Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 27 mai 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour. Madame la Greffière, veuillez

6 citer le numéro de l'affaire.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire

8 IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Je comprends que normalement ce

10 matin ce témoin M. Begic va apporter des annotations sur une pièce à

11 conviction pour la première fois, et peut-être il faudra le faire à la fois

12 pour le Procureur et, après, de manière supplémentaire pour la Défense. Je

13 pense que nous pourrions adopter une règle simple. Les annotations faites

14 pour le Procureur seront bleues, et celles pour la Défense en noir. Ainsi,

15 il ne sera plus difficile pour nous d'identifier ce à quoi les annotations

16 font référence.

17 S'il n'y a pas d'autres points à soulever de manière préliminaire, je

18 souhaite que l'on fasse entrer le témoin dans le prétoire.

19 Pour le compte rendu d'audience, je souhaite dire qu'en ce qui concerne les

20 conseils qui sont présents, Mme Annink a repris son travail de sa collègue

21 d'hier, et Me Stewart est encore absent.

22 M. Resch et M. Hannis sont ici pour présenter le bureau du Procureur, et

23 Mme Loukas pour la Défense.

24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Begic. Veuillez vous

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1 asseoir.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous rappelle que vous êtes encore

4 sous serment, le serment que vous avez prêté hier au début de votre

5 déposition lorsque vous avez dit que vous allez dire la vérité, toute la

6 vérité, rien que la vérité.

7 Veuillez commencer, Monsieur Resch.

8 LE TÉMOIN : RAJIF BEGIC [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 M. RESCH : [interprétation] Merci.

11 Interrogatoire principal par M. Resch : [Suite]

12 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Begic.

13 R. Bonjour.

14 Q. Lorsque nous avons terminé nos travaux hier, vous nous avez parlé du

15 début des événements du 31 mai, et du fait que certains soldats vous ont

16 escorté vous et certains de vos membres de famille de Donji Begici à Gornji

17 Begici ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 M. RESCH : [interprétation] Je souhaite indiquer à la Chambre que les

20 événements du 31 mai font référence à la charte A du l'acte d'accusation,

21 incident 14.2.

22 Q. Combien de soldats y avaient-ils approximativement à Gornji

23 Begici lorsque tous les citoyens musulmans s'y sont regroupés ?

24 R. Je ne saurais vous dire quel était le nombre total de soldats dans

25 l'ensemble du village puisque ce village était sous l'occupation. On

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1 pouvait voir des soldats partout à côté des haies, derrière des maisons, et

2 cetera. Il est très difficile pour moi de faire une évaluation quant au

3 nombre exact de soldats.

4 Q. Les soldats, qu'est-ce qu'ils vous ont demandé de faire, vous et les

5 autres hommes et femmes ?

6 R. Lorsque notre groupe arrivait à Gornji Begici depuis Donji Begici, à ce

7 moment-là, les habitants de Gornji Begici qui avaient été dans la cave de

8 la maison de Safet Begic, ils avaient reçu l'ordre de sortir et de

9 s'aligner sur la place de ce hameau, une espèce de place si vous voulez, et

10 c'est ce qu'ils sont faits. Ils sont sortis. Nous, on arrivait, et on aura

11 donné l'ordre pour que les hommes se mettent à gauche de la rue et que les

12 femmes entrent dans la maison d'Ismet Kurbegovic.

13 Q. Ces soldats, est-ce qu'ils vous ont dit ce que vous deviez faire après

14 votre alignement à gauche de la route ?

15 R. Oui. Ils nous ont dit de constituer une colonne, un par un, et de nous

16 tourner vers eux. Nous nous sommes alignés à côté de la maison, et à ce

17 moment-là nous sommes restés seuls. Je veux dire par là que les femmes et

18 les enfants étaient déjà partis, seuls les hommes sont restés.

19 Q. Est-ce que ces soldats vous ont dit où vous alliez ?

20 R. Les soldats nous ont dit que ce groupe allait vers le pont Vrposki, et

21 les cars nous y attendaient pour nous transporter à Sanski Most.

22 Q. Il est écrit sur le transcript "Vrposki Most"; est-ce que vous voulez

23 parler du pont de Vrhpolje ?

24 R. Oui, le pont de Vrhpolje, ou Vrposki dans notre langue, on n'avait

25 qu'un.

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1 Q. Est-ce que vous avez marché jusqu'aux cars ou jusqu'aux camions.

2 Comment est-ce que vous êtes partis ?

3 R. Depuis cet endroit, nous sommes allés vers le pont de Vrhpolje deux par

4 deux, dans une colonne deux par deux. Nous n'avons pas pris la route qui

5 mène au pont, mais nous avons traversé les villes dans la région entre

6 Begici et l'autre endroit. Il s'agit d'une zone avec des collines. Nous

7 sommes allés à travers les vignes pour arriver au pont de Vrhpolje.

8 M. RESCH : [interprétation] Je souhaite que l'on place maintenant la pièce

9 à conviction P17 sur le rétroprojecteur.

10 Q. Est-ce que vous pourriez prendre un stylo bleu pour annoter au mieux de

11 vos souvenirs la route que vous avez prise ce 31 mai jusqu'au pont de

12 Vrhpolje.

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Pour le compte rendu d'audience, je souhaite indiquer que le témoin a

15 dressé une ligne bleue qui commence à Begici, qui commence d'abord vers le

16 sud, ensuite sud-est, et ensuite ceci remonte au nord pour se terminer au

17 pont de Vrhpolje.

18 Est-ce que vous vous souvenez approximativement du nombre de soldats qui

19 escortait ce groupe d'hommes de Begici vers le pont de Vrhpolje ?

20 R. A ce moment-là, nous étions escortés par huit soldats armés.

21 Q. Connaissez-vous les noms d'un quelconque de ces soldats ?

22 R. Je connaissais seulement Jadranko Palija, qui était à la tête de ce

23 groupe de soldats qui nous escortait. En ce qui concerne les autres, je ne

24 les connaissais pas.

25 Q. Approximativement combien d'hommes y étaient avec vous ? Combien de

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1 prisonniers pour ainsi dire ?

2 R. Nous étions au nombre de 20.

3 Q. Est-ce que vous étiez tous des Musulmans ?

4 R. Oui, nous étions tous des Musulmans.

5 Q. Est-ce que vous vous souvenez des noms de quelques-uns ou des autres

6 hommes de ce groupe de 20 personnes ?

7 R. Oui, certainement.

8 Q. Dites-nous, s'il vous plaît ?

9 R. Parmi nous il y avait Miralem Ceric, avec ses deux fils, Enes Ceric et

10 Midhet Ceric. Ensuite, il y avait Hakija Begic avec son fils Muharem Begic,

11 et un homme âgé, Sacir Begic. Ensuite, Safet Begic, Muhamed Begic avec son

12 fils, Fuad Begic, et son petit-fils, Elmedin Begic. Ensuite, il y avait

13 Nail Begic, Ismet Kurbegovic, Munib et Nedzad Begic, moi, Ismet Dizdarevic,

14 avec ses trois fils, Muhamed, Mirsad et Enes Dizdarevic. Je pense que j'ai

15 énuméré tous les noms.

16 Q. Peut-être que vous n'avez pas énuméré vraiment 20 noms, mais est-ce que

17 peut-être vous avez oublié quelques-uns ?

18 R. Vous parlez de ceux qui allaient vers le pont ou de l'escorte ?

19 Q. Excusez-moi. Je vais clarifier. Peut-être que vous vous ne souvenez pas

20 maintenant des noms de tous les autres prisonniers ?

21 R. Non, je me souviens de tout le monde, mais, si je dis une vingtaine, je

22 voulais dire pas nécessairement 20 exactement, mais une vingtaine de

23 personnes, parce que je sais que j'ai énuméré tout le monde. A moins que

24 par hasard j'ai omis quelqu'un.

25 Q. Très bien. Sur la route du pont, est-ce que quelque chose vous est

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1 arrivé dont vous vous souvenez ?

2 R. Oui. En allant vers le pont en partant du village de Begici, tout

3 d'abord nous avons été arrêtés à côté d'une maison de campagne qui se

4 trouvait dans un verger près de Begici, et c'est là qu'un groupe de soldats

5 serbes se reposaient. Ils nous ont arrêtés, nous provoqués, ils proféraient

6 des jurons contre nous. Il est vrai qu'ils ne nous harcelaient pas

7 physiquement. Après cela, nous avons poursuivi notre chemin vers le pont.

8 Je souhaite simplement ajouter que certaines de ces personnes capturées ont

9 subi des séquelles. Après la première entrée des soldats dans le village,

10 il s'agissait d'Ismet Kurbegovic et Sacir Begic. Ces hommes-là avaient été

11 passés à tabac par mes voisins à deux reprises lorsque ceux sont entrés

12 dans le village. Ensuite, nous avions Sacir Begic qui venait avec nous.

13 Nous avons dû pratiquement le porter car il a été dit que s'il traînait le

14 groupe, il allait être tué.

15 Nous sommes arrivés à la rivière de Sanica et lorsque l'on traversait le

16 pont, Miralem Ceric, qui avait des problèmes cardiaques, apparemment, à

17 commencer à avoir une crise cardiaque. A ce moment-là, son fils Enes Ceric,

18 qui l'aidait à marcher, s'est arrêté un peu derrière la colonne pour aider

19 son père. A ce moment-là, il y a Jadranko Palija qui les a fait sortir et

20 il les a amenés de l'autre côté de la rivière de Sanica, jusqu'à un endroit

21 qui servait d'abattoir auparavant, et depuis toute trace de ces personnes

22 se perd.

23 Q. Est-ce que vous avez entendu des coups de feu venant de cet abattoir ?

24 R. Notre colonne a poursuivi son chemin et à un moment donné j'ai entendu

25 un coup de feu. A ce moment-là, je me suis retourné. Au bout de quelques

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1 secondes, j'ai vu il y avait un corps qui sortait de l'abattoir, qui

2 replaçait son pistolet dans son étui et qui rejoignait la colonne de

3 nouveau.

4 Q. Est-ce que vous pouvez examiner la pièce à conviction P117, qui se

5 trouvait sur le rétroprojecteur. Est-ce que vous voyez sur cette

6 photographie l'abattoir ?

7 R. Oui, c'est la photographie numéro 3.

8 Q. Est-ce que vous vous souvenez approximativement où était situé cet

9 abattoir sur la carte ? Est-ce que vous pourriez prendre le stylo et écrire

10 le numéro 3 à l'endroit où se trouvait l'abattoir.

11 R. Comme vous le voyez, ceci se trouve immédiatement à côté du pont de

12 Sanica, juste à côté du pont.

13 M. RESCH : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, le témoin

14 indique le numéro 3 à l'emplacement où la route tourne vers le nord.

15 Q. Lorsque votre groupe a poursuivi son chemin, est-ce que quelqu'un

16 d'autre a été tué ? Est-ce que l'on a tiré sur quelqu'un d'autre avant

17 votre arrivée au pont de Vrhpolje ?

18 R. Lorsque nous sommes sortis sur la route qui mène vers Kljuc de Sanski

19 Most, il y a un croisement des routes à cet endroit, à cet endroit Jadranko

20 Palija a fait sortir Ismet Kurbegovic, que j'ai mentionné tout à l'heure.

21 Si mes souvenirs sont bons, il a été accusé de posséder un fusil à

22 lunettes. C'est pour cela qu'il avait été passé à tabac. A ce moment-là,

23 lorsque Jadranko Palija l'a fait sortir sur ce croisement de routes, il a

24 visé son pistolet vers Ismet. Il lui a dit, où est ton fusil à lunettes ?

25 Ismet a dit qu'il n'en avait pas. A ce moment-là, Jadranko l'a tué de sang

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1 froid sur cette route.

2 Q. Est-ce que Jadranko Palija a tué qui que ce soit d'autre sur la route

3 de pont de Vrhpolje ?

4 R. Oui. Après avoir tué Ismet Kurbegovic, nous avons poursuivi notre

5 chemin. Nous ne nous sommes jamais arrêtés. Nous avons poursuivi notre

6 chemin vers le pont. A une cinquantaine de mètres du pont, nous étions du

7 côté gauche du pont. Derrière nous, à ce moment-là, une petite camionnette

8 militaire est arrivée avec un seul chauffeur à l'intérieur et lorsqu'il

9 passait à côté de la colonne, Jadranko l'a arrêté, il s'est mis à la place

10 à côté du chauffeur. Il a ouvert la fenêtre à côté du chauffeur et à

11 travers ces fenêtres, il a donné l'ordre à Irfan Begic de venir de l'autre

12 côté de la camionnette. C'est ce qu'Irfan a fait. L'autre, il n'a pas dit

13 un mot. Il était toujours assis dans cette camionnette, il a tiré sur lui

14 de son pistolet. A ce moment-là, le corps d'Irfan s'est effondré à côté de

15 la route.

16 Q. Vous étiez à quelle distance lorsque Jadranko Palija a tiré sur Irfan

17 Begic ?

18 R. C'est juste la route qui nous séparait. Je dirais deux mètres et demi,

19 trois mètres peut-être.

20 M. RESCH : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la photographie

21 suivante qui n'a pas encore été marquée. Peut-on lui attribuer une cote ?

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction

23 P118.

24 M. RESCH : [interprétation]

25 Q. Monsieur Begic, est-ce que vous reconnaissez cette photographie et le

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1 pont que l'on voit sur la photographie ?

2 R. Oui, je reconnais. C'est le pont de Vrhpolje.

3 Q. Sur cette photo, est-ce que vous pouvez voir l'emplacement où Jadranko

4 Palija a tiré sur Ismet Kurbegovic, le 31 mai 1992 ?

5 R. Oui, on peut le voir. Si vous pouvez remarquer ce croisement de la

6 route, nous, nous sommes arrivés depuis la direction d'Hrustovo. Ensuite,

7 on a tourné à gauche, et ici, à ce croisement de la route, de l'autre côté,

8 il y avait un signe stop et c'est immédiatement à côté de ceci qu'Ismet

9 Kurbegovic a été tué.

10 Q. Est-ce que vous pourriez apposer le chiffre 1 et encerclez l'endroit

11 où, d'après vos souvenirs, Ismet Kurbegovic a été tué ?

12 R. [Le témoin s'exécute]

13 Q. Est-ce que vous voyez sur cette photographie l'endroit où Jadranko

14 Palija a tué Irfan Begic ?

15 R. Oui. Ici, l'on voit cela beaucoup mieux. C'est environ à environ 50

16 mètres avant le pont.

17 Q. Est-ce que vous pourriez apposer le numéro 2 à l'endroit où Jadranko

18 Palija a tué Irfan Begic ?

19 R. [Le témoin s'exécute]

20 Q. Lorsque vous êtes arrivé au pont de Vrhpolje, est-ce qu'il y avait

21 d'autres soldats sur place qui vous attendaient ?

22 R. Oui. Il y avait beaucoup de soldats là-bas sur le pont. A gauche du

23 pont, il y avait déjà un groupe de soldats qui attendaient au croisement de

24 la route, vers Kozica et Sanski Most, immédiatement à côté du pont, il y

25 avait un bunker où il était possible de voir d'autres soldats à

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1 l'intérieur.

2 Q. Combien de soldats attendaient au niveau du pont lorsque vous êtes

3 arrivé ?

4 R. Je ne peux vous donner de chiffre exact, car je ne les ai pas comptés.

5 Si on compte ceux qui étaient à l'intérieur du bunker et ceux qui étaient

6 devant, cela devrait représenter une cinquantaine d'hommes.

7 Q. Ces soldats portaient-ils des armes ?

8 R. Oui. Ils portaient tous des armes.

9 Q. Avez-vous reconnu certains de ces soldats qui étaient devant le pont ?

10 R. Oui. J'en ai reconnu quelques-uns comme Marinko Acimovic, Predrag

11 Stojnovic, Zivkovic.

12 Q. Ces soldats qui attendaient au niveau du pont, vous ont-il dit quelque

13 chose ?

14 R. Oui. Ils nous provoquaient après notre arrivée et comme nous marchions

15 du côté gauche, en direction du pont, ils nous ont demandé de traverser de

16 l'autre côté du pont et nous mettre en rang, un par un, près de la barrière

17 qui se trouvait sur le pont.

18 Q. Pourriez-vous indiquer par le chiffre 3 l'endroit où on vous a demandé

19 de vous mettre en rang, un par un ?

20 R. [Le témoin s'exécute]

21 M. RESCH : [interprétation] Pour le besoin du compte rendu d'audience, le

22 chiffre 3 a été apposé au milieu du pont.

23 Q. Les soldats qui se trouvaient sur le pont lorsque vous êtes arrivé,

24 vous nous avez cité quelques noms. Connaissez-vous leur appartenance

25 ethnique ?

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1 R. C'étaient des Serbes. Parmi eux, il y avait également Nenad Kaurim, un

2 autre homme, Vidovic et un conducteur d'ambulance qui ne portait pas

3 d'uniforme.

4 Q. Connaissiez-vous Nenad Kaurim auparavant ?

5 R. Je les connaissais tous avant cela, tous ces gars-là. Certains d'entre

6 eux étaient mes copains de classe. Nous étions voisins. Nous jouions

7 parfois ensemble, en fait, nous faisions du sport ensemble. Je les

8 connaissais tous.

9 Q. Nenad Kaurim, vous a-t-il dit quelque chose sur le pont ?

10 R. Oui. Nenad nous a dit de nous mettre en rond, sur le côté du pont,

11 d'enlever nos vêtements et d'enlever nos chaussures de façon à ce qu'ils

12 puissent nous fouiller. Il nous a insulté. Il proférait des insultes à

13 notre égard. Il nous a dit que, ce jour-là, ils allaient tuer 70 Musulmans

14 parce que sept soldats serbes avaient été tués précédemment.

15 Q. Sur le pont, est-ce que vous avez essayé, vous ainsi que d'autres

16 soldats musulmans d'attaquer les Serbes, les soldats serbes ?

17 R. Non. Nous n'avons pas tenté de le faire.

18 Q. Monsieur Begic, pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé sur le

19 pont ? Qu'on fait les soldats serbes aux prisonniers musulmans ?

20 R. Ils nous ont fouillés rapidement. Ils nous ont dépossédés de ce que

21 nous avions. Nous avons jeté nos vêtements sur le pont. Nous nous

22 trouvions, à ce moment-là, au milieu du pont, et ils nous ont demandé s'il

23 y avait quelqu'un parmi nous qui pouvions se lancer ou se jeter du pont.

24 Nous n'avons rien répondu à cela. Ensuite, Marinko Acimovic a montré du

25 doigt Midhet Ceric, qui était le premier de la colonne en regardant de la

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1 gauche vers la droite. Il a dit que Cera savait très bien faire cela, et il

2 lui a ordonné de sauter du pont. Cera s'est retourné, il a enjambé la

3 barricade, il a sauté et on l'entendait nager sous le pont puisqu'il

4 passait sous le pont.

5 Marinko Kaurim et Zeljko étaient debout de l'autre côté du pont, ils ont

6 braqué leurs armes automatiques sur lui. Lorsqu'il est passé sous le pont

7 et qu'il est arrivé de leur côté, ils ont tiré une salve de balles sur lui,

8 on pouvait voir son corps mort descendre le fleuve.

9 Q. Les soldats serbes ont-ils forcé quelqu'un d'autre à sauter du pont ?

10 R. Oui. Après avoir tué Cera, ils nous ont dit : "Allez, au suivant."

11 C'était au tour de Munib Begic de sauter. Munib Begic a essayé de leur

12 expliquer quelque chose, il a essayé de leur parler. Néanmoins, ils ne

13 voulaient rien entendre, ils l'ont frappé avec les crosses de fusils sur la

14 tête. Après avoir été frappé plusieurs fois, il a sauté de la même façon,

15 il a nagé, il est passé sous le pont, et les mêmes trois ou quatre soldats

16 lui ont tiré dessus. On a pu voir son corps, mort également, flotter dans

17 l'eau et descendre le fleuve.

18 Q. Regardons une nouvelle fois cette photo portant la cote P118. Dans

19 quelle direction allait le courant, à ce moment-là ?

20 R. Le courant va dans ce sens-là. Le fleuve va de Kljuc à Sanski Most.

21 Q. Pourriez-vous, simplement, indiquer par une flèche le sens du courant,

22 s'il vous plaît ?

