Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 15 mars 2004

  2   [Conférence de mise en état]

  3   [Audience publique]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez citer

  6   l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  8   les Juges, il s'agit de l'affaire IT-01-42/2-PT, l'Accusation contre

  9   Vladimir Kovacevic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 11   Je souhaite accueillir tout le monde dans ce prétoire, cet après-midi. La

 12   présentation des parties en premier lieu, s'il vous plaît.

 13   M. WEINER : [interprétation] Bonjour. Je suis Phillip Weiner, représentant

 14   le bureau du Procureur. A ma gauche, David Re et à ma droite, Gina Butler.

 15   Je vous remercie.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Weiner.

 17   Du côté de la Défense, s'il vous plaît.

 18   M. MORRISON : [interprétation] M. Howard Morrison, conseil principal de

 19   l'accusé, assisté de Tanja Radosavljevic.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Nous sommes dans ce prétoire cet après-midi pour entendre les points de vue

 22   des différentes parties, nous dire, comment nous devons procéder dans le

 23   cadre de cette affaire, après avoir reçu les informations complémentaires.

 24   Avant de procéder, néanmoins, je souhaite passer à huis clos partiel

 25   pendant quelques instants seulement afin d'aborder une question d'ordre

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  1   pratique, s'il vous plaît.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  3   [Audience à huis clos partiel]

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 12   Pages 207 à 241 expurgées, audience huis-clos partiel.

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  1   [Audience publique]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Petrovic.

  3   [Le témoin se retire]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de prendre notre pause de 20

  5   minutes, je souhaiterais expliquer au public ce qui vient de se passer au

  6   cours de l'heure ou d'une heure et demie qui vient de précéder. La Chambre

  7   a discuté avec les parties le contenu des rapports psychiatriques qui ont

  8   été produits détaillant l'état de santé psychologique de M. Kovacevic, la

  9   Chambre a également entendu le psychiatre qui travaille au quartier

 10   pénitentiaire des Nations Unies, et la Chambre a demandé certaines

 11   questions au témoin, au psychiatre afin de mieux comprendre la situation,

 12   la Chambre a également posé quelques questions médicales, y compris le

 13   traitement, qui pourrait être administré à l'accusé.

 14   Nous allons maintenant prendre une pause, et nous nous retrouverons à 16

 15   heures 25, et par la suite, la Chambre abordera des questions juridiques.

 16   Merci.

 17   --- L'audience est suspendue à 16 heures 02.

 18   --- L'audience est reprise à 16 heures 30.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après avoir parlé de détails concernant

 20   l'état de santé psychiatrique, en fait, l'état de santé mentale de M.

 21   Kovacevic, je souhaiterais que l'on passe à autre chose. Nous avons de ce

 22   faire, M. Kovacevic, j'ai complètement oublié de vous demander au tout

 23   début de cette audience si vous pouviez nous entendre dans une langue que

 24   vous comprenez, puisque je n'ai pas entendu de commentaire de votre part,

 25   je présume que vous pouviez, vous avez pu nous entendre dans une langue que

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  1   vous comprenez. Est-ce exact ? Oui ? Je vous demanderais de le dire à haute

  2   voix, je vous prie.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais est-ce qu'on pourrait ralentir le débit,

  6   je vous prie ?

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bon, je ne sais pas si

  8   l'interprétation vous parvient un peu trop rapidement. Je ne croyais pas

  9   parler si rapidement que cela, mais vous avez néanmoins pu suivre ce qui a

 10   été dit avant la pause.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez également compris ce qui a été

 13   dit puisque nous avons parlé de vous. Je présume que vous avez compris

 14   qu'il s'agissait de cela.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Oui. Certainement.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur Kovacevic.

 17   La prochaine question que je souhaite soulever est la

 18   Suivante : Y a-t-il d'accords entre les parties quant au test qu'il doit

 19   être appliqué ? De quelle façon établit-on qu'un accusé est apte à subir

 20   son procès ?

 21   Je vous écoute, Monsieur Re.

 22   M. RE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous estimons que le

 23   test qui doit être appliqué sur la base de notre part étude sur les

 24   juridictions nationales et en vertu de l'ordonnance émise par la Chambre le

 25   27 novembre de l'année dernière dans laquelle il y a un certain nombre de

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  1   questions qui doit être poser au psychiatre. Le psychiatre doit exprimer

  2   sur ces questions, doit faire des commentaires sur ces questions. Il s'agit

  3   du rapport du Dr Goreta et du Dr Krajnovic.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous avons dans ce rapport, nous

  5   avons posé sept questions au psychiatre. N'eut été des questions à savoir

  6   si l'accusé était en mesure de faire certaines tâches dans plusieurs

  7   différentes juridictions nous avons des listes qui ont été établies selon

  8   la jurisprudence, par contre, et si on est en mesure de remplir ces tâches,

  9   la personne est en mesure de subir son procès, dans le cas contraire non.

 10   Dans d'autres systèmes, d'autres tests existent, comme, par exemple, des

 11   tests, à savoir si l'accusé comprend ce qui se passe autour de lui, si, il

 12   est en mesure de participer dans la procédure, et de voir si l'accusé

 13   comprend qu'un procès se déroule autour de lui.

 14   M. RE : [interprétation] L'Accusation ne désire pas vous proposer de tests

 15   précis. L'Accusation estime qu'il ne s'agit pas d'une question qu'il faut

 16   débattre maintenant, mais il faudrait peut-être revoir la chose dans six

 17   mois lorsque l'accusé aura eu d'autres ou plus de traitements. Pour

 18   l'instant, l'Accusation n'a aucune difficulté avec les questions que la

 19   Chambre a posé au psychiatre afin d'évaluer la compétence de l'accusé ou

 20   l'attitude de l'accusé d'enregistrer un plaidoyer, je trouve pour les fins

 21   préliminaires, il s'agit d'un test tout à fait adéquat, mais il faudrait

 22   peut-être finaliser les questions à poser plus tard. Pour l'instant, nous

 23   sommes tout à fait satisfaits avec les questions qui ont été établies dans

 24   cette liste.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Morrison, est-ce que vous avez des

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  1   observations à nous fournir de la part de la Défense ?

