Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 25 mai 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, tout le monde dans ce prétoire,

6 ainsi d'ailleurs qu'à l'extérieur du prétoire. Bonjour, à toutes ces

7 personnes qui nous aident.

8 Madame la Greffière d'audience, veuillez appeler l'affaire, s'il vous

9 plaît.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-00-39-T, le Procureur contre

11 Momcilo Krajisnik.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

13 Avant de demander à M. l'Huissier de faire entrer le témoin dans le

14 prétoire, je tiens à informer les parties de la position de la Chambre au

15 sujet de cette question d'application de l'Article 92 bis (D) ou de

16 l'Article 89(F) du règlement, s'agissant de la production de certains

17 extraits du compte rendu d'audience en tant que pièce à conviction. La

18 Chambre de première instance a étudié avec soin la position de la Chambre

19 d'appel de l'affaire Milosevic, d'où il est ressorti manifestement que

20 toutes les catégories d'éléments de preuve écrits n'entrent pas dans le

21 cadre de l'application de l'Article 92 bis (A).

22 Eu égard au compte rendu d'audience utilisable dans la présente affaire, la

23 Chambre estime d'abord que ces extraits ne sont pas hors du champ

24 d'application de l'Article 92 bis, quel qu'en soit le thème. Autrement dit,

25 ces extraits du compte rendu d'audience, ainsi que le témoignage, ne

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1 traitent pas des actes du comportement de l'accusé comme prévu par la

2 jurisprudence de cette Tribunal. Par conséquent, ces extraits entrent bien

3 dans le cadre de l'application de l'Article 92 bis.

4 Des extraits du compte rendu d'audience ne sont pas admis sur le même plan

5 que des déclarations écrites, compte tenu du fait d'abord que le libellé

6 que l'on y trouve ne dépend pas d'un enquêteur, mais relève de la

7 responsabilité du greffe. Par conséquent, la comparaison entre l'exactitude

8 de ce qui est écrit sur le papier et la teneur des propos ne constitue pas

9 un problème.

10 Eu égard à la question de la fidélité de restitution, c'est-à-dire

11 s'agissant de se demander si ce qui est écrit sur le papier et dans la

12 déclaration est exacte, à savoir, reflète bien la vérité dans la mesure où

13 le témoin a des souvenirs de la situation qu'il relate. Cette question ne

14 se pose pas dans les mêmes termes lorsqu'on parle des déclarations écrites

15 ou lorsqu'on parle d'extraits du compte rendu d'audience. En effet, un

16 témoin, lorsqu'il témoigne, prononce une déclaration solennelle en

17 déclarant qu'il dira la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité. A

18 cet égard, nous avons dès lors une attestation de précision, et il n'est

19 pas nécessaire d'obtenir confirmation que les mots écrits dans le compte

20 rendu d'audience sont fidèles à la réalité. Autrement dit, toutes les

21 formalités évoquées à l'Article 92 bis ne concernent pas les extraits du

22 compte rendu d'audience. S'agissant des limites dans ce cas précis, nous

23 pouvons dire que la limite se situe pour le compte rendu d'audience non pas

24 dans la description des actes du comportement de l'accusé, mais ailleurs,

25 donc aucune raison d'appliquer l'Article 92 bis (D).

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1 J'ajouterais que cela ne signifie pas que tous les comptes rendus

2 d'audience se relève de l'Article 92 bis (D). Par exemple, on pourrait

3 penser à un témoin qui serait confronté à une déclaration non conforme à la

4 vérité au moment du contre-interrogatoire. On pourrait penser qu'un compte

5 rendu d'audience d'un témoignage antérieur puisse jouer un rôle à cet égard

6 même si le témoignage porte sur les actes et le comportement de l'accusé,

7 ce qui exclurait l'utilisation d'un compte rendu d'audience en application

8 de l'Article 92 bis (D), mais pourrait permettre de se situer, à mon avis,

9 dans le cadre de l'Article 89(F). Cela étant, nous ne sommes pas dans une

10 telle situation, donc il n'y a aucune raison pour que la Chambre rejette

11 les comptes rendu d'audience du contre-interrogatoire du témoin dans une

12 autre affaire en application de l'Article 92 bis (D).

13 Mon explication peut-être était un peu longue, mais en tout cas, elle

14 permet de comprendre les raisons pour lesquelles la Chambre estime qu'en

15 espèce, il convient de préférer l'application de l'Article 92 bis (D) à

16 celle de l'Article 89 (F) plus général.

17 Monsieur Hannis, vous avez la parole.

18 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, deux points, si vous me

19 le permettez, et un point de procédure. En effet, si la Défense souhaite

20 adapter cette procédure à l'audition de ce témoin et à celle d'un témoin

21 ultérieur, nous aimerions demander d'en être informé deux semaines à

22 l'avance, de façon à pouvoir élever toutes objections que nous jugerions

23 pertinentes, ou de façon à pouvoir nous prononcer de la manière façon qui

24 soit eu égard à cette situation. En effet, tout cela se revient au moment

25 du contre-interrogatoire et nous pensons que l'interrogatoire principal

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1 peut avoir une influence à cet égard sur les Juges, tout comme les

2 questions supplémentaires, en espèce.

3 Monsieur le Président, j'ai pu examiner le contre-interrogatoire de M.

4 Karabeg dans l'affaire Brdjanin, et nous proposons que les Juges de cette

5 Chambre se penche sur les questions supplémentaires posées par M. Cayley en

6 même temps qu'ils examineront le contenu du contre-interrogatoire. J'ai des

7 exemplaires de ces questions supplémentaires que je peux fournir à la

8 Chambre.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Loukas.

10 Mme LOUKAS : [interprétation] S'agissant des questions supplémentaires,

11 Monsieur le Président, je pense qu'en tout état de cause, les questions

12 supplémentaires découlent du contre-interrogatoire, donc je n'ai pas

13 d'objection.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La situation est la même dans tous les

15 cas de témoignage.

16 Monsieur Hannis, il y a une limite naturelle à ce processus ?

17 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous pourrions demander à

19 M. l'Huissier de faire entrer le témoin dans la salle d'audience. Bien sur.

20 Vous avez un deuxième point, Monsieur Hannis ?

21 M. HANNIS : [interprétation] Merci. Le deuxième point avant l'entrée du

22 témoin, Monsieur le Président, est un point qui a été abordé hier, et qui

23 concerne l'une des pièces à conviction du premier témoin. C'était une

24 question de traduction. M. Gaynor va en traiter. Je pense que nous avons

25 compris ce qui c'était passé.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Brièvement, je vous prie.

2 M. GAYNOR [interprétation] La pièce à conviction P95, il était question du

3 compte rendu d'audience relatif aux exhumations dans l'affaire portant sur

4 Bihac. Dans la traduction de l'original en B/C/S, en haut à droite,

5 j'appelle votre attention sur les numéros que l'on voit écrit : 9.480. Dans

6 un examen approfondi de l'original, il apparaît que la notation n'existe

7 pas. Nous pensons que ce numéro est un numéro de pièce à conviction de

8 l'affaire Brdjanin. Cette pièce était également une pièce à conviction dans

9 l'affaire Brdjanin. Par conséquent, nous proposons que la pièce à

10 conviction P95.1, traduction anglaise de ce document, soit remplacée par

11 cette traduction qui est identique dans son contenu, mais qui ne comporte

12 pas cette annotation chiffrée.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Des commentaires, Maître Loukas ?

14 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, aucune objection en l'espèce, Monsieur

15 le Président.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La traduction est versée au dossier et

17 admise dans sa nouvelle version. C'est exactement le même document que

18 celui que nous avons vu hier, mais dépourvu de cette inscription chiffrée

19 manuscrite en haut à droite.

20 S'il n'y a pas d'autres questions à évoquer, je demanderais à Monsieur

21 l'Huissier de bien vouloir faire entrer le témoin dans le prétoire.

22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Karabeg.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

25 Messieurs les Juges.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous rappelle que vous êtes toujours

2 lié par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre

3 déposition hier, n'est-ce pas ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

5 LE TÉMOIN : MIRZET KARABEG [Reprise]

6 [Le témoin répond par l'interprète]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'interrogatoire principal va se

8 poursuivre. Monsieur Hannis, vous avez la parole.

9 Interrogatoire principal par M. Hannis [Suite]

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Karabeg.

11 R. Bonjour.

12 Q. Au moment de la suspension de l'audience hier, je crois me rappeler que

13 nous étions en train de parler de la situation dans la municipalité de

14 Sanski Most au début du mois d'avril 1992. C'était un moment où, selon ce

15 que vous nous avez dit, le SDS et l'assemblée municipale s'efforçaient de

16 placer, de plus en plus souvent, à l'ordre du jour des réunions, le sujet

17 de la nécessité pour la municipalité de Sanski Most de devenir une

18 municipalité serbe et d'adhérer à la région autonome de la Krajina. Vous

19 nous avez parlé d'une conversation que vous avez eue avec M. Vrkes à ce

20 sujet.

21 J'aimerais vous demander si cette question a jamais fait l'objet d'un vote

22 officiel au sein de l'assemblée de Sanski Most, cette question de

23 l'adhésion à la région autonome de Krajina.

24 R. Non. Effectivement, une autre question a été mise au vote, à savoir si,

25 oui ou non, ce sujet devait lui-même faire l'objet d'un vote donc être mis

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1 à l'ordre du jour.

2 Q. Quel a été le résultat de ce vote ?

3 R. La proposition n'a pas été acceptée, la proposition de placer cette

4 question à l'ordre du jour des débats, parce que les membres du SDS

5 souhaitaient en finir avec cette question. Il a été décidé qu'une

6 commission composée de plusieurs représentants des différents partis

7 politiques devait être mise sur pied et que cette commission ferait ce

8 qu'il faut pour régler le problème afin de permettre à l'assemblée de

9 continuer son travail. Cela ne s'est jamais passé finalement. Jusqu'à la

10 dernière session de l'assemblée municipale de Sanski Most, le problème n'a

11 pas été réglé.

12 Q. Vous souvenez-vous à quelle date a eu lieu cette dernière session ?

13 R. Je ne sais pas exactement, mais je pense que c'était soit le 6 ou le 7

14 avril 1992.

15 Q. J'aimerais que l'on vous soumette une pièce à conviction. Il s'agit

16 d'un document portant la date du 25 mars 1992, pour lequel je demanderais

17 la cote suivante de la part de Madame la Greffière.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P103.

19 M. HANNIS : [interprétation]

20 Q. En fait, Monsieur Karabeg, il y a deux documents qui sont examinés en

21 même temps. L'un porte la date du 25 mars 1992. Il est intitulé Motifs; et

22 le deuxième, la date du 3 avril 1992 est intitulé Décision. Je crois savoir

23 que vous avez déjà eu ces documents sous les yeux lors de votre dernière

24 déposition devant ce Tribunal. Vous souvenez-vous avoir vu ces documents ?

25 R. Je les regarde d'un peu plus près si vous voulez bien. Je m'en

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1 souviens.

2 Q. Avez-vous eu connaissance de l'existence de ces documents en 1992,

3 c'est-à-dire au moment où ils ont été rédigés ?

4 R. Non. La première fois que j'ai vu ces documents, c'était il y a deux

5 ans lorsque je suis venu ici témoigner.

6 Q. Dans le premier de ces deux documents, celui qui porte la date du 25

7 mars, on voit que les autorités serbes ont décidé que tous les territoires

8 serbes de la municipalité de Sanski Most seraient réunis au sein de la

9 République serbe de Bosnie. Exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Le document datant du 3 avril est une décision selon laquelle la

12 municipalité serbe de Sanski Most ferait désormais partie de la région

13 autonome de Krajina serbe.

14 R. Oui. Voyez vous, ils ont fait cela illégalement. Quant à nous, nous

15 avons tenu une réunion de l'assemblée le 6 avril en toute légalité --

16 Mme LOUKAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, une question très

19 simple a été posée au témoin, à savoir, est-ce que telle ou telle chose

20 était indiquée dans le document, et la réponse a été oui, de la part du

21 témoin après quoi, celui-ci a poursuivi sa réponse en répondant, en fait, à

22 une question qui ne lui avait pas été posée.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Loukas. Si un témoin estime

24 qu'il importe pour lui d'ajouter quelque chose d'important, nous avons pour

25 habitude de le laisser parler pourvu qu'il ne s'écarte pas exagérément de

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1 la question qui lui a été posée. Bien sûr, cela ne serait pas le cas s'il

2 se mettait à relater quelque chose qui n'avait aucun rapport avec la

3 question posée. Je vais d'abord laisser toute liberté à M. Hannis de voir

4 si les détails supplémentaires apportés par le témoin entrent dans le cadre

5 de la question que lui-même a posé à ce témoin. Si tel est le cas, il ne

6 devra pas interrompre le témoin pour lui poser la question à laquelle

7 celui-ci est en train de répondre.

8 Pour l'instant, je lui laisse la liberté de poursuivre, et le Conseil

9 pourra ensuite interroger le témoin sur le même sujet. Je ne pense pas

10 qu'il appartient à un conseil de la Défense d'interrompre un témoin lorsque

11 celui-ci traite de points qui ne sont pas absolument pertinents. Bien sûr,

12 un certain contrôle doit être exercé sur la déposition du témoin. Cela est

13 valable pour les deux parties.

14 Veuillez procéder.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Comme vous voudrez, Monsieur le Président.

16 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Q. Monsieur Karabeg, je pense vous avoir entendu dire que vous n'aviez pas

18 connaissance de l'existence de ce fait que lorsque vous étiez président du

19 conseil exécutif de Sanski Most, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous avez commencé à nous parler de cette décision qui, à votre avis,

22 était illégale. Pourriez-vous nous expliquer de façon plus détaillée à ce

23 sujet et nous dire ce qui fonde votre opinion ?

24 R. J'aimerais dire quelques mots aux Juges de cette Chambre à ce sujet. Je

25 ne tiens pas, particulièrement, à répondre simplement aux questions par oui

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1 ou par non, car je pense que ceci est très difficile dans la recherche de

2 la vérité qui nous occupe ici et qui exige, je pense, quelques détails

3 supplémentaires.

4 Je vais vous dire que je n'ai pas vu ce document, à l'époque. La première

5 fois que je l'ai vu, c'était il y a deux ans, ici, lorsque j'ai participé

6 au procès intenté à MM. Brdjanin et Talic. Cette décision a été prise

7 illégalement par eux et lors de la dernière session de l'assemblée qui,

8 elle était légale, ils ont essayé de placer à l'ordre du jour la question

9 dont il est fait état dans ces documents, rien d'autre. En effet, ils n'ont

10 pas obtenu satisfaction. Ils souhaitaient que soit créée une commission.

11 Une commission a, effectivement, été créée, mais elle n'est parvenue à

12 aucune solution parce que nous, les non-Serbes avons demandé que cette

13 question de la réunification de Sanski Most et de Bihac soit,

14 officiellement, placée à l'ordre du jour des débats. Aucune des

15 propositions soumises à l'assemblée n'a été acceptée, donc, l'assemblée a

16 cessé de fonctionner. En effet, les instances légales de cette assemblée

17 n'ont pas été respectées.

18 Q. Suite à cette dernière session de l'assemblée municipale de Sanski

19 Most, dans votre déclaration écrite aux paragraphes 15 et 16, si je ne

20 m'abuse, vous parlez de la division des forces de police de Sanski Most.

21 Pourriez-vous nous dire dans quelle condition cela s'est passé ?

22 R. Voyez-vous, une fois que l'assemblée a cessé de fonctionner, les

23 représentants du SDS ont commencé à utiliser les instances de l'assemblée

24 municipale de Sanski Most d'une façon qui leur était propre. D'abord, ils

25 ont essayé d'appliquer leur mode de fonctionnement à la police. Vlado

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1 Vrkes, président de la section locale du SDS a parlé aux policiers. Il a

2 dit qu'il souhaitait convoquer une réunion à laquelle devait participer

3 tous les policiers, autrement dit, tous les membres de la Milicija comme

4 nous l'appelions à l'époque. Tous les policiers de la municipalité de

5 Sanski Most, tous ceux qui dépendaient du poste de police de Sanski Most

6 étaient convoqués à une réunion avec les représentants des parties. Lors de

7 cette réunion, il a dit que tous les policiers étaient, désormais, tenus de

8 porter des insignes serbes, et qu'un drapeau serbe avec les quatre S devait

9 être hissé sur la façade du poste de police, et que tous les policiers

10 devraient signer un acte d'allégeance à la police serbe.

11 Lors de cette réunion, aucun des Serbes --

12 Q. Excusez-moi, Monsieur Karabeg, je vois au compte rendu d'audience en

13 anglais un point sur lequel je souhaitais vous interroger avant d'oublier.

14 Vous avez dit que tous les policiers devaient signer un acte d'allégeance à

15 la police serbe, c'est bien cela ?

16 R. Oui, oui, c'est exact.

17 Q. Excusez-moi, je ne comprends pas très bien. Je pensais que dans votre

18 déclaration écrite --

19 R. C'est ce qu'on leur a demandé de faire.

20 Mme LOUKAS : [interprétation] Me Hannis contre-interroge son propre témoin,

21 me semble-t-il, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais, tout d'abord, consulter la

23 déclaration écrite.

24 M. HANNIS : [interprétation] Je vous demanderais de vous reporter au

25 paragraphe 15 dans la version en anglais. On parle d'un serment

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1 d'allégeance, à la quatrième ligne.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit paragraphe 15 ?

3 M. HANNIS : [interprétation] Oui, en bas de la page.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois. Cette déclaration d'allégeance,

5 pouvez-vous nous en parler un petit plus en détail. Comment cela s'est-il

6 fait ? Quel était le texte de cette déclaration ? Avez-vous des détails à

7 nous communiquer à ce sujet ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas le texte de cette

9 déclaration, mais je peux, simplement, supposer de ce dont il s'agit. Il

10 s'agissait qu'il fallait signer une déclaration d'allégeance, c'est-à-dire,

11 qu'on s'engageait à respecter le règlement de la municipalité de Sanski

12 Most, de respecter tous les règlements s'appliquant à la police au niveau

13 de la région autonome. C'est-à-dire qu'il fallait accepter tous les

14 changements. Les organes juridiques, les organes légaux de la Bosnie-

15 Herzégovine devaient signer cette déclaration d'allégeance à ceux qui

16 voulaient tout renverser et qui agissaient en pleine illégalité.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Peut-être pouvez-vous passer au

18 sujet suivant puisque ceci a été précisé.

19 M. HANNIS : [interprétation]

20 Q. Oui, je suis désolé de vous avoir interrompu, Monsieur le Témoin. Mais

21 auparavant, j'aimerais que vous nous parliez de cette réunion. Est-ce qu'il

22 y a quelque chose d'autre que vous vouliez nous dire à ce sujet ?

23 R. Ce que je voulais vous dire, c'est que, ce jour-là, aucun des membres

24 de la milice, puisqu'on les appelait comme cela, aucun des policiers qui

25 travaillaient, qui étaient de service, aucun d'entre eux m'a dit vouloir

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1 signer cette déclaration d'allégeance et travailler pour la Republika

2 Srpska. Ils ne voulaient pas porter cet insigne de la RS. Il n'y a qu'un

3 jeune Croate qui a dit vouloir le faire parce qu'il habitait à Banja Luka.

4 Il était désolé d'avoir à se plier à cette exigence mais il fallait qu'il

5 le fasse.

6 Personne n'a accepté de signer cette déclaration d'allégeance. A ce moment-

7 là, Vlado Vrkes a donné une date limite. Il a donné 48 heures pour qu'on

8 signe cette déclaration d'allégeance. Les 48 heures se sont écoulées sans

9 que personne ne signe cette déclaration, si bien que les policiers qui

10 étaient policiers légalement n'ont pu revenir sur leurs postes de travail.

11 Ils ont été mis à pied par ces gens qui agissaient en toute illégalité.

12 Q. Au paragraphe 16 de votre déclaration écrite, vous nous dite que M.

13 Vrkes a lancé un ultimatum aux policiers, il leur a intimé l'ordre de

14 signer cette déclaration d'allégeance et de porter cet insigne.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Je souhaiterais présenter une objection. La

16 déclaration a déjà été versée au dossier. Si M. Hannis souhaite ajouter des

17 éléments à ce qui a, déjà, été présenté grâce à cette déposition, il faut

18 que cela vienne du témoin. Il ne faut pas que cela se fasse en donnant

19 lecture, à haute voix, de la déclaration.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La déclaration a été versée au dossier.

21 Je ne sais pas quelles questions vont être posées après celle qui vient

22 d'être posée. Si j'ai bien compris, M. Hannis se sert de sa déclaration

23 versée au dossier pour essayer de faire la lumière sur certains éléments.

24 Tout dépend de la nature de ces questions, de ce qu'il veut savoir. Il faut

25 savoir ce qu'il veut demander au témoin avant de se prononcer.

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1 Je voudrais d'abord que M. Hannis pose sa question au témoin, mais je vais

2 demander au témoin d'attendre avant de répondre afin que, s'il y a

3 objection, elle puisse être exprimée à ce moment-là.

4 Allez-y, Monsieur Hannis.

5 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

6 Q. Au paragraphe 16, Monsieur Karabeg, vous dites que les Serbes ont

7 déclaré, je cite : "Nous appartenons à la région de Banja Luka. Nous

8 appartenons à la Krajina serbe." Ensuite, ils ont dit que : "Si nous ne

9 faisons pas cela, il n'y aura aucun moyen de protéger les non-Serbes des

10 extrémistes."

