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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14/2-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 LE PROCUREUR
4 C/
5 KORDIC
6 Jeudi 22 juillet 1999
7 La séance est ouverte à 14 heures 33.
8 Mme Ameerali (interprétation). - Bonjour.
9 Affaire IT-95-14/2-T, le Procureur contre Dario Kordic et
10 Mario Cerkez.
11 M. le Président (interprétation). - Avant de faire prononcer la
12 déclaration solennelle par le témoin, je souhaite dire que nous autorisons
13 que soit fait référence à la vidéo pendant la déposition du témoin. Si, à
14 un stade ultérieur, il y a une controverse ou une demande d'exclusion de
15 cette vidéo, nous statuerons ; mais, pour l'instant, nous acceptons que
16 référence soit faite à cette vidéo.
17 Le témoin peut faire sa déclaration solennelle.
18 M. Donia (interprétation). - Je déclare solennellement que je
19 dirai toute la vérité rien que la vérité.
20 M. le Président (interprétation). - Veuillez vous asseoir.
21 M. Allcock (interprétation). - Je m'appelle John Bartlett
22 Allcock.
23 M. Nice (interprétation). - (Hors micro.)
24 Excusez-moi. Monsieur Allcock, votre rapport contient, aux pages
25 numérotées en chiffres romains I et II, des détails sur vous-même. Il
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1 s'agit, entre autres, de certaines de vos publications. Je ne vais pas
2 passer en revue l'ensemble de vos publications, mais parler simplement
3 pour vous demander quand vous avez commencé à vraiment vous intéresser à
4 la Yougoslavie et quand cela a été reflété dans vos publications ?
5 M. Allcock (interprétation). - Cela a commencé en 1977. Au
6 départ, quand je me suis intéressé à la Yougoslavie, je me suis intéressé
7 au développement de l'agriculture yougoslave. J'ai publié un chapitre dans
8 une histoire de la géographie des Balkans, publiée en 1977.
9 M. Nice (interprétation). - Vous parlez la langue du pays ?
10 M. Allcock (interprétation). - Oui.
11 M. Nice (interprétation). - Quand avez-vous commencé à apprendre
12 cette langue ?
13 M. Allcock (interprétation). - Je me suis rendu pour la première
14 fois en Yougoslavie en 1967. L'université de Bratford, peu après, a
15 proposé des cours dans cette langue. Je les ai donc suivis. Je crois que,
16 la première fois que j'ai obtenu une bourse en Yougoslavie, par le biais
17 du British Council, c'était en 1970. A partir de moment-là, j'ai commencé
18 à suivre des cours dans certains centres d'enseignement dans le pays lui-
19 même.
20 M. Nice (interprétation). - Quand vous avez visité la
21 Yougoslavie, vous l'avez fait à quelle fréquence ?
22 M. Allcock (interprétation). - C'était très variable. Au début,
23 je n'avais pas beaucoup d'obligations familiales ni professionnels ;
24 j'avais donc la possibilité de passer des séjours assez longs avec des
25 bourses. Parfois, je suis resté quelques mois de suite. Depuis 1967, il y
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1 a peu de d'années où je ne me sois pas rendu en Yougoslavie. J'ai passé
2 des séjours qui allaient d'une semaine à trois mois.
3 M. Nice (interprétation). - En plus de la publication principale
4 que vous avez mentionnée, vous avez également contribué au registre annuel
5 des événements mondiaux ?
6 M. Allcock (interprétation). - Oui. Au sujet des publications
7 indiquées ici, ce registre annule, ce rapport annuel est très intéressant
8 parce qu'on y parle de ce qui se passe dans chaque pays du monde. Au cours
9 des dix dernières années, j'y ai contribué, tout d'abord en ce qui
10 concerne la Yougoslavie et ensuite, j'ai écrit sur les Etats qui ont
11 succédé à la Fédération yougoslave. Cette publication est importante, car
12 cela montre que je connais bien la région et que cela va au-delà de mon
13 champ personnel qui est celui de la sociologie. J'ai en effet eu des
14 connaissances politiques et économiques assez larges à ce sujet.
15 M. Nice (interprétation). - Au point IV, en chiffres romains, on
16 indique que vous allez publier un document, un ouvrage qui aura trait à la
17 sociologie.
18 M. Allcock (interprétation). - Cet ouvrage a été accepté par
19 Colombia University Press. Il sera publié aux Etats-Unis. Cet ouvrage a
20 été très bien accueilli par le comité de lecture de l'éditeur. Ce sera
21 publié très prochainement.
22 M. Nice (interprétation). - Il s'agit pour la première fois d'un
23 ouvrage qui traite de l'évolution sociologique du pays ?
24 M. Allcock (interprétation). - Oui. Depuis longtemps, des
25 ouvrages sont publiés au sujet de ce pays. Fred Singleton, notamment, l'a
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1 fait. Mais il s'agira de la première fois qu'un ouvrage sera publié dans
2 le domaine sociologique. C'est une analyse sociologique de l'évolution de
3 la Yougoslavie.
4 M. Nice (interprétation). - Avant de passer à votre rapport, le
5 précédent témoin, M. Donia : tout d'abord, connaissez-vous M. Donia ?
6 M. Allcock (interprétation). - Oui.
7 M. Nice (interprétation). - Avant de participer à ce procès, le
8 connaissiez-vous ?
9 M. Allcock (interprétation). - Nous nous sommes rencontrés à une
10 conférence.
11 M. Nice (interprétation). - Connaissiez-vous ses ouvrages ?
12 M. Allcock (interprétation). - Oui.
13 M. Nice (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une opinion
14 sur M. Donia en tant qu'universitaire. Pouvez-vous nous dire comment il
15 est considéré dans la communauté universitaire ?
16 M. Allcock (interprétation). - J'ai beaucoup d'estime pour lui
17 en tant qu'historien et cette vision est partagée par beaucoup
18 d'universitaires et d'historiens.
19 M. Nice (interprétation). - Le film que nous avons vu récemment
20 n'est pas un film auquel il est fait référence dans votre rapport. S'agit-
21 il d'un film auquel vous aviez l'intention de faire référence quand vous
22 êtes venu à La Haye ?
23 M. Allcock (interprétation). - En fait, je crois que c'est un
24 oubli de ma part. On m'a demandé d'écrire un rapport. Pour moi, il
25 s'agissait d'écrire quelque chose. Si j'avais plus réfléchi, j'aurais
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1 peut-être proposé le visionnage de ce film un peu plus tôt, car cela va
2 tout à fait dans le sens de ce que je veux dire dans mon rapport.
3 M. Nice (interprétation). - Nous avons tous vu ce film
4 récemment. Brièvement, quelle est l'importance de ce film vis-à-vis des
5 conclusions que vous tirez dans votre rapport ?
6 M. Allcock (interprétation). - L'importance de ce film, tout
7 d'abord, c'est que, dans mon rapport, j'insiste sur le fait que les
8 hostilités entre les différents groupes ethniques dans la région, ce n'est
9 pas quelque chose qui est ancré dans les esprits de la population dans la
10 région, mais quelque chose qui a été amplifié en conséquence du conflit.
11 Ce n'est pas quelque chose qui constitue une cause du conflit. Le film le
12 montre très clairement : on voit les relations entre voisins, des
13 relations très amicales dans la vie de tous les jours.
14 Deuxièmement, ce film montre clairement qu'en dépit des
15 difficultés qui existent
16 aujourd'hui, ces difficultés viennent d'éléments extérieurs. Il
17 ne s'agit pas de relations hostiles qui viennent des villageois eux-mêmes.
18 M. Nice (interprétation). - Dans votre rapport, vous avez inclus
19 un certain nombre de graphiques, de cartes. Je voudrais que vous nous
20 parliez brièvement de ces cartes et graphiques afin que nous puissions
21 mieux les comprendre. Il s'agit de cartes et graphiques en couleurs.
22 Tout d'abord, en page 25 de votre rapport, nous avons un certain
23 nombre de statistiques et je voudrais être sûr que nous sachions bien de
24 quoi nous parlons.
25 M. Allcock (interprétation). - Oui.
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1 M. Nice (interprétation). – Si l'on se rapporte à la page 24 du
2 rapport, nous avons la répartition ethnique de la Yougoslavie en 1991. Le
3 deuxième tableau présente la structure ethnique de la population de la
4 République de Bosnie-Herzégovine en 1991. Quelle est l'importance de ces
5 tableaux ? Quelle interprétation peut-on en tirer ?
6 M. Allcock (interprétation). – Eh bien, on peut dire ce que
7 d'ailleurs j'ai dit dans mon rapport -et vous en avez déjà certainement
8 entendu parler-, à savoir que la population de la Yougoslavie est
9 extrêmement variée du point de vue ethnique, en tout cas à l'époque de ce
10 recensement de 1991.
11 C'est également vrai pour ce qui est de la République de Bosnie-
12 Herzégovine au tableau C2, et qui nous montre la proportion des différents
13 groupes dans la population, les Croates, les Musulmans, les Serbes, ceux
14 qui se considèrent comme des Yougoslaves et les autres.
15 M. Nice (interprétation). - En 1991 ?
16 M. Allcock (interprétation). – Oui.
17 M. Nice (interprétation). – On voit donc les chiffres qui sont
18 indiqués sur ce tableau. Si on passe à la page suivante, s'il vous plaît,
19 le tableau supérieur C3 : Musulmans pratiquants en Yougoslavie.
20 M. Allcock (interprétation). - Je vous remercie de me donner la
21 possibilité de
22 clarifier ce point parce qu'une fois de plus, Messieurs les Juges
23 connaîtront sans doute la question, à savoir que l'on désigne une grande
24 partie de la population de Bosnie-Herzégovine comme étant des Musulmans.
25 Quand on parle de personnes d'appartenance musulmane, ce sont des gens
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1 qui, dans le recensement, ont accepté cette désignation pour décrire leur
2 identité nationale. L'islam, bien entendu, c'est une religion. Et un grand
3 nombre d'habitants de l'ex-Yougoslavie étaient musulmans au sens
4 religieux, mais ils ne se seraient pas définis en tant que musulmans dans
5 le cadre du recensement.
6 Si l'on regarde le tableau C3, on voit que la majorité des
7 Albanais, où il y a une certaine proportion de catholiques au Kosovo, on
8 peut dire que la grande majorité d'entre eux se serait désignée comme
9 musulmans si ont leur avait demandé de parler de leur identité religieuse.
10 Les Roms ne sont pas tous non plus des Musulmans. Il y en a beaucoup qui
11 suivent la religion orthodoxe. Et si l'on regarde le groupes des Turcs, il
12 y en a également beaucoup qui ont des liens avec la religion musulmane.
13 L'objectif de ce tableau C3, c'est de montrer l'importance
14 culturelle de l'Islam en Yougoslavie en allant au-delà des personnes qui
15 s'étaient décrites comme étant des Musulmans dans le cadre du recensement.
16 M. Nice (interprétation). - Est-ce qu'on a vu une évolution des
17 personnes qui se considéraient comme des Musulmans entre 1971 et 1991 ?
18 M. Allcock (interprétation). - Oui.
19 M. Nice (interprétation). – En va-t-il de même pour les
20 Albanais ?
21 M. Allcock (interprétation). - Oui.
22 M. Nice (interprétation). – En est-il de même pour les Roms ?
23 M. Allcock (interprétation). - Les démographes ne sont pas du
24 tout d'accord sur les causes de cette évolution. Cette évolution peut être
25 expliquée, en partie, par les taux de natalité qui sont différents dans
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1 les différents groupes. Mais il faut savoir aussi que, dans certaines
2 régions du pays, il est de l'intérêt de certains membres de la population
3 de s'assimiler à la population majoritaire dans la zone où ils habitent.
4 C'est pourquoi, j'ai inclus ces deux tableaux dans mon rapport :
5 pour montrer qu'en dehors de la désignation ethnique de Musulman en
6 Yougoslavie, il y a beaucoup d'ambiguïtés et de changements et
7 d'évolutions dans l'appartenance à ce groupe.
8 M. Nice (interprétation). - Si l'on regarde le tableau C4, on
9 reprend les chiffres du tableau C3, et l'on y voit la répartition des
10 Musulmans nationaux et des personnes de religion musulmane en Yougoslavie.
11 M. Allcock (interprétation). - Oui. La signification de ce
12 tableau est extrêmement importante parce que l'on y voit refléter la
13 structure de la Yougoslavie en République, et ce que je dis dans mon
14 rapport, c'est que, dans beaucoup de ces Républiques, il n'est pas
15 difficile de trouver que d'une République donnée, il y a un groupe
16 dominant, un groupe majoritaire.
17 Par exemple, les Slovènes considèrent que la Slovénie est leur
18 pays. Mais l'une des difficultés que l'on rencontre en Bosnie-Herzégovine,
19 c'est que, bien que –comme c'est montré dans ce tableau- plus
20 d'1,8 million, 2,3 de personnes qui se considéraient comme des Musulmans
21 habitaient en Bosnie-Herzégovine, ils ne constituaient pas pour autant une
22 majorité dans cette République. Donc, ils n'auraient pas pu, du point de
23 vue politique, ou cela aurait été extrêmement controversé, considérer que
24 la Bosnie-Herzégovine était leur pays. Mais en raison de leur importance
25 démographique, ils avaient des liens très forts avec cette République.
