Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 1er septembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour. Madame la Greffière d'audience,

6 voulez-vous appeler l'affaire, je vous prie ?

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-00-39-T, le

8 Procureur contre Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup. Madame la Greffière

10 d'audience, avant que nous n'invitions l'Accusation à appeler le témoin

11 suivant, j'aimerais rendre deux décisions orales.

12 Dans un premier temps, il s'agit de la décision relative à la requête

13 présentée par l'Accusation pour que soit octroyé des mesures de protection

14 au Témoin 666. C'est un témoin qui est connu sous un autre pseudonyme dans

15 une autre affaire. Conformément à l'Article 21 du statut, et à l'Article

16 75(A) du Règlement de procédure du moyen de preuve, la Chambre peut

17 demander que soient octroyé des mesures de protection pour les témoins, à

18 condition que les mesures soient conformes aux droits des accusés. Afin

19 d'avoir ces mesures de protection, la Chambre doit être satisfaite sur la

20 base des renseignements fournis par l'Accusation que les circonstances

21 justifient la rétention d'information du public. Dans sa décision du 11

22 décembre 2003, la Chambre a rendu la décision suivante, à savoir que le

23 Témoin 66 soit invoqué par un pseudonyme et a demandé également que soit

24 retardé la communication des comptes rendus des dépositions et des

25 interrogatoires du témoin ainsi que les pièces à conviction connexes.

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1 L'Accusation demande maintenant une déformation de la voix et du trait du

2 visage pour le témoignage de ce témoin et demande qu'il puisse témoigner à

3 huis clos partiel pour les éléments de son témoignage qui permettront

4 vraisemblablement de révéler son identité.

5 Dans la réponse de la Défense déposée le 19 juillet 2004 et dans la réponse

6 du 26 juillet, la Défense indique les informations jusqu'à présent

7 communiquées à la Défense ne permettent pas de satisfaire l'élément relatif

8 au fardeau de la preuve de l'Accusation pour l'imposition de mesures de

9 protection supplémentaire. La Chambre a considéré les informations

10 présentées par l'Accusation à propos du Témoin 666. La Chambre considère

11 que la famille du témoin a reçu des menaces extrêmement sérieuses pour leur

12 sécurité et, par conséquent, le témoin a une peur véritable de représailles

13 par rapport à lui-même et par rapport à sa famille. La Chambre considère à

14 évaluer et à établir un juste équilibre entre les droits de l'accusé et la

15 publicité des débats et la protection du Témoin 666 ainsi que de sa

16 famille.

17 Des mesures de protection sont ainsi accordées et la Chambre de première

18 instance demande à Mme la Greffière d'audience de transmettre la teneur de

19 cette décision à l'Unité des Victimes et des Témoins.

20 La deuxième décision qui devra être rendue est une décision relative à la

21 demande présentée par la Défense pour la certification. Il s'agit d'une

22 demande présentée par la Défense, une demande de fin de certification. Il

23 s'agit d'interjeter un appel par rapport à la décision orale rendue par la

24 Chambre le 30 juillet, décision qui réfutait la requête présentée par la

25 Défense le 23 juillet pour ce qui est de la traduction des comptes rendus

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1 et des autres documents en B/C/S. L'Article 73(B) du règlement stipule que

2 la Chambre de première instance peut octroyer la certification pour l'appel

3 interlocutoire si la décision a une incidence sur la tenue équitable du

4 procès ou sur le résultat ou le verdict du procès.

5 Dans sa décision, la Chambre a estimé que les deux critères de

6 l'Article 73(B) sont respectés. La Défense indique dans un premier temps

7 que la question relative à la traduction permettra à M. Krajisnik de se

8 défendre de façon adéquate par l'entremise de son conseil. Par conséquent,

9 la Défense avance que cela a un impact direct sur l'équité du procès et est

10 tout à fait capable d'avoir également une incidence importante sur la

11 conclusion du procès.

12 Pour ce qui est du second critère, la Défense avance que l'aptitude

13 et la capacité de M. Krajisnik à travailler à partir de certains documents

14 imprimés, notamment, les comptes rendus des audiences dans sa propre langue

15 lui permettra d'améliorer la préparation et la présentation efficace de sa

16 Défense. La Défense estime que cela aidera dans l'avantage de tous les

17 participants à ce procès et estime que cela permettra de mieux établir la

18 quête de la vérité et permettra de faire en sorte que la procédure puisse

19 être menée à bien.

20 Le 17 août, l'Accusation a déposé une réponse demandant à la Chambre

21 de débouter la requête.

22 La Chambre de première instance est d'avis que la Défense n'a pas

23 véritablement su présenter ses arguments pour ce qui est du premier

24 critère. La Défense n'a pas su indiquer comment, si M. Krajisnik a accès

25 aux enregistrements en B/C/S des audiences, a accès aux comptes rendus de

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1 ces audiences, comment est-ce que cela, en fait, représente, si le fait

2 qu'il n'ait accès à cela représente une déficience qui pourrait avoir une

3 incidence considérable sur la menée à bien équitable du procès ou sur le

4 résultat du procès ou la conclusion du procès. La Chambre a reconnu dans sa

5 décision que M. Krajisnik serait peut-être mieux à même de travailler

6 efficacement s'il avait accès aux comptes rendus et aux enregistrements,

7 mais que moins d'efficacité n'aura pas une incidence sur l'équité des

8 procédures de la Défense. Dans la décision, la Chambre réitère le principe

9 suivant laquelle la garantie est fournie par l'Article 21, paragraphe 4 du

10 statut, et que cela n'est pas valable pour tous les documents mais

11 seulement pour les moyens de preuve qui forment la base et la détermination

12 de la part de la Chambre pour ce qui est des chefs d'accusation dressés

13 contre l'accusé et pour ce qui est du droit à assurer, entre autres, le

14 fait que tous les moyens de preuve admis au procès soient fournis dans une

15 langue comprise par l'accusé.

16 Le principe est parfaitement respecté dans le cadre de la procédure

17 actuelle. Ce que la Défense requiert est quelque chose de supplémentaire.

18 La Défense demande que les documents traduits soient fournis dans un

19 certain format et demande, en fait, une traduction de toute une gamme de

20 documents en sus des documents qui sont proposés aux fins d'admission comme

21 moyen de preuve. Nous avons la jurisprudence du Tribunal, notamment, dans

22 les affaires Celebici, Naletelic et Foca. Dans le premier cas, il s'agit de

23 la décision du 25 septembre 1996 pour l'affaire Naletelic, la décision du

24 18 octobre 2001. Nous avons pour l'affaire Kvocka, la décision relative à

25 l'appel du 3 octobre 2001, et par conséquent, la Chambre est d'avis que le

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1 principe a été respecté.

2 Pour prendre en considération de la charge de la preuve indiquée et

3 le fardeau du premier critère de l'Article 73(B), la Défense doit montrer

4 qu'il y a des infractions au principe établi d'équité tel qu'exprimé dans

5 l'Article 21 du statut, mais aucun principe n'a été présenté par la

6 Défense, et la Défense n'a pas, non plus, indiqué que la décision de la

7 Chambre pourrait représenter une violation du principe dont je viens de

8 vous donner lecture il y quelques moments.

9 Etant donné que la Défense n'a pas présenté le premier critère de la

10 règle en matière de certification, la Chambre ne pense pas devoir

11 considérer la requête de la Défense à propos du deuxième critère. Par

12 conséquent, la requête présentée par la Défense est déboutée.

13 Voilà les deux décisions que je voulais présenter de façon orale.

14 Il y a également un autre problème auquel la Chambre de première

15 instance a énormément réfléchi avant les vacances judiciaires et également

16 après les vacances judiciaires. Il s'agit, en fait, de la cadence et du

17 rythme de cette affaire. Car hormis les jours où nous ne siégeons pas, nous

18 travaillons en moyenne quelque 1,8 heures par jour. C'est cette durée de

19 1,8 heures par jour qui a été utilisée pour l'interrogatoire principal. Je

20 ne voudrais surtout pas pointer un doigt accusateur sur l'une ou l'autre

21 des parties, mais je pense qu'il faut établir quelque chose d'importante.

22 Toutefois, la Chambre ne considérera pas cette question pour le

23 moment bien que nous soyons d'avis qu'il faille veiller au grain et étudier

24 cette question. L'expérience de la Chambre a été -- je ne parle pas

25 seulement des deux derniers jours, je parle d'autre perte de temps.

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1 L'expérience, disais-je, a été que les parties ont mieux géré leur temps

2 pour l'interrogatoire et le contre-interrogatoire du témoin compte tenu du

3 temps qui avait été estimé. D'ailleurs, il faut également envisager que

4 compte tenu du temps qui avait été estimé, la Défense s'en tient aux

5 limites de la fameuse règle des 60 % par rapport à la durée prise par le

6 contre-interrogatoire.

7 Par conséquent, pour le moment, la Chambre est d'avis qu'il est

8 extrêmement judicieux d'encourager les parties à persévérer. Si je prends,

9 comme exemple, les deux derniers jours, le temps qui avait été prévu pour

10 le contre-interrogatoire était de sept heures, ce qui fait que nous devons

11 envisagé quatre heures pour le contre-interrogatoire, ce qui nous donne un

12 total de 11 heures. Pour ce qui est des deux témoins qui ont été entendus

13 au cours des deux derniers jours, il faut savoir que l'interrogatoire de

14 ces -- le temoin s'est terminé et n'a pas duré les huit heures qui avaient

15 été prévues. Mais nous avons utilisé un nombre d'heures moins importantes

16 que ce qui avait été décidé, puisque nous avons également traité de

17 quelques problèmes de procédure. La Chambre a décidé d'encourager les

18 parties dans la mesure du possible pour qu'elles puissent utiliser de la

19 façon la plus efficace et rationnelle le temps qui leur a aurait été

20 imparti.

21 Voilà les questions de procédure que la Chambre souhaitait soulever pour le

22 moment. Il se peut qu'il ait d'autres questions de procédure que nous

23 souhaitions aborder à l'avenir. Par conséquent, j'aimerais maintenant

24 inviter l'Accusation, et si je crois bien comprendre, nous allons avoir Mme

25 Karagiannakis qui va procéder à l'interrogatoire du témoin suivant. Est-ce

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1 bien exact ? Je vous ai maintenant présenté aux fins du compte rendu.

2 Madame la Greffière d'audience, pourriez-vous -- oui, Maître Stewart.

3 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, bonjour. Il est très

4 agréable de revenir.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.

6 M. STEWART : [interprétation] Oui, il est très agréable de revenir même

7 s'il s'agit de l'après-midi et non pas du matin comme je vous l'avais dit,

8 merci. En fait, ce que vous venez de dire, il y a quelque moment,

9 ressemblait véritablement à un compliment adressé aux personnes qui se

10 trouvaient dans le prétoire au cours des deux derniers jours.

11 J'aurais juste quelques questions. Je me propose d'être ici pour la

12 première séance seulement, et je m'occuperai des deux témoins suivants,

13 mais je reviendrai.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

15 M. STEWART : [interprétation] J'ai mentionné cela à M. Harmon ce matin. Je

16 n'ai pas dit, je ne lui ai parlé, je lui ai envoyé un courrier

17 électronique, mais il s'agit de la requête de l'Accusation relative au

18 témoin numéro 623 en l'espèce. Il s'agit des mesures de protection qui sont

19 demandées. Il y a une requête qui a été présentée, et dans cette requête,

20 vous trouverez une référence qui est faite à une décision rendue par le

21 Tribunal, le 5 avril de cette année, me semble t-il, le 5 avril de cette

22 année. Il s'agissait d'une requête ex parte. C'est une décision

23 confidentielle que nous n'avons pas reçue. Je crois comprendre que nous

24 devrions demander à la Chambre de première instance que cette décision nous

25 soit ou soit mise à notre disposition pour que nous puissions en prendre

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1 connaissance. C'est ce que je fais maintenant.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, à moins que M. Harmon ne soit

3 d'avis que les raisons pour lesquelles il avait demandé une décision ex

4 parte n'existent plus. Parce que parfois, par exemple, vous avez une

5 communication retardée, que vous demandez, en fait, cette décision ex parte

6 et, en matière de mesure de protection, lorsque la date se rapproche de la

7 date à laquelle le témoin va témoigner, le retard qui a été imposé arrive à

8 expiration et, bien entendu, dans ces circonstances, il n'est plus

9 nécessaire à la Chambre de le faire. Mais l'Accusation peut, à ce moment-

10 là, communiquer l'existence de cette décision à la Défense.

11 M. STEWART : [interprétation] Cela m'est utile, Monsieur le Président. Je

12 n'avais pas compris que tel fut le cas, mais il se peut que je me trompe,

13 corrigez-moi si je m'abuse. Je n'avais pas compris qu'il appartenait à

14 l'Accusation dans le cadre de ses pouvoirs bilatéraux de nous communiquer

15 une décision qui avait été rendue en tant que décision confidentielle au

16 départ. Si tel est le cas, à l'avenir, nous nous contenterons tout

17 simplement de présenter cette requête à l'Accusation et nous n'ennuierons

18 pas la Chambre de première instance à ce sujet.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, cela dépend des raisons pour

20 lesquelles la décision a été fournie ex parte. Mais s'il s'agit d'une

21 communication retardée, il s'agit de décisions assez typiques, ce n'est

22 plus la peine de conserver cela secret puisque la communication va avoir

23 lieu de toute façon.

24 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je suis tant soit peu

25 intrigué, car j'ai eu une discussion avec l'un de nos assistants juridiques

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1 ce matin. Il m'a semblé qu'il s'agit de deux concepts tout à fait

2 différents à moins que je me trompe. Vous avez dans un premier temps la

3 décision ex parte sans référence à l'autre, et vous avez l'autre pour

4 laquelle la décision est prise en tant que décision confidentielle, les

5 deux étant strictement différentes. Vous avez la décision confidentielle,

6 et pour la décision confidentielle -- il se peut que je me trompe -- il ne

7 me semble pas qu'il appartienne à l'Accusation de lever la confidentialité

8 et de façon unilatérale de communiquer la décision. Mais il se peut que

9 nous soyons obligés de demander officiellement, mais de toute façon, je

10 pense qu'il faut au moins avoir l'approbation de la Chambre de première

11 instance.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si une décision est prise de façon

13 confidentielle, elle est, en général, connue des deux parties. S'il s'agit

14 d'une décision ex parte et confidentielle, la situation est différente, et

15 la confidentialité n'exclut pas l'une des parties.

16 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que je ne

17 suis pas assez clair. Lorsqu'une requête est faite pour une décision ex

18 parte, par définition, nous ne sommes pas là et ne participons pas à la

19 décision relative à la requête ex parte. Il s'agit d'une décision

20 confidentielle, nous ne l'avons pas reçue parce qu'il s'agit d'une requête

21 ex parte. Mais une fois de plus, à moins que je ne m'abuse, le fait que la

22 décision ait été donnée en tant que décision confidentielle signifie que

23 seule la Chambre de première instance peut lever la confidentialité.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avec le caractère ex parte.

25 M. STEWART : [interprétation] La nature ex parte, si cela commençait comme

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1 audition confidentielle, cela est confidentiel pour les parties à la

2 requête et il s'agit seulement de l'Accusation.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, si une décision est

4 rendue ex parte et confidentielle, il s'agit d'une double chose. D'après ce

5 que je crois comprendre du système du Tribunal, si une décision est donnée

6 et rendue ex parte, la partie qui n'a pas participé ou qui n'est même pas

7 consciente, l'autre partie n'est pas consciente de la requête qui a été

8 présentée à propos où à partir de la base de cette décision. D'ailleurs,

9 parfois, à partir de la nature même, il faut envisager la nature et la

10 teneur des raisons qui expliquent pourquoi une demande a été faite ex

11 parte, et c'est là que l'on comprend clairement que certaines conditions

12 doivent être respectées, et que l'Accusation peut, et c'est ce que je

13 pense, peut véritablement lever la nature ex parte. Il s'agit de savoir si

14 la Chambre de première instance peut le faire. Je pense que si vous en

15 faites la demande, cela ne porte tort à personne, mais dans les

16 circonstances que je viens de décrire, je ne sais pas si cela est

17 nécessaire. Mais même lorsqu'il s'agit de l'Accusation, par exemple, qui

18 indique qu'il va y avoir une communication tardive d'un témoin protégé, la

19 communication doit avoir lieu 30 jours avant que le témoin ne vienne

20 déposer, et le témoin, si le témoin, par exemple, est censé comparaître le

21 1er octobre, à partir du 1er septembre, ce n'est plus la peine de conserver

22 la décision ex parte, puisque l'autre partie doit se demander pourquoi ils

23 n'ont pas reçu les documents plus tôt. Cela me semble assez logique.

24 Mais la décision peut toujours être, peut encore être confidentielle

25 dans la mesure où le monde extérieur n'est pas mis au courant de sa teneur,

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1 et on ne sait pas qui s'est vu octroyer le pseudonyme, et cetera. Vous avez

2 l'ex parte, le confidentiel qui existe qui sont parallèles l'un avec

3 l'autre.

4 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi de le

5 dire, je vais relire le compte rendu ce soir, pour voir si je comprends ce

6 dont véritablement il s'agit. Parce que je dois dire qu'il m'a fallu un

7 certain temps pour comprendre quand même ce dont il retourne.

8 Mais ce qui nous occupe maintenant, Monsieur le Président, et je ne

9 sais pas qui a le droit d'octroyer cette permission, nous avons la décision

10 du 5 avril 2000 qui, pour le moment n'est pas disponible, qui ne nous a pas

11 d'ailleurs été donnée, nous ne pouvons pas comprendre pleinement la requête

12 à laquelle nous devons réagir maintenant. Je ne sais pas qui a eu la

13 possibilité de rendre cette décision puisque je ne connais pas, je n'ai pas

14 cette décision.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que vous

16 pourriez peut-être nous l'indiquer ?

17 M. TIEGER : [interprétation] La réponse est relativement simple, Monsieur

18 le Président. Il s'agit, en fait, je pense que la base qui sous-tend la

19 requête est défaillante. Car la requête présentée à la Chambre, la requête

20 a été déposée le 24 août, et n'est pas, en fait, ou ne prend pas en

21 considération la décision qui a été rendue précédemment. C'est une décision

22 indépendante, elle peut être comprise toute seule, et c'est une décision

23 qui demande une décision indépendante également. Il n'y a pas eu de

24 déposition préalable, de confidentiel ou ex parte, et cela n'est pas

25 nécessaire pour fournir une réponse.

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1 M. STEWART : [interprétation] Je veux dire que je suis un tant soit peu

2 intrigué puisqu'il y a des références dans la décision et qu'il y a

3 également une note en bas de page dans la requête. Si la situation est

4 comme suit, à savoir que personne ne considèrera cette décision et sera

5 complètement ignorée ou omise, cela ne pose aucun problème. Mais si tel

6 n'est pas le cas, je continuerai à revenir à la charge.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vérifier cela. De toute façon

8 pour comprendre la décision, cela n'a aucune importance, et on se demande

9 pourquoi il faudrait que cela soit mentionné dans la requête. Nous allons

10 l'étudier. Cela est en train de m'être envoyé. Elle est confidentielle et

11 ex parte. Avez-vous autre chose à soulever ?