23 R. [Le témoin s'exécute]

24 M. RESCH : [interprétation] Pour le besoin du compte rendu d'audience, le

25 témoin a indiqué par une flèche le sens du courant de ce fleuve allant de

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1 droite à gauche sur la photo.

2 Q. De l'endroit où vous étiez sur le pont, avez-vous pu voir après que ces

3 deux hommes aient sauté dans l'eau, et après que ces deux hommes soient

4 passés sous le pont, avez-vous pu les voir ?

5 R. Malheureusement, je ne comprends pas très bien votre question. Si vous

6 sautez dans l'eau, cela se voit, car ces personnes étaient debout à côté de

7 moi. Lorsque ces personnes sont passées sous le pont, on ne pouvait pas les

8 voir en réalité. Avant de pouvoir voir l'autre côté du pont, autrement dit

9 10 à 15 mètres plus loin, c'est à ce moment-là, que l'on pouvait voir le

10 corps passé sous le pont mais pas avant.

11 Q. Quelle distance y a-t-il environ entre la surface du pont et la surface

12 de l'eau ?

13 R. Environ six à sept de mètres de chute. Peut-être davantage, environ six

14 à sept mètres, voir dix mètres.

15 Q. Les soldats, qui ont tiré sur ces hommes qui ont sauté du pont,

16 étaient-ils positionnés de l'autre côté du pont ?

17 R. Oui. Comme je l'ai dit, ils étaient de l'autre côté du pont, ils

18 regardaient le fleuve du côté droit, c'est-à-dire, dans le sens du fleuve,

19 dans le sens du courant; c'est-à-dire, ici.

20 Q. Pourriez-vous indiquer par le chiffre 4, s'il vous plaît, l'emplacement

21 où se trouvaient les soldats qui ont tiré ?

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 M. RESCH : [interprétation] Pour le besoin du compte rendu d'audience, le

24 témoin vient d'indiquer par le chiffre numéro 4 l'endroit à droite du pont,

25 l'endroit où se trouvaient les soldats en amont du fleuve.

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1 Q. Les soldats ont-ils ordonné à d'autres prisonniers de sauter du pont ?

2 R. Oui. Après qu'ils aient tué Munib Begic, le suivant était Mirsad

3 Dizdarevic, un des trois fils d'Ismet Dizdarevic qui était là également. On

4 lui a ordonné de sauter. Cette fois-ci, ils ne l'ont pas frappé, il a

5 sauté. Ils ont tiré sur lui. Il s'est produit la même chose que pour les

6 deux personnes précédentes.

7 Après lui, c'était autour de leur frère cadet, et Enes Dizdarevic avait eu

8 15 ans, ce jour-là, ou avait environ 15 ans, à un ou deux mois près. On lui

9 a ordonné de sauter également. Sans réfléchir à deux fois, il a enjambé la

10 barrière et, à ce moment-là, Jadranko Palija s'est approché de lui, a posé

11 un pistolet sur sa tempe et à distance d'un mètre lui a tiré dessus. Son

12 corps pendait sur le bord du pont et quelqu'un d'autre a donné un coup de

13 pied sur ce corps, et le corps est tombé dans le fleuve. Entre temps, les

14 soldats continuaient à tirer sur le corps déjà mort.

15 Après cela, après Enes, il y a Elvedin Begic qu'ils voulaient interroger

16 rapidement. Ils lui ont demandé qui était le commandant de Begici. Il a

17 répondu qu'il ne savait pas, et qu'il n'y avait personne en cette qualité

18 là. A ce moment-là, un des hommes l'a frappé, et les autres soldats sont

19 venus vers nous et nous ont tous frappés. C'est à ce moment-là, qu'ils ont

20 commencé à passer à tabac tous les prisonniers qui se trouvaient sur le

21 pont y compris moi-même. Les gens étaient en sang, ils leur demandaient de

22 quitter le parapet du pont, ils nous rassemblaient au milieu du pont et

23 nous frappaient.

24 La situation était chaotique. On a demandé à Elvedin s'il y avait des armes

25 dans le village, il a dit qu'il ne se souvenait pas. Il a dit pour autant

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1 que je sache, j'avais un fusil. Ensuite, Kaurim a commencé à le frapper.

2 Jadranko s'est approché de moi, et il m'a demandé d'ouvrir la bouche. Il a

3 placé le canon de son fusil automatique dans ma bouche, il était sur le

4 point de tirer, mais il lui a dit de ne pas me tuer. Il m'a demandé de

5 sauter du pont et Jadranko m'a intimé de sauter.

6 J'ai enjambé le parapet comme tous les autres, j'ai sauté du pont dans la

7 rivière, j'ai descendu le fleuve et ma tête a touché une pierre qui se

8 trouvait dans le fleuve. Je me suis arrêté quelques instants sous le pont.

9 Il y avait de l'eau tout autour de moi et on entendait grener les personnes

10 qui se trouvaient sur le pont et qui étaient frappées.

11 Je me suis arrêté, j'ai enlevé la chemise blanche que je portais, je l'ai

12 fait passer sous l'eau. Je pense qu'ils allaient me tirer dessus de toute

13 façon, mais j'ai décidé de ne pas me mettre à nager, mais d'essayer de

14 plonger plutôt pour atteindre la rive gauche du fleuve. Mais, si je

15 réussissais à passer de ce côté-là et à plonger et à me cacher peut-être

16 sous les branches des arbres, je pourrais peut-être rester en vie; et, pour

17 finir, j'ai réussi.

18 Q. Vous avez réussi à atteindre l'autre rive du fleuve ?

19 R. Oui. J'ai plongé alors qu'on me tirait dessus, et j'ai plongé entre les

20 balles, mais je regardais sans cesse cette chemise blanche que j'avais

21 laissée de côté, je les voyais tirer sur cette chemise blanche.

22 Heureusement -- fort heureusement, je n'ai pas été touché par les balles

23 qui fusaient tout autour et j'ai réussi à plonger à atteindre l'autre rive.

24 On voit ici les arbres sous l'autre rive du fleuve. J'ai refait surface

25 parmi la végétation qui se trouvait au niveau de l'eau, et je suis resté là

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1 et je me suis maintenu grâce aux branches qui se trouvaient là.

2 A partir de là je voyais bien le pont; cependant, je ne pourrais pas

3 reconnaître les visages des personnes qui tombaient dans l'eau. Je

4 regardais à travers les branchages, il y avait une certaine distance entre

5 eux et moi, et j'ai le front qui saignait, et j'avais du sang dans mes

6 yeux. Je ne savais quel était l'homme qui avait sauté après moi -- mais les

7 hommes qui avaient sauté après moi, je pense qu'il aurait dû y avoir trois

8 ou quatre personnes que l'on a ordonnées de sauter comme les autres avant.

9 Je ne savais pas ce qui est advenu des autres hommes. Je l'ai appris par la

10 suite.

11 On a entendu une rafale de coups de feu. Après les passages à tabac, après

12 ces assassinats ces meurtres, on a entendu une rafale de coups de feu. Mais

13 je pense qu'ils ont été tous tués, qu'ils sont tous été tués à ce moment-là

14 car tout était silencieux. Après cela, on entendait rien de plus, on

15 entendait plus de grouillement, on n'entendait plus personne -- on

16 n'entendait plus de gémissement, on n'entendait plus personne sauter dans

17 l'eau.

18 Q. Parmi tous les noms des hommes qui se trouvaient sur le pont que vous

19 avez cités aujourd'hui, saviez-vous si certains d'entre eux ont survécu ?

20 R. Je ne sais pas.

21 Q. Les avez-vous revus après ce jour-là ?

22 R. Non. Les jours suivants, je me suis trouvé au long du fleuve près de

23 Sanica car j'avais j'essayais de fouiller cette partie du fleuve, et

24 j'essayais de retrouver des survivants, des personnes qui pourraient peut-

25 être m'aider. Ce n'était pas une situation très aisée, mais je ne trouvais

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1 personne.

2 Q. L'un des hommes dont vous avez cité le nom était Nedzad Begic.

3 R. Oui, de plus, mon frère cadet.

4 Q. Avez-vous revu votre frère cadet, depuis ce jour-là ?

5 R. Non. Jamais.

6 Q. Vous avez finalement réussi à rejoindre la maison d'un de vos voisins

7 serbes, n'est-ce pas ?

8 R. Oui. Vous ne voulez pas que je parle du déroulement des événements les

9 jours suivants, vous souhaitez simplement que je parle de la rencontre avec

10 mon voisin ?

11 Q. Oui, je souhaite que vous parliez de cette rencontre avec votre voisin,

12 et le moment où vous avez été emmené au centre médical de Tomina ?

13 R. J'ai passé quelques jours à l'embouchure du fleuve de Sanica, et c'est

14 à ce moment-là, c'était le soir, je crois que c'était le jeudi soir, il y a

15 eu une tempête et j'ai décidé de me rendre dans la maison de Vid Krlic,

16 nous avions de bonnes relations avec ces personnes-là et nous étions des

17 parrains respectivement de nos enfants respectifs. Je pensais qu'il

18 pourrait m'aider. Ou je pensais qu'il pourrait peut-être me donner des

19 renseignements ou, en tout cas, me prodiguer des soins médicaux.

20 Comme le temps était orageux, je me suis rapproché de leur maison ce soir-

21 là. Le lendemain matin, je me suis présenté à eux, et je n'ai pas voulu

22 frapper à leur porte pendant la nuit, mais je suis sorti de la grange et je

23 me suis présenté à leur fils qui est sorti le lendemain matin.

24 Ils m'ont fait entrer dans leur maison, et Zeljko m'a dit qu'il n'y avait

25 plus de survivants, qu'ils avaient été tous tués sur le pont. Sa mère était

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1 également à l'intérieur de la maison. Andja Krlic, et Svetko, qui était un

2 de leurs parents, étaient là également. Je ne connais pas les raisons de sa

3 présence dans cette maison à ce moment-là. Je leur ai parlé de ce qui

4 s'était passé. Andja Krlic a dit que Jadranko Palija, est venu le voir

5 lorsqu'il est rentré ce jour-là, et leur a dit qu'il avait essayé de sauver

6 la vie de ses voisins, les Begic, mais qu'il n'avait pas pu car les autres

7 personnes avaient attaqué le pont, et c'est la raison pour laquelle tout le

8 monde avait été tué.

9 J'ai réagi de façon un peu brusque, à ce moment-là. Je crois que je les ai

10 insultés, en disant que cela n'était pas vrai car Jadranko Palija avait,

11 lui-même, tué toutes les personnes qui se trouvaient sur le pont, il n'y

12 avait pas de combat. Je leur ai dit que le pont n'avait jamais été attaqué,

13 qu'il s'agissait là de meurtre délibéré.

14 Je leur ai parlé pendant quelques instants et je leur ai demandé de me

15 donner des vêtements. Ils m'ont donné de l'alcool que j'ai utilisé pour

16 panser mes blessures. J'ai pansé mes blessures que j'avais à la tête et au

17 niveau de la poitrine, et je me suis endormi pendant quelques instants. Un

18 peu plus tard, j'ai entendu des voix. C'étaient des voisins qui étaient

19 arrivés et qui avaient encerclé la maison. On m'a ordonné de sortir.

20 Lorsque je me suis trouvé à l'extérieur de la maison, il y avait les mêmes

21 personnes qui avaient frappé leurs voisins : Ismet Kurbegovic, Sacir Begic,

22 Ranko Cosic, Ilic Vico, Bosko Stojkovic, un colonel que je n'avais jamais

23 rencontré auparavant -- un lieutenant.

24 Ces quatre personnes sont arrivées et ce lieutenant, qui était leur

25 supérieur hiérarchique, leur a demandé de leur parler de moi. Andja Krlic

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1 et Zeljko Krlic leur ont dit que je pouvais rester chez eux et qu'ils

2 allaient s'occuper de moi et prendre soin de moi pour que je me rétablisse,

3 qu'ils allaient jeter un œil sur moi. Néanmoins, trois voisins ont insisté

4 pour que je sois transféré à Tomina, que je sois transféré à l'hôpital afin

5 de subir des analyses, soi-disant. Ils ont essayé de trouver une voiture

6 pour m'emmener à l'hôpital mais ils n'ont pas réussi à trouver de voiture,

7 et après en avoir parlé pendant quelques instants, ils ont décidé de m'y

8 emmené.

9 Nous nous sommes rendus à Tomina, à côté de l'école élémentaire, où il y

10 avait un dispensaire. Le Dr Majkic était le médecin qui m'a aidé. Il a

11 nettoyé ma blessure que j'avais à la tête et je lui ai parlé de ce qui

12 s'était passé. Je ne sais pas pourquoi, mais je lui en ai parlé. Ils m'ont

13 ensuite emmené dans l'école où je devais être, soi-disant, interrogé par

14 Gojko Saula et Nedjo Sucur. Lorsque je suis arrivé devant l'école, j'ai vu

15 Gojko Saula, qui quittait l'école ainsi que Nedjo. Ils avaient reçu un

16 appel et on leur avait demandé de se rendre rapidement en ville. Il s'est

17 tourné vers Nedjo et lui a demandé de procéder à l'interrogatoire en règle

18 et de me laisser dans la cave du bâtiment de l'école.

19 Nedjo et moi-même, nous nous sommes rendus dans le bâtiment de l'école dans

20 une salle de classe vide. Nous avons évoqué ce qui s'est passé.

21 Q. Je vais vous arrêter quelques instants. Ce Nedjo Sucur, était-ce un

22 soldat ?

23 R. Nedjo Sucur était un officier de réserve de l'armée serbe.

24 Q. Savez-vous à quelle unité il appartenait ?

25 R. A une Unité du 6e Corps. Pour ce qui est de son grade, je ne sais pas

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1 vraiment quel était son grade.

2 Q. Est-ce que Nedjo Sucur vous a parlé de l'incident qui avait eu lieu au

3 pont de Vrhpolje ?

4 R. Oui. On a parlé de tout cela. Nedjo m'a donné sa propre version des

5 événements de manière détaillée. Il m'a dit que ce qui s'était produit à

6 cet endroit n'aurait pas du se produire, et qu'il n'avait rien à voir avec

7 tous ces assassinats, que ce n'était pas sa section qui avait fait tout

8 cela et qu'il était désolé pour certaines des personnes qui avaient été

9 tuées. Il m'a demandé comment tout s'était produit au moment où nous étions

10 arrivés au pont. Il m'a demandé si je me souvenais de ceux qui nous avaient

11 tiré dessus. Il m'a dit qu'il l'aurait su si cela avait été ses soldats.

12 Q. Qu'avez-vous du dire à Nedjo Sucur au sujet de ce qui s'était produit

13 au pont ?

14 R. A ce moment-là, j'ai dit à Nedjo que nous étions arrivés au pont et

15 qu'au moment où on arrivait, à notre arrivée, les soldats s'étaient mis à

16 nous passer à tabac dès notre arrivée au pont, et qu'ils avaient entrepris

17 de nous jeter à l'eau. Si bien que je n'avais pas été en mesure de voir

18 tout ce qui s'était passé. Je lui ai dit que tout s'était passé très vite

19 et j'ignorais qui était les soldats. Je n'ai même pas osé lui donner les

20 noms de ceux dont j'étais convaincu qu'ils étaient au pont.

21 Q. Pourquoi ne lui avez-vous pas dit le nom des soldats que vous aviez

22 reconnu au pont ?

23 R. Je ne sais pas. A ce moment-là, je me suis dit que cela me servait à

24 rien pour moi et qu'il valait mieux que je ne lui dise pas le nom de ces

25 soldats. Mais après une brève conversation, il a appelé Nenad Kaurim, il

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1 l'a fait entré dans la salle de classe et il m'a demandé si je le

2 reconnaissais. Je lui ai dit que je savais que c'était Nenad Kaurim, que je

3 le connaissais parce qu'on avait été à l'école ensemble, que je le

4 reconnaissais parce qu'il était sur le point de contrôle, parce qu'il y

5 avait des points de contrôle qui avaient été mis en place, plusieurs mois

6 auparavant. Je lui ai expliqué que c'était pour cette raison que je savais

7 qui s'était. Mais j'ai dit que je ne me souvenais pas de l'avoir vu au

8 pont. Si bien, qu'il a ensuite dit à Nenad qu'il pouvait sortir après cette

9 brève conversation.

10 Q. Vous dites que vous avez eu le sentiment que cela n'aurait pas servi

11 vos intérêts si vous aviez donné le nom de ces soldats. Est-ce que pendant

12 que Nedjo Sucur vous interrogeait, vous avez eu peur, vous vous êtes senti

13 intimidé ?

14 R. Nedjo Sucur ne m'a pas menacé une seule fois pendant cet

15 interrogatoire. Non seulement cela, mais en plus, j'avais le sentiment que

16 je pouvais lui faire confiance, mais j'ai pensé que nommer ces soldats

17 n'était pas une très bonne idée à cet endroit. Je ne pensais pas pouvoir

18 attendre de la pitié de la part de quiconque de ces gens-là.

19 Q. Une fois que vous avez été interrogé, où êtes-vous allé ?

20 R. Après l'interrogatoire, Nedjo est passé aux événements qui avaient eu

21 lieu à Hrustovo et Vrhpolje. Il a parlé de cela. Il m'a dit qu'il y avait

22 eu des combats à Vrhpolje, que des gens avaient été faits prisonniers --

23 enfin, non. Il ne m'a pas dit que des gens avaient été faits prisonniers,

24 que des soldats avaient été coincés à Hrustovo. Mais il y avait des unités

25 armées musulmanes que je ne connaissais pas.

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1 Il m'a dit qu'il avait essuyé des tirs depuis Vrhpolje. Il a dit que la

2 situation était vraiment regrettable, qu'il était désolé de ce qui se

3 passait, et que les habitants de Begici et d'Hrustovo se trouvaient à

4 Tomina et qu'on allait m'y escorter également. Il voulait que je rejoigne

5 mon jeune frère ainsi que ma mère qui se trouvait à Tomina, à l'époque. Il

6 a dit qu'il fallait que je ne parle à personne de tous ces événements,

7 qu'il aille me sauver, ce qu'il voulait dire par là, c'est qu'il allait

8 m'envoyer à Tomina. Il a ajouté que, si j'arrivais à quitter la Bosnie en

9 vie, il fallait que je dise à tout le monde que c'était lui qui m'avait

10 sauvé la vie. Bien entendu, j'ai accepté. C'est ainsi que s'est terminée

11 notre conversation.

12 Nous avons embarqué dans sa voiture, et ils m'ont emmené à Tomina où se

13 trouvaient ma mère, mon frère, ainsi que d'autres réfugiés du village

14 d'Hrustovo, dans cette maison, voilà où je me suis trouvé. Je suis resté là

15 environ une vingtaine de jours, voir un mois dans cette maison.

16 Q. Après avoir quitté Tomina où êtes-vous allé ?

17 R. Je crois que c'est le 4 juin que deux ou trois voitures de l'armée

18 serbe sont arrivées. Elles étaient munies de porte-voix. Ils ont ordonné à

19 tous les réfugiés des villages environnants qui étaient à Tomina, ils leur

20 ont ordonné de sortir des maisons, de s'aligner à côté du café Palma où se

21 trouvaient stationnés les autocars. Ils ont dit que personne ne devait

22 essayer de se cacher et que tous les réfugiés des villages environnants

23 devaient se présenter. C'est ce qui s'est fait. Tous les réfugiés se sont

24 montrés, et c'est dans ces autocars qu'on nous a transporté au camp de

25 Krings qui se trouve à côté de Sanski Most. Cela, c'était le matin du 4

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1 juin, je crois à 10 heures environ.

2 Q. Combien du temps êtes-vous resté au camp de Krings ?

3 R. Le lendemain, je crois ils ont rassemblé les femmes, les enfants, les

4 personnes âgées. Ils les ont rassemblés avant de les emmener dans une

5 direction inconnue. Nous sommes restés au camp de Krings encore deux jours.

6 Au bout de ces deux ou trois jours, nous avons été transférés dans un

7 camion au camp de Manjaca.

8 Q. Quand vous étiez au camp de Krings, est-ce que vous aviez la

9 possibilité de partir ?