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1 Mais il y avait des raisons politiques pour lesquelles il leur était
2 difficile de considérer cette République comme la leur.
3 Je voulais signaler que ce tableau a été mis à jour depuis.
4 M. Nice (interprétation). - Nous allons maintenant passer aux
5 cartes qui, pour
6 l'instant, n'ont été communiquées aux Juges qu'en noir et blanc. Donc je
7 souhaiterais que soient distribuées ces liasses au témoin, aux Juges ainsi
8 qu'aux représentants de la défense.
9 Pendant que ces liasses sont distribuées, Monsieur Alcock, ceci
10 vous indique que c'est un rétroprojecteur, à votre droite.
11 M. Allcock (interprétation). – Ah, je pensais que c'était un
12 instrument de torture.
13 M. Nice (interprétation). - L'Huissier vous apportera son aide,
14 mais afin d'accélérer les chose, vous pourrez vous-même placer les
15 documents en question sur le rétroprojecteur.
16 Nous allons passer au premier document, coté Z 1668.1, celui qui
17 se trouve à votre droite. Sur l'écran, vous voyez le document. Si vous
18 avez besoin de nous indiquer quelque chose, vous pouvez utiliser le
19 pointeur ; vous l'utiliserez pour indiquer des éléments sur la carte.
20 Vous nous parlez, dans votre rapport, des dialectes du pays.
21 Cette carte de 1993, que nous montre-t-elle ?
22 M. Allcock (interprétation). - Bien que la majorité des Slaves
23 du sud parle des dialectes qui sont liés et que l'on a essayé de désigner
24 sous le terme de serbo-croate, bien que cela ait entraîné des
25 controverses, en fait, ce que j'essaie de dire c'est qu'il est extrêmement
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1 difficile de trouver une langue qui pourrait être considérée comme la
2 langue croate, parce que les divisions entre groupes, les dialectaux ne
3 correspondent pas aux frontières des Etats dans la région, et ne
4 correspondent pas non plus à la répartition ethnique dans la région.
5 Sur cette carte que je vous montre ici, on peut voir trois
6 groupes de dialectes importants dans la région.
7 La zone verte d'abord, en haut de la carte.
8 Ce sont les dialectes kajkavski ou kajkavian. Il faut savoir que
9 chacun de ces dialectes est identifié par les linguistes par le mot qui
10 signifie "quoi", le mot utilisé pour dire "quoi" par les personnes qui
11 parlent ce dialecte. Bien entendu, il y a d'autres différences dans les
12 dialectes que la façon de dire "quoi".
13 M. Nice (interprétation). - Si l'on regarde les zones, les îles
14 en bleu, les zones
15 "distril" ?
16 M. Allcock (interprétation). - Oui, c'est le dialecte cakaski.
17 La majorité des personnes qui habitent dans cette région parlent le
18 dialecte stokavian, qui est indiqué ici en brun sur la carte. Bien que la
19 zone qui représente la Croatie soit divisée entre ces trois groupes
20 dialectaux, le dialecte stokaski est aussi parlé en Bosnie-Herzégovine.
21 M. Bennouna. – Je voudrais demander au témoin si les personnes
22 qui parlent ces divers dialectes peuvent se comprendre entre elles ?
23 Autrement dit, y a-t-il vraiment une grande différence ? Cela nous
24 permettrait de comprendre ce qu'on entend par le terme dialecte : dialecte
25 par rapport à quelle langue ? Merci.
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1 M. Allcock (interprétation). - Ils arrivent à se comprendre dans
2 la grande majorité des cas. Il arrive parfois que lorsque les personnes de
3 ces divers dialectes discutent, il aient quelques problèmes de
4 compréhension, mais ces dialectes ne sont pas très différents, si bien que
5 les gens arrivent à se comprendre. C'est pourquoi on a essayé de
6 construire ce dialecte serbo-croate. Les linguistes estiment que ces
7 dialectes ont suffisamment de points communs pour pouvoir les
8 systématiser, les organiser pour former une langue unique. Bien entendu,
9 cela a été sujet à controverse plus tard.
10 M. Bennouna. – Pour le dialecte dominant, le stokavian, est-il
11 vraiment le même pour toutes ces régions que vous indiquez, qui sont aussi
12 des régions de montagnes. Or, on sait qu'entre villages de montagne, il
13 peut exister des particularités ici et là. De la même manière, n'y a-t-il
14 à l'intérieur du dialecte dominant des particularités ?
15 M. Allcock (interprétation). - Cela nous ramène à la carte 2,
16 dans laquelle on parle des groupes du dialecte stokavian : dans cette zone
17 indiquée en brun sur la première carte. JE vais donc passer à la deuxième
18 carte : les zones colorées représentent ici des zones de la première
19 carte. On voit que, dans ce groupe de dialecte stokavien, il y a des sous-
20 dialectes, des "subdialectes". Bien entendu, en tant que linguiste
21 professionnel, on pourrait faire des différenciations encore plus
22 subtiles. Ce n'est pas mon cas et je ne pense pas que cela intéresse les
23 Juges d'entrer dans les détails.
24 M. Nice (interprétation). - Comme on le voit sur ces deux
25 cartes, les zones où sont parlés ces dialectes ne correspondent pas aux
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1 limites et aux zones occupées par la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, etc.
2 M. Allcock (interprétation). - Oui, on le voit très clairement
3 sur la carte ici. Les limites des zones où sont parlés ces dialectes ne
4 correspondent pas aux Etats, aux territoires eux-mêmes. Cela apparaît
5 encore plus clairement si l'on passe à la carte numéro 3.
6 M. Nice (interprétation). - Cette carte est très grande ! Il va
7 donc falloir l'examiner bout par bout.
8 M. Allcock (interprétation). - Nous allons d'abord nous
9 intéresser à ce que l'on voit ici à l'écran. Cette carte est assez
10 complexe, mais présente la répartition des groupes ethniques d'après le
11 recensement de 1991. Cette carte a été produite par un institut
12 statistique slovène. Il n'est pas nécessaire de se pencher sur les détails
13 de cette carte. On voit qu'elle est extrêmement complexe. C'est justement
14 sur cela que je souhaite insister.
15 Si l'on rapproche la répartition des populations en fonction de
16 leur appartenance ethnique, cela ne correspond pas aux langues qu'ils
17 parlent.
18 M. Nice (interprétation). - Je vous demanderai de ralentir votre
19 débit, car vous donnez beaucoup d'informations. Et je demanderai aux
20 techniciens de se concentrer sur la partie gauche de la carte, un peu plus
21 haut, je vous prie, car ce que vous venez de dire n'a pas été totalement
22 traduit.
23 M. Allcock (interprétation). - Oui, c'est une bonne idée
24 d'agrandir.
25 M. Nice (interprétation). - C'est mieux comme cela ?
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1 M. Allcock (interprétation). - Si quelqu'un a besoin de la
2 traduction des mots qui figurent dans cette légende, nous pouvons vous
3 traduire ces mots : les Croates, les
4 Macédoniens, les Musulmans, les Serbes, les Slovènes et ensuite ceux qui
5 se sont déclarés comme étant yougoslaves.
6 La colonne suivante : les Albanais, les Bulgares, les Tchèques,
7 les Magyars ou les Hongrois, les Roms ou les gitans, les Roumains et les
8 Ruthènes.
9 M. Nice (interprétation). - Et la dernière colonne ?
10 M. Allcock (interprétation). - Les Slovaques, les Italiens, les
11 Turcs, les Vlaces et ceux qui ont choisi une autre identification
12 régionale.
13 M. Nice (interprétation). - Bien entendu, avec un nombre aussi
14 important de catégories, les couleurs ont manqué et il parfois difficile
15 dans cette légende de distinguer entre les différentes couleurs.
16 D'ailleurs, parfois impossible.
17 M. Allcock (interprétation). - Oui.
18 M. Nice (interprétation). - Néanmoins, l'idée que vous
19 développez correspond à la question que je vous pose maintenant. Y a-t-il
20 sur la carte une région qui corresponde de façon simple à l'un de ces
21 catégories ?
22 M. Allcock (interprétation). - Oui, il y en a plusieurs. Si l'on
23 prend la région du Monténégro, c'est une région qui ne pose pas de
24 problème ; et puis, de grandes parties de la Serbie également, l'est de la
25 Macédoine, la plus grande partie de la Slovénie également est relativement
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1 homogène au plan de la répartition ethnique. La région de Zabrdze, au nord
2 de la Croatie aussi. Et, en bas, une zone du sud de la Croatie qui entre,
3 pénètre l'ouest de la Herzégovine.
4 M. Nice (interprétation). - A l'ouest de Mostar ?
5 M. Allcock (interprétation). - Oui.
6 M. Nice (interprétation). - Et nous répétons que c'est une carte
7 qui a été publiée au moment de l'ex-Yougoslavie ?
8 M. Allcock (interprétation). - Oui, par l'institut statistique
9 slovène.
10 M. Nice (interprétation). - Sur la base de quoi ? De la
11 nationalité déclarée lors du recensement ?
12 M. Allcock (interprétation). - Oui, sur base de la nationalité
13 déclarée lors du recensement de 1981.
14 M. Nice (interprétation). - La carte suivante. C'est une carte
15 qui s'ajoute à celles qui figurent dans votre rapport, dont vous vouliez
16 parler ici. De quoi s'agit-il.
17 M. Allcock (interprétation). - Cette carte est intéressante pour
18 la raison suivante.
19 M. Nice (interprétation). - D'abord, quelle en est l'origine ?
20 M. Allcock (interprétation). - Elle émane de la même source que
21 les deux premières cartes que j'ai montrées, qui présentaient la
22 répartition des dialectes. Elle vient donc d'un atlas officiel, mais
23 l'atlas que j'ai utilisé dans mon rapport était l'édition de 1993. Et la
24 carte que vous voyez ici vient d'un atlas correspondant à une édition
25 précédente, de 1992. Elle fournit les mêmes informations que celles qui
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1 étaient fournies par les deux premières cartes que j'ai montrées et qui
2 présentaient la répartition des dialectes. Elles viennent donc d'un atlas
3 officiel, mais l'atlas que j'ai utilisé dans mon rapport était l'édition
4 de 1993. Et la carte que vous voyez, ici, vient d'un atlas correspondant à
5 une édition précédente, c'est-à-dire en 1992. Elle fournit les mêmes
6 informations que celles qui étaient fournies par les deux premières cartes
7 que j'ai présentées, à savoir la répartition des dialectes en Croatie.
8 La raison pour laquelle je soumets la présente carte à
9 l'attention des Juges, réside dans le fait que l'information présentée ici
10 concerne presque exclusivement la République de Croatie.
11 Dans mon rapport, je fais référence au Dr Agacic, un
12 universitaire de l'université de Zagreb, qui a montré l'évolution de la
13 représentation croate par rapport à la Bosnie-Herzégovine, notamment dans
14 les manuels scolaires.
15 Donc les prétentions qu'avait la République de Croatie sur la
16 République de
17 Bosnie-Herzégovine se sont intensifiées avec le temps. J'ai estimé que
18 c'était là une indication très intéressante de ce fait, de ce phénomène.
19 En 1992, il y avait un atlas croate officiel qui concentrait son
20 attention sur la République de Croatie et, en 1993, une nouvelle édition
21 de ce même atlas -de façon au moins implicite- laisse à penser qu'il y a
22 continuité entre ce qui se passe sur le plan culturel, notamment dans la
23 République de Croatie et ce qui se passe dans la République de Bosnie-
24 Herzégovine.
25 Donc cela implique, au moins, que la République de Croatie a un
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1 intérêt tout à fait légitime par rapport à ce qui se passe dans la
2 République de Bosnie-Herzégovine.
3 M. Nice (interprétation). - Merci. La carte suivante, je vous
4 prie : 1668.4. Elle porte sur les anciens royaumes et empires. C'est peut-
5 être un point qui nous intéresse un peu moins.
6 M. Allcock (interprétation). - Je suppose que vous connaissez
7 déjà très bien les informations présentées ici. Je ne sais pas exactement
8 ce que M. Donia vous a montré dans sa déposition, mais là encore, ces
9 cartes ont un rapport avec le problème que constitue la séparation précise
10 des prétentions historiques sur le plan territorial, notamment si l'on
11 examine les rapports entre la Croatie et un quelconque Etat bosniaque.
12 A gauche, ici, je ne crois pas que l'on voie très bien l'image
13 sur l'écran, mais le secteur que je suis en train de vous montrer avec le
14 pointeur correspond à la zone qui était occupée par l'Etat médiéval de la
15 Croatie, au moment de sa plus grande ampleur. Et il est intéressant de
16 comparer ceci avec ce que l'on voit sur la carte de droite où l'on voit
17 l'empire du roi Trovko auquel la Bosnie attache l'histoire de son Etat.
18 Vous constaterez qu'il y a chevauchement important entre les
19 deux zones figurant sur ces deux cartes.
20 M. Nice (interprétation). – Carte suivante 1668.5 : là encore,
21 je suppose qu'il n'y
22 aura peut-être pas grand-chose à ajouter. De quoi s'agit-il ?