12 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je n'étais pas ici

13 lundi, mais j'ai remarqué que le nom a été mentionné à plusieurs reprises.

14 Je ne propose surtout pas d'aborder des questions extrêmement sensibles et

15 névralgiques. Je voulais juste assurer aux Juges de la Chambre de première

16 instance qu'à la première occasion, je vais m'entretenir avec M. Krajisnik

17 à propos des questions qui ont été évoquées. Je vais le voir demain après

18 midi, et je ferai de mon mieux pour résoudre tous les problèmes qui ont été

19 soulevés à ce sujet.

20 Je voulais juste dire quelque chose de façon claire pour qu'il n'y

21 ait absolument aucun malentendu, car je pense que c'est une question

22 particulièrement sensible. Il ne me semble pas qu'il soit judicieux de

23 l'aborder en audience publique, mais il s'agit des responsabilités

24 professionnelles et de la déontologie. Car pour ce qui est du conseil de la

25 Défense, notre position est très, très claire. Nous gérons cette affaire.

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1 Tant que nous sommes conseil de la Défense dans cette affaire, nous allons

2 véritablement procéder de la façon normale, conformément aux critères

3 normaux. A moins qu'il n'y ait des raisons qui nous empêchent de le faire,

4 nous allons demander au Tribunal un temps supplémentaire avant de procéder

5 au contre-interrogatoire, à moins qu'il n'y ait des raisons qui soient

6 évoquées et en vertu desquelles nous ne devrions pas procéder au contre-

7 interrogatoire. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous pouvez, je

8 vous l'indique, il y aura un contre-interrogatoire de tous les témoins qui

9 ont été prévus pendant les jours suivants. Qu'il s'agisse de contre-

10 interrogatoire bref ou long, cela est une autre question. Je vous remercie.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci pour cette information.

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, juste avant l'on ne

13 fasse rentrer le prochain témoin dans le prétoire, je voudrais dire quelque

14 chose pour le compte rendu d'audience. A 10 heures 30 hier soir, le

15 Procureur a envoyé leur résumé concernant les derniers témoins. Il nous a

16 envoyé cela par e-mail. Il nous a aussi envoyé des informations

17 supplémentaires.

18 Je dois dire que d'habitude, cela ne me pose pas de problèmes, quand

19 on nous envoie le document au dernier moment, mais envoyer un résumé à 10

20 heures 30, que j'ai reçu ce matin, je pense que ceci, tout simplement,

21 n'est pas acceptable, et il faudrait tout faire pour éviter des telles

22 procédures à l'avenir. Je pense que la Défense était censée envoyer ces

23 résumés au moins, au plus tard, avant 9 heures du soir.

24 Je ne dis pas que c'est la faute du Procureur, je sais qu'ils ont

25 beaucoup de problèmes, et qu'ils travaillent avec beaucoup de pression.

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1 Mais le deuxième document que nous avons reçu est plus que sommaire. C'est

2 quelque chose qui s'ajoute au résumé. Je voudrais vous dire ce qui suit :

3 Je ne peux pas garantir de pouvoir commencer mon contre-interrogatoire

4 aujourd'hui à la fin de l'interrogatoire principal de ce témoin. Je vais

5 prendre cette décision au fur et à mesure que l'interrogatoire avance, et

6 en ayant reçu le document additionnel. Je dois vous dire que nous n'avons

7 pas eu les mêmes moyens que le Procureur. Par exemple, nous ne disposons

8 pas d'un conseil différent pour chaque témoin, et ce n'est pas le même

9 luxe, ce ne sont pas les mêmes conditions.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je ne sais pas si je parlerais de

11 "luxe" vraiment. Je pense qu'il y a d'autres raisons derrière cela. Mais

12 cela se produit la première semaine après les congés judiciaires, et à

13 cause de cela, cela ne nous a pas posé autant de problèmes que ceci se

14 serait produit dans un autre cas de figure. Je pense que 9 heures, la

15 veille, est une très bonne proposition que le Procureur devrait accepter.

16 M. TIEGER : [interprétation] Je ne sais pas dans quelle mesure les vacances

17 judiciaires ont quelque chose à avoir dans ce qui s'est passé, mais cela ne

18 me surprendrait pas si c'était le cas. Nous allons faire tous les efforts

19 possibles et imaginables pour communiquer ces résumés le plus tôt possible.

20 Nous allons travailler à un accord avec la Défense pour essayer de rendre

21 les documents sans retard, et s'il y a un problème, nous en parlerons à la

22 Défense.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez répondu longuement pour me

24 dire que ceci ne se reproduira plus.

25 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Est-ce que je peux dire un mot pour me

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1 défendre ? Ces documents, les documents additionnels, nous les avons reçus

2 juste après avoir vu le témoin.

3 En ce qui concerne les résumés, évidemment, nous allons nous efforcer

4 de les communiquer à la Défense plus tôt. Mais vous savez, un résumé n'est

5 pas une pièce à conviction. C'est juste quelque chose que nous lisons pour

6 les comptes rendus d'audience. En ce qui concerne ce témoin, je vais

7 demander que l'on verse au dossier deux déclarations, et ceci en vertu de

8 l'Article 89(F). Pour l'instant, je pense que la Défense les possèdent

9 puisque ces documents ont été communiqués le 17 août. Je voulais juste vous

10 dire cela.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. En ce qui concerne ces documents

12 additionnels, évidemment, vous ne pouviez pas les avoir avant avoir parlé

13 au témoin. Je comprends cela très bien. En ce qui concerne l'Article 89(F),

14 je pense que la situation est claire. Si vous disposez d'autres

15 informations, il faudrait les communiquer à la Défense à temps.

16 Nous allons continuer. Je vous demande de bien vouloir faire entrer

17 le témoin dans le prétoire.

18 Madame Karagiannakis, si j'ai bien compris, il n'y a pas de mesures

19 de protection pour ce témoin.

20 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Non.

21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Monsieur

23 Osmanovic, est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous comprenez ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de déposer en l'espèce, le

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1 Règlement de procédure de preuve exige que vous fassiez une déclaration

2 disant que vous allez dire la vérité, toute la vérité, et rien que la

3 vérité. A présent, l'Huissier est en train de vous présenter cette

4 déclaration. Je vous prie de bien vouloir la lire.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Osmanovic. Je vous prie

8 de bien vouloir vous asseoir.

9 Tout d'abord, c'est Madame Karagiannakis qui va vous interroger.

10 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Je vais demander, tout d'abord,

11 de verser au dossier les deux déclarations préalables de ce témoin.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, pourriez vous leur

13 attribuer une cote ?

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La déclaration du témoin en date du 5,

15 7 et 10 octobre 1994 sera la pièce à conviction du Procureur P265. La

16 déclaration en date du 7 juin 2001 deviendra la pièce à conviction du

17 Procureur P266.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci.

19 Madame Karagiannakis, pourriez-vous dire si l'original de cette pièce est

20 comme d'habitude en anglais, ce qui nous permettrait de marquer la

21 traduction en B/C/S de ces documents en ajoutant ,1 à la fin de chaque

22 document. Ces documents deviendront le document P265,1 et P266,1.

23 Vous pouvez continuer.

24 LE TÉMOIN : IBRO OSMANOVIC [Assermenté]

25 [Le témoin répond par l'interprète]

Page 5209

1 Interrogatoire principal par Mme Karagiannakis:

2 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

3 présenter cette déclaration au témoin.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avec ses déclarations, oui.

5 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

6 Q. Monsieur Osmanovic, est-ce que vous voyez, sous vos yeux, deux

7 déclarations que vous avez fournies au Tribunal pénal international ?

8 R. Oui, je le vois.

9 Q. Est-ce que vous reconnaissez cette déclaration comme celle que vous

10 avez fournie au bureau du Procureur ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous avez pu vérifier ces déclarations avant votre

13 comparution d'aujourd'hui ? Est-ce que vous avez eu le temps de le faire

14 hier ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous pouvez dire si ces déclarations sont correctes et

17 exactes ? Est-ce que vous êtes prêt à le confirmer aux Juges de la

18 Chambre ?

19 R. Oui. C'est vrai que c'est moi qui ai fait ces déclarations.

20 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] A présent, je vais demander le

21 versement au dossier de ces deux pièces; les pièces P265, P266.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous réservons notre décision concernant

23 ces pièces à conviction à la fin. Cette information supplémentaire

24 contenant des informations supplémentaires de ces documents -- est-ce que

25 vous demandez le versement au dossier ?

Page 5210

1 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Non, pas par le biais de la procédure

2 en matière de l'Article 89(F) puisque nous les avons communiquées

3 tardivement, hier soir.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

5 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Je propose de lire à haute voix le

6 résumé de ces déclarations. Nous allons poser quelques questions concernant

7 les informations qui y figurent.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

9 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] M. Osmanovic habitait et travaillait

10 dans la municipalité de Vlasenica en Bosnie-Herzégovine en 1990. Entre le

11 mois d'août 1991 et le mois d'avril 1992, il a vu que le nationalisme serbe

12 s'accroît et il a vu que les Serbes et les Musulmans commençaient à se

13 diviser.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, lire

15 plus lentement.

16 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

17 A peu près le 23 ou peut-être le 24 avril 1992, la JNA a pris la plupart

18 des installations vitales de la ville, y compris la Défense, la justice, la

19 banque, le bureau de poste et la police. Le témoin dit qu'avant les

20 conflits, le SDS et la JNA travaillaient de concert. Après la crise de

21 pouvoir, les Serbes du cru ont appelé Milakovic, qui était membre du SDA,

22 avec l'aide de la JNA pour mobiliser les Serbes de la municipalité et les

23 enrôler dans la JNA.

24 Les Serbes de la municipalité ont aidé la JNA en rassemblant les armes et

25 en organisant des points de contrôle.

Page 5211

1 Milomir Stanic était nommé en poste de maire de Vlasenica avant la

2 guerre. Ensuite, il est devenu le chef de la cellule de Crise du SDS. Le

3 témoin dit dans sa déclaration que la cellule de Crise du SDS gouvernait la

4 municipalité après la prise du pouvoir et des forces de la JNA. Stanic

5 était responsable de tous les départements militaires et civils à

6 Vlasenica. Directement sous lui se trouvait Milenko Djuric, qui était en

7 charge des personnes en civiles, et Kraljevic, qui s'occupait des

8 départements militaires, y compris les forces spéciales serbes. Basic

9 répondait à Kraljevic. Le témoin a vu Basic donner des listes des noms à

10 Dragan Nikolic où il s'agissait des prisonniers qu'il s'agissait de

11 transporter dans le camp de Batkovic dans la municipalité de Bijeljina.

12 Le témoin a ensuite vu Kraljevic à Susica. Dragan Nikolic reportait à

13 Kraljevic et Basic. Les gardiens du camp reportaient au commandant du camp,

14 Dragan Nikolic. Le président local du SDS était Milomir Lukic. Le QG des

15 forces spéciales et la cellule de Crise se trouvaient dans la mine bauxite.

16 Après la prise du pouvoir au mois d'avril et au mois de mai 1992, les

17 Musulmans n'avaient plus le droit de retirer de l'argent de la banque. Ils

18 ne pouvaient retirer que des quantités restreintes, alors que les Serbes

19 avaient le droit de retirer leur argent comme bon leur semblait. Les

20 Musulmans qui travaillaient dans la mine de Boksit ne retirait leur salaire

21 à partir du mois de mai 1992, alors que les Serbes continuaient à recevoir

22 leur salaire. Les Musulmans avaient peur d'ouvrir leur commerce après la

23 prise du pouvoir puisqu'il y avait des signes particuliers qui étaient

24 dessinés sur leurs maisons et sur leurs commerces.

25 Entre le 22 avril et le 22 mai 1992, la population non-Serbe n'avait plus

Page 5212

1 le droit de circuler librement dans la municipalité ou de la quitter. Le

2 permis de transit pour circuler dans la ville était délivré par la

3 municipalité. A la tête de la municipalité serbe et de la cellule de Crise

4 de Vlasenica se trouvait Stanic. C'est lui qui signait de tels permis. La

5 cellule de Crise a aussi annoncé que les résidents allaient perdre leur

6 travail à Vlasenica s'ils ne retournaient travailler. Le témoin a vu un

7 autre ordre venant de la cellule de Crise signé par Stanic, en tant que

8 président de la cellule de Crise, et envoyé à l'entreprise le 10 août, leur

9 demandant d'envoyer des planches en bois à l'armée.

10 Quand les forces régulières de la JNA ont quitté Vlasenica, et ceci

11 s'est passé à peu près le 17 et 18 mai, ils ont laissé leurs équipements

12 derrière aux Serbes de la municipalité qui les ont utilisés pour pilonner

13 un certain nombre de villages voisins. Il s'agit des obus incendiaires et

14 ils étaient tirés pour brûler les maisons. Comme résultat de ces

15 pilonnages, il y a des morts, et le reste de la population musulmane s'est

16 enfuie.

17 Après son arrestation le 22 mai, le témoin a été pris au poste de police

18 avec 20 autres détenus musulmans. Il a été battu avec des bâtons, des

19 tuyaux en métal, des chaînes, et ceci par les membres de la police

20 militaire des unités spéciales. Il a vu des détenus qui ont été passé à

21 tabac de façon régulière avec des tuyaux en métal. Dans le poste de police,

22 il a été témoin du meurtre d'un Musulman qui a organisé un référendum pour

23 voir si l'on souhaitait avoir une Bosnie indépendante.

24 M. Osmanovic a été tenu pendant 11 jours en détention avant d'être

25 transféré le 2 juin dans la prison de Vlasenica. Dans cette prison, on

Page 5213

1 pouvait y garder à peu près 50 hommes, mais il y en avait 150. Ils étaient

2 tous Musulmans. Dès leur arrivée, on leur prenait les objets de valeur.

3 Ensuite il a été battu de façon régulière dans la prison de Vlasenica, et

4 de nombreux détenus ont été emmenés quelque part sans jamais revenir.

5 Pendant qu'ils étaient en prison, on l'a emmené pour aider à enterrer 22

6 villageois qui ont été tués dans les villages musulmans de Drum, en dehors

7 de Vlasenica. Ils étaient tous de sexe masculin. Il y en avait un qui avait

8 un trou de balle dans la tête, au milieu de son front.

9 Le témoin a été ensuite amené dans le camp de Susica, et c'est le 18

10 juin 1992, où il y avait entre 500 à 550 personnes, six ou sept d'entre

11 elles étaient des femmes. La femme la plus âgée avait à peu près 80 ans. Le

12 camp de Susica était dirigé par Dragan Nikolic. Il a dit aux détenus qu'il

13 était leur Dieu et leur loi, et que tous les gardiens du camp étaient

14 placés sous ses ordres. Le témoin a vu deux détenus qui ont été sortis du

15 hangar par Nikolic. Ils ont été passés à tabac de façon si cruelle qu'ils

16 sont morts peu de temps après leur retour. Ils ont succombé à leur

17 blessure. Il a aussi vu un détenu qui s'appelait Reuf, qui a été passé à

18 tabac si difficilement, de façon si rude, qu'au bout de cinq ou six jours,

19 il priait d'être tué. Nikolic lui a dit qu'une balle coûtait trois deutsche

20 marks. Nikolic a maltraité les prisonniers en les menaçant avec un tuyau à

21 gaz. Il a aussi tiré, il a placé son pistolet dans la bouche d'un détenu,

22 il a continué à les passer à tabac. Le témoin a été forcé par les gardiens

23 de garder le camp et de brûler les biens des Musulmans.

24 M. Osmanovic a été transféré à la prison de Batkovic le 30 juin 1992.

25 Il est resté 13 mois. En arrivant au camp de Batkovic,

Page 5214

1 M. Osmanovic a été passé à tabac par les gardiens, et tous ses objets de

2 valeur ont été pris. Il a été témoin de plusieurs passages à tabac, y

3 compris les passages à tabac d'un homme de 70 ans qui est mort suite à ces

4 passages à tabac. En plus des policiers, les gardiens de Zenica ont

5 participé à ces passages à tabac. Plusieurs détenus, en particulier des

6 vieilles personnes, sont morts à cause du mauvais traitement qu'elles ont

7 reçu à Batkovic.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Plusieurs fois vous avez

9 changé "je crois", par "il croit". Bien sûr, dans le résumé ce n'est pas

10 comme cela. Est-ce que c'est le bon résumé ?

11 Mme LOUKAS : [interprétation] Je dois dire que je ne suis pas du tout

12 d'accord avec ce terme, le terme qui est utilisé, "je crois". Si j'ai bien

13 compris, Mme Karagiannakis devrait plutôt dire "il croit" ou "dans sa

14 déclaration, il dit". C'est ce que j'ai compris.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous pouvons vérifier tout ce

16 qui est écrit dans la déclaration --

17 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, car dans la déclaration, effectivement

18 on voit on dit à plusieurs fois "je crois" ou "il croit". Ceci ne me plaît

19 pas. Je pense que ceci doit être beaucoup plus clair.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Le Procureur est-elle prête à

21 faire un autre résumé où il serait écrit "le témoin a dit que" ou "le

22 témoin dit qu'il croit que".

23 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Il s'agit d'un résumé.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, allumer

25 votre micro.

Page 5215

1 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Excusez-moi. Il s'agit du résumé de sa

2 déclaration. Maintenant, je vais lui poser des questions quant aux parties

3 pertinentes de sa déclaration.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Ces déclarations sont versées

5 au dossier. C'est pour cela que j'ai posé cette question. Vous pouvez

6 continuer.

7 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Très bien.

8 Q. Monsieur Osmanovic, pourriez-vous examiner les paragraphes 7 et 8 de

9 votre déclaration en date du 7 juin 2001. Est-ce que vous les avez ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que ces paragraphes parlent de ces permis de circuler ? Leur

12 délivrance, est-ce que vous pouvez nous lire ce qui est écrit ?

13 R. Tous les Musulmans de Vlasenica, entre le 22 avril et le 22 mai,

14 pendant que j'ai été en prison, ont reçu de la cellule de Crise, quand ils

15 souhaitaient quitter Vlasenica en direction de Kladanj, et cetera, ils ont

16 reçu un permis de transit. Ceux qui voulaient rester dans la ville mais

17 voulaient tout simplement circuler dans la ville pour aller travailler,

18 labourer leur champ, aller travailler, ils recevaient un autre permis de

19 circuler à l'intérieur de la municipalité qui était plutôt locale.

20 Q. Vous dites que c'était la population non-serbe qui demandait à

21 bénéficier de tel permis. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi les

22 ont-il demandé ?

23 R. Pour leur propre sécurité. Au moment où on délivrait de tel permis de

24 circuler, les personnes qui voulaient quitter Vlasenica à cette époque, les

25 hommes en âge de combattre étaient emmenés dans le poste de police où ils

Page 5216

1 ont été interrogés et passés à tabac. Ensuite, ils revenaient. Il y en a

2 beaucoup qui ont reçu à quitter Vlasenica à l'époque, mais il y en a aussi

3 qui sont restés. Ceux qui sont restés, ils faisaient confiance au SDS, à

4 cellule de Crise, aux Serbes locaux. Malheureusement, la plupart d'entre

5 eux ne sont jamais revenus.