10 R. Non, on n'avait pas la possibilité de s'en aller.

11 Q. Est-ce qu'on vous a jamais inculpé d'un crime quel qu'il soit ?

12 R. Non. Au camp de Krings, ils ont dressé une liste de ceux qui étaient

13 restés en arrière, mais je ne les ai vus frapper personne. Il arrivait que

14 le soir quelqu'un vienne dans une salle, et se mette à maltraiter les gens

15 en menaçant les gens avec un couteau. En fait, il n'y a pas eu d'incident,

16 rien ne s'est passé, il n'y a pas eu de passage à tabac. Il n'y a pas eu de

17 meurtre.

18 Q. Qui gardait les prisonniers au camp de Krings ?

19 R. A Krings, c'étaient encore une fois les soldats serbes, les soldats des

20 forces de réserve de l'armée serbe. Ils se relayaient. Ce n'étaient pas

21 toujours les mêmes soldats, parfois on voyait arriver de nouveaux gardes

22 qui relevaient les autres et que je ne connaissais pas.

23 Q. Vous dites qu'on vous a emmené à Manjaca dans des camions ?

24 R. Oui, dans des remorques.

25 Q. Est-ce qu'il y a d'autres prisonniers qui ont été transférés à Manjaca

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1 dans d'autres camions, au même moment que vous ?

2 R. Le jour où nous étions censés partir à Manjaca, il y a un ou deux

3 camions remorques qui sont arrivés à la société Krings. On nous a fait

4 monter à bord de ces camions, la plupart de nous sommes montés à bord de

5 ces camions, certains sont restés en arrière, je ne sais pas ce qu'il leur

6 est arrivé. En tout cas, une fois que le camion a été plein, on nous a

7 emmené au gymnase qui se trouvait en ville, on nous a dit qu'il fallait que

8 nous attendions un autre camion qu'on était en train de charger, qu'on

9 allait faire venir d'autres personnes au gymnase, dans d'autres camps

10 autour de Sanski Most.

11 On a attendu pendant tout l'après-midi que ces autres camions arrivent

12 ensuite, quand tout le monde était là, on est parti à Manjaca.

13 Q. Est-ce que vous savez si des gens ont trouvé la mort pendant ce

14 transfert de Sanski Most à Manjaca ?

15 R. Oui. Il y a 20 prisonniers qui ont trouvé la mort pendant ce transfert,

16 qui sont décédés. En particulier, ceux qui avaient été passés à tabac dans

17 le bâtiment du MUP à l'entreprise Betonara ou à Sana. Je sais que ces gens-

18 là sont morts pendant le transfert, parce que, quand on est arrivé à

19 Manjaca, quand on a fait l'appel de nos noms au moment où on est descendu

20 des camions, certains n'ont pas répondu à l'appel de leur nom. Les gardes

21 du camp se mettaient à leur recherche, ils ont trouvé la plupart qui

22 étaient morts dans le camion. On les entendait crier : "Celui-là, il est

23 mort." Ils les ont séparés d'entre nous. D'après ce qu'ils disaient, je

24 sais qu'il y a une vingtaine de personnes qui sont mortes ainsi.

25 Q. Quand vous êtes arrivés à Manjaca qui assurait la garde de ce camp ?

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1 R. Nous ne connaissions pas le camp de Manjaca. Pendant longtemps, on n'a

2 pas vu les soldats qui nous gardaient, on n'a pas vu leur visage car, quand

3 ils arrivaient, les prisonniers recevaient l'ordre de mettre les mains

4 derrière le dos et de baisser la tête. Enfin, on nous avait attaché les

5 mains derrière le dos, et il nous était, absolument, interdit de lever les

6 yeux si bien que nous n'étions pas en mesure de voir qui nous gardait. On

7 savait que c'étaient des soldats serbes, et c'est ainsi d'ailleurs qu'ils

8 se sont présenté à nous. Ce n'est qu'au bout d'une vingtaine de jours, ou

9 peut-être un peu plus, que nous avons pu nous rendre compte de l'endroit où

10 nous étions et de ceux qui étaient autour de nous.

11 Q. Pendant combien du temps avez-vous été détenu au camp de Manjaca ?

12 R. J'ai été détenu au camp de Manjaca jusqu'au 16 décembre. C'est le jour

13 de ma libération.

14 Q. Où vous êtes-vous rendu après votre libération ?

15 R. Ils ont fermé le camp. Il y a eu trois départs, le 14, le 16 et le 18.

16 J'ai été libéré le 16. On m'a emmené à Karlovac et, de là, je me suis rendu

17 en Slovénie.

18 M. RESCH : [interprétation] Je souhaiterais présenter au témoin la dernière

19 pièce à conviction. Il s'agit d'un rapport d'exhumation. J'aimerais qu'on

20 lui attribue une cote et que la version en B/C/S soit remise au témoin.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P119.

22 M. RESCH : [interprétation] Il s'agit d'un document qui s'intitule rapport

23 relatif à une enquête et à l'exhumation de cadavres de Musulmans de Bosnie

24 trouvés dans des fosses communes à côté du pont de Vrhpolje, dans la

25 municipalité de Sanski Most.

Page 3002

1 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais que vous vous reportiez aux deux

2 dernières pages, page 19 et 20 dans la version originale.

3 M. RESCH : [interprétation] Pages 20 et 21 en anglais.

4 Q. Nous avons ici 15 noms à commencer par celui d'Hasib Kadric, pour finir

5 par celui de Fuad Begic. Reconnaissez-vous certains de ces noms ? Est-ce

6 qu'il y a là, certaines personnes qui ont été tuées au pont de Vrhpolje, ce

7 31 mai 1992 ?

8 R. Dans cette liste au point 3, il y a Irfan Begic; numéro 4 Muhamed

9 Dizdarevic; numéro 11, Ismet Dizdarevic; numéro 12, Mirsad Dizdarevic;

10 Miralem Ceric, numéro 13; et Hakija Begic, numéro 14; ainsi que Fuad Begic,

11 numéro 15. Voilà ceux qui étaient avec moi, ce jour-là.

12 Q. Merci, Monsieur Begic.

13 M. RESCH : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au témoin,

14 Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Resch. Je me demande si

16 c'est une bonne idée de commencer tout de suite le contre-interrogatoire,

17 puisqu'il nous reste à peine dix minutes. Ne vaut-il pas mieux faire une

18 pause plus tôt que prévu ?

19 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, je préfère qu'il y ait une pause

20 maintenant, comme cela je pourrais procéder à mon contre-interrogatoire en

21 une seule fois. J'aimerais aussi qu'on me donne le pupitre en plastique.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause, Monsieur

23 Begic, suite à quoi, vous serez interrogé par Me Loukas qui est un des

24 conseils de la Défense.

25 Nous allons faire une pause jusqu'à 10 heures 45.

Page 3003

1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.

2 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, cela fait deux jours que

4 votre compagnie nous manquait.

5 M. STEWART : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, c'est vous qui allez

7 contre-interroger le témoin ?

8 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

10 Contre-interrogatoire par Mme Loukas :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Begic.

12 R. Bonjour.

13 Q. Monsieur Begic, d'abord, je souhaiterais revenir avec vous à certaines

14 informations que vous avez faites au sujet des points de contrôle. Vous

15 souvenez-vous de nous avoir parlé de cela ?

16 R. Oui, je m'en souviens.

17 Q. Il me semble que vous nous avez indiqué que ceux qui se trouvaient sur

18 les points de contrôle étaient vos voisins serbes qui étaient habillés en

19 uniforme de l'armée. Vous souvenez-vous avoir dit cela ?

20 R. Oui, je m'en souviens.

21 Q. Savez-vous s'il y avait eu également des points de contrôle mis en

22 place par les Musulmans dans la zone où vous viviez ou aux alentours ?

23 R. Oui. Je le sais. Je m'en souviens.

24 Q. Vous avez également dit, à ce sujet, la chose suivante : Vous nous avez

25 parlé d'un dénommé Mijatovic quand vous avez parlé des points de contrôle.

Page 3004

1 Vous souvenez-vous de cela ?

2 R. Oui, je m'en souviens.

3 Q. On vous a demandé si vous saviez s'il appartenait à une unité

4 militaire, et ce, à quoi vous avez répondu, je cite : "Je ne peux vraiment

5 pas le dire. Je crois que sur ce territoire, c'étaient tous des hommes du

6 6e Groupe de la Krajina. Je ne peux vraiment pas dire si cette unité avait

7 un nom particulier."

8 Monsieur Begic, on peut dire que quand vous nous dites que c'était la 6e

9 Brigade de la Krajina, vous nous faites simplement part de votre opinion,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Je ne dirais pas que c'est simplement mon opinion. Comme je l'ai dit

12 dans ma première déclaration, moi, j'étais présent à une réunion organisée

13 par Branko Basara, par exemple, en mars 1992, une réunion qui a eu lieu à

14 Tomina. Branko Basara a dit, en personne, que la 6e Brigade de la Krajina

15 était responsable de cette région. J'en suis arrivé à la conclusion que

16 toutes les unités qui opéraient sur place relevaient de la 6e Brigade de la

17 Krajina.

18 Q. Merci, Monsieur Begic. Je souhaiterais vous rappeler une réponse que

19 vous avez faite dans une déposition précédente, page 6 385 du compte rendu

20 d'audience de votre déposition dans l'affaire Brdjanin/Talic, décédé depuis

21 pour ce dernier. On vous pose la question suivante, et je voudrais

22 simplement vous rappeler ce que vous avez dit : "Q. Vous avez dit qu'il y

23 avait des soldats sur ces points de contrôle et qu'ils appartenaient à la

24 6e Brigade. Comment savez-vous qu'ils appartenaient à cette 6e Brigade ?"

25 Ce à quoi vous répondez, je cite : "Comme je l'ai déjà dit dans les médias,

Page 3005

1 on entendait dire que la 6e Brigade était déployée dans la région. On n'a

2 mentionné aucune autre unité, ou du moins, je n'en connais pas d'autres.

3 Ils avaient des insignes de l'armée serbe sur leurs vêtements. Je crois que

4 c'était une indication de leur appartenance à la 6e Brigade de la Krajina.

5 Je n'en suis pas sûr."

6 Vous vous souvenez avoir déposé dans cette affaire, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, oui. Je m'en souviens bien sûr.

8 Q. Quand vous vous êtes exprimé à cette occasion, vous aviez dit la

9 vérité, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'est cela. C'est vrai.

11 Q. Quand vous faites cette réponse, quand vous dites, je cite : "Je crois

12 que c'était une indication qu'ils appartenaient à la 6e Brigade de la

13 Krajina, mais je n'en suis pas sûr." Quand vous dites cela, vous dites la

14 vérité ?

15 R. Comme je vous l'ai déjà dit, j'ai entendu personnellement de la bouche

16 du colonel Branko Basara. J'ai entendu dire que c'était la 6e Brigade de la

17 Krajina qui se trouvait dans cette région. Moi-même, j'ai été dans les

18 forces de réserve de la 6e Brigade de la Krajina qui opérait à Sanski Most

19 en tant que membre de la Défense territoriale. Dans les médias, à la radio,

20 tout ce dont on entendait parler c'était la 6e Brigade de la Krajina. On ne

21 parlait jamais d'une autre unité.

22 Q. Merci, Monsieur Begic. Passons à un autre sujet. Vous avez déposé au

23 sujet de la journée du 25 mai 1992, hier. Vous souvenez-vous nous avoir

24 parlé de cette journée ?

25 R. Oui, je m'en souviens.

Page 3006

1 Q. Il me semble que vous avez déclaré que ce jour-là vous vous êtes caché

2 pour échapper aux soldats, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 Q. Sur ce point, ces soldats qui sont arrivés le 25 mai, il est exact,

5 n'est-ce pas, que vous les avez identifiés suite aux conversations que vous

6 avez eues avec votre mère, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. S'agissant des hommes qui tenaient les points de contrôle, je

9 souhaiterais vous rappeler une autre réponse que vous avez donnée.

10 "Accepteriez-vous la possibilité --" page 6 385, je signale à l'intention

11 des Juges.

12 "Acceptez-vous la possibilité que les hommes que vous avez vus, et qui

13 arboraient des symboles serbes sur leurs uniformes, appartenaient à des

14 unités paramilitaires ?"

15 Vous souvenez-vous avoir entendu cette question qu'on vous ait posée,

16 Monsieur Begic ?

17 R. Oui, je m'en souviens.

18 Q. Ce à quoi vous avez répondu, je cite : "Je ne pourrais pas le dire

19 parce que je ne me souviens pas très bien de ces symboles. Je préfère ne

20 rien affirmer au sujet de ces symboles et des unités auxquelles ces

21 symboles faisaient référence."

22 Est-ce que vous souvenez-vous de votre réponse ?

23 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.

24 Q. Bien entendu, quand vous avez déposé la dernière fois, vous disiez la

25 vérité, n'est-ce pas ?

Page 3007

1 R. Oui.

2 Q. On peut dire que vous ne vous souvenez pas très bien des symboles et

3 que vous préférez ne pas faire de supposition au sujet de ces symboles et

4 des unités auxquelles ils se réfèrent.

5 R. J'avais répondu que c'était des membres de la 6e Brigade de la Krajina.

6 Vous dire s'il y avait dans notre région dans les villages environnants une

7 autre unité qui avait un autre nom, je ne sais pas. Je n'en sais rien, donc

8 je ne veux rien n'affirmer à ce sujet, mais je sais que sur le point de

9 contrôle de Stojinici, c'était Ranko Cosic qui était le chef. Le nom de

10 l'unité ou le nom de certains de ses hommes, je l'ignore, je ne l'ai jamais

11 su.

12 Q. Est-ce que vous admettez, Monsieur Begic, la possibilité qu'il y avait

13 des paramilitaires dans la région à l'époque ?

14 R. Non.

15 Q. Cela est malgré votre incertitude au sujet de la question que vous avez

16 exprimée la dernière fois que vous avez déposé ?

17 R. Oui. Malgré cela, je continue à maintenir que je n'étais au courant

18 d'une quelconque autre unité. Au moins, moi personnellement, je n'étais pas

19 au courant d'autres unités que la 6e Brigade de Krajina.

20 Q. D'accord. Merci, Monsieur Begic. Nous allons aborder un autre sujet

21 maintenant. Pour ce qui est du 31 mai, on vous a posé la question suivante

22 : "Est-ce que vous savez à quelle unité appartenaient les soldats ?"

23 M. RESCH : [interprétation] Peut-on avoir le numéro de la page ?

24 Mme LOUKAS : [interprétation] Il s'agit de la page 87 du transcript d'hier,

25 pour la Chambre et le Procureur.

Page 3008

1 Q. A la page 87 du transcript d'hier, on vous a posé la question de savoir

2 si vous saviez d'où venaient ces soldats. Est-ce que vous vous souvenez de

3 cette question au sujet du 31 mai ?

4 R. Non.

5 Q. Vous ne vous souvenez pas de la question. Je vais vous lire votre

6 réponse. Peut-être que cela vous rafraîchir la mémoire. Je

7 cite : "Non, je ne sais pas à quelle unité ils appartenaient, mais je pense

8 qu'ils étaient tous membres de l'unité qui se trouvait à l'école de

9 Klijevci." Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

10 R. Oui, je me souviens. J'ai cru comprendre que la question était de

11 savoir quels étaient les soldats qui sont venus dans notre village ce jour-

12 là, à quelle unité ils appartenaient. Je sais que ce jour-là, nos voisins

13 qui appartenaient à Klijevci sont venus dans notre village aussi. Pour moi,

14 visiblement il s'agissait de militaires qui appartenaient à l'unité qui

15 faisait partie de la formation de Klijevci.

16 Q. D'accord. C'est la manière dont vous avez compris les choses; est-ce

17 exact ?

18 R. Oui.

19 Q. En ce qui concerne ce même jour, encore une fois, le 31 mai, je vous

20 rappelle ce que vous avez dit dans la déposition au cours du procès

21 Brdjanin/Talic. Je vous demanderais de confirmer cela; est-ce que vous

22 comprenez ?

23 R. Oui.

24 Q. En ce concerne le 31 mai, voici la question qui vous a été posée à la

25 page 6 389 : "Tous les soldats qui sont arrivés au village dans votre

Page 3009

1 village ce jour-là; est-ce qu'ils étaient tous vêtus du même uniforme ?"

2 Vous avez répondu : "Le jour où ils nous ont rassemblé le 31 mai, ils

3 portaient des uniformes différents. Certains portaient des uniformes verts

4 olive, des uniformes de couleur normale, et des uniformes de camouflage

5 militaire. Certains portaient des casques ce jour-là et d'autres avaient

6 des couvre-chefs différents. Je n'ai pas vu de près leurs insignes."

7 Est-ce que vous vous souvenez de cette question et de votre réponse lors de

8 cette déposition préalable, Monsieur Begic ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous êtes d'accord avec moi bien sûr pour dire que vous avez dit la

11 vérité cette fois-ci ?

12 R. Oui, je suis d'accord.

13 Q. En ce qui concerne votre arrivée au pont, est-ce que je peux vous

14 rappeler une autre réponse que vous avez donnée à une occasion au

15 préalable ? Il s'agit, encore une fois, du 31 mai et de votre arrivée au

16 pont. Ensuite, l'on vous a posé la question suivante. Je vais vous donner

17 la réponse précédente pour vous donner le contexte.

18 Réponse : "Lorsque nous sommes arrivés au pont, nous avons pu remarqué un

19 bunker au croisement des routes vers les villages d'Ilija et Tomina, autour

20 du bunker, il y avait plusieurs soldats. Cinq ou six de ces soldats nous

21 ont repris, ces soldats se tenaient à droite du pont."

22 Ensuite, on vous a posé la question suivante : "Ces soldats dont vous

23 parlez, est-ce qu'ils étaient des soldats réguliers ?" Vous avez répondu :

24 "Non."

25 Est-ce que vous vous souvenez de cette question et de cette réponse que

Page 3010

1 vous avez données lors de votre déposition précédente ?

2 R. Oui, je m'en souviens.

3 Q. Bien sûr, lors de cette déposition, vous avez dit la vérité ?

4 R. Oui.

5 Q. Dans la mesure dans laquelle vous avez pu les observer, vous pouviez

6 constater que ces soldats n'étaient pas des soldats réguliers, n'est-ce pas

7 ?

8 R. Oui, c'est exact.

9 Q. Une dernière question, Monsieur Begic. Aujourd'hui, vous avez dit

10 également, à la page 22 et 23 du compte rendu d'audience, en ce qui

11 concerne la question de savoir qui vous gardait à Krings. Est-ce que vous

12 vous souvenez des questions et des réponses au sujet de cela, au cours de

13 votre déposition, aujourd'hui ?

14 R. Oui, je m'en souviens.

15 Q. Vous avez dit que c'était la formation de réservistes, de l'armée

16 serbe. Vous vous en souvenez ?

17 R. Oui, je m'en souviens.

18 Q. Bien sûr, vous affirmez cela puisqu'ils étaient des Serbes et

19 puisqu'ils portaient des uniformes ?

20 R. Oui, mais je souhaite ajouter aussi leur âge. Il ne s'agissait pas de

21 l'âge habituel pour l'armée régulière. Si vous avez un homme de 50 ans, il

22 ne faisait, certainement, pas partie d'une unité régulière de l'armée.

23 Q. Merci, Monsieur Begic.

24 Mme LOUKAS : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser. Je

25 souhaite dire, également, que je vais proposer le versement au dossier de

Page 3011

1 la déposition précédente de ce témoin dans le cadre du contre-

2 interrogatoire pour que la Chambre puisse en disposer.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ai remarqué que vous avez utilisé

4 des parties limitées de cette déposition. Je ne sais pas combien de pages

5 nous allons recevoir que vous allez verser au dossier.

6 Mme LOUKAS : [interprétation] Il s'agissait d'un contre-interrogatoire

7 relativement bref. Il s'agit, en fait, de très peu de pages. Je peux vous

8 le dire, Monsieur le Président. C'est ici, Monsieur le Président. C'est

9 tout.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Resch, est-ce que vous

11 souhaitez poser des questions supplémentaires ?

12 M. RESCH : [interprétation] Je n'ai pas de questions supplémentaires, mais

13 --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.