11 Pouvez-vous dire qui vous a tenu ces propos? Quel est celui des Serbes qui

12 vous a tenu ces propos ?

13 R. C'est Vlado Vrkes, ainsi que le président Nedeljko Rasula.

14 Q. Vous ont-ils donné des explications ? Vous ont-ils dit pourquoi ils

15 estimaient qu'il serait impossible d'assurer votre protection, d'empêcher

16 les extrémistes de s'en prendre à vous ?

17 R. Voyez vous, les choses se présentaient de la manière suivante. On se

18 trouvait dans une période où on sentait bien que le pire allait arriver. Le

19 SDS avait une branche armée, disons qu'ils s'appelaient parfois les forces

20 de défense serbes ou les forces armées serbes. Ces gens-là se livraient à

21 des exactions sur le territoire de la municipalité de Sanski Most en

22 s'attaquant aux non- Serbes. On les présentait comme des Serbes extrémistes

23 que l'on n'était pas en mesure de contrôler. On disait que ceux qui se

24 livraient à ces atrocités ne pouvaient être rappelés à l'ordre, alors qu'en

25 fait, ces gens-là obéissaient aux ordres qui leur étaient donnés. D'un

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1 autre coté, on nous disait qu'on ne pouvait pas nous défendre face à ces

2 extrémistes serbes, alors qu'en fait, c'est eux qui les lançaient à nos

3 trousses.

4 C'est pendant cette période qu'on a vu revenir de Pakrac, la 6e Brigade de

5 la Krajina, au moment où la FORPRONU est arrivée. Elle est arrivée armée,

6 avec tout l'équipement nécessaire, dans la municipalité de Sanski Most, ces

7 gens-là aussi se sont livrés à des exactions. Ils se soûlaient, ensuite,

8 ils tiraient partout. Voilà, ce qui s'est passé. Voilà les gens dont ils

9 prétendaient qu'ils ne pouvaient pas les contrôler, qu'ils ne pouvaient les

10 empêcher de s'en prendre à nous, alors qu'en fait, c'étaient eux qui leur

11 donnaient des ordres.

12 Q. Ce que vous appelez cette branche armée, cela comptait combien de

13 personnes environ ?

14 R. Est-ce qu'il faut que j'attende une objection de la Défense avant de

15 répondre ?

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez dit que je devais attendre un petit

18 peu, une fois que l'Accusation avait posé sa question.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela s'appliquait à la dernière

20 question. Si nous avons des instructions à vous communiquer, nous le

21 ferons.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je m'excuse.

23 Mme LOUKAS : [interprétation] Je voudrais intervenir au sujet de cette

24 dernière question, puisque l'on m'y engage. Le témoin a voulu donner des

25 explications supplémentaires, mais il n'a pas vraiment répondu à la

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1 question qui lui a été posée. C'était un petit peu à côté, et cette réponse

2 a duré assez longtemps. Cela représente deux paragraphes au compte rendu

3 d'audience, et il n'a pas vraiment répondu à la question qui lui a été

4 posée par M. Hannis. Je me demande si l'on pourrait demander au témoin de

5 bien vouloir répondre précisément aux questions qui lui sont posées.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans sa dernière question, M. Hannis,

7 vous a demandé s'ils avaient expliqué pourquoi il était impossible de vous

8 protéger face à ces extrémistes. Dans votre réponse, je pense que vous nous

9 avez fait part de votre propre opinion. Vous nous avez expliqué pourquoi, à

10 votre avis, il n'était pas possible pour eux de vous protéger, pourquoi ils

11 prétendaient ne pas pouvoir vous protéger. Mais la question qu'on vous a

12 posée, c'était de savoir quelle était l'explication qu'on vous avait

13 donnée.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ne voulaient pas nous protéger. Ils nous

15 ont dit qu'ils nous protéger, mais, en fait, ils ne voulaient pas nous

16 protéger, parce que ces gens-là, c'était une espèce de branche armée qui

17 leur servait à se livrer à toutes sortes d'exactions sur le territoire de

18 la municipalité de Sanski Most.

19 Ils ne voulaient pas nous protéger. Ils nous disaient, quand ils nous

20 voyaient, qu'ils voulaient nous protéger, mais en fait, ils ne voulaient

21 pas. Parce qu'en fait, ils donnaient l'ordre à tous ces gens-là de se

22 livrer à toutes ces atrocités.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand ils vous disaient : "Qu'ils ne

24 pouvaient pas vous protéger, mais qu'ils le voulaient." Est-ce qu'ils ont

25 expliqué pourquoi ils ne pouvaient pas vous protéger ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont dit : "Qu'il fallait qu'on se rende à

2 la raison, qu'on accepte la situation, la région de Sanski Most, la Krajina

3 de Bosnie, et qu'à ce moment-là, on nous protégerait."

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qu'ils vous ont dit, c'est : "Qu'ils

5 voulaient vous protéger, mais qu'ils ne pouvaient le faire que si vous

6 acceptiez la situation." Est-ce bien cela que vous nous dites ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Si on acceptait la Républika Srpska, si

8 on acceptait que Sanski Most devienne un Sanski Most serbe, si on acceptait

9 de prêter allégeance, à ce moment-là, oui. On pouvait nous protéger.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Hannis.

11 M. HANNIS : [interprétation]

12 Q. Pouvez-vous me dire combien d'hommes comptaient ces forces serbes,

13 cette branche armée ?

14 R. Il y avait peut-être 50 hommes au maximum.

15 Q. Ces hommes, est-ce qu'ils venaient de la région ou est-ce qu'ils

16 venaient de territoires situés à l'extérieur de la municipalité de Sanski

17 Most ?

18 R. C'étaient des gens du coin ou des gens qui étaient nés à Sanski Most,

19 qui étaient de Sanski Most.

20 Q. Quelle était l'appartenance ethnique de ces personnes ?

21 R. C'étaient tous des Serbes.

22 Q. Savez-vous qui était à la tête de cette unité ou de ce groupe ?

23 R. On pensait, à l'époque, que celui qui était à la tête de ce groupe

24 était Dusko Savija. Plus tard, on a appris qu'en fait c'était Tomo Delic

25 tout ce temps-là. C'est lui qui participait à toutes les négociations avec

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1 nous d'ailleurs. Il ne cessait de répéter qu'il voulait nous protéger face

2 à ce groupe, alors qu'en fait. c'était lui qui était à la tête de ce groupe

3 pendant toute cette période. C'était un tailleur de pierres qui était aisé,

4 de Sanski Most.

5 Q. Je veux m'assurer que nous parlons de la même chose, au sujet de ces

6 forces de défense serbes. Dans votre déposition, vous nous avez parlé des

7 SOS. Est-ce bien de ce groupe que nous sommes encore en train de parler, en

8 ce moment ?

9 R. Oui.

10 Q. Merci. D'après ce que vous avez dit dans votre déclaration écrite, vous

11 avez quitté Sanski Most le 19 avril 1992. Est-ce bien exact ?

12 R. Le 19 avril 1992. Cela, c'est quand j'ai quitté mon travail. On m'a

13 interdit d'entrer dans le bâtiment alors que j'étais président du conseil

14 exécutif. Ce n'était pas le 19. C'était le 20, le 20 avril 1992.

15 Q. Entre le 11 avril, le jour où la police a connu cette réorganisation

16 que vous nous avez décrite et le jour où vous êtes parti, est-ce que le SDA

17 et le HDZ essayaient toujours de négocier avec le SDS sur la manière de

18 gérer la ville ?

19 R. Oui. Oui, on a essayé, mais ils ne souhaitaient avoir aucun contact

20 avec nous, en tout cas, pas après le 20 avril 1992.

21 Q. Non, non, je parle de la période qui se situe entre le 11 avril et le

22 19 ou le 20 avril. Je voudrais savoir si, pendant cette période, vous avez

23 encore eu des pourparlers avec le SDS.

24 R. Oui. Oui, c'est exact. Oui, on avait des négociations, chaque jour,

25 deux ou trois fois par jour.

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1 Q. Pouvez-vous, en quelques mots, nous dire quelle était la teneur des

2 négociations ? Quelles étaient les propositions faites par chacune des

3 parties en cause ?

4 R. Voyez-vous, les choses se présentaient de la manière suivante : nous,

5 on voulait que les organes légaux fonctionnent comme il se doit, c'est-à-

6 dire, la police et les autres organes investis de l'autorité en ville. Eux,

7 ils ont demandé à ce que les policiers signent une déclaration

8 d'allégeance, que la Milicija signe cette déclaration d'allégeance. Ils ont

9 demandé à ce que les policiers arborent un insigne particulier, et ils ont

10 pris le contrôle du bâtiment de la police. A ce moment-là, ils ne

11 permettaient plus aux policiers qui avaient été nommés légalement de

12 rejoindre leurs postes de travail. Alors nous, nous leur avons dit : "Il y

13 a beaucoup de place dans ce bâtiment. Il y a la partie du bâtiment que vous

14 vous occupez, il y a une partie du bâtiment où se trouve le secrétariat de

15 la Défense territoriale, ainsi que la Défense territoriale." On leur a

16 demandé si on pouvait s'installer dans cette partie du bâtiment avec la

17 police, dans cette partie du bâtiment. Ils ont répondu que c'était

18 absolument impossible, que le bâtiment leur appartenait, qu'ils voulaient

19 le garder pour eux. Ils nous ont dit qu'on pouvait envisager de se servir

20 du bâtiment de la municipalité.

21 Le 17 avril, c'est le dernier jour où on a des discussions au sujet de la

22 police. Ce jour-là, on a décidé de se rendre au bâtiment de la police. Je

23 m'y suis rendu moi-même parce que j'étais président du conseil exécutif. Je

24 me suis rendu dans mon bureau. J'ai appelé Redjo Kurbegovic, le président

25 du parti, j'ai reçu de Burnic, le chef de la police, j'ai reçu de sa part

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1 un coup de téléphone. C'était un Musulman. Il m'a demandé où les policiers

2 allaient aller parce qu'il m'a expliqué les policiers se trouvaient à la

3 caserne de pompiers. Je lui ai répondu qu'ils devaient venir au bâtiment de

4 la municipalité. Je voulais qu'on se réunisse tous à cet endroit, tous ceux

5 qui travaillaient, tous les non-Serbes qui travaillaient au sein des

6 différentes instances de la municipalité. C'est ce qu'on a fait.

7 Nous nous sommes réunis au bâtiment de la municipalité, mais cela ne leur

8 plaisait pas non plus, cette situation.

9 Q. Je vous interromps, Monsieur Karabeg. Est-ce qu'eux, ils avaient des

10 propositions précises sur la manière de diviser la municipalité ?

11 R. Voyez-vous, les choses se présentaient de la manière suivante : Eux,

12 ils ont fait une proposition au terme de laquelle la municipalité devait

13 être divisée par branche et par service. Le bâtiment de la municipalité

14 avait deux étages. Ils ont dit qu'il fallait se diviser en fonction de ces

15 étages. La proposition c'était que l'une des parties en présence ait un

16 étage et l'autre, l'autre étage. En fait, de procéder à une division

17 "verticale" du bâtiment, c'est-à-dire, qu'une partie du bâtiment

18 appartiendrait à une partie, et l'autre aux autres.

19 Ensuite, il y a une troisième proposition, c'est-à-dire, qu'on devait leur

20 laisser le bâtiment et que nous-même, on prenne la direction de l'autre

21 rive de la Sana pour s'installer dans le bâtiment de l'administration qui

22 appartenait à la société Sipad. Nous, on a répondu qu'on ne voulait pas

23 aller si loin parce que cela ne pourrait créer que de nouveaux problèmes.

24 Là-bas, dans le bâtiment de cette société Sipad, il faut savoir que cette

25 société comptait 90 % d'employés Serbes. On pensait qu'on aurait des

Page 2798

1 problèmes supplémentaires.

2 Nous avons compris qu'ils voulaient nous chasser, qu'ils voulaient nous

3 créer des difficultés supplémentaires et qu'on allait tomber de Charybde en

4 Scylla, si bien que nous n'avons pas accepté cette proposition.

5 Q. Vous parlez de cette proposition au sujet des instances de la ville,

6 les instances de direction de la ville. Est-ce qu'il y a une autre

7 proposition qui a été faite au sujet des commerces, au sujet des zones

8 résidentielles et des zones commerciales de la ville ? Est-ce qu'on a fait

9 une proposition dans ce sens ?

10 R. Oui, effectivement. Ils ont fait une proposition selon laquelle Sanski

11 Most devait être divisée, non pas par quartier, par district, mais par rue.

12 La division devait se faire suivant la majorité des habitants dans telle ou

13 telle rue. Par exemple, si vous aviez une rue où les habitants étaient en

14 majorité Serbes, cela serait une rue serbe. Si la rue était habitée en

15 majorité par des non-Serbes, à ce moment-là, cela serait notre rue. Nous

16 avons répondu que c'était complètement infaisable. Ruzic Mirko et Boro

17 Savanovic, à ce moment-là, ces deux hommes qui travaillaient à l'urbanisme

18 en ville, ont emmené un plan de la municipalité de Sanski Most pour faire

19 des propositions dans ce sens, pour diviser la ville de cette manière. Nous

20 avons répondu que c'était infaisable et que cela ne pouvait pas se faire,

21 mais ils ont maintenu cette proposition. En fait, peu importe cette

22 proposition parce qu'ils se sont emparés de Sanski Most, de ces habitants.

23 Ils en ont pris le contrôle.

24 Q. Le 17 avril, où vous trouviez-vous, vous-même, avec les représentants

25 de la police non-Serbe ?

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1 R. Nous étions le 17 avril dans le bâtiment de la municipalité de Sanski

2 Most, à partir de 13 heures, le 17 avril.

3 Q. Est-ce que le SDS vous a présenté des demandes ou des revendications ce

4 jour-là ?

5 R. Ecoutez, quand on est entré dans le bâtiment, il y a eu ces

6 négociations, ces pourparlers. Cela a duré pendant ces quelques journées.

7 Le 17, c'était un vendredi, cela s'est poursuivi le samedi, 18 et le

8 dimanche, 19. Ensuite, ils nous ont fait ces propositions aux fins de

9 diviser ce bâtiment en deux. On a accepté cette proposition. Une fois qu'on

10 a eu accepté, ils ont dit : Maintenant, il ne faut pas diviser le bâtiment

11 en deux parce que le bâtiment se trouvait sur la rive droite de la Sana.

12 Ils ont dit qu'à ce moment-là on devait aller dans le bâtiment

13 administratif de l'autre côté de la Sana, sur l'autre rive, qu'on devait

14 aller dans le bâtiment administratif de la société Sipad.

15 Voilà la nature des discussions que nous avons eues au cours de ces trois

16 jours, et quand le 19, ils nous ont lancé un ultimatum, le dimanche soir,

17 vers 21 heures 45, les choses ont pris une tournure différente.

18 Q. Qui était à l'origine de cet ultimatum et en quoi consistait-il

19 exactement ?

20 R. Voici comment cela s'est passé : on était dans le bâtiment, et Nedeljko

21 Rasula, président de l'assemblée, a appelé Vlado Sabica et lui a dit qu'on

22 devait quitter le bâtiment, qu'il fallait qu'on mette nos armes devant le

23 bâtiment, que l'on place nos armes devant le bâtiment et que rien n'allait

24 nous arriver, qu'on allait rien nous faire. Il a dit que si on ne se

25 conformait pas à ses instructions, à ce moment-là, on ne serait plus de ce

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1 monde.

2 Q. Je vous interromps une seconde. Vous avez parlé de

3 M. Rasula. Pouvez-vous donner son nom ? Enfin, vous avez parlé de quelqu'un

4 qui l'a appelé, et cela n'apparaît pas bien au compte rendu d'audience. De

5 qui s'agit-il exactement ?

6 R. Suada Sabica.

7 Q. Est-ce qu'on vous a donné une heure à laquelle il fallait que vous ayez

8 quitté le bâtiment ?

9 R. Oui, 22 heures. Quand Suad Sabic est arrivé, quand il nous a relaté la

10 conversation qu'il venait d'avoir avec Rasula, on s'est réuni. Dans

11 l'intervalle, l'un des policiers nous a appelé. Il avait regardé par la

12 fenêtre, et comme c'est une colline, il a vu qu'il y avait une colonne qui

13 s'approchait et qui comptait une trentaine de véhicules. C'était la nuit.

14 Les véhicules avaient les phares allumés. Tout de suite, on était sûr à 100

15 % qu'il s'agissait d'une colonne d'hommes de la 6e Brigade de la Krajina

16 qui était postée à Luka Palanka, à 25 kilomètres de là, sous le

17 commandement de Pukovnik Basara. Quand on a vu ces soldats, on a compris

18 que nous n'avions plus le choix, qu'il fallait quitter le bâtiment de la

19 municipalité par l'arrière. La plupart d'entre nous est allé au village de

20 Sehovac, et il y a en a d'autres qui sont allés à Gornja Mahala, un plus

21 petit nombre.

22 Q. Savez-vous ce qui c'est passé ensuite au bâtiment de la municipalité

23 une fois que vous l'avez quitté ?

24 R. Après notre départ ce soir-là, le bâtiment était pilonné. On a tiré sur

25 le bâtiment avec des grenades à fusil, des bombes qui ont été lancés. On a

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1 tiré sur le bâtiment avec des fusils automatiques, des grenades, des Zolja,

2 et cetera. Le lendemain, quand je suis allé au bâtiment municipal, au

3 moment où le général Talic arrivait, j'en ai profité pour aller jeter un

4 coup d'œil dans mon bureau. Les murs étaient criblés de balles. Tout avait

5 été complètement détruit.

6 Q. Je vous interrompe parce que je voudrais vous présenter une pièce à

7 conviction en date du 20 avril. J'aimerais que vous nous fassiez part de

8 vos observations à ce sujet de ce document. C'est un document qui vient

9 apparemment de la cellule de Crise de la municipalité serbe, ceci adressé

10 au chef d'état-major du service de Sécurité public de Banja Luka, ainsi

11 qu'à l'agence d'information serbe.

12 Je sais que le troisième paragraphe : "La cellule de Crise de la

13 municipalité serbe de Sanski Most estime qu'il convient d'employer la force

14 afin de libérer le bâtiment de la municipalité de Sanski Most, occupé par

15 des forces armés et des extrémistes du SDA. De longues négociations très

16 difficiles n'ont menées à rien."

17 On parle du SDA ici, des dirigeants du SDA. De qui s'agit-il ? On parle

18 d'extrémistes. De quoi s'agit-il ?

19 R. Voyez-vous : si effectivement, il y avait des extrémistes du SDA, cela

20 ne pouvait être que moi, et je suis ici devant vous. Le président du

21 conseil exécutif d'une instance légalement élu, dans un gouvernement

22 légalement élu, avec des policiers légalement nommés, et cetera, et vous

23 avez en face ces unités paramilitaires qui veulent se présenter comme les

24 représentants de la légalité, qui agissaient en toute légalité, alors qu'en

25 fait ils nous empêchaient de faire notre travail. Pour ce qui est de ces

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1 négociations, ce sont eux qui les ont prolongés abusivement. Parfois ils

2 faisaient mine de nous donner leur accord. Ils essayaient de nous gagner à

3 leur cause. En fait, il ne cessait de rendre notre situation de plus en

4 plus intenable.

5 M. HANNIS : [interprétation] Pardonnez-moi, je crois que nous n'avons pas

6 de numéro pour cette pièce à conviction. Pourrions-nous avoir un numéro,

7 s'il vous plaît ?

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pardonnez-moi, il s'agit de la pièce

9 numéro P104.

10 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Madame.

11 Q. Monsieur Karabeg, vous m'avez dit que vous êtes revenu le lendemain, le

12 20 avril. Pourriez-vous nous dire comment ceci s'est passé, s'il vous

13 plaît ?

14 R. C'est ainsi que les choses se sont passées : le 19 avril, vers 22

15 heures, nous avons quitté le bâtiment de la municipalité, forcé et contre,

16 et nous nous sommes rendus à Sehovci, où nous avons passé toute la nuite.

17 Le lendemain matin, vers 7 heures 05 du matin, le président de la

18 municipalité, Nedeljko Rasula, nous a appelé et s'est entretenu avec Suad

19 Sabic encore une fois. Il lui a dit le général Momir Talic devait arriver à

20 11 heures dans le bâtiment de la municipalité, accompagné de ses acolytes,

21 et qu'il devait nous parler des difficultés de ce moment-là. Nous avons

22 accepté cela, et ensuite il a dit, "je vais envoyer une groupe de policiers

23 à 11 heures 45, de façon à ce que vous puissiez être escortés." Nous avons

24 répondu que nous ne souhaitons pas être escortés par eux mais par nos

25 propres policiers qui avaient été nommés par nous pour nous escorter. Il

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1 nous a dit que cela -- il a dit un peu plus tard que nous pouvions être

2 accompagné par nos propres officiers de police, mais que nous devions nous

3 y trouver à midi de façon à pouvoir poursuivre le pourparler des

4 négociations.