6 Q. Quels sont les gens qui pouvaient bénéficier de tel permis de circuler

7 pour quitter la municipalité ?

8 R. Les femmes, les enfants, les enfants mineures, ou les personnes âgées

9 qui avaient plus de 65 ans. Sans un piston, sans argent, sans une très

10 bonne raison, et beaucoup d'influence, on ne pouvait pas partir si on

11 n'était pas de cette catégorie.

12 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit que vous avez reçu un permis de

13 transit, et là vous venez de nous expliquer qu'il existait deux types de

14 permis. Quel était le permis que vous avez reçu ?

15 R. J'ai reçu le permis de circuler à l'intérieur de la ville de Vlasenica,

16 à savoir, je pouvais circuler entre ma ferme, mon champ, et l'endroit où

17 j'ai travaillé.

18 Q. Pourriez-vous nous décrire ce qui était écrit sur ce permis ?

19 R. Il était écrit "permis de circuler, la cellule de Crise de la

20 municipalité serbe de Vlasenica." Ensuite il y avait le nom ou le prénom de

21 la personne écrit à la main. Il était écrit "permission de circuler soit à

22 l'intérieur de la municipalité ou de quitter la municipalité." Ensuite il y

23 avait un sceau de la cellule de Crise de la municipalité serbe de

24 Vlasenica, et la signature de M. Stanic.

25 Q. Est-ce que vous avez apporté ce laissez-passer avec vous aujourd'hui ?

Page 5217

1 R. Non, je n'ai pas ce laissez-passer ou ce permis sur moi.

2 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin la pièce

3 suivante. Il s'agit de la pièce qui porte le numéro ERN 03010815.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction de

5 l'Accusation portant la cote P267.

6 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

7 Q. Monsieur Osmanovic, je vous prierais de jeter un coup d'œil sur ce

8 document qui se trouve sous vos yeux en version B/C/S. Il s'agit d'un

9 laissez-passer. Dites-nous de quelle façon ce laissez-passer ressemble t-il

10 ou est-il similaire à celui que l'on vous a émis à l'époque, ou se diffère

11 t-il de celui que vous aviez en votre possession ?

12 R. C'est le même laissez-passer. Il est pareil. La seule différence, c'est

13 que l'on voit une note manuscrite en bas du document. Il s'agit ici d'un

14 permis de quitter la municipalité et --de Vlasenica. Ici, on dit que la

15 personne à qui on a remis ce laissez-passer a le droit de partir de la

16 municipalité de Vlasenica et de se diriger à Zivinice, alors que, dans mon

17 cas à moi, j'avais la possibilité de circuler sur la route de Vlasenica.

18 Q. Très bien. Quelle est la signature qui figure sur ce document ?

19 R. C'est celle de Milenko Stanic.

20 Q. Je vous remercie. Je n'ai plus besoin de cette pièce.

21 Monsieur Osmanovic, les questions suivantes que je souhaiterais vous

22 poser ont trait à votre déclaration, qui porte la date du 5, 7, et 10

23 octobre 1994. Je voudrais que vous examiniez ce document et que vous jetiez

24 un coup d'œil sur le paragraphe 65. Dans ce paragraphe, et je vais résumer

25 ce que vous avez dit, vous avez dit que la cellule de Crise a apporté

Page 5218

1 toutes les décisions finales concernant la ville, et vous dites que le

2 président de la cellule de Crise était chargé de tout, et vous avez vu son

3 nom sur l'ordre. Vous nous dites la chose suivante, vous dites que : "la

4 cellule de Crise -- le comité de la cellule de Crise a également dit que

5 les résidents allaient perdre leur emploi à Vlasenica n'ils ne retournaient

6 pas au travail." Vous dites plus loin : "J'ai vu son nom sur cet ordre et

7 je devais consigner sur papier le nom de tous les Musulmans qui n'étaient

8 pas revenus travailler." Pourriez-vous, je vous prie, nous expliquer en

9 détail ce que cela veut dire. Que dit cette annonce ?

10 R. Le 10 août, j'étais employé, et on a émis un document selon lequel on

11 disait que c'est un document de la cellule de Crise de la municipalité de

12 Vlasenica qui ordonne à tous les Musulmans de reprendre leur travail, et

13 que ceux qui n'allaient pas retourner travailler dans les trois jours

14 allaient perdre leur emploi. On avait également dit, à l'aide de porte-

15 voix, que les Musulmans devaient retourner au travail, car ils allaient

16 perdre leur emploi et leurs biens immobiliers, et que le SDS et la cellule

17 de Crise garantissaient une sécurité complète à la population non-serbe.

18 Ces deux ordres figuraient dans cette annonce.

19 Q. J'ai quelques questions à vous poser concernant cette annonce écrite.

20 D'abord, dites-nous, est-ce que vous avez vu certains tampons sur ces

21 documents ?

22 R. Oui, c'était le tampon de la cellule de Crise.

23 Q. Est-ce que vous avez vu des signatures ? Ces documents, étaient-ils

24 paraphés ?

25 R. Oui. Il y avait la signature de Stanic encore une fois.

Page 5219

1 Q. A quel moment ces annonces avaient-elles été rédigées ou plutôt à quel

2 moment les avez-vous vues ?

3 R. Je les ai vues le matin lorsque je suis venu travailler.

4 Q. De quel matin s'agissait-il exactement ?

5 R. Il s'agissait de 8 heures du matin. C'était à 8 heures du matin, avant

6 on travaillait à 6 heures, mais là, c'était à 8 heures parce qu'on avait --

7 le couvre-feu était introduit et plusieurs personnes vivaient à l'extérieur

8 de Vlasenica et devaient se rendre au travail ces derniers devaient partir

9 au travail, alors qu'il faisait encore nuit. Un couvre-feu avait été

10 introduit, et les gens ne travaillaient plus à 6 heures, mais à 8 heures.

11 On travaillait de 8 heures à une heure. Je me suis présenté vers 7 heures

12 30 à l'usine. Deux ou trois jours après que --

13 Q. Je vous interrompe ici, ou plutôt, oui, continuez. Oui, vous alliez

14 nous donner la date.

15 R. Oui, c'était deux ou trois jours après le début -- après que l'usine

16 ait repris de travailler puisque, pendant deux ou trois jours, l'usine

17 était fermée. Ensuite, après que la JNA et les Serbes ont pris la ville.

18 C'est à ce moment-là que c'est arrivé, donc deux ou trois jours après la

19 fermeture de l'usine.

20 Q. Très bien. Est-ce que vous avez entendu cette annonce vous-même,

21 personnellement ? Est-ce que quelqu'un vous en a parlé ?

22 R. Non, je l'ai entendue moi-même.

23 Q. A quel moment ?

24 R. Je rentrais à la maison du travail, et les gens étaient invités à

25 revenir puisque le SDS garantissait une sécurité complète. Il y a certaines

Page 5220

1 personnes qui étaient revenues à Vlasenica et ils se sont rendus jusqu'à la

2 prison municipale, de laquelle elles ne sont plus jamais ressorties

3 vivantes. Je ne sais pas de quelle façon les habitants de Zivinice avaient

4 entendu cette annonce.

5 Q. Est-ce que vous faisiez confiance au message que vous avez entendu dans

6 cette annonce ?

7 R. Malheureusement, oui.

8 Q. Est-ce que votre sécurité était garantie également ?

9 R. Je croyais que oui, mais malheureusement ce n'était pas le cas.

10 Q. Monsieur, je vous prierais de jeter un coup d'œil sur le premier

11 paragraphe de la déclaration. La même déclaration au paragraphe 67, vous

12 avez dit : "La cellule de Crise semblait prendre toutes les décisions

13 finales pour ce qui est de la ville.", et vous avez cité quelques exemples.

14 J'aimerais savoir s'il y avait des raisons particulières pour lesquelles

15 vous avez tiré cette conclusion, outre les raisons que vous avez déjà

16 décrites dans ce paragraphe.

17 R. Je crois que oui puisque, après la création de la Région autonome serbe

18 de Bihac, avant que la Bosnie-Herzégovine ne soit proclamée comme un Etat

19 indépendant, un plébiscite avait été organisé pour le peuple serbe qui

20 avait voté en faveur du fait de rester en Yougoslavie. La Région autonome

21 de Krajina, de Sekovici et de Zvornik, sont entrées dans SAO Bihac, dans la

22 Région autonome de Bihac. En même temps, on a procédé à la création d'un

23 pouvoir double. Il y avait les municipalités légales de Vlasenica et

24 Milici, qui appartenaient autrefois à la commune locale de Milici, et là on

25 avait la municipalité serbe avec le siège à Milici. C'est à ce moment-là

Page 5221

1 qu'on a procédé à la création d'un pouvoir double. Après l'entrée de la JNA

2 et après que les Serbes ont pris le pouvoir de Vlasenica, la cellule de

3 Crise est arrivée à Vlasenica, dans la direction de la mine de bauxite, et

4 tout ce qui se faisait, selon moi, passait par la cellule de Crise, puisque

5 personne autre que la cellule de Crise, qui était un état -- qui

6 dirigerait, comme il l'avait appelé -- c'était un organe dans cet état de

7 guerre, comme il le disait, car il avait proclamé l'état de guerre.

8 Q. Pourriez-vous me dire de quelle façon est-ce que vous avez pris

9 connaissance de la situation politique, puisque vous venez de nous parler

10 de politique.

11 R. Je parle de la situation politique, et j'en ai pris connaissance parce

12 que j'écoutais la radio et je lisais les journaux.

13 Q. Pourriez-vous, je vous prie, prendre le paragraphe 64 de la même

14 déclaration. Dans ce paragraphe, vous dites que vous croyez que Stanic

15 était chargé de tous les aspects civils et militaires de Vlasenica, et plus

16 loin, vous nous décrivez la structure de commandement, pour l'appeler

17 ainsi. Pourriez-vous, je vous prie, relater à la Cour sur quoi vous fondez-

18 vous pour formuler cette opinion dans ce paragraphe en question ?

19 R. Dans le système de l'ex-Yougoslavie, le système qui a prévalu avant,

20 l'armée avait son propre système, et le QG de la Défense territoriale

21 faisait partie de l'armée et il n'avait aucune ingérence sur l'aspect

22 civil, alors que la police n'avait rien à voir avec l'aspect militaire des

23 choses. Les personnes en uniforme se rapportaient au commandant du poste de

24 police, alors que les inspecteurs et les personnes civiles répondaient au

25 chef du poste de police. C'était lui qui était la personne principale pour

Page 5222

1 eux.

2 Pour ce qui est de la hiérarchie militaire, il est tout à fait

3 courant qu'un subordonné salue une personne supérieure -- de rang

4 supérieur. C'est ainsi que, dans le camp de Susica, lorsqu'on a transporté

5 les gens à Batkovic, j'avais vu Basic saluer Kraljevic et j'ai également vu

6 Nikolic saluer ses supérieurs de la façon militaire. C'est ainsi que j'ai

7 moi-même compris qu'il s'agissait d'une hiérarchie. Vojo Nikolic, dont je

8 parle ici, était autrefois professeur. Ensuite, il a été engagé dans le

9 poste de police en tant qu'instructeur, il a commencé à travailler dans la

10 partie -- dans la section où l'on portait des uniformes. Pour ce qui est

11 des autres personnes, que je mentionne ici, c'était des personnes qui

12 avaient terminé des écoles supérieures. Lui, en l'occurrence, était un

13 policier régulier.

14 Q. Je vous arrête ici. Je ne sais pas si j'ai bien compris, ou il y a

15 peut-être une erreur. Vous avez dit qu'à Batkovic vous avez vu Basic donner

16 une liste à Basic, et ensuite il lui a dit : "Krajisnik est mon

17 commandant."

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est Kraljevic et non

19 pas Krajisnik.

20 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Excusez-moi. Effectivement, j'ai mal

21 prononcé le nom.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Susica, lorsqu'on a transporté les gens de

23 Susica au camp de Batkovic.

24 Q. Qui a dit quoi à qui ? Ici, on voit : "J'ai vu Basic donner une liste à

25 Basic." Que s'est-il passé ? Qui a donné une liste à qui ? Veuillez

Page 5223

1 répéter, je vous prie.

2 R. Dans la déclaration ce n'est pas cela qui est indiqué. Je ne comprends

3 pas l'anglais, mais Veljko Basic a donné une liste à Nikolic.

4 Q. Je vous remercie.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaiterais vous interrompre pendant

6 quelques instants. Vous parlez très rapidement, et les interprètes ont du

7 mal à vous suivre, vous savez. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas

8 vous suivre tout à fait bien, mais si vous parlez plus lentement, il ne

9 sera pas nécessaire de reprendre vos propos par la suite.

10 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

11 Q. Si j'ai bien compris, votre connaissance de la structure de

12 commandement est basée sur ce que vous avez pu observer vous-même et

13 également sur votre connaissance de la hiérarchie militaire telle qu'elle

14 prévalait avant le conflit. Est-ce c'est exact ?

15 R. Oui, c'est exact, puisque j'étais soldat moi-même, et mon père était

16 soldat également.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas.

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Je crois

19 que là on est en train de résumer ce que le témoin a dit, et je crois qu'il

20 serait mieux d'entendre ses propos de la bouche même du témoin et non pas

21 de voir un résumé présenté de cette façon-ci par Mme Karagiannakis.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement. Si un résumé ou une

23 répétition brève peut causer quelques doutes, à savoir que l'on ne

24 reproduit pas mot à mot les propos du témoin, je préférais entendre les

25 propos de la bouche du témoin même. Veuillez poursuivre.

Page 5224

1 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

2 Q. Je vous prie d'examiner les paragraphes 7 et 8 de votre déclaration.

3 Bien. Maintenant, vous avez les paragraphes 7 et 8 et, dans ces

4 paragraphes, vous décrivez les habitants locaux. Vous dites qu'ils avaient

5 porté assistance à la JNA. Vous dites qu'ils avaient érigé des postes de

6 contrôle et qu'ils procédaient au désarmement des gens. Est-ce qu'il y a

7 d'autres exemples que vous avez pu voir pour ce qui est des habitants de la

8 place qui portaient assistance à la JNA ?

9 R. Le 22 ou le 23, lorsque la JNA et le SDS, lorsqu'ils ont pris

10 possession de la ville de Vlasenica, les Serbes locaux, les habitants

11 locaux, étaient déjà armés. Ils portaient des brassards blancs et ils

12 étaient armés d'armes classiques militaires et ils défendaient les

13 installations vitales, telles l'hôpital, le bureau de poste, les banques,

14 et cetera, et ils aidaient à rassembler les armes de chasse qui

15 appartenaient de façon légale aux autres personnes. Ils avaient également

16 pris des fusils de chasse, des pistolets de chasse qui avaient été émis de

17 façon légale. Toutes les personnes qui avaient le droit de porter ces armes

18 faisaient partie d'une liste, alors que les autres personnes, qui ne

19 faisaient pas partie de la liste, disposaient de ces armes de façon

20 illégale. Mais toutes les personnes devaient remettre les armes. Ils

21 avaient érigé un point de contrôle tout près de l'hôpital. C'était le point

22 qui m'était le plus rapproché. C'est sur ce point de contrôle que les

23 Musulmans d'un nouvel hameau, pioneer divisia [phon] et tous ceux qui

24 habitaient sur la rue Zeljko Lukica devaient rapporter leurs armes avant 9

25 heures du soir ce jour-là.

Page 5225

1 Q. Les armes qui avaient été prises, est-ce que c'étaient des armes qui

2 avaient été saisies et qui appartenaient aux habitants de toute nationalité

3 confondue ou d'une nationalité particulière ?

4 R. Non, Monsieur le Président. Ce n'était que pour ce qui est des

5 individus de nationalité musulmane.

6 Q. Pourriez-vous, je vous prie, examiner le paragraphe 16 de votre

7 déclaration. Dans ce paragraphe, vous avez dit que les Serbes --- les

8 habitants serbes se servaient de l'équipement de la JNA pour pilonner les

9 villages de Zaklopaca, Dzamdzici et Bare. Est-ce que vous pourriez nous

10 dire quelle était la composition ethnique des habitants de ce village ?

11 R. Pour ce qui est du village de Pijuci, Dzamdzici, Bare et Zaklopaca,

12 c'étaient des villages à 100 % musulmans.

13 Q. Qu'a fait la population de ce village après le pilonnage ?

14 R. Ceux qui avaient survécu -- dans le village de Dzamdzici, il y avait

15 certains morts. Enfin, pour la plupart, les habitants de Dzamdzici étaient

16 morts. Pour ceux qui avaient survécu - c'étaient les femmes et les enfants

17 - ils s'étaient rendus à Vlasenica. D'autres personnes s'étaient rendues à

18 Kladanj et Zivinice, alors que d'autres sont allés en direction de Cerska.

19 Pour ce qui est des hommes qui se trouvaient sur place, ils se sont dirigés

20 en direction de Cerska de façon illégale. Ils sont passés par le village

21 puisqu'ils n'avaient pas le droit de passer par les routes principales.

22 Q. Dans ces déclarations, vous décriviez en détail les passages à tabac et

23 les meurtres qui ont eu lieu, que vous avez vus aux centres de détention --

24 aux quatre centres de détention dans lesquels vous vous êtes trouvé détenu.

25 J'aimerais maintenant vous poser quelques questions supplémentaires

Page 5226

1 concernant les conditions qui prévalaient des ces centres de détention dans

2 lesquels vous vous êtes trouvé. Dites-nous ce que vous avez remarqué

3 concernant vos co-détenus.

4 D'abord, j'aimerais savoir -- vous avez été détenu au poste de police de

5 Vlasenica, et j'aimerais, à ce moment-ci, montrer au témoin une photo.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce portant la cote P268.

7 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

8 Q. Monsieur Osmanovic, je vous prierais de prendre un feutre bleu.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La couleur bleue est réservée à

10 l'Accusation, et le rouge à la Défense. Il s'agit là d'une règle interne.

11 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Oui, très bien. Prenez un feutre bleu.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si le témoin a posé quelques

13 annotations, je voudrais, à ce moment-là, que l'on mette le document sur le

14 rétroprojecteur de façon à ce que nous puissions suivre et voir les

15 annotations du témoin.

16 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Oui, certainement.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. A ce moment-là, Madame

18 l'Huissière, je vous prierais de placer le document sous le rétroprojecteur

19 afin que nous puissions voir le document, et afin que le témoin puisse

20 également y apporter ses notations.

21 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] La première place que vous avez été

22 détenu, c'était le poste de police de Vlasenica. Je vous prierais de

23 prendre un feutre et de nous indiquer quel est l'endroit en question où se

24 trouve ce poste de police, et inscrivez le numéro 1.

25 R. [Le témoin s'exécute]

Page 5227

1 Q. Je m'excuse, je ne le vois pas.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a indiqué à l'aide du numéro

3 1, l'endroit que vous lui avez demandé. Il s'agit d'un toit bleu.

4 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Merci.

5 Q. Dites-moi, est-ce que vous savez ce que représente le bâtiment qui se

6 trouve à gauche de la photographie, vu de la façon dont on l'a sur la

7 photo ?

8 R. Oui, il s'agit du poste de police et de la caserne de pompiers.

9 Q. Bien. Le bâtiment qui se trouve juste à côté, il y a des autocars

10 devant. De quoi s'agit-il ?