15 M. RESCH : [interprétation] En ce qui concerne le versement au dossier de

16 la déposition précédente, le Procureur considère qu'il devrait bénéficier

17 d'un délai de sept jours pour examiner ces documents et pour,

18 éventuellement, proposer le versement des documents émanant de

19 l'interrogatoire principal pour établir le contexte du contre-

20 interrogatoire.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Cela veut dire que nous aurions de

22 nouveaux éléments de preuve alors que la Défense ne pourrait pas poser de

23 questions supplémentaires. Il s'agit d'un document relativement bref. Il y

24 a combien de pages ?

25 Mme LOUKAS : [hors micro]

Page 3012

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous avez fait référence à

2 quelques pages seulement, 6 389, 6 385, et cetera, au total, il n'y a

3 certainement pas plus de cinq ou six pages.

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, c'est exact. C'est très limité.

5 Effectivement, nous ne devons même pas verser au dossier l'ensemble du

6 contre-interrogatoire. Je peux me limiter aux lignes que j'ai mentionnées.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ce serait possible. Peut-être vous

8 pourriez remettre un exemplaire au Procureur en indiquant immédiatement

9 quelles pages vous souhaitez verser au dossier. Ainsi, Monsieur Resch, vous

10 pourrez, immédiatement, examiner cela. Dans ce cas-là, je suppose qu'il ne

11 sera pas nécessaire pour le Procureur de vérifier le reste car Mme Loukas

12 pourrait vous indiquer les lignes qui l'intéressent et vous pourrez

13 facilement lire les dix lignes précédentes et les dix lignes qui suivent.

14 Je pense qu'il vaut mieux procéder ainsi.

15 M. RESCH : [interprétation] Monsieur le Président, dans ce cas, puisqu'il y

16 a très peu de pages, je suppose que c'est acceptable, mais d'après le

17 Règlement, en vertu de l'Article 92 bis, nous pouvons bénéficier d'un

18 délai.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, vous avez lu toutes les

20 parties pertinentes auxquelles vous avez souhaité attirer notre attention,

21 peut-être, vous pourrez même ne pas verser cela par le biais de l'Article

22 92 bis (D), peut-être que ce n'est pas nécessaire.

23 Mme LOUKAS : [interprétation] Je vais réfléchir à cela et je vais vous dire

24 ce que je pense. Peut-être qu'il n'est pas du tout nécessaire que je verse

25 cela au dossier, honnêtement parlant. Je pense que j'ai pu traiter de

Page 3013

1 toutes les questions pertinentes avec le témoin. En fait, peut-être que je

2 devrais poser juste une question supplémentaire, dans ce cas-là, nous

3 pourrions nous en arrêter là.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si ceci nous permettrait d'éviter des

5 documents supplémentaires versés au dossier, ceci nous évitera toute sorte

6 de complications avec la nouvelle comparution de ce témoin.

7 Mme LOUKAS : [interprétation] Bien sûr, nous souhaitons éviter cela. Je

8 pense que, puisque j'ai traité de cela avec le témoin, il n'est pas

9 nécessaire du tout que je submerge la Chambre de première instance avec de

10 nouveaux papiers. Je souhaite, dans ce cas-là, poser juste une question

11 supplémentaire au témoin.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pouvez poser cette question.

14 Mme LOUKAS : [interprétation] Peut-être deux questions, Monsieur le

15 Président, mais cela reste limité.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 Mme LOUKAS: [interprétation]

18 Q. [interprétation] Monsieur Begic, je souhaite vous poser une question en

19 ce qui concerne la déclaration que vous avez faite auprès des autorités

20 bosniaques. il y a quelque temps. Est-ce que vous vous en souvenez ?

21 R. Il y a quelque temps.

22 Q. Oui. En réalité, je parle de la situation pendant que vous étiez

23 présent avec M. Adil Draganovic. Vous vous en souvenez ?

24 R. Oui. C'est la première déclaration que j'ai faite auprès des autorités

25 bosniaques.

Page 3014

1 Q. Oui, c'est exact, Monsieur Begic. Qui prenait des notes, le procès-

2 verbal, pendant cet entretien ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

3 R. Je pense qu'Adil Draganovic et M. Zijad, je n'arrive pas à me rappeler

4 son nom de famille, ont assisté à l'entretien.

5 Q. Peu importe le nom de l'autre personne. Simplement, je souhaitais

6 savoir qui prenait des notes de ce que vous disiez ?

7 R. M. Zijad.

8 Q. Merci, Monsieur Begic.

9 Mme LOUKAS : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge El Mahdi a quelques questions à

11 vous poser, Monsieur le Témoin.

12 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Monsieur le Président.

13 Questions de la Cour :

14 M. LE JUGE EL MAHDI : Monsieur le Témoin, je voudrais, s'il vous plaît,

15 clarifier deux points. Le premier concerne l'incident qui s'est passé le 31

16 mai au moment où vous traversiez le pont. Vous avez dit, ou j'ai compris du

17 moins, qu'un certain Muharem Ceric et son fils ont été amenés dans une

18 boucherie, et un certain Jadranko était avec eux. Vous avez plus tard

19 entendu un coup de feu. Vous avez, plus tard, vu Jadranko venant avec son

20 pistolet qu'il a remis dans son étui.

21 Si je comprends bien, ils étaient deux personnes, Ceric Muharem et son

22 fils, mais vous avez entendu un seul coup, et vous n'avez pas parlé de

23 l'autre personne. Est-ce que le fils est revenu -- a disparu ?

24 R. Je souhaite, simplement, apporter une petite correction. Il s'appelait

25 Miralem Ceric, l'homme âgé. Cet événement a eu lieu immédiatement après que

Page 3015

1 nous avons traversé le pont Sanica, c'est l'image 3. Comme je l'ai déjà

2 dit, Miralem Ceric souffrait de problèmes cardiaques puisque l'on a marché

3 pendant assez longtemps à travers les collines et les vignes. Il a eu des

4 problèmes cardiaques. Son fils l'aidait à marcher -- son fils, Enes. Ils

5 étaient derrière la colonne, quelques mètres plus loin; à cause de cela,

6 Jadranko les a fait sortir, et il les a fait entrer dans l'abattoir.

7 M. LE JUGE EL MAHDI : Mais, plus tard, vous avez dit que vous avez entendu

8 un seul coup de fusil, et Jadranko est revenu. Vous n'avez pas parlé de

9 fils de Miralem Ceric ?

10 R. Pour autant que je me souvienne, d'après la déclaration que j'ai faite

11 il y a deux ans, j'ai dit, nous nous avions traversé le hameau Hrustovacka

12 Stanica, où il y avait une dizaine de maisons, ensuite, nous avons traversé

13 le pont. Pendant que l'on traversait le pont, toutes ces maisons brûlaient

14 et parmi ces maisons, entre ces maisons, il y avait beaucoup de soldats qui

15 tiraient en l'air. Il y avait beaucoup de voitures qui revenaient. Le chaos

16 régnait. Lorsque j'ai dit que j'ai entendu un seul coup de feu, à ce

17 moment-là, comme il y avait du feu, des briques sur les toits se cassaient,

18 et on entendait des coups émanant d'autres armes. Je n'ai pas pu être sûr

19 d'avoir entendu deux coups de feu, je suis sûr pour ce qui un coup de feu.

20 Je ne peux pas dire que j'en ai entendu deux, mais il est vrai qu'il a tiré

21 et que j'ai entendu ce coup de feu.

22 M. LE JUGE EL MAHDI : Miralem aussi bien que son fils étaient amenés par

23 Jadranko et que vous avez entendu un seul coup de fusil. Mais vous n'avez

24 pas revu les deux personnes, c'est-à-dire, Miralem Ceric et son fils ?

25 R. Oui, c'est exact. Ils sont entrés tous les trois dans cet abattoir.

Page 3016

1 Ensuite, j'ai entendu un coup de feu, et ensuite on a vu Jadranko qui a

2 rejoint la colonne tout seul sans les deux autres.

3 M. LE JUGE EL MAHDI : Est-ce que vous vous rappelez des noms des personnes

4 qu'on a identifié les corps. Il s'agit de ce qu'on appelle, je veux dire en

5 anglais : "The Record on the Investigation and Examination."

6 [interprétation] Lorsque l'examen des cadavres de Bosniaques des charniers

7 a été effectué.

8 [en français] Mais est-ce que vous vous rappelez que vous avez eu

9 l'occasion de voir le nom de son fils dans ce --

10 R. Non, je n'ai pas vu le nom de son fils.

11 M. LE JUGE EL MAHDI : Une autre question, s'il vous plaît. Si je vous

12 comprends bien, vous avez dit que le 31 mai après l'incident qui s'est

13 passé sur le pont, vous êtes allé à Tomina ?

14 R. Oui.

15 M. LE JUGE EL MAHDI : Que vous êtes resté là-bas pendant 20 jours ?

16 R. Oui, j'ai dit une vingtaine de jours.

17 M. LE JUGE EL MAHDI : Vous avez dit que le 4 juin, des voitures armées sont

18 venues vous chercher et qu'ils vous ont transportés à Krings. Là, où il y a

19 un problème, c'est que l'incident principal sur le pont a eu lieu le 31

20 mai, et vous avez dit que vous êtes resté à Tomina pendant à peu près 20

21 jours et, le 4 juin, vous dites qu'ils sont venus. Il y a un problème ?

22 R. Oui. Cinq jours se sont écoulés entre le 31, c'était un dimanche, et

23 vendredi j'étais transporté à Tomina. C'était le 5 ou peut-être le 4. Si

24 c'est le 4 juin, en fait, il s'agit de plus de 20 jours. Excusez-moi.

25 M. LE JUGE EL MAHDI : Le 31 mai, et vous êtes allé à Tomina, vous êtes

Page 3017

1 resté 20 jours et le 6 juin, on vous a amené au camp de Krings.

2 R. Le 4, le 4 juin.

3 M. LE JUGE EL MAHDI : Mais comment cela se fait-il que vous soyez resté les

4 20 jours à Tomina ? Enfin, c'est matériellement impossible.

5 R. Oui, vous avez raison. En fait, je n'ai pas vraiment fait attention aux

6 dates, je n'ai pas vraiment bien calculé les dates.

7 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Begic, moi-même je n'ai pas de

9 questions à vous poser. Est-ce que vous avez des questions qui découlent

10 des questions du Juge El Mahdi ?

11 Mme LOUKAS : [hors micro]

12 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

13 Mme LOUKAS : [interprétation] Excusez-moi.

14 Je ne suis pas sûre si vous avez d'autres questions à poser. Monsieur le

15 Président. J'avais l'impression que vous souhaitiez terminer en ce moment.

16 Je souhaitais faire une observation qui est la suivante : je me demande si

17 je peux poser une autre question dans le cadre du contre-interrogatoire,

18 avec votre permission, car j'ai oublié de le faire pendant que je traitais

19 du dernier sujet tout à l'heure.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pourrez le faire, Madame

21 Loukas.

22 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Loukas :

24 Q. [interprétation] Monsieur Begic, en ce qui concerne la déclaration que

25 vous avez faite auprès des autorités bosniaques, vous avez dit que l'autre

Page 3018

1 personne écrivait le procès-verbal. J'ai oublié son prénom. Zijad ?

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Zijad.

3 Mme LOUKAS : [interprétation]

4 Q. Oui. Cette personne était en train d'écrire, mais qui dictait ?

5 R. Lui-même et M. Draganovic rédigeaient ce procès-verbal ensemble sur la

6 base de mes déclarations.

7 Q. Je vois. Je pense qu'à un moment donné, voici la question qui vous a

8 été posée lors de votre déposition précédente. Pour vous rafraîchir la

9 mémoire voici la question : "Dans votre déclaration du 16 avril, vous avez

10 dit : 'on m'a amené au QG du SDS --'"

11 M. RESCH : [interprétation] Peut-on avoir le numéro de la page ?

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Excusez-moi. Page 6 391.

13 Q. "On m'a amené au QG du SDS près de l'école." "Je souhaite savoir si on

14 vous a amené à l'école ou dans une maison à côté de l'école." Votre réponse

15 était, je cite : "Non. Ils m'ont amené à l'école, mais je ne me souviens

16 pas que c'était le QG du SDS."

17 Est-ce que vous vous souvenez de cela dans le cadre de votre contre-

18 interrogatoire, Monsieur Begic ?

19 R. Oui, je me souviens, et je me souviens que j'ai ajouté qu'une unité de

20 l'armée était logée dans cette école. Je sais que certains soldats

21 dormaient dans l'école. C'était le quartier général, mais je n'étais pas

22 dans le bâtiment de l'école où je pense qu'en fait, leur quartier général

23 était.

24 Q. Merci, Monsieur Begic. C'était ma dernière question. En ce qui me

25 concerne vous pouvez rentrer chez vous.

Page 3019

1 M. RESCH : [interprétation] Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Resch. Vous souhaitez

3 prendre la parole ?

4 M. RESCH : [interprétation] Oui, je souhaite poser une question suite à la

5 question posée par M. le Juge El Mahdi.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Begic, Me Loukas vous a

7 autorisé à rentrer chez vous, mais néanmoins nous vous demandons de rester

8 pendant quelques minutes encore, s'il vous plaît.

9 Monsieur Resch, vous avez la parole.

10 Nouvel interrogatoire par M. Resch :

11 Q. [interprétation] Il s'agit, en fait, de la question des dates;

12 l'incident qui s'est produit auprès du pont de Vrhpolje était le 31 mai ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous n'aviez pas perdu connaissance vers le 3, le 4 juin ? Vous vous

15 êtes rendu dans la maison de vos voisins, n'est-ce pas ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Après là vous êtes rendu dans la maison de vos voisins ? Vous êtes allé

18 à Tomina au dispensaire ?

19 R. Oui.

20 Q. Vers le 3 et le 4 juin, 20 jours se sont écoulés, vous êtes resté à

21 Tomina à ce moment-là, avant d'être transféré à Krings, à la fin du mois de

22 juin au début du mois de juillet, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, c'est, effectivement, ainsi que les choses se sont passées.

24 Q. Il devait s'agir du début du mois de juillet. Vous avez dû vous rendre

25 à Krings au début du mois de juillet -- à Manjaca, pardonnez-moi. Vous avez

Page 3020

1 été transféré de Krings à Manjaca au début du mois de juillet ?

2 R. Oui. Pardonnez-moi si j'ai fait quelques petites erreurs à propos des

3 dates au mois de juin et le mois de juillet.

4 Q. Je crois que nous avons éclairci cette question.

5 M. RESCH : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Resch.

7 L'INTERPRÈTE : La question qui a été posée était : "Vous avez perdu

8 connaissance après l'incident, et vous aviez perdu connaissance pendant

9 quelques jours suite à l'incident."

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Begic, vous avez répondu à

11 toutes les questions qui vous ont été posées. Ce n'est pas la première fois

12 que vous témoignez devant ce Tribunal, par conséquent, vous savez que les

13 questions proviennent des deux parties et des Juges de la Chambre en même

14 temps. Je souhaite vous remercier d'être venu témoigner à La Haye, et je

15 vous souhaite un bon voyage.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, je vous demande de

18 bien vouloir raccompagner M. Begic, s'il vous plaît.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'Accusation peut-elle appeler le témoin

21 suivant ?

22 M. RESCH : [interprétation] Oui, absolument. Simplement, je souhaite verser

23 un certain nombre de documents au dossier, les pièces à conviction P116 à

24 P119.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Si,

Page 3021

1 entre-temps, Me Loukas a pris une décision eu égard au versement au dossier

2 du compte rendu d'audience. Il s'agit d'une pièce ou simplement si nous

3 tenons simplement à ces quelques passages qui ont été cités.

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Je suis tout à fait disposée à verser

5 simplement les passages qui ont été lus; néanmoins, je souhaite faire

6 l'observation suivante : il est important d'insister sur cet aspect 92 bis,

7 à savoir, si la Défense souhaite verser un passage du compte rendu, je

8 crois que c'est un peu Durokovic, étant donné que pour ce qui est de

9 l'égalité des armes, il y a huit différents conseils de l'Accusation qui se

10 présentent à intervalle régulier; de notre côté, nous ne sommes pas aussi

11 nombreux. Si je puis dire, votre attitude est un petit peu sévère, si je

12 puis m'exprimer ainsi.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien évidemment, en application de

14 l'Article 92 bis, quand vous parlez d'inégalité, cela ne change pas grand-

15 chose. Pour ce qui est de l'application de la règle, nous pourrions essayer

16 de satisfaire les deux parties.

17 Monsieur Resch.

18 M. RESCH : [interprétation] A l'avenir, la Défense pourrait signaler à

19 l'Accusation avant le témoignage du témoin quelle page la Défense souhaite

20 présenter. A ce moment-là, cela nous permettrait d'examiner le document et

21 de vérifier s'il y a d'autre témoignage précédent qui pourrait être

22 utilisé. Il serait préférable de faire ceci plutôt avant et non après.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart.

24 M. STEWART : [interprétation] Je crois que cette question soulevée par

25 l'Accusation est complètement artificielle. Quand il s'agit du poids que

Page 3022

1 l'on fait peser dans cette affaire et des documents très importants et très

2 volumineux que l'on nous présente à la dernière minute, et d'éléments que

3 nous devons digérer sur une période très courte, j'estime que cette

4 question soulevée par l'Accusation est extrêmement artificielle. D'essayer

5 de tirer avantage de cet Article 92 bis pour essayer de signaler qu'il

6 s'agit là d'un problème grave, je crois, est tout à fait artificiel. On ne

7 peut pas comparer ceci à la position de la Défense. Il ne s'agit d'un

8 avantage technique. Nous avons des documents très volumineux qu'il nous

9 faut traiter dans un très court laps de temps.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que ce qui est important ici,

11 et dans le but d'être efficace, la Défense s'est reposée sur quelques brefs

12 passages d'un témoignage précédent et a fondé ses sources longtemps à

13 l'avance. Peut-être, Monsieur Stewart, l'Accusation, qui a fourni en

14 application du 92 bis, quelquefois plus de 1 000 pages, craint, sans raison

15 justifiée, peut-être que la Défense pourrait un jour faire la même chose.

16 Par conséquent, ils émettent une réserve à cet égard.

17 Je ne dis pour autant que ceci soit justifié en la matière. Il est vrai que

18 l'Accusation a fourni un nombre très important de comptes rendus d'audience

19 et de pages de comptes rendus d'audience.

20 Je crois que, pour le moment, il faut laisser les choses en l'état. Nous

21 avons trouvé une solution au problème et M. Resch a demandé à avoir le

22 temps nécessaire pour préparer tout ceci. Je suis sûr qu'il gardera ceci à

23 l'esprit lorsqu'il fournira des documents importants à la Défense, de façon

24 à ce que la Défense ait également peu de temps de préparer sa cause.

25 M. STEWART : [interprétation] Je suis tout à fait certain que M. Resch

Page 3023

1 agira ainsi que nous nous consacrons tous à des questions vraiment

2 importantes et réelles en temps voulu.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez nous

4 donner des numéros pour ces pièces à conviction.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P116, carte de la composition

6 ethnique de Sanski Most entre 1991 et 1995.

7 Pièce P117, carte d'Hrustovo et de Vrhpolje, carte aérienne comportant les

8 noms des villages et des hameaux situés près d'Hrustovo et de Vrhpolje,

9 comportant huit photos. Cette carte a été marquée. Il y a des inscriptions

10 portées par le témoin sur cette carte.

11 Pièce P118, photographie du pont de Vrhpolje.

12 Pièce P119, concernant l'Enquête et l'exhumation des corps de Bosniens des

13 fosses communes près du pont de Vrhpolje, Sanski Most.

14 Pièce P119.1, traduction anglaise.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné qu'il n'y a aucune

16 objection, tous ces éléments sont versés au dossier.

17 Néanmoins, je souhaite faire une remarque. Monsieur Resch, au début et lors

18 du versement de la pièce P117, j'ai parlé de la taille des photos. J'ai

19 remarqué, par la suite, que, lorsque le témoin avait témoigné à propos

20 d'une boucherie, et il a dit qu'il pouvait retrouver ceci au regard du

21 numéro 3. Au regard du numéro 3, on constate qu'il s'agit de la boucherie.