5 Nous sommes arrivés sur place, escortés par nos propres forces de police.

6 Suad Sabic et Anto Tunjic, au nom du HDZ, et Kurbegovic. Nous sommes

7 arrivés à Sanski Most dans le bâtiment de la municipalité, et nous avons

8 été reçus finalement par le président,

9 M. Rasula.

10 Q. Je souhaite vous poser quelques sujets à ce propos. Où cette réunion

11 s'est-elle tenue ?

12 R. Dans le bâtiment de la municipalité, dans le bureau du président

13 d'alors, le président Nedeljko Rasula, le président serbe de la

14 municipalité à ce moment-là.

15 Q. Il s'agit du même bâtiment que vous aviez quitté la veille, n'est-ce

16 pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous avez relaté les différentes destructions que vous aviez pu noter

19 au niveau de ces bâtiments. Avez-vous remarqué qu'il y avait des forces

20 armées autour du bâtiment, et si oui, quelle était cette formation

21 militaire ?

22 R. Je vous dis qu'il y avait des formations militaires autour du bâtiment.

23 Pour autant que je puisse remarquer, il s'agissait des membres de la

24 police. En tout cas, d'après ce que je pouvais voir, le président du parti,

25 M. Vlado Vrkes, et ceci ne fût qu'indicatif, c'est en tout cas ce que nous

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1 avons remarqué, est entré dans le bâtiment dans un nouvelle uniforme

2 militaire. Il avait un pistolet autour de la taille. Nous pouvions

3 remarquer, alors que nous entrions dans le bâtiment, que le bâtiment avait

4 été endommagé.

5 J'ai saisi cette opportunité, lorsque je suis arrivé, pour visiter mon

6 bureau, parce qu'il se situe avant le bureau du président Rasula. J'ai vu

7 qu'il était criblé de balles. Des grenades à main avaient été lancées dans

8 le sous-sol. Cela on pouvait le constater également.

9 Q. Hormis les personnes que vous avez déjà décrites, qui d'autre a pris

10 part à cette réunion ? Il y avait-il des représentants de la JNA ?

11 R. Oui. Le général Momir Talic, le feu Momir Talic, le colonel Hasagic. Le

12 commandant Zeljaja était présent, mais je ne me souviens pas des autres

13 personnes.

14 Q. Quel a été le sujet de vos discussions à cette réunion ?

15 R. Nous avons parlé de la situation qui prévalait à ce moment-là, le fait

16 que nous étions auparavant dans le bâtiment de la municipalité, qu'un

17 ultimatum avait été lancé, qu'un bâtiment de la municipalité avait été

18 attaqué, et que des locaux avaient été détruits, que les soldats de la 6e

19 Brigade de Krajina avait mis en place des postes de contrôle et des

20 barrages routiers, et que bon nombre de soldats se déplaçait dans un état

21 d'ébriété, et tiraient un peu partout. La situation dans son ensemble était

22 assez chaotique.

23 Le général Talic a écouté nos propos, et nous avons adopté un certain

24 nombre de conclusions suite à cela. Nous avons établi que les postes de

25 contrôle devaient être retirés, que des organes devaient être élus de façon

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1 légale et que ces organes devraient pouvoir fonctionner à nouveau et qu'on

2 devait mettre fin à la fusillade, à la destruction des bâtiments et des

3 différentes entreprises qui se trouvaient dans ces bâtiments.

4 Le général Talic a accepté la proposition et la conclusion suite à cette

5 réunion. A ce moment-là, nous pouvions parler en public à la radio, la

6 session de radio locale. Nous avons proposé et suggéré qu'ils lisent à

7 haute voix nos conclusions. Néanmoins, le directeur de la station locale,

8 M. Orlovic, a dit que cela n'était pas réalisable au plan technique. Nous

9 n'étions pas d'accord là-dessus. Nous avons, également, proposé que le

10 général Talic prenne son téléphone et appelle le directeur de la radio

11 locale, ces conclusions pouvaient être lues et diffusées à la radio.

12 Le général Talic a dit, néanmoins, qu'il n'avait pas le temps de le faire

13 parce qu'il devait rentrer à Banja Luka. Il y a quelque chose sur lequel il

14 tombé d'accord. Il a accepté de se réunir à nouveau, dans ce bâtiment de la

15 municipalité, le soir de ce même jour, vers 11 heures, de façon à ce que

16 nous puissions continuer à évoquer toutes ces questions et de façon à ce

17 que nous puissions adopter d'autres conclusions.

18 Je suis arrivé. Je me suis trouvé à l'extérieur du bâtiment, mais le

19 bâtiment de la municipalité avait été encerclé et bloqué par des membres de

20 la police. Il y avait une file de véhicules de transport, un certain nombre

21 de policiers à l'extérieur du bâtiment, et je me suis rendu compte qu'il

22 n'était plus possible de rentrer dans le bâtiment de la municipalité.

23 Q. Je vais vous arrêter ici. Je souhaite vous poser quelques questions à

24 propos des conclusions auxquelles vous êtes arrivé en présence du général

25 Talic. Je souhaite vous montrer un document qui a été marqué. Il s'agit de

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1 la pièce à conviction suivante.

2 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

3 souhaite vous donner quelques explications au sujet de ce document. Ces

4 documents précisent que c'est le journal de Nedeljko Rasula, le président

5 de la cellule de Crise à Sanski Most. Cette pièce a été versée comme

6 élément de preuve dans l'affaire Brdjanin. Pour vous permettre, Monsieur le

7 Président, Messieurs les Juges, d'arriver à vos conclusions, je pense qu'il

8 est important de prendre en compte les éléments de preuve en vertu de

9 l'Article 92 bis pour certains témoins de Sanski Most, qui parlent plus en

10 détail de certains éléments abordés par ce témoin. En particulier, le

11 témoignage d'Adil Draganovic. Pour l'instant, je souhaite lire un petit

12 extrait de ce journal qui relate cette réunion et un autre passage que je

13 souhaite lire au témoin, je vais lui demander de faire quelques

14 commentaires à propos de son arrestation.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce porte le numéro P105.

16 M. HANNIS : [interprétation] Je souhaite maintenant vous lire un extrait de

17 texte anglais en bas de la page 16, numéro ERN 01104343, qui se poursuit

18 sur la page suivante.

19 Q. Monsieur Karabeg, en ce qui vous concerne, je sais que le journal est

20 écrit en cyrillique, et qu'il est écrit à la main. Est-ce que vous lisez le

21 cyrillique, Monsieur ?

22 R. Oui, je peux lire les lettres majuscules en cyrillique, oui.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez, je suis un petit peu confus.

24 Si vous dites que cela commence en bas de la page 16 et vous dites que les

25 derniers chiffres du numéro ERN correspondent à 4343 et, moi, j'ai ici

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1 4344, dans ma version anglaise.

2 M. HANNIS : [interprétation] Pardonnez-moi. Peut-être qu'il y a une

3 différence dans la numérotation des pages.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, j'ai quelque chose qui est indiqué

5 ici en bas de la page 17, une inscription, je ne sais pas.

6 M. HANNIS : [interprétation] S'agit-il des commentaires du général Talic ?

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez parler du général Talic

8 et des ses remarques et conclusions, ceci se situe en bas de la page 17 de

9 mon texte, numéro ERN 4345.

10 M. HANNIS : [interprétation] Bien, Monsieur le Président, j'ai un numéro

11 différent sur mon exemplaire, mais c'est cela que je souhaite présenter,

12 les remarques et conclusions du général Talic.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'est pas judicieux de procéder

14 ainsi. Il faut utiliser le même document. Sinon, il va falloir vérifier

15 chaque mot.

16 M. HANNIS : [interprétation] Oui, j'ai l'autre exemplaire. Il semble que la

17 numérotation des pages soit différente. Nous avons maintenant le même

18 exemplaire.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je demander un autre point de

20 clarification, s'il vous plaît. Ma première page comporte deux numéros ERN,

21 un numéro en haut, qui est le 01104328, et en bas, le numéro ERN que j'ai

22 est le 01104329.

23 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, cet exemplaire, je

24 crois, comporte plus d'un numéro ERN par page. Cela ne correspond pas

25 toujours.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est ce que je constate. Cela

2 change après le numéro 10. Dans le texte original, en bas de la page 17. On

3 va voir si on arrive à vous suivre. Numéro ERN, les quatre derniers

4 chiffres sont 4345.

5 M. HANNIS : [interprétation]

6 Q. Monsieur Karabeg, je souhaite vous lire un extrait et ensuite vous

7 poser une question. Dans le document, il est précisé ici que : "Dans ses

8 conclusions, le général Talic parvient à un accord pour que la police

9 militaire de Prijedor va rester et peut-être même la police de Banja Luka

10 ne reconnaît pas les formations paramilitaires et ne permettent pas que des

11 barrages routiers soient mis en place. La JNA va garantir la paix et la

12 sécurité des citoyens et des biens, et nous vous demandons votre aide."

13 Ensuite, il est précisé : "N'appelez personne à l'aide, sinon, vous aurez

14 Kupres, Bosanski, Vukovar."

15 Vous souvenez-vous avoir entendu le général Talic faire ces remarques au

16 cours de cette réunion ?

17 R. Oui.

18 Q. Comment entendez-vous cette remarque à propos de Kupres, Bosanski Brod

19 et Vukovar ?

20 R. Je vais vous expliquer comment les choses se sont passées. Nous avons

21 entendu par là qu'il faisait allusion à la situation dans ces villes-là.

22 Sanski Most allait, également, être détruite et faire partie du conflit.

23 C'est cela qu'il avait à l'esprit. C'est, en tout cas, ce que nous avons

24 pensé lorsqu'il a fait référence à Vukovar et à la situation dans cette

25 ville-là. La ville qui avait fait l'objet d'une destruction massive et d'un

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1 conflit important.

2 Q. Après cette réunion, vous avez précisé que certaines propositions

3 avaient été avancées, propositions sur lesquelles vous étiez tombés

4 d'accord, y compris l'enlèvement des postes de contrôle. Ceci a-t-il été

5 appliqué conformément à cet accord ?

6 R. Non, non. Ceux-ci n'ont pas été appliqués, c'était tout à fait le

7 contraire, la situation empirait. Nous avons proposé une nouvelle réunion

8 et nous devions nous retrouver à nouveau vers 18 heures dans le bâtiment de

9 la municipalité, mais cette réunion n'a jamais eu lieu.

10 Il y avait d'autre chose également, quelque chose dont je dois parler ici.

11 Lorsque nous nous sommes séparés du général Talic, ce jour-là, je lui ai

12 parlé un petit peu, et je lui ai dit qu'il avait vu, de ses propres yeux

13 quelle était la situation. Je lui ai dit également que je ne pensais pas

14 que la réunion allait se tenir le soir même. Le général Talic m'a donné son

15 numéro de téléphone et il m'a dit que je pouvais l'appeler, à n'importe

16 quel moment de la journée, si la situation empirait.

17 Comme nous ne nous sommes pas revus, le 20 mai à 18 heures, le lendemain,

18 la situation était inchangée, le mercredi, vers 9 heures, 9 heures 30, j'ai

19 appelé le général Talic. J'ai appelé le numéro qu'il m'avait donné, c'était

20 assez étrange car j'ai pu l'avoir au bout du fil quelques 10 à 15 secondes

21 plus tard. Je n'ai pas eu besoin d'attendre et je lui ai dit que Rasula

22 n'acceptait aucune des conclusions auxquelles nous étions parvenues. Il a

23 haussé le ton et il a insulté Rasula. A ce moment-là, je crois que c'était

24 le jeudi, c'était le jour de la libération de Banja Luka, car je regardais

25 les informations et on avait pu, dans l'actualité, voir la cérémonie qui

Page 2810

1 avait lieu ce jour-là. J'ai vu Talic qui était au premier rang en présence

2 de Krajisnik et de Biljana Plavsic également. A cause de cela, j'ai ri

3 quand il m'a répondu.

4 Permettez-moi de terminer, s'il vous plaît. J'ai ri et j'ai dit que : "Ces

5 gars sont en train de me mentir. Ils font semblant de vouloir nous aider,

6 mais en fait, ils n'acceptent aucune de nos propositions." C'était vraiment

7 une claque pour moi, le fait d'avoir vu le général présent à cette

8 cérémonie, c'est lui qui nous avait donné ces garanties, la veille.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaiterais avoir un point de

10 clarification, s'il vous plaît. Un peu plus tôt, vous avez dit que la

11 deuxième réunion qui s'est tenue le deuxième jour devait se tenir vers 11

12 heures du soir. Ensuite, à deux reprises, vous avez parlé de cette réunion

13 se tenant à 18 heures.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, entre le 17 et le 19 avril, le

15 vendredi, le samedi et le dimanche, il s'est écoulé un certain temps, à 22

16 heures, le 19 avril, on nous a obligé de quitter le bâtiment de la

17 municipalité et nous rendre à Sehovci. Ensuite, le 20, ils nous ont

18 convoqué à cette réunion qui devait se tenir à midi et qui a duré jusqu'à

19 15 heures de l'après-midi en présence du général Talic. A ce moment-là,

20 nous nous sommes mis d'accord pour nous retrouver à 18 heures en présence

21 de Rasula et d'autres personnes dans le bâtiment de la municipalité de

22 Sanski Most afin de poursuivre nos travaux.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais si on lit le compte rendu

24 d'audience, je souhaite attirer l'attention des parties à la page 26, ligne

25 6, il est clairement indiqué dans votre témoignage : "Le général Talic a

Page 2811

1 dit que nous n'avions pas le temps pour cela parce que je devais rentrer à

2 Banja Luka, mais il y a un point sur lequel nous sommes tombés d'accord,

3 celui de nous revoir dans le bâtiment de la municipalité, ce même jour,

4 vers 11 heures du soir pour continuer à évoquer toutes ces questions et

5 adopter d'autres conclusions."

6 Je ne sais pas si c'est une erreur de traduction ou si, vous-même, vous

7 avez dit 11 heures. En tout cas, au compte rendu d'audience, il est précisé

8 que c'est 11 heures. Je ne sais pas, puisque vous avez parlé, à deux

9 reprises, de 18 heures, par la suite.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Non, non, ceci n'a jamais eu

11 lieu, et je n'ai pu dire cela. Le général Talic a dit qu'il n'avait pas le

12 temps et à 15 heures, le 20, il est parti. Il a quitté Sanski Most pour se

13 rendre à Banja Luka, mais nous, qui étions restés sur place, nous

14 souhaitions nous retrouver dans le bâtiment de la municipalité à 18 heures

15 de façon à poursuivre nos pourparlers.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quoiqu'il en soit, il a dû y avoir une

17 erreur à propos de 11 heures.

18 Nous avons des contraintes de temps, vous avez expliqué, un peu plus tôt,

19 que lorsque vous souhaitiez ajouter quelque chose, vous pouviez le faire.

20 Néanmoins, je souhaite vous dire clairement qu'il faut suivre les questions

21 avec beaucoup d'attention. Si nous souhaitons avoir davantage de

22 renseignements là-dessus, nous vous poserons des questions à cet effet. Je

23 vous demande de bien écouter ce que vous dit le conseil. Si vous souhaitez

24 soulever un point en particulier, vous pouvez demander à ajouter quelque

25 chose, bien sûr.

Page 2812

1 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Q. La dernière fois que vous vous êtes entretenu avec le général Talic,

3 c'était au cours de cette conversation téléphonique où vous vous êtes

4 plaint de M. Rasula puisqu'il avait omis d'appliquer les accords du 20

5 avril. C'est la dernière fois que vous lui avez parlé.

6 R. Oui.

7 Q. Y avait-il quelqu'un d'autre de la JNA qui est devenu votre

8 interlocuteur entre vous et le SDA après cela, après le dernier contact que

9 vous avez eu avec le général Talic ?

10 R. Oui, le colonel Basara.

11 Q. Le colonel Basara a-t-il fait quelque chose pour la communauté de

12 Sanski Most à ce moment-là ? A-t-il parlé de ce que la JNA pourrait faire

13 et ferait pour essayer d'améliorer la situation ?

14 R. Voyez-vous, les choses se sont passées ainsi. Je n'ai pas participé aux

15 pourparlers en présence de Basara. C'était la Ligue patriotique qui avait

16 été créée à ce moment-là, qui était composée des représentants des groupes

17 de gauche, et je sais que Fuad Kurbegovic m'a dit qu'il s'était entretenu

18 avec Basara lors de cette réunion, et qu'il avait dit qu'il veillerait à ce

19 que la situation dans la municipalité de Sanski Most soit améliorée, qu'il

20 protégerait la population non-Serbe. Suad l'a remercié pour cela et il a

21 dit qu'il avait proposé que le colonel Basara soit déclaré citoyen

22 honoraire de Sanski Most, mais rien n'est advenu de cela, car les promesses

23 n'étaient pas respectées. Il n'a jamais été déclaré citoyen honoraire de

24 Sanski Most.

25 Q. Je crois que vous avez abordé cette question dans votre déclaration. Au

Page 2813

1 paragraphe 60, vous dites que le colonel Basara avait prononcé, je cite :

2 "Gérer la question des extrémistes au sein du SOS et du SDS." A-t-il,

3 effectivement, géré cette question des extrémistes au sein du SDS et du

4 SOS ?

5 R. Non.

6 Q. Vous avez évoqué un peu plus tôt le SOS. Pourriez-vous nous donner les

7 noms de quelques Serbes locaux de Sanski Most qui faisaient partie de cette

8 unité ? Vous avez déjà cité quelques noms, pouvez-vous nous en donner

9 d'autres ?

10 R. Dusan Mudrinic, Dusko Savija, Tomo Delic, Dane Kajtez, également connu

11 sous le nom de Daniluska. Je ne me souviens pas des autres noms.

12 Q. Avez-vous été arrêté vous-même ?

13 R. Oui, j'ai été arrêté le 25 mai 1992.

14 Q. Où avez-vous été arrêté et par qui ?

15 R. J'ai été arrêté chez moi, et c'est les personnes dont je viens de

16 donner les noms qui m'ont arrêté. Leur chef était Dusan Mudrinic, alias

17 Medeni. Il y avait ensuite d'autres personnes. Ils sont arrivés à bord de

18 deux véhicules. Je me souviens de Mico Krunic, un officer de police à la

19 retraite, qui était parmi eux, et cet homme dont le surnom était Lasta. Je

20 ne connais pas son nom de famille. Je ne me souviens pas des autres

21 personnes présentes. Je sais simplement qu'ils étaient en nombre d'huit, et

22 qu'ils étaient venus à bord de deux véhicules; une vieille Mercedes et une

23 Lada Niva, et qu'ils étaient armés jusqu'aux dents.

24 Q. Portaient-ils un quelconque uniforme ?

25 R. Oui. Ils portaient des uniformes de camouflage, mais certaines d'entre

Page 2814

1 eux portaient également les uniformes de la Milicija ou de la police.

2 Q. Où vous ont-ils amenés ?

3 R. Ils m'ont amené au poste de police. Medeni m'a dit que Rasula et

4 d'autres officiers de police souhaitaient me voir pour avoir un entretien

5 avec moi.

6 Q. Je vais vous arrêter ici, Monsieur.

7 M. HANNIS : [interprétation] Je crois qu'il est temps de faire une pause.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que le moment est opportun pour

9 faire une pause. Nous allons faire une pause jusqu'à 11 heures moins 5.

10 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

11 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, est-ce que vous avez la

13 moindre idée du temps qu'il vous faut encore pour en finir de votre

14 interrogatoire principal ?

15 M. HANNIS : [interprétation] Je ne crois pas qu'il me faudra plus d'une

16 heure, Monsieur le Président. Aux termes du nouvel horaire qui avait été

17 adopté, nous disposons de quatre heures.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je sais, je sais. Nous espérions

19 pouvoir gagner quelque temps dans le cadre de cette discussion sur

20 l'Article 89(F). Je vous en prie, veuillez procéder.

21 M. HANNIS : [interprétation]

22 Q. Monsieur Karabeg, je pense que vous avez toujours sous les yeux la

23 pièce à conviction P105. Il y a une page dont j'aimerais vous lire un

24 extrait avant de vous poser une question à ce sujet.

25 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Page 2815

1 dans la version anglaise, il s'agit de la page dont le numéro ERN est

2 01104365, page 39.

3 Q. Monsieur Karabeg, dans ce document --

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, un instant, avant que

5 M. Hannis ne poursuive. J'aimerais disposer du numéro de page en B/C/S, de

6 façon à ce que M. Krajisnik puisse trouver rapidement la bonne page.

7 M. HANNIS : [interprétation] Je m'apprêtais précisément à donner ce numéro

8 de page, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est l'intercalaire 25, si cela

10 intéresse quelqu'un.

11 M. HANNIS : [interprétation] Oui, et le numéro ERN de la version B/C/S,

12 c'est 00379462. Cela se trouve en haut à droite de la page. Nous parlons

13 d'une rubrique qui concerne le 25 mai 1992.

14 Q. Quatre points sont énumérés. Au troisième point, il est question du

15 plan de désarmement et de ses débuts. Au point quatre, on parle d'empêcher

16 les opérations de l'ennemi, d'arrêter les dirigeants, et on parle également

17 des centres de détention.

