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1 Le jeudi 29 juillet 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 24.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez citer
7 l'affaire au rôle, je vous prie.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, il s'agit
9 de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.Avant de
11 reprendre l'interrogatoire du témoin, je vous demanderais, Monsieur Hannis,
12 de bien vouloir informer la Chambre quant à la position globale de la
13 Défense au sujet du problème de traduction, d'interprétation qu'elle a
14 évoqué.
15 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. La position de
16 l'Accusation consiste à dire que nous nous opposons à la requête. Nous
17 sommes un peu inquiets des moyens financiers que cela exigerait. Nous
18 pensons que même si le procès n'est, peut-être, pas parfait pour l'accusé,
19 il sera équitable compte tenu des comptes rendus d'audience qui existent
20 dans la présente affaire et dans d'autres affaires.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si vous aimeriez répondre
22 immédiatement, Maître Stewart, ou juste avant la pause. Vous avez parlé,
23 dans votre requête, de d'autres affaires. La Chambre se demande si les
24 faits évoqués dans ces affaires, à savoir, l'affaire Luedicke, par exemple.
25 Nous nous demandons dans quelle mesure il y a un rapport entre cette
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1 affaire et la présente affaire car notre affaire a commencé plus tard et,
2 dans l'affaire Luedicke, on a précisément évoqué le problème
3 d'interprétation et de traduction.
4 Mais je ne sais pas si une référence générale à ces déclarations, qui
5 existent dans d'autres affaires ou à la réalité de la situation dans ces
6 autres affaires, ont le moindre rapport avec la présente requête.
7 M. STEWART : [interprétation] Non mais, Monsieur le Président, j'aimerais,
8 d'abord, présenter un nouveau membre de l'équipe de Défense.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, pour le compte rendu d'audience.
10 M. STEWART : [interprétation] Mieke Dixon, c'est un nouveau membre de
11 l'équipe.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas son anniversaire
13 aujourd'hui ?
14 M. STEWART : [interprétation] Non, son anniversaire a eu lieu très
15 récemment, Monsieur le Président. En tout cas, elle en aura un autre dans,
16 bientôt, un an.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bienvenue dans ce prétoire.
18 M. STEWART : [interprétation] Nous n'avons pas examiné l'aspect factuel des
19 affaires comparables à la nôtre, bien sûr, chacun peut le faire. Nous
20 pouvons les citer à l'appui de notre argumentation. Simplement, ce n'est
21 pas le contexte factuel de ces affaires qui vient à l'appui de notre
22 requête ou qui est pertinent par rapport à la présente requête, mais c'est
23 une question de principe.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Je sais qu'un conseil ne
25 peut rester totalement passif, ne rien faire, et la présente Chambre ne
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1 comprend pas, en tout cas, le rapport entre les deux affaires. Dans
2 l'affaire Luedicke, en raison des problèmes de traduction, des coûts ont
3 été imposés à l'accusé, alors que, dans l'affaire Kamasinski nous sommes
4 plus proche du problème qui nous intéresse, à savoir dans quelle mesure un
5 accusé est autorisé à recevoir des traductions du procès le concernant
6 pendant le procès, mais, également, des documents à l'appui de l'acte
7 d'accusation, et cetera.
8 Cela étant, je comprends que les faits évoqués dans ces autres
9 affaires ne sont pas évoqués à l'appui de la thèse de la Défense, en tout
10 cas, pas de façon spécifique.
11 La Chambre se penchera sur la question et rendra sa décision avant la
12 suspension d'été. Ce qui pourrait présenter quelques avantages car cela ne
13 laissera pas très longtemps la Défense dans l'incertitude. Il nous faut,
14 d'abord, délibérer. Si nous rendons une décision, cela sera une décision
15 orale car d'ici à demain matin, nous n'aurons pas le temps de rédiger un
16 texte très détaillé.
17 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je dois dire que je ne
18 me suis pas préparé à traiter de cette requête en l'instant même. Vous vous
19 en rendrez bien compte, je n'ai pas d'exemplaire de la requête sur moi en
20 ce moment. Je serais très passif dans l'avenir immédiat, Monsieur le
21 Président.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
23 M. STEWART : [interprétation] A un moment ou un autre, il serait, sans
24 doute, utile que je puisse indiquer aux Juges de cette Chambre ce que la
25 Défense considère comme les éléments les plus utiles de la requête car tous
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1 les arguments n'ont pas le même pas poids.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La catégorie la plus importante étant
3 les comptes rendus d'audiences du présent procès, n'est-ce pas ?
4 M. STEWART : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Bien
5 entendu, ce sont les éléments qui requièrent, plus que d'autres, une
6 décision. Je vous remercie.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.
8 Monsieur Margetts, vous avez indiqué hier que vous souhaitiez la diffusion
9 d'une séquence vidéo d'une quinzaine de minutes, après quoi vous aurez
10 quelques questions supplémentaires à poser au témoin, n'est-ce pas ?
11 M. MARGETTS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais j'aurais un
12 argument à avancer au préalable au sujet de la traduction. D'abord, nous
13 examinerons rapidement trois documents assez brefs, après quoi, nous
14 demanderons la diffusion de la séquence vidéo.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
16 M. MARGETTS : [interprétation] Au préalable, ce que je voulais indiquer,
17 c'est que je dispose actuellement des traductions révisées de la pièce à
18 conviction P226.1 et de la pièce P230.1.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demanderais votre aide sur un
20 point. Ce sont de nouvelles traductions, n'est-ce pas ? Je ne me souviens
21 pas exactement du problème. Quelle est la cote de la décision signée par
22 Jovo Banjac ?
23 M. MARGETTS : [interprétation] P226.1.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P226.1, très bien. L'annonce officielle
25 signée par M. Egrlic, c'est la pièce P230.1, n'est-ce
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1 pas ?
2 M. MARGETTS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup.
4 Avant de reprendre l'audience, Monsieur Egrlic, je vous rappelle que vous
5 êtes toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au
6 début de votre déposition. Je suppose que cela est clair à vos yeux.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
8 LE TÉMOIN : ASIM EGRLIC [Reprise]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, dans ces conditions,
11 si vous n'avez aucune autre observation préliminaire.
12 M. MARGETTS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez procéder.
14 Interrogatoire principal par M. Margetts : [Suite]
15 Q. [interprétation] Monsieur Erglic, lorsque vous étiez Manjaca,
16 avez-vous vu des représentants politiques serbes dans le camp ?
17 R. Un des représentants politiques serbes est venu rendre visite au camp,
18 une fois.
19 Q. Qui était ce représentant politique ?
20 R. Je ne me souviens pas de son nom.
21 Q. Vous souvenez-vous des fonctions qui étaient les siennes ?
22 R. Il occupait des fonctions assez importantes au sein de l'assemblée ou
23 de la région autonome serbe. Cela je ne m'en souviens plus exactement.
24 Q. Quand est-il venu à Manjaca ?
25 R. Je crois que c'était au mois d'août, sans doute.
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1 Q. Avez-vous, éventuellement, entendu ce qu'il avait à dire ?
2 R. Oui, il a pris la parole dans chacune des étables où étaient enfermés
3 les détenus, notamment, dans celle où nous nous trouvions où il a dit que
4 très bientôt le jour de notre libération à tous allait arriver. Il nous a
5 donné un peu d'espoir, en nous disant que la situation allait se régler
6 rapidement.
7 Q. Immédiatement après sa visite, quelque chose a-t-il changé à Manjaca ?
8 R. Rien n'a changé. Tout est resté identique.
9 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
10 j'aimerais que l'on enregistre les trois prochaines pièces à conviction et
11 que l'on soumette au témoin, à savoir, le document datant du 29 janvier
12 1993, numéro ERN Y0017553; et le document datant du 25 septembre 1992,
13 numéro ERN 01905109; et, enfin, la pièce qui figure sur la liste des pièces
14 à conviction en date du 1er juillet 1992, avec l'indication numérique
15 03008004.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, quelles seront les
17 cotes ?
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le premier
19 document, datant du 29 janvier 1993, sera la pièce à conviction P249 et la
20 traduction anglaise sera la pièce P249.1.
21 Le deuxième document, datant du 25 septembre 1992, s'agira de la pièce à
22 conviction P250, et sa traduction anglaise sera la pièce P250.1.
23 Le troisième document, datant de juillet 1992, sera la pièce P251, et sa
24 traduction anglaise, la pièce P251.1.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
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1 Veuillez procéder, Monsieur Margetts.
2 M. MARGETTS : [interprétation]
3 Q. Monsieur Egrlic, je vous demanderais de vous pencher sur le document
4 qui comporte une liste de noms, et de nous dire si votre nom se trouve sur
5 cette liste.
6 R. Oui, au regard du numéro 36.
7 Q. Merci, Monsieur Egrlic. Je vais, maintenant, vous interroger au sujet
8 du deuxième document. Monsieur Egrlic, ce document est signé par Vinko
9 Kondic, et il date du 25 septembre 1992. Il rappelle un certain nombre
10 d'événements survenu, selon M. Kondic, dans la municipalité de Kljuc et ce,
11 de manière détaillée. J'aimerais que vous examiniez le deuxième paragraphe
12 et, notamment, la phrase qui commence par les mots : "Les principaux
13 dirigeants de la Défense territoriale, TO, était Asim Egrlic, et cetera."
14 Que répondez-vous au fait que vous êtes qualifié dans ce texte de :
15 "Personne qui fait partie des principaux dirigeants de la Défense
16 territoriale" ?
17 M. STEWART : [interprétation] Ce n'est pas ce qui est dit, Monsieur le
18 Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, on le qualifie d'un des principaux
20 dirigeants.
21 M. STEWART : [interprétation] La question doit être formulée plus
22 soigneusement.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Que répondez-vous au fait qu'on vous
24 qualifie ici de : "L'un des principaux dirigeants," Monsieur Egrlic ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais membre de la Défense territoriale.
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1 M. MARGETTS : [interprétation]
2 Q. Pourriez-vous, puisqu'il est, une nouvelle fois, question de la
3 "Défense territoriale", rappeler aux Juges quelle était l'organisation de
4 la Défense territoriale ?
5 R. Le chef d'état-major de la Défense territoriale a été nommé à son
6 poste, et après quelque temps, les autres membres de l'état-major ont été
7 également nommés. Finalement, tout cela signifiait que les patrouilles
8 villageoises qui, éventuellement, auraient dû peu à peu se transformer en
9 Unités de la Défense territoriale, n'ont pas pu devenir des Unités de la
10 Défense territoriale en bonne et due forme, compte tenu des conditions dans
11 lesquelles l'état-major fonctionnait puisque l'armée serbe s'était déjà
12 emparée de Kljuc, à ce moment-là.
13 Q. Merci, Monsieur Egrlic. J'en ai terminé avec ce document. J'aimerais
14 que nous passions maintenant au troisième document qui est un rapport,
15 datant du mois de juillet 1992, intitulé : "Informations sur le travail et
16 les activités du poste de sécurité publique (SJB) de Kljuc."
17 Là, encore, nous sommes en présence d'un document qui porte la
18 signature de Vinko Kondic. Je vous demanderais, Monsieur Egrlic, de vous
19 rendre en page 8 de ce document et, plus précisément, d'examiner le
20 paragraphe qu'on trouve sous le titre : "Chapitre VI : situation des
21 opérations militaires." Je vous demanderais de lire, à haute voix, ce
22 paragraphe, après quoi je vous poserai un certain nombre de questions. Nous
23 lisons, je cite : "Les opérations militaires dans le secteur de la
24 municipalité de Kljuc ont commencé le 27 mai 1992. Ce jour-là, des
25 extrémistes et intégristes musulmans ont mené un certain nombre
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1 d'opérations militaires synchronisées contre la police et l'armée serbe en
2 s'efforçant de détruire l'instance principale de la police, et du RSM pour
3 contraindre nos forces à se retirer du front, en raison de cette attaque
4 censée affaiblir nos positions dans la direction de Kupres, Jajce et
5 Bihac."
6 Monsieur Egrlic, est-ce une déclaration qui rend fidèlement compte des
7 actions menées par telle ou telle unité militaire, le 27 mai 1992 ?
8 R. Je vous prie de m'excuser car, en page 6, je ne trouve pas ce
9 paragraphe.
10 Q. Excusez-moi, Monsieur Egrlic. Je parlais, pour ma part, de la page 8,
11 le paragraphe que l'on trouve sous le titre : "Chapitre VI," au bas de la
12 page 8. Prenez votre temps pour lire ce paragraphe avant de répondre à la
13 question posée qui a pour but d'informer les Juges de cette Chambre quant à
14 l'exactitude de cette description.
15 R. Ce qu'on lit dans ce paragraphe est inexact car, ce jour-là, il est dit
16 dans ce texte que les extrémistes et intégristes musulmans ont mené de
17 façon synchronisée un certain nombre d'opérations armées contre les membres
18 de la police et de l'armée serbe. Or, il n'y a eu aucune action militaire
19 car les patrouilles, qui fonctionnaient à ce moment-là, ont commencé, y
20 compris, à patrouiller de jour, et les membres de ces patrouilles étaient
21 chez eux, à ce moment-là. Quant à l'incident qui s'est produit, il s'est
22 produit à l'endroit où ces hommes résidaient. Ces hommes n'ont entrepris
23 aucune action destinée à attaquer qui que ce soit, aucune action offensive.
24 Ils étaient chez eux au moment où la police et l'armée serbe sont arrivées
25 dans l'intention de désarmer les habitants, de rentrer de force dans les
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1 maisons, et cetera. C'est cela qui a provoqué l'incident.
2 Q. Je vous remercie, Monsieur Egrlic. J'en ai terminé avec ce document. Je
3 souhaiterais vous poser une dernière question avant de vous présenter une
4 séquence vidéo. La question est la suivante : lorsque vous êtes revenu dans
5 la municipalité de Kljuc au mois de septembre 1995, avez-vous pris part à
6 des exhumations sur des sites d'exhumation et, si oui, pourriez-vous nous
7 énumérer de quels sites il s'agit, et nous informer également de ce que
8 vous avez observé ?
9 R. J'ai participé à presque toutes les exhumations, étant donné que j'ai
10 joué un rôle du président du comité exécutif municipal. J'avais la
11 possibilité de prendre part à toutes les exhumations, ainsi que tous les
12 citoyens qui demeuraient dans la municipalité de Kljuc. C'est ainsi que
13 j'ai pris part à deux exhumations dans des fosses communes à Laniste, l'une
14 qui s'appelait Babina Dolina, et l'autre Bezdana. Il s'agissait plutôt
15 d'une grotte.
16 Ensuite, il y a une fosse commune de Crvena Zemlja. Ensuite, je suis allé
17 sur une fosse commune dans une vallée tout près du village de Prhovo.
18 Q. Lorsque vous êtes arrivé sur les sites en question, est-ce qu'on vous a
19 donné le nombre de corps qui avaient été exhumé de ces fosses communes ?
20 R. Oui. J'ai eu connaissance du nombre. La fosse commune de Laniste, selon
21 mon souvenir, comptait 180 cadavres. C'est dans une grotte non loin de la
22 caserne qui contenait l'armée serbe.
23 Ensuite, la deuxième fosse commune était sur le site appelé Babina
24 Doljina, comptait environ 130 corps des citoyens. Dans la première fosse
25 commune, on a trouvé des corps appartenant à des citoyens de la
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1 municipalité de Biljani, qui se trouve à une distance de 18 kilomètres de
2 cette fosse commune. S'agissant de la deuxième fosse commune, on a trouvé
3 des cadavres des citoyens de la commune locale de Velagic. S'agissant de la
4 fosse commune de Prhovo, on a exhumé environ 45 corps. Pour ce qui est de
5 la fosse commune de Crvena Zemlja, environ 30 corps ont été exhumés selon
6 mon souvenir.
7 Q. Quel était l'appartenance ethnique des personnes dont les cadavres ont
8 été exhumés ?
9 R. C'était tous des Bosniens.
10 Q. Monsieur Egrlic, je souhaiterais vous présenter à présent quelques
11 séquences vidéo --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais, en fait, une question
13 supplémentaire à poser à ce témoin, concernant cette partie de son
14 témoignage.
15 Monsieur Egrlic, pourriez-vous nous dire si, effectivement, les cadavres
16 exhumés s'agissaient d'hommes, de femmes ? Quelle était la tranche d'âge
17 de ces personnes ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour la plupart, il y avait des hommes, mais
19 il y avait des femmes et des enfants d'âges différents, allant de quelques
20 mois à 80 ans.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'agissant de l'identité de ces cadavres
22 exhumés, a-t-on su de qui il s'agissait ? Est-ce que vous savez de qui il
23 s'agit ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour la plupart des cadavres exhumés, on a
25 identifié tous ces corps. Ils ont été enterrés dans des cimetières
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1 appartenant aux localités dans lesquelles ils habitaient.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous connaissiez certaines
3 personnes dont les corps ont été exhumés ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je connaissais certaines personnes, alors que
5 d'autres étaient des amis ou des parents. Il y a certaines personnes que je
6 connaissais depuis longtemps, d'autres qui étaient des connaissances plus
7 récentes.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire, si vous le
9 savez, si on a trouvé des cadavres appartenant aux membres des forces
10 armées ou des personnes qui auraient pris part au conflit armé ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après mes connaissances, il ne s'agissait
12 pas de membres des forces armées, ou des personnes qui auraient pris part à
13 des conflits. Ils se sont des personnes qui se sont faites sortir de leurs
14 maisons, et qui avaient été exécutées sur certains sites, tel le site de
15 Velagic, ensuite, devant l'école. Pour ce qui est de Prhovo, elles ont été
16 exécutées non loin de la vallée dans laquelle elles ont été enfouies plus
17 tard.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
19 Monsieur Margetts, vous pouvez poursuivre.
20 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais à
21 présent montrer au témoin une transcription faite à partir d'une séquence
22 vidéo qui se trouve sur la liste des pièces datée du 1er juillet 1992. C'est
23 le transcript qui porte la cote L0068783. Nous n'allons pas, toutefois,
24 présenter la séquence vidéo au complet. Nous allons montrer six séquences
25 plutôt car la durée totale de la séquence vidéo durait environ une heure.
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1 Nous allons présenter les six séquences, qui en tout font environ de 14 à
2 15 minutes.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je présume que la vidéo serait également
4 présentée et versée au dossier en tant qu'élément de preuve ?
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Effectivement. La vidéo portera la cote
6 P252. Le transcript en langue anglaise portera la cote 252.1, et pour le
7 B/C/S, le transcript portera la cote P252.A.1.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le texte original est-il en anglais ou
9 en B/C/S ?
10 M. MARGETTS : [interprétation] L'original est en B/C/S.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A ce moment-là, je propose que l'on
12 attribue la cote 252.A.1 à la version en langue anglaise, et que pour ce
13 qui est de la version en B/C/S, on y attribue la cote P252.A.