  2   M. MORRISON : [interprétation] Première observation, c'est

  3   qu'effectivement, on a très bien couvert la chose. Je voudrais bien savoir

  4   qu'elle est cette liste finale. Je suis presque fébrile à l'idée que

  5   j'aurais cette liste bientôt. Mais pour savoir, si quelqu'un a enregistré

  6   un plaidoyer, et deuxièmement, à savoir si une personne est apte à subir

  7   son procès, bien deux questions se posent. Il me semble que du point de vue

  8   pratique, que si une personne n'est pas apte à enregistrer un plaidoyer,

  9   cela voudrait dire qu'il ne pourra pas avoir de procès non plus, c'est-à-

 10   dire, qu'on ne peut pas avoir un procès, si l'accusé n'est pas en mesure

 11   d'enregistrer un plaidoyer du point de vue psychiatrique, pour moi, il

 12   n'est pas nécessaire de faire une distinction entre les deux.

 13   Ceci dit, je souhaite dire que je suis tout à fait d'accord avec les

 14   questions que la Chambre a posé au psychiatre, et que si, on avait dit que

 15   l'accusé n'avait pas la capacité mentale de répondre à ces questions, à ce

 16   moment-là, la Chambre dirait que selon elle, l'accusé n'est pas apte à

 17   enregistrer un plaidoyer. Pour ce qui me concerne, je crois

 18   qu'effectivement je suis d'accord pour dire que c'est à ce moment-là, que

 19   la Chambre a suffisamment d'éléments pour comprendre que l'accusé n'est pas

 20   apte à se prononcer, de ce point de vue, l'Accusation et la Défense n'ont

 21   aucune divergence pour ce qui est de ces questions. Nous sommes tout à fait

 22   d'accord et ce sont des professionnels qui ont posé ces questions et je

 23   crois que nous sommes d'accord pour dire qu'à la suite de ces tests subis,

 24   l'accusé n'est pas apte à enregistrer un plaidoyer, n'est pas apte à subir

 25   un procès non plus à ce jour.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Morrison.

  2   Monsieur Re, dites-moi, est-ce que l'Accusation fait une différence entre

  3   la compétence d'enregistrer un plaidoyer ou et la compétence d'un accusé de

  4   subir son procès ? Pour ce qui vous concerne, est-ce que vous avez partagé

  5   cette position ? Est-ce que vous avez bien compris de quoi il s'agissait ?

  6   M. RE : [interprétation] Oui. Comme dit M. Morrison, c'est une distinction

  7   sans qu'il est une différence réelle. Pour les fins -- pour toutes fins

  8   pratiques, c'est la même chose. L'Accusation estime que si l'accusé n'est

  9   pas en mesure d'enregistrer un plaidoyer, et à ce moment-là, il faudrait

 10   lui faire un test psychiatrique pour savoir si l'accusé est en mesure de

 11   subir son procès, mais je crois, que les deux se regroupent.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'une question de temps,

 13   c'est-à-dire, nous verrons si son état de santé change à ce point qu'il

 14   puisse à une étape ultérieure enregistrée un plaidoyer, nous le verrons.

 15   Mais je souhaiterais peut-être poser la même question d'une autre façon.

 16   Est-ce que l'Accusation est d'avis qu'il est peut-être possible qu'un

 17   accusé puisse enregistrer un plaidoyer, mais ne sera pas en mesure de subir

 18   son procès ?

 19   M. RE : [interprétation] Nous estimons que cette deuxième question ne

 20   découle pas, n'est pas ce qui nous préoccupe pour l'instant puisque

 21   l'accusé pour l'instant n'est pas en mesure d'enregistrer un plaidoyer.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 23   M. RE : [interprétation] L'Accusation désire laisser le reste en suspend en

 24   attendant d'autres évaluations psychiatriques pour que l'on puisse dire de

 25   quoi, en fait si les deux seront couplés exactement.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je ne vois pas de quelle façon

  2   un traitement psychiatrique peut élucider une question juridique, mais vous

  3   devez plus au moins réfléchir là-dessus et voir s'il y a une distinction a

  4   porter entre ces deux questions. Il y a également une autre question qui

  5   pourrait avoir une pertinence directe. C'est la question, à savoir que si

  6   la Chambre décidait que M. Kovacevic avait besoin de traitement à ce

  7   moment-ci, non pas au quartier pénitentiaire des Nations Unies, mais s'il

  8   doit être renvoyé dans une institution se trouvant hors du quartier

  9   pénitentiaire, quelle serait la base juridique adéquate sur laquelle ce

 10   traitement serait organisé ? S'agirait-il d'une détention provisoire ?

 11   S'agirait-il d'une modification des conditions de détention en tant que

 12   telles -- d'une libération provisoire ?

 13   Je vous écoute, Monsieur Re.

 14   M. RE : [interprétation] Le Procureur a souligné respectueusement qu'il

 15   faudrait considérer l'accusé comme une personne qui a besoin de

 16   traitements, et le Président pourrait demander des modifications aux

 17   conditions de détention selon l'Article 64, c'est-à-dire que l'accusé

 18   serait détenu dans une institution psychiatrique et cela représenterait une

 19   modification de sa détention auprès du Tribunal.

 20   Le Procureur souligne également qu'à l'Article 65(C), on parle de

 21   libération conditionnelle fait sujet bien sûr aux conditions que la Chambre

 22   de première instance  estime être approprié.

 23   L'Accusation soumet premièrement que si l'accusé devait être détenu à

 24   l'extérieur du quartier pénitentiaire des Nations Unies de Scheveningen,

 25   que cela devrait être fait en application, une modification de l'Article

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  1   65. Les raisons pour ceci sont les suivantes : c'est que l'accusé ne s'est

  2   pas rendu volontairement, et dans des circonstances ou un autre accusé dans

  3   le même cas, tel que Pavle Strugar a été libéré de façon conditionnelle,

  4   cela représente une différence, puisqu'il a été retourné à La Haye l'année

  5   dernière. Selon les rapports, il faut également parler de danger. Le

  6   Procureur croit que l'intérêt de la communauté serait mieux rempli si l'on

  7   considérait l'accusé comme étant en détention.

