Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 2 juin 2004

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 07

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience,

  6   pourriez-vous appeler l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-00-39-T, le

  8   Procureur contre Momcilo Krajisnik.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière, et bonjour à

 10   tout le monde. Si nous n'avons pas d'autre point à aborder pour le moment,

 11   j'aimerais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir escorter M. Kirudja

 12   dans le prétoire.

 13   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 14   LE TÉMOIN : CHARLES KIRUDJA [Reprise]

 15   [Le témoin répond par l'interprète]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Kirudja.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous rappeler que vous êtes

 19   toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au

 20   début de votre déposition.

 21   Monsieur Harmon.

 22   M. HARMON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 23   Juges. Bonjour aux membres de la Défense. Bonjour, Monsieur Kirudja.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 25   M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais vous dire

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  1   que je n'ai pas de questions supplémentaires à poser à

  2   M. Kirudja.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Juge El Mahdi, souhaiterez-

  4   vous poser quelques questions ?

  5   Questions de la Cour :

  6   M. LE JUGE EL MAHDI : Bonjour, Monsieur le Témoin. Je voudrais, s'il vous

  7   plaît, vous demander quelques explications. Premièrement, vous nous avez

  8   bien transmis que votre mandat, je parle du mandat des Nations Unies, se

  9   partageait entre quatre sections, et que vous étiez responsable du secteur

 10   nord. Est-ce que vous avez eu des réunions entre les responsables de chaque

 11   secteur ?

 12   R.  Oui. Nous l'avons fait. Il y avait mon homologue. Il y avait également

 13   les coordinateurs aux affaires civiles pour chaque secteur. De temps à

 14   autre, et cela ne se passait pas de façon aussi régulièrement, nous étions

 15   invités par le directeur, M. Thornberry, à Zagreb en tant que responsables

 16   des secteurs. Nous discutions de questions qui étaient communes pour tous

 17   les secteurs. Toutefois, plus souvent, et j'oublie la fréquence de ces

 18   événements, il faut savoir que le commandant des forces convoquait des

 19   réunions à Zagreb, réunions au cours desquelles les coordinateurs aux

 20   affaires civiles se réunissaient. Là il faut dire que tous les responsables

 21   militaires civils et les responsables de la police se réunissaient dans le

 22   cadre d'une conférence beaucoup plus large qui était présidée par le

 23   commandant de la force.

 24   M. LE JUGE EL MAHDI : Le départ des non-Serbes à votre secteur nord était

 25   planifié en quelque sorte. Est-ce que les dirigeants des autres secteurs

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  1   partageaient votre point de vue ? Est-ce que vous avez échangé entre eux

  2   vos idées, votre analyse de la situation ?

  3   R.  Oui, nous avons certes échangé nos points de vue, nos expériences,

  4   notre analyse, et nous avons partagé nos observations avec les

  5   représentants des autres secteurs. Dans votre question, vous m'avez

  6   également demandé si les représentants ou les dirigeants des autres

  7   secteurs partageaient mon point de vue ou mon analyse. Les autres secteurs

  8   avaient une expérience assez différente, notamment, et essentiellement du

  9   fait de leur remplacement. Je pense, par exemple, le secteur est.

 10   Si vous vous souvenez de la première carte que nous avons montrée, il faut

 11   savoir que ce secteur avait une dynamique différente. Pour ce qui est du

 12   secteur ouest, il faut savoir que là les problèmes étaient beaucoup plus

 13   spécifiques. Pour ce qui est du secteur sud, là encore les questions

 14   étaient différentes. Lorsque vous aviez une vision d'ensemble, il faut

 15   savoir que nous étions assez uniques par rapport aux événements dont nous

 16   avons parlé au cours des derniers jours. Je pense, par exemple, à

 17   l'évacuation forcée d'un grand nombre de réfugiés.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi d'interrompre pour des

 19   raisons techniques car je vois sur mon écran qu'à partir de 9:14, il y a

 20   quelques mots qui n'ont pas été repris au compte rendu d'audience. Etant

 21   donné que je n'écoutais pas la traduction, enfin je ne sais pas si cela a

 22   véritablement été traduit, si cela n'est pas paru sur l'écran ou si cela

 23   n'a pas été traduit.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président ?

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je disais la première partie de la question je

  2   l'ai comprise en français, mais elle n'a pas été traduite.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai vu que les langues ne

  4   représentent pas un problème pour vous, mais le fait est que nous devons

  5   avoir un compte rendu d'audience exhaustif. Je me demande si nous allons

  6   pouvoir récupérer cela au niveau des cassettes.

  7   Oui, Maître Stewart.

  8   M. STEWART : [interprétation] Permettez-moi une suggestion. Peut-être que

  9   M. le Juge El Mahdi pourrait répéter sa question.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était, effectivement, ce à quoi je

 11   pensais.

 12   M. STEWART : [interprétation] Je pense que ce serait tout à fait logique et

 13   je suis sûr qu'il se souviendrait de la question qu'il a posée.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Juge El Mahdi, pourriez-vous

 15   répéter votre question.

 16   M. LE JUGE EL MAHDI : [en anglais] Thank you, Mr. President.

 17   [en français] Je répète ma question. Elle concernait les réunions que vous

 18   avez eues avec les dirigeants mandatés des autres secteurs. Je parle du

 19   secteur est, ouest et sud. Durant ces réunions, est-ce que vous avez eu

 20   l'occasion de discuter, d'entendre et d'échanger des évaluations de la

 21   situation ? Est-ce que leurs évaluations étaient dans le même sens que

 22   votre évaluation de la situation dans le sens qu'il y a un système ou un

 23   plan de porter ou d'inciter du moins les non-Serbes de quitter une partie

 24   de la Bosnie-Herzégovine ?

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kirudja, la question a été

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  1   répétée et j'aimerais savoir si vous aviez entendu toute la question ? Est-

  2   ce que vous auriez répondu quelque chose de différente ou est-ce que vous

  3   vous en tenez à ce que vous avez dit ?

  4   R.  Je m'en tiens à ce que j'ai dit. J'ai entièrement confiance dans M. le

  5   Juge El Mahdi. De toute façon, j'avais compris la question, mais je peux

  6   tout à fait répéter si --

  7   M. LE JUGE EL MAHDI : Une clarification, s'il vous plaît. Si je vois la

  8   carte qui est devant moi, le secteur ouest est très proche à votre secteur

  9   nord, et il me semble que si vous avez dit que quand même le secteur est

 10   avait d'autres problèmes, pas nécessairement les problèmes que vous avez

 11   évoqués. Le secteur ouest, est-ce que jamais cela a été soulevé une

 12   question pareille, c'est-à-dire, une déportation ou une expulsion d'une

 13   certaine population ?

 14   R.  J'ai souvent été en contact avec mon homologue du secteur ouest, M.

 15   Gerard Fischer. En fait, lorsque je me suis rendu sur mon lieu

 16   d'affectation dans le secteur nord, j'ai passé quelque temps dans le

 17   secteur ouest, à Daruvar, et dans d'autres zones qui posaient des problèmes

 18   au sein de ce secteur.

 19   Si ma mémoire ne me trompe, il y a eu des tentatives semblables pour ce qui

 20   était de déplacer des réfugiés, pas de façon aussi considérable que nous

 21   l'avons indiqué et pas pour les mêmes raisons d'ailleurs. Je n'avais pas

 22   les mêmes détails que ceux que j'avais pour le secteur nord.

 23   M. LE JUGE EL MAHDI : On ne peut pas résumer que cette méthode-là était

 24   concentrée dans les municipalités qui étaient adjacentes à votre secteur ?

 25   Ce n'était pas un système répandu.

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  1   R.  Si vous vous souvenez d'une partie du témoignage qui a été présenté

  2   ici, il y avait, en fait, une certaine collusion, il y avait les maires du

  3   secteur nord et du secteur ouest qui travaillaient en partenariat en

  4   quelque sorte. Je pense, par exemple, notamment, aux maires de Dvor. Les

  5   Serbes locaux, à savoir, les Serbes qui se trouvaient dans le secteur ouest

  6   --

  7   M. LE JUGE EL MAHDI : Oui, je me rappelle très bien de la conversation que

  8   vous avez eue avec le maire de Dvor et qu'il a même voulu que vous vous

  9   mettiez en contact téléphonique avec le maire de Bosnie, mais ce n'était

 10   pas ma question. Est-ce que c'est une  conception dans certaines

 11   municipalités, la question d'expulser enfin les non-Serbes ? Est-ce que

 12   c'était vraiment un système ou un plan répandu sur toute une partie du

 13   moins de la Bosnie-Herzégovine ? Je ne sais pas si je suis assez clair pour

 14   vous transmettre mes soucis.

 15   R.  Oui, je comprends tout à fait votre question puisque vous me demandez

 16   s'il s'agissait d'un phénomène répandu, notamment, au niveau du secteur

 17   ouest.

 18   M. LE JUGE EL MAHDI : Oui.

 19   R.  Je commençais, en fait, à vous expliquer dans le cadre de ma réponse

 20   que le secteur ouest avait des dirigeants locaux qui, en fait, se

 21   comportaient, de façon différente par rapport aux dirigeants locaux du

 22   secteur nord, notamment, par exemple, les dirigeants serbes du secteur

 23   ouest avaient une approche tout à fait différente. Lorsque je me suis

 24   entretenu avec mon homologue, ils avaient, en fait, beaucoup plus tôt que

 25   dans le secteur nord des accords avec les autorités croates à propos de

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  1   l'autonomie dans ce secteur. Au début du mois, il faut savoir que ce qui se

  2   passait, était tout à fait différent de ce qui se passait dans le secteur

  3   nord. Ce que j'entends par cela, c'est qu'à la fin de mon témoignage, j'ai

  4   fait référence à la République de la Krajina Serbe, cela devenait une

  5   réalité qui était très bien reconnue. Cela était beaucoup plus fort dans le

  6   secteur nord et dans le secteur sud que dans le secteur ouest. Par

  7   conséquent, leur capacité à organiser des déplacements de masse à partir de

  8   l'intérieur du secteur nord et au-delà de la frontière vers le secteur

  9   ouest, cela n'a jamais été aussi important que dans le secteur nord.

 10   M. LE JUGE EL MAHDI : Est-ce que vos conclusions -- vos évaluations de la

 11   situation étaient approuvées -- étaient comprises, par vos collègues, par

 12   vos camarades ? Enfin, est-ce que leurs points de vue concordaient avec le

 13   vôtre dans vos analyses de la situation ?

 14   R.  Oui. Lors des réunions à Zagreb, lorsque nous avions ces réunions

 15   collectives, je leur ai, bien entendu, expliqué, de façon exhaustive, comme

 16   je l'ai fait ici à ce Tribunal, je leur ai expliqué ce que nous voyons. Je

 17   me souviens que le commandant des forces et mes collègues qui travaillaient

 18   dans d'autres secteurs ont été à mon écoute, mais ils n'ont pas,

 19   véritablement, eu un point de vue différent par rapport au point de vue que

 20   j'ai exprimé.

 21   M. LE JUGE EL MAHDI : Un autre sujet, s'il vous plaît. Brièvement, vous

 22   avez cité dans votre déclaration. Je vous cite en anglais :

 23   [interprétation] "Le fait que nous n'avions pas de mandat en Bosnie est

 24   devenu de plus en plus un problème et une source de friction au niveau des

 25   lignes de front où nous opérions ainsi qu'au niveau du QG des Nations

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  1   Unies."

  2   [en français] En fait, qu'est-ce que vous entendez par les frictions au

  3   quartier général ?

  4   R.  Je dois dire que c'était assez triste et fâcheux pour moi. Car je

  5   savais qu'ils comprenaient mes rapports. D'ailleurs, vous avez vu des

  6   exemplaires de ces rapports ici. Je pense, notamment, au rapport intitulé :

  7   "Catastrophes humanitaires en puissance." Je pense, notamment, aux endroits

  8   que nous appelions camps de concentration et à ce qui se passait dans ces

  9   camps. Je sais qu'ils comprenaient ce qui se passait. Etant donné, qu'il y

 10   avait un manque de mandat évident puisqu'à un certain moment les Nations

 11   Unies n'avaient pas de mandat pour opérer au-delà de la frontière, plutôt

 12   que de réagir comme je l'avais escompté, ce que j'entends par là c'est

 13   qu'il fallait passer par la hiérarchie jusqu'à Zagreb et faire en sorte

 14   d'avoir un mandat au niveau du siège, j'ai obtenu des avertissements

 15   suivants lesquels, on me disait : vous passez beaucoup trop de temps à

 16   essayer de gérer cette question. En d'autres termes, ne regardez pas et ne

 17   voyez pas.

 18   La situation humaine était-elle que je n'avais pas le choix si ce n'est que

 19   de ne pas voir et de ne pas entendre ce qui se passait là où nous étions

 20   basés. En fait, lorsqu'ils m'ont dit : essayez de ne pas trop vous engager

 21   dans toutes ces questions en Bosnie, une partie de ma réaction a été, ce

 22   n'est pas la peine de nous rendre en Bosnie; à l'intérieur même de notre

 23   secteur, nous avons les problèmes. Voilà les frictions auxquelles je

 24   faisais allusion.

 25   M. LE JUGE EL MAHDI : Est-ce que vous avez senti le poids du parti SDS

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  1   durant vos réunions, durant votre analyse de la situation ?

  2   R.  Je m'excuse, Monsieur le Juge, le poids, qu'entendez-vous par poids ?

  3   Les pressions ou quoi ?

  4   M. LE JUGE EL MAHDI : Les pressions. Est-ce que vous avez senti, oui ou

  5   non, au départ que le parti SDS jouait un rôle dans des événements, et dans

  6   le cas où vous avez, effectivement, réalisé un certain rôle joué par le

  7   parti ? Quel serait ce rôle ?

  8   R.  Oui. Lors de ma déposition, vous vous souviendrez que j'ai indiqué que

  9   lorsque des gens venaient me voir, je leur demandais de me dire, qui ils

 10   étaient. J'ai indiqué, par exemple, que telle et telle personne était venue

 11   me voir et représentait le SDS ou représentait le SDA, ou le maire se

 12   présentait comme le président de la cellule de Crise. La police, qui venait

 13   également, portait l'uniforme, par exemple, ils me disaient qu'ils étaient

 14   les chefs de la police.