11 R. Le bâtiment avec le toit rouge derrière les autobus est la municipalité

12 de Vlasenica. En face, il y a la banque et la gare routière. La

13 municipalité est ici, la banque, et la gare routière.

14 Q. Pourriez-vous, je vous prie, inscrire un numéro 2 sur le bâtiment

15 municipal et la gare routière. Pour ce qui est de la gare routière,

16 indiquez-la avec le numéro 3.

17 R. [Le témoin s'exécute]

18 Q. Il y a un bâtiment qui se trouve derrière le poste de police. C'est un

19 bâtiment de deux étages. C'est le bâtiment qui se trouve non pas

20 immédiatement derrière le poste de police, mais derrière. De quoi s'agit-il

21 là ?

22 R. Ce bâtiment, c'est le bâtiment de la cour municipale, et avant

23 l'arrivée de la JNA, du SDS, avant qu'il ne prenne le pouvoir à Vlasenica,

24 on a réactivé cette prison. C'était une prison autrefois, mais qui avait

25 été fermée.

Page 5228

1 Q. Pourriez-vous, je vous prie, indiquer le bâtiment de la prison

2 municipale avec un numéro 4 ?

3 R. [Le témoin s'exécute]

4 Q. Pour revenir aux conditions qui prévalaient dans la prison de

5 Vlasenica, pourriez-vous me dire, je vous prie, combien de personnes

6 étaient détenues au poste de police de Vlasenica ? Plutôt, combien y avait-

7 il de personnes détenues au même temps que vous, pendant que vous y êtes

8 trouvé ?

9 R. Nous étions en moyenne 20. Le chiffre pourrait décroître. Des fois on

10 était 10, autres fois 15. Le nombre maximal de personnes serait 20.

11 Q. De quel sexe étaient les personnes qui étaient détenus avec vous ?

12 R. Nous étions tous des hommes.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme Karagiannakis, pourriez-vous,

14 je vous prie, clarifier la question pour ce qui est du poste de police et

15 de la prison ? Si je comprends bien, la prison est le bâtiment qui a été

16 désigné à l'aide du chiffre 4, alors que le poste de police est désigné par

17 le chiffre 1. Veuillez demander au témoin de nous apporter quelques

18 précisions là-dessus.

19 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

20 Q. Combien de personnes étaient détenues avec vous pour ce qui est du

21 poste de police indiqué avec le chiffre 1 ?

22 R. Oui, c'est ce que j'avais dit. Pour ce qui est du poste de police, nous

23 étions 20 au maximum.

24 Q. Quel était le sexe des personnes détenues avec vous ?

25 R. C'était des personnes de sexe masculin.

Page 5229

1 Q. Quel était le moyen d'âge des personnes détenues ?

2 R. Cela allait de 18 ans à 60 ans.

3 Q. Est-ce que vous les connaissiez personnellement ?

4 R. Oui, tout un chacun.

5 Q. Selon vous, pour ce qui est des personnes que vous connaissiez

6 personnellement, ces personnes avaient-elles été impliquées dans des

7 activités militaires ?

8 R. Les activités militaires, non. Personne n'était impliqué dans ces

9 activités-là.

10 Q. Quel était l'appartenance ethnique des ces personnes ?

11 R. Ils étaient tous Musulmans.

12 Q. Quel genre de nourriture vous donnait-on au poste de police ?

13 R. Pendant que nous nous trouvions au poste de police de Vlasenica, nous

14 recevions de la nourriture. Des fois, c'était de la nourriture qui

15 provenait des maisons, de nos maisons à nous, alors que, des fois, ce

16 n'était rien. Si quelqu'un vous apportait de la nourriture depuis diverses

17 maisons, il fallait que ces personnes supplient que l'on nous remette la

18 nourriture. Cela n'arrivait pas tout le temps. Pour la plupart, nous avions

19 faim.

20 Q. Est-ce que la police vous donnait de la nourriture ?

21 R. Non. Dans la prison, la police ne nous donnait jamais de la nourriture,

22 à l'exception d'une fois où ils nous ont apporté de la nourriture périmée.

23 Nous n'avions pas d'assiettes. Nous n'avions pas d'ustensiles. Ils nous ont

24 versé cette nourriture dans nos mains comme si on était des animaux.

25 Q. Est-ce qu'on vous donnait une assistance médicale quelconque ?

Page 5230

1 R. Au poste de police de Vlasenica, il n'y avait absolument aucune aide,

2 aucun soin infirmier ou médical.

3 Q. Pourriez-vous nous décrire si vous avez eu accès à l'eau potable et à

4 la toilette ?

5 R. Oui, nous pouvions nous servir d'eau seulement dans le sous-sol. Les

6 personnes qui allaient chercher de l'eau, ou qui allaient aux toilettes se

7 faisaient battre, et ils étaient normalement passer à tabac lorsqu'ils

8 allaient chercher de l'eau, ou lorsqu'ils allaient aux toilettes.

9 Q. Pourriez-vous nous décrire à quoi ressemblait la façon dont vous

10 pouviez dormir ?

11 R. Bien, il n'y avait pas de lits. Nous étions à même le sol, sur le

12 béton, et certaines personnes étaient assises, d'autres personnes dormaient

13 debout, d'autres personnes dormaient allongées.

14 Q. Quelle était l'atmosphère à cet endroit-là ?

15 R. C'était une atmosphère de souffrance. C'était une prison, une

16 atmosphère de souffrance et d'amertume.

17 Q. Merci.

18 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le

19 moment est propice de peut-être prendre la pause ?

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons reprendre nos

21 travaux à 16 heures 10. Je souhaiterais dire que la Chambre souhaiterait

22 que tout le monde se présente à l'heure pour reprendre l'audience.

23 --- L'audience est suspendue à 15 heures 35.

24 --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Karagiannakis, poursuivez, je

Page 5231

1 vous prie.

2 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

3 Q. Monsieur Osmanovic, j'aimerais maintenant aborder votre détention dans

4 la prison de Vlasenica auprès de laquelle vous apposez le chiffre numéro 4

5 dans la pièce à conviction que nous venons d'examiner. Pourriez-vous nous

6 dire quel était le commandant de cette prison ?

7 R. Le commandant de la prison municipale à Vlasenica était Sukanovic. Un

8 policier en uniforme. D'aucuns l'avaient reconnu comme quelqu'un, un

9 employé, en fait, de la prison centrale de Sarajevo. C'était un

10 professionnel qui détenait cette fonction.

11 Q. Comment avez-vous été traité en sa présence ?

12 R. En présence de M. Sukanovic, on ventilait et aérait les locaux. Nous

13 avions la possibilité d'aller aux toilettes, de boire de l'eau. Il y avait

14 de la nourriture qui nous était remise depuis nos foyers. En son absence,

15 tout cela était interdit. Il y avait des passages à tabac qui ne se

16 passaient en sa présence. Il nous traitait de façon correcte, juste, et

17 comme un policier professionnel.

18 Q. Combien d'hommes environ étaient détenus dans cette prison pendant

19 votre séjour là-bas ?

20 R. Les locaux de la prison municipale étaient composés de cinq cellules.

21 En règle générale, je dirais que nous étions quelques 150.

22 R. Y avait-il des femmes et des enfants ?

23 R. Dans la prison municipale, il n'y avait que des hommes.

24 Q. Parmi les hommes que vous connaissiez personnellement dans cette

25 prison, combien d'entre eux ont participé à des activités militaires ?

Page 5232

1 R. Autant que je le sache, aucun n'a participé à des activités militaires.

2 Q. Quelle était l'appartenance ethnique des personnes qui se trouvaient en

3 prison ?

4 R. Ils étaient tous d'appartenance ethnique musulmane.

5 Q. En règle générale, quel était le type de nourriture que l'on vous

6 donnait ?

7 R. Nous recevions de la nourriture de chez-nous, et ce, quotidiennement. A

8 une reprise, on nous a donné de la nourriture en prison. Ce sont les Serbes

9 qui nous l'ont donné. En fait, il s'agissait de leur reste. Tout le reste

10 venait de personnes qui avaient encore des connaissances à Vlasenica.

11 Q. Pourriez-vous décrire l'accès que vous aviez à l'eau ainsi qu'aux

12 toilettes ?

13 R. Pour ce qui est d'obtenir de l'eau ou d'aller aux toilettes, lorsque le

14 garde Sukanovic était là, ce n'était pas un problème. Lorsqu'il était

15 absent, on nous passait à tabac lorsque nous nous rendions à la prison et

16 lorsque nous revenions, parce que nous allions à la prison une fois le

17 matin et parfois à deux reprises; une fois le matin, une fois l'après-midi.

18 Q. Il y a peut-être un petit problème de traduction, mais ce que vous nous

19 avez dit a été traduit comme suit, je cite : "Nous allions à la prison à

20 une reprise le matin et parfois à deux reprises; une fois le matin, une

21 fois l'après-midi." Cela en réponse à une question posée qui était,

22 "Comment est-ce que vous aviez accès à l'eau et comment est-ce que vous

23 aviez accès aux toilettes ?" Est-ce que vous vouliez dire prison ou autre

24 chose ?

25 R. Non, je parlais de l'utilisation des toilettes en prison.

Page 5233

1 Q. Merci. Avez-vous été obligé de travailler, en fait, lorsque vous vous

2 êtes retrouvé à la prison de Vlasenica ?

3 R. Au poste de police ainsi qu'à la prison, nous n'avons aucun travail,

4 alors que, lorsque nous nous sommes trouvés dans la prison municipale, on

5 nous a forcé à travailler. On nous a forcé également à piller les biens des

6 Musulmans. On nous a forcé à piller les maisons musulmanes abandonnées.

7 Nous avons dû enterrer les morts dans le village de Drum. Nous avons dû

8 charger et prendre la farine de l'ancienne boulangerie d'état, et nous

9 avons dû également creuser des tranchées sur la ligne de front en direction

10 de Kladanj.

11 Q. Où avez-vous amené les biens que vous avez pillés dans les maisons

12 musulmanes abandonnées ?

13 R. Les biens qui ont été pillés dans les maisons musulmanes abandonnées,

14 ont été amenés dans la rue Varos dans une maison musulmane, qui se trouvait

15 là et qui avait été également abandonné. Il y avait en fait des locaux

16 commerciaux dans le sous-sol.

17 Q. Qui contrôlait cette maison où ont été emmagasinés les biens pillés ?

18 R. Il s'agissait de personnes de nationalité serbe.

19 Q. Lorsque vous vous êtes trouvé à la prison de Vlasenica, avez-vous eu

20 accès à des soins médicaux ?

21 R. Dans la prison municipale à Vlasenica, nous n'avons pas pu bénéficier

22 de soins médicaux. A une reprise deux personnes habillées de blouses

23 blanches sont venues nous examiner. Il n'y a pas eu véritablement de

24 contrôle physique. Il n'y avait pas d'ailleurs pas de médicaments. Nous

25 avons eu la possibilité de les voir, nous leur avons dit où est-ce que nous

Page 5234

1 avions mal, si nous avions mal et ensuite, on nous a renvoyés dans nos

2 cellules.

3 Q. Vous a-t-on fourni des médicaments ? Est-ce que vous ou toute personne,

4 que vous avez vue passer à tabac, a pu recevoir des médicaments ?

5 R. Non. Personne n'a jamais reçu aucun médicament.

6 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire dans quelles conditions vous

7 dormiez en prison ?

8 R. Pour ce qui est de la prison municipale, voilà comment nous dormions.

9 Nous dormions par terre, il n'y avait pas de matelas. Il n'y avait pas de

10 protection. C'était un parquet en plancher et il y avait quelques étagères

11 qui étaient utilisées pour conserver certaines choses. Nous avons dû

12 utiliser cela, alors que, dans la prison du SUP, nous n'avions pas ce genre

13 de choses à notre disposition.

14 Q. Lorsque vous parlez de la "prison du SUP," est-ce que vous faites état

15 au poste de police ?

16 R. Oui.

17 Q. Pour parler maintenant du camp de Susica, est-ce que vous pourriez nous

18 décrire quel type de nourriture l'on vous a fourni ?

19 R. Dans le camp de Susica, pendant les deux ou trois premiers jours, nous

20 avons pu recevoir de la nourriture qui venait de nos foyers, cela dépendait

21 de la bonne volonté des gardes, et du commandant, du commandant Dragan

22 Nikolic. S'il était de bonne humeur, on pouvait obtenir cette nourriture.

23 S'il n'était pas de bonne humeur nous ne l'obtenions pas. Par la suite, une

24 fois par jour, des Serbes, qui portaient l'uniforme, nous amenaient un

25 repas vers 11 heures. Il y avait quelques dix assiettes, autant de

Page 5235

1 cuillères. Il fallait que nous mangions tous dans ces assiettes qui

2 n'étaient pas lavées. Il n'y avait aucune hygiène. Il fallait que nous

3 utilisions ces ustensiles pour manger la nourriture.

4 Q. Combien de personnes devaient partager ces dix assiettes ?

5 R. Entre 500 et 550 personnes qui venaient de trois municipalités, la

6 municipalité de Vlasenica, de Sekovici et Kalesija.

7 Q. Est-ce que vous avez reçu de l'eau potable ?

8 R. Dans le camp de Susica, l'eau potable était distribuée deux fois par

9 jour. Il y avait une tasse d'eau qui nous était fournie à ce moment-là.

10 Cette eau était amenée dans des bidons militaires. Il s'agissait d'un bidon

11 de quelque 30 litres que l'on se passait d'homme à homme. Il y avait une

12 tasse d'eau qui était fournie le matin et une autre le soir.

13 Q. Quel était le type de soins médicaux dont vous pouviez bénéficier ?

14 R. Pour ce qui est des soins médicaux, il n'y en avait aucun.

15 Q. Est-ce que vous aviez accès à des toilettes ?

16 R. Pour ce qui est des toilettes, nous nous réveillons à 6 heures, ou

17 voire, 6 heure 15, 6 heures 20, au plus tard. Tous les hommes, les 150

18 hommes devaient courir afin de pouvoir nous soulager.

19 Q. Qu'advenait-il des personnes qui couraient le long de cette

20 passerelle ?

21 R. Pendant que les personnes courraient, des gardes armés, qui avaient les

22 armes automatiques militaires habituelles, étaient alignés pour assurer une

23 certaine sécurité. En dépit du fait que les locaux étaient absolument

24 encerclés de grillage, ils nous exhortaient à nous dépêcher. Tout devait

25 être fait aussi rapidement que possible.

Page 5236

1 Q. Est-ce que tous les détenus devaient se rendre aux toilettes pendant

2 cette période de temps que vous venez de mentionner ?

3 R. Ils le faisaient tous pendant ce moment-là, tous ceux qui se trouvaient

4 dans ce hangar. Toute personne qui devait se soulager, en quelque sorte,

5 devait sortir, alors que, pendant la nuit, ils amenaient un pot de quelque

6 dix litres qui était utilisé comme matériel anti-incendie, et c'est ce

7 qu'on utilisait.

8 Q. Est-ce que vous pouvez décrire ce qui vous était fourni pour dormir ?

9 R. Pour ce qui est de dormir dans le camp de Susica, il y avait des

10 personnes qui étaient arrivés avant moi et qui avaient amenés de leur

11 domicile des genres de couvertures. Il y avait des personnes également qui

12 avaient un matelas en éponge sur lequel ils dormaient. Les autres -- moi et

13 d'autres, nous dormions à même sol qui était en béton.

14 Q. Est-ce que l'on vous a forcé à travailler pendant votre séjour dans ce

15 camp ?

16 R. Oui.

17 Q. Pourriez-vous nous expliquer ce dont il s'agissait ?

18 R. Il s'agissait de travaux de réparations d'une route qui venait de

19 Vlasenica en direction de camp de Susica. Nous devions également nettoyer

20 l'appartement de Jusuf. C'était une personne de nationalité musulmane, et

21 en fait, il fallait transporter ses biens à proximité du camp de Susica.

22 Ensuite, ses biens ont été incendiés.

23 Q. Pourquoi est-ce que ses biens ont été incendiés ?

24 R. Je ne sais pourquoi ils ont été incendiés. Au moment où nous y étions

25 en train de décharger ses biens d'un véhicule de transport de troupes, on

Page 5237

1 nous a donné un jerrican qui contient du pétrole, et ensuite on nous a

2 donné un briquet pour que nous puissions brûler ses choses. Ils nous ont

3 dit : "C'est vous qui allez incendier cela, et non pas les Serbes."

4 Q. Est-ce que vous pouvez choisir le genre de travail qu'on vous demandait

5 de faire ?

6 R. Si vous refusiez de faire ce qu'ils demandaient aux détenus, nous

7 risquions d'être passés à tabac. Nous craignons tous pour notre vie.

8 Q. Les gens qui étaient détenus à Susica, étaient-il de sexe masculin ou

9 féminin ?

10 R. Il y avait six ou sept femmes, dont l'une avait 80 ans. Elles se

11 trouvaient dans le camp de Susica. La plupart des détenus étaient des

12 Musulmans. Il s'agissait d'hommes d'âge adulte qui venaient des

13 municipalités de Kalesija, de Sekovici et de Vlasenica. Il y avait de

14 jeunes hommes qui venaient juste d'avoir terminé leur service militaire

15 pour la JNA, l'armée du peuple yougoslave.

16 Q. Les homes que vous connaissiez personnellement dans le camp de Susica,

17 combien ont participé à des activités militaires ?

18 R. Sur le territoire de la municipalité de Vlasenica, sur le territoire de

19 la ville de Vlasenica, il n'y avait pas d'activités militaires. Les

20 personnes qui se trouvaient dans le camp de Susica et que je connaissais

21 personnellement, autant que je sache, n'ont pas participé au conflit.

22 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au

23 témoin la photographie suivante ?

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous en avez terminé avec la

25 précédente ?

Page 5238

1 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que très souvent, le Greffe a des

3 copies où nous avons une description brève, et il est indiqué "photographie

4 aérienne du camp de Susica." Mais, je n'ai pas entendu ce genre à propos de

5 la pièce à conviction précédente.

6 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] La photographie précédente est une vue

7 aérienne de la ville de Vlasenica.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elle se trouve sur la liste indiquée

9 comme camp de Susica.

10 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Je ferai en sorte de corriger cela,

11 Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la ville de Vlasenica.

13 Merci.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction

15 P269.

16 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

17 Q. Pourriez-vous nous décrire ce que représente cette photographie ?

18 R. Cette photographie dépeint la banlieue de Vlasenica. La route sur

19 laquelle nous avons travaillé, qui est la route en direction du camp de

20 Susica. Il y a une petite caserne. Il y a des grandes casernes, une petite

21 caserne ou un petit hangar, d'ailleurs, il n'a pas été utilisé pendant que

22 je me trouvais dans le camp. Vous pouvez également voir le camp, le hangar

23 où les gens se trouvaient. Vous pouvez également voir un camp plus petit où

24 se trouvait le matériel. Vous pouvez également voir la sentinelle. Vous

25 pouvez voir une maison où se trouvait les femmes et les enfants, ceux qui

Page 5239

1 ont été amenés au camp de Susica. Vous pouvez également voir l'endroit où

2 les biens de M. Jusuf Dautovic ont été incendiés.