18 Le point 4 est développé plus en détail un peu plus bas où il est question,

19 je cite : "De placer en état d'arrestation, Adil Draganovic et Pajinovic,

20 Mirzet Karabeg et d'autres."

21 Monsieur Karabeg, vous nous avez parlé de votre arrestation le 25 mai,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Au cours du mois d'avril et de mai 1992, étiez-vous au courant d'actes

25 de désarmement qui auraient eu lieu dans la municipalité de Sanski Most ?

Page 2816

1 R. Jusqu'au 11 avril 1992, jusqu'à la mise en œuvre de la proposition du

2 SDS concernant la nécessité pour les policiers de signer un acte

3 d'allégeance et d'arborer les insignes serbes de la province autonome de

4 Banja Luka, nous nous étions distribués les armes de la Défense

5 territoriale de façon paritaire. Nous nous étions également distribués, de

6 façon paritaire, les réservistes au sein de la police. Nous tenions, par

7 ailleurs, ensemble des points de contrôle dans la municipalité, jusqu'à

8 l'arrivée de la 6e Brigade de Krajina dans la municipalité de Sanski Most

9 un peu plus tard.

10 Q. Je vous prie de m'excuser, Monsieur Karabeg. Je n'ai pas été assez

11 clair. Est-ce que des actes --

12 R. Oui, oui, j'y arrivais. J'étais sur le point d'en parler. A ce moment-

13 là, par les médias, par la police serbe, par les dirigeants du SDS, il a

14 été demandé aux habitants non-serbes de restituer les armes qu'ils avaient

15 à leur domicile. Ces habitants ont accepté de se soumettre à cela, car ils

16 savaient très bien ce qui leur arriverait s'ils ne coopéraient pas. C'est

17 ainsi qu'ils ont restitué les armes qui leur avaient été distribuées de

18 façon tout à fait légale.

19 Moi, par exemple, en tant que président du conseil exécutif, j'avais, chez

20 moi, un fusil automatique et 200 balles enfermés dans un coffre.

21 Q. Avez-vous restitué votre arme ?

22 R. Oui.

23 Q. Au point 3 de ce plan de désarmement que l'on trouve dans la pièce à

24 conviction P105, nous lisons que les civils capturés doivent être utilisés

25 aux fins d'échanges. Avez-vous fini par être échangé après votre

Page 2817

1 arrestation et votre détention ?

2 R. J'ai été échangé le 31 octobre 1992. J'étais dans le camp de Manjaca,

3 et mon arrestation a eu lieu le 25 mai, date à partir de laquelle j'ai subi

4 de nombreux passages à tabac, mais j'ai survécu.

5 Q. J'aurai d'autres questions à vous poser dans ce cadre mais, pour le

6 moment, Monsieur, j'indique que nous avons terminé avec cette pièce à

7 conviction. Vous n'en avez plus besoin.

8 Avant la suspension d'audience, vous avez dit avoir été arrêté et amené au

9 poste de police de Sanski Most.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, avant de poursuivre, je

11 remarque que vous avez appelé l'attention de la Chambre sur deux pages

12 précises de ce document. Bien sur, il est impossible de laisser de côté le

13 contexte dans lequel on trouve ces pages. Si vous devez vous limiter, dans

14 votre demande de versement au dossier, à ces deux pages, je me pose la

15 question de savoir si nous ne devrions pas admettre, en tant que pièce à

16 conviction, l'ensemble du journal personnel.

17 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous demanderons la

18 versement au dossier de l'intégralité du journal intime, avant d'en finir

19 avec la question de Sanski Most, parce qu'il y est question de plusieurs

20 témoins --

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous obtiendrons aussi les autres

22 parties pertinentes, les autres extraits.

23 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Cela règle la question,

25 Monsieur Hannis.

Page 2818

1 M. HANNIS : [interprétation]

2 Q. Monsieur Karabeg, quand on vous a amené au poste de police, que vous

3 êtes-il arrivé à cet endroit ?

4 R. Lorsque j'ai été arrêté, on m'a dit qu'on m'amenait pour une

5 conversation informative, comme ils appelaient cela. Je m'attendais à

6 rencontrer le président, Nedeljko Rasula, ainsi que Vlado Vrkes, je pensais

7 que nous allions réellement nous entretenir les uns avec les autres. Je

8 suis entré dans le bâtiment de la police, mais lorsque j'y suis arrivé, on

9 m'a dit de m'asseoir dans l'entrée, et on m'a dit qu'un policier allait

10 venir me chercher. Je connais le prénom de cet homme, c'est Kuzmo. Il m'a

11 dit que je devrais enlever mes chaussures, mes lacets, lui donner ma

12 ceinture et d'autres objets que j'avais sur moi, et il m'a escorté jusqu'à

13 la prison, jusqu'à la cellule, où il m'a placé en cellule numéro deux.

14 Q. Il y avait-il d'autres personnes dans cette cellule numéro deux lorsque

15 vous y êtes arrivé ?

16 R. Oui, j'ai trouvé trois autres personnes.

17 Q. J'aimerais à présent vous soumettre une photographie pour laquelle je

18 demande la côte suivante dans la pièce à conviction.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P106.

20 M. HANNIS : [interprétation]

21 Q. Pouvez-vous nous dire ce que l'on voit sur cette photographie, Monsieur

22 Karabeg ?

23 R. Cette photographie montre le bâtiment du poste de police de l'époque,

24 de la Défense territoriale, et du secrétariat à la Défense, ainsi que la

25 porte principale, c'est-à-dire, la porte à partir de la rue, menant à

Page 2819

1 l'intérieur du poste de police de l'époque.

2 Q. Pouvez-vous nous montrer sur cette photographie où se trouve exactement

3 cette entrée du poste de police, cette entrée principale ?

4 R. C'est ici que ce trouve l'entrée principale.

5 Q. Merci.

6 R. Aujourd'hui, le bâtiment a été changé et l'entrée principale a changée.

7 Q. Merci. Je demande, à présent, que l'on vous montre une autre

8 photographie, pièce à conviction suivante, je demande la côte.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, pour le compte rendu

10 d'audience, j'indique que le témoin a placé le pointeur sur la façade avant

11 du bâtiment de plus grande taille, du bâtiment de quatre étages que l'on

12 voit à gauche de la photographie. Je dis cela parce que si je ne le disais

13 pas, il faudrait que chacun consulte la vidéo pour voir ce qu'a montré le

14 témoin.

15 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, d'avoir tirer

16 cela au clair.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P107.

18 M. HANNIS : [interprétation]

19 Q. Monsieur Karabeg, quelle était la taille de la cellule dans laquelle on

20 vous a placée, approximativement ?

21 R. La cellule faisait deux mètres sur trois. Deux mètres de large, et

22 trois ou quatre mètres de long, je dirais plutôt trois mètres de long.

23 Q. Pourriez-vous jeter un coup d'œil sur la pièce à conviction P107, que

24 l'on a placée sur le rétroprojecteur à votre côté, pour nous dire si vous

25 reconnaissez ce que l'on voit sur cette photographie ?

Page 2820

1 R. On voit sur cette photographie l'une des cellules de la prison, dans

2 laquelle nous nous trouvions.

3 Q. Est-ce bien la cellule numéro deux, dans laquelle vous avez été

4 incarcérée ? Ou ne sauriez-vous nous dire ?

5 R. Je pense que cela pourrait être la cellule numéro deux. Je pense que

6 cela pourrait, vraiment, être la cellule numéro deux.

7 Q. Combien de temps êtes-vous resté dans cette cellule, combien de jours ?

8 R. Je suis resté dans cette cellule du 25 mai 1992 au 6 juin, en tout cas,

9 c'est la date que j'avais citée avant, mais là j'avais fait une erreur, en

10 effet. Ce n'était pas le 6, c'était, en fait, jusqu'au 9 juin, après quoi

11 j'ai été emprisonné dans les locaux de la l'entreprise Betonirka du 9 juin

12 au 7 juillet, et ensuite je suis revenu dans cette même cellule du 7

13 juillet au 28 août, cette cellule numéro deux de la prison.

14 Q. Au cours des deux périodes différentes où vous avez séjourné dans cette

15 cellule de la prison, quel a été le nombre de prisonniers maximum qui se

16 trouvait dans cette cellule ?

17 R. Le maximum, nous nous sommes retrouvé à sept, en permanence dans la

18 cellule. Une fois, ce nombre est monté pour atteindre 14 pendant certains

19 laps de temps. Parce qu'à un certain temps, ils ont pensé qu'il serait bon

20 pour eux de transférer sept hommes supplémentaires dans la cellule numéro

21 deux, à partir de la cellule numéro un. En fait, nous étions très contents

22 de nous retrouver ensemble, de parler les uns avec les autres. Nous avions

23 déjà parlé ensemble à travers le mur de séparation qu'il y avait entre la

24 cellule numéro un et la cellule numéro deux, mais quand nous avons été

25 réunis, regroupés dans la même cellule, on nous faisait sortir ensemble

Page 2821

1 pour le petit déjeuner et le déjeuner. Nous avons apprécié de nous

2 retrouver ensemble parce que quand nous étions dans deux cellules

3 différentes, si on se retrouvait pour les repas, on ne nous laissait pas

4 parler les uns avec les autres. Nous étions 14 à un certain moment dans

5 cette cellule, pour la nuit entière, et nous avons pu discuter toute la

6 nuit. Je redis une nouvelle fois que de façon régulière, nous n'avons pas

7 été plus que sept à la fois, dans cette cellule.

8 Q. Qui étaient les autres personnes qui se trouvaient dans cette cellule

9 avec vous. Les connaissiez vous ? Connaissiez-vous leur appartenance

10 ethnique ? Saviez-vous d'où ils venaient ?

11 R. Je connaissais toutes ces personnes, absolument. Toutes ces personnes

12 habitaient à la municipalité de Sanski Most, et c'était des non-Serbes de

13 la municipalité, des Bosniens musulmans et des Croates.

14 Q. Quelles étaient les conditions d'existence dans cette cellule ? On a

15 parlé de la dimension de la cellule, du nombre de personnes qui y étaient

16 incarcérées. En dehors de cela, du point de vue alimentation, conditions

17 sanitaires, quelles étaient vos conditions d'existence ?

18 R. Je vous dirais que je n'ai pas, tout de suite, reconnu cette cellule,

19 mais je me souvenais de l'ouverture qu'il y avait dans le mur, de cette

20 espèce d'ouverture, obturée par une plaque de tôle, avec des trous dans

21 cette plaque métallique, de tout petits trous permettant à l'air d'entrer.

22 C'était des petits trous de ventilation, mais en dehors de cela, le trou

23 était obturé par une plaque de tôle. On nous laissait sortir le matin

24 pendant cinq ou dix minutes, plutôt cinq que dix d'ailleurs pour le petit

25 déjeuner, et ensuite on nous faisait sortir à 15 où 16 heures pour le

Page 2822

1 déjeuner, toujours cinq ou dix minutes à la fois. Le reste du temps, nous

2 restions dans la cellule.

3 Lorsque nous nous trouvions dans la cellule, les conditions y étaient ce

4 qu'elles étaient. Il nous fallait toujours faire ce qu'on nous disait, mais

5 bien entendu, on nous frappait tout le temps. On nous donnait des ordres,

6 on nous ordonnait de nous frapper les uns et les autres. Quelquefois, il y

7 avait des hommes qui venaient dans la cellule et qui trouvaient toujours

8 une bonne raison pour nous passer à tabac.

9 Q. Quelles étaient les conditions sanitaires ? Comment faisiez-vous votre

10 toilette ?

11 R. S'agissant des conditions sanitaires, je vous dirais ce qui suit : nous

12 avions un WC, avec un robinet. Le lendemain, quand on nous laissait sortir

13 pour le petit déjeuner, et c'était la même chose pour le déjeuner, nous

14 faisions du mieux que nous pouvions pour nous alimenter le plus rapidement

15 possible afin d'avoir le temps, au retour, de faire un saut aux toilettes

16 et de pouvoir nous rafraîchir à l'aide de l'eau coulant de ce robinet.

17 Q. Pendant ces cinq ou dix minutes dont vous disposiez pour prendre vos

18 repas, petit déjeuner et déjeuner, quel genre de nourriture vous donnait-

19 on ?

20 R. Nous recevions les restes des repas de leurs réservistes. Les restes

21 des repas de leurs policiers de réserves. En effet, eux prenaient leur

22 repas avant nous, et s'ils laissaient quelque chose dans leur assiette, on

23 nous le donnait.

24 Nous n'avons pas vu cela, mais c'est la supposition que nous avons faite

25 parce que ce qu'on nous donnait était toujours froid et il y avait toujours

Page 2823

1 de l'eau qui avait été versé dans ce qu'on nous donnait. S'agissant du pain

2 qu'on nous distribuait, nous rêvions tout le temps de manger du pain. De

3 temps en temps, le soir, j'ai reçu une très mince tranche de pain.

4 Q. Qui étaient les personnes qui assuraient votre garde ?

5 R. Nous étions gardés, avant tout, par des policiers, des militaires comme

6 on les appelait, à l'époque; enfin, c'étaient des policiers. Ils étaient

7 organisés en trois équipes et faisaient les trois-huit. Il y a un élément

8 très caractéristique que j'aimerais évoquer. Par le passé, pour entrer dans

9 cette prison, il y avait un grand portail métallique qui fermait à clé.

10 Pour arriver jusqu'à nous, il fallait déverrouiller ce grand portail

11 métallique. Ensuite, on arrivait dans l'endroit où se trouvaient nos

12 cellules, où nous étions enfermés à raison de sept personnes par cellule.

13 Là encore, les cellules avaient des portes métalliques et il y avait une

14 petite ouverture dans ces portes métalliques. On pouvait ouvrir ce trou

15 pour avoir un peu d'air. Eux maintenaient cette ouverture constamment

16 fermée, cette toute petite fenêtre. Nous ne parvenions pas à aérer, ne

17 serait-ce qu'un tout petit peu, les cellules. Nous avons commencé à

18 suffoquer parce que nous manquions d'air. Un jour, en fin d'après-midi, on

19 nous a sortis de nos cellules et on a enlevé la plaque de tôle qui obturait

20 l'espèce de petite fenêtre qu'il y avait dans nos cellules. Nous, nous

21 avons pensé que c'était pour notre bien, pour que nous nous sentions mieux.

22 Nous étions très contents. Nous avons très vite compris que c'était dû au

23 fait que la Croix rouge internationale avait annoncé sa visite, et que

24 c'est pour cette raison qu'on avait enlevé les plaques perforées qui se

25 trouvaient sur les fenêtres, afin que ceux qui venaient rendre visite aux

Page 2824

1 cellules voient une aération bien assurée.

2 Q. Vous avez parlé de passages à tabac pendant votre séjour à cet endroit.

3 Qui étaient les personnes qui vous frappaient et de quel organisme

4 faisaient-ils partie ?

5 R. Nous partions du principe qu'il s'agissait toujours des policiers. Je

6 dirais que la plupart des hommes qui nous gardaient nous ont frappés, la

7 plupart d'entre eux.

8 Pour être très précis, je pourrais vous donner un exemple. Quand on nous

9 faisait sortir pour le déjeuner, il est arrivé un jour que je reste un peu

10 plus longtemps dans les toilettes pour me laver. Puis, je suis retourné

11 dans la cellule. J'ai vu qu'il n'y avait plus personne dans la cellule, et

12 le policier qui se trouvait là m'a dit : "Il n'y a plus personne ici.

13 Sors." Je suis sorti et j'en ai vu cinq qui étaient alignés le long du mur,

14 les mains sur le crâne et la tête penchée. Le policier m'a dit "Et bien,

15 voilà. Je te donne ma matraque, et donne cinq coups de matraque à chacun de

16 ces hommes." Qu'est-ce que je pouvais faire ? J'ai fait ce qu'on m'a dit.

17 J'ai commencé à les frapper. Lorsque j'en ai terminé, le policier m'a

18 dit : "Espèce de balija, ce n'est pas comme cela qu'il faut faire. Je vais

19 te montrer comment il faut faire." Il a pris la matraque et a commencé à

20 frapper les hommes qui étaient alignés le long du mur, l'un après l'autre.

21 Finalement, il m'a frappé moi aussi. Nous avons été frappés tous les six.

22 Q. Pour que tout cela soit clair, qui étaient les autres cinq hommes qu'il

23 vous a demandé de frapper ?

24 R. Et bien, voilà --

25 Q. Je ne vous demande pas leur nom, je vous demande leur appartenance

Page 2825

1 ethnique.

2 R. C'étaient des Bosniens et un Croate, Franjo Ilicic. Nous étions six

3 dans ma cellule, dans la cellule numéro 2 à ce moment-là. Ce que je viens

4 de raconter n'est qu'un exemple de situations courantes.

5 Q. J'aimerais à présent vous poser une question au sujet du lieu de

6 détention où vous avez été emmené ensuite. Vous dites que vous êtes resté

7 au poste de police du 25 mai au 29 juin, après quoi, on vous a emmené dans

8 les locaux de l'entreprise Betonirka. J'aimerais qu'une photographie vous

9 soit soumise.

10 M. HANNIS : [interprétation] Cote suivante, je vous prie.

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P108.

12 M. HANNIS : [interprétation]

13 Q. Pourriez-vous nous dire ce que représentait, précisément, l'entreprise

14 Betonirka de Sanski Most ? Quel genre d'installation était-ce ?

15 R. Betonirka, c'était des garages destinés à abriter des véhicules de

16 fonction de l'entreprise Sanakerm. Betonirka n'était qu'une filiale de

17 Sanakerm. C'était des garages dans lesquels on plaçait des véhicules de

18 fonction, garages inachevés d'ailleurs.

19 Q. J'aimerais que vous regardiez la pièce à conviction P108 et que vous

20 nous disiez ce qu'elle représente.

21 R. Sur la photographie que j'ai sous les yeux, je vois le bâtiment

22 administratif de Betonirka, ainsi que le bâtiment de la police.

23 Q. Pourriez-vous nous dire lequel de ces deux bâtiments est le bâtiment

24 administratif, sur cette photographie ?

25 R. [Le témoin s'exécute] Monsieur le Président, voyez-vous, ce bâtiment se

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1 trouve à l'entrée même de l'enceinte de Betonirka. Il se trouve ici. Là,

2 cet autre bâtiment, c'est le bâtiment de la police.

3 M. HANNIS : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, Monsieur le

4 Président, j'indique que le bâtiment administratif sur lequel le témoin a

5 placé le pointeur est le bâtiment de couleur blanche que l'on voit sur la

6 partie gauche de la photographie. Le témoin a indiqué également que le

7 bâtiment de la police se trouve sur la droite de la photographie. C'est ce

8 bâtiment de trois étages que l'on voit là.

9 Pourrions-nous, maintenant, avoir la photographie suivante, pour laquelle

10 je demande une cote ?

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P109.

12 M. HANNIS : [interprétation]

13 Q. Monsieur Karabeg, pourriez-vous nous dire ce que l'on voit sur cette

14 photographie ?

15 R. Sur cette photographie, on voit les garages de l'entreprise Betonirka

16 plutôt le camp Betonirka où nous avons été placés en détention.

17 Q. Avez-vous été incarcéré dans l'un de ces garages ?

18 R. Oui, dans le garage numéro 3. Je vais vous montrer d'ailleurs. A

19 partir de l'entrée, qui se trouve ici, vous voyez le garage numéro 1,

20 numéro 2, numéro 3. Je me trouvais dans le troisième.

21 Q. Vous avez déplacé le pointeur de la droite vers la gauche sur la

22 photographie, n'est-ce pas ? Le garage numéro 3 est celui que l'on voit sur

23 la gauche ?

24 R. A partir de l'entrée, oui.

25 Q. Merci.

Page 2827

1 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin la

2 photographie suivante pour laquelle je demande la cote suivante.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P110.

4 M. HANNIS : [interprétation]

5 Q. Pendant que ce document est distribué, Monsieur Karabeg, je vous

6 demanderais quelles étaient les opérations qui avaient cours dans le

7 bâtiment administratif, le bâtiment de couleur blanche que vous avez montré

8 tout à l'heure sur la photographie constituant la pièce à conviction P108 ?

9 R. Dans le bâtiment administratif se trouvait le QG des gardiens. En

10 général, lorsqu'ils nous passaient à tabac, ils nous frappaient, bien sûr,

11 aussi bien dans les garages que dans la cour. Les soirs, en général,

12 lorsqu'ils avaient l'intention de nous frapper, ils nous appelaient dans le

13 bâtiment administratif, un par un, de façon à éviter tout témoin oculaire

14 de ces passages à tabac.

15 Ce qui caractérisait la situation, c'est que lorsqu'on était appelé pour se

16 rendre dans ce bâtiment, individuellement, et qu'on était passé à tabac et

17 qu'on revenait dans le garage, une demi-heure plus tard, le même homme qui

18 m'avait emmené pour commencer, revenait et me disait, de façon provocatrice

19 : "comment vas-tu ? Comment te sens-tu ?" Il me demandait, en fait, si je

20 voulais subir un deuxième passage à tabac, si j'en avais besoin. Ensuite,

21 il faisait mine de me proposer sa protection. Dans ces cas-là, voyez-vous,

22 on regarde cet homme, on lève la tête vers lui et on se dit, mais bon sens,

23 tu m'as passé à tabac il y a à peine une demi-heure et tu reviens me

24 demander si quelqu'un d'autre pourrait me frapper, si j'aurais besoin

25 d'aide. Tout cela, c'était fait à des fins d'intimidation, bien sûr. Ils

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1 nous emmenaient de façon isolée dans ce bâtiment pour que personne ne soit

2 témoin de ces passages à tabac.

