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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14/2-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Mardi 21 septembre 1999
4 L'audience est ouverte à 11 heures 30.
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17 (Audience publique)
18 (L'audience, suspendue à 13 heures 15, est reprise à 14 heures 50.)
19 M. le Président (interprétation). – Oui, Monsieur Lopez-Terres, vous avez
20 la parole.
21 M. Lopez-Terres. – Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'il me
22 soit d'abord permis de présenter les excuses de mon collègue, l'avocat
23 général Geoffrey Nice, qui ne pourra pas être avec nous cet après-midi,
24 puisqu'il est retenu dans l'affaire Jelisic dans laquelle il intervient en
25 même temps que dans l'affaire Kordic.
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1 Je voudrais également indiquer qu'à la demande du témoin qui va
2 comparaître cet après-midi, nous avons présenté une requête pour que
3 soient octroyées à ce témoin des mesures de protection. Pour pouvoir vous
4 exposer le sens de cette requête et l'étendue de celle-ci, je souhaiterais
5 que nous puissions passer en audience à huis clos partiel.
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3 (Audience publique avec mesures de protection)
4 Monsieur le Témoin P, à l'issue des élections de 1990 et jusqu'au mois de
5 juin 1992, les relations de travail au sein des institutions municipales
6 de Novi Travnik, entre les Croates et les Musulmans, ont été tout à fait
7 bonnes jusqu'au mois de juin 1992, c'est-à-dire à l'époque où le HVO a
8 attaqué certaines institutions de la ville de Novi Travnik. Est-ce exact ?
9 Témoin P (interprétation). - On peut dire que ces relations étaient
10 correctes jusque en avril 1992.
11 M. Lopez-Terres. - Avril 1992, cela correspond à la création du HVO, c'est
12 bien cela, n'est-ce pas ?
13 Témoin P (interprétation). - Oui, c'était à peu près comme cela. En
14 avril 1992, le premier drapeau d'Herceg-Bosna a été hissé, donc le drapeau
15 du peuple croate qui arborait les insignes croates, c'était le
16 10 avril 1992.
17 M. Lopez-Terres. - Avant cette période du mois d'avril 1992, il y avait eu
18 des événements qui s'étaient déroulés dans la municipalité de Novi Travnik
19 et qui concernaient la livraison d'armes et de munitions de l'usine
20 Bratsvo à l'armée populaire de la Yougoslavie, et les Croates de la région
21 s'étaient opposés à une telle livraison. Est-ce exact ?
22 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est exactement comme vous l'avez
23 décrit. A Novi Travnik il y avait une usine militaire, Bratsvo, qui
24 fabriquait des armes et des munitions en grandes quantités. Les Croates,
25 vu le conflit qui sévissait en Croatie entre les Croates et la JNA, se
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1 sont opposés à cette idée de livrer des armes et des munitions à l'ex-JNA.
2 M. Lopez-Terres. - Est-il exact que certains camions transportant ces
3 armes ou ces munitions ont été détournées, que des Croates dont vous venez
4 de parler se sont emparé de ces véhicules ?
5 Témoin P (interprétation). - Oui, cela c'est exact. Moi, je sais qu'il y
6 avait un camion qui a été arrêté dans le village de Bucici. Je ne connais
7 pas le sort de ce camion ni des armes et des munitions, des pièces
8 détachées qui ont été chargées. Je ne sais pas ce qui s'est passé avec ce
9 camion, mais je sais que le camion est resté confisqué dans le village de
10 Bucici.
11 M. Lopez-Terres. - Les Croates dont nous parlons s'étaient emparé par la
12 force du camion dont vous venez de parler ?
13 Témoin P (interprétation). - Ce camion a été arrêté de la part des civils
14 armés et quelques soldats, à cette époque-là, qui ont été armés également.
15 M. Lopez-Terres. - Vous avez constaté vous-même donc, à l'époque, la
16 présence de civils armés et de soldats qui empêchaient la circulation de
17 ces véhicules dans les environs de Novi Travnik ?
18 Témoin P (interprétation). - Oui, au cours de cette période, il y avait
19 également le trafic qui n'était plus possible. C'est dans le tronçon
20 Bucici et sur la route Travnik Sarajevo. Le trafic était impossible, on
21 l'avait empêché.
22 M. Lopez-Terres. - Savez-vous à quelles unités ces soldats armés
23 appartenaient et d'où ils étaient originaires ?
24 Témoin P (interprétation). - Des collègues du HDZ, à cette époque-là,
25 m'ont dit que cela faisait partie intégrante de la Défense territoriale.
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1 Je me souviens de quelqu'un, Ivo Susnjar, qui est arrivé de Croatie et qui
2 appartenait à l'armée croate. J'ai appris également par eux qu'il y avait
3 des personnes qui sont arrivées de Croatie, d'autres personnes qui sont
4 arrivées de Croatie.
5 M. Lopez-Terres. - Des barrages ont été installés sur les routes à cette
6 époque-là, que nous pouvons situer au mois de février mars 1992. Est-ce
7 exact ?
8 Témoin P (interprétation). - Il ne s'agissait pas véritablement de
9 barrages. Des véhicules ont été arrêtés, il y avait des gens qu'on
10 arrêtait. J'ai parlé tout à l'heure de ces personnes qui avaient arrêté.
11 Je ne me souviens pas qu'il y ait eu de barrages véritablement.
12 M. Lopez-Terres. - Savez-vous si l'accusé, Dario Kordic, a pris une part à
13 ces incidents et à la rétention de ces véhicules qui sortaient de
14 l'usine ?
15 Témoin P (interprétation). - J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Kordic à
16 cette époque-là et il a participé à ces actions.
17 M. Lopez-Terres. - Est-ce qu'à la même époque vous avez également
18 participé à une émission télévisée avec M. Dario Kordic, à Sarajevo,
19 émission à laquelle participait le président du Parlement, M. Jozo Sekic ?
20 Témoin P (interprétation). - Je me souviens de l'émission. C'était un
21 samedi, le 22 mars. C'est le journaliste Smiljko Sagolj, moi j'y ai
22 participé, le président également ainsi que Dario Kordic. C'est une
23 émission qui a eu lieu le 21 mars.
24 M. Lopez-Terres. - C'est bien le 21 mars ?
25 Témoin P (interprétation). - C'était le 21 mars.
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1 M. Lopez-Terres. - Cette émission avait pour objet, entre autres,
2 d'évoquer les événements qui se déroulaient autour des armes de l'usine
3 Bratsvo. Est-ce exact ?
4 Témoin P (interprétation). - Je pense que l'émission avait les deux buts.
5 D'abord, de montrer ce qui se passait avec l'industrie militaire -et
6 notamment avec l'usine Bratsvo à Novi Travnik-, et je pense qu'il y avait
7 également un autre but, c'est de démontrer ce que la communauté croate
8 d'Herceg-Bosna pouvait faire, et de la présenter, en quelque sorte.
9 M. Lopez-Terres. - Je souhaiterais présenter à la Chambre un court extrait
10 de cette émission de manière à ce que le témoin puisse l'identifier. Je
11 précise à la Chambre que le témoin, apparaissant sur la cassette vidéo qui
12 va être projetée, peut-être qu'une mesure de protection devrait être
13 également ordonnée pour éviter que l'on puisse reconnaître le témoin sur
14 cette bande ?
15 M. le Président (interprétation). - Je pense qu'il faudra passer à huis
16 clos pour la diffusion, c'est la seule manière dont nous puissions assurer
17 la protection du témoin.
18 M. Lopez-Terres. – Ce sera un court extrait.
19 M. le Président (interprétation). – Dans l'intervalle, nous avons une
20 pièce qui porte la cote 253 ; c'est une transcription et je pense que
21 cette transcription se rapporte à ce programme télévisé ?
22 M. Lopez-Terres. – C'est la pièce Z53. 'était mal écrit. Effectivement, ce
23 document est le transcript des interventions des trois intervenants de
24 l'émission, plus celles du journaliste, bien entendu. Je précise à votre
25 Chambre que, dans le cadre de ce procès, les propos tenus par l'accusé
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1 Dario Kordic ont déjà fait l'objet d'un transcript qui vous a été remis à
2 l'occasion de l'audition d'un autre témoin, il y a quelques mois. Le
3 document dont je vous parle portait déjà la référence Z53A. Le transcript
4 d'aujourd'hui porte la référence Z53-1.
5 M. le Président (interprétation). – Quel sera le segment que vous allez
6 diffuser ?
7 M. Lopez-Terres. – Afin d'aller très vite, mon souci est de présenter au
8 témoin un court extrait de manière à ce qu'il se reconnaisse dans
9 l'émission. Je n'envisage pas de rester plus longtemps sur le contenu de
10 l'émission elle-même. C'est simplement pour qu'il puisse nous indiquer
11 qu'il s'agit bien de l'émission en question.
