Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1                     Le jeudi 9 décembre 1999

  2                     [Huis clos]

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 11  Pages 11522 – 11645 expurgées. Audience à huis clos.

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 18                     [Audience publique]

 19         Me NICE (interprétation) :  Les deux requêtes, si

 20   je lis bien, ont été signifiées de façon confidentielle. 

 21   Je ne sais pas quelle est la procédure à adopter dans ce

 22   genre de requêtes.

 23         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je ne pense

 24   pas qu’il y ait quoi que ce soit de confidentiel ici, à

 25   moins qu’il y ait une raison particulière pour cela.  Mais


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  1   je souhaiterais m’adresser aux deux parties avant que nous

  2   nous lancions dans ces arguments.  La Chambre dispose des

  3   argumentations des deux parties.  Cela nous paraît assez

  4   exhaustif et de ce fait, je vous prierais de soulever des

  5   questions nouvelles et de ne pas répéter ce qui est

  6   présenté dans ces documents que vous nous avez communiqués.

  7         Me Stein.

  8         Me STEIN (interprétation) :  Merci, Monsieur le

  9   Président.  Notre demande avait été prévue, je crois, par

 10   le discours de Madame McDonald, Madame la Présidente

 11   McDonald au Conseil de Sécurité des Nations Unies annonçant

 12   ou présentant son opinion au sujet de l’article du

 13   Règlement relatif à la mise en liberté provisoire et, bien

 14   entendu, dès que cet article a été modifié, nous avons

 15   présenté notre requête.

 16         L’autorité sur laquelle repose cet article est

 17   présentée dans la requête de la Défense de Kordic déposée

 18   le 8 février 1999.  La seule chose que j’ai à dire et qui

 19   ne figure pas dans notre document c’est que le Règlement

 20   désormais adopté par le Tribunal en ce qui concerne la mise

 21   en liberté provisoire replace le Tribunal dans le cadre de

 22   la Convention internationale relative aux Droits civils et

 23   politiques, article 9 de cette Convention, ainsi que la

 24   Convention européenne, articles 5 et 6.

 25         À ce sujet, je souhaite faire deux remarques,


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  1   l’une de nature théorique et l’autre de nature pratique. 

  2   Nous parlons beaucoup de la présomption d’innocence et,

  3   bien entendu, Messieurs les Juges, vous y avez réfléchi

  4   mais dans le monde réel qui est le nôtre, nous en sommes

  5   déjà à peu près à 80 pour cent de la présentation des

  6   moyens de preuve de l’Accusation et il y a beaucoup

  7   d’éléments de preuve qui non seulement indiquent la

  8   culpabilité de mon client mais éliminent la présomption et

  9   vous n’avez entendu qu’une partie des éléments de preuve

 10   puisque nous n’avons pas présenté nos éléments de preuve.

 11         Nous en sommes ici.  Les objections de mon éminent

 12   confrère sont relatives à la charge de la preuve.  La

 13   question est de savoir si, maintenant que l’article a

 14   changé, il s’agit d’une charge de la preuve qui relève de

 15   l’Accusation ou de la Défense.  Étant donné le fait que la

 16   présomption d’innocence est exprimée par l’article 21 du

 17   Statut, il reste que c’est à l’Accusation de prouver que la

 18   détention est nécessaire jusqu’à ce que Messieurs les Juges

 19   aient statué sur la culpabilité ou non de notre client.

 20         L’argumentation de l’Accusation, si on en suit la

 21   logique jusqu’au bout c’est qu’en aucune circonstance, il

 22   ne saurait y avoir de mise en liberté provisoire devant

 23   cette Chambre.  Je ne crois pas que ce soit là la

 24   signification du nouvel article.  Bien entendu, je suis en

 25   train de vous parler à vous qui avez présidé au comité


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  1   chargé du Règlement de procédures et de preuves.  Mais la

  2   Chambre maintenant dispose du pouvoir de remettre en

  3   liberté provisoire un accusé, en particulier quelqu’un qui

  4   s’est rendu au Tribunal, qui a fait montre d’un

  5   comportement exemplaire toute sa vie et dont il sait que si

  6   jamais il décidait de ne pas revenir, son procès se

  7   poursuivrait sans lui.

