on ne fait qu'une fois

  3   référence à sa présence à une réunion le 15, dans cette partie du jugement

  4   où on évoque le rôle joué par Mario Cerkez.

  5   Il faut relever une chose à propos du plan criminel commun, Mme Jarvis en

  6   parlant, il faut qu'il y ait une intention partagée commune. Si vous

  7   acceptez qu'il est jugé coupable en vertu de ce plan criminel commun, et si

  8   vous acceptez, comme la Chambre de première instance, qu'il était à cette

  9   réunion, sa responsabilité ne doit pas être limitée aux zones où il a

 10   participation directe de ces troupes, où on peut démontrer un lien direct

 11   entre lui et ces troupes. La Chambre juge que sa contribution, elle a trait

 12   à Vitez et Stari Vitez et Donja Veceriska. Si c'est là sa contribution à un

 13   plan criminel commun, à ce moment-là, il y a responsabilité en vertu de la

 14   responsabilité visée par l'entreprise criminelle commune pour les actes

 15   commis par autrui. Par conséquent, s'il était présent à la réunion, réunion

 16   du 15, et si la portée, c'était Kraljevic, la police militaire, ses

 17   activités, si c'était là, la portée de la réunion et la portée de plan

 18   criminel partagé en vue de persécution, en fait, il a eu la chance de voir

 19   la Chambre de première instance limiter sa responsabilité à sa

 20   participation directe, le jugeant coupable en vertu de ce plan criminel

 21   commun pour sa participation directe ainsi que visé par l'Article 7(1) du

 22   statut.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Le Juge Guney voudrait vous poser

 24   une question ?

 25   M. FARRELL : [interprétation] Oui, merci.


Page 522

  1   M. LE JUGE GUNEY : Monsieur Farrell, dans le motif d'appel numéro 4, Cerkez

  2   prétendait qu'il n'existait pas le plan criminel, et par conséquent, il ne

  3   partageait pas l'intention dudit plan. Voulez-vous nous dire en quoi

  4   consistait le plan criminel, son étendu, notamment, et pourtant, il serait

  5   peut-être opportun de vous demander la nature de la responsabilité pénale

  6   individuelle plaidée pour Cerkez, auteur, co-auteur, première ou troisième

  7   catégorie d'entreprise criminelle commune, ou responsabilité pour avoir

  8   ordonné. Voilà, le cadre de la question. Merci.

  9   M. FARRELL : [interprétation] Permettez-moi de revenir aux chefs

 10   d'accusation. L'acte d'accusation fait état, en toute équité, tout d'abord,

 11   à ceci, d'abord, il y a trois inculpations. On les accuse d'agir de

 12   concert. A cet égard, de l'avis de l'Accusation, il est accusé d'entreprise

 13   criminelle commune et j'ai présenté les arguments à ce propos, hier.

 14   S'agissant de la nature de sa participation à l'entreprise criminelle

 15   commune, si je me souviens bien, je vérifierais si vous me permettez ce

 16   soir, je crois me souvenir que l'étendue ou la portée de l'acte

 17   d'accusation initiale et de l'exposé factuel, dans le mémoire préalable au

 18   procès, limite pour cette portée à la municipalité de Vitez. C'est ce dont

 19   je crois me souvenir, mais je ne demanderais, et je chercherais

 20   confirmation. Par conséquent, la personne, qui serait le co-auteur ou un

 21   membre de cette entreprise, serait la ou les personnes de cette

 22   municipalité, ceux qui se trouvaient aux échelons les plus élevés de la HZ

 23   HB, HR HB et du HVO également et leurs chefs, leurs dirigeants.

 24   Il faut relever autre chose, au paragraphe 26 de l'acte d'accusation,

 25   j'appelle votre attention sur ce paragraphe 26. Le libellé sur lequel je me


Page 523

  1   suis appuyé pour ce qui est de la requête que j'ai déposée et la portée de

  2   ce qui serait l'entreprise criminelle commune, ceci concerne Dario Kordic.

  3   Il est fait référence à Mario Cerkez, mais, apparemment, cette référence se

  4   trouve au paragraphe 27. On dit que par des moyens militaires et la mise en

  5   œuvre de cette campagne et il a participé à la campagne de persécution et

  6   l'a aidé et encouragé.