 15   Lors de ces conversations et au fil de ces conversations, et puisque nous

 16   en avons eu un certain nombre, il est devenu, évidemment, que ces personnes

 17   n'agissaient pas en tant que personnes individuelles et en leur nom

 18   individuel pour ce qui était de ces plans d'évacuation massive des

 19   personnes. Vous vous souviendrez peut-être que lors de ma déposition, nous

 20   avons indiqué que nous leur avons fait admettre qu'il ne s'agissait pas de

 21   départ de plein gré. Vous vous souviendrez peut-être qu'à la fin, nous leur

 22   avions dit ce que vous faites, sera pris en considération par la communauté

 23   internationale qui considérera cela comme un crime. Même en dépit de ces

 24   mises en garde, ils n'ont pas été en mesure, ou ils n'ont pas semblé être

 25   en mesure de juguler ce processus. Dans d'autres termes, ils présentaient

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  1   tous les signes ou toutes les indications d'agir, d'après moi, suivant des

  2   instructions. Il y avait une politique qui avait été conçue par quelqu'un

  3   et étant donné qu'ils se présentaient comme membres du SDS ou membres de la

  4   milice. Ils parlaient de la nouvelle réalité. Cette nouvelle réalité, ils

  5   n'avaient pas d'autre mot pour en parler, mais il s'agissait de la

  6   République de la Serbie. Il me semble, absolument, indubitable qu'ils

  7   agissaient d'après des instructions.

  8   M. LE JUGE EL MAHDI : Question, s'il vous plaît, se rapporte au paragraphe

  9   38 de votre déclaration. Je vous cite, vous avez dit : "It was evident,"

 10   vous parliez de la famille qui a passé la nuit à un hôtel sous la

 11   protection de la police des Nations Unies. Vous avez dit : 

 12   [interprétation] "Il est évident que les autorités non seulement n'étaient

 13   pas satisfaites de leur présence, mais ne garantissaient pas leur

 14   sécurité."

 15   [en français] A cette évidence, vous avez dit : "C'était évident." Comment

 16   êtes-vous arrivé à cette conclusion ?

 17   R.  C'était quasiment naturel lorsque je dis que c'était évident. Ils se

 18   contentaient d'essayer de franchir une route vers le secteur nord en

 19   direction de Karlovac. Ils ont été, tout simplement, arrêtés, ils n'ont pas

 20   pu poursuivre leur chemin, et cela est la preuve s'il en fut qu'ils étaient

 21   en danger, en danger d'être blessés et, en fait, ils ont quitté la route

 22   principale, pour essayer de trouver du secours. Ils ont dit : "Nous avons

 23   été arrêtés par les membres de la milice qui nous ont poursuivi et nous

 24   devons avoir une certaine protection. Nous devons être escortés à

 25   l'extérieur de ce secteur."

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  1   M. LE JUGE EL MAHDI : Leurs dires, en quelque sorte. Parce qu'à votre avis,

  2   si les autorités voulaient, effectivement, les incarcérer, ou les mettre en

  3   détention, est-ce qu'ils n'auraient pas pu le faire ?

  4   R.  Oui, effectivement. Ils auraient pu, d'ailleurs, expulser de force

  5   notre propre police parce que notre police n'était pas armée.

  6   M. LE JUGE EL MAHDI : -- ou des groupes paramilitaires qui ne dépendaient

  7   pas des autorités.

  8   R.  Au sein de ce secteur, cela n'aurait pas été possible car les autorités

  9   qui avaient formé les milices avaient le contrôle de cette région. Il faut

 10   savoir qu'il y avait des postes de contrôle qui étaient établis sur la

 11   route à tous les quelques kilomètres, cela a été valable pour les personnes

 12   locales, il s'agissait également de vérifier les délits. Il faut savoir que

 13   tous les déplacements, dans le secteur, étaient bien contrôlés par les

 14   forces. Pour ce qui est de la foule, de la question que vous m'avez posée,

 15   cela n'est pas une question --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kirudja, j'aimerais vous poser

 17   quelques questions également. Il s'agit de questions qui vont porter sur,

 18   justement, la même famille, la famille Cakar qui a été abordée, et M. le

 19   Juge El Mahdi a posé une question à ce sujet. Vous avez indiqué qu'ils ont

 20   été malmenés. J'aimerais obtenir une précision à propos de cette question.

 21   Dois-je comprendre les choses comme suit, est-ce que cette famille s'est

 22   trouvée dans cette situation lorsqu'ils ont décidé de partir, lorsqu'ils

 23   quittaient cette région, ou est-ce qu'ils ont, également, été malmenés et

 24   que c'est pour cela qu'ils ont décidé de partir. Leur départ était-il la

 25   conséquence de cela ou est-ce qu'ils ont été malmenés à la suite de leur

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  1   départ ?

  2   R.  Il s'agit d'une question très très précise. Pour ce qui est du début de

  3   leur voyage je n'ai pas les détails, parce qu'ils ont commencé leur voyage

  4   de l'autre côté de la frontière, je ne sais pas véritablement ce qui aurait

  5   pu se passer.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A moins qu'ils ne l'aient dit.

  7   R.  A moins qu'ils ne l'aient dit. Il y a autre chose qui est extrêmement

  8   important, Monsieur le Président, il ne faut pas oublier quand est-ce que

  9   cet incident s'est déroulé. Cela s'est déroulé très tôt, au cours des deux

 10   premières semaines. Je peux dire que nous avons été complètement pris au

 11   dépourvu, car nous ne nous attendions pas à ce qu'une femme et un enfant

 12   ainsi qu'un homme qui essayaient, tout simplement, de passer par cette

 13   route, puissent se trouver dans ce genre de situation. Lorsqu'ils sont

 14   arrivés à notre porte, à la porte de notre bureau, notre attention a été

 15   attirée et ce n'est pas la question que vous m'avez posée, ce n'est pas

 16   l'état dans lequel ils se trouvaient. Nous nous sommes demandés : qui sont-

 17   ils ? Pourquoi sont-ils ici ? Dès que nous nous sommes rendus compte qu'ils

 18   n'étaient pas de cette région, et qu'ils n'avaient rien à voir avec le

 19   groupe de personnes qui se trouvaient dans cette région, la question

 20   suivante était, pourquoi ne pas les laisser partir ? Lorsque nous avons

 21   commencé à leur parler, lorsqu'ils se sont calmés un peu, je me souviens

 22   qu'ils paniquaient, mais lorsqu'ils ont été un peu plus sereins, ils ont

 23   commencé à parler et a indiqué qu'ils avaient été arrêtés de façon si

 24   fréquente entre la frontière et le QG, et les seuls qui auraient pu les

 25   arrêter étaient les autorités qui contrôlaient ces postes de contrôle. Là,

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  1   je me suis rendu auprès de ces autorités et je leur ai posé la question,

  2   que s'est-il passé avec cette femme ? Pourquoi n'a-t-elle pas pu poursuivre

  3   son chemin avec sa famille ? Pourquoi ne peut-elle pas se rendre là où elle

  4   veut se rendre ? C'est là que j'ai commencé à comprendre certaines choses.

  5   Ils nous ont dit que : "Ce sont des étrangers, ce sont des non-Serbes, et

  6   ils ne devraient pas être ici." C'est là qu'ils ont commencé à parler de

  7   leur voiture, ils ont dit ils peuvent partir mais ils ne peuvent pas partir

  8   avec leur voiture. Je leur ai dit : "Comment est-ce qu'ils peuvent partir

  9   sans leur bien ?" Sur quoi, ils m'ont répondu : "Vous n'avez qu'à les

 10   mettre dans un véhicule des Nations Unies et vous n'avez qu'à la faire

 11   partir." Je leur ai dit : "Oui, mais cette voiture leur appartient." C'est

 12   ainsi que les choses ont commencé à évoluer.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hier, une question vous a été posée.

 14   Elle portait, d'ailleurs, sur un sujet tout à fait différent : qui peut

 15   être considérées comme les parties responsables ? Je pense, notamment, aux

 16   personnes avec lesquelles vous avez pris contact au niveau des opstinas, et

 17   au niveau de la RSK. J'ai cru comprendre, d'après votre réponse, qu'il y

 18   avait une certaine hésitation à recevoir le point de vue de la RSK et que

 19   vous aviez tendance à vous adresser aux personnes au niveau de l'opstina.

 20   En autant que je comprenne, il s'agissait d'obstruction ou, peut-être, de

 21   non respect de ce que vous considériez comme vos fonctions.

 22   Au niveau de la RSK, si toutes les personnes avaient satisfait vos

 23   demandes, auriez-vous eu les mêmes hésitations ? Ce que je veux dire ou ce

 24   que j'aimerais savoir c'est : est-ce que vous étiez réticent parce que vous

 25   préfériez avoir le point de vue des différentes opstinas avant d'accepter

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  1   ce que l'on vous disait, ou est-ce qu'au niveau de la RSK, s'ils vous

  2   auraient dit : "Nous sommes entièrement d'accord avec vous, tout va très

  3   bien et nous allons faire tout ce que vous nous demandez." Auriez-vous eu

  4   les mêmes réticences ?

  5   R. C'est une question intéressante parce que je dois dire que cette option

  6   ne s'est jamais, véritablement, présentée. Il faut savoir que la RSK n'a

  7   pas, de façon naturelle, intégré toutes ces unités conformément à sa

  8   politique. Cela s'est fait au fil du temps. Il y a eu également des

  9   modifications très rapides, ou des changements très rapides pour les maires

 10   ou pour les chefs de police qui ne respectaient pas forcément ce qui

 11   émanait du QG de la RSK à Knin, qui se trouvait dans le secteur sud. Je

 12   dirais que dans une partie du témoignage, il est question du meurtre d'un

 13   maire extrêmement indépendant de Vrgin Most qui avait fait montre d'une

 14   certaine indépendance lorsqu'il traitait avec nous. Je pense, par exemple,

 15   aux questions qui avaient été abordées dans le cadre du plan Vance. Il

 16   avait compris que le plan Vance lui donnait à lui le maire, ainsi qu'à la

 17   police, la reconnaissance de son autorité pour agir de cette façon, et il a

 18   été éliminé. Peu de temps après, nous nous sommes trouvés dans la situation

 19   évoquée par votre question, la RSK avait assumé le contrôle absolu sur les

 20   dirigeants des opstinas et, ayant reconnu de facto qu'ils avaient cette

 21   autorité sur toutes les opstinas, si je voulais faire faire quelque chose,

 22   il aurait été peu pragmatique de ma part d'insister de traiter avec les

 23   opstinas, alors que je savais qu'ils ne s'opposeraient jamais à ce qui

 24   venait de Knin. Comme, moi-même, j'ai été souvent à Knin, je pensais qu'il

 25   fallait que je parle aux personnes responsables à Knin.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris votre réponse, vous

  2   avez dit que cela ne servait plus à rien de vous en tenir à vos homologues,

  3   vous y jugiez comme tel car, comme le disent les français, vous étiez face

  4   à un fait accompli.

  5   R.  C'est exact. C'était un fait accompli.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question très courte. Je ne veux pas

  7   y passer trop de temps. Vous dites que depuis Petrova Gora vous pourriez

  8   voir la ville de Zagreb. Sur la carte que vous nous avez fournie, cela

  9   semble représenter quelques 60 kilomètres, avec certaines élévations

 10   proches de la ville, dix à 15 kilomètres, je dirais, d'après cette carte.

 11   Une des élévations à Petrova Gora se situait à 572 mètres. Près de la ville

 12   de Zagreb, vous trouvez des élévations de quelques 265 mètres. Je

 13   demandais, comment à ces distances, étant donné la nature du terrain, si

 14   vous pouviez véritablement voir la ville de Zagreb.

 15   R.  Vous avez très bien lu la carte comme le font les soldats de l'armée.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Non, je ne le suis pas.

 17   R.  Non. Petrova Gora était un lieu. Je crois que c'est également un

 18   bâtiment. "Gora" est une montagne ou quelque chose comme cela.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 20   R.  C'est un bâtiment, c'est même quelque chose qui ressemble à une tour.

 21   Lorsque vous montez en haut de la tour, chose que j'ai faite, c'est là où

 22   se trouvait la station de radio. A ce moment-là, de là vous pouvez voir

 23   Zagreb.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouviez simplement voir Zagreb

 25   depuis la tour où se trouvait la station de radio.

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  1   R.  Oui.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne pouviez pas le voir depuis le

  3   sol.

  4   R.  Non.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, vous ne pouviez pas voir

  6   autrement qu'à partir de cette tour.

  7   R.  C'est exact.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ceci est maintenant clarifié.

  9   A moins que la Chambre souhaite soulever d'autres points ou si les deux

 10   parties souhaitent soulever d'autres questions, je crois que cela n'est pas

 11   le cas.

 12   Monsieur Kirudja, je souhaite vous remercier chaleureusement pour votre

 13   témoignage. Votre témoignage a duré un certain temps. Je vous en remercie.

 14   Vous avez répondu aux questions des deux parties ainsi que des Juges de la

 15   Chambre. Je vous remercie beaucoup d'être venu à ce Tribunal. Je vous

 16   souhaite un agréable voyage. Je ne sais pas où vous vivez vous-même, ainsi

 17   je vous dis, je vous souhaite de bien rentrer chez vous maintenant. Merci.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, pourriez-vous

 20   accompagner M. Kirudja de la Chambre.

 21   [Le témoin se retire]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Harmon.

 23   M. HARMON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous aimerions

 24   bien pouvoir verser au dossier la pièce de l'Accusation de 120 à 152, s'il

 25   vous plaît.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. D'habitude Monsieur Harmon, le

  2   Greffe ou Mme la Greffière lit les résumés. Cela prendrait beaucoup de

  3   temps si nous avons 31 pièces. Par conséquent, je vais demander à Mme

  4   l'Huissière de vous donner un imprimé de ce qu'elle a écrit elle-même, à

  5   savoir, une description sommaire des documents en question plutôt que de

  6   lire les chiffres les uns après les autres. Si cela vous agrée, je propose

  7   que la Chambre prenne une décision sur le versement au dossier de ces

  8   pièces. S'il y a quelque chose concernant la description, même des

  9   documents qui d'après vous auraient besoin d'être corrigés, nous pourrions

 10   toujours modifier la description et néanmoins verser ces documents au

 11   dossier.