22 Je ne sais pas s'il s'agit, ici, d'un point contesté ou non. Je crois qu'il

23 aurait été préférable si vous souhaitez poser une telle question au témoin

24 que vous ne précisiez pas dans votre pièce qu'il s'agit d'une boucherie. Il

25 aurait pu le situer dans la région, ou si vous fournissez huit photos, il

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1 serait approprié que vous le laissiez choisir et trouver la bonne photo. En

2 tout cas, c'est comme cela que j'aurais procédé. A ce moment-là, il aurait

3 pu de lui-même choisir le numéro 3.

4 Je sais que l'Accusation est sur le point d'appeler le témoin suivant.

5 Aucune mesure de protection n'a été demandée.

6 Monsieur Resch, est-ce vous qui allez interroger le témoin suivant ?

7 M. RESCH : [interprétation] Pardonnez-moi, mais je dois m'en aller. C'est

8 M. Harmon qui va interroger ce témoin.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 M. RESCH : [interprétation] C'est moi-même et Mme Annink qui devons,

11 malheureusement, partir.

12 M. STEWART : [interprétation] En attendant M. Harmon, si je puis, il y a un

13 point, pour l'instant, qui n'a pas été traité. Je crois qu'en toute

14 honnêteté, il serait préférable que M. Harmon soit ici dans le prétoire. Il

15 s'agit du petit carnet de correspondance que nous avons remis à la Chambre

16 de première instance, il me semble, avant qu'il y ait eu suspension de

17 l'audience il y a quelques semaines. En tout cas, une correspondance entre

18 M. Harmon et moi-même, et moi-même et Mme Del Ponte. A un moment, étant

19 donné que M. Harmon et moi-même, nous sommes tous les deux dans le

20 prétoire, je pense qu'il serait approprié, à un moment donné, de parler de

21 cette question-là.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut que je me rappelle exactement de

23 quoi il s'agit et quelle est la décision de la Chambre à cet égard. Je ne

24 sais pas si une décision a été rendue ou non.

25 M. STEWART : [interprétation] Non, aucune décision n'a été rendue encore.

Page 3025

1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, mais

3 il se peut que je me trompe et n'hésitez à me le signaler au cours de la

4 pause suivante, la Chambre de première instance en a pris bonne note et

5 étant donné qu'aucune question particulière n'est intervenue, la Chambre

6 l'a laissé la situation en l'état. Si vous estimez qu'une décision doit

7 être rendue ou qu'une opinion doit être exprimée, nous allons envisager

8 cette possibilité. Dans ce cas-là, si la question est positive, à ce

9 moment-là, nous vous tiendrons au courant de notre position.

10 M. STEWART : [interprétation] La raison pour laquelle j'ai soulevé cette

11 question, je pense qu'il est important qu'on puisse rappeler ou attirer

12 l'attention de la Chambre de première instance sur ce carnet de

13 correspondance et de soulever ce point en présence de M. Harmon dans ce

14 prétoire.

15 J'apprécierais beaucoup si la Chambre de première instance pouvait trouver

16 le temps nécessaire pour vous rappeler un petit peu les éléments qui

17 figurent dans ce carnet de correspondance. A ce moment-là, je pourrai poser

18 les questions que je souhaite poser.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire cela. Pardonnez-nous

20 si nous n'avons pas toute cette correspondance en tête.

21 M. STEWART : [interprétation] Bien sûr. Je sais que vous n'avez pas ceci à

22 l'esprit. C'est la raison pour laquelle je soulève cette question

23 maintenant.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons saisir cette opportunité.

25 Monsieur Harmon, nous allons maintenant interroger un témoin pour lequel

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1 vous n'avez demandé aucune mesure de protection. Il s'agit de M. Kirudja;

2 est-ce exact ?

3 M. HARMON : [interprétation] C'est exact.

4 Je salue tout le monde dans ce prétoire ce matin.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme l'Huissière est allée chercher le

6 témoin.

7 M. HARMON : [interprétation] Si je puis avoir le pupitre puisque nous n'en

8 avons qu'un seul dans ce prétoire, avec l'aide de Mme l'Huissière, s'il

9 vous plaît.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière --

11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kirudja, je veux vous demander,

13 avant de procéder à votre témoignage, est-ce que vous m'entendez bien ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous remercie.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de témoigner devant cette Chambre,

16 les règles de preuve et de procédure requièrent que vous disiez la vérité,

17 toute la vérité, rien que la vérité. Je vous demande de bien vouloir lire

18 la déclaration solennelle dont le texte vous est remis par Mme l'Huissière.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien

21 que la vérité.

22 LE TÉMOIN : CHARLES KIRUDJA [Assermenté]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kirudja.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai vu, Monsieur Kirudja, que vous avez

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1 sorti un certain nombre de papiers que vous aviez dans votre attaché-case.

2 Je vous demande de bien vouloir ne pas consulter ces documents avant d'y

3 être invité car, évidemment, si vous avez besoin de les consulter, faites-

4 le nous savoir, s'il vous plaît. C'est important de savoir si vous regardez

5 vos documents ou si vous faites appel à votre mémoire.

6 M. Harmon, le conseil de l'Accusation, va maintenant procéder à

7 l'interrogatoire principal.

8 Interrogatoire principal par M. Harmon :

9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kirudja.

10 R. Bonjour, Monsieur.

11 Q. Je vais vous poser quelques questions sur vous, et je vais vous

12 demander de confirmer les éléments dont je vais vous faire part. Je vais

13 commencer, Monsieur Kirudja, par les éléments suivants : vous êtes né le 20

14 avril 1946, vous êtes un citoyen du Kenya, vous avez obtenu une licence

15 d'économie appliquée de l'université de Nairobi, d'un MBA de l'université

16 de New York et de l'université Western en Ontario, au Canada; est-ce

17 exact ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Vous avez commencé à travailler pour les Etats-Unis en 1997. Vous avez

20 été envoyé en ex-Yougoslavie où vous étiez coordinateur des affaires

21 civiles du secteur nord en Croatie entre le mois d'avril 1992 et le mois de

22 mars 1994. Entre le mois de mars 1994 et jusqu'au mois d'août 1994, vous

23 avez été détaché auprès des forces de Protection des Nations Unies,

24 FORPRONU au QG de Sarajevo portant sur des affaires civiles; et entre le

25 mois d'août 1994 jusqu'au mois de juin 1995, vous étiez délégué et

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1 représentant spécial du secrétaire général auprès du gouvernement de la

2 République fédérale d'Yougoslavie; est-ce exact ?

3 R. C'est exact.

4 M. HARMON : [interprétation] Si on veut bien montrer à M. Kirudja un

5 exemplaire de sa propre déclaration, si vous pouvez me donner, s'il vous

6 plaît, un numéro de cote pour ce document.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P120.

8 M. HARMON : [interprétation]

9 Q. Monsieur Kirudja, avez-vous un exemplaire de la pièce de l'Accusation

10 120 ?

11 R. J'ai un exemplaire d'un document que je reconnais comme étant ma

12 déclaration.

13 Q. Il s'agit d'une déclaration qui a été recueillie entre le 13 et le 23

14 septembre 1999, et le 28 et le 29 septembre 1999; est-ce exact ?

15 R. C'est exact. Ma signature apparaît à la fin de cette déclaration.

16 Q. Ainsi que vos initiales qui se trouvent sur les différentes pages de ce

17 document; est-ce exact ?

18 R. C'est exact.

19 Q. S'agit-il d'un exemplaire exact et véridique du document que vous avez

20 signé et paraphé ?

21 R. Oui.

22 M. HARMON : [interprétation] Pour le besoin du compte rendu d'audience,

23 Monsieur le Président, la déclaration originale de M. Kirudja était

24 beaucoup plus longue. Il y avait 62 pages du texte, et 277 paragraphes

25 numérotés. J'ai expurgé un certain nombre de paragraphes qui n'étaient pas

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1 pertinents. J'ai présenté aux Juges de la Chambre la pièce 120 dans sa

2 version abrégée et expurgée.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est, effectivement, la pièce qui

4 a été communiquée à la Défense.

5 M. STEWART : [interprétation] Je crois que le moment est opportun pour

6 signaler ceci. Il eut été utile d'avoir connaissance de l'expurgation un

7 peu plus tôt, car avec tout ce qui doit être fait, néanmoins, il n'était

8 pas difficile pour moi de constater que la deuxième partie de cette

9 déclaration était moins pertinente que la première, cela semblait assez

10 évident à la lecture de ce document. Néanmoins, jusqu'à y il a 48 heures,

11 je pensais que la déclaration qui allait être versée ici était la

12 déclaration de 62 pages. J'aurais pu gagner du temps si j'avais eu

13 connaissance de cela plus tôt, car je supposais que nous allions travailler

14 sur le document qui était le document le plus long. De toute façon, j'ai pu

15 comprendre quel poids nous pouvions accorder à ce document et faire la part

16 des choses.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, je crois que nous avons

18 des contraintes de temps de part et d'autre, et s'il est précisé qu'une

19 partie de la déclaration seulement va être utilisée. Je ne sais pas à quel

20 moment vous avez communiqué, à la Défense, le fait que la partie abrégée

21 serait remise à la Défense. Il est opportun de le signaler quelque temps

22 avant l'audition du témoin. Je crois que la Défense vient de faire, ici,

23 une remarque tout à fait justifiée.

24 Poursuivez, je vous prie.

25 M. HARMON : [interprétation] Nous allons verser ce dossier en l'application

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1 de l'Article 89(F). Si je peux, maintenant, avec l'indulgence de la Cour,

2 lire un résumé des éléments écrits de cette déclaration que nous trouvons à

3 la pièce P120. J'ai fourni un résumé à la Chambre, ainsi qu'à M. Stewart.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est exact. Vous allez lire le

5 résumé.

6 M. HARMON : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

8 M. HARMON : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit du résumé de la

9 déclaration écrite. M. Kirudja est un employé des Nations Unies, qui

10 travaille au sein des Nations Unies depuis 1997, où il a occupé différents

11 postes à un niveau élevé. Entre le mois d'avril 1992 jusqu'au mois de mars

12 1994, M. Kirudja a été un coordinateur des affaires civiles dans l'un des

13 quatre secteurs protégés des Nations Unies connus sous le nom de régions

14 protégées. Le secteur nord en Croatie connu sous le nom d'UNPA. Entre le

15 mois de mars 1994 et jusqu'au mois d'août 1994, il a continué à travailler

16 au sein des affaires civiles et des affaires associées aux affaires civiles

17 au sein du QG de la FORPRONU, à Zagreb. Entre juin 1994 et juin 1995, il

18 était délégué et représentant spécial du secrétaire général du gouvernement

19 de la République fédérale d'Yougoslavie.

20 M. Kirudja, qui est citoyen du Kenya, a une licence avec mention de

21 l'université de Nairobi, d'une maîtrise de l'université de New York, et

22 d'un doctorat de l'université Western de l'Ontario.

23 M. Kirudja parle du mandat de la FORPRONU en Croatie et du rôle qu'il a

24 joué en tant que coordinateur des affaires civiles dans le secteur nord. Sa

25 responsabilité dans ce domaine de responsabilité devait s'assurer que le

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1 mandat des Nations Unies dans le secteur nord était bien appliqué. Il est

2 arrivé dans le secteur nord au mois d'avril 1992, le 19 avril 1992.

3 Le secteur nord occupait une partie du territoire de la Croatie à la

4 frontière de la Bosnie. Les deux pays étaient séparés par le fleuve Una. La

5 frontière internationale entre ces deux pays dans le secteur nord était,

6 pour ainsi dire, inexistante étant donné que le secteur nord était contrôlé

7 par les Serbes de Croatie et Bosanski Novi était sous le contrôle de Serbes

8 de Bosnie.

9 Le 26 mai 1992, M. Kirudja a rencontré le maire de Dvor, Jugoslav

10 Borojevic, ainsi que d'autres personnes. Dvor se trouve dans le secteur

11 nord à la frontière entre la Croatie et la Bosnie, de l'autre côté du

12 fleuve Una, vis-à-vis de la municipalité de Bosanski Novi. Le maire a

13 informé M. Kirudja du fait que 5 000 Musulmans de Bosanski Novi allaient

14 voyager et se rendre de Bosnie en Slovénie et en Autriche, ils devaient

15 traverser le secteur nord. Le maire avait accepter cela sous deux

16 conditions : que le passage puisse être filmé par une équipe de télévision

17 internationale pour, clairement, indiquer qu'ils avaient traversé les

18 territoires contrôlés par les Serbes en sécurité, ainsi qu'un membre de la

19 Croix rouge du CICR serait responsable de leur passage.

20 Le maire a expliqué qu'il s'était entretenu avec le maire de Bosanski Novi

21 en Bosnie, qui lui avait confirmé que les Musulmans de Bosnie quittaient

22 Bosanski Novi, je cite, "de leur plein gré". M. Kirudja a voulu savoir

23 pourquoi le maire de Dvor parlait au nom d'un maire d'une autre ville dans

24 un autre pays. M. Borojevic a répondu que Bosanski Novi faisait partie, je

25 cite, "d'une nouvelle réalité" dans la "République serbe de Bosnie-

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1 Herzégovine". M. Kirudja en a conclu que la frontière internationale dans

2 cette partie du secteur nord était inexistante, pour ainsi dire.

3 M. Borojevic a tenté de convaincre M. Kirudja du fait que les Musulmans de

4 Bosanski Novi voulaient quitter ce territoire, et il a appelé le maire de

5 Bosanski Novi, M. Pasic, mais M. Kirudja a refusé de lui parler. Après

6 cette réunion, M. Kirudja en a conclu que les maires de Dvor et de Bosanski

7 Novi agissaient de concert en vue d'organiser une évacuation massive sous

8 couvert d'une aide humanitaire, faisant déplacer quelques 5 000 Musulmans

9 de Bosanski Novi et faire en sorte que la FORPRONU prenne la responsabilité

10 d'assurer le passage de ces personnes.

11 Le lendemain n'ayant pas réussi à convaincre M. Kirudja de participer à ce

12 plan, une délégation de Bosanski Novi est arrivée sans être annoncée

13 auparavant dans le bureau de M. Kirudja. Cette délégation comportait

14 Radomir Pasic, le maire de Bosanski Novi, Rade Palija, un membre du conseil

15 exécutif municipal de Bosanski Novi, ainsi que le chef de la police de

16 Bosanski Novi. M. Pasic a dit à M. Kirudja, à ce moment-là, que 5 000 --

17 que 13 000 Musulmans de Bosanski Novi avaient demandé aux autorités leur

18 protection, et avaient précisé qu'ils souhaitaient voyager en convoi en

19 direction de l'Autriche et de l'Allemagne. M. Kirudja a voulu savoir

20 pourquoi les Musulmans souhaitaient quitter leur domicile, si tout était si

21 calme comme cela venait d'être décrit. Le maire Pasic a répondu, je cite :

22 "Je reconnais que les Musulmans ont été mis sous pression de la part d'une

23 unité serbe ne faisant pas partie de l'armée régulière, supposant que le

24 harcèlement, dont faisaient l'objet les Musulmans, ne venait pas des forces

25 armées régulières." Il a dit à M. Kirudja que deux personnes de Bosanski

Page 3033

1 Novi avaient été reconnus, l'un du nom de S. Bajraktarovic, un leader local

2 du SDA, et Fikret Hamzagic, un membre élu du conseil municipal de Bosanski

3 Novi.

4 Le maire Pasic a, également, dit à M. Kirudja que les autorités de Bosanski

5 Krajina avaient décidé que toutes les forces armées devaient être

6 désarmées, et que ce processus de désarmement serait mené de la façon

7 suivante : entre le 6 et le 8 mai, des réunions avaient été organisées

8 entre le SDS et le SDA. Un accord avait été signé en vertu de quoi les

9 groupes paramilitaires devaient être désarmés d'ici le 11 mai. Un

10 calendrier de désarmement, village par village a été débattu, et on fixait

11 la date butoir du 9 mai pour l'achèvement de ce processus. Le SDA a déclaré

12 qu'il disposait toujours d'armes bien qu'on ne leur a pas pris d'armes. Le

13 maire Pasic a déclaré que 5 000 personnes de certains villages avaient

14 refusé de donner leurs armes.

15 Sur la base de ces conversations avec ces personnes, M. Kirudja en a conclu

16 que les Musulmans ne souhaitaient pas s'en aller de manière volontaire, et

17 qu'on les forçait à quitter Bosanski Novi parce qu'ils avaient refusé de

18 signer une déclaration d'allégeance à une nouvelle République serbe de

19 Bosnie-Herzégovine, et ceci a été encore aggravé par le refus de remettre

20 les armes dont ils disposaient et qui devaient servir à leur défense.

21 Le maire Pasic a poursuivi en disant je cite : "La police serbe a été

22 attaquée, et c'est à ce moment-là que le conflit a débuté." Il a déclaré

23 que : "La région avait été placée sous l'autorité de la République serbe de

24 Bosnie-Herzégovine depuis le 10 mai, et que les autorités légales avaient

25 été contraintes de réagir aux activités des Musulmans, puisque aucun

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1 d'entre eux n'avait procédé au désarmement."

2 Enfin si on reprend exactement ce qu'il a dit je cite : "Certains d'entre

3 eux n'ont pas rendu leurs armes."

4 M. Kirudja a demandé aux membres de la délégation serbe pourquoi les Serbes

5 et les Musulmans ne pouvaient pas vivre ensemble, puisque cela avait été le

6 cas pendant si longtemps. Pasic a répondu que : "Les anciens officiers de

7 police qui étaient des Musulmans refusaient de signer des déclarations

8 d'allégeance au nouveau gouvernement."

9 Pasic le maire a continué ses explications en disant que les Musulmans

10 n'étaient pas des pacifistes, et que leur refus de combattre était dû à

11 leur faiblesse militaire. Il a dit qu'il y avait 7 000 réfugiés de Croatie

12 qui vivaient à Bosanski Novi. D'après M. Kirudja, le maire a semblé

13 reconnaître involontairement que l'évacuation des Musulmans "déloyaux"

14 aurait la conséquence voulue ou non de faire un peu de place pour les

15 Serbes, qui avaient été déplacés d'autres régions. M. Kirudja a eu

16 l'impression que l'évacuation, des Musulmans ne serait pas la dernière du

17 genre, et que l'expulsion massive des non-Serbes des zones contrôlées par

18 les Serbes en Bosnie, pouvait se produire bientôt.

19 A la fin de cette réunion, M. Kirudja a informé la délégation serbe qu'il

20 était, tout à fait, inimaginable que les Nations Unies soient enrôlées de

21 cette manière pour transformer des gens qui habitaient encore dans leur

22 foyer en réfugiés. Pasic a noté que M. Kirudja faisait preuve d'une

23 attitude "non coopérative," et il a demandé le nom de ses supérieurs.

24 Le 1er juin, le maire de Banja Luka, M. Kupresanin, a appelé Paolo Raffone,

25 qui était chargé, lui aussi, des affaires civiles et qui faisait partie des

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1 collaborateurs de M. Kirudja, il lui a dit que le maire de Bosanski Novi,

2 le maire de Prijedor, le maire de Kljuc, et ceux de Dubica, Sanski Most et

3 Banja Luka disposaient d'informations selon lesquelles la population

4 musulmane ne faisait pas confiance aux autorités serbes, et que 15 000

5 personnes avaient déjà quitté leur domicile habituel pour prendre la

6 direction de Dvor. Il a, également, dit qu'il était possible que, très

7 bientôt, 15 000 suivent leur exemple. Il a dit que la FORPRONU et les pays

8 occidentaux devaient trouver une solution pour protéger la population

9 musulmane civile.

10 Le 9 juin, M. Kirudja a reçu un rapport venant du HCR des Nations Unies,

11 qui contenaient le résumé de l'entretien avec deux hommes qui s'étaient

12 échappés de Bosanski Novi, des hommes qui ont relaté une attaque menée par

13 les Serbes de l'endroit. M. Kirudja a signalé les événements dont il était

14 témoin en Bosnie à ses supérieurs. Par exemple, le 15 juin dans un rapport

15 intitulé "Désastre humanitaire en préparation à Bihac et le long de la

16 frontière Bosnienne," il a exprimé ses craintes "de voir des atrocités

17 inouïes être en préparation et se dérouler derrière la frontière, derrière

18 les montagnes, derrières les forêts."