  8         Ceci est présenté par le nouvel article du

  9   Règlement.  Cela présume d’une stricte application des cas

 10   individuels présentés devant le Tribunal et mon client

 11   entre dans cette catégorie.  C’est un père de trois

 12   enfants, un membre éminent de la société.  C’est un homme

 13   politique, quelqu’un de charmant. 

 14         De plus, nous vous présentons dans notre requête

 15   diverses solutions permettant de s’assurer que Monsieur

 16   Kordic reviendra, avec notamment l’intervention possible de

 17   la police de Zagreb.  Mes collègues de l’Accusation

 18   voudraient vous faire croire que mon client essaiera

 19   d’intimider des témoins et toutes sortes de choses de ce

 20   genre.  Nous disons que ce n’est pas le cas, ça ne sera pas

 21   le cas.  Il ne l’a jamais fait et il ne le fera pas à

 22   l’avenir, et si cela devait être le cas, à ce moment-là,

 23   cela sera communiqué à l’attention des Juges.

 24         Donc, je ne veux pas ici me lancer dans une

 25   discussion quant à savoir sur qui repose la charge de la


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  1   preuve.  Je veux simplement signaler qu’il y a eu un

  2   changement dans le Règlement.  C’est un changement que

  3   j’applaudis.  C’est un changement que l’ensemble du monde a

  4   observé et qui a fait l’objet de nombreux débats.

  5         Voici l’occasion de mettre en œuvre ce nouvel

  6   article, de permettre à Monsieur Kordic de retourner en

  7   Croatie où il a sa résidence désormais puisqu’il ne vit

  8   plus en Bosnie et qui lui permettra de revenir lorsque cela

  9   sera nécessaire, ce qui est prévu dans notre demande et qui

 10   est prévu également par le Règlement.  Voilà tout ce que

 11   j’ai à dire.

 12         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Me Stein,

 13   bien entendu, nous devons prendre en compte le fait que

 14   cette demande a été présentée pendant le procès.  Nous

 15   avons accordé une mise en liberté sous caution pour

 16   l’accusé Cerkez pendant une période de temps très limitée

 17   mais la période à laquelle vous faites référence pour votre

 18   client est beaucoup plus longue.

 19         Donc, essayez de vous demander s’il ne serait

 20   peut-être pas un petit peu inhabituel d’accorder une mise

 21   en liberté sous caution à une personne accusée de crimes de

 22   ce genre.

 23         Me STEIN (interprétation) :  Oui.  J’admets que

 24   ceci est un peu inhabituel mais ceci est dû à la

 25   modification du Règlement.  Je souhaiterais vous signaler


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  1   que, bien entendu, nous suggérons que Monsieur Kordic soit

  2   laissé en liberté pendant toute la durée de son procès mais

  3   nous avons une autre option que nous proposons :  C’est que

  4   pendant que la Chambre ne siège pas, il soit remis en

  5   liberté mais lorsque la Chambre siège, nous proposons qu’il

  6   soit à La Haye, soit en liberté, soit au centre de

  7   détention.

  8         Ce sera à la Chambre de décider.  Bien entendu,

  9   vous avez raison de dire que cette demande est inhabituelle

 10   mais nous souhaitons bénéficier de la modification de cet

 11   article du Règlement.

 12         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Mais la

 13   modification du Règlement ne facilite pas la mise en

 14   liberté provisoire d’un accusé pendant son procès.  Rien

 15   n’indique ceci dans le nouvel article du Règlement.  Il

 16   faut être très clair au sujet de l’objectif de cette

 17   modification du Règlement.  Quand même, c’est un sujet que

 18   j’ai eu l’occasion d’étudier.  Vous avez raison, ceci

 19   permet de mettre le Règlement du Tribunal en conformité

 20   avec différents instruments du droit international et du

 21   droit humanitaire international mais cela ne signifie pas

 22   que la mise en liberté provisoire devienne maintenant la

 23   norme.