3 Q. Pourriez-vous, je vous prie, jeter un coup d'œil à la pièce à

4 conviction P110 et nous dire si vous reconnaissez ce que l'on y voit ?

5 R. Oui, je le reconnais.

6 Q. De quoi s'agit-il ?

7 R. C'est l'intérieur de l'un des garages.

8 Q. Quelle était la taille approximative des garages dans lesquels vous

9 avez été enfermé ?

10 R. Le garage mesurait 3 mètres sur 5, peut-être, 3 mètres sur 6. Je sais

11 qu'il avait 3 mètres de large, mais est-ce qu'il mesurait 5 ou 6 mètres de

12 long, je ne saurais le dire avec précision. Je pense que c'était plutôt 6

13 mètres.

14 Q. Pendant la période de détention que vous avez vécu dans ce garage, quel

15 a été le nombre maximum de personnes qui ont été enfermées dans cet endroit

16 en même temps ?

17 R. Nous nous sommes trouvés, à un certain moment, 37 dans ce cet endroit.

18 Lorsque j'y suis arrivé, nous n'étions que quatre. Un peu plus tard, nous

19 nous sommes trouvés 20 à 25, mais à un certain moment, ils ont arrêté

20 davantage de personnes que d'habitude et il s'est trouvé à un moment où

21 nous étions 37 dans ce garage.

22 Q. Quelle était l'appartenance ethnique des personnes enfermées à cet

23 endroit ?

24 R. Des non-Serbes, des Bosniens et des Croates.

25 Q. Est-ce qu'il y avait, là, des civils, des militaires ou des deux ?

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1 R. Tout le monde était civil.

2 Q. Savez-vous d'où venaient ces personnes, de quelle municipalité ?

3 R. Toutes les personnes qui étaient enfermées venaient de la zone de

4 Sanski Most, de cette municipalité. Il n'y avait pas d'autres détenus

5 venant d'autres municipalités.

6 Q. Qui assurait votre garde pendant votre détention dans ces garages ?

7 R. Je vais vous dire. En fait, ils ne nous gardaient pas vraiment. Ils

8 nous infligeaient des mauvais traitements. Ils nous passaient à tabac.

9 C'étaient tous des policiers, des gens de la police de réserve aussi, ainsi

10 que des membres des différents groupes, comme par exemple, les membres du

11 SOS ou des SOS qui venaient parfois, s'en prendre à moi ou à d'autres

12 détenus dans ces garages. En tout cas, il s'agissait, sans exception, de

13 gens qui étaient de la municipalité de Sanski Most.

14 Q. Quelle était l'appartenance ethnique des policiers ainsi que des

15 membres du SOS ? Quelle était l'appartenance ethnique des personnes qui

16 vous infligeaient des mauvais traitements et qui vous gardaient ?

17 R. C'étaient des Serbes.

18 Q. Vous nous avez expliqué, qu'à un moment, il y avait jusqu'à 37

19 personnes dans votre garage. Savez-vous ce qu'il advenait de ceux que l'on

20 emmenait de ce garage où vous étiez détenus ?

21 R. Je vais vous dire. Ceux qu'on venait chercher au garage, ensuite, ils

22 étaient passés à tabac. Certains de ceux qui étaient ainsi passés à tabac

23 étaient ensuite envoyés à Manjaca. Pour l'essentiel, ils étaient envoyés à

24 Manjaca.

25 M. HANNIS : [interprétation] Je souhaiterais qu'on présente au témoin le

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1 document suivant, un document en date du 4 juin.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P111.

3 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

4 Q. Monsieur Karabeg, vous nous dites qu'un certain nombre de personnes ont

5 été emmenées à Manjaca. Comment le savez-vous ?

6 R. Je vais vous dire comment. Généralement, il rassemblait les prisonniers

7 avant de les emmener à Manjaca. S'agissant de la zone de Sanski Most, je

8 crois que les détenus ont été emmenés cinq fois à Manjaca.

9 Moi, je faisais partie du dernier groupe qui comptait 49 personnes. Il nous

10 a aussi emmenés à Manjaca. On savait qu'on allait nous emmener à Manjaca.

11 J'ai également vu les gens qu'on avait emmenés à Manjaca précédemment. Je

12 les ai retrouvés à Manjaca quand on y est arrivé.

13 Q. J'aimerais que vous examiniez la pièce que vous avez sous les yeux,

14 00471274 en B/C/S. Il s'agit de la conclusion rendue par la cellule de

15 Crise de Sanski Most. Je m'intéresse plus particulièrement au numéro 1, au

16 numéro 2.

17 Au numéro 1, il est stipulé que trois personnes vont être chargées de

18 résoudre la question des prisonniers et du classement des prisonniers en

19 différentes catégories. Il s'agit des hommes politiques, des extrémistes

20 nationalistes et des personnes indésirables dans la municipalité de Sanski

21 Most.

22 A l'époque, aviez-vous connaissance de ces catégories et du type de

23 catégorie à laquelle vous-même vous apparteniez ?

24 R. Non. C'était avant-hier que j'ai vu pour la première fois ce document.

25 Q. Au point 2, il est précisé que la cellule de Crise à décider de nommer

Page 2831

1 le Drago Vujanic en tant que chef de la prison. Quand vous étiez en prison

2 derrière le poste de police et puis à Betonirka, est-ce que vous saviez qui

3 était le directeur de la prison ?

4 R. Non, en tout cas, pas au début. C'est seulement après mon arrivée que

5 j'ai appris que c'était le directeur de la prison. Moi, j'y étais du 25 mai

6 au 9 juin. Il n'est jamais venu nous voir pendant tout ce temps. J'ignorais

7 qui était le directeur de la prison. En fait, je pensais que c'était

8 Papric, parce que c'est lui qui était venu me voir au deuxième jour. C'est

9 seulement quand je suis arrivé à Betonirka que j'ai appris que c'était

10 l'autre qui était le directeur de la prison et Mico Krunic, un policier à

11 la retraite, était son adjoint.

12 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que l'on montre le document suivant

13 au témoin, et qu'on l'attribue une côte.

14 Mme LOUKAS : [interprétation] Je souhaiterais dire que nous nous opposons à

15 la présentation de ce document, car son origine n'a pas été établie de

16 manière satisfaisante. Dans la traduction en anglais, on nous a dit que

17 certains passages ont été soulignés, encerclés, et cetera. Il ne semble pas

18 que ce soit une véritable traduction.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, oui, j'ai remarqué

20 qu'au point 2, on voit la mention 3 entourée d'un cercle. Nous sommes

21 confrontés du même problème que cela que nous avons rencontré précédemment.

22 De plus, Me Loukas fait reposer son objection sur le fait que l'on n'a pas

23 établi de manière satisfaisante d'où vient ce document.

24 Maître Loukas, avant de poursuivre, j'aimerais vous demander de vous

25 reporter à la deuxième page de la version en B/C/S et la quatrième page en

Page 2832

1 anglais. Nous avons des indications non pas sur l'origine exacte du

2 document, mais Jutta Paczulla du TPIY atteste du fait qu'il s'agit d'une

3 copie qui a été dûment comparée à son originale. Je ne sais pas si vous

4 avez tenu compte de ce fait, si on avait la possibilité de faire venir Mme

5 Jutta Paczulla pour l'interroger à ce sujet.

6 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Oui, effectivement, nous voyons, ce

7 document vient de l'institution AID. Nous ne savons pas comment l'AID a

8 obtenu elle-même ce document. On ne sait pas quelle est l'origine de ce

9 document.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je prends note de votre objection.

11 Monsieur Hannis, serait-il possible pendant la pause suivante de trouver

12 des informations supplémentaires au sujet de ce document ? Si vous en avez

13 terminé votre interrogatoire principal avant la pause, nous voudrons la

14 possibilité de poser des questions supplémentaires au sujet de ce document.

15 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser au

16 témoin au sujet de ce document. Je vais m'en occuper et je vais également

17 traiter de la question de ce qui est mentionné dans la traduction des

18 passages qui sont entourées d'un cercle ou soulignées. Je pense que c'est

19 un problème semblable à ce que nous avons trouvé ce matin.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas si j'ai demandé à ce que le

22 document suivant soit montré au témoin.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je me demande si la

24 Chambre aurait l'amabilité de me laisser dire quelques mots à sujet du

25 point 2, quelques mots seulement au sujet de ce document.

Page 2833

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes confrontés d'une question de

2 procédure, Monsieur, que nous souhaiterions résoudre avant de vous entendre

3 au sujet de ce document.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, bien. Je n'allais pas témoigner au sujet

5 de ce document. Je voulais simplement dire au sujet de cette catégorie, la

6 catégorie des extrémistes nationalistes.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vous a demandé si vous saviez quoi

8 que ce soit de ces catégories, mais je préfère qu'on en reste là, si vous

9 permettez.

10 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

11 Q. Monsieur Karabeg, je souhaiterais vous présenter un autre document,

12 date du 6 juin. Je demande qu'on l'y attribue une côte.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P112.

14 M. HANNIS : [interprétation]

15 Q. Monsieur Karabeg, il semble qu'il s'agit-là d'une lettre venant du chef

16 de la police par intérim de Sanski Most, à l'attention du chef du

17 commandant militaire de Manjaca, au sujet d'un accord concernant les

18 prisonniers venant de Sanski Most, et transféré à Manjaca. Je m'intéresse

19 plus particulièrement au dernier paragraphe, où il est dit, je cite, "nous

20 confinons toujours en détention plusieurs personnes dans les cellules du

21 poste de sécurité publique. Nous allons vous les envoyer une fois que

22 toutes les démarches nécessaires ont été entreprises."

23 Vous avez été détenu à la prison de Sanski Most à ce moment-là, n'est-ce

24 pas ? Le 6 juin 1992, vous étiez détenu à cet endroit-là ?

25 R. Oui.

Page 2834

1 Q. Pouvez-vous dire aux Juges, à partir de ce que vous avez vécu à cet

2 endroit, pouvez-vous dire en quoi consistait cette démarche à entreprendre

3 ce traitement des prisonniers ? Le traitement administratif, en quoi

4 consistait-il ?

5 R. Voyez-vous, on nous rouait souvent de coups. On nous infligeait de

6 mauvais traitements, on nous soumettait à des humiliations. Bien entendu,

7 dans ce type de situation, il arrivait que nous soyons contraint de

8 reconnaître des choses que nous n'avions pourtant jamais faites. On

9 exerçait une forte pression sur nous. On essayait de nous contraindre à

10 faire des déclarations avant de nous envoyer à Manjaca. Nous étions 960 qui

11 avons été ainsi traités, et qui ont fait l'objet de ce traitement. Tous ces

12 gens-là venant de Sanski Most. C'est après avoir subi toute une série de

13 passages à tabac, mauvais traitements, et cetera, qu'on nous envoyait à

14 Manjaca, afin que des démarches suivantes soient entreprises. Il y a

15 également des gens qui venaient à Manjaca pour nous interroger, et les

16 passages à tabac se sont poursuivis à cet endroit également. Il faisait

17 sortir les gens des salles de détention pour les passer à tabac là aussi.

18 Q. Quand avez-vous été amené à Manjaca ?

19 R. Le 28 août 1992.

20 Q. Combien de temps êtes-vous resté là avant d'être changé ?

21 R. J'y suis resté jusqu'au 31 octobre 1992. A ce moment-là, j'ai été

22 échangé à Turbe, à côté de Travnik.

23 Q. Je ne vais pas vous poser des questions détaillées au sujet de votre

24 détention à Manjaca, car d'autres témoins nous en ont déjà parlé. J'ai une

25 question, cependant. Je veux savoir si pendant votre séjour à cet endroit,

Page 2835

1 vous avez eu l'occasion de vous entretenir avec des détenus de Manjaca qui

2 venaient de la municipalité de Sanski Most ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce vous êtes entretenu avec ces détenus ? Vous saviez ce qu'il

5 advenait des non-Serbes de la municipalité de Sanski Most au cours de cette

6 saison de l'été 1992 ?

7 R. Oui, je le savais, parce que c'était notre principal sujet de

8 conversation. Il y avait deux camps à Manjaca qui était séparés par une

9 clôture de fil de fer barbelé. Moi, j'étais dans le deuxième camp où il y

10 avait trois granges où se trouvait de 600 à 700 prisonniers. La plupart

11 d'entre nous venaient de Kljuc, Prijedor, Sanski Most, Kotor Varos, Jajce,

12 Sipovo, ainsi que d'autres secteurs de la région de Banja Luka. Nous étions

13 tous des non-Serbes. Nous étions des Musulmans et des Croates de Bosnie.

14 Q. Saviez-vous ce qu'il en était des non-Serbes de la municipalité de

15 Sanski Most, ce qui leur arrivait en dehors de ceux qui étaient

16 emprisonnés ? Est-ce que tous ces gens-là restaient dans la municipalité ?

17 Est-ce qu'ils la quittaient ?

18 R. On a reçu des informations selon lesquelles tout le monde, suite aux

19 mauvais traitements, aux meurtres, aux passages à tabac, aux incendies

20 criminels, aux pillages de propriétés non-Serbes, informations selon

21 lesquelles la majorité des gens ont essayé de partir aussi vite que

22 possible. Tout ceci leur a été infligé afin de les contraindre à partir de

23 chez eux.

24 Q. Avez-vous eu connaissance d'exigences posées par le SDS et les

25 autorités serbes, exigences visant à les forcer à quitter la municipalité ?

Page 2836

1 R. Non. La situation se présentait de la manière suivante : ces gens

2 étaient soumis à toute sorte de mauvais traitements, si bien que c'était

3 totalement invivable. Ils essayaient de partir aussi rapidement que

4 possible. Si on voulait quitter Sanski Most, il fallait signer une

5 déclaration dans laquelle on s'engageait à ne plus jamais revenir et une

6 déclaration par laquelle on transférait tous ses biens mobiliers et

7 immobiliers aux autorités de la municipalité. Ce qui est encore plus

8 parlant et frappant, c'est que tous ces gens étaient obligés de payer tous

9 les impôts, les impôts locaux, impôts fonciers, leurs factures

10 d'électricité et d'eau, et cetera. Ils devaient régler tout cela avant de

11 signer une déclaration aux termes de laquelle ils transféraient la

12 propriété de leurs biens à la municipalité.

13 Ceci, suite aux pressions qui s'exerçaient sur la population. Les gens

14 étaient dans une telle situation qu'ils devaient demander l'autorisation de

15 quitter la municipalité.

16 Un grand nombre de non-Serbes du territoire de Sanski Most travaillaient

17 ailleurs, à l'ouest, en tant que travailleurs saisonniers. Eux aussi, ils

18 ont dû signer des déclarations de ce type afin que leur famille puisse

19 partir pour aller en Croatie ou dans d'autres pays. Dans de nombreux cas,

20 il y a eu, tout simplement, des expulsions, sans autre forme de procès. Les

21 réfugiés serbes, les anciens combattants serbes se voyaient attribuer les

22 maisons de gens, qui eux, devaient habiter dans des dépendances à

23 l'extérieur ou, tout simplement, s'en aller.

24 Tout le monde le savait. Ils avaient décidé qu'on autoriserait qu'un

25 pourcentage inférieur à 10 % de non-Serbes à rester sur place.

Page 2837

1 Q. Je m'excuse. On va aller un petit peu plus vite parce que le temps

2 presse. J'aimerais encore aborder avec vous un ou deux points.

3 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais qu'on présente au témoin le

4 document suivant qui a trait à ce qu'il vient de nous dire. Il s'agit d'un

5 document qui date du 2 juillet 1992, document émanant de la cellule de

6 Crise.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P113.

8 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

9 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais, simplement, donner lecture de

10 l'Article 1 de cette décision intitulée "Décision relative aux critères

11 concernant la possibilité de quitter la municipalité." Article 1, je cite :

12 "Les familles et les personnes faisant une déclaration aux autorités

13 municipales habilitées selon laquelle elles s'engagent à quitter la

14 municipalité de manière permanente et qu'elles laissent leur biens

15 mobiliers et immobiliers à la municipalité de Sanski Most, ces familles et

16 ces personnes seront autorisées à quitter, de manière volontaire, la

17 municipalité de Sanski Most."

18 Est-ce que ceci correspond à ce que vous aviez entendu, à l'époque, au

19 sujet des exigences auxquelles devaient satisfaire les non-Serbes qui

20 voulaient quitter Sanski Most ?

21 R. Oui, j'en ai entendu parler. J'ai eu des contacts avec les non-Serbes

22 de la municipalité. On m'a dit, effectivement, que c'était le cas. Ces gens

23 m'ont dit qu'ils avaient dû signer des déclarations dans lesquelles ils

24 s'engageaient à ne jamais plus revenir. Ils transféraient leurs biens à la

25 municipalité. Ils devaient acquitter toutes les factures qui n'avaient pas

Page 2838

1 encore été réglées, factures d'électricité, et cetera. Ils devaient payer

2 tout ce qui restait encore à régler. C'était encore une manière de leur

3 soutirer de l'argent.

4 Ainsi, moi, par exemple, j'avais une très belle maison et on m'a chassé

5 manu militari de cette maison. C'est un Serbe qui s'est installé dans ma

6 maison. J'ai été contraint à habiter ailleurs, à l'extérieur. Cela, ce

7 n'étaient que des exemples, des exemples parmi tant d'autres d'incendies

8 criminels, de pressions exercées sur la population.

9 Q. Merci.

10 M. HANNIS : [interprétation] Je souhaiterais, maintenant, présenter encore

11 deux éléments, deux documents au témoin. D'abord, une photographie qui

12 porte le numéro ERN 02165297.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P114.

14 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

15 Q. Vous avez parlé de Betonirka, de la prison dans laquelle vous avez été

16 détenu à Sanski Most, également. Avez-vous connaissance d'autres lieux de

17 détention où on a enfermé des non-Serbes pendant l'été 1992 ?

18 R. Oui.

19 Q. Pouvez-vous nous donner des exemples de ces lieux de détention ?

20 R. Il y a, par exemple, l'école Hasan Kikic ici, que je vous indique ici,

21 le gymnase Krings, un centre sportif également, le hall ou le bâtiment qui

22 s'appelle Krings plus le centre sportif. C'était assez habituel de voir les

23 écoles transformées en lieux de détention, en camps. Il y a d'autres

24 bâtiments qui ont été utilisés. A ce jour, je suis navré de voir que le

25 mémorial à Simo Milusa, un révolutionnaire bien connu, a été utilisé comme

Page 2839

1 lieu de détention. On y a interrogé des gens, on les a passé à tabac. C'est

2 pour cela, d'ailleurs, que cette maison a été ensuite incendiée.

3 Mme LOUKAS : [interprétation] Au sujet de cette question, j'ai une petite

4 interrogation parce qu'on présente au témoin un document sur lequel il est

5 photographié avec lequel il y a les noms de certains endroits. Je ne vois

6 très bien comment cela peut aider la Chambre de procéder de la sorte.

7 Deuxièmement, il ne s'agit pas de pièces à conviction idéales qu'on puisse

8 imaginer pour identifier ces lieux de détention. Moi, je pense que, si on

9 pose des questions au témoin, si on présente une liste de lieux, qu'on lui

10 demande d'en donner la lecture ou d'y faire des commentaires, je ne pense

11 pas que cela puisse, beaucoup, nous faire avancer. Je m'interroge sur le

12 caractère approprié de cette façon de procéder.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, hier, nous avons parlé

14 de questions directrices --

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux continuer, s'il vous

16 plaît ?

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, un instant.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais j'aimerais pouvoir répondre à la

19 question, parce qu'il y a une correction qu'il convient d'apporter. Voyez -

20 -

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, non. Attendez --

22 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît. Muhici, ce n'est pas un

23 hameau. Muhici, c'est une ville, et Gornja Mahala --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, non. Monsieur Karabeg, je vous

25 donnerai, plus tard, l'occasion d'apporter quelques corrections que ce soit

Page 2840

1 à ce document. Mais d'abord, il faut répondre à l'objection soulevée par Me

2 Loukas.

3 Monsieur Hannis, hier, nous avons parlé des questions directrices. Vous

4 nous avez dit, oui, mais il s'agissait de questions que l'on pouvait

5 répondre par oui ou par non. Ici par exemple, vous auriez pu demander, pour

6 chacun des éléments qui sont présentés, si c'était, oui ou non, un lieu de

7 détention. Afin que les choses soient claires, je veux dire la chose

8 suivante, une question directrice, c'est une question qui guide les

9 réponses du témoin, qui suggère au témoin la réponse qu'il doit donner, ou

10 bien, une question qui repose sur des faits qui n'ont pas encore été

11 démontrés. On pourrait considérer que les photographies des lieux de

12 détention, dont deux ont déjà été identifiées comme des lieux où des

13 personnes ont été emprisonnées, on pourrait considérer que cela permet de

14 faire des déductions assez faciles pour ce qui est des six autres lieux

15 présentés sur la même photographie. Il serait bon de demander au témoin

16 comment il sait que les autres lieux sont des lieux de détention s'il n'a

17 pas, lui-même, été détenu à cet endroit. Ce serait une façon plus habile,

18 je pense, de procéder, que de lui présenter ainsi ces huit photographies.