  7   Phrase suivante, elle nous dit qu'il avait des raisons de savoir et qu'il

  8   n'a pas pris les mesures nécessaires raisonnables pour empêcher de tels

  9   actes ou en punir les auteurs. C'est un peu différent, en toute franchise,

 10   du paragraphe 26, pour ce qui est de la portée. Je vérifierai le mémoire

 11   préalable au procès et l'exposé des faits pour vous informer, Monsieur le

 12   Juge, de la portée et de l'étendue de cette entreprise criminelle commune

 13   pour ce qui est de la 1er et la 3e catégorie, même si le libellé exact,

 14   utilisé dans le mémoire préalable au procès pour les deux accusés, renvoie

 15   à la forme élargie de responsabilité de l'entreprise criminelle, 3e

 16   catégorie où on parle de la responsabilité de ceux qui participent à un

 17   plan criminel commun. Le libellé utilisé dans le mémoire préalable au

 18   procès porte sur la nature élargie du plan.

 19   Je pense que vous aviez posé une autre question, Monsieur le Juge Guney.

 20   Excusez-moi, je l'ai oubliée.

 21   M. LE JUGE GUNEY : Oui, c'était la responsabilité pour avoir ordonné

 22   également.

 23   M. FARRELL : [interprétation] C'est exact. Excusez-moi, j'avais oublié.

 24   Il a été accusé d'avoir ordonné, d'avoir donné des ordres en vertu du point

 25   7, des Articles 7(3) et du 7(1) [imperceptible] et ceci inclut les actes de


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  1   ses subordonnés de la brigade de Vitez dans sa zone de responsabilité. La

  2   Chambre de première instance au paragraphe 836 le juge coupable en tant que

  3   co-auteur de ces crimes et le juge coupable en tant que co-auteur pour ces

  4   deux crimes soient de ceux de membres de la Brigade de Vitez ou ceux de ses

  5   membres qui se trouvaient dans la municipalité de Vitez. Vu la conclusion

  6   que les Juges tirent à  propos de sa présence à la réunion, c'est sans

  7   doute limité en tant que co-auteur à la municipalité de Vitez.

  8   Monsieur le Juge Guney, est-ce que je peux vous demander un moment de

  9   patience.

 10   [Le Conseil de la Défense se concerte]

 11   M. FARRELL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge Guney. Je

 12   voulais voir si j'avais d'autres informations sur ce qui avait été dit dans

 13   le mémoire préalable au procès mais si vous le voulez bien, je vous

 14   donnerai une réponse demain matin.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Permettez-moi d'ajouter aussi pour

 16   demain, soyez prêt à répondre à une question, celle qui concerne non

 17   seulement le plan, mais aussi la portée, l'étendue du plan et la

 18   connaissance qu'avait M. Cerkez de ce plan, connaissance détaillée, surtout

 19   la question de savoir si ce plan incluait ou pas des actes de traitement ou

 20   actes inhumains; et si ce plan incluait des actes présumés de privation de

 21   liberté en vertu des Articles 2 et 5 du statut.

 22   Enfin, nous vous serions gré de vérifier ou de préciser si M. Cerkez dans

 23   l'affirmative aurait reçu ou appris l'existence de ce plan criminel à cette

 24   deuxième réunion dont nous avons déjà parlé. Je pense que vous semez un peu

 25   la confusion parce que vous avez cité vous-même le paragraphe 27 de l'acte


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  1   d'accusation où on parle "d'aider et encourager," et M. Cerkez est jugé

  2   coupable en tant que co-auteur. Pourriez-vous nous donner davantage

  3   d'arguments sur la responsabilité pénale ? Est-ce que c'est simplement

  4   "aider et encourager" ou est-ce que c'est purement le fait d'être co-auteur

  5   ou est-ce que c'est la première ou la troisième catégorie d'entreprise

  6   criminelle commune ? Le mémoire, l'acte d'accusation et en partie aussi le

  7   jugement ne sont pas tout à fait clairs sur ces questions.

  8   M. FARRELL : [interprétation] Merci de ces questions, Monsieur le

  9   Président.

 10   Si vous me le permettez, je vais maintenant répondre aux question soulevées

 11   par le Juge de la mise en état, qui avait demandé s'il y avait des éléments

 12   répondant au chef d'accusation 33, prise d'otage ou au chef 41, ce qui est

 13   destruction arbitraire.

 14   Avant d'aborder ces questions, je rappelle que je crois, Monsieur le

 15   Président, que vous aviez posé une question à Mme Brady. Dans quelle mesure

 16   peut-on se fonder sur les conclusions factuelles du mémoire ? Est-ce qu'on

 17   peut déterminer si l'une d'entre elles suffit pour remporter en fait

 18   confirmation d'une condamnation ?