 12   Il s'agit des documents 120 jusqu'à 151. Je souhaite noter les éléments

 13   suivants : hormis les pièces 121, 122, 123 et 124, qui représentent toutes

 14   des cartes, qu'il s'agisse de cartes annotées ou non, toutes les autres

 15   pièces sont assorties d'une traduction dans la langue qui n'est pas la

 16   langue d'origine, et cette pièce porte toujours la même cote mais on y

 17   ajoute .1. Je souhaite préciser qu'eu égard à la pièce P141, le document

 18   original est déjà assorti comme cela a été déjà dit d'une traduction

 19   approximative, 141 est le mémorandum de Radomir Pasic, en anglais, et en

 20   B/C/S, du 6 juillet 1992, alors que P141.1 est, je crois -- Madame la

 21   Greffière, pourriez-vous regarder ces documents ? Je crois qu'il s'agit là

 22   de la traduction anglaise où on peut lire : "Traduction B/C/S." Il s'agit

 23   là de la traduction officielle du texte original en B/C/S qui était

 24   assortie d'une traduction officieuse hier.

 25   S'il n'y a pas d'objections, nous pouvons poursuivre. Monsieur Harmon, vous

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  1   souhaitez prendre la parole.

  2   M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, pardonnez-moi, si je

  3   vous interromps, mais je souhaite soulever un point.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je me demandais si vous aviez des

  5   objections à propos de ces pièces P. Il n'y en a pas. Si on peut les verser

  6   au dossier comme je viens de l'indiquer.

  7   Nous avons une pièce de la Défense qui porte la cote D15. Cette pièce sera

  8   marquée au fin d'identification pour l'instant jusqu'à ce que nous ayons

  9   reçu une traduction officielle. Nous savons que c'est quasiment chose

 10   faite. La traduction va être approuvée prochainement. Pour l'instant,

 11   Madame la Greffière, veuillez marquer ces documents au fin

 12   d'identification.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce portera la cote D15 ID.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Harmon.

 15   M. HARMON : [interprétation] Oui, j'ai une question à vous poser. Bien

 16   évidemment, les pièces qui ont été versées au dossier par l'Accusation sont

 17   souvent des documents distincts. Pour une pièce, il s'agit d'une page de

 18   couverture; pour l'autre, il s'agit d'un mémo; pour l'autre, il s'agit

 19   d'une pièce jointe. Je regarde la description qui est fournie au niveau de

 20   la pièce P147. Cette pièce comporte une page de couverture datée du 21

 21   juillet. Elle contient un mémo séparé, ainsi qu'une lettre séparée, rédigée

 22   par le premier ministre de Croatie, M. Franjo Gregurevic. Quand je regarde

 23   la liste, ces éléments ne sont pas présentés de façon distincte. Je ne sais

 24   pas comment ceci doit être précisé. Peut-être qu'il faudrait modifier la

 25   liste. Je suis tout à fait satisfait de la manière dont les pièces sont

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  1   versées au dossier, mais la liste n'est pas précise à cet égard. Peut-être

  2   qu'il faut la compléter.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous n'êtes pas satisfait de la

  4   manière dont cette liste a été établie, vous pouvez faire des suggestions

  5   pour apporter des modifications à cette liste. Bien évidemment, les

  6   documents, puisqu'ils sont entre les mains du Greffe, sont versés au

  7   dossier. Nous pourrions toujours reprendre le compte rendu d'audience car,

  8   en général, on regarde toujours la première page et sont inclues les

  9   pièces, et cetera. A moins que ce ne soit vraiment nécessaire, je ne pense

 10   pas qu'il soit utile de demander au Greffe une description encore plus

 11   détaillée de ce qui a été présenté aujourd'hui.

 12   M. HARMON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   M. STEWART : [interprétation] Je souhaite simplement apporter un

 14   commentaire. Je souhaite dire qu'à ce stade de la procédure, nous ne sommes

 15   pas entièrement satisfaits avec cela, mais nous allons suivre vos

 16   instructions, Monsieur le Président, et envisager la question de savoir ce

 17   qu'est une description appropriée.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous pensez que ceci peut donner lieu

 19   à des malentendus, vous pouvez toujours faire des suggestions à Mme la

 20   Greffière qui sera tout à fait disposée à apporter des modifications plutôt

 21   que de parcourir tout le document et de dire qu'il y a en pièce jointe une

 22   page de couverture. Je crois que nous n'entrons pas en général dans ce

 23   niveau de détail.

 24   M. STEWART : [interprétation] Je voulais simplement indiquer que nous ne

 25   sommes pas à 100 % satisfait, mais que nous ne voulons pas être difficiles.

Page 3284

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, toute suggestion qui

  2   sera faite sera prise en compte. Je crois qu'il est important maintenant

  3   d'avancer et de poursuivre car, sinon, cette nouvelle procédure prendra

  4   plus de temps, et ce plus de temps qu'il en faudrait à Mme la Greffière de

  5   lire l'ensemble de la liste.

  6   Nous allons maintenant demander à l'Accusation d'appeler le témoin suivant

  7   avant de passer à huis clos partiel.

  8   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 3285-3290 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 19   [Audience à huis clos]

 20   [Passage à huis clos rendu public par décision de la Chambre]

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 13  Pages 3292-3305 expurgées. Audience à huis clos.

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 14   M. STEWART : [interprétation] J'aimerais évoquer un autre point si vous me

 15   le permettez.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 17   M. STEWART : [interprétation] Nous avons discuté avec M. Krajisnik. Nous

 18   discutons avec lui régulièrement et nous discutons toujours de ce qui se

 19   passe dans le prétoire, nous devons lui expliquer certains aspects de ce

 20   qui se passe dans le prétoire. Bien entendu, nous devons car cela fait

 21   partie de notre devoir, de lui rendre compte et de lui expliquer la nature

 22   de ce qui se passe éventuellement lors d'audiences où il n'est pas présent.

 23   Nous avons eu quelques difficultés dans ce cadre, et nous apprécierions,

 24   par conséquent, obtenir des éclaircissements du Tribunal. En effet, puisque

 25   nous avions du mal à le comprendre nous-mêmes, nous avons eu quelques

Page 3307

  1   difficultés à expliquer à M. Krajisnik comment il pouvait se faire que la

  2   présente affaire, l'affaire Krajisnik apparaît au calendrier publié par le

  3   Tribunal le 24 mai, lundi dernier, et comme prévoyant cette déposition à la

  4   date du 7 juin. Je ne me souviens pas exactement à quel moment la chose

  5   s'est passée, mais je pense que c'était jeudi ou vendredi dernier que ce

  6   document a été rendu public et diffusé largement dans les différents

  7   prétoires. Je me rends compte que le 26, entre la publication de ce

  8   calendrier et ce qui se passe aujourd'hui, ce document est arrivé entre les

  9   mains du porte-parole officiel du Tribunal. Je pense qu'une déclaration de

 10   presse a été publiée et a été diffusée sur Internet, sur le site du

 11   Tribunal, dans laquelle il était dit que l'audience de prononcer de la

 12   peine de M. Babic se déroulerait à 10 heures, le lundi 7 juin. Vous y avez

 13   fait allusion, d'ailleurs, Monsieur le Président, et je pense que cette

 14   information n'était pas complète vendredi dernier. J'apprécierais quelques

 15   éclaircissements sur ce point, car c'est quelque chose qui a un rapport

 16   direct avec M. Krajisnik et il est assez étonnant, en tout cas à nos yeux

 17   je dois l'avouer, que cela se passe dans ces conditions. J'apprécierais un

 18   éclaircissement. Je n'ai compris la chose qu'au cours du week-end, je ne

 19   l'avais pas fait avant car certaines choses m'échappent. Je ne m'étais pas

 20   rendu compte que les trois Juges, qui allaient prononcer la peine imposée à

 21   M. Babic, seraient les mêmes que ceux qui assistaient à l'audience de

 22   vendredi dernier. J'espère que vous comprendrez dans quelle condition tout

 23   cela m'est venu à l'esprit compte tenu des dispositions qui ont été prises

 24   mais j'apprécierais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans la

 25   situation difficile dans laquelle nous nous trouvons puisque nous avons le

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  1   procès Babic d'une part, c'est une de nos casquettes, si je peux m'exprimer

  2   ainsi, et le procès Krajisnik de l'autre, vous comprendrez qu'en tant

  3   qu'être humain --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  5   M. STEWART : [interprétation] Nous souhaitions que tout soit clair dans

  6   notre esprit.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci d'avoir évoqué le sujet.

  8   M. STEWART : [interprétation] C'est ce que j'avais à vous dire. Je n'en ai

  9   pas plus à vous dire, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais discuter de cela avec le

 11   conseil de la Défense de M. Babic en sa présence en tout cas plutôt que --

 12   M. STEWART : [interprétation] Cela semble, absolument, raisonnable. Il

 13   convient que Me Mueller soit présent lorsque ce genre de sujet est abordé.

 14   Monsieur le Président, nous sommes, tout à fait, d'accord.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Stewart.

 16   Avant de demander à Me Mueller d'entrer dans le prétoire. J'ai deux

 17   questions à évoquer. D'abord, l'Article 89(F) selon lequel la déclaration

 18   écrite du témoin est soumise à la Chambre et ne devrait pas faire l'objet

 19   d'opposition.

 20   La requête déposée en application de l'Article 92 bis, qui je pense est la

 21   même que celle qui fait l'objet, qui relève de l'Article 89(F), les deux

 22   sont évoquées dans le même document. Nous ne nous prononcerons pas sur ce

 23   point immédiatement, s'agissant de l'aspect 92 bis. Nous renvoyons notre

 24   décision au moment où nous aurons entendu la déposition de vive voix. En

 25   effet, la Chambre ne se prononce, quant à l'utilisation des déclarations

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  1   écrites ou des comptes rendu d'audience, qu'après avoir entendu les

  2   dépositions de vive voix. La décision est renvoyée.

  3   Maintenant, je demande à ce que l'on fasse entrer Me Mueller dans le

  4   prétoire.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mueller. Bienvenue et nos

  6   excuses pour le retard. Monsieur Mueller vous avez demandé à être présent

  7   durant la déposition de votre client, M. Babic, et ce dans l'affaire

  8   Krajisnik. Je vous demande de prendre place puisque cela va prendre

  9   quelques minutes --

 10   M. MUELLER : [inaudible]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je pense que vous pouvez prendre

 12   place maintenant, Maître Mueller.

 13   M. MUELLER : [interprétation] Je pense que je devrais utiliser le

 14   microphone.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons examiné cette situation au

 16   préalable lorsqu'un témoin avait témoigné dans cette affaire. Nous avons

 17   accordé beaucoup d'attention à ce que serait le rôle du conseil de la

 18   Défense pour ce qui est du témoin. J'ai demandé à l'Accusation si elle

 19   avait l'intention de poursuivre M. Babic sur la base de nouveaux éléments

 20   qui se présenteraient et l'Accusation s'est engagée et m'a indiqué qu'elle

 21   n'avait, absolument, pas l'intention d'augmenter les chefs d'accusation à

 22   l'encontre de M. Babic même s'il s'exprimait de telle façon à pouvoir être

 23   incriminé. Par conséquent, cela n'est pas une raison pour intervenir.

 24   J'aimerais, également, insister sur un fait. Les chefs d'accusation dans le

 25   cadre de l'entreprise criminelle commune englobent beaucoup d'éléments.

Page 3310

  1   Commencer une nouvelle procédure sur la base suivante, à savoir de nouveaux

  2   chefs d'accusation seraient retenus contre M. Babic est, tout à fait,

  3   improbable.

  4   Il y a également M. Deronjic. Nous avions, également, discuté afin de

  5   savoir si nous devons craindre une accusation de la part d'une autorité

  6   nationale. A l'époque, l'Accusation s'est engagée à prévenir, dans la

  7   mesure du possible, toute poursuite nationale contre le témoin qui était, à

  8   l'époque, témoin et qui était un accusé potentiel dans le système national

  9   et la juridiction du Tribunal est telle que cela lui donne le pouvoir

 10   d'empêcher à des juridictions nationales de lancer des poursuites dans la

 11   mesure, bien entendu, où cela porte sur des faits qui tombent ou qui sont

 12   du ressort de la juridiction de ce Tribunal. Par conséquent, si lors de son

 13   témoignage, M. Babic avoue soudainement un crime horrible commis en 1988

 14   dans un pays tiers, il est évident que la juridiction de ce Tribunal ne

 15   serait pas en mesure de le protéger. Mais je pense que cela est très

 16   improbable.

 17   Avant le témoignage de M. Deronjic, nous nous étions demandés si son

 18   témoignage pourrait ne pas être considéré de façon favorable pour le

 19   prononcé de la peine contre M. Babic. A ce moment-là, il est évident qu'il

 20   en va de même pour M. Babic.

 21   Nous avons eu des discussions afin de savoir si l'Article 90(E) qui permet

 22   à un témoin d'indiquer en réponse à une question que cela pourrait

 23   l'incriminer. Nous nous sommes demandés si cela pourrait être applicable au

 24   cas où sa réponse pourrait exacerber en quelque sorte sa situation ou

 25   l'aggraver pour ce qui est du prononcé de la peine. Nous avons décidé de

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  1   trouver une solution à ce problème lorsque ce problème se posera à nous.

  2   Nous n'avons pas, en fait, eu ce problème, à ce moment-là. Voilà ce que je

  3   voulais vous dire à titre d'information.

  4   Nous avons autorisé, à l'époque, le conseil de la Défense pour M. Deronjic

  5   d'être présent certes mais à la condition très stricte et précise qu'il ne

  6   doit jamais oublier les circonstances limitées, et je m'excuse, je

  7   m'excuse.

  8   M. MUELLER : [interprétation] C'est en effet beaucoup plus facile avec les

  9   écouteurs. Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je disais qu'il fallait qu'il garde bien

 11   à l'esprit les circonstances extrêmement limitées dans lesquelles la

 12   Chambre pourrait envisager une intervention de sa part.

 13   Deuxièmement, il n'y aura aucun contact direct entre le témoin et le

 14   conseil. C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé de prendre place

 15   pour le moment, mais il y a un microphone que vous pouvez voir sur le

 16   pupitre qui se trouve dans un coin du prétoire, je vous inviterais à

 17   prendre place près de la porte et à faire usage du microphone, si

 18   nécessaire.

 19   Voilà pour ce qui est des règles afférentes à votre présence. Nous

 20   avons également un autre sujet à aborder.