  8   Mais le Procureur comprend et reconnaît que les deux fins peuvent être

  9   obtenues en appliquant les deux articles, l'Article 64 et l'Article 65 (C).

 10   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 11   M. RE : [interprétation]  M. Weiner me rappelle que l'Accusation, si la

 12   liberté conditionnelle devait être accordée que les conditions soient les

 13   mêmes, qu'une modification des conditions de détention à partir de

 14   l'Article 64 autrement dit que l'accusé soit détenu dans un institut

 15   psychiatrique approprié, dans une institution psychiatrique spécialisée où

 16   il pourrait recevoir un traitement approprié. Ceci devrait être mené par

 17   des experts, le nom devrait être donné par des experts nommés par le

 18   Tribunal.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si l'accusé se rend disponible pour

 20   un traitement, et s'il accepte le traitement, et qu'il coopère avec ce

 21   traitement, j'espère que vous comprenez que cela ne sera peut-être pas si

 22   aisé que cela.

 23   M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 24   vous prie de m'accorder quelques minutes, s'il vous plaît.

 25   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

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  1   M. RE : [interprétation] M. Weiner va maintenant prendre la parole.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur Weiner.

  3   M. WEINER : [interprétation] Merci. Il y a beaucoup de jurisprudences

  4   émanant des Etats-Unis sur le traitement forcé, ainsi que les médicaments

  5   qui sont prodigués de façon forcée à des patients. Si l'accusé n'accepte

  6   pas le traitement ou autre forme de médicament étant donné sa condition

  7   actuelle, nous estimons qu'on pourrait le forcer à prendre le médicament.

  8   Premièrement, on pourrait le forcer à prendre des médicaments qui le

  9   mettraient dans une position où il pourrait effectivement suivre son

 10   procès. La dernière affaire émanant des Etats-Unis sur le sujet, celui de

 11   Sell contre les Etats-Unis. C'est une affaire datée du 16 juin. Une autre

 12   affaire quelque peu différente qui concerne également cet accusé, c'est une

 13   situation au cours de laquelle une personne pourrait être contrainte à

 14   prendre des médicaments lorsque l'accusé est en détention, et présente un

 15   danger vis-à-vis de la communauté qu'il entoure, et qu'il est également

 16   dangereux vis-à-vis de lui-même. Il s'agit là de l'affaire Washington

 17   contre Harper, 494 US 210, 27 février 1990.

 18   S'il est placé dans un centre en vertu de l'Article 64. Il s'agit

 19   simplement d'une modification de ses conditions de détention ou si en vertu

 20   de l'Article 65, on lui accorde une liberté provisoire sous certaines

 21   conditions, il s'agit là de modification de ses conditions de détentions.

 22   Dans lequel cas, on devrait lui ordonner de subir un traitement. Si, à un

 23   moment donné, il refuse le traitement, et refuse le médicament qu'on lui

 24   prodigue et que sa condition empire, je crois qu'une audience doit être

 25   tenue portant sur la prise forcée de médicaments. Si à ce moment-là, le

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  1   patient ne présente aucun danger eu égard aux autres et à lui-même et qu'il

  2   pourrait à ce moment-là suivre son procès.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous des cas de jurisprudences en

  4   dehors des Etats-Unis, Monsieur Weiner ?

  5   M. WEINER : [interprétation] Ecoutez, c'est un petit peu malheureux, mais

  6   des troubles psychologiques, et des affaires de ce genre semblent surtout

  7   se trouver aux Etats-Unis. Je suis navré.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être qu'il s'agit là effectivement

  9   de problèmes que nous trouvons davantage aux Etats-Unis. La jurisprudence

 10   américaine bien sûr porte évidemment sur le système du droit américain, et

 11   pourrait peut-être aider ou en tout cas, éclairer le point de vue de cette

 12   Chambre. Mais il est vrai que la Chambre préfère toujours avoir une vision

 13   plus large, plutôt que d'appliquer un cas de jurisprudence qui vient d'une

 14   juridiction nationale.

 15   M. WEINER : [interprétation] Ecoutez, je vais m'en acquérir rapidement.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous d'autres observations à cet

 17   égard ?

 18   M. MORRISON : [interprétation] Nous voulons parler de la différence entre

 19   l'Article 64 et 65, la Défense soumet respectueusement que l'Article 65

 20   semble être un meilleur instrument à être adopté pour les raisons comme

 21   suit. En vertu de l'Article 64, nous serions obligé de trouver des

 22   circonstances exceptionnelles. Il se peut que ceux-ci ne constituent pas un

 23   exemple particulier si on estime que l'état psychologique et psychiatrique

 24   constitue un élément qui pourrait être contenu dans le terme exceptionnel,

 25   le dossier avec la difficulté qui se pose.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, vous n'avez besoin que de

  2   regarder le texte du règlement et vous le trouverez.

  3   M. MORRISON : [interprétation] Egalement, je crois que ceci revient au

  4   président lui-même. Autrement dit, le président doit être saisi de tous les

  5   éléments de l'affaire et prendra sa décision. Monsieur, les éléments qui

  6   sont présentés par un parti qui n'ont absolument pas le contrôle de tous

  7   les éléments de l'affaire.

  8   Il me semble qu'il y a un autre élément qui est important qui est le

  9   suivant. La manière dont l'Article 64 est rédigée, en anglais, on parle

 10   "may" et "peut". Le terme "may" et "request" en anglais, à mon sens, ne

 11   permettait pas de donner la certitude que confère l'Article 65(C) : "La

 12   Chambre peut imposer de telles conditions," ce qui permet à la Chambre de

 13   contrôler l'ensemble de l'affaire, signifie que le président ne doit pas y

 14   prendre part et les conditions s'imposent d'elles-mêmes, il me semble. Il

 15   me semble qu'il n'y a pas de différences véritables entre le caractère

 16   impératif d'un changement de conditions de détention préventives et d'une

 17   liberté provisoire sous certaines conditions. Je crois que l'Article 65 est

 18   suffisamment souple, me semble être une alternative plus intéressante.