 24         La Convention internationale stipule que la

 25   détention ne doit pas être la règle générale et il est


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  1   possible que cela soit l’effet de la modification du

  2   Règlement mais cette stipulation de la Convention

  3   internationale ne signifie pas que la mise en liberté

  4   provisoire devienne la norme.  Nous devons examiner chaque

  5   requête sur la base de ses caractéristiques propres et la

  6   Chambre doit pouvoir se convaincre de l’existence des trois

  7   ou quatre éléments, des trois ou quatre critères qui

  8   restent dans l’article 65(B).  Nous devons êtres satisfaits

  9   du respect de ces quatre critères et il faut que vous en

 10   soyez conscient. 

 11         Il est possible qu’une fois qu’une telle requête

 12   est présentée, nous ne soyons pas convaincus que ces quatre

 13   critères sont respectés, surtout quand, premièrement, une

 14   telle requête est faite pendant le procès et, deuxièmement,

 15   étant donné les charges qui pèsent contre votre client.

 16         Me STEIN (interprétation) :  Je suis tout à fait

 17   d’accord, Monsieur le Juge, en ce qui concerne la nature

 18   des charges, la gravité des charges qui pèsent contre mon

 19   client.  Permettez-moi une observation personnelle.  J’ai

 20   eu des clients dans le passé qui étaient accusés de

 21   meurtres, de hold-ups, de trafics de drogue, crimes

 22   passibles de la prison à vie.  Or, ils ont été mis en

 23   liberté provisoire et puis ensuite jugés.  Certains ont été

 24   acquittés et d’autres ont été condamnés.

 25         Donc, l’expérience judiciaire dans tous les pays


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  1   du monde montre qu’il y a des personnes qui sont accusées

  2   de crimes extrêmement graves et qui sont pourtant mises en

  3   liberté provisoire et qui reviennent se présenter devant la

  4   Cour lorsque vient le moment de les juger parce qu’ils sont

  5   très conscients des conséquences qu’aurait le fait pour eux

  6   de ne pas revenir et c’est le cas de Monsieur Kordic.  Il

  7   sait très bien quelles seraient les conséquences pour lui

  8   du fait de ne pas revenir ici, surtout au sujet de la

  9   présomption d’innocence.  Donc, bien entendu, je vous

 10   demanderais de prendre cela en compte.

 11         Deuxièmement, il y a d’autre part des garanties

 12   additionnelles qui sont prévues par le Règlement.  Tout

 13   ceci est nouveau.  Mais sur la base de ce nouvel article du

 14   Règlement, nous ne pouvons pas dire que la non-détention

 15   des accusés est la norme.  J’espère que j’ai répondu à

 16   votre question.  Merci.

 17         Me KOVACIC (interprétation) :  Je souhaite ajouter

 18   quelques mots et si vous me le permettez, je vais

 19   m’exprimer en langue croate pour être tout à fait sûr. 

 20   Tout d’abord, je souhaite éviter toute répétition parce que

 21   je suis d’accord avec les arguments avancés par mon éminent

 22   collègue, Me Stein.  J’accepte tous les arguments qu’il a

 23   avancés et je les soutiens.

 24         Je souhaite simplement aborder deux ou trois

 25   points très brièvement, à savoir que je considère qu’il


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  1   n’existe aucun élément, aucun fait sur la base duquel en ce

  2   moment, il serait possible de conclure ou de supposer que

  3   l’accusé s’évaderait ou bien qu’il ne se présenterait pas

  4   de nouveau devant ce Tribunal s’il avait la possibilité de

  5   se défendre en liberté. 