12 M. le Président (interprétation). – Fort bien.
13 M. Lopez-Terres. – Si le document est prêt, on peut le visionner.
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1 Monsieur le Témoin, vous avez vu ce court extrait de l'émission télévisée
2 à laquelle je faisais référence. S'agit-il bien de cette émission qui a eu
3 lieu le 21 mars 1992 à Sarajevo à laquelle vous avez participé avec
4 l'accusé Dario Kordic et le président du Parlement, Jozo Sekic, le tout
5 sous le contrôle du journaliste Smilko Sagolj ?
6 Témoin P (interprétation). – Oui, c'est l'émission dont il a été question.
7 M. Lopez-Terres. – Je vais vous présenter maintenant le transcript de
8 toute cette émission, qui comporte plusieurs pages. Toutes vos
9 interventions sont rapportées, les vôtres, celles du journaliste et celles
10 des deux autres intervenants. Je vous demande d'examiner ce transcript qui
11 porte la référence Z53-1, en langue bosniaque et Z53-1A en langue
12 anglaise.
13 Ce document devra faire lui-même l'objet de protection dans la mesure où
14 il comporte le nom du témoin.
15 Serait-il possible, monsieur le Témoin P, de vous reporter à la dernière
16 page de ce document sur laquelle vous apparaissez ? Vous faites une
17 intervention juste avant que l'accusé ne vous réponde. Est-ce que vous
18 pouvez nous commenter le sens de votre intervention et nous lire ensuite
19 ce que l'accusé, Dario Kordic, vous a répondu ?
20 Témoin P (interprétation). - Mon commentaire serait le suivant. Je l'ai
21 déjà dit, j'ai dit ce que je savais, ce que sentaient également mon peuple
22 et un grand nombre de citoyens à cette époque-là : c'est que la communauté
23 croate ne pourrait pas passer comme cela a été conçu par le HDZ de Bosnie-
24 Herzégovine, ou plutôt représentant de ce parti politique. Alors que le
25 commentaire de Dario Kordic allait dans le sens de dire que personne
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1 n'avait le droit d'empêcher le peuple croate de s'organiser comme il
2 souhaitait s'organiser. C'est dans ce sens là qu'il a fait son
3 commentaire.
4 M. Lopez-Terres. - Je vous remercie. Vous pouvez reposer ce document.
5 Quelques temps après cette émission télévisée du mois de mars 1992, avez-
6 vous eu l'occasion de revoir Dario Kordic, alors qu'il était accompagné de
7 soldats, à Novi Travnik ?
8 Témoin P (interprétation). - J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Dario
9 Kordic plusieurs fois, même dans mon bureau où il se rendait de temps à
10 autre. Et autour également de l'usine Bratsvo.
11 M. Lopez-Terres. - Je souhaiterais que vous nous parliez du jour où Dario
12 Kordic est venu dans votre bureau pour discuter avec vous de l'enlèvement
13 de deux lance-roquettes multiples. Est-ce que vous pouvez nous parler de
14 ce jour-là ?
15 Témoin P (interprétation). - Dario Kordic, un soir, est venu avec des
16 soldats qui l'escortaient, M. Marelja, Marinko Marelja, propriétaire du
17 café à Novi Travnik et l'ex-président, Jozo Sekic, étaient ensemble avec
18 lui, si mes souvenirs sont bons. Ils avaient un certain nombre d'armes. Je
19 me souviens qu'ils avaient porté des VBR, des lance-roquettes
20 effectivement. Je ne connais pas tout à fait bien les armes, mais je sais
21 qu'il y avait une feuille dans un cahier qu'il avait arraché ; il a dit
22 qu'il allait rendre ces armes jusqu'à la fin du mois de juin 92. Je ne
23 sais plus ce que ces armes sont devenues.
24 M. Lopez-Terres. - Ce document dont vous nous parlez est un document que
25 l'accusé Dario Kordic avait rédigé et qu'il vous a remis ?
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1 Témoin P (interprétation). - Oui, j'ai vu ce document, mais je ne sais pas
2 où il est passé. Mais je me souviens très, très bien de ce document. Je
3 sais comment il se présentait.
4 M. Lopez-Terres. - Je vais vous présenter un document : il s'agit d'un
5 document déjà admis par notre Chambre. Il porte la cote Z 78. Ce document
6 porte la référence Z 78A et y est attaché un second document qui porte la
7 référence Z 78B. C'est le document Z A que je voudrais voir présenté au
8 témoin.
9 (L'huissier s'exécute.)
10 C'est Z 78, un document qui a été admis au mois d'avril dernier. Je pense
11 qu'il s'agit du document manuscrit qui... Ce n'est pas celui…
12 Témoin P (interprétation). - Je n'ai pas ce document.
13 M. Lopez-Terres. - C'est celui-là.
14 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est le document.
15 M. Lopez-Terres. - Le document qui porte la signature de Dario Kordic est
16 celui que vous avez vu à l'époque et qui vous a été présenté par
17 l'accusé ?
18 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est ce document-là.
19 M. Lopez-Terres. - Et si je comprends bien le sens de ce document, il
20 était précisé que les lance-roquettes en question devaient ou bien être
21 réglés ou bien restitués à la date du 20 juin 1992 ?
22 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est comme cela. C'est d'ailleurs ce
23 qui est marqué dans le texte et c'était comme ça.
24 M. Lopez-Terres. - A votre souvenir, qui devait payer les sommes
25 correspondant à ces lance-roquettes multiples ? Quelle autorité devait
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1 payer ?
2 Témoin P (interprétation). - Monsieur Kordic a dit que c'est le
3 secrétariat de la Défense nationale de Busovaca qui allait rembourser
4 ceci. A cette époque-là, il y avait le ministère de la Défense qui
5 fonctionnait encore conjointement. Et le ministre était Jerko Doko.
6 M. Lopez-Terres. - L'accusé Dario Kordic était à l'époque le secrétaire de
7 ce bureau de Défense de Busovaca, c'est bien cela ?
8 Témoin P (interprétation). - Oui, si je me souviens bien.
9 M. Lopez-Terres. - Vous avez, je crois, examiné un deuxième document qui
10 vous avait été remis par avance. Est-ce que vous pourriez voir ce
11 document ? C'est un document dactylographié.
12 Témoin P (interprétation). - Oui, je vois ce document.
13 M. Lopez-Terres. - Ce document, vous l'aviez vu le jour où l'autre vous a
14 été remis ?
15 Témoin P (interprétation). - Je n'ai pas vu ce document à cette époque-là.
16 Ce n'est que le premier document que j'ai vu ce jour-là ; il était
17 manuscrit.
18 M. Lopez-Terres. - Ce document, à votre avis, a-t-il été émis par l'usine
19 Bratsvo ? Est-ce qu'il présente les caractéristiques habituelles des
20 documents émis par l'usine ?
21 Témoin P (interprétation). - A mon avis, ce n'est pas véritablement un
22 document habituel. Normalement, il y avait l'en-tête de l'usine, avec les
23 numéros de téléphone, les télécopies, avec un cachet, avec…. Il se
24 présentait donc différemment ; ici, je ne le vois pas.
25 M. Lopez-Terres. - Je crois que vous l'avez déjà mentionné : les lance-
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1 roquettes multiples dont il est question n'ont jamais été ramenés à
2 l'usine Bratsvo et n'ont jamais été payés ? C'est ce que vous avez dit ?
3 Témoin P (interprétation). - Je ne suis pas au courant. Je ne pense pas
4 que les armes aient été restituées ni qu'elles aient été réglées.
5 M. Lopez-Terres. - Avez-vous une idée de la destination prise par ces
6 armes ?
7 Témoin P (interprétation). - D'après ce que j'ai entendu dire à cette
8 époque-là, ce sont les armes qui ont été dirigées vers l'Herzégovine ou
9 éventuellement vers la Croatie. Je ne sais pas.
10 M. Lopez-Terres. - En dehors des faits dont nous venons de parler, qui
11 datent apparemment du 22 avril 1992, à votre connaissance, est-ce que
12 l'accusé Dario Kordic a été amené à prendre d'autres armes dans l'usine
13 Bratsvo ?
14 Témoin P (interprétation). – D'après ce que j'ai appris, Kordic était venu
15 à plusieurs reprises dans la municipalité de Novi Travnik et à Bratsvo
16 également. Je l'ai vu. Quelquefois, il est même arrivé dans un véhicule
17 transporteur de troupes. Et il y avait certaines réunions auxquelles il
18 assistait. Je me souviens très bien de ce véhicule blindé ; il allait
19 également dans ce même véhicule jusqu'à Margetici, village qui se trouve
20 juste à côté de l'usine Bratsvo. Là encore, il était dans un véhicule
21 blindé.