 19   Comme l'Accusation l'a déjà dit, pour finir, cela ne fait pas une grande

 20   différence. Il s'agit, en fait, d'appliquer soit l'Article 65 ou 64 pour

 21   autant que l'accusé est, de toute façon, encadré de façon suffisamment

 22   claire.

 23   Ce qui pose, en fait, un dernier point, une troisième question, observation

 24   que je souhaite faire. Il s'agit même plutôt d'une suggestion. Si quelqu'un

 25   est en dehors de la juridiction du pays hôte ou en dehors de la juridiction

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  1   du centre de détention des Nations Unies, je crois qu'en fait, c'est un

  2   problème de bonne foi qui se pose. Cette bonne foi ainsi que l'esprit dans

  3   lequel ces conditions ont peut-être été appliqué en vertu de l'Article 64

  4   sont des conditions auxquelles il faut se conformer. Ce n'est pas seulement

  5   l'accusé qui doit se conformer mais les personnes qui sont responsables de

  6   sa condition, de sa détention et de son traitement. L'observation de ce

  7   règlement, lorsque quelqu'un n'est pas sous le contrôle direct du Tribunal,

  8   est un contrôle qui met en avant la bonne foi. Je crois que c'est la bonne

  9   foi dont il s'agit ici et la bonne foi dont doit faire montre, les parties

 10   qui doivent évidemment l'accuser.

 11   Nous ne parlons pas d'une simple question de détention. Nous parlons ici de

 12   quelqu'un qui sera remis entre les mains de professionnels. Il me semble

 13   que dans certaines circonstances, on peut présupposer qu'une telle bonne

 14   foi sera manifeste et que dans l'intérêt de tous, sera l'état mental de

 15   l'accusé, ce qui sera évidemment le principal souci du Tribunal ainsi que

 16   les autorités serbes s'il devait être envoyé en Serbie.

 17   Je pense que si tout le monde poursuit le même objectif, je crois que ceci

 18   serait la meilleure recommandation possible. L'accusé pourrait assister à

 19   tout autre audience ou à tout autre procès si cette éventualité devrait un

 20   jour se concrétiser.

 21   Dans la réalité des faits dans cette affaire, si l'accusé accepte de suivre

 22   un traitement, il ne sera pas libéré de façon arbitraire par une autre

 23   communauté étant donné qu'il présente un danger pour lui-même et pour les

 24   personnes de son entourage. A mon avis, je crois que nous avançons peut-

 25   être un petit trop rapidement. Nous spéculons peut-être sur le fait qu'au

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  1   bout du compte, les inquiétudes qui viennent d'être présentées par mon

  2   éminent confrère sont justifiées ou non. Je crois qu'il faut savoir s'il

  3   s'agit d'une question de traitement forcé. Je crois qu'il est trop tôt pour

  4   se poser ce genre de questions.

  5   La réale politique de tout traitement, de tout patient, qu'il s'agisse en

  6   fait d'un état de santé mentale ou physique se pose de la façon suivante :

  7   Le patient est-il prêt à coopérer ou non ? Je crois que c'est la question

  8   importante. C'est quelque chose que nous ne pouvons constater et comprendre

  9   que lorsque l'on met l'accusé en situation. Si on observe, s'il prend

 10   effectivement ses médicaments, s'il coopère, je crois que toutes les

 11   indications vont dans ce sens car il a déjà accepté de prendre ses

 12   médicaments. Il prend le médicament aujourd'hui, ce qui semble indiquer

 13   qu'il est prêt à coopérer.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite vous poser une seule

 15   question, Me Morrison. Vous dites que si l'accusé va subir un traitement,

 16   il ne va pas être relâché de façon arbitraire par une autre communauté. Si

 17   la question du caractère dangereux qu'il présente vis-à-vis de lui-même et

 18   des autres subsiste toujours, comment entendez-vous cela ?

 19   M. MORRISON : [interprétation] Paragraphe 65(C) : On peut imposer un

 20   certain nombre de conditions lors de sa libération, y compris une

 21   libération sous caution, ce qui me semble pas être approprié en la matière

 22   "si on observe ces conditions, ceci est particulièrement important, si on

 23   veut que l'accusé puisse suivre son procès et si on veut, évidemment, ne

 24   pas mettre en danger les membres de son entourage."

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'envers du décor, si par exemple, pour

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  1   une autre raison, n'oublions pas que l'accusé a été diagnostiqué comme

  2   étant quelqu'un qui est psychotique. Si par exemple, il ne pouvait pas

  3   remplir toutes ces conditions, que devrait-il se passer dans un cas comme

  4   celui-ci ? Est-ce qu'un rapport serait envoyé à la Chambre de première

  5   instance ? Est-ce que nous entendrions les différentes parties ? Est-ce que

  6   nous prendrions la décision de lui accorder la liberté provisoire ou est-ce

  7   que ceci serait, sa décision serait infirmée ? A votre avis, combien de

  8   temps faut-il pour répondre dans le cas où les choses n'évolueraient pas de

  9   façon positive ?

 10   M. MORRISON : [interprétation] Par exemple, si on devait le placer dans les

 11   services psychiatriques de l'hôpital de Belgrade, il y aurait aucune

 12   différence entre l'application de l'Article 64 ou 65 eu égard à ces

 13   conditions. Ces conditions pourraient être littéralement les mêmes et

 14   l'incidence sur les autorités également identiques.