  6         Nous pouvons quand même nous baser sur certains

  7   faits afin d’arriver à une telle appréciation.  En ce

  8   moment, nous ne disposons pas de ce genre de faits et si

  9   nous nous penchons sur le comportement jusqu’à maintenant

 10   de mon client, ceci ne fait que confirmer ma thèse.  Je

 11   vous rappelle que mon client s’est rendu de son propre gré

 12   pour une raison tout à fait claire et je souhaite que vous

 13   prêtiez attention à cela, tout simplement parce qu’il n’a

 14   pas voulu vivre toute sa vie sachant qu’il est poursuivi

 15   par ce Tribunal.  Il a tout simplement souhaité venir ici

 16   pour être soit condamné, soit libéré.  Cette reddition a

 17   été sincère et d’ailleurs, il a pu le confirmer au moment

 18   où il a eu l’occasion de se rendre chez lui afin de rendre

 19   visite à son père malade.  Donc, il n’y a aucun élément

 20   nous permettant de dire que si cette personne est remise en

 21   liberté de manière provisoire, que ceci mettrait à mal la

 22   vie des témoins ou des victimes. 

 23         C’est pour cela que nous avons déjà suggéré que ce

 24   client soit doté de la possibilité de séjourner pendant une

 25   période limitée dans la région où il vit.  Il s’agit de la


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  1   région dans laquelle donc le client vit et il est très peu

  2   probable qu’aucun des témoins ou des victimes concernant

  3   cette affaire ait jamais vécu dans cette même région.

  4         Une autre question se pose, celle concernant les

  5   garanties vis-à-vis de son retour.  Je souhaite souligner

  6   qu’il s’agit ici d’un problème technique.  La question est

  7   de savoir si les Juges considère en principe que l’accusé

  8   pourrait être remis en liberté de manière provisoire, bien

  9   sûr, il faudrait fournir quelques garanties.  La Défense de

 10   Monsieur Cerkez a considéré qu’en ce moment, il n’est pas

 11   nécessaire au préalable de contacter toute la machinerie du

 12   gouvernement croate, qui peut être soit bien rédigée, soit

 13   assez mal rédigée.

 14         Nous avons considéré que la démarche à suivre est

 15   que tout d’abord, les Juges établissent quelles sont les

 16   garanties objectivement nécessaires, les garanties qui

 17   doivent être fournies par l’État et, bien sûr, les Juges

 18   peuvent demander des garanties supplémentaires personnelles

 19   de l’accusé.

 20         Donc ici, il s’agit d’un problème technique et de

 21   la question de savoir quel est l’ordre à suivre et c’est

 22   seulement à partir du moment où les Juges prendront une

 23   décision de principe concernant la remise en liberté

 24   provisoire que nous pourrons décider de tous ces détails. 

 25   Nous avons parcouru tous les documents assez rapidement. 


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  1         Donc, je souhaite souligner une autre chose, à

  2   savoir que la Défense Cerkez ne soutient pas l’initiative

  3   proposée par  la Défense Kordic selon laquelle l’accusé

  4   pourrait être chez lui au moment où le procès ne se déroule

  5   pas ou bien en Croatie et qu’il devrait être à La Haye

  6   pendant le procès.  La raison pour laquelle nous nous

  7   opposons à cela c’est que normalement, lorsque l’accusé est

  8   remis en liberté, il est tout simplement en liberté. 

  9   Sinon, il est en détention.

 10         Donc moi, en tant que juriste, je ne peux pas être

 11   d’accord.  Soit il faut le mettre en détention provisoire

 12   si ceci est décidé.  Sinon, à mon avis, il faudrait

 13   examiner avec des intervalles plus ou moins régulières, il

 14   faudrait examiner donc la question de savoir si la

 15   détention provisoire reste justifiée ou pas mais je ne

 16   souhaite pas m’étaler dans plus de détails.  Je suis tout à

 17   fait disposé à répondre aux questions des Juges s’il y en a.