19 Le 20 juin, un représentant du HCR des Nations Unies a écrit au maire de

20 Bosanski Novi, M. Pasic, pour lui rappeler que : "Le transfert forcé de

21 population pour des raisons ethniques ou raciales a été considéré comme un

22 crime contre l'humanité." Ce message écrit renforçait les déclarations

23 verbales qui lui avaient été faites à de nombreuses reprises à lui ainsi

24 qu'à ses collaborateurs.

25 Le 22 juin, un autre groupe de personnes a été signalé sur le stade de

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1 football de Bosanski Novi.Ils ont fait signe avec des drapeaux blancs à une

2 patrouille danoise de la FORPRONU. Ils leur ont lancé un SOS.

3 Le 4 juillet 1992, M. Kirudja a envoyé un rapport à ses supérieurs dans

4 lequel il les informait qu'il estimait que les détenus qui se trouvaient

5 sur le stade de football n'était que "la partie émergée de l'iceberg, et

6 reflétait une action concertée des autorités locales serbes en Bosnie-

7 Herzégovine qui tentaient de mettre en place une république serbe de

8 Bosnie-Herzégovine dans laquelle il n'y aurait plus de Musulmans." Dans une

9 lettre très longue, il a donné le nom d'un "camp de concentration" qui se

10 trouvait dans un certain nombre de lieux : "Keraterm, Trnopolje, Omarska,

11 Manjaca." Il relate les traitements auxquels sont soumis les Musulmans

12 ainsi que les autres minorités dans ces camps, en disant

13 que : "D'après les rapports dont on dispose, il s'agit d'atrocités qui sont

14 commises avec des passages à tabac réguliers, un manque de nourriture et

15 d'eau, des conditions d'hébergement insuffisantes, et cetera, et cetera."

16 Le 20 juillet, Franjo Greguric, qui est le premier ministre croate,

17 autorise 4 000 résidents de Bosanski Novi à rentrer en Croatie. M. Kirudja

18 est opposé au transfert de ces personnes de Bosnie en Croatie parce qu'ils

19 estiment qu'il y a la complicité dans le nettoyage ethnique, et que le HCR

20 et la FORPRONU y apportent leurs concours. Ce transfert par le secteur

21 n'aura lieu. M. Kirudja estime qu'au lieu des 4 000 personnes "évacuées"

22 qui étaient prévues, en fait, leur nombre a dépassé les 9 000. Une

23 évacuation qui a duré une journée entière.

24 Avant le 8 août, la police civile des Nations Unies à Dvor estimait que 28

25 000 autres personnes voulaient transiter par le secteur nord. Les autorités

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1 serbes ont affirmé que les Nations Unies devait participer à cette

2 évacuation, devait y apporter leur concours ou, sinon, je cite : "Les

3 Musulmans allaient souffrir." Plutôt que de céder à ce que le HCR des

4 Nations Unies considéraient comme un chantage, le HCR des Nations Unies

5 souhaitait apporter une aide directe à toutes ces personnes. On a fait en

6 sorte d'apporter de 270 tonnes d'aide humanitaire à Banja Luka pour qu'il y

7 soit distribué.

8 Le 12 août, une réunion de coordination a eu lieu à Tapusko avec des

9 représentants du HCR, des Nations Unies, de la MCCE, de la police civile

10 des Nations Unies, les observateurs militaires des Nations Unies, du

11 Bataillon danois, ainsi que représentant du HCR du secteur nord qui a

12 conclu lors de cette réunion que le problème des 28 000 réfugiés potentiels

13 n'était pas vraiment un problème humanitaire, mais c'était plutôt un

14 problème de caractère politique qui avait un lien direct avec la stratégie

15 de nettoyage ethnique. On conclu, à ce moment-là, que l'on ne pouvait

16 trouver une solution à ce problème uniquement en s'adressant aux agences

17 chargées de l'aide humanitaire, comme, par exemple, le HCR des Nations

18 Unies, le CICR, ou la FORPRONU.

19 Une autre réunion a eu lieu avec les autorités serbes de Dvor et Bosnie-

20 Herzégovine. Le HCR des Nations Unies, à ce moment-là, donne la nature de

21 la réaction officielle qui sera donnée à cette question des réfugiés

22 potentiels. Rappeler à la réalité par les menaces du conseil de Sécurité

23 des Nations Unies qui menace d'utiliser la force pour fournir l'aide

24 humanitaire, il semble que les pressions qui sont exercées pour

25 l'évacuation de 28 000 réfugiés potentiels disparaissent. Cependant, les

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1 Serbes reviennent à la charge. Ils demandent à ce que 5 000 autres non-

2 Serbes soient évacués de cette zone. Ceux qui font cette demande, y compris

3 M. Pasic, maire de Bosanski Novi, suivi des personnes suivantes : le maire

4 de Dvor, représentant du SDS de Bosanski Kostajnica, un représentant du SDS

5 de Kostajnica, ainsi que Murid Saflic, un représentant des Musulmans de

6 Bosanska Kostajnica. Les membres de la délégation se prononcent en faveur

7 de déplacement des 5 000 personnes.

8 Notamment, on entend le maire Pasic déclaré qu'eux, les Musulmans,

9 comprennent "qu'ils leur est impossible de cohabiter avec les Serbes," et

10 que, je cite : "Les Musulmans n'étaient pas prêts à accepter leurs

11 obligations." Il continue, en disant que, si la partie serbe n'est pas

12 respectée, on peut s'attendre à de très nombreux décès des deux côtés.

13 M. Kirudja ainsi que des représentants du HCR des Nations Unies, de la

14 police civile des Nations Unies, ainsi que du Bataillon danois refusent de

15 se plier à cette exigence d'une nouvelle évacuation, et les Serbes

16 demandent une nouvelle réunion le 19 août.

17 Le 19 août, une délégation de Serbes et de Musulmans venant de Sanski Most,

18 de Bosanska Krupa et de Prijedor arrive au QG du secteur nord. La

19 délégation serbe comprend, notamment, le président du SDS de Sanski Most,

20 Vlado Vrkes, le chef de la police de Sanski Most, des représentants de

21 Prijedor, ainsi que deux Musulmans de Bosnie qui représentent les Musulmans

22 et les Croates souhaitant quitter Sanski Most et Bosanska Krupa. M. Kirudja

23 ainsi que deux représentants du HCR des Nations Unies sur le terrain

24 participent également à cette réunion.

25 La délégation conjointe serbe et serbo-musulmane essaie de convaincre les

Page 3039

1 Nations Unies de changer de stratégie au sujet des évacuations massives et

2 d'aider à l'organisation d'un autre convoi qui traverserait le secteur nord

3 et qui permettrait d'évacuer 11 000 "candidats" musulmans. M. Kirudja

4 reçoit une liste sur laquelle figure 7 782 noms de personnes qui sont

5 "prêtes" à partir volontairement. M. Vrkes, qui est le président du SDS de

6 Sanski Most, informe M. Kirudja et les représentants du HCR des Nations

7 Unies que les Musulmans se sont vus remettre une déclaration dont on leur

8 demande la signature et par laquelle ils stipulent qu'ils quittent la

9 région volontairement et qu'ils ne souhaitent pas y revenir et qu'ils

10 transmettent leurs biens aux autorités des zones qu'ils quittent.

11 Les représentants du HCR des Nations Unies rejètent cette demande en

12 déclarant expressément que le HCR des Nations Unies n'était pas prêt à

13 apporter son concours à l'expulsion de population, mais qu'il était prêt à

14 apporter son aide aux personnes qui en avaient besoin à leur domicile, et

15 là où ils habitent. La réunion prend fin.

16 Ensuite, M. Kirudja ne recevra plus d'autres demandes afin d'aider aux

17 transferts de Musulmans en passant par le secteur nord. Cependant, jusqu'en

18 septembre, on voit arriver chaque jour, à Dvor dans le secteur nord, des

19 personnes qui viennent de toute la Bosnie. La police civile des Nations

20 Unies estimait que de 30 à 50 personnes traversaient la frontière pour

21 arriver à Dvor chaque jour.

22 Monsieur le Président, j'en ai terminé de la lecture du résumé des éléments

23 qui sont présentés dans la déclaration portant la cote P120.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, une question. Je vois

25 dans ce résumé qu'on parle, notamment, d'un porte-parole musulman. Il y a

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1 M. Bajraktarovic ainsi qu'un dirigeant, et on voit que c'est "un dirigeant

2 du SDS local".

3 M. HARMON : [interprétation] A quel page ?

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je lis au compte rendu d'audience, je

5 cite : "Il a informé M. Kirudja que deux porte-parole musulmans de Bosanski

6 Novi avaient été trouvés, un dénommé Bajraktarovic, un dirigeant du SDS

7 local, et Fikert," et ensuite --

8 M. HARMON : [interprétation] Merci de me le signaler. En fait, c'est une

9 erreur. Il s'agit du SDA.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] SDA.

11 Maître Stewart.

12 M. STEWART : [interprétation] Merci. Nous l'avons remarqué. Merci de cette

13 correction.

14 La seule observation que je souhaiterais faire, c'est qu'il y a un

15 paragraphe, je ne sais pas si c'est commis par inadvertance, à la page 3 il

16 y a un paragraphe qui commence par les mots suivants : "Le 6 mai…" et M.

17 Harmon n'en a pas donné lecteur. Il est possible qu'il a simplement oublié.

18 C'est tout à fait compréhensible. Permettez-moi de dire que s'agissant de

19 ces résumés 89 (F) que l'on explicite les sigles qu'on y trouve, comme, par

20 exemple, DANCON, et cetera. Sinon ces sigles restent un petit peu

21 mystérieux alors que ces résumés ont pour objectif de faire la lumière sur

22 nos débats.

23 M. HARMON : [interprétation] Je vais demander au témoin de nous donner ses

24 explications. Moi, je résume les déclarations qu'il a dit. Dans le résumé,

25 il n'y a pas ces explications. Si je donnais d'explications, j'ajouterais à

Page 3041

1 ce qu'il a dit.

2 M. STEWART : [interprétation] Oui, je comprends bien, mais du moins qu'on

3 nous donne des explications d'une manière ou d'une autre.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

5 M. HARMON : [interprétation] Si vous permettez, je souhaiterais lire le

6 paragraphe que j'ai sauté.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

8 M. HARMON : [interprétation] Merci de me l'avoir signaler, Maître Stewart.

9 Le paragraphe que j'ai oublié de lire est le suivant, je cite : "Le 6 mai,

10 le DANCON a informé M. Kirudja que 6 000 personnes avaient été rassemblées

11 sur un stade à Bosanski Novi. On les avait monté à bord d'autocars pour se

12 diriger vers une destination inconnue en Bosnie. C'était la première fois

13 que DANCON était témoigne de ce genre d'événements."

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Harmon.

15 Monsieur Kirudja, vous vous demandez pourquoi on a donné ainsi lecture de

16 ce résumé de vos déclarations. Ceci est fait pour des raisons d'efficacité.

17 Nous ne pouvons pas admettre au dossier des déclarations écrites puisque le

18 principe de l'oralité vaut dans ce prétoire. On peut verser au dossier des

19 déclarations écrites, mais pour respecter le caractère de l'oralité des

20 débats, nous avons décidé de donner lecture de résumé de ces déclarations.

21 Cela ne remplace pas votre déposition, mais cela permet de passer en revu

22 certains passages très vite. Vous allez entendre des questions à ce sujet,

23 des questions qui vont venir de l'Accusation et de la Défense, mais cela ne

24 commencera qu'après la pause.

25 Nous aurons une pause qui va durer jusqu'à 13 heures moins quart, Monsieur

Page 3042

1 Harmon, parce que notre première pause a eu lieu plus tôt que prévue. Pour

2 des raisons techniques, pour les interprètes, et techniciens, et cetera,

3 nous devons maintenant faire la deuxième pause jusqu'à 12 heures 45.

4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

5 --- L'audience est reprise à 12 heures 53.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.

7 M. HARMON : [interprétation]

8 Q. Monsieur Kirudja, Me Stewart a posé la question des cibles, et comme le

9 constateront les Juges de la Chambre et les conseils de la Défense, j'ai

10 remis un certain nombre de pièces à conviction que nous allons examiner et

11 qui sont criblés de sigles. J'aimerais, Monsieur Kirudja, que vous nous

12 confirmiez la signification de ces

13 Sigles. UNPA, est-ce que cela signifie "zones de Protection des Nations

14 Unies"?

15 R. Oui.

16 Q. FORPRONU, est-ce que cela veut dire "forces de Protection des Nations

17 Unies" ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. DANCON ou DanBat, qu'est-ce que cela représente ? Est-ce que cela

20 représente le Bataillon danois, c'est-à-dire, l'unité militaire qui était

21 en poste au secteur nord ?

22 R. Oui, sauf que je souhaite ajouter une précision.

23 Q. Oui.

24 R. Les forces militaires étaient déployées par bataillon. Quand on parle

25 du bataillon dans son ensemble, on parle de DanBat, Bataillon danois, mais

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1 chaque bataillon est fait de compagnies. Quand on parle d'une compagnie

2 particulière qui est déployée à un endroit précis, à ce moment-là on parle

3 de DANCON. A ce moment-là, cette compagnie est désignée de la manière

4 suivante DANCON C, c'est-à-dire, la Compagnie C, ou DANCON A pour la

5 Compagnie A.

6 Q. Merci. UN CIVPOL, est-ce que cela représente bien la police civile des

7 Nations Unies ?

8 R. Oui.

9 Q. La MCEE, il s'agit, n'est-ce pas, de la Mission d'observation de la

10 Communauté européenne ?

11 R. Oui.

12 Q. UNMO, est-ce que cela représente les observateurs militaires des

13 Nations Unies ?

14 R. Oui, avec une précision.

15 Q. Oui.

16 R. Tout à l'heure, j'ai précisé que les bataillons sont des forces

17 militaires qui sont constituées. A côté de ces forces militaires, vous avez

18 des observateurs militaires qui sont déployés en parallèle mais séparément

19 de ces bataillons avec un commandement séparé, une filière hiérarchique

20 séparée. Lorsqu'on parle d'UNMO, d'observateurs militaires, on fait

21 référence à ces gens, ces observateurs militaires qui ont leur propre

22 système hiérarchique.

23 Q. Le HCR des Nations Unies, c'est le Haut commissariat des Nations Unies

24 aux Réfugiés, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

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1 Q. Le CICR, c'est le comité international de la Croix rouge ?

2 R. Oui.

3 Q. Je crois que j'ai passé en revue tous les sigles. Si nous trouvons des

4 sigles encore inexpliqués, nous y viendrons en temps voulu.

5 Monsieur Kirudja, vous vous étiez dans le secteur nord, peut-être serait-il

6 bon que vous expliquiez brièvement tout d'abord à la Chambre de première

7 instance quelle était la situation en Croatie ? Pouvez-vous nous dire ce

8 qui s'est produit en Croatie et qui explique la mise en place de ces zones

9 de Protection des Nations Unies ?

10 R. Les Nations Unies dans le cadre de leurs activités habituelles

11 suivaient le conflit qui se développait dans l'ex-Yougoslavie. A la fin

12 1992, Cyrus Vance, secrétaire d'état des Etats-Unis, "Secretary of State",

13 qui est aujourd'hui décédé, avait essayé de trouver une solution au conflit

14 de l'ex-Yougoslavie, un cessez-le-feu, un accord intérimaire dans lequel

15 vous identifiez les zones de conflit en Croatie. Un accord a été mis en

16 place et signé par les représentants du gouvernement à Belgrade et à

17 Zagreb, ainsi qu'en Croatie par les représentants des différentes parties

18 belligérantes. Ceux auxquels je vais faire référence en disant les Serbes

19 croates, ou les Serbes locaux.

20 Cet accord a, ensuite, pris le nom de Vance, il a, ensuite, été codifié

21 dans une résolution du conseil de Sécurité des Nations Unies, qui a été à

22 l'origine du déploiement de la force de Protection des Nations Unies en

23 Croatie, dans les régions qui avaient été identifiées par Cyrus Vance.

24 Q. Nous allons, maintenant, nous munir de la pièce à conviction suivante,

25 il s'agit d'une carte, j'imagine que le numéro de cette pièce sera 121.

Page 3045

1 Monsieur Kirudja, vous avez sous les yeux la pièce à conviction de

2 l'Accusation numéro 121 où l'on voit quatre zones distinctes des Nations

3 Unies, ces fameux UNPA, zones de Protection. Pouvez-vous nous en parler

4 rapidement.

5 R. Oui. J'ai sous les yeux une carte intitulée "Carte I," et sur cette

6 carte nous voyons la République de Croatie et nous voyons les limites

7 bleues des zones de conflit. Ce sont les zones sur lesquelles devaient être

8 déployées les ressources et les hommes des Nations Unies. Vous voyez que

9 sur la partie la plus à l'est de cette carte, vous voyez en rouge Belgique,

10 Luxembourg, Russie, ceci nous indique les bataillons qui étaient déployés

11 dans cette zone. Cette zone qui est délimitée par une ligne bleue a été,

12 ensuite, connue sous le nom de secteur est.

13 A l'ouest, on voit la mention "UN western zone," zone occidentale des

14 Nations Unies, et on voit les pays suivants Argentine, Canada, Jordanie,

15 Népal. Ceci nous indique quels étaient les bataillons déployés dans cette

16 zone. Au sein de la FORPRONU, c'est un secteur que l'on a, ensuite, appelé

17 le secteur ouest.

18 Un peu plus en bas à gauche, on voit la mention de "UN southern zone," zone

19 sud des Nations Unies. On voit les pays suivants Tchécoslovaquie, France,

20 Kenya, qui nous indique quels étaient les bataillons déployés à cet

21 endroit. Ce secteur, c'était le secteur sud.

22 Pour finir, vous avez la mention "UN northern zone," zone nord des Nations

23 Unies, vous avez en rouge les mentions suivantes, Pologne, Nigeria,

24 Danemark, dans les lignes bleues, dans la limite définie par la ligne

25 bleue, et un petit peu plus en dessous, on a en rouge, également le mot

Page 3046

1 France mais qui n'est pas forcément dans la zone de Protection des Nations

2 Unies, cela, c'est une question sur laquelle je reviendrai plus tard. Nous

3 avons, ici, le secteur nord, et c'est le secteur dans lequel j'étais, moi-

4 même, déployé en tant que coordinateur chargé des affaires civiles.

5 Q. Peut-on présenter le documents suivant, s'il vous plaît. La pièce

6 suivante est une carte géographique dont le numéro est 122, est-ce que vous

7 l'avez devant vous M. Kirudja ?

8 R. Oui.

9 Q. Comme vous avez déjà vu cette carte, elle décrit le secteur nord, c'est

10 ce qui est écrit au fond mais l'on y voit également une partie du secteur

11 sud, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. Sur la base de cette carte, est-ce que vous pourriez nous dire où se

14 trouve la limite entre le secteur nord et le secteur sud ?

15 R. Il s'agit d'une région bleue que vous pouvez voir, et un petit peu au

16 dessous si vous allez vers la partie au centre de cette carte, là où c'est

17 marqué "POL," la Pologne, à partir de cet endroit-là vous voyez une petite

18 ligne qui montre où les soldats polonais ont été déployés et si vous

19 regardez juste au nord de Titova Korenica, c'est là que commence le secteur

20 nord. L'ensemble du secteur de Plitvice appartenait au secteur nord.

21 Q. Merci beaucoup.

22 R. Oui, le reste de la zone bleue constitue l'ensemble du secteur nord.

23 Q. Puisque l'on parle de cette carte, Monsieur Kirudja, est-ce que vous

24 pourriez expliquer à la Chambre ce qui est devenu régions rose.

25 R. Ici, j'attire votre attention sur la légende. La ligne bleue

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1 interrompue, ce sont les frontières internationales, effectivement, l'on

2 peut voir que cette ligne bleue interrompue constitue une frontière

3 internationale qui sépare la Bosnie-Herzégovine de la Croatie. L'on y voit

4 la partie la plus au sud du déploiement des Nations Unies et on peut

5 constater également que ceci va jusqu'à la région de Draskonic [phon] à

6 gauche.