23 M. Allcock (interprétation). – Cette carte montre la région
24 couverte à la fin des années 30 par la Banovina croate.
25 La première Yougoslavie était habitée, peuplée par un grand
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1 nombre de Croates ethniques et il y a eu tentative de les rassembler dans
2 une unité ethnique singulière. Là encore, nous voyons les prétentions de
3 différents groupes nationaux vis-à-vis de leur inclusion dans un seul Etat
4 qui aurait été la République de Bosnie-Herzégovine, et la Banovina croate
5 a exprimé l'une de ses prétentions.
6 M. Nice (interprétation). - Je crains que les mots prononcés par
7 vous n'aient pas été repris entièrement par la sténotypiste.
8 M. Allcock (interprétation). – Je vais ralentir, excusez-moi.
9 M. Nice (interprétation). – C'est plutôt un problème de volume.
10 M. Allcock (interprétation). – Bien, est-ce mieux à présent ?
11 M. Nice (interprétation). – Oui, je crois.
12 M. Allcock (interprétation). - Quelle est la dernière partie de
13 mon intervention qui a été comprise et que je ne dois pas répéter ? Bien,
14 tout a été compris jusqu'à présent.
15 M. Nice (interprétation). – La carte suivante n'est peut-être
16 pas absolument claire sur l'écran.
17 M. Allcock (interprétation). - Il y a un point sur lequel
18 j'insiste dans mon rapport, à savoir que c'est une erreur de considérer
19 les problèmes de la région, et notamment de penser aux causes du conflit
20 armé dans la région, en les liant exclusivement au sentiment national ou
21 aux conséquences de l'existence de sentiments nationaux. Il existe des
22 problèmes économiques qui ont une très grande importance dans ce phénomène
23 et, à un moment, dans mon rapport, je cite une remarque de…
24 M. Nice (interprétation). – Je vais vous interrompre.
25 Je pensais à une autre carte, la carte Z7597 : les frontières
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1 militaires de la Croatie.
2 M. Allcock (interprétation). - Je n'en ai pas une copie dans ma
3 liasse.
4 M. Nice (interprétation). – Z 68.6
5 M. Allcock (interprétation). – Je vous prie de m'excuser, les
6 deux pages étaient collées. C'est pour cela que je n'ai pas vu cette
7 carte.
8 M. Nice (interprétation). – Très bien, avez-vous quelques
9 remarques à faire au sujet de cette carte ?
10 M. Allcock (interprétation). – Oui, je pense que c'est une
11 donnée peut-être secondaire, dont les Juges ont peut-être déjà entendu
12 parler, mais j'aimerais revenir là-dessus.
13 Il y avait une tendance, dans tous les Etats de la région, de
14 considérer que certaines des populations existaient dans ces régions
15 depuis peu de temps. Et j'insiste sur le fait qu'en réalité, cette
16 population était présente depuis une période très ancienne. A partir du
17 17ème siècle, un grand nombre d'orthodoxes qui, plus tard, se sont
18 identifiés comme des Serbes ont été placés dans une région militaire
19 frontalière par l'empire austro-hongrois qui s'étend au nord et nord-ouest
20 de ce qui est, aujourd'hui, la Bosnie. Cette installation a été la base
21 d'une implantation de Serbes ultérieure. Je crois que l'on constate ce
22 phénomène sur la carte que je présente ici, et ces Serbes se sont ensuite
23 efforcés de faire sécession par rapport à la République de Croatie en
24 constituant la Krajina serbe.
25 M. Nice (interprétation). – On ne voit pas très bien cela sur la
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1 carte.
2 M. Allcock (interprétation). – Malheureusement, toutes les
3 cartes n'ont pas la même échelle, et je n'ai pas eu la possibilité de
4 demander à des cartographes de les faire correspondre exactement. Donc je
5 ne prétends pas qu'il y ait correspondance exacte, mais simplement un
6 certain degré de correspondance.
7 M. Nice (interprétation). - Dans quelle mesure ces régions sont-
8 elles entièrement
9 serbes aujourd'hui ?
10 M. Allcock (interprétation). - Cela est encore à prouver, car,
11 depuis l'opération "Tempête" au cours de laquelle la République de Croatie
12 a réaffirmé son autorité sur ces Serbes sécessionnistes, je ne sais pas
13 exactement quel est le pourcentage de population qui est demeuré dans la
14 région, mais une majorité des Serbes qui y résidaient y est tout de même
15 restée.
16 M. Nice (interprétation). – Merci. Je voudrais maintenant la
17 carte Z 1668.7.
18 M. Allcock (interprétation). – Eh bien, un point que je souligne
19 dans mon rapport, c'est qu'il est impossible de comprendre l'évolution du
20 conflit dans cette région en l'interprétant exclusivement par l'expression
21 de nationalismes ou de sentiments nationaux.
22 Il y a eu des intérêts économiques très importants qui sont à la
23 base du conflit. Je fais référence, à un certain moment, dans mon rapport,
24 à une citation de Franjo Tudjman, selon laquelle la Croatie est en fait
25 une absurdité économique si l'on n'adjoint pas la Bosnie à la Croatie.
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1 Ce que je cherche à indiquer en montrant cette carte, c'est que,
2 si l'on veut communiquer entre diverses régions de la Croatie, la façon la
3 plus économique de le faire par voie terrestre, consiste à passer par la
4 Bosnie-Herzégovine. Donc, si l'on veut aller d'Osijek à Dubrovnik, sans
5 faire un détour très très important, il importe de passer par la Bosnie.
6 Les voies ferrées les plus importantes, reliant l'est et l'ouest de la
7 Croatie, traversent des nœuds ferroviaires importants tels que Bihac.
8 M. Nice (interprétation). - Et les lignes en rouge ?
9 M. Allcock (interprétation). - Elles sont des versions stylisées
10 de ces voies de communication. Elles ne sont pas tirées d'une carte, mais
11 ont été tracées simplement pour indiquer les grandes lignes des voies de
12 communication terrestres.
13 M. Robinson (interprétation). - Monsieur Allcock ?
14 M. Allcock (interprétation). - Oui.
15 M. Robinson (interprétation). - A part les problèmes de
16 communication, y a-t-il d'autres problèmes économiques qui interviennent ?
17 M. Allcock (interprétation). - Oui, sans aucun doute et c'est ce
18 que l'on voit illustré sur les cartes suivantes.
19 M. Nice (interprétation). - Carte 1668.8.
20 M. Allcock (interprétation). - Cette carte n'est peut-être pas
21 immédiatement claire, mais l'idée l'est tout de même. Ce que l'on voit,
22 c'est que la zone contenue dans le triangle au centre de la carte
23 représente le centre de la Bosnie. Vous constaterez que Sarajevo se trouve
24 ici à une extrémité du triangle, Jajce à une autre extrémité, et Mostar à
25 la troisième extrémité du triangle.
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1 Ce que j'essaie d'indiquer en montrant cette carte, c'est qu'une
2 partie importante des ressources économiques bosniaques se trouvent à
3 l'intérieur de ce triangle. Je parle des capacités manufacturières, des
4 capacités énergétiques, ainsi que des plus grandes voies de communication.
5 De sorte que toute entité contrôlant ce triangle contrôle en fait la
6 Bosnie-Herzégovine.
7 Si l'on cherche à comprendre la base du contrôle de la Bosnie-
8 Herzégovine, on constate, en regardant cette carte, que cela n'a pas à
9 voir simplement avec le fait que certains groupes humains ont des rancœurs
10 par rapport à d'autres groupes humains, mais également qu'il y a lutte
11 pour le contrôle des moyens économiques qui constituent, bien entendu, un
12 facteur important dans la survie de la population.
13 M. Nice (interprétation). - Et en noir ?
14 M. Allcock (interprétation). - Les voies de communication les
15 plus importantes sont indiquées en noir.
16 M. Nice (interprétation). - Carte suivante : 1668.9. L'ordre des
17 numéros de
18 référence correspond à l'ordre de présentation de ces cartes dans le
19 rapport. Nous passerons ensuite à des cartes supplémentaires.
20 C'est une carte tirée de l'ouvrage de Valenta ?
21 M. Allcock (interprétation). - Oui.
22 M. Nice (interprétation). - Indiquant les déplacements de
23 populations en très grand nombre ? Vous pouvez commenter.
24 M. Allcock (interprétation). - Oui, c'est exact. Je crois que
25 les chiffres sont importants ici, tout autant que les cartes. Ce que cette
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1 carte montre, c'est qu'Anto Valenta présuppose l'existence d'une
2 réorganisation, en trois étapes, de la répartition de la population dans
3 la République.
4 Au cours de la première étape de cette réorganisation, illustrée
5 par les deux flèches du haut, il permet de penser qu'il y aurait eu
6 échange entre 98 000 Croates de l'est et 98 000 Serbes. La deuxième étape,
7 représentée par les flèches à gauche, laisse penser qu'il y a eu échange
8 entre 170 000 Musulmans et 170 000 Croates. La troisième série de flèches,
9 celle à droite, laisse à penser qu'il y a eu échange entre 194 000
10 Musulmans et 194 000 Serbes.
11 Nous passons là-dessus très rapidement, mais j'aimerais que les
12 Juges réfléchissent aux conséquences humaines de ces échanges
13 démographiques d'une telle ampleur, qui sont traités par ces flèches de
14 façon tout à fait délibérée, sur cette carte.
15 M. Nice (interprétation). - Et la date de publication ?
16 M. Allcock (interprétation). - Je ne l'ai pas vraiment présente
17 à l'esprit : je crois que c'est sans doute 1993, mais je devrai vérifier.
18 M. Nice (interprétation). - Nous passons maintenant à la
19 dernière carte qui figure dans une annexe à votre rapport : la
20 carte 1668.1.
21 Elle représente le plan Vance-Owen ; elle a une importance
22 extrême ?
23 M. Allcock (interprétation). - Oui, je suis sûr que cette carte,
24 les Juges la
25 connaissent déjà. La raison pour laquelle je l'ai introduite dans mon
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1 rapport vient du fait que je souhaitais appeler l'attention du lecteur sur
2 les différentes étapes temporelles de l'évolution du conflit.
3 La zone 10, ici, correspond à celle qui est désignées dans le
4 plan Vance-Owen, par une zone principalement contrôlée par les Croates,
5 même si, lorsque nous reprenons la carte de répartition dialectale, que
6 j'ai déjà montrée, il apparaît manifestement que, dans cette zone, la
7 population est très mélangée avant la guerre.
8 Et la désignation de cette zone comme faisant partie d'un canton
9 croate peut être considérée comme l'un des stimuli qui a provoqué une
10 intensification de la guerre dans cette région, au moment où les forces
11 croates se sont efforcées de consolider leur emprise sur la région, en
12 partant du principe que cette zone leur reviendrait. Ils voulaient donc
13 affermir leurs prétentions en vue de négociations suivantes quant au fait
14 que cette région devrait faire partie d'un Etat croate.
15 M. Nice (interprétation). - Maintenant, nous prenons les cartes
16 supplémentaires, à commencer par la 1668.11.
17 Je vous prie de m'excuser, Maître Nice, je voudrais que nous
18 laissions la possibilité de respirer à nos auditeurs.
19 La source de ces cartes figure dans le tiers inférieur de la
20 carte. Quelle est-elle ?
21 M. Allcock (interprétation). - Je crois comprendre qu'il s'agit
22 du bureau officiel chargé de l'établissement des statistiques en Croatie.
23 M. Nice (interprétation). - Cette première carte représente la
24 zone au sud de Zenica. Les cercles en couleurs que l'on voit sur cette
25 carte sont bien expliqués dans la légende qui figure en haut de la carte.
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1 Même s'il peut paraître un peu difficile de faire la distinction entre la
2 couleur verte pour les Musulmans et la couleur rouge ou bordeaux pour les
3 Serbes, et sans doute noire pour les autres, cette difficulté de
4 distinction des couleurs a-t-elle une
5 importance particulière ?
6 M. Allcock (interprétation). - Non. Je pense qu'il est important
7 de considérer cette carte comme l'illustration d'une idée plus générale.
8 Je crois que cette carte parvient très bien à le faire. Elle représente la
9 municipalité de Busovaca et indique de façon efficace qu'il importe de se
10 pencher sur le niveau local si l'on veut comprendre les problèmes posés
11 par les modalités d'implantation ethnique. Car c'est très bien de lire
12 différents ouvrage qui vous diront que la municipalité de Busovaca a une
13 composition démographique impliquant tels et tels chiffres pour tels et
14 tels groupes ethniques. Mais le problème de la répartition locale de ces
15 groupes est beaucoup plus complexe et beaucoup plus importante qu'on ne
16 peut le constater à la lecture de ces ouvrages généraux.
17 M. Nice (interprétation). - Quand on lit la légende, que
18 comprend-on pour ces divers villages ?
19 M. Allcock (interprétation). - Il s'agit de villages. Donc au
20 niveau local. Et je crois que ce sont des communautés locales qui sont
21 représentées sur cette carte. Les cercles en rouge représentent les
22 localités où la majorité de la population est musulmane : et je ne crois
23 pas qu'il y ait un grand nombre de Serbes ou de Yougoslaves dans ces
24 régions.