 18         M. LE JUGE BENNOUNA :  Merci, Monsieur Kovacic. J’ai une

 19   question.  Je ne sais pas si je vous ai bien suivi.  Je rends

 20   hommage à votre honnêteté dans ce que vous venez de dire au

 21   niveau de la pratique générale dans toutes les juridictions du

 22   monde concernant la liberté provisoire et la détention.

 23         Alors, si j’ai bien compris, vous avez dit : « Ou

 24   bien on estime qu’on peut être en liberté provisoire et on

 25   est en liberté provisoire ou bien on estime qu’on doit


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  1   rester en détention pendant le procès et on est en

  2   détention mais on ne peut pas aller et venir. »  C’est ça

  3   que vous avez dit ?

  4         Me KOVACIC (interprétation) :  Oui, Monsieur le

  5   Juge, effectivement.  Voici ce que je souhaite dire.  C’est

  6   que si pendant la procédure, il est constaté qu’il n’y a

  7   plus de raison pour maintenir l’accusé en détention

  8   provisoire –  d’après la plupart des systèmes juridiques

  9   que j’ai étudiés, il est prévu d’examiner de temps en temps

 10   cette question – dans ce cas-là, cette personne doit être remise

 11   en liberté mais non pas de manière à revenir pendant le procès.

 12         M. LE JUGE BENNOUNA :  [Hors microphone] …clarifié

 13   cet aspect.  Merci, Monsieur Kovacic.

 14         Deuxièmement, comment vous conciliez ça avec la

 15   nécessité pour l’accusé d’être présent à son procès parce

 16   que l’accusé doit être présent ?  Alors, s’il est libéré

 17   provisoirement pendant le procès, ça veut dire qu’il n’est

 18   plus présent.  Comment vous conciliez ça, c’est-à-dire

 19   comment vous arrivez à concilier cela avec la nécessité

 20   pour l’accusé d’être présent à son procès ?

 21         Me KOVACIC (interprétation) :  Je pense que la

 22   solution peut être trouvée si son conseil de la Défense

 23   connaît la date de l’audience et si l’accusé connaît la

 24   date à l’avance, il se présentera ici au Tribunal le jour

 25   même.  Maintenant, la question qui se pose est celle de


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  1   savoir s’il y a des conditions supplémentaires.  Par exemple,

  2   d’après la loi croate, il existe toute une gamme de mesures et

  3   le principe appliqué est que la mesure la plus légère est

  4   appliquée mais cette gamme peut aller jusqu’à la détention

  5   provisoire parce qu’à mon avis, la détention provisoire pendant

  6   le procès est une mesure permettant d’assurer la

  7   présence de l’accusé pendant la procédure juridique.

  8         Je suis sûr que nous sommes tous d’accord là-

  9   dessus.  Donc, si sa présence peut être assurée par le

 10   biais de mesures plus indulgentes, il faut dans ce cas-là

 11   appliquer ces mesures plus indulgentes, bien sûr, sans

 12   léser d’autres intérêts, d’autres droits, comme par exemple,

 13   en ce qui concerne cette affaire, un élément très important est

 14   la question de la sécurité des témoins et des victimes.

 15         Encore une fois, du point de vue pratique, à mon

 16   avis, il n’y a pas de réel problème étant donné que mon

 17   client a vécu dans un endroit qui se trouve dans un autre

 18   pays dans lequel ces personnes qui constituent les témoins,

 19   parfois les victimes aussi dans cette affaire, ces

 20   personnes ne s’y rendent jamais.  Donc, tout simplement, il

 21   a très peu de chances de rencontrer ce genre de personnes.

 22         M. LE JUGE BENNOUNA :  Je vous remercie, Me

 23   Kovacic.  Je voudrais poser aussi une question à Me Stein

 24   toujours pour nous clarifier, pour nous éclairer plutôt

 25   dans certains aspects sur la liberté provisoire dans le


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  1   cadre du Règlement modifié.  Vous avez avancé comme

  2   argument la question de la présomption d’innocence. 