 19   La première démarche est de savoir où des conclusions factuelles sont

 20   claires. Deuxième étape, c'est de savoir s'il y a d'autres conclusions,

 21   d'autres points sur lesquels s'est prononcée la Chambre à l'appui de ces

 22   conclusions. Il pourrait y avoir des circonstances où il y a des

 23   conclusions factuelles, acceptées par la Chambre, mais il se peut qu'il y

 24   ait ailleurs dans le jugement d'autres conclusions, s'agissant de ce chef

 25   d'accusation.


Page 526

  1   De l'avis de l'Accusation, la Chambre devrait se dire ceci. Lorsqu'il y a

  2   dans le jugement de première instance des conclusions factuelles, là où il

  3   y a une décision de la Chambre des conclusions factuelles et si le droit

  4   est appliqué en tant qu'accepté par la Chambre à ces faits, à ce moment-là,

  5   vous avez toutes les composantes dans le jugement qui sont incontestables

  6   et qui entraînent condamnation. La difficulté, elle, surgit au moment où il

  7   faut se demander s'il y a eu effectivement des conclusions tirées au niveau

  8   des faits. Cela se passe là, où à partir du jugement, on pourrait se dire,

  9   déduire que la Chambre a accepté les éléments de preuve en tant que faits;

 10   ou si plus tard dans les changements, dans les conclusions factuelles parce

 11   que vous savez ici dans ce jugement, on récite souvent les moyens de

 12   preuve; au bout, on a une conclusion, à ce moment-là la Chambre d'appel

 13   devrait examiner le jugement pour déterminer, si oui ou non, les faits qui

 14   sont énumérés sont les faits sur lesquels la Chambre de première instance

 15   s'est appuyée au bout du compte ou si elle dit qu'elle a rejeté les moyens

 16   de preuve de la Défense. Ce qui permet de conclure, de déduire que les

 17   faits, tels que présentés par l'Accusation ont été acceptés et qu'ils sont

 18   à la base de la condamnation.

 19   Sinon nous avons des problèmes si on essaie simplement de faire référence

 20   aux éléments de preuve. Je ne pense pas que vous serez à même de déterminer

 21   cela à partir des éléments de preuve, sinon cela aurait une fonction de

 22   novo ce que, comme on l'avait déjà dit, vous n'êtes pas ici pour faire. 

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre à

 24   ce stade.

 25   M. FARRELL : [interprétation] Excusez-moi.


Page 527

  1   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous comprenons tout à fait comment

  2   est écrit ce jugement son architecture. Nous n'avons pas ici de matrice

  3   unique pour la rédaction d'un jugement. Nous l'acceptons tel qu'il est pour

  4   déterminer s'il est suffisant ou pas. J'avais posé une question qui

  5   enchaînait sur la question de M. le Juge Guney. Je vous demanderais de nous

  6   expliquer demain où dans le jugement, il est possible de trouver certains

  7   éléments d'intention spécifique s'agissant de la persécution. Où est-ce que

  8   nous trouvons dans le jugement ces éléments et de quelle façon ces éléments

  9   ont-ils été plaidés pendant le procès ? Je pense que serait fort utile pour

 10   nous.

 11   M. FARRELL : [interprétation] Je vais essayer de faire cela.

 12   En ce qui concerne le chef 33, sur la base du jugement et de ses

 13   constations, nous pouvons lire les éléments dans le paragraphe 314. Ceci se

 14   réduit au fait que s'agissant des détenus, lorsqu'ils sont détenus et qu'il

 15   existe une menace à l'encontre des détenus, le langage du paragraphe 343

 16   parle "des menaces aux civils détenus de manière illégale. Ce qui s'élève

 17   au traitement inhumain afin d'atteindre quelque chose."

 18   La Chambre de première instance a condamné l'accusé pour la prise d'otages

 19   et les éléments de preuve sont énoncés dans le paragraphe 784. Si j'ai bien

 20   compris la question du Juge de la mise en état, il fallait déterminer s'il

 21   existe des éléments de preuve pour corroborer cette condamnation pour cause

 22   de prise d'otages des détenus dans les centres de détention autre que le

 23   cinéma de Vitez.J'attire maintenant votre attention au paragraphe 784,

 24   sous-paragraphe (b), où l'on parle d'un élément de preuve selon lequel M.