7 Ensuite, sur la légende, vous pouvez voir également ce qui est appelé la

8 ligne de confrontation, c'est une ligne rouge épaisse qui va parfois au

9 dessous des zones bleues appartenant au secteur nord. Cette ligne, lorsque

10 nous sommes arrivés, elle reflétait l'endroit où les forces serbes étaient

11 encore confrontées aux forces croates au mois d'avril lorsque nous sommes

12 arrivés. C'est ce qui est appelé "ligne de confrontation."

13 Ce qui s'est passé, c'est que notre mandat était de nous déployer

14 conformément au plan Vance, et avant le déploiement des forces de l'ONU,

15 d'après ce plan, ceci était prévu dans des différentes municipalités

16 "opstina", il était déterminé exactement dans quelle "opstina" les troupes

17 des Nations Unies allaient être déployées. Lorsque nous sommes arrivés,

18 nous avons vite appris qu'il existait un problème d'interprétation

19 s'agissant des limites des zones dans lesquelles nous devions être

20 déployées. Le gouvernement croate et les Serbes de Croatie n'étaient pas du

21 même avis. D'abord, je vais vous dire quel était l'avis du gouvernement

22 croate.

23 Les cartes qu'ils nous ont montrées prévoyaient notre déploiement aux

24 limites de chacune des "opstina" municipalités dans le cadre du plan de

25 Cyrus Vance et, ensuite, nous y voyons où, selon le côté croate, il fallait

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1 que l'on soit déployé. Cela, c'est marqué par la ligne bleue. La ligne

2 bleue constitue, en fait, la limite de chaque opstina que comprenait le

3 secteur nord. A gauche du pont, il y avait la municipalité de Slunj.

4 Ensuite, il y avait d'autres municipalités. Cela, c'était la limite de

5 notre déploiement avec quelques modifications.

6 Cependant, le côté serbe avait un point de vue différent. Ils avaient les

7 zones de confrontation établies dans le cadre de la guerre. Il y avait des

8 limites auxquelles les Serbes se sont arrêtés avec leurs troupes, et leurs

9 troupes étaient déployées le long de cette ligne de confrontation. Selon

10 les Serbes, il fallait que l'on soit déployés jusqu'à ces limites-là. Comme

11 vous pouvez le voir, ces différences portent sur quelques nouvelles opstina

12 qui n'ont pas été nommées dans le plan Vance. Elles sont marquées dans la

13 couleur rose. C'est ce qui va au-delà de la ligne de confrontation des

14 Serbes. Si une municipalité a été nommée dans le cadre du plan Vance et si

15 les Serbes n'avaient pas occupé avec leurs forces le territoire de cette

16 opstina jusqu'à la ligne de confrontation, dans ce cas-là, la couleur

17 restait bleue.

18 Mais le problème est devenu tellement important que les zones roses ont

19 fait l'objet d'une résolution du conseil de Sécurité numéro 802 où il a été

20 clairement indiqué quelles étaient nos responsabilités dans ces zones-là,

21 mise à part ce qui a été prévu par le plan Vance.

22 Q. Merci, Monsieur Kirudja. La pièce à conviction suivante, s'il vous

23 plaît. Il s'agit de la pièce à conviction du Procureur 123.

24 Monsieur Kirudja, il s'agit d'un document que vous avez préparé -- élaboré

25 sur ma demande.

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1 R. C'est exact.

2 Q. Ce que vous pouvez voir -- lire, dans la légende, il y est dit : "les

3 limites approximatives du secteurs". Nous y voyons votre signature, n'est-

4 ce pas ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Bien sûr, il ne s'agit pas d'une carte absolument précise, mais il

7 s'agit d'une carte qui reflète les limites approximatives du secteur nord,

8 n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Il ne s'agit pas d'une carte de géomètre précise. Monsieur Kirudja, le

11 but de cette carte est de montrer les municipalités en Bosnie dont nous

12 allons parler au cours de votre déposition. Nous y pouvons voir des

13 municipalités et les emplacements de Bosanski Novi, Prijedor, Sanski Most,

14 Bosanska Dubica, Banja Luka et d'autres municipalités, n'est-ce pas ?

15 R. Oui. Il s'agit des municipalités limitrophes au secteur. Leurs noms

16 sont énumérés en bas de la carte.

17 Q. Nous allons entendre parler aussi de la page 2 -- Bihac. Est-ce que

18 vous pourriez l'identifier ?

19 R. En fait, la carte précédente était meilleure pour ce faire.Q. Oui.

20 R. Est-ce que vous pourriez me la représenter ?

21 Q. Mais je vais retirer maintenant cette question et ensuite vous poser

22 une autre question.

23 R. Sur l'autre carte, on peut voir l'ensemble de cette poche et ces

24 limites.

25 Q. En fait, peut-être nous pourrions montrer la pièce à conviction

Page 3050

1 précédente à M. Kirudja.

2 Je souhaite, encore une fois, que vous examiniez la pièce de l'Accusation

3 122, Monsieur Kirudja, pour nous identifier l'endroit où se trouvait la

4 poche de Bihac et pour montrer cela aux Juges.

5 R. Merci. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai les deux cartes

6 devant moi, mais je vais commencer par la carte qui vient de m'être remise.

7 Je souhaite dire que vous pouvez voir en jaune la partie au nord-ouest de

8 la Bosnie-Herzégovine. Là, vous pouvez voir deux ou trois villes. Bihac,

9 vous voyez ? Cazin et Velika Kladusa, et vous pouvez voir également que la

10 ligne de confrontation est dressée -- par les militaires qui ont élaboré

11 cette carte -- y figure. Cela, c'est la partie à laquelle on fait référence

12 lorsque l'on disait la poche de Bihac ou, lorsque les Serbes nous

13 parlaient, ils parlaient de cela de deux manières; soit ils disaient

14 Cazinska Krajina ou -- oui, effectivement, ils faisaient référence à cela

15 en tant que Cazinska Krajina. Mais, en fait, cette région est constituée de

16 trois municipalités; Bihac, qui correspond également au nom de la ville la

17 plus importante et, d'ailleurs, la municipalité s'appelle Bihac aussi.

18 Ensuite, il y a la municipalité de Cazin, et Cazin est également une ville,

19 le nom d'une ville. Ensuite, vous avez aussi la municipalité de Velika

20 Kladusa, et Velika Kladusa, c'est aussi le nom d'une ville. A gauche de

21 cela, là où vous ne voyez pas de nom, c'est la municipalité de Bosanska

22 Krupa.

23 Q. Si l'on passe maintenant à la pièce à conviction du Procureur 123, je

24 pense que ces municipalités que vous avez identifiées, Monsieur Kirudja,

25 les municipalités qui constituent la poche de Bihac, elles peuvent

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1 clairement être vues sur cette carte, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Très bien. Est-ce que nous pouvons présenter la pièce à conviction

4 suivante, 124.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour mieux comprendre la chose, je

6 souhaite vous poser une question. Si j'examine les deux cartes, P122 et

7 P123, je peux voir que la ligne de confrontation, telle qu'elle a été

8 décrite, inclut la ville de Bihac, passe par la ville de Bihac.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans la carte 123, nous pouvons voir que

11 la municipalité est beaucoup plus grande.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] : Lorsque vous parlez de la poche de

14 Bihac, est-ce que vous parlez de la zone qui est entourée par les lignes de

15 confrontation ? Cela voudrait dire qu'une bonne partie de la municipalité

16 de Bihac est exclue, mais que la ville de Bihac est incluse ou est-ce que

17 ceci inclut l'ensemble de la municipalité de Bihac ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il existe des interprétations différentes,

19 mais il faut savoir, Monsieur le Président, que Bihac était l'une des zones

20 de sécurité, conformément à la résolution du conseil de Sécurité des

21 Nations Unies. Mais cela s'est passé beaucoup plus tard. Lorsque l'on parle

22 de la poche de Bihac, nous parlons d'habitude de l'ensemble de cette zone.

23 Nous ne sommes pas vraiment contraints par les limites que nous voyons sur

24 cette carte.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci d'avoir apporté cet

Page 3052

1 éclaircissement.

2 M. STEWART : [interprétation] S'il vous plaît, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 M. STEWART : [interprétation] Nous avons remarqué que les trois cartes qui

5 ont été soumises au témoin ont toutes des dates différentes. Je pense que

6 ceci a été implicite dans la réponse du témoin. Mais peut-être ceci

7 pourrait nous être utile si l'on posait des questions au témoin concernant

8 la confirmation des dates pertinentes pour sa déposition pour qu'il n'y ait

9 pas de décalage par la suite. Car il est plus facile de clarifier cela

10 maintenant que plus tard.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.

12 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, nous voyons, sur la

13 carte 121, la date en haut, il s'agit du "début de l'année 1993".

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

15 M. HARMON : [interprétation]

16 Q. Monsieur Kirudja, est-ce qu'il s'agit d'une carte qui montre avec

17 précision l'emplacement de l'UNPA au début de l'année 1993 ?

18 R. C'est la première carte que nous avons examinée.

19 Q. Oui.

20 R. Je ne l'ai pas ici, mais ce n'est même pas nécessaire parce que je peux

21 répondre à cette question. La question est importante parce que ces cartes

22 ont été prises des archives de l'ONU à l'époque des événements. Lorsque

23 nous avons commencé notre mission en 1992, en fait, ces cartes seraient un

24 reflet précis de la situation en 1992, au moment du début de notre mission.

25 Mais, à ce moment-là, il n'y avait pas un corps de force de l'ONU à

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1 l'époque. Au fur et à mesure que la situation se développait, les cartes

2 ont été mises à jour. Par exemple, en ce qui concerne la poche de Bihac --

3 ou, par exemple, nous voyons sur la carte que la France est mentionnée,

4 mais, au début, la France n'y était pas.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] En avril, la France n'était pas là. Il n'y

7 avait personne là-bas en avril. Je vous ai déjà dit que, lorsque cette zone

8 a fait l'objet de l'intérêt du conseil de Sécurité pour devenir une zone de

9 sécurité, cela s'est passé beaucoup plus tard. Vraiment, cette carte est

10 précise seulement concernant une certaine période du temps.

11 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il faut que

12 l'on se limite dans l'utilisation de ces cartes juste au repère que le

13 témoin peut nous donner pour pouvoir nous orienter sur le plan

14 géographique, afin de pouvoir mieux suivre la déposition de M. Kirudja.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

16 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

17 M. STEWART : [interprétation] Nous aimions avoir la confirmation de cela,

18 car nous avons parlé en détail de cela depuis 15 minutes, et je me demande

19 quelle est l'utilité de cela ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Justement, j'allais soulever cette question.

21 M. STEWART : [interprétation] Je répondais plutôt à M. Harmon, et non pas à

22 M. Kirudja.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de ne pas faire trop

24 d'interruptions.

25 Dites-nous ce que vous souhaitiez nous dire, Monsieur le Témoin.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] En avril, cette carte était précise en ce qui

2 concerne le déploiement des troupes de l'ONU dans les UNPA. La carte est

3 précise en ce qui concerne le déploiement du Bataillon danois, du Bataillon

4 polonais et de toutes les unités au sein de l'UNPA. La carte est précise,

5 quels que soient les événements qui ont suivi. Mon commentaire portait

6 seulement sur le déploiement des bataillons au-delà des frontières

7 internationales, en Bosnie.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair. Merci beaucoup.

9 M. HARMON : [interprétation]

10 Q. La pièce à conviction suivante, s'il vous plaît, Monsieur Kirudja,

11 c'est la carte 124. Encore une fois, c'est une carte que vous avez élaborée

12 vous-même, qui montre encore une fois les frontières, les limites

13 approximatives du secteur nord. Elle comporte votre signature, n'est-ce pas

14 ?

15 R. Oui, c'est exact. Encore une fois, compte tenu du commentaire du

16 conseil de la Défense, je souhaite dire que la date de cette carte et les

17 limites ont été dressées dans le cadre d'une autre déposition dans un

18 procès différent.

19 Q. Mais s'agissant de cette carte, Monsieur Kirudja, nous pouvons dire que

20 nous y voyons les villes au nord, notamment, Tapusko où était le quartier

21 général du secteur nord, n'est-ce pas ?

22 R. C'est exact.

23 Q. Aussi, nous allons parler de Dvor, une ville qui est marquée également

24 sur la ligne de démarcation entre Bosanski Novi et Dvor ?

25 R. Oui.

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1 Q. Kostajnica ?

2 R. C'est exact.

3 Q. L'endroit où se trouvait le Bataillon danois ?

4 R. Oui. En fait, le quartier général du Bataillon danois était à

5 Kostajnica. La Compagnie C, leur quartier général était à Dvor et il y

6 avait d'autres quartiers généraux des compagnies différentes que l'on ne

7 voit pas ici. Mais peut-être, s'ils sont mentionnés dans le texte, nous

8 pourrons clarifier cela par la suite.

9 Q. D'accord. En rose, nous pouvons voir également les emplacements que

10 vous mentionnez dans votre déposition, Bosanski Novi, Oraca [phon], Donji

11 Agici, Gornji Agici, et cetera, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Merci, Monsieur Kirudja. Quel groupe ethnique contrôlait le secteur

14 nord ?

15 R. Lorsque nous sommes arrivés et lorsque nous nous sommes déployés dans ce

16 secteur, avec ses limites approximatives, cette zone était sous le contrôle

17 des Serbes de Croatie ou des Serbes locaux comme on les appelait.

18 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire maintenant, rapidement, quel était

19 le contenu du plan Vance, et quelles étaient ses priorités ?

20 R. Au fond, le plan Vance nous déterminait le mandat et nos objectifs

21 pendant notre mission. Je peux, pour simplifier les choses, énoncer trois

22 priorités primordiales. La première priorité était liée au fait que cette

23 région avait déjà, en son sein, des unités militaires qui étaient

24 confrontées les unes aux autres. Notre priorité était de démilitariser et

25 d'immobiliser ces unités qui étaient déjà les unes face aux autres lorsque

Page 3056

1 nous sommes arrivés, et de les forcer à accepter de remettre toutes leurs

2 armes qu'ils avaient déployées dans la région. Conformément au plan Vance,

3 ils ont accepté de placer ces armes entre les mains des forces des Nations

4 Unies. Ils ont également accepté qu'il y ait ce qui a été appelé une double

5 clé. Ils avaient une clé pour ces armes, et, nous, nous en avions une

6 autre. C'était comme, lorsque dans une banque, vous avez deux personnes qui

7 peuvent ouvrir leur coffre-fort avec deux clés.

8 La deuxième priorité, compte tenu du fait qu'il n'y avait pas d'autorité

9 ou, plutôt, puisque l'autorité du gouvernement croate n'était pas effective

10 dans cette région, d'après le plan Vance et le conseil de Sécurité des

11 Nations Unies, quelqu'un devait avoir, à la fois, l'autorité et la

12 responsabilité au jour le jour. D'après le plan Vance, nous avons reconnu

13 seulement les structures municipales qui existaient avant le conflit,

14 c'est-à-dire, le maire et la police locale de chaque opstina. Chaque

15 municipalité était, selon nous, une autorité reconnue. Leur responsabilité

16 portait sur l'ordre -- le maintien de l'ordre. Nous, nous n'avions pas

17 cette responsabilité-là. Cela est très important. C'était leur

18 responsabilité, alors que nous, nous devions surveiller la manière dont ils

19 exerçaient cette responsabilité s'agissant du maintien de l'ordre. Ils ont

20 reçu l'autorisation de maintenir les forces de police dont ils disposaient,

21 mais la condition était que ces forces de police n'aient que des armes

22 légères. Nous avons déployé nos propres forces de police civile pour

23 surveiller la manière dont ils exerçaient ces responsabilités-là. Cela

24 était la deuxième priorité.

25 La troisième priorité, c'est que nous avions le mandat, dans le cadre de

Page 3057

1 notre mission, de nous assurer que les conditions allaient permettre aux

2 personnes qui avaient été déplacées ou qui ont dû fuir en tant que

3 réfugiées puissent rentrer chez eux volontairement et qu'il y ait des

4 structures civiles adéquates pour pouvoir leur fournir l'aide humanitaire

5 et s'occuper de l'infrastructure locale pour permettre le retour de ces

6 personnes-là.

7 Je souhaite ajouter que vous allez remarquer que ces trois responsabilités

8 n'impliquaient aucune responsabilité politique permettant de résoudre les

9 problèmes de base qui ont provoqué le conflit, comme je l'ai dit dès le

10 début de la mission nous n'avions pas cette responsabilité là.

11 Q. À l'époque, où vous étiez au secteur nord, est-ce qu'il y avait un

12 quartier général, une composante du quartier général qui était située à

13 Sarajevo ?

14 R. Oui. Ceci s'enchaîne sur ma dernière remarque à savoir que, dans le

15 cadre de notre mandat, nous ne devions pas essayer de résoudre le problème

16 de base qui a provoqué le conflit, mais l'ONU a assumé que les combats se

17 sont déroulés seulement en Croatie, puisqu'il n'y avait pas de signe

18 indiquant qu'il y aurait des problèmes en Bosnie-Herzégovine et, d'après

19 leur estimation à l'époque, le quartier général de l'ONU devait être neutre

20 et impartial, et c'est pour cela que le quartier général de la FORPRONU

21 allait peut-être à Sarajevo plutôt qu'à Belgrade ou Zagreb où il serait

22 plus difficile d'accomplir sa mission.

23 Q. Monsieur Kirudja, je souhaite maintenant que l'on parle de votre

24 personnel au secteur nord. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la

25 Chambre combien de personnes ont travaillé pour vous ?

Page 3058

1 R. Je vais vous donner un aperçu de toutes les personnes qui ont travaillé

2 là-bas. Nous avions la partie militaire. Comme je l'ai déjà dit nous avions

3 trois bataillons; dans chaque bataillon, il y avait trois compagnies

4 déployées dans la zone que vous voyez sous les yeux. Dans chaque bataillon,

5 il y avait un quartier général et nous avions notre quartier général à

6 Tapusko qui coordonnait tout cela.

7 Nous avions la police civile, commandée par le chef de la police à Tapusko.

8 Nous avions des unités différentes qui étaient, souvent, situées au même

9 endroit que les forces militaires, mais dont les tâches étaient distinctes

10 par rapport aux tâches des compagnies militaires. Ces forces là

11 s'appelaient les Unités de la Police civile CIVPOL.

12 Nous avions des observateurs militaires comme je l'ai déjà dit qui ont été

13 déployés aux limites que l'on voit sur cette carte, souvent le long des

14 lignes de confrontation comme à Karlovac, à Zagreb, Sisak, et ensuite le

15 long de la frontière internationale comme à Velika, Kladusa et Bihac. Nous

16 avions des unités militaires qui ont été déployées autour de ces zones.

17 Ensuite, nous avions des fonctionnaires civils et nous avions un contingent

18 de personnes chargées des affaires civiles et politiques qui ont été

19 déployées conformément à tout cela. Autrement dit, nous avons pu recueillir

20 un grand nombre d'informations, beaucoup d'informations arrivaient dans le

21 quartier général depuis toutes ces sources. Je dis cela pour que vous

22 puissiez comprendre que depuis toutes ces sources, il était nécessaire

23 qu'elles envoient des informations. Nous avions à Tapusko, dans notre

24 quartier général, des informations émanant de toutes ces sources civiles,

25 de police civile et militaire.

Page 3059

1 Q. Monsieur Kirudja, au secteur nord, il y avait également les

2 représentants de la Croix rouge internationale, de la MCCE, du HCR, n'est-

3 ce pas ?

4 R. Oui. Ils avaient également leur propre commandement. Ils étaient

5 déployés dans leurs propres zones, mais ils ont travaillé en étroite

6 collaboration avec nous. Le HCR, par exemple, était situé dans notre

7 quartier général, la Croix rouge internationale ne pouvait pas le faire,

8 mais ils étaient également dans le secteur.

9 Q. Ces représentants des ONG étaient une source d'information pour vous

10 également ?

11 R. Oui plutôt. Non seulement, il s'agissait de sources d'information, ils

12 nous convoquaient à des réunions lorsque nous estimions que leur présence

13 était nécessaire, autrement dit très souvent.