 21   En fait, j'ai deux autres sujets à aborder. Dans un premier temps, la

 22   Défense de M. Krajisnik nous a posé une question à propos du calendrier du

 23   Tribunal. Etant donné qu'il a été publié, que nous allons avoir le prononcé

 24   de la peine contre M. Babic lundi prochain. Je vous dirais, dans un premier

 25   temps, que le calendrier du Tribunal est une question d'ordre

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  1   administratif, mais la Chambre a présenté une ordonnance portant calendrier

  2   pour ce qui est du prononcé de la peine contre M. Babic lundi prochain,

  3   mais il est évident que les parties seront informées car cela se fera plus

  4   tard maintenant. J'aimerais vous indiquer que les raisons ne sont pas

  5   simplement des raisons d'ordre logistique. Vous ne serez pas surpris de

  6   l'entendre mais la Chambre est en train de préparer son prononcé de la

  7   peine et compte tenu de l'expérience glanée par tout avocat expérimenté,

  8   vous saurez que, dans un premier temps, il faut pouvoir se fonder sur tous

  9   les arguments qui ont été présentés. Deuxièmement, il faut pouvoir le

 10   coucher dans un document de telle façon que cela puisse être prononcé. Je

 11   vous dirais que c'est justement la deuxième question qui me préoccupe et

 12   qui nous occupe pour le moment. Il est, évidemment, que conjointement avec

 13   les problèmes d'ordre logistique, il aura un retard qui sera pris pour ce

 14   qui est du prononcé de la peine. Je le répète. Nous avons à la fois des

 15   raisons d'ordre logistique et des raisons qui sont relatives à la décision.

 16   C'est une réponse qui n'a pas encore été rendue public. Elle sera public

 17   soit aujourd'hui soit demain. Il sera indiqué qu'il n'y aura pas de

 18   prononcé de la peine contre M. Babic lundi prochain.

 19   Monsieur Stewart, je pense que dans une certaine mesure cela précise, un

 20   temps soit peu, la question que vous avez posée.

 21   M. STEWART : [interprétation] Oui. Tout à fait, et je vous remercie de nous

 22   avoir indiqué avec une ou deux mises en garde ce qui représente la

 23   situation. C'est une situation qui est en pleine mutation pour ce qui est

 24   de la Défense. Nous avons obtenu au cours des deux à trois jours de

 25   nombreux éléments d'informations pour ce qui est de la situation de M.

Page 3313

  1   Babic.

  2   Puisqu'il s'agit de différents éléments d'informations, j'aimerais avancer

  3   deux éléments. Dans toutes les audiences publiques que nous avons eues au

  4   cours de la semaine dernière, il a été constamment fait référence au fait

  5   que M. Babic allait être le témoin suivant. Cela a été dit à maintes

  6   reprises. Nous en avons parlé.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ai vérifié.

  8   M. STEWART : [interprétation] Il faut ajouter à cela, un autre élément. Si,

  9   puisque tel semble être le cas, si l'affaire Krajisnik, et ce n'est pas de

 10   ma part un manque de respect à l'égard de

 11   M. Krajisnik, puisque nous parlons toujours de l'affaire Krajisnik --

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 13   M. STEWART : [interprétation] -- mais si l'affaire Krajisnik siègera et

 14   sera entendue lundi à huis clos partiel, après deux ou trois jours de

 15   présentation de preuves d'un témoin dans un huis clos partiel, et que le

 16   prononcé de la peine de M. Babic est annoncé et a été annoncé par un porte-

 17   parole pour le Tribunal la semaine dernière. Dans cette information il nous

 18   était dit que cela se passerait le

 19   7 juin. Si cela ne se passe pas le même jour, j'aimerais vous demander,

 20   cela est, évidemment, pour quiconque même si la personne ne connaît pas

 21   très bien le cas, j'aimerais savoir ce qu'il en ait de la présentation des

 22   preuves de la part de M. Babic.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 24   M. STEWART : [interprétation] De quoi s'agit-il ?

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Toute personne qui consultera le compte

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  1   rendu de vendredi dernier saurait très bien qu'il était sur le point de

  2   commencer. Puisque la décision a été prise, c'est la raison pour laquelle

  3   j'ai demandé à M. Tieger au début s'il souhaitait intervenir à propos du

  4   témoignage de M. Babic ou non. C'est une question qui a fait l'objet de

  5   décision et nous n'allons pas réamorcer ce débat maintenant.

  6   M. STEWART : [interprétation] Bon. Nous connaissons cette décision et

  7   puisque nous avons la présence de Me Mueller dans le prétoire, le fait est

  8   que nous voyons d'autres aspects qui ne sont présentés pas dans leur

  9   ensemble. La Chambre de première instance est, bien entendu, beaucoup plus

 10   consciente que la Défense de tous les éléments d'information parce que nous

 11   devons compiler l'information au fur et à mesure. C'est la raison pour

 12   laquelle nous avons présenté ces arguments supplémentaires. Nous

 13   comprenons, bien entendu, l'Accusation et cela dans son propre intérêt et

 14   conformément à ce qu'elle doit faire à présenter ses arguments et à

 15   présenter ces requêtes par rapport au témoin qui est M. Babic, mais nous

 16   supposons que c'est une requête qui émane de M. Babic.

 17   Nous savons maintenant que M. Babic est représenté dans le prétoire, et la

 18   protection de M. Babic, dans le cadre d'un huis clos, est nécessaire au cas

 19   où son conseil souhaite lui octroyer ces mesures de protection. Nous

 20   croyons comprendre que tel est le cas, mais si son conseil, qui est

 21   maintenant présent, nous disait, "cela est inutile," parce que je suppose

 22   que Me Mueller ou que son conseil présenterait cet argument.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mueller, je m'adresse à vous en

 24   tant que conseil d'un témoin et non pas conseil d'une personne qui attend

 25   que sa peine soit prononcée par ce Tribunal. La Défense n'a pas été

Page 3315

  1   informée des faits qui sous-tendent la requête de l'Accusation qui a

  2   demandé une mesure de protection. A ce sens, que M. Babic devrait témoigner

  3   à huis clos, et je souhaite juste vous informer de ce qui a été l'objet

  4   d'une très, très longue discussion qui pourrait peut-être devenir tout à

  5   fait nulle et non advenue au cas où vous prononciez ou au cas vous

  6   souhaitiez faire une observation. J'aimerais savoir sur la base du compte

  7   rendu d'audience, sur la base des audiences publiques, si M. Babic, qui va

  8   témoigner, doit toujours recevoir ou non des mesures de protection. Je vous

  9   demanderais de dire, "nous n'en avons pas besoin" si vous n'en avez pas

 10   besoin. Dites-nous le.

 11   M. MUELLER : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vais pas

 12   m'exprimer en une seule phrase. Car nous avons appris, il y a deux jours de

 13   cela, certains éléments, certains faits qui militent en faveur de l'octroi

 14   de mesures de protection.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais les explications

 16   --

 17   M. MUELLER : [interprétation] Les explications --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les --

 19   M. MUELLER : [interprétation] Puis-je poursuivre ?

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 21   M. MUELLER : [interprétation] Merci. M. Babic continue à insister pour se

 22   voir octroyer des mesures de protection, et je ne vois pas pourquoi nous ne

 23   répondrions pas à cette demande.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

 25   M. STEWART : [interprétation] C'est tout à fait clair.

Page 3316

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais également aborder un autre

  2   élément, et j'attendais la présence de Me Mueller pour l'évoquer. Il s'agit

  3   du calendrier des audiences prévues cette semaine --

  4   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre de première instance vient

  6   d'étudier pour des raisons logistiques d'ailleurs certaines possibilités.

  7   Nous pourrions envisager d'avoir une audience beaucoup plus longue jeudi et

  8   vendredi. Nous aurions d'ailleurs préféré avoir une audience supplémentaire

  9   de trois heures jeudi, mais on vient de m'expliquer que cela n'est pas

 10   possible. Nous pourrions peut-être avoir une heure et demie supplémentaire

 11   demain. Il en va de même pour vendredi. Il faut, bien entendu, savoir dans

 12   un premier temps si nous aurons une équipe d'interprètes à notre

 13   disposition. Par conséquent, si les parties ne sont pas en mesure de

 14   poursuivre l'audience demain après-midi pendant une heure et demie

 15   supplémentaires, j'aimerais pouvoir en être informé.

 16   Deuxièmement, à propos de vendredi, Maître Mueller, j'ai été informé que

 17   vous ne serez pas disponible vendredi et bien que la Chambre vous autorise

 18   à être présent ou vous autorise à envoyer une personne qui vous

 19   remplacerait, la Chambre de première instance n'est pas disposée à adapter

 20   le calendrier du Tribunal. Il faut savoir que nous avons des problèmes

 21   assez importants pour essayer de terminer la l'audition de la déposition de

 22   M. Babic lundi prochain, ce qui fait que la Chambre n'est absolument pas

 23   disposée à surseoir à l'audience de vendredi. Cela, bien entendu, ne suffit

 24   pas pour autant que vous ne pourrez pas ou que l'on ne pourra voir un

 25   conseil pour M. Babic, mais vous n'êtes pas disponible cela est fort

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  1   fâcheux certes. Ce n'est pas une raison pour repousser l'audience de

  2   vendredi.

  3   Ceci étant dit, Maître Mueller, je suppose que le moment est venu d'adopter

  4   votre position stratégique prise dans ce prétoire.

  5   M. MUELLER : Merci.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander à Madame l'Huissière de

  7   bien vouloir accompagner M. Babic dans le prétoire.

  8   M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 10   M. STEWART : [interprétation] Vous avez demandé si les audiences pourraient

 11   être en mesure de poursuivre l'audience demain après-midi pendant une heure

 12   et demie supplémentaires, et que vous souhaitiez être informé.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 14   M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je ne souhaiterais pas

 15   vous dire qu'il y a une impossibilité physique de la part de notre équipe,

 16   car ce n'est pas le cas. Nous sommes ici à La Haye. Nous sommes ici très

 17   souvent apparemment, mais nous posons une question. Compte tenu des

 18   observations et des discussions qui ont eues lieu la semaine dernière, que

 19   cela portait le témoignage de M. Babic, je me demande si M. Tieger serait

 20   en mesure de nous indiquer ce qui serait pour lui son calendrier par

 21   rapport à M. Babic. Combien de temps va durer son interrogatoire principal,

 22   par exemple?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, sans qu'il n'y ait de

 24   spéculation et de supputation, pouvez-vous nous donner une indication.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Je vais refreiner mon enthousiasme pour la

Page 3318

  1   spéculation et j'espère que nous serons en mesure de terminer

  2   l'interrogatoire principal au bout de six heures. Il m'est un peu difficile

  3   d'évaluer la cadence ou le rythme de cet interrogatoire principal, mais je

  4   pense que c'est une idée assez réaliste que d'avancer que nous pourrons

  5   terminer jeudi, ce qui fait que le contre-interrogatoire pourra commencer

  6   vendredi.

  7   Il s'agit, bien entendu, d'une estimation extrêmement partiale pour le

  8   moment, mais c'est tout ce que je peux vous dire pour le moment.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 10   M. STEWART : [interprétation] Ceci est fort utile, et je vais  vous

 11   expliquer pourquoi nous avons posé cette question. Nous avons essayé de

 12   prévoir notre calendrier, et cela est toujours tributaire des décisions de

 13   la Chambre de première instance. Jusqu'à il y a quelques minutes, je

 14   pensais, et c'était une impression très claire d'ailleurs, que compte tendu

 15   des discussions que nous avons eues avec l'Accusation, et cela inclut M.

 16   Harmon et moi-même, et compte tenu du fait que je connais la situation de

 17   Me Mueller, je pensais disais-je que M. Biskovic serait le témoin qui

 18   comparaîtrait vendredi.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela a été, effectivement, suggéré.

 20   Lorsque j'ai vu cette information pour la première fois, je pense que c'est

 21   hier que j'ai vu cette information, il y avait sur notre liste de témoins,

 22   M. Babic. Nous n'avions pas pris de décision et nous étions dit que nous

 23   allions peut-être nous adapter au calendrier de Me Mueller. Je me suis

 24   rendu compte assez rapidement, même si cela n'est pas clair, la Chambre a

 25   décidé dans un premier temps d'en terminer avec le témoignage de M. Babic.

Page 3319

  1   M. STEWART : [interprétation] Puis-je poursuivre, Monsieur le Président ?

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  3   M. STEWART : [interprétation] Nous savons quel est le point de vue de la

  4   Chambre de première instance à ce sujet. Je suppose que tout le monde pense

  5   qu'il est, effectivement, beaucoup plus judicieux d'avoir un interrogatoire

  6   principal suivi d'un contre-interrogatoire, ce qui correspond d'ailleurs à

  7   une pratique courante pour les Tribunaux. C'est ce que nous avions compris.

  8   A la suite de toutes les discussions qui ont eu lieu, ce que nous n'avions

  9   pas compris c'est qu'il y avait un problème particulier pour ce qui est du

 10   témoignage de M. Babic qui pourrait se poursuivre lundi. Vous avez indiqué

 11   Monsieur le Président, il y a une minute de cela, que cela pourrait être

 12   difficile. Nous n'avions pas envisagé qu'il y aurait ce genre de difficulté

 13   la semaine prochaine.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il y a toujours un risque. Si

 15   je prends, par exemple, ou je tiens compte plutôt de l'expérience acquise

 16   dans le cadre des dépositions de témoin, je pense qu'il se peut qu'il y ait

 17   un risque; le risque étant de ne pas conclure l'examen de ce témoignage

 18   lundi. C'est ce que nous souhaitons éviter coûte que coûte.

 19   M. STEWART : [interprétation] Lorsque vous dites "coûte que coûte" --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas coûte que coûte.

 21   M. STEWART : [interprétation] Ce que je voulais dire --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai dit lors d'une des réunions que je

 23   m'exprimerais à propos du calendrier privé des Juges, j'avais dit que je

 24   dirais peut-être que je devais voir mon psychiatre à Moscou et, bien

 25   entendu, c'est une allusion à certaines choses qui ne peuvent pas être

Page 3320

  1   discutées --

  2   M. STEWART : [interprétation] Nous comprenons cela tout à fait.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et la Chambre souhaite entendre M.