25 Quant aux cercles plus sombres, ils représentent les zones où la
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1 majorité démographique est croate et les autres cercles, là où la majorité
2 ethnique n'y est pas parfaitement définissable.
3 M. Nice (interprétation). – Et Katici ?
4 M. Allcock (interprétation) - Cela semble être la seule
5 implantation majoritairement serbe de cette région.
6 M. Nice (interprétation). – Ah oui, d'accord. Nous passons aux
7 cartes suivantes. Nous voyons qu'elles représentent la même chose pour
8 Gornji Vakuf, Jajce, Novi Travnik.
9 M. Allcock (interprétation) - Je ferai les mêmes commentaires
10 sur ces autres
11 cartes.
12 M. Nice (interprétation). - J'ai fait un lapsus : le rouge
13 représente les Croates, n'est-ce pas ?
14 M. Allcock (interprétation) – Oui, c'est exact. Ai-je dit autre
15 chose ?
16 M. Nice (interprétation). – Non, ce n'est peut-être pas vous.
17 M. Allcock (interprétation) – Très bien, merci.
18 M. Nice (interprétation). - J'aimerais entendre vos conclusions
19 au sujet de quelques autres cartes. Nous n'allons pas nous étendre trop
20 longuement sur ces cartes.
21 Les Juges ont reçu un résumé de votre déposition ici.
22 M. Allcock (interprétation) - Je la connais.
23 M. Nice (interprétation). - Et les Juges ont donc ce texte en
24 leur possession. Je les réfère à la page 2, paragraphe 6 de vos
25 conclusions.
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1 M. le Président (interprétation). - Un instant, Maître Nice, je
2 vous prie.
3 M. Nice (interprétation). - Il devrait y avoir des exemplaires
4 pour les interprètes. C'est ma faute s'ils n'ont pas été distribués. Je
5 prie les interprètes de m'excuser pour cette omission.
6 Vous avez déclaré que le nettoyage ethnique n'est pas quelque
7 chose qui est survenu de façon spontanée, mais que c'est un phénomène qui
8 a été imposé d'une certaine façon. Pourriez-vous ajouter quelques mots à
9 ce sujet ?
10 M. Allcock (interprétation) – Oui, je crois que c'est un point
11 qu'il importe au plus haut point d'établir de façon claire pour parler de
12 l'ex-Yougoslavie. En Grande Bretagne, c'est quelque chose qui a été traité
13 et on peut lire dans la presse britannique que ce conflit entre groupes
14 ethniques a vu le jour de façon spontanée en raison de ce qui a été appelé
15 haine séculaire entre les différents groupes de la région.
16 Et ce que je fais dans mon rapport, je pense, c'est de résumer
17 le consensus d'un
18 certain nombre de mes collègues scientifiques selon lequel ce n'est
19 absolument pas le cas. A savoir que même si des groupes ethniques
20 différents avaient une approche, une conscience différente de leur
21 identité, même s'ils étaient également conscients de l'identité différente
22 des autres groupes, et même s'il existait parfois quelque distinction
23 sociale entre ces groupes qui avait à voir avec leur lieu de résidence, il
24 n'était pas permis d'en tirer la conclusion qu'il y avait haine mutuelle
25 entre ces groupes.
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1 C'est pourquoi j'ai demandé à présenter le film de M. Bringa,
2 cet anthropologue, qui démontre qu'il y avait rapports, relations très
3 amicales entre les diverses portions de la population dans les villages
4 mixtes : Croates et Musulmans.
5 Et si l'on cherche à expliquer la raison pour laquelle la
6 Yougoslavie a sombré dans la violence, il n'est pas permis de s'appuyer
7 sur ce facteur comme étant le facteur principal. Il est absolument
8 indispensable de chercher ailleurs.
9 Ce que je dis dans mon rapport, c'est qu'il importe de se
10 préoccuper de ces autres facteurs, notamment les circonstances dans
11 lesquelles la ligue des communistes s'est démantelé , ainsi que les
12 rapports économiques. Autrement dit, il y a des rapports extérieurs
13 systémiques qui, à mon avis, ont une importance bien plus grande pour
14 expliquer le démantèlement de cet Etat plutôt que l'existence d'une
15 hostilité ethnique diffuse entre les différentes composantes de la
16 population.
17 M. Nice (interprétation). - Nous allons parler de ces autres
18 points brièvement.
19 M. Robinson (interprétation) – Je crois que M. Donia a dit aussi
20 que, même si le nettoyage ethnique avait été orchestré d'en haut pour
21 redescendre vers le bas, il était permis de penser qu'il reflétait
22 l'existence de courants souterrains qui ont été amenés à la surface par
23 les masses et peut-être pas seulement par les dirigeants.
24 M. Allcock (interprétation) – Je crois que plus on examine
25 l'histoire de ce phénomène, plus on se rend compte qu'il importe au plus
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1 haut point de prendre en compte les
2 distinctions locales.
3 On a tendance à parler du nettoyage ethnique comme s'il
4 s'agissait d'un phénomène simple et singulier ; comme si chacun savait
5 immédiatement ce que cela signifiait. Or, ce à quoi on fait référence en
6 utilisant ces termes, c'est à une multiplicité de phénomènes très divers.
7 Dans certains, il s'agit simplement de gens qui fuient le danger, qui
8 fuient l'arrivée d'une armée hostile. Donc, à ce moment-là, la disparition
9 de la population est secondaire à un phénomène antérieur.
10 Mais les mécanismes de nettoyage ethnique sont également très
11 divers. Récemment, je parlais à une amie slovène qui connaît très bien
12 l'Est de la Bosnie, et qui me disait que, lorsqu'elle s'est rendue dans
13 cette région et qu'elle a parlé à des personnes qui ont subi le nettoyage
14 ethnique, qui en ont été victimes, le plus souvent ce qui se passait,
15 c'est que des forces paramilitaires arrivaient dans les villages pour dire
16 à certains des habitants : "Allez voir vos voisin pour leur dire que s'ils
17 ne partent pas, ils seront tués. Et si vous ne leur dites pas cela, c'est
18 vous qui serez tués !"
19 De sorte que ces habitants étaient très souvent plongés dans le
20 nettoyage ethnique, non pas sur la base d'une animosité qui leur aurait
21 été propre, mais par la force. Je ne nie pas qu'en certaines occasions et
22 dans certaines circonstances locales, certains n'aient pas saisi
23 l'occasion. Mais il convient de se rendre compte que la diversité des
24 circonstances est très grande.
25 M. Bennouna. – Monsieur Allcock, votre thèse -qui a été aussi
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1 développée, mais pas de la même façon par le Dr Donia- est de dire que
2 finalement, le conflit n'a pas pour origine une haine ou un affrontement
3 entre des ethnies ; cette haine ethnique, cet affrontement entre ethnies
4 est plutôt la résultante du conflit qu'il n'est à l'origine de ce conflit.
5 C'est plutôt la
6 conséquence du conflit qui a entraîné ces haines et ces affrontements
7 ethniques ; ou plutôt, il ne faut pas y voir, dans ces haines et ces
8 affrontements ethniques, l'origine du conflit. C'est votre thèse.
9 Mais alors, vous faites l'histoire : vous nous dites qu'il y
10 avait une grande différenciation entre les différentes ethnies et une
11 différenciation ethnique d'identité au sein de ces populations, et arrive
12 le système communiste. Est-ce que le système installé après la Seconde
13 Guerre mondiale n'a pas congelé -si l'on peut dire- congelé ces
14 différenciations ethniques et nationales qui ont resurgi après
15 l'effondrement de ce système, dans les années 90 ou à la fin de la
16 décennie 80 ?
17 Est-ce que tout cela existait quand même, mais était comme les
18 laves dans un volcan qui, à un moment donné, resurgissent ?
19 M. Allcock (interprétation). - En ce qui concerne votre
20 métaphore, je souhaite répondre surtout concernant deux points.
21 Tout d'abord, en ce qui concerne la base des suspicions entre
22 les groupes ethniques, je ne conteste pas qu'il y ait une base historique.
23 Mais ceci n'est pas présent de manière permanente dans l'esprit des
24 personnes ; il faut avoir un stimulus extérieur pour les raviver.
25 Par exemple, quand j'étais enfant à Lancaster, nous jouions à
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1 des jeux d'enfants concernant la rébellion écossaise qui a eu lieu au
2 XVème siècle. Mais ceci ne veut pas dire qu'à l'époque, les enfants
3 anglais détestaient les enfants écossais. Donc, comme je l'ai dit, cela ne
4 permet pas de conclure que les petits Anglais détestaient absolument les
5 petits Ecossais.
6 Tout simplement, j'appelle cela une encyclopédie de symboles et
7 d'images qui peuvent être ravivés à un certain moment de l'Histoire pour
8 diriger la population dans un certain sens.
9 Le deuxième point auquel je souhaite répondre par rapport à
10 votre question concerne le régime communiste. Vous avez utilisé la
11 métaphore d'un volcan. Mais ce que je
12 souhaite dire, c'est que la manière dont l'Etat communiste a fonctionné,
13 au début, en ex-Yougoslavie, n'est pas quelque chose qui a essayé de
14 minimiser les différences entre les groupes ethniques, mais le résultat de
15 ce fonctionnement a eu une influence sur la manière dont les gens
16 percevaient les différences ethniques.
17 Le régime communiste a constitué les Républiques et s'est
18 adressé de manière idéologique à la question des nationalités et a établi
19 le groupe ethnique musulman.
20 L'une des conséquences de l'échec de cette politique communiste
21 a été l'intensification des différences entre les Républiques, tout
22 d'abord économiques et, ensuite, autres. Donc, cela n'a pas été un facteur
23 qui a minimisé le potentiel d'un conflit ethnique dans la Yougoslavie
24 communiste. Je dirais au contraire qu'il a joué un rôle important pour
25 renforcer ce potentiel.
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1 M. Robinson (interprétation). - J'ai une question à poser.
2 Dans votre rapport, avez-vous avancé certaines preuves afin de
3 soutenir votre affirmation sur ce que l'on appellerait le nettoyage
4 ethnique imposé, c'est-à-dire les leaders qui disent à la population
5 "Allez chez vos voisins, dites-leur de partir, sinon vous allez mourir" ?
6 Je pense que ceci est très important pour comprendre l'histoire
7 de la création de la haine.
8 M. Allcock (interprétation). - Je ne suis pas entré dans ce
9 genre de détails dans mon rapport. J'ai couvert deux domaines principaux :
10 d'un côté, le développement de l'identité ethnique dans la région, et dans
11 la deuxième partie du rapport, j'ai parlé plus spécifiquement de la
12 création de l'Etat croate et de l'Etat bosniaque, mais je n'ai pas reçu la
13 demande de fournir ce genre d'éléments dans mon rapport. Mais je suppose
14 que d'autres témoins le feront par la suite.
15 M. Nice (interprétation). - La question du Juge Robinson porte
16 sur la question de savoir si vous disposez de ce genre d'éléments de
17 preuve.
18 M. Allcock (interprétation). - Je vous ai déjà mentionné la
19 discussion que j'ai eue
20 avec cet ami, mais aussi, pendant que je préparais ce rapport, j'ai eu
21 accès à un certain nombre de documents qui se trouvent dans les archives
22 de ce Tribunal. Et sur la base de ces documents, je pense qu'il y a
23 beaucoup d'éléments de preuve qui corroborent cette thèse. Cela dit, je
24 n'ai pas introduit cela de manière systématique dans mon rapport.
25 M. Nice (interprétation). - Revenons maintenant à la première
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1 question posée par le Juge Bennouna, s'il vous plaît, et veuillez répondre
2 de manière brève, si possible.
3 Est-ce qu'il y a eu, ou bien est-ce qu'il y a, chez les peuples
4 de cette région, une tendance vers la violence interethnique, différente,
5 plus grande ou moins grande que celle qui existe au sein d'autres
6 communautés multiethniques du monde ?
7 M. Allcock (interprétation). - C'est vraiment une question
8 vaste. Vous me demandez de répondre brièvement. Je ne dirais pas que la
9 Bosnie centrale était vraiment une région où la population avait une
10 tendance plus forte envers le conflit ethnique. Je ne sais pas si c'était
11 le sens de votre question.
12 M. Nice (interprétation). – Oui, je l'ai formulée différemment,
13 mais c'était bien le sens de ma question, liée également aux questions
14 posées par les deux Juges.
15 Pour le moment, vous n'avez pas le document devant vous. Les
16 interprètes m'ont demandé également de faire une pause entre nos questions
17 et réponses.
18 M. Allcock (interprétation). - Je m'excuse auprès des
19 interprètes.
20 M. Nice (interprétation). – Non, visiblement c'est la première
21 fois que vous déposez de cette manière. Mais passons à autre chose.
22 Vous avez déjà parlé du fait que la Bosnie était unique en son
23 genre en ex-Yougoslavie étant donné qu'elle ne représentait pas la
24 République d'un seul groupe ethnique absolument majoritaire. Ensuite, vous
25 avez également parlé des efforts de la communauté internationale qui ont
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1 renforcé le partage ethnique, notamment le plan Vance-Owen.