 15   Si l'accusé ne souhaite pas et délibérément ne répond pas à ces conditions,

 16   nous nous attendons, bien sûr, à ce que les autorités en question en

 17   informe directement le Tribunal. Le Tribunal pourrait alors organiser une

 18   audience. Il s'agit à ce moment-là, de savoir si cela correspond à la

 19   réalité ou non. Si l'accusé a effectivement omis de se plier aux conditions

 20   requises et si on découvre, effectivement, qu'il a refusé, alors, il

 21   pourrait être et je crois qu'il incomberait à la Défense et à l'Accusation

 22   d'aborder cette question-là et de prendre une décision.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le sujet qui me préoccupe, vous dites

 24   qu'en vertu de l'Article 64 et 65, il serait possible d'imposer les mêmes

 25   conditions. Est-il vrai qu'en vertu de l'Article 64 et autres, on pourrait

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  1   imposer les conditions de détention, ce qui signifie que l'accusé est

  2   effectivement en situation de détention. En revanche, si on parle de

  3   liberté provisoire, on peut imposer des conditions à l'accusé, mais peut-on

  4   par là même, le priver de liberté ? Je crois que la question essentielle

  5   est là. Le gouvernement d'un état quel qu'il soit, comment peut-il décréter

  6   que l'accusé doit rester entre ces murs ?

  7   M. MORRISON : [interprétation] Cela dépendra évidemment de l'état en

  8   question, et s'il s'agit d'un gouvernement digne de ce nom.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si un gouvernement prive quelqu'un de sa

 10   liberté, en général, ceci entre dans le cadre de la loi. D'après vous,

 11   quelle serait la justification au plan juridique de la détention de cet

 12   accusé d'autant que notre Tribunal aurait accordé la liberté provisoire de

 13   cet accusé.

 14   M. MORRISON : [interprétation] Si la liberté provisoire de sa détention est

 15   accordée par le Tribunal, par le simple fait que cette personne est placée

 16   dans une institution spécialisée, je crois qu'à ce moment-là, ceci est

 17   couvert. Si en revanche, un avocat devait demander par l'intermédiaire de

 18   l'habeas corpus la liberté de l'accusé en question auprès du gouvernement

 19   en question, je crois que l'état pourrait répondre, "Nous ne faisons que

 20   remplir les conditions qui nous ont été imposées par le TPIY," ce qui est

 21   tout ce qu'ils feraient si la détention serait une détention comme elle est

 22   décrite à l'Article 64.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous interprétez l'Article 65

 24   de la façon suivante ? Hormis des engagements pris volontairement, est-ce

 25   que l'on peut considérer que certaines conditions doivent être imposées par

Page 256

  1   un état dans le cadre de la liberté provisoire ?

  2   M. MORRISON : [interprétation] Je pense qu'elles sont imposées à l'accusé.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  4   M. MORRISON : [interprétation] Vous avez demandé s'il y avait une

  5   coopération réelle entre l'état et compte tenu de l'Article 64 et 65, parce

  6   que sans cela et sans cette coopération, cela sera difficile. Je crois

  7   qu'il y a une analogie au Royaume-Uni. Je pense qu'il existe la même chose

  8   aux Etats-Unis et peut-être même aux Pays-Bas.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que vous étendez le champ

 10   d'application.

 11   M. MORRISON : [interprétation] Ecoutez, je crois qu'il y a liberté

 12   provisoire sous caution, mais il y a une imposition de liberté surveillée

 13   ou couvre-feu, autrement dit la personne n'a pas le droit de quitter sa

 14   maison entre 6 heures du matin et 6 heures du soir. A ce moment-là,

 15   l'accusé est tenu de respecter ce couvre-feu. Il s'agit là, néanmoins,

 16   d'une privation de liberté. Il me semble qu'une liberté provisoire accordée

 17   par ce Tribunal avec l'imposition d'un couvre-feu de 24 heures sur 24, dans

 18   un institut spécialisé, n'est pas très différent des conditions de

 19   détention, il me semble.

 20   Je pense que ce que je cherche à faire ici, c'est d'absoudre le Président,

 21   autrement dit de faire en sorte que le Président ne soit pas obligé de

 22   traiter les questions qui peuvent être traitées par la Chambre de première

 23   instance directement.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi un instant.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

Page 257

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez fait part de vos

  2   observations, Maître Morrison, par rapport à ces points juridiques ?

  3   M. MORRISON : [interprétation], Pour ce qui est de la différence entre

  4   l'Article 64 et 65, je crois que nous adoptons la même position, la même

  5   position que le bureau du Procureur, autrement dit tant que l'accusé se

  6   trouve dans un institut spécialisé, approprié, qu'on lui prodigue un

  7   traitement approprié, je pense que la manière dont on l'a transféré, reste

  8   une question à ce moment-là, théorique. Je crois l'incidence du traitement

  9   repose sur deux choses. Premièrement, la compétence des professionnels, et

 10   deuxièmement, la coopération dont il fait preuve. Je crois qu'ici on peut

 11   présupposer qu'il y aura coopération. Je crois qu'on peut présupposer

 12   également que les personnes seront suffisamment qualifiées. Je crois que

 13   l'on peut regarder comment cette coopération a déjà été traduite dans la

 14   réalité.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Question que je pose à l'Accusation :

 16   Quelles sont les perspectives pour un accusé ? Peut-il présenter un

 17   plaidoyer, peut-il suivre dans son procès, et peut-on le priver de sa

 18   liberté pendant très longtemps ? Vous comprenez ce que j'entends par là ?

 19   Si nous devions reconduire son examen tous les six mois, nous serions déjà

 20   en 2010. Est-ce la position de l'Accusation ? Si nous devons revoir sa

 21   condition médicale tous les six mois, quelqu'un qui n'est pas libre de se

 22   déplacer, peut-il coopérer dans ce cas-là ? Quelle est la position de

 23   l'accusé à cet égard ?

 24   M. RE : [interprétation] Ecoutez, je pense qu'il est important qu'il soit

 25   traité, et que l'on pourra réexaminer le patient dans six mois. Je crois

Page 258

  1   qu'il est trop tôt pour aborder la question de la stratégie d'achèvement ou

  2   des plans provisoires qui pourraient être nécessaires par la suite.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons attendre, et voir

  4   comment les choses évoluent.

  5   M. RE : [interprétation] Nous allons attendre, et voir comment les choses

  6   évoluent.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voir si les choses évoluent, et voir

  8   comment, si oui ou non, on peut justifier de sa détention.