 25   Cerkez a demandé à un détenu, médecin musulman, dénommé M. Mujezinovic et


Page 528

  1   il lui a demandé de faire appel à l'ABiH pour cesser les attaques. Il

  2   s'agissait d'un appel afin que l'ABiH cesse les attaques contre le cinéma

  3   de Vitez. Mais le Procureur considère que ceci porte sur tous les détenus

  4   dans tous les centres de détention à Vitez.

  5   Voici la suite de la phrase : "Donc il faut faire un appel afin que l'ABiH

  6   ne fait plus d'attaques ou tous les prisonniers détenus à Vitez seront

  7   tués." Il ne s'agit pas seulement des détenus qui se trouvent au cinéma de

  8   Vitez.

  9   Je souhaite maintenant attirer votre attention sur le paragraphe 788.

 10   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je comprends votre conclusion et la

 11   Chambre décidera de la question de savoir si ceci est suffisant en ce qui

 12   concerne la station vétérinaire, le bureau du SDK, le club d'échecs.

 13   Cependant est-ce que vous affirmez que ceci suffit pour dire que les

 14   détenus quels qu'ils soient, qu'il s'agisse de militaires ou des civils

 15   sont concernés par cela ?

 16   M. FARRELL : [interprétation] Compte tenu du fait qu'il s'agit là d'une

 17   menace de mauvais traitements et de meurtres, je pense que ceci

 18   s'appliquerait quel que soit le statut des personnes détenues.

 19   Au paragraphe 788, sous-paragraphe (viii), nous trouvons plus d'éléments de

 20   preuve indiquant que ce nom, le Dr Mujezinovic, Mario Cerkez lui a dit que

 21   l'ABiH avait effectué une percée à la hauteur de Dubravica. Encore une

 22   fois, le Témoin a dû téléphoner au commandant au 3e Corps de l'ABiH pour

 23   lui dire que si les Musulmans ne mettaient pas un terme à leur marche sur

 24   Vitez, il donnerait l'ordre de tuer les prisonniers. Le Témoin, le Dr

 25   Mujezinovic l'a donc fait. Il a téléphoné au commandant du 3e Corps de


Page 529

  1   l'ABiH, et le commandant a accepté d'arrêter la progression de ses troupes.

  2   Il s'agit ici des éléments de preuve qui corroborent la thèse puisque cela

  3   porte sur un autre incident. Il est évident que Mario Cerkez parlait de la

  4   possibilité de tuer ces prisonniers-là.

  5   Il s'agit ici de deux conclusions de fait auxquelles je souhaite attirer

  6   votre attention. Je pense que ceci est important en ce qui concerne le chef

  7   d'accusation 33, la prise d'otages.

  8   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] En plus, nous avons le 788.

  9   M. FARRELL : [interprétation] Tout à fait. La détention des Musulmans. Oui.

 10   Merci.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ceci a déjà été clarifié par le

 12   passé. Qu'en est-il du chef 31 ? Je pense qu'il a été admis que la Chambre

 13   n'a pas fait de conclusions de fait concernant l'implication de M. Cerkez à

 14   Stari Vitez et Donja Veceriska.

 15   M. FARRELL : [interprétation] C'est exact.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Très bien.

 17   M. FARRELL : [interprétation] La Chambre nous a demandé également de

 18   clarifier le point 41, en ce qui concerne la destruction et l'implication

 19   de M. Cerkez dans cela. Destruction effectuée à Vitez et Stari Vitez. Dans

 20   le jugement au paragraphe 807 (i) en ce qui concerne ce chef de destruction

 21   délibérée à Vitez et Stari Vitez, il s'agit des sous-paragraphes (i) et

 22   (ii). Je pense qu'il est tout à fait clair que 807 (i) porte sur la période

 23   après octobre 1992 et début 1993 mais ne porte pas de manière concrète sur

 24   avril 1993, à savoir la période pour laquelle M. Cerkez est condamné.

 25   En ce qui concerne Stari Vitez, c'est le paragraphe suivant, encore une


Page 530

  1   fois, apparemment il ne s'agit pas là d'une conclusion de fait précise

  2   concernant la Brigade de Vitez du HVO à Stari Vitez en avril 1993.

  3   Des éléments de preuve ont été versés au dossier et je souhaite attirer

  4   votre attention sur eux. Il revient à la Chambre de déterminer s'ils sont

  5   suffisants pour prononcer une condamnation mais je vais vous en informer.

  6   En ce qui concerne Vitez et la destruction illicite, nous avons les

  7   éléments de preuve portant sur la date illégale couverte dans le jugement

  8   et le Procureur considère que ceci contient également des conclusions de

  9   fait portant sur la destruction. C'est dans la partie du jugement qui porte

 10   sur les attaques illégales.