14 Veuillez poursuivre, je vous prie.
15 M. MARGETTS : [interprétation] La première séquence, Monsieur, est la
16 séquence qui commence à l'heure 20.36, et qui se termine à 21.23.
17 [Diffusion de cassette vidéo]
18 [voix sur voix]
19 COMMENTAIRE : "A Kljuc, la cellule de Crise prend le pouvoir entre
20 ses mains. On a pris plusieurs décisions, plus particulièrement, lorsqu'on
21 a introduit le couvre-feu, les entreprises ont arrêté de fonctionner, ce
22 qui veut dire que les conditions de guerre ont commencé. Il n'y a que
23 quelques jours que la cellule de Crise à donné la décision que les citoyens
24 pouvaient se déplacer entre 7 heures et 20 heures, que les magasins peuvent
25 être ouverts ainsi que les restaurants peuvent être ouverts entre 7 heures
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1 et 20 heures, avec la restriction que l'alcool pourrait être servi
2 seulement jusqu'à 18 heures. Ceci est très important, c'est que quelques
3 décisions, qui ont été prises concernant le commencement de la production
4 de certaines entreprises, plus particulièrement, lorsqu'il s'agit de
5 l'entreprise de Kljuc, SIP Kljuc. Le service annuel et les activités
6 commenceront un mois plus tôt que prévu."
7 M. MARGETTS : [interprétation]
8 Q. Monsieur Egrlic, que pouvait-on voir sur cette séquence vidéo ?
9 R. On a montré une certaine partie de la ville de Kljuc. Nous avons
10 également pu voir la gare routière, ainsi que l'entreprise Sipad et la rue
11 principale de Kljuc.
12 Q. Le commentaire, qui accompagne cette séquence vidéo, reflète-t-il, de
13 façon précise, ce qui se passait à Kljuc ?
14 R. Je pourrais vous parler de cette première partie concernant la prise de
15 pouvoir de la part de la cellule de Crise, et la prise de décisions quant à
16 l'instauration d'un couvre-feu, je peux commenter là-dessus. Pour ce qui
17 est des autobus, je ne le sais pas puisque j'étais détenu à l'époque.
18 M. MARGETTS : [interprétation] La deuxième séquence peut être montrée. Il
19 s'agit de la s0équence qui commence à 22 minutes et 4 secondes, et qui dure
20 jusqu'à 28 minutes et 9 secondes.
21 [Diffusion de cassette vidéo]
22 [voix sur voix]
23 COMMENTAIRE : "Ce qu'il demandait a été fait, les négociations ont été
24 prises, et on a répondu qu'il ne souhaitait pas que la population civile en
25 souffre, et qu'il n'allait pas se rendre, et qu'il préférait mourir que de
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1 rendre leurs armes. Ce sont des extrémistes dont je parle.
2 "Sur la municipalité de Kljuc, on a mené des pourparlers entre les
3 dirigeants officiels pour ce qui est du côté musulman bosnien, et pour ce
4 qui est des organisations. Les dirigeants de ces organisations ont pris
5 part directement au conflit armé, à la formation des unités, et que tout ce
6 processus concernant l'organisation s'est fait par le biais des parties.
7 "Dites-nous : que s'est-il passé lorsque vous avez compris qu'ils ne
8 souhaitaient plus négocier, qu'ils ne souhaitaient pas à rendre leurs
9 armes, mais qu'ils souhaitaient la guerre ? Qu'a fait la partie serbe ?
10 "C'est un défi. Nous avons répondu de façon suivante : nous avons donné un
11 ultimatum. Nous avons demandé à ce que ces personnes se rendent, et nous
12 avons dit que, s'ils ne faisaient pas cela, nous allions attaquer. Nous
13 avions dit que la population civile sera attaquée également. Pour ce qui
14 est de la population civile qui se trouve dans cette zone, il y avait eu
15 quelques exemples qu'on a menacé la population, et que la population a
16 répondu avec des tirs, et qu'on n'a pas permis à la population civile de
17 sortir ou de partir -- plutôt, d'évacuer.
18 "De quelle population s'agit-il ?
19 "Les combats les plus importants se sont déroulés autour du village de
20 Pudin Han et Velagici, Gornji Ramici, Krasulje, et Donja Sanica, en allant
21 vers la municipalité de Sanski Most. On savait très bien que les
22 fondamentalistes musulmans se trouvaient là.
23 "Combien y a-t-il de Musulmans sur ce territoire ?
24 "Sur ce territoire de la municipalité de Kljuc, il y a environ 12 500
25 Musulmans, ils représentent environ 70 % de la population civile musulmane.
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1 Je dois également ajouter que sur ce territoire, environ 4 300 Serbes
2 habitent sur ce territoire, et pour ce qui est de l'ensemble de la
3 municipalité, cette partie était censée représenter la commune locale de
4 Kljuc, mais étant donné que les députés du SDA et du MBO, comme ils les
5 appelaient, "le Bloc musulman". Le Bloc musulman -- c'est à ce moment-là
6 qu'au mois de décembre, sur le territoire de Bosnie-Herzégovine -- ils ont
7 créé la municipalité musulmane de Kljuc.
8 "Quel a été le résultat de ces activités menées par votre police et les
9 participants de l'armée serbe ?
10 "L'action a été menée de façon énergique, et elle n'a pas duré longtemps,
11 que quelques heures. Les unités ont été brisées. La plupart des hommes
12 armés s'étaient rendus, ils ont rendu leurs armes. Certaines personnes se
13 sont rendues également sans armes. De 20 à 30 % des extrémistes se sont
14 retirés, et ont continué leurs activités sur le territoire de la commune
15 locale de Sanica, et sur le territoire de la municipalité de Sanski Most.
16 C'est là qu'une certaine partie de ces personnes ont essayé de passer dans
17 la municipalité de Prijedor, et de Bihac.
18 "Plusieurs maisons ont été détruites. La population a évacué les parties.
19 On a également détruit une mosquée qui n'avait pas encore été ouverte, de
20 façon officielle, mais l'armée serbe a néanmoins tiré sur ces installations
21 et les maisons depuis lesquelles on a tiré également. La mosquée à Pudin
22 Han était l'un des éléments les plus importants. La paix que les Serbes ont
23 offerte aux Musulmans, les Musulmans n'ont pas voulu l'accepter. Lors du
24 nettoyage de ces villages, certaines installations ont été détruites, et
25 les maisons ont été détruites.
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1 "Mais dites-nous : que se passe-t-il avec les autres villages
2 musulmans ?
3 "De certaines parties de certains villages où on a vu qu'il y avait des
4 Musulmans, les membres musulmans, qui étaient appelés "les Bérets rouges",
5 s'étaient préparés aux activités et n'ont pas participé à d'autres
6 activités outre celles qu'ils ont mené sur certains villages tels Sehici,
7 Egrlici, Velecevo, Dubocanin, Zgon. La population musulmane a été détruite.
8 Dans ces régions, pas une seule balle n'a été tirée. Premièrement, parce
9 que pour certaines parties de certains hameaux, il n'était pas possible
10 d'influencer la population musulmane de façon idéologique. C'était la
11 raison pour laquelle il n'était pas nécessaire de détruire ces endroits, il
12 n'y avait pas de résistance."
13 M. MARGETTS : [interprétation]
14 Q. Monsieur Egrlic, qui était la personne que l'on voyait dans cette
15 séquence vidéo ?
16 R. La personne que l'on voyait sur cette séquence vidéo était Vinko
17 Kondic, chef du poste de police de Kljuc.
18 Q. Lors de votre témoignage, vous avez parlé des événements qui se sont
19 déroulés dans un délai précis. Votre témoignage peut être comparé à
20 certaines choses qu'a dit M. Kondic. Mais, de façon générale, comment
21 répondez-vous, de quelle façon répondez-vous à la description des
22 événements faite par M. Kondic ?
23 R. Il est tout à fait clair, que s'agissant du commentaire fait par M.
24 Kondic, il faisait ce commentaire du point de vue d'un schéma
25 d'organisation. Cette émission télévisée, qui se faisait dans les
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1 conditions de guerre, des conditions militaires, si vous voulez, a été
2 faite de façon à montrer et démontrer une sorte d'excuse pour ce qu'ils ont
3 fait sur ce territoire. Il parle du fait d'avoir détruit la partie la plus
4 extrémiste de la population musulmane par la Défense territoriale, mais il
5 ne parle pas du fait qu'ils sont entrés dans mon village et qu'ils ont tué
6 et massacré la population et qu'ils ont également incendié toutes les
7 installations, toutes les maisons dans lesquelles vivaient les Bosniens à
8 l'époque.
9 Il est tout à fait clair que cette séquence vidéo est très
10 tendancieuse, et elle vise à encourager les soldats de la Republika Srpska,
11 et tente également, par ce fait, de démoraliser la population entière qui
12 se trouve sur le territoire en question. Ils voulaient également montrer
13 les choses de façon à ce qu'on les voit comme un parti positif et un
14 participant positif dans tous ces événements. C'est ce que je vois comme
15 but ultime.
16 Q. Monsieur Egrlic, êtes-vous d'accord avec la façon dont s'est présenté
17 ou serait-il présenté, ou est-ce que vous êtes en désaccord ?
18 R. Je ne suis pas d'accord avec la plupart des choses dites ici.
19 Q. En répondant plus tôt, vous avez dit que : "Le commentaire disait que
20 la partie la plus extrême de la Défense territoriale bosnienne a été
21 détruite." Y avait-il, effectivement, un noyau d'extrémistes au sein de la
22 Défense territoriale bosnienne ?
23 R. Non, absolument pas. Il n'y avait aucun noyau extrémiste, et la Défense
24 territoriale n'existait pas dans le sens où il l'entend, ici, dans ce
25 commentaire. On estime, ici, que l'ensemble de la population était
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1 considéré comme étant membre de la Défense territoriale, c'est ainsi qu'on
2 a procédé à des arrestations, à des interpellations, et on a envoyé des
3 citoyens au camp de Manjaca. Plusieurs personnes, bon nombre de personnes,
4 ont été emmenés dans des écoles également, et détenus dans des écoles.
5 Q. Cette séquence vidéo nous montrait une voiture qui passait, qui roulait
6 sur une route. Est-ce que vous êtes en mesure d'identifier cette région que
7 l'on voyait sur cette séquence vidéo ?
8 R. On a montré une partie du hameau de Pudin Han et de Velagici. On
9 pouvait également apercevoir certaines maisons qui avaient été détruites.
10 Ici, on peut entendre que le commentateur disait que la mosquée avait été
11 détruite, et on a dit qu'on avait tiré depuis ces endroits. Je ne sais pas
12 de quelle façon il s'est exprimé exactement, mais selon eux, ils semblaient
13 dire que le noyau le plus extrémiste se trouvait dans cette mosquée. Ce qui
14 est un mensonge complet puisqu'il ne s'agit que de prétexte pour détruire
15 les autres mosquées, également, car sur le territoire de la municipalité de
16 Kljuc, on a détruit 17 mosquées ainsi qu'une église catholique. Tout cela,
17 avec le même prétexte, et on a détruit également 1 500 maisons en utilisant
18 ce même prétexte.
19 Plus de 5 000 citoyens ont été soumis à des tortures et à des
20 interrogatoires. On ne peut pas considérer les femmes, les enfants et le
21 bébé âgé que de quelques mois, membre de la Défense territoriale. Ces
22 derniers se sont tous retrouvés à Manjaca, 1 300 personnes s'y sont
23 trouvées. Il est tout à fait clair qu'il s'agit d'un pur mensonge, et il
24 s'agit d'activités qui avaient été menées pour détruire tous les Bosniens
25 sur ce territoire. Car, pour ce qui est de la période subséquente, on a
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1 expulsé toute la population, environ 17 000 citoyens ont été expulsés de
2 ces territoires. En 1995, lorsque je suis revenu, il ne restait que 700
3 citoyens sur ce territoire. La plupart d'entre eux, c'était parce qu'ils
4 n'ont pas pu sortir de là, et ils n'ont pas pu quitter leurs demeures, et
5 ils vivaient dans ces endroits-là en ayant été soumis à des travaux forcés,
6 à des humiliations. Certaines personnes devaient creuser des tranchées,
7 d'autres personnes devaient nettoyer les rues. C'était l'image véritable
8 des événements, on n'en fait pas part, ici, dans ce texte.
9 Mais s'agissant de ce rapport de guerre, si on avait également
10 présenté les événements de cette façon-là, je crois qu'à ce moment-là, on
11 aurait pu avoir une image plus complète des événements de l'époque.
12 Q. Y a-t-il eu des mosquées qui étaient encore là, qui se trouvaient
13 encore là, intactes, en 1995 lorsque vous êtes revenu ?
14 R. Non, elles étaient toutes complètement détruites, rasées au sol. Il y
15 avait 17 mosquées et il y avait également une église catholique. La mosquée
16 de la ville avait été nettoyée des décombres, alors que les autres étaient
17 complètement détruites.
18 Q. Dans quel état se trouvait votre propriété lorsque vous êtes revenu à
19 Kljuc ?
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin n'a-t-il pas déjà donné une
21 réponse à cette question au début de son témoignage ? Je crois qu'il a
22 également dit que les 17 mosquées, que comptait la municipalité, avaient
23 été détruites.
24 M. MARGETTS : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président, si
25 c'est votre souvenir, j'ai pu lui poser ce genre de question.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois, effectivement, qu'il a
2 dit cela, qu'il nous a également informé qu'il avait trouvé sa maison
3 incendiée.
4 M. MARGETTS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien.
6 M. MARGETTS : [interprétation]
7 Q. Passons maintenant à la séquence suivante qui part à partir de 30
8 minutes 59 secondes, et qui se poursuit jusqu'à 31 minutes et 41 secondes.
9 [Diffusion cassette vidéo]
10 [Voix sur voix]
11 COMMENTAIRE : "Au cours des activités de combats dans la zone des
12 formations de l'armée serbe--"
13 L'INTERPRÈTE : L'interprète indique que le texte est entièrement
14 inaudible. Il ne peut pas être interprété.
15 M. MARGETTS : [interprétation]
16 Q. Monsieur Egrlic, vous avez déjà déposé au sujet de ces questions-là. Je
17 ne vais pas vous poser des questions au sujet de cela. Nous passerons à la
18 séquence suivante, et la référence en est 39 minutes, 52 à 42 minutes 28.
19 [Diffusion cassette vidéo]
20 [Voix sur voix]
21 COMMENTAIRE : "Même si Filipovic sait très bien, et nous disons
22 publiquement à ses supporteurs d'ouvrir les yeux -- d'ouvrir les yeux de
23 tous les Musulmans qui le suivent, Omer Filipovic a entendu cela en prison
24 quelque part car, déjà, le 28 mai, seulement un jour après le début de la
25 guerre dans la zone de Velagici et Pudin Han, il a été amené par l'ABiH. Il
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1 ne sait pas du tout que quatre milliers de Serbes ont, prétendument, été
2 arrêtés. Il est vrai qu'un grand nombre d'extrémistes musulmans ont été
3 capturés au cours du nettoyage de Velagici, Pudin Han, Krasujle, Ramici,
4 Crljeni, Kamicka, Plamenica, Prhovo et d'autres villages et dans la zone de
5 Kljuc. Avec Omer Filipovic, des listes de composition de sa cellule de
6 Crise ont été trouvées, de même que la structure militaire des Bérets verts
7 dans la zone, des attaques et des plans de retraits, des listes des
8 personnes à Kljuc qui devraient être liquidées et portant sur la manière
9 dont il fallait obtenir les armes.
10 "La plupart des membres de leur cellule de Crise ont été arrêtés.
11 Notamment, ils avaient une cellule de Crise et un état-major de guerre.
12 L'état-major de guerre était commandé par Omer Filipovic. Les coordinateurs
13 dans ce domaine étaient Amir Avdic, Nevzad Djeric, et Asim Egrlic était
14 responsable pour les affaires politiques. Les trois premiers étaient des
15 officiers réservistes de la JNA. Filipovic est un lieutenant. Il a été
16 amené en tant que commandant et arrêté avec Asim Egrlic qui avait été
17 blessé le premier jour au cours des activités de combat. Il a été amené,
18 également. Le président du Parti SDA a été amené. L'autre est le président
19 du Parti MBO. Avdic et Djeric sont toujours en évasion, et ils continuent à
20 être les extrémistes les plus purs et durs parmi les Bérets verts dans la
21 municipalité de Kljuc. La cellule de Crise était constituée de manière
22 quelque peu plus vaste. Il y avait Asim Egrlic, Omer Filipovic, Iksan
23 Zukanovic, Suad Mesic, Ibrahim Egrlic, Muhamed Filipovic et un certain
24 nombre de coursiers et de chauffeurs, ce qui n'est pas tellement important.
25 La plupart des membres de la cellule de Crise ont été, également, emmenés
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1 et maintenant, on procède à leur vérification afin d'établir leur
2 responsabilité éventuelle dans la participation, ensemble, avec les
3 autorités militaires d'enquêtes."
4 M. MARGETTS : [interprétation]
5 Q. Monsieur Egrlic, encore une fois, vous avez déjà déposé en détail en ce
6 qui concerne les questions soulevées dans les déclarations de M. Kondic.
7 Mais en termes généraux, quelle serait votre réponse à ces commentaires
8 proférés par M. Kondic ?
9 R. Monsieur Kondic, ici, fait preuve de la manière dont il voit les
10 choses. D'après lui, l'état-major de la Défense territoriale était
11 constitué dans sa majorité des personnes qui ont été arrêtées. Cela,
12 c'était vrai. Cependant, pour lui, c'était une manière d'encourager les
13 membres de l'armée de la Republika Srpska, et de commencer à procéder aux
14 arrestations de la population, de manière plus véhémente. Ils ont considéré
15 que la population avait perdu leur leader, ce qui leur permettait, à eux,
16 de procéder à toutes les activités qu'ils souhaitaient effectuer.
17 Q. Peut-on montrer la séquence suivante ? La référence, c'est 49 minutes
18 25 jusqu'à 50 minutes 58.
19 [Diffusion de cassette vidéo]
20 [voix sur voix]
21 COMMENTAIRE : "Encore une personne au sujet de laquelle la télévision
22 de Sarajevo dit qu'elle est morte depuis longtemps. Nous l'avons trouvé au
23 stade de Kljuc, il jouait au basket avec des jeunes. Il s'agit du Dr Emir
24 Kapetanovic.
25 "Ce que je peux dire, c'est que moi et mon frère Nermin Kapetanovic,
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1 nous sommes tous sains et saufs. Personne parmi les autorités ne nous a
2 harcelés. Personne ne nous a arrêtés. Nous n'avons pas été contacté par le
3 SUP. Probablement, qu'ils n'avaient pas de raison de faire cela. Je n'ai
4 rien d'autre à dire, sinon, je ne vais pas si souvent dans la ville, compte
5 tenu des circonstances. De temps en temps, je joue au basket. Je vois des
6 amis comme je le faisais avant.