  4   Babic, et les trois Juges souhaitent entendre M. Babic.

  5   M. STEWART : [interprétation] Il est évident que cela correspond à votre

  6   position.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous savez qu'il existe des

  8   règles pour des raisons bien précises qui permettent l'absence d'un Juge et

  9   je souhaite éviter cela coûte que coûte. C'est pour cela que j'indiquais

 10   que le témoignage de M. Babic devrait être entendu par les trois Juges. Je

 11   ne pense pas que nous pourrons terminer lundi.

 12   M. STEWART : [interprétation] Je pense que nous pourrons trouver une

 13   solution à ce problème lorsqu'il se présentera.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plutôt nous commençons à entendre le

 15   témoignage de M. Babic, mieux nous serons en mesure de terminer cela.

 16   M. STEWART : [interprétation] Je comprends tout à fait, mais il y a des

 17   situations qui ont changé et l'information la Défense a eu des éléments

 18   d'information à ce sujet. Monsieur le Président, ce que je voulais dire

 19   c'est que nous ne savons pas si nous serons en mesure de procéder au

 20   contre-interrogatoire de M. Babic compte tenu du temps qui nous a été

 21   imparti. Lorsque vous dites qu'il faut éviter "coûte que coûte" que cela

 22   prenne du retard, nous avons toujours pensé que lors du contre-

 23   interrogatoire, il faut parfois envisager le fait qu'une partie ne sera pas

 24   entièrement prête.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous dire quelque chose de façon

Page 3321

  1   très très claire : vendredi dernier, nous avons abordé la question du

  2   témoignage de M. Babic. Il avait été dit qu'il devrait commencer au milieu

  3   de cette semaine. Nous nous sommes demandé si nous serons en mesure de

  4   terminer vendredi ou s'il faudrait envisager le lundi, et pour ce qui est

  5   de ce changement, il en a été question hier. Nous voulons, en fait,

  6   commencer à entendre M. Babic pour le moment et je vous dirais que c'est la

  7   première fois que je me trouve confronter à ce genre de situation.

  8   J'aimerais que nous puissions maintenant commencer cette audition.

  9   Madame l'Huissière, non, je pense que c'est peut-être les gardes de

 10   sécurité qui doivent l'accompagner dans le prétoire.

 11   M. STEWART : [interprétation] Permettez-moi de faire une observation.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 13   M. STEWART : [interprétation] Pour ce qui est de demain après-midi, voilà

 14   ce que je souhaiterais vous dire. Lorsque vous préparez pour un témoin, et

 15   cela est valable pour M. Babic, il ne faut pas oublier M. Krajisnik.

 16   Lorsque vous ajoutez à cela le temps de l'audience de demain, nous allons

 17   en quelque sorte avoir moins de temps pour notre préparation. Nous aurons

 18   un temps de préparation et nous n'aurons pratiquement pas la possibilité

 19   d'avoir le temps de consulter M. Krajisnik. Monsieur le Président, ce que

 20   j'essaie de vous dire c'est que nous ne sommes absolument pas satisfaits de

 21   cette journée de travail qui sera prolongée demain après-midi.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si nous devions siéger demain après-

 23   midi, et je vous avais informé que cela pourrait être une possibilité

 24   également vendredi, je pense que pendant la pause de déjeuner M. Krajisnik

 25   restera dans ce bâtiment puisqu'il sera présent l'après-midi également.

Page 3322

  1   Peut-être que cela pourrait vous donner la possibilité de vous entretenir

  2   avec M. Krajisnik.

  3   M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que cela

  4   devient véritablement un problème fâcheux. Car M. Krajisnik est présent ici

  5   dans ce prétoire à raison de plusieurs heures par jour, et nous suggérer

  6   que par rapport aux nombres volumineux de documents qu'il faut étudier par

  7   rapport à M. Babic, nous indiquer que pendant la pause, il est certes que

  8   nous nous sommes censés être des surhumains. Il y a quand même des limites

  9   pour les conseils de la Défense. Il ne faut pas oublier la situation de M.

 10   Krajisnik pendant la pause.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous ne trouvez pas

 12   que ma suggestion est une bonne suggestion. J'ai bien compris.

 13   M. STEWART : [interprétation] Je pense que vous avez compris le message.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous allons pouvoir

 15   maintenant avoir M. Babic dans le prétoire, car je pense que cela fait un

 16   certain temps qu'il attend derrière la porte.

 17   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Babic, avant d'entendre votre

 19   déposition devant cette Chambre, je vous rappelle que le Règlement de

 20   procédure et de preuve exige de vous que vous prononciez une déclaration

 21   solennelle selon laquelle vous allez dire la vérité, toute la vérité, rien

 22   que la vérité. Je vous invite à

 23   prononcer cette déclaration dont le texte vous est soumis à l'instant.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 25   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

Page 3323

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir Monsieur

  2   Babic.

  3   LE TÉMOIN : MILAN BABIC [Assermenté]

  4   [Le témoin répond par l'interprète]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Babic, nous avons autorisé Me

  6   Mueller, votre conseil de la Défense à être présent dans ce prétoire. Si

  7   vous jetez un coup d'œil au-dessus de ce monceau de papier, vous verrez

  8   qu'il est assis là-bas. Je vous indique d'emblée que ceci devra être la

  9   dernière fois que vous le regarderez car il vous est interdit d'établir le

 10   moindre contact, notamment, oculaire, avec Me Mueller. Me Mueller a été

 11   averti du rôle qui pouvait être le sien.

 12   Je vous indique également que si à quelques moments, vous souhaitez

 13   demander l'opinion de M. Mueller, je dis cela, bien que, la Chambre ait

 14   expliqué à Me Mueller, qu'à son avis, il est peu probable qu'une quelconque

 15   situation survienne qui exigerait de vous que vous fassiez autre chose que

 16   fournir une réponse à des questions. Au cas où une autre situation

 17   surviendrait, vous pouvez vous adresser à moi mais pas à Me Mueller

 18   directement. Ceci est clair ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 21   Monsieur Tieger, c'est à vous.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Merci.

 23   Interrogatoire principal par M. Tieger :

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Babic.

 25   R.  Bonjour.

Page 3324

  1   Q.  Il y a un certain nombre d'éléments de contexte que j'aimerais évoquer

  2   avec vous. Vous êtes né en 1956, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous avez suivi des études médicales, vous avez fait des études pour

  5   devenir dentiste à Belgrade et vous avez été nommé directeur du centre

  6   médical de Knin en Croatie, est-ce exact ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Au cours de la période allant de 1990 à 1995, vous avez occupé certains

  9   postes politiques en Croatie, j'aimerais établir la liste de ceux-ci et

 10   vous demander à la fin de cette énumération si ces positions sont exactes.

 11   Vous étiez, en premier lieu, membre du comité régional du SDS, du parti

 12   démocratique serbe pour la Krajina en février 1990.

 13   R.  Excusez-moi, de Knin.

 14   Q.  Par la suite, vous êtes devenu président du comité central de Knin, en

 15   1990 également. Vous étiez président du comité régional de Krajina. Vous

 16   avez occupé le poste de président de la municipalité de Knin pendant quatre

 17   ans en commençant en 1990. Vous êtes devenu président de l'association des

 18   municipalités de la Dalmatie du nord et de Lika. Vous êtes devenu président

 19   du conseil national serbe, vous êtes devenu président du conseil exécutif

 20   pour la SAO de Krajina, le district autonome serbe de Krajina, vous étiez

 21   président de la SAO de Krajina en 1991. Vous étiez président de la

 22   République serbe de Krajina, la RSK, en 1991 et ce jusqu'en février 1992.

 23   Vous étiez président du parti SDS de Croatie après la mort de Jovan

 24   Raskovic. Vous étiez ministre des Affaires étrangères en RSK en 1994 et

 25   pendant un bref laps de temps, premier ministre de RSK en 1995. Est-ce

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  1   exact, Monsieur ?

  2   R.  Tout ceci est exact, mais je n'ai pas été président du SDS de Croatie

  3   mais président du SDS de Krajina, telle était la dénomination officielle.

  4   Ce n'était pas la Croatie dans son ensemble, mais uniquement la Krajina. Le

  5   reste est exact.

  6   Q.  En 2001, est-il exact de dire que vous avez contacté le bureau du

  7   Procureur au TPIY après avoir appris que votre nom avait été cité dans

  8   l'acte d'accusation de Slobodan Milosevic et vous êtes entré en contact

  9   avec le TPI afin d'expliquer le rôle que vous avez joué au cours de ces

 10   événements et pour essayer de mettre en lumière la vérité sur tous ces

 11   événements qui se sont déroulés en Croatie ?

 12   R.  C'est cela.

 13   Q.  Vous avez pris part à des entretiens en présence du bureau du Procureur

 14   et ce pendant de longues heures sans aucune garantie en contrepartie

 15   d'immunité, d'entrer en contact avec le bureau du Procureur. Est-ce exact ?

 16   R.  C'est cela.

 17   Q.  Est-il exact de dire que le 27 janvier 2004, vous avez plaidé coupable

 18   au sujet d'un crime contre l'humanité, à savoir, persécution pour votre

 19   participation à l'entreprise criminelle commune qui avait pour objet

 20   l'expulsion par la force de la majorité croate ainsi que des autres peuples

 21   non-Serbes d'environ un tiers du territoire de la République de Croatie

 22   afin de mettre en place un nouvel état dominé par les Serbes ?

 23   R.  Oui, conformément aux termes et au libellé que l'on trouve dans l'acte

 24   d'accusation.

 25   Q.  Ce plaidoyer de culpabilité a été accepté le lendemain par le Tribunal,

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  1   le 28 janvier. Est-ce exact ?

  2   R.  C'est cela.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, à ce stade de la

  4   procédure, puis-je demander que ce plaidoyer et l'exposé des faits puissent

  5   avoir une cote, s'il vous plaît ?

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P152.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, simplement pour vous en

  8   tenir informer puisque nous avons un calendrier un petit peu différent

  9   aujourd'hui, je souhaite faire une pause vers 12 heures 15, s'il vous

 10   plaît.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Je souhaite que l'on remette cette pièce au

 12   témoin, s'il vous plaît.

 13   Q.  Monsieur Babic, reconnaissez-vous ce document ? Reconnaissez-vous qu'il

 14   s'agit là de l'accord de plaider coupable ainsi que l'exposé des faits qui

 15   vous concerne ?

 16   R.  C'est cela. Je le reconnais.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que c'est la

 18   pratique habituelle de la Cour que de reporter le versement de documents au

 19   dossier jusqu'à la fin de la présentation des moyens.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En général, nous rendons une décision à

 21   la fin concernant le versement au dossier des pièces. Néanmoins, les

 22   numéros de cote sont toujours attribués.

 23   M. TIEGER : [interprétation] 

 24   Q.  Monsieur Babic, j'aimerais, maintenant, vous montrer un document qui a

 25   été versé dans le cadre d'une affaire où vous avez déjà témoigné, dans

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  1   l'affaire Milosevic.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Je souhaite que l'on donne le numéro de cote

  3   suivant à ce document, je pense qu'il doit s'agir de P153.

  4   Q.  Tout d'abord, Monsieur Babic, avant de témoigner dans l'affaire

  5   Milosevic, avez-vous eu l'occasion d'écouter un certain nombre de

  6   conversations téléphoniques interceptées qui vous aurait permis de

  7   reconnaître les participants en question ?

  8   R.  Oui, un grand nombre.

  9   Q.  Le document que vous avez sous les yeux est-il conforme à votre

 10   déclaration lorsque vous avez dit que vous aviez bien entendu les

 11   conversations téléphoniques interceptées, que vous avez reconnu les voix

 12   des personnes en question ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  S'agissait-il d'une déclaration véridique et concise ?

 15   R.  Oui. Seulement, excusez-moi, mais dans le texte en serbe je vois que le

 16   mot "priskuskivor" [phon] figure, à savoir que j'ai surpris. Je n'ai pas

 17   surpris ces conversations. J'ai simplement écouté des enregistrements. Je

 18   crois qu'il y a une connotation un peu différente entre la signification

 19   des deux mots.

 20   Q.  Dans la traduction du texte en anglais, dans la version anglaise que

 21   vous avez signée, on déclare comme vous l'avez dit, que vous avez écouté

 22   ces enregistrements, les conversations téléphoniques suivantes, et que, par

 23   conséquent, je recommande que la clarification que vous venez d'apporter

 24   soit précisée dans la version anglaise que vous avez signée, ce corroboré

 25   par la version anglaise que vous avez signée.

Page 3328

  1   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite que l'on

  2   montre au témoin un exemplaire de la déclaration qui a été présentée

  3   conformément à l'Article 89(F). Je demande à ce que ce document porte une

  4   cote. Il s'agit du P154, je pense.

  5   Q.  Monsieur Babic, le document que vous avez sous les yeux, pièce de

  6   l'Accusation P154, est une déclaration que vous avez vous-même faite devant

  7   le bureau du Procureur aux dates indiquées ici.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Confirmez-vous que cette déclaration est véridique et précise ?

 10   R.  Oui.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, avant de demander le

 12   versement de cette déclaration au dossier, nous allons soumettre à la

 13   Chambre les classeurs contenant les conversations téléphoniques

 14   interceptées.

 15   Q.  Monsieur Babic, je vais vous demander de mettre de côté ce document

 16   pendant quelques instants, s'il vous plaît. Vous avez eu l'occasion de

 17   revoir les positions que vous avez occupées à Knin et dans la Krajina au

 18   cours des années 1990 à 1995. Je souhaite reparler de l'année 1990 et vous

 19   demander si vous avez été présent au moment du rassemblement politique qui

 20   a donné lieu à la création du parti SDS en Croatie, en février 1990 ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-il exact de dire que vous avez rejoint le SDS en pensant qu'un

 23   nouveau parti était nécessaire pour représenter les intérêts particuliers

 24   de la région à dominance serbe ?

 25   R.  C'est cela, dans la région de Knin.

Page 3329

  1   Q.  Dans les élections qui ont suivies, est-il exact que le parti SDS a

  2   obtenu la majorité des voix dans quatre municipalités en Croatie, y compris

  3   votre propre municipalité de Knin, et après une seconde élection, vous avez

  4   obtenu la majorité des votes dans une autre municipalité encore ?

  5   R.  C'est cela. Au cours du deuxième tour des élections, c'était un

  6   deuxième tour d'élections.