  9   M. RE : [interprétation] Nous ne savons pas comment les choses vont évoluer

 10   d'ici six mois. C'est la raison pour laquelle l'Accusation ne souhaite pas

 11   donner une opinion définitive sur le point qui vient d'être soulevé par

 12   vous, Monsieur le Président.

 13   Elle ne peut pas vraiment prendre de décisions encore. En revanche, là où

 14   je puis peut-être vous être utile, c'était une analogie en vertu de

 15   l'Article 65(C) par exemple, un état dans l'ex-Yougoslavie a l'obligation

 16   de coopérer avec ce Tribunal. S'il s'agissait de liberté provisoire en

 17   vertu de l'Article 65(C), chaque état a son propre système de coopération

 18   avec le Tribunal.

 19   L'analogie avec le couvre-feu a été faite par mon éminent confrère, par

 20   exemple, la libération d'un prisonnier qui est détenu sous condition. Si

 21   par exemple, il doit subir un traitement médicamenteux à un endroit donné,

 22   et si cette personne doit suivre ce traitement, si la personne suit et

 23   interrompt son traitement, cela pourrait constituer une infraction et une

 24   violation de sa liberté sous condition, et la personne devrait être

 25   incarcérée immédiatement.

Page 259

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Re. 

  2   Y a-t-il d'autres questions de part et d'autre ? Bien.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il d'autres questions que les

  5   parties souhaiteraient soulever ?

  6   M. RE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le Procureur nous a

  7   demandé de présenter cette question à la Chambre de première instance. Le

  8   Procureur estime que la Chambre devrait examiner cette question à la

  9   lumière de l'Article 11 bis dans l'avenir, ou après une période de six

 10   mois, que nous avons établie. Le Procureur estime que la Chambre devrait

 11   examiner l'Article 11 bis, c'est-à-dire, que si l'accusé est incompétent de

 12   subir son procès, à ce moment-là, il faudra le rapporter à la liste que M.

 13   Harhoff a remis.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, à ce moment-ci, il

 15   n'y a pas encore eu d'affaire transférée en

 16   ex-Yougoslavie ?

 17   M. RE : [interprétation] Non, Monsieur le Président, pas à notre

 18   connaissance.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que non, il s'agirait de la

 20   première affaire, dans l'espèce, c'est-à-dire, il s'agirait d'un patient

 21   psychiatrique qui devrait être remis entre les mains de la République de

 22   Serbie et Monténégro. Je crois que déjà un certain temps on procède à des

 23   préparatifs afin de pouvoir habiliter une cour spéciale qui serait conçue

 24   pour entendre des criminels de guerre. Dans des circonstances tout à fait

 25   normales, je ne parle pas de circonstances exceptionnelles telles que

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  1   celles que nous avons ici, mais pourquoi le Procureur estime t-il que cette

  2   affaire serait une affaire problématique.

  3   M. RE : [interprétation] Je ne dis pas qu'il s'agira de la première affaire

  4   qui serait traitée en vertu de l'Article 11 bis. L'Accusation, le Procureur

  5   désire informer la Chambre, que dans l'avenir, on se penchera sur l'Article

  6   11 bis, lorsque de tels cas seront présentés à la Chambre.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

  8   Y a-t-il d'autres questions qui devraient être soulevées ?

  9   M. MORRISON : [interprétation] Cela dépend de la compétence de l'accusé. Je

 10   ne peux pas envisager que si on juge que l'accusé est compétent de subir

 11   son procès après un délai de six mois et, puisque nous savons que ce

 12   Tribunal existera encore après, je ne vois pas pourquoi l'accusé ne

 13   subirait pas son procès ici. Si l'on considère que l'accusé est incompétent

 14   après que l'on lui ait attribué les tests de ce Tribunal, je crois que ce

 15   serait peu probable qu'il soit jugé compétent de subir son procès en Serbie

 16   ou d'en d'autres juridictions. Je crois qu'il faudra attendre et voir quels

 17   seraient les dispositifs qui découleront de l'Article 11 bis.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Morrison.

 19   En dernier lieu, M. Kovacevic je m'adresse à vous car on a dit beaucoup de

 20   choses qui vous concernait, c'est de vous qu'on a parlé. On a parlé de

 21   votre état de santé. On a, également, parlé de votre avenir, dépendamment

 22   du fait si vous aurez un avenir soit au Tribunal ou dans un hôpital.

 23   La Chambre a été surprise que vous ayez acquiescé de vous rendre à Belgrade

 24   pour être traité, de façon médicale, contrairement à ce que vous aviez déjà

 25   dit précédemment concernant Belgrade. Pourriez-vous, je vous prie,

Page 261

  1   expliquer à la Chambre quels sont les faits qui ont changé votre point de

  2   vue. Pourquoi votre position est-elle différente de celle que vous aviez

  3   adoptée, il y a un certain temps ? Comment se fait-il que vous vous

  4   soumettriez, vous mettriez entre les mains des psychiatres de Belgrade ? Je

  5   vous demande de vous expliquer. Comment se fait-il que vous avez donné

  6   instruction à votre conseil de la Défense, donné votre aval pour ce qui est

  7   d'un traitement possible à Belgrade ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourriez-vous être un peu plus clair, s'il vous

  9   plaît ?

 10   Je n'arrive pas à saisir. De quel traitement médical parlez-vous à

 11   Belgrade ?

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kovacevic, nous avons parlé de

 13   vous administrer un traitement psychiatrique, nous avons dit que vous aviez

 14   besoin d'un traitement psychiatrique.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le conseil de la Défense ainsi que le

 17   Procureur sont d'accord pour dire que vous avez besoin d'un tel traitement.

 18   Nous avons, également, parlé du fait que si vous deviez vous soumettre à un

 19   tel traitement. Nous nous sommes posé la question à savoir, où pourrait-on

 20   vous envoyer afin d'être traité de façon médicale, de subir un traitement.