 11   Au paragraphe 644, l'on fait référence à la déposition du colonel Watters.

 12   Avant de parler de cela, Monsieur le Juge Schomburg, vous avez posé une

 13   question à mon éminent collègue de la Défense, question de savoir si Vitez

 14   et Stari Vitez constituent une même ville ? Je suis d'accord avec le

 15   conseil de la Défense pour dire que Vitez comporte Stari Vitez et je pense

 16   que ceci est énoncé de manière différente dans l'acte d'accusation parce

 17   qu'à un moment donné, ces deux communautés se sont séparées compte tenu du

 18   fait que Stari Vitez était contrôlée par l'ABiH et Vitez par le HVO. Ici

 19   l'on ne fait pas cette distinction, mais on parle de la partie musulmane de

 20   Vitez.

 21   Au paragraphe 643, on fait référence à la déposition du colonel Watters qui

 22   a reçu des rapports portant sur le pilonnage et les tirs contre les zones

 23   musulmanes de Kruscica et Vitez et, sur la base de ses propres

 24   observations, il a conclu que la plupart des destructions et des victimes

 25   se trouvaient dans la partie musulmane de la ville.


Page 531

  1   Référence est faite à la pièce à conviction 2007 qui corrobore cela et nous

  2   avons référence à cela dans la note en bas de page 1 247. On parle de cette

  3   pièce à conviction qui montre des colonnes de fumée, des flammes surgissant

  4   de l'incendie sur les photos. Du fait qu'il y avait des cadavres alignés à

  5   Vitez, à l'une des extrémités de Vitez et il y avait un grand nombre de

  6   cadavres à Stari Vitez, c'est ce qu'il y est écrit également.

  7   L'autre élément de preuve auquel je souhaite attirer votre attention, c'est

  8   la déposition du Témoin TW21, qui a déposé dans le cadre du procès Blaskic

  9   et on fait référence à cela dans la note en bas de page 1 251. Il devient

 10   très précis dans sa déposition. Ici on fait référence à sa déposition de 4

 11   471 à 4 474, portant sur les assauts sexuels, et un bijoutier. Il parle

 12   aussi du fait que plusieurs maisons musulmanes ont été incendiées à Vitez,

 13   mais cette déposition, portant sur les maisons musulmanes qui ont été

 14   incendiées à Vitez et présentée deux pages plus tôt en fait, non  la page 4

 15   476,  deux pages plus tard, je m'excuse. Nous avons trois éléments de

 16   preuve qui ont apparemment été acceptés par la Chambre de première instance

 17   où nous avons les conclusions de fait et les éléments de preuve liés à la

 18   destruction à Vitez et Stari Vitez.

 19   Peut-être une autre question découle de cela. Me Kovacic a dit que Lasva se

 20   trouvait à Vitez et je souhaite attirer votre attention sur le fait que la

 21   Chambre de première instance a accepté la déposition de M. Breljas au

 22   paragraphe 644, où il est dit que la Brigade de Vitez a participé aux

 23   attaques contre Stari Vitez. Des éléments de preuve ont été versés au

 24   dossier et acceptés par la Chambre de première instance concernant les

 25   crimes qui ont eu lieu dans des centres de détention et certains des


Page 532

  1   Témoins ont déposé et leur déposition a été acceptée en ce qui concerne ces

  2   crimes-là. Certains de ces Témoins ont identifié les membres de la Brigade

  3   de Vitez en tant que membres du HVO qui les ont arrêtés à Vitez le 16

  4   avril.

  5   Nous avons en particulier le Témoin Fuad Zeko, qui a déposé en disant que

  6   deux membres l'ont arrêté le 16 avril à 6 heures du matin. L'une des

  7   personnes qui l'a arrêté s'appelle Krunoslav Bonic. Le lien qui est trouvé

  8   et que la Chambre de première instance a accepté est une liste des pièces à

  9   conviction contenant les noms de tous les membres de la brigade. Il s'agit

 10   là de la pièce à conviction Z1337.1. L'on fait référence à cela dans la

 11   note en bas de page 1 097. Ils ont également accepté cela dans la note en

 12   bas de page 1 114. Il s'agit là d'un dossier présenté par le Procureur, qui

 13   est la pièce à conviction Z2813.2. Ces deux éléments indiquent le fait que

 14   cet individu, qui est apparu dans la maison de M. Zeko et qu'il l'a arrêté

 15   et qu'il l'a amené au poste vétérinaire et qui l'a placé en détention,

 16   était membre de la Brigade de Vitez.