  7   Q.  Est-il exact de dire qu'au mois de juillet 1990, le parti SDS a été

  8   créé en Bosnie-Herzégovine, est-ce exact ?

  9   R.  C'est cela, le jour de la Saint-Pierre, selon la liturgie orthodoxe.

 10   Q.  Le chef du parti SDS croate, le Dr Jovan Raskovic, a-t-il donné son

 11   appui à la formation du parti SDS en Bosnie au cours de la campagne

 12   électorale ?

 13   R.  Oui. Ainsi que l'élection du président du SDS en Bosnie-Herzégovine, le

 14   Dr Radovan Karadzic.

 15   Q.  Y a-t-il eu un conflit ou un différent à propos des membres composant

 16   le parti dans les différentes municipalités en Krajina de Bosnie, à savoir,

 17   les deux ou en Krajina de Bosnie, ou que ces deux comités appartiendraient

 18   au parti SDS en Bosnie-Herzégovine plutôt qu'au SDS de Croatie ?

 19   R.  Il y en a eu.

 20   Q.  Un peu plus tard en 1993, y a-t-il eu des efforts de déployés pour

 21   réunir les partis SDS en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, en Serbie et au

 22   Monténégro sous l'égide de M. Karadzic ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Quel a été le résultat de tout ceci ?

 25   R.  La majorité des instances du SDS s'est réunie sous la direction du Dr

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  1   Karadzic en un seul SDS de tous les Serbes, sauf l'instance du SDS que je

  2   présidais, notre instance du SDS ne s'est pas jointe à ce SDS réunifié.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le moment

  4   est venu pour faire une pause.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur Tieger. Nous

  6   allons suspendre l'audience jusqu'à midi 35.

  7   --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Avant de reprendre, nous allons

 10   siéger demain après-midi pendant une heure et demie. Quelle que soit

 11   l'assistance dont aura besoin la Défense, pour essayer de trouver des

 12   moyens de s'organiser demain après-midi, de faciliter la communication avec

 13   M. Krajisnik non seulement au cours de la pause de déjeuner, mais de toutes

 14   les manières possibles. La Chambre est, tout à fait, disposée à porter son

 15   aide et son assistance demain.

 16   La même chose s'applique à vendredi. Demain, il faudrait encore aborder ce

 17   point. Il y a même la possibilité de siéger pendant trois heures l'après-

 18   midi, cela dépendra de l'annulation d'une autre affaire demain après-midi,

 19   mais ceci n'est pas sûr à cent pour cent du tout, encore pour l'instant.

 20   Nous aurons, en tout cas, une heure et demie de plus demain après-midi

 21   jeudi, à partir de 12 heures 15, et la même chose vendredi. Premier point.

 22   Maintenant, il y a un autre point que je souhaite aborder. M. Mueller, je

 23   souhaite que vous écoutiez ceci attentivement. Si pour quelque raison que

 24   ce soit il serait préférable, la même chose s'applique aux deux parties, si

 25   pour une raison ou une autre, vous souhaitez qu'une partie du témoignage de

Page 3331

  1   M. Babic ne soit pas rendu public, pour d'autres raisons que celle citée

  2   auparavant et la raison pour laquelle nous sommes à huis clos, par exemple,

  3   pour des questions d'ordre personnel, ou quel que ce soit tout autre motif

  4   qui nécessiterait le maintien de la confidentialité de son témoignage. La

  5   Chambre souhaite être informée avant de rendre une décision sur les mesures

  6   de protection. Pour l'instant rien n'est rendu public, mais une fois que

  7   les mesures de protection à huis clos seront levées, à ce moment-là, tout

  8   sera rendu public, si certains passages pour quelque raison que ce soit

  9   doivent rester confidentiels, à ce moment-là, il ne faudra, évidemment, pas

 10   lever les mesures de protection ou envisager des mesures de protection pour

 11   certaines parties du témoignage concernant les questions qui pourraient

 12   être posées soit par la Défense, soit par l'Accusation. Il y a un risque

 13   que ceci puisse nous échapper, étant donné que tout est confidentiel pour

 14   l'instant. Il se peut que ceci nous échappe plus tard lorsque nous

 15   parlerons de certaines parties de ces déclarations.

 16   C'est pour éviter que nous fassions une erreur à un stade ultérieur.

 17   M. STEWART : [interprétation] Pour ce qui concerne le premier point que

 18   vous avez abordé, je ne sais pas si c'est quelque chose à propos de

 19   laquelle la Chambre peut nous assister ? Mais nous avons du mal à trouver

 20   le temps nécessaire pour nous entretenir avec M. Krajisnik.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez au niveau du  Quartier

 22   pénitentiaire.

 23   M. STEWART : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si, à la suite de cette audience vous

 25   pourriez nous en tenir informé, nous allons essayer de faire tout ce que

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  1   nous pouvons. Peut-être que vous pourriez, juste en l'espace de deux

  2   lignes, nous indiquer le contenu de vos souhaits. Nous verrons si nous

  3   pouvons trouver une solution à ce problème.

  4   M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Notre point qui

  5   est le suivant, la difficulté qui pourrait se poser comme je l'ai évoquée,

  6   il y a 45 minutes, il s'agit vraiment d'un euphémisme à l'anglaise. Je

  7   crois que ceci n'est pas rendu moins difficile par la proposition qui vient

  8   d'être faite par la Chambre de première instance concernant les deux jours

  9   qui vont suivre.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre en est, tout à fait,

 11   consciente.

 12   Monsieur Tieger, vous pouvez poursuivre.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 14   Q.  Monsieur Babic, avant la suspension d'audience, vous avez parlé de la

 15   mise en place du SDS en Croatie ainsi que de la création du parti SDS en

 16   Bosnie-Herzégovine, en 1990. Ces événements se sont-ils produits à un

 17   moment où il y avait des inquiétudes croissantes à propos de la

 18   désintégration ou du démantèlement de l'Yougoslavie.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Connaissiez-vous bien ou avez-vous appris à connaître la position de

 21   Slobodan Milosevic à propos du statut des Serbes et l'attitude à adopter

 22   par les Serbes dans le cas où on assisterait au démantèlement de

 23   l'Yougoslavie ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Pourriez-vous nous en parler davantage, s'il vous plaît ?

Page 3333

  1   R.  La position était la suivante, elle consistait à penser que les Serbes

  2   avaient le droit de rester ensemble, à savoir, au sein d'un seul et même

  3   état.

  4   Q.  Monsieur Babic, j'aimerais que vous regardiez maintenant une carte.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Je souhaite que l'on donne une cote à cette

  6   pièce de l'Accusation suivante ainsi qu'une traduction en l'annexe.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit du numéro P155.

  8   M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis être excusé

  9   pendant quelques instants, s'il vous plaît.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

 11   Dans le compte rendu d'audience, on est indiqué que vous serez exécuté par

 12   la Chambre.

 13   M. STEWART : [interprétation] Je crois qu'on en viendrait à cela de toute

 14   façon. Bon, très honnêtement, je pense que de toute façon c'est le sort qui

 15   me serait réservé pour finir.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous serons heureux de vous revoir un

 17   peu plus tard.

 18   M. TIEGER : [interprétation]

 19   Q.  Avant de vous poser des questions précises sur la carte en question, il

 20   serait peut être utile de nous préciser ce que cette carte décrit de façon

 21   générale. Est-il exact de dire que la partie haute de la carte, y compris

 22   la partie que l'on voit sur la partie gauche représente le territoire de la

 23   République Serbe de Krajina ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  La portion que nous voyons au milieu, en bas de la carte, est-ce que

Page 3334

  1   cela représente la situation des Serbes en Croatie, y compris dans les

  2   banlieues conformément au recensement qui a été fait le 31 mars 1991.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Je vais maintenant passer à la partie qui se trouve à côté et qui est

  5   représentée en jaune, en bas à droite de la carte, mais sans tenir compte

  6   de la légende, est-ce qu'il s'agit là d'une carte représentant le génocide

  7   des Oustachi contre le peuple serbe sur le territoire d'un état indépendant

  8   de Croatie entre les années 1941 et 1945 ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Les points décrits sur cette carte sont les points qui représentent les

 11   endroits où le génocide a été commis par les Oustachi, représentent des

 12   camps de concentration, et cetera ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Pour finir la partie du bas, en bas à droite de la carte, où on voit la

 15   légende que l'on voit maintenant à l'écran, est-ce que ceci représente la

 16   population de la Krajina en terme de chiffres ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  A partir de 1993, tel qu'il est indiqué par la partie en italique au

 19   bas de la deuxième colonne.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Je souhaite, maintenant, porter votre attention sur cette légende plus

 22   précisément. Si vous regardez, en premier lieu, la première partie qui est

 23   décrite dans cette partie ici, Slavonie orientale, Srem et Baranja

 24   occidentale, est-ce que ceci représente la composition démographique de

 25   cette région en 1993 ?

Page 3335

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Ceci représente 95 % de Serbes, 4 % de Croates et 1 % autres.

  3   R.  C'est ce qui est écrit.

  4   Q.  Je vais maintenant passer aux autres régions. Banija, qui est indiquée

  5   juste en dessous, 97 % de Serbes, 2 % de Croates et 1 % autres.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Kordun, 98 % de Serbes, 2 % de Croates.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Rapidement, Lika Dalmatie du nord, 93 % de Serbes, 5 % de Croates, 2 %

 10   autres, et Dalmatie du nord 90 % de Serbes, 10 % autres.

 11   R.  Oui.

 12   Mme LOUKAS : [interprétation] Concernant cette carte et les éléments de

 13   preuve présentés, il ne nous apparaît pas très clairement comment, ou si M.

 14   Babic était en mesure, ou quel est son point de vue ici lorsqu'il apporte

 15   des commentaires sur la composition démographique. Je ne pense pas que l'on

 16   jette ici les fondations pour une expertise eu égard à des questions

 17   démographiques dans la région.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Tieger.

 19   M. TIEGER : [interprétation] J'essaie de poser deux questions sur cette

 20   carte.

 21   Q.  Monsieur Babic, savez-vous comment cette carte a été dessinée ?

 22   R.  Cette carte a été établie par l'institut militaire de Belgrade. Je ne

 23   sais pas quel est le nom exact de cette institution. Peut-être figure-t-il

 24   quelque part par écrit. J'ai eu l'original de cette carte entre les mains.

 25   Elle vient de l'institut de publication des armées ou quelque chose comme

Page 3336

  1   cela. C'est le terme que l'on utilise généralement pour toutes les

  2   publications émanant de cet institut à Belgrade. Quant aux renseignements

  3   qui figurent sur cette carte, on voit qu'il y est dit qu'elle provient du

  4   QG militaire de la Krajina en juin 1993.

  5   Q.  D'après la composition démographique de ces régions que nous venons

  6   d'aborder, est-ce que ceci est conforme avec la manière dont vous aviez

  7   compris la composition démographique en 1993 ?

  8   R.  A peu près, je n'avais pas les chiffres exacts mais je suppose, sur la

  9   base de ce que j'ai pu voir, que les choses pouvaient correspondre à cela,

 10   c'est-à-dire, être conforme à cela ou à peu près conforme à cela.

 11   Q.  Je vais maintenant porter votre attention et repartir un petit peu en

 12   arrière à l'année 1990 ainsi qu'à un certain nombre de régions, en

 13   particulier. Pourriez-vous dire à la Chambre, s'il vous plaît, quelle était

 14   la composition démographique en Slavonie orientale en 1990, s'il vous

 15   plaît ?

 16   R.  Selon mon estimation personnelle, la moitié de la population était

 17   constituée de Serbes et d'Yougoslaves et la deuxième moitié de la

 18   population était constituée des Croates et des autres.

 19   Q.  D'après votre meilleure estimation possible quelle était la composition

 20   démographique de Banija ?

 21   R.  75 % de Serbes à peu près et 30 % à peu près d'autres appartenances

 22   ethniques à peu près.

 23   Q.  Quelle était la composition démographique de Kordun en 1990 s'il vous

 24   plaît ?

 25   R.  Il me semble qu'il devait y avoir à peu près 80 % de Serbes et à peu

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  1   près 20 % d'autres nationalités.

  2   Q.  Je vais repartir un petit peu en arrière et vous citer votre dernière

  3   réponse. D'après votre réponse, vous avez indiqué que la Banija avait

  4   environ 75 % de Croates et 30 % d'autres, environ. Je souhaite savoir si

  5   ces chiffres démographiques sont exacts. Comment arrivez-vous à concilier

  6   ces éléments que vous avez ajoutés par la suite.

  7   R.  Non. Je pense que c'était une erreur d'interprétation ou j'ai dit 75 %

  8   de Serbes et 30 % d'autres, à moins que peut-être je n'aie fait un lapsus,

  9   c'est possible.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il reste encore 105 % si on fait le

 11   total "environ" en tout cas. Je crois que c'est le chiffre. C'est ce qui a

 12   été dit, Monsieur Tieger.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   Enfin 25 % à 30 %. Excusez-moi. Je prends le pourcentage des Serbes et pour

 15   le pourcentage des autres appartenances ethniques, je la déduis par

 16   supposition.

 17   M. TIEGER : [interprétation]

 18   Q. Pourriez-vous également indiquer quelle était la segmentation

 19   démographique approximative de la Lika en 1990 ?

 20   R.  Je pense qu'il y avait à peu près 80 % de Serbes dans la Lika et 20 %

 21   d'autres appartenances ethniques et la même chose pour la Dalmatie du nord,

 22   à peu près.

 23   Q.  Monsieur Babic --

 24   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas.

Page 3338

  1   Mme LOUKAS : [interprétation] S'il doit y avoir d'autres questions de cette

  2   nature, autrement dit liées à la démographie, je dirais qu'à mon avis les

  3   propos de quelqu'un qui n'est pas démographe n'ont pas de valeur probante

  4   particulière dans ce cas. Mon objection repose sur ce point.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je poserai une question à M. Tieger.

  6   Monsieur Tieger, l'établissement des pourcentages de répartition

  7   démographique sont-ils destinés de votre part à apprendre ce que le témoin

  8   pense des décisions politiques qui peuvent avoir été prises à l'époque ou

  9   quelle peut en être la raison ?