2 M. Allcock (interprétation). - Oui.
3 M. Nice (interprétation). – Et tout ceci vous a poussé à tirer
4 la conclusion également que les bases, les causes du conflit en ex-
5 Yougoslavie étaient historiques, mais aussi économiques.
6 M. Allcock (interprétation). - Oui.
7 M. Nice (interprétation). – Est-ce que vous souhaitez quelques
8 commentaires brefs concernant cette conclusion ? Sinon, nous passerons à
9 un autre sujet.
10 M. Allcock (interprétation). - Pour le moment, rien ne me vient
11 à l'esprit.
12 M. Bennouna. - Pour terminer cet aspect, puisque vous passez à
13 une autre question, j'ai retenu la réponse de l'expert, du Pr Allcock, que
14 le régime communiste a stimulé du conflit ethnique, puisqu'il n'a pas
15 apaisé ou contenu les choses. Mais comment se fait-il que, pendant ce
16 régime, le régime que l'on appelle du président Tito, en Yougoslavie, ce
17 conflit n'a pas explosé ? Il n'y a pas eu, à notre connaissance, des
18 explosions de violence ; comment se fait-il que ces relations ont été
19 contenues, sont restées dans un cadre pacifique ?
20 Votre conclusion peut paraître un peu paradoxale par rapport à
21 la réalité de cette période entre 1945 et 1990, ou 1980.
22 M. Allcock (interprétation). - Je pense que vous avez compris
23 mes propos de façon un peu plus forte que ce que je n'ai souhaité. Je n'ai
24 pas souhaité vraiment dire que le régime communiste a stimulé le conflit
25 ethnique. Ce que j'ai souhaité dire, c'est que le régime communiste
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1 renforçait le sentiment ethnique au sein de la population, mais je ne
2 souhaite pas suggérer non plus que, durant la période après 1945, la
3 Yougoslavie se trouvait au bord des violences ethniques.
4 Parfois, à certaines occasions, des problèmes ethniques sont
5 devenus très sérieux. Par exemple, en Croatie en 1971-1972 et au Kosovo
6 plusieurs fois. Mais il ne faut pas créer l'impression que les autorités
7 communistes se trouvaient sans arrêt face au défi de réprimer la violence
8 ethnique. Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question.
9 M. Nice (interprétation). – Et en ce qui concerne le
10 renforcement de l'identité ethnique, cela se traduisait par re-création
11 des Etats constitutifs sur la base des critères ethniques, plutôt que de
12 créer, par exemple, des Banovina qui s'étendaient au-delà des démarcations
13 ethniques, n'est-ce pas ?
14 M. Allcock (interprétation). – Oui, c'est exact. La structure de
15 la Yougoslavie s'est répartie en fonction des Républiques. Et ces
16 Républiques s'identifiaient en grande mesure avec un seul groupe ethnique
17 majoritaire, ce qui est lié à la cause du conflit. Etant donné que les
18 Républiques sont entrées au conflit et ont renforcé auprès de la
19 population le sentiment national, et donc après l'effondrement de la
20 Yougoslavie, les partis nationaux ont vu le jour.
21 M. Nice (interprétation). - Vous avez également parlé du fait
22 que les nouveaux leaders croates ont adopté des politiques et pratiques
23 visant à unifier le peuple croate et que, pour ce faire, l'un des buts du
24 HDZ était de réhabiliter l'Etat indépendant de Croatie. Vous en parlez à
25 la page 61 et 62.
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1 Ils ont complété cette réhabilitation jusqu'à quel degré ?
2 M. Allcock (interprétation). - Très partiellement, le HDZ est un
3 phénomène intéressant. En ce qui concerne la pertinence de l'Etat
4 indépendant croate, il faut savoir que le HDZ a essayé de baser ses
5 revendications d'indépendance, suite à l'effondrement de la Yougoslavie,
6 sur la base de la continuité historique de l'Etat croate datant de l'Etat
7 médiéval, et ils se sont basés également sur le NDH, c'est-à-dire l'Etat
8 indépendant croate. Disons que ceci faisait partie de cette continuité
9 d'Etat croate. Mais je ne souhaite pas dire non plus que le HDZ a repris
10 toute l'idéologie qui était en vigueur au sein de l'Etat indépendant
11 croate.
12 M. Nice (interprétation). - Dans votre résumé, vous avez aussi
13 dit que le programme du HDZ a considéré que les Serbes étaient un peuple
14 hostile et étranger à cette région, et que de nombreuses actions
15 entreprises par le HDZ visaient à exclure ce groupe ethnique.
16 M. Allcock (interprétation). - C'est exact.
17 M. Nice (interprétation). - Vous avez aussi dit qu'au vu de la
18 création de l'Etat indépendant de Bosnie, les Croates avaient peur d'être
19 marginalisés sur le plan politique ?
20 M. Allcock (interprétation). - Oui, il y a un parallèle entre
21 les peurs des Serbes de Croatie qui pensaient devenir les citoyens de
22 seconde rang dans l'Etat indépendant croates et les peurs des Croates face
23 à la création d'un Etat indépendant de Bosnie où ils se trouveraient
24 marginalisés.
25 M. Nice (interprétation). - Parlons maintenant de la période de
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1 la création de l'Herceg-Bosna. A quel point cette entité avait-elle des
2 attributs de nation ou d'Etat ?
3 M. Allcock (interprétation). - Je pense que vous ne pouvez par
4 parler de l'Herceg-Bosna en tant que nation, étant donné que, sur les
5 documents sur l'Herceg-Bosna que j'ai lus, ils insistaient sur leur
6 identité croate, donc ils appartenaient à la nation croate et non pas à
7 une autre nation. Mais je n'ai aucun doute que l'Herceg-Bosna a été
8 constituée en tant qu'Etat. Il est possible de parler du monopole de
9 l'emploi de la force dans un certain territoire. Et étant donné que
10 l'Herceg-Bosna avait sa propre armée et qu'elle avait ses propres services
11 civils, je pense que nous pouvons dire que cela a été constitué en tant
12 qu'Etat.
13 M. Nice (interprétation). - Maintenant, si l'on parle du
14 programme du HDZ en Bosnie-Herzégovine qui consistait à remettre en cause
15 la souveraineté du gouvernement reconnu, vous avez résumé la position de
16 Franjo Tudjman, dont on a déjà parlé par ailleurs, et vous nous avez dit
17 qu'il s'agissait de rechercher une partition. Et Tudjman et le HDZ, le HDZ
18 local, ont aidé à une unité de la Bosnie-Herzégovine ?
19 M. Allcock (interprétation). - Oui.
20 M. Nice (interprétation). - Souhaitez-vous ajouter quelque
21 chose ?
22 M. Allcock (interprétation). - Il y a de plus en plus de preuves
23 qui apparaissent à l'appui de cette thèse. Si vous le voulez, je pourrais
24 en parler plus longtemps, mais vous
25 semblez dire qu'il faut avancer.
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1 M. Nice (interprétation). - L'organisation et la mise en place
2 de ce programme est resté sous la responsabilité de dirigeants.
3 Mais une dernière chose. Avant de participer et de venir
4 témoigner ici, aviez-vous entendu le nom de Kordic ?
5 M. Allcock (interprétation). - Non.
6 M. Nice (interprétation). - Kostroman ?
7 M. Allcock (interprétation). - Oui, j'avais rencontré ce nom. Si
8 vous regardez la liste des publications que j'ai indiquées dans mon
9 rapport, vous verrez que j'ai écrit deux rapports sur la création des
10 nouveaux partis politiques, d'abord dans l'ex-Yougoslavie et puis dans les
11 Etats qui ont succédé à l'ex-Yougoslavie. Monsieur Kostroman, je crois,
12 son nom apparaissait dans l'un de ces ouvrages.
13 M. Nice (interprétation). - Peut-être pouvons-nous maintenant
14 parler brièvement de la dernière conclusion que nous mentionnons dans
15 notre résumé, à savoir que le modèle de gouvernement avec le mélange des
16 institutions politiques et militaires avait été utilisé par le parti
17 communiste yougoslave et a été adopté par le HDZ ? Pouvez-vous nous
18 indiquer quelques caractéristiques de ce type de gouvernement, notamment
19 en ce qui concerne les responsabilités de chacun ?
20 M. Allcock (interprétation). - Oui, ce qui est intéressant,
21 c'est de voir que cela revient à la stratégie des partisans qui avaient
22 essayé de mettre cela en place à la fin de la Seconde Guerre mondiale,
23 afin d'assurer un contrôle de l'armée, tout en contrôlant les institutions
24 civiles. Donc on ne pouvait voir très clairement où se situait la limite
25 entre le parti et le gouvernement, et l'armée. Ce qui est intéressant, non
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1 seulement quand on regarde la situation du HVO, mais aussi dans la
2 Yougoslavie à la fin des années 70, c'est qu'on a vu qu'il y avait une
3 tendance à revenir de plus en plus à ce type de système extrêmement
4 fluide. La
5 Constitution de 1974 insistait sur le fait qu'il fallait qu'il y ait une
6 rotation entre les différents dirigeants dans tous les aspects de la vie
7 politique et économique. Dans toute la Yougoslavie, il y avait donc un
8 sentiment d'incertitude sur les limites entre les attributs de ces
9 diverses institutions. Cela correspondait d'ailleurs à la façon dont
10 fonctionnait l'Herceg-Bosna.
11 M. Nice (interprétation). - Vous avez parlé de la
12 centralisation, de la place du président, dans cette nouvelle structure.
13 Pouvez-vous ajouter quelque chose à ce sujet ?
14 M. Allcock (interprétation). - Je crois que j'ai traité de cela
15 en détail dans mon rapport. Mais si on parle de la République de Croatie,
16 une des choses extrêmement remarquables dans la politique post-communiste
17 en Croatie, c'est qu'on observe une très forte tendance à la
18 centralisation, une centralisation autour du président.
19 M. Nice (interprétation). - Etes-vous à même de faire des
20 commentaires sur les similitudes que cela représente avec l'Herceg-Bosna ?
21 M. Allcock (interprétation). - Non, je ne pourrais pas faire une
22 analyse détaillée dans le cadre d'une telle comparaison.
23 M. Nice (interprétation). - Vous parlez, dans votre rapport, je
24 crois, de symboles religieux.
25 Je vais maintenant faire référence au document Z321, dont je
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1 dispose d'exemplaires supplémentaires.
2 M. Nice (interprétation). - Monsieur Allcock, ce document, vous
3 ne l'avez découvert que très récemment, je crois ?
4 M. Allcock (interprétation). - Oui, on vient juste de me le
5 donner.
6 M. Nice (interprétation). - J'espère que vous avez eu la
7 possibilité de le lire. Dans ce cas, souhaitez-vous faire des observations
8 au sujet de ce document ?
9 M. Allcock (interprétation). - Ici, il y a l'indication de
10 certaines évolutions qui m'intéressent beaucoup en tant que sociologue.
11 Tout d'abord, les pressions qui peuvent
12 s'exercer sur une population : quand on étudie cela, on tend à se
13 concentrer sur l'existence ou non d'une menace physique. Toute la
14 discussion au sujet du nettoyage ethnique s'est centrée sur les menaces de
15 représailles armées, etc.
16 En tant que sociologue, je suis très intéressé par l'importance
17 des symboles, le port de symboles, l'effet que cela peut avoir sur la
18 politique, ceci, afin d'influencer les gens sans avoir recours à la force.
19 Et j'en ai parlé brièvement dans mon rapport en évoquant, par exemple, le
20 référendum sur l'indépendance en Croatie, où l'on a amené les électeurs à
21 Zada en procession. C'est devenu une espèce, ça a été transformé en espèce
22 de fête.
23 Donc on peut choisir de faire apparaître des symboles
24 représentant l'identité du groupe dominant.
25 M. Nice (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre.
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1 Pouvez-vous, s'il vous plaît, placer le document sur le rétroprojecteur
2 afin que, bien que nous n'ayons pas donné lecture de ce document, tout le
3 monde puisse comprendre de quoi vous parlez ?
4 En résumé, il s'agit d'une ordonnance en rapport aux symboles
5 religieux catholiques, une ordonnance délivrée en décembre1992.
6 M. Allcock (interprétation). - Je pense que la conséquence d'une
7 telle ordonnance, si elle est effectivement mise en vigueur, aurait pu
8 avoir une conséquence importante sur les non catholiques puisque,
9 d'après... on trouve... dans tous les lieux publics, il y a des symboles
10 représentant l'importance de la communauté catholique. Et, bien entendu,
11 cela se ferait au détriment des autres communautés.
12 Pierre Bourdieu, le sociologue français, a élaboré la théorie de
13 la violence symbolique et, ici, on en voit un exemple très frappant.
14 La violence contre les autres, cela ne se manifeste pas
15 uniquement physiquement, les symboles peuvent être aussi forts et je pense
16 ici que l'on en voit un exemple tout à fait frappant, un exemple frappant
17 de la théorie de la violence symbolique évoquée par Pierre
18 Bourdieu.
19 M. Nice (interprétation). - Les drapeaux également peuvent avoir
20 une importance ?
21 M. Allcock (interprétation). - Oui, on le voit dans
22 l'omniprésence de certains drapeaux ou dans certaines parties de
23 Yougoslavie où il est interdit de hisser certains drapeaux.
24 M. Allcock (interprétation). - En ce qui concerne les autres
25 conclusions de votre rapport, les partagez-vous toujours ?