7 "Votre magasin est dans la région où la guerre se déroule. Qu'est-ce
8 qui s'est passé avec votre magasin ?
9 "Mon magasin ou plutôt mon commerce puisque je suis gynécologue. Mon
10 local était en dehors de la ville. Je m'y suis déplacé à cause de plusieurs
11 circonstances différentes, parce que je ne pouvais pas payer un local dans
12 la ville. Vous savez, cela coûte très cher. C'était dans la zone des
13 opérations de guerre. Malheureusement, cela a été touché. Le local n'existe
14 plus, mais au fond, beaucoup a été détruit. Après, on m'a appelé, on m'a
15 dit d'aller au SUP afin de soumettre un rapport sur les dégâts, cela, c'est
16 normal, d'autres citoyens le font. J'espère, bien sûr, qu'il va être
17 possible de réparer cela, de trouver un autre local avec des moyens
18 supplémentaires. Les autorités actuelles savent, bien sûr, qui a participé
19 à cela et ce qu'il faut faire au sujet de cela."
20 M. MARGETTS : [interprétation]
21 Q. Monsieur Egrlic, est-ce que cette séquence montre M. Emir Kapetanovic
22 et ce qui lui est arrivé ?
23 R. Oui. Dans cette séquence, nous voyons le Dr Emir Kapetanovic. On le
24 voit en train de jouer au football près de l'école primaire, un terrain de
25 football. Il déclare qu'il vit tout à fait normalement, là-bas, sans
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1 aucunes difficultés; Cependant, M. Kapetanovic, après cette déclaration, a
2 été amené à Manjaca où il a fait l'objet d'un passage à tabac, il a failli
3 mourir. Pendant qu'il était à Manjaca, il était le plus souvent dans les
4 étables, l'endroit que l'on appelait "stationejs" [phon], c'est là que les
5 Médecins sans frontières, qui sont arrivés avec les représentants de la
6 Croix rouge internationale, l'ont trouvé, il l'ont fait sortir avec les
7 personnes les plus malades et les plus exténuées. Il a réussi à survivre le
8 camp de Manjaca. Actuellement, il est, quelque part, aux Etats-Unis.
9 Ce que nous voyons ici, c'est la tentative de montrer la manière dont les
10 nouvelles autorités respectent les droits de l'homme et de montrer que les
11 rapports interethniques sont bons et, également, de montrer que tout va
12 bien avec les notables musulmans, qui pouvaient jouer au basket, même
13 pendant la guerre. Il s'agissait là d'un mensonge notoire puisque M.
14 Kapetanovic a passé tout ce temps à Manjaca. Cette séquence a, simplement,
15 été utilisée aux fins de la propagande, tout comme c'est le cas du reste de
16 cette émission télévisée.
17 Q. Quand le Dr Kapetanovic est-il arrivé à Manjaca ?
18 R. Il est arrivé, si mes souvenirs sont bons, vers la mi-juin ou peut-être
19 la mi-juillet 1992.
20 Q. Sur la base de ce que vous savez au sujet de la date d'arrivée du Dr
21 Kapetanovic et de ce que vous savez au sujet des autres événements montrés
22 sur cette séquence vidéo, est-ce que vous pouvez nous dire à quel moment,
23 ceci a été filmé ?
24 R. Sur la base de ce qui a été dit, au sujet du fait que soi-disant la
25 plupart des extrémistes avait déjà été arrêtés et écroués les membres de la
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1 Défense territoriale dans ces villages qui ont été mentionnés aussi. Je
2 dirais que ceci a, peut-être, été filmé entre le 20 juin et le 15 juillet,
3 car ceci est conforme au nombre de personnes qui avaient, déjà, été amenés
4 à Manjaca. A ce moment là, il y avait déjà environ 1 000 personnes de la
5 municipalité de Kljuc à Manjaca.
6 Q. Monsieur Egrlic, je souhaite vous montrer une dernière séquence de
7 cette cassette vidéo, et je vous inviterai à faire un commentaire. C'est
8 ainsi que je terminerai mon interrogatoire principal.
9 M. MARGETTS : [interprétation] La référence est entre 53 minutes 59
10 et 56 minutes 6 secondes.
11 [Diffusion de cassette vidéo]
12 [voix sur voix]
13 COMMENTAIRE : "La situation politique et de sécurité dans la
14 municipalité de Kljuc est, tout à fait, compliquée. Nous sommes libre de
15 dire qu'au cours des dix derniers jours, la situation s'est quelque peu
16 améliorée, la situation est en train de se calmer. On peut dire qu'il est
17 possible de parler de la vie normale qui reprend, des activités
18 commerciales qui reprennent, de parler de l'avenir dans lequel il sera
19 possible de vivre une vie normale et de mener des activités commerciales
20 sur le territoire de l'ensemble de la municipalité, si certains systèmes
21 comme les institutions économiques et publiques commencent à fonctionner
22 normalement.
23 "Je vais vous demander ouvertement, est-ce que vous pensez qu'il est
24 possible, après tous ces évènements, que les Serbes et les Musulmans vivent
25 ensemble dans votre municipalité ?
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1 "En général, il est difficile de répondre à cette question. Je veux
2 dire d'évaluer quelque chose comme cela. Je pense que la vie doit être
3 démarquée sur le plan ethnique totalement et que les zones ethniquement
4 nettoyées de ceux qui ne peuvent pas vivre ensemble dans cette région.
5 "Est-ce qu'il vaut mieux le faire par le biais de la guerre, ou de
6 manière paisible ?
7 "A mon avis, la seule solution serait la solution paisible, jamais
8 par le biais de la guerre. Je pense que nous n'avons pas beaucoup
9 d'influence sur de petites communautés comme Kljuc. Je pense que les
10 leaders de la République de Bosnie-Herzégovine, de l'ancienne République de
11 Bosnie-Herzégovine, avec la République serbe de Bosnie-Herzégovine devront
12 faire ce travail, et nous allons faire tout sur ce plan, sur le plan des
13 municipalités qui appartiennent à la République serbe de Bosnie-
14 Herzégovine, ou la région autonome de la Bosanska Krajina.
15 "Si j'ai bien compris, cela veut dire qu'il revient à Karadzic tout
16 d'abord, ensuite au gouvernement de la République serbe de Bosnie-
17 Herzégovine de trouver la solution dans les discussions avec Alija
18 Izetbegovic et avec Boban.
19 "Dans l'affaire présente, avec Izetbegovic, ceci concerne les
20 Musulmans de votre municipalité.
21 "Je pense que c'est la seule solution. Si cette solution n'est pas
22 atteinte bientôt, je crains fort que nous aurons une situation encore plus
23 difficile car la guerre ne s'est pas encore terminée. La guerre se poursuit
24 et peut, facilement, amener à l'extinction d'un peuple ou d'un autre
25 peuple."
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1 M. MARGETTS : [interprétation]
2 Q. Qui a été la personne qui a parlé dans cette séquence ?
3 R. C'est Jovo Banjac, le président de l'assemblée municipale.
4 Q. Dans ce propos, il dit : "Je pense qu'il faut que la vie soit,
5 totalement ethniquement, démarquée, et que les zones doivent être,
6 entièrement ethniquement, nettoyées de tous ceux qui ne peuvent pas vivre
7 ensemble dans cette zone."
8 Ensuite, on lui demande : "Est-ce qu'il vaut mieux faire cela par
9 biais de la guerre ou de manière paisible ?" Il répond, "A mon avis, la
10 seule solution serait la solution paisible, jamais par le biais de la
11 guerre. Je pense que nous n'avons pas beaucoup d'influence sur cela dans
12 des municipalités petites, telle que Kljuc. Je pense que les dirigeants sur
13 le plan de la République de la Bosnie-Herzégovine, l'ancienne République de
14 Bosnie-Herzégovine, avec la République serbe de Bosnie-Herzégovine doivent
15 faire ce travail," ensuite, il continue.
16 Est-ce que ceci était conforme aux commentaires faits par M. Banjac
17 auprès de vous ?
18 R. Oui.
19 M. MARGETTS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président,
20 Messieurs les Juges, je n'ai plus de questions pour ce témoin.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Margetts.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Egrlic, après la pause, vous
24 allez être interrogé par le conseil de la Défense. Vous pouvez vous retirer
25 en ce moment pendant, approximativement, 30 minutes. Veuillez revenir par
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1 la suite, après cette pause.
2 Nous n'avons pas encore terminé, Monsieur le Greffier d'audience. Une
3 requête a été faite par l'accusé de s'adresser à la Chambre pendant 10 à 15
4 minutes. Il s'agit, très exactement, du temps qu'il nous reste jusqu'à la
5 pause suivante. Je souhaite lui donner l'opportunité de le faire, mais,
6 peut-être, Monsieur l'Huissier, vous pourriez, tout d'abord, escorter le
7 témoin.
8 [Le témoin se retire]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je souhaite profiter
10 de cette occasion pour vous permettre de vous adresser à nous, car s'il est
11 nécessaire que nous prenions quelque chose en considération, il vaut mieux
12 le faire avant la journée de demain, qui est la dernière journée avant les
13 vacances judiciaires. Vous avez 10 à 15 minutes à votre disposition.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout d'abord, je souhaite vous remercier,
15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de m'avoir permis de m'adresser
16 à vous brièvement. Je suis conscient du fait que vous disposez de peu de
17 temps, c'est la raison pour laquelle j'apprécie vraiment votre geste. Je
18 vais essayer d'être le plus bref possible.
19 Il n'était pas dans mon intention de problématiser la décision que
20 vous avez prise. Je suis conscient du fait que la décision de la Chambre
21 est contraignante pour moi, et je la respecte. Là, je parle de votre
22 décision de refuser de prolonger la pause dans cette affaire afin de
23 permettre à l'équipe de la Défense de se préparer au mieux. J'espère que
24 mes Défenseurs continueront à collaborer avec vous dans ce sens, afin de
25 coordonner vos positions mutuelles concernant cela.
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1 Je souhaitais ajouter la chose suivante: Monsieur le Président,
2 Messieurs les Juges, je souhaite vous dire que je respecte la Chambre de
3 première instance, car ce Tribunal constitue, pour moi, une occasion
4 d'établir la vérité. Je souhaite revenir sur la situation lors de laquelle
5 vous m'avez permis de m'adresser à vous, avant le début de ce procès. Même
6 si j'avais fait part de mon opinion que je n'étais pas coupable, je ne vous
7 priais pas de me croire, mais je vous ai simplement demandé de permettre
8 que l'on établisse que c'est la vérité, car la vérité est le meilleur
9 défenseur de celui qui sait qu'il est innocent, et qui souhaite être
10 libéré.
11 Maintenant, que vous avez pris votre décision indiquant que les
12 membres de mon équipe de Défense ne peuvent pas avoir le temps approprié
13 pour préparer leur défense, il faut régler une autre affaire. Je suis
14 content du travail de mon équipe. Me Stewart a dit un fait. Il a dit mon
15 équipe n'est pas prête à se préparer pour défendre de manière appropriée M.
16 Krajisnik. Nous n'avons toujours pas réglé cela. Le problème réside dans le
17 fait que l'équipe de la Défense agit souvent sans suffisamment de
18 préparation. Je ne souhaite vous donner d'exemples maintenant, mais si nous
19 avions eu plus de temps, clairement on aurait pu poser de questions de
20 manière plus efficace au témoin, ce qui ferait économiser le temps à ce
21 Tribunal et à la Chambre car il n'aurait pas été nécessaire de citer à la
22 barre d'autres témoins pour établir un certain nombre de faits.
23 Que peut-on faire alors ? Je vous prie de bien vouloir tenir compte
24 de ce fait. Afin de permettre un procès équitable, maintenant, je ne peux
25 pas résoudre le problème, ni donner une proposition intelligente concernant
Page 4832
1 la meilleure manière de se préparer pour mon équipe de la Défense. Je
2 souhaite faire une suggestion, quant à la manière dont il est possible
3 d'aider l'équipe de la Défense. Vous savez que c'est possible par le biais
4 des moyens du temps et de ma participation.
5 En ce qui concerne ma participation, je suis plutôt handicapé. Vous
6 voyez, on vous a mis à l'ordre du jour le fait qu'il faudrait que je
7 reçoive le compte rendu de ce procès. Je sais qu'il sera difficile de me
8 permettre cela, mais il me serait beaucoup plus facile si je pouvais avoir
9 un compte rendu d'audience pour savoir quel témoin a dit telle chose, car
10 ce n'est pas pareil si je prends des notes.
11 Un autre problème c'est que je ne peux pas communiquer de manière
12 appropriée avec mon conseil de la Défense parce que je ne peux pas parler
13 anglais et il ne parle pas le serbe. Ensuite, je ne peux pas recevoir le
14 compte rendu d'audience. J'ai reçu souvent des documents avec du retard de
15 la part du Procureur. Par exemple, je reçois ce document en anglais, alors
16 qu'en serbe, je les avais un ou deux jours auparavant.
17 Qu'est-ce que je propose jusqu'à présent ? Je pouvais contacter un
18 avocat qui se trouve à Pale dans la Republika Srpska. Par le biais d'un
19 téléphone provisoire, compte tenu du manque de moyens, cet avocat ne va pas
20 pouvoir participer. Je vous prie de me permettre d'être en contact avec un
21 autre avocat à Pale. Le Greffe peut décider lequel pour que l'on puisse
22 bénéficier de ce téléphone provisoire là-bas.
23 Ensuite, si vous décidez de ne pas me permettre d'avoir le compte
24 rendu d'audience dans ma langue, est-ce que je pourrais apporter ici mon
25 ordinateur pour pouvoir prendre des notes dans ce prétoire pour me
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1 permettre par la suite d'étudier mes notes dans ma cellule ?
2 Ensuite, puisque vous avez pris votre décision concernant ma
3 participation financière dans ce procès, il existe deux petites exigences
4 concernant les finances déposées auprès du Greffe. D'un côté, ce que vous
5 avez déjà décidé, à savoir que le Greffe devait rectifier sa décision
6 portant sur les moyens financiers.
7 Deuxièmement, je vais entrer dans quelques détails ici. C'est que
8 lorsque l'on est en train d'établir la vérité, parfois il y a eu des
9 documents, dont l'authenticité avait été contestée par le Greffe car, à
10 première vue, on avait l'impression que les documents avaient été créés
11 ultérieurement, puisque la SFOR m'a arrêté en 2000. La SFOR a saisi ces
12 documents, à ce moment-là, et nous avons reçu ces documents récemment du
13 bureau du Procureur. Maintenant on peut voir que ces documents ont été
14 confisqués à ce stade, ce qui veut dire que j'ai un lot de documents plus
15 volumineux devant moi, ce qui implique des coûts plus importants pour les
16 étudier. Je souhaite vous demander d'examiner la possibilité de m'accorder
17 la possibilité de participer mieux à la préparation de ma Défense car je
18 suis le meilleur témoin, mais il me faut une meilleure communication.
19 Veuillez m'aider auprès du Greffe pour que le Greffe me permette deux
20 choses : le téléphone provisoire, et ces deux requêtes vraiment de moindre
21 importance, qui sont quand même très importantes pour nous, et qui nous
22 permettraient de participer mieux. Encore une fois, je souhaite faire
23 preuve de ma reconnaissance.
24 Je ne sais pas comment cela se passe dans d'autres affaires, mais,
25 Messieurs les Juges, vous suivez de près tout ce qui se passe ici.
Page 4834
1 Veuillez, s'il vous plaît, simplement permettre que la vérité soit
2 établie. La tentative d'harmoniser les points de vue du bureau du Procureur
3 et de la Défense, veuillez cesser cette pratique car il ne s'agit pas là de
4 l'établissement de la vérité, car le bureau du Procureur et mon défenseur
5 ne savent pas ce qui s'est passé à Kljuc. Permettez-nous d'établir la
6 vérité ici. Vous savez, il existe plusieurs vérités : la vérité vue par le
7 biais des témoins musulmans, par le biais des témoins serbes, et peut-être
8 la vérité est au milieu. Vous savez, je suis souvent étonné par ce que
9 j'entends ici. Permettez que l'on entende tout, s'il vous plaît, parce que,
10 sinon, un crime serait commis contre la vérité.
11 Je vous remercie encore une fois de votre patience, et excusez-moi si j'ai
12 parlé trop longuement. Merci.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Krajisnik. Brièvement,
14 je vais répondre à un certain nombre de points que vous avez soulevés.
15 Tout d'abord, en ce qui concerne les conversations téléphoniques
16 privilégiées, ceci relève en premier lieu du Greffe, qui est responsable du
17 quartier pénitentiaire. Si, à n'importe quel moment, une décision est prise
18 par le Greffe, qui pourrait avoir un impact sur le caractère équitable de
19 ce procès, dans ce cas-là, la Chambre de première instance a le pouvoir
20 inhérent de modifier cette décision. Il ne s'agit pas là simplement de
21 l'évaluation de la situation de la part du Greffe par rapport à
22 l'évaluation faite par les Juges, mais il s'agit de la manière dont il est
23 possible de réviser une décision prise par le Greffe, et c'est possible
24 seulement si ceci rendrait le procès inéquitable. Au premier abord, il faut
25 toujours s'adresser au Greffe.
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1 En ce qui concerne l'emploi de l'ordinateur dans ce prétoire, la
2 Chambre de première instance ne trouve pas tellement de différence entre la
3 situation lors de laquelle vous avez employé votre ordinateur ou votre
4 stylo; cependant, parfois il existe certaines conséquences sur le point de
5 la sécurité lorsque l'on utilise l'ordinateur. Cependant, s'il n'y pas
6 d'obstacle sur ce plan, la Chambre va certainement prendre en considération
7 la possibilité de vous accorder l'emploi de votre ordinateur portable ici,
8 afin de prendre des notes, et afin de les utiliser, par la suite, dans le
9 quartier pénitentiaire.
10 En ce qui concerne les comptes rendus d'audience dans une
11 langue que vous comprenez, les comptes rendus d'audience dans le cadre de
12 cette affaire, une requête a été déposée par la Défense au sujet de cela.
13 Nous avons déjà entendu la position générale prise par le Procureur cet
14 après-midi. Comme je l'ai déjà dit, la Chambre va prendre en considération
15 la question, à savoir si elle va rendre sa décision avant les vacances
16 judiciaire ou pas.
17 Ensuite, vous avez parlé à des moments différents des questions
18 financières. Vous avez dit que l'avocat à Pale ne pouvait pas vous aider en
19 raison du manque des moyens financiers. Ensuite, vous avez également fait
20 référence à la décision sur les moyens financiers prise par le Greffe. Vous
21 souhaitez que celle-ci soit modifiée. Encore une fois, ici en premier lieu,
22 vous devriez vous adresser au Greffe, et la Chambre de première instance
23 peut jouer un certain rôle seulement suite à la décision prise par le
24 Greffe si les conditions à la participation de la Chambre là-dedans sont
25 remplies.