 10   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, la précision relative

 11   en tout cas de la description de la situation démographique de la part du

 12   témoin fait partie des moyens de preuve de l'Accusation. Manifestement ceci

 13   n'a pas pour but d'obtenir des chiffres précis comme ceux qui pourraient

 14   provenir d'un expert démographe mais nous parlons tout de même --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que vous souhaitez savoir c'est

 16   quelle est la perception qu'avait le témoin de la répartition ethnique ou

 17   démographique, n'est-ce pas ? Dois-je comprendre que plus tard nous

 18   obtiendrons un rapport plus détaillé sur la question car il s'agit ici

 19   surtout de la situation en Croatie et non en Bosnie-Herzégovine. Est-il

 20   prévu que plus tard nous ayons un moyen de preuve complémentaire sur ces

 21   questions démographiques ?

 22   M. TIEGER : [interprétation] Ce n'était pas mon intention, Monsieur le

 23   Président.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin pas avec ce témoin peut-être mais

 25   plus tard au cours de la procédure. Un rapport de

Page 3339

  1   Mme Tabeau, peut-être --

  2   M. TIEGER : [interprétation] Je ne saurais dire en ce moment de quelle

  3   façon les évolutions de la composition démographique en Croatie est en

  4   cause mais l'objet des questions posées en ce moment ne concerne pas

  5   l'obtention de chiffres précis ou de pourcentage précis mais simplement

  6   d'établir des proportions qui peuvent être commentées par quelqu'un qui se

  7   trouve dans la position du témoin aujourd'hui.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, si vous demandez à un

  9   Néerlandais dans quelle région vit la majorité catholique du pays, si c'est

 10   au nord ou au sud vous obtiendrez la réponse consistant à vous dire que

 11   99,9 % vivent dans le sud. Je vous cite ceci à titre d'exemple. Je vous le

 12   dis sans avoir fait la moindre étude démographique mais je vous garantis

 13   que cette réponse est exacte.

 14   Il n'est pas forcément nécessaire d'avoir fait des études démographiques

 15   pour pouvoir répondre à des questions démographiques de ce genre.

 16   Mme LOUKAS : [interprétation] Je m'en rends tout à fait compte, Monsieur le

 17   Président, mais à partir des questions posées par M. Tieger, il est

 18   difficile en tout cas, à première vue de voir quelle peut être la valeur

 19   probante des réponses fournies par le témoin sur ce point et ce, dans

 20   l'intérêt des Juges de cette Chambre. Je souhaitais avoir une explication

 21   sur ce point, à savoir, dans quel sens va la déposition.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous apporter votre aide,

 23   Monsieur Tieger, en dehors d'avoir une idée générale de la situation

 24   démographique, quelle peut être la pertinence particulière de toutes ces

 25   questions relatives à la démographie en Croatie.

Page 3340

  1   M. TIEGER : [interprétation] Il peut être utile à la Chambre de savoir que

  2   les questions que je pose au témoin ont pour but d'introduire un débat sur

  3   l'évolution démographique.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez procéder.

  5   M. TIEGER : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Babic, pourriez-vous, je vous prie nous expliquer et dire aux

  7   Juges de la Chambre ce qui a expliqué les changements démographiques dans

  8   ces régions ?

  9   R.  En 1991, il y a eu un conflit armé en Croatie au cours duquel une

 10   grande partie des habitants de cette région, des Croates ont été expulsés.

 11   Q.  Pourriez-vous nous dire, je vous prie, quelles sont les forces qui ont

 12   participé à ces efforts en vue d'expulser les Croates de cette région ?

 13   R.  Au cours de l'opération militaire menée par la JNA, la Défense

 14   territoriale et les unités sous le contrôle de la police, dans lesquelles

 15   on englobe également les forces de la police de Krajina, ce sont dont les

 16   forces qui ont participé aux conflits armés et qui sont responsables de ces

 17   expulsions. 

 18   Q.  Au cours de votre déposition dans l'affaire Milosevic ainsi que dans la

 19   synthèse des faits qui a été établi sur la base de vos propos, vous avez

 20   utilisé l'expression "structure parallèle", pourriez-vous, je vous prie,

 21   nous dire ce qu'était une structure parallèle ?

 22   R.  Une structure parallèle, c'est la structure parallèle du pouvoir et du

 23   gouvernement qui, sur le territoire de la région indépendante serbe de

 24   Krajina, a permis de créer des services de Sécurité de l'état de Serbie,

 25   qui étaient parallèles par rapport aux instances du pouvoir de Krajina et

Page 3341

  1   qui concernaient les représentants des services de Sécurité de l'état de

  2   Serbie, les représentants de la police de Serbie, et les représentants du

  3   parti démocratique serbe.  Au sommet de cette structure parallèle, bien

  4   sûr, on trouvait Slobodan Milosevic, chef des services de sécurité de

  5   l'état, qui pour autant que je le sache, exerçait son contrôle sur ces

  6   instances.

  7   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, nous dire quelles étaient les

  8   personnalités principales au sein de ces structures parallèles ?

  9   R.  C'étaient les représentants des services de Sécurité de l'état de

 10   Serbie, Milan Martic, le capitaine Dragan, Jovica Stanisic, Frenki

 11   Simatovic. C'étaient eux qui étaient les personnalités qui étaient les plus

 12   en vue au sein de ces structures.

 13   Q.  Vous avez dit qu'au sommet de cette structure parallèle, on trouvait

 14   Slobodan Milosevic. Quel était le rapport entre Jovica Stanisic et Slobodan

 15   Milosevic.

 16   R.  Subordonné.

 17   Q.  Vous avez également parlé de Franko Simatovic. Quel était son rapport

 18   avec M. Milosevic ou avec Jovica Stanisic ?

 19   R.  Subordonné.

 20   Q.  Quel était le rapport entre Simatovic et Stanisic ?

 21   R.  Subordonné, pour autant que je le sache. Quand j'ai parlé de Stanisic,

 22   ce que je voulais dire c'est qu'il était subordonné à Milosevic. Je ne sais

 23   pas ce qui est écrit ici sur l'écran, et ce qui a été interprété.

 24   Q.  Mais en dehors de M. Milosevic, quelle était la position de M. Stanisic

 25   au sein des personnalités qui exerçaient une autorité dans cette structure

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  1   parallèle en Croatie ?

  2   R.  Il était le chef.

  3   Q.  Vous avez parlé de Milan Martin en tant que membre de cette structure

  4   parallèle. Occupait-il également un poste officiel lui octroyant une

  5   certaine autorité au sein des structures gouvernementales au nombre des

  6   autorités serbes présentes en Croatie ?

  7   R.  Il avait de telles fonctions. Officiellement il faisait partie des

  8   structures du pouvoir de la région autonome serbe de Krajina, la SAO de

  9   Krajina, alors qu'en fait, il faisait partie de ces structures parallèles.

 10   Q.  Quand vous êtes-vous rendu compte pour la première fois que des

 11   personnalités, membres de ces structures parallèles, commençaient à jouer

 12   un rôle dans les évènements de Croatie ?

 13   R.  En août 1990.

 14   Q.  Qu'est-t-il arrivé à ce moment qui vous a fait prendre conscience de ce

 15   fait ?

 16   R.  Il y a eu ce qu'il est convenu d'appeler la révolution des troncs

 17   d'arbres, à savoir, un affrontement entre les Serbes de la région des

 18   environs de Knin et la police de Knin, et les autorités croates. C'est ce

 19   que l'on a appelé la révolution des troncs d'arbres. En tout cas, ce sont

 20   les médias, la presse croate, qui l'ont appelé ainsi. A l'époque où ces

 21   évènements se déroulaient, j'ai rencontré Jovica Stanisic, qui entretenait

 22   des contacts avec Martic.  C'est à ce moment-là que j'ai commencé à me

 23   rendre compte de l'existence de cette structure parallèle.

 24   Q.  Pouvez-vous décrire en quelques mots les évènements qui ont entouré ce

 25   qu'il est convenu d'appeler la révolution des troncs d'arbres, et quel a

Page 3343

  1   été le rôle de M. Martic et de M. Stanisic dans ces évènements ?

  2   R.  Les évènements ont commencé suite à des divergences politiques en

  3   Croatie entre les autorités croates, le gouvernement croate, qui était en

  4   train de modifier la constitution de la République de Croatie, et les

  5   Serbes et leurs propres représentants politiques, notamment, le SDS, qui

  6   s'opposait à ces changements constitutionnels, car il les considérait comme

  7   étant dommageables pour le peuple serbe.

  8   Ces divergences ont culminé au moment de la tenue du conseil national

  9   serbe, qui a décidé l'organisation d'un référendum au sujet de l'autonomie

 10   serbe en Croatie. Un autre point culminant était la décision du

 11   gouvernement croate d'empêcher la tenue de ce référendum. Tous les autres

 12   incidents se sont déroulés par la suite, notamment, l'incident qui a

 13   concerné la participation de la police locale de Knin, et de Milan Martic,

 14   à ces évènements, à savoir, la distribution d'armes aux réservistes de la

 15   police, et l'érection de barrages routiers ainsi que l'apparition d'une

 16   opposition armée. Là encore, je répète qu'il s'agit du début de tous ces

 17   évènements.

 18   Q.  Vous avez dit un peu plus tôt que la JNA et la Défense territoriale

 19   avaient également participé aux efforts destinés à expulser la population

 20   vivant dans certaines régions de Croatie. Qui commandait ou contrôlait la

 21   JNA ?

 22   R.  C'était sur le plan opérationnel l'état-major de l'armée populaire

 23   yougoslave à Belgrade, et le QG du commandement suprême en cas de danger

 24   imminent de guerre ou d'état de guerre, à savoir, la présidence de

 25   l'Yougoslavie, qui exerçait dans ces conditions le commandement suprême. A

Page 3344

  1   ma connaissance, dans de telles conditions, Slobodan Milosevic, étant la

  2   personnalité politique la plus influente en Serbie, et qui au cours des

  3   évènements de l'automne 1993 exerçait son contrôle et son influence sur la

  4   JNA, est concerné au premier chef.

  5   Q.  Durant les contacts que vous avez eus avec M. Milosevic dans la période

  6   1990 à 1991, avez-vous eu l'occasion de le voir indiquer qu'il exerçait un

  7   contrôle sur la JNA ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Je vous demande d'abord à combien de reprises, à peu près, vous avez

 10   rencontré M. Milosevic dans la période allant de 1990 à 1995 ?

 11   R.  Un certain nombre de fois. En 1990.

 12   Q.  Je vous poserai encore cette question. A combien de reprises au total

 13   avez-vous rencontré M. Milosevic ?

 14   R.  Une vingtaine de fois.

 15   Q.  De quand date votre premier contact avec M. Milosevic ?

 16   R.  Un contact direct, en août 1990.

 17   Q.  Etiez-vous à l'initiative de ce contact, ou avez-vous été incité à

 18   établir un contact avec lui par des tiers ?

 19   R.  Ce sont des tiers qui m'ont incité à entrer en contact avec M.

 20   Milosevic.

 21   Q.  Qui vous a incité à le faire ?

 22   R.  Milan Martic, Bogoljub Popovic et d'autres représentants encore du SDS,

 23   des gens de la Krajina. Ils m'ont demandé d'aller voir Milosevic pour lui

 24   demander sa protection, précisément au sujet des événements dont nous

 25   parlions tout à l'heure, à savoir, les affrontements politiques avec le

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  1   gouvernement croate, l'annonce du référendum au sujet de l'autonomie serbe

  2   par rapport à la Croatie et l'annonce par le gouvernement croate qu'il

  3   s'apprêtait à empêcher par la force la tenue de ce référendum. Telles

  4   étaient les circonstances ultimes.

  5   Q.  Avez-vous pu entrer en contact avec M. Milosevic à ce moment-là ?

  6   R.  Je suis entré en contact avec lui à Kupari, près de Dubrovnik. C'est là

  7   que se trouvait Milosevic à ce moment-là.

  8   Q.  M. Milosevic vous a-t-il dit s'il s'apprêtait à soutenir les Serbes de

  9   Croatie ? Si oui, de quelle façon ?

 10   R.  Il me l'a fait savoir par le biais de Borislav Jovic. En effet, il nous

 11   a envoyés auprès de Borislav Jovic qui était, à l'époque, président de la

 12   présidence de la RSFY afin que ce dernier nous le dise, nous dise quelles

 13   étaient les mesures qu'il allait prendre.

 14   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que M. Jovic vous a dit ?

 15   R.  Jovic a dit qu'il allait soutenir tous les combats politiques que nous

 16   nous apprêtions à mener en Croatie avec l'aide de la JNA, ou plutôt pour

 17   être plus précis, qu'il soutenait tous nos efforts politiques en Croatie et

 18   que la JNA recevrait l'ordre de le faire.

 19   Q.  Avant de passer à autre chose, j'aimerais rapidement déterminer quelles

 20   ont été certaines des mesures politiques qui ont été prises au moment des

 21   élections et jusqu'à la déclaration de la création de la République serbe

 22   de Krajina en décembre 1991.

 23   M. Babic, la première de ces mesures a-t-elle consisté à créer

 24   l'association des municipalités de la Dalmatie septentrionale et de la Lika

 25   qui exprimait le souhait de la population serbe de la région d'instaurer

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  1   l'autonomie serbe en Croatie ?

  2   R.  Ceci a été l'un des premiers événements politiques.

  3   Q.  Quelle municipalité était intégrée à cette association des

  4   municipalités ?

  5   R.  Il s'agissait d'une association des municipalités de la Dalmatie

  6   septentrionale et de la Lika, à laquelle se sont adjointes par la suite les

  7   municipalités de Kordun et de la Banija.

  8   Q.  Cette association englobait-elle Knin, Benkovac, Gracac, Donji Lapac,

  9   Obrovac, et Titova Korenica au départ ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Le 25 juillet 1990, le SDS de Croatie a-t-il proclamé l'autonomie, ou

 12   déclaré l'autonomie du peuple serbe de Croatie ?

 13   R.  Ce n'est pas le SDS qui a proclamé l'autonomie, mais l'assemblée serbe

 14   qui s'est tenue en Serbie à l'initiative du SDS qui était responsable de la

 15   convocation de cette réunion.

 16   Q.  Un conseil national serbe a-t-il été créé également à ce moment-là ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Le même jour, les membres du conseil national serbe ont-ils également

 19   été élus ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Je crois que vous avez déjà indiqué que vous étiez devenu président un

 22   jour de ce conseil national serbe, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, lors de la première séance qui a suivi.