3 Q. Est-ce que vous pourriez mettre ou apposer le chiffre numéro 1 à

4 l'endroit qui correspond à l'endroit où étaient détenu les gens ?

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La photo qui se trouve sur le

6 rétroprojecteur n'est pas très claire. Est-ce que vous pourriez --

7 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

8 Q. Est-ce que vous pouvez mettre le chiffre 2, là, où se trouve le poste

9 de la sentinelle ?

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Je vois que vous avez identifié deux endroits pour les postes des

12 sentinelles. Est-ce exact ?

13 R. Oui. Au portail d'entrée, et il y avait également un autre poste de

14 sentinelles où la garde était montée.

15 Q. Est-ce que vous pourriez mettre le chiffre numéro 3 pour l'endroit où

16 étaient détenu les femmes ?

17 R. [Le témoin s'exécute]

18 Q. Est-ce que vous pourriez mettre le chiffre 4 pour la ville de

19 Vlasenica ?

20 R. [Le témoin s'exécute]

21 Q. Quel était environ la distance entre la ville de Vlasenica et le camp

22 de Susica ?

23 R. La distance qui séparait Vlasenica du camp de Susica est une distance

24 comprise entre un kilomètre et demi et deux kilomètres.

25 Q. Je vous remercie. J'en ai terminé avec cette pièce à conviction.

Page 5240

1 Monsieur Osmanovic, j'aimerais maintenant aborder le thème de votre

2 détention dans le camp de Batkovic. Dans quelle municipalité se trouve le

3 camp de Batkovic ?

4 R. Le camp de Batkovic se trouve à quelque 12 kilomètres de Bijeljina,

5 vers La Save, dans le complexe qui était auparavant appelé Agro Semberija.

6 Il s'agissait des anciens silos de blé.

7 Q. D'où venaient les détenus qui se trouvaient avec vous dans le camp de

8 Batkovic ?

9 R. Les détenus qui se trouvaient dans le camp de Batkovic, il y avait un

10 premier groupe qui a été transporté du camp de Susica; un deuxième groupe

11 qui a également été transporté du camp de Susica et à qui on avait dit

12 qu'ils feraient l'objet d'échanges. Nous les avons quand même trouvé au

13 camp de Batkovic. Après cela, ils ont commencé à amener des gens de

14 Zvornik, de Lopara, de Bijeljina, de Rogatica, et même quelque 512

15 personnes de Manjaca.

16 Q. Combien de personnes sont arrivées avec vous dans le camp de Batkovic

17 en provenance du camp de Susica ?

18 R. Il y avait avec moi quelque 400 personnes qui sont arrivées du camp de

19 Susica. D'ailleurs, leur transport a duré environ trois jours.

20 Q. Combien de personnes sont arrivées de Manjaca ? Je m'excuse, parce que

21 vous avez déjà répondu à cette question. J'aimerais savoir quand est-ce que

22 les personnes arrivant de Manjaca sont arrivées au camp de Batkovic ?

23 R. Ils sont arrivés après que le camp de Manjaca ait été démantelé en

24 quelque sorte. En fait, ils sont arrivés un jour avant cela.

25 Q. Vous souvenez-vous de la date approximative ?

Page 5241

1 R. Je ne me souviens pas de la date. Je pense que cela s'est passé en

2 1993, au début de 1993 ou à la fin de 1992.

3 Q. Merci. Parmi les gens qui se trouvaient avec vous en 1992 à Batkovic,

4 pourriez-vous me dire quel était le sexe de ces détenus ?

5 R. Dans le camp de Batkovic, il y avait deux femmes de Rogatica. Les

6 autres étaient des hommes. Il y avait quelques enfants qui avaient 16 ans

7 et qui ne voulaient pas être séparés de leurs pères.

8 Q. Quelle était l'appartenance ethnique de ces détenus ?

9 R. Pour ce qui est de Vlasenica, de Zvornik et de Bijeljina, les personnes

10 étaient d'appartenance ethnique musulmane, ainsi que pour Sekovici. Mais

11 pour ce qui est de Brcko, il y a quelques personnes qui sont arrivées qui

12 étaient également Croates. Il n'y avait que des Musulmans et des Croates

13 dans ce camp. Plus tard, ils ont amené des Albanais. Ils ont amené quatre

14 Albanais qui avaient travaillé en tant que boulanger près de Doboj. En fin

15 de compte, il y a eu également des Albanais dans ce camp.

16 Q. Parmi les gens que vous connaissiez personnellement dans ce camp,

17 combien d'entre eux où d'entre elles avait participé à des activités

18 militaires avant leur détention ?

19 R. Toutes les personnes qui sont arrivées avec moi, et que je connaissais,

20 n'ont participé à aucune activité militaire. Par la suite, une personne a

21 été amenée au camp de Batkovic. Il s'appelait Nedim Mostarcevic. En fait,

22 on nous a dit qu'il avait été capturé sur la ligne de front, il était

23 blessé. Après lui, ils ont également amené un homme qui venait du

24 territoire de ma municipalité. On a dit qu'il était membre des forces

25 armées de la Bosnie-Herzégovine.

Page 5242

1 Q. Je vais maintenant aborder le thème des conditions dans ce camp. Quel

2 type de nourriture vous a-t-on donné ?

3 R. Lorsque nous sommes arrivés dans le camp de Batkovic, nous recevions

4 une niche de pain pour le petit déjeuner. Il fallait découper ou partager

5 cette niche de pain en 15 tranches, et il y avait un œuf. Pour le déjeuner,

6 on nous donnait de la nourriture qui avait été cuite, et le soir, on nous

7 donnait de la farine de mais bouillie. En fait, le premier jour, nous avons

8 reçu exactement la même quantité de nourriture que lorsque le camp était

9 rempli.

10 Q. Est-ce que vous pourriez préciser quelque chose ? Combien de pain

11 receviez-vous pour le petit déjeuner pour chaque personne ?

12 R. Par personne, une tranche de pain.

13 Q. Est-ce que vous pouviez boire ?

14 R. Il y avait de l'eau. Il y avait cinq ou six tuyaux et nous pouvions

15 utiliser cette eau pendant le courant de la journée. Nous avions accès à

16 cette eau.

17 Q. Qu'en était-il des toilettes ? Comment y aviez-vous accès ?

18 R. Dans le camp de Batkovic, nous avions le droit d'utiliser les toilettes

19 pendant la journée, mais pas pendant la nuit. Nous avions des toilettes de

20 fortune. C'était un trou qui avait été creusé. Il avait dix mètres de long,

21 un mètre et demi de large et 50 centimètres de profondeur.

22 Q. Pouvez-vous nous expliquer comment vous dormiez ?

23 R. Dans le camp de Batkovic, il y avait deux personnes qui partageaient un

24 matelas militaire. Un matelas militaire, en fait, est scindé en trois

25 parties et composés en trois parties. Il fait un mètre carré et cela devait

Page 5243

1 être partagé par deux personnes. Ensuite, ils nous ont enlevé ces matelas

2 et nous devions dormir sur de la paille. C'est ce que nous utilisions pour

3 dormir.

4 Q. Est-ce que vous deviez faire des travaux ?

5 R. Nous devions travailler tous les jours. Il y avait la ferme à Agro

6 Semberija, mais aussi l'industrie de Bijeljina. Il s'agissait aussi de

7 construire l'aéroport de Bijeljina, à la sortie de la ville. Nous avons

8 aussi travaillé sur la première ligne de front. Il s'agissait de creuser

9 les tombes pour les morts ou d'aussi faire des transports. Nous faisions

10 tous ce que les autres étaient censés faire. Ils n'étaient pas là, ils

11 étaient sur les fronts. Les détenus travaillaient sur les lignes de front.

12 Q. Qu'est-ce que vous faisiez sur les lignes de front ?

13 R. Nous creusions des tranchées pour les besoins de l'armée serbe. Nous

14 portions leurs munitions où la route n'était pas accessible pour les

15 véhicules. On coupait du bois pour l'armée serbe pour qu'ils ne travaillent

16 pas justement. On chauffait les endroits où ils étaient. Nous faisions tout

17 ce qu'eux étaient censés faire, mais ne voulaient pas travailler. Nous

18 nettoyons même les rues.

19 Q. Pendant que vous étiez sur les lignes de front, est-ce qu'il y avait

20 des combats ?

21 R. A deux reprises, j'y étais pendant les combats. Une fois, c'était à

22 proximité de Lopari. Un jeune homme, originaire du village de Divic est

23 mort. Ceci s'est produit le 5 décembre 2002. Une deuxième fois, c'était

24 aussi près de Lopari, dans un village qui s'appelle Celic. Nous avons eu

25 deux blessés et deux morts.

Page 5244

1 Q. Monsieur Osmanovic, vous avez parlé de la date du

2 5 décembre 2002. Est-ce que vraiment vous pensez à l'année 2002 ?

3 R. Non, excusez-moi. Non, je pensais à l'année 1992.

4 Q. Bien. Si vous ne vouliez pas faire les travaux que l'on vous demandait

5 de faire, est-ce que vous aviez le droit de le refuser, de ne pas

6 travailler ?

7 R. Vous ne pouviez pas refuser un travail dans le camp de Batkovic. On

8 désignait les chefs de groupes qui amenaient les gens soit à faire la

9 cueillette, soit à aller voler et piler dans les villages musulmans. On

10 disait quel était le nombre de personnes qu'on avait besoin. On les faisait

11 monter dans le camion. Ensuite, on les transportait jusqu'à l'endroit où

12 ils étaient censés travailler.

13 Q. Vous avez parlé du village d'Ahmici. Ce village se trouve dans quelle

14 municipalité ?

15 R. C'est le village Akmadzici dans la municipalité de Bijeljina sur la

16 route qui relie Bijeljina à Ugljevik.

17 Q. Merci. Dans votre déclaration en date du mois d'octobre 1994, vous avez

18 énuméré en donnant leurs noms un certain nombre de personnes qui ont été

19 tuées ou qui étaient passées à tabac dans ces lieux de détention. Quelle

20 est l'appartenance ethnique de ces gens ?

21 R. Les gens que j'ai nommés ?

22 Mme LOUKAS : [interprétation] Avant que le témoin ne continue, je pense

23 qu'il serait utile de nous donner le numéro du paragraphe.

24 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Ces noms figurent tous le long de la

25 déclaration, pratiquement dans chaque paragraphe.

Page 5245

1 Mme LOUKAS : [interprétation] Les paragraphes allant de 1 à 70 ?

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons procéder de façon

3 raisonnable. Est-ce que le témoin a parlé de l'appartenance ethnique des

4 personnes gardées à Batkovic ?

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les victimes se trouvaient parmi les

7 détenus et pas parmi les personnes qui gardaient les camps. Vous pourriez

8 tout simplement lui demander quelle était l'appartenance ethnique des

9 victimes, des personnes que l'on considère comme victimes.

10 Mme LOUKAS : [interprétation] J'ai demandé tout simplement quels sont les

11 paragraphes pertinents puisque dans sa déclaration, il y en a 70.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez, ce n'est pas tellement

13 important.

14 Monsieur Osmanovic, à chaque fois que vous donnez des noms des

15 victimes dans le camp de Batkovic, pourriez-vous nous dire quelle est

16 l'appartenance ethnique de ces personnes ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Des Musulmans.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y avait pas de Croates ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y en avait pas. Les personnes que je

20 connaissais, moi, étaient de nationalité musulmane.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les noms que vous donnez appartiennent

22 aux Musulmans ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer.

25 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

Page 5246

1 Q. Monsieur Osmanovic, je vous prie de bien vouloir examiner le paragraphe

2 9 de votre déclaration, donc 7 et 9 de votre déclaration. Vous mentionnez

3 un certain nombre de personnes qui ont aidé la JNA dans la prise de

4 pouvoir. Quelle était leur appartenance ethnique ?

5 R. Dans les paragraphes 7 et 9, je parle de Dragan Bastah, surnommé

6 "Tzar", ensuite, Komislav Bastah et Dragisa Milakovic. Il était voisin de

7 Bastah et ils sont tous Serbes.

8 Q. Dans le paragraphe 11, vous mentionnez des noms. Quelle est leur

9 appartenance ethnique ?

10 R. Dans le paragraphe 11, je parle de Rajko Ninic qui travaillait dans

11 l'entreprise Diut de Vlasenica. C'est une fabrique de meubles. Je mentionne

12 aussi Djuric qui est à l'époque le chef du poste de police. Il a été à ce

13 poste pendant l'occupation de la ville. Mane Djuric y travaillait en tant

14 qu'inspecteur anti-incendie. Ils sont aussi tous les deux de nationalité

15 serbe.

16 Q. Au paragraphe 14, vous parlez de votre arrestation. Pourriez-vous m'en

17 donner l'appartenance ethnique de ces personnes ?

18 R. Les personnes qui sont mentionnées au niveau du paragraphe 14 sont

19 aussi d'appartenance ethnique serbe. Stevo Mumovic est originaire d'une

20 autre municipalité, la municipalité d'Han Pijesak, alors que les autres

21 sont originaires de la municipalité de Vlasenica.

22 Q. Dans le paragraphe 17, vous mentionnez toute une série de personnes qui

23 ont participé à votre arrestation qui a duré longtemps, et à votre

24 détention au poste de police. Quelle était l'appartenance ethnique de ces

25 personnes ?

Page 5247

1 R. Toutes ces personnes dont les noms figurent dans le paragraphe 17, sont

2 d'appartenance ethnique serbe. A la fin de ce paragraphe, vous voyez mes

3 voisins qui venaient du même quartier que moi. C'est la raison pour

4 laquelle je connaissais leur nom, le nom de leur mère et de leur père.

5 Q. Vous avez aussi mentionné les membres de la police militaire des unités

6 spéciales. C'est ce qui figure dans le paragraphe 18. Ils ont participé au

7 passage à tabac. Pourriez-vous nous donner leur appartenance ethnique ?

8 R. Ils étaient aussi de nationalité serbe. Ils étaient différents des

9 autres parce qu'ils portaient des uniformes de camouflage, et ils avaient

10 le droit de venir aussi bien au poste de police que dans le camp de Susica.

11 Q. Quelle était l'appartenance ethnique autant que vous le sachiez des

12 personnes qui travaillaient dans le poste de police de Vlasenica ou des

13 gardiens ?

14 R. Ils étaient tous de nationalité serbe. Ceux qui étaient de nationalité

15 musulmane et qui y auraient travaillé avant d'entrer dans la JNA ont été

16 licenciés.

17 Q. Quelle est l'appartenance ethnique des personnes qui travaillaient dans

18 la prison de Vlasenica ?

19 R. Ils étaient aussi de nationalité serbe.

20 Q. Quelle était l'appartenance ethnique des gardiens et des personnes

21 travaillant dans le camp de Susica ?

22 R. Ils étaient tous Serbes.

23 Q. Quelle était l'appartenance ethnique des personnes travaillant dans le

24 camp de Batkovic y compris les gardiens ?

25 R. Ils étaient aussi tous Serbes.

Page 5248

1 Q. D'après ce que vous savez, est-ce que vous avez pu apprendre par la

2 suite, il y avait combien de Musulmans vivant dans la ville de Vlasenica à

3 la fin de l'année 1992 ?

4 R. En 1992, quand je suis parti pour Batkovic d'un camp de Susica, sont

5 restés 150 Musulmans. Un certain nombre d'entre eux sont restés encore dans

6 les maisons puisque les Serbes ne les avaient pas encore placés dans les

7 camps ou dans des prisons. A présent, la commission municipale de la

8 municipalité de Vlasenica est en train de chercher à peu près 1 400

9 personnes de la municipalité de Vlasenica.

10 Mme LOUKAS : [interprétation] Par rapport à cela, c'est une

11 objection quant à la valeur à donner cette déposition. Evidemment, le

12 témoin a dit qu'à la fin de l'année 1992, il n'était pas en liberté. On

13 peut se demander quelle est la valeur qu'on peut attribuer à cette

14 déposition.

15 M. LE JUGE ORIE : [interpretation] On lui a demandé de dire "ce qu'il

16 a repris par la suite." Bien sûr, si le témoin n'a pas compté lui-même le

17 nombre de personnes qui sont restées à Vlasenica, dans ce cas-là, cette

18 source peut être différente et il faudrait tenir compte de cela. Vous

19 pouvez évidemment lui poser cette question au cours du contre-

20 interrogatoire.

21 Vous pouvez continuer.

22 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

23 Q. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé avec les membres de votre

24 famille après la prise du pouvoir de Vlasenica ?

25 R. Mon frère aîné, dont le frère était Serbe, était assigné un domicile et

Page 5249

1 il a été tué le 22 septembre 1992. Ma mère, mes deux sœurs et mon frère

2 cadet ont été détenus également dans le camp de Susica. Ma mère et ma sœur

3 sont parties en direction de Srpska. Elles ont quitté le camp. Mon frère

4 cadet est resté dans le camp et sa trace s'est perdue dans le camp de

5 Susica, et ma sœur cadette a été amenée dans le camp de Pelemis. Il y a

6 quelques jours, une exhumation a été faite et tous les corps ont brûlé.

7 Malheureusement, de toute ma famille, nous sommes tous deux avoir survécu.

8 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Ceci se termine mon interrogatoire.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

10 Madame Loukas, je vous donne la parole. Est-ce que vous êtes prête à

11 commencer ?

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Comme je l'ai dit avant que le témoin ne

13 vienne, j'ai reçu des informations supplémentaires du Procureur

14 aujourd'hui. Je pense qu'il serait utile vu les circonstances de prendre la

15 pause plutôt que prévu. Je vais recevoir quelques documents de Mme Philpott

16 et ensuite, je pourrais commencer mon contre-interrogatoire.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure et en entendant,

18 Madame Philpott, est-ce que vous comprenez ce que Mme Loukas vous demande.

19 Apparemment, oui. Bon.

20 Madame Loukas, si nous prenons une pause maintenant. La prochaine pause

21 normalement dure 20 minutes, et ensuite, il nous restera à peu près une

22 heure 45 minutes. C'est un peu trop long pour une seule bande. Est-ce que

23 vous pourriez peut-être commencer pour à peu près dix ou 15 minutes, et

24 ensuite, nous allons pouvoir prendre la pause.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Aucun problème. Aucun problème.

Page 5250

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

2 Monsieur Osmanovic, Mme Loukas qui est l'avocat de la Défense, va

3 vous interroger, ensuite, nous allons prendre une pause et ensuite, elle va

4 reprendre son contre-interrogatoire.

5 Madame Loukas, vous pouvez commencer.

6 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Contre-interrogatoire par Mme Loukas :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Osmanovic.

9 R. Bonjour.

10 Q. Monsieur Osmanovic, je ne veux pas évoquer avec vous les événements

11 malheureux et tragiques que vous avez vécus. Je vais vous poser des

12 questions auquel vous allez pouvoir répondre pour la plupart par un oui ou

13 par un non. Est-ce que vous me suivez ?