  3   Présomption d’innocence. 

  4         Je ne vois pas très bien quelle est la relation

  5   entre la présomption d’innocence et la question qui est…

  6   est-ce que ça veut dire que quelqu’un qui est détenu n’est

  7   plus présumé innocent ?  Il est toujours présumé innocent à

  8   mon sens, d’après ce que je sais, même s’il est en

  9   détention.  Le fait qu’il soit libéré provisoirement, il

 10   est toujours présumé innocent.

 11         Alors, où est l’interférence de la présomption

 12   d’innocence dans la question que nous traitons ?

 13         Me STEIN (interprétation) :  Je pense que cela

 14   dépend du point de vue.  Du point de vue de mon client,

 15   même s’il sait qu’il est présumé innocent, le fait d’être

 16   détenu et de rentrer en prison sachant qu’il plane une

 17   présomption d’innocence sur lui, du point de vue réel, il

 18   se considère comme déjà coupable aux yeux d’autres personnes.

 19         Dans tous nos systèmes, il existe la présomption

 20   d’innocence.  Mais le sens de l’innocence n’est pas

 21   accompagné par les menottes ou bien par le transfert entre

 22   l’unité de détention et le Tribunal avec les menottes et

 23   avec tout autre équipement.

 24         M. LE JUGE BENNOUNA :  [Hors microphone] …c’est

 25   une affaire de sentiment, comme vous dites, « the feel of


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  1   innocence » plutôt que « the presence or the rule of the

  2   presumption of innocence which is concerned ».

  3         [Interprétation]  La question concerne donc la

  4   psychologie de la personne concernée, n’est-ce pas ?  C’est

  5   ça qui est ma question.

  6         Me STEIN (interprétation) :  Oui,et c’est ça ma

  7   réponse.  Mais je dois ajouter que du point de vue des

  8   personnes qui suivent notre procès à travers le monde, à

  9   mon avis, ils ne comprennent pas la relativité que tous les

 10   juristes accordent à ce terme.  Je pense que dans la

 11   population en général, les gens ont un avis différent et

 12   lorsque quelqu’un vient au Tribunal menotté, lorsqu’il est

 13   obligé de rester en détention, cela crée une image

 14   différente.

 15         M. LE JUGE BENNOUNA :  [Hors microphone]

 16   …essentiellement des règles concernant la preuve, on est

 17   présumé innocent jusqu’à ce qu’on soit déclaré coupable au-

 18   delà de tout doute raisonnable.  C’est cela.  C’est une

 19   question qui a surtout un impact sur le problème de la

 20   preuve.  J’ai compris.  Je vous remercie.

 21         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Nice, nous

 22   avons un résumé tout à fait complet mais nous n’avons pas

 23   encore eu le temps de le lire.  Est-ce que vous souhaitez

 24   ajouter quelque chose ?

 25         Me NICE (interprétation) :  Je souhaite adresser


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  1   simplement quelques éléments avancés par la Défense.  Je

  2   trouve que ma position en ce moment est assez difficile

  3   compte tenu du fait que les Juges doivent se pencher sur

  4   ces demandes avec le maximum de sérieux sans notre capacité

  5   de percevoir l’issue de cette situation, je me retrouve

  6   dans l’obligation d’aborder un sujet que je planifiais

  7   d’aborder seulement l’année prochaine. 

  8         Il s’agit là de la proximité de l’État de Croatie

  9   vis-à-vis de la Défense de Monsieur Kordic et aussi son

 10   implication dans cette Défense et je dois parler de cela

 11   compte tenu du fait que ces deux demandes de mise en

 12   liberté sous caution dépendent d’une participation

 13   responsable et indépendante de l’État de Croatie en tant

 14   que amicus curiae devant ce Tribunal.