 21   Je voulais savoir si vous étiez d'accord pour que l'on vous administre un

 22   traitement psychiatrique à Belgrade. Il s'agit d'un hôpital psychiatrique,

 23   nous n'avons pas encore les détails, à savoir si cela est possible, mais il

 24   semblerait que cela pourrait être le cas. Vous avez donné l'impression, à

 25   cette Chambre, préalablement que vous ne faisiez pas beaucoup confiance au

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  1   gouvernement serbe et que vous n'aviez pas tellement confiance dans les

  2   institutions serbes.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait que vous êtes maintenant

  5   d'accord pour vous faire administrer un traitement psychiatrique à

  6   Belgrade. Quels sont les facteurs qui ont fait en sorte que vous changiez

  7   d'opinion ? Qu'est-ce qui fait que vous avez maintenant assez confiance aux

  8   médecins de Belgrade et que vous êtes prêt à vous rendre à Belgrade pour

  9   subir un traitement psychiatrique, alors que vous sembliez y être,

 10   particulièrement, opposé ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] On m'a attaché au lit là-bas.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces hommes ont, maintenant, pris leur retraite.

 14   Vous savez ils ferment la porte, ils vous enferment dans une Chambre

 15   derrière des barreaux et ils vous attachent au lit. Ils sont partis

 16   maintenant, ils ont pris leur retraite. De nouvelles personnes sont

 17   arrivées à leur place, qui sont beaucoup plus compétentes.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous --

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le chef de l'Académie militaire médicale m'a

 20   dit qu'il m'aiderait à guérir. Il m'a dit que je suis le bienvenu et qu'il

 21   serait disposé à m'aider si je voulais venir. Il est prêt à m'aider. Il a

 22   dit que je serai enfermé là-bas, comme à Scheveningen vous savez derrière

 23   des portes avec des barreaux de fer, puisque ici  nous passons 24 heures à

 24   l'intérieur. Il a des pièces séparées et des médecins viennent nous voir.

 25   Ici, nous avons également des activités libres, nous faisons des vases,

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  1   nous faisons de la poterie, nous faisons de la gaze, nous faisons des

  2   travaux pratiques alors qu'avant, ils étaient affreux, ils nous attachaient

  3   au lit et ils ne nous permettaient pas de bouger. Ce chef de l'Académie

  4   militaire, le directeur a dit qu'il m'aiderait, mais pas Tanja. C'est le Dr

  5   Stankovic, qui a dit cela. Vous savez le Dr Stankovic il est chauve, est-ce

  6   que vous le connaissez ? Stankovic qu'il s'appelle ?

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je ne le connais pas

  8   personnellement.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une très bonne personne vous savez. Je

 10   l'ai --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kovacevic, vous nous avez

 12   expliqué que ce ne sont pas les mêmes gens qui sont maintenant là-bas, que

 13   vous vous attendez à d'autre chose, vous leur faites plus de confiance --

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, ce ne sont pas les mêmes personnes,

 15   ils travaillaient pour les services secrets, ils étaient dangereux, ils

 16   n'étaient pas bien.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois. Vous vous attendez à ce que ces

 18   nouvelles personnes vous aident à guérir e-t vous débarrassent de vos

 19   problèmes ?-

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous êtes au courant que --

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il a deux possibilités que je passe 24 heures

 23   sur 24 à l'hôpital ou que je m'y rende tous les jours à une certaine heure,

 24   que je vienne y prendre le petit déjeuner et que j'aie un traitement

 25   psychiatrique par la suite. Ensuite, il y aurait une thérapie de groupe. Je

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  1   ferais des travaux pratiques et à 15 heures, on me dirait de rentrer à la

  2   maison. On me dirait ensuite de rentrer le lendemain à sept heures. Je le

  3   ferais, c'est ainsi que je me comporterais. Ensuite, il me dirait que

  4   dimanche, je pourrais aller à l'église pour prier Dieu, et j'irais prier

  5   Dieu. Il y a, également, une possibilité que l'on nous emmène ensemble au

  6   monastère, à l'église ensemble, cela me conviendrait beaucoup plus. Car

  7   avant, on m'attachait au lit avec de grosses ceintures. Ce qui n'était pas

  8   tout à fait agréable. Ils avaient peur que je m'enfuie. Où vouliez-vous que

  9   j'aille. Je ne connais pas la langue, je ne connais pas la ville ? Où

 10   vouliez-vous que j'aille ? Je ne peux pas partir. Je crois que c'est la

 11   meilleure des solutions.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il, s'il vous fallait rester

 13   24 sur 24 à l'intérieur de l'hôpital psychiatrique ? Vous nous parlez d'un

 14   type de traitement qui vous permettrait de partir de l'institut à une

 15   certaine heure dans l'après-midi et de revenir le lendemain matin, qu'en

 16   est-il si vous deviez rester 24 heures sur 24 ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai déjà passé 24 heures sur 24 pendant une

 18   période, là-bas. J'ai même pris ma retraite là. Je ne sais pas ce qu'ils

 19   m'ont fait exactement, mais ils m'ont dit, tu n'es plus apte à être dans

 20   l'armée. Je ne sais pas ce qu'ils m'ont fait. Ils m'ont forcé à prendre des

 21   médicaments, il y avait une femme médecin qui me regardait, qui m'observait

 22   et qui s'assurait que je prenne tous les médicaments, elle me donnait un

 23   verre d'eau. C'était comme un commandant, ce médecin. Elle me donnait

 24   l'ordre de boire, de prendre mes comprimés, il me fallait les prendre,

 25   devant elle, avec le verre d'eau.

Page 265

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisque là, maintenant, il y a le Dr Stankovic

  3   qui s'y trouve, je lui fais confiance. Si c'étaient les mêmes personnes qui

  4   étaient restées à cet endroit, comme ils étaient des espions, je n'y serais

  5   jamais retourné. Mais là, j'accepte puisque c'est une nouvelle personne.

  6   Puisque c'est le Dr Stankovic qui s'y trouve, Tanja, c'est toi, qui m'as

  7   dit que c'est lui, n'est-ce pas ? Tanja, c'est toi qui m'as dit cela ? Oui.