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1 Ensuite, vous avez également dit quelque chose au sujet des documents qui,
2 si j'ai bien compris, il était considéré que ces documents avaient été
3 créés à une date ultérieures que la date qui y figure. Si de nouveaux faits
4 existent à ce sujet, encore une fois, il relève entièrement de Greffe de
5 traiter de cela. C'est seulement si toutes les exigences sont remplies que
6 la Chambre peut participer à cela.
7 Pour finir, vous avez dit quelque chose concernant la vérité
8 présentée par le biais des témoins serbes, la vérité présentée par les
9 témoins musulmans, et la situation qui est au milieu. La Chambre n'essaye
10 pas d'entendre une vérité, mais la vérité.
11 Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 16 heures 15. A ce moment-là, le
12 conseil de la Défense pourra commencer le contre-interrogatoire du témoin.
13 --- L'audience est suspendue à 15 heures 49.
14 --- L'audience est reprise à 16 heures 23.
15 [Le témoin est réintroduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Egrlic, vous serez maintenant
17 interrogé par le conseil de la Défense.
18 Maître Stewart, ou quelqu'un d'autre ?
19 M. STEWART : [interprétation] Deux choses rapidement, Monsieur le
20 Président. D'abord, je me demande si cela mérite une grande discussion en
21 présence du témoin compte tenu des contraintes de temps, mais il serait bon
22 que la Défense puisse disposer de cinq minutes avant la prochaine pause ou
23 à quelque moment opportun cet après-midi de façon à ce que le témoin n'ait
24 pas besoin de perdre son temps à écouter cela dans le prétoire.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est en rapport avec la requête ou
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1 --
2 M. STEWART : [interprétation] Deux éléments que j'aimerais porter à votre
3 attention rapidement, Monsieur le Président. L'une concerne les
4 commentaires de mon client devant les Juges, et la deuxième se composera
5 d'une ou deux petites remarques sur la requête.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous accorderai cinq minutes.
7 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie. Suite à ce que j'ai dit
8 hier, j'aurais plaisir, simplement, à indiquer que le témoin peut,
9 éventuellement, retirer ses écouteurs s'il n'est pas pratique de lui faire
10 quitter le prétoire.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que si nous retrouvons une
12 situation de même genre par la suite, pourrions-nous, au préalable,
13 déterminer de quelle façon les choses se feront, demander un conseil à la
14 section chargée des Victimes et des Témoins.
15 M. STEWART : [interprétation] A quel sujet, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Compte tenu des langues connues,
17 éventuellement.
18 M. STEWART : [interprétation] Ah, je vois, je vois. Les langues que peut
19 connaître le témoin, éventuellement, Monsieur le Président. Oui, je vous
20 remercie, excusez-moi, je n'avais pas bien compris ce que vous vouliez dire
21 par la question de langue.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était un raccourci, d'accord. Mais
23 veuillez procéder.
24 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'invite, à présent,
25 le témoin à retirer ses écouteurs. En fait, c'est la Chambre qui invite le
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1 témoin à retirer ses écouteurs.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous enlever vos écouteurs,
3 Monsieur Egrlic ?
4 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
5 voulais simplement dire -- et ceci ne devrait pas induire un débat trop
6 prolongé ou la présentation d'une requête cet après-midi -- mais, Monsieur
7 le Président, la Défense n'a pas le sentiment d'être prête à interroger ce
8 témoin. Je ne demande pas un quelconque report cet après-midi, je ne
9 demande pas à être autorisé à ne pas contre-interroger le témoin, mais ce
10 que je voulais dire est la chose suivante : nous ne nous sentons pas prêts,
11 et c'est le cas de tous les membres de l'équipe de la Défense. Je ne vais
12 pas revenir sur les arguments que je vous ai déjà présentés, Monsieur le
13 Président, mais je dois dire que ma position est la même à présent à
14 l'égard de tous les témoins ensemble ou individuellement. Nous ne nous
15 sentons pas comme étant dans une situation où nous disposons d'un temps
16 suffisant pour examiner les documents pertinents, trier les documents et
17 lire tout ce que nous devrions lire pour déterminer ce qui est pertinent ou
18 pas. Nous n'avons même pas le temps suffisant pour explorer les documents
19 qui nous sont soumis.
20 J'admets les commentaires que vous avez proférés, Monsieur le
21 Président, toutes les conséquences que vous en avez tirées. Bien entendu,
22 un conseil de la Défense ne lit jamais les documents du début à la fin.
23 Dans la réalité, cela ne se passe pas ainsi, cela serait une perte de
24 temps. L'équipe que vous avez devant vous est expérimentée comme toutes les
25 autres équipes. Elle est capable de juger de ce qui doit être lu ou pas,
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1 mais nous ne sommes pas dans un monde idéal et, normalement, nous avons
2 bien sûr, et ce depuis de très nombreuses années, l'habitude de juger de ce
3 genre de chose, mais aujourd'hui nous sommes dans une situation où ces
4 jugements doivent se faire dans des circonstances qui ne permettent pas de
5 le faire. Nous ne pouvons, tout simplement, pas absorber l'énorme quantité
6 de documents dans le temps qui nous est imparti.
7 Monsieur le Président, je souhaite indiquer, en le soulignant, que
8 nous passons tout notre temps à travailler. J'ai déjà dit que nous
9 travaillions au-delà des délais raisonnables, mais ce que je tiens à dire
10 aujourd'hui, c'est que cette dernière semaine avant les vacances
11 judiciaires, nous avons faits tout ce que nous pouvions pour travailler au
12 mieux, Monsieur le Président, mais je ne crois pas pouvoir imposer le même
13 rythme de travail semaine après semaine à tous les membres de mon équipe.
14 C'est, tout simplement, impossible.
15 Monsieur le Président, le fait de ne pas disposer d'un temps
16 suffisant n'est, peut-être, pas définissable de façon très précise. Mais,
17 en tous cas, il y a des documents qui sont importants, des documents qui
18 sont pertinents, que nous n'avons pas examinés, en raison de ces
19 difficultés. En tout cas, certains des membres de l'équipe n'ont pas pu les
20 examiner comme ils auraient dû l'être.
21 Il me suffira de dire que j'ai le sentiment de pouvoir contre-
22 interroger le témoin sur les questions les plus importantes du contre-
23 interrogatoire, mais il y a un danger, et nous pensons que ce danger doit
24 être indiqué de la façon la plus claire qui soit. Bien sûr, il y est
25 toujours possible de s'adresser à une Chambre de première instance, et de
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1 demander le rappel d'un témoin à la barre à un moment ultérieur, après la
2 conclusion de son interrogatoire, de son audition. Il y a tout de même un
3 seuil à ne pas dépasser. Voilà les explications que je considérais comme
4 nécessaires, s'agissant de déterminer les éléments qui pourraient exiger de
5 rappeler le témoin, alors que d'autres éléments, peut-être, moins
6 importants peuvent être réglés lors de la première audition du témoin.
7 Monsieur le Président, naturellement, nous en sommes arrivés à la
8 conclusion qu'il y a un certain nombre d'éléments suffisants qui permettent
9 d'être qualifiés comme n'ayant pas été couverts dans les différentes
10 requêtes qui ont été présentées. Nous souhaitons être très clair, Monsieur
11 le Président. Dans les conditions dans lesquelles nous travaillons, si cela
12 était nécessaire, si ces omissions concernaient des documents,
13 particulièrement, pertinents, nous ne disposerions, tout simplement, pas du
14 temps nécessaire pour éviter le risque que je viens d'évoquer.
15 J'essaie d'être le plus clair possible, et le plus ferme possible
16 également. Pour le compte rendu d'audience, Monsieur le Président, nous
17 pensons qu'il faut un équilibre raisonnable dans un sens et dans l'autre,
18 de façon à ce que nous ne serions pas considéré comme responsables d'un
19 report dans la présente affaire qui risquerait d'entraîner des conséquences
20 négatives. Sans perdre de temps, nous présentons la requête que nous
21 présentons en ce moment, car d'autre part nous ne souhaitons pas non plus
22 que quiconque puisse penser que nous avons fait perdre leur temps aux Juges
23 en entrant dans des détails trop ténus. Si le risque survenait, Monsieur le
24 Président, il est possible que les Juges demandent des détails
25 complémentaires, et nous n'aurions pas eu le temps suffisant, compte tenu
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1 des très nombreux documents que nous devons examiner pour mettre en exergue
2 ces détails à l'attention des Juges. Je souhaite que ceci soit consigné de
3 la façon la plus claire qui soit au compte rendu d'audience. A présent, je
4 peux procéder.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, ceci est consigné au
6 compte rendu d'audience, au moins cela vous évitera, par la suite, de
7 déposer une requête ou des écritures pour demander le rappel du témoin à la
8 barre. En tout cas, nous ne dirons jamais que vous n'avez pas consacré
9 l'attention nécessaire au contre-interrogatoire du témoin. Cela, c'est le
10 premier point.
11 Autre observation, ce n'est pas le début d'un débat, bien entendu mais, en
12 tout cas, la Chambre se rend bien compte que la municipalité de Kljuc est
13 l'une des municipalités, où 95 % d'accord aurait pu se faire sur les faits
14 importants. Par conséquent, il est préférable tout de même d'avoir à
15 traiter de la municipalité de Kljuc actuellement, avant les vacances
16 judiciaires, plutôt que d'une autre municipalité.
17 Vous pouvez maintenant entamer votre contre-interrogatoire.
18 M. STEWART : [interprétation] Oui. Je réserverais ma réponse à un moment
19 ultérieur, si ce moment survient, Monsieur le Président. Je vous remercie.
20 Contre-interrogatoire par M. Stewart :
21 Q. Monsieur Egrlic, je pensais --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A présent, le témoin devrait remettre
23 ses écouteurs; sinon, il n'entendra pas vos questions.
24 M. STEWART : [interprétation] Je n'aimerais pas que mes questions se
25 perdent dans le vide, Monsieur le Président. Je vous remercie.
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1 Q. Monsieur Egrlic, j'aimerais que l'on vous soumette la pièce 251, P251,
2 pièce de l'accusation bien entendu. Nous avons déjà vu ce document au cours
3 de votre déposition aujourd'hui. Un passage particulier a été examiné, qui
4 se trouve en page 6 de la version anglaise, si je ne m'abuse, page 8 de la
5 version en B/C/S, si ma mémoire est bonne. Enfin, ce n'est pas l'élément le
6 plus important. En tout cas, c'était le chapitre VI, intitulé déroulement
7 des opérations militaires. J'aimerais, à présent, que nous revenions à un
8 passage qui se situe, pratiquement, au début du document, Monsieur Egrlic.
9 En page une, on trouve une note liminaire, je ne vais vous ennuyer avec
10 cette note liminaire, voyez-vous, ensuite, le gros titre qui se dit comme
11 suit : "Causes fondamentales qui ont contribué à la dégradation de la
12 situation sur le plan de la sécurité." Vous voyez ce titre ? C'est le
13 deuxième gros titre.
14 R. Oui.
15 Q. En dessous de cet intitulé, au point 2, on trouve les
16 mots : "Positions au sujet de la mobilisation." Vous voyez ces mots ?
17 R. Oui.
18 Q. Cela ne fera pas l'objet d'une contestation entre nous. Bien entendu,
19 Monsieur Egrlic, nous n'allons pas nous quereller au sujet de la
20 présentation de ce document. En tout cas, la troisième ligne, en anglais,
21 se lit comme suit : "Les petits jeux, destinés à justifier la mobilisation
22 en prouvant sa légalité dans la municipalité, ont commencé avec le premier
23 appel à la mobilisation à la fin de juin 1991. Depuis septembre 1991, la
24 population musulmane a totalement cessé de répondre aux appels de
25 mobilisation pour entrer dans les Unités de la JNA."
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1 Monsieur Egrlic, que les choses soient claires, vous avez parlé du fait que
2 les Bosniens faisaient preuve d'une certaine réticence vis-à-vis des appels
3 à la mobilisation. Admettez-vous que cela, de la part des habitants de la
4 République fédérale d'Yougoslavie, constituait une forme de désobéissance
5 civile, donc un acte illégal ?
6 R. Je n'admets pas cela.
7 Q. N'est-il pas vrai que dans le cadre de la législation en vigueur dans
8 l'État dont vous étiez un ressortissant et de l'État dont la Bosnie-
9 Herzégovine faisait partie, cela constituait une violation de la loi, que
10 de refuser de répondre à un appel à la mobilisation ?
11 R. Oui, à l'époque où la JNA était une armée multiethnique.
12 Q. Répondez-vous par l'affirmative à ma question, en disant : "Oui, je
13 suis d'accord." C'était, effectivement, une forme de désobéissance civile,
14 donc un acte illégal ?
15 R. A cette époque-là, ce n'était pas le cas. Si nous parlons de l'époque
16 antérieure, et c'est au sujet de cet époque antérieure que je dis que :
17 oui, à cette époque-là, cela aurait pu constituer un acte de désobéissance
18 civile, à savoir, à l'époque où la présidence de l'Yougoslavie commandait
19 les forces armées, à l'époque où l'armée était une armée multiethnique.
20 Après l'éclatement de la guerre en Slovénie et, ensuite, en Croatie, la
21 présidence de l'Yougoslavie a perdu sa maîtrise de l'armée. Elle n'exerçait
22 plus les fonctions d'un commandement suprême. L'armée est devenue une armée
23 dans laquelle n'était représenté qu'un seul et unique groupe ethnique. Les
24 autres peuples présents dans le pays ne trouvaient plus leur place au sein
25 de cette armée. C'était, également, le cas pour les Bosniens de Bosnie-
Page 4844
1 Herzégovine.
2 Q. En 1991, que pensez-vous de la guerre en Croatie cette année-là ?
3 S'agissait-il d'une guerre opposant deux États ? S'agissait-il d'une guerre
4 civile -- d'une insurrection ? Ou comment qualifieriez-vous autrement cette
5 guerre ?
6 R. D'après moi, c'était une guerre destinée à empêcher la séparation de la
7 Croatie de l'ex-Yougoslavie.
8 Q. Mais n'étiez-vous pas d'avis que l'État, à savoir, la République
9 fédérale d'Yougoslavie, avait le droit d'entreprendre des actions
10 militaires pour empêcher une telle sécession ?
11 R. Elle aurait eu le droit de le faire si les conditions avaient été
12 normales. Autrement dit, si, au sein de cette armée et de cet État, tous
13 les peuples constitutifs -- toutes les nationalités étaient dûment
14 représentées, elles auraient eu le droit de le faire si la guerre en
15 Slovénie n'avait pas déjà commencée. Toutefois, avec l'indépendance de la
16 Slovénie, l'Yougoslavie a cessé de fonctionner, et la présidence de
17 l'Yougoslavie a cessé d'exercer le commandement des forces armées. La JNA
18 est devenue, à ce moment-là, l'armée d'un seul peuple, à savoir, le peuple
19 serbe. Voilà quel est mon avis sur toute cette question.
20 Q. Dans ces conditions, Monsieur Egrlic, est-il exact que les Bosniens ont
21 refusé de répondre à l'appel à la mobilisation et qu'en raison de cela,
22 l'armée est devenue monoethnique, et que l'aspect monoethnique de l'armée a
23 poussé les Bosniens à ne pas répondre à l'appel à la mobilisation ? C'est
24 cela que vous pensez ?
25 R. Les Bosniens ont refusé de répondre à l'appel à la mobilisation car ils
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1 n'étaient pas d'accord pour partir sur les champs de bataille de Croatie.
2 Ils ne voulaient prendre partie pour personne dans cette guerre puisque,
3 manifestement, certains problèmes nationaux n'étaient pas encore résolus.
4 Je veux parler plus précisément des problèmes nationaux opposant les Serbes
5 et les Croates. C'est pour cette raison que la mobilisation n'a pas été
6 admise parce que la politique menée à l'époque et la direction politique,
7 dans son ensemble du côté des Bosniens, estimaient que les relations, au
8 sein de l'Yougoslavie, devaient être réglées par la voie d'un accord et non
9 par la voie d'une guerre.
10 Q. Est-il, dans ces conditions, permis de paraphraser ce que vous venez de
11 dire, en disant qu'il y avait une guerre opposant les Croates et les
12 Serbes, que vous, les Bosniens -- je crois que c'est l'expression que vous
13 avez utilisée tout au long de votre déposition -- considériez comme
14 "n'étant pas votre guerre" ?
15 R. Les Bosniens considéraient que rien ne pouvait être obtenu par la
16 guerre, et que la guerre dans ces conditions n'était pas une nécessité en
17 vue de régler les problèmes qui opposaient les Serbes et les Croates
18 résidants en Croatie. Nous estimions que l'armée serbe n'avait aucune
19 nécessité d'aller se battre en Croatie. Les Bosniens pensaient que ce qui
20 était nécessaire, c'était de trouver une solution pacifique pour régler ce
21 problème de relations entre les différentes républiques qui, par le passé,
22 constituaient l'Yougoslavie.
23 Q. Monsieur Egrlic, au deuxième semestre de 1991, il y avait bel et bien
24 une guerre, n'est-ce pas ?
25 R. Il y avait une guerre sur le territoire de la République de Croatie.
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1 Ceux qui sont partis se battre dans cette guerre, les volontaires qui sont
2 partis de Bosnie-Herzégovine, ont d'abord été des volontaires serbes. Par
3 la suite, certaines unités ont été également mobilisées. Mais c'était une
4 guerre qui se déroulait sur le territoire de la Croatie, effectivement.
5 Q. Oui, ce que j'essaie de vous dire, Monsieur Egrlic, c'est que plutôt
6 que de répondre à ce souhait tout à fait naturel que vous avez exprimé, de
7 recherche d'une solution pacifique, une fois que la guerre a éclaté, n'est-
8 il pas vrai que pour votre part, vous la considériez simplement, cette
9 guerre, comme "n'étant pas votre guerre" ?
10 R. La guerre n'est jamais nécessaire à personne, ni à nous, ni à personne.
11 Les problèmes doivent toujours tenter d'être réglés par des solutions
12 pacifiques. Je ne dirais pas que ce n'était pas notre guerre, ce n'était la
13 guerre de personne.
14 Q. Mais, à votre avis, était-ce votre guerre ?
15 R. Ce n'était ni notre guerre, ni la guerre de personne. Jamais rien n'a
16 été résolu par la guerre, tel était le point de vue des responsables
17 politiques bosniens qui estimaient qu'il n'y avait aucune nécessité pour
18 les Bosniens d'aller se battre sur les champs de bataille en Croatie.
19 Q. Monsieur Egrlic, la communauté serbe, qui habitait dans votre région de
20 Bosnie-Herzégovine, considérait-elle la guerre en Croatie comme "sa"
21 guerre, en tout cas ?
22 R. Etant donné les actions qui ont été entreprises, étant donné que les
23 premiers volontaires ont été envoyés, et que des unités ont été mobilisées,
24 il est permis de conclure que cette communauté considérait qu'elle avait
25 des raisons de se mêler de cette guerre.