 24   Q.  Durant la première réunion du conseil national serbe, celui-ci a-t-il

 25   voté l'organisation d'un référendum aux fins de déterminer quels étaient

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  1   les pourcentages favorables et défavorables à la déclaration d'autonomie au

  2   sein de la population ?

  3   R.  Oui. Il a été décidé d'adopter le référendum, ou plutôt d'organiser un

  4   référendum sur cette question de l'autonomie.

  5   Q.  Ce référendum a-t-il fini par avoir lieu ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-il exact que la majorité écrasante des voix qui se sont exprimées

  8   était favorable à l'autonomie ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Par la suite, le 30 septembre 1990, le conseil national serbe a-t-il

 11   déclaré l'autonomie du peuple serbe sur les territoires ethniques où il

 12   résidait historiquement, et à l'intérieur des frontières de la République

 13   de Croatie, en tant qu'unité fédérale de la République socialiste

 14   fédérative d'Yougoslavie ?

 15   R.  Oui, sur la base des résultats du référendum.

 16   Q.  Quelques mois plus tard, fin décembre 1990, l'association des

 17   municipalités de la Dalmatie septentrionale et de la Lika s'est-elle

 18   transformée pour devenir une entité différente ?

 19   R. Oui.

 20   Q. Cette nouvelle entité était-elle la région autonome serbe de Krajina, la

 21   SAO de Krajina ?

 22   R.  Vous avez dit district. En fait, il s'agissait de région autonome

 23   serbe, Srpska autonomna [inaudible].

 24   Q.  Est-il exact que le statut de la SAO de Krajina demandait entre autre

 25   une chose l'autonomie territoriale de cette région par rapport à la

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  1   Croatie ?

  2   R.  On ne devrait pas dire demander; il établissait cet autonomisme. 

  3    Q.  Comme vous l'avez dit plus tôt, est-ce bien en décembre 1991 que la

  4   République serbe de Krajina a été créée ? Est-ce exact ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Monsieur Babic, j'aimerais à présent que nous nous écartions quelque

  7   peu des mesures politiques qui ont été prises pendant cette période, pour

  8   en revenir au descriptif de certains faits qui ont provoqué le conflit en

  9   août 1991, ou en tout cas, qui ont intensifié le conflit en août 1991.

 10   Paragraphe 16 du relevé des faits vous concernant, vous indiquez à ce

 11   niveau du document que la structure parallèle a fait son apparition en août

 12   1990, quelle se composait des membres du ministère de l'Intérieur de

 13   Serbie, de la police des municipalités serbes de Croatie qui, finalement,

 14   étaient directement et exclusivement responsables devant Slobodan

 15   Milosevic. Vous avez dit quelles étaient les personnalités principales de

 16   cette structure parallèle dont on trouve une mention ici, n'est-ce pas ?

 17   R.  Je n'entends pas l'interprétation.

 18   Q.  Monsieur Babic, entendez-vous l'interprétation à présent ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Je ne sais pas à quel moment l'interprétation s'est arrêtée, mais

 21   j'appelais votre attention sur le paragraphe 16 du relevé des faits dans

 22   lequel vous parlez de l'apparition de la structure parallèle en août 1990,

 23   en disant que celle-ci comprenait un certain nombre de composantes qui,

 24   finalement, étaient directement et exclusivement responsables devant M.

 25   Milosevic. Vous y parlez également d'un certain nombre des personnalités

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  1   principales de cette structure parallèle. Vous le faites également à

  2   l'intention des Juges.

  3   Dans ce paragraphe 16, on lit également que par le biais de cette structure

  4   parallèle, Milosevic créait des incidents qui provoquaient des réactions et

  5   la peur parmi les Serbes et intensifiaient l'intervention de la police

  6   croate. Il y a eu escalade de ces événements du point de vue de

  7   l'intolérance, de la violence, qui, finalement, a débouché sur la guerre.

  8   J'aimerais à présent vous interroger au sujet de certains des incidents qui

  9   ont été provoqués par ces membres de la structure parallèle. Au nombre de

 10   ces incidents, est-ce qu'on peut parler du plastiquage d'un certain nombre

 11   de commerces et de kiosques qui étaient tenus par des Albanais et des

 12   Croates ?

 13   R.  Entre autres, oui.

 14   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quelle était la nature

 15   générale des incidents provoqués par des membres de cette structure

 16   parallèle, et quelle a été la réaction de peur de la part des Serbes ?

 17   R.  Ce que je peux dire, c'est que cette réaction a été une réaction à des

 18   tentatives d'un certain nombre de présidents de municipalités et de moi-

 19   même dans la région, qui nous sommes efforcés de conclure un accord avec

 20   les représentants du gouvernement croate pour trouver une solution

 21   pacifique aux problèmes qui existaient. Nous cherchions à établir un

 22   terrain d'entente. Suite à la résistance opposée par le conseil du peuple

 23   qui s'opposait à la quête d'une solution pacifique, la structure parallèle

 24   a été responsable d'un certain nombre d'incidents sur place, notamment, de

 25   plastiquage, d'installation de chemins de fer, de plastiquage ou de

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  1   destruction d'un certain nombre de kiosques qui servaient de commerce, d'un

  2   certain nombre de violence contre des citoyens, et cetera et, notamment, de

  3   tentatives de détruire des lignes électriques. Ces incidents mêmes

  4   impliquaient des pannes d'électricité destinées à créer des problèmes

  5   encore plus graves. Tout cela avait pour but de provoquer l'intervention de

  6   la JNA et de créer l'état d'urgence en Croatie.

  7   Q.  Dans la période allant de 1990 à 1991, les Serbes de Croatie ont-ils

  8   reçu des armes de la part de certains membres de la structure parallèle, ou

  9   en tout cas, ont-ils reçu des armes venant de l'extérieur de la Croatie ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  M. Milosevic, en personne, a-t-il fourni des armes aux Serbes de

 12   Croatie ?

 13   R.  En Croatie, oui.

 14   Q.  Comment avez-vous appris cela ?

 15   R.  De sa bouche personnellement et de la bouche de son ministre de la

 16   police.

 17   Q.  Pourriez-vous décrire à l'intention de la Chambre de première instance

 18   comment et dans quelles réunions avez-vous appris de la part de M.

 19   Milosevic qu'il fournissait des armes aux Serbes de Croatie ?

 20   R.  C'est une réunion qui s'est tenue au mois de mars 1991. La situation

 21   était tendue également à ce moment-là. Je ne me souviens pas aujourd'hui

 22   qui a été à l'origine de la proposition d'aller voir Milosevic pour

 23   demander à Milosevic de quelle façon il avait l'intention de protéger les

 24   Serbes de Croatie, mais cela a eu lieu au cours de la réunion à laquelle

 25   j'assistais ainsi que d'autres représentants de Krajina.

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  1   Milosevic, lorsque nous sommes allés le voir, nous a dit qu'il avait déjà

  2   acheté 20 000 pièces d'armement à notre intention en Hongrie. Nous nous

  3   sommes regardés les uns les autres. Nous étions un peu étonnés. Je n'étais

  4   pas au courant de cela. Il me paraissait assez étonnant d'entendre

  5   Milosevic dire qu'à ce moment-là, il achetait des armes en Hongrie, alors

  6   que les médias disaient que c'était la Croatie qui achetait des armes en

  7   Hongrie. A ce moment-là, il a invité Radmilo Bogdanovic et Stanisic à

  8   s'exprimer. Radmilo Bogdanovic a dit que 500 pièces d'armement avaient déjà

  9   été expédiées.

 10   Un peu plus tard, au mois de mai, j'ai vu parce qu'on me l'a montré, des

 11   armes dans un dépôt d'armes dont on m'a dit quelles venaient des entrepôts

 12   de la Défense territoriale de Serbie, à savoir, de l'organisation de Mihalj

 13   Kertes, un homme très proche de Milosevic et de Jovica Stanisic.

 14   Q.  Monsieur Babic, qui vous a montré l'entrepôt où se trouvaient les armes

 15   en mai 1991 ?

 16   R.  Milenko Zelenbaba, le chef de la police de Knin, l'adjoint de Martic.

 17   Q.  De quel type d'armes s'agissait-il ? Quel type d'armes vous a-t-on

 18   montré ?

 19   R.  Des armes à canon long, des fusils et des mortiers.

 20   Q.  Vous avez fait état de M. Kertes. Est-ce qu'il avait un surnom ?

 21   R.  Braco.

 22   Q.  Si je vous ai bien compris, vous avez appris lors de cette conversation

 23   avec M. Zelanbaba que la source des armes était les entrepôts de la Défense

 24   territoriale en Serbie.

 25   R.  Oui.

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  1   Q.  Monsieur Babic, vous avez déjà indiqué que lors de notre témoignage

  2   dans l'affaire Milosevic, lors de votre préparation vous avez pu écouter

  3   une série de conversations placées sur écoute, et j'aimerais, justement,

  4   attirer votre attention sur l'une de ces écoutes.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, vous pourrez trouver la

  6   transcription de cette écoute à la page 5 de la liste des conversations

  7   placées sur écoute. Il s'agit d'une conversation qui a eu lieu le 24 juin

  8   1991. Il s'agit d'une conversation entre Radovan Karadzic et Braco.

  9   Q.  Je vous demanderais d'abord, M. Babic, si vous connaissez cette écoute

 10   téléphonique. Si vous vous en souvenez ?

 11   R.  Oui. Je me souviens d'avoir entendu cette conversation enregistrée.

 12   Elle a été diffusée dans le prétoire.

 13   Q.  J'aimerais vous interroger au sujet d'une partie de cet enregistrement.

 14   Dans cet enregistrement, il est fait référence à un certain nombre

 15   d'aliments et un supermarché, si je me souviens bien, il y est question de

 16   sel.

 17   R.  Oui, de piles électriques et ce genre de chose.

 18   Q.  A la page 3 de la traduction anglaise, je vois qu'il est, également,

 19   fait mention de farine. Etait-ce des produits qui intéressaient l'activité

 20   de M. Kertes, de Braco à votre connaissance ?

 21   R.  A ce moment-là, je ne savais pas qu'il s'occupait de ce genre de chose.

 22   Je savais qu'il s'occupait d'approvisionnement en armes en provenance de

 23   Serbie, d'expédition d'armes partant de Serbie à destination de la Krajina.

 24   Q.  Pouvez-vous nous aider, dans ces conditions, à mieux comprendre ces

 25   références à de la farine, à du sel, à un supermarché, et cetera ? Sont-ce

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  1   des références aux produits mentionnés ou faut-il chercher un autre sens à

  2   l'emploi de ces termes dans la conversation ?

  3   R.  A mon avis, c'est une conversation codée. Ce dont il est question ce

  4   sont des armes.

  5   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, à propos des questions

  6   qui ont été posées sur la conversation placée sur écoute, j'ai une

  7   objection. J'ai, d'ailleurs, une objection d'ordre général à propos de

  8   questions qui demandent au témoin de spéculer, de spéculer sur ce dont

  9   parlent d'autres personnes. Je pense que cela a une valeur assez limitée

 10   pour la Chambre de première instance. En règle générale, les conversations

 11   placées sur écoute permettent, à la Chambre de première instance, de

 12   déterminer quel poids leur accorder et quelle approche adopter par rapport

 13   à ce que ces conversations placées sur écoute représentent. Demander à

 14   quelqu'un de faire des observations sur des conversations de d'autres

 15   personnes, alors que l'on a pas, véritablement, établi la base précise, et

 16   le sens de la dite conversation. En ce sens, il faudrait faire preuve de

 17   circonspection parce que cela peut amener à une certaine spéculation. Je

 18   voulais juste vous mettre en garde.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, il s'agit d'une mise en

 20   garde à votre égard.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, j'accepte cela et il

 22   appartient au Tribunal de dégager les conclusions à partir des moyens de

 23   preuve présentés. Par ailleurs, je pense qu'il est tout à fait courant de

 24   demander à quelqu'un qui vient d'un contexte particulier d'identifier

 25   certains aspects d'une conversation, notamment, lorsqu'il s'agit d'une

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  1   conversation codée.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, poursuivez, je vous

  4   prie. Je ne pense pas qu'il ne soit pas approprié de demander à un témoin,

  5   si deux dirigeants politiques ou en tout cas deux personnalités politiques

  6   parlent de farine, de choux-fleurs, et d'autres légumes afin d'essayer de

  7   savoir ce que cela représente, si cela représente autre chose hormis du

  8   sel, de la farine et des choux- fleurs.

  9   Maître Loukas, à titre d'information, si un témoin vous disait qu'il s'agit

 10   de drogues plutôt que d'armes, il est évident que la Chambre ne suivra pas

 11   forcément le témoin qui indiquerait qu'il s'agit de drogues. Il ne s'agit

 12   pas de spéculation pure et dure, mais par ailleurs, c'est une

 13   interprétation qui sera étudiée de très, très près par la Chambre.

 14   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Je comprends fort bien cela, Monsieur le

 15   Président, mais je voulais lancer cet avertissement, cette mise en garde,

 16   il se peut qu'il y ait une tendance à avoir des interprétations directives,

 17   tendancieuses, notamment, lorsqu'il s'agit d'une personne qui a plaidé

 18   coupable et qui attend le prononcé de sa peine.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre est consciente des risques et

 20   la Chambre est consciente de la situation précise de ce témoin.

 21   Monsieur Tieger, je ne sais pas quelles questions vous aviez l'intention de

 22   poser au témoin au cours des deux dernières minutes, mais le temps a passé.

 23   A moins que vous n'ayiez une ou deux questions que vous envisageriez poser

 24   au témoin maintenant, questions qui ne pourraient pas attendre jusqu'à

 25   demain, si tel n'est pas le cas, nous allons lever l'audience jusqu'à

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  1   demain 9 heures, nous nous retrouverons dans ce même prétoire.

  2   J'ai oublié quelque chose: Monsieur Babic, je suis tenu de vous prévenir de

  3   l'interdiction qui est la vôtre de parler de votre déposition à qui que ce

  4   soit, notamment, en indiquant ce que vous vous apprêtez à dire. Lorsque

  5   l'on dit qui que ce soit, cela inclut les membres du bureau du Procureur,

  6   des équipes de Défense, vos amis, vos visiteurs, qui que ce soit.

  7   Suspension jusqu'à demain 9 heures.

  8   --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le jeudi 3 juin 2004,

  9   à 9 heures 00.

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