  8   Tanja m'a dit que c'était le Dr Stankovic qui m'a dit, en fait, il a fait

  9   le message qu'il essayerait de me guérir.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas si c'est possible, mais c'est le

 12   régime qui est comme cela. Je suis déjà passé par là, vous savez. Ils

 13   m'attachaient au lit avec de grosses ceintures, mais cela, je ne

 14   l'accepterais plus. Je ne suis pas d'accord avec cela. Alors que le Dr

 15   Stankovic, le général Stankovic, en fait, m'a dit que non, là, maintenant

 16   on ne m'attacherait plus, que c'étaient ses hommes à lui qui me

 17   traiteraient sur ses instructions et je me plierais aux ordres, si jamais

 18   on me dit que je dois passer 24 heures sur 24, je le ferai. Si, par contre,

 19   on me donne l'ordre de partir à 15 heures et de revenir le lendemain matin,

 20   je le ferai également. J'ai quatre enfants. Le plus petit est malade, c'est

 21   quelque chose qui me préoccupe beaucoup. Ils sont pauvres, je ne sais pas.

 22   Voilà, c'est à vous de décider. Ma tête se trouve sous votre épée, vous

 23   pouvez la couper, c'est ainsi qu'on dit chez nous au Monténégro, c'est une

 24   expression. Vous pouvez décider. C'est à vous. Je m'en remets à votre

 25   volonté.

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  1   Je croyais que je n'étais pas malade, mais il semblerait que je le sois. Je

  2   vais accepter de faire tout ce que les médecins me disent, mais j'espère

  3   seulement qu'ils ne m'empoisonneront pas, en me donnant un médicament.

  4   A présent, on me donne d'autres médicaments, par la suite, on me donne

  5   troisième médicament. Si c'était Stankovic qui me prenait sous sa tutelle,

  6   j'ai l'impression qu'il serait en mesure de me guérir. Il m'a déjà parlé

  7   une fois et c'est ce qu'il a dit à Tanja, et cela m'est bien important.

  8   Mais c'est à vous de décider. Je vous remercie par avance. Est-ce que je

  9   peux m'asseoir ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement, vous pouvez vous

 11   asseoir si vous désirez, mais j'ai encore une dernière question à vous

 12   poser. Vous n'êtes pas obligé de vous tenir debout, vous pouvez rester

 13   assis ?

 14   Vous nous avez dit que vous vous attendez à ce que le Dr Stankovic vous

 15   guérisse ou, tout du moins, qu'il améliore la situation à tel point vous

 16   pouviez vous sentir mieux, mais est-ce que vous êtes conscient que si vous

 17   êtes guéri ou si votre état de santé s'améliore que l'Accusation pourrait

 18   insister à ce que vous subissiez votre procès lorsque vous vous sentirez

 19   mieux.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais venir le 9, mais ils m'ont arrêté.

 21   J'avais parlé à l'adjoint du ministre Mihajlovic. Je voulais me livrer

 22   entre les mains de ce Tribunal de façon volontaire. Mihajlovic m'a dit,

 23   "Non, non, ne fait pas cela puisque tu ferais des dommages au général

 24   Jokic. Ce n'est pas bon pour le général Jokic." Ils m'ont empêché, ils sont

 25   entrés dans mon appartement, ils ont volé les documents, ils ont volé des

Page 267

  1   cassettes. C'est eux qui ont fait cela. Ils veulent faire en sorte qu'ils

  2   blâment toute la responsabilité sur moi.

  3   Est-ce que c'est moi qui ai commandé à l'armée ? Non, ce n'est pas moi.

  4   C'étaient les généraux, les amiraux. Nous étions 160 capitaines à l'époque

  5   où j'étais capitaine. Je n'aurais pas pu donner de tels ordres. Je n'ai pas

  6   fait les études nécessaires. C'est pour cela que je suis maintenant malade.

  7   Chaque mort m'a touché profondément jusqu'à ce jour, et c'est la raison

  8   pour laquelle je ne peux plus vivre normalement.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Kovacevic, vos derniers commentaires

 10   se rapportent à l'affaire et aux accusations qui pèsent contre vous, mais

 11   j'avais, seulement, l'intention de parler présentement de questions de

 12   procédure. Je ne voulais pas entrer dans le cœur du débat et de parler de

 13   l'affaire en question.

 14   Y a-t-il quelque chose d'autre que vous souhaiteriez dire à la Chambre à la

 15   fin de cette audience ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Quand j'irai mieux, je viendrai, moi-même, dire

 17   qui est coupable de tout. Je viendrai tout seul, volontairement et

 18   librement. Il n'est pas nécessaire de me donner six mois, ni 60 mois, ni 6

 19   000 mois, je viendrai moi-même, tout seul. Je dirai, je vais aller voir

 20   monsieur, je ne sais pas quel est votre nom. Je vais aller voir monsieur,

 21   je leur dirai et je leur dirai que je vais aller librement et

 22   volontairement dire la vérité. Je n'ai pas peur du tout.

 23   Tous mes ancêtres sont des personnes justes, des personnes honorables. Je

 24   n'ai peur de rien. Je veux que tout le monde soit là pour que je leur dise

 25   la vérité. Il y a en un qui a oublié certaines choses, il y en a un qui est

Page 268

  1   sénile, il faut tout mettre sur le dos d'un capitaine, d'un petit capitaine

  2   qui avait de toutes petites épaules. Je vous parle du cœur, vous savez.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ai tout à fait compris que vous

  4   parliez de votre cœur. Mais encore une fois, vous entrez dans le débat de

  5   l'affaire. Je voulais parler de la procédure plutôt. J'ai, tout à fait,

  6   saisi ce que vous voulez dire. Vous avez expliqué à la Chambre que dès que

  7   vous vous sentirez mieux, que vous allez venir à La Haye, que ce sera votre

  8   volonté de venir à La Haye de vous présenter ici. Bien, nous avons très

  9   bien compris. Monsieur Kovacevic, je vous remercie.

 10   S'il n'y a pas d'autres questions à aborder, nous allons lever la séance.

 11   La Chambre réfléchira et statuera sur la façon de procéder. Nous allons

 12   rendre une décision écrite concernant cette affaire.

 13   La séance est levée.

 14   ---L'audience de la Conférence de la mise en état est levée à 17 heures 30.

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