 15         Or, ceci pose un problème.  Nous avons entendu

 16   plusieurs fois des rumeurs concernant ce problème, parfois

 17   il y a eu des publications dans les médias mais les

 18   informations ont été diffusées même au-delà de cela.  Peut-

 19   être il faudrait parler de cela à huis clos partiel mais la

 20   Défense devrait peut-être avoir la possibilité d’expliquer

 21   le rôle de l’État de Croatie dans la Défense de Monsieur Kordic.

 22         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je ne sais pas

 23   à quel point ceci est utile pour nous.  Votre argument est

 24   que l’État de Croatie est proche de la Défense, d’après

 25   vous, donc vous considérez qu’il est possible de se fier


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  1   moins en eux en ce qui concerne les garanties du retour de

  2   ces deux personnes suite à leur éventuelle mise en liberté

  3   provisoire.  Ai-je bien compris votre argument ?

  4         Me NICE (interprétation) :  Oui, mais je l’affirme

  5   avec encore plus de force.

  6                     [La Chambre discute]

  7         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous

  8   entendrons les arguments à ce sujet mais veuillez le faire

  9   brièvement compte tenu du temps qu’il nous reste.  Est-ce

 10   que nous devrions parler de cela à huis clos ?

 11         Me NICE (interprétation) :  J’en parlerai tout à l’heure

 12    et à ce moment-là, il va falloir passer à huis clos partiel.

 13         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Il est 3 h 50.

 14         Me NICE (interprétation) :  Oui.  Je parlerai des

 15   éléments qui font partie de notre résumé, de notre

 16   document.  J’ai déjà affirmé clairement qu’en ce qui

 17   concerne la reddition de ces personnes, elles ne se sont

 18   pas rendues de leur propre gré.  Elles ont vécu librement

 19   et ouvertement en Croatie et se sont rendues seulement

 20   suite à des pressions internationales de haut niveau.  Il

 21   n’y a pas vraiment de perspective prévue quant à un procès

 22   en contumace au cas où l’accusé déciderait de ne pas

 23   retourner.  Je m’excuse aux interprètes.

 24         Je souhaite dire que ce genre de dispositifs ne

 25   sont pas prévus par l’article 61.  Nous ne savons pas ce


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  1   qui se passerait dans ce cas-là.  Les Juges savent que

  2   souvent, nous n’avons pas pu faire venir un grand nombre de

  3   témoins à cause de leur peur et il ne s’agit pas de 10 ou

  4   20 témoins mais de 40, 50 ou 60 témoins qui ont refusé

  5   d’être cités à la barre même si tous n’ont pas invoqué la

  6   peur comme la raison de leur refus.

  7         J’ai déjà dit que ces accusés sont soutenus par

  8   l’État de Croatie et que comme, par exemple, Monsieur

  9   Kordic, il a vécu dans un appartement appartenant à l’État

 10   au moment de son arrestation.  Parlons des témoins.  Au

 11   moins un témoin a parlé de son anxiété, et ceci vaut pour

 12   un grand nombre de témoins, l’anxiété dont il serait saisi

 13   si ces accusés étaient mis en liberté.  Il faut comprendre

 14   cela.  Il faut visualiser la vie dans un village où les

 15   gens, les témoins potentiels se connaissent et se parlent. 

 16         Maintenant, je souhaite parler de la position de

 17   l’État de Croatie et je propose que l’on passe à un huis

 18   clos partiel.

 19                           [Huis clos partiel]

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)


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 11  Pages 11664 – 11669 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5                     [Audience publique]

  6         M. LE JUGE BENNOUNA (interprétation) :  Je ne

  7   crois pas qu’il soit indispensable de revenir sur cette

  8   question de la charge de la preuve, et cætera.  Nous avons

  9   entendu les arguments des deux côtés.