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1 M. Allcock (interprétation). - Je n'ai pas changé de position.
2 M. Nice (interprétation). - Je souhaiterais que ce rapport soit
3 versé au dossier sous la cote 1668. Merci. On va maintenant vous poser
4 d'autres questions.
5 M. Bennouna. - Je voudrais poser une question au Dr Allcock à
6 propos toujours de la question que j'ai posée tout à l'heure.
7 Vous avez, sur le rôle du système communiste pendant cette
8 période concernant le renforcement des identités ethniques, vous avez dit
9 quand même quelque part dans votre rapport que les Musulmans ont été
10 quelque part frustrés pendant ce régime, parce que c'étaient les seuls qui
11 n'ont pas eu... Tout en renforçant leur ethnie, on ne leur a pas donné un
12 droit à un Etat et qu'ils n'ont jamais...
13 Qu'est-ce que vous voulez dire par le fait qu'ils n'ont jamais
14 considéré la Bosnie comme leur Etat ? Je vous cite, je crois que c'est à
15 la page 23 :
16 (L'orateur poursuit en anglais).
17 "Dans le cas précis de la Bosnie-Herzégovine, cependant, le
18 système a activement encouragé l'ethnogenèse des Musulmans tout en niant
19 la légitimité d'une aspiration qui aurait pu se développer et mener à la
20 manifestation politique de cette communauté" ?
21 M. Allcock (interprétation). - Les Musulmans n'étaient pas les
22 seuls à se sentir frustrés. Si on regarde la situation actuelle, on peut
23 dire qu'il en va de même pour les Albanais du Kosovo.
24 La raison pour laquelle j'ai parlé de frustration des
25 Bosniaques, c'est qu'ils se trouvaient dans une situation extrêmement
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1 ambiguë. On les désignait comme étant une "narod", une nation, c'est-à-
2 dire un des groupes constitutifs des Slaves du Sud.
3 Etant donné la structure de la Bosnie-Herzégovine, ils avaient
4 les mêmes attributions, les mêmes droits que les autres. Mais ils se
5 trouvaient dans une situation cependant extrêmement ambiguë. C'est ce que
6 je voulais dire.
7 M. Bennouna. - Pourquoi ce sort a-t-il été réservé aux Musulmans
8 au sein de l'ex-Yougoslavie particulièrement par rapport aux autres
9 ethnies ? Pourquoi aux Musulmans, on leur a réservé ce sort ?
10 M. Allcock (interprétation). - En grande partie, cela est dû à
11 la répartition de la population en Bosnie-Herzégovine ; il ne faut pas
12 comprendre cela, si c'est le centre de votre question, comme une attitude
13 hostile de la part du régime envers les Musulmans puisqu'à bien des
14 égards, on peut considérer que le régime, au contraire, avait une attitude
15 extrêmement positive, favorable à l'Islam. Et de nombreux chefs d'Etat du
16 mouvement des non-alignés étaient également musulmans.
17 Certains critiques, d'ailleurs, de la politique des nationalités
18 yougoslaves ont suggéré que ceci, cette attribution du statut de nation
19 aux Musulmans de Yougoslavie, était une manœuvre du régime pour essayer
20 d'obtenir des faveurs de certains Etats du mouvement des non-alignés.
21 Il ne s'agissait pas, donc, de la part du régime, de tentatives
22 de réduire, de ne pas accorder les mêmes droits aux Musulmans, mais votre
23 question semble évoquer qu'ils avaient une relation assez particulière
24 avec le Gouvernement et il y a beaucoup de pays qui sont... d'Etats, de
25 peuples qui sont représentés et qui ont un lien très fort avec cette
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1 République. Il s'agissait en fait, de la part du Gouvernement communiste,
2 d'une tentative de réaliser la quadrature du cercle.
3 M. le Président (interprétation). - Pour ce qui est du contre-
4 interrogatoire, qui va le mener du côté de la défense ?
5 M. Stein (interprétation). - Je mènerai le contre-
6 interrogatoire.
7 M. le Président (interprétation). - Souhaitez-vous entamer le
8 contre-interrogatoire aujourd'hui ou souhaitez-vous le faire plus tard ?
9 Il vous reste une heure ; est-ce que cette heure peut vous être utile ?
10 M. Stein (interprétation). - Je m'en laisse à votre décision. Je
11 pourrais utiliser tout à fait cette heure, en tout cas, 45 minutes. C'est
12 comme vous le souhaitez.
13 M. le Président (interprétation). - Je pense que ce serait une
14 bonne chose de faire maintenant une pause de 15 minutes et ensuite, de
15 revenir pour le contre-interrogatoire.
16 La séance, suspendue à 16 heures est reprise à 16 heures 20.
17 M. Stein (interprétation). – Monsieur Alcock, je m'appelle
18 Bob Stein, et je représente Dario Kordic Je voudrais vous demander,
19 Monsieur. en quelle année vous avez obtenu votre doctorat.
20 M. Allcock (interprétation) – J'ai obtenu mon doctorat en 92, je
21 crois.
22 M. Stein (interprétation). – Et le titre de votre thèse ?
23 M. Allcock (interprétation) - Je ne me rappelle pas exactement,
24 mais il s'agissait d'une étude sur l'évolution du tourisme en Yougoslavie.
25 M. Stein (interprétation). – Eh bien, je vais essayer de vous y
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1 aider.
2 M. Allcock (interprétation) - D'accord,
3 M. Stein (interprétation). – "Etude de la sociologie du tourisme
4 avec référence particulière au rôle du tourisme dans le développement de
5 la société yougoslave."
6 M. Allcock (interprétation) – Oui, cela me dit quelque chose.
7 M. Stein (interprétation). – C'est bien le titre de votre
8 thèse ?
9 M. Allcock (interprétation) - D'accord.
10 M. Stein (interprétation). – Et cette thèse est décrite comme un
11 essai de construction d'identité touristique.
12 M. Allcock (interprétation) - Oui.
13 M. Stein (interprétation). – Qu'est-ce que cela veut dire ?
14 M. Allcock (interprétation) - Eh bien, ma thèse reprenait un
15 certain nombre de documents, d'éléments décrivant la nature du tourisme
16 dans la société yougoslave, c'est-à-dire son aspect économique, social et
17 politique, ainsi que la notion d'identité touristique.
18 Car le tourisme avait deux conséquences : une conséquence sur
19 les Yougoslaves qui se considéraient eux-mêmes différents, d'une façon
20 différente en raison du tourisme, et un autre aspect lié à l'identité des
21 touristes eux-mêmes.
22 M. Stein (interprétation). – Puis-je comprendre que votre
23 recherche a été est faite au cours des étés que vous avez menés en
24 Yougoslavie ?
25 M. Allcock (interprétation) - Vous n'avez pas du tout raison sur
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1 ce point. Je suis très habitué à entendre ce genre de remarque, puisque
2 j'ai travaillé sur le thème du tourisme, sous-entendu que je devais
3 étudier pendant l'époque touristique. Mais le tourisme aujourd'hui est
4 devenu l'une des industries les plus importantes du monde et a de
5 gigantesques retombées au niveau économique, notamment pour la République
6 de Croatie, ainsi que, bien entendu, des conséquences sociales pour les
7 personnes qui vivent dans ces régions.
8 Mais non, j'ai effectué ma recherche au cours de huit années, je
9 crois, et j'ai rendu plusieurs visites dans le pays. La plupart du temps
10 en hiver, d'ailleurs, et pas nécessairement sur des plages estivales. Je
11 n'aimerais pas beaucoup que l'on pense que j'ai passé mon temps à m'amuser
12 en prétendant être un universitaire sérieux.
13 M. Stein (interprétation). – Il n'y a aucun mal à être les deux
14 à la fois, Monsieur.
15 Votre maîtrise, Monsieur, vous l'avez terminée en quelle année ?
16 M. Allcock (interprétation) - En 1968, si je ne m'abuse.
17 M. Stein (interprétation). – Ce diplôme pour lequel vous avez
18 étudié avant de passer un examen ?
19 M. Allcock (interprétation) - C'était un travail de recherche.
20 En effet, il y avait les deux aspects : des cours et la rédaction d'une
21 thèse.
22 M. Stein (interprétation). – Et le titre de cette thèse ?
23 M. Allcock (interprétation) - C'était une étude sur les
24 mouvements de désarmement nucléaire au Canada.
25 M. Stein (interprétation). – Le poste que vous occupez
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1 actuellement se situe où ?
2 M. Allcock (interprétation) - A l'université de Bratford.
3 M. Stein (interprétation). – Vous y êtes entré à quel moment ?
4 M. Allcock (interprétation) – J'ai commencé à travailler à
5 Bratford en 1966.
6 M. Stein (interprétation). – Et vous êtes assistant, n'est-ce
7 pas ?
8 M. Allcock (interprétation) – Et bien, j'ai une situation un peu
9 ambiguë : une commission est en train de discuter de mon sort.
10 M. Stein (interprétation). – Donc aujourd'hui ?
11 M. Allcock (interprétation) - Aujourd'hui, j'ai le titre de
12 lecturer, conférencier spécialisé dans les études liées à l'Europe de
13 l'Est.
14 M. Stein (interprétation). – C'est un poste à temps plein ?
15 M. Allcock (interprétation) – Oui.
16 M. Stein (interprétation). – Vous enseignez à des étudiants ?
17 M. Allcock (interprétation) – Eh bien, c'est un Jekill et Hyde,
18 c'est-à-dire que, de temps en temps, par le département des Lettres, je
19 suis rémunéré pour enseigner à des étudiants et, à un autre moment, je
20 deviens un solocuteur (?)*.
21 M. Stein (interprétation). – Bratford ne possède pas de
22 département de sociologie, n'est-ce pas ?
23 M. Allcock (interprétation) – Non, pas de faculté de sociologie
24 en tant que telle, mais il y a un grand nombre de sociologues qui sont
25 répartis dans différentes facultés. Moi, je dépends de la faculté des
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1 Lettres, mais nous avons également un centre où des sociologues
2 travaillent dans un centre de recherche du développement.
3 Il y a également le centre de recherche sur la paix et cinq ou
4 six centres où des sociologues travaillent chez nous.
5 M. Stein (interprétation). – Et il est également permis de dire,
6 Monsieur, que les recherches que vous avez menées entre 1967 et 1988 ont
7 porté sur le thème des migrations ?
8 M. Allcock (interprétation) - Oui.
9 M. Stein (interprétation). – Des thèmes tels que l'agriculture ?
10 M. Allcock (interprétation) - Exact.
11 M. Stein (interprétation). – Des thèmes tels que le tourisme,
12 nous en avons déjà parlé ?
13 M. Allcock (interprétation) - Oui.
14 M. Stein (interprétation). – Et la perception qu'un voyageur
15 étranger pouvait avoir des Balkans ?
16 M. Allcock (interprétation). - Exact.
17 M. Stein (interprétation). – Et puis-je comprendre qu'en ce
18 moment, vous transformez votre ancien travail de recherche sur le tourisme
19 en une étude sur les dissonances du patrimoine balkanique ?
20 M. Allcock (interprétation) - C'est un projet que j'ai également
21 effectivement lancé avant de me lancer dans une étude sur les affaires
22 politiques à laquelle je participe actuellement. Malheureusement, j'ai dû
23 m'écarter un peu du thème du tourisme à moins que
24 l'on parle plus précisément du tourisme militaire.
25 M. Stein (interprétation). – Donc, en bref, la réponse est oui,
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1 mais vous n'y travaillez pas actuellement ?
2 M. Allcock (interprétation) – Oui, en effet, je n'y travaille
3 pas en ce moment.
4 M. Stein (interprétation). – Qu'est-ce que les dissonances du
5 patrimoine ou patrimoine dissonant ?
6 M. Allcock (interprétation) - Eh bien, patrimoine, je suppose
7 que ce mot n'a pas besoin d'être expliqué aux Juges, mais un patrimoine
8 est en général considéré comme quelque chose dont un groupe ou plusieurs
9 groupes démographiques peuvent être fiers.
10 Malheureusement, pour certains groupes humains, et
11 malheureusement les Britanniques en particulier, il y a certaines parties
12 du patrimoine qui ne sont pas dépourvues d'ambiguïté. Il faut donc des
13 explications particulières pour comprendre comment nous traitons de ce
14 patrimoine : quelle est son importance symbolique à nos yeux, et également
15 quelle est la façon dont nous présentons ces parties assez embarrassantes
16 de notre patrimoine ou de notre passé à des visiteurs étrangers.
17 Je crois que c'est un aspect particulièrement intéressant en
18 rapport avec l'ex-Yougoslavie ; un aspect qui a un lien direct avec ce que
19 nous sommes en train de discuter en ce moment, à savoir qu'il y a eu
20 quelques aspects de l'histoire yougoslave qui n'étaient pas
21 particulièrement agréables, et que des efforts ont été faits pour
22 présenter d'une façon plus plaisante l'histoire de ces peuples du sud-est
23 de l'Europe aux visiteurs et touristes étrangers.