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1 Q. Mais vous étiez là-bas, Monsieur Egrlic. Est-ce une constatation que
2 vous avez faite que la communauté serbe de la région où vous habitiez
3 considérait, en tout cas, cette guerre comme "sa guerre" ?
4 R. Je crois qu'ils estimaient qu'il était nécessaire d'aider aux Serbes de
5 Croatie, et que c'est la raison pour laquelle ils sont allés là-bas. C'est
6 bien difficile de donner une réponse à cela, mais selon ce qu'ils ont fait,
7 puisqu'ils sont allés se battre sur le front en Croatie, ils ont estimé
8 qu'il était possible, qu'il leur fallait participer à cette guerre.
9 Maintenant, est-ce que l'on peut dire qu'une guerre peut appartenir à
10 quelqu'un, c'est une question bien complexe, et on peut débattre longtemps
11 là-dessus.
12 Q. Monsieur Egrlic, la communauté serbe, parmi laquelle vous viviez en
13 1991, avait un ressentiment très fort envers le fait que les Bosniens ont
14 très clairement évité de prendre part à cette guerre, n'est-ce pas ?
15 R. Comme j'ai déjà dit auparavant, les Serbes estimaient que le fait de ne
16 pas répondre à l'appel à la mobilisation faite par la Défense territoriale,
17 que de ce fait-là, ils se mettaient du côté des Croates, ce qui n'était pas
18 vrai. Mais selon l'opinion dont j'ai déjà parlé, d'après la thèse que la
19 guerre n'allait mener à rien et qu'on allait rien obtenir par la guerre,
20 mais plutôt qu'ils étaient d'avis qu'il fallait parvenir à un accord, un
21 accord sur le futur de l'Yougoslavie.
22 Q. Leur attitude, Monsieur Egrlic, était la suivante : ne pensaient-ils
23 pas que ceux qui n'étaient pas avec eux, étaient contre eux ?
24 R. C'est ainsi qu'ils se comportaient.
25 Q. Monsieur Egrlic, vous avez décrit que des relations pacifiques
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1 existaient dans votre communauté pendant une période très longue.
2 S'agissant de cette réaction différente concernant la guerre avec la
3 Croatie, au sein de la communauté serbe et de la communauté bosnienne,
4 c'est cette réaction bien différente de la part de ces deux ethnies qui a
5 fait en sorte que les relations se sont vues brimer ?
6 R. Oui, effectivement. C'est cela qui a mené à la détérioration des
7 relations.
8 Q. Monsieur Egrlic, je crois que vous vous considérez comme étant une
9 personne politique au début des années 1990, n'est-ce pas ?
10 R. [aucune interprétation]
11 Q. Vous avez répondu de façon si douce que le micro n'a pas capté votre
12 voix.
13 R. J'ai dit que oui.
14 Q. Est-ce que vous étiez intéressé par la politique ? Est-ce que cet
15 intérêt particulier qui a fait en sorte que vous avez décidé de suivre et
16 de prendre part de façon active à ce qui se passait en Yougoslavie et à sa
17 partie constituante ?
18 R. Pour ce qui est de la politique, j'étais au niveau des structures
19 municipales. Je n'ai pas eu l'occasion d'être formé en tant qu'homme
20 politique. Je n'ai pas pu prendre part à des décisions très importantes
21 comme celles de la question de l'ex-Yougoslavie, par exemple.
22 Q. Même si vous étiez un homme politique au niveau local, vos propres
23 intérêts et votre propre concentration étaient sur votre propre localité ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous ne vous êtes pas préoccupé de l'image plus large, mais vous vous
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1 êtes plutôt concentré sur la situation qui prévalait dans la localité dans
2 laquelle vous viviez, n'est-ce pas ?
3 R. Nous pourrions dire cela, effectivement, oui.
4 Q. C'est ce que je viens de dire. Je vous demande de me dire si vous êtes
5 d'accord avec moi ?
6 R. Oui.
7 Q. Pourrait-on examiner le document qui se trouve devant vous, de nouveau,
8 je vous prie, sous l'intitulé "Opérations de guerre". Voyez-vous ce
9 passage-là, cette partie-là ? C'est sous l'intitulé principal : "Causes
10 fondamentales qui ont contribué à la détérioration de la situation de la
11 sécurité," au point III. Est-ce que vous voyez ce point -- ce paragraphe au
12 point III ?
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à la page 3 du document en B/C/S.
14 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois. J'ai retrouvé le passage.
16 M. STEWART : [interprétation]
17 Q. Oui, très bien. Nous pouvons voir que le document parle de la
18 mobilisation. Nous en avons parlé il y a quelques instants. Nous pouvons
19 lire ce qui suit : "Les positions sont devenues bien divergentes concernant
20 la question des attaques sur les Serbes et la défense du peuple serbe sur
21 le territoire de Croatie, et la provocation dans la Bosanska Krajina dans
22 le bassin de la rivière Sava, ont été élevées. Un nombre considérable de
23 Serbes sont devenus volontaires. Nous avons également établi par le biais
24 du renseignement que les activités musulmanes ont pris part aux formations
25 ennemies dans la République de Croatie." Maintenant cette question de
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1 "formations ennemies", on parle clairement de Croates, n'est-ce pas,
2 Monsieur Egrlic ? Il n'y a aucun doute là-dessus.
3 Est-ce que vous avez quelque connaissance concernant cette dernière
4 phrase, que : "Quelques nationalistes musulmans ont pris une part active
5 aux formations d'unités ennemies appartenant aux Croates" ?
6 R. Je crois que ce n'est pas exact.
7 Q. Monsieur Egrlic, mes questions sont assez précises et je vous
8 demanderais de bien les écouter, et de bien répondre aux questions que je
9 vous ai posées.
10 Ma première question est la suivante : j'aimerais savoir si vous avez
11 quelque connaissance que ce soit concernant ce fait. Est-ce que c'est
12 quelque chose qui était exact ou inexact ?
13 R. S'agissant de cette dernière affirmation, si votre question porte sur
14 elle, pour ce qui me concerne, c'est inexact.
15 Q. Est-ce que vous aviez connaissance de cela ? Pouvez-vous nous dire
16 quelque chose qui peut appuyer votre point de vue ?
17 R. Je détiens une information qui est la suivante : dans l'ex-Yougoslavie,
18 du territoire de la municipalité de Kljuc, un certain nombre de Bosniens y
19 ont travaillé, et qu'au cours de cette guerre, ces derniers se sont trouvés
20 là. Je n'exclus pas la possibilité que certains d'entre eux ont été
21 mobilisés et qu'ils se sont retrouvés entre les rangs de l'armée croate.
22 Mais s'agissant de la municipalité de Kljuc, à savoir s'il y avait des
23 volontaires, des Bosniens et que, s'ils ont pris les armes pour aller
24 rejoindre les rangs de l'armée croate, je peux vous affirmer que cela n'est
25 pas vrai.
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1 Q. Peut-on s'en tenir aux propos qui figurent dans ce document, Monsieur
2 Egrlic, plutôt que de parler d'autre chose ? Est-ce que je dois comprendre
3 concernant cette phrase qui stipule que certains nationalistes musulmans
4 ont pris une part active aux formations ennemies dans la République de
5 Croatie ? Est-ce que nous pouvons partir du fait que c'est vrai ?
6 R. J'ai dit qu'il est possible que certaines personnes aient pris part à
7 cela. Mais ce sont des personnes qui travaillaient sur le territoire de la
8 Croatie. Il est possible qu'ils avaient été appelés à la mobilisation par
9 l'armée croate et qu'ils y ont pris part. S'agissant de volontaires, de
10 Bosniens, il n'y a pas eu de Bosniens mobilisés sur le théâtre des
11 opérations en Croatie. C'est certain. Si les Bosniens qui travaillaient sur
12 le territoire croate étaient des conscrits, il est fort probable que ces
13 derniers aient été mobilisés.
14 Q. D'abord, Monsieur Egrlic, est-ce que vous êtes en train de nous dire
15 que vous n'avez absolument aucune connaissance si cela est possible ou
16 non ? Ou est-ce que vous savez quelque chose concernant les conscrits qui
17 travaillaient en Croatie et qui étaient devenus des soldats dans l'armée
18 croate ?
19 R. Non, je n'en sais rien. Je ne détiens pas d'information là-dessus. Il
20 ne s'agit que de suppositions. Je présume que s'ils se sont trouvés sur le
21 territoire à ce moment-là, il existe une possibilité que c'est arrivé comme
22 je viens de vous l'expliquer.
23 Q. Bien, dans une réponse précédente, vous avez dit que vous savez, vous
24 détenez une information concernant l'ex-Croatie, et vous nous avez dit que
25 certain nombre de Bosniens qui travaillaient dans la municipalité de Kljuc,
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1 de Bosniens qui se trouvaient là, lorsque la guerre a commencé, qu'ils ont
2 pris part au conflit armé et qu'ils avaient rejoint les rangs de l'armée
3 croate.
4 Commençons par le début. C'est tout à fait connu que certains
5 Bosniens travaillaient en Croatie, n'est-ce pas ? Tout le monde savait
6 cela.
7 R. Oui, ils y travaillaient, mais, je vous en prie, ce n'est pas la même
8 chose de travailler et de mener la guerre. J'ai déjà répondu à cette
9 question. Il n'est pas nécessaire de poser la question cent fois. J'ai déjà
10 dit qu'il y avait des Bosniens qui travaillaient en Croatie, qu'il y avait
11 une possibilité que ces derniers étaient mobilisés sur le théâtre des
12 opérations en Croatie. Pour ce qui est des Bosniens de la municipalité de
13 Kljuc, aucun n'a été mobilisé. Il n'y avait pas de volontaires non plus qui
14 ont été envoyés sur le théâtre des opérations en Croatie.
15 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation soumet
16 respectueusement que le témoin a bien répondu. On a posé cette question au
17 témoin plusieurs fois. Je demanderais à la Défense de passer à autre chose.
18 M. STEWART : [interprétation] J'invite l'Accusation de nous indiquer le
19 passage dans lequel on voit qu'on a répondu à cette question.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre première question était, à savoir
21 si le témoin avait quelques connaissances. Le témoin a répondu à votre
22 question et il a dit qu'il n'avait aucune connaissance de ce fait. Ensuite,
23 vous l'avez confronté avec sa réponse précédente dans laquelle vous dites
24 qu'il a dit qu'il y a certains Bosniens qui travaillaient en Croatie et qui
25 appartenaient à la municipalité de Kljuc. C'est cela qu'il savait.
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1 Ensuite, au tout début, il a dit qu'il ne pouvait pas mettre de côté
2 de la possibilité que ces derniers auraient pu participer, ou auraient pu
3 être mobilisés par les unités croates. Je suis tout à fait d'accord avec
4 l'Accusation. Je crois qu'on a déjà répondu à votre question. Je vous
5 demanderais de passer à autre chose.
6 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Q. Quand vous nous avez dit que vous détenez de l'information s'agissant
8 de certains musulmans qui travaillaient en Croatie, vous ne parlez pas, en
9 fait, d'une information précise, mais vous voulez dire que c'est un fait
10 connu par tout, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, effectivement, c'est un fait bien connu.
12 Q. Avez-vous des connaissances qui vous permettent d'expliquer ou de nous
13 fournir un commentaire concernant le fait que les Bosniens qui vivaient
14 dans la partie dans laquelle vous viviez ne voulaient pas répondre à
15 l'appel à la mobilisation, mais qu'il est possible que des Bosniens qui
16 vivaient en Croatie ont bien pu répondre à l'appel à la mobilisation et ont
17 pu également prendre part à la guerre. Est-ce que vous avez quelques
18 connaissances qui vous permettent d'arriver à ce genre de conclusion ?
19 R. Non, je ne détiens pas ce genre d'informations.
20 Q. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que si la communauté serbe dans
21 votre région pensait que les Musulmans se battaient pour l'armée croate,
22 alors qu'ils avaient refusé de répondre à l'appel de la mobilisation fait
23 par la JNA, que cela pouvait empoisonner encore plus les rapports qui
24 existaient entre la communauté serbe et la communauté bosnienne pour ce qui
25 est de la région dans laquelle vous viviez ?
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1 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, cela appelle à la
2 spéculation pour ce qui est du témoin. En fait, on demande au témoin de
3 spéculer sur certains faits qui n'ont pas encore été établis. Nous
4 demanderions à la Défense de passer à autre chose.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai posé ma question
7 de façon très prudente. J'ai demandé au témoin dans le préambule à ma
8 question, d'abord si la communauté serbe --
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois il s'agit d'une question
10 hypothétique, "Si la communauté serbe dans votre région avait cru que…"
11 Très bien, effectivement, il s'agit d'une question hypothétique.
12 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, il n'est pas
13 nécessaire d'insister là-dessus. Je vais passer à autre chose.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, j'aimerais bien poser cette
15 question. En fait, je voudrais vous poser plutôt la question, à savoir, où
16 vouliez-vous en venir ? Je voulais demander à l'Accusation s'il y a quelque
17 désaccord entre le fait que les rapports entre les deux groupes ethniques
18 étaient devenus de plus en plus difficiles et amères.
19 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, il n'est pas
20 nécessaire d'insister là-dessus. Ce n'est pas vraiment une question sur
21 laquelle j'insiste. Je vais passer à autre chose.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
23 M. STEWART : [interprétation]
24 Q. Monsieur Egrlic, le document qui se trouve sous vos yeux, nous l'avons
25 examiné il y a quelques instants. J'aimerais que vous preniez le passage
Page 4855
1 dont on vous a posé un certain nombre de questions. Il s'agit du paragraphe
2 6 : "Le cours des opérations armées." Pourriez-vous trouver cet intitulé,
3 je vous prie ? Je crois qu'il s'agissait de la page 8 de la version B/C/S,
4 mais je ne suis pas tout à fait certain. Je ne voudrais pas vous induire en
5 erreur.
6 Est-ce que vous voyez cet intitulé : "Le cours des opérations armées"?
7 R. Oui, j'ai trouvé le passage.
8 Q. Très bien. Je voulais simplement, en fait, me servir de ce paragraphe
9 comme point de repère. Je souhaiterais vous poser certaines questions
10 concernant le paragraphe qui se trouve avant celui-là. C'est sous le titre
11 de : "Toutes nos conclusions mènent à croire que la Défense territoriale
12 musulmane --" Est-ce que vous voyez ce passage ?
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Egrlic, avez-vous trouvé ce
14 passage ? Il s'agit de la partie --
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je l'ai trouvé.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est le paragraphe qui commence avec le
17 mot, "Svanaca" [phon].
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
19 M. STEWART : [interprétation]
20 Q. "Toutes nos conclusions mènent à croire que la Défense territoriale
21 musulmane a été établie d'abord pour des fins de défense. Toutefois, des
22 enquêtes faites par le travail opérationnel plus tard ont établi que
23 plusieurs réunions avaient eu lieu à Prijedor et à Sanski Most au mois de
24 mai. C'est à ce moment-là qu'ils ont adoptés la décision de commencer une
25 rébellion armée pour atteindre leur but déjà mentionné. La décision de
Page 4856
1 changer le concept d'une opération défensive à une opération offensive a eu
2 un effet contraire sur la population musulmane dans la zone de la
3 municipalité de Kljuc. Les attaques qu'ils ont lancées le 27 mai 1992 ont
4 donné une raison aux membres de l'armée de la Republika Srpska de Bosnie-
5 Herzégovine de faire régler les comptes en s'organisant également."
6 Qu'est-ce que vous avez à nous dire là-dessus, Monsieur Egrlic ? Est-ce que
7 la Défense territoriale musulmane était au début formée pour des raisons
8 défensives ?
9 R. Je vous ai déjà répondu là-dessus. La Défense territoriale musulmane,
10 comme vous l'appelez, faisait la Défense territoriale de l'état de Bosnie-
11 Herzégovine. Elle a été organisée par l'état-major de la Défense
12 territoriale. Elle se préparait et elle formait certaines unités. Mais les
13 unités n'avaient pas été formées. Il n'y avait pas eu de concepts
14 concernant la façon dont laquelle la guerre devait être menée, s'il
15 s'agisse d'une guerre défensive ou une guerre offensive. Je crois que
16 c'était clair.
17 Q. Monsieur Egrlic, on vous a posé une question concernant le premier
18 paragraphe sous, "l'intitulé VI", qui commence
19 par : "Les opérations armées dans la zone de la municipalité de Kljuc ont
20 commencé le 27 mai 1992." On vous a posé une question concernant ce
21 paragraphe. Je vous demanderais maintenant de lire les mots qui se trouvent
22 à la fin de ce paragraphe : "Les événements suivants se sont déroulés ce
23 jour-là."
24 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais au
25 témoin de prendre connaissance en son for intérieur de ce passage, puisque
Page 4857
1 le passage est assez long. Je ne voudrais certainement pas lire le passage
2 à haute voix. Si vous le souhaitez, Monsieur le Président, je pourrais
3 certainement donner lecture. C'est à vous.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Jusqu'où voulez-vous que le témoin
5 en prenne connaissance ?
6 M. STEWART : [interprétation] En fait, il est de 20 à 30 lignes, et ce
7 passage se poursuit jusqu'au bas de la page.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le point 1.
9 M. STEWART : [interprétation] C'est le point 1, en fait, sous le titre :
10 "Organiser une embuscade dans le secteur de Gornji Ramici."
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
12 M. STEWART : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. On invite ce témoin de
14 prendre connaissance de ce paragraphe en son for intérieur, et en
15 traduction en langue anglaise, de lire le passage à partir de "l'intitulé
16 VI.1", à la page 6, qui commence avec les mots, "tendre une embuscade dans
17 le secteur de Gornji Ramici," jusqu'à la page 7, qui se termine par les
18 mots, "tendre une embuscade dans la zone
19 de --"
20 Monsieur Egrlic, lorsque vous aurez terminé de lire le passage, et si je ne
21 m'abuse, vous êtes en train de lire la page 9 de la version B/C/S et les
22 trois premiers lignes de la page 10, n'est-ce pas ? Quand vous auriez
23 terminé lecture de ce passage, je vous prierais de me le dire.
24 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'en ai pris connaissance.
Page 4858
1 M. STEWART : [interprétation]
2 Q. Monsieur Egrlic, dites-vous que tous ceci est faux ?
3 R. Il est vrai que cet incident est survenu.
4 Q. Y a-t-il des erreurs particulières que vous pouvez relever dans ce
5 récit que vous venez de lire ?
6 R. Je ne connais pas exactement les détails, mais je sais que c'est arrivé
7 le 27 mai. C'est quelque chose dont j'avais entendu parlé, mais sans
8 concernant les détails, comment c'est arrivé, je ne le sais pas. Je ne les
9 possédais pas avec exactitude. Je ne peux rien vous confirmer.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, nous
11 pouvons lire : "Je ne connais pas ces détails, mais je ne sais pas que
12 c'est arrivé le 27 mai." Est-ce que vous aviez voulu dire que vous saviez
13 que c'est arrivé le 27 mai, ou que ce n'est pas arrivé le 27 mai ? Il y a
14 peut-être une erreur d'interprétation ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je savais que cet évènement est
16 survenu, mais que je ne détiens pas tous les détails concernant
17 l'évènement.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Selon vous, c'est arrivé le 27
19 mai ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. C'est simplement pour corriger le
22 compte rendu d'audience, car il y avait une erreur qui s'était glissée. Ce
23 n'est pas à cause de vous.