 10         Me NICE (interprétation) :  Oui.

 11         M. LE JUGE BENNOUNA (interprétation) :  Donc, vous

 12   avez peut-être terminé, à moins que vous ayez…

 13         Me NICE (interprétation) :  Non, je n’ai rien d’autre à dire.

 14         M. LE JUGE BENNOUNA (interprétation) :  Si vous

 15   n’avez plus rien…

 16         Me NICE (interprétation) :  Non.  En effet,

 17   Monsieur le Juge.  Mais j’ajouterai simplement que la

 18   Défense se livre très fréquemment à des représentations un

 19   peu faussées de notre position.  Nous n’avons jamais limité

 20   notre point de vue aux problèmes de commandement et de

 21   contrôle.  Nous avons toujours dit qu’il y avait une

 22   participation directe qu’il convenait de prouver à des

 23   actes particulièrement graves et de nature criminelle. 

 24   C’est tout ce que je voulais dire en ajout à ce que j’ai déjà dit.

 25         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Stein, nous sommes en


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  1   public.  Donc, si vous voulez ajouter quelque argument que ce

  2   soit, vous pouvez le faire mais ce n’est pas une obligation.

  3         Me STEIN (interprétation) :  Oui, Monsieur le Président.

  4   S’agissant des menaces alléguées de la part de Monsieur Kordic,

  5   je dirai à l’Accusation :  Prouvez-les ou bouclez-la.  Autrement

  6   dit,s’il est prouvé qu’à la porte de notre client, sur le seuil

  7   de la porte de notre client, il y a des éléments pervers ou

  8   des processus pervers, que l’Accusation les prouve.  Sinon,

  9   qu’elle se taise.  C’est mon premier point.

 10         Mon deuxième point c’est que Me Naumovski, moi-

 11   même, Me Sayers représentons un seul client, Dario Kordic.

 12         Me KOVACIC (interprétation) :  Monsieur le

 13   Président, je serai très bref.  Monsieur Nice, mon

 14   collègue, a mentionné un article dans la presse croate paru

 15   au cours de l’été.  Si je ne me trompe pas car, bien sûr,

 16   il y a eu plusieurs articles qui ont été publiés, je pense

 17   qu’il parle de la déclaration d’un des ministres du

 18   gouvernement croate mais que cet article ne reprenait ou ne

 19   rendait compte ni de la position du gouvernement croate

 20   officiellement, ni de la position officielle des ministres.

 21         Cet article a été largement critiqué par la suite. 

 22   Je ne sais pas du tout si cet article était fidèle à la

 23   vérité puisque nous ne parlons en fait que de presse dans

 24   cette affaire.  Je n’ai d’ailleurs pas vu cet article en

 25   particulier.  Il y en a eu plusieurs qui ont été publiés


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  1   sur le même sujet, je le répète.  Mais un article a traité

  2   d’une discussion relative à l’extradition de généraux de

  3   l’armée croate lorsqu’ils avaient des rapports avec des

  4   actions militaires menées à bien sur le territoire de la

  5   Croatie, et ce après la fin de la guerre dont nous parlons,

  6   à savoir la guerre de Bosnie centrale.

  7         Donc, ces articles n’avaient absolument rien à

  8   voir avec notre affaire.  Je vous remercie.

  9         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Très bien ! 

 10   Nous allons examiner tous ces éléments.  Me Stein.

 11         Me STEIN (interprétation) :  Monsieur le

 12   Président, je n’utiliserais pas bien le temps qu’il nous

 13   reste si, au nom de Monsieur Cerkez et de Monsieur Kordic,

 14   moi-même, Me Naumovski, Me Kovacic, Me Sayers et tous les

 15   membres de la Défense ne présentions pas nos meilleurs vœux

 16   de Nouvel An au greffe, à vous-même, Messieurs les Juges,

 17   au Procureur et à tous les membres de ce prétoire.

 18         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Merci

 19   beaucoup.  Nous suspendons l’audience et nous nous

 20   reverrons en début d’année l’année prochaine.

 21   --- L’audience est levée à 16 h 07 pour reprendre le lundi

 22         10 janvier 2000 à 9 h 30

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