14 R. Oui. Oui.

15 Q. Tout d'abord, Monsieur Osmanovic, je pense que dans la déclaration que

16 vous avez fournie tout au début, vous avez dit, et là je parle de la

17 déclaration que vous avez fournie en 1994 - elle est, je pense, sous vos

18 yeux - et dans le paragraphe 2, je crois, vous nous donnez des informations

19 historiques concernant le mois d'août 1991. Est-ce que vous voyez de quoi

20 je parle ?

21 R. Oui.

22

23 Q. Vous nous parlez de chansons nationalistes serbes et cetera. Ensuite,

24 dans le paragraphe 3, vous dites que les communautés se divisent, que cette

25 division apparaît.

Page 5251

1 R. Oui, je comprends de quoi vous parlez.

2 Q. A l'époque, ceci se plaçait dans le contexte de la guerre qui avait

3 lieu en Croatie, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. En parlant des uniformes et du service militaire, vous, comme tous les

6 hommes de l'ex-Yougoslavie, vous étiez obligés de servir, de faire votre

7 service militaire. C'était un service militaire obligatoire ?

8 R. Oui, je l'ai fait à 18 ans.

9 Q. Quand vous avez fait votre service militaire, on vous a donné un

10 uniforme, n'est-ce pas ?

11 R. Pendant que je fais mon service militaire, oui, j'avais un uniforme

12 militaire.

13 Q. A l'époque, partout en Yougoslavie, on savait que toutes les personnes

14 ayant fait leur service militaire et qui étaient membres de force de la

15 réserve avaient leurs uniformes ?

16 R. Non, Mademoiselle, ce n'est pas comme cela. Tous ceux qui ont fait leur

17 service militaire avaient le statut de réserviste, mais ils n'avaient pas

18 tous un uniforme de la JNA. D'après l'affectation de la guerre, ils

19 pouvaient appartenir à une autre unité. Comme j'ai été affecté à une unité

20 anti-incendie, j'avais un uniforme de pompier et pas un uniforme militaire.

21 Les personnes qui étaient affectés à garder des entreprises d'importance

22 vitale pour la ville, comme l'électricité et cetera, ne travaillaient pas

23 en uniforme militaire.

24 Q. J'essaie de me référer à une autre déposition que vous avez faite, et

25 ceci, dans le procès contre M. Milosevic. Vous avez fait un signe de la

Page 5252

1 tête, mais pour les comptes rendus d'audience, je vous prie de bien vouloir

2 me dire quelle est votre réponse ?

3 R. Très bien.

4 Q. Là, je parle du contre-interrogatoire qui figure à la page 29 504 du

5 compte rendu d'audience dudit procès. A l'époque, en déposant à nouveau,

6 vous avez fait un serment, vous vous êtes engagé de dire la vérité tout

7 comme aujourd'hui.

8 R. Oui, c'est exact.

9 Q. Vous avez dit la vérité, n'est-ce pas, à l'époque?

10 R. Oui.

11 Q. Je voudrais vérifier quelques réponses que vous avez données. Tout

12 d'abord, on vous a demandé : "Est-ce que vous avez fait votre service

13 militaire ? Est-ce que vous avez gardé les mêmes uniformes de la JNA ?"

14 Vous avez répondu : "Oui." Est-ce exact ?

15 R. Pendant que j'ai fais mon service militaire, oui, effectivement.

16 C'était bien le cas.

17 Q. Oui, bien sûr. Je vous demande tout simplement de me confirmer vos

18 réponses, les réponses que vous avez fournies au cours de votre déposition

19 dans cet autre procès. Ensuite on vous a posé la question suivante :

20 "N'est-il pas connu partout en Yougoslavie que tous les réservistes

21 possèdent des uniformes de la JNA ?" Vous répondez par l'affirmative.

22 R. Oui. Mais là, je parlais des réservistes de l'armée population

23 yougoslave.

24 Q. Oui. Ensuite, on vous pose la question suivante : "Ceux qui faisaient

25 partie des forces de la police ou de la réserve, ils avaient tous des

Page 5253

1 uniformes de la JNA, et ils avaient ces uniformes même avant que le conflit

2 n'éclate. Est-ce exact ?" Vous répondez par "oui."

3 R. Là, on parle de réservistes de la police qui avaient leurs propres

4 uniformes, car ces uniformes n'étaient pas les mêmes. Au début de la guerre

5 en Bosnie-Herzégovine, ceux qui n'avaient pas d'uniforme de la police de

6 réserve ou un autre uniforme, ils ont revêtu les uniformes couleur vert

7 olive de la JNA.

8 Q. D'accord, mais là, vous êtes d'accord, vous confirmez la réponse que

9 vous avez déjà fournie dans un autre procès ?

10 R. Oui.

11 Q. D'après ce que vous savez, on peut dire qu'il y avait un grand nombre

12 de personnes en ex-Yougoslavie qui avaient des uniformes, et ceci, juste

13 avant que le conflit n'éclate ?

14 R. Oui, il y avait beaucoup de gens qui avaient des uniformes.

15 Q. Ce n'est pas la même chose que les gens qui à l'époque, à ce moment-là,

16 étaient en train de faire leur service militaire ?

17 R. Oui.

18 Q. Nous allons parler d'autre chose. Je voudrais vous demander, à nouveau,

19 d'examiner une autre déposition, celle que vous avez sous vos yeux, qui a

20 été versée au dossier. Je vous prie de bien vouloir vous référer au

21 paragraphe 5 de votre déclaration. Est-ce que vous l'avez ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez dit dans cette déclaration que "tout était calme - et là,

24 vous parliez de Vlasenica - jusqu'au 23 ou 24 avril, quand les soldats de

25 la JNA sont entrés dans la ville." Est-ce exact ?

Page 5254

1 R. Dans ce paragraphe, je dis que la situation était calme jusqu'à

2 l'arrivée de la JNA.

3 Q. Je pense qu'au moment où les membres de la JNA, les soldats de la JNA

4 arrivent, vous ne les voyez pas maltraiter qui que ce soit ?

5 R. Vous savez rien qu'un couvre-feu relève aussi du mauvais traitement. Si

6 vous forcez les gens à rester chez eux, à ne pas sortir de chez eux, c'est

7 aussi une sorte de mauvais traitement. Quand la JNA a proclamé, avec la

8 cellule de Crise, que les armes doivent être rendues, ils ont en même temps

9 garanti la pleine sécurité de ces gens, de ces Musulmans. Malheureusement,

10 ceux qui sont restés et qui les ont crus, qui ont cru à l'armée, et j'étais

11 parmi ceux-là, malheureusement, ils ont vécu ce que j'ai vécu.

12 Q. Monsieur Osmanovic, je ne vous pose pas cette question pour provoquer

13 de la confusion chez vous. Je vais tout simplement vous demander de

14 confirmer ou infirmer une réponse que vous avez donnée au moment du contre-

15 interrogatoire dans le procès Milosevic. Est-ce que vous me comprenez ?

16 R. Oui.

17 Q. On vous a demandé : "Quand ils sont arrivés, quand cette unité de la

18 JNA est arrivée et nous ne pouvons pas identifier la taille de cette unité,

19 est-ce qu'ils ont maltraité qui que se soit ?"

20 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Pourriez-vous nous donner la page ?

21 Mme LOUKAS : [interprétation] C'est la page 29 478.

22 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

23 Q. Votre réponse était comme ceci : "Je ne les ai vus que circuler dans la

24 ville. Je ne les ai pas vus maltraiter qui que se soit." Je pense que vous

25 allez être d'accord à nouveau avec ce que vous avez dit dans votre

Page 5255

1 déposition dans l'affaire Milosevic ?

2 R. Oui, je suis d'accord avec tout ce que j'ai dit.

3 Q. Concernant M. Nikolic, d'après ce que vous savez, M. Nikolic était

4 quelqu'un que vous connaissiez d'avant la guerre, n'est-ce pas ?

5 R. Oui. Je connaissais Dragan Nikolic avant la guerre.

6 Q. Pour vous, avant la guerre, c'était un Serbe de ces terres-là ?

7 R. Oui.

8 Q. Avant la guerre, si je ne m'abuse, il travaillait dans l'entreprise

9 Alpro ?

10 R. Oui, c'est une usine de plaques d'aluminium. Il y travaillait.

11 Q. Quand on vous a libéré de Batkovic, enfin, vous avez été échangé contre

12 des civils serbes, n'est-ce pas ?

13 R. Au moment où j'ai fait l'objet d'un échange de l'autre côté, contre

14 nous étaient échangés des civils serbes.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le moment

16 est opportun, et que ceci nous laissera suffisamment de temps pour finir

17 les bandes pour la journée après la pause.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

19 Nous prenons la pause jusqu'à 5 heures 30.

20 --- L'audience est suspendue à 17 heures 11.

21 --- L'audience est reprise à 17 heures 32.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, veuillez poursuivre.

23 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci.

24 Q. Monsieur Osmanovic, avant la pause je vous demandais --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre micro, je vous prie, Madame

Page 5256

1 Loukas.

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Pardon, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre micro était fermé, et maintenant

4 il est ouvert.

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Bon, très bien, merci.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

7 Mme LOUKAS : [interprétation]

8 Q. Monsieur Osmanovic, avant la pause, nous parlions du paragraphe 5 de

9 votre déclaration. Il s'agissait de vos propos selon lesquels tout était

10 calme en date du 23 et 24 avril lorsque la JNA est entrée dans la ville.

11 Vous vous souvenez bien sûr de cela.

12 R. Oui, tout à fait. J'ai déjà dit que oui, c'était le cas.

13 Q. Maintenant, concernant ce fait, dites-nous si, avant l'arrivée de la

14 JNA, il n'y avait pas beaucoup de soldats autour de la ville ?

15 R. Sur les territoires de la municipalité de Vlasenica, Monsieur le

16 Président, il n'y avait pas de garnison de la JNA, à l'exception d'Han

17 Pijesak, qui se trouvait à 18 kilomètres de là. C'est là qu'il y avait le

18 poste militaire 1524. Etant donné que je me déplaçais beaucoup, j'ai vu,

19 même avant l'entrée des troupes de la JNA à Vlasenica, que certaines unités

20 étaient cantonnées à Tisca et Milici. Il s'agissait de deux communes

21 locales non loin de Vlasenica qui se trouvaient à deux extrémités de

22 Vlasenica, et c'est là que j'ai vu des véhicules militaires. Ils étaient

23 garés là dans cette ville.

24 Q. Mais avant l'arrivée de la JNA, vous n'avez vu aucun char, n'est-ce pas

25 ?

Page 5257

1 R. Non.

2 Q. Bien sûr, il n'y avait aucune menace provenant du SDS ou d'autre

3 personne avant l'arrivée de la JNA.

4 R. Non, il n'y avait aucune menace à Vlasenica.

5 Q. Vous n'aviez pas remarqué beaucoup de personnes armées ?

6 R. Je pouvais remarquer, à l'hôtel Panorama, certains individus qui

7 arrivaient armés. Ils portaient des uniformes militaires. Ils étaient assis

8 là, mais ils ne provoquaient personne.

9 Q. Le seul endroit où vous avez vu des personnes armées, c'était à l'hôtel

10 Panorama, et c'était avant l'arrivée de la JNA, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, c'était avant l'arrivée de la JNA et dans la ville.

12 Q. Il n'y avait pas d'échange de tir pendant la journée, rien de ce genre-

13 là, avant l'arrivée de la JNA ?

14 R. Avant l'arrivée de la JNA, il n'y avait aucun échange de tir dans la

15 ville. Mais, avec l'arrivée de la JNA, je dois dire qu'il n'y a pas eu de

16 coups de feu d'entendus dans la ville non plus, à l'exception de quelques

17 coups de feu entendus non loin d'une élévation, provenant d'une colline se

18 trouvant tout près de Vlasenica. Le dirigeant du SDS à Vlasenica, lorsqu'on

19 lui a demandé pourquoi on entendait des coups de feu depuis la colline, il

20 nous a dit que l'armée se trouvait là pour assurer la paix, qu'il n'y avait

21 absolument aucun problème, mais qu'ils allaient enquêter la situation.

22 Q. On vous a également posé une question, tout juste avant la pause,

23 concernant Dragan Nikolic. Vous avez dit, qu'avant la guerre, vous le

24 connaissiez comme étant un habitant serbe. Vous savez quel était son emploi

25 précédent, qu'est-ce qu'il avait fait avant, n'est-ce pas ?

Page 5258

1 R. Oui.

2 Q. Lorsque vous l'avez vu à Susica, il portait un uniforme de camouflage,

3 si je ne m'abuse.

4 R. Dragan Nikolic, je l'ai vu une autre fois avant mon arrivée à Susica.

5 Il était devant la cellule de Crise. Il était armé d'un fusil automatique.

6 Il portait un uniforme de camouflage, et lorsque je suis arrivé au camp de

7 Susica, j'ai vu Dragan Nikolic armé d'un fusil automatique. Il avait

8 également un revolver, un couteau et deux grenades à main, et il portait

9 également un uniforme de camouflage.

10 Q. Je souhaiterais attirer votre attention sur le paragraphe 13 de votre

11 déclaration. Je parle de la déclaration du mois d'octobre 1994.

12 R. Oui.

13 Q. Dans ce paragraphe, vous dites, que vous aviez des amis musulmans qui

14 travaillaient dans la compagnie de bauxite. Ils vous ont dit qu'ils

15 n'avaient pas reçu de salaire en mai 1992. Vous avez également dit dans

16 votre déclaration que votre frère y travaillait et qu'il n'avait pas, lui

17 non plus, été rémunéré pour ce mois-là.

18 R. Oui.

19 Q. Vos amis, votre frère, travaillaient encore à l'entreprise de bauxite

20 au mois de mai, n'est-ce pas ?

21 R. Ils travaillaient à l'usine Alpro qui était une section de l'entreprise

22 de bauxite à Vlasenica. C'était une même entreprise qui était constituée

23 d'un certain nombre de succursales.

24 Q. Il y avait des Musulmans qui étaient encore employés à Vlasenica au

25 mois de mai. C'est tout ce que je voulais vous demander de nous confirmer.

Page 5259

1 R. Un certain nombre de Musulmans est resté. Ils ont travaillé parce qu'il

2 s'agissait d'une obligation de travail qui avait été introduite par la

3 cellule de Crise de Vlasenica. On disait que les personnes qui n'allaient

4 pas se rendre au travail, qui ne répondaient à l'appel, allaient perdre

5 leur emploi.

6 Q. Très bien. Maintenant, Monsieur, je souhaiterais attirer votre

7 attention sur le paragraphe 64 de votre déclaration. Si je ne m'abuse, on

8 vous a posé un certain nombre de questions concernant le paragraphe 64, et

9 c'était ma collègue Mme Karagiannakis qui vous a posé ces questions. Vous

10 souvenez-vous de cela ?

11 R. Oui. Je crois avoir répondu à ses questions.

12 Q. Oui, effectivement. Dans votre déclaration, vous dites que c'était M.

13 Milomir Stanic qui était chargé de toutes les questions civiles et

14 militaires pour la ville de Vlasenica.

15 R. Oui, car sa signature figurait sur tous les ordres et tous les rapports

16 d'information provenant de la cellule de Crise de la municipalité serbe de

17 Vlasenica.

18 Q. C'est parce que vous avez vu sa signature sur les documents de la

19 cellule de Crise que vous avancez ce que vous avancez.

20 R. Oui.

21 Q. Bien. Maintenant, un peu plus tôt aujourd'hui, on vous a montré un

22 document. Il s'agit d'une pièce qui pourrait éventuellement devenir une

23 pièce à conviction qui porterait la cote P267. Pourrait-on montrer au

24 témoin ce document ?

25 Je crois que vous nous avez dit que ce document ressemblait énormément au

Page 5260

1 document que vous aviez reçu.

2 R. Oui. Il s'agit d'un laissez-passer ou d'un permis de circuler.

3 Q. Oui, effectivement. Bien sûr, le document qui se trouve sous vos yeux

4 ne comporte pas la signature de M. Stanic, n'est-ce pas ?

5 R. Oui. Ce document a été signé par R. Matic, mais pour Milenko Stanic,

6 c'est-à-dire au nom de ce dernier.

7 Q. Est-ce que c'était le cas également pour le document que vous aviez ou

8 vous n'avez peut-être pas remarqué ?

9 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai demandé au

10 témoin de nous répondre -- j'ai posé ces questions au témoin pendant

11 l'interrogatoire principal, et il m'a répondu que son document à lui avait

12 été signé par M. Stanic.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a répondu à la question Madame

14 Loukas. Je me demande quelle est la raison pour laquelle vous lui posez

15 cette question comme s'il n'avait pas été très clair dans sa réponse.

16 Mme LOUKAS : [interprétation] Je vais reformuler ma question, Monsieur le

17 Président, sans aucun problème.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Faites.

19 Mme LOUKAS : [interprétation]

20 Q. Monsieur Osmanovic, à l'époque, je ne sais si vous avez porté beaucoup

21 d'attention sur le fait si ce document avait été signé par M. Stanic ou par

22 quelqu'un d'autre en son nom.

23 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. J'ai

24 demandé au témoin s'il y avait eu la signature de M. Stanic, et il nous

25 avait répondu que "oui."

Page 5261

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas là la question en ce

2 moment-ci. Monsieur Osmanovic, la question que l'on vous pose, est à savoir

3 si, à l'époque -- maintenant lorsque vous examinez ce genre de document, si

4 à l'époque, vous aviez porté une attention toute particulière au fait que

5 ce soit M. Stanic lui-même qui ait signé ce document ? Est-ce qu'à

6 l'époque, en fait, vous ne portiez pas une attention toute particulière à

7 ce genre de chose.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne portais une

9 attention toute particulière à savoir qui signait -- qui avait signé le

10 document, mais toutes les demandes avaient été faites en forme de

11 formulaires. Tout laissez-passer était tapé à la machine, et il s'agissait

12 de formulaires. On ne faisait que remplir les cases du formulaire. Ensuite,

13 tous les formulaires, tous les documents étaient tamponnés par un tampon

14 original, un tampon propre à la cellule de Crise, et sous ce tampon, on

15 voyait toujours la signature de Milenko Stanic.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Loukas.

17 Mme LOUKAS : [interprétation]

18 Q. Concernant ces faits que vous énumérez au paragraphe 64 de votre

19 déclaration, vous nous avez indiqué, en réponse à une question de Mme

20 Karagiannakis, que vous croyez que M. Stanic était chargé de toutes les

21 questions civiles et militaires de Vlasenica, de toutes les sections

22 civiles et militaires, et que ceci était fondé grâce à votre observation

23 après avoir vu ce document et d'autres documents que vous aviez vus, alors

24 que vous vous dirigiez au travail, et également, c'est une conclusion que

25 vous avez pu tirer vous-même sur la base de votre propre compréhension de

Page 5262

1 la hiérarchie; est-ce exact?

2 R. Oui.

3 Q. Je souhaiterais maintenant passer au paragraphe 65 de votre

4 déclaration. De nouveau, on vous a posé certaines questions là-dessus un

5 peu plus tôt aujourd'hui. Ce que vous avez dit au paragraphe 65, dans la

6 deuxième phrase, c'est "que la cellule de Crise semblait prendre toutes les

7 décisions finales dans la ville." Est-ce exact ?

8 R. Oui.

9 Q. De nouveau, c'est quelque chose qui est propre à vous, c'est une

10 conviction propre ?