22 M. Lopez-Terres. – Lorsque Dario Kordic venait à Novi Travnik et se
23 rendait à l'usine Bratsvo pour prendre des armes, comme vous venez de le
24 dire, était-il en uniforme ou en tenue civile ?
25 Témoin P (interprétation). – Si mes souvenirs sont bons, M. Kordic, dès le
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1 début de la guerre, était vêtu d'un uniforme militaire. Il s'est présenté
2 chez moi, dans mon bureau également, dans cet uniforme. Il y a eu d'autres
3 occasions où je l'ai vu en uniforme.
4 M. Lopez-Terres. – Etait-il toujours accompagné d'hommes en armes ?
5 Témoin P (interprétation). – En ce qui concerne mon bureau, il venait,
6 escorté par des soldats qui portaient des uniformes de camouflage. Le plus
7 souvent, c'était Ignac Kostroman qui l'accompagnait.
8 M. Lopez-Terres. – Je vous remercie. Est-il exact qu'aux environs de juin
9 1992, avant que ce conflit n'éclate le 19 juin, vous-même et les autres
10 autorités musulmanes de la municipalité avez reçu des instructions de la
11 part du HVO selon lesquelles vous deviez vous soumettre aux autorités du
12 HVO ?
13 Témoin P (interprétation). – Oui, j'ai vu personnellement ce papier dans
14 le café Grand ? C'est auprès de M. Ilija Zuljevic que je l'ai vu. Il était
15 ministre des Anciens combattants au gouvernement de la République de
16 Bosnie-Herzégovine. En ce qui concerne nos collègues du HDZ, j'ai pu
17 apprendre verbalement de telles requêtes.
18 M. Lopez-Terres. – Vous a-t-il été indiqué à l'époque que cette demande de
19 soumission émanait de Mate Boban ?
20 Témoin P (interprétation). – Je ne me souviens pas, -c'était bien Mate
21 Boban- mais je ne me souviens pas du tout si la signature était de Mate
22 Boban. De toute façon, je me souviens que l'en-tête était la communauté
23 croate d'Herceg-Bosna. Tout cela était pratiquement fusionné.
24 M. Lopez-Terres. – L'en-tête, vous parlez du document qui vous a été
25 présenté à l'époque par M. Ilija Julevic ? C'est bien cela ?
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1 Témoin P (interprétation). – Oui. Je l'ai vu effectivement. Il m'a montré
2 le document. Il m'a dit qu'il fallait absolument se soumettre aux
3 autorités et au commandement du HVO. Effectivement !
4 M. Lopez-Terres. – Qu'avez-vous répondu à M Julevic, quand il vous a
5 montré le document, sur les conséquences qu'une telle soumission pourrait
6 avoir si elle avait lieu ?
7 Témoin P (interprétation). – Je lui ai demandé s'il savait véritablement
8 ce que signifiait ce document ? Quelles étaient les conséquences
9 également ? Je lui ai dit que cela pouvait véritablement provoquer
10 l'effusion du sang à Novi Travnik. Il m'a répliqué simplement que c'était
11 un ordre et qu'il fallait le mettre à exécution.
12 M. Lopez-Terres. – Ce ministre Julevic dont vous nous parlez, était lui-
13 même membre du parti croate HDZ ?
14 Témoin P (interprétation). – Oui. Il était certainement membre du parti
15 HDZ. Il était ministre au nom du HDZ.
16 M. Lopez-Terres. – Monsieur le Témoin P, un peu plus tard dans le temps, à
17 la mi-mai 1992, après que le HVO a pris le pouvoir à Busovaca, vous avez
18 été envoyé à Busovaca, à la demande de M. Efendic et de M. Jahic, lesquels
19 vous ont chargé de prendre attache avec l'accusé Dario Kordic et d'obtenir
20 de sa part des informations sur ce qui s'était produit à Busovaca. Est-ce
21 exact ?
22 Témoin P (interprétation). – Oui, cela s'est passé exactement comme cela.
23 M. Lopez-Terres. – Vous vous êtes donc rendu à Busovaca et ce jour-là
24 votre véhicule a été arrêté à un point de contrôle du HVO, à proximité de
25 Kaonik, à hauteur de l'usine Mediapan.
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1 Témoin P (interprétation). – Oui, c'est exactement comme cela. J'étais
2 dans ma voiture Golf rouge ; notre voiture a été arrêtée au point de
3 contrôle ou barrage à Kaonik, à côté l'usine Mediapan et à côté du pont
4 sur la rivière Lasva.
5 M. Lopez-Terres. – Ce jour-là, vous n'aviez pas rendez-vous avec l'accusé
6 Dario Kordic ?
7 Témoin P (interprétation). – Non, je n'avais pas la réunion fixée avec
8 M. Dario Kordic, mais je pensais qu'il allait nous accueillir à partir du
9 moment où je lui expliquais les raisons pour lesquelles je me rendais à
10 Busovaca.
11 M. Lopez-Terres. – Vous avez parlé à deux reprises au pluriel. Y avait-il
12 une ou plusieurs autres personnes avec vous ce jour-là ?
13 Témoin P (interprétation). – Mon chauffeur était avec moi. C'est tout !
14 M. Lopez-Terres. – Revenons à ce point de contrôle près de l'usine
15 Mediapan. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui s'est passé lors de
16 ce contrôle et comment les soldats vous ont reçu et comment ils ont pris
17 contact avec le centre de Tisovac ?
18 Témoin P (interprétation). – Nous avons été arrêtés de manière assez
19 brutale. Quand j'ai montré ma carte d'identité, j'ai demandé que M. Kordic
20 me reçoive. J'ai entendu une voix, par l'émetteur radio, "Envoyez-nous ce
21 Turc. J'encule sa mère" et "On va l'égorger". J'ai répliqué ; j'ai dit
22 :"Si c'est comme cela, je ne sais pas si je vais pouvoir le voir". Le
23 soldat qui était sur le point de contrôle a dit : "C'est Dario Kordic qui
24 va te garantir la sécurité si jamais on te laisse passer".
25 M. Lopez-Terres. – Vous avez entendu distinctement les propos que vous
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1 avez rapportés ? Vous vous teniez très proche du soldat qui tenait la
2 radio ?
3 Témoin P (interprétation). – Oui, oui. C'était très clair. J'étais très
4 près du soldat ; il a proféré ces injures.
5 M. Lopez-Terres. – Vous avez donc été autorisé à vous rendre à l'hôtel
6 Tisovac où se trouvait à ce moment-là Dario Kordic. Cet hôtel est situé à
7 l'extérieur de Busovaca ?
8 Témoin P (interprétation). – Oui. On m'a permis de me rendre à l'hôtel
9 Tisovac. J'ai attendu un certain temps ; ensuite, Dario Kordic est apparu,
10 Ignac Kostroman également, vêtus des uniformes militaires.
11 M. Lopez-Terres. – Tous les deux portaient l'uniforme ?
12 Témoin P (interprétation). – Oui. Tous les deux portaient l'uniforme. Il y
13 avait beaucoup de soldats. Je me souviens. C'était un quartier général
14 certainement. Il y avait quelques ravalements du terrain auxquels ils ont
15 procédé. J'ai vu également une machine qu'on utilise dans le bâtiment.
16 M. Lopez-Terres. – Au cours de cette rencontre que vous avez eue avec
17 l'accusé Dario Kordic et Ignac Kostroman, ceux-ci vous ont expliqué que ce
18 qui venait de se passer à Busovaca avait eu lieu en raison de l'ordre qui
19 avait été pris pour que les Musulmans se soumettent au HVO dans la
20 communauté croate d'Herceg-Bosna, que cet ordre devait être exécuté, et
21 que, au plus, il y avait quelques Musulmans extrémistes qui voulaient
22 causer du détriment aux Croates de Busovaca. C'est ainsi qu'ils ont
23 expliqué la prise de pouvoir à Busovaca en mai 1992 ?
24 Témoin P (interprétation). - C'était cette explication qu'on nous a donnée
25 en parlant de la situation civile et militaire dans la ville de Busovaca.
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1 Tous les Bosniens ont été expulsés des instances du pouvoir. Toutes les
2 institutions qui fonctionnaient à l'époque, dans le cadre de la Bosnie-
3 Herzégovine, sont restées sans Bosniens ; je pense au Parlement, à
4 l'administration, à la police, aux militaires, tout ce qui représentait le
5 pouvoir conjoint.