19 M. HANNIS : [interprétation] J'entends bien et je garderai ceci à l'esprit.

20 Je souhaite, simplement, dire que, la raison pour laquelle j'ai présenté

21 ces photographies au témoin, c'est que je voulais vérifier que les huit

22 lieux qui sont indiqués ici sont, également, indiqués correctement sur la

23 carte.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais justement, cela aurait été la

25 question supplémentaire. Je pense que Me Loukas aurait eu une objection

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1 moins forte si, une fois que le témoin a identifié tous ces lieux de

2 détention, on lui demande de les placer sur la carte. Je pense qu'à ce

3 moment-là, elle n'aurait pas eu d'objection.

4 M. HANNIS : [interprétation] D'autre part, un grand nombre de témoins qui

5 ont déposé en vertu de l'Article 92 bis ont déjà vu leur déclaration versée

6 au dossier. Ces témoins ont parlé de ces lieux de détention, à ma

7 connaissance. La Défense n'a pas contesté le fait que ces lieux étaient des

8 lieux de détention.

9 Q. Très bien. Poursuivons. Je souhaite, tout d'abord, vous donner

10 l'occasion, Monsieur Karabeg, de nous dire ce que vous souhaitiez nous dire

11 avant cet incident de procédure. Je vous donne la parole, vous pouvez

12 maintenant parler.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Voici ce que je voulais dire. Mahala et

14 Muhici, Mahala est un quartier composé de plusieurs rues, où se trouvaient

15 les camps. Muhici est une rue. C'est une rue qui fait un kilomètre et demi.

16 Cette rue n'aurait pas pu être un camp. Oui, dans la rue de Muhici et

17 Gornja Mahala, il y en avait, mais Gornja Mahala est composé de différents

18 quartiers, un quartier représentant environ six ou sept hectares, un

19 quartier de cette taille environ.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 Vous voyez, Maître Loukas, que lorsque l'on oriente un témoin, cela ne

22 confirme pas toujours la suggestion qui a été avancée. Parce que le témoin

23 a, maintenant, parlé de ces différents points, qu'ils ne pouvaient, en

24 aucun cas, être considérés comme des centres de détention.

25 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

Page 2842

1 Q. Monsieur Karabeg, je souhaite vous demander une question au sujet de

2 ces huit photographies --

3 R. Mahala, cela n'était pas possible. Mahala n'aurait pas pu constitué un

4 quartier, car il y avait des milliers de centres de détention. Ils

5 souhaitaient démolir tous ces bâtiments et remettre un nouveau plan

6 d'urbanisation pour reconstruire tout ceci pour les Serbes.

7 Q. Monsieur Karabeg, je souhaite, maintenant, regarder les photographies

8 et la carte que vous avez sous les yeux. La question que je souhaite vous

9 poser, ces différentes photographies, numérotées de 1 à 8, sont-elles

10 situées sur la carte à leurs endroits respectifs ? Est-ce que chaque

11 photographie est bien représentée sur la carte et correspond au numéro ?

12 R. Oui, oui. Oui, à l'exception de Muhici et Mahala [inaudible]. Je ne

13 sais pas exactement ce que cela veut dire. C'est l'installation, le

14 quartier des Muhici et Mahala. Je ne sais pas très bien ce que cela

15 signifie.

16 Q. En fait, c'est un quartier de Sanski Most que vous avez appelé Mahala.

17 R. Oui, c'est exact. Je viens d'en parler. Comme je l'ai dit, cinq ou six

18 hectares.

19 Q. Il y avait --

20 R. Oui, il y avait des camps.

21 Q. Maintenant, au point numéro 7. Le numéro 7 sur la carte se situe-t-il

22 dans ce quartier qui a été appelé Mahala, dans la ville de Sanski Most ?

23 R. Je dois essayer de m'y retrouver. Je dois essayer de retrouver Mahala

24 et Muhici, qui se trouvaient sur la rive gauche de la Sana. Il faut que je

25 me retrouve par rapport aux deux rives du fleuve. Oui, je crois que c'est

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1 cela.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous demander si ceci a une

3 pertinence particulière, les emplacements exacts à Sanski Most de ces

4 centres de détention, ou s'il y a un différend à savoir si le bâtiment du

5 SUP se trouvait là ou non ?

6 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que cela peut assister la Chambre et

7 lui permettre d'évaluer les éléments de preuve écrits, présentés par

8 d'autres témoins. C'est le seul objet de cette question.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

10 Mme LOUKAS : [interprétation] Il n'y a aucun différend quant à

11 l'emplacement de ces bâtiments en particulier.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les deux parties auraient pu être

13 d'accord sur le fait que les emplacements indiqués ici ne correspondaient

14 pas à la réalité.

15 Poursuivez, je vous prie, Monsieur Hannis.

16 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Q. Monsieur Karabeg, je souhaite, maintenant, vous montrer un dernier

18 document.

19 M. HANNIS : [interprétation] Si vous pouvez lui donner un numéro de cote,

20 s'il vous plaît.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La cote P115.

22 M. HANNIS : [interprétation]

23 Q. Monsieur Karabeg, il s'agit là d'une photo en noir et blanc. Etes-vous

24 à même de reconnaître les personnes que vous voyez sur cette photographie ?

25 Pourriez-vous nous dire qui sont ces personnes et où elles se tiennent ?

Page 2844

1 R. Ici --

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Eu égard à cette photographie --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Avant que la question ne soit posée à propos

5 de cette photographie, je pense qu'il serait approprié que l'Accusation

6 nous donne une date ici, à savoir, s'il s'agit d'une valeur probante ou

7 non, dans cette affaire.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous demander au témoin, s'il

9 vous plaît, lui demander des éléments concernant la date à laquelle cette

10 photographie a été prise ?

11 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je peux.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. HANNIS : [interprétation]

14 Q. Monsieur Karabeg, savez-vous comment cette photographie est arrivée

15 dans le prétoire aujourd'hui ? Avez-vous déjà vu cette photographie

16 auparavant ?

17 R. Oui, j'ai déjà vu cette photographie. Cette photo a été prise entre le

18 25 mai 1992 et le 10 octobre 1995, à Sanski Most. Cela, je peux le dire

19 avec certitude. Je ne peux pas vous dire la date exacte, mais je peux vous

20 dire que la photo a été prise entre ces deux dates-là.

21 Q. Comment savez-vous cela ?

22 R. Je n'ai jamais vu M. Krajisnik. Je ne l'ai jamais rencontré. Mais c'est

23 à cette époque-là que j'étais en dehors de Sanski Most moi-même. Lorsque je

24 suis revenu, au moment de la libération, j'ai eu l'occasion de voir cette

25 photographie à Sanski Most.

Page 2845

1 Q. Je suppose qu'il devait s'agir de la période après le 10 octobre 1995 ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais comprendre pourquoi cette

4 photographie n'aurait-elle pas pu être prise en 1989, par exemple ?

5 M. HANNIS : [interprétation]

6 Q. Monsieur Karabeg, avez-vous compris la question la Juge vous a posée ?

7 R. Oui, je comprends. Non, cela n'aura pas été possible.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire pourquoi ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette photo n'aurait pas pu être prise en

10 1989, car je n'habitais pas à Sanski Most.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre réponse semble indiquer que la

12 photographie a été prise à Sanski Most, est-ce exact ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comment savez-vous cela ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que cette photographie a été prise à

16 Sanski Most, car les invités, Nedeljko Rasula, le chef de la municipalité,

17 est ici. C'est le chef de la municipalité, le dirigeant que nous avons

18 évoqué au cour de ce témoignage, Nedeljko Rasula.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que M. Rasula avait quitté

20 Sanski Most à un moment donné aussi. Pourquoi dites-vous que cette

21 photographie a été prise à Sanski Most ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] A cause de lui. Cette photographie a été

23 découverte à Sanski Most.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que cette photographie a été

25 prise à Sanski Most. Cette photo, aurait-elle pu avoir été prise avant

Page 2846

1 votre arrestation ? Avant l'arrestation, vous saviez que ces personnes

2 s'étaient réunies à Sanski Most, et vous avez dit --

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'est cela. C'est cela.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après votre libération ou échange, vous

5 dites avoir trouvé cette photographie. L'aviez-vous trouvé personnellement

6 à Sanski Most ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas moi qui l'aie trouvé. J'ai

8 trouvé cette photographie dans un livre. Ce livre était intitulé, "C'est un

9 crime que d'oublier un crime."

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semble que ceci figure à la page 24.

11 Ce n'est pas très concluant, Monsieur Hannis. Je vous demande de bien

12 vouloir poser d'autres questions dans le cadre du livre, peut-être pour

13 convaincre la Chambre qu'il s'agit-là d'un élément pertinent.

14 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, oui. Je vais d'abord

15 vérifier à cela. Ce que je souhaite, c'est que le témoin reconnaisse les

16 personnes sur cette photographie, et c'est tout ce que je souhaite établir

17 pour l'instant; le fait que certains individus étaient réunis.

18 Je n'ai pas d'autres informations, eu égard à cette photographie. Je n'ai

19 pas de détails concernant cet évènement, mais comme c'est ce témoin qui a

20 apporté cette photographie, je souhaite, je lui demande de reconnaître

21 certains individus sur cette photographie. Si la Défense soulève d'autres

22 objections, je crois que ce qui est important, c'est d'établir le poids de

23 ceci et la Chambre peut évidemment évaluer ceci une fois après avoir

24 entendu tous les éléments de preuve concernant cette municipalité et cette

25 photo.

Page 2847

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que vous voulez établir pour

2 l'instant, en attendant que d'autres éléments de preuve sont présentés,

3 c'est que les personnes se trouvaient sur cette photo ensemble.

4 M. HANNIS : [interprétation] Oui, tout à fait.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce but seulement, dans ce but

6 uniquement, je vous autorise à poursuivre.

7 M. HANNIS : [interprétation] Merci beaucoup.

8 Q. Monsieur Karabeg, pourriez-vous nous dire qui sont ces personnes dans

9 cette photographie, et les indiquer à la Chambre ?

10 R. Comme je l'ai vous dit il y a quelques instants, il s'agit du

11 président, Nedeljko Rasula, le président de la municipalité de Sanski Most,

12 de l'assemblé municipal.

13 M. HANNIS : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu d'audience,

14 Monsieur le Président, le témoin montre ici un homme qui se trouve au

15 milieu de la photo, et qui est de côté.

16 Q. A sa gauche, qui se trouve à sa gauche ?

17 R. A sa gauche se trouve Krajisnik.

18 Q. Qui est assis à la table ? Reconnaissez-vous ces personnes ?

19 R. Oui. Je reconnais Karadzic et sa femme.

20 M. HANNIS : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu d'audience,

21 il a indiqué l'homme qui était assis à la droite sur cette photo, et la

22 femme que se trouve à sa droite également. Ceci se trouve à gauche de la

23 photo, mais à droite de l'individu en question.

24 Q. Y a-t-il quelqu'un d'autre, Monsieur Karabeg ?

25 R. Non, personne d'autre.

Page 2848

1 Q. Merci.

2 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à ce stade,

3 Monsieur le Président. Merci.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

5 Maître Loukas, souhaitez-vous commencer votre contre-interrogatoire du

6 témoin ?

7 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je le souhaite --

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire notre pause un peu

9 plus tôt, et vous aurez encore 70 minutes. Nous allons suspendre l'audience

10 jusqu'à 13 moins 25, et si nous avons d'autres éléments d'information

11 concernant le document que nous venons d'évoquer, nous pourrons, à ce

12 moment-là, traiter ce sujet.

13 Nous allons suspendre la séance maintenant.

14 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

15 --- L'audience est reprise à 12 heures 39.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, avez-vous des

17 éclaircissements à apporter au sujet de la source du document et des

18 cercles que l'on voit au niveau du numéro 3 ?

19 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai, à présent,

20 en ma possession, une autre traduction anglaise. Le texte anglais est

21 identique, mais dans mon document, on ne trouve plus les cercles et les

22 inscriptions manuscrites. Nous voyons comme numéro ERN, dans cet original

23 anglais, dans l'original B/C/S de cette traduction anglaise, le numéro

24 00471274 à 77. Je propose, à présent, ce nouveau document aux Juges de la

25 Chambre pour qu'ils le relient à la traduction que nous avons discutée tout

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1 à l'heure.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est donc la deuxième partie de la

3 réponse à ma question au sujet de la provenance du document.

4 M. HANNIS : [interprétation] Oui. J'ai des renseignements en ce moment, à

5 ce sujet, Monsieur le Président. Ce document faisait partie d'une série de

6 documents reçue de l'organisme AID de Bosnie, en novembre 1995. Comme vous

7 l'avez déjà dit, il comporte le nom et l'authentification de l'enquêteur du

8 Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, qui a reçu le document.

9 J'ai retrouvé une note qui se lit comme suit, Monsieur le Président, je

10 cite : "Au total, ce fichier comporte deux [comme interprété] documents

11 relatifs à la période allant du 21 avril 1992 au 23 juin 1992."

12 Je n'ai aucun autre renseignement interne de l'AID quant à l'identité de la

13 personne qui a retrouvé ce document au sein de l'AID ou autre. Je

14 m'efforcerai d'obtenir ce renseignement, mais c'est tout ce que je peux

15 vous dire à ce moment.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous attendrons pour rendre notre

17 décision. Nous attendrons d'obtenir les informations nécessaires, à moins

18 que la Défense soit satisfaites des explications fournies jusqu'à présent,

19 bien entendu.

20 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais en savoir

21 un peu plus. L'objection relative à la provenance qui portait sur la pièce

22 à conviction 111 s'applique également aux documents 112 et 113.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

24 Mme LOUKAS : [interprétation] Ce qui m'intéresse, c'est la source

25 effective, donc la source originale de ces documents.

Page 2850

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Des documents dont nous parlons.

3 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, en fait, ce qui est

4 intéressant, c'est de savoir si ce document émane de la cellule de Crise de

5 Sanski Most et si on trouve la signature de telle ou telle personne sur

6 certains de ces documents. Je pense, par exemple --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'un de ces documents est signé d'un

8 membre de la cellule de Crise. Mais, bien entendu, Me Loukas demande dans

9 quelles conditions ce document est arrivé de la cellule de Crise de Sanski

10 Most jusqu'à l'AID.

11 Nous allons attendre pour rendre notre décision puisque l'objection a été

12 soulevée à ce sujet.

13 Maître Loukas, puis-je vous inviter à commencer le contre-interrogatoire du

14 témoin.

15 Monsieur le Témoin, vous allez maintenant être interrogé par le conseil de

16 la Défense, Me Loukas.

17 Veuillez procéder, Maître Loukas.

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Contre-interrogatoire par Mme Loukas :

20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Karabeg.

21 R. Bonjour.

22 Q. Monsieur Karabeg, bien entendu, vous avez déjà déposé devant ce

23 Tribunal dans l'affaire Brdjanin et Talic, le procès intenté à M. Brdjanin

24 et Talic, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 2851

1 Q. Je crois savoir que vous avez déposé entre le 27 mai 2002 et le 30 mai,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Je crois que c'est bien cela.

4 Q. Bien entendu, avant de témoigner, vous avez prononcé un déclaration

5 solennelle affirmant que vous alliez dire la vérité, toute la vérité et

6 rien que la vérité, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

9 je demande officiellement le versement au dossier du compte rendu

10 d'audience relatif à la déposition précédente de ce témoin, en application

11 de l'Article 92 bis(D) du Règlement.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pour autant que je puisse le voir,

13 il s'agit des pages du compte rendu d'audience allant de la page 6 208

14 jusqu'à la page 6 213 [comme interprété] incluse, n'est-ce pas ?

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Sur la dernière

16 page, on trouve également quelques points qui ne sont pas pertinents.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 Mme LOUKAS : [interprétation]

19 Q. Monsieur Karabeg, je me propose, tout d'abord, de vous référer à votre

20 déclaration précédente qui est maintenant versée au dossier.

21 Mme LOUKAS : [interprétation] Il pourrait être utile qu'un exemplaire de la

22 déclaration préalable de M. Karabeg, avec les paragraphes numérotés, soit

23 placé sous les yeux du témoin.

24 Q. Je crois que vous avez, à présent, la déclaration en question sous les

25 yeux, Monsieur Karabeg, n'est-ce pas ?

Page 2852

1 R. Oui.

2 Q. Très bien. Je voudrais simplement que nous revenions plus en détail sur

3 certains points qui figurent dans votre déclaration. Vous me comprenez ?

4 R. Oui.

5 Q. Si tout va bien, ce processus devrait être relativement simple

6 puisqu'il est à espérer que la plupart des questions que je vais vous poser

7 peuvent recevoir, de votre part, une réponse sous la forme d'un oui ou d'un

8 non.

9 D'abord, paragraphe 11 de votre déclaration, si vous voulez bien. Vous

10 constaterez que vous dites, dans ce paragraphe, je cite : "Je ne dispose

11 pas de renseignements de première main quant aux fonctions de la cellule de

12 Crise. Tout ce que je sais repose sur des rumeurs et de l'ouï-dire." Vous

13 voyez ce passage ?

14 R. Oui.

15 Q. Monsieur Karabeg, en tant que juriste, vous êtes sûrement soucieux de

16 vous exprimer de façon très précise dans votre déclaration préalable, et je

17 suis sûre que cette remarque s'applique également à la teneur du paragraphe

18 11 de cette déclaration.

19 R. Oui.

20 Q. A présent, si nous passons au paragraphe 39 de cette même déclaration

21 dont vous êtes l'auteur. Vous avez ce passage sous les yeux, Monsieur

22 Karabeg ?

23 R. Oui.

24 Q. Lorsque vous dites, n'est-ce pas, que la réunion a été agréable, et un

25 peu plus loin, vous dites qu'il avait été prévu qu'aucune réunion ne se

Page 2853

1 tienne. Ce qui nous intéresse, c'est ce membre de phrase où vous dites, je

2 cite : "Le SDS était incapable de contrôler ces extrémistes." C'est bien ce

3 que vous déclarez dans ce passage du texte, n'est-ce pas, Monsieur

4 Karabeg ?

5 R. Exigez-vous que je vous réponde par oui ou par non ou puis-je

6 m'expliquer plus en détail ?

7 R. D'abord, j'aimerais que vous confirmiez que le SDS vous avait dit qu'il

8 était incapable de contrôler ses extrémistes.

9 R. C'est absolument exact.

10 Q. Fort bien. C'est le seul point sur lequel je souhaitais obtenir votre

11 accord pour le moment, s'agissant des points qui sont évoqués dans votre

12 déclaration préalable. Vous comprenez cet aspect des choses, n'est-ce pas,

13 Monsieur Karabeg ?

14 R. Voyez-vous, l'un de mes négociateurs était Tomo Delic, qui était

15 dirigeant des SOS. C'est lui qui nous a dit qu'il était incapable de

16 contrôler les extrémistes, alors qu'en fait, il était à la tête de ces

17 extrémistes. Il est exact qu'il a dit cela. Cela, c'est exact. C'est lui

18 qui était à la tête de ces extrémistes, Delic, propriétaire d'un café où se

19 réunissaient ses hommes. Il disait qu'il était incapable de les contrôler.

20 Il est exact qu'il a dit cela.

21 Q. Vous venez de prononcer le nom de Tomo Delic. En fait, ce n'est pas

22 seulement Tomo Delic qui vous a dit que le SDS était incapable de contrôler

23 ses extrémistes.

24 R. Non. Tomo a dit cela. Boro Savanovic et Vlado Vrkes l'ont dit aussi.

25 D'ailleurs, Vlado Vrkes a même versé des larmes en disant cela, devant moi,

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1 au moment où il nous priait de quitter le bâtiment de la municipalité. Ce

2 soir-là, il n'est rien arrivé de particulier.

3 Q. Fort bien. Passons maintenant au paragraphe 56 de cette même

4 déclaration dont vous êtes l'auteur. Vous avez ce passage sous les yeux ?

5 R. Oui.

6 Q. Dans ce paragraphe 56, vous dites que vous n'aviez aucun rapport avec

7 les SOS et, un peu plus loin dans ce même paragraphe, vous dites que vous

8 pensiez que le SDS finançait le SOS, parce que vous les avez vus ensemble à

9 plusieurs reprises. Vous voyez ce passage ?

10 R. Oui.

11 Q. Pour être, tout à fait, juste, je me crois tenu d'indiquer que, dans ce

12 même paragraphe, vous affirmez que vous estimiez que le SDS finançait le

13 SOS et rien de plus. Que c'était une supputation de votre part.

14 R. Ecoutez, vous pouvez interpréter le mot "croire" ou "estimer" comme bon

15 vous semble. La situation, à l'époque, était exactement celle-là. Ils

16 étaient tous à placer sur le même plan, tous.

17 Q. Oui, bien sûr. Dans votre déclaration, vous affirmez que c'était ce que

18 vous pensiez, ce que vous estimiez.

19 R. Aujourd'hui, je l'affirme. Il est possible, qu'à l'époque, j'aie dit

20 que je le pensais, que le croyais. Mais aujourd'hui, je l'affirme, compte

21 tenu de tout ce que j'ai appris depuis les événements et compte tenu des

22 conversations que j'ai eues avec des Serbes qui sont rentrés à Sanski Most

23 et qui habitent aujourd'hui à Sanski Most.