24 Cela a un rapport également avec un autre problème dont nous
25 avons déjà parlé lorsque nous avons traité du HDZ et de sa façon de
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1 traiter de l'héritage qui était le sien avec l'Etat indépendant de la
2 Croatie pendant la guerre.
3 Comment traiter cet héritage et comment le présenter de façon
4 acceptable à des tiers ?
5 M. Stein (interprétation). – J'ai cru comprendre en regardant
6 dans votre site informatique, en fait, que les domaines où vous étiez
7 expert englobaient les médias dans les Balkans, la médiatisation des
8 Balkans.
9 M. Allcock (interprétation) - C'est un domaine dans lequel
10 j'enseigne à des étudiants, mais je n'ai pas écrit à ce sujet.
11 M. Stein (interprétation). – A des étudiants en quête de
12 diplôme ?
13 M. Allcock (interprétation). - Oui.
14 M. Stein (interprétation). – Les autres domaines dans lesquels
15 vous êtes expert sont notamment la démocratie et le rôle des mass media
16 dans l'ex-Yougoslavie ?
17 M. Allcock (interprétation). – Je ne sais pas très bien d'où
18 vous tirez cette information, mais les travaux que j'effectue au sujet des
19 médias se situent dans le cadre de ma tâche à la faculté des Lettres et
20 présentent différents aspects, recouvrent différents aspects d'étude des
21 médias dans le cadre des cours que je donne sur l'Europe du sud-est.
22 M. Stein (interprétation). – Vous enseignez au sujet du tourisme
23 également ?
24 M. Allcock (interprétation). – Non.
25 M. Stein (interprétation). – Mais c'est l'un des domaines où
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1 vous êtes expert ?
2 M. Allcock (interprétation). - Oui.
3 M. Stein (interprétation). – Il y a parfois coïncidence et
4 parfois pas entre ce que j'enseigne et ce sur quoi je travaille par écrit.
5 M. Stein (interprétation). – Vous avez donc un certain nombre de
6 domaines où vous êtes expert. Le développement politique de l'ex-
7 Yougoslavie en fait partie ?
8 M. Allcock (interprétation) - Oui.
9 M. Stein (interprétation). – Et les changements sociaux dans
10 l'ex-Yougoslavie ?
11 M. Allcock (interprétation). - Exact.
12 M. Stein (interprétation). – J'écoute le français en même temps
13 pour essayer de
14 m'adapter au rythme.
15 L'unité de recherche spécialisée en étude sur le sud-est de
16 l'Europe à l'université de Bratford, cette unité donc n'est pas une
17 faculté, un département de l'université, n'est-ce pas ?
18 M. Allcock (interprétation). – Non, ce n'est pas un département,
19 c'est une unité de recherche, c'est-à-dire le regroupement d'un certain
20 nombre de personnes qui émanent de différents départements et qui
21 partagent tels ou tels centres d'intérêt.
22 M. Stein (interprétation). – Et l'appartenance à cette unité est
23 possible pour tous les enseignants et tous les étudiants diplômés de
24 l'université ?
25 M. Allcock (interprétation) – S'ils ont un intérêt particulier
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1 pour la région en question, c'est exact. Nous avons également des membres
2 honoraires qui ne sont pas des membres permanents de notre personnel ou
3 des étudiants.
4 M. Stein (interprétation). – Autrement dit, c'est une adhésion
5 qui est très ouverte, très large ?
6 M. Allcock (interprétation) - Elle n'est pas très ouverte dans
7 la mesure où nous tenons à ce que les gens qui se présentent aient un
8 intérêt particulier dans ce secteur, par rapport à cette région, et qu'ils
9 soient prêts à y travailler avec quelque compétence.
10 M. Stein (interprétation). – Puis-je comprendre que, dans le
11 cadre de vos activités, vous fournissez également des conseils à deux
12 organisations internationales qui recrutent des personnes destinées à
13 travailler dans le monde des affaires dans les Balkans ?
14 M. Allcock (interprétation) - J'ai conseillé un certain nombre
15 d'organismes par le passé, mais il ne s'agit pas là d'une activité
16 contractuelle régulière. Pas du tout. J'ai été contacté à certains moments
17 par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement qui me
18 demandait des conseils au sujet du recrutement de son personnel.
19 J'ai été contacté également par les Nations Unies quand elles
20 ont mis en place la mission de la Forpronu à Zagreb ; elles me demandaient
21 également des conseils en matière de
22 recrutement. J'ai également été contacté par ce Tribunal il y a pas mal de
23 temps. Mais il n'existe aucune obligation contractuelle en la matière.
24 Il s'agit simplement de contacts ponctuels parce que cette unité
25 de recherche à laquelle je participe a une certaine réputation de
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1 compétence en la matière.
2 M. Stein (interprétation). – Puis-je comprendre que ce que vous
3 venez de dire est que vous recevez des appels téléphoniques ?
4 M. Allcock (interprétation). – Oui, ou parfois des lettres.
5 Quelquefois, la relation peut être plus durable que cela.
6 M. Stein (interprétation). – Mais, dans ces cas précis, il
7 s'agissait d'appels téléphoniques brefs et de relations assez brèves
8 également ?
9 M. Allcock (interprétation). – Des degrés de durée de
10 correspondance variables.
11 M. Stein (interprétation). – Puis-je comprendre, Monsieur, qu'en
12 tant que sociologue, vous vous estimez libre de travailler, d'étudier sur
13 un certain nombre de sujets que je vais maintenant énumérer ? Les origines
14 ethniques ?
15 M. Allcock (interprétation). – Oui.
16 M. Stein (interprétation). – L'homme et la société ?
17 M. Allcock (interprétation). – Cela recouvre à peu près tout,
18 n'est-ce pas ?
19 M. Stein (interprétation). – Oui, en effet !
20 M. Allcock (interprétation). - Il serait difficile de formuler
21 un commentaire sociologique en dehors de ce thème.
22 M. Stein (interprétation). – L'histoire ?
23 M. Allcock (interprétation). - Tout dépend de l'interprétation
24 que vous donnez à ce mot. Je ne me considère pas comme un historien
25 professionnel, mais comme quelqu'un qui s'intéresse à l'évolution
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1 historique.
2 M. Stein (interprétation). – Les processus politiques ?
3 M. Allcock (interprétation). - Oui.
4 M. Stein (interprétation). – Les processus culturels ?
5 M. Allcock (interprétation). - Encore une fois, je dirai que
6 c'est un thème qui ressemble beaucoup à l'homme dans la société, n'est-ce
7 pas ? Un thème, sujet très général, et il faudrait savoir dans quelles
8 limites particulières on place ce sujet.
9 M. Stein (interprétation). – Religion ?
10 M. Allcock (interprétation). - De temps en temps, oui, j'ai
11 travaillé sur ce thème.
12 M. Stein (interprétation). – La linguistique ?
13 M. Allcock (interprétation). – Non, ce n'est pas ma spécialité
14 technique. Bien entendu, la langue a une importance en tant qu'élément de
15 la culture pour un sociologue et prend une importance très très grande
16 lorsqu'on étudie les processus politiques et historiques, mais je ne me
17 suis jamais considéré comme un expert en linguistique. Pas du tout, ce
18 n'est pas ma prétention.
19 M. Stein (interprétation). – Les questions de races et de
20 rapports raciaux ?
21 M. Allcock (interprétation). - Le thème de la race n'a guère de
22 pertinence lorsqu'on parle de l'Europe du sud-est. Donc, je ne dirais
23 certainement pas que j'ai eu à discuter de relations raciales au sens que
24 l'on accorde en général à cette expression.
25 M. Stein (interprétation). – Mais c'est un sujet que les
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1 sociologues abordent souvent ?
2 M. Allcock (interprétation). - Oui.
3 M. Stein (interprétation). – Les questions nationales ?
4 M. Allcock (interprétation). – Oui, oui, oui.
5 M. Stein (interprétation). – L'émigration ?
6 M. Allcock (interprétation). - J'ai travaillé sur le thème des
7 migrations.
8 M. Stein (interprétation). – La démographie ?
9 M. Allcock (interprétation). - Dans une certaine mesure. C'est
10 quelque chose que je dis souvent à mes collègues : les sociologues n'ont
11 que peu de connaissances sur la démographie ; donc sur le plan
12 démographique, ce que j'ai fait, c'est plutôt rappeler à mes collègues
13 qu'il fallait lire les ouvrages démographiques plutôt que d'y travailler
14 moi-même.
15 M. Stein (interprétation). – La géographie ?
16 M. Allcock (interprétation). – Non, la géographie est une
17 discipline distincte. Je ne me décrirais certainement pas comme un
18 géographe ou comme quelqu'un qui aurait travaillé sur ce sujet.
19 M. Stein (interprétation). – La psychologie ?
20 M. Allcock (interprétation). - Là encore, il s'agit d'une
21 discipline différente. Là encore, je dirai qu'en tant que sociologue
22 scientifique, les limites entre différents domaines sont assez perméables,
23 et il est indispensable de se pencher sur d'autres domaines. Mais je ne me
24 décrirais certainement pas comme un psychologue.
25 M. Stein (interprétation). – Mais vous accepteriez l'idée que,
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1 dans votre travail en tant que sociologue, il y a parfois nécessité de se
2 pencher sur les travaux de psychologues ?
3 M. Allcock (interprétation). – Oui, il m'arrive de lire des
4 ouvrages écrits par des gens qui se décrivent comme des psychologues.
5 M. Stein (interprétation). – Vous connaissez bien le sujet des
6 mass media, n'est-ce pas ?
7 M. Allcock (interprétation). - J'enseigne sur ce sujet, oui.
8 M. Stein (interprétation). – Les structures sociales ?
9 M. Allcock (interprétation). - C'est peut-être une deuxième
10 définition du mot sociologie.
11 M. Bennouna. – Parce que je crois, Maître Stein, si on veut
12 gagner du temps, on
13 peut demander à M. Allcock s'il est généraliste ou s'il est spécialisé
14 dans le domaine sociologique. Parce qu'il y a dans tout secteur des
15 généralistes et des spécialistes. Alors, il vous dira tout simplement s'il
16 se considère comme un généraliste ou un spécialiste, et si c'est le second
17 cas, dans quelle spécialité.
18 A ce moment-là, on gagnera peut-être un peu de temps. Merci.
19 M. Allcock (interprétation). – Je peux répondre à la question :
20 en tant qu'enseignant de la Faculté des Lettres, je dois être généraliste.
21 C'est la nature même de mon travail qui l'exige puisque j'enseigne à des
22 étudiants qui n'ont pas encore leur diplôme.
23 En tant que spécialiste, il y a un certain nombre de travaux
24 scientifiques sur la question de la Yougoslavie et des Etats qui lui ont
25 succédé, auxquels j'ai participé ; et très peu de sociologues l'ont fait.
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1 Je pense que je suis pratiquement le seul en Grande-Bretagne
2 dont les intérêts, sur le plan de la recherche, sont primordialement
3 orientés sur les affaires de la Yougoslavie et des Etats qui lui ont
4 succédé. Donc, par nécessité, j'ai eu à m'intéresser à un certain nombre
5 d'aspects liés à la transformation de la société yougoslave, pour rendre
6 compte des changements d'orientation dans la région.
7 Mais j'aimerais rappeler à chacun, ici, que lorsqu'on résume une
8 carrière de chercheurs de plus de trente ans, c'est difficile, et qu'un
9 chercheur qui travaille pendant trente ans aborde toutes sortes de
10 problème pas en même temps.
11 M. Bennouna. – (Inaudible.)
12 M. Allcock (interprétation). – Oui, d'accord.
13 M. Stein (interprétation). – Je reprendrai maintenant le fil de
14 mes questions, si vous me le permettez, en vous demandant s'il y a un
15 aspect de l'expérience humaine qui sort du champ de la sociologie.
16 M. le Président (interprétation). – Je ne crois pas que ce soit
17 une question très
18 utile !
19 M. Allcock (interprétation). - Nous en discuterons hors
20 prétoire, plus tard, si vous le voulez bien.
21 M. Stein (interprétation). – Avez-vous personnellement publié un
22 ouvrage dont vous seriez l'auteur ?
23 M. Allcock (interprétation). - Je dirai que je ne suis pas le
24 seul et unique auteur d'un seul ouvrage. J'ai participé à la rédaction
25 d'un ouvrage assez important, qui est en cours de publication aujourd'hui,
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1 mais à l'heure actuelle, je n'ai pas la possibilité de dire que j'ai été
2 l'auteur unique d'un ouvrage particulier.
3 M. Stein (interprétation). – Conviendriez-vous avec moi que la
4 majeure partie de votre travail d'auteur s'est concentrée sur le sujet du
5 tourisme ?
6 M. Allcock (interprétation). – Non, ce n'est pas exact. Les
7 travaux que j'ai effectués sur le tourisme n'ont guère de place, je pense,
8 dans le rapport que j'ai rédigé ici. J'ai écrit au sujet de la défense et
9 de la sécurité yougoslave, c'est une étude assez importante que j'ai
10 publiée, j'ai travaillé et publié sur la Yougoslavie en transition. Non,
11 je ne dirai pas que la majeure partie de mes travaux écrits se soient
12 concentrés sur le tourisme.