6 M. Lopez-Terres. - Est-ce que Dario Kordic et M. Kostroman vous ont fait
7 d'autres commentaires sur la coexistence possible entre les Croates et les
8 Musulmans dans les institutions des municipalités de la communauté de
9 Herceg-Bosna ?
10 Témoin P (interprétation). - On a contesté, à cette époque-là, tout ceci.
11 Ils ont tout simplement considéré que c'est le pouvoir de la communauté
12 croate d'Herceg-Bosna qui était le seul et l'unique. Après les événements,
13 ils ont démontré comment ils l'ont conçu.
14 M. Lopez-Terres. - Vous ont-ils dit expressément, le jour où vous les avez
15 rencontrés, qu'ils ne pouvaient plus accepter une autorité conjointe avec
16 les Musulmans, dans la communauté croate de Bosnie ?
17 Témoin P (interprétation). - Ils ont insisté pour mettre en application
18 tout ce qui régissait le fonctionnement de la communauté croate d'Herceg-
19 Bosna. Et puis, personne ne pensait aux Musulmans et ne se posait de
20 question quant à ce qui allait se passer avec eux.
21 M. Lopez-Terres. - Vous avez eu un entretien avec l'accusé Kostroman, qui
22 a duré environ une heure ; c'est cela ?
23 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est à peu près ce temps-là que la
24 réunion a duré. Je sais qu'ils étaient engagés et nous sommes restés très
25 peu de temps. Ensuite, nous nous sommes séparés. Une fois rentré de
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1 Tisovac, je me souviens que j'ai visité un homme qui s'appelait Husein
2 Hadzimejlic, qui était commandant de l'état-major de la Défense
3 territoriale. Je lui ai expliqué tout ce qui s'était passé. Je lui ai dit
4 que pratiquement tous les Musulmans étaient expulsés. Lui, il avait très
5 peur.
6 M. Lopez-Terres. - Un point de rectification, Monsieur le Président, si
7 vous me le permettez. Dans la question que j'ai posée, il est fait
8 référence à l'accusé Kostroman ; j'indique simplement que ma question
9 concernait l'accusé Dario Kordic et Kostroman.
10 Monsieur le Témoin P, toujours au mois d'avril 1992 et le 28 mai 1992, en
11 particulier, est-ce qu'une nouvelle équipe a été mise en place dans la
12 municipalité de Novi Travnik ?
13 Témoin P (interprétation). - J'ai pu voir qu'au centre-ville, il y avait
14 un centre qui était sous mon contrôle. A cette époque-là, les Croates
15 étaient chefs de ce centre. J'ai vu également un papier signé par Dario
16 Kordic : j'ai pu voir qui était membre du HVO : Zvonimir Grabovac était
17 président ; le vice-président, je ne me souviens plus exactement de son
18 nom mais je sais que, pour le ministère des Affaires intérieures, c'est
19 Zlatan Civcija ; pour l'Information et la Propagande, c'est le
20 propriétaire du café "Grand", Marinko, qui en était chargé. J'avais
21 effectivement vu le papier avec tous ces noms-là. Je pense qu'ils étaient
22 neuf au total. Il n'y avait aucun Bosnien dans le cadre de cette instance
23 et de ce pouvoir.
24 M. Lopez-Terres. - Un peu plus tard toujours, le 19 juin 1992, Monsieur le
25 Témoin P, vous avez eu des réunions au cours de la journée avec des
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1 représentants politiques et militaires pour le côté musulman, parmi
2 lesquels il y avait M. Saban Imamovic. Au cours de ces réunions, vous avez
3 rencontré les représentants du côté croate, M. Jozo Sekic, d'abord,
4 M. Marinko Marelja ensuite,. Pouvez-vous évoquer en quelques mots ce qui
5 s'est passé au cours de ces deux réunions, le 19 juin 1992 ?
6 Témoin P (interprétation). - Le matin, nous avons eu la réunion avec le
7 président du HDZ. A cette époque-là, il était président de la présidence à
8 la fois de la municipalité de Novi Travnik. La présidence a été constituée
9 sur la base de la directive sur la défense du gouvernement de la
10 République de Bosnie-Herzégovine. Nous avons eu cette réunion avec le
11 maire qui était en même temps le président du parti HDZ. Il y avait une
12 équipe qui représentait les Croates ; il y avait également les militaires
13 qui étaient représentés.
14 Lors de cette réunion, nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur
15 quoi que ce soit. J'ai essayé de convoquer une autre réunion avec le
16 président du HVO, Zvonimir Grabovac, qui a accepté de venir à la réunion.
17 Il était 17 heures 30. Entre ces deux réunions, j'ai été informé par le
18 commandant de la Défense territoriale, Refik, qu'il y avait un ultimatum
19 qui nous avait été lancé. C'est Marinko Marelja qui m'a dit exactement la
20 même chose, qu'il fallait absolument se soumettre sinon on allait être
21 soumis par la force. Ce n'est que de cette manière-là qu'on allait mettre
22 en place le pouvoir à Novi Travnik.
23 M. Lopez-Terres. - Pendant que ces réunions avaient lieu au centre des
24 travailleurs, je crois, dans la ville de Novi Travnik, le quartier de la
25 Défense territoriale a été attaqué ?
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1 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est exactement de cette façon-là que
2 ceci s'est passé. Vingt minutes après le début de la réunion, nous avons
3 entendu les tirs dans la ville : c'était l'attaque sur le bâtiment qui
4 abritait l'état-major de la Défense territoriale, à côté de la police ou
5 pratiquement le même bâtiment.
6 M. Lopez-Terres. - Est-il exact que vous avez pu entendre également que
7 des haut-parleurs installés dans la ville avaient été utilisés par le HVO,
8 par lesquels le HVO faisait savoir qu'un ordre, émanant des autorités
9 musulmanes, avait été donné pour que la reddition ait lieu ?
10 Témoin P (interprétation). - C'est exactement comme cela que cela s'est
11 passé. On avait également appelé les unités de la Défense territoriale de
12 se mettre sous le commandement du HVO. Ceci a été connu. Les représentants
13 croates se sont effectivement emparés du centre d'alerte et d'information
14 qui se trouvait au centre-ville. Le secrétaire était également croate, par
15 conséquent, quelqu'un qui pouvait donner des ordres au centre.
16 M. Lopez-Terres. - Vous avez vous-même vérifié auprès du commandement
17 militaire à Zenica, auprès de M. Dzemal Mrdan, que cet ordre n'avait
18 jamais existé, qu'il s'agissait d'une fausse information ?
19 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai vérifié auprès de
20 M. Dzemal Mrdan, qui était commandant de la Défense territoriale, enfin du
21 quartier général régional. Il m'a informé de demander d'arrêter d'urgence
22 les tirs, sans condition. Ce que j'ai fait. J'ai transmis exactement ce
23 message.
24 M. Lopez-Terres. - Vous avez ensuite refusé de transmettre un ordre à la
25 Défense territoriale pour qu'elle se rende ; et, un peu plus tard au cours
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1 de la soirée, alors que vous étiez toujours dans le centre des
2 travailleurs, vous avez vu arriver le chef de la police, M. Civcija
3 Zlatan, accompagné du nommé Ivo Skocibusic, surnommé M. Suse, qui était le
4 chef du HOS à Novi Travnik ? Ces deux hommes étaient accompagnés d'un
5 groupe de soldats. Est-ce exact ?
6 Témoin P (interprétation). - C'est exactement ce que vous venez de dire.
7 Zlatan Ciucija était chef de police à Novi Travnik. Il a été accompagné de
8 Skocibusic Ivo, surmommé Suse. Il m'a demandé en personne de venir chez
9 eux. Personne de négociateur croate ne voulait pas nous défendre, et de
10 manière très brutale ils ont pris le pouvoir.
11 M. Lopez-Terres. - Ils vous ont frappé à ce moment-là ?
12 Témoin P (interprétation). - Oui, on m'a frappé. On m'a donné des coups de
13 pied, on m'a giflé. Ce sont des soldats qui étaient sur place, c'est Suse
14 qui était à la tête. Il y avait également un couteau qu'on avait sorti, on
15 me l'a mis sous le cou et puis on a dit : "Maintenant, c'est le pouvoir
16 Oustachi. Vous n'avez plus rien à faire ici, nous allons vous égorger,
17 nous allons vous tuer. C'est ce que les Chetniks vous font, c'est nous qui
18 le ferons." Ensuite ils ont dit : "C'est une balle qu'on va tirer. On va
19 te pendre !", etc. J'ai tout simplement répliqué une fois mais pas deux !
20 M. Lopez-Terres. - Après que vous avez subi ces violences, vous avez été
21 emmené par le chef de la police, le chef du HOS et ces quelques soldats au
22 café Grand dont le propriétaire était Marinko Marela ?