24 Je vous prie de poursuivre, Maître Stewart.
25 M. STEWART : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je vous
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1 remercie.
2 Q. Ensuite, le point suivant est beaucoup plus bref. C'est le numéro 2,
3 qui porte sur une embuscade qui a été tendue à Busije
4 et --" -- c'est illisible. Peut-être peu importe quel était le "secteur".
5 Encore une fois, est-ce que vous pourrez nous dire cela ? Est-ce que vous
6 pourriez dire à la Chambre et au président de la Chambre lorsque vous aurez
7 terminé la lecture.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai lu.
9 M. STEWART : [interprétation]
10 Q. Est-ce que ces événements se sont déroulés de manière conforme à la
11 description que nous trouvons dans ce document ?
12 R. S'ils se sont déroulés le même jour, j'ai une information au sujet de
13 cela, mais en ce qui concerne les détails je ne suis pas au courant car je
14 n'y ai pas participé, je n'y étais pas. En ce qui concerne --
15 Q. Est-ce que vous voulez dire que vous ne pouvez pas dire que c'est faux,
16 mais vous ne savez pas, personnellement, si tout cela est exact. Est-ce
17 qu'il s'agit d'un résumé qui est conforme à la réalité, Monsieur Egrlic ?
18 R. Oui, je ne peux pas dire si c'est complètement exact, ou pas, mais je
19 sais que cela s'est passé.
20 Q. Peu importe les détails, au fond c'est exact. Cet incident, plus ou
21 moins tel qu'il a été décrit ici, effectivement, a eu lieu ?
22 R. Oui.
23 Q. Je souhaite vous inviter, Monsieur Egrlic, à lire à la fois les points
24 3, 4, 5 et 6 puisqu'il s'agit de paragraphes plutôt brefs et, après, nous
25 allons lire en bloc les autres passages. Veuillez dire aux Juges lorsque
Page 4860
1 vous aurez terminé.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant que le témoin est en train de
3 lire, je souhaite demander au Procureur si leurs positions seront modifiées
4 si, par exemple, cette liste d'incidents même s'ils ont été commis par les
5 Bosniens, comme on les appelle depuis récemment, se sont produits,
6 effectivement.
7 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être le témoin
8 devait enlever ses écouteurs, pendant que l'on pose une telle question.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien sûr, avant d'entendre la
10 réponse.
11 M. STEWART : [interprétation] Oui, compte tenu du moment.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.
13 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, notre position ne
14 concerne pas les opérations de combat. Je ne suis pas en mesure de faire un
15 commentaire avec tous les détails en ce qui concerne les événements qui
16 sont allégués ici. En ce qui concerne les opérations de combat qui se sont
17 déroulés dans la municipalité, notre point de vue ne se concentre pas là
18 dessus.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord, est-ce que vous considérez
20 qu'il s'agissait, effectivement, des opérations de combat, ou --
21 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne peux pas dire
22 si tel était le cas ou pas, puisque je n'ai pas eu l'occasion de faire une
23 enquête concernant la manière dont ils se sont déroulés, ou s'il existe des
24 informations contradictoires.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je me posais cette question parce
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1 que je me disais que ceci n'était, effectivement, que l'essentiel du point
2 de vue du Procureur. Je souhaitais savoir, d'après le bureau du Procureur,
3 quelle est l'importance de cela car je pense qu'en ce qui concerne les deux
4 premiers incidents -- que le témoin pouvait dire quelque chose,
5 effectivement -- qui se sont déroulés sans entrer dans les détails, mais,
6 si le témoin peut dire la même chose pour les incidents suivants. Bien sûr,
7 je ne sais pas s'il va le faire, mais est-ce que ceci provoquera une action
8 procédurale de la part du Procureur, en réponse ?
9 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, il ne s'agit,
10 certainement, pas de l'essentiel de l'affaire de notre point de vue. Nous
11 ne savons pas s'il s'agit là de l'approche du quoque, ou est-ce que la
12 Défense souhaite soulever un point.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, je souhaitais suggérer
14 cela car nous allons avoir une réponse. Cela ne va pas être vraiment la
15 réponse à la question que j'ai posée au Procureur. Pour vous guider, je
16 pense que, la prochaine fois, vous pourriez poser la question, en disant
17 comme suit : "Ce rapport décrit quelques actions en tant qu'attaques des
18 Musulmans, y compris ceci et cela, est-ce que vous êtes d'accord pour dire
19 que cela s'est déroulé oui ou non ?" Ainsi, nous aurons plus ou moins le
20 même résultat, compte tenu du fait qu'il ne s'agit pas de l'essentiel de
21 l'affaire. Parce que, dans cette affaire, il n'est pas question de savoir
22 qui a tiré la première balle contre qui, mais surtout ce qui s'est passé
23 par la suite.
24 Veuillez poursuivre.
25 M. STEWART : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,
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1 Monsieur le Président, je dois dire que je suis d'accord avec vous. Je dis,
2 simplement, que je ne peux pas dire au témoin de répondre sans lui donner
3 l'occasion de lire la deuxième observation. Monsieur le Président, c'est
4 que sa réponse concernant les points 3, 4, 5, et 6, nous aurons pu
5 l'obtenir en peu de temps. Troisièmement, en ce qui concerne la question de
6 savoir qui a tiré la première balle, le Procureur a posé une question
7 concernant l'introduction de cette section, s'il n'avait pas posé cette
8 question, nous n'aurions pas posé nos questions, non plus.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Monsieur le Témoin,
10 veuillez reprendre les écouteurs, avez-vous lu les parties pertinentes,
11 Monsieur Egrlic ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai lu les points 3, 4, 5 et 6,
13 oui.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Stewart.
15 M. STEWART : [interprétation]
16 Q. Est-ce que c'est la vérité ?
17 R. En ce qui concerne les points 3, 4, 5, je ne sais pas. En ce qui
18 concerne le point 6, j'en ai entendu parler.
19 Q. Vous avez entendu la description qui est conforme à ce qui est contenu
20 dans le point 6. Nous pouvons le dire pour traiter de cela de manière plus
21 pratique.
22 R. Oui.
23 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que je ne
24 vais plus m'attarder à ce sujet.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
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1 M. STEWART : [interprétation] C'est tout à fait au président de la
2 Chambre de me dire quand c'est le temps pour le break. Je ne peux jamais
3 rappeler si c'est 25 ou 30 minutes après l'heure, qui est le choix du M. le
4 Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, vous pensez de
6 l'horaire matinal.
7 M. STEWART : [interprétation] C'est prendre ses désirs pour des
8 réalités.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons ajourner entre 6
10 heures moins 20 et 6 heures moins 15. Après un break de 20 minutes, nous
11 aurons une heure de plus.
12
13
14 M. STEWART : [interprétation] Je pense que vous avez raison, Monsieur
15 le Président. Je pensais des heures matinales.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela m'a pris aussi deux ans,
17 Monsieur Stewart.
18 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, vous m'avez aide
19 beaucoup. Je vais essayer de rappeler une autre fois.
20 Q. Monsieur Egrlic, vous êtes -- je me demande si vous pourriez
21 avoir un document. Jusqu'à date, il n'a pas été une pièce au cours du
22 témoignage de ce témoin, ni dans cette affaire, Monsieur le Président.
23 Nous avons des copies en B/C/S et, également, en anglais, évidemment;
24 l'original est en B/C/S.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, la prochaine
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1 cote serait pour la Defense ?
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, la cote sera D24.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Et D24.1 pour la traduction
5 anglaise.
6 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, un instant, s'il
7 vous plaît.
8 [Le conseil de la Défense se concerte]
9 M. STEWART : [interprétation] Mme Loukas me rappelle, Monsieur le
10 Président, qu'il faudrait que je dise que nous n'avons pas fourni cela en
11 avance, mais la raison en est que j'ai décidé de l'utiliser très récemment
12 moi-même. Je m'en excuse et je le présente maintenant.
13 Q. Monsieur Egrlic, je souhaite, simplement, vous inviter, tout d'abord, à
14 examiner rapidement ce document de manière suffisante pour pouvoir me
15 répondre à la question de savoir si vous avez jamais vu ce document ou une
16 copie de ce document auparavant ?
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, en effet, ce qui nous a
18 été présenté ce sont deux documents qui se ressemblent beaucoup. Si vous
19 posez une question concernant un document, veuillez dire, au témoin, lequel
20 c'est exactement ?
21 M. STEWART : [interprétation] Oui, Mme Loukas vient de me rappeler qu'il
22 existait deux versions en B/C/S. Peut-on placer devant le témoin les deux
23 documents qui sont, tout à fait, semblables.
24 Q. Monsieur Egrlic --
25 M. STEWART : [interprétation] Pour autant que nous puissions le voir, il
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1 s'agit du même document qui a été retransmis à plusieurs reprises. Vers la
2 fin de la page, nous voyons des indications concernant ces transmissions.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il existe des annotations
4 différentes dans le texte. Nous pouvons voir certaines différences. Est-ce
5 que vous pourriez nous dire si vous souhaitez que le témoin se penche sur
6 l'exemplaire où deux éléments ont été soulignés au fond ou juste un ?
7 M. STEWART : [interprétation]
8 Q. Monsieur Egrlic, voici ma question. Vous pouvez examiner rapidement les
9 deux documents et veuillez dire aux Juges si vous vous souvenez, si vous
10 avez vu l'un ou l'autre de ces documents ou une copie d'eux auparavant ?
11 R. Je vois ces documents pour la première fois aujourd'hui.
12 Q. Pour que les choses soient, tout à fait, claires, au fond sauf pour ce
13 qui est de quelques différences quant aux parties qui sont soulignées,
14 certaines notations en haut de la page, il s'agit, essentiellement, du même
15 texte. Au fond, il s'agit du même document, vous pouvez voir cela, Monsieur
16 Egrlic, n'est-ce pas ?
17 R. D'après le contenu, je dirais que oui.
18 Q. Pour nous faciliter la tâche, et pour qu'on soit sûr que l'on travaille
19 sur la base du même document, Monsieur Egrlic, je vous invite à examiner
20 celui qui a été souligné à deux reprises. Les points 4 et 5, je pense que
21 vous trouverez les endroits qui ont été soulignés. Je pense que tout le
22 monde pourrait se pencher sur celui-ci et enlever l'autre.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pouvons éliminer l'autre ?
24 M. STEWART : [interprétation] Je pense que oui, Monsieur le Président. Je
25 pense que ceci nous facilitera la tâche.
Page 4866
1 Q. Monsieur Egrlic, je lis la version en anglais bien sûr, mais en haut à
2 gauche, nous pouvons lire que ceci a été faxé, et il y est écrit : "La
3 République de la Bosnie-Herzégovine, ministère de la Défense nationale,
4 état-major de la Défense territoriale à Sarajevo." La date est celle du 29
5 avril 1992. "Très urgent. Ordre d'exécuter la décision de la présidence de
6 la République de Bosnie-Herzégovine." Je vous ai demandé de l'examiner
7 rapidement tout à l'heure. Maintenant, vous pouvez le lire un peu plus
8 lentement : "Sur la base de la décision de la présidence de la République
9 de Bosnie-Herzégovine du 27 avril 1992 portant sur le retrait de la JNA,
10 l'armée populaire yougoslave, des unités de la JNA du territoire de la
11 République socialiste de Bosnie-Herzégovine, et compte tenu de la violation
12 de cette décision de la présidence, et en raison du fait que l'ancienne JNA
13 a commencé à voler et piller les biens de la République de Bosnie-
14 Herzégovine, je donne l'ordre suivant."
15 Maintenant, nous allons présenter un résumé plutôt que de lire cela.
16 Ce qui porte sur les blocus de toutes les routes; ensuite, le blocus de la
17 région plus vaste pour ce qui est des installations militaires; ensuite,
18 empêcher les colonnes non annoncées des unités de l'ancienne JNA si elles
19 souhaitent passer sans l'escorte du MUP, accélérer les activités de
20 combats. Ici, je résume. Il est, également, dit qu'il faut y inclure des
21 mesures approfondies portant sur la protection de la population et des
22 biens matériels des citoyens de la République de Bosnie-Herzégovine. C'est
23 signé par le commandant, le colonel Hasan Efendic.
24 En avril 1992, vous saviez qui était M. Efendic, n'est-ce pas, Monsieur
25 Egrlic ?
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1 R. Je savais qui c'était car il avait nommé le commandant de l'état-major
2 de la Défense territoriale à son poste, à Kljuc.
3 Q. Vous avez été informé par M. Omer Filipovic de la teneur de ce
4 document, n'est-ce pas ?
5 R. Il ne m'a pas informé de cela. C'est la première fois que je vois ce
6 document.
7 Q. Ce que vous dites, Monsieur Egrlic, ce sont deux choses qui ne sont
8 pas, tout à fait, pareilles. Vous n'avez jamais vu ce document, et vous
9 dites que vous n'en avez même jamais entendu parler ?
10 R. J'en ai entendu parler lorsque je suis venu ici et lorsque j'ai lu la
11 déclaration de M. Omer Filipovic. Avant, je n'ai pas eu l'occasion de voir
12 cela. C'est la première fois que je le vois.
13 Q. Penchons-nous de nouveau sur la déclaration de M. Filipovic que vous
14 venez de mentionner, que vous avez lue, qui a été versée au dossier dans
15 cette affaire.
16 M. STEWART : [interprétation] Il s'agit de la pièce P245. Peut-on remettre
17 cela au témoin.
18 Q. M. Filipovic avait une certaine position au sein de la défense
19 territoriale, la TO, n'est-ce pas en avril 1992 ?
20 R. Oui.
21 Q. Il était le commandant à Pudin Han, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Comme nous le savons, ceci se trouve dans la municipalité de Kljuc.
24 Veuillez examiner encore une fois cette déclaration…
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que vous allez proposer
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1 au témoin de lire, tout d'abord, les cinq dernières lignes de la page 2 et,
2 ensuite, la suite à la page 3.
3 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il s'agit du
4 dernier paragraphe à la page 2 de la version en anglais. J'invite Mme
5 Cmeric à me dire où cela se trouve exactement en B/C/S.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est pareil.
7 M. STEWART : [interprétation] c'est au milieu de la page, en peu plus haut.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la dernière --
9 M. STEWART : [interprétation] C'est à peu près cinq lignes à partir de la
10 fin de la page 2.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que je viens de dire.
12 M. STEWART : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, vous avez
13 obtenu ces informations plus tôt que moi-même. Je vous remercie.
14 Q. Mais je pense que peut-être, il vaut mieux commencer un peu plus haut,
15 au début de la version en B/C/S où il est écrit : "Parmi les instructions
16 écrites mentionnées dont je ne me souviens…" Tout d'abord, est-ce que vous
17 voyez ce paragraphe, Monsieur Egrlic ? Posez-moi une question si vous avez
18 du mal à trouver le bon paragraphe.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être le témoin peut commencer la
20 lecture du paragraphe qui commence par "le 29 avril".
21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est à quelle page, Monsieur le Président ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Page 2.
23 Q. Page 2. Veuillez commencer la lecture d'un paragraphe à la page 2.
24 C'est la phrase qui commence par les mots "le 29 avril". Je pense qu'il a
25 écrit : "Après une brève période de temps, je pense que c'était le 29 avril
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1 de cette année --" Est-ce que vous voyez cela, Monsieur Egrlic ? On vous
2 aide à le faire, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. "Après une brève période de temps, je pense que c'était le 29 avril,
5 j'ai envoyé la proposition ou j'ai reçu une télécopie qui a été envoyée à -
6 -" et cetera; cependant, il s'agissait d'une erreur lorsque l'on a remis
7 cette télécopie au président de l'assemblée municipale et du comité
8 exécutif. Je pense qu'il s'agissait d'un exemplaire de cette télécopie qui
9 était archivée dans le centre d'information. J'ai perdu mon exemplaire.
10 Ceci est mentionné dans la télécopie" -- ce qui est mentionné, c'est que
11 d'après l'ordre de Filipovic -- "je suis nommé au poste de commandant de
12 l'état-major de la Défense territoriale de la municipalité de Kljuc. C'est
13 un ordre portant sur ma nomination qui a été signée par le commandant de la
14 TO de la Bosnie-Herzégovine, le colonel Hasan Efendic. Tous mes contacts
15 avec l'état-major de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine
16 concernaient seulement quelques coups de fils et quelques messages et
17 ordres transmis par téléphone."
18 Ensuite, cela se poursuit : "Parmi les instructions écrites
19 mentionnées dont je me souviens, il y avait des instructions ou quelque
20 chose d'autre -- je ne me souviens plus quel était le nom du document --
21 concernant le travail des Unités de la TO. Je pense, également, aux
22 directives visant à empêcher le passage des colonnes militaires non
23 annoncées de l'ancienne JNA, empêcher leur passage, et d'autres
24 instructions moins importantes. Nous avons reçu l'ordre d'empêcher le
25 passage des personnes non annoncées, des personnes non escortées par la
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1 police, la MUP de la Bosnie-Herzégovine. Je ne me souviens pas des mots
2 exacts contenus dans cet ordre, mais je pense que l'on disait qu'il fallait
3 utiliser tous les moyens à notre disposition afin d'exécuter cette tâche."
4 Est-ce que vous êtes d'accord, Monsieur Egrlic, pour dire que ceci
5 est conforme à la description contenue dans ce document, et que clairement,
6 Monsieur Filipovic parle, ici, du document que l'on venait d'examiner ici ?
7 R. D'après cette description, on dirait qu'il s'agit effectivement de ce
8 document.
9 Q. Oui, merci. Ensuite, cela se poursuit : "Les directives et d'autres
10 documents peuvent être trouvés dans le centre dans le village de Pudin Han.
11 J'ai informé le président du comité exécutif, Asim Egrlic, du contenu de
12 cette directive."
13 Est-ce que vous dites maintenant qu'il se trompe à ce sujet ?
14 R. Je vous ai déjà dit qu'il ne m'a pas informé de cela, et qu'aujourd'hui
15 c'est la première fois que j'ai vu ce document.
16 Q. Pour que les choses soient claires, il se trompe lorsqu'il dit cela
17 dans cette déclaration ?
18 R. Il se trompe.
19 Q. Cette déclaration porte la date du 29 mai 1992. Monsieur Egrlic, le
20 Procureur vous a posé concrètement la question de savoir si vous avez eu
21 l'occasion de lire cette déclaration. C'est à la page 62 du compte rendu
22 d'audience d'hier. Vous avez dit : "Oui." On vous a demandé aux termes
23 généraux : "D'après vos souvenirs et vos connaissances, si cette
24 déclaration était conforme à la réalité ?"