11 R. Oui. C'est une opinion, car sans l'approbation de la cellule de Crise,

12 il était impossible de quitter la ville. Sans avoir une attestation de la

13 cellule de Crise, il nous était impossible de nous déplacer. Il nous

14 fallait également avoir une attestation de la cellule de Crise pour venir

15 au travail, également. C'était la cellule de Crise qui avait proclamé le

16 couvre-feu. Il était absolument impossible de travailler à l'usine de

17 meubles sans avoir préalablement les documents nécessaires. C'est la raison

18 pour laquelle je conclus que c'était la cellule de Crise qui détenait le

19 pouvoir dans la ville.

20 Q. C'est votre propre conviction, oui ou non ?

21 R. Oui. C'est ma propre conviction, oui.

22 Q. C'est une conviction personnelle ?

23 R. Oui.

24 Q. Cette conviction est basée sur un certain nombre de choses ? D'abord,

25 vous avez vu le nom de M. Stanic sur les ordres que vous avez vus. Vous

Page 5263

1 avez parlé de cela lors de l'interrogatoire principal et du contre-

2 interrogatoire, est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous avez également dit avoir vu son nom sur un ordre concernant la 10e

5 Compagnie du mois d'août ? Cet ordre demandait à la compagnie de remettre à

6 l'armée des planches de bois ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez également vu un ordre concernant le couvre-feu, est-ce que

9 c'est exact ? C'est sur ceci que vous basez vos conclusions ?

10 R. Oui.

11 Q. De plus, vous avez également dit que vous vous fondez sur l'historique,

12 sur le plébiscite concernant les diverses régions autonomes serbes. Est-ce

13 que c'est exact ?

14 R. Oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, je vous prierais

16 d'arriver un peu plus rapidement au but.

17 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

18 Q. Enfin, vous basez vos conclusions sur ce que vous avez pu voir à la

19 télé et entendre à la radio ?

20 R. Oui, justement. Voilà.

21 Q. C'est sur ces faits-là que vous fondez votre opinion personnelle, tels

22 qu'ils sont décrits aux paragraphes 64 et 65, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Maintenant, passons au paragraphe 70 de votre déclaration. Vous avez

25 également dit dans ce paragraphe qu'il y avait un homme qui s'appelait

Page 5264

1 Kraljevic, est-ce que c'est exact ?

2 R. Je parle d'un homme dont le nom de famille est Kraljevic.

3 Q. Oui. Quel était son prénom ?

4 R. Je ne connais pas son prénom, mais je sais que sa famille était

5 Kraljevic, car sa sœur Malina, elle était à l'école avec moi, et qu'elle

6 était née dans le village de Jasenja [comme interprété], dans la

7 municipalité de Vlasenica.

8 Q. Dans ce paragraphe, vous dites que Nikolic a dit à Susica que c'était

9 lui qui faisait la pluie et le beau temps.

10 R. Oui. Il avait déclaré qu'il faisait la pluie et le beau temps pour le

11 camp de Susica. Mais, lorsque Kraljevic devait venir, et lorsque Kraljevic

12 est arrivé abord d'un véhicule qui appartenait à Mustafa Jasarevic, qui

13 était disparu, Nikolic disait : Dépêchez-vous. Nettoyez la cour, car le roi

14 arrive, le commandant arrive. Le commandant qui avait réussi à informer les

15 gens lors d'une séance de briefing qu'un échange de personnes provenant de

16 la municipalité de Vlasenica, Kalesija et Sekovici allait arriver, Nikolic

17 lui a dit : "C'est moi qui fais la pluie et le beau temps ici. C'est moi

18 qui fais la loi ici, alors que mon commandant est Kralj, et je n'écoute que

19 lui."Lorsque Veljko Basic est arrivé, il s'agissait d'un policier à la

20 retraite, il a offert à Dragan Nikolic une liste. A ce moment-là, Nikolic

21 lui a répondu que Kralj était son propre commandant. Lorsque Kraljevic est

22 arrivé dans le camp, Kraljevic a salué de façon militaire. Veljko

23 Basic, -- un subordonné salue toujours son supérieur hiérarchique selon la

24 hiérarchie militaire.

25 Q. Très bien. Vous êtes en train de nous décrire vos propres expériences

Page 5265

1 et votre compréhension des coutumes militaires. Vous dites cela, car vous

2 avez fait votre service militaire obligatoire dans les rangs de la JNA ?

3 R. Oui. Il ne s'agit pas d'une coutume, il s'agit de règles et de

4 règlements qui prévalaient dans la JNA pendant mon service militaire à moi.

5 En fait, cela a toujours été ainsi que les subordonnés saluent les

6 supérieurs hiérarchiques et que le supérieur hiérarchique peut répondre à

7 ce moment-là. Ce n'est pas lui qui initie le salut.

8 Q. Je vais passer maintenant à autre chose, M. Osmanovic. Le 22 mai,

9 lorsque vous vous êtes fait arrêter, on vous a posé des questions, n'est-ce

10 pas ?

11 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Monsieur le Président, pourrait-on

12 demander au conseil de la Défense si elle fait référence à une

13 déclaration ?

14 Mme LOUKAS : [interprétation] Non. Ce n'est pas le cas.

15 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Bien. Mes excuses.

16 Mme LOUKAS : [interprétation]

17 Q. Maintenant, M. Osmanovic, lorsque vous vous êtes fait arrêté le 22 mai

18 1992, on vous a posé des questions, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Quel genre de questions vous a-t-on posées ?

21 R. Dès que l'on m'a sorti de ma maison, car je me suis arrêté dans ma

22 maison, on voulait savoir si je savais où était Hasan Dzindo, qui était un

23 membre actif du SDA. Ensuite, le lendemain, on a commencé l'interrogatoire

24 au poste de police. Mais je n'ai pas pu répondre à la question concernant

25 ce dernier lorsqu'on me l'a posée.

Page 5266

1 Q. On vous a posé des questions, à savoir, qui a armé les Musulmans, est-

2 ce exact ?

3 R. On m'a posé des questions concernant certaines personnes appartenant au

4 parti, au SDA. Mais comme je n'étais pas membre du SDA, je n'ai pas pu

5 répondre. On m'a posé des questions concernant les armes, l'armement. On

6 m'a posé une question pour voir si je savais où était le char. Un char

7 n'est pas un jouet, qu'il peut être caché, dissimulé quelque part. Il

8 s'agit d'une arme lourde. On m'a posé des questions concernant des

9 patrouilles mixtes. On voulait savoir si ces hommes étaient armés.

10 Q. Ils vous ont également demandé qui armait les Musulmans ? Est-ce

11 exact ?

12 R. On m'a demandé si je savais si quelqu'un possédait des armes illégales

13 et on m'a également demandé une question concernant un très bon ami à moi,

14 Menso Rasmanovic, qui avait remis un fusil automatique. Il avait rendu ce

15 fusil automatique et il voulait savoir si je savais d'où il s'était procuré

16 cette arme.

17 Q. Monsieur Osmanovic, de nouveau, je n'essaie pas de semer une confusion

18 dans votre esprit. Je voudrais simplement savoir certaines choses lorsque

19 vous avez déposé dans l'affaire Nikolic. Ma page de référence est la page

20 253 du procès concernant M. Nikolic et pour la Chambre et l'Accusation,

21 j'ai donné le numéro de la page. C'est que le Juge, le Président, vous a

22 demandé : "Quelles sont les questions que l'on vous a posées ?" Vous avez

23 répondu : "Les questions qui m'ont posées, c'était à savoir qui avait armé

24 les Musulmans, qui avait préparé l'insurrection contre les Serbes, où se

25 trouvait le canon ? Est-ce que je sais ou se trouvait mon voisin Menso

Page 5267

1 Rasmanovic, et qui était les personnes qui étaient actives au sein du parti

2 musulman ?" Vous souvenez-vous de cette question qui vous a été posée par

3 le Président dans l'affaire Nikolic ?

4 R. C'était en 1995. Je crois que j'ai répondu partiellement à ces

5 questions aujourd'hui. J'ai dit que justement on m'avait posé des questions

6 concernant le canon, sur les personnes appartenantes au parti, concernant

7 également Menso Rasmanovic.

8 Q. Oui. Ils vous ont également posé des questions, à savoir qui avait armé

9 les Musulmans et qui avait préparé l'insurrection contre les Serbes, n'est-

10 ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous avez également déposé dans l'affaire Tadic, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous avez donné certains noms de gens qui se trouvaient au camp de

15 Batkovic. Est-ce qu'ils portaient des chapeaux ou des couvre-chefs

16 quelconque ?

17 R. Quand que je suis arrivé au camp de Batkovic, entre Susica et Batkovic,

18 nous étions escortés par des personnes qui, sur leur tête portaient des

19 chapeaux de camouflage ou des couvre-chefs de camouflage. Alors que, pour

20 ce qui est du camp de Batkovic, il n'avait que Vojo qui portait un couvre-

21 chef avec un insigne. Pendant que nous creusions des tranchées, il y avait

22 des hommes qui portaient des hommes de camouflage vert olive. Ils avaient

23 sur leur couvre-chef, un drapeau serbe. Il m'arrivait de rencontrer des

24 gens qui portaient des couvre-chefs avec une croix, qui portaient également

25 des aigles et qui portaient des cocardes, insignes appartenant à Draza

Page 5268

1 Mihajlovic. Il y avait un bon nombre d'insignes.

2 Q. A propos de Batkovic, les hommes qui portaient l'uniforme auxquels vous

3 avez allusion, qui se trouvaient dans le camp de Batkovic, il s'agissait

4 tous d'hommes qui ne portaient pas de couvre-chef ?

5 R. Oui, tous à l'exception de Vojo.

6 Q. Pour ce qui est maintenant de quelques documents de contexte à propos

7 de Vlasenica, Monsieur Osmanovic, saviez-vous qu'en septembre 1991, étiez-

8 vous conscient qu'il y avait des groupes paramilitaires croates et

9 musulmans, et en fait, qui avaient établi des points de contrôle sur la

10 route, et qui fouillaient les voyageurs sur la route entre Milici et la

11 mine de bauxite ?

12 R. Non.

13 Q. Vous ne le saviez pas. Qu'en est-il du mois de février

14 1992 ? Saviez-vous s'il y avait des formations paramilitaires de Croates et

15 de Musulmans qui prenaient des otages, qui détournaient des camions, et qui

16 fouillaient les gens toujours sur la route entre Milici et la mine de

17 bauxite ?

18 R. Je m'excuse, Madame. Dans le territoire de Vlasenica, il n'y avait que

19 deux Croates que je connaissais. Un était serveur et l'autre était officier

20 de police. En fait, ils avaient contracté des mariages mixtes. Leurs femmes

21 étaient Serbes. Dans la municipalité de Vlasenica, il n'y avait que des

22 Serbes et des Musulmans. Dans la municipalité de Vlasenica, il n'y avait

23 pas d'habitants croates. Je ne sais pas de quels Croates ou de quelles

24 formations composées de Croates et de Musulmans il s'agit.

25 Q. Monsieur Osmanovic, écoutez attentivement ma question, parce que ma

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1 question n'implique pas qu'il y avait des Croates, que ces Croates étaient

2 de Vlasenica. Il s'agit de Croates qui ne vivaient à Vlasenica. Tout ce que

3 je vous demande, c'est de répondre à la question que je vous ai posée.

4 R. Je n'ai jamais entendu parler de ces choses-là.

5 Q. Avez-vous des informations portant sur une date aux environs du 16 mai

6 1992, informations qui portent sur le désarmement des formations

7 paramilitaires musulmanes à Zaklopaca ?

8 R. Des formations paramilitaires à Zaklopaca, si des femmes, des enfants

9 et des hommes âgés sont des paramilitaires, je n'en sais rien. Je n'ai

10 jamais vu une femme ou un enfant porté les armes. Vous pouvez le lire dans

11 le rapport de la commission. Il y a récemment 80 corps d'hommes, de femmes,

12 d'enfants et de personnes âgées qui ont été exhumées pour l'ensemble du

13 village de Zaklopaca.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Osmanovic, j'aimerais vous

15 orienter de la façon suivante. La seule question qui vous a été posée,

16 était une question qui consistait à savoir si vous aviez des renseignements

17 sur le désarmement de formations paramilitaires musulmanes à Zaklopaca, le

18 16 mai. Si vous ne détenez pas ce genre d'informations, dites-nous tout

19 simplement que vous ne le savez pas.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous ne savez rien sur d'autres

22 groupes ou d'autres personnes qui auraient pu être désarmées le 16 mai dans

23 ce village, vous pouvez, bien entendu, dire que je n'ai jamais entendu

24 parler ou je n'ai aucune connaissance de ces formations paramilitaires. Je

25 sais cela, ensuite vous pouvez nous relater ce que vous savez. Vos réponses

Page 5270

1 transcendent en quelque sorte la portée des questions. J'aimerais vous

2 demander de cibler véritablement les questions qui vous ont été posées et

3 de vous concentrer sur ces questions.

4 Poursuivez je vous prie, Maître Loukas.

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Q. Saviez-vous si le 21 mai, ou avez-vous eu des informations suivant

7 lesquelles le 21 mai, sur la route entre Milici et Rudnik, il y a eu huit

8 civils, notamment deux femmes et un enfant qui ont été tués par des

9 Musulmans ?

10 R. Non, je n'étais pas au courant de cela.

11 Q. Pendant que vous étiez au camp de Susica, saviez-vous si des

12 combattants musulmans y ont été détenus ?

13 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait que des civils dans le camp de

16 Susica.

17 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] J'allais justement le dire. On lui a

18 demandé quelles étaient les personnes qu'il connaissait au camp de Susica.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'un des inconvénients à procéder au

20 contre-interrogatoire ou à un interrogatoire d'un témoin par le truchement

21 de la traduction, est qu'il n'est pas facile de soulever des objections

22 immédiatement. Je pense, Madame Karagiannakis, qu'une réponse identique a

23 été donnée. Maintenant, poursuivons.

24 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. Vous êtes en train de dire au Tribunal que vous ne savez pas, vous ne

Page 5271

1 saviez pas s'il y avait des combattants musulmans détenus au camp de

2 Susica; est-ce bien exact ?

3 R. Non, je ne savais pas. Je ne sais pas. Autant que je sache, il n'y

4 avait pas de combattants dans le camp de Susica.

5 Q. Avez-vous parlé à quelqu'un, à quiconque dans le camp de Susica ?

6 R. J'ai parlé aux personnes que je connaissais à qui je pouvais parler. Je

7 ne pouvais pas parler aux gens de Kalesija, parce que je ne les connaissais

8 pas. Je ne pouvais pas parler aux gens de Sekovici, parce que je ne les

9 connaissais pas non plus. Toutefois, j'ai pu parler, m'entretenir avec des

10 gens de Vlasenica.

11 Q. Saviez-vous s'il y avait des paramilitaires musulmans à Vlasenica à la

12 fin du mois de mars ou au mois d'avril ou pendant le mois d'avril 1992 ?

13 R. Non, autant je sache, il n'y avait pas de formation paramilitaire

14 musulmane à Vlasenica pendant cette période de temps. Toutefois, il y a eu

15 un poste de contrôle qui fut érigé par les villageois de Drum dans le

16 cimetière musulman de Vlasenica. Ceci étant dit, je ne sais pas s'ils

17 étaient armés ou non.

18 Q. Monsieur Osmanovic, à propos du paragraphe 16 de votre déclaration,

19 vous avez indiqué que la JNA avait laissé tout son matériel; est-ce exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Bien sur, vous n'êtes pas en mesure de savoir si dans l'ensemble de la

22 municipalité de Vlasenica, tout le matériel de la JNA avait été laissé,

23 n'est-ce pas ?

24 R. Non, je n'étais pas en mesure de le savoir. Toutefois, les blindés

25 ainsi que les véhicules de transport de troupes étaient garés près de

Page 5272

1 l'aire de jeux.

2 Q. A votre connaissance, autant que vous le sachiez, il se peut que la JNA

3 ait pris avec elle une partie importante de son matériel. Etes-vous

4 d'accord avec ce que j'avance ?

5 R. Non, je ne suis pas d'accord avec cela.

6 Q. Monsieur Osmanovic, deux de vos déclarations ont été versées

7 aujourd'hui, comme moyens de preuve. Il y a, bien entendu, une troisième

8 déclaration que vous avez donnée le 11 octobre 1995; est-ce bien exact ?

9 R. Oui.

10 Q. Je vais faire en sorte d'avoir un exemplaire de la version en B/C/S. Je

11 souhaiterais que cet exemplaire soit placé devant vous.

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Bien entendu, l'Accusation a son propre

13 exemplaire, Monsieur le Président. J'ai des copies de la version anglaise

14 destinée aux Juges de la Chambre de première instance.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

16 Puis-je poser une question à l'Accusation ? La Chambre de première instance

17 pensait avoir reçu les déclarations préalables du témoin. J'avais également

18 indiqué que la Chambre en prendrait connaissance pour pouvoir me suivre

19 l'interrogatoire et le contre-interrogatoire. Il s'agit là d'une

20 déclaration que je ne me souviens pas d'avoir reçue.

21 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez tout

22 à fait raison. C'est aujourd'hui seulement que j'ai vu ces consignes de la

23 Chambre de première instance, lors des préparatifs. Je crois comprendre que

24 ces consignes ont été données hier, et nous essaierons de le faire à

25 l'avenir. C'est quelque chose que j'ai eu pour ce témoin.

Page 5273

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous auriez pu essayer de nous la faire

2 parvenir ce matin. Poursuivons. Je comprends qu'il ne s'agit que d'un

3 problème temporaire.

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Q. Vous avez cette troisième déclaration, Monsieur Osmanovic ?

6 R. Oui.

7 Q. Justement, à propos de cette déclaration, ce qui se trouve dans cette

8 déclaration est vrai, exact, précis. Bien entendu, vous l'avez signé en

9 tant que tel ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous avez indiqué qu'il y avait trois prisonniers musulmans à Batkovic;

12 est-ce bien exact ?

13 R. Nous étions tous Musulmans. Il y avait quelques Croates. Les trois

14 afférents au passage à tabac.

15 Q. Ces Musulmans auxquels vous avez fait allusion dans votre déclaration,

16 ont participé au passage à tabac d'autres Musulmans; est-ce bien exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Je pense que l'un des prisonniers auquel vous faites référence, Fikret

19 Smajlovic portait l'uniforme.

20 R. Ils étaient deux à porter l'uniforme, Friket Smajlovic et Esad Bekric

21 qui était connu comme policier.

22 Q. Ils portaient tous les deux l'uniforme.

23 R. Oui.

24 Q. Je pense que M. Smajlovic avait également un véhicule ou pouvait

25 utiliser un véhicule, une voiture.

Page 5274

1 R. Il avait une voiture rouge de marque Jugo 45.

2 Q. Très bien.

3 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, si vous m'accordez une

4 petite minute, car je recherche un document. C'est un problème car je pense

5 que nous avons trop de documents.

6 Q. En ce qui concerne mes questions précédentes, parce que je vous parlais

7 de ces détenus musulmans qui aient passé à tabac également les Musulmans,

8 et deux de ces personnes portaient l'uniforme et avaient, je pense que vous

9 avez également fait référence à cet homme au paragraphe 60 de votre

10 déclaration. Vous avez indiqué qu'il semblait être plus violent que les

11 gardes chetniks. Est-ce bien exact ?