23 Témoin P (interprétation). - Je n'ai pas vu où Ciucija, le chef de police,
24 était parti. Mais Suse ma emmenée et m'a poussé dans une voiture -je ne me
25 souviens même pas ce que c'était comme voiture-, mais je me souviens
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1 qu'ils étaient cinq ou six. Ils m'ont emmené jusqu'au café Grand. Ils
2 m'ont menacé, mais comme ils me conduisaient, je ne savais même pas où
3 j'allais me rendre.
4 Ils m'ont emmené jusqu'à Grand. Suse m'a fait descendre de la voiture, il
5 m'a poussé dans les locaux du café Grand. Il m'a donné un coup de pied et
6 m'a dit : "Rentre, cochon !Tu est humilié !" Il m'a donné un coup
7 terrible. Je pense que je subis encore des conséquences encore du côté
8 droit, au niveau de l'œil droit. C'est là où j'ai trouvé Ciucija et
9 d'autres personnes également qui faisaient partie du gouvernement HVO.
10 Il y avait Jozo Sekic, Marinko Marelja également, chargé de la formation
11 et de la propagande. Ciucija y était, et puis il y avait également
12 Anton Zlatunic, il était sans portefeuille dans ce gouvernement : un très
13 grande nombre de personnes qui appartenaient au gouvernement. Je vous ai
14 énuméré les quatre personnes.
15 M. Lopez-Terres. - Est-il exact que, alors que vous vous trouviez dans ce
16 café Grand, un des soldats a mis son pistolet dans votre bouche et a fait
17 des plaisanteries à votre encontre ?
18 Témoin P (interprétation). - C'est exact. Au moment où il m'a emmené au
19 café Grand, je ne savais même pas ce qui se passait. Je sais qu'un des
20 soldats qui avait un uniforme de camouflage -on l'appelait Drazean- disait
21 qu'il était de Tomislavgrad, il proférait des injures. Il m'a demandé où
22 se trouvait le quartier général de la Défense territoriale, où se trouvait
23 Refik Lendo et Marelja ou quelqu'un d'autre, Ciucija. Ils ont posé des
24 questions.
25 Moi, j'ai insisté sur la légitimité du pouvoir de la république de Bosnie-
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1 Herzégovine, sur le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Alors de manière
2 cynique ils ont dit : "Et maintenant, pourquoi le président Izetbegovic ne
3 t'aide pas ? Pourquoi le gouvernement ne t'aide pas ?". C'est dans ces
4 circonstances et dans ces conditions que j'ai été obligé de rester pendant
5 une longue période.
6 Après quoi, Marinko m'a emmené dans une pièce, dans le cadre de ce café.
7 Je ne sais pas, c'était un local qui servait en quelque sorte de débarras.
8 C'est là que j'ai passé la nuit et j'y suis resté jusqu'à 9 heures le
9 lendemain du matin, dans cette pièce.
10 M. Lopez-Terres. - Vous avez été enfermé dans cette pièce ?
11 Témoin P (interprétation). - Je ne pouvais partir nulle part. J'ai été
12 enfermé à clef.
13 M. Lopez-Terres. - Est-il exact qu'au cours de la même soirée du
14 19 juin 1992 un autre représentant de la délégation bosniaque de Novi
15 Travnik, M. Halib Zukic, a été également victime de violences de la part
16 de soldats du HVO ?
17 Témoin P (interprétation). - C'est vrai. Je pensais que cet homme était
18 décédé cette nuit, parce que je me souviens qu'on l'a jeté par terre, on
19 lui a donné des coups. Comme moi on m'a emmené dans cette pièce, je ne
20 savais pas ce qui s'était passé avec lui. Mais quand je l'ai revu quelques
21 jours plus tard, j'ai vu qu'on l'avait passé à tabac et qu'il avait des
22 bleus partout. Mais je me souviens qu'il avait été jeté par terre et,
23 comme il produisait des bruits, je me disais éventuellement qu'il était
24 décédé.
25 M. Lopez-Terres. - Le jour dont nous parlons, ce 19 juin, le nommé
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1 Ivo Skocibusic, le chef du HOS, portait un uniforme noir et les autres
2 soldats portaient une tenue de camouflage, c'est bien cela ?
3 Témoin P (interprétation). - Oui, je me souviens de Suse. Il était tout le
4 temps vêtu d'un uniforme noir.
5 M. Lopez-Terres. - Vous avez été relâché le lendemain matin, monsieur le
6 Témoin P, et on vous a emmené dans le secteur de Kasapovici. C'est le chef
7 du HVO régional, M. Filip Filipovic, qui vous a conduit à Kasapovic ?
8 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est Filip Filipovic, je ne connais pas
9 sa fonction. Il m'a emmené jusqu'à chez mes parents, et ensuite dans le
10 village de Kasapovici.
11 M. le Président (interprétation). - Monsieur Lopez-Terres, est-ce que vous
12 êtes en train de passer à un autre sujet ? Si c'est le cas, peut-être que
13 le moment se prête bien à une pause. Une pause d'un quart d'heure.
14 (L'audience, suspendue à 15 heures 55, est reprise à
15 16 heures 15.)
16 M. Lopez-Terres. – Monsieur le Témoin P, je voudrais que nous revenions
17 sur ce conflit du mois de juin 1992. Est-il exact qu'au cours de ce
18 conflit, une dizaine de soldats originaires de Busovaca ont été capturés
19 par les forces de la Défense territoriale à proximité de la station des
20 pompiers de Novi Travnik et que vous avez pu voir vous-même ces soldats ?
21 Témoin P (interprétation). – Oui, c'est exact. Je les ai vus
22 personnellement.
23 M. Lopez-Terres. – Pouvez-vous indiquer dans quelles circonstances vous
24 avez vu ces soldats et où ?
25 Témoin P (interprétation). – Je les ai rencontrés dans le village de
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1 Trenica, dans l'après-midi. Les Croates et les Bosniens musulmans
2 s'étaient mis d'accord pour se réunir et essayer de calmer les esprits ;
3 c'est comme cela que je les ai rencontrés. Ils m'ont dit qu'effectivement,
4 il y avait ces conflits au niveau de Busovaca et Novi Travnik.
5 M. Lopez-Terres. – Avez-vous personnellement parlé à ces soldats ?
6 Témoin P (interprétation). – Oui, j'ai parlé personnellement avec ces
7 gens-là. Ils m'ont dit qu'ils avaient été envoyés par Dario Kordic à Novi
8 Travnik. Tous avaient peur. Ensuite, ils ont été relâchés ; on les a
9 gardés pendant un certain temps dans un bâtiment. C'était une boutique… Je
10 ne sais pas. C'était peut-être même un foyer de culture dans le village.
11 M. Lopez-Terres. – Je vous remercie. Monsieur le Témoin P, vous avez parlé
12 à plusieurs reprises d'une personne ; il s'agit du dénommé Marinko
13 Marelja. Vous avez indiqué que c'était le propriétaire du café Grand où
14 vous avez été retenu pendant une nuit et que cette personne exerçait des
15 fonctions dans la municipalité et était chargée de la propagande et de
16 l'information au sein de la nouvelle municipalité mise en place au mois de
17 mai, le 28 mai 1992. Est-ce exact ?
18 Témoin P (interprétation). – Oui. C'est exact. Il a été chargé de
19 l'information et de la propagande. Il était député, élu lors des élections
20 multipartites de 1990. Jusqu'à cette époque-là, il était président de la
21 commission dans la municipalité de Novi Travnik.
22 M. Lopez-Terres. – M. Marelja était-il un membre actif du parti HDZ ?
23 Témoin P (interprétation). – Oui. Je pense qu'il était très engagé, très
24 actif au sein du HDZ.
25 M. Lopez-Terres. – Monsieur le Témoin P, je vais vous présenter un
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1 document. J'indique à la Chambre que ce document a déjà été admis
2 antérieurement. Il porte la référence Z223.
3 Monsieur le Témoin P, pouvez-vous, sur la première page de ce document,
4 porter votre attention ? C'est un document du 22 septembre 1992, établi à
5 Busovaca, au quartier général pour la Bosnie centrale, qui concerne les
6 extraits de la réunion des divers représentants des municipalités HVO de
7 la Bosnie centrale. Sur la première page de ce document, figure la liste
8 des personnes qui ont participé à cette réunion. Voyez-vous la page ?
9 Témoin P (interprétation). – Oui, oui.
10 M. Lopez-Terres. – Pouvez-vous nous indiquer, à la rubrique qui concerne
11 la municipalité de Novi Travnik, qui sont les personnes qui représentent
12 cette ville ?
13 Témoin P (interprétation). – Ici, je vois Marinko Marelja, qui est vice-
14 président de Novi Travnik. C'était une nouvelle nomination par rapport au
15 mois de mai 1992. Au cours de cette période, le président du HVO était
16 Jozo Sekic. Marinko était son adjoint, enfin suppléant. C'était pareil
17 pour le HVO. D'autres personnes également sont sur la liste.