13 M. Stein (interprétation). – Et votre avis, l'opinion que vous
14 exprimez dans ce procès n'a pas été rendue publique ?
15 M. Allcock (interprétation). – Excusez-moi, je n'ai pas compris.
16 M. Stein (interprétation). – Votre opinion, dans ce procès, n'a
17 pas été rendue publique au public ou à des pairs ?
18 M. Allcock (interprétation). - Vous parlez de ce que je fais,
19 ici, dans ce prétoire ?
20 M. Stein (interprétation). – Effectivement.
21 M. Allcock (interprétation). – Non, parce que j'ai cru
22 comprendre qu'il y avait une certaine confidentialité attachée à ce
23 rapport destiné aux Juges de ce Tribunal. Je pensais qu'il
24 serait inapproprié que je fasse connaître ce travail à mes pairs ou au
25 public.
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1 M. Stein (interprétation). – Puis-je également comprendre,
2 Monsieur, que vous avez publié des encyclopédies au sujet de la
3 Yougoslavie ?
4 M. Allcock (interprétation). – Oui, le pluriel n'est peut-être
5 pas justifié. J'ai participé, avec Malcolm Milivojovic, John Horton, à le
6 rédaction d'un ouvrage au sujet du conflit dans l'ex-Yougoslavie ; c'est
7 une encyclopédie, c'est la seule que j'ai publiée.
8 J'ai contribué, en revanche, à la rédaction d'autres
9 encyclopédies, et notamment à l'encyclopédie "Britannica". Mais celle-ci
10 est la seule que j'ai publiée en mon nom propre.
11 M. Stein (interprétation). – Mais dans l'ensemble de vos travaux
12 sur le tourisme, en tant qu'auteur, en tant qu'écrivain qui a publié, vous
13 n'avez jamais entendu parler de Dario Kordic ?
14 M. Allcock (interprétation). - Jusqu'à ce que je travaille pour
15 ce Tribunal effectivement, je n'étais jamais tombé sur le nom de Dario
16 Kordic.
17 M. Stein (interprétation). – Avant de rédiger vos travaux de
18 recherche, vous a-t-on demandé si vous aviez parlé avec M. Kordic ou à
19 quelque autre membre de son équipe de défense ?
20 M. Allcock (interprétation). – Non, parce que ce genre de
21 question, dans la préparation de mon rapport, ne m'a pas été posée par le
22 Procureur. Nous nous sommes concentrés sur la nature de la nationalité, du
23 nationalisme en Yougoslavie. Nous avons développé des considérations au
24 sujet de la politique croate et bosniaque ; et le principal point de
25 concentration consistait à développer des documents à l'appui du rôle que
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1 j'allais jouer ici, et pas de parler de Dario Kordic en particulier. Ce
2 n'était pas ma mission.
3 M. Stein (interprétation). – Dans le cadre du travail que vous
4 avez effectué en vue de ce procès, avez-vous lu des textes de la défense
5 pour déterminer si nous avions traité de ces
6 points ?
7 M. Allcock (interprétation). - On m'a montré des documents de la
8 défense
9 effectivement, un mémoire préalable, notamment.
10 M. Stein (interprétation). – A quel moment ?
11 M. Allcock (interprétation). – Je suis venu il y a quelque temps
12 à La Haye pour rencontrer les membres de l'équipe du Procureur et, à ce
13 moment-là, la Procureur m'a montré ces documents.
14 M. Stein (interprétation). – Très bien. Si je lis bien votre
15 rapport, il ne comporte pas de notes de fin de texte, pas d'annotations,
16 pas de notes de bas de page ?
17 M. Allcock (interprétation). – Je n'ai pas estimé que c'était
18 judicieux pour deux raisons : d'abord, parce que j'ai cru comprendre que
19 les personnes qui avaient une chance de lire ce rapport seraient soumises
20 à des pressions importantes ayant de très nombreux documents, et par
21 conséquent, j'ai pensé qu'il était important que je sois aussi bref que
22 possible, dans la mesure où je pouvais me le permettre.
23 Et la deuxième raison, c'est que je ne pensais pas que le
24 rapport que j'allais présenter était un document méritant des notes de ce
25 genre, puisqu'il s'agissait d'un rapport et non d'un ouvrage
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1 universitaire. Mais je n'aurais aucune difficulté à fournir une liste de
2 références, si vous jugez que c'est nécessaire.
3 Cela étant, je n'ai pas pensé que c'était nécessaire de le faire
4 et j'ai omis ces notes de façon délibérée.
5 M. Stein (interprétation). – Vous n'avez reçu aucune instruction
6 pour ajouter des notes ou pour les omettre ?
7 M. Stein (interprétation). – Non, je n'ai reçu aucune
8 instruction. C'est moi qui ai décidé de la forme que j'allais accorder à
9 mon rapport, et j'ai estimé que la forme que j'ai donnée à mon rapport
10 était celle qui était la plus nécessaire pour les Juges, la plus
11 appropriée.
12 M. Stein (interprétation). – Votre thèse de maîtrise, votre
13 thèse de doctorat, vos écrits en tant qu'auteur professionnel contiennent
14 des notes de fin de texte, des notes de bas de page et des annotations ?
15 M. Allcock (interprétation). - Certains oui, d'autres non.
16 Lorsque j'ai contribué à la rédaction de l'encyclopédie "Britannica", par
17 exemple, il n'y a pas de notes parce que la publication ne le permet pas.
18 Chaque auteur, tout auteur doit déterminer quelle sera la forme
19 de la publication à laquelle il contribue et quels sont les besoins du
20 public auquel il s'adresse en la circonstance. Cette fois-ci, j'ai décidé
21 qu'il serait peut-être peu judicieux de traiter mon ouvrage universitaire
22 au sens premier du terme.
23 M. Stein (interprétation). - Monsieur, j'aimerais vous poser la
24 question suivante : êtes-vous membre de l'association des sociologues
25 britanniques ou de l'association des sociologues américains ?
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1 M. Allcock (interprétation). - Je suis membre de l'association
2 des sociologues britanniques et de l'association internationale des
3 sociologues.
4 M. Stein (interprétation). - Très bien.
5 Avant de passer à un autre sujet, j'aimerais traiter de la pièce
6 à conviction suivante, la pièce Z321. Peut-on la placer sur le
7 rétroprojecteur ?
8 (L'huissier s'exécute.)
9 Vous l'avez sous les yeux ?
10 M. Allcock (interprétation). - Oui, absolument.
11 M. Stein (interprétation). - Qui a jeté cette pièce sous vos
12 yeux ?
13 M. Allcock (interprétation). - Cette pièce m'a été remise par un
14 membre de l'équipe du Procureur. La personne, dont les mains ont servi à
15 me remettre ce document, est... Excusez-moi, sur l'instant, j'ai oublié
16 son nom ; c'est la personne qui est assise au milieu.
17 M. Stein (interprétation). - Maître Somers ?
18 M. Allcock (interprétation). - Oui, Me Somers m'a proposé ce
19 texte.
20 M. Stein (interprétation). - Très bien.
21 Vous savez que ce document porte la date du 16 décembre 1992 ?
22 M. Allcock (interprétation). - Oui, en effet.
23 M. Stein (interprétation). - Vous n'avez pas besoin d'un diplôme
24 de sociologue pour savoir que c'est la période de Noël ?
25 M. Allcock (interprétation). - En effet.
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1 M. Stein (interprétation). - Avez-vous lu, avec soin, le
2 paragraphe 3 ?
3 Je cite : "Les symboles religieux doivent être restitués à
4 l'endroit où ils se trouvaient précédemment. Nous devons nous montrer
5 judicieux dans la mise en œuvre de la politique croate globale, sans
6 irriter qui que ce soit par nos actes. Le présent ordre doit être exécuté
7 de façon subtile et systématique", (Fin de citation).
8 M. Stein (interprétation). - Oui
9 M. Stein (interprétation). - Si j'ai bien compris ce que vous
10 avez dit dans votre déposition, vous ne savez pas de quelle façon cet
11 ordre a été exécuté sur le terrain ?
12 M. Allcock (interprétation). - En effet, la seule chose que j'ai
13 eu sous les yeux est ce morceau de papier.
14 M. Stein (interprétation). - Quant au fait de savoir si cet
15 ordre a été exécuté de façon subtile ou pas, vous ne le savez pas ?
16 M. Allcock (interprétation). - Non, mais ce que j'ai discuté
17 dans ma déposition, en réponse à l'interrogatoire principal, était le fait
18 qu'à mon avis, il convient de situer ce genre d'acte dans le contexte
19 politique et social approprié. Les gens étaient déjà très anxieux à ce
20 sujet et donc les potentialités que quelqu'un soit offensé étaient déjà
21 considérables.
22 Je ne sais pas exactement qu'elles ont été les conséquences
23 exactes de cette
24 politique, mais il me semble que c'était quelque chose de tout à fait
25 risqué que de placer des symboles d'identité religieuse nationale dans des
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1 zones mixtes sur le plan ethnique.
2 M. Stein (interprétation). - Y compris à la période de Noël ?
3 M. Allcock (interprétation). - Je crois qu'il importe d'être
4 prudent dans ce genre d'action.
5 M. Stein (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs
6 les Juges, je me suis engagé à interroger pendant une demi-heure à peu
7 près, j'ai atteint la fin de cette demi-heure. Donc, avec votre
8 autorisation, j'aimerais remettre la suite de l'interrogatoire à un autre
9 jour.
10 M. le Président (interprétation). - Combien de temps pensez-vous
11 encore interroger le témoin ?
12 M. Stein (interprétation). - Peut-on remettre à une date
13 ultérieure ?
14 M. le Président (interprétation). - Je vous demande la durée du
15 reste de votre interrogatoire.
16 M. Stein (interprétation). - Quand nous nous réunirons à
17 nouveau, deux heures environ.
18 M. le Président (interprétation). - Très bien.
19 Maître Kovacic, de combien de temps auriez-vous besoin ?
20 M. Kovacic (interprétation). - Monsieur le Président, nous
21 aimerions pouvoir prendre la parole après Me Stein, plus tard, en tout
22 cas, sinon nous ne serions pas très productifs.
23 M. le Président (interprétation). - Et, dans ce cas-là, vous
24 parlerez moins longtemps ?
25 M. Kovacic (interprétation). - Oui, absolument, une heure au
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1 maximum.
2 M. le Président (interprétation). - Nous remettons le contre-
3 interrogatoire à plus
4 tard.
5 Monsieur Allcock, j'espère qu'on vous a dit qu'il vous faudrait
6 revenir, n'est-ce pas ?
7 (Signe affirmatif du témoin.)
8 Je vous prie de nous excuser à ce sujet, mais apparemment, c'est
9 la seule façon dont le contre-interrogatoire peut se poursuivre. J'espère
10 que vous pourrez trouver une date qui vous agréera.
11 M. Allcock (interprétation). - Oui.
12 M. le Président (interprétation). - Il est habituel ici de dire
13 aux témoins qu'ils ne doivent pas parler du contenu de leur déposition à
14 des tiers. Donc je me permets de vous le rappeler au cours de la présente
15 audience. Et les tiers englobent les membres du Bureau du Procureur, bien
16 qu'évidemment vous puissiez discuter avec eux des dispositions à prendre
17 pour que vous puissiez revenir ici poursuivre votre déposition.
18 Je vous libère donc aujourd'hui et vous demande de revenir ici,
19 si vous le voulez bien, dès que cela vous agréera et dès que les
20 dispositions nécessaires auront été prises.
21 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
22 Maître Nice, je souhaiterais bien entendu que la date de la
23 poursuite de ce contre-interrogatoire soit la plus rapprochée possible.
24 M. Nice (interprétation). - Oui. J'ai cru comprendre qu'une
25 demi-journée serait suffisante, peut-être à peine plus.
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1 Comme la défense le sait désormais, grâce à la lettre qu'elle a
2 reçue, le témoin que nous devions entendre confidentiellement dans une
3 semaine à peu près ne pourra pas être entendu à ce moment-là.
4 Donc il est possible que M. Allcock puisse être disponible en
5 cette dernière semaine du mois de juillet. Je ne sais pas si c'est
6 certain, mais, dans le cas contraire, je crains
7 fort que nous soyons entraînés jusqu'au mois de septembre.
8 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres points que
9 vous aimeriez nous soumettre aujourd'hui ?
10 M. Nice (interprétation). - Non.
11 M. le Président (interprétation). - Très bien.
12 S'agissant des audiences de la semaine prochaine, nous allons
13 modifier légèrement les horaires de nos audiences ce qui, nous le pensons,
14 ne va poser de problème à personne.
15 Nous commencerons nos audiences le matin et tous les jours à
16 9 heures 30 pour travailler jusqu'à 11 heures. Après quoi, nous aurons une
17 pause un peu plus longue que d'habitude, pour reprendre à 11 heures 30 et
18 travailler jusqu'à 13 heures. La pause déjeuner sera la même que
19 d'habitude, jusqu'à 14 heures 30. Après quoi, nous siégerons l'après-midi
20 de 14 heures 30 à 16 heures 15.
21 Donc nous levons l'audience aujourd'hui jusqu'à lundi
22 9 heures 30.
23 L'audience est levée est 16 heures 53.
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