25 Vous avez répondu : "Dans la plus grande partie de la déclaration,
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1 c'est le cas."
2 Est-ce que vous pouvez nous dire -- nous expliquer pourquoi vous avez
3 confirmé cela devant la Chambre de première instance hier, alors que cette
4 partie précise de la déclaration, qui vous concerne personnellement, est
5 erronée ?
6 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on nous pencher
7 sur le fond de la page 63 du compte rendu d'audience hier, et vous allez
8 voir que la réponse du témoin hier, est complètement conforme à celle qui
9 l'a fournie aujourd'hui.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que c'est justement l'endroit
11 auquel il a fait référence, en disant qu'il s'agit d'un élément qui n'est
12 pas correct dans la déclaration de M. Filipovic, Maître Stewart. Mais nous
13 pouvons vérifier cela.
14 M. MARGETTS : [interprétation] Oui. C'est au fond de la page 63 et la
15 réponse est donnée en haut de la page 64.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vais vérifier.
17 M. STEWART : [interprétation] Je n'ai pas de réponse à cela, Monsieur le
18 Président. Evidemment, ce que M. Margetts dit est tout à fait correct.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 M. STEWART : [interprétation] Il s'agit d'une omission de ma part. M.
21 Margetts a tout à fait raison.
22 Peut-être que nous pourrions faire une pause, maintenant, Monsieur le
23 Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je voulais réfléchir quelque
25 peu.
Page 4872
1 Nous allons faire une pause jusqu'à 6 heures 5.
2 --- L'audience est suspendue à 17 heures 46.
3 --- L'audience est reprise à 18 heures 10.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, veuillez reprendre, je
5 vous prie.
6 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Q. Monsieur Egrlic, nous allons maintenant passer à un sujet entièrement
8 différent. Vous avez dit aux Juges de la Chambre, mardi, dans le cadre de
9 votre déposition, ceci se trouve en page 35 du compte rendu d'audience, que
10 vous aviez entendu parler pour la première fois de la cellule de Crise de
11 la région autonome de Krajina aux environs de la mi-1991. Je vous demande
12 si vous êtes absolument sûr de la période que vous avez cité, à savoir, la
13 mi-1991 ?
14 R. J'ai dit que je pensais que cela s'est passé à la mi-1991.
15 Q. Vous vous rappelez avoir dit que vous pensiez que tel était le cas.
16 Mais seriez-vous, dans ces conditions, totalement surpris si quelqu'un
17 devait vous dire qu'il n'existait pas de cellule de Crise de la région
18 autonome de Krajina à quelque moment que ce soit durant l'année 1991 ?
19 R. Je ne sais pas si j'en serais surpris, mais je pense qu'en 1991, cette
20 cellule de Crise était déjà créée.
21 Q. Mais si je vous dis qu'elle n'a, en fait, été créée qu'à la fin de
22 1992, vous ne seriez pas en mesure d'affirmer que ceci est faux, n'est-ce
23 pas ?
24 R. Non. Ce que vous dites est possible, car tout de même, un certain
25 nombre d'années se sont écoulées depuis. J'ai dit que je pensais que la
Page 4873
1 chose s'était passée dans cette période.
2 Q. Oui. En fait, je pensais au mois de mai, mais enfin, de toute façon,
3 cela n'a aucune incidence sur la réponse que vous venez de faire, Monsieur
4 Egrlic.
5 Vous avez parlé de M. Brdjanin. Vous avez dit qu'il a communiqué avec des
6 représentants du SDS de Kljuc grâce à la télécopie et au téléphone, et
7 cetera. Ensuite, on vous a interrogé au sujet d'un document particulier, je
8 parle du document qui comporte 14 points, nous y viendrons en temps utile.
9 Mais ce mode précis de communication correspond-il à ce document que nous
10 avons examiné, ce document au 14 points ? Dites-nous si vous avez besoin
11 qu'on vous soumette à nouveau ce document. Est-ce bien le seul mode de
12 communication que vous ayez connu entre M. Brdjanin et les représentants du
13 SDS de Kljuc ?
14 R. S'agissant de la façon dont les documents étaient rédigés, c'est le
15 seul document où il est stipulé que des communications existaient.
16 Q. Auriez-vous le souvenir d'autres communications entre M. Brdjanin et
17 les représentants du SDS de Kljuc ?
18 R. Je ne me souviens pas.
19 Q. Peut-être pourrait-on vous soumettre la pièce à conviction P228.Vous
20 avez dit, s'agissant de la teneur de ce document, qu'il semblait avoir pour
21 but la mise en œuvre de l'état d'urgence, possibilité qui n'existait qu'en
22 temps de guerre. C'est cela que vous avez répondu. Ceci figure en page 38
23 du compte rendu d'audience de mardi.
24 Conviendriez-vous que, le 29 octobre 1991, ce document était,
25 effectivement, un document produit en temps de guerre ?
Page 4874
1 R. Dans la municipalité de Kljuc et en Bosnie-Herzégovine, ce n'était pas
2 une époque où la guerre faisait rage. La guerre, à ce moment-là, se menait
3 en Croatie.
4 Q. Mais ce document traite de la guerre en Croatie, n'est-ce pas, Monsieur
5 Egrlic ? Regardez le point 14.
6 R. Oui.
7 Q. On trouve là une référence tout à fait claire à la Croatie. Regardez,
8 maintenant, ce que l'on trouve au point 3, je cite : "Créez des unités
9 destinées à être envoyées au front et désignez leur relève." Que signifie
10 le mot "front" que l'on trouve dans ce paragraphe ?
11 R. Il est fait référence à cet endroit, au front qui existait en Croatie,
12 mais il n'y avait aucune nécessité, dans le but indiqué ici, de créer un
13 commandement dans notre région et d'éliminer les instances locales du
14 pouvoir qui existaient à ce moment-là. Ceci figure au point 1.
15 Q. Pour que tout soit clair, Monsieur Egrlic, votre réponse signifie-t-
16 elle que vous êtes en désaccord avec les auteurs de ce document quant à ce
17 qui était nécessaire à l'époque ? C'est bien cela, Monsieur Egrlic ?
18 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 M. MARGETTS : [interprétation] Dans cette question, le conseil ne reprend
21 pas fidèlement les propos du témoin. Le conseil de la Défense a bien repris
22 un élément de la réponse du témoin, mais pas le deuxième.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La réponse du témoin n'est pas
24 correctement résumée si l'on ne fait référence qu'à ce qu'il jugeait
25 nécessaire car il a dit également que la chose était entre les mains des
Page 4875
1 autorités locales, à qui incombait le pouvoir. Je comprends cela comme
2 signifiant que la chose ne dépendait pas des personnes ou des instances qui
3 sont à l'origine du document.
4 M. STEWART : [interprétation] Avec le respect que je vous dois, Monsieur le
5 Président, je vois ici une difficulté. Je pense qu'il y a petite erreur
6 dans le compte rendu d'audience en anglais car je vois sur l'écran qu'il
7 est écrit : "Pour que les choses soient claires, Monsieur Egrlic, la
8 réponse que vous venez de faire implique, n'est-ce pas, que vous êtes
9 d'accord avec les auteurs de ce document ?" Alors que ce que je disais,
10 c'était : "Vous êtes en désaccord." Pour que tout soit clair.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est le mot que je vous ai entendu
12 prononcer.
13 M. STEWART : [interprétation] Cela, c'est un point de détail, mais pour
14 tirer tout cela au clair, Monsieur le Président, il n'y a rien
15 d'inéquitable ou d'inopportun dans ma question car je n'essaie pas de
16 résumer l'intégralité de la réponse du témoin. Dans la question suivante
17 que je lui pose, et qui est tout à fait justifiée, je m'appuie sur sa
18 réponse précédente qui, elle, était composée de deux volets. Mais il n'y a
19 aucune déformation de ma part dans le fait de me concentrer dans ma
20 question ultérieure sur un élément particulier de la question antérieure.
21 Ceci n'a rien d'inéquitable.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.
23 Je suis d'accord, Monsieur Stewart, que vous avez dit : "Votre
24 réponse implique, n'est-ce pas --" mais c'est une expression un peu vague.
25 Monsieur Margetts, est-ce que vous préfèreriez le mot "recouvre" au lieu de
Page 4876
1 "implique" ?
2 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense a
3 caractérisé le désaccord du témoin comme ayant un rapport de nécessité avec
4 la situation. Le témoin a dit clairement que son désaccord était un
5 désaccord eu égard à l'aspect nécessité, et non à l'aspect légalité.
6 M. STEWART : [interprétation] Ceci démontre que ma question est tout à fait
7 justifiée, mais je peux, bien sûr, me concentrer sur les deux éléments,
8 l'un après l'autre.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais, Maître Stewart, prenons un
10 exemple sans rapport avec celui-ci, peut-être, mais que nous avons entendu
11 récemment. Lorsque le témoin a dit -- il n'y avait pas de guerre, en
12 rapport avec le point 14 du texte. Il était question de guerre. Si je vous
13 disais que dans tous les lieux où la radio, par exemple, évoque une guerre,
14 cela signifie plus ou moins qu'une situation de guerre existe, vous
15 conviendrez sûrement avec moi que ce n'est pas une manière tout à fait
16 juste de poser la question au témoin. Je veux dire, peut-être, est-ce une
17 finesse du contre-interrogatoire, mais comme vous le savez sans doute, ces
18 finesses ne sont pas connues dans tous les systèmes judiciaires. Par
19 conséquent, je vous demanderais de dire clairement si vous parlez de l'une
20 ou de l'autre des parties de la réponse du témoin car, sinon, vous risquez
21 de créer de la confusion dans l'esprit du témoin, ce que nous souhaitons
22 éviter.
23 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'est
24 l'objection et l'échange qui a suivi, qui a créé la confusion dans l'esprit
25 du témoin, car apparemment, il ne manifestait aucune confusion --
Page 4877
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai dit que je craignais que cela ne
2 créé la confusion dans l'esprit du témoin. Vous pouvez maintenant
3 poursuivre.
4 M. STEWART : [interprétation]
5 Q. Pensez-vous, Monsieur Egrlic, que les mesures décrites dans ce document
6 n'étaient pas nécessaires à ce moment-là à Kljuc ? C'est bien ce que vous
7 pensez ?
8 R. Exact.
9 Q. Dans votre réponse mardi, vous avez parlé de l'état d'urgence, ou
10 plutôt -- en tout cas, vous avez dit que ce document équivalait à mettre en
11 œuvre un état d'urgence, ce qu'il n'est possible de faire qu'en temps de
12 guerre ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-il permis, dans ces conditions, de résumer ce que vous avez dit en
15 affirmant que vous ne considériez pas que Kljuc était en état de guerre ?
16 R. Kljuc n'était pas en état de guerre. Je l'ai dit à plusieurs reprises.
17 Q. Dans votre déposition, mardi, vous avez dit que sur la base de ce
18 document, le SDS, Parti démocratique serbe, avait pris un certain nombre de
19 mesures, et que dans la période ultérieure, ces mesures ont été mises en
20 œuvre. Mais lorsque vous avez dit : "Mises en œuvre," pensiez-vous à une
21 mise en œuvre à Kljuc ?
22 R. A Kljuc, oui.
23 Q. On vous demande, à ce moment-là : "La plupart des éléments figurant aux
24 paragraphes 1 à 14 du texte ont-ils fait l'objet de mises en œuvre de la
25 part du SDS à Kljuc ?" Vous répondez : "Oui." Maintenez-vous cette réponse
Page 4878
1 aujourd'hui, Monsieur Egrlic ?
2 R. Oui.
3 Q. Je lis ce qui figure au point 1, je cite : "Créez immédiatement un
4 commandement de la ville, et établir des permanences 24 heures sur 24."
5 Ceci a-t-il immédiatement été mis en œuvre après le 29 octobre 1991 ?
6 R. Oui, rapidement.
7 Q. Combien de temps après cette mesure a-t-elle été mise en oeuvre ?
8 R. Je crois que quelques jours plus tard, un poste de commandement a été
9 créé.
10 Q. L'avez-vous su ?
11 R. Je savais qu'une cellule de Crise avait été créée. C'est cette cellule
12 de Crise que j'ai à l'esprit lorsqu'on parle de commandement de la ville,
13 car en créant une cellule de Crise, ils ont repris entre leurs mains toutes
14 les fonctions exercées précédemment par l'assemblée municipale et par les
15 instances légalement élues.
16 Q. Tout cela s'est fait en quelques jours. Ces permanences, 24 heures sur
17 24, ont-elles été créées en même temps ?
18 R. Les permanences, 24 heures sur 24, ont été instaurées dans les organes
19 exécutifs, je veux parler de la police et de l'armée. En effet, on a
20 augmenté le nombre de soldats patrouillant dans les rues et le nombre de
21 policiers également, ainsi que les horaires de travail.
22 Q. Soyons bien précis, Monsieur Egrlic, lorsque vous dites que vous avez
23 entendu pour la première fois, lorsque vous avez appris qu'un commandement
24 de la ville, correspondant à la description que vous vous venez d'en faire,
25 a été créé par le SDS, quand l'avez-vous appris ? A quel moment ?
Page 4879
1 R. J'ai appris qu'avant cette date y compris, une présidence de Guerre
2 avait été créée, autrement dit, la cellule de Crise du Parti démocratique
3 serbe qui, plus tard, a été rebaptisée en présidence de Guerre.
4 Q. A Kljuc ?
5 R. A Kljuc, oui.
6 Q. Je vous prierais d'être vraiment très précis. Ecoutez bien la question
7 et soyez très précis dans votre réponse, également, bien sûr, Monsieur
8 Egrlic. Je reprends les mots que vous venez de prononcer. Vous avez dit aux
9 Juges de cette Chambre qu'en quelques jours à peine -- c'est le terme que
10 vous avez utilisé -- après la parution de ce document, un commandement de
11 la ville -- je reprends les mots utilisés dans la traduction anglaise qui,
12 je suppose, sont fidèles à l'original serbe. Vous dites qu'en à peine
13 quelques jours, ce commandement de la ville a été créé. Quand avez-vous
14 appris pour la première fois que cela c'était produit ?
15 R. Lorsque j'ai parlé de mise en œuvre en quelques jours, je pensais aux
16 autres points qui figurent dans ce texte. Quant au commandement de la ville
17 ou plutôt à la cellule de Crise, je crois qu'elle existait déjà avant la
18 date de parution de ce document. Lorsque je dis "cellule de Crise", j'ai à
19 l'esprit le commandement de la ville.
20 Q. Y a-t-il eu quelque chose qui a changé à ce moment-là, après le 29
21 octobre 1991, du point de vue de la cellule de Crise ou du commandement de
22 la ville ?
23 R. Ce qui a changé, c'est que la défense territoriale a commencé à
24 mobiliser de plus en plus, et que désormais, des unités en bonne et due
25 forme étaient envoyées en Croatie. On ne parlait plus de volontaires --
Page 4880
1 Q. Monsieur Egrlic, je vais vous interrompre en vous invitant à vous en
2 tenir à la question, si vous voulez bien. Cela fait déjà quelques minutes
3 que nous parlons et la chose est tout à fait clair du point 1 de la liste.
4 C'est bien vous dans votre déposition devant cette Chambre qui avez dit que
5 toutes les mesures énumérées dans ces points de la liste ont été mises en
6 œuvre, les mesures énumérées aux points 1 à 14 du texte. J'ai, pour ma
7 part, pris le plus grand soin de vous dire, il y a un instant, que cette
8 fois-ci, je parlais précisément du paragraphe 1, du premier point. En
9 réponse à ma question concernant ce point 1, vous avez précisément répondu
10 : "Quelques jours plus tard." Si vous souhaitez modifier votre réponse,
11 Monsieur Egrlic, vous êtes, bien sûr, tenu par votre déclaration solennelle
12 et vous êtes dans l'obligation de modifier une réponse si vous estimez que
13 c'est la meilleure chose à faire.
14 Reprenons, s'agissant du point 1 de la liste et de la façon dont vous
15 comprenez ce qui figure à ce point 1, je vous demande s'il y a quelque
16 chose qui a changé à Kljuc dans les quelques jours ou quelques semaines qui
17 ont suivi le 29 octobre 1991, à Kljuc ?
18 R. Oui.
19 Q. En quoi a consisté ce changement ?
20 R. Il y a eu des appels de plus en plus fréquents à la mobilisation. Il y
21 a eu prise de pouvoir dans les entreprises, dans le service de comptabilité
22 public, le SDK.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interrompe une seconde, Monsieur
24 Egrlic. Me Stewart vous a demandé de vous concentrer exclusivement sur le
25 point 1 qui se lit comme suit, je cite : "Créez immédiatement un
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1 commandement de la ville et établir des permanences 24 heures sur 24."
2 C'est sur point particulier que Me Stewart vous interrogeait. Ce qui est au
3 cœur de sa question, c'est que vous avez dit que les mesures avaient été
4 appliquées quelques jours plus tard. Dans une autre réponse qui figure
5 quelques lignes plus bas au compte rendu d'audience, vous avez dit, en
6 fait, qu'il existait déjà quelque chose d'assez semblable, un commandement
7 de la ville, une cellule de Crise.
8 A présent, ce que Me Stewart souhaite apprendre de votre bouche,
9 c'est si la création du commandement de la ville et l'établissement des
10 permanences 24 heures sur 24 ont été mises en œuvre quelques jours plus
11 tard ou si elles existaient déjà au moment où ce texte a été publié, c'est-
12 à-dire, le 29 octobre. C'est cela qui est au cœur de la question de Me
13 Stewart. Pourriez-vous y répondre, je vous prie ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant du commandement de la ville, il
15 avait déjà été créé.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était justement la question. En quoi
17 est-ce que cela a changé après le 29 octobre si, en réalité, il est déjà
18 été créé. On voulait simplement savoir, s'agissant du commandement de
19 formation de la ville, le changement de la relève, est-ce que quelque chose
20 a changé concernant le changement de la relève ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, le commandement du
22 poste n'a pas été créé pour être créé. Je parle des activités qui ont eu
23 lieu après --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois. Dois-je comprendre que,
25 lorsque vous avez dit à deux reprises dans le cadre de votre déposition, la
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1 mobilisation est devenue comme vous l'avez dit, permettez-moi de retrouver
2 vos propos ? Qu'elle est devenue de plus en plus fréquente ? Ce que vous
3 êtes en train de nous dire, c'est que le commandement de la ville qui
4 existait déjà a pris des mesures, telles que nous les voyons sur la liste,
5 d'autres mesures qui figurent sur cette liste, et dont vous nous avez dit
6 que la mobilisation et la prise de pouvoir a eu lieu dans les entreprises.
7 Est-ce ainsi que je dois comprendre votre réponse ? Est-ce que cela
8 existait déjà, mais les autres points que vous avez mentionnés, c'est-à-
9 dire, d'autres choses ont changé après le 29 octobre, ces points
10 supplémentaires.