18 M. Lopez-Terres. – Sur le document en langue bosniaque dont vous disposez,
19 figure le nom de M. Jozo Sekic également. Vous le voyez ?
20 Témoin P (interprétation). – Oui, je le vois. Il était président du HVO
21 de Novi Travnik et puis Marinko Marelja était vice-président.
22 J'insiste sur cette précision, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
23 parce que, sur la version anglaise de ce document Z 223A, le nom de Jozo
24 Sekic n'apparaît pas. Il a été omis.
25 Ma question est la suivante : la personne dont vous nous avez parlé,
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1 Marinko Marelja, est-elle la même personne qui apparaît comme représentant
2 de la municipalité de Novi Travnik sur le document que vous examinez ?
3 Témoin P (interprétation). – Oui, c'est la même personne à Novi Travnik,
4 Marinko Marelja. Il n'y en a pas d'autre.
5 M. Lopez-Terres. – Pouvez-vous examiner la deuxième page maintenant,
6 Monsieur le Témoin P ? Le premier paragraphe concerne la municipalité de
7 Novi Travnik. Est-ce que vous pouvez lire rapidement ce passage et faire
8 quelques commentaires du compte rendu qui est fait sur les événements et
9 sur la situation de Novi Travnik ?
10 Témoin P (interprétation). – Oui. "Il est estimé que le HVO détient
11 environ 70 % du pouvoir, les Musulmans les 30 % restants. La question de
12 la production à des fins spéciales doit être résolue d'urgence. D'après
13 une première confrontation avec les Musulmans, la situation est tendue,
14 mais relativement calme. Récemment, des Croates se sont installés dans
15 400 appartements évacués par les Serbes sans y être contraints par les
16 Croates, mais de peur des Musulmans".
17 Si vous le permettez, je peux faire un commentaire à ce stade-là ?
18 M. le Président (interprétation). – Monsieur Lopez-Terres, avant que nous
19 le fassions, quelle est la pertinence de cela ? Nous avons entendu
20 beaucoup de témoins déposer au sujet de Novi Travnik ; nous avons entendu
21 beaucoup de témoins déposer à propos du conflit dans cette zone.
22 M. Lopez-Terres. – J'espérerais que le témoin, qui avait certaines
23 fonctions dans la municipalité, pourrait nous faire part de son point de
24 vue. Si vous estimez que c'est inutile, nous pouvons continuer.
25 M. le Président (interprétation). – Passons aux événements qui figurent à
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1 la page 6 et à la page 7 du résumé, s'il vous plaît.
2 M. Lopez-Terres. – En juillet 1992, vous avez participé… Je vous demande
3 de laisser de côté le document, car nous allons évoquer d'autres sujets.
4 Témoin P (interprétation). – Entendu.
5 M. Lopez-Terres. – En juillet 1992, vous avez participé à d'autres
6 réunions avec les représentants du HVO de Novi Travnik, lesquels vous ont
7 indiqué à nouveau qu'ils souhaitaient que les Musulmans de la municipalité
8 se mettent aux ordres de l'autorité de Herceg-Bosna. Est-ce exact ?
9 Témoin P (interprétation). – Oui, c'était ainsi. Nous l'avons refusé. Nous
10 avons demandé à savoir comment s'organiser pour vivre et coexister
11 ensemble, entre Bosniens et Croates. La réponse était la plate-forme de
12 l'organisation du pouvoir au sein de la communauté croate de Herceg-Bosna.
13 Nous avons accepté de voir quelle était cette plate-forme. Nous ne
14 pouvions pas accepter l'organisation du pouvoir au sein de la communauté
15 croate de Herceg-Bosna telle que proposée.
16 M. Lopez-Terres. – Je vais vous proposer un document du 7 juillet 1992. Je
17 vais vous demander de me dire si ce document est relatif aux faits dont
18 vous venez de nous parler.
19 C'est le document Z 165-1. C'est un nouveau document.
20 Témoin P (interprétation). – C'est le document en question.
21 M. Lopez-Terres. - Vous avez donc signé un accord avec M. Jozo Sekic,
22 auquel vous avez demandé de vous faire des propositions sur la façon dont
23 le HVO concevait cette autorité conjointe ?
24 Témoin P (interprétation). - Non, il ne s'agissait pas d'un accord ; il
25 s'agissait simplement d'un communiqué pour le public : on a dit qu'il
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1 fallait préparer la plate-forme pour la réunion prochaine. C'était
2 l'obligation du HDZ. C'était, par conséquent, selon la conception de la
3 communauté croate d'Herceg-Bosna.
4 M. Lopez-Terres. - Vous n'êtes finalement jamais parvenus à un accord avec
5 les autorités du HDZ-HVO ?
6 Témoin P (interprétation). - Non, nous avons obtenu la plate-forme, mais
7 c'était le modèle de l'organisation du pouvoir. Et dans le sens de la
8 création de la communauté croate d'Herceg-Bosna, nous n'avons pas pu
9 l'accepter : nous avons demandé quelque chose qui ne serait pas imposé par
10 un seul peuple sur un autre, nous avons demandé un compromis. Nous
11 voulions qu'on se mette d'accord sur ce compromis.
12 M. Lopez-Terres. - J'indique au passage que ce document qui porte le nom
13 du témoin devrait bénéficier également d'une couverture.
14 Avançons un peu dans le temps. Monsieur le Témoin P, au mois d'août 1992,
15 vous avez pu assister à des festivités, à un rassemblement organisé par
16 les Croates, qui a eu lieu devant le bâtiment municipal. Vous avez vu un
17 grand nombre de soldats qui sont venus prêter serment devant ce bâtiment ?
18 Témoin P (interprétation). - Oui, c'était comme cela.
19 M. Lopez-Terres. - L'accusé Dario Kordic était présent lors de ce
20 rassemblement -vous l'avez vu en uniforme de camouflage- et il a tenu un
21 discours ?
22 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est exact. Je l'ai vu, je l'ai
23 rencontré plutôt. Je l'ai salué et nous étions même ensemble à Novi
24 Travnik, dans un hôtel.
25 M. Lopez-Terres. - Est il exact qu'au cours de ce discours, l'accusé a
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1 évoqué, d'une part, la restructuration du HVO et, d'autre part, a déclaré
2 que Novi Travnik serait bientôt croate ?
3 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est de cela qu'il a été question. Nous
4 avons parlé du développement du HVO, Novi Travnik serait pris
5 prochainement par les Croates et serait une ville croate. C'est ce qu'on
6 avait dit.
7 M. Lopez-Terres. - Vous souvenez-vous si, ce jour-là, l'accusé Dario
8 Kordic était escorté par un groupe particulier de soldats ?
9 Témoin P (interprétation). - Je ne sais pas comment il est venu. Je ne
10 sais pas comment Dario Kordic est venu à Novi Travnik. Je me souviens
11 qu'au moment où le serment a été prêté par des soldats croates -ceci se
12 passait devant les bâtiments de la mairie de Novi Travnik-, il y avait une
13 unité, peut-être d'honneur, qui était présente. On disait que c'étaient
14 des Jokeri de Busovaca, que c'était une unité de Dario. Je me souviens que
15 ces jeunes hommes me rappelaient des soldats que j'avais vus à Trenica, à
16 la caserne des pompiers. Tous étaient de taille moyenne et portaient des
17 uniformes militaires.
18 M. Lopez-Terres. - Au cours de ce rassemblement organisé à Novi Travnik,
19 au mois d'août, il y avait également Marinko Marelja dont nous avons
20 précédemment parlé, Tihomir Blaskic et le nommé Ivo Skocibusic, celui qui
21 vous avait frappé quelque temps auparavant. Est-ce exact ?
22 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est exact. Et cet homme a voulu me
23 dire bonjour, j'ai refusé de le saluer parce que j'attendais de lui au
24 minimum une excuse pour ce qu'il m'avait fait auparavant.
25 M. Lopez-Terres. - Ce M. Ivo Skocibusic, également nommé Suse, a-t-il lui-
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1 même fait un discours après Dario Kordic, ce jour-là ?
2 Témoin P (interprétation). - Oui. Je ne sais pas dans quel ordre ils se
3 sont suivis. Je sais qu'à la fois Suse et Dario Kordic ont prononcé des
4 discours.
5 M. Lopez-Terres. - Je voudrais vous présenter un document, Monsieur le
6 Témoin P, simplement pour essayer de situer exactement la date dont vous
7 nous parlez. Il s'agit d'un nouveau document qui porte la référence Z 191-
8 1.
9 (L'huissier s'exécute.)