14 Q. Je vais vous poser une question à propos de la préparation de vos

15 rapports. Pourriez-vous parler, s'il vous plaît, et nous éclairer sur la

16 manière dont ces rapports étaient préparés, à quelle fréquence, pourquoi

17 ces rapports étaient rédigés et où ces rapports étaient envoyés ?

18 R. Je crois qu'il faut comprendre que, dans une grande organisation comme

19 les Nations Unies, il y a un certain nombre d'exigences imposées à la

20 rédaction de ces rapports et qu'il y a des voies de communication et

21 d'information, tout à fait, précises. Chaque partie de l'organisation

22 devait rédiger un rapport, et faire remonter ce rapport le long de la

23 chaîne de commandement et ce, à tous les jours. Ceci était décrit dans ce

24 que nous appelons la "Situation Room", l'endroit névralgique où tous ces

25 rapports arrivaient de différentes unités. Evidemment il fallait accéder à

Page 3060

1 ce flux d'informations qui venaient de ce centre névralgique le long de ces

2 voies de communication comme je l'ai évoqué.

3 De plus, comme j'étais le civil occupant le poste le plus important, je

4 devais traiter la réclamation des personnes qui m'étaient parvenues par les

5 voies non officielles, et je devais répondre à ces demandes lorsqu'elle

6 parvenaient. Bien sûr, il n'y avait pas d'interaction avec les autres

7 services des Nations Unies que ce soit les affaires civiles, ou autres.

8 Q. Avez-vous reçu des informations émanant de Serbes de la région, de

9 Croates de la région, de Serbes, de Croates et de Musulmans de Bosnie

10 également ?

11 R. Oui, car avant le conflit ces pays étaient reliés, les différentes

12 régions étaient reliées elles, et il n'y avait pas de délimitation. Ce que

13 nous avons appelé Bihac était un endroit très important, c'était non

14 seulement à Bihac, mais dans toutes les régions voisines de la ligne de

15 confrontation. Il y avait un très grand hôpital à Bihac. Il y avait un

16 aéroport très important à Bihac. Il y avait la ligne de confrontation et à

17 cause de cette ligne là les gens ont été coupés. Il y avait que deux voies

18 d'accès qu'il fallait emprunter. S'ils souhaitaient se rendre à Zagreb, il

19 fallait qu'ils prennent la voie de gauche, et s'ils souhaitaient se rendre

20 à Sisak l'autre. Toute personne qui traversait une zone contrôlée par les

21 Serbes ne pouvait pas passer sans notre aide. En l'espace d'un mois, entre

22 le mois d'avril et le mois de mai, ces différentes demandes nous

23 parvenaient; nous souhaitons passer; pouvez-vous nous aider à passer de

24 l'autre côté de la frontière de Bihac ?

25 Q. Vous avez, également, reçu des éléments d'information des réfugiés ?

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1 R. Des éléments d'information ?

2 Q. Oui.

3 R. Les réfugiés traversaient ces régions, ils demandaient à ce qu'on les

4 aide dans leur passage. On leur posait la question : "Que fuyez-vous ? Quel

5 est le problème ?" Petit à petit alors qu'ils affluaient, nous pouvions

6 entendre leur récit.

7 Q. Dans vos rapports avez-vous tenté d'analyser la situation, la situation

8 au plan politique dans votre zone, au plan militaire et aux différentes

9 évolutions de la situation au plan social ?

10 R. Nous avions le devoir de tenir, nos supérieurs hiérarchiques, au

11 courant de la réalité sur le terrain et comment notre mission évoluait. A

12 supposer que la paix prévalait de l'autre côté de la frontière avec la

13 Bosnie, cette hypothèse s'est révélée infondée. Nous avons dû, par exemple,

14 rédiger dans notre rapport la première fois, il y avait dix personnes qui

15 nous ont demandé notre aide parce qu'ils souhaitaient traverser, et cela

16 nous l'inscrivions dans le rapport.

17 Q. Ces personnes qui souhaitaient passer la frontière étaient débriefer

18 par vous ou par des représentants du HCR ou du CICR ou de la police civile

19 ou de la FORPRONU ?

20 R. Oui, tout à fait. Ils racontaient leur histoire, cela dépendait,

21 évidemment, de la confiance qu'ils avaient avec la personne qu'ils avaient

22 en face d'eux. Quelquefois, ils avaient tellement peur qu'ils n'osaient pas

23 parler. Cela dépendait de la personne qu'ils rencontraient et selon le cas,

24 ils racontaient leur histoire.

25 M. HARMON : [interprétation] Est-ce que c'est un moment opportun pour faire

Page 3062

1 une pause.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon. J'ai demandé à M.

3 Harmon de demander à M. Tieger de venir pour les cinq dernières minutes car

4 la Chambre souhaite parler aux deux parties d'un point qui ne concerne pas

5 le témoin.

6 Monsieur Kirudja, nous souhaitons vous revoir demain matin à 9 heures, mais

7 pour l'instant vous pouvez partir. Je souhaite vous dire et vous donner les

8 instructions suivantes, je vous prie, de ne parler à personne de votre

9 témoignage d'aujourd'hui, ni de témoignage que vous allez faire dans les

10 jours à venir. Je vous prie de garder ceci à l'esprit. Je vous remercie,

11 nous aimerions vous revoir demain matin.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

13 [Le témoin se retire]

14 M. HARMON : [interprétation] Je ne sais pas si M. Tieger est juste à côté.

15 Avec votre autorisation, puis-je passer un coup de fil ?

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

17 M. HARMON : [interprétation] M. Tieger est en route.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

19 Monsieur Tieger, je vous ai demandé de venir dans le prétoire, car je

20 souhaite informer les deux parties. Il nous ne reste plus beaucoup de

21 temps, mais j'aurais peut-être une réponse courte, et vous permettre

22 pendant 30 secondes de répondre.

23 La Chambre de première instance doit encore statuer sur la question du 92

24 bis, eu égard au témoignage de M. Babic qui est prévu pour la semaine

25 prochaine. Cela nous a pris de temps, car il nous a fallu comprendre les

Page 3063

1 différents éléments en question. Bien que vous ayez fait une sélection

2 vous-même de 1 100 pages sur les 1 250. Nous sommes, quelque peu,

3 préoccupés car ce 92 bis va peut-être devenir contre-productif. Par

4 conséquent, 1 100 pages, 87 pièces à convictions, la Chambre a dû les

5 parcourir même s'elle n'a pas pu examiner tous ces documents dans le

6 détail.

7 Nous avons également quelques sujets de préoccupation quant au niveau de la

8 pertinence ici. Nous n'avons pas dit que ceci n'est pas pertinent, tout est

9 lié, mais le niveau de pertinence de l'ensemble du témoignage, voir même de

10 ces 1 100 pages ne nous apparaît pas toujours clairement. Il y a différents

11 niveaux de pertinence eu égard à ces différents documents.

12 Un autre point, comme vous le savez, la Chambre de première instance est

13 très soucieuse du caractère public de ce procès, et comment gérer 1 100

14 pages en application du 92 bis. La présentation des résumés ne permet pas,

15 pour autant, de trouver une solution à ces problèmes.

16 C'est la raison pour laquelle la Chambre de première instance a statué de

17 façon provisoire en la matière, bien que la Défense n'a pas soulevé

18 d'objection quant au versement de ces 1 100 pages et de ces 87 pièces, la

19 Chambre souhaite traiter de cette question différemment. Avant de rendre

20 une décision finale, nous devons, évidemment, le coucher par écrit. Je

21 souhaite, tout d'abord, vous faire part de cette question et je souhaite,

22 également, vous donner l'occasion car il nous ne reste plus beaucoup de

23 jours pour essayer d'y réfléchir et de trouver une solution.

24 La Chambre a tendance à vouloir statuer de la façon suivante : nous

25 n'allons pas accepter le versement de 1 100 documents, nous n'allons pas

Page 3064

1 accepter le versement de 87 pièces à conviction, mais nous souhaitons que

2 ces documents rentrent dans le cadre du viva voce.

3 Je vais vous donner un exemple, si un témoin vient dans ce cadre du

4 témoignage du viva voce, et qu'il parle de l'arrestation de Martic ou d'un

5 désaccord sur quelle position adoptée lors d'un rassemblement politique, à

6 ce moment-là, vous pourriez passer d'un témoignage viva voce. Par exemple,

7 si vous voulez aborder cette question-là, et que vous dites M. Martic a été

8 arrêté ou n'a pas été arrêté, ensuite, vous pourrez dire au témoin, n'avez-

9 vous pas témoigné dans l'affaire à propos de l'arrestation de M. Martic

10 dans l'affaire Milosevic ? A ce moment-là, présentez les passages

11 pertinents mais liés au témoignage viva voce. A ce moment-là, présentez

12 l'élément pertinent, en application du 92 bis. A ce moment-là, vous dites,

13 vous avez témoigné, ensuite, vous vous adressez à la Chambre et vous dites

14 que ceci se trouve aux pages numéros tel à tel dans le compte rendu

15 d'audience, et vous donnez le résumé en quelques quatre lignes de l'objet

16 de ce témoignage à l'époque, de façon à ce que nous puissions établir un

17 lien entre tous les passages du compte rendu d'audience aux éléments de

18 preuve que nous avons reçus à ce moment-là. Ce qui vous oblige à procéder à

19 une nouvelle sélection de vos 1 100 documents de façon à ce qu'elle rente

20 dans le cadre de votre argumentaire. La Chambre de première instance a déjà

21 indiqué, et vous pourriez, également, indiquer à la Défense tel de tel sont

22 les passages qui seront utilisés à l'appui du témoignage viva voce, en

23 évitant d'entrer dans le détail à chaque fois si vous abordez ces

24 questions-là, et que ces détails ne sont pas si importants de façon à ce

25 que la Défense puisse aussi se préparer.

Page 3065

1 Je sais que cela vous demande un effort supplémentaire. J'en suis, tout à

2 fait, conscient. Evidemment, à ce moment-là, nous pourrions accepter le

3 versement de cette partie du compte rendu d'audience au dossier. Il faut

4 garder à l'esprit le fait que ceci doit répondre aux exigences de la Règle

5 92 bis à propos de la conduite et les agissements de l'accusé.

6 Une approche semblable pourrait être adoptée eu égard aux pièces à

7 conviction.

8 Il s'agit de prendre en compte, ici, le niveau de détails et, également, le

9 point qui nous concerne. Par exemple, dans l'affaire Milosevic et les

10 témoignages dans cette affaire à propos de la Croatie, on a pu imaginer que

11 le nombre de pages sera plus petit que le nombre d'initiale 1 100 pages.

12 Ce à quoi nous pensions, c'était environ 200 pièces qui rentreraient dans

13 le cadre de ce témoignage viva voce que vous intégreriez à cela.

14 C'est ce que nous avions à l'esprit. Il nous reste très peu de temps. Cela

15 a été matière à réflexion pour nous et essayer d'éviter ce 92 bis pour

16 rendre tout ceci plus efficace, et ceci, en fait, ajouterait, sinon,

17 beaucoup de documents qui ne seraient pas, par ailleurs, versés au dossier.

18 C'est dans cette voie-là que nous penchons pour l'instant. Nous avons

19 essayé de vous faire part de nos impressions. Je vous donne la parole

20 pendant quelques instants.

21 M. TIEGER : [interprétation] Merci beaucoup. Je vous remercie de me donner

22 l'occasion de parler ici, devant la Chambre.

23 Je souhaite parler de la solution proposée par la Chambre. Il s'agit d'une

24 réponse d'ordre général. Il s'agit d'un peaufinement du processus 92 bis

25 en ce qui me concerne et pour ce qui est de l'application de cette

Page 3066

1 solution-là dans ce cas-ci.

2 Ce qui me préoccupe principalement, c'est que ceci a été décidé plutôt sur

3 le tard. J'ai essayé, moi-même, de préparer un interrogatoire que je

4 présente dans le prétoire, y compris le caractère public de ce procès qui

5 est important à nos yeux ainsi que la question très claire de la

6 pertinence. Je crois que ceci représente un exercice très important, pour

7 nous, si nous devions retravailler tout ceci étant donné qu'il n'y avait

8 pas d'objection, étant donné que les choses avançaient dans ce sens-là,

9 nous avons préparé nos éléments dans ce sens-là.

10 Après tous nos efforts qui ont été déployés par toutes les personnes

11 concernées, y compris les juristes, je crois que ceci rallongerait le

12 processus. J'espérais qu'un accord général ait été trouvé à propos de ces

13 documents, à ce stade, de façon à ce qu'une fois dans le prétoire, ou

14 pourrait simplement se concentrer sur le résumé qui mettrait en lumière la

15 pertinence des éléments présentés, ce qui nous permettrait de nous

16 concentrer plus rapidement sur ces éléments d'information appropriés dans

17 le cadre d'un témoignage viva voce.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense.

19 M. STEWART : [interprétation] Nous préférons ne pas donner notre réponse

20 tout de suite. Hormis le fait que nous constatons que cela relève du bon

21 sens. Votre proposition relève du bons sens.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup pour cela.

23 M. STEWART : [interprétation] Lorsque nous ne sommes pas d'accord, nous

24 nous exprimons également de façon aussi ouverte. Il se trouve qu'en

25 l'occurrence, nous sommes tout à fait d'accord.

Page 3067

1 Si je devais aller un peu plus loin, j'aimerais parler de questions plus

2 larges. Comment ces deux parties pourraient-elles essayer de trouver une

3 solution de façon plus efficace pour trouver une solution à ce problème si

4 l'occasion nous était présentée. La raison pour laquelle nous n'avons pas

5 soulevé d'objection, eu égard au témoignage de M. Babic, c'est que nous

6 n'avons pas eu le temps de le faire. Nous avons simplement pris une

7 décision et nous avons décrété que ceci devait être mis de côté et d'autres

8 personnes devaient trouver une solution.

9 Je sais que ceci n'est pas satisfaisant du tout, vous le savez

10 certainement, Monsieur le Président. Il serait bien d'avoir l'occasion,

11 j'aimerais pouvoir en parler avec mon équipe également. Peut-être que nous

12 pourrions y réfléchir et vous faire part de nos commentaires demain matin.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. M. Tieger, après vous

14 avoir entendu, est-ce que nous pourrions surseoir à cette décision ? Mon

15 attention se basait davantage sur les comptes rendus d'audience et moins

16 sur la présentation des déclarations de M. Babic en vertu du 89 (F).

17 J'entends par là, les nouvelles déclarations qui se consacrent davantage

18 sur l'affaire Krajisnik que sur l'affaire Milosevic. Pour ce qui est des

19 comptes rendus d'audience, ne serait-il pas approprié de proposer qu'à la

20 fin du témoignage, quelquefois les références sont faites des extraits du

21 compte rendu d'audience, qui s'est produit à deux reprises, hier et

22 aujourd'hui, si nous disions, par exemple, qu'ayant entendu le témoignage

23 et ayant clairement abordé quelques points du témoignage précédent, à ce

24 moment-là, nous indiquons les pages en question qui sont particulièrement

25 pertinentes. Car, si nous ne procédons pas ainsi, nous avons énormément de

Page 3068

1 documents qui n'ont aucun lien avec ce qui s'est, effectivement, passé dans

2 le prétoire. On a du mal à comprendre quel est le lien entre le témoignage

3 et le 92 bis, surtout qu'ici, Babic doit venir témoigner en personne. Ce

4 serait différent s'il s'agit d'un témoin qui témoigne sur un sujet assez

5 restreint, ce qui n'est pas le cas puisqu'il va témoigner sur un nombre

6 très important de sujets. A la simple lecture de tous ces documents et la

7 pertinence qu'avance l'Accusation n'est pas toujours très évidente, et ceci

8 rendrait la tâche plus difficile pour les parties et pour les Juges de la

9 Chambre. C'est difficile de digérer un nombre aussi important de documents

10 et de pouvoir les évaluer correctement.

11 Peut-être que vous pourriez y réfléchir encore, et à ce moment-là, nous

12 pourrions limiter le nombre de documents ou, en tout cas, clairement

13 indiquer quels sont les passages pertinents au cours du témoignage lui-

14 même.

15 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis proposer un

16 compromis qui pourrait nous satisfaire l'un et l'autre. Peut-être que cette

17 décision pourrait être prise après le témoignage en se fondant sur le

18 résumé 92 bis, le témoignage qu'entend la Chambre, qui a été préparé, et de

19 cette manière là, s'il y a des documents qui n'entrent pas dans le cadre du

20 témoignage ou du résumé --

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez résumé les 1 100 pages et les

22 différents sujets abordés dans ce document ?

23 M. TIEGER : [interprétation] Je crois qu'il est exact de dire que j'ai

24 résumé, j'ai pris tous les documents qui ont été présentés et j'ai présenté

25 un résumé que j'ai jugé utile pour la Chambre. Si la Chambre pouvait, et

Page 3069

1 c'est en tout cas ce que j'ai imaginé, que ceci soit conceptualisé et que

2 ces résumés sont conceptualisés de façon claire, de façon à comprendre

3 quels sont les éléments importants dans ces résumés, nous pourrions, à ce

4 moment-là, réduire le nombre de documents présentés. Je serais tout à fait

5 disposé à travailler avec les représentants du Greffe pour essayer de

6 retrouver les documents particulièrement utiles.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre ne s'oppose pas à ce que

8 l'interrogatoire principal prenne plus de temps. J'entends par là, cela

9 nous prendra peut-être davantage de temps. Vous avez proposé sur la base de

10 1 100 pages, 87 pièces, six heures. Disons, huit peut-être ou voire même

11 neuf ou dix, si la Défense, par exemple, en 60 % du temps environ, et il

12 faudrait équilibrer entre les deux parties, bien sûr, 60 % en général,

13 c'est la règle. A ce moment-là, nous pourrions consacrer plus de temps à

14 l'interrogatoire principal en vue de compenser la réduction ou, en tout

15 cas, une sélection plus rigoureuse des documents présentés, et à ce moment-

16 là, les verser au dossier.

17 Je crois que nous pouvons surseoir à notre décision et attendre l'ensemble

18 du témoignage, mais, évidemment, on tiendrait compte de tous les éléments

19 abordés au cours du témoignage viva voce. Il doit être très clair que ceci

20 devra faire partie des éléments de preuve. Par contre, ce qui n'est pas

21 abordé mais qui se trouve dans ces comptes rendus à propos de ces éléments-

22 là, nous pourrions surseoir à notre décision.

23 Je crois que nous pouvons y réfléchir. J'ai également fait valoir le sujet

24 de préoccupation de la Chambre. Il va falloir, de toute façon, rendre une

25 décision sur ce point, mais la Chambre a jugé utile simplement de vous en

Page 3070

1 tenir informé.

2 La Chambre, par ailleurs, souhaiterait également terminer le témoignage de

3 M. Babic la semaine prochaine. On demande aux parties de respecter ceci.

4 C'est la raison pour laquelle si les six heures se transforment en huit,

5 néanmoins, la Chambre s'opposerait à ce qu'elle se transforme en dix ou 11

6 heures. Nous aimerions véritablement terminer la semaine prochaine pour

7 différentes raisons et des raisons importantes. La Chambre sait également,

8 pour finir, que parfois les choses évoluent d'une certaine manière qu'il

9 serait peu équitable de dire qu'il faut nous arrêter car nous avons décidé

10 qu'il ne fallait pas dépasser un certain temps. Je crois que le principe

11 d'équité s'applique de toute façon.

12 Lorsque je vous demande, et je vous prie instamment de terminer en l'espace

13 des quatre jours, si vous avez à l'appui quelques documents écrits, que

14 nous souhaiterions restreindre, nous aimerions beaucoup pouvoir finir d'ici

15 la fin de la semaine, mais l'élément de temps n'est pas l'élément

16 primordial.

17 J'ai également un petit peu renié sur le temps des interprètes, et M.

18 Tieger également, les 15 minutes de plus. La même chose s'applique à la

19 régie technique. A moins que quelqu'un souhaite prendre la parole, je

20 souhaite consacrer quelques minutes demain matin au début de l'audience à

21 cette question-là. Nous pourrons prendre une décision à ce moment-là.

22 L'audience est suspendue jusqu'à demain matin, 9 heures

23 --- L'audience est levée à 13 heures 59 et reprendra le vendredi 28 mai

24 2004, à 9 heures 00.

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