11 R. Oui, effectivement, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
13 M. STEWART : [interprétation]
14 Q. Au point 2, concernant : "L'établissement de la mobilité entière de la
15 Défense territoriale," quand est-ce que c'est arrivé, selon vous ?
16 R. C'était, en fait, avant cet ordre. Cet ordre a fait en sorte que ces
17 mobilisations sont devenues de plus en plus accrues, et ainsi que la
18 formation des unités.
19 Q. Vous avez eu connaissance de cela, n'est-ce pas ?
20 R. Chaque citoyen avait connaissance de cela. Les hommes se rendaient sur
21 le champ de bataille, sur la ligne de front par autobus. Les personnes
22 partaient de leur travail. On leur avait payé une prime pour partir à la
23 guerre, ce n'était pas un secret.
24 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire à quel moment c'est arrivé ?
25 R. C'est arrivé déjà au mois d'août, cela avait commencé au mois d'août et
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1 cela s'est poursuivi plus tard.
2 Q. Selon vous, où était le problème ? C'était une démarche qui avait été
3 entreprise.
4 R. Rien n'allait. D'abord et avant tout, les gens quittaient leur lieu de
5 travail. Deuxièmement, c'était une façon d'armer les soldats serbes. Les
6 armes, ils ne les rendaient plus, ils les ramenaient avec eux à la maison.
7 Ensuite, la paix dans Kljuc était interrompue, car les hommes portaient ces
8 armes sur la ligne de front et, en revenant, ils dérangeaient les citoyens.
9 Il n'y avait rien de bien là dedans.
10 Q. C'était les conséquences, Monsieur Egrlic. Vous avez répondu de la
11 façon suivante, vous avez dit : "Tout le monde, tous les citoyens étaient
12 au courant de cela, les hommes se rendaient sur le champ de bataille par
13 autobus. Lorsque vous parlez de "champ de bataille", est-ce que vous parlez
14 du théâtre des opérations en Croatie; est-ce que c'est exact ?
15 R. Oui.
16 Q. Je ne veux pas revenir sur les mêmes questions, Monsieur Egrlic. Il y
17 avait une guerre, et les hommes se rendaient sur la ligne de front, n'est-
18 ce pas ?
19 R. Oui, effectivement, les hommes se rendaient là, mais c'était une autre
20 république. La municipalité de Kljuc se trouve dans la République de
21 Bosnie-Herzégovine. Nous parlons de la situation telle qu'elle était dans
22 la municipalité de Kljuc et des conséquences de cette mobilisation accrue a
23 provoquées, le dérangement des citoyens. Nous ne parlons pas d'une
24 municipalité en Croatie, nous parlons bien d'une municipalité au sein de la
25 Bosnie-Herzégovine.
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1 Q. Au troisième point, nous pouvons lire : "Former les unités pour le
2 front et désigner leurs remplaçants," est-ce que cela a été fait ?
3 R. Oui.
4 Q. Quand cela a-t-il été fait ?
5 R. Cela a été fait immédiatement après la prise de cette décision et même
6 plus tôt. Cette décision n'a fait qu'accroître, qu'augmenter le tout, les
7 tensions, cela s'est poursuivi jusqu'au mois de mai et, peut-être, même
8 plus tard je ne sais pas.
9 Q. La guerre en Croatie, comment devait-elle être menée, sans que l'on ne
10 forme des unités pour les déployer sur le front ?
11 R. Vous pourrez poser la question à ceux qui ont mené la guerre.
12 Q. Permettez-moi de reformuler cette question. Selon vous, parce que vous
13 avez fait plusieurs commentaires sur ce document, cela fait partie de votre
14 déposition, ce sont vos commentaires à vous. Selon vous, de quelle façon
15 devait-on mener la guerre, sans que l'on ne forme des unités pour les
16 déployer sur le front, pour autant ?
17 R. Selon moi, il ne fallait vraiment pas du tout qu'il y ait de guerre et
18 ce, je l'ai dit et redit à plusieurs reprises. La politique du peuple
19 bosnien n'était pas, du tout, d'accord pour que cette guerre ait lieu, car
20 cette guerre a causé la guerre en Bosnie-Herzégovine.
21 Q. Au point 4, on peut lire : "Tous les hommes âgés de moins de 40 ans
22 doivent être réassignés de la protection civile et de la Défense
23 territoriale pour être resubordonnés au corps d'armée des unités de
24 guerre." Est-ce que cela est arrivé, effectivement ?
25 R. Oui.
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1 Q. Est-ce que c'est quelque chose que vous connaissez ?
2 R. Oui.
3 Q. Comment connaissez-vous cela ?
4 R. Je le sais parce qu'au secrétariat de la Défense nationale, il y avait
5 un employé qui était bosnien et il m'avait dit que, concernant les cartons,
6 et le reste, que cela avait lieu, et que l'on procédait à la formation de
7 ces unités afin de les déployer sur le front en Croatie.
8 Q. À quel moment avez-vous appris cela pour la première fois ?
9 R. J'ai appris cela en novembre 1991.
10 Q. Au point 5 de la liste, on peut lire l'intitulé : "Prendre le contrôle
11 des entreprises publiques du bureau de poste des PTT, le service d'audit
12 public, des banques, du système judiciaire et des médias." Tout du moins
13 c'est ce que l'on peut lire dans la traduction. Est-ce que cela a eu lieu
14 effectivement ?
15 R. Dans certaines entreprises oui. Je l'ai déjà dit hier ou avant-hier, je
16 ne me souviens plus. Concernant les médias, on avait remplacé l'éditeur en
17 chef Asmir Burzic et l'on a placé à sa place un Serbe qui était,
18 maintenant, devenu rédacteur. Pour ce qui est du SDK, on a remplacé un
19 Bosnien par un Serbe. C'est arrivé également dans d'autres entreprises.
20 Cette décision a été mise en œuvre.
21 Q. Ce processus, tel que décrit au point 5, quand a-t-il commencé pour la
22 première fois ?
23 R. Cela avait commencé immédiatement après la prise de cette décision,
24 cela n'a pas duré très longtemps puisque pour ce qui est de ces positions
25 là, ce n'est pas les Bosniens qui les occupaient nécessairement. Il était
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1 assez facile de mettre en place cette décision.
2 Q. S'agissant de ce processus, à quel moment s'est-il terminé ? Je parle
3 toujours du point 5, bien sûr.
4 R. Ceci s'est terminé le 7 mai 1992, lorsque tous les Bosniens ont été,
5 brutalement, expulsés de leurs lieux de travail, et ce pour ce qui est de
6 l'ensemble des entreprises de la municipalité de Kljuc.
7 Q. Au point 6, on peut lire : "Proclamez un programme de guerre sur les
8 stations radio." Est-ce que cela avait été fait également ?
9 R. Oui.
10 Q. Quand ?
11 R. Immédiatement après la prise de la station radio et après avoir
12 remplacé l'éditeur en chef, on a commencé à diffuser des programmes selon
13 ce schéma de guerre. C'était au tout début de l'année 1992.
14 Q. Au point 7, on peut lire : "Pour chaque municipalité, faire des
15 réunions avec tous les directeurs et se mettre d'accord pour ce qui est de
16 l'approvisionnement de la population avec des biens et l'électricité." Est-
17 ce que cela a eu lieu ?
18 R. Oui, effectivement.
19 Q. Quand ?
20 R. C'était au tout début de 1992. Tous les directeurs ont été convoqués.
21 Etant donné la nature de leur travail, ils ont reçu pour ordre
22 d'approvisionner l'armée et les citoyens selon les biens dont ils
23 disposaient.
24 Q. Est-ce que vous étiez présent à une telle réunion ?
25 R. Oui.
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1 Q. Combien de réunions ont eu lieu entre la fin du mois d'octobre 1991 et
2 au début du mois de mai 1992 ? A combien de réunions de ce genre avez-vous
3 participé ?
4 R. J'ai pris part seulement à l'une de ces réunions.
5 Q. Au point 8 : "Placer un moratoire concernant l'émission des permis de
6 construction, la vente de terrains, l'élection des directeurs lorsque
7 l'absence des réservistes se faisait voir, et changer les cadres dans
8 toutes les entreprises, et cetera. Est-ce que cela est arrivé à Kljuc,
9 effectivement ?
10 R. Oui.
11 Q. Effectivement, est-ce qu'il y a eu un abus en l'absence des réservistes
12 à Kljuc ?
13 R. Oui, effectivement. Lorsqu'ils sont revenus de la ligne de front, ils
14 ont commencé à tirer avec leur arme sur les vitrines et à entrer dans les
15 magasins.
16 Q. Le point numéro 9, "l'emploi", il y a deux éléments en haut du point 9,
17 je vais traiter des deux : "L'emploi des personnes aptes à combattre des
18 régions de guerre est entièrement interdit." Cela, c'est le point un.
19 Ensuite, ceci est suivi par : "Si ces personnes sont déjà employées, elles
20 devraient être, immédiatement, licenciées et renvoyées au front." Est-ce
21 que cela s'est passé à Kljuc ?
22 R. Oui. A Kljuc, il y avait des réfugiés logés à l'hôtel. Des hommes aptes
23 à combattre de Croatie. Ils ont été mobilisés et renvoyés aux lignes de
24 front en Croatie avec d'autres réservistes.
25 Q. Il y avait une interdiction stricte selon laquelle il fallait licencier
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1 immédiatement toutes personnes aptes à combattre de ce genre à Kljuc,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Ils n'ont pas eu un emploi. Ils avaient été mobilisés, puisqu'ils
4 étaient à l'hôtel. C'est là qu'ils étaient hébergés, ils ont été mobilisés
5 afin d'être envoyé au front.
6 Q. Qu'en est-il du point portant sur toutes les armes et les équipements
7 qui doivent être recueillis des déserteurs ? Est-ce que cela s'est
8 produit ?
9 R. Cela ne s'est pas produit.
10 Q. Est-ce qu'il y a eu des déserteurs ?
11 R. Oui.
12 Q. Le point 11 : "Faire des listes des biens supplémentaires, puis ceux
13 qui sont en pénurie et en informer le SDS à Sarajevo, M. Ilic." Tout
14 d'abord, est-ce qu'une telle liste a été constituée ?
15 R. On faisait des listes dans des magasins. On constituait ce genre de
16 liste.
17 Q. Qui les a dressées ?
18 R. C'était dressé par des commissions émanant des entreprises actives dans
19 le commerce de ces biens.
20 Q. Avez-vous jamais vu ce genre de liste ?
21 R. Je n'ai pas vu de liste, mais je sais que les listes ont été dressées.
22 Q. Est-ce que vous savez qui était M. Ilic ?
23 R. Je ne sais pas.
24 Q. Savez-vous s'il a jamais reçu des informations en ce qui concerne ce
25 qui est écrit au point 11 ?
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1 R. Je ne sais pas.
2 Q. Le numéro 12 : "Les formations paramilitaires, si elles existent,
3 doivent être démantelées immédiatement et rattachées à la Défense
4 territoriale. Ceci doit être exécuté sans faute." Y a-t-il eu des
5 formations paramilitaires le 29 octobre 1991 à Kljuc ?
6 R. Pas à cette date-là. Après le Nouvel An, des espèces d'Aigles blancs
7 sont venues. Je ne sais pas s'ils se sont placés sous le commandement de la
8 Défense territoriale. De toute façon, ils étaient présents dans la région
9 de la municipalité de Kljuc.
10 Q. Combien de temps après le Nouvel An sont-ils arrivés ?
11 R. Peut-être en février. Avant, des Bérets rouges sont arrivés.
12 Q. Après le Nouvel An, mais avant eux ?
13 R. Oui. Les Aigles blancs sont venus après le Nouvel An, mais avant leur
14 arrivée, il y avait déjà les Bérets rouges qui faisaient partie --
15 Q. Oui. Est-ce que c'était avant ou après le Nouvel An, Monsieur Egrlic ?
16 R. Les Bérets rouges, c'était avant le Nouvel An. Les Aigles blancs,
17 c'était après le Nouvel An.
18 Q. Combien de temps avant le Nouvel An sont arrivés les Bérets rouges ?
19 R. En novembre, à peu près.
20 Q. Est-ce qu'ils ont été démantelés suite à leur arrivée, à un moment
21 donné ?
22 R. Non. Ils sont restés sur le territoire de la municipalité jusqu'à la
23 fin.
24 Q. Point 13 : "Imposer des taxes de guerre afin d'atteindre plus de succès
25 dans l'ensemble de l'opération." Est-ce que cela s'est produit à Kljuc ?
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1 R. Oui.
2 Q. Quand ?
3 R. Cela, c'est produit, en ce qui concerne le point cité, ceci est,
4 étroitement, lié au point 7, où il est dit : "Convoquer tous les directeurs
5 dans la municipalité et se mettre d'accord sur la manière dont il faut
6 fournir les vivres à la population." Les organisations de travail avaient
7 le devoir d'assister l'armée serbe en leur fournissant des vivres. Je pense
8 que ceci concerne les soi-disant taxes de guerre également.
9 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, vous pouvez voir que
10 je m'approche du point 14. Puis-je avoir cinq minutes de plus ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. En fait, j'avais promis avant ou
12 après la dernière pause, mais vous êtes peut-être au milieu de ce que vous
13 souhaitez dire. Je ne sais pas s'il vous faut encore cinq minutes jusqu'au
14 point 14. Je ne sais pas à quel point le point 14 est important pour vous.
15 Je suppose que ceci n'est pas vraiment important pour vous d'avoir
16 cinq minutes maintenant plutôt que demain matin.
17 M. STEWART : [interprétation] Tout à fait.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends.
19 Monsieur Egrlic, nous n'avons pas encore compris comme vous l'avez compris
20 vous-même. Vous devriez revenir ici demain matin, à 9 heures du matin.
21 Encore une fois, je vais vous redire que vous ne devez parler, à qui que ce
22 soit, de votre déposition devant ce Tribunal car vous allez continuer votre
23 déposition. Ne dites pas, non plus, à qui que ce soit que vous êtes témoin
24 dans cette affaire.
25 Monsieur l'Huissier, veuillez escorter M. Egrlic à l'extérieur de ce
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1 prétoire et veuillez revenir.
2 [Le témoin se retire]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Stewart.
4 M. STEWART : [interprétation] Merci beaucoup. Effectivement, cela aurait
5 plus facile si j'avais terminé le point 14, mais ceci n'est pas tellement
6 important. Je souhaitais soulever deux points. Tout d'abord, très
7 brièvement en ce qui concerne les observations faites par mon client M.
8 Krajisnik auparavant. Simplement, je souhaite dire que la Chambre de
9 première instance peut s'attendre à entendre un écho de discussion entre
10 moi-même et M. Krajisnik. Je souhaite vous dire, tout simplement, que nous
11 n'avons pas donné de conseils à M. Krajisnik qui ne seraient pas conformes
12 à ce que vous aviez suggéré vous-même concernant les responsabilités
13 différentes.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai compris que les commentaires
15 faits par M. Krajisnik exprimaient ses préoccupations concernant certains
16 aspects de sa participation à la préparation de la Défense.
17 M. STEWART : [interprétation] Oui, mais je souhaitais vous assurer qu'en ce
18 qui concerne l'ordre dans lequel il fallait faire les choses, nous l'avions
19 déjà dit à M. Krajisnik.
20 La deuxième observation par rapport à ce qu'a dit M. Krajisnik
21 concerne la question de la requête de M. Krajisnik et ce qu'il a suggéré en
22 tant qu'alternative s'il ne pouvait pas avoir le compte rendu d'audience.
23 Je souhaite souligner qu'au nom de M. Krajisnik, nous considérons que cette
24 alternative ne serait pas du tout satisfaisante, mais vraiment une option
25 de remplacement, l'idée d'avoir M. Krajisnik qui devrait venir ici avec son
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1 ordinateur. A mon avis, cela ne résout pas la difficulté qui serait résolue
2 vraiment seulement par le biais des comptes rendus d'audiences. Nous
3 comprenons pourquoi M. Krajisnik a dit ce qu'il a dit. Si vous voulez ce
4 qu'il a dit fait preuve d'un certain pessimisme de sa part par rapport à la
5 réponse que vous donnerez à sa requête.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Nous n'avons jamais
7 considéré que M. Krajisnik trouvait que c'était une option toute aussi
8 bonne que celle contenue dans sa requête. Moi-même et les Juges, nous avons
9 compris que, si jamais il n'est pas possible de faire droit à sa requête,
10 il serait utile pour lui, au moins, de pouvoir venir ici avec un ordinateur
11 portable pour qu'il puisse traiter les informations de manière plus
12 efficace par rapport à ce qu'il fait maintenant. C'est ce que j'ai compris.
13 Vous savez, Maître Stewart, vous n'avez pas de raison d'avoir peur que la
14 Chambre va se faire influencer par cette très belle alternative présentée
15 par M. Krajisnik.
16 M. STEWART : [interprétation] Merci. Bien sûr, il vaut mieux pour M.
17 Krajisnik de venir ici avec l'ordinateur portable plutôt que sans
18 l'ordinateur du tout. J'apprécie ce que vous avez dit.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est clair.
20 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
21 M. STEWART : [interprétation] Oui, excusez-moi en ce qui concerne la
22 requête portant la langue B/C/S pour parler brièvement, nous avons
23 considéré qu'il serait très utile d'avoir une décision, notamment, en ce
24 qui concerne les comptes rendus d'audiences. Nous sommes, surtout,
25 préoccupés par la possibilité d'avoir la bonne décision. Si le Procureur a,
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1 simplement, fait état de sa position générale sans plus de détails, dans ce
2 cas-là, nous n'avons pas de possibilité de répondre au point soulevé par le
3 bureau du Procureur. A notre avis, ceci n'est pas la manière la plus
4 satisfaisante de traiter de cela. Nous aimerions avoir une réponse dès que
5 possible, mais nous considérons que, si nécessaire, il vaut mieux que l'on
6 sache exactement quels sont les points de vue de l'Accusation dans ce
7 domaine. Nous considérons que, même si ceci entraînera un délai
8 supplémentaire, nous préférions procéder de cette manière-là.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur la base des questions que je vous ai
10 posées au début de l'audience d'aujourd'hui, vous pouvez conclure que la
11 Chambre a, déjà, prêté beaucoup d'attention à votre requête. Je pense que
12 la Chambre pourra rendre une décision orale demain. Tout d'abord, nous
13 devrons prendre une décision définitive. Si la décision n'est pas complète,
14 au moins nous pourrons répondre aux éléments les plus importants de la
15 requête que vous m'avez indiquée préalablement.
16 Nous allons terminer nos travaux. Encore une fois, je remercie les
17 interprètes, mais aussi les techniciens. Nous allons reprendre nos travaux
18 demain matin à 9 heures dans ce prétoire.
19 --- L'audience est levée à 19 heures 06 et reprendra le vendredi 30
20 juillet 2004, à 9 heures 00.
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