 17   Il y a la déposition du Témoin G, une déposition à huis clos, où il est dit

 18   que cette personne a été amenée au centre culturel le 19 avril. La Chambre

 19   de première instance s'est fondée sur la déposition de ce Témoin dans le

 20   paragraphe 788, sous- paragraphe 2, du jugement en ce qui concerne sa

 21   déposition portant sur sa détention au cinéma. Il identifie un individu

 22   répondant au nom de Boro Jozic et encore une fois la Chambre de première

 23   instance se réfère à la liste en bas de page 1 097, la pièce à conviction

 24   Z1337.1 où il est indiqué que M. Boro Jozic est membre du commandement de

 25   la Brigade de Viteska.


Page 533

  1   Voici les éléments de preuve que j'ai pu trouver en ce qui concerne Vitez

  2   et Stari Vitez en date du 16 et du 19 avril.

  3   Pour ce qui est de la question posée par le Juge de la mise en état en ce

  4   qui concerne le rapport entre 7(1) et 7(3) et les arguments de mon éminent

  5   collègue de la Défense à ce sujet, je souhaite dire que la pratique

  6   judiciaire, qui est commencée dans l'affaire Blaskic, je crois, a essayé de

  7   combler ce vide entre -- ou plutôt ce croisement, ce recoupement entre 7(1)

  8   et 7(3). Vous vous souviendrez que dans le jugement Krstic, la Chambre de

  9   première instance a constaté que même si les éléments étaient remplis, la

 10   chambre exerçait son pouvoir discrétionnaire en ne prononçant pas une

 11   condamnation. Dans le procès Krnojelac, la Chambre de première instance a

 12   exercé le même pouvoir discrétionnaire, et a indiqué que le comportement ou

 13   la criminalité de l'accusé était mieux caractérisé en vertu de 7(1).

 14   Si le comportement criminel ou plutôt je me reprends. Si 7(1) et 7(3)

 15   portaient sur exactement le même comportement criminel, peut-être

 16   techniquement, il pourrait y avoir une condamnation portant à la fois sur

 17   l'ordre de commettre un crime et ensuite, sur l'omission de punir l'auteur

 18   ou d'empêcher que le crime soit commis. A première vue, je ne pense pas

 19   qu'il s'agisse là du même comportement. Si un commandant est directement

 20   impliqué en vertu de l'Article 7(1), ce comportement sera mieux caractérisé

 21   en vertu du 7(1). Dans ce cas-là, cela resterait le cas même s'il est

 22   prononcé coupable en vertu des deux articles.

 23   C'est ce que je souhaitais affirmer en réponse au commentaire de la part de

 24   mon éminent collègue à l'exception d'un de ses commentaires. Il a dit, je

 25   pense, qu'un document était un faux. Je pense qu'il s'agit du document 692


Page 534

  1   -- du paragraphe 692.

  2   Si j'ai bien compris, cette objection a déjà été soulevée devant la Chambre

  3   de première instance. Le document correspond à une série de documents que

  4   la Chambre a accepté compte tenu de leur cohérence. Le fait qu'il s'agisse

  5   d'une copie, n'est pas un fait qui doit déterminer son admissibilité. Bien

  6   sûr, il y  a un grand nombre de documents que l'on reçoit de la part des

  7   états, et qui sont des copies. La question est de savoir si ce document

  8   remplit les critères d'admissibilité en vertu de l'Article 89(C). La

  9   Chambre a fait une telle détermination. Je pense que M. Cerkez aurait dû

 10   démontrer l'authenticité du journal de guerre sur lequel il se fonde,

 11   puisque M. Cerkez a fait objection à ce document. Je ne pense pas que c'est

 12   l'approche que la Chambre de première instance aurait privilégiée.

 13   Mis à part cela, les questions que j'espère pouvoir répondre demain matin,

 14   les questions qui m'ont déjà été posées, je souhaite terminer en ce qui

 15   concerne 7(1) et 7(3), à moins que vous ayez des questions à me poser.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui, je pense qu'il vaut mieux que

 17   nous nous arrêtions pour la journée d'aujourd'hui. Nous pouvons reprendre

 18   nos travaux demain matin à 9 heures exactement. J'espère que nous allons

 19   être en mesure de terminer nos travaux demain conformément au calendrier.

 20   Nous levons la séance.

 21   --- L'audience est levée à 18 heures 54 et reprendra le mercredi 19 mai

 22   2003, à 9 heures.

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