24 Je répète qu'à l'époque, il est fort possible que j'aie dit que je

25 "croyais" que c'était le cas, mais aujourd'hui j'en suis sûr. Je l'affirme.

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1 Q. Vous dites l'affirmer sur la base de ce que vous avez entendu de la

2 bouche de tierces personnes par la suite. Est-ce une façon fidèle de

3 résumer vos propos, Monsieur Karabeg ?

4 R. Après la longue période qui s'est écoulée depuis, parce que vous savez,

5 depuis, nous avons appris pas mal de choses. Si je m'exprime ici, dans une

6 déclaration que je prononce ici, je peux, aujourd'hui, faire une

7 déclaration plus précise et plus concrète parce que j'ai appris beaucoup de

8 choses de la bouche de ces personnes depuis cette date, ainsi qu'à la

9 lecture de certains documents. Ma déclaration, aujourd'hui, peut être un

10 peu différente de celle que j'ai faite à l'époque.

11 Q. Bien sûr, Monsieur Karabeg. Vous avez fait cette déclaration initiale

12 en juillet 1999, si je ne m'abuse. C'est bien cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Par la suite, vous avez eu l'occasion d'apporter quelques corrections à

15 votre déclaration initiale.

16 R. Ecoutez, si je devais corriger --

17 Q. Ce que je voulais vous demander d'abord, si vous avez eu l'occasion

18 d'apporter des corrections à votre déclaration initiale ? C'est ma première

19 question. Ensuite, nous en reviendrons à d'autres aspects.

20 R. Oui. J'ai eu l'occasion de le faire. Si je devais apporter de nouvelles

21 corrections à ce texte, je pourrais le faire tous les jours qui passent

22 parce que, tous les jours, j'en apprends davantage au sujet de ces

23 événements.

24 Q. Fort bien. Mais pour l'essentiel, vous nous dites, qu'à l'époque, vous

25 pensiez que tel était le cas et qu'aujourd'hui vous êtes en mesure de

Page 2856

1 l'affirmer avec certitude. C'est bien ce que vous nous dites, Monsieur

2 Karabeg ?

3 R. Oui. D'ailleurs, je l'ai dit. Je l'ai dit clairement.

4 Q. Voudriez-vous, à présent, relire le paragraphe 70 de votre déclaration

5 de ce même texte. Vous dites dans ce paragraphe, je cite, que : "Pendant la

6 première période que vous avez passé dans cette prison, on faisait sortir

7 les prisonniers pour les emmener à des interrogatoires et les frapper. Les

8 gardes, les soldats, les policiers et même des gens de la rue, entraient

9 pour frapper les prisonniers."

10 Vous avez ce passage sous les yeux, ce paragraphe 70, Monsieur Karabeg ?

11 R. Oui.

12 Q. Monsieur Karabeg, vous serez, sans doute, d'accord avec moi pour dire

13 que tout cela semble assez chaotique, le fait de dire que des gens

14 pouvaient venir de la rue pour entrer dans la prison et frapper les

15 prisonniers ? Tout cela illustre une situation que l'on peut qualifier de

16 chaotique. Vous êtes d'accord avec moi, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Passons maintenant au paragraphe 76. Dans ce paragraphe, vous indiquez

19 n'avoir jamais vu de dirigeants serbes dans le camp de Betonirka, ceci est

20 exact, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Ensuite, j'aimerais que nous passions au paragraphe 83. Pouvez-vous, je

23 vous prie, vous rendre au paragraphe 83 ?

24 R. Oui.

25 Q. Je cite : "Il n'y avait pas de femmes à cet endroit." Au paragraphe 84

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1 -- ou plutôt, excusez-moi, au paragraphe 87, vous dites n'avoir jamais vu

2 un homme mourir et n'avoir jamais vu de cadavre à Betonirka. C'est bien ce

3 que vous dites dans ce paragraphe, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Tout cela, bien entendu, est tout à fait vrai.

6 R. Oui. Je n'ai jamais dit que ce n'était pas vrai.

7 Q. Fort bien. Dans la partie du contre-interrogatoire que je mène en ce

8 moment, je vous demande simplement de confirmer le contenu de votre

9 déclaration préalable.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais demander un éclaircissement

11 au témoin.

12 Monsieur Karabeg, au paragraphe 83, dans la traduction anglaise de votre

13 déclaration, nous lisons, je cite : "Au moment où je me trouvais à

14 Betonirka, il n'y avait pas de femmes qu'il ait vues, en détention dans le

15 camp." Est-ce que cela signifie que vous n'avez pas vu de femmes détenues

16 dans le camp ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Moi, je n'en ai pas vues. Je ne peux

18 pas aller au-delà de cela. Je ne peux pas affirmer qu'il n'y en avait pas.

19 La seule chose que je peux dire, c'est que je n'en ai pas vues.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet. Lorsque vous avez apporté

21 confirmation en réponse à la question posée par Me Loukas, qui vous

22 demandait s'il était vrai qu'il n'y avait pas de femmes dans le camp, il

23 serait plus exact, de votre part, de dire que vous n'avez pas vu de femmes

24 détenues dans le camp.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Que je n'ai pas vu de femmes détenues dans le

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1 camp, en effet.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

3 Veuillez procéder, Maître Loukas.

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Nous avons confirmé l'exactitude de ce que

5 l'on lit au paragraphe 83 et 87, n'est-ce pas ?

6 A présent, j'aimerais que nous changions quelque peu de sujet, Monsieur

7 Karabeg. J'aimerais parler avec vous de certains aspects que l'on trouve

8 dans votre déposition antérieure, votre déposition dans l'affaire intentée

9 à MM. Brdjanin et Talic.

10 Monsieur Karabeg, tout d'abord, et ce dans l'intérêt des Juges de cette

11 Chambre, j'aimerais que nous parlions du contenu de la page 6 210 du compte

12 rendu d'audience, de l'affaire Brdjanin-Talic.

13 L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent qu'ils ne disposent pas du texte.

14 Mme LOUKAS : [interprétation]

15 Q. A ce sujet, Monsieur Karabeg, je me propose de lire certaines des

16 questions qui vous ont été posées et les réponses que vous avez apportées à

17 ces questions, après quoi je vous demanderais de confirmer ou d'infirmer.

18 Je pense que je pourrais accélérer un petit peu, Monsieur le Président,

19 parce que les interprètes ont reçu un exemplaire de ce compte rendu

20 d'audience.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, il faut qu'ils traduisent, les

22 interprètes, en B/C/S, il n'y a pas de compte rendu en B/C/S, n'est-ce pas

23 ?

24 Mme LOUKAS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, il

25 faudrait, peut-être, que nous tirions la question au clair. Je suis parti

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1 du principe que les interprètes avaient reçu le texte, mais ce n'était

2 peut-être pas le cas.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il serait préférable que vous lisiez

4 lentement, car le texte n'a pas encore été distribué à la cabine.

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il serait, sans doute, préférable que

7 les interprètes disposent du texte, mais si vous lisez lentement, il y a

8 des exemplaires disponibles, si je comprends bien ? Effectivement, oui.

9 Combien a-t-il d'exemplaires ? Un exemplaire ? Destiné à la cabine anglais

10 B/C/S si je ne m'abuse.

11 Veuillez procéder, Maître Loukas.

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. A la page 6 210 du compte rendu d'audience, voilà les questions que

14 l'on vous pose et les réponses que vous faites au cours du contre-

15 interrogatoire mené par Me Fauveau-Ivanovic. Vous vous souvenez de cet

16 aspect du contre-interrogatoire, Monsieur Karabeg, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. On vous posait la question suivante : "Avant les élections de 1990, la

19 municipalité de Sanski Most faisait partie de l'association de municipalité

20 de Banja Luka, est-ce bien exact ?

21 Quand on vous pose cette question, ce à quoi vous répondez, et je cite,

22 "Oui, bien sûr. La Bosanska Krajina, la Krajina de Bosnie." Est-ce que vous

23 vous souvenez de votre réponse ?

24 R. Oui.

25 Q. C'est exact, n'est-ce pas, ce que vous avez dit ?

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1 R. Oui.

2 Q. "Les municipalités que vous avez nommées, Kljuc, Prijedor, Bosanska

3 Dubica, Bosanska Gradska, Celinac, Latasi, étaient également des

4 municipalités qui faisaient partie de l'association des municipalités de

5 Banja Luka, ou, pour reprendre le terme que vous utilisez, la Krajina de

6 Bosnie, est-ce bien exact ?"

7 R. Oui.

8 Q. Effectivement, c'est ce que vous avez répondu la chose suivante, je

9 cite : "Oui, effectivement, c'est ainsi que les choses se présentaient. La

10 Bosnie-Herzégovine était divisée en régions qui existaient dans le cadre de

11 la Yougoslavie."

12 J'ai une autre chose à vous demander au sujet de cette partie du contre-

13 interrogatoire, page 6 244, je le signale à l'attention des Juges, page 6

14 244 du compte rendu d'audience.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Est-ce que tout le monde a trouvé la page ?

16 Bien.

17 Q. On vous pose la question suivante : "Hier, vous dites avoir vu le

18 général Talic à la télévision, accueillir aimablement les dirigeants du

19 SDS; est-ce bien exact ?" Ce que vous avez répondu : "Oui, il était au

20 premier rang, la caméra a fait un gros plan sur tous ces gens."

21 Bien entendu, c'est également le sujet que vous avez abordé devant nous ce

22 matin, n'est-ce pas ? Est-ce que vous en souvenez, Monsieur Karabeg ?

23 R. Oui.

24 Q. On vous pose également la question suivante, je cite : "Ce jour, où le

25 général Talic a rencontré les dirigeants du SDS, voyait la célébration de

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1 la libération de Banja Luka à la fin du Deuxième Guerre mondiale, n'est-ce

2 pas ?" Ce que vous répondez : "Je crois que oui, je crois que oui."

3 R. Oui.

4 Q. On vous pose ensuite la question suivante, je cite : "Cette célébration

5 avait lieu chaque année. Même avant 1990, ce genre de commémoration était

6 régulière, n'est-ce pas ?"

7 R. Je ne sais pas.

8 Q. Vous avez répondu, je cite : "Je crois. Nous avions des commémorations

9 semblables à Sanski Most, le 20 octobre chaque année. Je pense qu'à Banja

10 Luka, c'était la même chose, mais je ne peux pas l'affirmer, parce que je

11 n'y allais pas. "

12 Est-ce que vous maintenez cette réponse que vous avez donnée là ?

13 R. Oui.

14 Q. A ce sujet, est-il possible que vous vous trompiez quand vous dites

15 avoir vu M. Krajisnik à la télévision ?

16 R. D'abord, est-ce que vous parlez de la réponse que j'ai donnée hier ?

17 Q. Non, je parle de ce que vous nous avez dit de manière générale, à ce

18 sujet. Il me semble que vous avez parlé de cela précédemment, dans

19 l'affaire Brdjanin, quand vous avez déposé dans cette affaire.

20 R. Oui. Oui, je maintiens ma réponse. A l'époque, c'était surtout le

21 général Talic qui m'intéressait.

22 Q. Vous ne pouvez pas être sûr que vous avez vu M. Krajisnik à la

23 télévision ?

24 R. Oui, je l'ai vu. Je maintiens que je l'ai vu.

25 Q. Vous nous dites que cela s'est passé quel jour ?

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1 R. Là, vous me demandez beaucoup. Parce que nous, on a quitté le général

2 Talic le 20 avril 1992, c'était un lundi. Je ne l'ai pas appelé le mardi.

3 Je l'ai appelé le mercredi, donc cela aurait pu être soit le jeudi, soit le

4 vendredi. Si c'était le lundi 20, cela fait que c'était soit le 23, soit le

5 24 avril.

6 Q. Vous parlez d'avril 1992 ?

7 R. Oui.

8 Q. Moi, j'avance que vous vous trompez, que M. Krajisnik n'était pas là en

9 avril 1992. Qu'avez-vous à répondre à cela ?

10 R. Je ne sais pas. C'est ce que vous dites, vous.

11 Q. Est-il possible que vous vous trompiez à ce sujet ?

12 R. Il faut dire qu'à l'époque, je ne leur accordais pas grande attention.

13 Ce qui m'intéressait le plus, c'était le général Talic.

14 Q. Monsieur Karabeg, M. Krajisnik n'était pas là en avril 1992. Est-il

15 possible que ce que vous ayez vu à la télévision, étaient des archives, des

16 images tournées une autre année ?

17 R. Voyez-vous, je le répète, je n'accordais pas beaucoup d'attention à ce

18 point. Moi, sur ces images, j'ai vu que ceux qui commettaient des crimes,

19 qui avaient cette attitude prônant la destruction, étaient là, et le

20 général Talic était là. Lui, qui avait prétendu qu'il oeuvrait pour la

21 paix, soudain, on le retrouvait là au premier rang avec tous ceux qui

22 oeuvraient à la destruction de la Bosnie-Herzégovine.

23 Je n'ai rien vue de particulièrement inquiétant ou de répréhensible sur ces

24 images. J'ai, simplement, vu que Talic n'allait pas tenir sa promesse,

25 qu'il avait, simplement, prétendu vouloir nous aider et qu'il était venu à

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1 Sanski Most uniquement pour sauver les apparences.

2 Q. Une fois encore, vous reconnaissez, Monsieur Karabeg, que vous ne

3 pouvez pas affirmer avec certitude que M. Krajisnik était là parce que, en

4 fait, vous, ce qui vous a frappé, en regardant ces images, c'était d'y

5 trouver le général Talic. C'est bien exact, n'est-ce pas ?

6 R. Je l'ai remarqué, lui. J'ai remarqué Karadzic et j'ai remarqué Plavsic,

7 ainsi que le prêtre dont le nom m'échappe. Le prêtre local, lui aussi, je

8 l'ai remarqué.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, j'ai une question à poser

10 au témoin. Monsieur le Témoin, vous avez répondu à la question suivante, je

11 cite : "Vous ne pouvez pas affirmer avec certitude que M. Krajisnik était

12 là parce que, vous, ce qui vous a frappé, ce qui vous intéressait le plus,

13 c'était la présence du général Talic." Ce à quoi, vous avez répondu : "Je

14 l'ai vu. Je l'ai vu." Moi, en vous écoutant, Monsieur le Témoin, j'ai

15 compris que vous parliez du général Talic. Ai-je bien compris ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, moi, mon attention se concentrait

17 sur le général Talic ainsi que ceux qui l'accompagnaient, parce qu'il était

18 là en compagnie de ceux qui étaient en train de détruire la Bosnie-

19 Herzégovine. Alors que de l'autre côté, il était venu nous voir pour nous

20 parler de paix, pour nous parler de trouver les moyens d'améliorer la

21 situation. Puis, j'ai vu ces images, et j'en ai déduit qu'il ne tiendrait

22 pas les promesses qu'il avait faites.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela, c'est votre façon d'évaluer la

24 situation. Nous, ce qui nous intéresse, pour l'instant, ce sont les faits.

25 Cela signifie la chose suivante, quand vous

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1 dites : "Je l'ai remarqué, lui. J'ai remarqué Plavsic, j'ai remarqué

2 Karadzic et j'ai remarqué un prêtre." Quand vous dites : "Je l'ai

3 remarqué", vous parlez de Talic, n'est-ce pas ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais dire que j'ai aussi remarqué

5 Krajisnik. Je faisais référence à Krajisnik, Talic, Plavsic et Karadzic.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Loukas. Je ne vous

7 demande pas de passer à la question suivante parce que j'imagine que vous

8 souhaitez poser des questions supplémentaires à ce sujet.

9 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, surtout après la question que vous venez

10 de poser, Monsieur le Président, effectivement.

11 Q. Monsieur Karabeg, n'est-il pas exact qu'il est possible que vous vous

12 trompiez quand vous nous dites avoir vu M. Krajisnik sur ces images, parce

13 que, vous, ce qui vous intéressait, c'était le général Talic, n'est-ce pas

14 ?

15 M. HANNIS : [interprétation] Je dois faire une objection parce que je ne

16 pense pas que nous ayons des éléments, quels qu'ils soient, qui montrent

17 qu'il s'agissait d'archives, d'images d'archives. Il a déjà répondu à cette

18 question, la question de savoir s'il s'est peut-être trompé.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de résoudre la question.

20 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, je retire ma question. Moi, je pensais

21 aux images d'archives. Mais, effectivement --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela, il convient de le déterminer.

23 C'est ce qui arrive lorsqu'on pose des questions directrices.

24 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui.

25 Q. Monsieur Karabeg, moi, ce que je vous dis, Monsieur Karabeg, c'est que,

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1 quand vous avez regardé la télévision et quand vous parlez de ces images,

2 vous devez reconnaître qu'il est possible que vous vous soyez trompé, quand

3 vous dites avoir vu M. Krajisnik à la télévision. Parce que, vous, ce qui

4 vous intéressait, c'était le général Talic, et le général Talic était au

5 cœur de votre attention, de vos intérêts, parce que c'est avec lui que vous

6 aviez eu des contacts dans les précédentes journées et que c'était lui que

7 vous aviez à l'esprit quand vous avez regardé ces images à la télévision ?

8 R. Non. Parce que j'ai remarqué les gens qui étaient présents, et j'ai vu

9 que le général Talic était en compagnie de ces gens-là. C'est à ce moment-

10 là, que j'ai compris tout de suite qu'on était face à un immense mensonge,

11 parce qu'il n'y avait rien de répréhensible en soi à cette commémoration,

12 la commémoration de la libération de Banja Luka. Bien au contraire. C'est

13 un événement tout à fait digne d'être célébré, la libération de la

14 municipalité. Moi, je n'y ai rien vu de répréhensible. J'en ai, simplement,

15 conclu que, vu les personnes avec qui il était, il était évident qu'il nous

16 avait menti et qu'il ne ferait pas ce qu'il nous avait promis qu'il ferait.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Karabeg, je vous interromps.

18 Nous avons, parfaitement, compris quelle a été votre réflexion et votre

19 évaluation de la situation à ce moment-là quand vous avez vu M. Talic à la

20 télévision. Ce n'est pas ce qui nous intéresse pour l'instant.

21 Ce matin, je vais vous citer, vous avez dit : "J'ai vu Talic, au premier

22 rang, avec Karadzic. Je crois que Krajisnik était, également, présent en

23 compagnie de Biljana Plavsic et d'autres personnes; et de ce fait, j'ai ri

24 en pensant à ce qu'il nous avait dit précédemment."

25 La question qui se pose à nous est la suivante, ce matin, vous nous dites :

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1 "J'ai vu Talic, avec Karadzic. Je crois que Krajisnik était, également,

2 là." La question qui se pose est la suivante : Ce matin, vous dites : "Je

3 crois que Krajisnik était, également, présent". Or maintenant, vous semblez

4 être beaucoup plus sûr de votre fait, quelques heures plus tard. La

5 question qui se pose est : pourquoi vous avez dit, ce matin : "Je crois" ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que vous ne l'avez pas dit.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous expliquer. J'ai dit, ce matin,

9 j'ai dit quelque chose ce matin et je le maintiens. Mais la dame de la

10 Défense insiste sur quelque chose, je ne vois pas très bien où elle veut en

11 venir. Peut-être, qu'elle veut que je supprime ce que j'ai dit quand j'ai

12 dit "je pense, je crois", quand elle me parle de ces images d'archives.

13 Comment est-ce que je peux répondre à ce sujet ? Mais, moi, je maintiens ce

14 que j'ai dit dès le départ. Je pense.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela, c'est une autre question, est-ce

16 que vous avez vu, à la télévision, les images de la cérémonie qui se

17 déroulait ce jour-là, ou bien, est-ce que vous avez vu des images

18 d'archives, les images tournées précédemment, un an avant ou, en tout cas,

19 avant. En fait, c'est une autre question. La question c'est que, ce matin,

20 à moins que vous ne l'ayez pas dit à ce moment-là, on vérifiera l'original,

21 l'enregistrement original, c'est que, ce matin, vous avez dit : "Je crois

22 avoir vu Krajisnik avec Plavsic." Or, maintenant, vous semblez être

23 beaucoup plus sûr de votre fait. Ma question, c'est de savoir pourquoi ce

24 matin vous avez dit : "Je crois qu'il était là." Pourquoi, cet après-midi,

25 vous dites que vous êtes sûr de l'avoir vu à la télévision ? Je parle de

Page 2867

1 M. Krajisnik.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que cela va de soi, cela va sans doute.

3 Je crois que je l'ai vu. Quand je dis je crois que je l'ai, c'est que je

4 l'ai, probablement, vu.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que c'est une probabilité,

6 que vous l'avez probablement vu, ce jour-là à la télévision. Est-ce que je

7 vous ai bien compris ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, vous avez de nouveau la

10 parole.

11 Mme LOUKAS : [interprétation]

12 Q. Monsieur Karabeg, vous venez de reconnaître, dans cet échange que vous

13 avez eu avec Monsieur le Président, que, quand vous dites l'avoir vu à la

14 télévision ce jour-là, vous avez créé une probabilité. Vous reconnaissez

15 qu'il est, également, possible que vous ne l'ayez pas vu à la télévision ?

16 R. Non, je ne peux pas reconnaître cela, qu'il est possible que je ne

17 l'aie pas vu ce jour-là, je ne peux pas l'accepter.