10 Monsieur le Témoin P, ce document est daté du 18 août 1992. Il émane du
11 colonel Blaskic ; il concerne des cérémonies de prestation de serment. Au
12 paragraphe 2, lettre B, il est indiqué que la cérémonie aura lieu à Novi
13 Travnik le 23 août 1992. Est-ce que cette date correspond à celle des
14 faits dont vous nous parlez ?
15 Témoin P (interprétation). - Je crois qu'en effet c'est la date qui
16 correspond aux événements que j'ai évoqués.
17 M. Lopez-Terres. - Après cette cérémonie, Monsieur le Témoin P, est-il
18 exact que les soldats qui avaient participé se sont répandus dans la ville
19 et ont tiré de nombreux coups de fusil ?
20 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est en effet ce qu'ils ont fait. Les
21 soldats tiraient, ils utilisaient différents types d'armes. Ils ont tiré
22 ainsi dans les rues de la ville. On pouvait sentir l'odeur de la poudre
23 partout dans la ville ; il y avait l'odeur de la poudre et il y avait de
24 la fumée aussi partout.
25 M. Lopez-Terres. - Au mois d'octobre 1992, le 19 octobre 1992 exactement,
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1 vous n'étiez pas à Novi Travnik lorsque le deuxième conflit a éclaté ?
2 Témoin P (interprétation). - Non, c'était le vendredi 16, le 16 octobre.
3 Là, je suis allé de Split à Zagreb. Je me suis donc absenté jusqu'au 18,
4 un dimanche ; le 19, c'était un lundi, à 3 heures 30, j'ai quitté Split
5 pour Novi Travnik.
6 M. Lopez-Terres. - Pour pouvoir quitter la ville de Novi Travnik et faire
7 ce voyage en Croatie, vous aviez dû obtenir un permis spécial du HVO ?
8 Témoin P (interprétation). - Oui, il était impossible de partir sans un
9 tel document, sans un tel laissez-passer. J'ai dû l'obtenir auprès de
10 Marinko Marelja. Je l'ai reçu après beaucoup de... J'ai dû faire preuve de
11 beaucoup de persuasion pour recevoir ce document. C'était d'ailleurs le
12 cas de tous les Bosniens ; il était plus facile pour les Croates d'obtenir
13 ce type de document. Tout le monde devait disposer de tels documents pour
14 se déplacer, circuler.
15 M. Lopez-Terres. - Lorsque vous êtes revenu à Novi Travnik, après ce
16 déplacement, vous avez évoqué, avec des personnes présentes pendant le
17 conflit, ce qui s'était passé. Vous a-t-on parlé, au cours de ces
18 conversations, du rôle que l'accusé Dario Kordic aurait pu jouer pendant
19 ce deuxième conflit ?
20 M. Stein (interprétation). – J'objecte, Monsieur le Président. Il s'agit
21 d'ouï-dire, il s'agit en tout cas de déclarations qui seraient peu
22 fiables. Nous ne savons pas qui a donné ces informations au témoin, quelle
23 est la base de ces informations.
24 M. le Président (interprétation). - Monsieur Lopez-Terres, pouvez-vous
25 nous donner la base de ces informations, s'il vous plaît ?
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1 M. Lopez-Terres. - Avez-vous vu, monsieur le Témoin P, un document, en
2 particulier un document vidéo, sur lequel l'accusé apparaissait au cours
3 du conflit ?
4 Témoin P (interprétation). - J'ai dit que, le 18, j'étais à Zagreb. Et
5 le 24, c'était un samedi, je suis arrivé à Novi Travnik. J'ai vu ce qui
6 s'était passé, mais j'ai également obtenu une cassette vidéo sur laquelle
7 j'ai pu voir Dario Kordic. Il était à l'hôtel à Novi Travnik et il
8 exigeait l'arrestation immédiate de Refik Lendo. Il exigeait donc que cet
9 homme soit jugé. Il s'agissait du commandant de Novi Travnik à l'époque.
10 M. Lopez-Terres. - Au cours de ce conflit du mois d'octobre, vous avez
11 constaté que des Musulmans de la ville avaient été tués, que des biens
12 appartenant à des Musulmans avaient été détruits par des soldats de la
13 municipalité de Novi Travnik, mais également par des soldats extérieurs à
14 cette municipalité ?
15 Témoin P (interprétation). - Oui, après être entré dans la ville, donc
16 j'ai traversé la ville, et j'ai pu voir que des maisons avaient été
17 détruites, avaient été brûlées. Et c'étaient aussi bien des maisons
18 individuelles que des appartements, des magasins qui appartenaient à des
19 Bosniens, des Musulmans, et notamment à certains des membres de ma famille
20 qui d'ailleurs, pour certains, ont été tués.
21 On avait l'impression que tout avait été réduit en cendres dans la ville.
22 Toutes les maisons avaient été entièrement incendiées, en tout cas toutes
23 les maisons qui se trouvaient dans les zones contrôlées par les Croates.
24 Beaucoup de gens qui étaient là, sur place à ce moment, m'ont dit qu'il y
25 avait des unités croates qui venaient de toute la Bosnie centrale au
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1 moment où cela s'était produit.
2 Quant aux commerce de mes parents, des membres, du membre de ma famille
3 dont j'ai parlé, on a tout volé, on a tout pillé tout ce qui s'y trouvait
4 et lui a été tué.
5 M. Lopez-Terres. - Je vais vous présenter, monsieur le Témoin P, un
6 document qui date du 5 novembre 1992. Il s'agit d'un nouveau document qui
7 porte la référence Z 268A, et 268 pour la version en langue bosno-croate.
8 Monsieur le Témoin, ce document est encore une fois un document qui émane
9 du colonel Blaskic. Ce document, dans sa première partie, dans son premier
10 paragraphe, concerne un ordre qui est donné aux autorités du HVO et de
11 Novi Travnik pour que des mesures soient prises de manière à ce que des
12 maisons appartenant à des personnalités musulmanes ne soient plus
13 incendiées.
14 Témoin P (interprétation). - Ce document est sans doute un document
15 excellent, mais il aurait fallu qu'il soit délivré avant le conflit, en
16 octobre ! Mais délivrer un tel document après le conflit, c'est très
17 ironique puisque tout ce qui pouvait être détruit avait déjà été détruit !
18 M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin P, à votre connaissance, les auteurs
19 des meurtres dont vous avez parlé ou des destructions ou cambriolages que
20 vous avez évoqués ont-ils été punis par les autorités du HVO ?
21 Témoin P (interprétation). - A ma connaissance, aucun d'entre eux n'a été
22 arrêté, sanctionné ou condamné pour ces actes.
23 M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin P, au mois de décembre 1992, vous
24 avez participé à de nouvelles négociations avec les représentants du HVO.
25 Ces négociations avaient de nouveau pour objet d'apaiser les tensions
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1 existantes au sein de la municipalité, et éventuellement de mettre en
2 place un commandement unifié ?
3 Témoin P (interprétation). - Oui, en effet, c'étaient de notre part des
4 efforts, de nouveaux efforts, pour essayer de faire quelque chose qui
5 satisfasse les deux parties, mettre en place une espèce d'autorité, une
6 espèce d'instance qui répondrait aux deux parties ; mettre en place des
7 structures civiles, essayer d'organiser l'autorité. C'était ce que nous
8 pouvions, ce que nous étions en mesure d'essayer de faire, du moins.
9 M. Lopez-Terres. - Il y a eu plusieurs réunions destinées à la mise en
10 place de cet organe dont vous venez de nous parler. Au cours de ces
11 réunions, est-il exact qu'à nouveau le nommé Marinko Marelja était le
12 représentant des autorités croates qui étaient le plus actives ?
13 Témoin P (interprétation). - Oui. Au moment où nous sommes entrés dans le
14 bureau de la municipalité, ou même le bureau où je me trouvais, il y avait
15 un homme qui s'appelait Marinko Marelja et qui a dit : "Je suis maintenant
16 le représentant des autorités". Il nous a dit : "Qu'est-ce que je peux
17 faire pour vous ?"
18 Nous étions trois. Nous nous sommes assis. Je ne me rappelle pas qu'il ait
19 eu quiconque d'autre à ses côtés. Généralement, il était seul et il
20 négociait tout seul parce que c'était sa nature.
21 Je sais que Slobodan Praljak est venu aussi à ce moment-là. Je sais aussi
22 que Tihomir Blaskic était parfois présent.
23 M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin P, savez-vous quelle était l'origine
24 du général Slobodan Praljak ?
25 Témoin P (interprétation). - A ma connaissance, Slobodan Praljak venait de
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1 Croatie. Il était sur le territoire de Bosnie-Herzégovine, il se trouvait
2 dans la zone de Turbe, Travnik, sur les lignes contre l'agresseur serbe.
3 Donc il parcourait ces lignes de front. Il avait également d'autres
4 attributions.