12 R. Oui, surtout les deux premiers; Fikret Smajlovic, que l'on appelait

13 Piklic, et Dzemal, que l'on connaissait sous le surnom de Spajzer.

14 Q. A propos de cette situation et à propos de ces détenus, conviendriez-

15 vous avec moi, Monsieur Osmanovic, qu'il semblait que la situation ait

16 plutôt été chaotique dans ce camp ?

17 R. Elle n'était pas juste chaotique, elle était plus que chaotique.

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions à poser,

19 Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Loukas.

21 Madame Karagiannakis, avez-vous d'autres questions supplémentaires ?

22 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] J'ai deux questions seulement qui

23 émanent du contre-interrogatoire.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 Nouvel interrogatoire par Mme Karagiannakis :

Page 5275

1 Q. [interprétation] Monsieur Osmanovic, lorsque vous avez été interrogé au

2 titre de l'audience relative à l'Article 61, le conseil de la Défense a

3 rappelé les questions du Président, qui concernait le moment après votre

4 arrestation du 22 mai, votre interrogatoire et les questions qui vous ont

5 été posées à propos de la résistance musulmane. Vous souvenez-vous de la

6 réponse que vous avez apportée à cette question ?

7 R. Je ne me souviens pas de la réponse que j'ai apportée à cette question.

8 Je pourrais vous dire en partie que je n'ai pas pu répondre à cette

9 question parce que je ne savais pas qui était ces personnes. Je n'étais pas

10 membre du SDA, et c'était ces personnes qui étaient accusées. Ils m'ont

11 posé des questions sur ces personnes. J'ai dit que je ne savais pas où

12 elles se trouvaient, je n'ai pas pu véritablement répondre à la question.

13 Q. Avez-vous été mis au courant d'une résistance musulmane quelconque ?

14 R. Je n'étais mis au courant d'aucun type de résistance musulmane.

15 Q. Pour ce qui est des trois Musulmans qui passaient à tabac les personnes

16 au camp de Batkovic, comment se fait-il qu'ils étaient en mesure de le

17 faire et pourquoi le faisaient-ils ?

18 R. Fikret Smajlovic, qui répondait au surnom de Piklic, il y a été amené

19 avec un groupe de personnes qui venaient de Brezovo Polje. En fait, il

20 avait été dit qu'ils empêchaient les Croates d'entrer en Bosnie. Dès qu'il

21 est arrivé, il a commencé à donner des ordres. Il leur donnait l'ordre

22 d'aller prendre le petit déjeuner, d'aller déjeuner et il leur donnait

23 l'ordre de se lever à une certaine heure. Ensuite, il les ordonnait d'aller

24 au travail. Il pouvait se déplacer tout à fait librement à l'intérieur et à

25 l'extérieur du camp. Si quelqu'un avec l'argent - ceux qui avaient l'argent

Page 5276

1 avaient des marks allemands - il ne pouvait échanger ces marks allemands

2 avec eux. Lorsqu'ils essayaient d'échanger des marks avec quelqu'un

3 d'autre, pour essayer, par exemple, d'obtenir des cigarettes, cet argent

4 leur était confisqué.

5 Dzemal était dans le camp de Susica à Vlasenica. Il était arrivé au

6 camp de Batkovic, et lorsque je suis arrivé, il s'occupait d'un groupe qui

7 travaillait dans le camp, qui, en fait, mettait une grille autour du camp.

8 Il passait à tabac ces personnes avec une matraque, et il utilisait

9 également d'autres moyens beaucoup plus primitifs; des chaises, des bâtons,

10 des gourdins, et cetera. En fait, il avait été amené avec un groupe de

11 prisonniers. Il faisait partie d'une colonne de soldats de Tuzla. Il a été

12 amené à Bijeljina. Personne ne l'a passé à tabac. Avec Spajzer, en fait, il

13 faisait partie d'un groupe qu'on appelait un groupe d'hommes spéciaux.

14 C'est le nom qui leur avait été donné.

15 Q. Est-ce que je peux vous demander si les gardes étaient conscients

16 des activités de ces individus ?

17 R. Oui.

18 Q. Que faisaient-ils ?

19 R. Rien. Ils se contentaient d'en rire.

20 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Merci.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Karagiannakis.

22 Mme LOUKAS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions qui auraient

23 émané des questions qui viennent juste d'être posées.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Juge El

25 Mahdi a des questions à poser.

Page 5277

1 Questions de la Cour :

2 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Monsieur le Président.

3 Oui, je voudrais, s'il vous plaît, vous poser deux petites questions.

4 La première concerne M. Sukanovic. Est-ce qu'à votre connaissance, il était

5 membre du parti SDS ?

6 R. Pour ce qui est de M. Sukanovic, je ne sais pas s'il faisait partie du

7 SDS. La première fois que je l'ai vu, c'est à la prison municipale de

8 Vlasenica. La deuxième fois, il a amené un groupe de prisonniers qui

9 venaient de la prison municipale du camp de Susica, et il a été reconnu par

10 Mujkanovic. Il m'a dit qu'il connaissait cet homme, qu'il travaillait dans

11 la prison centrale de Sarajevo, et qu'il travaillait comme policier

12 professionnel.

13 M. LE JUGE EL MAHDI : C'est peut-être une connaissance générale que les

14 postes clés étaient partagés entre les partis. Est-ce que le poste de chef

15 de la police était consacré au parti SDS, à votre connaissance ?

16 R. Lors de la première élection multipartite en Bosnie-Herzégovine,

17 Monsieur le Président, dans la municipalité de Vlasenica, le poste de chef

18 de la police a été attribué au SDS. Le poste de commandant de la police a

19 été attribué aux Musulmans. C'est Fadil Turkovic qui avait cette fonction,

20 alors que la prison dont venait --

21 M. LE JUGE EL MAHDI : M. Sukanovic avait quel poste exactement ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'était pas du tout à Vlasenica. La prison

23 municipale n'existait pas jusqu'au moment où le SDS a pris le pouvoir et

24 jusqu'au moment où la JNA est arrivée en ville. Elle n'était pas utilisée.

25 La prison municipale a commencé à être utilisée lorsque ces autorités sont

Page 5278

1 arrivées. Il venait de l'autre côté.

2 M. LE JUGE EL MAHDI : [Hors micro] Il a été dénommé en quelque sorte par le

3 parti SDS ?

4 R. Il a été nommé par quelqu'un.

5 M. LE JUGE EL MAHDI : Le pouvoir appartenait à qui ?

6 R. La cellule de Crise.

7 M. LE JUGE EL MAHDI : La cellule de crise appartenait à qui ?

8 R. A la municipalité serbe de Vlasenica.

9 M. LE JUGE EL MAHDI : En d'autres mots, c'était le parti SDS ? R.

10 Oui.

11 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions à vous poser

13 également.

14 Dans un premier temps, voilà quelle est ma première question, vous nous

15 avez dit que 512 prisonniers sont arrivés à Batkovic en provenance du camp

16 de Manjaca. Comment savez-vous exactement qu'il s'agissait de 512

17 personnes, et non pas d'environ 500 ou 511 ou 513 ?

18 R. Je le sais, Monsieur le Président, parce qu'il y avait deux frères qui

19 leur distribuaient de la nourriture, ils se trouvaient dans un espace

20 séparé. A chaque fois il fallait qu'ils comptent 512 repas à distribuer

21 dans le hangar numéro 2 de Batkovic. C'est comme cela que j'ai appris le

22 nombre exact des personnes qui sont arrivées de Manjaca à Batkovic.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma deuxième question porte sur la

24 cellule de Crise. Savez-vous à quelle date cette cellule de Crise a-t-elle

25 été créée ?

Page 5279

1 R. Non, je ne connais pas la date de sa création. Mais en regardant le

2 journal télévisé, en écoutant les informations à la radio, en lisant la

3 presse, nous avons été informés de la création de SAO Birac, donc la Région

4 autonome de Birac et de la municipalité serbe de Vlasenica avec son QG à

5 Milici. Je ne sais pas à quel moment la cellule de Crise a été créée. Mais

6 à partir du moment où la JNA est arrivée, que le pouvoir a été pris par les

7 membres du SDS, la cellule de Crise est restée derrière avec le QG dans la

8 mine de bauxite à Vlasenica.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne savez pas si cette cellule de

10 Crise a existé avant cela sans votre connaissance ?

11 R. Non, je ne le sais pas.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne savez pas qui l'a créée ? Avec

13 quelle autorité ?

14 R. Non. Puisque cette cellule de Crise s'appelait la cellule de Crise de

15 la municipalité "serbe" de Vlasenica, les Musulmans, c'est sûr, n'ont pas

16 été ceux qui l'ont créée.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur la base de votre connaissance, vous

18 pensez que ce sont les Serbes qui ont organisé la création de cette

19 instance, mais vous ne disposez pas d'information plus précise à ce sujet.

20 R. Oui, c'est exact.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, je n'ai pas d'autre

22 question à vous poser. Est-ce qu'il y a d'autre question à poser que les

23 parties souhaitent poser suite aux questions posées par les Juges de la

24 Chambre ?

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Nous n'avons pas

Page 5280

1 d'autre question.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Osmanovic, avec ceci se termine

3 votre déposition dans ce prétoire aujourd'hui. Je voudrais vous remercier

4 d'être venu. Vous avez fait un long voyage pour venir ici à La Haye. Je

5 vous remercie aussi d'avoir répondu aux questions des deux parties et des

6 Juges de la Chambre. Je vous remercie d'être venu témoigner ici au sujet de

7 ces événements auxquels vous avez assisté pendant la période pertinente

8 pour l'acte d'accusation. Je vous souhaite un bon voyage de retour.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, vous pouvez conduire

11 le témoin en dehors du prétoire.

12 [Le témoin se retire]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je voudrais parler de

14 quelques pièces à conviction que vous avez présentées au cours de ces

15 derniers jours. Il y a encore quelques questions que je me pose à ce sujet.

16 M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Tout d'abord, en

17 ce qui concerne la pièce, les écoutes sur lesquelles les juristes de la

18 Chambre ont attiré votre attention l'autre jour, je pense que les Juges de

19 la Chambre ont pensé à l'époque qu'il y avait un problème de formatage de

20 ce document. Nous avons vérifié avec l'original en comparant ce document

21 avec l'original en B/C/S, et ceci a été corrigé et nous avons à présent le

22 nom de la personne qui parle et qui est le nom correct.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était la case vide.

24 M. TIEGER : [interprétation] Oui, exactement. Nous avons corrigé

25 cela. Nous avons corrigé le numéro des pages qui figurent.

Page 5281

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez eu des photocopies de cette

2 transcription pour nous ?

3 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Mme Javier peut vous les distribuer.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, la question de la date du

5 premier transcript.

6 M. TIEGER : [interprétation] La question qui se pose là est de savoir s'il

7 peut y avoir une erreur de date par rapport à cette transcription d'une

8 écoute particulière. D'après cette enquête préliminaire que j'ai faite,

9 j'ai dit "préliminaire" puisque cette enquête n'a pas encore abouti. Nous

10 avons essayé de vérifier quelle était la date exacte, et il semble qu'il

11 n'y a pas de date puisque cette date ne pouvait pas être déterminée sur la

12 base des informations disponibles. Il y a toute une série de documents, de

13 transcripts, des écoutes qui correspondent à cette catégorie.

14 J'ai aussi vérifié pour fins de vérification pour voir s'il est

15 possible de fournir une date textuelle. Ceci est apparemment un document

16 qui date de 1991 ou 1992, mais nous ne pouvons pas en dire plus. Je peux

17 vous dire qu'il ne s'agit pas là d'une omission. C'est la réalité. C'est la

18 situation à laquelle nous devons faire face.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons verser au dossier

20 les photocopies du transcript en date du

21 11 décembre 1991 et nous le faisons à présent.

22 Madame la Greffière, je vous prie de bien vouloir vérifier toutes les

23 pièces à conviction qui ont été versées au dossier depuis la fin du congé

24 judiciaire. Je ne sais pas si les parties ont déjà préparé les listes assez

25 longues qui datent d'avant les congés judicaires. Nous pourrions commencer

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1 avec cela. Si vous n'êtes pas prêts, dans ce cas-là nous allons vérifier ce

2 que nous avons reçu à présent.

3 Madame Philpott, je vous laisse la parole.

4 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons commencer par le dernier

6 témoin dont nous nous souvenons le mieux.

7 Mme PHILPOTT : [interprétation] La pièce P265, les déclarations de témoin

8 en deux, M. Ibro Osmanovic, en date du 5, 7, et 10 octobre 1994. La pièce

9 P265.1, la traduction du document en B/C/S. Ensuite, P266, la déclaration

10 du témoin d'Ibro Osmanovic en date du 7 juin 2001, avec les documents

11 P266.1, la traduction en B/C/S du dit document. Ensuite P267, document

12 émanant de la cellule de Crise de Vlasenica concernant la liberté de la

13 circulation. P267.1, la traduction en langue anglaise de ces documents.

14 Ensuite P268, la photographie de Vlasenica annotée par le témoin. P269, la

15 photographie du camp de Susica annotée par le témoin.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas entendu d'objection de la

17 part de Me Loukas, je considère ces pièces comme étant versées au dossier.

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Non, Monsieur le Président, il n'y a pas

19 d'objections.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, Madame la Greffière, je vous

21 prie de bien vouloir vous référer au témoin précédent.

22 Oui, Maître Loukas.

23 Mme LOUKAS : [interprétation] je peux dire -- j'ai toujours un problème

24 avec le microphone, mais ne vous inquiétez pas, nous allons vous entendre -

25 - nous allons entendre votre voix.

Page 5283

1 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui.

2 Monsieur le Président, concernant le document que j'ai présenté aux

3 Juges de la Chambre au moment où j'ai contre-interrogé M. Osmanovic, la

4 troisième déclaration, je voudrais que cette déclaration soit aussi versée

5 au dossier.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La déclaration du témoin, Ibro

7 Osmanovic, en date du 11 octobre 1995, nous en avons reçu une copie en

8 langue anglaise pour l'instant.

9 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement. Nous disposons de trois

10 photocopies en langue anglaise. J'ai aussi envoyé une copie en B/C/S, mais

11 la qualité n'est pas suffisamment bonne, et j'essaie de travailler ces

12 documents pour voir s'il est possible de disposer de meilleures

13 photocopies.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons attribuer

15 une cote à ces documents.

16 Maître Loukas, je vois que le témoin a signé la version en langue

17 anglaise. Nous allons recevoir, n'est-ce pas, l'original plus tard ?

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit-là de la pièce D26, et D26,1.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous espérons de recevoir le

20 plus rapidement possible la pièce 26,1. S'il n'y a pas d'objections, nous

21 allons verser au dossier cela, à moins qu'il y ait une objection de la part

22 du bureau du Procureur.

23 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

25 Madame la Greffière, nous allons revenir en arrière, le témoin

Page 5284

1 précédent.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce du Procureur P260. Il s'agit

3 d'une carte couleur montrant Kljuc et ses environs. La pièce P261, la

4 photographie qui représente la vue de la maison d'Osmanovic donnant sur la

5 vue de Sefik Medanovic. Ensuite, P262, la photo qui montre les ruines de la

6 maison d'Osmanovic. La pièce P263, la photographie qui montre la vue depuis

7 la maison de Sefik Medanovic donnant sur les ruines, montrant les ruines de

8 la maison d'Osmanovic. La pièce P264, un document de l'armée de Kljuc, des

9 personnes capturées et tuées à Prhovo. La pièce P264,1, la traduction en

10 langue anglaise.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisqu'il n'y a pas d'objections, ces

12 documents ont été versés au dossier.

13 Madame la Greffière, ensuite, les documents suivants.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Witness Redzic : Le document P254

15 [comme interprété], le protocole d'accord sur le partage du territoire de

16 la municipalité de Vlasenica et la création de nouvelles municipalités

17 entre les représentants des peuples serbe et musulman, tel qu'autorisé par

18 les représentants, les partis parlementaires, et le conseil pour la

19 coopération interethnique, en date du 11 avril 1992. Ensuite, P258,1, la

20 traduction en langue anglaise de ce document. Ensuite, P259, une

21 authentification faite par le témoin Redzic de cinq écoutes téléphoniques.

22 Ensuite, P259A, un CD de conversations interceptées. P259B, les

23 transcriptions du document P259A. Ensuite, le document P259,1, une

24 traduction en langue anglaise de ce document.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

Page 5285

1 Est-ce qu'il y a des objections ? Sinon, ces documents sont versés au

2 dossier.

3 Monsieur Tieger, il va sans dire que sans date, ces documents auront moins

4 de valeur probante que le document ayant une date. Nous vous incitons

5 fortement à essayer de trouver des informations supplémentaires concernant

6 la date de ce document.

7 Nous avons parlé des transcripts. Il nous reste encore une quinzaine de

8 minutes. Il nous a été dit qu'il y a encore des résumés qui doivent être lu

9 pour le compte rendu d'audience. Nous avons demandé à ce que ceci soit fait

10 avant jeudi. Nous sommes mercredi à présent, mais si jamais, si vous les

11 avez, peut-être que nous pourrions le faire, puisqu'il nous reste un petit

12 peu de temps.

13 M. TIEGER : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Nous

14 aurions dû peut-être anticiper la possibilité de terminer plus tôt, et

15 d'utiliser ce temps pour cela, mais nous ne sommes pas prêts. Tout ce que

16 je peux proposer, c'est de voir à quelle vitesse notre assistante peut les

17 retrouver. Mais je ne suis pas sûr que nous ayons suffisamment de temps

18 pour le faire.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

20 Mme LOUKAS : [interprétation] Avant ceci, je voudrais dire --

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne suffit pas, Maître Loukas,

22 d'allumer le micro, il faut aussi parler près du micro.

23 Mme LOUKAS : [interprétation] Vous savez, en Australie, nous n'avons pas

24 besoin d'allumer et d'éteindre les micros. Je ne suis pas vraiment

25 habituée.

Page 5286

1 Il m'a été dit hier, c'est le bureau du Procureur qui nous l'a dit, qu'il

2 existe la possibilité qu'il termine plus tôt aujourd'hui, et que dans ce

3 cas-là, nous allons lire les transcripts, mais de toute façon j'accepte les

4 excuses de M. Tieger.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, si vous les acceptez, Maître

6 Loukas, comment voulez-vous que les Juges de la Chambre refuse ?

7 Effectivement, nous les acceptons, nous aussi, ces excuses.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous n'avons pas

10 d'autres points à soulever. Monsieur Tieger, est-ce que vous avez un témoin

11 pour demain au moins ? Est-ce que je peux vous posez cette question-là ?

12 M. TIEGER : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons commencer nos

14 travaux demain, demain matin à 9 heures. A présent, nous levons la séance

15 jusqu'à demain matin, dans ce même prétoire, Madame la Greffière, à 9

16 heures du matin.

17 --- L'audience est levée à 18 heures 47 et reprendra le jeudi

18 2 septembre 2004, à 9 heures 00.

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