18 Q. Oublions cela. Etes-vous prêt à reconnaître qu'il est possible que vous

19 vous trompiez quand vous affirmez qu'il s'agissait d'images tournées au

20 moment des événements, c'est-à-dire, en avril 1992 ?

21 M. HANNIS : [interprétation] Je crois qu'il a déjà répondu, qu'il lui était

22 impossible de savoir s'il s'agissait d'images d'archives.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je pense que Me Loukas est en

24 droit de poser des questions supplémentaires pour savoir si, quand le

25 témoin affirme qu'il ne le sait pas, sa réponse tient debout.

Page 2868

1 Continuez, Maître Loukas.

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Pardonnez-moi.

3 [Le conseil de la Défense se concerte]

4 Mme LOUKAS : [interprétation]

5 Q. Monsieur Karabeg, je vais vous reposer cette question. Est-ce que vous

6 envisagez cette possibilité ? Pensez-vous pouvoir vous être trompé quant au

7 film que vous avez vu en avril 1992, aux images que vous avez vues ?

8 R. Je ne peux pas répondre à cette question. Je n'ai pas de réponse à

9 cette question. Je ne travaillais pas à la télévision. Je ne sais pas

10 comment ces images ont été produites. Je n'ai rien vu par écrit qui atteste

11 qu'il s'agissait là d'images d'archives.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question qui vous est posée, Monsieur

13 Karabeg, est la suivante, aviez-vous des raisons de croire qu'il s'agissait

14 effectivement d'images tournées le jour même ou qu'il y avait une

15 quelconque indication permettant de croire qu'il ne s'agissait pas des

16 images qui avaient été tournées le jour même ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est fort possible que l'équipe de télévision

18 ait diffusé ce qui s'était passé ce jour-là, car sinon, il y aurait quelque

19 chose d'inscrit sur l'image. On aurait précisé qu'il s'agissait d'images

20 d'archives avec des dates. Il s'agissait simplement d'un rassemblement et

21 d'une réunion qui avait eu lieu ce jour-là. C'est cela la raison.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y avait rien, par exemple, le temps

23 ou quelconque élément qui vous aurait donné l'impression que ces

24 événements-là ou ces images-là avaient été tournées le jour même ou quelque

25 chose qui aurait pu être dit par les orateurs et qui aurait évoqué les

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1 événements de la veille ou d'éléments qui avaient eu lieu pendant la

2 semaine et qui vous aurait porté à croire que ceci datait d'avant ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Il y avait le présentateur de la

4 télévision qui a précisé que ce jour-là, une cérémonie du commémoration

5 avait été organisée pour fêter l'anniversaire de la libération de Banja

6 Luka, et les personnes présentes étaient, il y avait plusieurs personnes,

7 et ensuite, il y avait ces images que l'on avait montrées de la cérémonie

8 elle-même. Je ne sais pas s'il s'agissait d'une session. Il y avait

9 beaucoup de personnes à l'intérieur de ce hall. Il y avait des dizaines de

10 personnes, des douzaines de personnes, mais je ne sais pas exactement de

11 quelle cérémonie il s'agissait exactement.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous souvenez-vous à quel moment ces

13 images ont été diffusées, au cours de l'actualité ou d'une autre émission à

14 la télévision ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'était pendant les actualités.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Loukas.

17 Mme LOUKAS : [interprétation]

18 Q. Monsieur Karabeg, je vais, maintenant, passer à un autre domaine, en

19 page 6 251 du compte rendu d'audience. On vous a posé un certain nombre de

20 questions et je souhaite confirmer vos réponses avec vous, Monsieur

21 Karabeg. Comprenez-vous cela ?

22 R. Oui, je comprends.

23 Q. Les questions suivantes vous ont été posées : "Vous ne savez pas

24 exactement ce qui s'est produit à Hrustovo et Vrhpolje au cours de votre

25 détention. Est-ce exact ?" Votre réponse était de dire : "J'ai entendu ceci

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1 de la bouche des autres. Je sais ce qu'ils ont vécu, mais je ne l'ai jamais

2 vu moi-même."

3 Vous souvenez-vous de ce passage du contre-interrogatoire ?

4 R. Oui, je m'en souviens car j'avais, déjà, été placé en détention. Je ne

5 pouvais pas voir ce qui se passait à Vrhpolje.

6 Q. La question suivante qui vous a été posée : "Les personnes qui vous ont

7 parlé de ce qui s'était passé, vous ont-elles dit que les Musulmans avaient

8 arrêté 46 officiers serbes à cet endroit-là ?" Vous avez répondu : "Oui."

9 La question suivante était : "Est-ce qu'ils vous ont dit que les personnes

10 qui ont arrêté ces officiers serbes étaient armées ?" Vous avez répondu :

11 "Oui." La question suivante était : " Vous savez qu'il y avait des combats

12 à Vrhpolje et Hrustovo." Vous avez répondu : "Oui, effectivement."

13 Vous souvenez-vous de cette partie-là du contre-interrogatoire, Monsieur

14 Karabeg ?

15 R. Oui, tout à fait.

16 Q. Je vais passer à une autre partie du contre-interrogatoire.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, je souhaite vous poser

18 une question. A la page 6 250, vous faites référence à la déclaration ou au

19 témoignage portant sur les meurtres qui ont été commis à Hrustovo et

20 Vrhpolje. Il s'agissait, là, d'éléments évoqués pendant l'interrogatoire

21 principal. La Chambre a quelque mal à retrouver les dates. Pourriez-vous

22 fournir à la Chambre, s'il vous plaît, les pages en question et les

23 réponses que le témoin a fournies dans ce cadre-là, s'il vous plaît.

24 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, bien sûr. Mais je ne pourrai pas le

25 faire dans l'immédiat.

Page 2871

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'entends, fort bien.

2 Mme LOUKAS : [interprétation]

3 Q. Nous allons maintenant passer à la page 6 274 du contre-interrogatoire.

4 Il s'agit de la page 6 280, pour les Juges de la Chambre.

5 Quelques questions ont été, également, posées dans cet extrait, questions

6 posées à propos de M. Vrkes. Je vais vous lire les questions et les

7 réponses, et ensuite, je vais vous poser des questions à ce sujet, Monsieur

8 Karabeg. Question : "Bien. Hier, vous avez parlé de M. Vrkes et vous avez

9 évoqué un ou deux noms à ce propos, M. Brdjanin et M. Krajisnik, lorsqu'il

10 a parlé de la pression qui était exercée sur lui depuis Banja Luka pour que

11 Sanski Most rejoigne la région de Banja Luka. Vous, bien entendu, ne savez

12 pas si M. Vrkes vous disait la vérité ou non. Est-ce exact ?"

13 Vous avez répondu : "Je vais réfléchir. Non."

14 La question suivante qui vous a été posée est comme suit : "Il a peut-être

15 simplement agi comme cela, cela servait de prétexte à cacher ce qu'il avait

16 l'intention de faire, à savoir, rejoindre Sanski Most et s'associer à cette

17 municipalité en d'autres termes. Il essayait de faire porter le blâme à

18 quelqu'un d'autre. Ceci est possible, n'est-ce pas ?"

19 Votre réponse a été de dire : "Oui, c'est une possibilité. C'est une

20 possibilité. C'est une possibilité."

21 Vous souvenez-vous de cette partie du contre-interrogatoire, Monsieur

22 Karabeg ?

23 R. Oui.

24 Q. C'était vrai, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 2872

1 Q. Une question courte qui vous a été posée par M. Ackerman :

2 "Maintenant ?" Votre réponse a été de dire : "Pardonnez moi, je suis en

3 train de vous rapporter ce propos. Je vous ai dit que je ne lui ai pas

4 parlé directement, je n'ai pas parlé directement à cet homme-là."

5 Pardonnez-moi, je vais un peu vite. "Pardonnez-moi, je suis en train de

6 vous rapporter ce qu'il a dit. J'ai dit que je ne lui ai pas parlé

7 directement. Je n'ai par parlé à cet homme directement, mais il a dit qu'il

8 avait exercé beaucoup de pression, est-ce possible ?"

9 Est-ce que cela a été traduit pour vous, Monsieur Karabeg ?

10 R. Comment cela, cela a été traduit ?

11 Q. Votre réponse.

12 R. Oui, oui, oui. Je crois que vous parliez d'autres choses.

13 Q. Bien évidemment, vous avez accepté que vous ne savez pas, bien sûr, et

14 vous ne savez pas si M. Vrkes disait la vérité. Vous dites qu'il a peut-

15 être simplement utilisé ces noms-là comme prétexte. Est-ce exact, Monsieur

16 Karabeg ?

17 R. Oui, oui.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, avant de passer au point

19 suivant, à la page 6 281, nous avons le terme "gentleman", le terme de ce

20 monsieur au singulier. Ce serait plus logique que le terme soit au pluriel.

21 Comment comprenez-vous ce terme ? Il s'agissait d'une personne ou de deux

22 personnes avec eux précédemment ? Car les noms évoqués ici étaient Brdjanin

23 et Krajisnik.

24 Q. Je crois, Monsieur le Président, que dans la dernière réponse qu'il m'a

25 fournie, cela m'apparaît tout à fait clairement qu'il entendait les deux

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1 hommes.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Poursuivez, je vous prie.

3 Mme LOUKAS : [interprétation] C'est pour cela que j'ai posé une question

4 supplémentaire, car j'estimais qu'il était important de clarifier ce point.

5 Q. Il y a deux autres points que je souhaite aborder avec vous, Monsieur

6 Karabeg. Bien sûr, vous avez remis une déclaration assez longue au bureau

7 du Procureur en 1999 ?

8 R. Oui.

9 Q. Puisque vous avez une formation d'avocat, vous connaissez l'importance

10 que revêt ce genre de déclaration que l'on fait au bureau du Procureur ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous savez également, bien évidemment, quelle importance revêtent les

13 notions de précision et d'honnêteté dans ce genre de déclaration ?

14 R. Oui.

15 Q. Evidemment, vous avez fait attention à inclure tous les éléments qui

16 avaient été portés à votre connaissance dans cette déclaration, à propos de

17 situations particulières ?

18 R. Oui.

19 Q. Cette déclaration que vous avez faite en 1999 a pris deux jours, je

20 crois.

21 R. Je ne sais pas combien de temps cela a pris.

22 Q. Vous ne vous souvenez pas combien de temps cela a pris en 1999 ?

23 Evidemment, les dates sur cette déclaration sont du

24 24 au 25 juillet 1999. Vous ne savez pas combien de temps, combien d'heures

25 vous avez consacrées à cette déclaration ?

Page 2874

1 R. Non. Je ne sais pas, car ceci remonte à quelque cinq années. Puis-je

2 simplement ajouter que j'ai fait cette déclaration de mon plein gré.

3 Q. Monsieur Karabeg, oui. D'après ce que j'ai compris, en 1997 vous avez

4 également fait une déclaration, mais cette déclaration n'était pas signée.

5 Je crois qu'il s'agissait plutôt des éléments principaux de votre

6 déclaration; c'était comme un cadre, si vous voulez. Cette déclaration a

7 été rédigée en présence de Mme Brenda Hollis du bureau de l'Accusation.

8 Vous en souvenez-vous ?

9 R. Oui, tout à fait.

10 Q. Vous souvenez-vous combien de temps a duré cette première déclaration,

11 celle datant de 1997 ?

12 R. Non, je ne me souviens pas.

13 Q. Néanmoins, pour revenir à votre déclaration de 1999 et du reste, toute

14 autre déclaration que vous avez faite à toute forme d'autorité juridique.

15 Vous connaissez l'importance de la vérité, de toute la vérité, rien que la

16 vérité, qu'il s'agit là de choses qui paraissent tout à fait évidente,

17 n'est-ce pas, Monsieur Karabeg ?

18 R. Oui.

19 Q. Monsieur Karabeg, je crois, non, vous n'avez pas sous les yeux la

20 déclaration de 1999 avec tous les paragraphes numérotés.

21 Monsieur Karabeg, puisque vous êtes avocat, vous savez pourquoi ces

22 déclarations sont rédigées. Elles sont rédigées dans le but de mener des

23 enquêtes et dans le but de trouver des personnes responsables. Vous savez

24 cela, Monsieur Karabeg ?

25 R. Oui.

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1 Q. Vous êtes d'accord avec moi, Monsieur Karabeg, pour dire que dans votre

2 déclaration, il n'y a aucune mention du nom de Krajisnik ? Vous savez cela,

3 n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Si on se tourne plus particulièrement vers le paragraphe 12, pardonnez-

6 moi de votre déclaration, vous y êtes, Monsieur Karabeg ? Vous avez

7 retrouvé ce paragraphe ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous avez écrit ici : "Au début du mois d'avril 1992, Vrkes a dit lors

10 du séance de l'assemblée qu'une pression très forte était exercée à ce

11 sujet, émanant du dirigeants de Banja Luka. Des noms n'ont pas été cités."

12 R. Je pense que ceci n'a peut-être pas été traduit correctement, car si

13 cela avait été le cas, il n'aurait pas mentionné le nom de Vrkes, car nous

14 étions liés, nous devions acheter un appartement. Il avait acheté un

15 appartement d'un de mes amis, et je lui ai demandé en passant pourquoi il

16 avait mis ce point à l'ordre du jour. A ce moment-là, je n'y ai pas accordé

17 d'importance particulière.

18 Q. Bien. Mais le fait est que lorsque vous avez fait votre déclaration, et

19 comme vous savez qu'il est important de fournir tous les éléments

20 pertinents puisque vous êtes vous-même avocat, dans votre déclaration vous

21 dites qu'aucune mention ne faite de noms.

22 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il n'a pas cité de

23 noms des personnes présentes lors des réunions de l'assemblée municipale.

24 Il ne s'agit pas ici de noms cités au cours d'une conversation privée.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, je crois qu'il aurait

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1 été plus approprié de demander à Me Loukas de se renseigner sur les

2 circonstances dans lequel ceci a été dit plutôt que d'avoir un débat et de

3 savoir si ceci s'est vraiment produit ou non.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je, s'il vous plaît, expliquer ceci ?

5 Entre la fin du mois de mars et à la fin du mois d'avril 1992, le SDS avait

6 insisté que la municipalité de Sanski Most qu'elle soit rattachée à la

7 Republika Srpska et que ceci soit rattaché à la région centrale de Banja

8 Luka. Les Serbes au début voulaient que l'ensemble de la municipalité soit

9 rattaché à la Republika Srpska. Début du mois d'avril 1992, Vrkes a dit

10 dans des séances de l'assemblée que beaucoup de pression était exercée de

11 la part des dirigeants de Banja Luka. Il n'a pas cité de noms. Personne n'a

12 dit qu'il avait cité des noms lors de ces réunions de l'assemblée. Nous

13 avons décidé à ce moment-là de rencontrer Vrkes après la réunion de

14 l'assemblée en privée, et c'est à ce moment-là, qu'il m'a dit cela. Il n'a

15 pas parlé de cela au cours de la séance de l'assemblée; il s'agit de la

16 séance de l'assemblée ici, la dernière fois séance de l'assemblée.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien que la Chambre aurait préféré cela,

18 ce témoignage aurait dû être présenté d'une façon différente. Me Loukas, M.

19 Hannis, bon, vous êtes tous les deux debout.

20 M. HANNIS : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président, mais il

21 s'agit là d'une question particulière et la réponse qui a été donné au

22 cours du contre-interrogatoire vous a été présentée par écrit. Je crois

23 qu'il s'agit de la page 6 272, lignes 14 à 17.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci.

3 Q. Bien. M. Karabeg, et bien votre réponse, lorsque vous dites dans la

4 déclaration qu'il n'a pas évoqué cela, qu'il n'a pas cité de noms, vous

5 dites qu'il a cité des noms en dehors des séances de l'assemblée, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Evidemment, vous ne dites pas cela dans votre déclaration. Vous dites

9 [comme interprété], "Qu'il n'a pas cité de noms au cours des séances de

10 l'assemblée," n'est-ce pas ?

11 R. C'est indiqué ici. "Vrkes a dit au cours des séances de l'assemblée que

12 les dirigeants de Banja Luka les soumettaient à une pression forte. Il n'a

13 pas cité de noms." C'est ce qui est indiqué ici. A la séance de l'assemblée

14 il disait. Aux séances de l'assemblée il disait. C'est ce qui est indiqué

15 ici. Personne n'a dit qu'il n'avait pas cité de noms ou citer des noms de

16 personnes présentes lors des séances de l'assemblée.

17 Q. Monsieur Karabeg, très bien. En tant qu'avocat, vous savez qu'il est

18 important de rapporter tous les éléments dont vous avez connaissance.

19 R. Je vais expliquer les choses ainsi : si je devais faire des

20 déclarations sur ce qui s'est produit, je crois qu'il me faudrait six mois

21 pour rédiger cette déclaration, et non pas quelques jours. Au fil du temps,

22 j'apprendrais des éléments nouveaux et je modifierais ma déclaration à la

23 lumière de ce que j'aurais appris par la suite. Je suis tout à fait

24 conscient du fait que je dois dire la vérité, et que je suis ici pour dire

25 la vérité. Je sais exactement où je suis assis aujourd'hui.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'il est préférable de ne pas

2 avoir un débat entre le conseil et le témoin.

3 Maître Loukas, vous avez posé une question à propos de l'importance de tout

4 dire de tous les éléments dont on a connaissance. Qu'en est-il de ce qui

5 prévaut en dehors des réunions ou au moment des réunions ? Ceci ne

6 m'apparaît pas très clairement. La dernière question n'était pas très

7 claire pour moi. Est-ce qu'il s'agit toujours de cela ? Est-ce qu'il

8 s'agissait toujours d'évoquer cette question-là ? Il était important

9 d'ajouter à ce stade-là qu'il n'a pas cité de noms, je crois que le

10 contexte est suffisamment clair. Si vous décrivez un moment et que vous

11 devez le répéter à chaque phrase, alors la nouvelle phrase décrit la

12 situation que vous venez de décrire lors de la phrase précédente. Il ne

13 serait pas approprié de demander au témoin s'il s'agissait ou non -- et si

14 lui ne remplissait pas ses obligations. Donc, si c'est cela la question --

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Non, ce n'était pas cela la question. Je vais

16 essayer maintenant de le présenter différemment. Si ceci n'est pas ressorti

17 clairement de la question, à ce moment-là, je vais la reformuler.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

19 Mme LOUKAS : [interprétation] Je regarde l'heure.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous pouvez terminer ces questions

21 ou encore deux questions, et ensuite nous aurons la pause jusqu'à demain.

22 Mme LOUKAS : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

23 Q. Bien. Monsieur Karabeg, vous êtes avocat et vous savez combien il est

24 important lorsque vous rédigez une déclaration détaillée à des enquêteurs

25 qui tentent de retrouver des éléments qui concernent des personnes qui

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1 pourraient être présumées responsables, il est important de dire tout ce

2 que vous savez. Vous comprenez bien l'importance de tout ceci.

3 R. Oui.

4 Q. Donc lorsque vous avez dit dans votre déclaration que : "il n'a pas

5 cité de noms," bien évidemment c'était l'occasion pour dire, "en passant,

6 en dehors des séances de l'assemblée, il a cité des noms car nous avons une

7 conversation en privée." Je crois qu'il serait normal de dire cela ?

8 R. Je ne suis pas un robot et je ne me souviens pas de tous les détails.

9 Mme LOUKAS : [interprétation] Je crois que le moment est venu maintenant.

10 C'est un bon moment pour faire la pause.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Savez-vous combien de temps il vous

12 faudra demain ?

13 Mme LOUKAS : [interprétation] Bien, évidemment cela ne dépend pas

14 uniquement de moi.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je le sais.

16 Mme LOUKAS : [interprétation] Le témoin a tendance à répondre, comme nous

17 avons pu le constater après l'interrogatoire principal, et en partie

18 d'après le contre-interrogatoire, il ne répond pas toujours comment on peut

19 s'y attendre. Donc, Monsieur le Président, je pense qu'il nous faudrait une

20 heure, pas davantage. C'est vraiment un accident et j'espère que je ne

21 m'apporte pas trop.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Non.

23 Monsieur Karabeg, nous allons poursuivre demain à 9 heures, dans la même

24 salle d'audience, je crois, Madame la Greffière. Madame la Greffière a

25 confiance aussi, par un signe de la tête. Nous souhaitons vous revoir.

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1 Puis-je encore une fois vous demander de ne parler à personne du témoignage

2 que vous avez donné et du témoignage que vous devez encore donner.

3 Monsieur Hannis, souhaitez-vous soulever un point ?

4 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Je souhaite dire à la Chambre, que les

5 deux parties en dehors de la Chambre, nous essayons de nous mettre d'accord

6 pour essayer de faire avancer ce procès le plus rapidement possible. On m'a

7 demandé de donner le programme pour la première semaine du mois de juin, à

8 partir du 7 juin.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre n'a pas pu donner une

10 décision n'ayant eu d'information à cet égard, mais a interprété l'absence

11 de M. Stewart comme étant un signe que les parties se rencontraient peut-

12 être en dehors du prétoire.

13 Mme LOUKAS : [interprétation] Finalement, nous arrivons à interpréter les

14 signaux des uns des autres.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Loukas.

16 Nous allons suspendre l'audience jusqu'à demain matin, 9 heures.

17 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mercredi 26 mai

18 2004, à 9 heures 00.

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