5 Je sais que c'est dans ce contexte que je l'ai rencontré dans le bureau de
6 Marinko Marelja et j'ai rencontré également Tihomir Blaskic dans ces
7 conditions.
8 M. Lopez-Terres. - Ce général Praljak était un général qui venait de
9 l'armée croate, nous sommes bien d'accord... de Croatie ?
10 Témoin P (interprétation). - Plus tard, je l'ai vu à la télévision croate.
11 Et je crois qu'il était général de brigade, le général de brigade,
12 Slobodan Praljak. Il était très grand et portait une barbe.
13 M. Lopez-Terres. - Vous avez à nouveau parlé du dénommé Marinko Marelja,
14 savez-vous si ce nommé Marinko Marelja avait des liens d'amitié avec
15 l'accusé Dario Kordic ?
16 Témoin P (interprétation). - Très souvent, j'étais dans son café qui
17 s'appelait "Grand" avec eux. Et à d'autres reprises, on se retrouvait dans
18 l'immeuble de la municipalité de Novi Travnik.
19 M. Lopez-Terres. - Vous les avez vus à plusieurs reprises ensemble, à Novi
20 Travnik ?
21 Témoin P (interprétation). - Oui, sans aucun doute, je les ai souvent vus
22 ensemble. On prenait le café ensemble, tous les trois. J'étais avec eux et
23 avec d'autres personnes aussi.
24 M. Lopez-Terres. - Est-il exact que ce monsieur, Marinko Marelja, avait
25 participé au financement du livre d'Anto Valenta sur la partition de la
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1 Bosnie et transfert de la population ?
2 Témoin P (interprétation). - Marinko Marelja m’a dit personnellement qu'il
3 avait participé au financement de ce livre. Il avait également participé à
4 la rédaction du livre. On peut d’ailleurs lire dans le livre, qu'il a été
5 une des personnes qui a permis la publication de ce livre en le finançant.
6 Je sais aussi qu'il a organisé le départ des Serbes, à partir de Novi
7 Travnik via Busovaca et Kiseljak, deux zones qui se trouvaient sous le
8 contrôle serbe. C’est ce que j'ai entendu dire. Je n'ai pas d'information
9 directe à ce sujet. J'ai entendu dire qu'un convoi a été arrêté au
10 carrefour de Novi Travnik.
11 M. le Président (interprétation). - Il s'agit là de choses qui ont été
12 racontées au témoin. Nous, nous souhaitons nous concentrer sur des
13 éléments de preuve directs.
14 Monsieur Lopez-Terres, nous souhaitons finir à 5 heures. Nous espérons
15 pouvoir en finir avec l’interrogatoire principal du témoin avant
16 5 heures ; je vous demande donc de poursuivre, s’il vous plaît.
17 M. Lopez-Terres. - Au cours des premiers mois de 1993, les conditions de
18 vie pour les Musulmans à Novi Travnik ont été extrêmement difficiles. Il y
19 avait deux zones distinctes dans la ville, une zone contrôlée par le HVO,
20 une zone dans laquelle résidaient les Musulmans. Il a été indiqué, à
21 l'époque, que les Musulmans étaient battus, qu’ils étaient expulsés de
22 leurs maisons, que des viols étaient également commis à l'encontre des
23 femmes musulmanes. Est-ce exact ?
24 Témoin P (interprétation). - Oui, cette période a été caractérisée par de
25 la tension, de la division. Il y avait des points de contrôle en ville et
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1 dans toute la Bosnie centrale. Les Croates contrôlaient surtout les
2 régions qui étaient les leurs, alors que les Bosniens essayaient de s’en
3 tenir à leur propre région aussi. C'était pratiquement une période
4 intenable pour les Musulmans depuis le nouvel an jusqu'à la période de
5 mars/avril 1993. C'était vraiment une période insupportable pour les
6 Musulmans : il y a eu des sévices, des évictions, des expulsions, des
7 persécutions, des meurtres au cours de cette période également. Je connais
8 le nom de certaines personnes qui ont été tuées pendant cette période.
9 M. Lopez-Terres. - Au cours de la période dont nous parlons, les faits
10 criminels que vous venez d’évoquer ont impliqué différentes unités. Il y
11 avait l'unité locale, la brigade Stepan Tomasevic et il y avait également
12 des unités qui étaient venues de l'extérieur, unités appartenant à la
13 brigade Bruno Busic, est-ce exact ?
14 Témoin P (interprétation). - En ville, à l'époque, nombreuses étaient les
15 personnes venant d’Herzégovine, les Herzégovins qui venaient équipés.
16 C'étaient des soldats en uniforme qui, pour autant que je le sache,
17 relevaient de la brigade Bruno Busic. A Novi Travnik, il y avait la
18 brigade Tomasevic et, si je me souviens bien, le HVO avait à sa tête, à
19 l’époque, M. Mario Cerkez. Je pense l'avoir rencontré au moins à deux
20 reprises, à l’occasion de réunions qui ont été organisées au cours de
21 cette période afin d'éviter que certaines choses ne se produisent.
22 M. Lopez-Terres. - Avez-vous pu constater que ces soldats venus
23 d’Herzégovine avaient pour fonction principale de terroriser la population
24 musulmane ?
25 Témoin P (interprétation). - Toute notre communauté avait ce sentiment,
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1 avait l’impression que ces personnes qui venaient d'Herzégovine les
2 terrorisaient, mais ceci était accepté tant par les dirigeants militaires
3 que civils de Novi Travnik. Par exemple, lorsque les les Herzégovins
4 étaient sensés se rendre aux réunions organisées le 13 janvier 1993, je
5 sais que le président, Jozo Sekic a dit que les Herzégovins n'allaient pas
6 quitter Novi Travnik parce qu’ils n’avaient pas terminé le travail pour
7 lequel ils étaient venus dans cette ville.
8 M. Lopez-Terres. - Une dernière question, à l'occasion des conversations
9 et des rencontres que vous avez eues avec les représentants du HVO de
10 votre municipalité, qu'il s'agisse de M. Sekic ou M. Marelja, vous ont-ils
11 indiqué s'il avait l’obligation ou non de prendre attache avec l'accusé,
12 Dario Kordic, au cours de ces négociations ?
13 Témoin P (interprétation). - Je sais que certains hommes ont dit très
14 souvent qu'ils n'avaient rien fait, rien entrepris sans les ordres de leur
15 commandant en Bosnie centrale. A l'époque, le commandant était Dario
16 Kordic. Il tenait le rôle-clé dans toute cette région de la Bosnie
17 centrale. Très fréquemment, on lui imputait la responsabilité à Dario
18 Kordic. Les hommes me disaient qu'ils n’avaient le droit de rien faire
19 sans son autorisation. Quant à savoir si c’était vrai, cela je ne le sais
20 pas. C'était l'impression qu'on avait généralement.
21 M. Lopez-Terres. - J'en ai terminé de l'interrogatoire principal. Je n'ai
22 plus d'autres questions.
23 M. le Président (interprétation). - Témoin P, vous avez dit que certaines
24 personnes, certains hommes, disaient fort fréquemment qu'ils n'osaient
25 rien entreprendre sans leur commandant de Bosnie centrale ?
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1 Témoin P (interprétation). - Oui.
2 M. le Président (interprétation). - Je prends note simplement. Et vous
3 avez poursuivi en disant qu'à l'époque ce commandant était Dario Kordic,
4 qui tenait le rôle prépondérant. Souvent on lui imputait la responsabilité
5 des choses ; les gens ne pouvaient rien faire -du moins c'est ce qu'ils
6 disaient- sans son autorisation ?
7 Témoin P (interprétation). - C'était le type de réponse qu'on me donnait
8 souvent à mes questions.
9 M. le Président (interprétation). - Vous parlez de certains hommes qui
10 vous ont donné ces réponses. Pourriez-vous nous dire qui étaient ces
11 hommes ou de quelle catégorie de personnes ils relevaient ?
12 Témoin P (interprétation). - En guise d'exemple, le président de la
13 municipalité du HDZ, Jozo Sekic, ou encore quelqu'un qui était membre du
14 pouvoir, Anto Zlatunic, ou Zoran Matosevic, secrétaire à la Défense à
15 l'époque.
16 M. le Président (interprétation). - Merci. Nous allons lever l'audience.
17 Monsieur le Témoin P, je vais vous demander de revenir en ce prétoire
18 demain à 9 heures 30. Nous pourrons ainsi terminer votre déposition.
19 Veuillez veiller à ne parler à personne de votre déposition tant qu'elle
20 ne sera pas terminée. Et ne permettez à personne de vous parler de ladite
21 déposition. J'entends par là également les membres du Bureau du Procureur.
22 L'audience est levée.
23 L'audience est levée à à 16 heures 55.
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